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Abords veineux percutanés chez l’adulte


S. Boudaoud, P. Alhomme

Les abords veineux se divisent en deux grands groupes : les « abords veineux superficiels » où la veine
ponctionnée, sus-aponévrotique, est vue et palpée, et les « abords veineux profonds », concernant les
veines de gros calibre, sous-aponévrotiques, invisibles, mais dont les dimensions, la situation et les
rapports sont à peu près constants d’un individu à l’autre. On emploie les termes d’« abord
périphérique » lorsque l’extrémité du cathéter est dans une veine périphérique, de petit diamètre et à
faible débit sanguin, et d’« abord central » lorsque cette extrémité est dans une veine endothoracique,
généralement la veine cave supérieure. Depuis une trentaine d’années, les techniques de cathétérisme
veineux central se sont développées, initialement au bloc opératoire, dans les secteurs de réanimation et
de soins intensifs, puis dans les unités de nutrition parentérale, d’oncohématologie et d’infectiologie. Elles
sont utilisées le plus souvent dès la mise en route du traitement, la causticité des substances perfusées
induisant une altération précoce et irréversible du capital veineux des patients lorsqu’elles sont
administrées par voie périphérique. L’utilisation extensive des abords veineux, tant périphériques que
centraux, est responsable de la survenue de nombreuses complications. La gravité de certaines d’entre
elles implique que les modalités, les indications et les contre-indications des différentes techniques soient
parfaitement connues des praticiens. Sont donc envisagés successivement : le matériel d’abord veineux ;
les techniques des abords veineux ; leurs complications ; leurs indications et contre-indications.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Abord veineux superficiel ; Abord veineux profond ; Abord central ; Cathéter ; Infection

Plan (conicité identique, mais verrouillage de sécurité interdisant à


l’ensemble de se désolidariser). Ces matériels sont fabriqués en
différents diamètres, ce qui permet l’adéquation entre le type de
¶ Matériel 1
liquide de perfusion utilisé et le calibre de la veine choisie par
Matériel d’abord veineux 1
l’opérateur.
Matériel de perfusion 3
¶ Techniques 4
Abords veineux superficiels 4 Matériel d’abord veineux
Abords veineux profonds 5
Matériel métallique (Fig. 1)
¶ Complications 8
Complications mécaniques 8 Aiguilles classiques
Complications thrombotiques 10 Constituées d’un fût métallique et d’un cône de raccorde-
Complications infectieuses 11 ment métallique ou plastique, leur prise en main est difficile :
¶ Indications et contre-indications 12 la ponction ne peut s’effectuer commodément que si elles sont
Abords veineux superficiels périphériques 12 préalablement montées à l’extrémité d’une seringue, d’un
Abords veineux centraux profonds 13 système de prélèvement ou d’une tubulure de perfusion.
Cas particuliers 13 Délaissées dans cette dernière indication au profit des aiguilles
Dans la pratique 13 épicrâniennes et des cathéters courts, elles sont pratiquement
¶ Conclusion 14 réservées à l’injection intraveineuse simple (ou aux
prélèvements).
Aiguilles épicrâniennes
■ Matériel Conçues à l’origine pour la perfusion dans les veines du scalp
du nourrisson et du nouveau-né, elles sont parfois utilisées chez
Il est représenté par deux grandes catégories : le matériel l’adulte. Elles sont constituées d’une aiguille courte (de 2 à
métallique et le matériel plastique. Leur système de raccorde- 3 cm), à paroi mince, à biseau court, les diamètres usuels (chez
ment aux dispositifs d’injection (seringues, tubulures de l’adulte) allant de 0,8 à 1,6 mm ; l’aiguille est montée sur une
perfusion) est constitué par deux structures tronconiques, mâle embase plastique munie d’une ou deux ailettes qui facilitent la
pour les seringues et tubulures, femelle pour le matériel d’abord prise en main et permettent une fixation solide sur la peau.
veineux ; il est normalisé Luer (conicité 6 %) ou Luer-Lock L’ensemble se continue par un tuyau souple de 10 à 30 cm

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Figure 1. Matériel métallique.


A. Aiguille classique. 1. Embase en polypropylène ; 2. triple biseau ; 3. tube hypodermique siliconé ; 4. identification des diamètres par code couleur.
B. Aiguille épicrânienne. 1. Aiguille à parois minces et à biseau court ; 2. ailette permettant une prise plus sûre lors de l’insertion de l’aiguille ; 3. tubulure
spéciale pouvant se couder sans interrompre le flux du liquide ; 4. adaptateur Luer avec verrouillage.
C. Pose d’une aiguille épicrânienne.

Figure 2. Pose d’une canule à aiguille interne.


A. Pénétration dans la veine.
B. Retrait de l’aiguille.
C. Canule en place.

terminé par un raccord Luer, le tuyau rendant l’aiguille indé- d’introduction. Les longueurs courantes vont de 20 à 50 cm et
pendante des mouvements de la tubulure de perfusion. Pour la les diamètres (chez l’adulte) de 1,5 à 2 mm. Leur embout
ponction veineuse, les ailettes sont repliées l’une contre l’autre, proximal est de type Luer-Lock.
et tenues entre le pouce et l’index. Le moyen d’introduction le plus ancien est une aiguille
métallique externe, de diamètre supérieur à celui du cathéter. La
Matériel plastique veine est ponctionnée avec cette aiguille au travers de laquelle
La plupart des matériels actuellement utilisés sont recouverts le cathéter est ensuite introduit sans le sortir de sa gaine de
de silicone afin d’améliorer leur tolérance, la non-mouillabilité protection, jusqu’à ce que son extrémité soit présumée en
de ce dernier diminuant les phénomènes de thrombose locale. bonne position ; l’aiguille est ensuite retirée. Le premier
Les substances utilisées sont le Téflon ® , le silicone et le inconvénient des aiguilles externes est leur diamètre qui aggrave
polyuréthanne. les conséquences d’éventuelles blessures des organes de voisi-
nage. Le second est le risque, important, de sectionner le
Cathéters courts (ou canules) (Fig. 2) cathéter sur le biseau au cours des manœuvres d’introduction,
Ils sont présentés montés sur une aiguille-guide interne, ce risque persistant par ailleurs « sous le pansement », si
destinée à permettre le franchissement de la peau et de la paroi l’aiguille n’est pas démontable, même en présence d’un dispo-
veineuse grâce à son biseau. À l’autre extrémité de l’aiguille, une sitif (plaquette ou clip) destiné à neutraliser son biseau. Cette
chambre transparente permet de visualiser le reflux sanguin. La technique, particulièrement dangereuse, a donc été, à juste titre,
longueur habituelle des canules est de 4 à 8 cm et les diamètres progressivement abandonnée.
proposés vont de 0,7 à 2 mm. Elles peuvent comporter divers Un autre système d’introduction, plus récent, utilise une
accessoires : ailettes de fixation, embouts obturateurs adaptables, canule plastique de gros diamètre munie de son aiguille-guide :
sites pour injection extemporanée avec valve anti-retour, etc. une fois la veine ponctionnée, l’aiguille-guide est retirée, le
Une catégorie à part est constituée par les canules munies cathéter est glissé à travers la canule qui est à son tour retirée
d’un dispositif antipiqûre accidentelle (Protectiv®). Une fois la de la veine. Le risque de section du cathéter sur l’aiguille
ponction veineuse réalisée, la canule est introduite dans la n’existe plus, mais les manœuvres de recherche de la veine
veine. Ce mouvement provoque le retrait de l’aiguille qui restent dangereuses compte tenu du diamètre de l’ensemble
s’insère et s’enclique dans un étui rigide, réalisant un ensemble canule/aiguille-guide.
non démontable protégeant l’opérateur (et le personnel) du C’est la raison du succès de la technique décrite par Seldin-
risque de blessure par le biseau de l’aiguille après la pose de ger [1] : la veine est ponctionnée avec une aiguille de faible
cette dernière. calibre qui permet d’introduire un guide métallique souple,
droit ou préformé en « J ». Après ablation de l’aiguille, le guide
Cathéters longs
sert de tuteur à l’introduction d’une canule par l’intermédiaire
Fabriqués le plus souvent en polyuréthanne ou en silicone, de laquelle (après ablation du guide), le cathéter est mis en
habituellement rendus radio-opaques, ils sont présentés sous place. Cette technique présente donc l’avantage de faire réaliser
forme de nécessaires stériles, comprenant parfois leur système la ponction avec une aiguille plus fine que dans les techniques

2 Médecine d’urgence
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Figure 3. Méthode de Seldinger utilisant un dilatateur de veine (Désilet®).


A. Ponction veineuse, utilisation du guide souple.
B. Ablation de l’aiguille.
C. Introduction de la canule dilatatrice et de la gaine externe.
D. Ablation du guide souple.
E. Ablation de la canule dilatatrice.
F. Introduction du cathéter.
G. Ablation de la gaine externe.

classiques, ce qui réduit les conséquences d’une éventuelle Cathéter multilumières (deux ou trois lumières)
ponction d’un organe de voisinage et diminue les risques de Les cathéters multilumières, réalisés le plus souvent en
fuite autour du cathéter. polyuréthanne, sont plutôt destinés aux patients de réanima-
Une variante (Fig. 3), initialement employée pour l’introduc- tion ; ils permettent l’administration simultanée de divers
tion des cathéters de gros calibre destinés aux mesures hémo- médicaments et solutés.
dynamiques (sondes de Swan-Ganz), combine les deux Le cathéter à site d’injection implantable ou « cathéter à
techniques précédentes, et est aujourd’hui la plus répandue : le chambre » (Fig. 4) est un cathéter en silicone dont l’extrémité
guide métallique souple, une fois en position intraveineuse, sert proximale est raccordée à un boîtier de petit volume (Port-a-
de tuteur à un dilatateur de veine (Désilet ® ). Celui-ci est cath®, Celsite®, Sitimplant®, etc.) implanté chirurgicalement
constitué de deux parties : une canule fine interne dilatatrice, dans les tissus sous-cutanés du patient. Cette « chambre »
relativement effilée, qui pénètre facilement dans la veine sur le (réservoir) est munie d’une membrane de silicone de 4 à 5 mm
guide, et une gaine externe de gros diamètre. Le passage cutané d’épaisseur destinée à permettre injections, perfusions et
de cette dernière n’est possible qu’au prix d’une petite incision prélèvements sanguins, évitant ainsi au patient de multiples
réalisée au moyen d’un bistouri à pointe fine. Une fois la gaine ponctions périphériques. Outre la fixation et la protection
externe introduite dans la veine, la canule dilatatrice est retirée ; parfaites du cathéter, le principal avantage de ce matériel est
la gaine est prête à recevoir le cathéter auquel elle est destinée. l’absence de continuité entre le milieu extérieur et la circulation
Certains matériels (Cordis®) permettent, par l’intermédiaire du patient, ce qui limite les risques infectieux et supprime le
d’un raccord supplémentaire intégré latéralement au Désilet®, risque d’embolie gazeuse.
l’administration simultanée d’une perfusion pendant l’utilisa- Le cathéter à chambre est utilisé en oncohématologie (chi-
tion de la sonde de Swan-Ganz ; à l’ablation de celle-ci, il est miothérapies itératives et prolongées), en nutrition parentérale
possible d’utiliser la gaine externe comme voie veineuse prolongée ou chez les patients atteints de syndrome de l’immu-
provisoire ou d’introduire un cathéter standard qui est, si nodéficience acquise (sida) pour l’administration de médica-
nécessaire, utilisé de façon durable. ments antiviraux.
Les cathéters en silicone ont une telle souplesse que leur
introduction dans la veine nécessite l’emploi d’un guide semi- Matériel de perfusion
rigide, métallique ou plastique. Leur grande fragilité (au moins
dans les diamètres usuels) les rend assez vulnérables aux Il a un peu évolué au cours de ces dernières années et
sections accidentelles. En dépit de ces inconvénients, leur certaines tendances s’affirment :
excellente tolérance physicochimique et clinique fait qu’ils sont • les flacons de verre sont progressivement abandonnés ;
très largement utilisés. • les tubulures à perfusion s’améliorent : leur site d’injection en
latex est volontiers remplacé par un robinet à trois voies, la
Différents types de cathéters longs prise d’air (débrayable) est filtrée et incorporée à la chambre
de goutte-à-goutte, elle-même pourvue d’un filtre antipyrogè-
Cathéter veineux central standard dit « à émergence nes de 10 à 20 µm ; l’extrémité de la tubulure est munie d’un
cutanée » raccord Luer-Lock ;
Il s’agit d’un cathéter en élastomère de silicone ou en • les appareils (pompes volumétriques, seringues autopulsées,
polyuréthanne, monolumière, qui peut être tunnellisé et qui est alarmes) et les accessoires (régulateurs de débit, filtres
pourvu d’un raccord externe, fixe ou amovible selon les antiagrégats, rampes à perfusion) ont eux aussi progressé et
modèles, qu’il convient de fixer solidement à la peau. sont de plus en plus employés.

Médecine d’urgence 3
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interne de l’avant-bras pour se réunir au niveau de l’épitro-


chlée à la veine médiane basilique, en formant avec elle la
veine basilique du bras ;
• la veine radiale accessoire naît à la face postérieure de l’avant-
bras, contournant son bord externe au pli du coude, pour se
réunir à la veine médiane céphalique en formant la veine
céphalique du bras.
Veines superficielles du bras
Ce sont :
• la veine basilique, qui chemine le long du bord interne du
biceps pour traverser l’aponévrose vers le milieu du bras et se
jeter dans la veine humérale interne ;
• la veine céphalique, qui longe le bord externe du bras pour
plonger en profondeur dans le sillon deltopectoral et débou-
cher dans la veine axillaire en formant la crosse de la
céphalique.
Veines superficielles du membre inférieur
Ce sont :
• la veine saphène interne, née de l’arcade dorsale superficielle,
qui passe en avant de la malléole interne, monte sur la face
interne de la jambe, passe en arrière du condyle fémoral et
décrit sur la cuisse un trajet oblique en haut et en dehors
Figure 4. Cathéter à chambre. pour se jeter dans la veine fémorale quelques centimètres en
A. Vue en coupe du site d’injection. 1. Septum (silicone) ; 2. boîtier (titane dessous de l’arcade crurale (crosse de la saphène) ;
ou silicone) ; 3. sortie du cathéter. • la veine saphène externe, née de l’extrémité externe de
B. Après insertion. l’arcade, passe en arrière de la malléole externe et chemine à
la face postérieure de la jambe ; elle disparaît en profondeur
à la partie moyenne de la jambe et est peu utilisable en
■ Techniques pratique.
Veines superficielles du cou
Abords veineux superficiels La veine jugulaire externe naît dans l’épaisseur de la paro-
tide : elle devient superficielle en arrière de l’angle de la
Rappel anatomique (Fig. 5) mâchoire, puis se dirige obliquement en bas et en arrière,
Veines superficielles du membre supérieur croisant le muscle sterno-cléido-mastoïdien, pour rentrer en
profondeur dans le creux sus-claviculaire et s’aboucher à la face
L’arcade veineuse dorsale de la main, née des veines digitales, supérieure de la veine sous-clavière.
donne naissance aux trois principales veines superficielles de
l’avant-bras :
Généralités sur les différentes techniques
• la veine radiale superficielle naît au bord externe de l’avant-
bras, en regard de la tabatière anatomique, et monte oblique- Le premier temps de la ponction consiste à faire apparaître les
ment en haut et en dedans, pour se terminer au milieu du pli veines superficielles grâce au garrot. Pour que la ponction soit
du coude en se divisant en deux branches, l’une interne, la aisée, la veine doit être vue et surtout palpée. Sa perception peut
médiane basilique, l’autre externe, la médiane céphalique ; être facilitée par le massage et/ou le tapotement de la zone
• la veine cubitale superficielle naît de l’extrémité interne de traversée, la mise du membre en position déclive, le réchauffe-
l’arcade dorsale de la main et chemine le long du bord ment et la mise en confiance du patient.

Figure 5. Rappel anatomique des principales veines superficielles.


A. 1. Veine cubitale superficielle ; 2. veine radiale superficielle.
B. 1. Parotide ; 2. glande sous-maxillaire ; 3. jugulaire oblique antérieure ; 4. muscle sterno-cléido-mastoïdien ; 5. muscle peaucier du cou ; 6. muscle trapèze ;
7. veine jugulaire externe ; 8. veine auriculaire postérieure.
C. 1. Veine saphène interne.

4 Médecine d’urgence
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Une fois la veine repérée, on désinfecte largement et longue- Après avoir vérifié la date de péremption et la qualité de
ment (2 à 3 minutes) la peau avec un antiseptique (Hibitane® l’emballage des matériels utilisés, l’opérateur, muni d’un calot et
ou Bétadine®) et, du pouce de la main libre, on tend légèrement d’une bavette, se lave soigneusement les mains et revêt une
la peau au-dessous du point de ponction. L’aiguille, inclinée de casaque chirurgicale stérile ; en cas d’extrême urgence, il peut se
20° à 30° par rapport au plan cutané, perfore la peau et la paroi limiter à enfiler une paire de gants stériles (le cathéter introduit
veineuse, puis est redirigée tangentiellement à l’axe de la veine dans ces circonstances doit être retiré le plus vite possible et
afin de la cathétériser. Généralement, la pénétration endovei- remplacé par un autre posé dans des conditions de propreté
neuse donne une sensation de ressaut, suivi d’un reflux de sang adéquates, si un abord veineux central prolongé est jugé
dans l’embout de l’aiguille (ou de la canule) ; celle-ci est alors nécessaire). La peau de la zone de ponction, éventuellement
introduite complètement en suivant la lumière veineuse. On rasée, est nettoyée puis badigeonnée largement et longuement
desserre le garrot et on raccorde la tubulure de perfusion, en (de 2 à 3 minutes) avec une solution antiseptique (Hibitane®ou
vérifiant le bon écoulement du liquide, l’absence d’extravasation Bétadine®). La zone ainsi définie est limitée par des champs
locale et, si la veine est d’un diamètre suffisant, l’existence d’un stériles.
reflux sanguin dans la tubulure en abaissant le flacon de Sauf contre-indication, il est conseillé de réaliser une anes-
perfusion au-dessous du plan du lit. thésie locale par infiltration avec quelques millilitres de
Pour la ponction de la veine jugulaire externe, la tête est Xylocaïne® à 1 % ; cette manœuvre, effectuée à l’aide d’une
tournée du côté opposé à la ponction. Pour rendre la veine aiguille fine, est parfois mise à profit par certains opérateurs
turgescente, plusieurs méthodes peuvent être utilisées : mettre le pour repérer la veine.
patient en position tête déclive, lui demander de pratiquer une La pression régnant dans les veines profondes étant faible,
manœuvre de Valsalva, comprimer le pied de la jugulaire par un voire négative, il est recommandé d’installer le patient dans une
doigt placé dans le creux sus-claviculaire. En dépit de ces position qui positive cette pression : déclive modérée pour le
manœuvres, la veine n’est pas toujours franchement turges- territoire cave supérieur ; proclive modérée pour le territoire
cente ; il est donc recommandé de monter la canule sur une cave inférieur. Par ailleurs, la ponction doit se faire à l’aide
seringue et d’effectuer la ponction le « vide à la main » pour d’une aiguille montée sur une seringue, « le vide à la main ».
mieux visualiser le reflux sanguin. La saillie du maxillaire Dans ces conditions, la pénétration de l’aiguille dans le tronc
inférieur gêne parfois la ponction, et il est alors nécessaire de veineux, parfois ressentie comme un léger ressaut élastique, est
couder l’aiguille ou la canule. identifiée par un reflux franc et massif de sang foncé. Une
La mise en place d’un cathéter central à partir des veines du ponction blanche invite à retirer le trocart jusqu’au plan cutané
pli du coude ou de la veine jugulaire externe est souvent avant une nouvelle tentative, un changement de direction
difficile pour des raisons anatomiques (présence de valvules, quand le biseau se trouve dans les plans profonds risquant de
abouchement de ces veines dans les vaisseaux profonds à angle dilacérer les tissus. Le retrait de l’aiguille doit se faire lentement,
droit). La pénétration en force est contre-indiquée en raison du le reflux de sang pouvant se produire au cours de cette manœu-
risque de perforation vasculaire. La longueur du cathéter à vre. Une fois en place, l’opérateur désolidarise la seringue de
introduire est d’environ 40 à 50 cm à partir du pli du coude. l’aiguille en s’appliquant à ne pas mobiliser cette dernière. Après
avoir demandé au malade de se mettre en apnée, ou mieux de
Fixation, protection, surveillance réaliser une manœuvre de Valsalva, le guide métallique spiralé
La fixation d’un abord veineux doit être soigneuse afin de Seldinger est introduit dans l’aiguille qui est alors retirée.
d’éviter un arrachement accidentel. On emploie habituellement
du sparadrap ou un adhésif transparent, les fils transcutanés Abord veineux sous-clavier
étant réservés le plus souvent à la fixation des cathéters. Une Rappel anatomique
précaution utile consiste, après lui avoir fait décrire une demi-
boucle, à fixer soigneusement et solidement la tubulure de La veine sous-clavière naît de la veine axillaire au bord
perfusion à distance de l’abord veineux dont la fixation est ainsi externe de la première côte et se termine derrière l’articulation
protégée. sternoclaviculaire, en s’unissant à la veine jugulaire interne pour
Le pansement doit protéger parfaitement le point de pénétra- former le tronc veineux brachiocéphalique ou innominé. Sa
tion cutanée, afin d’éviter la contamination bactérienne. longueur est de 30 à 70 mm et son calibre de 15 à 25 mm. Elle
La surveillance est primordiale : elle doit s’exercer par un se dirige transversalement, presque horizontalement de dehors
examen quotidien de la courbe thermique et de l’état local à la en dedans, en passant par-dessus la première côte, et en avant
recherche d’œdème, de signes d’inflammation, de douleur du dôme pleural, restant toujours au-dessous et en avant de
spontanée ou provoquée, ou de lymphangite du membre. Tout l’artère sous-clavière. Elle reçoit, au niveau du confluent jugulo-
signe anormal doit faire procéder au retrait du matériel et au sous-clavier, les vaisseaux lymphatiques, le canal thoracique à
changement du lieu de perfusion. gauche (diamètre de 4 à 10 mm), la grande veine lymphatique
à droite (diamètre de 1 à 10 mm). Du fait de ses adhérences à
la gaine du muscle sous-clavier, aux expansions de l’aponévrose
Abords veineux profonds cervicale moyenne et aux tractus fibreux de voisinage, la veine
sous-clavière reste toujours béante, quel que soit l’état hémody-
Généralités namique du patient.
Les veines accessibles sont au nombre de quatre : la veine
Techniques
sous-clavière, la veine jugulaire interne, la veine fémorale et la
veine axillaire. Un certain nombre de considérations leur sont De nombreuses techniques ont été décrites. Elles ont en
communes. commun la nécessité d’une installation rigoureuse, identique
La ponction est effectuée à l’aveugle à travers la peau et le d’un malade à l’autre, et donc capable de produire des repères
tissu sous-cutané, et ne peut exclure complètement le risque de anatomiques comparables. Le malade est étendu en décubitus
blessures d’organes de voisinage. dorsal strict, les bras le long du corps, la tête tournée du côté
Les veines profondes ne peuvent être perfusées durablement opposé à la ponction, une position légèrement déclive permet-
que par l’intermédiaire d’un cathéter. La longueur à introduire tant de « positiver » la pression régnant dans le système veineux
pour atteindre une position centrale dépend de la veine cave supérieur.
ponctionnée (environ 10 à 15 cm pour la sous-clavière, la Voies sous-claviculaires.
jugulaire interne et la veine axillaire ; environ 40 à 50 cm pour Voie interne ou voie d’Aubaniac (Fig. 6). Elle a été la première
la veine fémorale). décrite en 1952 [2]. Elle a donné lieu à de multiples variantes,
La mise en place du cathéter doit être réalisée dans des qui visent à en augmenter la sécurité et la fiabilité, mais qui lui
conditions d’asepsie rigoureuse, sous anesthésie locale, chez un sont restées très proches. Après avoir éventuellement mis en
patient immobile. Un bilan préalable récent (radiopulmonaire, place sous l’épaule un coussin permettant d’ouvrir l’angle
coagulation) est recommandé. costoclaviculaire, l’opérateur se place sur le côté du malade.

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Figure 6. Ponction de la veine sous-clavière. a. Voie d’Aubaniac [2] ; b.


voie de Yoffa [3].

Figure 7. Ponction de la veine jugulaire interne : voie de Daily [6].

L’index de sa main libre posé dans la fourchette sternale lui


permet d’apprécier la direction et la profondeur de l’articulation
sternoclaviculaire. Le point de ponction se trouve à 1 cm sous muscle forme, avec la clavicule, le triangle de Sédillot. La veine
le bord inférieur de la clavicule, à la jonction du tiers moyen et jugulaire interne se projette en arrière de ce triangle, partant de
du tiers interne de celle-ci. L’aiguille est dirigée en dedans, son sommet et se dirigeant en bas et légèrement en dedans. Sa
légèrement en haut et en arrière en visant la face postérieure de longueur est de 120 à 150 mm ; son diamètre varie de 10 à
la fourchette sternale, le but étant de « raser la face postérieure 13 mm de son origine à sa terminaison, la jugulaire droite étant
de l’extrémité interne de la clavicule ». Elle entre dans la veine plus grosse que la gauche. Ne bénéficiant pas, comme la veine
à une distance de 20 à 50 mm de l’orifice d’entrée cutané.
sous-clavière, de liaisons avec des structures aponévrotiques ou
Voie externe ou voie de Testart [4]. Le point de ponction est situé
fibreuses qui garantiraient sa réplétion permanente, elle se
dans l’espace deltopectoral, entre le muscle grand pectoral et le
collabe donc aisément en cas d’hypovolémie.
deltoïde. L’aiguille est dirigée à 1 cm en arrière de l’articulation
sternoclaviculaire, ce qui réalise un trajet frontal et permet de Techniques
cathétériser la veine dans son axe.
Voie médiane ou voie de Wilson [5]. La ponction s’effectue à La prévention des complications passe par une installation
l’union de la moitié interne et de la moitié externe de la rigoureuse : décubitus dorsal strict, les bras le long du corps. La
clavicule, à un travers de doigt au-dessous de son bord inférieur. position déclive, plus franche que dans le cas de la sous-
L’aiguille est orientée en dedans et en haut, parallèle au plan clavière (de 20 à 30°), ne représente pas seulement une sécurité
frontal, soit vers la base du triangle de Sédillot, soit vers la face contre le risque d’embolie gazeuse, mais surtout un impératif
postérieure de l’extrémité interne de la clavicule. pour obtenir un vaisseau en réplétion. Un coussin peut être
Voies sus-claviculaires. Elles ont plusieurs variantes, mais glissé sous les deux épaules, ce qui est particulièrement indiqué
seule la voie de Yoffa [3] sera décrite (Fig. 6). Le patient est chez les patients obèses, musclés, au cou court, et chez les
installé à plat, sans coussin. La tête reste droite, les bras le long enfants. La plupart des auteurs préconisent de choisir préféren-
du corps, et l’opérateur se place derrière la tête du malade. Le tiellement la jugulaire interne droite dont l’axe se confond avec
repère est l’angle clavi-sterno-mastoïdien, décrit par l’auteur celui de la veine cave supérieure, ce qui facilite la descente du
comme le point de rencontre entre le bord externe du sterno- cathéter et évite le risque de « fausse route ».
cléido-mastoïdien avec le bord supérieur de la clavicule. S’il Selon la localisation du point de ponction par rapport au
n’est pas vu, il peut être facilement perçu chez tout patient, muscle sterno-cléido-mastoïdien, on peut distinguer les voies
quel que soit son morphotype, en lui demandant de lever la postérieures, les voies axiales ou médianes, et les voies antérieu-
tête. L’aiguille introduite à ce point exact est dirigée caudale- res. Parmi toutes ces voies, on ne retiendra que la voie axiale de
ment à 45° du plan sagittal et à 15° en avant du plan frontal.
Daily [7] . La tête du patient restant en position normale,
Elle atteint la veine après avoir traversé l’aponévrose cervicale
l’opérateur se place derrière elle, le point de ponction est repéré
profonde, à une distance de 5 à 40 mm. Le biseau est orienté
au centre du triangle de Sédillot, préalablement dessiné au
vers l’avant, afin d’éviter la fausse route du cathéter dans la
veine jugulaire homolatérale. crayon dermographique. L’aiguille est enfoncée en direction
caudale, parallèlement au plan sagittal, faisant un angle
Abord veineux jugulaire interne (Fig. 7) d’environ 30° avec le plan frontal ; la veine est abordée à
profondeur de 15 à 25 mm. Un échec invite à diriger l’aiguille
Rappel anatomique légèrement en dehors de 5 à 10°.
La veine jugulaire interne sort du crâne par le trou déchiré
postérieur, en arrière de la carotide interne. Elle descend presque Abord veineux axillaire
verticalement, vient se placer sur la face antéroexterne de la
carotide primitive et se termine à l’orifice supérieur du thorax, La veine axillaire, dont le calibre varie de 13 à 16 mm, peut
en arrière de l’articulation sternoclaviculaire. Elle s’unit alors à être abordée soit par voie axillaire [8], réputée facile (de 90 à
la veine sous-clavière pour donner naissance au tronc veineux 95 % de succès), soit par voie sous-coraco-claviculaire [9] .
innominé. Au cours de son trajet, elle est recouverte en avant L’abord de la veine axillaire est proposé comme une alternative
par le muscle sterno-cléido-mastoïdien et son aponévrose ; la aux abords veineux jugulaire interne et sous-clavier. Cette
séparation entre les deux chefs (sternal et claviculaire) de ce technique reste cependant peu répandue.

6 Médecine d’urgence
Abords veineux percutanés chez l’adulte ¶ 25-010-D-10

contraste hydrosoluble pendant la prise du cliché. Pour limiter


les risques de thrombose, tout cathéter dont l’extrémité n’est
pas en situation « centrale », c’est-à-dire à la jonction de la
veine cave supérieure et de l’oreillette droite, doit être reposi-
tionné. Pour les mêmes raisons, un cathéter veineux central ne
doit pas être laissé à contre-courant, en boucle ou en « fausse
route ».
Fixation
Le cathéter une fois posé doit être immobilisé de façon
soigneuse. Une solution prudente consiste à le suturer à la peau
par un point au niveau de l’embout Luer, et par un autre au
niveau de sa pénétration cutanée. Le verrouillage de la tubulure
sur le cathéter doit être effectué au moyen d’un système Luer-
Lock, et la tubulure elle-même doit être fixée solidement à la
peau par plusieurs morceaux de sparadrap. Cet ensemble de
précautions est destiné à limiter la mobilité du cathéter et à en
éviter le retrait accidentel, que ce soit au cours des manipula-
tions de la ligne de la perfusion ou à l’occasion des mouve-
ments du malade.
Protection
Le pansement doit protéger efficacement et permettre la
surveillance de l’état local. Réalisé au mieux par un pansement
Figure 8. Veine fémorale au triangle de Scarpa. 1. Épine pubienne ; 2. prêt à l’emploi, autocollant, sec et stérile, il est refait « à la
crosse de la saphène ; 3. triangle de Scarpa ; 4. nerf crural ; 5. arcade demande », en moyenne deux fois par semaine. Il est conseillé
crurale ; 6. épine iliaque antérosupérieure ; 7. artère fémorale ; 8. veine d’éviter les films transparents semi-perméables qui augmente-
fémorale ; P : point de ponction.
raient la fréquence des infections locales, ainsi que l’application
d’une pommade antibiotique qui favoriserait la sélection de
Abord veineux fémoral (Fig. 8) germes résistants.
L’impératif de durée et/ou le choix de certains accès vasculai-
Rappel anatomique res (veines jugulaires internes ou fémorales) nécessitent une
La veine fémorale est habituellement ponctionnée dans le tunnellisation du cathéter pour éloigner l’émergence cutanée de
triangle de Scarpa, au-dessous de l’arcade crurale, tendue entre zones infectées (radionécroses de sein, trachéotomie) ou de
l’épine iliaque antérosupérieure et l’épine du pubis. À cet régions où sa présence est inconfortable pour le patient (cou).
endroit, la veine chemine sous l’aponévrose, au contact en La tunnellisation des cathéters est une technique aujourd’hui
dedans, et parfois légèrement en arrière, de l’artère. Elle pénètre extrêmement répandue, mais son intérêt dans la prévention des
dans l’abdomen en passant sous l’arcade pour donner naissance complications infectieuses du cathétérisme veineux n’est pas
à la veine iliaque. certain. La principale source de contamination d’un cathéter est
la colonisation interne du premier raccord à l’occasion de ses
Technique
manipulations.
Initialement décrite par Duffy [10] en 1949, elle est simple. Le
patient est installé en décubitus dorsal et en position proclive Surveillance
modérée, le membre inférieur choisi en abduction et rotation La préparation des flacons de perfusion, leur raccordement
externe ; chez les grands obèses, un aide peut être nécessaire sur les tubulures, le branchement de ces dernières sur le
afin de repousser vers le haut la paroi abdominale ptosée. Le cathéter, doivent s’effectuer dans des conditions d’asepsie
repère principal est l’artère fémorale dont les battements sont draconiennes. Le nombre élevé des manipulations quotidiennes
perçus par les doigts de la main libre de l’opérateur. La ponction et la gravité du risque infectieux qu’elles comportent justifient
se fait juste en dedans de l’artère (à 10-15 mm de l’axe de celle- l’utilisation de certains matériels, accessoires ou procédures
ci), habituellement à 20 mm au-dessous de l’arcade crurale, (robinets et rampes de robinets à trois voies, filtres antibacté-
l’aiguille faisant avec la peau un angle d’environ 30° et orientée riens, hottes à flux laminaires, etc). Ces perfectionnements
dans l’axe du membre. La veine est abordée à une profondeur techniques ne doivent pas pour autant faire négliger le respect
de 5 à 30 mm suivant l’adiposité du patient. Cette voie peut
des règles élémentaires de propreté (lavage des mains).
rendre de grands services dans les situations d’urgence. Sa durée
La vérification de la perméabilité du cathéter (perfusion
d’utilisation doit rester courte en raison des risques thrombogè-
rapide et reflux sanguin aisé) doit être pluriquotidienne. Le
nes et septiques particulièrement élevés.
« caillottage » à l’intérieur du cathéter est un incident relative-
Contrôle. Fixation. Protection. Surveillance. ment bénin qui peut être prévenu en assurant à la perfusion un
Ablation débit régulier et constant, ce qui s’obtient au mieux en utilisant
une pompe à perfusion ou un pousse-seringue électrique. Il faut
Contrôle rincer le cathéter au sérum physiologique après toute adminis-
Le contrôle de la position du cathéter immédiatement après tration de médicaments, prélèvement sanguin ou transfusion.
sa pose est impératif. Une présomption de position correcte Compte tenu du risque d’obstruction définitive du cathéter, il
peut, certes, être donnée par la clinique : écoulement franc et est enfin recommandé de vérifier la compatibilité des solutés
rapide du liquide de perfusion, reflux sanguin net lorsqu’on entre eux avant de les injecter dans le cathéter ou dans la
abaisse le flacon au-dessous du plan du lit, constatation tubulure.
d’oscillations cardiaques et respiratoires sur une courbe de En cas d’utilisation intermittente d’un cathéter à émergence
pression sanglante. La radiographie de contrôle permet de cutanée, après rinçage au sérum physiologique et occlusion par
vérifier l’absence de complications (fausse route, hémothorax, un obturateur à membrane, on injecte au travers de ce dernier
pneumothorax, etc.) et sa position, le cathéter ne devant pas se de 2 à 3 ml soit d’une solution contenant 100 unités
projeter au-dessous du corps de D5 sur un cliché thoracique de d’héparine/ml (Pharmacie centrale des Hôpitaux), soit de sérum
face. En cas de doute sur la position du cathéter, il faut opacifier physiologique ; cette procédure doit être répétée tous les
ce dernier en injectant quelques millilitres de produit de 15 jours.

Médecine d’urgence 7
25-010-D-10 ¶ Abords veineux percutanés chez l’adulte

Devant une obstruction de cathéter, en particulier en silicone, Perfusion extraveineuse


toute manœuvre de désobstruction sous pression est formelle-
Elle est beaucoup plus fréquente. L’épanchement sous-cutané
ment contre-indiquée (risque de fissure, de rupture et de
migration). La seule attitude raisonnable consiste à laisser qui la caractérise n’a habituellement d’autre conséquence que
pendant une trentaine de minutes de 1 à 2 ml d’une solution l’arrêt de la perfusion en cours et la nécessité de « repiquer » le
fibrinolytique (Urokinase®), pure ou diluée au quart, au contact malade. Il n’en est bien entendu pas de même lors de l’admi-
du thrombus ; il est parfois nécessaire de prolonger la durée de nistration de solutés ou de médicaments ayant des propriétés
contact pendant 24 heures pour obtenir la désobstruction. Ces nécrosantes sur le tissu cellulaire sous-cutané, comme par
mesures, presque toujours efficaces en cas d’obstruction cruori- exemple certains anesthésiques (thiopental, diazépam ...), les
que, sont évidemment sans effet sur une obstruction « particu- vasoconstricteurs puissants (aramine, dopamine ...), de nom-
laire » due à la précipitation, dans la lumière du cathéter, de breux antimitotiques (adriamycine, méthotrexate ...), les solutés
substances incompatibles entre elles. hypertoniques ou alcalins. Il est donc recommandé, lors de
La surveillance du point de pénétration cutanée du cathéter l’utilisation de ces produits par voie veineuse périphérique, de
(et de son éventuel trajet sous-cutané) doit être régulière, à la s’assurer de la perméabilité de la veine utilisée et d’exercer une
recherche de toute anomalie évocatrice d’une complication surveillance draconienne.
mécanique ou infectieuse. Elle est l’occasion de désinfecter le ou
les orifices cutanés et de changer le pansement. Abords veineux profonds
L’utilisation d’un cathéter à chambre requiert certaines
précautions particulières : désinfection cutanée du site à l’alcool Échec
iodé, à la chlorhexidine, ou à la Bétadine® ; repérage du septum
Sa fréquence est diversement appréciée, selon les auteurs et
par la palpation d’une dépression ronde limitée par le rebord du
en fonction du lieu de ponction. On admet généralement qu’il
site ; introduction de l’aiguille (aiguille de Huber, Gripper® ou
représente pour un opérateur entraîné, quelle que soit la
Perfusite®) ; la membrane de silicone doit être traversée perpen-
diculairement sur toute son épaisseur par l’aiguille qui doit technique employée, moins de 5 % des cas pour la veine sous-
« buter » sur le plan postérieur rigide de la chambre ; mise en clavière [11] et moins de 10 % des cas pour la veine jugulaire
évidence d’un reflux sanguin par aspiration à la seringue. En interne [12]. L’échec de ponction est un incident plus qu’un
l’absence de reflux sanguin, situation assez fréquente au bout de accident, sauf lorsque l’abord veineux est un impératif vital
quelques mois d’utilisation, l’injection d’une vingtaine de immédiat (ce qui est assez rare) et surtout lorsqu’il conduit
millilitres de sérum physiologique permet de contrôler la l’opérateur à un acharnement générateur d’une ou plusieurs des
perméabilité du cathéter et l’étanchéité du système (injection complications évoquées (cf. infra).
indolore, absence d’infiltration sous-cutanée). Ces mesures de
précaution doivent être respectées avant chaque utilisation de la Blessures veineuses ou artérielles
chambre, avant toute administration d’antimitotiques ou de Elles restent relativement bénignes lorsqu’elles se produisent
solutés hypertoniques. Comme pour tout autre cathéter, la à un endroit où la compression manuelle est possible (cou,
prévention des risques d’obstruction impose plusieurs précau- racine de cuisse) et chez des malades ayant une hémostase
tions : respect des incompatibilités médicamenteuses ; rinçage normale. Elles ne se traduisent alors le plus souvent que par un
du site ; héparinisation de l’ensemble cathéter/site après chaque
hématome. Les blessures artérielles sont habituellement moins
manipulation ; héparinisation toutes les 4 à 6 semaines en
graves mais plus fréquentes au cours des abords de la veine
l’absence d’utilisation régulière.
jugulaire interne (de 1 à 7 % [13]) qu’à l’occasion des abords
Ablation du cathéter veineux sous-claviers (environ 2 % [14]). Les abords de la veine
Elle doit s’effectuer avec les mêmes précautions d’asepsie que jugulaire interne peuvent donner lieu à des accidents neurolo-
les autres manipulations : nettoyage du point d’entrée à l’aide giques (hémiplégie secondaire à une ponction carotidienne) ou
d’une solution alcoolique, iodée ou mercurielle, section des fils respiratoires (compression trachéale par hématome extensif). La
de fixation, retrait du cathéter préalablement occlus. Les gravité des complications des abords veineux sous-claviers
derniers centimètres sont sectionnés stérilement et mis en (hémothorax et/ou hémomédiastin) est fonction de l’impor-
culture en cas de suspicion d’infection liée au cathéter. tance de la brèche et des possibilités d’hémostase spontanée du
malade. Leur caractère massif impose alors le recours à une
■ Complications transfusion importante, parfois au drainage thoracique, voire à
la thoracotomie d’hémostase.
Les complications des abords veineux sont extrêmement
Pneumothorax
nombreuses et très diverses.
Consécutif à une blessure du dôme pleural, c’est une compli-
Complications mécaniques cation classique des techniques de cathétérisme percutané de la
Celles des abords veineux superficiels sont fréquentes, mais veine sous-clavière (moins de 5 % [15]) mais aussi, quoique
habituellement bénignes. Celles des abords veineux profonds, moins fréquente, de celles intéressant la veine jugulaire interne
plus rares, sont aussi généralement beaucoup plus graves. et surtout des plus basses d’entre elles. Sa fréquence, variable
selon la technique utilisée, augmente chez les sujets de mor-
Abords veineux superficiels phologie atypique (cachectiques, obèses, emphysémateux) et
diminue avec l’expérience de l’opérateur. Suspecté le plus
Blessure de la veine
souvent dès la ponction par l’issue d’air dans la seringue, il est
Rançon fréquente et sans gravité d’un geste difficile ou affirmé secondairement par la clinique et l’examen radiologique.
maladroit, elle se traduit par un hématome bénin, incident plus Il est assez souvent retardé, n’apparaissant que sur le cliché
que complication véritable.
systématique « du lendemain ». Il est quelquefois d’importance
Injection intra-artérielle accidentelle minime et bien toléré, n’entraînant d’autres soins que la
C’est une complication exceptionnelle. L’artère le plus surveillance clinique et radiologique associée à la kinésithérapie
souvent en cause est l’artère humérale au pli du coude, mais de respiratoire. Il en va différemment lorsqu’il est massif d’emblée,
tels accidents ont été décrits avec les artères du dos de la main s’il se produit chez un insuffisant respiratoire ou chez un
ou de la cheville. Ils sont susceptibles d’avoir des conséquences malade soumis à la ventilation artificielle. Il doit alors être
extrêmement graves (artériospasme, gangrène du membre sous- exsufflé ou drainé. Il paraît indispensable de rappeler que tout
jacent). Ils peuvent être prévenus en s’assurant de la réalité de échec de ponction (en particulier de la veine sous-clavière)
la position endoveineuse de l’aiguille avant toute injection interdit une tentative du côté opposé avant un délai de plu-
médicamenteuse. sieurs heures en raison du risque de pneumothorax bilatéral.

8 Médecine d’urgence
Abords veineux percutanés chez l’adulte ¶ 25-010-D-10

Blessures des canaux lymphatiques Perforations cardiaques


Elles sont rares ; elles ont été rapportées après abord veineux Complication gravissime, la perforation cardiaque peut
aussi bien jugulaire interne que sous-clavier. C’est habituelle- survenir au décours immédiat ou à distance de la pose d’un
ment le canal thoracique qui est en cause, plus souvent en cas cathéter veineux central rigide, soit introduit trop profondé-
d’hypertension portale, en raison de l’hypertrophie dont il est ment, soit rompu et ayant migré en position intracardiaque.
l’objet dans cette circonstance. La gravité de ces accidents est La clinique est parfois très fruste [16] et dans un quart des cas
relativement élevée, la lymphostase n’ayant que peu de ten- la perforation est pratiquement asymptomatique, le diagnostic
dance à s’effectuer spontanément et nécessitant souvent la n’étant évoqué qu’à l’occasion d’un arrêt cardiaque inopiné ou
ligature chirurgicale du vaisseau. Quelques cas mortels ont été ne constituant qu’une découverte nécropsique. Trois fois plus
signalés. souvent, c’est après un intervalle libre de quelques heures à
quelques jours que le malade présente brutalement un certain
Lésions nerveuses nombre de signes inquiétants, non spécifiques mais évocateurs :
Beaucoup plus rares, elles sont plus fréquentes par voie cyanose cervicofaciale, dyspnée, douleur rétrosternale, agitation,
jugulaire interne que par voie sous-clavière. Elles sont en confusion ou coma. Quelques minutes ou quelques heures
général bénignes. Tout a été décrit : atteinte du plexus brachial, après, s’installe un tableau de tamponnade. Il évolue inexora-
du nerf phrénique, du ganglion stellaire, etc. blement jusqu’à l’arrêt cardiaque en l’absence de diagnostic et
de traitement.
Fausses routes Le diagnostic repose sur la constatation d’une pression
La fréquence des fausses routes de cathéter est très variable veineuse centrale très élevée et sur l’existence des signes
d’un auteur à l’autre (de 0 à 20 %). Leur prévention repose à la électrocardiographiques, radiologiques et/ou échographiques
fois sur le choix des veines les moins sujettes à cette complica- d’épanchement péricardique. Il est malheureusement rarement
tion (jugulaire interne droite plutôt que gauche, sous-clavière fait avant que ne survienne l’arrêt cardiaque, ce qui explique
gauche plutôt que droite, basilique plutôt que céphalique), sur probablement la mortalité élevée (80 %).
le respect d’une procédure rigoureuse dans l’introduction du Leur prévention est donc fondamentale et il est admis que :
cathéter et sur la recherche pendant celle-ci de tous les petits • le cathétérisme veineux central doit faire rejeter l’utilisation
signes faisant suspecter un trajet aberrant : difficulté d’introduc- de cathéters rigides ou dont l’extrémité effilée risque d’être
tion, défaut de retour franc de sang par le cathéter lors d’un traumatisante, qu’ils soient introduits par voie antébrachiale
essai d’aspiration à la seringue, etc. Leur dépistage, comme celui (plus de 50 % des cas) ou par l’intermédiaire d’un abord
des autres trajets aberrants, justifie le contrôle radiologique veineux profond ; l’utilisation préférentielle des cathéters en
systématique immédiatement après la pose du cathéter. silicone ou en polyuréthanne a pratiquement fait disparaître
En cas de localisation de l’extrémité du cathéter dans une cette complication ;
veine de petit calibre (mammaire interne, jugulaire antérieure, • les repères anatomiques externes ne permettent en aucun cas
thyroïdienne, etc.), son retrait s’impose en raison du risque de de mesurer avec une précision suffisante la profondeur
thrombose ou de perforation veineuse. Si l’extrémité distale du d’introduction du cathéter et que sa position exacte doit être
cathéter est située dans un vaisseau de gros calibre (tronc localisée au moyen d’un contrôle radiologique ;
veineux innominé, sous-clavière controlatérale, jugulaire interne • l’obtention de chiffres interprétables de pression veineuse
homolatérale ou controlatérale), il faut reculer le cathéter de centrale ne nécessite pas que le cathéter soit dans une
quelques centimètres ; son utilisation est alors possible pour une position intracardiaque : la plupart des auteurs recomman-
courte durée. En revanche, si le cathéter est prévu pour être dent de se limiter à la partie supérieure de la veine cave
utilisé pour une longue durée, il est indispensable de procéder supérieure ;
à son ablation et de le reposer. • la fixation du cathéter à la peau doit être assurée de façon
efficace et durable, en particulier au moyen d’un fil de suture
Perforations veineuses chirurgical ;
Selon les circonstances, le trajet du cathéter peut se faire : • compte tenu de leur effet vulnérant sur l’endoveine et
• dans les parties molles, se traduisant dès l’introduction du l’endocarde, il convient d’éviter autant que possible l’admi-
cathéter par une gêne à sa progression, par l’impossibilité ou nistration, par l’intermédiaire d’un cathéter veineux central,
l’extrême difficulté de perfusion, par l’absence de reflux de perfusions sous forte pression et de produits de contraste
sanguin ; le contrôle radiologique avec injection de produit en quantités importantes ;
de contraste montre une flaque appendue à l’extrémité du • tout malade porteur d’un cathéter veineux central doit être
cathéter ; l’objet d’une surveillance assidue : elle doit en particulier
• dans certaines cavités naturelles, comme la plèvre thoracique vérifier fréquemment l’existence d’un retour veineux franc et
ou médiastinale, ou la cavité péritonéale ; à la différence du dépister les premiers signes cliniques évocateurs de la
cas précédent, c’est le contraste entre l’écoulement aisé de la complication.
perfusion et l’absence de retour sanguin (ou le retour d’un Le traitement implique tout d’abord l’arrêt immédiat de la
liquide rosé) qui doit faire suspecter la complication ; la perfusion et la réaspiration partielle de l’épanchement péricar-
confirmation est là aussi apportée par le contrôle radiologi- dique, si elle est possible, en abaissant le flacon de perfusion
que ; au-dessous du plan du malade. Cette simple manœuvre permet
• dans un vaisseau artériel ou lymphatique, généralement après quelquefois une restauration rapide de conditions hémodyna-
ponction directe du vaisseau ; le plus souvent, le diagnostic miques satisfaisantes. Le cathéter est alors reculé de quelques
est évoqué dès l’épreuve de retour sanguin devant l’aspect du centimètres et une injection de produit de contraste vérifie
liquide revenant du cathéter. l’absence de fuite vers le péricarde. En cas d’échec de la
Compte tenu de la symptomatologie évocatrice, le diagnostic réaspiration, il faut sans attendre évacuer l’épanchement
de perforation veineuse primitive, contemporaine de la pose du péricardique, par ponction à l’aiguille en cas d’extrême urgence,
cathéter, est assez souvent précoce et les conséquences en sont plus sûrement et avec moins de risque par péricardotomie
minimes, n’imposant alors que l’ablation du cathéter. En chirurgicale.
l’absence de ce diagnostic ou si la perforation survient plus
Embolies de cathéter [17]
tardivement à distance du cathétérisme, elle peut entraîner des
complications sérieuses. L’épanchement pleural, médiastinal ou Autrefois, avant l’utilisation en routine de la méthode de
abdominal se traduit par l’inefficacité des perfusions ou des Seldinger, c’était lors de la pose du cathéter que l’opérateur
transfusions, l’aggravation progressive de l’état du malade et sectionnait celui-ci au cours d’un retrait malencontreux sur le
l’apparition de signes évocateurs, variables selon la localisation biseau de l’aiguille ; parfois, la section était plus tardive et se
du cathéter : dyspnée croissante, collapsus aggravé par les passait « sous le pansement » au contact du biseau non, ou mal,
perfusions, distension abdominale progressive ... protégé d’une aiguille introductrice non démontable.

Médecine d’urgence 9
25-010-D-10 ¶ Abords veineux percutanés chez l’adulte

La généralisation de la méthode de Seldinger a pratiquement Complications propres aux cathéters à chambre


supprimé le risque de section accidentelle du cathéter sur Ils peuvent être le siège de complications spécifiques : défaut
l’aiguille d’introduction ; l’emploi du silicone, matériau particu- de cicatrisation lié en général à une brûlure cutanée par bistouri
lièrement fragile, a en revanche mis en évidence le danger des électrique ou à une infection initiale de la loge du boîtier,
manœuvres de désobstruction sous pression des cathéters ulcération cutanée en regard d’un boîtier trop proéminent.
occlus. Assez souvent évident, le diagnostic peut nécessiter une confir-
Le fragment de cathéter peut se fixer à plusieurs niveaux de mation radiologique. Dans tous les cas, un abord chirurgical du
l’axe veineux : dans le membre, dans la veine cave supérieure site d’injection est nécessaire pour changer ou replacer le boîtier.
ou inférieure, dans le cœur droit, dans l’artère pulmonaire ou La complication la plus invalidante est la nécrose cutanée par
une de ses branches. Le plus souvent (75 % des cas), l’embolie injection extravasculaire d’antimitotiques (anthracyclines). Elle
de cathéter est asymptomatique et bien tolérée. Elle doit survient soit en raison d’un mauvais repérage du septum, soit
cependant être considérée comme une complication grave dans lors de la désunion du raccord entre la chambre et le cathéter,
la mesure où plus de 10 % des malades décèdent dans des soit encore à cause d’une injection sous pression dans un
tableaux divers : fibrillation auriculaire, thrombose, endocardite, système en partie obstrué (fissuration ou rupture du cathéter) ;
perforation cardiaque, etc. elle peut enfin être due à la mobilisation secondaire d’une
Le diagnostic d’embolie de cathéter est fait sur l’anamnèse. aiguille correctement placée dans le septum. Le diagnostic est
Selon les circonstances de survenue, il est confirmé par des simple devant la survenue d’une douleur intense lors de
clichés du membre éventuellement en cause, du thorax (de face l’injection et de l’existence de signes locaux rapidement
mais surtout de profil), et par une échographie cardiaque. Si le extensifs : rougeur, empâtement, œdème. Le traitement com-
fragment est encore situé dans le membre, un garrot posé à la porte l’arrêt d’utilisation de la chambre et la surveillance
racine de ce dernier stoppe la progression du cathéter et permet quotidienne puis bihebdomadaire de la lésion ; on pratique
au chirurgien de procéder facilement à son ablation. S’il a migré secondairement, et seulement en cas de nécrose, l’ablation du
dans les cavités cardiaques droites (ou dans une branche de matériel, l’excision de la zone nécrotique et la greffe cutanée
que celle-ci implique.
l’artère pulmonaire), il peut être récupéré en milieu radiologique
La prévention de ce type d’accident repose sur le respect de
sous amplificateur de brillance par la technique dite du « lasso »,
règles simples : recherche du reflux sanguin avant toute injec-
ou en cas d’échec par voie chirurgicale.
tion de médicament dangereux et, en son absence, injection-
Embolie gazeuse test de 20 ml de sérum physiologique ; en cas d’hésitation sur
l’étanchéité du système, opacification du cathéter à la recherche
Le cathétérisme veineux central représente la situation la plus d’une « flaque » de produit de contraste ; surveillance du patient
propice à la survenue d’une aspiration d’air accidentelle. pendant toute la durée d’une perfusion réputée dangereuse.
L’extrémité du cathéter est située à un endroit où règne, de La rupture spontanée de cathéters veineux implantables en
façon physiologique, une pression négative inspiratoire et la silicone (ou en polyuréthanne) introduits par voie sous-clavière
communication du cathéter avec l’air ambiant peut s’observer est rare [19], mais doit être connue. Le mécanisme en cause
dans plusieurs circonstances : lors du cathétérisme à l’occasion semblerait être la section progressive et tardive, survenant après
d’une fausse manœuvre de l’opérateur, au cours des perfusions plusieurs semaines ou mois d’utilisation, du cathéter dans la
à la suite d’un débranchement accidentel de la tubulure, en fin pince costoclaviculaire ; il conviendrait donc d’éviter l’intro-
de perfusion si le flacon est rigide et/ou a été muni d’une prise duction de ce type de cathéters par un abord sous-clavier trop
d’air. L’aspiration d’air est favorisée par les mouvements interne.
d’inspiration profonde, la position assise ou debout (malades
ambulatoires), l’hypovolémie et le calibre important du cathéter. Complications thrombotiques
La fréquence de survenue des accidents d’aéroembolisme dus
au cathétérisme et à la perfusion n’est pas connue, et est très Thrombophlébite périphérique
vraisemblablement sous-estimée. La mortalité des observations
Inflammation de la veine perfusée souvent associée à une
publiées est lourde, de 30 à 50 %, les séquelles neurologiques
thrombose locale, c’est une complication fréquente des abords
observées chez les survivants s’élevant à 40 % [18]. veineux superficiels. La douleur locale, l’inflammation cutanée
La relation entre la quantité d’air introduite et la gravité de et sous-cutanée périveineuse, l’existence d’un cordon induré,
la symptomatologie n’est pas établie de façon précise. La permettent de la reconnaître aisément.
présence d’air dans le cœur droit provoque une gêne importante Les facteurs favorisants sont d’ordre physicochimique. Ils sont
au retour veineux et finit par aboutir au désamorçage de la représentés principalement par la localisation distale du point
pompe cardiaque. Dans les formes mineures, la clinique est de ponction et de l’extrémité du matériel utilisé, le diamètre de
fruste : léger malaise, cyanose et polypnée modérées, petite ce dernier, sa nature irritante, ainsi que celle des liquides
chute tensionnelle, le tableau rétrocédant spontanément, ou perfusés et des drogues injectées, enfin la durée de la perfusion
sous traitement, en quelques dizaines de minutes. Dans les au même endroit. Dans le cas de perfusions réalisées aux veines
formes graves, s’installe brutalement un tableau de détresse du membre inférieur, c’est la stase veineuse qui semble être le
cardiocirculatoire, respiratoire et neurologique. L’auscultation facteur prédominant.
cardiaque retrouve le bruit de « roue de moulin », caractéristique Le traitement des thrombophlébites repose en premier lieu
de la complication. Rapidement apparaissent des troubles du sur le retrait précoce du matériel d’abord veineux et la mise au
rythme divers, évoluant jusqu’à l’arrêt circulatoire dans un repos de la veine, l’application de pommades contenant des
certain nombre de cas. Le diagnostic d’embolie gazeuse doit agents anti-inflammatoires ou de pansements alcoolisés.
toujours être évoqué devant une dyspnée aiguë et un collapsus La prévention repose sur la limitation de la durée des perfu-
brutal chez un patient porteur d’un cathéter central ; si le degré sions, le choix d’un matériel peu agressif, l’abstention d’admi-
d’urgence et les circonstances le permettent, il est confirmé par nistration de solutés veinotoxiques.
une échographie cardiaque.
Le traitement de l’embolie gazeuse repose sur plusieurs Thrombose profonde sur cathéter
mesures : mise en décubitus latéral gauche avec position de Dans la plupart des cas, la symptomatologie initiale est fruste,
Trendelenburg (pour retenir la bulle d’air dans la pointe du le plus souvent limitée à un léger œdème du membre corres-
ventricule droit afin d’éviter le désamorçage cardiaque) ; pondant à l’axe veineux en cause ou à une fièvre inexpliquée,
aspiration de l’air intracardiaque par le cathéter laissé en place ; et sa fréquence est donc très vraisemblablement sous-estimée
oxygénation large dès que possible, suivie par une oxygénothé- dans la plupart des publications. Plus tardivement, le diagnostic
rapie hyperbare afin de réduire le volume des bulles, d’accélérer peut en revanche être évident si la thrombose est complète :
leur dissolution et de favoriser la diffusion de l’oxygène dans les douleur, œdème, gonflement du territoire situé en amont du
tissus. thrombus, avec ou sans circulation collatérale superficielle.

10 Médecine d’urgence
Abords veineux percutanés chez l’adulte ¶ 25-010-D-10

Ailleurs, la palpation d’un cordon douloureux en amont du intravasculaire du cathéter et adhèrent au matériel soit directe-
point d’entrée du cathéter dans la veine (jugulaire interne par ment, soit par l’intermédiaire du slime que certains d’entre eux
exemple) signe la thrombose localisée. Dans tous les cas de sécrètent (staphylocoques à coagulase négative).
suspicion clinique de thrombose sur cathéter, le diagnostic est Les germes responsables des infections sur cathéter sont des
confirmé par une échographie doppler associée à une phlébo- staphylocoques à coagulase négative, des staphylocoques dorés,
graphie ou une angiographie numérisée qui, seules, permettent des microcoques, des streptocoques ou des levures. En dehors
une évaluation précise de l’importance de la thrombose et de des secteurs de réanimation, les bacilles à Gram négatif sont
ses conséquences sur la circulation veineuse de retour qui, par plus rarement en cause.
ailleurs, sont indispensables si un traitement fibrinolytique est
Les manifestations cliniques des infections sur cathéter sont
entrepris.
de trois types :
La fréquence des thromboses sur cathéter varie entre 4 et
42 % [15, 20]. Aucun type de cathéter n’est exempt de ce risque. • des réactions inflammatoires locales isolées (rougeur, sérosité)
Cependant, certains matériaux (polyéthylène), certaines techni- siégeant à l’émergence cutanée d’un cathéter (ou à un site
ques (voie antébrachiale), certains territoires (cave inférieur), d’injection) ; si le patient n’est pas fébrile, et si les prélève-
sont connus pour favoriser la survenue de thromboses. D’autres ments bactériologiques et les hémocultures sont stériles, le
facteurs favorisants ont été décrits : cathéters laissés en « fausse cathéter peut être laissé en place et utilisé, mais il doit être
route », à contre-courant ou dont l’extrémité n’est pas en étroitement surveillé ; dans le cas d’une chambre, son
position strictement centrale, certains antimitotiques, les utilisation est différée jusqu’à la disparition complète des
mélanges nutritifs à forte osmolarité, la présence d’une masse signes locaux ;
tumorale intrathoracique. • des réactions inflammatoires locales douloureuses associées à
Le traitement d’une thrombose sur cathéter impose classique- un état fébrile ; cette situation doit faire pratiquer des
ment le retrait de celui-ci et la mise du patient sous anticoagu- prélèvements bactériologiques (écouvillonnage de la sérosité
lants à dose efficace, d’abord par l’héparine (héparine non suspecte, hémocultures qualitatives et si possible quantitati-
fractionnée par voie veineuse ou héparine de bas poids molécu- ves, centrales et périphériques), l’ablation du cathéter et sa
laire par voie sous-cutanée), ensuite, au bout de quelques jours mise en culture, l’instauration d’une antibiothérapie adaptée
et pour plusieurs mois, par les antivitamines K. au germe responsable de l’infection et maintenue pendant
une quinzaine de jours, ainsi que la réalisation de soins
Complications infectieuses locaux quotidiens ;
On peut considérer, avec Maki [21], que le fait de réaliser un • circonstance beaucoup plus fréquente, une bactériémie
abord veineux « revient à relier directement au monde extérieur (« clocher thermique » et frisson) dans les heures suivant une
et à sa flore microbienne abondante le sang du malade, et donc manipulation chez un patient porteur d’un cathéter depuis
à priver ce dernier d’une de ses barrières de défense les plus plusieurs mois ; l’examen clinique est négatif, seul le cathéter
importantes, à savoir la peau intacte » ; cet abord veineux se peut être impliqué dans la genèse de la symptomatologie, et
comporte alors « comme un modèle expérimental diabolique de les hémocultures mettent en évidence le germe en cause.
cause d’infection systémique ». Classiquement, le diagnostic de certitude repose sur l’ablation
Les facteurs favorisants sont le terrain (néoplasies, diabète, et la mise en culture du fragment distal du cathéter en milieu
cardiopathie, chirurgie lourde, etc), l’âge (vieillard), les traite- solide : culture semi-quantitative [25] ou quantitative [6] . La
ments associés (corticoïdes, immunodépresseurs, chimio- culture semi-quantitative, très sensible (100 %) mais peu
thérapie). spécifique (50 %), permet d’affirmer la contamination du
Infection et abord veineux périphérique cathéter pour moins de 15 unités formant colonies (colony
forming units [CFU]) ; le cathéter est dit infecté pour une valeur
La plupart des auteurs s’accordent à reconnaître une morbi-
supérieure ou égale à 15 CFU. Les cultures quantitatives sont
dité infectieuse nettement inférieure aux aiguilles métalliques
plus précises (sensibilité 97,3 %, spécificité 88 %) et facilement
(en particulier épicrâniennes) par rapport aux autres matériels
d’abord veineux. La positivité des cultures systématiques de ces réalisables en pratique courante. Le seuil de positivité du
aiguilles est inférieure à 10 % dans les grandes séries et les cathéter est supérieur ou égal à 1 000 CFU/ml.
septicémies qui leur sont imputables sont extrêmement Le traitement classique de toute infection liée au cathéter
rares [22]. implique son retrait et sa mise en culture ; en cas d’infection à
staphylocoque à coagulase négative, ce simple geste suffit et
Infection et cathéters entraîne la disparition des signes cliniques et bactériologiques.
La fréquence des infections sur cathéter a considérablement Depuis quelques années, certains cliniciens essaient de traiter
diminué ces dernières années et est estimée aujourd’hui, selon les infections sur cathéter, cathéter en place, par une antibio-
les auteurs, de 5 à 12 % [14, 23]. Ces chiffres tendent à diminuer thérapie systémique administrée dans le cathéter, seule ou
avec l’entraînement et la formation des équipes soignantes et associée à des verrous locaux d’antibiotiques [26]. Le verrou local
peuvent descendre jusqu’à 1 % dans les services de nutrition d’antibiotique consiste à mettre en contact 12 heures/j la
parentérale lorsque le cathéter est exclusivement réservé à cet lumière interne du cathéter colonisé avec une forte concentra-
usage [24]. tion (plus de 100 fois la concentration maximale inhibitrice
Les mécanismes de la colonisation du cathéter sont au d’un antibiotique adapté au germe) ; il est renouvelé tous les
nombre de quatre : jours, pendant 10 à 15 jours selon les auteurs. Cette technique
• la voie périluminale : les germes de la flore cutanée habituelle qui a fait la preuve de son efficacité en oncohématologie et en
ou de substitution viennent coloniser le trajet sous-cutané du
nutrition parentérale, est inapplicable en situation d’urgence, de
cathéter à partir de son émergence cutanée jusqu’à sa partie
réanimation ou de soins intensifs, car elle nécessite l’arrêt de
intravasculaire distale ;
l’utilisation du cathéter 12 heures par jour.
• la voie endoluminale, qui correspond à la contamination
microbienne de la lumière interne des raccords et des Ces modalités thérapeutiques avec conservation in situ du
connections Luer-Lock lors des manœuvres de branchement cathéter doivent être proscrites en cas de choc septique, de
du cathéter ; septicémie à Staphylococcus aureus ou à levures, de thrombo-
• la greffe microbienne sur l’extrémité intravasculaire du phlébite suppurée, de tunnellisation infectée, de syndrome
cathéter, à l’occasion d’une bactériémie, de germes provenant septicémique prouvé ne répondant pas à une antibiothérapie
d’un foyer septique situé à distance ; adaptée en 48 à 72 heures, et enfin en cas de septicémie à
• l’administration de solutés de perfusion hautement germes rares (Corynebacterium sp. ou Bacillus sp.). Dans tous ces
contaminés. cas, le cathéter doit être enlevé et mis en culture, et le patient
Quel que soit leur mode d’introduction, les micro-organismes traité pendant 15 à 30 jours par une antibiothérapie adaptée au
colonisent le manchon de fibrine qui recouvre la portion germe responsable.

Médecine d’urgence 11
25-010-D-10 ¶ Abords veineux percutanés chez l’adulte

■ Indications et contre-indications du malade ainsi que la sécurité et la régularité des perfusions


incitent à éviter de « piquer » aux plis de flexion. Enfin, on
Le choix du type d’abord veineux et du site de ponction est essaie, dans la mesure du possible, de se limiter au membre non
fonction de nombreux facteurs : la notion ou non d’urgence, dominant.
l’état clinique et morphologique du patient, le type de solutés La veine jugulaire externe, relativement facile à ponctionner
et de produits à administrer, la durée et le débit prévisible de la mais assez inconfortable, est réservée à certaines situations
perfusion, le matériel disponible, les risques liés à la technique d’urgence et à des perfusions de courte durée. Il en est de même
.
envisagée, les contre-indications générales ou particulières de plus exceptionnellement pour les veines du membre inférieur,
chaque voie d’abord, les habitudes et l’expérience de l’opérateur compte tenu du risque majeur de phlébite et d’infection qui les
(Tableau 1) (Fig. 9) [27]. caractérise.
Les matériels les plus adaptés à l’utilisation du réseau veineux
périphérique sont les épicrâniennes et les canules de petit
Abords veineux superficiels périphériques calibre (de 0,8 à 1,2 mm) :
Compte tenu de leur nombre et de leur bonne tolérance, les • les épicrâniennes ont un risque infectieux minime, le métal
veines du membre supérieur sont utilisées en priorité. On offrant la meilleure résistance à la colonisation bactérienne ;
commence habituellement les perfusions par l’extrémité distale en revanche, leur rigidité facilite les traumatismes de l’endo-
du membre (radiale et cubitale superficielles, radiale accessoire), veine et oblige à des changements fréquents ;
ce qui permet de préserver l’intégrité du réseau veineux sus- • les canules, au contraire, ont une bonne tolérance mécani-
jacent en vue des ponctions ultérieures. Par ailleurs, le confort que, mais un risque infectieux majoré ;

Tableau 1.
Proposition de choix raisonné de l’abord veineux en fonction des circonstances et du terrain (d’après [27]).

Voies veineuses centrales Voie veineuse


a périphérique
Jugulaire interne Sous-clavière Fémorale Axillaire
Arrêt circulatoire + + +++ b NR ++++
Choc hypovolémique + + +++ NR ++++
Choc cardiogénique ++++ +++ + NR NR
Hémodialyse + + +++ + NR
Réanimation extrahospitalière + + +++ NR ++++
Nutrition parentérale totale ++++ +++ + +++ NR
Chimiothérapie ++++ +++ NR +++ +
Obésité +++ ++++ + + +
Troubles de l’hémostase + NR + +++ ++++
Insuffisance respiratoire chronique +++ NR + + ++++
NR : non recommandé.
a
Les indications proposées concernent la voie axillaire et non la voie sous-coraco-claviculaire.
b
Dans cette circonstance, l’extrémité du cathéter doit être positionnée au-dessus du diaphragme.

Nécessité d'une voie d'abord

Perfusion prévue pour durer : - Durée de la perfusion non immédiatement Abord veineux prévu pour être
- quelques heures prévisible de longue durée et/ou véhiculer
- ou quelques jours - État du malade pouvant nécessiter des solutés agressifs pour l'endoveine
- état du malade non préoccupant un remplissage et/ou une transfusion rapide

- Veine périphérique du membre supérieur Abord veineux profond d'emblée


Cas particuliers :
- veine jugulaire externe
- exceptionnellement, veine saphène
à la malléole

Mesures hémodynamiques par voie sanglante Mesures hémodynamiques par voie sanglante
non nécessaires indispensables

Abord veineux périphérique Abord veineux profond :


- veine jugulaire interne droite
- veine sous-clavière gauche

Figure 9. Arbre décisionnel. Choix de la voie d’abord.

12 Médecine d’urgence
Abords veineux percutanés chez l’adulte ¶ 25-010-D-10

• lorsque l’on souhaite réaliser des injections intermittentes Dans la pratique


sans perfusion continue, on peut installer un bouchon
multiperforable sur l’embout d’une canule ou d’une épicrâ- On se retrouve habituellement confronté à l’un des cas de
nienne ; le montage doit être rincé après chaque injection figure suivants :
avec quelques millilitres de sérum physiologique, éventuelle- • la perfusion est prévue pour durer quelques heures (transfu-
ment hépariné ; sions réglées, chimiothérapie, antibiothérapie...), ou quelques
• dans le cas de perfusion ou de transfusion à fort débit, il est jours (réhydratation simple, alimentation parentérale iso-
nécessaire d’utiliser un matériel de calibre plus important (de osmolaire, etc), et l’état du malade n’est pas préoccupant : on
1,5 à 2,1 mm), habituellement des canules ; assez rapidement utilise en priorité une veine périphérique du membre supé-
mal tolérées, elles sont retirées dès que possible ; rieur selon les règles énoncées plus haut ; la veine est perfusée
• les cathéters « mi-longs » posés par voie superficielle et dont avec une canule de petit calibre (0,8 à 1,2 mm) ; on sera,
l’extrémité reste dans le réseau veineux périphérique n’ont dans certains cas particuliers, amené à ponctionner la veine
plus d’indications actuellement. jugulaire externe (ou même, exceptionnellement, la veine
saphène à la malléole) ;
• la durée de la perfusion n’est pas immédiatement prévisible
Abords veineux centraux profonds et l’état du malade peut nécessiter un remplissage et/ou une
Leurs indications générales naissent des limites des abords transfusion rapide (urgence médicale ou chirurgicale) :
veineux superficiels. Il existe en effet un certain nombre de • si l’état du malade ne nécessite pas de mesures hémodynami-
situations où ces derniers sont soit irréalisables (sujets « impi- ques par voie sanglante, on réalise l’abord veineux comme
quables »), soit incapables de permettre l’acte envisagé (mesure dans le cas précédent, mais il sera souvent multiple (2 ou 3)
de pression centrale), soit inutilisables de façon durable (chi- et l’une au moins des veines choisies sera ponctionnée avec
miothérapie, nutrition parentérale totale, malades atteints de un matériel de fort calibre (canule de 1,5 à 2 mm) ;
sida). Le cathétérisme central de longue durée impose le recours • si, au contraire, ces mesures hémodynamiques sont indispen-
d’emblée au système veineux profond en privilégiant le terri- sables, on réalisera un abord veineux profond (veine jugulaire
toire cave supérieur : les veines sous-clavières, jugulaires internes interne droite, veine sous-clavière gauche) qui permettra la
et axillaires. mise en place par méthode de Seldinger d’une sonde de
Leurs contre-indications générales découlent de la dispropor- Swan-Ganz ; une perfusion centrale pourra être administrée
tion entre le risque encouru et le bénéfice escompté. Deux simultanément par la même voie, si le Désilet® utilisé est de
d’entre elles sont donc absolues : l’absence d’indication réelle et type Cordis®. à l’ablation de la sonde de Swan-Ganz, cette
l’existence d’un état septique au lieu de ponction. D’autres sont dernière sera éventuellement remplacée par un cathéter
appréciées cas par cas : l’inexpérience de l’opérateur, les troubles standard en silicone ou en polyuréthanne ;
de l’hémostase, l’existence d’un état septicémique. • l’abord veineux est prévu pour être de longue durée et/ou
Le cathétérisme de la veine sous-clavière réalise un abord doit véhiculer des solutés agressifs pour l’endoveine (chimio-
veineux profond particulièrement confortable pour le malade. thérapies lourdes, nutrition parentérale totale, etc) : il est
Les risques qu’il comporte imposent qu’il ne soit effectué que indiqué de pratiquer d’emblée un abord veineux profond qui
par un opérateur particulièrement expérimenté. Il doit être évité
dans la mesure du possible chez les sujets agités ou non
coopérants, chez les grands insuffisants respiratoires et chez les
patients à « haut risque pleural » (cachectiques, emphysé-
mateux).
Le cathétérisme de la veine jugulaire interne est le choix de
“ Points essentiels
première intention en raison du plus faible risque de pneumo- • Nombreux sont les malades chez qui l’indication d’une
thorax et des possibilités de compression manuelle des blessures perfusion veineuse (et a fortiori de la pose d’un
vasculaires les plus fréquentes. Il peut être en revanche relative-
cathétérisme veineux central) n’est qu’une
ment difficile à réaliser chez les obèses et les sujets à cou court,
et son taux d’échec est supérieur à celui du cathétérisme sous- « commodité » abusive dans la mesure où des méthodes
clavier. Compte tenu de la tunnellisation qui doit lui être moins dangereuses sont utilisables (alimentation entérale
associée, il offre au patient un confort égal à celui de ce dernier. par sonde par exemple).
Le cathétérisme de la veine fémorale peut être utilisé dans les • L’abord veineux doit être réalisé dans des conditions de
situations d’urgence, ou lorsque les autres sites sont inaccessi- sécurité optimales : la voie veineuse et le matériel doivent
bles ou contre-indiqués, mais il faut rappeler que cette voie est être choisis avec prudence et discernement par un
à haut potentiel thrombogène et septique. Sa durée d’utilisation opérateur familier de la technique qu’il met en œuvre,
doit rester inférieure à une semaine. conscient des risques qu’il fait courir au malade et capable
de faire face à une complication immédiate.
Cas particuliers • L’asepsie doit être rigoureuse lors de la pose de tout
abord veineux. Les cathéters centraux, sauf impossibilité
Abords veineux centraux par l’intermédiaire absolue, sont posés au bloc opératoire. Une asepsie
des veines superficielles continue doit être respectée lors de leur utilisation, ainsi
Cette solution, théoriquement séduisante dans la mesure où qu’une surveillance clinique associée si besoin à des
elle est accessible aux opérateurs peu entraînés et exempte de prélèvements microbiologiques.
risque important lié à la ponction veineuse, est aujourd’hui • Dans la pratique courante, le meilleur moment pour
pratiquement tombée en désuétude dans les indications de arrêter une perfusion et retirer le matériel d’abord veineux
longue durée, en raison du risque thrombotique accru. est certainement « le plus tôt possible », c’est-à-dire avant
que le risque encouru par le patient ne devienne supérieur
Dénudations au bénéfice qu’il en retire.
La dénudation d’une veine superficielle n’a actuellement • Les cathéters veineux centraux de longue durée sont
théoriquement plus d’indication en raison de son risque aujourd’hui devenus indispensables, par exemple pour le
infectieux particulièrement élevé, et du fait qu’elle interdit traitement des hémopathies malignes et de certains
définitivement l’usage de la veine concernée. Il faut cependant cancers, et chez les patients en nutrition parentérale. Ils
constater qu’aujourd’hui encore de nombreux chirurgiens ont transformé le confort des patients, adultes ou enfants,
implantent des cathéters à chambre par dénudation de la veine et simplifié le travail de l’équipe soignante.
céphalique dans le sillon deltopectoral.

Médecine d’urgence 13
25-010-D-10 ¶ Abords veineux percutanés chez l’adulte

sera, selon les circonstances, réalisé au moyen d’un cathéter [11] Haapaniemi L, Slatis P. Supraclavicular catheterization of the superior
standard en silicone et tunnellisé, d’un cathéter à manchon vena cava. Acta Anaesthesiol Scand 1974;18:12-22.
ou d’un cathéter à chambre. [12] Miller RE. Internal jugular pulmonary arteriography and removal of
catheter emboli. Radiology 1972;103:200-2.
■ Conclusion [13] English LC, Frew RM, Pigott JF, Zaki M. Percutaneous catheterization
of the internal jugular vein. Anaesthesia 1969;24:521-31.
Favorisée par l’amélioration et la diversification des méthodes [14] Failla P, De Boisblanc BP. Catheter-related sepsis in the ICU:
qui permettent sa mise en œuvre, la perfusion intraveineuse a characteristics and management. Crit Care Report 1991;2:188-94.
été à l’origine de progrès considérables ; compte tenu de la [15] Glaser P, Radoman V, Canonne O. Étude prospective de complications
gravité de certaines de ses complications, elle ne doit être mise de cathétérisme de la veine sous-clavière. Ann Chir 1973;27:911-6.
en œuvre qu’à la condition d’être absolument nécessaire et [16] Defalque RJ, Campbell C. Cardiac tamponade from central venous
parfaitement réalisée. catheter. Anesthesiology 1979;50:249-52.
[17] Blitt CD, Wright WA, Petty WC, Webster TA. Central venous
catheterization via the external jugular vein. JAMA 1974;229:817-8.
Cet article a été publié pour la première fois en 1997 dans le traité d’Urgences. [18] Kashuk JL, Penn I. Air embolism after central venous catheterization.
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■ Références fracture of the catheter of a totally implantable subcutaneous infusion
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arteriography. Acta Radiol 1953;39:368-76. tions related to intravascular devices and their prophylaxis. A review.
[2] Aubaniac R. L’injection intraveineuse sous-claviculaire. Presse Med Acta Chir Scand 1986;530:73-7 [suppl].
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Cathétérisme de la veine axillaire en réanimation. Analyse d’une série catheter-related sepsis in pediatric hematology and oncology patients.
de 151 observations. Ann Fr Anesth Reanim 1983;2:266-9. Intensive Care Med 1991;17:30-5.
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axillary vein. Anaesthesia 1987;42:151-4. centrale, cathétérisme artériel. In: Pourriat JL, Martin C, editors. Prin-
[10] Duffy BJ. The clinical use of polyethylene tubing for intravenous cipes de réanimation chirurgicale. Paris: Arnette-Blackwell; 1995.
therapy. Ann Surg 1949;130:929-36. p. 3-11.

S. Boudaoud, Praticien hospitalier.


P. Alhomme, Praticien hospitalier (palhomme@noos.fr).
Service d’anesthésie-réanimation chirurgicale (Professeur Eurin), hôpital Saint-Louis, 1, avenue Claude-Vellefaux, 75475 Paris cedex 10, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Boudaoud S., Alhomme P. Abords veineux percutanés chez l’adulte. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),
Médecine d’urgence, 25-010-D-10, 2007.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos / Documents Information Informations Auto-
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

14 Médecine d’urgence
¶ 25-010-G-10

Analgésie en urgence chez l’adulte


S. Beaune, A. Ricard-Hibon, V. Belpomme, J. Marty

L’« oligoanalgésie » en situation d’urgence est encore trop fréquente. Les causes de cette
« oligoanalgésie » sont identifiées et sont souvent liées à des dogmes erronés. Il n’existe aucune contre-
indication à l’analgésie en urgence. L’amélioration de la prise en charge de la douleur passe par une
meilleure sensibilisation des équipes et par des protocoles de prise en charge thérapeutiques. Des
recommandations nationales existent et peuvent être une aide à l’amélioration des pratiques. La douleur
aiguë en urgence doit être évaluée de manière systématique par une échelle d’autoévaluation (échelle
numérique ou échelle visuelle analogique). Le mélange équimoléculaire de protoxyde d’azote et
d’oxygène, le paracétamol et le kétoprofène sont les antalgiques recommandés pour les douleurs faibles à
modérées. Les douleurs intenses nécessitent d’emblée l’administration d’un morphinique. Le morphinique
de choix pour l’analgésie du patient en ventilation spontanée est la morphine intraveineuse titrée. Le bloc
du nerf fémoral est facilement réalisable et pourrait être plus largement diffusé. La sédation associée par
benzodiazépines n’est justifiée qu’en cas de persistance d’une agitation malgré une analgésie bien
conduite. L’efficacité analgésique doit être contrôlée par des évaluations répétées de l’intensité
douloureuse au cours de la prise en charge et consignée par écrit.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Douleur aiguë ; Analgésie ; Autoévaluation ; Morphine titrée

Plan conséquences néfastes de la douleur sur l’organisme ont été


largement démontrées, pouvant précipiter un état clinique déjà
précaire, justifiant largement l’instauration précoce d’une
¶ Introduction 1
analgésie [9]. En dehors de la nécessité éthique évidente de
¶ Oligoanalgésie en situation d’urgence 1 soulager toute douleur pour le confort du patient, la mise en
Dogmes erronés 2 œuvre d’une analgésie facilite la prise en charge du patient sans
Causes de l’oligoanalgésie 2 compromettre l’analyse diagnostique contrairement aux idées
Facteurs organisationnels 2 reçues [10, 11]. Le soulagement de la douleur doit faire partie des
¶ Évaluation de la douleur en urgence 3 priorités thérapeutiques en situation d’urgence. La médicalisa-
Échelles d’autoévaluation 3 .
tion préhospitalière et intrahospitalière autorise l’utilisation de
Échelles d’hétéroévaluation 3 médicaments et de techniques efficaces dans des conditions de
Choix d’une échelle en médecine d’urgence extrahospitalière 4 sécurité parfaitement respectées [7].
Comment améliorer la prise en charge de la douleur en situation
d’urgence ? 4
¶ Stratégie thérapeutique 4 ■ Oligoanalgésie en situation
Indications
Techniques analgésiques
4
5
d’urgence
Place de la sédation associée à l’analgésie en situation d’urgence 7 Les premières publications concernant la prise en charge de
¶ Conclusion 7 la douleur en situation d’urgence datent de la fin des années
1980 avec Wilson et al. qui ont introduit le concept d’« oligoa-
nalgésie » en urgence [3]. Depuis, plusieurs études ont évalué la
prise en charge de la douleur aiguë dans ce contexte avec un
■ Introduction même constat : la douleur est insuffisamment prise en compte
dans les services d’urgence, que ce soit en intrahospitalier ou en
La douleur aiguë est un symptôme fréquemment rencontré préhospitalier [1, 2, 4-6, 8, 12-16]. Dans une étude française préhos-
en médecine d’urgence préhospitalière et intrahospitalière, mais pitalière, 36 % des patients ne recevaient aucun traitement
encore trop souvent sous-estimé et insuffisamment traité [1, 2]. antalgique avec un soulagement obtenu seulement chez 49 %
Alors que de nombreux progrès ont été réalisés pour le traite- des patients pris en charge en service mobile d’urgence et de
ment de la douleur postopératoire, la douleur en situation réanimation (SMUR) [16]. Dans une étude anglo-saxonne réalisée
d’urgence reste encore insuffisamment traitée, aboutissant au en préhospitalier, moins de 2 % des patients recevaient un
concept d’« oligoanalgésie » [3], observé aussi bien en urgence antalgique [8]. Les raisons expliquant cette oligoanalgésie sont
intrahospitalière [4, 5] qu’extrahospitalière [1, 6-8]. Pourtant, les multiples et souvent liées à des préjugés erronés et à un défaut

Médecine d’urgence 1
25-010-G-10 ¶ Analgésie en urgence chez l’adulte

d’enseignement des personnels soignants, reléguant le traite- Facteurs ethniques


ment de la douleur au second plan [17, 18].
Todd et al. ont observé l’influence de l’origine ethnique des
patients sur l’administration d’antalgiques dans les services
Dogmes erronés d’urgences anglo-saxons. Plus de 50 % des patients latino-
Certains dogmes erronés restent encore trop présents dans les américains n’avaient reçu aucun traitement antalgique contre
mentalités comme les notions de « priorité aux détresses 26 % des patients « type européen », ceci étant indépendant de
vitales », d’interférence avec le diagnostic, de « fatalité de la l’origine ethnique du médecin [24]. Ce phénomène était égale-
douleur » en situation d’urgence. ment observé pour les patients noirs, 43 % de ces patients
n’avaient reçu aucun traitement antalgique contre 26 % des
Priorité aux détresses vitales patients blancs [25]. Bien que ces études soient le seul reflet des
La priorité aux détresses vitales est un argument souvent pratiques observées dans les pays anglo-saxons, il y a fort à
employé par les équipes médicales préhospitalières, reléguant le parier que ce problème existe également en France, l’étiquette
traitement de la douleur au second plan. Or, il est admis que la classique de « syndrome méditerranéen » attribuée à certains
douleur aiguë a des conséquences délétères sur les fonctions patients étant une interprétation subjective du personnel
vitales pouvant précipiter un équilibre déjà précaire. Par soignant qui ne tient pas compte de la détresse ressentie par ces
exemple, il est bien démontré que la douleur de l’ischémie patients.
myocardique, de par l’activation du système sympathique
qu’elle entraîne, peut majorer l’étendue de l’ischémie et
Âge des patients
favoriser la survenue de troubles du rythme graves. De même,
la douleur lors d’un traumatisme thoracique majore l’hypoven- Les sujets âgés semblent moins bien analgésiés que les
tilation alvéolaire favorisant la survenue d’atélectasies et donc le patients plus jeunes. Jones et al. ont évalué les pratiques
risque d’hypoxie [19]. Le soulagement de la douleur doit faire analgésiques chez les personnes âgées dans un service d’urgence
partie du traitement des détresses vitales et être initié dès le intrahospitalier : 66 % des personnes âgées ont reçu un traite-
début de la prise en charge de ces patients. ment antalgique contre 80 % de patients jeunes. Le délai
d’administration des antalgiques était significativement plus
Ne pas interférer avec une douleur abdominale long, le recours aux agonistes morphiniques moins fréquent et
La crainte d’interférer avec le diagnostic d’une douleur les doses d’antalgiques utilisées plus faibles dans cette popula-
abdominale est un dogme erroné encore trop souvent avancé tion [26]. Cette crainte des morphiniques chez les personnes
par les équipes spécialisées. Aucune étude dans la littérature ne âgées n’est pas justifiée. Une étude récente, réalisée pour la
justifie cette crainte. La mise en route d’une analgésie par douleur postopératoire, a montré que les besoins en morphini-
agonistes morphiniques ne gêne en rien l’évaluation diagnosti- ques des personnes âgées étaient similaires à ceux des patients
que de ces douleurs abdominales. Bien au contraire, l’analgésie plus jeunes et que l’utilisation d’un même protocole de titration
de ces patients facilite l’examen clinique et la réalisation de la morphine permettait l’obtention d’un soulagement
d’éventuels examens complémentaires grâce à une meilleure efficace sans augmentation des effets indésirables dans cette
coopération du patient. Cinq études prospectives ont ainsi été population [27].
réalisées sur l’intérêt de l’analgésie chez des patients présentant
un syndrome abdominal douloureux aigu [11, 20-23] . Elles
concluent à l’absence d’erreur diagnostique dans le groupe des Facteurs organisationnels
patients analgésiés par rapport au groupe des patients témoins
Les problèmes d’organisation sont souvent mis en avant pour
et à l’absence d’évolution péjorative liée à l’analgésie morphi-
expliquer l’oligoanalgésie [3, 28] : manque de personnel, services
nique. De plus, une analyse Medline™ effectuée de 1965 à
d’urgences surchargés, défaut de temps pour évaluer et traiter
1999 avec les mots-clés acute abdomen, drug treatment, opiates ne
efficacement la douleur, délai d’attente des patients avant
signale aucune erreur diagnostique attribuée à l’administration
examen médical incompressible, problème de diffusion de
d’antalgique [10].
l’information (en particulier lors de l’arrivée de nouveaux
Fatalité de la douleur personnels), etc. Le « facteur temps » est un mauvais argument
car, si l’initiation du traitement nécessite un peu de temps
La notion de fatalité de la douleur en situation d’urgence est médical ou infirmier, il va ensuite permettre un gain de temps
encore trop présente dans les esprits et se manifeste souvent par non négligeable pour les équipes. En effet, un patient doulou-
la non-réclamation d’antalgiques par les patients. Plusieurs reux est un patient agité, revendicateur, susceptible de solliciter
études ont observé le peu de réclamation spontanée d’antalgi- les équipes à maintes reprises, avec une perte de temps et un
ques par les patients malgré l’existence de douleurs sévères, ce
agacement croissant. Le soulagement précoce de la douleur des
phénomène étant également observé pour la douleur aiguë
patients permet ensuite le travail des équipes dans une
postopératoire [19]. Les patients doivent être informés que des
ambiance plus sereine, et donc avec une efficacité améliorée.
techniques analgésiques existent pour traiter efficacement la
L’évaluation par l’infirmier ou l’infirmière d’accueil et d’orien-
douleur en situation d’urgence et qu’elles peuvent être utilisées
tation de l’intensité de la douleur permet d’identifier les
en toute sécurité dès le début de la prise en charge médicale.
patients très algiques qui nécessitent un examen médical
Parallèlement, les équipes soignantes doivent initier les traite-
précoce et un traitement par agonistes morphiniques rapides.
ments sans attendre la réclamation spontanée d’antalgiques par
les patients. Les impératifs de surveillance d’un patient ayant reçu de la
morphine ne doivent en aucun cas limiter leur utilisation. Ces
difficultés temporelles n’existent pas pour l’urgence extrahospi-
Causes de l’oligoanalgésie talière puisque, sauf victimes multiples, il existe un médecin
Certains a priori et mauvaises habitudes sont également pour un malade, ce qui permet une évaluation et une initiation
responsables de ce phénomène d’oligoanalgésie. précoce d’un traitement antalgique. Cependant, d’autres
difficultés existent. La nécessité de traiter rapidement une
Absence de globalité détresse vitale ne doit pas faire retarder l’analgésie pour les
Une prise en charge d’un patient non vu dans sa globalité raisons citées plus haut. Enfin, le problème de la diffusion de
peut entraîner le fait que les spécialités d’organes consultés se l’information existe aussi bien en intra- qu’en extrahospitalier.
renvoient, les unes aux autres, la prise en charge de la douleur, Les services d’urgence sont soumis à un renouvellement fré-
retardant par là même l’analgésie. C’est pourquoi il appartient quent des équipes médicales et paramédicales, nécessitant une
au médecin urgentiste, dans une vision globale de la situation, répétition fréquente de la formation. L’absence de transmission
d’être responsable de l’évaluation et du traitement de ces de l’information est une cause majeure de non-application des
douleurs aiguës. protocoles.

2 Médecine d’urgence
Analgésie en urgence chez l’adulte ¶ 25-010-G-10

■ Évaluation de la douleur
en urgence
La non-reconnaissance de l’importance de la douleur est le
facteur principal expliquant l’oligoanalgésie en situation
d’urgence. La fréquence et l’intensité de la douleur en situation
d’urgence sont très nettement sous-estimées, soit parce que la
question n’est pas posée au patient, soit parce que sa réponse
est sujette à interprétation par le personnel soignant, jugeant la
douleur moindre que celle réellement ressentie [17, 29] . La
douleur ne peut être bien traitée que si elle est identifiée et
correctement évaluée. L’évaluation systématique de la douleur
est devenue un objectif prioritaire, permettant de reconnaître le
patient algique, d’instaurer et de suivre l’efficacité du traitement
entrepris. L’administration des antalgiques ne peut être guidée
sur la seule réclamation spontanée du patient. En effet, les
patients, même pour des douleurs intenses, ne verbalisent pas Figure 1. Réglette d’échelle visuelle analogique.
spontanément leur douleur et ne réclament que rarement
l’administration d’antalgiques [7].
Le dépistage de la douleur repose sur l’interrogatoire du facilement applicable à la médecine d’urgence [29, 30]. Cette
patient. La question « avez-vous mal ? » doit être systématique- échelle peut être utilisée en 11 points (de 0 à 10) au lieu de
ment posée au début de la prise en charge, suivie d’une 101 points (de 0 à 100), mais avec une sensibilité moindre en
évaluation quantitative de la douleur. La quantification de raison du nombre plus faible de réponses possibles. C’est une
l’intensité douloureuse repose sur l’emploi d’outils objectifs, échelle très utilisée en médecine d’urgence intrahospitalière,
reproductibles et adaptés à la pratique de la médecine réalisable dans ce contexte dans 85 à 89 % des cas [29, 30].
d’urgence. Il existe deux catégories d’outils d’évaluation : les
Échelle visuelle analogique (EVA) (Fig. 1)
outils d’hétéroévaluation où une tierce personne évalue la
douleur du patient et les outils d’autoévaluation, où seul le L’EVA est l’échelle de référence pour l’évaluation de la
patient évalue sa douleur. La perception de la douleur étant douleur aiguë, utilisée pour de nombreux essais cliniques afin
multifactorielle, incluant diverses composantes émotionnelles, d’évaluer l’efficacité des thérapeutiques analgésiques [19]. Très
culturelles, affectives, la sévérité de la douleur ne peut être utilisée pour l’évaluation de la douleur postopératoire, c’est
réellement estimée que par celui qui souffre, imposant, également l’échelle privilégiée par les équipes médicales
lorsqu’elle est possible, une évaluation par le patient lui-même. préhospitalières [7]. C’est une échelle présentée sous forme de
Cette autoévaluation est souvent considérée à tort comme réglette comportant deux faces : une face non millimétrée
difficile à réaliser dans le contexte de l’urgence. En effet, présentée au patient, sur laquelle celui-ci déplace un curseur
l’utilisation des échelles d’autoévaluation a été évaluée en entre une extrémité « pas de douleur » et une extrémité « dou-
médecine d’urgence intra- et extrahospitalière [18, 29, 30] et a leur maximale imaginable », et une face millimétrée de 0 à
montré un taux de faisabilité, après une période d’adaptation 100 mm, seulement visualisée par le personnel soignant, qui
des personnels soignants, de plus de 80 %. permet de quantifier la douleur en mm, selon la position du
curseur. Cette réglette est présentée au patient en position
Échelles d’autoévaluation horizontale, le curseur placé initialement sur « pas de douleur ».
Sa fiabilité est liée au nombre important de réponses possibles
Échelles multidimensionnelles sans attribution ni mémorisation d’un nombre précis par le
Les échelles multidimensionnelles permettent d’évaluer les patient. Elle est simple d’utilisation, sous réserve d’une explica-
différentes composantes qualitatives et quantitatives de la tion claire donnée au patient. Les études réalisées en médecine
douleur, mais sont totalement inadaptées à la médecine d’urgence ont montré un taux de faisabilité de plus de 83 % en
d’urgence en raison du nombre important d’items à recueillir intrahospitalier [29, 30] et de 87 % en extrahospitalier après une
(78 items pour le McGill Pain Questionnaire et 61 items pour période de formation des personnels soignants [18]. Elle est
le questionnaire de Saint-Antoine). l’échelle de référence recommandée par la conférence d’experts
de la Société française d’anesthésie-réanimation (Sfar) sur
Échelles unidimensionnelles l’analgésie-sédation en préhospitalier [31] et est l’échelle la plus
Ce sont des échelles simples, utilisables en situation utilisée par les SMUR : dans une enquête téléphonique natio-
d’urgence intra- et extrahospitalière [18, 29, 30]. nale, parmi les 46 % de SMUR qui évaluaient la douleur, 79 %
utilisaient l’EVA comme échelle d’évaluation [32].
Échelle de Keele
L’échelle de Keele est une échelle verbale simple (EVS), Échelles d’hétéroévaluation
d’autoappréciation comportant cinq qualificatifs classés par
ordre croissant d’intensité douloureuse, chaque descripteur étant Les échelles d’hétéroévaluation sont basées sur l’appréciation
associé à une valeur numérique (0 = pas de douleur, 1 = faible, de la douleur par une tierce personne, avec le risque d’une sous-
2 = modérée, 3 = intense, 4 = atroce). Cette échelle présente estimation de l’intensité douloureuse, bien souvent démontrée,
plusieurs avantages : simplicité, facilité de compréhension par même en médecine d’urgence [19, 29].
les patients, reproductibilité. En revanche, elle manque de Certaines échelles évaluent le comportement verbal (plaintes,
sensibilité, en raison du nombre peu important de catégories de réclamation d’antalgiques, etc.) ou physique (grimaces, agita-
réponses. Elle est particulièrement adaptée pour les personnes tion, attitude antalgique). Elles ne requièrent pas la coopération
dont les capacités de compréhension ne permettent pas l’utili- du patient et peuvent être utilisées lorsque les échelles d’autoé-
sation des échelles numériques ou visuelles analogiques valuation sont difficilement réalisables (nourrissons et jeunes
(enfants, personnes âgées, problèmes linguistiques). Elle est enfants, personnes âgées, difficultés de compréhension...).
réalisable dans plus de 94 % des cas en médecine d’urgence [7, L’échelle des visages est particulièrement adaptée pour l’évalua-
30]. tion de la douleur chez les jeunes enfants (Fig. 2).
L’évaluation de la consommation d’antalgiques peut être une
Échelle numérique (EN) méthode de quantification fiable lorsque l’administration des
C’est une échelle quantitative de 0 à 100, le zéro correspon- antalgiques est réalisée par le patient lui-même (pompe patient
dant à « pas de douleur » et le 100 à « la pire douleur imagina- control analgesia : PCA). En revanche, cette méthode est inadap-
ble ». C’est une échelle fiable, utilisable sans support matériel et tée à la médecine d’urgence. Elle ne permet une appréciation de

Médecine d’urgence 3
25-010-G-10 ¶ Analgésie en urgence chez l’adulte

Figure 2. Échelle des visages.

l’intensité douloureuse qu’après traitement, ce qui perd de son mise en place de telles procédures, montrant une amélioration
intérêt, et suppose une administration d’antalgiques par le très nette des scores de douleur et de soulagement des patients
personnel soignant adaptée à l’intensité douloureuse. Or, seuls en médecine d’urgence intrahospitalière [28] et extrahospita-
30 % des patients qui présentent une douleur jugée significative lière [18]. L’étude réalisée par Jones et al. comparait l’intensité
réclament spontanément l’administration d’un antalgique [7], ce des douleurs observées dans un service de médecine d’urgence
résultat observé en médecine préhospitalière étant concordant intrahospitalier avant et après la mise en place d’un programme
avec ceux observés pour la douleur postopératoire. L’adminis- d’éducation des résidents, montrant une amélioration significa-
tration d’antalgiques, basée sur la seule réclamation du patient tive des scores de douleur sur l’EVA et du pourcentage de
est, de fait, une très mauvaise méthode thérapeutique et donc patients soulagés après la période de formation. L’étude réalisée
une mauvaise méthode d’évaluation de l’intensité douloureuse. en préhospitalier a évalué l’efficacité d’une procédure d’assu-
L’évaluation des paramètres physiologiques tels que le niveau rance qualité basée sur la mise en place de protocoles thérapeu-
de pression artérielle, la fréquence cardiaque ou respiratoire etc., tiques utilisant la morphine titrée associée à un programme
n’est pas spécifique de la douleur car ils peuvent être liés à éducatif. Dans cette étude, la mise en place de cette procédure
d’autres facteurs tels que les antécédents et la pathologie en a permis une amélioration significative des scores de douleur
cause. Ils ne permettent pas une évaluation correcte de l’inten- évalués sur l’EVA et sur l’EVS, le pourcentage de patients
sité douloureuse. correctement soulagés passant de 49 % à 67 %. L’amélioration
de la prise en charge de la douleur en situation d’urgence est
Choix d’une échelle en médecine d’urgence donc possible et repose sur une meilleure sensibilisation des
extrahospitalière équipes, sur une évaluation rigoureuse de l’intensité de ces
Le choix d’une échelle est déterminé par plusieurs critères : douleurs par des échelles d’autoévaluation, sur la mise en place
objectivité, faisabilité, reproductibilité et adhésion du personnel de protocoles thérapeutiques adaptés à l’urgence et validés dans
soignant à l’échelle choisie [33]. ce contexte, tout ceci étant suivi d’une réévaluation régulière
Les impératifs d’objectivité éliminent les échelles d’hétéroé- des pratiques (audit) afin de vérifier la mise en application
valuation pour l’évaluation de première intention. En effet, ces effective et l’efficacité de ces protocoles thérapeutiques [34].
échelles sous-estiment le plus souvent la douleur ressentie par Deux conférences d’experts organisées par les sociétés savantes
le patient [29]. En revanche, elles peuvent être utiles chez les (Sfar et Société francophone de médecine d’urgence [SFMU]) ont
patients présentant des difficultés de compréhension ou de établi des recommandations concernant la sédation-analgésie en
langage. urgence intra- et extrahospitalière, permettant une uniformisa-
La faisabilité des différentes échelles unidimensionnelles a été tion des pratiques dans ce contexte [7, 35]. L’évaluation répétée
évaluée en médecine d’urgence intrahospitalière et extrahospi- de l’intensité douloureuse au cours de la prise en charge et
talière [29, 30], retrouvant un taux de réussite très satisfaisant l’utilisation large de la morphine titrée pour des douleurs
pour les trois échelles EVS, EN et EVA, avec une bonne corréla- significatives sont des éléments déterminants pour améliorer la
tion entre elles. Ces différentes études ne permettent pas de qualité de la prise en charge de la douleur aiguë en médecine
recommander une échelle plutôt qu’une autre. Si l’EVS n’est pas d’urgence.
l’échelle à utiliser en première intention en raison de sa faible .

sensibilité, en revanche, l’EN et l’EVA peuvent être utilisées


indifféremment dans le contexte de l’urgence. ■ Stratégie thérapeutique
L’adhésion du personnel soignant à l’échelle d’évaluation de
la douleur est le facteur déterminant de réussite de la procédure
d’assurance qualité sur la douleur. En effet, si le personnel Indications
soignant du service n’adhère pas à la méthode d’évaluation de Il n’existe pas de contre-indication à l’analgésie. Elle s’impose
la douleur choisie, l’amélioration du traitement de la douleur ne chaque fois que le patient exprime une douleur sur les échelles
pourra pas se pérenniser dans le temps. Il semble que les d’autoévaluation. La douleur abdominale non encore diagnos-
services d’urgence intrahospitaliers aient une préférence pour
tiquée n’est en aucun cas une contre-indication à l’utilisation de
l’EN et les services d’urgence extrahospitaliers une préférence
morphiniques. En effet, le soulagement par des morphiniques
pour l’EVA [30-32]. La littérature ne permettant pas de recom-
n’altère en rien l’analyse diagnostique [10, 11, 20, 22, 23].
mander formellement l’EN ou l’EVA dans le contexte de
Cette stratégie thérapeutique doit donc être basée sur des
l’urgence, l’échelle choisie sera celle qui emportera l’adhésion de
l’ensemble du personnel du service. protocoles thérapeutiques établis selon l’intensité de la douleur,
la pathologie et les éventuelles contre-indications spécifiques
Comment améliorer la prise en charge liées au terrain ou à la pathologie [7]. Ces algorithmes décision-
nels doivent être enseignés et validés au sein de chaque service
de la douleur en situation d’urgence ? avec un suivi organisé de l’efficacité de ces traitements dans un
La prise en charge de la douleur aiguë en situation d’urgence programme d’assurance qualité [18]. Il ne suffit pas de mettre en
doit faire partie des priorités thérapeutiques et peut être place les protocoles thérapeutiques, leur mise en application
améliorée par la mise en place de procédures d’assurance qualité pratiquée par l’ensemble du personnel soignant doit être
et de programmes d’enseignement ciblés sur cette problémati- régulièrement suivie avec des contrôles répétés de l’efficacité
que [28, 34]. Quelques études récentes ont évalué l’efficacité de la analgésique [34].

4 Médecine d’urgence
Analgésie en urgence chez l’adulte ¶ 25-010-G-10

Techniques analgésiques quand elles sont rigides. Son action est rapide et ses effets
disparaissent en 2 minutes environ, même après une adminis-
Analgésie médicamenteuse [36] tration prolongée (effet on-off). Du fait du passage rapide sang-
alvéole, le N2O diminue la concentration des autres gaz présents
Paracétamol
dans l’alvéole, pouvant entraîner une hypoxie de diffusion.
Le paracétamol est un inhibiteur de la synthèse des prosta- L’oxygénation du patient doit donc être systématique pendant
glandines agissant sur le système nerveux central. Le paracéta- au moins 15 minutes après utilisation de Kalinox®. Le Kalinox®
mol est administré par voie orale ou intraveineuse. Pour le est contre-indiqué dans les situations suivantes : traumatisme
préhospitalier, la voie intraveineuse est privilégiée. La dose crânien avec troubles de la conscience, traumatisme maxillofa-
unitaire est de 1 g, à administrer en intraveineuse lente sur cial, présence d’une cavité aérienne close dans l’organisme
15 minutes (pour éviter les douleurs et les malaises à l’injec- (pneumothorax spontané ou lié à un traumatisme thoracique,
tion), à renouveler toutes les 6 heures chez l’adulte (soit 4 g/
embolie gazeuse, distension gastrique ou intestinale), tempéra-
24 h). Son délai d’action est d’environ 30 minutes avec un pic
ture ambiante inférieure à 5 °C et patient à risque d’hypoxémie.
d’activité entre 1 et 2 heures. Les seules contre-indications sont
Son utilisation intensive et prolongée expose le personnel aux
l’insuffisance hépatique et l’allergie. La toxicité hépatique du
paracétamol survient pour des doses largement supérieures aux risques des effets indésirables du N2O liés à l’inactivation de la
doses thérapeutiques. C’est un analgésique mineur, utilisé pour vitamine B12. Il est très utilisé pour l’analgésie préhospitalière
des douleurs faibles à modérées ou en association avec des dans les pays où la prescription de morphinomimétiques n’y est
analgésiques puissants pour le traitement des douleurs intenses pas autorisée. Il est particulièrement utile en traumatologie
(effet additif avec les morphiniques). Le paracétamol peut être préhospitalière, en association à d’autres antalgiques, à la fois
administré par voie orale dès l’accueil par l’infirmière des pour des gestes courts tels que la réduction de fractures mais
urgences, sur protocoles thérapeutiques établis datés et signés, également pour l’analgésie continue pendant le transport. Il
permettant ainsi de raccourcir les délais de prise en charge pourrait être plus largement utilisé dans les services d’urgence
thérapeutique. intrahospitaliers pour les gestes courts (plâtres ou sutures par
exemple), particulièrement chez l’enfant. Il nécessite pour cela
Anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)
une pièce bien aérée avec un système d’évacuation du gaz.
Les AINS produisent un effet analgésique par blocage de la
synthèse des prostaglandines en inhibant les cyclo-oxygénases Néfopam (Acupan®)
inductibles. Les AINS ont un certain nombre d’effets secondaires Le néfopam est un analgésique non morphinique, possédant
liés au blocage des cyclo-oxygénases constitutives : ils favorisent une action centrale prédominante par inhibition de la recapture
la survenue d’ulcérations et d’hémorragies digestives, ils de la dopamine, de la noradrénaline et de la sérotonine. Il n’a
inhibent l’agrégation plaquettaire, diminuent la filtration pas d’action anti-inflammatoire. Il est contre-indiqué chez
glomérulaire, favorisent la rétention hydrosodée et peuvent l’enfant de moins de 15 ans, en cas d’antécédents de convul-
provoquer une bronchoconstriction et des réactions allergiques,
sions, en cas de risque de rétention urinaire ou de glaucome à
parfois croisées avec l’aspirine. Les effets secondaires sont
angle fermé. Il peut être utilisé par voie intramusculaire mais
d’autant plus fréquents que l’administration est prolongée, que
s’utilise surtout par voie intraveineuse lente sur 45 minutes à la
les patients sont âgés, que la dose administrée est importante et
qu’il existe une pathologie sous-jacente (insuffisance rénale, dose de 20 mg toutes les 4 à 6 heures. Ses effets indésirables
cardiaque, cirrhose hépatique, antécédent d’ulcère gastroduodé- sont principalement des sueurs, une somnolence, des nausées-
nal). Les AINS sont contre-indiqués chez les patients hypovolé- vomissements, des malaises et des réactions atropiniques. Une
miques, chez les patients présentant des anomalies de étude récente, réalisée sur la douleur aiguë postopératoire, a
l’hémostase, chez les insuffisants rénaux ou cardiaques, chez les montré une efficacité supérieure de l’association néfopam-
cirrhotiques, chez les patients ayant des antécédents d’hémor- morphine par rapport aux deux groupes morphine seule et
ragie digestive ou d’ulcères gastroduodénaux et chez les asth- morphine-paracétamol, permettant également une épargne
matiques. Ils sont principalement indiqués en cas de pathologie morphinique [37].
avec réaction inflammatoire (coliques néphrétiques, douleurs
Chlorhydrate de tramadol
articulaires aiguës, douleurs osseuses, pathologie stomatologique
et otorhinolaryngologique, etc.). De nombreuses molécules Le tramadol est un analgésique d’action centrale de méca-
existent et les études ayant comparé les différents AINS entre nisme complexe, lié à sa capacité d’augmenter la libération ou
eux ont conclu à l’absence de supériorité d’une molécule par de diminuer la recapture de la sérotonine et de la noradréna-
rapport à une autre, que ce soit en termes d’efficacité ou en line, et à une action opioergique faible. Il est métabolisé dans
termes d’incidence des effets secondaires. Dans le contexte de le foie par le système enzymatique du cytochrome P450, les
l’urgence, la molécule la plus appropriée est le kétoprofène métabolites étant éliminés par le rein. La demi-vie d’élimination
(Profénid®) à la posologie de 100 mg toutes les 8 heures en est de l’ordre de 5 heures. Le pic analgésique est atteint en
intraveineuse lente sur 20 minutes. Le délai d’action est 60 minutes et la durée d’action est de l’ordre de 6 heures.
d’environ 15 à 20 minutes avec une durée d’action de 4 à Certaines contre-indications en limitent l’utilisation : l’insuffi-
6 heures. Ils peuvent être associés à d’autres antalgiques (effet
sance respiratoire, l’insuffisance rénale, l’insuffisance hépatique,
additif avec le paracétamol et synergique avec les
l’épilepsie non contrôlée, les toxicomanies en sevrage, l’associa-
morphiniques).
tion aux inhibiteurs de la monoamine oxydase (IMAO), l’hyper-
Protoxyde d’azote sensibilité au tramadol ou aux opiacés. Le tramadol peut induire
des effets secondaires : nausées, vomissements, vertiges, séda-
Le Kalinox® est un mélange équimoléculaire de protoxyde
tion, prurit. La survenue d’une dépression respiratoire est
d’azote (N2O) et d’oxygène, contenant 50 vol % de chaque gaz.
En dessous de -7 °C, le N2O se liquéfie, d’où le risque d’admi- exceptionnelle. Son action analgésique est diminuée mais non
nistration d’un mélange appauvri en oxygène, contre-indiquant abolie par la naloxone. Il est administré par voie intraveineuse
son administration lorsque la température extérieure est lente à la dose de 100 mg la première heure poursuivie par une
inférieure à 5 °C. Le protoxyde d’azote est un analgésique titration en bolus de 50 mg toutes les 15 à 20 minutes sans
d’action centrale. Ses effets sur les récepteurs morphiniques sont dépasser la dose de 250 mg. La posologie d’entretien est de 50 à
discutés et pourraient expliquer partiellement son effet analgé- 100 mg toutes les 4 à 6 heures. Sa place en médecine d’urgence
sique. Ses effets dépresseurs hémodynamiques sont très modé- préhospitalière, par rapport à la morphine titrée intraveineuse
rés. Beaucoup plus diffusible que l’azote, le N2O pénètre plus reste à démontrer. Des molécules récentes associant du paracé-
rapidement dans les cavités aériennes closes que l’azote n’en tamol et du tramadol sont disponibles pour l’analgésie par voie
sort. Il augmente donc le volume des gaz quand les parois des orale. Leurs efficacité et innocuité restent à évaluer dans ce
cavités sont distensibles ou augmente la pression intracavitaire contexte.

Médecine d’urgence 5
25-010-G-10 ¶ Analgésie en urgence chez l’adulte

Nalbuphine
La nalbuphine est un agoniste-antagoniste morphinique. Il
présente comme inconvénient majeur un effet plafond pour
l’analgésie (survenant à des doses de 0,2 mg/kg), limitant son
efficacité pour des douleurs modérées à intenses. L’effet sédatif
de la nalbuphine est supérieur à celui des agonistes purs et la
fréquence des nausées-vomissements semble identique à celle
produite par la morphine. Le risque de dépression respiratoire
est le même que celui de la morphine pour des doses équianal-
gésiques [38]. Son délai d’action est rapide (5 à 7 minutes en
intraveineuse) et sa durée d’action de 3 à 6 heures. Il est
administré à la dose de 0,2 mg/kg toutes les 4 à 6 heures. Il
peut être utilisé par voie intrarectale chez l’enfant dont l’abord
veineux est difficile. Sa place en situation d’urgence par rapport
à la morphine titrée reste à démontrer en raison de l’effet
plafond limitatif et de l’absence de preuve concernant une
meilleure garantie de sécurité par rapport à la morphine en
situation d’urgence. Cette molécule est principalement utilisée
dans les pays où le système préhospitalier est non médicalisé
interdisant l’utilisation d’agonistes purs [39]. Figure 3. Bloc iliofascial.
Buprénorphine (Temgésic®)
Le Temgésic® est un agoniste partiel des récepteurs µ, qui intraveineuse dans cette indication, ils n’ont jamais été évalués
présente de nombreux inconvénients, le contre-indiquant dans ce contexte et ne peuvent, de ce fait, être recommandés
formellement en médecine d’urgence : dépression respiratoire tant que cette évaluation n’est pas réalisée. Aucune étude n’a
non rare et non antagonisable par la morphine, effet plafond démontré leur supériorité par rapport à la morphine titrée en
limitant son efficacité analgésique, antagonisme avec les situation d’urgence, que ce soit en termes d’efficacité analgési-
agonistes morphiniques rendant leur utilisation difficile, que ou en termes de délai d’obtention du soulagement [42]. De
fréquence des nausées-vomissements et de la sédation. plus, les effets secondaires, hémodynamiques et respiratoires,
Chlorhydrate de morphine sont non négligeables, en particulier chez les patients hypovo-
lémiques. Ils peuvent également engendrer une rigidité thoraci-
La morphine est un agoniste pur produisant une analgésie que et une fermeture des cordes vocales rendant difficile, voire
puissante, dose-dépendante, sans effet plafond. C’est l’analgési- impossible, la ventilation. En revanche, les agonistes purs tels
que de référence pour les douleurs intenses en situation que le fentanyl ou le sufentanil sont les morphiniques de choix
d’urgence [7, 18]. Son efficacité en toute sécurité a été largement pour la sédation-analgésie continue du patient intubé-ventilé [7].
démontrée, que ce soit en intrahospitalier pour la douleur
postopératoire [19] ou en préhospitalier dans un système médi- Kétamine
calisé [18]. Son utilisation en médecine d’urgence doit se faire de
La kétamine à très faibles doses (0,1 à 0,3 mg/kg en intravei-
manière titrée afin d’obtenir le niveau d’analgésie suffisant tout
neuse lente sur 10 à 15 minutes) entraîne une analgésie-
en limitant la survenue des effets secondaires. Ses effets
sédation sans effet secondaire majeur, qui pourrait avoir un
indésirables sont principalement : une dépression respiratoire,
intérêt dans le traitement de la douleur en situation d’urgence.
des nausées-vomissements, une rétention urinaire, un prurit et
Cependant, son efficacité dans cette indication nécessite une
un ralentissement du transit intestinal. La dépression respira-
évaluation. Elle est proposée pour l’analgésie du patient
toire, à l’origine d’apnées centrales et obstructives, est comme
incarcéré [7].
l’analgésie, dose-dépendante, et prévenue par l’utilisation de la
méthode de titration. La survenue d’effets secondaires majeurs
Anesthésie locorégionales (ALR) [31, 43]
est rare si le protocole de titration recommandé en médecine
d’urgence est respecté [40]. La voie intraveineuse est la seule Certaines ALR ont particulièrement leur place dans la prise en
recommandée en urgence, les voies parentérales (intramusculai- charge de la douleur en situation d’urgence [7, 44] et font l’objet
res et sous-cutanées) n’étant pas adaptées du fait de leur délai d’une conférence d’experts dont le texte court vient d’être
d’action plus long et de la résorption plasmatique aléatoire. La publié [31]. En revanche, les ALR rachidiennes et ALR intravei-
titration de la morphine intraveineuse se fait par un bolus neuses sont formellement contre-indiquées en urgence extra-
initial de 0,05 mg/kg suivi de bolus successifs de 1 à 4 mg hospitalière (en raison de leurs effets secondaires
toutes les 5 minutes [7, 18]. La morphine est antagonisable par la hémodynamiques, des contraintes d’asepsie, du contrôle de
naloxone en cas de survenue d’événements indésirables majeurs l’hémostase, etc.).
(utilisation titrée par bolus de 0,04 mg, éventuellement répétés). Le bloc du nerf fémoral est sans nul doute la technique d’ALR
L’utilisation de la morphine titrée en situation d’urgence la plus répandue en urgence [31, 43, 44]. Cette ALR est simple à
impose une surveillance rapprochée du patient, à la fois réaliser, accessible à tout médecin et procure de manière
clinique et paraclinique, comprenant une surveillance régulière prévisible une analgésie d’excellente qualité sans effet adverse
de l’état de conscience, du niveau de douleur (mesures répétées notable. Le bloc du nerf fémoral est indiqué pour les fractures
par les échelles d’autoévaluation), de la fréquence respiratoire, de la diaphyse fémorale. Sa simplicité et son innocuité en font
de l’hémodynamique et de la saturation en oxygène [7]. Cette une technique tout à fait adaptée à l’urgence extrahospitalière.
surveillance médicalisée doit être poursuivie en intrahospitalier, Les indications doivent être larges car il permet le ramassage et
en particulier lors des transferts pour investigations complé- le transport du patient, la réduction de la fracture et la réalisa-
mentaires, en raison du risque de dépression respiratoire tion des examens complémentaires dans de bonnes conditions
retardée. Le délai d’obtention d’une analgésie efficace a été d’analgésie. La technique « classique » du bloc fémoral présente
récemment étudié ; il est d’environ 12 minutes lorsque le certaines limites, en particulier lors de fractures des extrémités
protocole de titration est respecté [41]. supérieures et inférieures du fémur. D’autres techniques ont été
proposées, telles que le « bloc 3 en 1 » et le bloc iliofascial
Autres agonistes morphiniques (Fig. 3). La technique du bloc iliofascial est la technique
Les autres agonistes morphiniques ne sont pas, à ce jour, actuellement recommandée en médecine d’urgence car elle est
recommandés pour l’analgésie du patient laissé en ventilation associée à une meilleure efficacité analgésique sur les fractures
spontanée en médecine d’urgence extrahospitalière. Bien que le des extrémités du fémur [31]. L’utilisation d’un neurostimulateur
fentanyl et le sufentanil aient été proposés en utilisation n’est pas nécessaire pour la réalisation de ce type de bloc.

6 Médecine d’urgence
Analgésie en urgence chez l’adulte ¶ 25-010-G-10

L’anesthésique local recommandé est la lidocaïne à 1 % adré- doit s’intégrer dans un processus d’assurance qualité permettant
nalinée qui présente le meilleur rapport bénéfice/risque. Les une amélioration progressive et continue de la prise en charge
autres anesthésiques locaux ne sont pas conseillés en raison de de la douleur dans ce contexte.
leurs effets secondaires (toxicité cardiaque en particulier). Une .

fois le bloc installé, le membre doit être soigneusement immo-


bilisé afin de ne pas risquer un déplacement intempestif du ■ Références
foyer de fracture et une lésion vasculaire ou nerveuse secon-
daire. Un examen neurologique préalable à la réalisation du [1] Chambers JA, Guly HR. The need for better pre-hospital analgesia.
bloc est indispensable et doit être consigné par écrit. Arch Emerg Med 1993;10:187-92.
Le bloc du plexus brachial n’est pas la technique analgésique [2] Ducassé J, Fuzier R. La prise en charge de la douleur aiguë dans les
recommandée dans le contexte de l’urgence en raison du risque services d’urgence en 1998. In: Actualités en réanimation et urgence.
toxique et du risque d’interférence avec la technique d’ALR Paris: Elsevier; 1999. p. 255-69.
utilisée pour le geste chirurgical [31]. [3] Wilson JE, Pendleton JM. Oligoanalgesia in the emergency
Les blocs de la face sont sous-utilisés en situation d’urgence department. Am J Emerg Med 1989;7:620-3.
et devraient remplacer les classiques anesthésies locales par [4] Lewis LM, Lasater LC, Brooks CB. The St. Louis Physicians’ associa-
infiltration pour les sutures des plaies étendues de la face [31]. tion research group. Are emergency physicians too stingy with
Les blocs tronculaires distaux du membre supérieur (blocs au analgesics? South Med J 1994;87:7-9.
poignet) et du membre inférieur (blocs du pied) sont de [5] Morgan-Jones R. Pre-operative analgesia after injury. Injury 1996;27:
539-41.
réalisation simple, quasiment dénués de risques et peuvent être
[6] Hofmann-Kiefer K, Praeger K, Fiedermutz M, Buchfelder A,
utiles pour les plaies des mains et des pieds [31]. L’utilisation
Schwer D, Peter K. Quality of pain management in preclinical care of
d’un neurostimulateur est recommandée pour la réalisation de
acutely ill patients. Anaesthesist 1998;47:93-101.
ces blocs distaux.
[7] Sfar. Expert conference. Sedation-analgesia in out-of-hospital
medicine. Ann Fr Anesth Reanim 2000;19:fi56-fi62.
Place de la sédation associée à l’analgésie [8] White LJ, Cooper JD, Chambers RM, Gradisek RE. Prehospital use of
en situation d’urgence analgesia for suspected extremity fractures. Prehosp Emerg Care 2000;
4:205-8.
L’agitation et l’anxiété sont fréquemment observées en [9] Sfar. Retentissement de la douleur post-opératoire, bénéfices attendus
médecine d’urgence. Cependant, ces états sont le plus souvent des traitements. Conférence de consensus : prise en charge de la douleur
liés au phénomène algique et sont le plus fréquemment calmés postopératoire chez l’adulte et l’enfant. Ann Fr Anesth Reanim 1998;
par la réalisation d’une analgésie bien conduite associée à un 17:540-54.
contact verbal de qualité. L’association d’une sédation par [10] McHale PM, LoVecchio F. Narcotic analgesia in the acute abdomen: a
benzodiazépines n’est justifiée qu’en cas de persistance d’une review of prospective trials. Eur J Emerg Med 2001;8:131-6.
agitation malgré une analgésie bien conduite. En effet, le risque [11] Vermeulen B, Morabia A, Unger PF, Goehring C, Grangier C,
lié à l’utilisation conjointe de benzodiazépines et de morphini- Skljarov I, et al. Acute appendicitis: influence of early pain relief on
ques est important en raison du cumul des effets secondai- accuracy of clinical and US findings in the decision to operate: a
res [45]. Les benzodiazépines entraînent une dépression randomized trial. Radiology 1999;210:639-43.
cardiovasculaire avec diminution du retour veineux, de la [12] Ducharme J, Barber C. A prospective blinded study on emergency pain
pression artérielle et du débit cardiaque. Ces effets sont modérés assessment and therapy. J Emerg Med 1995;13:571-5.
chez les patients normovolémiques mais peuvent être impor- [13] Facon A, Petit L, Van Den Eede R. Aide à l’intubation. Médecine
tants chez les sujets hypovolémiques, même à faible dose [46]. Si d’urgence. In: 37e congrès national d’anesthésie-réanimation. Paris:
une sédation est indiquée, la benzodiazépine la plus adaptée au SFAR-Masson; 1995. p. 97-106.
contexte de l’urgence est le midazolam (Hypnovel®) en raison [14] Fung AS, Bentley TM. Pre-operative analgesia for acute surgical
de ses caractéristiques pharmacocinétiques. Son utilisation doit patients: no place for complacency. Ann R Coll Surg Engl 1994;76:
être titrée en raison d’une variabilité interindividuelle impor- 11-2.
tante, par bolus de 1 mg, éventuellement répétés [7]. [15] Milojevic K, Cantineau J, Simon L, Bataille S, Ruiz R, Coudert B, et al.
Douleur aiguë intense en médecine d’urgence. Ann Fr Anesth Reanim
2001;20:745-51.
■ Conclusion [16] Ricard-Hibon A, Leroy N, Magne M, Le Berre A, Chollet C, Marty J.
Évaluation de la douleur aiguë en médecine préhospitalière. Ann Fr
La douleur aiguë en situation d’urgence est encore trop Anesth Reanim 1997;16:945-9.
fréquemment sous-traitée, voire négligée. L’amélioration de la [17] Ducharme J. Acute pain and pain control: state of the art. Ann Emerg
prise en charge dans ce contexte passe par une amélioration de Med 2000;35:592-603.
la sensibilisation et de la formation des personnels soignants, [18] Ricard-Hibon A, Chollet C, Saada S, Loridant B, Marty J. A quality
par une autoévaluation de l’intensité douloureuse par les control program for acute pain management in pre-hospital critical care
patients et par la réalisation de protocoles thérapeutiques medicine. Ann Emerg Med 1999;34:738-44.
favorisant l’utilisation large des morphiniques. Cette démarche [19] Sfar. Conférence de consensus : prise en charge de la douleur
postopératoire chez l’adulte et l’enfant. Ann Fr Anesth Reanim 1998;
17:445-70.
[20] Attard A, Corlett M, Kidner N, Leslie A, Fraser I. Safety of early pain
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LoVecchio F, Oster N, Sturmann K, Nelson LS, Flashner S, Finger R.
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Il n’existe pas de contre-indication à l’analgésie en Med 1997;15:775-9.
urgence. [22] Pace S, Burke TF. Intravenous morphine for early pain relief in patients
L’intensité de la douleur aiguë doit être évaluée with acute abdominal pain. Acad Emerg Med 1996;3:1086-92.
systématiquement par une échelle d’autoévaluation. [23] Thomas SH, Silen W, Cheema F, Reisner A, Aman S, Goldstein JN,
La douleur abdominale dont l’étiologie n’est pas encore et al. Effects of morphine analgesia on diagnostic accuracy in
emergency department patients with abdominal pain: a prospective,
connue n’est pas une contre-indication à l’utilisation des
randomized trial. J Am Coll Surg 2003;196:18-31.
morphiniques. [24] Todd KH, Samaroo N, Hoffman JR. Ethnicity as a risk factor for
Le morphinique de choix pour l’analgésie du patient en inadequate emergency department analgesia. JAMA 1993;269:1537-9.
ventilation spontanée est la morphine titrée intraveineuse. [25] Todd KH, Deaton C, D’Adamo AP, Goe L. Ethnicity and analgesic
Le bloc iliofascial est simple à réaliser, et procure une practice. Ann Emerg Med 2000;35:11-6.
excellente analgésie pour les fractures du fémur. [26] Jones JS, Johnson K, McNinch M. Age as a risk factor for inadequate
emergency department analgesia. Am J Emerg Med 1996;14:157-60.

Médecine d’urgence 7
25-010-G-10 ¶ Analgésie en urgence chez l’adulte

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extrahospitalière : conférence d’expert. Paris: Elsevier; 2000. p. 9-23. hypovolemia. Anesthesiology 1985;63:140-6.

S. Beaune, Praticien hospitalier contractuel, médecin urgentiste.


A. Ricard-Hibon, Praticien hospitalier temps plein, médecin anesthésiste-réanimateur (agnes.ricard@bjn.ap-hop-paris.fr).
V. Belpomme, Praticien hospitalier temps plein, médecin urgentiste.
J. Marty, Chef de service d’anesthésie-réanimation- SMUR.
Service d’anesthésie-réanimation-SMUR, Hôpital Beaujon, 100, boulevard du Général-Leclerc, 92110 Clichy, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Beaune S., Ricard-Hibon A., Belpomme V., Marty J. Analgésie en urgence chez l’adulte. EMC (Elsevier
Masson SAS, Paris), Médecine d’urgence, 25-010-G-10, 2007.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos / Documents Information Informations Auto-
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

8 Médecine d’urgence
¶ 25-010-G-20

Analgésie locorégionale en urgence


chez l’adulte
M. Freysz, E. Viel, M. Benkhadra

L’intérêt majeur des blocs nerveux périphériques en situation d’urgence réside dans l’absence de
retentissement général (neurologique central, hémodynamique, ventilatoire). Les deux situations les plus
propices à la mise en œuvre d’une analgésie locorégionale (ALR) en urgence sont les traumatismes des
membres et de la face. Une fiche de surveillance indiquant les données de l’examen neurologique initial,
les produits utilisés, les paramètres de surveillance et la recherche de signes de toxicité systémique doit
figurer au dossier médical. La lidocaïne, adrénalinée ou non selon le bloc analgésique envisagé, offre le
meilleur ratio efficacité/sécurité. En cas de plaie étendue, les blocs analgésiques de la face doivent
supplanter au service d’urgence les anesthésies locales de la face qui peuvent déboucher sur l’infiltration
de volumes et de doses excessifs d’analgésiques locaux. Le bloc de la gaine des fléchisseurs doit remplacer
l’anesthésie en « bague » des nerfs collatéraux des doigts. Le bloc du nerf fémoral fait appel à la technique
du compartiment iliofascial, sans neurostimulateur. La pratique des blocs locorégionaux se conçoit après
une formation théorique et un apprentissage pratique délivrés par des médecins anesthésistes-
réanimateurs, notamment au bloc opératoire. L’élaboration de protocoles d’ALR doit être intégrée dans
une approche globale de la prise en charge du patient en urgence, intégrant les contraintes des périodes
préhospitalière, d’accueil des urgences et, le cas échéant, du bloc opératoire.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Analgésie locorégionale ; Anesthésiques locaux ; Urgence préhospitalière ; Accueil des urgences

Plan ■ Introduction
¶ Introduction 1 Ce chapitre traite des techniques locorégionales appliquées
à l’analgésie dans le contexte des urgences, excluant l’utilisa-
¶ Choix des techniques et particularités de l’analgésie
tion des blocs locorégionaux dans le cadre de l’anesthésie
locorégionale en urgence 2
pour intervention chirurgicale d’urgence. Généralement sous-
Choix des techniques 2
utilisées au profit des voies d’administration systémique, un
Surveillance du patient ayant une analgésie locorégionale 2
certain nombre de techniques d’analgésie locorégionale (ALR)
Contraintes et spécificités de l’urgence 3
sont en effet adaptées à l’urgence, tout particulièrement à la
Analgésies locorégionales en milieu hostile et en situation
gestion des urgences traumatiques des membres et de la face.
d’exception 3
Les ALR sont assez fréquemment pratiquées par les médecins
¶ Analgésie locorégionale et traumatismes des membres 3 urgentistes, qu’ils soient ou non anesthésistes-réanimateurs.
Membre inférieur 3 Dans l’expérience du service d’accueil des urgences (SAU)
Blocs du membre supérieur 6 d’un hôpital universitaire français, rapportée en 1998, 47 %
¶ Analgésie locorégionale, plaies de la face et du cuir chevelu 8 des médecins urgentistes déclaraient pratiquer régulièrement
Blocs des nerfs supraorbitaire et supratrochléaire 8 au moins une technique d’ALR. [1] En ce qui concerne
Bloc du nerf infraorbitaire 9 l’urgence préhospitalière, également en 1998, une enquête
Bloc mentonnier 9 révélait que plus de 70 % des ALR étaient réalisées par des
Blocs tronculaires du scalp 9 internes en formation ou par des médecins non anesthésis-
¶ Bloc pénien 9 tes. [2, 3] Si chaque médecin, au cours de ses études initiales
apprend l’anesthésie locale, il n’en va pas de même de
¶ Sédation de complément de l’analgésie locorégionale
l’anesthésie et de l’analgésie locorégionales qui nécessitent
en urgence 9
une formation complémentaire. Celle-ci doit reposer sur un
¶ Contraintes de la formation aux techniques d’analgésie apprentissage théorique et technique encadré, et non sur un
locorégionale 10 apprentissage « sur le tas », au gré des circonstances et de
¶ Conclusion 10 l’encadrement local. Ceci souligne également la nécessité
d’une réflexion pluridisciplinaire, dans le contexte de
l’urgence, sur le choix des techniques réellement utiles,
réellement utilisables dans des conditions normales de

Médecine d’urgence 1
25-010-G-20 ¶ Analgésie locorégionale en urgence chez l’adulte

sécurité pour le patient, réellement et suffisamment utilisées Tableau 1.


pour garantir le nécessaire maintien des compétences, alors Prodromes de toxicité systémique des anesthésiques locaux.
que certains blocs analgésiques ne relèvent pas d’une pratique Signes subjectifs Paresthésies, fourmillements des extrémités,
quotidienne. Les textes didactiques sont encore peu nom- céphalées en casque ou frontales, goût métallique
breux en langue française [4, 5] et ce chapitre s’appuie large- dans la bouche, malaise général avec angoisse,
ment sur les recommandations et conclusions, publiées en étourdissement, ébriété, vertiges, logorrhée, hallu-
2004, d’une conférence d’experts [6] organisée par la Société cinations visuelles ou auditives, bourdonnements
française d’anesthésie et de réanimation (SFAR), en collabora- d’oreille
tion avec la Société francophone de médecine d’urgence Signes objectifs Pâleur, tachycardie, nausées, vomissements, syn-
(SFMU) et SAMU de France. D’autres pays avaient fait œuvres drome confusionnel, empâtement de la parole,
pionnières en ce domaine en développant un enseignement irrégularité respiratoire, nystagmus, fasciculations
pratique et théorique de l’ALR pour l’urgence. C’est le cas du au niveau des lèvres ou de la langue
Collège nord-américain des médecins de l’urgence (American
College of Emergency Physicians, ACEP) qui propose un cursus
pédagogique très détaillé en matière de blocs locoré-
gionaux périphériques (consultable sur le site internet du tronc, intercostaux, paravertébraux, pleuraux ne seront pas
www.acep.org), ainsi que de l’Association des médecins inclus dans ces recommandations en raison, d’une part de leur
d’urgence du Québec (AMUQ) (www.amuq.qc.ca). efficacité variable et peu prévisible, et d’autre part de leur iatrogénie
potentielle. [17] De même, le multibloc laryngé ne sera pas retenu en
raison d’indications extrêmement restreintes et de ses complications
■ Choix des techniques potentielles. Les techniques décrites ici relèvent pour l’essentiel de
la pratique intrahospitalière, au service des urgences. Pour l’urgence
et particularités de l’analgésie extrahospitalière, le seul bloc retenu de manière consensuelle est le
bloc du nerf fémoral, chez l’adulte comme chez l’enfant. [6, 18-20]
locorégionale en urgence
Surveillance du patient ayant une analgésie
Choix des techniques locorégionale
Les techniques d’ALR appliquées à l’analgésie en urgence
Le contexte de l’urgence ne doit en aucun cas être prétexte à
ont pour principaux atouts les gains de temps et d’efficacité
une paupérisation des moyens de surveillance et des précautions
analgésique par comparaison à l’administration systémique
adaptées à la technique locorégionale choisie. [21]
d’analgésiques. Si les techniques d’ALR paraissent gagner du
Une asepsie soigneuse de la zone de ponction est indispensa-
terrain dans les unités et services hospitaliers des urgences, il
ble afin d’éviter toute complication ultérieure et le médecin qui
n’en va pas de même en préhospitalier, une enquête publiée
pratique le bloc doit bien entendu être ganté. La mise en place
en 2000 montrant que 38 % seulement parmi 233 SMUR
d’un champ stérile troué autocollant est souhaitable.
(service mobile d’urgence et de réanimation) français les
utilisaient. [7] Un certain nombre de techniques paraissent L’injection de 2 à 3 ml d’AL n’impose pas plus que dans un
tout à fait adaptées à l’urgence. [8-13] Ce n’est pas le cas des cabinet dentaire la mise en place d’une voie veineuse et
ALR périmédullaires (rachianesthésie, analgésie péridurale) qui d’appareils de surveillance sophistiqués. En revanche, lorsque le
n’ont aucune place dans l’urgence hospitalière, ni a fortiori bloc analgésique utilise les mêmes quantités d’AL que lors d’une
préhospitalière pour des raisons évidentes de contraintes anesthésie locorégionale « chirurgicale », les mêmes précau-
d’asepsie, de positionnement du patient et de conséquences tions [21] s’imposent afin de garantir la sécurité du patient, qu’il
hémodynamiques potentiellement délétères. Les anesthésies s’agisse de la mise en place obligatoire d’une voie veineuse
locorégionales intraveineuses (ALRIV) n’ont à l’évidence périphérique ou d’un monitorage adapté avant de réaliser le
aucune place non plus dans ce contexte pour des raisons bloc. Ceci ne pose d’ailleurs aucun problème dans les services
aussi évidentes (nécessité de disposer de garrots pneumati- d’urgences intra-muros ou extrahospitaliers, pas plus d’ailleurs
ques, durée d’utilisation limitée, absence d’analgésie rési- que la disponibilité immédiate du matériel et des médicaments
duelle, risque neuro- et/ou cardiotoxique sévère en cas de de réanimation cardiovasculaire et respiratoire.
lâchage accidentel du garrot). La place des blocs périphéri- D’une manière générale, le choix des moyens de surveillance
ques, plexiques et tronculaires, qui se caractérisent par leur du patient ayant une ALR dépend du type de bloc, de la
absence de retentissement aux plans hémodynamique, respi- quantité d’AL employée, de l’état du patient et des comorbidi-
ratoire et neurologique central, doit en revanche être précisée tés. En cas de sédation de complément, la mise en place d’une
dans ce contexte tout à fait spécifique. Leur utilisation voie veineuse périphérique et du monitorage cardiovasculaire
rationnelle repose sur des impératifs d’efficacité aussi bien que s’impose d’emblée.
sur des impératifs de sécurité, en tenant compte d’une part du Les anesthésiques locaux ont une toxicité neurologique
contexte spécifique de l’urgence, mais aussi de la réalisation centrale et cardiaque potentielle en cas d’élévation brutale de
de ces blocs par des médecins non-anesthésistes qui ne sont leur concentration plasmatique [22] telle qu’elle peut survenir
pas forcément familiers des techniques locorégionales. Le lors d’une injection intravasculaire accidentelle. Quel que soit
choix des techniques retenues par les experts de la conférence l’agent utilisé, les signes précoces de toxicité doivent donc être
précédemment citée [6] a été basé sur deux principes fonda- parfaitement connus par tous les médecins pratiquant une ALR
mentaux : (Tableau 1) et les infirmiers d’urgence qui surveillent ces
• le rapport bénéfice/risque de la technique envisagée dans le patients. Ils sont communs à tous les AL et ne varient que par
contexte de l’urgence ; leur chronologie et la concentration plasmatique à laquelle ils
• la nécessité de minimiser le risque d’interférence avec une apparaissent selon l’agent utilisé. Une prémédication sédative
technique d’anesthésie locorégionale ultérieure, toujours trop importante peut masquer ces signes d’alerte. La lidocaïne,
possible pour la réalisation d’un éventuel geste chirurgical. adrénalinée ou non selon le bloc analgésique envisagé, offre le
De manière schématique, deux situations se prêtent à la mise en meilleur ratio efficacité/sécurité dans ce contexte, même si sa
œuvre de l’ALR en urgence : les traumatismes des membres et les durée d’action paraît limitée par comparaison à des anesthési-
traumatismes de la face. [12-16] Dans le premier cas, un certain ques locaux plus puissants comme la bupivacaïne et la ropiva-
nombre de techniques paraissent bien connues, tout particulière- caïne. Cette dernière est l’agent le moins potentiellement
ment la technique du bloc fémoral. Les blocs de la face, très toxique lorsque l’on souhaite employer un AL de longue durée
intéressants dans ce contexte, sont largement moins connus et ces d’action. [23] La conduite à tenir face à la survenue d’un
techniques méritent sans conteste une plus large diffusion. Les blocs accident toxique doit également être connue. [22]

2 Médecine d’urgence
Analgésie locorégionale en urgence chez l’adulte ¶ 25-010-G-20

Contraintes et spécificités de l’urgence locorégional, ni à déroger aux règles de surveillance et de


sécurité. [6] L’utilisation des blocs locorégionaux est régulière-
Si le blessé est comateux ou si, chez l’adulte, il a reçu une ment décrite lors de conflits armés ou d’opérations humanitai-
anesthésie générale, il est préférable de s’abstenir de réaliser une res et par les équipes médicales aux armées. [25-27] Les difficultés
analgésie locorégionale afin de ne pas risquer une lésion peuvent résulter des conditions d’environnement et d’accessibi-
nerveuse directe ou une injection intraneurale d’AL qui passe- lité du lieu et/ou du patient, de la présence d’intervenants
raient inaperçues en raison de la disparition du signal d’alarme multiples ou encore d’un afflux massif de victimes. Réalisation
« douleur ». [6, 21] et surveillance des ALR peuvent pour toutes ces raisons s’avérer
La réalisation d’un bloc analgésique périphérique en urgence difficiles. Toutefois, les techniques d’analgésie locorégionale
pose des problèmes spécifiques dus en particulier à une moindre périphériques peuvent s’avérer particulièrement utiles en raison
connaissance du terrain du malade et à une anamnèse nécessai- du respect des conditions hémodynamiques et ventilatoires et
rement réduite, par comparaison au contexte plus encadré de la possibilité d’installer une analgésie de longue durée par
d’une intervention programmée. Le contexte de l’urgence réduit l’usage des AL appropriés. Ces bénéfices sont évidents lors
également le volume et le temps imparti à un bilan très détaillé, d’évacuations difficiles (désincarcération longue, hélitreuillage,
mais il importe de faire un inventaire le plus précis et le plus secours médicalisés en montagne...) pour lesquelles ces techni-
exhaustif possible des lésions, afin de ne pas méconnaître une ques peuvent même simplifier considérablement la prise en
lésion crânienne, thoracique et/ou abdominale susceptible d’une charge par comparaison à une anesthésie générale. Une fois le
décompensation ultérieure. Quelques questions simples doivent blessé stabilisé et ses fractures correctement immobilisées sous
être posées et les classiques contre-indications aux techniques couvert d’un bloc analgésique, le bénéfice peut également être
locorégionales seront respectées : allergie aux AL, infection une simplification de l’évacuation secondaire vers la structure
locale, troubles majeurs de l’hémostase. L’interrogatoire, hospitalière.
lorsqu’il est possible et les réponses fiables, est suffisant pour
rechercher une anomalie constitutionnelle ou acquise de
l’hémostase (recherche de gingivorragies au brossage dentaire,
de menstruations anormalement abondantes ou prolongées, ■ Analgésie locorégionale
d’ecchymoses ou hématomes résultant de contusions minimes
et peu appuyées...). La notion de traitement interférant avec
et traumatismes des membres
l’hémostase n’est pas un facteur limitant, mais doit inciter à la
prudence et à peser l’indication en fonction du rapport
bénéfices/risques. [21] Membre inférieur
Enfin, il est indispensable, avant tout bloc, de consigner par
écrit les données de l’examen neurologique (motricité, sensibi- Le bloc du nerf fémoral et, dans une moindre mesure, les
lité) de la zone considérée. [6] En cas de déficit neurologique blocs de la cheville et du pied ont des indications dans le
constaté à distance du traumatisme, ceci permettra en effet de contexte de l’urgence. Les blocs du nerf ischiatique, à la fesse, à
se prémunir contre une incrimination hâtive de la technique la cuisse et à la fosse poplitée n’ont pas été retenus dans le
locorégionale. cadre des récentes recommandations d’experts de la SFAR.
D’autres difficultés peuvent compliquer la tâche. C’est
notamment le cas de l’accessibilité au malade en urgence
Bloc du nerf fémoral [4, 19, 28]
préhospitalière : malade incarcéré dans un véhicule, membre Le bloc fémoral pour fracture de la diaphyse fémorale est la
incarcéré dans une machine, difficultés physiques d’accès... technique d’ALR la plus répandue et la plus éprouvée en
auxquelles peut éventuellement s’ajouter la nécessité de gérer de urgence, pratiquée par 79 % des médecins urgentistes dans le
multiples victimes. La coopération parfois difficile de certains travail déjà cité. [1] De réalisation simple, il procure de manière
blessés, notamment sous l’emprise de l’alcool ou de diverses prévisible une analgésie d’excellente qualité, chez l’enfant
substances psychotropes, licites ou illicites, rend l’approche comme chez l’adulte. Cette simplicité en fait une technique
difficile, voire impossible. Dans certains cas, la réalisation d’une adaptée aussi bien à l’urgence préhospitalière qu’à l’urgence
ALR peut nécessiter une mobilisation préalable du malade, intrahospitalière. Les descriptions retrouvées dans la littérature
parfois excessivement douloureuse et qui peut être prévenue ou font indifféremment usage des termes « bloc fémoral » et bloc
atténuée par une information adaptée et une analgésie première « 3 en 1 ». Bien que le résultat clinique soit souvent très
par voie veineuse. [6] comparable, la confusion des termes est impropre puisque le
La réalisation dans un secteur d’urgence d’une analgésie terme « bloc 3 en 1 » désigne le bloc paravasculaire inguinal du
locorégionale ne doit pas être un obstacle à une éventuelle plexus lombaire (ou voie antérieure d’abord du bloc du plexus
anesthésie locorégionale ultérieure si le blessé doit bénéficier lombaire), plexus qui regroupe à ce niveau les nerfs obturateur,
d’une intervention chirurgicale urgente. En fonction de l’orga- fémoral et cutané latéral de la cuisse (Fig. 1). [29]
nisation et du contexte, l’instauration d’une bonne coordina- Le bloc fémoral est adapté à l’analgésie pour fracture de la
tion et d’un échange de savoirs entre les médecins de l’urgence diaphyse fémorale ainsi que pour les plaies du genou. [26, 30-32]
et les anesthésistes paraît un élément essentiel. La mise en place Il permet le ramassage, la mobilisation et le transport des blessés
de protocoles définis en commun et de procédures qualité est dans des conditions d’analgésie jugées excellentes ou très
une étape importante dans ce cadre. [24] bonnes par tous les auteurs. Au service d’urgence, il permet sans
Enfin, si le blessé n’est pas hospitalisé et quitte le secteur des douleur le transfert du blessé et la mobilisation pour les clichés
urgences après réalisation d’un bloc analgésique locorégional, radiographiques, ainsi que la mise sur attelle après mise en place
par exemple après exploration d’une plaie, il doit être informé éventuelle d’une broche de traction, lorsque la chirurgie
de la durée prévisible du bloc et un relais analgésique per os d’ostéosynthèse est différée. Les effets adverses sont rares et la
doit, le cas échéant, lui être prescrit. Le patient doit également tolérance excellente au plan hémodynamique. [30, 31]
être informé de la nécessité impérative d’une consultation Ce bloc est également efficace, bien que partiellement, pour
urgente en cas de paresthésies persistantes ou de non-lever du l’analgésie des fractures du col fémoral, [33-36] notamment
bloc. lorsqu’il s’agit de fractures extracapsulaires. [34, 35] Un travail
contrôlé récent [37] montre en outre chez 69 patients une
réduction concomitante de la consommation de morphine par
Analgésies locorégionales en milieu hostile voie générale dans les 8 heures suivantes. Le bloc fémoral est
et en situation d’exception bien toléré par comparaison aux modes d’analgésie systémiques
chez des sujets habituellement fragiles et permet une réduction
Le fait de se retrouver en situation difficile n’autorise ni à significative du taux de surinfection bronchique postopératoire
refuser aux blessés les bénéfices éventuels d’un bloc analgésique chez les sujets âgés. [34]

Médecine d’urgence 3
25-010-G-20 ¶ Analgésie locorégionale en urgence chez l’adulte

Figure 1. Territoires d’innervation


sensitive à la face antérieure de la
cuisse. a : nerf fémoral ; b : nerf cutané
latéral de la cuisse ; c : nerf obturateur.
La face postérieure est innervée par le
nerf ischiatique et ses branches.

b a

Figure 2. Bloc iliofascial « sur le terrain » pour fracture de la diaphyse


fémorale. Désinfection cutanée et port de gants sont obligatoires. Noter
l’utilisation d’une aiguille munie d’un prolongateur, permettant de
conserver l’aiguille immobile lors de l’injection de la solution anesthésique
(cliché Dr T. Gros).

fémoral, obturateur et cutané latéral de la cuisse en raison de


l’existence d’une gaine vasculonerveuse commune à ces différents
troncs. Cette notion est désormais controversée et, en pratique, le
nerf obturateur, qui innerve la partie supéro-interne de la cuisse et
les muscles adducteurs de cuisse, échappe souvent à la technique.
Ainsi, Spilane [39] rapportait 300 blocs réalisés selon la technique
« 3 en 1 » de Winnie et observait quatre blocs seulement dans le
Les limites de la technique sont les fractures dans les zones territoire du nerf obturateur. Chez l’enfant, Dalens et al. [40] ont
fémorales répondant à d’autres innervations, qu’il s’agisse de confirmé ces faits en montrant par la technique de Winnie et la
l’extrémité supérieure (ischiatique et obturatrice) ou inférieure neurostimulation, l’obtention d’un bloc fémoral dans 100 % des cas
(ischiatique) (Fig. 1). et un bloc sensitif obturateur et/ou cutané latéral de la cuisse dans
Aucune contre-indication spécifique à ce bloc n’est retenue à 13 à 20 % des cas seulement. La technique de Winnie ne paraît
l’exception des infections locales, des brûlures et/ou plaies donc pas la technique de choix dans le contexte de l’urgence.
situées dans la zone de ponction. Quant au neurostimulateur, il est rarement disponible en préhospi-
La réalisation d’un bloc fémoral ne nécessite aucune mobili- talier, souvent peu familier aux médecins de l’urgence, sauf aux
sation du blessé, qui reste en décubitus dorsal (Fig. 2). Deux anesthésistes-réanimateurs rompus aux techniques d’anesthésie
techniques sont proposées : bloc « 3 en 1 » et bloc iliofascial locorégionale.
(Fig. 3) avec ou sans neurostimulateur. Ce dernier est moins Technique modifiée, dite du bloc iliofascial [40] (Fig. 4B)
souvent utilisé en préhospitalier, plus fréquemment en intra-
hospitalier, mais ceci ne paraît pas altérer le taux de réussite du Elle peut être recommandée comme technique de choix en
bloc iliofascial. [16, 31] urgence pré- ou intrahospitalière. [18, 30] Elle repose sur un
repérage plus latéral du point de ponction, à la jonction
Technique classique du bloc « 3 en 1 » [10, 16, 38] (Fig. 4A) 2/3 moyens - 1/3 externe du ligament inguinal en dedans du
bord interne des muscles de la face antérieure de la cuisse. [16]
Le patient est placé en décubitus dorsal, jambe en légère À ce niveau, l’aiguille (longueur 50 mm, au mieux munie
abduction à 15°. Les repères essentiels que sont le ligament ’un prolongateur permettant une injection aisée) est intro-
inguinal et l’artère fémorale, peuvent être individualisés sur la duite en direction du ligament inguinal, avec un angle de 45°
peau. Le point de ponction est repéré 1 cm sous le ligament par rapport à la face antérieure de la cuisse afin de faciliter la
inguinal et 1 à 2 cm en dehors des battements de l’artère perception du franchissement du fascia lata et du fascia iliaca,
fémorale. L’aiguille est introduite en direction céphalique en perçus comme deux ressauts successifs, avant de parvenir
formant un angle de 30° avec la peau jusqu’à l’obtention de dans l’espace iliofascial où la solution d’AL est injectée. Plus
paresthésies sur le trajet du nerf fémoral. La technique de la ponction est interne, plus la perception de ces fascias est
recherche de paresthésies est maintenant abandonnée par la ténue car l’un et l’autre se sont amincis. Par cette technique
plupart des auteurs [16, 21] et on lui préfère la neurostimulation qui du compartiment iliofascial, Dalens et al., [40] chez l’enfant,
provoque une réponse motrice quadricipitale (contraction du rapportaient un taux de succès de 100 % pour le bloc fémoral
quadriceps avec ascension de la rotule). Pour Winnie et al., [38] cette et de 90 % pour les nerfs cutané latéral de la cuisse et
technique permet en une seule injection de bloquer les nerfs obturateur. La technique a rapidement été reprise avec

4 Médecine d’urgence
Analgésie locorégionale en urgence chez l’adulte ¶ 25-010-G-20

Figure 3. Bloc iliofascial et « bloc 3 en 1 » :


les points de ponction.

A
Bloc 3 en 1
Bloc iliofascial

Figure 4.
A. Bloc « 3 en 1 » : injection au contact du nerf
fémoral.
B. Bloc iliofascial : injection dans l’espace iliofas-
cial, avasculaire, après franchissement des fas-
cias.

A B

efficacité chez l’adulte, avec toutefois une analgésie de plus ropivacaïne, moins toxique en cas d’injection intravasculaire
courte durée en raison d’une vitesse de résorption accrue des accidentelle, [21, 23] est plus appropriée. Un anesthésiste peut
anesthésiques locaux au sein de ce compartiment richement également opter pour la mise en place d’un cathéter périner-
vascularisé. [41] Cette technique ne nécessite ni recherche de veux fémoral [31] qui permet l’entretien de l’analgésie autant
paresthésies, ni utilisation d’un neurostimulateur et il est que de besoin, grâce à une perfusion continue ou à des bolus
préférable d’employer des aiguilles à biseau court (45°), qui itératifs. L’analgésie débute entre la 5e et la 15e minute selon
facilitent la perception de résistance élastique (« en peau de l’anesthésique local. [31] Dès que le bloc est installé, le membre
tambour ») des fascias. doit être soigneusement immobilisé afin de ne pas risquer un
Tous les anesthésiques locaux peuvent être utilisés pour ce déplacement intempestif des fragments et le risque de lésion
bloc. La lidocaïne 1 % offre le meilleur rapport qualité/sécurité vasculonerveuse secondaire, alors que le signal d’alarme « dou-
et paraît le meilleur choix pour la pratique préhospitalière leur » a disparu.
(ramassage et transport), malgré une durée d’action limitée.
Chez l’enfant, la détermination du volume de lidocaïne 1 %
obéit à la règle simple 1 ml/année d’âge. [28] Au-delà de 15 ans, Blocs du pied
20 à 25 ml sont injectés. L’injection, lente et fractionnée, est
toujours réalisée après des tests aspiratifs répétés. L’injection de Ils sont proposés pour la prise en charge des plaies (explora-
volumes de 0,3 à 0,4 ml/kg [5, 13] est suffisante chez l’adulte tion, détersion, suture) du pied et/ou l’extraction de corps
pour obtenir une anesthésie des trois branches du plexus étrangers au service d’urgence. [43] Cinq branches assurent
lombaire, et le recours à des volumes plus importants n’amé- l’innervation sensitive du pied et de l’avant-pied et sont
liore pas la qualité du bloc. [42] Le bloc s’installe en 8 à bloquées en fonction de la topographie des lésions (Fig. 5).
15 minutes. Au service des urgences, l’utilisation d’anesthési- Quatre sont issues du nerf ischiatique : [10] les nerfs tibial (dont
ques locaux de longue durée d’action, bupivacaïne et surtout les branches terminales : nerfs plantaires médial et latéral

Médecine d’urgence 5
25-010-G-20 ¶ Analgésie locorégionale en urgence chez l’adulte

Figure 5. Territoires d’innervation sensitive


Nerf saphène du pied.
Nerf plantaire
Nerf fibulaire superf.
Nerf fibulaire profond
Nerf sural

assurent l’innervation sensitive de la plante du pied) et sural, les extenseur des orteils. [47, 48] Ces tendons sont aisément repérés
nerfs fibulaires profond et superficiel. Le cinquième nerf en demandant au patient de relever successivement le gros
participant à l’innervation du pied est le saphène, issu du nerf orteil puis tous les orteils. L’aiguille est introduite perpendicu-
fémoral. La lidocaïne 1 %, en solution non adrénalinée, est lairement à la peau, pointe dirigée vers le talon, jusqu’à obtenir
utilisée pour ces blocs analgésiques. le contact osseux puis retirée de 1 à 2 mm avant d’injecter 2 à
Deux branches peuvent être bloquées par une injection sous- 3 ml d’AL. Une compression ferme réalisée par le pouce de
cutanée, chez un patient en décubitus dorsal, jambe et cuisse l’opérateur au-dessus du point d’injection permet d’éviter que
fléchies et le pied reposant à plat sur la table. Le point de l’AL ne remonte vers la jambe. Le nerf fibulaire profond peut
ponction se situe à quatre travers de doigt au-dessus de la également être bloqué par une injection quelques millimètres
pointe de la malléole latérale. [44] L’aiguille est introduite en dedans de l’artère dorsale du pied. [46]
jusqu’au tendon du muscle tibial antérieur pour infiltrer la zone
où chemine le nerf fibulaire superficiel. L’aiguille est ensuite Blocs du membre supérieur [9, 22, 49]
ramenée au plan sous-cutané puis réorientée en direction
postérieure, vers le tendon calcanéen, pour infiltrer la zone de Les blocs du plexus nerveux brachial (interscalénique, sus-
cheminement du nerf sural. [44, 45] claviculaire, axillaire, médiohuméral) n’ont pas été retenus dans
Le bloc du nerf tibial est réalisé chez un patient en décubitus ce contexte. Les indications restent peu nombreuses, ce qui ne
dorsal, le membre intéressé croisant l’autre jambe de façon à peut garantir un maintien de compétence des médecins de
exposer la malléole médiale et le pied reposant à plat sur la l’urgence, entretien indispensable à la réalisation de ces blocs en
table. Le point de ponction se situe deux travers de doigt toute sécurité et avec un faible taux d’échec. Quelques observa-
au-dessus et en arrière de la malléole médiale et l’aiguille, tions anecdotiques ont été rapportées en pratique préhospita-
introduite selon un angle de 45° par rapport au plan cutané, est lière (incarcération de membre dans une machine industrielle
dirigée sous l’artère jusqu’à obtention du contact osseux, puis ou un outillage agricole...), mais la rareté des indications justifie
retirée de 1 à 2 mm avant d’injecter l’AL. [45] Lorsque l’artère l’appel exceptionnel à un anesthésiste-réanimateur rompu à la
n’est pas palpée, le succès de ce bloc est plus aléatoire et pratique de l’anesthésie locorégionale.
d’autres repères sont proposés : le point de ponction peut ainsi Seuls les blocs tronculaires ont été retenus par la conférence
être individualisé entre le médius et l’index positionnés dans le d’experts récente pour les indications d’exploration et de suture
sillon malléolaire, 3 à 4 cm au-dessus de la pointe de la malléole de plaies n’intéressant qu’un ou deux territoires à l’avant-bras
médiale. [45] Le bloc du nerf tibial est dans ce cas obtenu en ou à la main. [43] Les volumes et les doses d’anesthésiques
déposant la solution d’AL au plan sous-aponévrotique, en locaux sont réduits par comparaison à la multiplication d’injec-
dedans du tendon du muscle long fléchisseur de l’hallux, tions purement « locales », permettant de minimiser le risque
facilement perçu à la mobilisation active ou passive de l’hallux toxique en cas d’injection intravasculaire accidentelle. L’anes-
(gros orteil). Ce tendon reste d’ailleurs toujours perceptible en thésique local utilisé est la lidocaïne à 1 % non adrénalinée. Les
cas d’artérite ou d’œdème. L’aiguille peut également être complications sont exceptionnelles, représentées pour l’essentiel
introduite perpendiculairement à la peau, dans le tendon du par des hématomes au point de ponction, généralement proches
muscle long fléchisseur de l’hallux. La mobilisation passive ou des axes artériels correspondants.
active du gros orteil entraîne alors une mobilisation conjointe Schématiquement, les blocs tronculaires des nerfs médian,
de l’aiguille. Lorsque l’aiguille est enfoncée, des paresthésies ulnaire et radial peuvent être pratiqués au coude ou au poignet.
surviennent et l’on retire l’aiguille de 1 à 2 mm avant d’injecter Associés entre eux si nécessaire, ces blocs permettent d’explorer
la solution. Le nerf tibial peut enfin être bloqué en dessous du et de suturer toute plaie de la main et/ou des doigts, à l’exclu-
sustentaculum tali, rebord osseux perçu sous la malléole sion des plaies imposant le passage au bloc opératoire en raison
médiale. [46] Quel que soit le point de ponction choisi, l’utilisa- de lésions articulaires et/ou vasculonerveuses. Au coude, il est
tion d’un neurostimulateur peut en faciliter le repérage en préférable d’employer un neurostimulateur et des aiguilles
provoquant une flexion des orteils. Le bloc du nerf tibial doit gainées et de rechercher la réponse motrice correspondante. Au
toujours être associé au bloc du rameau calcanéen médial du poignet, seules subsistent en général les branches d’innervation
nerf tibial qui s’en individualise parfois très tôt au-dessus de la sensitive puisque les branches motrices ont quitté plus haut le
malléole médiale. Ainsi, après avoir bloqué le nerf tibial, tronc nerveux et l’utilisation d’un neurostimulateur n’offre
l’aiguille est ramenée en position sous-cutanée puis réorientée généralement aucun intérêt. Des aiguilles courtes (longueur :
obliquement, vers le bas lorsque la ponction a été effectuée en 25 mm) sont suffisantes, quel que soit le modèle. Les aiguilles
rétromalléolaire, ou vers le haut lorsque la ponction a été à biseau court munies d’un prolongateur sont également un
réalisée sous le sustentaculum tali. Une infiltration sous- bon choix. Les complications sont exceptionnelles, hormis la
cutanée est faite en direction du tendon calcanéen sur le trajet piqûre vasculaire et notamment d’une artère qui, dans tous les
du rameau calcanéen médial du nerf tibial. cas, est facilement accessible à une compression digitale.
Le nerf fibulaire profond peut être bloqué sur un sujet en
décubitus dorsal, jambe et cuisse fléchies et le pied reposant sur Blocs du nerf médian
la table. Le repérage n’est pas douloureux s’il est réalisé après le
bloc du nerf fibulaire superficiel. Le point de repère se situe Après avoir traversé la fosse axillaire et le canal brachial, le
entre le tendon des muscles long extenseur de l’hallux et long nerf médian descend au bord médial de l’artère brachiale

6 Médecine d’urgence
Analgésie locorégionale en urgence chez l’adulte ¶ 25-010-G-20

Figure 6. Bloc des nerfs médian et


radial à la face antérieure du coude.
1 2
1/2 1. Tendon du muscle biceps brachial ;
2. épicondyle médial ; 3. artère ul- 1
naire ; 4. nerf radial ; 5. nerf médian ;
3 6. nerf ulnaire.
1/3
4 5 6

1/3

Figure 7. Bloc du nerf radial au poignet.


1. Bloc radial

profonde jusqu’à la face antérieure du coude. Il passe ensuite l’avant-bras, le nerf radial passe en arrière sous le tendon du
entre les deux chefs du muscle rond pronateur, croise en avant muscle brachioradial, perfore son aponévrose puis abandonne
l’artère ulnaire, née de l’artère brachiale profonde, et descend trois rameaux superficiels en direction du bord latéral de la
verticalement sur la ligne médiane de l’avant-bras avant de face dorsale de la main, du 1 er doigt et de P1 (première
passer sous le retinaculum des fléchisseurs des doigts. Le nerf phalange) du 2e doigt.
s’engage alors dans le canal carpien entre les tendons des Au coude, le pli cutané antérieur est repéré lorsque l’avant-
muscles fléchisseurs radial du carpe et long palmaire et se divise bras forme un angle de 90° avec le bras. Sur cette ligne, une
en cinq branches. Le nerf médian assure l’innervation sensitive aiguille de 25 mm est enfoncée perpendiculairement 1 cm en
dehors du tendon du muscle biceps du bras (Fig. 6). La
de la paume de la main en dehors d’une ligne passant par l’axe
réponse motrice à la neurostimulation est une extension du
médian de l’annulaire, ainsi que la face dorsale de P2 et P3
poignet et un mouvement « d’éclatement de la main », les
(deuxième et troisième phalanges, respectivement) du 2e et du
doigts s’écartant les uns des autres. Cinq millilitres de
3e doigts et la moitié externe de la face dorsale de P2 et P3 du
solution sont injectés.
4e doigt.
Au poignet, main placée en supination, le repère principal est
Au coude, le nerf médian est nettement séparé du nerf la tabatière anatomique, délimitée en dehors par le tendon du
ulnaire, situé en arrière, du septum intermusculaire. L’artère muscle long extenseur du pouce et en dedans par les tendons
brachiale profonde, dont les battements sont aisément perçus, des muscles long abducteur et court extenseur du pouce (Fig. 7).
est palpée sous le bord inférieur du muscle biceps du bras, au La tabatière est aisément identifiée en provoquant une exten-
tiers inférieur du bras (Fig. 6). Une aiguille de 25 mm est sion forcée de la colonne du pouce et l’aiguille est enfoncée peu
enfoncée perpendiculairement à la peau jusqu’à l’obtention de profondément pour réaliser une infiltration sous-cutanée en
la réponse motrice correspondante soit une flexion des doigts et éventail à l’aide de 3 à 5 ml d’AL. Certains auteurs décrivent
du poignet, correspondant à une contraction des muscles une autre technique d’infiltration en arrière du tendon du
profond et superficiel des doigts. De 5 à 6 ml de solution muscle brachioradial, au tiers inférieur de l’avant-bras, pour
anesthésique sont injectés. Au plan sensitif, le bloc est complet bloquer le nerf dès son émergence entre les tendons des muscles
au niveau du territoire précédemment décrit, tandis que le bloc brachioradial et court extenseur du pouce.
moteur intéresse la pronation et la pince pouce-index.
À la face antérieure du poignet, le nerf médian est dans le Blocs du nerf ulnaire
canal carpien, entre les tendons des muscles fléchisseur radial Né du faisceau latéral du plexus brachial, le nerf ulnaire
du carpe et long palmaire, dans la gouttière située entre ces descend à la face médiale du bras, en s’éloignant progressive-
deux tendons, sur une ligne circulaire passant par le processus ment de l’artère brachiale profonde jusqu’à l’union
styloïde de l’ulna. Le membre supérieur est placé en supination 1/3 moyen - 1/3 inférieur du bras. À ce niveau, il perfore le
et le poignet en extension. Les tendons sont facilement identi- septum intermusculaire médial puis chemine à sa face posté-
fiés en demandant au malade de fléchir le poignet contre rieure jusqu’au coude où il passe dans le sillon du nerf
résistance et le nerf se trouve après avoir franchi le retinaculum ulnaire. Il descend ensuite avec l’artère ulnaire jusqu’à l’os
des fléchisseurs du carpe. De 3 à 5 ml de solution sont injectés pisiforme puis se divise dans un canal ostéofibreux en une
après franchissement du retinaculum des fléchisseurs (ancien- branche palmaire sensitivomotrice et une branche dorsale
nement dénommé ligament annulaire du carpe). sensitive. Le nerf ulnaire innerve la partie médiale de la face
palmaire de la main, ainsi que le 5e doigt et la moitié médiale
Blocs du nerf radial du 4e doigt. À la face dorsale, il innerve la partie médiale de
la face dorsale du 5 e doigt, la face dorsale du 4 e doigt à
Le nerf radial sort de la fosse axillaire et descend en arrière l’exception de la partie latérale de P3, et la face dorsale de la
et en dehors, contournant la face postérieure de la diaphyse partie médiale de P1 et P2 du 3e doigt.
humérale dans le sillon du nerf radial. Il chemine ensuite Au coude, le nerf « roule sous le doigt » dans le sillon du nerf
dans le sillon bicipital, entre les muscles radial et brachiora- ulnaire (gouttière épitrochléo-olécranienne). Une aiguille de
dial en dehors, biceps du bras et brachial en dedans. Le nerf 25 mm est enfoncée très lentement, perpendiculairement à la
se divise en ses deux branches terminales au niveau de la tête peau. À la neurostimulation, une contraction dans le territoire
radiale, 2 à 3 cm au-dessous du pli cutané de flexion du ulnaire (contraction du muscle fléchisseur ulnaire du carpe,
coude. La branche postérieure, motrice, descend jusqu’à la inclinaison ulnaire de la main, adduction du pouce) signe la
face dorsale du poignet et des os du carpe où elle se ramifie. position correcte de l’aiguille. En pratique, la neurostimulation
La branche antérieure est sensitive et descend sous le muscle paraît inutile et une simple injection de 2 à 3 ml d’AL dans
brachioradial en longeant l’artère radiale. Au tiers inférieur de cette gouttière suffit à obtenir un bloc.

Médecine d’urgence 7
25-010-G-20 ¶ Analgésie locorégionale en urgence chez l’adulte

3
1
2

Face dorsale Face palmaire


Figure 9. Bloc de la gaine des fléchisseurs des doigts. Distribution de
l’anesthésie de la gaine des fléchisseurs des doigts.

Figure 8. Blocs des nerfs médian et ulnaire à la face antérieure du


poignet. mobilisation lors des mouvements de flexion. Une sensation de
1. Retinaculum des fléchisseurs ; 2. nerf médian ; 3. nerf ulnaire. résistance excessive à l’injection signe la pénétration du tendon
lui-même et l’aiguille doit alors être très légèrement retirée
jusqu’à disparition de la résistance. Trois millilitres d’AL en
Au poignet, la main est placée en adduction et le poignet est solution non adrénalinée sont injectés lentement tandis que la
gaine est comprimée au doigt au niveau de la tête métacar-
fléchi contre résistance, pour identifier le tendon du muscle
pienne pendant 2 à 3 minutes pour favoriser la diffusion distale.
fléchisseur ulnaire du carpe. Le nerf se trouve en dehors de ce
Le bloc est installé en 10 à 12 minutes.
tendon et en dedans de l’artère ulnaire (Fig. 8). L’aiguille est
De manière anecdotique, ce bloc a été proposé pour restaurer
insérée entre ces deux repères sur une ligne circulaire passant
le signal de l’oxymètre de pouls, lorsque ce signal ne peut être
par le processus styloïde ulnaire, en position quasiment symé-
acquis en raison d’une vasoconstriction distale excessive. [53]
trique à celle du nerf médian, précédemment décrite. L’aiguille
est enfoncée lentement, avec un angle de 45° en direction du
coude, et 3 à 5 ml de solution sont injectés. Un échec peut
signer une variante anatomique, le nerf se trouvant en arrière
■ Analgésie locorégionale, plaies
du tendon fléchisseur ulnaire du carpe. Les repères restent dans de la face et du cuir chevelu [15, 54]

ce cas identiques, mais l’aiguille est enfoncée latéralement,


perpendiculairement et sous le tendon du muscle fléchisseur Sous-utilisés par méconnaissance, les blocs de la face et du
ulnaire du carpe. cuir chevelu devraient supplanter en urgence les traditionnelles
Le bloc ulnaire est employé pour les plaies et corps étrangers anesthésies locales de la face qui aboutissent fréquemment à
au bord ulnaire de la main et du 5e doigt. infiltrer des volumes excessifs d’AL pour suturer des plaies aux
berges devenues succulentes. Utilisée pour le traitement d’algies
Bloc de la gaine des fléchisseurs chroniques de la face, mais aussi comme traitement des dou-
leurs aiguës du zona ophtalmique, [55] l’anesthésie tronculaire de
Le bloc de la gaine commune des tendons fléchisseurs est la face est également une alternative de choix à l’anesthésie
indiqué pour des gestes d’urgence portant sur les doigts : sutures générale, chez des malades à l’estomac plein, pour sutures des
de plaies, excision partielle ou reposition d’ongles, extraction de plaies multiples de la face, dont les localisations sont très
corps étranger, réduction de luxation interphalangienne, variées : menton, lèvres, joues, pommettes, ailes du nez,
incision d’abcès ou de panaris etc. Cette technique doit être paupières, front etc. [54] Pour les téguments de la face, quatre
adoptée en lieu et place de la technique classiquement ensei- blocs peuvent être réalisés de manière uni- ou bilatérale : [15] le
gnée d’anesthésie en « bague » des nerfs collatéraux des bloc supraorbitaire et le bloc supratrochléaire (front et paupière
doigts, [50-52] relativement douloureuse et incriminée dans la supérieure), le bloc infraorbitaire (joue et lèvre supérieure), et le
survenue d’ischémie par compression d’artérioles terminales. La bloc mentonnier (lèvre inférieure et menton). La suture des
gaine des tendons fléchisseurs des doigts remonte 1 cm plaies cutanées du nez nécessite le plus souvent des blocs
au-dessus des articulations métacarpophalangiennes pour les 2e, bilatéraux et impose un complément aux précédents (bloc du
3e et 4e doigts et jusqu’au retinaculum des fléchisseurs pour le rameau nasal externe, bloc du nerf alvéolaire inférieur etc.). [15]
5e. Le bloc de la gaine des fléchisseurs pour ce qui concerne les Ces blocs sont de réalisation aisée, ne nécessitent aucun
1er et 5e doigts n’est pas ou peu efficace sur la face dorsale en matériel spécifique et aucune complication sévère n’est rappor-
raison d’une innervation différente des autres doigts. Par tée. Comme pour le bloc de la gaine des fléchisseurs des doigts,
ailleurs, pour les doigts 2, 3 et 4 l’anesthésie ne concerne pas la les solutions adrénalinées doivent être proscrites à proximité
face dorsale de P1 qui est innervée par un rameau ulnaire et d’artères terminales. La lidocaïne 1 % est la plus fréquemment
non médian. Ceci est une cause d’échec fréquente. employée. La ropivacaïne 7,5 mg/ml offre l’avantage d’une
Il faut signaler que la ponction est douloureuse et que le analgésie plus prolongée. Pour tous les blocs à proximité de
patient doit être prévenu. l’œil, l’utilisation d’un antiseptique non alcoolique et non
Les blocs sont réalisés à l’aide d’une aiguille de calibre 25 à irritant pour l’œil est indispensable. Un produit comme la
27 G et 15 mm de longueur, on utilise une seringue de 2 ml Bétadine ophtalmique® est utilisable. Par ailleurs, le risque
afin de maintenir une pression constante sur le piston. L’aiguille d’hématome, voire de plaie de l’œil, doit être pris en compte
est introduite avec un angle de 45° au niveau du pli cutané de lors de la ponction.
flexion métacarpophalangien pour les trois doigts longs (Fig. 9),
et en un point situé à mi-chemin des plis de flexion métacar- Blocs des nerfs supraorbitaire
pophalangien et interphalangien pour le 1 er doigt. [21] Le
tendon fléchisseur est repéré par des mouvements de flexion au
et supratrochléaire
niveau de la tête du métacarpien correspondant et la bonne Le bloc supraorbitaire permet de bloquer le nerf frontal,
position de l’aiguille dans la gaine tendineuse est attestée par sa branche du nerf ophtalmique (V1) (Fig. 10 et 11). Il est réalisé

8 Médecine d’urgence
Analgésie locorégionale en urgence chez l’adulte ¶ 25-010-G-20

Figure 10. Territoires sensitifs de la face et


anatomie du V (V1, V2 et V3).
V1

V2

V3

Blocs tronculaires du scalp


Très efficaces et ne nécessitant que de très faibles volumes
d’AL, contrairement aux anesthésies locales, ils permettent la
suture de la plupart des plaies du cuir chevelu.
Pour le scalp temporal, une injection traçante dans la zone
4
allant du tragus au bord supérieur de l’arcade zygomatique et
1 une seconde injection, dirigée vers le bas au bord antérieur de
5 l’oreille externe permet d’obtenir un bloc analgésique des
2 2 cm rameaux temporal et temporofacial.
Le scalp occipital est quant à lui innervé par le nerf grand
occipital ou grand nerf occipital d’Arnold, branche du second
nerf cervical, qui devient très superficiel dans son trajet
terminal. Le bloc analgésique est obtenu par une infiltration
3 2/3 sous-cutanée de 3 à 4 ml d’AL sur une distance de 5 cm environ
1/3
de part et d’autre de la protubérance occipitale.

Figure 11. Repères osseux des blocs sensitifs de la face. ■ Bloc pénien
1. Foramen supraorbitaire ; 2. foramen infraorbitaire ; 3. foramen men-
tonnier. Il est d’indication exceptionnelle, y compris chez l’enfant
(incarcération du prépuce dans la fermeture éclair d’un panta-
lon). C’est pourquoi il n’a pas été proposé par la conférence
au niveau du foramen supraorbitaire, au rebord orbitaire d’expert comme technique de première ligne pour les médecins
supérieur, à l’aplomb de la pupille centrée. L’aiguille vient au urgentistes. Correctement expliqué au blessé afin d’en faciliter
contact de l’orifice sans le pénétrer. On l’associe habituellement l’acceptation, il peut permettre d’éviter une anesthésie générale
au bloc du rameau supratrochléaire, au contact de l’os, à l’angle pour un geste salvateur très simple. La verge est tractée au
du bord supérieur de l’orbite et de l’os nasal. zénith et le bloc se pratique à la base d’implantation de la
Pratiqués de manière bilatérale, ces blocs génèrent une verge. L’aiguille est introduite perpendiculairement au plan
anesthésie de tout le front, jusqu’à la suture coronale, et des cutané en position 11 heures et 1 heure jusqu’à percevoir la
paupières supérieures. Ils permettent donc l’exploration et la résistance élastique du fascia profond du pénis (de Buck) qui est
suture des plaies du front et de la partie antérieure du scalp. franchi. Après un test d’aspiration destiné à vérifier l’absence
d’effraction d’un vaisseau ou d’un corps caverneux, 1 à 2 ml de
lidocaïne non adrénalinée sont injectés en chaque point. Il peut
générer des complications locales à type d’hématomes. [56, 57]
Bloc du nerf infraorbitaire
Le nerf infraorbitaire est une branche du nerf maxillaire (V2).
Le bloc est réalisé au niveau du foramen infraorbitaire, à ■ Sédation de complément
l’aplomb de la pupille centrée. L’aiguille, dirigée vers l’angle
externe de l’orbite homolatérale, vient au contact de l’orifice et
de l’analgésie locorégionale
l’injection est faite sans le pénétrer. L’anesthésie concerne la en urgence [6, 58]

paupière inférieure, la joue, la partie latérale du nez et l’hémi-


lèvre supérieure, ainsi que les incisives et les canines supérieures Une anxiété réactionnelle majeure ou un état d’agitation
(Fig. 10 et 11). sont fréquents en urgence. En pratique de l’urgence préhos-
pitalière, l’incarcération dans une position difficile peut
également limiter les possibilités de coopération du blessé.
Bloc mentonnier Dans tous ces cas, une sédation peut faciliter la réalisation
d’un bloc analgésique locorégional, mais il ne s’agit en aucun
Le nerf mentonnier, branche du nerf mandibulaire (V3), est cas d’un moyen de compenser l’échec partiel ou total d’un
réalisé, par voie orale ou par voie transcutanée au niveau du bloc. Si l’agitation est liée à la douleur, elle cédera avec le bloc
foramen mentonnier, repéré au niveau de l’apex de la deuxième analgésique et ne nécessite donc pas obligatoirement une
prémolaire ou de la première molaire. L’injection se fait au sédation, sauf éventuellement au moment même de la
niveau du foramen sans pénétrer le canal. L’anesthésie obtenue réalisation du geste. La sédation permet de limiter l’agitation
intéresse le menton et l’hémilèvre inférieure (Fig. 10 et 11). et les mouvements intempestifs. Lorsque l’agitation est liée au

Médecine d’urgence 9
25-010-G-20 ¶ Analgésie locorégionale en urgence chez l’adulte

contexte traumatique, notamment à un traumatisme crânien, • une formation médicale continue accréditée à la fois par le
la sédation peut en revanche être dangereuse. Enfin, le Collège français des Anesthésistes-Réanimateurs (CFAR) et
problème ne se pose pas face à un état d’agitation d’origine surtout par les collèges de médecine d’urgence. Des enseigne-
psychiatrique qui est une contre-indication à réaliser une ments spécifiques, sous forme de diplômes universitaires (DU)
technique locorégionale. La sédation est réalisée par voie ou de diplômes interuniversitaires (DIU) existent également
intraveineuse sur une voie périphérique. Elle impose une depuis peu, visant à diffuser les techniques aux médecins de
surveillance classique associant électrocardioscope, oxymètre l’urgence, quelle que soit leur spécialité d’origine. Pour les
de pouls et mesure non invasive de la pression artérielle. ALR réalisables par des médecins de l’urgence non spécialisés
Un score égal à 2 sur l’échelle de Ramsay en six points est en anesthésie-réanimation, le nombre total ne devrait pas
l’objectif de profondeur de sédation souhaité (malade coopé-
descendre au-dessous de 30 et, pour chacun des blocs,
rant, orienté et tranquille). Sur une échelle de sédation simple,
au-dessous de trois actes consécutifs réalisés avec succès. [6] Le
en quatre points (0 : pas de sédation ; 1 : sédation légère,
carnet de stages atteste de ces chiffres. [6]
réactivité à la parole ; 2 : sédation profonde : réactivité à la
stimulation tactile ; 3 : sédation excessive : réactivité à une L’élaboration de procédures et de cahiers de protocoles doit
stimulation énergique), la profondeur optimale de sédation ne de même être intégrée dans une approche globale de la prise en
doit pas dépasser le niveau 1. [6, 59] Dans le contexte de charge du patient en urgence, associant le préhospitalier, le
l’urgence, notamment extrahospitalière, un nombre restreint service d’accueil des urgences et le bloc opératoire, afin de ne
d’agents sédatifs doit être sélectionné et leur administration est pas interférer avec une technique d’anesthésie nécessaire à un
basée sur le principe de la titration, car tous les agents sédatifs éventuel acte chirurgical ultérieur. Une fiche de surveillance
sont potentiellement dépresseurs cardiovasculaires et respiratoi- indiquant les produits utilisés et les paramètres de surveillance
res. La titration se justifie dans tous les cas en raison de en fonction du temps, doit être annexée au dossier médical. La
l’importante variabilité interindividuelle des effets sédatifs des mise en place de programmes d’assurance qualité « douleur-
différents agents pharmacologiques. Le midazolam, qui induit analgésie » est un moyen efficace de contrôle et d’amélioration
anxiolyse et amnésie, paraît la benzodiazépine la mieux adaptée, des procédures mises en place. [64]
mais le risque de dépression respiratoire est majoré par l’asso-
ciation éventuelle à un morphinique. Les autres hypnotiques,
notamment le propofol, sont inadaptés à la sédation de com-
plément d’un bloc analgésique dans le contexte de l’urgence, en ■ Conclusion
raison de leurs effets hémodynamiques chez des blessés poten-
tiellement hypovolémiques. Le MEOPA (mélange équimolécu- Un certain nombre de techniques d’anesthésie locorégionale
laire oxygène-protoxyde d’azote), peu évalué chez l’adulte dans sont parfaitement utilisables dans le contexte de l’urgence. Elles
ce contexte, [60] est une bonne option chez l’enfant pour doivent être pratiquées dans le cadre d’une approche globale de
faciliter la réalisation d’un bloc en urgence. [61, 62] La morphine la prise en charge du patient du lieu de la détresse au bloc
est l’opiacé de référence pour assurer une analgésie, à l’inverse opératoire en passant par le service d’accueil des urgences.
des opiacés, plus puissants mais plus dépresseurs ventilatoires En pratique, pour le préhospitalier, le bloc fémoral est
comme le fentanyl ou le sufentanil. Après un bolus initial de particulièrement intéressant. Les blocs de la face et des membres
0,05 mg/kg intraveineux, la morphine s’utilise en bolus titrés (1 peuvent trouver une place de choix à l’accueil des urgences.
à 4 mg selon l’efficacité du premier bolus, l’âge et l’état Dans tous les cas, leur utilisation ne se conçoit qu’après une
clinique) à intervalles de 5 à 7 minutes. Les opiacés agonistes formation théorique et pratique initiale. Des protocoles de
partiels, comme la nalbuphine, ont un effet-plafond mais leur service et une formation continue doivent également encadrer
utilisation ne comporte pas moins de risques d’effets secondai- cette pratique.
res que la morphine.

■ Contraintes de la formation
aux techniques d’analgésie .

locorégionale ■ Références
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bre 1994]), et aux règles de bonnes pratiques cliniques, les préhospitalière. État des lieux en 1998. Ann Fr Anesth Reanim 1998;
praticiens doivent connaître les indications et les contre- 17:R259.
indications des anesthésiques locaux et des techniques, acquérir [4] Viel E, Freysz M, Delbos A. Les techniques de lutte contre la douleur :
l’expérience de leur utilisation et disposer des moyens, en l’analgésie locorégionale. In: Bleichner G, Brunet F, Chauvin M,
particulier de surveillance, pour les mettre en œuvre. Ces Ducassé JL, Mangola B, Ravaud P, et al., editors. DEQUAD URGEN-
connaissances théoriques et pratiques doivent être régulière- CES, Douleurs aiguës en situation d’urgence : des techniques à la
ment actualisées, afin de garantir le maintien de niveau de démarche qualité. Paris: Arnette; 2004. p. 32-44.
compétence nécessaire à la bonne qualité des soins. [14] [5] Zetlaoui PJ, Tazarourte K, Trabold F. Anesthésie locorégionale et
La pratique des blocs locorégionaux doit être précédée d’une analgésie aux urgences. Paris: B. Braun; 2004 (68p).
formation théorique et pratique, notamment au bloc opératoire. [6] Société Française d’Anesthésie et de Réanimation, Société Franco-
Ceci implique : [6, 63] phone de Médecine d’Urgence, SAMU de France. Pratique des anes-
• une formation théorique et pratique réalisée par des thésies locales et locorégionales par des médecins non spécialisés en
anesthésistes-réanimateurs dans le cadre de l’enseignement de anesthésie-réanimation, dans le cadre des urgences. Paris: Société
la capacité de médecine d’urgence et du diplôme d’études Française d’Anesthésie et de Réanimation-Elsevier; 2004. 107p pour le
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10 Médecine d’urgence
Analgésie locorégionale en urgence chez l’adulte ¶ 25-010-G-20

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M. Freysz, Professeur des Universités, praticien hospitalier (marc.freysz@chu-dijon.fr).


Département d’anesthésie-réanimation - SAMU 21, Pôle d’anesthésie -réanimation chirurgicale - urgences, Hôpital Général, CHU de Dijon, 3, rue du
Faubourg-Raines, 21033 Dijon cedex, France.
E. Viel, Praticien hospitalier.
Centre d’évaluation et de traitement de la Douleur, Fédération des Départements anesthésie - douleur et urgences – réanimation, groupe
hospitalo-universitaire Caremeau, 30029 Nîmes cedex 9.
M. Benkhadra, Interne.
Département d’anesthésie-réanimation - SAMU 21, Pôle d’anesthésie -réanimation chirurgicale - urgences, Hôpital Général, CHU de Dijon, 3, rue du
Faubourg-Raines, 21033 Dijon cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Freysz M., Viel E., Benkhadra M. Analgésie locorégionale en urgence chez l’adulte. EMC (Elsevier Masson
SAS, Paris), Médecine d’urgence, 25-010-G-20, 2007.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


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12 Médecine d’urgence
¶ 25-010-G-30

Anesthésiques locaux : accidents


M. Freysz, S. André

Sous réserve d’une utilisation rigoureuse (dose totale, concentration, modalités d’administration), les
accidents secondaires à l’emploi des anesthésiques locaux sont rares. Les accidents toxiques, en
particulier neurologiques, ont une symptomatologie précoce stéréotypée. Il en résulte la nécessité de
maintenir le contact verbal lors de l’administration lente de l’anesthésique local, toujours précédée d’un
test aspiratif. Le traitement de la toxicité neurologique centrale est nécessaire seulement en cas de crise
convulsive. Il est simple et efficace s’il est appliqué sans délai. Il consiste au maintien d’une ventilation
adéquate et au traitement de la crise convulsive. Les autres accidents (cardiotoxicité, réactions
allergiques, méthémoglobinémie) sont plus exceptionnels. La réalisation de toute anesthésie locale
suppose cependant un matériel d’urgence minimal, en particulier de ventilation, prêt à l’utilisation.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Surdosage ; Toxicité ; Malaise vagal ; Allergie ; Convulsions

Plan mesures simples de sécurité, la connaissance de la pharmacolo-


gie des produits utilisés, le dépistage rapide des prodromes
annonçant les complications graves et la prise en charge rapide
¶ Introduction 1
de ces manifestations. [1]
¶ Rappel pharmacologique 1
¶ Toxicité neurologique centrale des anesthésiques locaux 2
Signes cliniques 2 ■ Rappel pharmacologique
Conduite à tenir devant une crise convulsive par toxicité
Les AL agissent au niveau de la face interne de la membrane
aux anesthésiques locaux 3
cellulaire du neurone périphérique (mais aussi des cellules
Diagnostics différentiels 3
excitables du système nerveux central et du cœur) où ils
¶ Cardiotoxicité des anesthésiques locaux 3 bloquent le canal sodique en entraînant une diminution de
Conduite à tenir face à l’arrêt cardiorespiratoire 3 l’amplitude du potentiel d’action, une diminution de la vitesse
¶ Autres manifestations générales 3 de dépolarisation et une augmentation de la durée de la période
Malaise vagal 3 réfractaire. À partir d’une certaine concentration de l’AL, la
Réactions allergiques 4 membrane devient totalement inexcitable.
Méthémoglobinémie 4 Les AL sont des bases faibles constituées de trois parties : un
Accidents liés à un terrain particulier 4 pôle lipophile (noyau aromatique), un pôle hydrophile (dérivé
¶ Accidents locaux et locorégionaux lors des anesthésies locales 5
aminé) et une chaîne intermédiaire porteuse d’une liaison ester
Lésions nerveuses 5
ou amide. Les composés esters sont très rapidement métabolisés
Autres accidents 5
dans le sérum par l’intermédiaire de cholinestérases. Leur
métabolisme produit de l’acide para-amino-benzoïque à fort
¶ Prévention des accidents locaux et locorégionaux pouvoir allergisant. Ils sont donc actuellement très peu utilisés.
lors de l’utilisation d’anesthésiques locaux 5 Les composés amides ont un métabolisme plus lent au niveau
¶ Conclusion 6 des microsomes hépatiques (cytochrome P450).
La toxicité des AL est modifiée par certains paramètres. Le
surdosage et l’injection intravasculaire entraînent rapidement
■ Introduction des complications. L’utilisation de vasoconstricteur diminue le
passage systémique. La forme non liée aux protéines est
En médecine générale, en médecine d’urgence, l’utilisation augmentée en cas d’hypoprotidémie, notamment au cours de la
des anesthésiques locaux (AL) est de pratique courante. Les grossesse. La proportion de la forme non ionisée diminue dans
anesthésies locale et locorégionale font partie des gestes les situations d’inflammation, de sepsis ou d’acidose, expliquant
techniques pratiques à connaître. L’utilisation de ces AL n’est la moindre efficacité. Lorsque la liposolubilité du produit est
pas dépourvue de complications. Un surdosage relatif ou absolu élevée, il s’accumule dans la myéline, entraînant un délai
peut engendrer des complications neurologiques et cardiaques d’action prolongé et un relargage progressif responsable d’une
graves, engageant le pronostic vital du patient, nécessitant des action longue. Certains AL, dépourvus du stéréo-isomère R
manœuvres de réanimation précoces et adaptées. semblent moins toxiques (ropivacaïne et lévobupivacaïne). La
La prévention de ces complications passe par la maîtrise des clairance des AL est diminuée lors de l’insuffisance hépatique,
techniques d’anesthésie locales et locorégionales, le respect de lors de l’utilisation de médicaments inhibant le métabolisme

Médecine d’urgence 1
25-010-G-30 ¶ Anesthésiques locaux : accidents

Tableau 1.
Propriétés physicochimiques des anesthésiques locaux.
Produit pKa Coefficient Fixation Délai d’action Durée d’action (min) Puissance relative à la lidocaïne
de partage protéique (%)
Lidocaïne 7,9 2,9 65 Long 90-120 1
Prilocaïne 7,9 0,9 55 Court 90-120 1
Mépivacaïne 7,6 0,8 75 Court 90-120 1
Ropivacaïne 8,1 6,1 94 Court 150-180 3,3
Bupivacaïne 8,1 27,5 95 Intermédiaire 180-210 4
Étidocaïne 7,7 141 95 Intermédiaire 180-240 4

Tableau 2.
Présentation, posologies et indications des principaux anesthésiques locaux (selon [2]).

Agent Présentation Indication Posologie maximale


Lidocaïne 0,5 %, 1 %, 2 % sans adrénaline Infiltration, blocs périphériques de préférence Adulte : 300 mg
avec une solution à 0,5% adrénalinée. Enfant : 5 mg/kg
Avec adrénaline 1/200 000 Infiltration et blocs périphériques Adulte : 500 mg
Enfant : 6-7 mg/kg
Xylocaïne® 5 % nébuliseur Laryngoscopie Adulte : 10 à 25 pulvérisations
Enfant : 2 pulvérisations par 10 kg
Xylocaïne® 5 % naphtazolinée Anesthésie et vasoconstriction pour muqueuse ORL Adulte : 25 pulvérisations
Enfant : 0,1 ml/kg
Xylocaïne® visqueuse 2 % Anesthésie buccale 2 à 3 ml (adulte)
Xylocaïne® gel urétral 2 % Anesthésie urétrale 1 tube (adulte)
Emla® Tube de 5 ou 30 g Ne pas laisser plus de 20 minutes au contact d’une plaie Adulte : 30 g
ou des muqueuses Adulte, muqueuse : 10 g
Enfant : 0,15 g/kg
Mépivacaïne 1 % et 2 % Infiltration 200 mg (adulte)
Blocs périphériques 400 mg (adulte)
Ropivacaïne 0,2%, 0,75 % et 1 % Infiltration 150 mg (adulte)
Blocs périphériques 2,5 à 3 mg/kg (enfant > 12 ans)

Tableau 3. central qui se succèdent en quatre phases : la première est


Contre-indications aux anesthésiques locaux. marquée par un ralentissement de l’activité électro-
Allergie à un anesthésique local de la même famille ou à un des exci-
encéphalographique (EEG) et une inhibition de la formation
pients réticulée du tronc cérébral. La seconde est représentée par des
ondes EEG rapides et microvoltées et une activation réticulaire.
Trouble constitutionnel ou acquis de la coagulation
La troisième voit l’apparition d’ondes lentes contemporaines
Trouble de la conduction auriculoventriculaire d’une suppression de l’activité réticulaire. Enfin, la quatrième se
Épilepsie non contrôlée par le traitement traduit par un tracé EEG épileptiforme, marquant une nouvelle
Anesthésie locale dans une zone infectée ou inflammatoire activation réticulaire. En cas d’administration plus rapide, les
Porphyrie différents stades se confondent, aboutissant rapidement au tracé
Contre-indications des solutions adrénalinées épileptiforme et aux convulsions. [6]
Traitements par les IMAO La toxicité neurologique est fonction de la concentration
cérébrale d’AL et avant tout de la rapidité de l’augmentation de
Traitements par les antidépresseurs tricycliques
celle-ci (intérêt de l’administration lente et fractionnée). Et on
Hyperthyroïdie
comprend que ces accidents surviennent volontiers en cas
Zone à vascularisation terminale : doigt, pénis, œil d’injection intravasculaire ou d’injection, ou d’administration
Voie intraveineuse locale dans une zone richement vascularisée. De ce fait, les
Anesthésie de la face après une radiothérapie utilisations de lidocaïne en nébulisation au cours des fibrosco-
pies bronchiques ou en gel urétral avant cystoscopie ont donné
lieu également à des accidents.
Le seuil de toxicité neurologique de la lidocaïne chez
hépatique et lors d’une baisse du débit sanguin hépatique
l’homme correspond à une concentration plasmatique de l’ordre
(insuffisance cardiaque, bêtabloquant). Les inducteurs enzyma-
de 5,6 µg/ml de sang, soit quatre fois moins que le seuil de
tiques augmentent l’élimination. [2-4]
toxicité cardiaque (20 µg/ml). Il n’en est pas de même pour la
Les propriétés physicochimiques des principaux AL figurent
bupivacaïne, AL puissant, à index thérapeutique bas, pour
dans le Tableau 1, les doses maximales [5] et les indications
laquelle les seuils de toxicité neurologique et cardiaque se
usuelles classiques aux AL figurent dans le Tableau 2, les contre-
confondent (1,6 µg/ml). Ce fait explique que cette molécule soit
indications dans le Tableau 3.
contre-indiquée en dehors de l’anesthésiologie.

■ Toxicité neurologique centrale


Signes cliniques
des anesthésiques locaux
En pratique, les convulsions surviennent précocement par
Expérimentalement, l’administration intraveineuse lente et rapport à l’injection et sont souvent précédées de prodromes. Ils
continue d’un AL est responsable d’effets sur le système nerveux sont à rechercher systématiquement (contact verbal avec le

2 Médecine d’urgence
Anesthésiques locaux : accidents ¶ 25-010-G-30

patient), imposent l’arrêt de l’injection si celle-ci n’est pas


terminée et une suspension des soins le cas échéant.
■ Cardiotoxicité des anesthésiques
locaux
Prodromes
Pour la plupart des AL, la cardiotoxicité survient après les
Ces manifestations préconvulsives sont équivalentes au « petit manifestations neurotoxiques, lorsque la concentration plasma-
mal ». tique continue d’augmenter. En fait, la cardiotoxicité est
presque exclusivement le fait des AL puissants, à index théra-
Signes subjectifs
peutique bas comme la bupivacaïne. Elle est dose-dépendante et
Paresthésies, fourmillements des extrémités, céphalées en s’exerce à deux niveaux :
« casque » ou frontales, goût métallique dans la bouche, malaise • altération de la conduction à tous les niveaux, responsable de
général avec angoisse, étourdissement, sensation ébrieuse, bradycardie sinusale, bloc auriculoventriculaire, bloc intra-
vertiges, logorrhée, hallucinations visuelles ou auditives, ventriculaire, voire asystole ; ceci peut générer des troubles du
bourdonnements d’oreille. rythme cardiaque par phénomène de réentrée : tachycardie
supraventriculaire, tachycardie ventriculaire, fibrillation
Signes objectifs ventriculaire ;
Pâleur, tachycardie, irrégularité respiratoire, confusion voire • altération de la contractilité myocardique : inotropisme
absence, nausées, empâttement de la parole, nystagmus, négatif, se manifestant par une chute de la pression artérielle.
fasciculations au niveau des lèvres ou de la langue. L’hypoxie, l’hypercapnie, l’acidose, l’hyperkaliémie, l’hypo-
natrémie et l’hypothermie aggravent la toxicité cardiaque des
Signification des prodromes et conduite à tenir AL. Il en est de même de la grossesse et de certains traitements
Ces symptômes ont l’intérêt d’attirer l’attention du praticien qui, associés, sont des facteurs aggravants : bêtabloquants,
sur le risque imminent de survenue d’une crise convulsive ; le antiarythmiques de la classe I de Vaughan et Williams, inhibi-
patient est allongé en décubitus dorsal et le matériel de venti- teurs calciques.
lation préparé (ballon autoexpanseur à valve unidirectionnelle La réanimation de l’arrêt cardiaque par toxicité des AL est
[BAVU], branché sur une source d’oxygène). Ces signes d’alerte difficile ; elle doit toujours être prolongée et tenir compte de la
peuvent être masqués par une prémédication sédative. demi-vie de l’AL causal. Le diagnostic d’arrêt cardiorespiratoire
repose sur les trois éléments classiques : inconscience (à la
Aspects cliniques stimulation verbale puis douloureuse), arrêt respiratoire (ou
respiration agonique sous forme de « gasps ») et absence de
La crise généralisée tonicoclonique de type « grand mal » est pouls carotidien ou fémoral (pris au moins sur 5 secondes afin
la plus spectaculaire, elle est constituée de trois phases (tonique, de ne pas passer à côté d’une bradycardie).
clonique puis stertoreuse) durant lesquelles on observe des
troubles neurovégétatifs importants : tachycardie, hypertension Conduite à tenir face à l’arrêt
artérielle, mydriase, sudation intense. L’état de mal épileptique
est la répétition de crises d’épilepsie subintrantes, sans retour à cardiorespiratoire [8]
la conscience entre les crises. C’est une urgence médicale avec • Faire alerter le Centre 15 (préciser la gravité +++ ), ou le
risque de séquelles cérébrales, voire de décès. Des crises partiel- numéro dédié à l’urgence vitale spécifique de l’établisse-
les complexes sont possibles. Des attaques de panique, la ment ; [9]
sensation de mort imminente sont attribuées à des décharges au • réanimation cardiopulmonaire de base :
niveau de l’hippocampe. [7] Elles ne doivent pas être mises sur C en décubitus dorsal sur plan dur ;
le compte d’une fragilité psychologique du patient, mais C deux insufflations pour 15 compressions thoraciques ;
correspondent bien à un effet de l’anesthésique local. C la ventilation s’effectue au BAVU avec un masque de taille
adaptée, en s’aidant d’une canule de Guedel, sous oxygène
à gros débit (10 l/min) en FiO2 100 %.
Conduite à tenir devant une crise • Réanimation spécialisée : elle n’est pas spécifique (voie
convulsive par toxicité aux anesthésiques veineuse périphérique, adrénaline en cas d’asystole avec
locaux nécessité fréquente de fortes posologies, choc électrique
externe sans attendre en cas de fibrillation ventriculaire etc.).
• Arrêt de l’injection ;
• demander de l’aide ;
• éviter la chute du patient ; ■ Autres manifestations générales
• libérer les voies aériennes (ablation de corps étrangers
éventuels, aspiration, mise en position latérale de sécurité, Malaise vagal
maintien en hyperextension de la tête associé ou non à une
subluxation de la mandibule, voire à la pose d’une canule de C’est l’accident le plus fréquent lors des anesthésies locales.
Guedel) ; Son début est précoce, souvent déclenché par la simple vue de
• monitorage ; l’aiguille. En faveur du diagnostic, on retient la valeur des
• oxygéner le patient par l’intermédiaire du BAVU avec 10 l/ antécédents et la clinique : pâleur, sueurs, polypnée, sensation
min d’oxygène ; de lourdeur des membres, vertiges, bradycardie. Syncope,
• poser une voie d’abord veineux périphérique. syncope convulsivante, arrêt cardiocirculatoire d’origine vagale
Si la crise se prolonge : sont possibles.
• chez l’adulte, Valium ® par voie intraveineuse lente, 5 à
10 mg ;
Conduite à tenir face au malaise vagal
• chez l’enfant, Valium® par voie intrarectale, 0,5 mg/kg (sans • Éviter la chute traumatique ;
dépasser 10 mg). • mettre le patient en décubitus complet, membres inférieurs
surélevés ;
• rassurer le patient ;
Diagnostics différentiels • le recours à l’atropine est rarement nécessaire (malaise
persistant avec bradycardie) : 0,5 à 1 mg par voie intravei-
• Hypoglycémie, en particulier chez le diabétique insulinodé- neuse chez l’adulte.
pendant. L’installation confortable et l’information du patient avant et
• Syncope dans le cadre d’un malaise vagal (bradycardie). pendant le geste sont les meilleurs éléments de la prévention du
• Tétanie, spasmophilie. malaise vagal.

Médecine d’urgence 3
25-010-G-30 ¶ Anesthésiques locaux : accidents

Réactions allergiques Méthémoglobinémie [3, 4]


Mécanismes C’est un accident tout à fait exceptionnel, puisque exclusive-
ment rapporté à l’emploi à dose excessive de la prilocaïne
L’allergie aux AL de la classe amide est tout à fait exception-
(> 8 mg/kg). Cette toxicité est attribuée à son métabolite
nelle. Elle était beaucoup plus fréquente avec les dérivés esters
principal : l’orthotoluidine. Son diagnostic est clinique : hypoxie
dont le métabolisme produit de l’acide para-aminobenzoïque, à
aiguë avec teinte grisâtre et peut être confirmé par le dosage de
fort pouvoir allergisant.
la méthémoglobinémie dans le sang veineux (> 20 % de
Dans l’allergie aux AL, ce sont le plus souvent les adjuvants
l’hémoglobine totale). Le traitement comporte du bleu de
qui sont incriminés :
méthylène par voie intraveineuse, 1 ou 2 mg/kg dilué dans du
• le méthylparaben, principal conservateur utilisé dans les
sérum glucosé à 5 %, renouvelable sans dépasser 7 mg/kg. Il
solutions d’AL (il est exclu des solutions de Xylocaïne ®
entraîne une amélioration spectaculaire.
adrénalinée 1 % et 2 % depuis décembre 1997) ;
La pommade Emla® 5 % contient un mélange de lidocaïne
• le métabisulfite de sodium, conservateur des agents vasoconstric-
2,5 % et de prilocaïne 2,5 %. Il faut se méfier en particulier du
teurs, ayant un pouvoir antioxydant et antimicrobien ; il reste à
risque d’ingestion chez le nourrisson et le jeune enfant.
ce jour indispensable à la stabilité de l’adrénaline.
Ce problème est réel, comme en témoignent les efforts des
laboratoires pharmaceutiques pour la mise au point de nouvel- Accidents liés à un terrain particulier
les solutions d’AL sans conservateurs.
Les réactions d’intolérance aux AL ne correspondent pas Patients ayant une cardiopathie sous-jacente
souvent à de véritables allergies (médiées par les immunoglobu- sévère
lines [Ig] E). Ainsi, dans le cadre de la réactivité aux métabisul- Il s’agit de l’angor instable, l’infarctus du myocarde récent,
fites, trois types de réactions sont décrits : [10] l’insuffisance cardiaque évoluée avec antécédents d’œdème aigu
• l’hypersensibilité vraie (allergie de type immédiat médiée par du poumon, le rétrécissement aortique serré, l’hypertension
les IgE) ; on retrouve les signes classiques de l’allergie qui sont artérielle majeure non équilibrée, les antécédents de graves
l’urticaire, l’œdème de Quincke, le bronchospasme, le choc troubles du rythme ou de la conduction etc.
anaphylactique ;
Bien plus que le risque toxique des AL, ces patients sont
• une réactivité dose-dépendante (avec un seuil de déclenche-
susceptibles de décompenser leur pathologie suite au stress
ment) ; on retrouve des signes inhabituels tels que flush
engendré par l’intervention. Ces patients nécessitent une bonne
cutané avec ou sans prurit, vasodilatation périphérique,
préparation psychologique, voire médicamenteuse. L’interven-
crampes abdominales, bradycardie et hypotension ;
tion sous AL doit être réalisée en milieu hospitalier avec un
• l’hyperréactivité chez un asthmatique ; elle concerne 4 à
personnel médical habitué à l’urgence rapidement disponible.
10 % de la population des asthmatiques qui réagissent aussi
Chez ces patients, l’emploi raisonné d’une solution d’AL
bien aux métabisulfites ingérés que inhalés ou injectés ; les
adrénalinée n’est pas contre-indiqué, elle permet une analgésie
réactions sont alors d’apparition rapide avec bronchospasme
de meilleure qualité, prolongée et un confort de travail pour
aigu parfois très sévère, voire létal.
l’opérateur par la diminution du saignement. Lors d’un acte
Prévention dentaire, il a été démontré que la sécrétion endogène de
catécholamines liée au stress est de loin supérieure par exemple
L’interrogatoire à la recherche de facteurs de risque d’allergie aux 50 µg d’adrénaline contenus dans 10 ml d’une solution de
est primordial : Xylocaïne® 1 % adrénalinée à 1/200 000. [12, 13]
• allergies médicamenteuses et alimentaires ;
• terrain atopique (rhinite allergique, eczéma constitutionnel, Femme enceinte [14]
asthme).
Chez les patients à risque allergique, il faut exclure les AL L’emploi des AL avec ou sans adrénaline n’est pas contre-
esters et les AL avec vasoconstricteur. On discute l’intérêt d’un indiqué s’il est raisonné. L’AL passe la barrière fœtomaternelle,
bilan allergologique (des tests négatifs n’excluent pas la possi- aucun effet tératogène n’a été décrit à ce jour. Comme pour
bilité d’allergie) et la réalisation du geste sous AL en milieu tous les médicaments, il convient d’être prudent vis-à-vis des
hospitalier. Le recours à l’anesthésie générale n’est pas indiqué, nouveaux AL.
le risque allergique étant très supérieur. Dès le deuxième trimestre, l’utérus gravide vient comprimer
Enfin, il ne faut pas méconnaître l’allergie au latex et toutes le système veineux cave et peut engendrer une gêne importante
les précautions qu’elle impose. au retour veineux en position assise ou en décubitus dorsal. Ce
syndrome postural est plus ou moins marqué selon la partu-
Conduite à tenir face au choc anaphylactoïde [11] riente, il impose d’installer celle-ci en décubitus latéral gauche,
grâce à un coussin placé sous la fesse droite. En cas de malaise,
• Arrêt de l’injection ;
le réflexe doit être de placer immédiatement la patiente en
• faire alerter le Centre 15 ou le numéro dédié à l’urgence
décubitus latéral gauche strict.
vitale spécifique de l’établissement ; [9]
• oxygénothérapie FiO2 100 % et libération des voies aériennes ; Patients atteints de porphyrie hépatique [15]
• mettre en décubitus dorsal et surélever les membres infé-
rieurs ; Chez ces patients, il faut veiller à ne jamais administrer un
• mettre en place un cathéter veineux périphérique avec une produit avant d’avoir la certitude de son innocuité (site inter-
perfusion de sérum physiologique ; net : http://www.porphyries.net). De nombreux médicaments
• injection d’un antihistaminique ; sont susceptibles de déclencher une crise caractérisée par de
• en cas de collapsus sévère (tension artérielle systoli- violentes douleurs abdominales et des atteintes neurologiques
que ≤ 80 mmHg), adrénaline par voie intraveineuse : très diverses, laissant parfois de lourdes séquelles. En cas de
C adulte : diluer une ampoule de 1 mg dans une seringue de porphyrie hépatique, les deux seuls AL autorisés sont la procaïne
10 ml et injecter millilitre par millilitre de façon à mainte- et la tétracaïne.
nir une tension artérielle systolique à environ 100 mmHg ;
C enfant : diluer 0,1 mg dans 10 ml et injecter 1 µg/kg en Patients suspects d’hyperthermie maligne [16]
bolus successifs de façon à maintenir une tension artérielle Tous les AL non adrénalinés, amides et esters sont utilisables.
normale pour l’âge ; Cependant, le stress seul peut déclencher l’hyperthermie
• En cas de bronchospasme associé, on associe une solution de maligne. L’AL est donc réalisée en milieu hospitalier après
Ventoline® pour chambre d’inhalation : 5 à 10 mg (soit 1 à contact avec un anesthésiste qui s’assure en particulier de la
2 ml de solution) dans 3 à 4 ml de sérum physiologique à disponibilité rapide de dantrolène. Une prémédication lourde
9 ‰ sous 6 à 8 l/min d’oxygène. est réalisée.

4 Médecine d’urgence
Anesthésiques locaux : accidents ¶ 25-010-G-30

■ Accidents locaux Ostéoradionécrose : les AL avec vasoconstricteur dans la


sphère oto-rhino-laryngologique sont formellement contre-
et locorégionaux lors indiqués chez les patients irradiés dans cette zone.
des anesthésies locales Accidents liés à l’effet anesthésique local
Des troubles de la déglutition avec fausses routes, inhalation
Lésions nerveuses bronchique, peuvent se voir après anesthésie locale du carrefour
aérodigestif pour endoscopie bronchique ou gastrique. D’autre
Par traumatisme direct part, lorsque l’anesthésie touche le voile du palais, il peut
Un tronc nerveux est d’autant plus facilement lésé qu’il est exister des nausées et une sensation d’asphyxie.
enclos dans un conduit osseux (anesthésie au trou mentonnier Enfin, les collyres et pommades contenant un AL peuvent
par exemple). La recherche de paresthésies lors de la réalisation induire de graves lésions cornéennes consécutives à la perte de
d’une anesthésie locorégionale (ALR) est actuellement formelle- la sensibilité de celle-ci.
ment contre-indiquée. En effet, en présence de séquelles
nerveuses, il existe dans deux tiers des cas une notion de
paresthésies ou de douleurs lors de l’injection (injection ■ Prévention des accidents locaux
intraneurale). [17]
et locorégionaux lors de
Par injection accidentelle d’une substance l’utilisation d’anesthésiques locaux
neurotoxique
Ce mécanisme est décrit en odontologie, lorsque de l’alcool, Durant les dernières années, l’utilisation des anesthésiques
utilisé pour désinfecter un flacon vient se mélanger à la solution locaux a fait l’objet d’un développement important. Les techni-
d’AL. ques d’anesthésie locorégionales sont en plein essor au sein des
blocs opératoires d’une part et dans la pratique de la médecine
d’urgence, notamment préhospitalière, d’autre part. Quel que
Par mobilisation d’un foyer de fracture
soit le contexte de l’utilisation de ces produits, il est fondamen-
En traumatologie, lors d’un bloc de membre, l’anesthésie de tal d’assurer le maximum de sécurité pour les patients afin de
celui-ci peut être responsable d’une mobilisation du foyer de prévenir, détecter et traiter leurs complications.
fracture avec lésions vasculonerveuses (intérêt de l’immobilisa- L’opérateur, tout d’abord, doit avoir reçu une formation pour
tion ++). les techniques qu’il utilise. En outre, il doit maîtriser la
pharmacologie des anesthésiques locaux et l’anatomie des zones
Par l’effet neuro- et myotoxique des AL anesthésiées. La pratique régulière est un gage de sécurité.
L’indication du geste repose évidemment sur la nature et les
Ce sont surtout les AL en forte concentration qui sont mis en
circonstances de survenue de la lésion, sur un interrogatoire
cause (Xylocaïne® 5 % par exemple). Mais, expérimentalement,
scrupuleux qui en cherche les contre-indications, sur la notion
la lidocaïne même à faible concentration présenterait une
de jeûne préopératoire. Le patient doit bénéficier d’une infor-
toxicité sur la fibre nerveuse isolée. [17]
mation sur l’anesthésie réalisée et apporter son consentement.
La prévention des accidents toxiques repose sur :
Autres accidents • la connaissance et le respect des doses maximales ;
• la préparation attentive du produit, pour éviter les erreurs de
Immédiats dilution ;
• Bris de l’aiguille : la qualité des matériaux actuellement • le choix de la technique utilisant la plus faible dose d’anes-
utilisés rend cet accident très rare. thésique local ;
• Injection douloureuse : elle peut être prévenue par l’utilisa- • la réalisation d’un test d’aspiration avant l’injection et répété
tion d’une solution d’AL tiède et une injection lente. Il faut pendant cette dernière ;
se méfier de l’injection intraneurale (cf. supra). • une injection lente et fractionnée ;
• Erreur humaine : erreur de produit ou de dilution. • le maintien d’un contact verbal avec le patient pendant et
après la réalisation de l’anesthésie ;
Retardés • la tachycardie et l’hypertension survenues au cours d’une
injection de solution adrénalinée témoignent d’un passage
Complications hémorragiques et septiques vasculaire important.
Les troubles de la coagulation constitutionnels ou acquis Les complications liées à la ponction sont prévenues par une
(traitement anticoagulant à base d’héparine ou d’antivitamines asepsie rigoureuse. Les réactions de surprise liées à la douleur
K et antiagrégants plaquettaires type ticlopidine ou acide générée par la ponction, susceptibles de provoquer un mouve-
acétylsalicylique) contre-indiquent l’AL et l’ALR. En effet, il peut ment du patient sont limitées par des explications lors de la
se produire des hématomes importants, parfois source de réalisation du geste. L’installation confortable du patient
compression (région ptérygoïdienne, plancher buccal etc.). participe à une bonne coopération.
D’autre part, les hématomes s’infectent volontiers. En ce qui Les lésions directes des nerfs sont prévenues par l’utilisation
concerne les complications infectieuses, il est difficile de dire si de matériel adapté : aiguilles à biseau court, appareil de neuros-
la cellulite ne se serait pas manifestée sans l’AL. timulation. La recherche de paresthésie est déconseillée dans les
blocs tronculaires et l’apparition d’une douleur fulgurante, signe
Nécrose locale de la position intraneuronale de l’aiguille, impose son retrait
Nécrose muqueuse : elle se voit presque exclusivement au immédiat avant toute injection.
niveau du palais, à la suite de l’utilisation d’une solution Compte tenu du risque potentiel de complication cardiores-
contenant un vasoconstricteur. C’est une complication très piratoire, le matériel de monitorage et de réanimation doit être
douloureuse qui demande 1 à 2 semaines pour guérir (réépithé- à proximité du patient et disponible. Le monitorage est systé-
lialisation). Chez le diabétique non équilibré, le risque de matique dans certaines conditions morbides préexistantes ou
nécrose muqueuse est très important et il fait contre-indiquer lorsqu’il s’agit d’une anesthésie locorégionale. Il en est de même
les AL avec vasoconstricteur. pour l’abord veineux périphérique.
Nécrose dans les territoires avec vascularisation de type Parfois, une sédation est administrée pour faciliter la réalisa-
terminal : les AL avec vasoconstricteur sont contre-indiqués au tion de l’anesthésie locale ou locorégionale. Cette situation
niveau des doigts, du pénis et de l’œil (artère centrale de la expose au risque de lésion nerveuse par ponction intraneurale
rétine). par perte du signal douloureux.

Médecine d’urgence 5
25-010-G-30 ¶ Anesthésiques locaux : accidents

■ Références
.

Tableau 4.
Matériel et médicaments indispensables lors d’une anesthésie locale.
Tensiomètre
[1] Garnier F, Boisse V, Huez JF. Contribution à l’élaboration d’un
référentiel des gestes techniques en médecine générale. Concours Med
Aspiration
1997;119:1908-12.
Source d’oxygène [2] Pratique des anesthésies locales et locorégionales par des médecins non
Ballon autoexpanseur à valve unidirectionnelle avec masque adulte et spécialistes en anesthésie-réanimation, dans le cadre de l’urgence.
enfant (si possible à usage unique) Conférence d’expert, texte court, Sfar, Samu de France, SFMU ; 2002.
Canule de Guedel [3] Freysz M, Diemunsch P. Toxicité systémique des anesthésiques locaux.
Masque muni d’un dispositif pour nébulisation In: Gauthier-Lafaye P, Muller A, editors. Anesthésie locorégionale et
traitement de la douleur. Paris: Masson; 1996. p. 27-39.
Nécessaire pour perfusion
[4] Reynolds F. Adverse effects of local anesthetics. Br J Anaesth 1987;59:
Dispositif pour administration intrarectale 78-95.
Médicaments indispensables : [5] Scott DB. Maximum recommended doses of local anesthetic drugs. Br
Atropine J Anaesth 1989;63:373-4.
Adrénaline [6] Shibata M, Shingu K, Murakawa M. Tetraphasic actions of local
Diazépam anesthetics on central nervous system electrical activities in cats. Reg
Anesth 1994;19:255-63.
Ventoline® solution pour inhalation
[7] Marsch S, Phil D, Schaefer HG, Castelli I. Unusual psychological
manifestation of systemic local anesthetic toxicity. Anesthesiology
1998;88:531-3.
Enfin, l’utilisation d’anesthésiques locaux en préhospitalier ne [8] Carli P, Petit P, Wilkening M, Freysz M, Gueugniaud PY, Barriot P, et al.
déroge pas à ces règles et doit s’effectuer dans les mêmes Réanimation des arrêts cardiorespiratoires de l’adulte. Ann Fr Anesth
conditions de sécurité. Reanim 1994;13:876-87.
[9] Recommandations pour l’organisation de la prise en charge des urgen-
ces vitales intrahospitalières. Conférence d’expert, texte court ; 2004.
■ Conclusion [10] Gumowski PI, Huguenin A, Bernard JP, Angelone T, Fiore-Donno G,
Girard JP. Réactions secondaires aux anesthésiques locaux : rôle pos-
Les accidents liés à l’usage des AL sont rares. Ces médica- sible des métabisulfites. Med Hyg (Genève) 1988;46:3168-75.
ments sont donc d’utilisation facile et relativement sûre à [11] Prévention du risque allergique peranesthésique. Recommandations
condition de respecter les règles de bon usage : pour la pratique clinique, texte court 2001.
• interrogatoire rigoureux du patient destiné à connaître le [12] Lipp M, Dick W, Daubländer M, Fuder H, Stanton-HicksA. Exogenous
terrain, les thérapeutiques en cours et les antécédents (en and endogenous plasma levels of epinephrine during dental treatment
particulier allergiques, convulsifs, malaise vagal) ; under local anesthesia. Reg Anesth 1993;18:6-12.
• connaissance de la pharmacologie des AL utilisés ; [13] Meyer FU. Hemodynamic changes of local dental anesthesia in
• respect des recommandations ; normotensive and hypertensive subjects. Int J Clin Pharmacol Ther
• il convient particulièrement d’insister sur l’importance du test Toxicol 1986;24:477-82.
aspiratif, de l’injection lente et du maintien d’un contact [14] Andrieu G. L’anesthésie locale chez la femme enceinte. Actual
verbal ; Odontostomatol (Paris) 1992;179:519-21.
• prévention secondaire : [15] Martin C, Auffray JP, Aubry De La Noe C, Alpe-Lando A, Granthil C.
Anesthésie et maladies rares. EMC (Elsevier SAS, Paris), Anesthésie-
C ne pas prendre à la légère la symptomatologie préconvul-
Réanimation, 36-670-A-10, 1991: 28p.
sive ;
[16] Payen de la Garanderie JF. Depret T, Monnier N, Nivoche Y, Lunardi J,
C disposer d’un matériel de réanimation en état de marche, Krivosic-Horber R. Hyperthermies malignes. EMC (Elsevier SAS,
régulièrement vérifié et en particulier avant chaque geste, Paris), Anesthésie-Réanimation, 36-412-E-10, 2004: 13p.
dont le maniement est bien connu et de médicaments [17] Auroy Y, Narchi P, Messiah A, Litt L, Rouvier B, Samii K. Serious
dont l’utilisation et la pharmacologie sont connues complications related to regional anesthesia. Anesthesiology
(Tableau 4). 1997;87:479-86.

M. Freysz, Professeur des Universités, praticien hospitalier, chef de service (marc.freysz@chu-dijon.fr).


S. André, Assistant hospitalo-universitaire.
Département d’anesthésie réanimation - SAMU 21, Hôpital général, centre hospitalier universitaire, 3, rue du Faubourg-Raines, BP 1519, 21033 Dijon
cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Freysz M., André S. Anesthésiques locaux : accidents. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Médecine
d’urgence, 25-010-G-30, 2007.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos / Documents Information Informations Auto-
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

6 Médecine d’urgence
¶ 25-010-B-10

Arrêt cardiaque préhospitalier


de l’adulte.
Chaîne de survie et défibrillation précoce
P. Carli, C. Télion, M. Nahon

La survie de l’arrêt cardiaque (AC) est actuellement inférieure à 3 %, pour l’augmenter, une amélioration
de la chaîne de survie est indispensable. Le diagnostic de l’AC repose sur l’absence de signe de vie et
impose la mise en œuvre immédiate de compressions thoraciques au rythme de 100/min. L’alternance
compression thoracique/insufflation est de 30:2. Si le rythme est une fibrillation ventriculaire ou une
tachycardie ventriculaire sans pouls, la défibrillation est réalisée par un choc électrique externe unique
ayant une énergie de 150 à 200 joules en ondes biphasiques ou de 360 joules en ondes monophasiques.
Après chaque choc, deux minutes de réanimation cardiopulmonaire (RCP) sont réalisées avant toute
vérification du pouls ou du rythme cardiaque sauf si le patient présente des signes manifestes de réveil. La
réanimation médicalisée impose l’intubation orotrachéale associée à une ventilation en FiO2 = 1. Le
masque laryngé et le Fastrach® ne sont que des alternatives en cas d’intubation difficile. L’adrénaline,
vasoconstricteur de référence, est administrée à la dose de 1 mg en intraveineuse, environ toutes les
4 minutes quel que soit le rythme présent. L’amiodarone est recommandée pour les fibrillations
ventriculaires (FV) et les tachycardies ventriculaires (TV) sans pouls résistantes, immédiatement avant le
3e ou le 4e choc. Lors de l’obtention d’une reprise d’activité cardiaque spontanée, et dès la phase
préhospitalière, le syndrome postarrêt cardiaque doit être combattu et une hypothermie modérée doit
être maintenue.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Arrêt cardiaque ; Mort subite de l’adulte ; Chaîne de survie ;


Réanimation cardiopulmonaire de base ; Massage cardiaque externe ;
Réanimation cardiopulmonaire médicalisée ; Défibrillation automatisée externe ;
Défibrillateur semi-automatique ; Adrénaline ; Amiodarone

Plan ¶ Arrêt de la réanimation 7


¶ Circonstances particulières 8
¶ Introduction 1 Noyades 8
¶ Chaîne de survie 2 Hypothermie accidentelle 8
Arrêt cardiaque traumatique 8
¶ Alerte et reconnaissance de l’arrêt cardiaque 2
Arrêt cardiaque et grossesse 8
¶ Réanimation cardiopulmonaire de base 2
¶ Évaluation du pronostic 8
Libération des voies aériennes 2
Massage cardiaque externe 3 ¶ Conclusion 8
Ventilation par le bouche-à-bouche 3
Algorithme de la réanimation cardiopulmonaire de base 3
Réanimation cardiopulmonaire guidée par téléphone 3
¶ Défibrillation 4 ■ Introduction
Technique de défibrillation 4
Défibrillation automatisée externe 4 On estime que l’arrêt cardiaque (AC) de l’adulte et sa forme
Algorithme de défibrillation 4 inopinée la mort subite, touchent en Europe près de 700 000
¶ Réanimation médicalisée 5 patients par an. Plus de 40 % de ces AC sont dus à une fibrilla-
Contrôle des voies aériennes et de la ventilation 5 tion ventriculaire (FV) [1] et la majorité est l’expression de
Voie veineuse 5 l’ischémie coronarienne. En l’absence de prise en charge efficace
Vasopresseurs 5 précoce, la survie dépasse rarement 3 %. Une organisation
Antiarythmiques 5 préhospitalière coordonnée et efficace peut permettre jusqu’à
Autres médicaments 6 30 % de survie.
Massage cardiaque instrumental 6 Pour améliorer cette prise en charge, des travaux scientifiques
De l’algorithme à la réanimation cardiopulmonaire médicalisée 6 récents ont conduit à modifier les pratiques des intervenants
Causes immédiatement curables 7 qu’il s’agisse du public, des secouristes ou des professionnels de
¶ Réanimation postarrêt cardiaque 7 santé. Ces modifications ont été publiées sous la forme d’un

Médecine d’urgence 1
25-010-B-10 ¶ Arrêt cardiaque préhospitalier de l’adulte. Chaîne de survie et défibrillation précoce

consensus scientifique international [2] et ont donné lieu en


2006 à des recommandations formalisées d’experts français [3].
■ Alerte et reconnaissance
La réanimation préhospitalière des AC prend un relief de l’arrêt cardiaque
particulier en France car elle est réalisée par les équipes médi-
cales des SAMU-SMUR (service d’aide médicale d’urgence, La précocité et la qualité de l’alerte sont des facteurs impor-
service médical d’urgence et de réanimation). Cette réanimation tants du pronostic de l’AC. L’absence de circulation est facile-
médicalisée précoce est un point fort de notre système, mais il ment objectivée par les professionnels de santé par l’absence de
est nécessaire, en France, d’améliorer, à l’instar des pays anglo- pouls. Cependant, pour les AC préhospitaliers, c’est avant tout
saxons, la prise en charge par les premiers intervenants qu’il le public, témoin de l’effondrement de la victime, qui doit
s’agisse des témoins de l’AC ou des secouristes. reconnaître l’AC et donner l’alerte. La reconnaissance de l’AC se
heurte ainsi à la prise du pouls qui n’est pas un geste simple
pour le public. Elle a donc été remplacée par l’observation de la
victime. La constatation d’absence de « signe de vie », définie
par un sujet aréactif, ne bougeant pas et ne respirant pas (ou

“ Points forts .1 respirant de façon franchement anormale avec des gasps


agoniques) est suffisante pour affirmer l’AC et inciter le témoin
à donner l’alerte et agir immédiatement.
Depuis 2006, un consensus international modifie
sensiblement les pratiques cliniques destinées aussi bien
au public qu’aux secouristes et aux médecins.
■ Réanimation cardiopulmonaire
de base
La RCP de base est une assistance cardiorespiratoire rudimen-
■ Chaîne de survie taire, réalisée sans matériel, mais qui permet de limiter l’isché-
mie et ainsi de prolonger le temps pendant lequel on peut
Le concept de « chaîne de survie », introduit en 1990 [4], rétablir une circulation spontanée. Après la survenue d’un AC,
décrit les actions nécessaires pour améliorer la survie des AC par on estime qu’en l’absence de RCP, pour chaque minute qui
FV à l’extérieur de l’hôpital. Elle comprend quatre maillons passe, les chances de survie diminuent d’environ 10 %. La
(Fig. 1) : précocité de sa réalisation conditionne largement le pronostic.
C’est pour cela qu’elle doit être réalisée par des témoins de l’AC
• l’alerte immédiate en téléphonant aux services de secours par
.2

puis continuée par les secouristes et l’équipe médicalisée. Elle


l’appel au 15 en France, interconnecté au 18 ;
comprend les étapes suivantes.
• la réanimation cardiopulmonaire (RCP) de base, réalisée par
les témoins ;
• la défibrillation précoce réalisée par les secouristes ou les Libération des voies aériennes
témoins avec un défibrillateur automatisé externe (DAE) ;
• la réanimation médicalisée par une équipe préhospitalière Elle est effectuée de la manière la plus simple possible en
(SMUR) et la réanimation post-AC immédiate sur le terrain. attirant le menton vers le haut (Fig. 2), geste plus facile à
Les maillons de cette chaîne ont un poids pronostique réaliser que la classique subluxation du maxillaire.
différent. La RCP de base et la défibrillation précoces ont un La recherche d’un corps étranger obstruant les voies aériennes
effet majeur sur le pronostic et leur défaillance ne peut être n’est pas systématique. Elle est réalisée par le secouriste entraîné
compensée par les maillons suivants. seulement s’il existe un corps étranger visible ou des signes
évidents d’obstruction. Tout geste de désobstruction doit être
réalisé sous le contrôle de la vue.
Si, après avoir libéré les voies aériennes, la respiration est
absente ou franchement anormale, le témoin doit alors immé-
“ Points forts diatement appeler ou faire appeler le 15 (interconnecté au 18)
et commencer les compressions thoraciques.

La survie d’une victime d’AC dépend de la rapidité avec


laquelle se déploie la « chaîne de survie » qui comprend :
l’alerte, la RCP de base par les témoins, la défibrillation
automatisée externe et la RCP médicalisée. Elle dépend
aussi de la qualité des gestes réalisés sur le terrain.

Figure 1. Chaîne de survie. 1. Alerte précoce ; 2. réanimation cardio-


pulmonaire (RCP) de base précoce ; 3. défibrillation précoce ; 4. RCP
médicalisée. Figure 2. Libération des voies aériennes.

2 Médecine d’urgence
Arrêt cardiaque préhospitalier de l’adulte. Chaîne de survie et défibrillation précoce ¶ 25-010-B-10

Figure 3. Massage cardiaque externe.

Massage cardiaque externe réaliser. En effet, les besoins en ventilation au cours de la RCP
sont limités et la ventilation a aussi un inconvénient majeur :
Le massage cardiaque externe (MCE) est la composante la elle interrompt le MCE et a ainsi un effet délétère sur la
plus importante de la RCP de base. Les compressions thoraci- survie [5]. Chaque insufflation est réalisée rapidement, pendant
ques sont un geste prioritaire par lequel débute la RCP. Le environ 1 seconde (au lieu de 2 secondes comme cela était
public est incité à réaliser le MCE dans tous les cas même s’il enseigné précédemment) avec un volume courant limité, juste
ne le veut pas ou ne peut pas réaliser la ventilation par le suffisant pour permettre au thorax de la victime de se soulever.
bouche-à-bouche.
Ceci s’applique aussi à la ventilation au masque et au ballon
Le MCE permet de maintenir un minimum de perfusion pour
autoremplisseur.
les coronaires et le cerveau. Il doit être le plus continu possible,
en limitant drastiquement les interruptions et en reprenant au La crainte d’une contamination au cours du bouche-à-
plus vite les compressions thoraciques. Toute interruption bouche reste d’actualité. Plus que le virus de l’immunodéfi-
provoque un effondrement de la pression de perfusion et cience humaine (VIH) dont la transmission n’a pas été
compromet les chances de succès de la défibrillation [5]. Il faut rapportée, le risque de contracter la tuberculose ou plus
ensuite plusieurs compressions avant de réobtenir une perfusion récemment le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) a été
suffisante dans les coronaires. décrit. Les professionnels de santé sont incités à utiliser pour la
La fréquence du MCE est de 100/min avec une dépression de RCP un masque à usage unique, un champ protecteur ou un
4 à 5 cm du thorax chez un adulte et un temps égal pour la ballon autoremplisseur et à réaliser 2 insufflations pour 30 com-
compression et la relaxation du thorax. Il est important de pressions tant que les voies aériennes n’ont pas été contrôlées
respecter complètement la période de relaxation du thorax après par l’intubation endotrachéale.
la compression [6] car elle conditionne l’efficacité du geste. Pour
effectuer efficacement ce geste, la position précise du sauveteur
doit être respectée : à l’aplomb du thorax de la victime, bras Algorithme de la réanimation
tendus perpendiculairement à la victime, talons des mains posés
au centre du thorax de la victime (Fig. 3). La RCP commence
cardiopulmonaire de base
par 30 compressions thoraciques suivies de 2 insufflations. On
Cet algorithme résume la conduite à tenir par tout témoin
alterne ensuite 30 compressions et 2 insufflations. Le rapport
d’un AC. La victime ne réagit pas ; après avoir demandé qu’on
30 pour 2 a été retenu (remplaçant le rapport 15 compressions
vienne l’aider, le témoin libère les voies aériennes, et s’il
pour 2 insufflations précédemment recommandé) pour la RCP
constate l’absence de signe de vie et une ventilation absente
de l’adulte comme pour celle de l’enfant. Ce choix permet en
effet une séquence de compressions plus longue réduisant les anormale (gasps agoniques) il fait appeler les secours, et
interruptions du MCE dues à la ventilation et simplifie commence la RCP par 30 compressions alternées ensuite avec
l’enseignement [7]. 2 insufflations. Cette réanimation basique est poursuivie jusqu’à
l’arrivée d’un défibrillateur et/ou une équipe de secouristes
(Fig. 4).

“ Points forts Réanimation cardiopulmonaire guidée


par téléphone
La RCP commence par le massage cardiaque externe. Le
rapport entre les compressions thoraciques et les Lorsqu’un témoin confronté à un AC donne l’alerte par
insufflations est de 30:2. téléphone, tout doit être fait pour l’inciter à débuter la RCP de
base. Le médecin régulateur du SAMU peut, pour aider l’inter-
venant qui n’a que peu ou pas de pratique de la RCP, guider ses
gestes par téléphone jusqu’à l’arrivée des secours. Dans ce cas,
Ventilation par le bouche-à-bouche il faut privilégier la réalisation des compressions thoraciques, car
l’improvisation de ce geste est à la portée de tout intervenant
La ventilation par le bouche-à-bouche dans les minutes et sa réalisation même imparfaite est préférable à l’absence
suivant l’AC n’est plus considérée comme le premier geste à totale de RCP.

Médecine d’urgence 3
25-010-B-10 ¶ Arrêt cardiaque préhospitalier de l’adulte. Chaîne de survie et défibrillation précoce

Réanimation cardiopulmonaire et défibrillation

Pas de réaction Appeler de l'aide Il semble que même si la défibrillation a d’autant plus de
chance de succès qu’elle est précoce, son efficacité est augmen-
tée par la réalisation préalable de quelques minutes de RCP. Il a
ainsi été démontré que lorsque l’AC était survenu depuis 4 à
Libérer les voies aériennes 5 minutes, une séquence de RCP de 1,5 à 3 minutes améliorait
le pronostic [10] . En préhospitalier, compte tenu des délais
habituels d’intervention, la réalisation de 2 minutes ou de
5 cycles 30:2 de RCP avant de défibriller est donc nécessaire.
Respiration anormale ? Gasps ?
Cette RCP de base, préalable à la défibrillation, a pour but
d’apporter au cœur du sang oxygéné et ainsi de le préparer à
être défibrillé avec succès.
Appeler le 15
Défibrillation automatisée externe
30 compressions thoraciques Défibrillateurs
Les défibrillateurs automatisés externes (DAE) permettent de
réaliser la défibrillation sans que l’intervenant ne reconnaisse le
2 insufflations alternées rythme cardiaque. Les appareils analysent le rythme cardiaque
avec 30 compressions thoraciques
au moyen de deux électrodes autocollantes connectées à un
système informatique. Si la FV ou la TV est présente, l’appareil
permet de réaliser un choc à la demande (défibrillateur semi-
Figure 4. Arbre décisionnel. Réanimation cardiopulmonaire basique. automatique [DSA]) ou automatiquement (défibrillateur auto-
matique). Une voix synthétique permet de guider la RCP entre
les chocs et émet des messages d’alerte au moment du choc. Ces
■ Défibrillation appareils sont très sûrs, faciles à utiliser et relativement bon
marché. Ils sont exclusivement de type biphasique. Leur sécurité
d’emploi, leur fiabilité et leur simplicité d’utilisation permettent
.3 La précocité de ce geste conditionne le pronostic des FV et d’être utilisés non seulement par des secouristes mais aussi par
des TV sans pouls. Elle est réalisée en préhospitalier par des le public. De nombreux modèles sont disponibles.
secouristes mais aussi de plus en plus par le public.
Modalités
Technique de défibrillation
L’introduction de la défibrillation automatisée externe avec
des défibrillateurs semi-automatiques ou automatiques, réalisée
Nombre de chocs par des secouristes, a considérablement réduit le délai de
La défibrillation est réalisée sous la forme d’un choc électri- défibrillation. De très nombreux travaux confirment le bénéfice
que suivi de 2 minutes de RCP avant d’administrer le 2e choc. sur le pronostic de cette évolution [11]. En France, l’utilisation de
Ce seul choc remplace la salve de trois chocs utilisée aupara- cette technique est maintenant très répandue chez les secouris-
vant. Le choix de ne réaliser qu’un seul choc est justifié par tes professionnels. La volonté de réduire encore le temps d’accès
plusieurs arguments tels que la mise en évidence de l’effet à un défibrillateur a conduit à faire réaliser ce geste par d’autres
néfaste de l’interruption prolongée du MCE due aux trois personnels ou même par le public. Cette stratégie améliore le
chocs [8] et le taux de succès pouvant dépasser 70 % du premier pronostic quand elle est bien intégrée aux secours organisés.
choc réalisé avec un défibrillateur à ondes biphasiques [9]. Ainsi, des défibrillateurs ont été mis à la disposition des
Dès le choc administré, il faut reprendre la RCP sans vérifier personnels de sécurité des casinos [12] et des personnels de
le pouls car il est en effet très rare qu’il réapparaisse immédia- compagnies aériennes [13]. Plusieurs travaux ont montré que
tement. La poursuite du MCE quelques instants correspond l’utilisation de défibrillateurs automatisés externes en « libre
alors à une assistance circulatoire rudimentaire le temps que le service » dans les lieux publics améliorait le pronostic. En
rythme se stabilise et qu’un débit sanguin efficace apparaisse. Amérique du Nord, la mise à disposition du public de défibrilla-
teurs est généralisée dans les aéroports et les parcs d’attractions.
De bons résultats ont été aussi obtenus en Europe [14]. Sur le
Énergie du choc plan international, il a été proposé de mettre à la disposition du
public un DAE dans les lieux où un AC devant témoins peut
Il est clairement établi que les défibrillateurs à ondes bipha-
survenir tous les 2 ans. En France, plusieurs expériences
siques sont plus efficaces et moins agressifs pour le myocarde
d’implantation de défibrillateurs automatiques en « libre
que les défibrillateurs à ondes monophasiques [9] . Il existe
service » sont en cours. La nature et la durée de la formation
plusieurs types d’ondes biphasiques qui sont considérées comme
qu’il est souhaitable de dispenser au public dans ce contexte
équivalentes. Les deux formats d’ondes biphasiques les plus
sont discutées. L’efficacité d’une simple information ou d’une
courants, biphasique tronqué exponentiel et biphasique linéaire,
formation pratique courte est à l’étude.
sont équivalents. Les défibrillateurs biphasiques modernes
peuvent compenser les variations d’impédance thoracique et
ajuster l’amplitude et la durée de l’onde pour délivrer l’énergie Algorithme de défibrillation
exactement nécessaire au choc. Tout défibrillateur biphasique
délivre donc un choc dont la valeur est comprise entre 150 et La Figure 5 résume la conduite de la défibrillation en préhos-
200 J. L’énergie recommandée pour la défibrillation monopha- pitalier avec un DAE. Elle est très différente de celle qui était
sique est d’emblée de 360 J. proposée avant 2005, où une salve de trois chocs d’énergie
Pour les chocs ultérieurs, l’augmentation de l’énergie par croissante était réalisée avant toute RCP. Elle nécessite donc de
paliers successifs paraît logique mais n’a pas de justification mettre à jour les logiciels des DAE antérieurs à 2005. La RCP et
scientifique prouvée. La même énergie est donc conservée pour la défibrillation (si elle est toujours indiquée) sont continuées
le premier choc et les chocs suivants : 150-200 J pour les jusqu’à ce que l’équipe médicalisée arrive ou que le patient se
défibrillateurs biphasiques, 360 J pour les monophasiques. mette à respirer spontanément.

4 Médecine d’urgence
Arrêt cardiaque préhospitalier de l’adulte. Chaîne de survie et défibrillation précoce ¶ 25-010-B-10

Contrôle des voies aériennes


RCP 30:2
en attendant l'arrivée du DAE
et de la ventilation
En France, où interviennent des équipes médicalisées, l’intu-
bation endotrachéale reste le meilleur moyen de contrôle des
voies aériennes. Pour réaliser l’intubation, l’arrêt de la RCP doit
Branchement du DAE être très bref, en tout cas inférieur à 30 secondes. L’intubation
Analyse du rythme est importante pour la ventilation et la protection des voies
aériennes, mais elle n’est pas essentielle immédiatement : si elle
n’a pas pu être réalisée pendant la RCP, elle peut l’être après le
retour à une circulation spontanée. L’intubation permet de
Choc conseillé Choc non conseillé réaliser le MCE en continu (sans pause ventilatoire), à 100 de
fréquence. La ventilation manuelle ou mécanique est alors
effectuée à une fréquence de 10 par minute avec une FiO2 à 1,
sans alternance avec les compressions thoraciques.
1 choc 150-200 J Reprendre immédiatement En cas d’échec de l’intubation, la meilleure alternative est la
biphasique RCP 30:2 pendant 2 min mise en place d’un masque laryngé [15]. Ce dispositif est simple
et rapide à mettre en place et assure une protection satisfaisante
des voies aériennes. En Amérique du Nord, où seules des
« paramedico » interviennent en préhospitalier, la pose d’un
Reprendre immédiatement masque laryngé est préférée à l’intubation endotrachéale. En
RCP 30:2 pendant 2 min Continuer jusqu'à la reprise effet, la pose du masque laryngé se révèle plus simple malgré un
d'une ventilation spontanée faible entraînement.

Figure 5. Arbre décisionnel. Algorithme de défibrillation. RCP : réani-


mation cardiopulmonaire. DAE : défibrillateur automatisé externe. Voie veineuse
La voie veineuse périphérique est préférée à la voie veineuse
centrale pour injecter les médicaments au cours de la réanima-
“ Points forts tion préhospitalière car elle est plus simple, plus sûre et plus
rapide à mettre en place. Premier geste de la RCP médicalisée,
il ne doit pas être différé. En cas de difficulté d’abord veineux,
Conditions nécessaires à la mise en place de DAE à la voie intraosseuse est une alternative efficace, non seulement
la disposition du public « en libre service » chez l’enfant mais aussi chez l’adulte, avec un dispositif adapté.
Coordination efficace avec les secours organisés : alerte La voie trachéale (par la sonde d’intubation) est une autre
automatique au 15 alternative pour la première injection de vasoconstricteur, mais
Information de la population et proposition de formation les concentrations plasmatiques obtenues sont variables. Elle
gratuite des intervenants potentiels nécessite de diluer le médicament et de multiplier sa dose par
Procédure de maintenance des appareils au long cours trois.
Programme d’évaluation de la qualité et des résultats par Le remplissage vasculaire systématique n’est pas indiqué, sauf
en cas d’hypovolémie patente. Le soluté d’entretien de la voie
le SAMU départemental
veineuse est le sérum salé isotonique ; il faut éviter les solutés
glucosés.

Vasopresseurs
“ Points forts Les vasopresseurs permettent d’augmenter la perfusion
cérébrale et coronaire au cours de la RCP. L’adrénaline est
Les défibrillateurs à ondes biphasiques sont plus efficaces toujours le médicament de référence de la réanimation des
et lèsent moins le myocarde que les défibrillateurs à ondes asystoles et des FV résistantes aux premiers chocs. Ses effets
monophasiques. Le premier choc électrique externe est alphamimétiques semblent utiles mais il n’existe pas d’étude
délivré à 150-200 joules pour un défibrillateur biphasique. clinique de bonne qualité confirmant un bénéfice sur la survie.
Il est immédiatement suivi par 2 minutes de RCP, avant de Ses effets bêtamimétiques sont gênants car ils augmentent la
réaliser un nouveau choc avec la même énergie, si la FV demande en oxygène, ils sont arythmogènes et accentuent le
shunt intrapulmonaire.
persiste.
L’adrénaline est administrée en bolus de 1 mg toutes les
En préhospitalier, il faut effectuer 2 minutes de RCP avant
3-5 minutes. La première injection est réalisée dès qu’une voie
de délivrer le premier choc électrique externe. veineuse est accessible, entre le premier et le deuxième choc.
La défibrillation précoce pratiquée avec un défibrillateur L’injection par voie intratrachéale est possible pour la première
automatisé externe améliore le pronostic de l’AC. Elle est dose en utilisant 5 mg d’adrénaline diluée dans 10 ml d’eau.
réalisée par des secouristes entraînés. L’utilisation de cette La vasopressine, jusque-là recommandée comme alternative à
technique par le public est expérimentée actuellement en l’adrénaline en cas de FV a été l’objet d’études cliniques
France. divergentes [16]. Sans confirmation d’un effet bénéfique sur la
survie [17], elle n’est donc plus utilisée seule ou en association
avec l’adrénaline.

Antiarythmiques
■ Réanimation médicalisée
L’amiodarone est l’antiarythmique de première intention
.4 Elle est réalisée par l’équipe médicalisée d’un SMUR. Pendant pour les FV réfractaires à la défibrillation. Elle améliore la survie
qu’on effectue les gestes spécialisés, il faut limiter les interrup- à court terme [18]. Elle est injectée après le 3e choc. La dose
tions de la RCP de base. recommandée est de 300 mg. Si la FV persiste ou récidive, une

Médecine d’urgence 5
25-010-B-10 ¶ Arrêt cardiaque préhospitalier de l’adulte. Chaîne de survie et défibrillation précoce

RCP 30:2
Utilisation du DAE

Analyser le rythme

Choquable Non choquable


FV, TV sans pouls RSP, asystole

Pendant RCP :
1 choc
Traiter les causes réversibles
150 - 200 J biphasique
Vérifier les électrodes
360 J monophasique
Mettre en place et vérifier :
- abord veineux
- intubation et oxygène
Reprise immédiate Reprise immédiate
- adrénaline iv / 3-5 min
de la RCP 30:2 de la RCP 30:2
MCE en continu après
pour 2 min pour 2 min
intubation
Envisager amiodarone

Causes réversibles à diagnostiquer et traiter :


hypoxie, hypovolémie, dyskaliémie,
troubles métaboliques, pneumothorax compressif, tamponnade,
embolie pulmonaire, infarctus du myocarde, intoxications

Figure 6. Arbre décisionnel. Algorithme de la RCP médicalisée. RCP : réanimation cardiopulmonaire. MCE : massage cardiaque externe. DAE : défibrillateur
automatisé externe. RSP : rythmes sans pouls.

réinjection de 150 mg est possible. Si l’amiodarone n’est pas Aucune n’a permis de mettre en évidence une amélioration du
immédiatement disponible, elle peut être remplacée par la pronostic. La compression-décompression active, réalisée au
lidocaïne à la dose de 1 mg/kg. moyen d’un dispositif dérivé d’une ventouse appliquée sur le
thorax, a donné des résultats contradictoires. Un résultat positif
Autres médicaments sur la survie à long terme a été obtenu en France [21] mais n’a
pas été confirmé dans d’autres études. L’association d’une valve
L’administration en routine de bicarbonates pendant ou au d’impédance à la compression-décompression active améliore le
décours d’un AC préhospitalier est déconseillée. Un bolus retour veineux en modifiant le régime de pression intrathoraci-
intraveineux de 50 ml de solution molaire n’est justifié qu’en que. Utilisée en préhospitalier, elle améliore la survie à court
cas d’hyperkaliémie, d’acidose métabolique sévère ou d’intoxi- terme [22].
cation aux tricycliques. Après le retour à une circulation Deux appareils récemment introduits permettent un MCE
spontanée, les bicarbonates peuvent servir à rétablir l’équilibre mécanique continu chez les patients intubés et ventilés. Le
acidobasique. LUCAS® réalise une compression-décompression active automa-
L’atropine peut être utilisée en bolus de 3 mg en cas de tique à l’aide d’un piston pneumatique. Cette méthode permet
bradycardie extrême sans pouls. Le magnésium peut être utilisé un MCE prolongé y compris pendant le transport [23]. Cepen-
comme traitement de la rare « torsade de pointes ». dant, son effet bénéfique sur la survie et son innocuité ne sont
L’administration de thrombolytiques au cours de la RCP pas encore démontrés. L’Autopulse® utilise une planche sur
médicalisée est un sujet très controversé. Les thrombolytiques laquelle est fixée une bande constrictive thoracique. Cette
peuvent agir sur la cause de l’arrêt mais aussi sur l’activation de méthode de MCE réalise une compression circonférentielle
la coagulation qui en est une conséquence. La thrombolyse progressive du thorax. Ce dispositif fonctionne sur batterie et
n’est pas à l’origine d’un surcroît d’accidents hémorragiques à s’utilise facilement au cours du transport [24, 25]. Il a permis dans
la suite des compressions thoraciques. L’effet sur la survie au certains cas une augmentation de la survie immédiate.
long cours de la thrombolyse utilisée au cours de la RCP n’est
pas démontré. Une amélioration du retour à une circulation
spontanée ou de la survie à court terme a été observée dans De l’algorithme à la réanimation
certains travaux [19] mais les résultats cliniques manquent et cardiopulmonaire médicalisée
certains sont contradictoires [20]. La thrombolyse n’est donc pas
systématique et ne peut être envisagée qu’au cas par cas, quand Les modifications de la RCP et de la défibrillation sont
une embolie pulmonaire massive est suspectée. Il est alors intégrées à la réanimation médicalisée résumée par l’algorithme
nécessaire de prolonger de 30 à 60 minutes la durée de la RCP représenté sur la Figure 6. Il se sépare en deux bras pour les
pour tenir compte du délai d’action du médicament. La throm- rythmes « choquables » (FV, TV sans pouls) et « non choqua-
bolyse peut être aussi utilisée après le retour à une circulation bles » (rythme sans pouls et asystolie). Pour les rythmes
spontanée si on suspecte un infarctus du myocarde. choquables, le MCE est repris immédiatement après le choc
électrique sans vérifier le rythme ou prendre le pouls. La RCP
Massage cardiaque instrumental est poursuivie pendant 2 minutes avec une alternance de
30 compressions pour 2 ventilations, si le patient n’est pas
De nombreuses techniques instrumentales ont été proposées intubé, puis avec des compressions thoraciques en continu
pour améliorer le MCE au cours de la réanimation médicalisée. quand la victime est ventilée mécaniquement. Le rythme est

6 Médecine d’urgence
Arrêt cardiaque préhospitalier de l’adulte. Chaîne de survie et défibrillation précoce ¶ 25-010-B-10

“ Points forts
Les gestes de RCP médicalisée ne doivent pas provoquer
d’interruptions de la RCP de base car elles nuisent
considérablement à la perfusion coronaire et cérébrale.
L’adrénaline en bolus de 1 mg toutes les 3-5 minutes est le
premier médicament à injecter après le deuxième choc
électrique. Elle agit principalement grâce à son action
vasoconstrictrice.
La Cordarone ® (300 mg par voie intraveineuse) est
l’antiarythmique indiqué de première intention en cas de
FV réfractaire aux chocs électriques.

Figure 7. Séquences d’action de la RCP médicalisée d’une FV. Flèche débutée sur le terrain, par le SMUR, dès le retour à une circula-
verte RCP : 5 cycles ou 2 min RCP ; flèche verte + : RCP pendant que le tion spontanée. Elle est poursuivie dans un service de réanima-
défibrillateur charge ; flèche rouge : choc. tion habitué à traiter de tels patients et contacté par la
régulation du SAMU. Elle a pour but non seulement de main-
tenir les fonctions vitales mais aussi de lutter contre les
alors vérifié sur le moniteur et si la FV persiste, un 2e choc est conséquences de la reperfusion tissulaire. Dès le retour à la
délivré (150-200 J biphasique, 360 J monophasique). La RCP est circulation spontanée, il est nécessaire de maintenir une
reprise sans délai si la FV persiste. pression artérielle systolique suffisante de l’ordre de 100-
L’adrénaline est si possible injectée avant le second choc, 120 mmHg, adaptée à la pression artérielle antérieure du
suivie immédiatement par la reprise du MCE. Il n’y a pas patient, si possible sans utilisation de vasoconstricteur, de
d’argument scientifique permettant de préciser exactement poursuivre la ventilation mécanique avec un objectif de SaO2 de
l’instant où il faut injecter les médicaments. Il est logique 92 % et une normocapnie, et de traiter d’éventuelles
d’utiliser la séquence de 2 minutes de RCP suivant le choc convulsions.
électrique pour faire circuler le médicament injecté. L’injection
Il est établi qu’une hypothermie modérée améliore la survie
intraveineuse peut donc avoir lieu juste avant ou juste après ce
et le pronostic neurologique [26, 27]. De ce fait, les patients
choc sans interrompre le MCE. La même procédure est adoptée
adultes et inconscients ayant une circulation spontanée après la
pour les autres médicaments comme la Cordarone® (300 mg par
réanimation d’une fibrillation ventriculaire survenue à l’exté-
voie intraveineuse), administrée juste avant le 4e choc. Une
rieur de l’hôpital doivent bénéficier d’une hypothermie modérée
bonne coordination des intervenants avec une anticipation des
à 32-34 °C pendant 12-24 heures, qui peut être commencée de
actions à entreprendre est nécessaire pour éviter toute perte de
façon passive ou active dès la phase préhospitalière de la prise
temps. La Figure 7 illustre l’enchaînement de gestes à réaliser en
en charge.
même temps que la défibrillation.
D’autres approches sont possibles, elles visent à combattre les
Pour les rythmes non choquables (rythmes sans pouls et
phénomènes complexes d’ischémie reperfusion qui suivent le
asystolie), la RCP n’est pas interrompue et une injection
retour à une circulation spontanée et peuvent s’apparenter à un
d’adrénaline est réalisée dès que la voie veineuse est mise en
sepsis sévère [28]. Le médecin informe la famille du patient avant
place. L’adrénaline est réinjectée toutes les 3 à 5 minutes, soit
de quitter les lieux et explique la réanimation entreprise.
après environ deux séquences de RCP de 2 minutes.

Causes immédiatement curables


En plus de la réanimation symptomatique, un certain nombre
de causes nécessitent une intervention immédiate pendant la
RCP médicalisée pour améliorer la possibilité de retour à une
“ Points forts
circulation spontanée. Cette éventualité est à évoquer systéma- La réanimation postarrêt est débutée dès la reprise d’une
tiquement devant un rythme sans pouls autre qu’une FV ou activité cardiaque spontanée sur le terrain.
une TV. Ces causes figurent sur l’algorithme de la Figure 6. Il
Elle comprend une hypothermie thérapeutique initiale,
convient de souligner, à titre d’exemple, l’importance :
modérée (32-34 °C), qui améliore le pronostic des
• du traitement d’une hypothermie majeure ;
• de la décompression d’un pneumothorax suffocant dans le patients comateux.
contexte d’un AC traumatique ;
• du traitement d’une dyskaliémie en cas de troubles métabo-
liques préexistants ;
• de l’injection d’un antidote dans certaines intoxications
(cyanure, nivaquine par exemple) ;
■ Arrêt de la réanimation
• de la thrombolyse pour la désobstruction d’une embolie
En l’absence de facteur de protection cérébrale tel qu’une
pulmonaire massive.
hypothermie profonde avant l’arrêt, il est licite d’arrêter les
Enfin, après le retour à une circulation spontanée, le traite-
efforts de réanimation s’ils deviennent futiles. Il est classique-
ment de la cause est aussi indispensable, par exemple la
ment admis d’arrêter la réanimation après 30 minutes de RCP
désobstruction coronaire d’un infarctus aigu du myocarde ayant
sans qu’aucun retour à une circulation spontanée ne soit
provoqué une FV.
survenu alors que l’ensemble des gestes de l’algorithme médica-
lisé a été correctement réalisé. Il s’agit dans tous les cas d’une
■ Réanimation postarrêt cardiaque décision médicale adaptée au cas du patient que le médecin
explique à l’ensemble de l’équipe préhospitalière. Il appartient
Le pronostic de l’AC dépend aussi de la réanimation postarrêt aussi au médecin d’informer la famille ou les proches présents,
cardiaque. Cette réanimation est spécifique, elle doit être de la réanimation entreprise et de son résultat.

Médecine d’urgence 7
25-010-B-10 ¶ Arrêt cardiaque préhospitalier de l’adulte. Chaîne de survie et défibrillation précoce

■ Circonstances particulières ■ Conclusion


La réanimation symptomatique n’est pas le plus souvent La réanimation des AC évolue rapidement. Cependant, dans
modifiée par les circonstances de survenue de l’AC, cependant de nombreux domaines, les résultats scientifiques sont frag-
il existe des particularités dont les principales figurent mentaires ou inexistants et il est nécessaire d’intensifier la
ci-dessous. recherche clinique concernant l’AC. La conduite à tenir inté-
grant les recommandations introduites en 2005/2006 modifie
très sensiblement la réalisation des gestes de secourisme et de
Noyades réanimation. Ceci souligne l’importance de la formation des
personnels et de la remise à jour régulière des connaissances.
La RCP doit être pratiquée le plus tôt possible, commencée
dans l’eau par un sauveteur entraîné, puis sur le bateau de
.

sauvetage ou la berge. Compte tenu de l’origine asphyxique de


l’arrêt, la RCP commence dans ce cas par cinq insufflations. La ■ Références
protection du rachis cervical par une minerve est réservée aux [1] Cobb LA, Fahrenbruch CE, Olsufka M, Copass MK. Changing inci-
circonstances évocatrices d’un traumatisme rachidien associé dence of out-of- hospital ventricular fibrillation, 1980-2000. JAMA
(plongeon ou surf par exemple). 2002;288:3008-13.
[2] International Liaison Committee on Resuscitation. 2005 International
consensus on cardiopulmonary resuscitation and emergency
Hypothermie accidentelle cardiovascular care science with treatment recommendations. Circula-
tion 2005;112 (III-1–III-136).
Le diagnostic d’AC est difficile. La RCP doit être poursuivie
[3] Recommandations formalisées d’expert SFAR SRLF. Prise en charge
jusqu’au réchauffement de la victime. Les chocs électriques en
de l’arrêt cardiaque. Ann Fr Anesth Reanim 2007 (sous presse).
dessous de 30 °C de température corporelle sont peu efficaces. [4] Cummins RO, Ornato JP, Thies WH, Pepe PE. Improving survival from
Après une première tentative inefficace, il faut réchauffer la sudden cardiac arrest: the ″chain of survival″ concept. A statement for
victime avant de rechoquer. Pour l’injection de médicaments, la health professionals of the Advanced Cardiac Life Support
dose est réduite en attendant le réchauffement. Subcommittee and the Emergency Cardiac Care Committee, American
Heart Association. Circulation 1991;83:1832-47.
Arrêt cardiaque traumatique [5] Eftestol T, Sunde K, Steen PA. Effects of interrupting precordial com-
pressions on the calculated probability of defibrillation success during
Le pronostic est en général très mauvais, mais quelques out-of-hospital cardiac arrest. Circulation 2002;105:2270-6.
survies inespérées ont été obtenues par la réanimation médica- [6] Yannopoulos D, McKnite S, Aufderheide TP, Sigurdsson G,
lisée. Le désamorçage cardiaque par collapsus hémorragique Pirrallo RG, Benditt D, et al. Effects of incomplete chest wall
nécessite un remplissage rapide en plus des vasoconstricteurs. Le decompression during cardiopulmonary resuscitation on coronary and
cerebral perfusion pressures in a porcine model of cardiac arrest.
pneumothorax compressif impose une décompression immé-
Resuscitation 2005;64:363-72.
diate par ponction ou thoracostomie. Un choc violent sur le
[7] Fenici P, IdrisAH, Lurie KG, Ursella S, GabrielliA. What is the optimal
thorax peut provoquer une FV qui peut répondre à la défibrilla- chest compression-ventilation ratio? Curr Opin Crit Care 2005;11:
tion. En cas de traumatisme pénétrant du thorax, la réalisation 204-11.
d’une thoracotomie de sauvetage peut permettre de récupérer [8] Yu T, Weil MH, Tang W, Sun S, Klouche K, Povoas H, et al. Adverse
une circulation spontanée, mais ce geste est rarement réalisé en outcomes of interrupted precordial compression during automated
préhospitalier. defibrillation. Circulation 2002;106:368-72.
[9] Morrison LJ, Dorian P, Long J, Vermeulen M, Schwartz B, Sawadsky B,
Arrêt cardiaque et grossesse et al. Out-of-hospital cardiac arrest rectilinear biphasic to monophasic
damped sine defibrillation waveforms with advanced life support inter-
Le MCE est adapté dès la 20e semaine de grossesse en récli- vention trial (ORBIT). Resuscitation 2005;66:149-57.
nant l’utérus vers la gauche par surélévation de la fesse droite, [10] Wik L, Hansen TB, Fylling F, Steen T, Vaagenes P, Auestad BH, et al.
ce qui favorise le retour veineux. Les mains sont appliquées plus Delaying defibrillation to give basic cardiopulmonary resuscitation to
patients with out-of-hospital ventricular fibrillation: a randomized trial.
haut sur le sternum pour réaliser les compressions thoraciques.
JAMA 2003;289:1389-95.
La diminution du tonus du sphincter inférieur de l’œsophage
[11] Einav S, Weissman C, Kark J, Lotan C, Matot I. Future shock:
majore le risque de régurgitation au cours de la RCP et rend automatic external defibrillators. Curr Opin Anaesthesiol 2005;18:
l’intubation endotrachéale immédiatement indispensable. Elle 175-80.
est réalisée avec une compression cricoïdienne et une sonde de [12] Valenzuela TD, Roe DJ, Nichol G, Clark LL, Spaite DW, Hardman RG.
calibre inférieur à celui d’une femme non enceinte. Outcomes of rapid defibrillation by security officers after cardiac arrest
in casinos. N Engl J Med 2000;343:1206-9.
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airline. N Engl J Med 2000;343:1210-6.
Le pronostic de l’AC est difficile à évaluer au cours ou au [14] Capucci A, Aschieri D, Piepoli MF, Bardy GH, Iconomu E, Arvedi M.
décours de l’intervention préhospitalière [29]. L’état neurologique Tripling survival from sudden cardiac arrest via early defibrillation
immédiatement après le retour à une circulation spontanée n’a without traditional education in cardiopulmonary resuscitation. Circu-
qu’une valeur d’orientation : un coma profond aréactif est de lation 2002;106:1065-70.
mauvais pronostic. De même, une instabilité hémodynamique [15] Rumball CJ, MacDonald D. The PTL, Combitube, laryngeal mask, and
oral airway: a randomized prehospital comparative study of ventilatory
nécessitant la perfusion de vasoconstricteurs pour maintenir la
device effectiveness and cost-effectiveness in 470 cases of
pression artérielle laisse présager une récidive de l’AC. À
cardiorespiratory arrest. Prehosp Emerg Care 1997;1:1-0.
l’opposé, les facteurs suivants sont considérés comme statisti- [16] Wenzel V, Krismer AC, Arntz HR, Sitter H, Stadlbauer KH,
quement de relativement bon pronostic : Lindner KH. A comparison of vasopressin and epinephrine for out-of-
• AC survenant devant des témoins ; hospital cardiopulmonary resuscitation. N Engl J Med 2004;350:
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Une évaluation fiable, clinique et paraclinique, du pronostic [18] Dorian P, Cass D, Schwartz B, Cooper R, Gelaznikas R, Barr A.
neurologique ne peut être obtenue qu’après environ 3 jours Amiodarone as compared with lidocaine for shock-resistant ventricular
d’hospitalisation. fibrillation. N Engl J Med 2002;346:884-90.

8 Médecine d’urgence
Arrêt cardiaque préhospitalier de l’adulte. Chaîne de survie et défibrillation précoce ¶ 25-010-B-10

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P. Carli.
C. Télion (ctelion.necker@invivo.edu).
M. Nahon.
SAMU de Paris et Service d’anesthésie-réanimation, Hôpital Necker-Enfants malades, 149, rue de Sèvres, 75015 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Carli P., Télion C., Nahon M. Arrêt cardiaque préhospitalier de l’adulte. Chaîne de survie et défibrillation
précoce. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Médecine d’urgence, 25-010-B-10, 2007.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


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décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

Médecine d’urgence 9
¶ 25-010-B-30

Défibrillations semi-automatique
et entièrement automatique externes
D. Jost, M. Ould-Ahmed, H. Degrange, G. Gueret, P. Heno, C. Fuilla

Introduite en France par le Service d’aide médicale d’urgence (Samu) de Lyon en 1990, l’utilisation de
défibrillateurs semi-automatiques (DSA) par des secouristes professionnels non-médecins était autorisée
depuis 1998 (décret 98-239 du 27 mars 1998). Aujourd’hui, l’habilitation à utiliser le DSA est délivrée
après une formation courte, spécifique et intégrée au diplôme de base de gestes de secours.
L’administration d’un choc électrique externe est réservée aux patients en arrêt cardiaque chez lesquels le
DSA a détecté une fibrillation ventriculaire ou une tachycardie ventriculaire grâce à un logiciel d’analyse
des signaux électrocardiographiques. La défibrillation est d’autant plus efficace qu’elle est précoce. La
diffusion la plus large possible des DSA au sein de la population générale est une condition nécessaire
mais non suffisante pour améliorer le pronostic des arrêts cardiaques extrahospitaliers. Cette diffusion
concerne en particulier les lieux publics, les établissements de soins et les domiciles des patients à risque.
Elle doit être associée à un programme de formation de la population générale aux gestes de secours
intégrant la mise en œuvre d’un DSA. Les nouvelles recommandations internationales sur la prise en
charge de l’arrêt cardiaque, associées aux récentes innovations technologiques (défibrillateur
entièrement automatique), laissent espérer une nouvelle amélioration du pronostic des arrêts cardiaques
extrahospitaliers.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Arrêt cardiaque extrahospitalier ; Fibrillation ventriculaire ; Défibrillateur semi-automatique

Plan ■ Introduction
¶ Introduction 1 Les débuts de la défibrillation électrique [1-6]
Les débuts de la défibrillation électrique 1
En 1775, un vétérinaire danois publiait ses travaux sur les
Algorithmes de reconnaissance et d’analyse des signaux effets du courant électrique chez l’animal. Un premier choc
électrocardiographiques 2 électrique externe (CEE) appliqué sur la tête d’une poule
Expériences étrangères et françaises 2 provoquait un état de mort apparente, alors qu’un second
¶ Aspects législatifs 2 appliqué sur le thorax la ressuscitait [1]. Parmi les travaux qui se
¶ Aspects techniques 2 sont succédé, citons ceux des physiologistes français Prevost et
Fibrillation ventriculaire 2 Batell en 1899 [2], puis ceux de Hooker en 1933 subventionnés
Défibrillation électrique 3
par l’industrie électrique américaine devant le nombre impor-
tant d’électrocutions dont étaient victimes les ouvriers de
Appareils de défibrillation semi-automatique 4
l’époque [4].
¶ Mise en œuvre du défibrillateur semi-automatique 5 En 1947, Beck réussissait à Cleveland la première défibrilla-
Chaîne de survie 5 tion humaine [3]. Au cours d’une chirurgie thoracique, l’admi-
Intégration de la défibrillation précoce dans la chaîne de survie 6 nistration d’un courant alternatif appliqué directement sur le
Cas particuliers 6 cœur d’un garçon de 14 ans permit la restauration d’un rythme
Concept de « DSA-vigilance » 7 sinusal après 45 minutes de fibrillation ventriculaire (FV).
¶ Formation : deux filières possibles 7 La première défibrillation extrahospitalière fut réalisée en
1966 à Belfast par une équipe mobile de soins intensifs dotée
¶ Perspectives d’avenir et controverses 8
d’un défibrillateur manuel pour la prise en charge des victimes
Perspectives d’avenir 8
d’infarctus du myocarde [6]. En 1972, Rose et al. [7] montrèrent
Controverses émergeant des dernières recommandations l’intérêt des défibrillateurs manuels confiés à des ambulanciers
internationales 8 (emergency medical technician) après une formation de 84 heures.
En 1980, Mirowski et al. réalisèrent la première implantation
d’un défibrillateur automatique chez une femme de 57 ans
souffrant d’une cardiopathie ischémique responsable de troubles
du rythme ventriculaires réfractaires à tout traitement médica-
menteux [5]. Ce défibrillateur automatique permit de réduire un
flutter ventriculaire 2 semaines après son implantation. Les

Médecine d’urgence 1
25-010-B-30 ¶ Défibrillations semi-automatique et entièrement automatique externes

premiers algorithmes de reconnaissance et d’analyse des signaux


électrocardiographiques ont été mis au point à cette époque.

Algorithmes de reconnaissance et d’analyse


des signaux électrocardiographiques [8-12]
Les algorithmes de reconnaissance du tracé électrocardiogra-
phique ont été élaborés à partir de banques de données de
signaux mises à la disposition des chercheurs et des indus-
triels [13]. Les paramètres utilisés pour identifier un rythme
choquable sont essentiellement l’amplitude, la fréquence et la
morphologie des complexes électriques. Le défibrillateur semi-
automatique (DSA) analyse le rythme par segments consécutifs
d’une durée chacun de 3 à 4 secondes. Si deux segments
successifs détectent un rythme compatible avec une
FV-tachycardie ventriculaire (TV), le défibrillateur retient
l’indication de choc et le propose à l’utilisateur. Si l’analyse des
deux segments est discordante, un troisième segment est pris en
compte pour décider de l’indication finale ou non d’un choc.
Les algorithmes de reconnaissance introduits dans les défibrilla-
teurs peuvent varier d’un industriel à l’autre. Ils possèdent
chacun leur propre sensibilité et spécificité. La sensibilité est la Figure 1. Exemple de rythme cardiaque analysé par le défibrillateur
capacité à détecter un rythme nécessitant effectivement un CEE. semi-automatique (DSA).
Elle est le plus souvent supérieure à 95 % [14]. La spécificité est Ligne 1 : tracé compatible avec une tachycardie ventriculaire pour la-
la capacité à éviter une défibrillation inappropriée. Elle doit être quelle le DSA propose l’administratrion d’un choc.
la plus proche possible de 100 % pour garantir une sécurité Ligne 2 : administration d’un choc à 200 joules après lequel le DSA réalise
d’emploi vis-à-vis du patient. Les seuils de reconnaissance d’un une nouvelle analyse, détecte un aspect de fibrillation ventriculaire et
rythme choquable introduits par le fabricant peuvent être propose un nouveau choc.
modifiés par toute personne habilitée, en l’occurrence le
Ligne 3 : charge de l’appareil et administration d’un choc à 300 joules.
médecin responsable de la mise en place et du suivi de l’utili-
Ligne 4 : après le choc, réapparition de complexes ventriculaires d’aspect
sation des défibrillateurs.
polymorphe. Le patient a récupéré un pouls palpable dans les instants
suivants.
Expériences étrangères et françaises [14-23]
Parmi les publications princeps, deux méta-analyses ont été
déterminantes pour le développement et la diffusion des DSA. Pour les patients hospitalisés, les tracés enregistrés par le DSA
Eisenberg et al. ont comparé le taux de survie des arrêts sont transmis aux médecins hospitaliers afin d’enrichir la
cardiaques extrahospitaliers (ACEH) dans 29 villes en fonction discussion d’une éventuelle mise en place d’un défibrillateur
du système de secours préhospitalier en place [19]. Ils avaient .
automatique implantable (Fig. 1). En ce qui concerne son
classé les chaînes de secours selon deux catégories. La première utilisation chez l’enfant, la circulaire du 28 juin 2004 [32]
comprenait un seul niveau de prise en charge, soit par une autorise sa mise en place dès l’âge de 1 an.
équipe de secouristes, soit par une équipe médicale. La
deuxième associait deux niveaux successifs de prise en charge,
en l’occurrence des secouristes renforcés par une équipe para- ■ Aspects techniques
médicale ou médicale. La survie était d’autant plus élevée que
le patient présentait un rythme choquable par le DSA et que la Fibrillation ventriculaire
défibrillation par les secouristes était précoce. La méta-analyse
d’Auble et al. reprend 1 827 patients en FV pris en charge par Définition clinique de la fibrillation ventriculaire
des secouristes professionnels munis d’un DSA [22]. Une dimi-
nution de mortalité très significative a été observée pour les Décrite par Hoffa et Ludwig en 1849, la FV est marquée par
patients ayant bénéficié d’une défibrillation précoce. l’inefficacité circulatoire qu’elle entraîne et par son caractère
En France, les premières études de faisabilité ont eu lieu à spontanément irréversible conduisant au décès en l’absence de
Paris, Lille et Lyon [14, 16-18, 20, 21]. Au total, 36 DSA avaient été traitement rapide. À thorax ouvert, le cœur en FV paraît
mis en œuvre chez 1 078 victimes dont 317 avaient présenté un immobile, sa surface étant parcourue d’ondulations
rythme choquable. On note 30 survivants sans séquelle, dont vermiculaires [30].
22 devaient leur survie à la mise en œuvre précoce du DSA. Une
comparaison historique permet de constater que le taux de Mode de survenue d’une fibrillation ventriculaire
survie à 6 mois est passé de 1,5 % avant l’époque des DSA, à La survenue d’une FV admet la coexistence d’un substrat
3,4 % depuis l’utilisation des DSA [14]. Le suivi à 12 mois des myocardique arythmogène et d’un facteur déclenchant [33].
1 078 victimes révèle 10 % de survie dans le groupe des ACEH • Le substrat arythmogène désigne les facteurs tissulaires à
choqués par DSA, contre moins de 1 % dans le groupe des l’origine d’une altération de l’électrophysiologie cellulaire.
ACEH n’ayant pu bénéficier d’un choc. Il peut s’agir, soit de modifications anatomiques (zones
d’ischémie ou de lésions myocardiques, fibrose diffuse des
■ Aspects législatifs cardiomyopathies primitives, voie de conduction auriculo-
ventriculaire accessoire), soit d’anomalies purement électri-
En 1992, l’Académie nationale de médecine rendait un avis ques (allongement de l’intervalle QT). Ces anomalies
favorable pour l’utilisation des DSA par des personnels de tissulaires génèrent de multiples boucles de réentrée
secours professionnels non-médecins [24-26]. électrique. Celles-ci entraînent une désynchronisation dans
Les personnels de santé souhaitant obtenir une habilitation à la contraction des cellules myocardiques, aboutissant
l’utilisation du DSA doivent valider une formation initiale et finalement à une totale inefficacité de la mécanique
suivre des recyclages réguliers. Le rôle des médecins dans la ventriculaire.
surveillance de la bonne utilisation des DSA reste essentiel [27- • Les facteurs déclenchants concourant à abaisser le seuil de
30] . Ils participent à la formation initiale et continue des fibrillation comprennent les dimensions du substrat aryth-
secouristes. Chaque utilisation de DSA fait l’objet d’un dossier mogène, le taux des catécholamines circulantes, les anomalies
médical. Les informations sur le déroulement de l’intervention métaboliques (dyskaliémies, dyscalcémies), l’effet proaryth-
initiale et le devenir immédiat du patient y sont recueillies [31]. mogène de certains médicaments.

2 Médecine d’urgence
Défibrillations semi-automatique et entièrement automatique externes ¶ 25-010-B-30

Figure 2. Formes d’ondes électriques de défi-


I I brillation cardiaque.
A. Onde monophasique, sinusoïdale, amortie.
Pic de courant
B. Onde biphasique, sinusoïdale, amortie.
C. Onde monophasique, exponentielle, tron-
quée.
D. Onde biphasique, exponentielle, tronquée.
E. Onde biphasique à signal carré (phase 1),
puis exponentielle tronquée (phase 2).
Phase 1 Phase 1

Temps (ms) Phase 2 Temps (ms)

A B

I I

Phase 1

Temps (ms) Phase 2 Temps (ms)

C D

Temps (ms)

Évolution et pronostic d’une fibrillation la tension par l’intensité (W = V × A). L’énergie en joule (J) est
ventriculaire le produit de la puissance par la durée (J = W × s).
Le principe de la décharge d’un condensateur électrique est
En l’absence de traitement, l’évolution naturelle de la FV est
actuellement utilisé par tous les appareils de défibrillation. Un
marquée par une diminution progressive de l’amplitude des
courant est administré pendant une durée d’environ 10 ms à
mailles électriques. Cette dégradation aboutit après quelques
travers les deux électrodes thoraciques. Cette durée extrême-
minutes à une asystolie. La survie qui diminue de 7 à 10 % par
ment courte permet de limiter le dégagement de chaleur, source
minute est également liée à l’amplitude initiale des FV. Cum-
de lésions tissulaires. Les défibrillateurs les plus récents jouent
mins et al. [34] rapportent 6 % de survie chez les patients en FV
sur une variation de l’intensité, de l’énergie et de la durée
à petites mailles, et 36 % de survie quand la FV est à grandes
d’administration du choc pour optimiser son efficacité clinique.
mailles [35, 36].
Formes d’onde électrique de défibrillation
Défibrillation électrique Les ondes peuvent être de forme « monophasique », le
courant électrique circulant dans un seul sens à travers le
Définitions thorax. Les DSA délivrent aussi des ondes de forme dite
L’administration transthoracique d’un courant destinée à « biphasique » qui elles-mêmes peuvent être « exponentielles
traiter un trouble du rythme cardiaque est appelée « choc tronquées », à « signal carré ou rectiligne » ou « multipulsées »
électrique externe ». Le terme de « défibrillation électrique » (Fig. 2). Les ondes biphasiques sont utilisées depuis longtemps
désigne un CEE non synchronisé réalisé pour réduire un trouble pour les défibrillateurs automatiques implantables, et trouvent
du rythme ventriculaire de type FV-TV. aujourd’hui leur place pour la défibrillation externe manuelle
ou semi-automatique. La supériorité de l’onde biphasique sur
Notions d’électricité appliquées à la défibrillation l’onde monophasique a été démontrée pour les critères de
électrique jugement « patient admis vivant à l’hôpital », mais le taux de
Le courant électrique est caractérisé par une intensité et une survie finale sans séquelle n’était pas modifié [37]. Pour ce qui
tension. Selon la loi d’Ohm, la tension en volt (V) est le produit concerne la comparaison des ondes biphasiques entre elles,
de l’intensité en ampère (A) par la résistance en ohm (X) : (V aucune hiérarchisation n’est actuellement possible car aucune
= X × A). La puissance électrique en watt (W) est le produit de étude clinique prospective n’a jamais été réalisée dans ce but.

Médecine d’urgence 3
25-010-B-30 ¶ Défibrillations semi-automatique et entièrement automatique externes

Tableau 1.
Facteurs de réussite d’une défibrillation électrique.
Facteurs influençant le résultat d’une défibrillation
Anatomiques Électriques Biochimiques
Position correcte Taille des électrodes Ischémie myocardique
des électrodes
Bonne adhésion Interface Température corporelle
cutanée des électrodes électrode-peau
Choc sur un thorax Impédance thoracique pH tissulaire
ventilé en fin
d’expiration
Massage cardiaque Niveaux d’énergie Hypoxie
préalable si l’ACR et de courant adaptés
dure depuis plus
de 4 à 5 minutes
Figure 3. Medtronic LP1000. Modèle de défibrillateur sous sa version
Massage cardiaque Forme de l’onde Dyskaliémie semi-automatique qui a été conçu pour s’adapter de façon optimale aux
postchoc immédiat électrique
nouvelles recommandations internationales.
Nombre de chocs Prise préalable
délivrés d’un traitement
antiarythmique parfaite traçabilité de leur utilisation. Leur différence se trouve
ACR : arrêt cardiorespiratoire. dans les modalités d’application du CEE. Le DSA comporte un
bouton « choc » que le secouriste doit presser quand l’appareil
Lors de son administration, la forme de l’onde administrée le lui recommande. Ce geste est une garantie de sécurité pour
peut légèrement varier par rapport à la forme théorique atten- les intervenants autour de la victime. Sur le DEA, le bouton
due [38, 39]. Cette compliance concerne trois paramètres : le « choc » a été supprimé et c’est l’appareil qui décide du moment
temps du passage du courant à travers le thorax, le niveau le plus opportun de la délivrance du choc après en avoir averti
d’énergie réellement délivré, l’intensité du courant réellement l’utilisateur par des messages vocaux. Du fait d’annonces vocales
administrée. Ces variations sont liées aux morphotypes des plus nombreuses, le DEA est difficilement utilisable dans les
patients. Elles ne modifient pas l’efficacité du choc si elles ne ambiances bruyantes.
dépassent pas un certain seuil. Chaque forme d’onde est affectée Une étude comparant l’utilisation et l’ergonomie des deux
d’une certaine compliance que les industriels ont essayé de types d’appareils par des élèves infirmières a montré que le DEA
rendre optimale. libère davantage l’utilisateur de toute contrainte technique,
Facteurs de réussite d’une défibrillation électrique améliorant la qualité de la réalisation des gestes de survie et la
compliance du sauveteur aux messages vocaux [42]. Si le DEA
Le CEE est aujourd’hui le seul traitement de la FV. Son
diminue le temps nécessaire pour administrer un CEE et
mécanisme d’action reste discuté. La théorie de la masse critique
améliore le pronostic des arrêts cardiaques intrahospitaliers,
suggère qu’une masse myocardique minimale doit être dépola-
risée lors du CEE pour réduire la FV : l’interruption des multi- aucune étude n’a pour l’instant montré le bénéfice de l’un ou
ples circuits de réentrées doit en effet intéresser environ 75 % l’autre type d’appareil (DEA versus DSA) sur la survie des
du myocarde ventriculaire. ACEH [43]. L’utilisation du DSA est actuellement soumise à une
Les facteurs de réussite d’un CEE sont nombreux. Ils sont liés réglementation stricte, alors qu’aucune législation sur le DEA
à des paramètres, soit anatomiques, soit biochimiques, soit n’a encore été publiée au Journal officiel. Ce vide juridique
électriques (Tableau 1). Parmi ces derniers, on retrouve le devrait être corrigé au cours de l’année 2006, apportant aux
courant et l’énergie administrés. Si c’est bien le courant qui futurs utilisateurs de DEA les modalités légales de formation et
défibrille, le pic de courant, c’est-à-dire l’amplitude maximale de d’utilisation.
l’onde de choc, peut générer des effets délétères sur le myocarde
lorsqu’il est trop élevé [40] . Quant à l’énergie, on dispose
actuellement de chocs de basse énergie (90 à 150 J) et de haute Caractéristiques techniques principales
énergie (200 à 360 J). Les basses énergies, d’utilisation plus Les appareils évoluent très rapidement grâce au dynamisme
récente, semblent aussi efficaces en termes de récupération d’un des industriels concernés. Les caractéristiques techniques
pouls palpable et génèrent moins souvent des anomalies
standardisées des DSA disponibles sur le marché sont présentées
électriques postchoc [39]. Leur utilisation n’a cependant pas
dans le Tableau 2. Un progrès récent consiste par exemple à
amélioré le taux de survie sans séquelle neurologique [37]. Les
utiliser la mesure de l’impédance thoracique. Celle-ci se définit
nouvelles recommandations internationales restent prudentes et
autorisent l’utilisation de chocs de basse et/ou de haute énergie, par la résistance rencontrée par le courant alternatif au moment
le niveau d’énergie optimal n’ayant pas encore pu être où celui-ci traverse le thorax du patient. Pour que le défibrilla-
déterminé [41]. teur autorise le choc, cette impédance doit se situer dans une
plage bien définie (25 – 175 X).-Si le poids du patient est trop
Appareils de défibrillation important, ou s’il existe une mauvaise adhérence des électrodes
à la peau, l’impédance mesurée se situera en dehors de cette
semi-automatique (Fig. 3) plage et le patient ne sera pas choqué. Lorsqu’une structure de
Classification des dispositifs médicaux soins veut s’équiper de DSA, il appartient à un groupe de travail
de défibrillation (médecin, infirmière, pharmacien, ingénieur biomédical) de
préciser le cahier des charges techniques en fonction des besoins
Deux types d’appareils sont actuellement disponibles sur le
marché : le DSA et le défibrillateur entièrement automatique spécifiques du système de secours au sein duquel les DSA vont
(DEA). DSA et DEA sont regroupés sous une dénomination être utilisés. Les produits de plus en plus nombreux sur le
unique : les défibrillateurs automatiques externes (DAE). Leurs marché obligent à mener une réflexion approfondie avant
points communs sont nombreux. Ils ont les mêmes indications : l’achat de tout appareil. Par exemple, il existe des DSA équipés
l’état de mort apparente. Ils nécessitent tous les deux l’applica- de modules permettant la mesure de la saturation en oxygène,
tion d’électrodes sur le thorax du patient. Ils aident l’utilisateur la mesure de la pression artérielle non invasive, la réalisation
grâce à des messages vocaux, analysent et identifient les d’un électrocardiogramme complet. L’utilisation de ces modules
rythmes cardiaques choquables. Ils stockent tous les deux les chez un patient encore en train d’être massé ne paraît actuelle-
données dans une mémoire interne permettant d’établir une ment pas raisonnable dans la mesure où cela risque de générer

4 Médecine d’urgence
Défibrillations semi-automatique et entièrement automatique externes ¶ 25-010-B-30

Tableau 2.
Caractéristiques techniques communes des défibrillateurs semi-automatiques (DSA). (Les valeurs ci-dessous peuvent varier d’un modèle à l’autre).
Caractéristiques Valeurs
Taille 6 cm × 20 cm × 25 cm
Poids 1,5 à 2 kg avec pile
Intervalle de température pour utilisation
0 °C à 50 °C
(fonctionnement et veille)
Intervalle de température pour stockage - 20 °C à + 50 °C
Pression atmosphérique 700 à 1 060 hPa
Résistance aux chocs Hauteur de chute 1 m, suivie d’un fonctionnement normal
Conforme aux normes internationales - pas d’interférence avec un champ ma-
Vibration-compatibilité électrostatique–émission électromagnétique
gnétique de faible amplitude
Conforme aux normes internationales - utilisable en conditions de vol
Aptitude à l’utilisation en avion
commercial
Forme de l’impulsion de défibrillation Biphasique : exponentielle tronquée ou rectiligne ou multipulse
Énergie délivrée Protocole préconfiguré
Adultes : séquence fixe : 200 J pour chaque choc ; séquence croissante (200
+ 50 J à chaque choc suivant)
Enfant : commutation automatique par insertion des électrodes pédiatriques
D’autres valeurs d’énergies peuvent être programmées à la place des valeurs
standards
Contrôle et commande de charge Automatique quand l’analyse préconise un choc
Temps de charge entre la recommandation et l’instant où le choc 100 J en moins de 6 s – 200 J en moins de 10 s
est disponible
Décharge de sécurité Une décharge interne du défibrillateur intervient lorsque le rythme du patient
ne nécessite pas de choc
Aucun choc n’a été déclenché dans les 20 s suivant la disponibilité du choc
Les électrodes se sont décollées de la peau du patient
La touche « marche-arrêt » a été actionnée
Électrodes Non polarisées (possibilité d’inverser leur position)
Contrôle du contact électrode-peau par mesure d’impédance
Adulte : 80 à 120 cm2 de surface prégélifiée par électrode
Enfant : 20 cm2 de surface prégélifiée par électrode
Câble d’électrode = 1,5 m
Rythmes nécessitant un choc Fibrillation ventriculaire, tachycardie ventriculaire > 180 battements/min
Sensibilité - spécificité Sensibilité > 98 % - spécificité proche de 100 %
Pile Lithium-manganèse
Dioxide
Capacité de 200 chocs de 150 J ou 7 h de fonctionnement sans choc
Autotest Journalier automatique. Le DSA émet un bip sonore en cas de défection

des temps d’interruption de massage cardiaque externe, voire un • Le second maillon est défini par la réalisation des gestes de
retard à l’administration du CEE. D’autres modèles se limitent survie (massage cardiaque externe et bouche-à-bouche) par les
strictement à leur vocation initiale de « boîte à chocs ». premiers témoins [45, 46]. La mise en œuvre de ces gestes ne
dépasse pas actuellement 10 % des cas en France [14]. Le
massage cardiaque par le témoin permet de prolonger la
■ Mise en œuvre du défibrillateur durée de la FV et d’attendre le DSA apporté par les secouris-
tes.
semi-automatique • Le troisième maillon est la défibrillation précoce par le DSA
mis à la disposition des secouristes.
Chaîne de survie • Le quatrième maillon correspond à l’arrivée sur les lieux d’un
La chaîne de survie insiste sur la rapidité nécessaire à tous les médecin ou d’un personnel paramédical [28]. En France, cette
niveaux de prise en charge des ACEH [44]. Les quatre maillons mission est remplie par les équipes de réanimation préhospi-
de cette chaîne sont : l’alerte précoce, les gestes de survie talière (médecins urgentistes des services d’aide médicale
précoces, la défibrillation précoce, la médicalisation précoce. Si d’urgence [samu], des sapeurs-pompiers ou anesthésistes-
le pronostic des patients est lié au bon déroulement de cette réanimateurs) qui viennent assurer le contrôle des voies
chaîne, la défaillance d’un seul maillon suffit à la rendre aériennes par l’intubation orotrachéale, la ventilation méca-
caduque. nique, la mise en place d’une voie d’abord vasculaire,
• Le premier maillon est défini par l’alerte précoce. L’appelant l’administration d’un traitement spécifique en fonction de
au numéro d’urgence (112 ; 15 ; 18) doit fournir des rensei- l’étiologie de l’ACEH et l’administration éventuelle de CEE
gnements précis qui permettent de déterminer le lieu et le . supplémentaires. Ce quatrième maillon fait l’objet d’un
type d’intervention. Le médecin régulateur déclenche alors le algorithme universel, dicté par l’European Resuscitation
moyen de secours le plus proche. Council [28] (Fig. 4).

Médecine d’urgence 5
25-010-B-30 ¶ Défibrillations semi-automatique et entièrement automatique externes

Figure 4. Arbre décisionnel. Algorithme


Victime inconsciente d’utilisation du défibrillateur semi-automatique
(DSA) selon l’European Resuscitation
Council [28]. RCP : réanimation cardiopulmo-
Appeler de l’aide naire ; CEE : choc électrique externe ; FV : fi-
brillation ventriculaire ; TV : tachycardie ventri-
Libérer les voies aériennes
culaire.
Absence de respiration

Chercher un DSA
Appeler les secours

RCP-base
30 compressions - 2 insufflations

Mise en place du DSA

Analyse

CEE indiqué CEE non indiqué


(FV ou TV) (ni FV ni TV)

1 CEE

Immédiatement Immédiatement
RCP-base 30-2 RCP-base 30-2
pendant 2 minutes pendant 2 minutes

Continuer jusqu'à la reprise


d'une ventilation normale

Intégration de la défibrillation précoce Cas particuliers


.

dans la chaîne de survie (Fig. 4) • Le noyé. Le thorax doit être essuyé avant la pose des électro-
La mise en œuvre du DSA est réalisée le plus souvent par une des pour favoriser l’adhérence de celles-ci. En cas d’hypother-
équipe de trois secouristes. Dès leur arrivée sur les lieux, ils mie associée, le nombre de CEE administrés ne doit pas
doivent confirmer l’état de mort apparente et démarrer les dépasser trois tant que la température corporelle centrale est
gestes de survie. Si le délai estimé depuis la survenue de l’arrêt inférieure à 30 °C [48].
cardiorespiratoire dépasse 4 à 5 minutes, c’est la réanimation • La femme enceinte. La survenue d’un arrêt cardiorespiratoire
cardiopulmonaire (RCP) (massage cardiaque et ventilation au cours d’une grossesse reste un événement rare (1/30 000
artificielle) qui doit être prioritaire. Pour les ACEH datant de grossesses). Les causes sont multiples : pathologie cardiaque
moins de 5 minutes, c’est au contraire la pose du DSA et préexistante, éclampsie, rupture de grossesse extra-utérine,
l’administration d’un CEE qui restent la priorité. La pose du embolie amniotique ou fibrinocruorique. L’utilisation du DSA
DSA précède dans tous les cas le contact avec le médecin est indiquée au même titre que dans l’arrêt cardiorespiratoire
régulateur du centre de réception des appels (112 ; 15 ; 18). On conventionnel. Il n’a pas été montré d’effet délétère du
recommande aux secouristes de démarrer systématiquement la courant de défibrillation sur le cœur fœtal. Le niveau d’éner-
prise en charge par une RCP (massage cardiaque et ventilation gie et le nombre des CEE doivent suivre les recommandations
artificielle) si aucun témoin n’était présent au moment de standards. La mise en place des électrodes est d’autant plus
l’effondrement de la victime. Sur le plan pratique, les secouristes difficile que la morphologie mammaire est conséquente [49].
doivent le plus vite possible avoir accès au thorax nu du • L’enfant. De multiples cas cliniques publiés depuis 2000 ont
patient. Les électrodes adhésives sont disposées l’une sous la rapporté l’absence d’effet délétère et l’efficacité de l’utilisation
clavicule droite, l’autre en position latérothoracique gauche. Dès du DSA chez l’enfant de moins de 8 ans. Les algorithmes
la mise sous tension du DSA, une « aide en ligne » sous la forme spécifiques d’analyse électrocardiographique pour l’enfant
de messages vocaux et/ou visuels guide l’opérateur. Une pre- permettent actuellement d’atteindre une spécificité proche de
mière analyse est réalisée. Après l’administration éventuelle d’un 100 % [50, 51]. Le niveau d’énergie optimal d’un choc chez
CEE, une RCP de 2 minutes est immédiatement démarrée, avant l’enfant reste cependant inconnu [52]. L’extrapolation des
une nouvelle analyse du rythme cardiaque du patient. Dès résultats observés chez l’adulte [37] et les études pédiatriques
l’instant où un CEE n’est plus indiqué, le secouriste recherche animales montrent que le choc biphasique est au moins aussi
la présence d’un pouls palpable au niveau carotidien. L’absence efficace et génère moins de dysfonctionnement myocardique
de pouls impose la reprise d’une RCP pendant 2 minutes. Les après son administration que l’onde de choc monophasi-
recommandations encouragent à interrompre le moins long- que [53]. Les niveaux d’énergie actuellement recommandés
temps possible le massage cardiaque externe afin d’assurer une sont de 2 J/kg (onde mono- ou biphasique) pour le premier
perfusion cérébrale continue et de limiter la souffrance choc. Si la FV n’est pas réduite, les chocs suivants sont réglés
neurologique [47]. à 4 J/kg [54] . Le DSA est actuellement capable d’adapter

6 Médecine d’urgence
Défibrillations semi-automatique et entièrement automatique externes ¶ 25-010-B-30

automatiquement la posologie du choc au poids de l’enfant. 9 ans. Ils ont bénéficié d’une formation de 1 heure dont les
Cette adaptation se fait en deux étapes : objectifs étaient l’évaluation de la conscience et de la ventila-
C le secouriste utilise des électrodes pédiatriques qui, une fois tion, l’apprentissage d’une alerte correcte, d’une RCP et de la
connectées au DSA, vont indiquer à la machine de prendre mise en œuvre d’un défibrillateur entièrement automatique. Les
acte que la victime est un enfant de moins de 8 ans. Ces enfants n’éprouvaient aucune difficulté à installer le défibrilla-
électrodes sont équipées d’un réducteur d’énergie ; teur et à effectuer le massage cardiaque externe. Le bouche-à-
C le DSA mesure l’impédance thoracique juste avant l’admi- bouche était en revanche plus difficile à exécuter. Cette
nistration du choc et libère le niveau d’énergie ajusté à expérience devrait inciter les pouvoirs publics à intégrer, dans
l’impédance mesurée. les programmes scolaires, la formation aux gestes de secours
avec défibrillateur. Une autre étude de faisabilité a eu lieu à
Hyères, dans le Var, associant une formation courte de la
Concept de « DSA-vigilance » population et la mise en place de défibrillateurs dans des lieux
La « DSA-vigilance » se définit comme la capacité à déceler, publics particuliers : gymnase, mairie, stade. Ces expériences
analyser et corriger un incident ou risque d’incident survenu semblent d’autant plus pertinentes qu’elles sont réalisées dans
dans le cadre de l’utilisation d’un DSA. Elle doit être réalisée à des régions de faible densité de population, d’un âge moyen
tous les niveaux de prise en charge de la victime et doit être élevé et d’un taux faible de médicalisation. La législation
effectuée par tous les acteurs de la chaîne des secours. Elle fait autorisant la mise en place de défibrillateurs entièrement
appel à la vigilance des secouristes utilisateurs de l’appareil et à automatiques et leur utilisation par le grand public est en cours
la vigilance des médecins référents qui encadrent son utilisation de validation auprès des ministères concernés.
et relisent a posteriori les tracés enregistrés. Enfin, le DSA est
soumis aux règles de matériovigilance au même titre que tout
dispositif médical. La DSA-vigilance a permis d’identifier les
incidents survenus au cours de l’utilisation du DSA, classés en
quatre catégories [55].
“ Points forts
• 1 : administration inappropriée d’un choc par défaut de
spécificité de l’algorithme d’analyse électrocardiographique de • Le choc électrique externe est d’autant plus efficace
l’appareil (incidence 0,1 %) ; qu’il est administré précocement.
• 2 : défaut d’administration d’un CEE alors qu’il aurait dû être • Le défibrillateur s’intègre dans la chaîne des secours qui
délivré lié au décollement d’une électrode, à une décharge de comporte les maillons « alerte précoce – gestes de survie
la batterie ou à un défaut de sensibilité de l’appareil (inci- précoces – défibrillation précoce – médicalisation précoce
dence 8 %) ; – hospitalisation précoce ».
• 3 : mise en jeu de la sécurité des personnels de secours avec • Le DAE (défibrillateur automatique externe) regroupe le
des accidents d’électrisation ou d’électrocution (incidence
DSA (défibrillateur semi-automatique) et le DEA
proche de 0 %) ;
• 4 : problème de traçabilité, ou perte des données enregistrées (défibrillateur entièrement automatique).
par le DSA (incidence proche de 0). • La supériorité de l’onde biphasique sur l’onde
monophasique a été démontrée pour le critère « patient
Expérience à l’étranger admis vivant à l’hôpital » mais non pour le critère « survie
Au milieu des années 1990, une première compagnie à 1 an ». Les ondes biphasiques sont différentes d’un type
aérienne, Quantas Airlines, a intégré des DSA dans ses avions de DSA à l’autre. Aucune étude clinique prospective n’a
dédiés aux vols commerciaux [56]. Un taux de survie spectacu- démontré la supériorité de l’une d’entre elles.
laire de 26 % des ACEH a été observé suite à cette stratégie. La
défibrillation est depuis effectuée par des personnels navigants
commerciaux entraînés. Une autre compagnie aérienne, Ameri-
can Airlines, a atteint également une survie sans séquelle de ■ Formation : deux filières
40 % au prix d’une formation de tous ses personnels navigants
mais aussi des personnels au sol, attachés à l’aéroport. Des DSA
possibles [30, 46, 63]

sont ainsi disponibles autant dans les avions que dans les halls L’Observatoire national du secourisme a contribué à l’évolu-
d’aéroports [57] . Les ACEH survenant dans les couloirs de tion de l’arrêté du 4 février 1999 [64] vers l’arrêté du 10 septem-
l’aéroport de Chicago atteignent un taux de survie de 56 % [58]. bre 2001 [65]. Ces deux arrêtés sont complémentaires et ciblent
D’autres lieux publics ont fait l’objet du même effort. Ainsi la des publics différents.
survie des ACEH dans les casinos de Las Vegas atteint 53 % [59]. • L’arrêté du 4 février 1999 s’adresse aux titulaires d’un
Outre un accès facilité à un appareil de défibrillation, le facteur diplôme d’État d’infirmier, de masseur-kinésithérapeute ou de
pronostique essentiel reste cependant la présence d’un témoin manipulateur d’électroradiologie médicale, ainsi que les
actif au moment de la survenue de l’arrêt. Lorsque le témoin titulaires du certificat de capacité d’ambulancier. Leur forma-
n’est pas formé au massage cardiaque, le taux de survie retombe tion est coordonnée par le responsable du samu départemen-
en effet à 23 % [60]. tal. Elle est sous la responsabilité d’un médecin urgentiste,
d’un cardiologue, d’un anesthésiste-réanimateur, d’un méde-
Expérience en France cin des armées ou des sapeurs-pompiers, assisté par des
La compagnie nationale Air France a formé l’ensemble de ses moniteurs de secourisme. Un recyclage annuel est effectué au
personnels puis a équipé tous ses appareils de DSA, atteignant sein du service utilisateur par le médecin responsable.
un taux de survie sans séquelle de 17 % [61]. Sur le territoire • L’arrêté du 10 septembre 2001 s’adresse aux secouristes. La
français, une étude particulièrement intéressante a été menée à formation au DSA est une partie intégrante et indissociable
Montbard en Côte-d’Or [62]. Dans cette ville, près de 50 % de la des Attestations de formation complémentaire aux premiers
population a été formée aux gestes de survie. Cette étude secours avec matériel (AFCPSAM) et des Certificats de forma-
observationnelle avait pour but de mesurer l’impact, sur la tion aux activités de premiers secours en équipe (CFAPSE).
survie des patients victimes d’un ACEH, que peut avoir une Elle est assurée par les organismes habilités ou les associations
formation du grand public aux gestes de secourisme. Sur une agréées pour la formation au secourisme. Le DSA est enseigné
période de trois années, 44 ACEH ont été réanimés par un en même temps que le massage cardiaque externe. La forma-
médecin urgentiste envoyé par le samu. Parmi eux, sept ont tion continue est assurée par le service formateur.
survécu sans séquelle. L’expérimentation a encouragé les À l’avenir, il existe une volonté forte de simplifier et de
responsables locaux à poursuivre cette formation du grand raccourcir les formations au DSA. Toute simplification est
public et à déposer une proposition de loi visant à généraliser cependant amenée à respecter le principe qui consiste à ne
l’accès public aux défibrillateurs. Dans la même commune, une jamais dissocier la formation au défibrillateur automatique
évaluation de la pertinence d’une formation courte pour des externe de la formation aux gestes de survie, dont le massage
enfants de moins de 10 ans a été menée chez 43 élèves âgés de cardiaque externe en particulier.

Médecine d’urgence 7
25-010-B-30 ¶ Défibrillations semi-automatique et entièrement automatique externes

■ Perspectives d’avenir Les recommandations européennes de 2005 proposent une


limitation de ce nombre à un CEE toutes les 2 minutes. Ce
et controverses changement a pour objectif de diminuer les temps d’inter-
ruption de massage cardiaque externe induits par des CEE
Perspectives d’avenir itératifs. Ces interruptions altèrent les perfusions coronaire et
cérébrale et aggravent très rapidement le pronostic vital des
Administration du choc électrique externe patients [71].
synchronisée à la phase de compression
thoracique Énergie du premier choc électrique externe [41]
Au cours du massage cardiaque externe, la phase de compres- La stratégie consistant à administrer un seul choc conduit à
sion thoracique entraîne une densité de tissu myocardique plus rechercher l’énergie optimale pour que ce choc unique soit
importante d’où une meilleure conduction intramyocardique du efficace. L’énergie du choc est considérée comme acceptable si
courant avec une augmentation des chances de succès de la elle apporte une probabilité de succès de 90 %. Le succès d’un
défibrillation. La synchronisation du CEE administré pendant la CEE est défini par l’observation de la disparition de la FV-TV à
phase de compression peut se faire si le DSA est couplé à un la 5e seconde après celui-ci. Les probabilités de succès pour le
dispositif médical de massage cardiaque automatique. Ce premier CEE administré en fonction des ondes de défibrillation
couplage évite toute interruption du massage et assure des existantes sont les suivantes :
perfusions coronaire et cérébrale continues.
• onde monophasique : 77 à 91 % de succès à 200 J. La
Prédiction du succès du choc électrique externe recommandation est de 360 J pour le premier choc ;
Le succès d’un CEE est défini par la résolution de la FV-TV et • onde biphasique exponentielle tronquée (BTE) : 86 à 98 % de
l’absence de récidive pendant plus de 5 secondes après l’admi- succès à 150 J. La recommandation est de 150 J pour le
nistration du CEE [47]. Un des objectifs de la recherche actuelle premier choc ;
sur l’ACEH consiste à détecter parmi les FV-TV celles qui • onde rectiligne biphasique (RB) : 85 à 99 % de succès à 120 J.
répondent le moins bien au CEE, la prédiction d’un échec au La recommandation est de 120 J pour le premier choc ;
CEE permettant de décider d’une stratégie thérapeutique • onde biphasique multipulsée : 89 % de succès à 120 J. La
alternative au CEE, en l’occurrence un massage cardiaque recommandation est de 120 J pour le premier choc.
externe prolongé. D’une façon générale, les études sur la
prédiction du succès au CEE reposent sur l’analyse du signal Conduite à tenir après un choc électrique externe
électrocardiographique enregistré par le DAE. Il a été montré unique [47, 67]
depuis longtemps que des amplitudes et/ou des fréquences plus
importantes des mailles de FV-TV sont associées à une meilleure La reprise immédiate du massage cardiaque externe après un
réponse au CEE [36]. D’autres paramètres électriques ont été choc inefficace a également pour objectif de réduire les temps
récemment étudiés. Mais leur valeur prédictive reste décevante d’attente et d’inaction des secouristes, et donc la non-perfusion
et leur utilisation n’est pas réalisable en temps réel [66]. coronaire et cérébrale. Cependant, aucune étude n’a mesuré le
bénéfice éventuel d’un CEE avec un massage cardiaque externe
Défibrillateur semi-automatique assisté d’un outil postchoc immédiat versus trois CEE. La recommandation
de communication retenue « un choc suivi d’un massage cardiaque externe immé-
Les DSA mis en place dans les lieux publics peuvent être diat » repose pour l’instant sur un niveau de preuve faible, mais
équipés d’un émetteur-récepteur et leur allumage peut déclen- semble une attitude cohérente au vu de la physiopathologie de
cher une connexion entre l’utilisateur et le médecin régulateur l’ACEH.
du centre de réception des appels de secours. Il devient dès lors
possible de localiser plus rapidement le lieu de survenue de Problème du deuxième choc
l’ACEH et d’organiser une aide à distance à la réalisation des
Une étude met en évidence la fréquence accrue de blocs
gestes de survie. Cette perspective est en cours d’étude dans
auriculoventriculaires après un second choc quand celui-ci est
certains départements français.
d’énergie élevée (360 J) [72] . Aucune étude n’a montré le
Controverses émergeant des dernières bénéfice d’une escalade dans les niveaux d’énergie délivrés au
fur et à mesure des chocs successivement administrés. Les
recommandations internationales [41, 67] recommandations actuelles proposent de rester au même niveau
Lors d’un arrêt cardiaque extrahospitalier en d’énergie en cas de FV-TV récidivante. La FV-TV récidivante se
fibrillation ventriculaire-tachycardie ventriculaire, définit par le succès d’un CEE sur une FV-TV, mais avec sa
la priorité est-elle au choc électrique externe récidive dans les instants qui suivent. Les recommandations
laissent le choix à l’utilisateur en cas de FV-TV réfractaire. La
ou au massage cardiaque externe ?
FV-TV réfractaire se définit par l’absence de succès du CEE et
Si le délai d’arrivée des secours au chevet du malade dépasse donc la constatation d’une persistance de FV-TV dans les
4-5 minutes, la réalisation d’un massage cardiaque externe secondes qui suivent le CEE.
préalable au CEE a amélioré le pronostic des malades dans
l’étude de Wik et al. [68] . Cependant, le massage cardiaque
externe en premier n’a apporté aucun bénéfice en termes de
survie dans l’étude de Jacobs et al. [69]. Les résultats contradic-
toires ne permettent pas d’établir une recommandation forte.
Dans l’attente d’études qui permettraient d’établir un niveau de
“ Points forts
preuve suffisant, les recommandations retenues en l’état actuel
des connaissances sont les suivantes : 1,5 à 3 minutes de Nouvelles recommandations 2005.
massage cardiaque externe peuvent être appliquées avant une • La réalisation d’un massage cardiaque avant le choc
tentative de CEE chez les patients souffrant de FV-TV depuis dans les cas où la durée de l’arrêt cardiaque est pris en
plus de 4-5 minutes. Cette recommandation de niveau de charge au-delà des 4 premières minutes.
preuve faible ne concerne pas les arrêts cardiaques intrahospi- • La réalisation si nécessaire d’un choc toutes les
taliers. Par ailleurs, la ventilation est inutile au cours des 2 minutes.
premières minutes d’une FV initiale [70]. Ventiler reste cepen- • La reprise immédiate du massage cardiaque après un
dant primordial dans le cadre de l’ACEH d’étiologie hypoxique,
choc, et non plus la recherche d’un pouls carotidien
en particulier l’ACEH chez l’enfant, le noyé ou l’intoxiqué.
systématique.
Nombre de chocs administrés • L’administration préférentielle d’un choc de type
Les recommandations européennes publiées en 2000 préco- biphasique.
nisaient trois chocs successifs en cas de persistance de FV-TV.

8 Médecine d’urgence
Défibrillations semi-automatique et entièrement automatique externes ¶ 25-010-B-30

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D. Jost (daniel.jost2@wanadoo.fr).
Service médical d’urgence de la Brigade de Sapeurs-Pompiers de Paris, 1, place Jules-Renard, 75017 Paris, France.
M. Ould-Ahmed.
Département d’anesthésie-réanimation, Hôpital d’instruction des Armées Desgenettes, B.P. 25, 69998 Lyon-Armées, France.
H. Degrange.
Service médical d’urgence de la Brigade de Sapeurs-Pompiers de Paris, 1, place Jules-Renard, 75017 Paris, France.
G. Gueret.
Service médical d’urgence de la Brigade de Sapeurs-Pompiers de Paris, 1, place Jules-Renard, 75017 Paris, France.
Département d’anesthésie-réanimation, Centre hospitalier universitaire La Cavale Blanche, 29609 Brest, France.
P. Heno.
Service de cardiologie, Hôpital d’instruction des Armées Laveran, 13998 Marseille-Armées, France.
C. Fuilla.
Groupe de travail de la Brigade de Sapeurs-Pompiers de Paris sur l’arrêt cardiaque
Service médical d’urgence de la Brigade de Sapeurs-Pompiers de Paris, 1, place Jules-Renard, 75017 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Jost D., Ould-Ahmed M., Degrange H., Gueret G., Heno P., Fuilla C. Défibrillations semi-automatique et
entièrement automatique externes. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Médecine d’urgence, 25-010-B-30, 2007.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


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décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

10 Médecine d’urgence
¶ 25-010-E-30

Drainage thoracique aux urgences


F. Moritz, S. Dominique, F. Lenoir, B. Veber

Les modalités de l’évacuation d’un épanchement pleural sont fonction de sa nature présumée, de son
abondance et de sa tolérance. Le pneumothorax, l’hémothorax et l’épanchement pleural liquidien
constituent, par ordre de fréquence décroissante, les principales indications à l’évacuation d’un
épanchement pleural aux urgences. Dans ces indications, les intérêts respectifs du drainage et de la
ponction pleurale sont envisagés. Les deux techniques sont ensuite décrites. Pour l’évacuation d’un
hémothorax, l’utilisation du trocart de Monod est conseillée.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Drainage thoracique ; Ponction pleurale ; Pneumothorax ; Hémothorax

Plan maladie sous-jacente). Ce choix est également guidé par la


connaissance des stratégies thérapeutiques qui pourront être
¶ Introduction 1 adoptées ultérieurement.
¶ Principales indications à l’évacuation pleurale aux urgences 1 C’est pourquoi il paraît utile d’évoquer tout d’abord les
Pneumothorax spontané 1 principales causes d’épanchement pleural et leurs modalités de
Hémopneumothorax post-traumatique et iatrogénique 2 prise en charge thérapeutique avant de décrire les différentes
Épanchement pleural liquidien 3 techniques d’évacuation de la cavité pleurale.
¶ Techniques 3
Drainage thoracique
Ponction pleurale
3
4
■ Principales indications
Systèmes d’aspiration 5 à l’évacuation pleurale aux urgences
¶ Incidents et complications du drainage thoracique
et de la ponction pleurale 6 Pneumothorax spontané
Douleurs 7 Par définition il s’agit d’un épanchement gazeux survenant
Saignement 7 en l’absence de traumatisme ou de ponction, en dehors de toute
Malpositions du drain 7 ventilation mécanique. Il peut survenir sur un poumon en
Œdème de réexpansion 7 apparence sain (pneumothorax primitif dit idiopathique) ou
Infection du site d’insertion ou de l’espace pleural 7 être secondaire à une affection bronchique ou pulmonaire sous-
Persistance du pneumothorax malgré le drainage 7 jacente. Les pathologies bronchopulmonaires favorisantes sont
¶ Retrait du drain 7 diverses et peuvent être connues ou non (Tableau 1).
¶ Conclusion 7
Pneumothorax spontané du sujet sain
Devant une suspicion de pneumothorax, la radiographie
thoracique est demandée, dans un premier temps, en inspira-
■ Introduction tion seule, l’expiration étant susceptible d’aggraver le pneumo-
thorax, plus particulièrement s’il est compressif, bilatéral ou s’il
existe une bride. Le cliché en expiration est nécessaire dans un
Le praticien exerçant aux urgences doit être en mesure
second temps, lorsque le décollement pulmonaire est minime
d’évacuer une cavité pleurale remplie d’air ou de liquide pour
ou douteux.
plusieurs raisons. La première est dictée par les circonstances, le
drainage est en effet nécessaire lorsque l’épanchement est post- Tableau 1.
traumatique ou que la tolérance hémodynamique ou respira- Pathologies bronchopulmonaires favorisant la survenue d’un
toire est mauvaise. Dans ces cas, la pose d’un système de pneumothorax.
drainage ne se discute pas, même si parfois elle peut être
précédée d’une exsufflation à l’aiguille lorsque l’urgence est Bronchopneumopathie chronique obstructive
vitale, c’est le cas du pneumothorax sous tension. La seconde Emphysème
est généralement motivée par le souhait d’obtenir rapidement Pneumocystose
une orientation diagnostique et de réaliser le traitement. Dans Histiocytose X
ces cas, le choix entre ponction pleurale à l’aiguille et drainage Lymphangio-léiomyomatose
thoracique est fonction de la nature supposée de l’épanchement
Abcès pulmonaire
et de ses circonstances de survenue (antécédents et terrain,

Médecine d’urgence 1
25-010-E-30 ¶ Drainage thoracique aux urgences

Figure 1. Arbre décisionnel. Prise en charge


Pneumothorax < 20 % Pneumothorax > 20 % d’un premier épisode de pneumothorax
Décollement de moins de 3 cm Décollement de plus de 3 cm (PNO) spontané du sujet sain. RP : radiogra-
phie pulmonaire ; CS : consultation.
Surveillance Augmentation du PNO
RP de contrôle à h6 Exsufflation à l'aiguille

Pas d'augmentation du PNO Drainage thoracique


Échec Succès
• Retour au domicile et repos
CS avec RP à j2 et j7
Thoracoscopie Retour au domicile
• Admission si suivi difficile CS avec RP à j2 et j7
ou domicile éloigné

La tolérance du pneumothorax est fonction de l’état bron- Intervention chirurgicale


chopulmonaire sous-jacent et de son caractère compressif (1 à
Elle peut être envisagée en première intention pour la
3 % des cas) [1]. Elle s’apprécie sur des paramètres cliniques :
récidive d’un pneumothorax homolatéral ou controlatéral,
dyspnée sévère, impossibilité de parler, thorax distendu et
l’attitude thérapeutique étant fonction des centres de prise en
immobile, cyanose, hypotension, malaise et choc. En cas de
charge [13, 14]. Pour les patients qui envisagent de poursuivre des
mauvaise tolérance, l’évacuation aux urgences par drainage
activités qui aggravent le risque de survenue d’un pneumotho-
précédé d’une exsufflation est impérative.
rax (plongée sous-marine, exercice en altitude), un traitement
Dans les autres cas, l’évacuation aux urgences se discute en
prévenant les récidives est à envisager dès le premier épisode.
fonction du volume de l’épanchement et des circonstances de
Les patients les plus jeunes sont les plus susceptibles de
survenue.
bénéficier d’un traitement préventif, car après 40 ans le risque
Le pneumothorax partiel se définit comme une surface
de récidive diminue.
décollée inférieure à 20 % de la surface de l’hémithorax, le
La vidéothoracoscopie permet la visualisation et l’ablation des
décollement est inférieur à deux travers de doigt de la surface
bulles pleurales ainsi que la pleurosynthèse par abrasion
de l’hémithorax ou à 3 cm de l’apex. Il ne nécessite pas la
mécanique directe de la plèvre ou par l’insufflation de talc.
réalisation d’une évacuation, le repos au lit et l’oxygénothérapie
Comparée à la thoracotomie chirurgicale, la thoracoscopie
font partie des mesures préconisées (Fig. 1). L’oxygénothérapie
réduit la douleur postopératoire, la morbidité et le risque de
accélère la résolution du pneumothorax [2]. Lorsqu’il s’agit d’un
récidive de pneumothorax est très faible, évalué à 2,3 % [15].
premier épisode, après 6 heures d’observation, le retour au
Ainsi certains auteurs proposent la réalisation d’une vidéotho-
domicile est possible avec un contrôle radiologique au 2e et au
racoscopie en première intention devant un pneumothorax [15].
7e jour [1, 3].
Lorsque le décollement est supérieur à 20 %, le patient doit Traitement du pneumothorax secondaire
être hospitalisé et les modalités de l’évacuation de l’épanche-
ment vont se discuter. Différents modes de prise en charge sont
à une maladie respiratoire sous-jacente
actuellement possibles. Si le drainage thoracique constitue la La ponction-exsufflation n’est pas préconisée dans le pneu-
prise en charge la plus fréquente, la ponction-exsufflation est mothorax sur poumon pathologique car son efficacité paraît
une alternative élégante mais ni l’une ni l’autre n’évitent les plus aléatoire et le pneumothorax dans ce contexte est plus
récidives que seule la chirurgie, le plus souvent réalisée par dangereux du fait de la moindre réserve respiratoire des
vidéothoracoscopie, peut prévenir. Choisir une technique patients [16, 17]. L’hospitalisation est systématique, le traitement
nécessite de connaître les différentes alternatives, leurs intérêts est réalisé par la mise en place d’un drain thoracique si le
et leurs inconvénients. décollement est supérieur à 20 %.
Mise en place d’un drain thoracique
Hémopneumothorax post-traumatique
Anxiogène et douloureuse [4], elle est susceptible de s’accom-
pagner de nombreuses complications [5, 6]. Son efficacité est
et iatrogénique
importante (90 %) lorsqu’il s’agit d’un premier pneumothorax,
Hémopneumothorax post-traumatique
mais la fréquence des succès diminue à 52 % s’il s’agit d’une
première récidive et à 15 % s’il s’agit d’une deuxième réci- L’hémothorax et le pneumothorax peuvent être isolés ou
dive [7]. La mise en place d’un drain thoracique ne réduit pas le associés. Ils sont fréquents, après traumatismes fermés ou plaies
risque de récidive de pneumothorax. À 1 an, le pourcentage de pénétrantes du thorax. Ils surviennent dans un contexte de
récidive est le même que l’option initiale soit celle de la polytraumatisme et de contusion pulmonaire. Leur origine est
ponction ou celle du drainage ; il est d’environ 30 % [8]. très variée. Il peut s’agir de lésions des vaisseaux pariétaux,
intercostaux ou mammaires internes, de plaies ou de lacérations
Ponction-exsufflation pulmonaires et plus rarement de plaies des gros vaisseaux
Réservée au pneumothorax dont la tolérance clinique est intrathoraciques ainsi que de ruptures trachéales ou
bonne, cette technique a l’avantage d’être simple, bien tolérée bronchiques.
par les patients et rarement compliquée. De plus, en cas de La radiographie pulmonaire confirme et localise les lésions de
succès, le retour au domicile peut être autorisé précocement la paroi thoracique, elle localise les éventuels corps étrangers et
selon certains auteurs, mais cette attitude reste à évaluer et une montre l’existence d’un épanchement de type aérien ou liqui-
surveillance de quelques heures paraît prudente [9]. L’efficacité dien, signe indirect d’une plaie du parenchyme pulmonaire. Il
immédiate de la première aspiration est selon les études de 59 à est cependant important de connaître les limites de la radiogra-
67 % [8, 10, 11] . La ponction-exsufflation est plus souvent phie pulmonaire réalisée en décubitus dorsal, le pneumothorax
inefficace chez les sujets ayant plus de 50 ans et si l’aspiration n’étant pas mis en évidence dans plus d’un cas sur deux et
est supérieure à 2,5 l [12] . En cas d’inefficacité initiale, la l’hémothorax pouvant être ignoré, marqué par la grisaille
réalisation dans la foulée d’une deuxième ponction ne paraît diffuse d’un hémichamp pulmonaire [18]. Le scanner thoracique
pas être opportune [8]. En effet, la persistance d’une fuite d’air permet de mettre en évidence à la fois l’hémo- et le pneumo-
explique probablement l’échec de la première ponction. Le thorax, d’en apprécier l’importance, puis de compléter le bilan
succès à 1 semaine est élevé, évalué à 85 % [8]. des lésions associées.

2 Médecine d’urgence
Drainage thoracique aux urgences ¶ 25-010-E-30

Plaie du poumon

Hémothorax et/ou
Pneumothorax minime
pneumothorax > 20 %

Surveillance Drainage thoracique

Hémothorax Hémothorax
< 1 500 ml > 1 500 ml
< 200 ml/h > 200 ml/h

Surveillance ou Autotransfusion
vidéothoracoscopie Thoracotomie d'hémostase

Figure 2. Arbre décisionnel. Prise en charge d’un hémopneumothorax.

La mise en évidence d’un épanchement dans cette situation


indique la pose immédiate d’un drain pleural dont les objectifs
sont :
• d’obtenir l’apposition pleurale dans le but de stopper le
saignement ;
• d’améliorer les conditions ventilatoires et en cas de pneumo-
thorax de permettre, lorsqu’elle est nécessaire, une ventilation
en pression positive ;
• de surveiller le saignement en mesurant le débit horaire Figure 3. Trocart, drains et valve antiretour.
(Fig. 2) ; A. Trocart de Monod.
• d’évacuer le sang et les caillots pour réduire le risque d’infec- B. Drain d’Argyle ou Portex.
tion secondaire et de séquelles pleurales. C. Drain de Joly.
La surveillance du saignement permet de discuter l’indication D. Pleurocath®.
d’une thoracotomie d’hémostase si le recueil est supérieur à E. Valve unidirectionnelle de Heimlich.
200 ml/h pendant plus de 2 heures. Lorsque le saignement est
massif, la thoracotomie d’urgence est organisée [19].
Tableau 2.
Pneumothorax iatrogénique Matériel nécessaire à la pose d’un drain thoracique.
Le pneumothorax complique 1,5 % des cathéters centraux et Morphine
jusqu’à 10 % lorsque l’abord est sous-clavier. Le pneumothorax
Xylocaïne® 1 %, seringue de 20 ml, aiguille intramusculaire
lié à l’abord jugulaire interne est possible mais très rare. Cette
complication justifie de ne pas tenter l’abord sous-clavier d’un Atropine
cathéter en cas d’échec controlatéral, de pneumothorax contro- Casaque, masque, gants, champs et compresses stériles
latéral et de bronchopneumopathie obstructive. Solution antiseptique (Bétadine® ou chlorhexidine)
Lame de bistouri, une pince de Leriche, deux clamps
Épanchement pleural liquidien Drain : 20-24 G pour un épanchement aérique ; 28 G pour un hémotho-
rax ; 36 G pour l’évacuation de pus ou de débris alimentaires
Dans le cas des épanchements pleuraux liquidiens, le but de
l’évacuation pleurale est d’amender les symptômes : douleur, Champ stérile pour isoler la zone de ponction
dyspnée, voire mauvaise tolérance hémodynamique (hypoten- Deux fils de suture et un pansement stérile
sion, tachycardie). La radiographie thoracique confirme alors Système d’aspiration
l’opacité pleurale liquidienne occupant quasiment tout l’hémi-
champ thoracique et son caractère compressif par la présence de
signes de refoulement médiastinal. Devant cette situation,
(taux de prothrombine [TP], temps de céphaline activé [TCA], et
l’évacuation pleurale est nécessaire aux urgences par la réalisa-
une numération des plaquettes) sont vérifiées, le groupe sanguin
tion d’une ponction du liquide pleural, sur lequel on demande
(Rhésus et recherche d’agglutinines irrégulières [RAI]) est
les analyses bactériologiques, biochimiques et cytologiques
demandé. Un TP supérieur à 45 %, un TCA inférieur à 1,5 fois
habituelles qui permettront de caractériser la nature de
le témoin et une numération plaquettaire supérieure à
l’épanchement.
100 000 éléments ml–1 permettent la pose du drain.
Pour les pleurésies purulentes, l’évacuation pleurale permet
d’obtenir une défervescence thermique rapide et prévient la
formation de poches enkystées. Drainage thoracique (Fig. 3)
L’évacuation d’un épanchement à l’aspect chyleux fait
évoquer, au décours d’une chirurgie médiastinale, une plaie du Drainage du pneumothorax
canal thoracique ou un curage ganglionnaire.
Le matériel est préparé (Tableau 2), certains kits rassemblent
l’ensemble du matériel nécessaire ainsi que le drain.
■ Techniques Une sédation par de la morphine administrée par voie sous-
cutanée, 30 minutes avant la procédure, en l’absence de contre-
Avant de débuter un drainage thoracique ou une ponction indications et à la dose de 5 à 10 mg peut être proposée
pleurale, la dernière radiographie thoracique, la crase sanguine (Fig. 4) [4].

Médecine d’urgence 3
25-010-E-30 ¶ Drainage thoracique aux urgences

sous-cutanés, puis l’espace intercostal. On aspire régulièrement


Prévenir, expliquer jusqu’à obtenir une irruption d’air dans la seringue, confirmant
le diagnostic de pneumothorax. Après un délai de 5 minutes
permettant d’obtenir l’effet de l’anesthésie locale, une incision
de 0,5 à 1 cm de long est réalisée, parallèle au rebord costal
Morphine 5 à 10 mg, SC, ou paracétamol selon le terrain supérieur de la côte inférieure. Les plans graisseux et musculai-
res sont écartés à la pince, jusqu’à la plèvre pariétale. Un fil
Délai > 30 min d’attente en U, large, est mis en place afin d’obstruer l’orifice
Anesthésie locale lors de l’ablation du drain. Il est préférable de ne pas réaliser de
bourse d’attente autour de l’origine du drain, la cicatrice de ce
Délai > 5 min type de fixation étant inesthétique [21]. Si un drain thoracique
de type drain de Joly est utilisé, le drain est glissé dans l’orifice,
Pose du drain sans forcer, à travers le porte-drain, puis ce dernier est retiré, le
drain est très transitoirement clampé et puis il est connecté au
Persistance de la douleur après la pose système d’aspiration. On tente classiquement de positionner le
Retrait partiel du drain drain vers le haut pour un épanchement aérique et vers le bas
pour un épanchement liquidien. Le résultat n’est pas toujours
Figure 4. Arbre décisionnel. Prévenir les douleurs liées à la pose d’un celui qui est escompté mais en restaurant la pression négative
drain thoracique. SC : en sous-cutané. intrapleurale et avec la réexpansion pulmonaire, l’air ou le
liquide en excès sont évacués [22].
Le drain est suturé à la peau. Des compresses stériles et du
sparadrap couvrent le point d’insertion du drain. Le drain est
raccordé au système d’aspiration sans toutefois y appliquer une
aspiration initiale (Fig. 6). Le bon positionnement du drain est
vérifié par le bullage lors des mouvements respiratoires ou lors
de la toux et par la radiographie thoracique.
L’absence d’efficacité immédiate du drain peut s’expliquer par
l’absence d’étanchéité autour du drain, par le fait que le drain
s’est déplacé ou bloqué ou qu’il existe une fuite pleurale
importante.

Drainage d’un hémopneumothorax


après traumatisme thoracique
Le positionnement du drain à travers le trocart de Monod,
dont l’extrémité est mousse, est préféré dans cette circonstance
au drain-trocart (de type drain de Joly) (Fig. 7) (Tableau 3). Sa
mise en place sur un poumon lésé est moins risquée [19]. La voie
axillaire est préférée, cependant, chez le patient polytraumatisé,
ventilé ou dont le membre supérieur est difficile à mobiliser, le
trocart sera mis en place dans le 2e espace intercostal antérieur
(Fig. 5). Les inconvénients de cette voie d’abord sont inhérents
au risque hémorragique dû à la présence de l’artère mammaire
interne située à 2 cm en dehors du sternum, à la dissection
A B potentiellement difficile chez les sujets obèses et chez les sujets
très musclés. À ceci s’ajoute une cicatrice inesthétique et
Figure 5. Drainage pleural, sites de ponction. voyante.
A. Voie axillaire. La zone de ponction est délimitée par le « triangle de Lorsque le débit hémorragique est supérieur à 500 ml après
sécurité ». Ce triangle est défini, en arrière par la ligne axillaire médiane, drainage d’un hémothorax et afin de rétablir la capacité de
en bas par le niveau du mamelon (5e espace intercostal) et en avant par le transport de l’oxygène par le sang, une autotransfusion du sang
bord postérieur du grand pectoral. Le point d’insertion correspond au 4e recueilli peut être réalisée. Cette technique est pratiquée en
ou au 5e espace intercostal. préhospitalier, car le sang intrapleural est pauvre en plaquettes
B. Voie antérieure. Elle est située sur la ligne médioclaviculaire au niveau et en fibrinogène, il est incoagulable. Le sang pleural recueilli
du 2e espace intercostal. La voie antérieure est utilisée pour la ponction- dans une poche à urine stérile ou dans un dispositif spécial
aspiration et pour le drainage d’un hémothorax chez le patient polytrau- (Hemotraum®) est autotransfusé par une veine de gros calibre.
matisé et ventilé ou celui dont le membre supérieur est difficile à mobiliser. La ligne de transfusion doit comporter un filtre de 40 µm,
destiné à retenir les microparticules et microagrégats contenus
dans le sang autologue. Cette technique ne génère pas de
La pose du drain est réalisée avec une asepsie rigoureuse, les troubles de l’hémostase tant que le volume autotransfusé ne
mains sont lavées chirurgicalement, l’opérateur porte une dépasse pas la moitié d’une masse sanguine [23].
casaque, un calot, une bavette et des gants. Une fois la peau
désinfectée, un champ troué est positionné autour du site de
ponction. Le patient est assis sur le lit, la main du côté homo- Ponction pleurale
latéral est mise derrière la tête, cette position met en évidence Quelle que soit l’indication de la ponction, l’utilisation
la zone de ponction délimitée par le « triangle de sécurité ». Ce d’aiguilles pointues est à éviter, le risque est de blesser le
triangle est défini, en arrière par la ligne axillaire médiane, en parenchyme pulmonaire lors de la réexpansion du poumon et
bas par le niveau du mamelon (5e espace intercostal) et en lors des mouvements respiratoires.
avant par le bord postérieur du grand pectoral (Fig. 5) [20]. Le
point d’insertion correspond au 4e ou au 5e espace intercostal. Ponction-aspiration d’un pneumothorax
L’index repère le bord supérieur de la côte inférieure de
non compressif
l’espace intercostal choisi afin d’éviter de léser le paquet
vasculonerveux siégeant à la partie inférieure de la côte sus- La ponction-aspiration évacuatrice est réalisée habituellement
jacente. L’anesthésie locale est réalisée avec 5 à 10 ml de sur la ligne médioclaviculaire au niveau du 2e espace intercostal
Xylocaïne ® à 1 % plan par plan, d’abord le derme qui se sur un malade en position demi-assise. Elle peut également se
soulève et prend un aspect de peau d’orange, puis les tissus faire sur la ligne axillaire antérieure. La réalisation de la

4 Médecine d’urgence
Drainage thoracique aux urgences ¶ 25-010-E-30

Figure 6. Drainage thoracique d’un pneumothorax complet (A). La réexpansion pulmonaire est obtenue sans réaliser d’aspiration pleurale (B).

résistance, une toux excessive ou que plus de 2,5 l d’air ont été
aspirés [21]. Une radiographie en inspiration permet d’évaluer
l’efficacité de la procédure.

Ponction du pneumothorax compressif


L’évacuation du pneumothorax compressif par un cathéter
selon la même technique que ci-dessus est suivie de la pose
d’un drain thoracique.

Ponction-évacuation d’un épanchement liquidien


La ponction est réalisée en arrière, en pleine matité, 3 à 5 cm
en dehors de la ligne vertébrale des épineuses, sans dépasser le
9e espace intercostal.
Pour réaliser l’évacuation d’un épanchement liquidien, le
cathéter est relié à une tubulure par l’intermédiaire d’un robinet
trois voies pour permettre les prélèvements nécessaires et
l’évacuation du liquide pleural dans un récipient stérile. Afin
d’éviter l’apparition d’un œdème de réexpansion, la quantité de
liquide pleural évacuée initialement ne doit pas dépasser
1 500 ml.

Systèmes d’aspiration
Systèmes d’aspiration à usage unique
Figure 7. Mise en place d’un drain à travers le trocart de Monod. Il (type Pleur-Evac®)
existe un rapport de 3/1 entre la taille en gauge du drain et celle du trocart Ils sont maintenant toujours préconisés dans le contexte de
de Monod (ainsi, pour un drain de 21 G, l’introducteur a une taille de 7 G). l’urgence du fait de leur facilité d’utilisation (Fig. 8). Ce système
Fil en U. a, de surcroît, l’avantage d’être clos et de permettre la mesure
de la quantité de liquide recueilli. Utilisé en soupape initiale-
ment, il peut être mis en aspiration dans un deuxième temps.
ponction-aspiration se fait, après anesthésie locale, au moyen
d’un cathéter (14 à 16 G) monté sur l’aiguille que l’on enlève En l’absence de ce type de dispositif
une fois le cathéter en place. Le drain peut être raccordé à un tuyau dont l’extrémité est
L’aspiration-exsufflation du pneumothorax consiste à aspirer immergée de 2 cm dans l’eau stérile contenue dans un bocal
l’air, soit avec une seringue de 50 ml connectée sur un robinet (Fig. 9). Le bocal est fermé par un bouchon en caoutchouc percé
trois voies, de façon à ce que l’air puisse être évacué, soit en se par deux tubes. Le niveau du bocal est obligatoirement main-
connectant à un système d’aspiration (10 à 15 cm d’eau de tenu au moins 40 cm en dessous du malade, pour éviter qu’il
dépression). L’aspiration est arrêtée lorsque apparaît une n’y ait de phénomène de vases communicants. Lorsqu’il s’agit

Médecine d’urgence 5
25-010-E-30 ¶ Drainage thoracique aux urgences

Tableau 3.
Indications, avantages et inconvénients des différents drains.
Type Taille Indications Avantages Inconvénients
Drain de Monod 25 à 36 Ch Hémothorax, pleurésie puru- Moins susceptible de complica- Se positionne à travers le trocart
lente, PNO du sujet ventilé tion que le drain de Joly de Monod dont le diamètre est
ou PNO traumatique important
Drain de Joly 12 à 32 Ch Hémothorax, PNO Souple, peu apte à cailloter Dangereux du fait de son
mandrin pointu
Pleurocath® < 10 Ch H PNO- le Pleurocath® n’a Facile à poser, moins Obstructions fréquentes et
pas de place dans le drainage douloureux échecs dans le drainage du PNO
d’un hémothorax
1 unité charrière (Ch) = 1/3 mm ; PNO = pneumothorax.

40 cm

A
2

Figure 8. Système à usage unique de type Pleur-Evac®. 1. Au moyen de


l’entonnoir fourni avec le kit, la valve d’étanchéité est remplie par ce
tuyau. Cette valve assure une protection antiretour. Le tuyau est ensuite
raccordé à la source d’aspiration. 2. Tuyau reliant la chambre de recueil au
drain thoracique du patient. 3. Sélecteur de réglage du niveau d’aspira-
2 cm
tion. Le niveau d’aspiration ne pourra pas dépasser -40 cmH2O.

d’un épanchement liquidien et que le niveau dans le bocal


monte, le tuyau relié au malade doit également être ressorti afin 2 cm
qu’il ne reste immergé que de 2 cm (Fig. 9). B
Valve unidirectionnelle de Heimlich Figure 9.
A. Principe du système de drainage à un bocal, à n’utiliser qu’en l’absence
Elle n’est pas un système d’aspiration. Son utilisation peut de système à usage unique. Le bocal est fermé par un bouchon en
être utile pour la déambulation du malade ou son transfert, en caoutchouc percé par deux tubes. Le drain est raccordé, par l’intermé-
l’absence de possibilité d’utilisation du Pleur-Evac® (Fig. 3). En diaire d’un tuyau, à l’un des deux tubes dont l’extrémité est immergée de
effet, le drain ne peut être clampé du fait du risque toujours 2 cm dans l’eau stérile du bocal. Le niveau du bocal est obligatoirement
présent de pneumothorax compressif. Facile à utiliser dans les maintenu à plus de 40 cm en dessous du malade, pour éviter qu’il n’y ait
pneumothorax, son utilisation n’est pas à conseiller pour de phénomène de vases communicants.
l’évacuation d’un hémothorax, car elle se bouche avec les B. Inconvénient du système à un bocal. Lorsqu’il s’agit d’un épanchement
caillots. liquidien et que le niveau monte dans le bocal, le tuyau relié au malade
La valve de Heimlich ne doit pas être interposée entre le doit également être ressorti afin qu’il ne reste immergé que de 2 cm. En
drain et la source de vide car elle diminue de façon importante effet, si la pression hydrostatique augmente, le drainage se fait moins bien.
le vide transmis à la plèvre.
malposition du drain étant la plus fréquente des complica-
■ Incidents et complications tions [5, 6]. Les facteurs favorisants sont essentiellement l’utilisa-
tion d’un drain avec mandrin interne et l’inexpérience de
du drainage thoracique l’opérateur. Elles sont le plus souvent secondaires à l’absence de
et de la ponction pleurale respect des consignes strictes concernant la pose du drain et
plus particulièrement la zone de l’insertion, la dissection des
Les complications associées à la pose d’un drain thoracique différents plans pour faire le trajet du drain et l’entrée dans
sont fréquentes, variant selon les études de 9 à 26 %, la l’espace pleural.

6 Médecine d’urgence
Drainage thoracique aux urgences ¶ 25-010-E-30

Douleurs l’existence d’adhésions pleurales, l’obstruction bronchique. La


fibroscopie bronchique permet dans ce dernier cas de rechercher
Les douleurs sont fréquentes après l’insertion d’un drain ; une tumeur bronchique, des sécrétions ou un corps étranger.
elles sont liées à l’irritation de la plèvre pariétale et à la Les autres causes relèvent de la thoracoscopie [1].
compression des pédicules vasculonerveux intercostaux. Si les
douleurs résistent aux antalgiques usuels, l’utilisation d’antalgi-
ques majeurs, dérivés de la morphine, est préconisée en
l’absence de contre-indication. Enfin, si les douleurs persistent,
■ Retrait du drain
le retrait du drain de quelques centimètres peut être tenté. Si Le drain est retiré 24 heures après l’arrêt du bullage lorsqu’il
l’utilisation de Xylocaïne® intrapleurale a été conseillée par s’agit d’un pneumothorax ou lorsque la quantité de liquide
certains auteurs, l’intérêt de cette pratique n’a pas été démontré. évacuée est inférieure à 200 ml/j, car un drain ramène de
De surcroît, elle expose à un passage plasmatique de la Xylo- manière physiologique 100 ml/j [29]. La radiographie pulmonaire
caïne® à la fois rapide et important. confirme que le poumon est recollé à la paroi. Du fait du risque
de l’apparition d’un pneumothorax compressif, il convient de
Saignement ne pas clamper le drain avant son retrait.
Après l’ablation du fil qui le retient, alors que le patient est
Le risque de saignement, du fait d’une plaie des vaisseaux
en inspiration bloquée, le drain est retiré lentement dans les
intercostaux, d’une plaie du poumon ou du médiastin, existe
premiers centimètres puis plus rapidement. Le fil d’attente
quelle que soit la voie d’abord utilisée.
autour de l’orifice est serré et noué de façon concomitante.
Lorsque le drain est mis dans le 2e espace intercostal anté-
L’ablation est idéalement réalisée par deux personnes, l’une
rieur, le saignement peut être secondaire à une plaie de l’artère
tirant le drain et l’autre fermant la plaie au moyen du fil de
mammaire interne, qui passe à 2 cm en dehors du sternum.
suture en place.
Malpositions du drain
La pose du drain justifie le contrôle de sa position par une ■ Conclusion
radiographie de face. Lorsqu’il existe un doute sur la position du
drain du fait d’un bullage permanent ou d’un saignement, le Évacuer une cavité pleurale remplie d’air ou de liquide,
scanner thoracique est l’examen radiologique de référence pour hématique ou non, est de pratique quotidienne aux urgences.
la mise en évidence d’une malposition [5]. L’insertion du drain La connaissance parfaite des indications, des alternatives au
peut être intraparenchymateuse, ou médiastinale, favorisée par drainage, des complications et des précautions à prendre doit
l’utilisation d’un trocart [24]. Elle peut également se faire dans la permettre de prendre le moins de risques possible.
veine cave inférieure, dans l’artère pulmonaire ou directement .

dans le ventricule gauche [25, 26]. L’évacuation, à travers le drain,


de sang à haute pression qui coagule rapidement éventuelle- ■ Références
ment associée à une chute de la pression artérielle doit amener [1] Weissberg D, Refaely Y. Pneumothorax: experience with 1199 patients.
à arrêter le drainage en clampant le tuyau sans l’enlever et à Chest 2000;117:1279-85.
prendre en charge rapidement le patient en chirurgie thoraci- [2] Baumann-Michael H, Strange C. Treatment of spontaneous
que [27]. Il est important de souligner que l’évacuation d’un pneumothorax: a more aggressive approach? Chest 1997;112:789-804.
hémothorax n’entraîne pas d’altération brutale de l’état [3] Baumann-Michael H, Strange C, Heffner J, Light R, Kirby T, Klein J,
hémodynamique. et al. Management of spontaneous pneumothorax: anAmerican College
Les viscères intra-abdominaux, foie, rate, peuvent être lésés. of Chest Physicians Delphi Consensus. Chest 2001;119:590-602.
Afin d’éviter ce type d’accident, le drain ne doit pas être inséré [4] Luketich JD, Kiss M, Hershey J, Urso GK, Wilson J, Bookbinder M,
sous le niveau du 5e espace intercostal, soit à l’aplomb de la et al. Chest tube insertion: a prospective evaluation of pain manage-
ligne mamelonnaire. ment. Clin J Pain 1998;14:152-4.
[5] Baldt MM, Bankier AA, German PS, Poschl GP, Skrbensky GT,
Œdème de réexpansion Herold CJ. Complications after emergency tube thoracostomy;
assessment with CT. Radiology 1995;195:539-43.
L’œdème a vacuo peut apparaître lors de la réexpansion du [6] Chan L, Reilly KM, Henderson C, Kahn F, Salluzo RF. Complication
poumon, plus particulièrement après un collapsus pulmonaire rates of tube thoracostomy. Am J Emerg Med 1997;15:368-70.
prolongé [10, 28]. Il est favorisé par la mise du drain d’emblée en [7] Jain SK, Al-Kattan KM, Hamdy MG. Spontaneous pneumothorax:
aspiration [29]. Il se caractérise par l’apparition d’une hypoxémie determinants of surgical intervention. J Cardiovasc Surg (Torino) 1998;
et d’une hypotension artérielle ; son évolution peut être 39:107-11.
défavorable. La rétraction-réexpansion rapide du poumon serait [8] Noppen M, Alexander P, Driesen P, Slabbynck H, Verstraeten A.
à l’origine de phénomènes d’ischémie-reperfusion ayant comme Manual aspiration versus chest tube drainage in first episodes of
corollaire une augmentation de la perméabilité alvéolocapillaire, primary spontaneous pneumothorax: a multicenter, prospective
une diminution du surfactant alvéolaire et une augmentation de randomized pilot study. Am J Respir Crit Care Med 2002;165:1240-4.
la sécrétion de cytokines pro-inflammatoires. Sa prévention [9] Miller AC. Treatment of spontaneous pneumothorax: the clinician’s
repose sur un drainage initial non aspiratif, le clampage du perspective on pneumothorax management. Chest 1998;113:1423-4.
drain après évacuation de plus de 1 500 ml de liquide (en [10] Andrivet P, Djedaini K, Teboul JL, Brochard L, Dreyfuss D.
dehors de l’hémothorax). Le traitement est symptomatique : Spontaneous pneumothorax: comparison of thoracic drainage vs
immediate or delayed needle aspiration. Chest 1995;108:335-9.
oxygénothérapie, diurétiques et amines vasopressives [1].
[11] Harvey J, Prescott RJ. Simple aspiration versus intercostal tube drai-
nage for spontaneous pneumothorax in patients with normal lungs.
Infection du site d’insertion ou de l’espace British Thoracic Society Research Comittee. BMJ 1994;309:1338-9.
pleural [12] Soulsby T. British Thoracic Society guidelines for the management of
spontaneous pneumothorax: do we comply with them and do they
Elle est le plus souvent liée à un manque d’asepsie locale ou work? J Accid Emerg Med 1998;15:317-21.
à une mobilisation secondaire du drain. Elle est fonction [13] Almind M, Lange P, Viskum K. Spontaneous pneumothorax:
également de la durée du drainage thoracique. L’incidence de comparison of simple drainage, talc pleurodesis, and tetracycline
l’empyème après drainage est de 2 % [6, 30]. pleurodesis. Thorax 1989;44:627-30.
[14] Janssen JP, van Mourik J, Cuesta Valentin M, Sutejda G, Gigengack K,
Persistance du pneumothorax malgré Postmus PE. Treatment of patients with spontaneous pneumothorax
le drainage during videothoracoscopy. Eur Respir J 1994;7:1281-4.
[15] Morimoto T, Fukui T, Koyama H, Noguchi Y, Shimbo T. Optimal
La principale cause de persistance du pneumothorax au-delà strategy for the first episode of primary spontaneous pneumothorax in
de 10 jours est l’existence d’une fistule bronchopleurale, young men. J Gen Intern Med 2002;17:193-202.

Médecine d’urgence 7
25-010-E-30 ¶ Drainage thoracique aux urgences

[16] Ng AW, Chan KW, Lee SK. Simple aspiration of pneumothorax. [23] Richter F, Michel A. Réanimation initiale des traumatismes fermés du
Singapore Med J 1994;35:50-2. thorax. In: Carli P, Grandjbakhch I, Jancovici R, Ollivier JP, editors.
[17] Seaton D, Yoganathan K, Coady T, Barker R. Spontaneous Plaies et traumatismes du thorax. Paris: Arnette; 1997. p. 127-36.
pneumothorax marker gas technique for predicting outcome of manual [24] Fraser RS. Lung perforation complicating tube thoracostomy:
aspiration. BMJ 1991;302:262-5. pathologic description of three cases. Hum Pathol 1988;19:518-23.
[18] Martinod E, Maitrepierre C, Warnier de Wailly G, Chapuis O, Pons F, [25] Eriksson A. Fatal iatrogenic exsanguination from pleural insertion into
Jancovici R. Plaies du poumon. In: Carli P, Grandjbakhch I, the inferior cava. Thorac Cardiovasc Surg 1982;30:191-3.
Jancovici R, Ollivier JP, editors. Plaies et traumatismes du thorax. [26] Singh KJ, Newman MA. Pulmonary artery catheterization: an unusual
Paris: Arnette; 1997. p. 245-51. complication of chest tube insertion. Aust N Z J Surg 1994;64:513-4.
[19] Lang-Lazdunski L, Laurent A, Accart V, Jancovici R. Traumatismes
[27] De la Fuente A, Sanchez R, Suarez J, Sarraj A, Moriones I. Left
pleuraux. In: Carli P, Grandjbakhch I, Jancovici R, Ollivier JP, editors.
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Plaies et traumatismes du thorax. Paris: Arnette; 1997. p. 219-33.
[20] Tang AT, Velissaris TJ, Weeden DF. An evidence-based approach to survival. Tex Heart Inst J 1994;21:175-6.
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[21] Miller AC, Harvey JE. Guidelines for the management of spontaneous [29] Murphy K, Tomlanovich MC. Unilateral pulmonary edema after drai-
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BMJ 1993;307:114-6. literature. J Emerg Med 1983;1:29-36.
[22] Hyde J, Sykes T, Graham T. Reducing morbidity from chest drains. [30] Bailey RC. Complication of tube thoracostomy in trauma. J Accid
BMJ 1997;314:914-5. Emerg Med 2000;17:111-4.

F. Moritz, Praticien hospitalier (Fabienne.Moritz@chu-rouen.fr).


Service d’accueil et d’urgence, Hôpital Charles-Nicolle, 1, rue de Germont, 76130 Rouen, France.
S. Dominique, Praticien hospitalier.
Service de pneumologie, Hôpital Charles-Nicolle, 1, rue de Germont, 76130 Rouen, France.
F. Lenoir, Praticien hospitalier.
Service d’accueil et d’urgence, Hôpital Charles-Nicolle, 1, rue de Germont, 76130 Rouen, France.
B. Veber, Professeur des Universités, praticien hospitalier.
Service de réanimation chirurgicale, Hôpital Charles-Nicolle, 1, rue de Germont, 76130 Rouen, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Moritz F., Dominique S., Lenoir F., Veber B. Drainage thoracique aux urgences. EMC (Elsevier Masson SAS,
Paris), Médecine d’urgence, 25-010-E-30, 2007.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos / Documents Information Informations Auto-
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

8 Médecine d’urgence
¶ 25-010-C-20

Gestes de secourisme en urgence


J.-M. Agostinucci, P. Bertrand, V. Surget

Face aux situations d’urgence inopinée, le médecin isolé doit mettre en œuvre les gestes de premiers
secours en y associant une expertise médicale. La connaissance et la maîtrise de ces gestes sont souvent
insuffisantes même pour le professionnel de santé qu’est le praticien isolé. Le médecin doit successivement
entreprendre les préalables aux actions de secours (protection, dégagements d’urgence, bilan de la
victime et alerte des services spécialisés), identifier les détresses vitales et réaliser les gestes de premiers
secours adaptés. Dans ce chapitre sont abordés successivement l’obstruction aiguë des voies aériennes
supérieures chez l’adulte et l’enfant, les hémorragies, le patient inconscient, les brûlures et les
traumatismes osseux et musculaires. Dans la chaîne de secours, le médecin occupe habituellement le
maillon de la médicalisation. En situation de médecin isolé, il représente un premier maillon particulier. Il
devient un professionnel de santé à la fois effecteur privilégié et référent pour les équipes secouristes et les
services spécialisés.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Techniques de premiers secours ; Manœuvre de Heimlich ; Hémorragie ;


Position latérale de sécurité ; Brûlures

Plan ¶ Brûlures 11
Épidémiologie 11
¶ Introduction 1 Diagnostic 11
Technique : l’arrosage 11
¶ Préalables à toute action de secours 2
Cas particuliers 12
Protection de la victime et du sauveteur 2
Dégagement d’urgence 2 ¶ Traumatologie musculaire et osseuse 12
Bilan de la victime 2 Traumatisme suspecté du rachis cervical 12
Alerte des secours médicalisés 2 Traumatisme du thorax 12
Traumatismes abdominaux 12
¶ Obstruction aiguë des voies aériennes 2
Traumatisme du membre supérieur 12
Épidémiologie 2
Traumatologie du membre inférieur 12
Étiologie 2
Atteinte des tissus mous 12
Diagnostic 3
Techniques de libération des voies aériennes 3 ¶ Conclusion 13
Séquence de désobstruction des voies aériennes 4
Enfant et nourrisson 5
¶ Hémorragies
Objectif : arrêter l’hémorragie au plus vite et limiter
5
■ Introduction
ses conséquences 6
Tout médecin, dans son exercice professionnel mais aussi
Hémorragies externes 6
dans sa vie familiale, peut être confronté à une situation
Hémorragies extériorisées 7
d’urgence inopinée. Le médecin est généralement mal préparé
Hémorragies internes 8
à faire face à des situations de détresse aiguë, et doit alors
Cas particuliers 8
pouvoir réagir en attente de moyens plus adaptés.
¶ Patient inconscient 8 Par des gestes simples de secourisme conjugués à son savoir
Complications immédiates de l’inconscience 8 médical, il pourra maintenir les fonctions vitales du patient.
Diagnostic 8 L’acquisition de ces gestes de secourisme est alors indispen-
Technique de sauvegarde des voies aériennes 9 sable d’autant que le confrère se retrouve alors seul et sans
¶ Patient en arrêt cardiorespiratoire 10 matériel.
Séquence chez l’adulte 10 Le médecin généraliste ou spécialiste a non seulement un rôle
Technique chez l’adulte 10 de maillon de la chaîne de secours mais aussi de « transmetteur
Séquence chez l’enfant, entre 1 et 8 ans et chez le nouveau-né, de savoir » vers le grand public. Il doit connaître et maîtriser les
de moins de 1 an 11 gestes de premiers secours.
Technique chez l’enfant et le nouveau-né 11 Issus de la médecine militaire, les gestes de secourisme sont
Défibrillation automatique 11 enseignés depuis le début du XXe siècle, mais c’est avec les

Médecine d’urgence 1
25-010-C-20 ¶ Gestes de secourisme en urgence

travaux de P. Safar et de W.B. Kouwenhoven dans les années régulation des appels (CRRA) du département souvent situé au
1960 et l’apparition du bouche-à-bouche et du massage cardia- sein des locaux du Samu. L’appel au 15 permet au médecin un
que qu’ils ont trouvé leur pleine utilité. [1, 2] colloque confraternel rapide avec un médecin régulateur. De ce
En 2005, l’European Resuscitation Council (ERC) a édité des dialogue débouche l’envoi des secours adaptés à la situation :
recommandations dans ce domaine permettant la modernisa- unité mobile hospitalière, véhicule de sapeurs pompiers ou
tion des différentes techniques. Ces recommandations sont ambulance privée.
compatibles avec celles de l’International Liaison Committee on
Resuscitation (ILCOR). [3, 4] Autres numéros d’urgences
Cet article aborde ces gestes simples diffusés depuis plusieurs
Le 18 est le numéro unique et gratuit permettant de joindre
années au grand public. (La prise en charge d’un arrêt cardio-
le centre opérationnel départemental des sapeurs-pompiers.
respiratoire fait l’objet d’un autre article de cette encyclopédie.)
La loi relative à l’aide médicale urgente de 1986 et ses décrets
Nous aborderons successivement :
d’application font obligation aux différents services participant
• les préalables aux actions de secours : protection, dégagement
à l’aide médicale urgente d’information réciproque et d’appui
d’urgences, bilan de la victime, alerte des secours spécialisés ;
mutuel entre eux. [7]
• les détresses vitales : obstruction des voies aériennes supé-
Le 112, numéro d’urgence européen, permet aux étrangers de
rieures, hémorragies externes ;
joindre les secours sur le territoire français et aux ressortissants
• les gestes de premiers secours face à diverses situations
français à l’étranger de joindre des services homologues. Ce
médicales et traumatologiques.
numéro aboutit, suivant les départements, dans les locaux du
Samu ou des sapeurs-pompiers.

■ Préalables à toute action Contenu du message d’alerte


de secours Lors du contact avec le CRRA, un certain nombre de rensei-
gnements sont indispensables pour permettre une réponse
efficace à la situation d’urgence :
Protection de la victime et du sauveteur • localisation de l’événement très précise (ville, rue, numéro
dans la rue, numéro du bâtiment, code d’entrée, escalier,
Dès l’arrivée sur les lieux de la détresse, il faut toujours etc.) ;
rechercher un danger pouvant générer un sur-accident. C’est le • nature du problème et risques éventuels (accident, incendie,
préalable à toute action de secours : etc.) ;
• devant un accident de la voie publique, protéger la zone de • nombre et état de gravité apparent des victimes ;
l’accident en utilisant les moyens à disposition (triangle, feux • numéro de téléphone de contre-appel.
de détresse, témoin...) placés en amont et aval du lieu de
l’accident à environ 200 m en tenant compte des conditions
de visibilité ; [5]
• devant un accident domestique, vérifier la présence de fils
■ Obstruction aiguë des voies
électriques, d’odeur de gaz, de matériaux menaçant de aériennes
chuter...

Épidémiologie
Dégagement d’urgence L’obstruction complète des voies aériennes est une urgence
Devant l’impossibilité de supprimer un danger vital réel, il pouvant entraîner le décès en quelques minutes en l’absence de
convient de soustraire la victime à celui-ci sans délai, si elle ne traitement. L’étiologie la plus fréquente est l’obstruction par la
peut le faire elle-même. Plusieurs techniques ont été décrites, chute de la langue en arrière dans le pharynx chez une per-
seul ou à plusieurs : traction par les poignets, traction par les sonne inconsciente ou en arrêt cardiorespiratoire. Une personne
chevilles, extraction d’un véhicule... Toutes ont pour principe de peut développer une obstruction des voies aériennes intrinsèque
préserver un axe tête-cou-tronc. (langue, épiglotte) ou extrinsèque (corps étranger). [8]
Ces techniques, souvent complexes, montrent rapidement La suffocation accidentelle est la deuxième cause de décès par
leurs limites ; en termes d’extraction rapide, l’efficacité prime sur la accident de la vie courante, soit 18 % en 1999. [9] Plus des trois-
technique. [6] quarts de ces décès sont survenus chez des personnes âgées de
plus de 65 ans.
L’obstruction aiguë des voies aériennes par corps étranger
Bilan de la victime (OAVACE) est la principale cause de suffocation accidentelle,
mais c’est une cause évitable de l’arrêt cardiaque. [10]
Cette étape permet une analyse rapide de la situation
d’urgence et de l’état des fonctions vitales de la victime.
Le bilan consiste à évaluer la détresse vitale immédiate, l’état Étiologie
de conscience, la fonction ventilatoire, et la présence d’un pouls L’OAVACE doit être évoquée rapidement chez toute personne,
carotidien (ces techniques sont décrites dans le paragraphe en particulier jeune, qui arrête soudainement de respirer, se
« Patient inconscient »). cyanose et perd connaissance sans raison apparente.
Chez l’adulte, l’OAVACE survient habituellement au cours
d’un repas. Un morceau de viande est la cause la plus fréquente.
Alerte des secours médicalisés Certains facteurs favorisants sont retrouvés lors de l’obstruc-
L’alerte des secours médicalisés ne doit pas faire retarder les tion par corps étranger :
gestes de sauvetage face à une détresse vitale immédiate. • de grosses bouchées ;
Une fois le geste salvateur effectué, il convient d’appeler le • de la nourriture mal mastiquée ;
Service d’aide médicale urgente (Samu) territorialement • un taux d’alcoolémie élevé ;
compétent. • une mauvaise dentition ;
• les personnes âgées avec dysphagie.
Dans un restaurant, les urgences obstructives peuvent être
Centre de réception et de régulation des appels
confondues avec une cause d’origine cardiaque et elles ont
Le 15 est le numéro unique et gratuit des secours médicaux donné lieu à l’appellation de « café coronary » chez les
en France. Il permet de joindre le centre de réception et de Anglo-Saxons.

2 Médecine d’urgence
Gestes de secourisme en urgence ¶ 25-010-C-20

Diagnostic
L’efficacité du traitement est dépendante de la reconnaissance
rapide des signes positifs de l’OAVACE.
L’obstruction des voies aériennes peut être partielle ou totale.
En cas d’obstruction partielle, il faut évaluer la qualité de la
ventilation. Si celle-ci est bonne, la personne reste réactive et
peut tousser fortement. Fréquemment, il existe un wheezing
entre les épisodes de toux. Tant que les échanges gazeux sont
efficaces, il faut encourager la personne à tousser et à ventiler.
Dans ces conditions, le sauveteur ne doit pas interférer avec les
tentatives de la personne pour expulser le corps étranger mais
doit rester à ses côtés et la surveiller.
La victime d’une obstruction aiguë des voies aériennes peut
présenter immédiatement des signes de détresse ventilatoire ou
secondairement suite à une respiration initialement
satisfaisante.
Les signes de détresse ventilatoire seront :
• un épuisement ;
• une toux inefficace ;
• un son aigu pendant l’inspiration ;
• une gêne respiratoire grandissante ;
• une cyanose.
La prise en charge d’une personne présentant une obstruction
partielle des voies aériennes mal supportée est la même que lors
d’une obstruction complète, il faut agir immédiatement.
Figure 1. Méthode de Heimlich : malade debout.
Les signes de l’obstruction complète sont :
• incapacité de parler, de respirer, de tousser ;
• crispation des mains sur le cou ;
• absence de mouvement respiratoire. • répéter les compressions jusqu’à ce que l’objet soit expulsé ou
Si l’obstruction complète n’est pas levée, la personne va que la personne perde connaissance.
perdre connaissance et le décès peut survenir rapidement. Chaque compression doit être détachée de la suivante.
Autoadministration
Techniques de libération des voies La personne présentant une obstruction complète des voies
aériennes aériennes peut pratiquer les compressions abdominales sur elle-
même avec la technique décrite précédemment, son propre
De nombreuses techniques de désobstruction sont utilisées à poing empaumé par l’autre main et en pratiquant les compres-
travers le monde. Il est difficile de comparer leur efficacité. sions en haut et en arrière. En cas d’échec, la victime peut
Plusieurs sociétés savantes préconisent une ou plusieurs des comprimer le haut de l’abdomen d’un mouvement sec en
méthodes de désobstruction suivantes : s’aidant du poids du corps sur n’importe quelle surface solide,
• les compressions abdominales par la méthode de Heimlich ; comme le dossier d’une chaise ou le bord d’une table. Plusieurs
• les claques dans le dos ; pressions peuvent être nécessaires pour que le geste soit efficace.
• les compressions thoraciques.
Personne allongée
Manœuvre de Heimlich Pour pratiquer des compressions abdominales sur une victime
Elle est appelée aussi compression abdominale ou compres- inconsciente :
sion abdominale sous-diaphragmatique. Elle est recommandée • s’agenouiller à cheval sur les cuisses de la victime ;
chez l’adulte et l’enfant conscient à partir de 1 an. • situer le talon d’une main sur la ligne médiane légèrement
Les compressions abdominales par la méthode de Heimlich au-dessus de l’ombilic et juste au-dessous de l’appendice
élèvent le diaphragme et augmentent la pression à l’intérieur xiphoïde ;
des voies aériennes, en poussant l’air venant des poumons. Cela • placer la seconde main sur le dessus de la première ;
peut être suffisant pour créer l’équivalent d’une « toux artifi- • effectuer des poussées sèches, avec les deux mains sur
cielle » et expulser le corps étranger en dehors des voies l’abdomen, ascendantes et en arrière (Fig. 2).
aériennes. Il est possible d’utiliser le poids de son propre corps pour
Certaines complications sévères peuvent survenir comme la améliorer la technique.
rupture ou des lacérations de viscères thoraciques ou abdomi-
naux. [11] Pour ces raisons, cette manœuvre sera utilisée en Claques dans le dos
dernier recours et les personnes l’ayant subi devront avoir un
examen médical pour exclure ces complications. Pour diminuer Le sauveteur débute les manœuvres de désobstruction par
le risque de complications, il faut une technique précise. Une cinq claques dans le dos.
régurgitation peut survenir consécutivement aux compressions Pencher la personne en avant en soutenant la face antérieure
et il faut y associer une aspiration endobuccale. du thorax d’une main et, avec l’autre main, pratiquer cinq
claques vigoureuses entre les omoplates.
Sur une personne debout ou assise
Les claques sont réalisées avec le talon de la main entre les
Se placer debout derrière la victime, entourer vos bras autour omoplates. (Fig. 3)
de sa taille, et procéder de la façon suivante : En cas d’échec, il faut alors pratiquer cinq compressions
• placer le poing fermé, côté pouce contre l’abdomen de la abdominales.
victime, sur la ligne médiane, entre l’ombilic et sous la pointe
de l’appendice xiphoïde et du bord inférieur de la cage Compressions thoraciques
thoracique (Fig. 1) ;
• empoigner le poing avec l’autre main et donner une pression Si la personne qui étouffe perd connaissance pendant la
sèche vers l’abdomen en haut et en arrière ; tentative de désobstruction, le sauveteur doit alerter les secours

Médecine d’urgence 3
25-010-C-20 ¶ Gestes de secourisme en urgence

Figure 4. Extraction digitale.

Figure 2. Méthode de Heimlich : malade couché. Insérer l’index de l’autre main vers le bas, le long de l’inté-
rieur de la joue et profondément dans la gorge vers la base de
la langue. Utiliser ce doigt en crochet pour déloger le corps
étranger. Il faut faire attention à ne pas enfoncer l’objet
profondément dans les voies aériennes (Fig. 4).

Techniques avancées
Deux types de pinces conventionnelles sont acceptables pour
ôter le corps étranger. La pince de Kelly et la pince de Magill.
Les pinces ne seront utilisées que si l’objet est visible, soit avec
un laryngoscope, soit avec un abaisse-langue et une lampe.
L’utilisation de ces différents moyens par une personne non
entraînée ou inexpérimentée est difficile.

Séquence de désobstruction des voies


aériennes
Séquence de désobstruction dans le cas
Figure 3. Claques dans le dos.
d’une victime consciente
Pratiquer cinq claques vigoureuses entre les omoplates.
(ou envoyer quelqu’un le faire) et débuter la réanimation Extraire l’objet s’il se retrouve dans la bouche.
cardiopulmonaire (RCP). En cas d’inefficacité des claques, pratiquer cinq compressions
abdominales. Rechercher l’accessibilité du corps étranger dans
Les compressions thoraciques peuvent être une alternative à
les voies aériennes.
la manœuvre de Heimlich chez une femme dans les derniers
En cas d’échec, alterner les claques dans le dos et les com-
mois de grossesse ou chez une personne présentant une obésité
pressions abdominales jusqu’à réussite de la manœuvre ou perte
importante. [12] Le sauveteur se tient debout derrière la victime, de connaissance de la personne.
avec les bras directement sous les aisselles en entourant le
thorax de la victime. Il place un poing côté pouce sur le milieu
du sternum en prenant soin d’éviter l’apophyse xiphoïde et le
bord des côtes, empoigne le poing avec l’autre main et exécute
des compressions en arrière jusqu’à l’expulsion du corps
étranger ou que la personne perde connaissance.
“ Conduite à tenir
Lorsqu’il n’est pas possible d’entourer le thorax avec ses bras,
les compressions peuvent s’effectuer avec la victime au sol, sur Séquence de désobstruction dans le cas d’une
le dos. Dans ce cas, la technique des compressions thoraciques victime consciente :
est la même que lors de la réanimation cardiopulmonaire. • cinq claques vigoureuses entre les omoplates ;
• en cas d’inefficacité, cinq compressions abdominales ;
Nettoyage digital avec traction du bloc • en cas d’échec, alterner les claques dans le dos et les
langue-mandibule compressions abdominales.

Il ne doit être pratiqué que dans le cas d’une personne


inconsciente avec obstruction complète des voies aériennes.
La personne est allongée sur le dos, il faut ouvrir sa bouche
en tractant l’ensemble langue et mâchoire inférieure avec le
Séquence de désobstruction dans le cas
pouce et les doigts, en élevant la mandibule (subluxation de la d’une victime inconsciente
mâchoire ou technique d’Esmarsh). [13] Cette manœuvre décolle Alerter le Samu le plus rapidement possible. Si un témoin est
la langue du fond de la gorge et libère un éventuel corps disponible, l’envoyer alerter pendant que vous vous occupez de
étranger. la victime.

4 Médecine d’urgence
Gestes de secourisme en urgence ¶ 25-010-C-20

Libérer les voies aériennes et tenter les insufflations. Si cela


s’avère inefficace, modifier la position de la tête pour mobiliser
l’objet et essayer de ventiler de nouveau.
Après cinq tentatives maximales de ventilation inefficace,
pratiquer 30 compressions thoraciques.
Ensuite, ouvrir la bouche en tractant le bloc mandibule-
langue et effectuer un nettoyage digital pour enlever l’objet.
Répéter la séquence de deux insufflations et de 30 compres-
sions thoraciques jusqu’à ce que l’obstruction soit levée ou que
des techniques avancées soient disponibles (clamp de Kelly,
pince de Magill, cricothyroïdectomie).
Si les voies aériennes sont libérées, effectuer un bilan des
fonctions vitales et effectuer les manœuvres adaptées.

Enfant et nourrisson
Trois manœuvres sont suggérées : Figure 5. Méthode de Mofenson.
• les claques dans le dos ;
• les compressions thoraciques ;
• les compressions abdominales. [14]
Il y a un consensus sur le fait que, chez le nourrisson et le
jeune enfant, l’absence de protection par la cage thoracique des
organes hauts placés dans l’abdomen augmente le risque
d’atteinte iatrogène par les compressions abdominales. [9] Par
conséquent, les compressions abdominales ne sont pas recom-
mandées pour désobstruer l’OAVACE chez le nourrisson.

Symptomatologie et épidémiologie
Chez l’enfant et le nourrisson, l’étouffement survient aussi
bien pendant les repas que pendant la période de jeu. Les
parents ou les gardes d’enfant sont habituellement présents et
Figure 6. Obstruction aiguë des voies aériennes par corps étranger
la phase d’étouffement a lieu le plus souvent devant témoin. Le
(OAVACE) chez l’enfant.
plus souvent, les sauveteurs interviennent alors que la victime
est encore consciente. [15]
Les signes, chez l’enfant et le nourrisson, débutent brutale-
ment avec une détresse respiratoire, une toux, un stridor, un compressions sont délivrées à la fréquence d’une par seconde et
son fort et aigu, un wheezing. sont pratiquées avec le nourrisson positionné sur le dos,
soutenu sur l’avant-bras du sauveteur et sa tête déclive par
En cas d’obstruction partielle et si l’enfant tousse vigoureuse-
rapport au corps (Fig. 6).
ment, il ne faut pas interférer avec cette toux spontanée et les
Il faut répéter la séquence des claques dans le dos et des
efforts de respiration. [16]
compressions thoraciques jusqu’à expulsion du corps étranger
Il faut libérer l’obstruction uniquement quand la toux est ou
ou perte de connaissance de la victime.
devient inefficace. On retrouve les signes suivants :
• une extinction des sons ;
• une augmentation de la difficulté respiratoire ;
Chez l’enfant conscient : compression abdominale
• un stridor ; (manœuvre de Heimlich)
• une perte de connaissance. La séquence claques dans le dos et compressions thoraciques
Si l’enfant ou le nourrisson perd connaissance pendant les peut être une alternative lors de l’intervention face à un enfant.
tentatives de désobstruction, démarrer la RCP pendant La manœuvre de Heimlich est identique à celle décrite pour
1 minute, puis alerter les secours spécialisés et reprendre les l’adulte.
manœuvres de réanimation.
Chez l’enfant ou le nourrisson inconscient
Chez le nourrisson conscient : claque dans le dos
Si l’enfant ou le nourrisson perd connaissance, débuter la
et compression thoracique RCP avec, comme objectif supplémentaire, à chaque ouverture
Il faut alerter les secours aussi rapidement que possible dès de bouche, de rechercher et d’extraire l’objet qui obstrue dans
que le nourrisson présente des difficultés respiratoires. Si vous le fond de gorge.
n’êtes pas seul, une personne s’occupe de l’alerte pendant que L’extraction digitale à l’aveugle est peu efficace car le corps
vous agissez sur l’enfant. étranger est souvent repoussé vers les voies aériennes.
La séquence suivante est utilisée : La technique de traction du bloc mandibule-langue peut
• le sauveteur est habituellement assis ou agenouillé avec libérer partiellement l’obstruction ou mobiliser l’objet et
l’enfant sur les genoux ; permettre, s’il est visible, de le retirer avec précaution.
• les claques dans le dos sont délivrées, tant que le nourrisson Si les voies aériennes sont libres, contrôler les signes de
conscient les supporte, face vers le sol, à cheval sur l’avant- circulation et poursuivre la RCP si nécessaire. Si le nourrisson
bras du sauveteur, avec la tête plus basse que le tronc. Elles ventile de façon efficace avec des signes de circulation, le placer
sont fermes au milieu du dos entre les omoplates ; utiliser le en position latérale de sécurité.
talon de la main (Fig. 5).
• après ces cinq claques dans le dos, si l’objet n’est pas expulsé,
pratiquer cinq poussées thoraciques. ■ Hémorragies
Ces poussées thoraciques consistent à faire une compression
sur la moitié inférieure du sternum, à un doigt sous la ligne Les hémorragies représentent une cause fréquente d’appel
intermammelonnaire. La zone d’appui est la même que pour la d’urgence et les gestes de secourisme à réaliser sont simples et
mise en œuvre des compressions thoraciques de la RCP. Les d’un intérêt majeur pour le pronostic immédiat de la victime. [5]

Médecine d’urgence 5
25-010-C-20 ¶ Gestes de secourisme en urgence

A B C
Figure 7.
A, B, C. Points de compression à distance.

d’une bande élastique, prêts à l’emploi. Il suffit de venir

“ Point important appliquer ce tampon sur la zone hémorragique afin de dégager


la main qui comprime et de libérer le sauveteur. Le tampon
compressif peut être improvisé à l’aide de compresses stériles et
L’arrêt d’une hémorragie prévaut sur tous les autres gestes d’un bandage.
de secourisme. Si l’hémorragie siège au niveau d’un membre, la victime sera
allongée avec le membre concerné surélevé afin de diminuer
mécaniquement l’hémorragie. Quel que soit le tampon com-
pressif utilisé, il sera réalisé une surveillance locale : coloration,
température, motricité, sensibilité.
Objectif : arrêter l’hémorragie au plus vite
Si la compression locale s’avère inefficace ou s’il n’est pas
et limiter ses conséquences possible de la réaliser : corps étranger dans la plaie, plaie
Toute hémorragie qui perdure entraîne une diminution de la hémorragique étendue ou délabrante, il faut effectuer un point
volémie pouvant aboutir à un arrêt cardiorespiratoire. de compression à distance.
Les hémorragies peuvent se répartir en trois groupes : hémor-
ragies externes, hémorragies extériorisées et hémorragies Compression à distance
internes. Chacune d’elle répond à des gestes de secourisme et à
une surveillance spécifiques. La compression à distance repose sur des techniques précises
dépendant du siège de l’hémorragie.
Le principe consiste à comprimer le tronc artériel situé entre
le cœur et la plaie. Le point de compression à distance permet
Hémorragies externes de comprimer spécifiquement l’artère principale en amont de
Elles se caractérisent par l’écoulement de sang par une plaie l’hémorragie sur un plan dur (osseux de préférence) au plus près
et doivent être identifiées rapidement lors du bilan initial d’une de la plaie et de la stopper mécaniquement sans atteinte
victime. Parfois, l’hémorragie est masquée par les vêtements, ce veineuse, nerveuse ou musculaire.
qui renforce l’intérêt d’une recherche systématique chez toute L’efficacité de ces compressions repose sur l’arrêt de l’hémor-
victime lors du bilan initial. ragie (Fig. 7).
L’arrêt de cette hémorragie prévaut sur tous les autres gestes
de secourisme. Hémorragie du membre supérieur
La démarche des gestes de secourisme face à une hémorragie
Point de compression axillaire. Il s’effectue en plaçant les
externe doit toujours être la suivante.
deux pouces dans le creux de l’aisselle, les autres doigts
enserrant l’épaule. Les pouces doivent être placés côte à côte et
Compression locale viennent comprimer l’artère axillaire.
Elle consiste à appuyer avec la paume de sa main directement La victime doit être allongée si possible et le membre supé-
au niveau de la plaie hémorragique en réalisant ainsi une rieur sera surélevé pour faciliter l’arrêt de l’hémorragie.
compression directe et stopper l’hémorragie. Une surveillance d’aval du membre concerné est impérative
Il est impératif de se munir d’une protection par des gants en attendant la prise en charge médicalisée. Les critères suivants
non stériles afin d’éviter toute contamination par les maladies sont à évaluer régulièrement : coloration, température, motri-
transmissibles par voie sanguine. Si le sauveteur ne peut se cité, sensibilité.
procurer des gants, il lui faudra utiliser un autre moyen de Point de compression huméral. Il s’effectue en plaçant le
protection qui pourra également servir à comprimer, par pouce dans le creux qui existe naturellement entre les muscles
exemple des compresses, une serviette, un vêtement. L’arrêt de bicipital et tricipital, les autres doigts enserrent le bras.
l’hémorragie prévaut sur le risque infectieux qui sera secondaire
Point de compression sous-clavier. Il s’effectue en se plaçant
et traité a posteriori par antibiothérapie.
derrière la victime allongée au niveau de sa tête. Le sauveteur
L’efficacité de cette compression locale repose sur la consta-
vient comprimer l’artère sous-clavière dans son tiers proximal.
tation de l’arrêt de l’hémorragie. Il ne faut plus relâcher cette
compression jusqu’à la prise en charge médicalisée de la Hémorragie du membre inférieur
victime. Toutefois, le relais par un autre sauveteur, ou un
tampon compressif, est possible. Le tampon compressif est un Point de compression inguinal. Le sauveteur comprime
système permettant de maintenir la compression locale efficace l’artère fémorale à l’aide de son poing qu’il positionnera sur le
tout en dégageant la main du sauveteur. Il existe des « coussins trajet de l’artère en se tenant agenouillé près de la victime, bras
hémostatiques d’urgence » composés d’un tampon de mousse et tendu.

6 Médecine d’urgence
Gestes de secourisme en urgence ¶ 25-010-C-20

Hémorragie externe

Compression manuelle Compression manuelle


efficace inefficace
1

Pansement compressif
Compression
à distance

Compression Compression
inefficace efficace
2

Garrot

Alerte des secours médicaux

Figure 8. Arbre décisionnel. Prise en charge d’une hémorragie externe. 3

Hémorragie au niveau du cou


Figure 9. Pose du garrot.
Point de compression au niveau du cou. En cas de lésion
de l’artère carotidienne, le sauveteur comprime l’artère caroti-
dienne à l’aide de son pouce vers le rachis cervical. Enfin, la surveillance des fonctions vitales de la victime
Une fois mis en œuvre, ce point de compression ne sera plus repose sur la conscience, la fréquence respiratoire et la fré-
relâché jusqu’à la prise en charge médicalisée. Seul un relais par un quence cardiaque. Cette surveillance doit être régulière, environ
autre sauveteur ou la mise en place d’un garrot peuvent toutes les 5 minutes, jusqu’à l’arrivée des secours.
constituer des solutions d’attente. Le risque du relâchement de
la compression est la reprise de l’hémorragie et l’installation
d’une détresse circulatoire brutale avec désamorçage de la Hémorragies extériorisées
pompe cardiaque et arrêt cardiorespiratoire.
Ces recommandations, qui n’ont pas fait l’objet d’essais Elles correspondent à l’écoulement de sang par les orifices
contrôlés, sont largement adoptées (Fig. 8). naturels : épistaxis, hématémèse, hémoptysie, méléna, rectorra-
gie, métrorragie, urétrorragie.
Garrot
La dernière alternative à l’arrêt d’une hémorragie externe Épistaxis
demeure le garrot. Les indications sont très limitées et doivent L’épistaxis est la plus fréquente des hémorragies extériorisées.
le demeurer : Elle se définit comme l’écoulement de sang par les voies nasales,
• l’hémorragie est incoercible malgré un point de compression le plus souvent dû à une tache vasculaire sur la muqueuse
à distance correctement réalisé ; nasale. Plusieurs études ont démontré que la majorité des
• le sauveteur est isolé et doit passer l’alerte ; individus ne connaissent pas les gestes de secourisme à effectuer
• le sauveteur est face à plusieurs victimes ; en cas d’épistaxis. [21, 22]
• le membre concerné est amputé. Le premier geste à effectuer est le mouchage délicat pour
Le garrot s’effectue à l’aide d’un lien de toile solide et évacuer les éventuels caillots de sang puis la victime s’installera
inextensible ou grâce à des systèmes pneumatiques spéciaux. Le assise, la tête penchée en avant en comprimant la narine du
médecin, dans sa pratique quotidienne, peut utiliser un tensio- côté de l’épistaxis pendant 30 minutes environ.
mètre pour faire garrot (Fig. 9). Au terme de cette compression locale, soit l’épistaxis cesse et
L’inconvénient majeur du garrot est qu’il comprime aussi une simple surveillance suffira, soit l’épistaxis récidive et un
bien l’artère que le réseau veineux, les trajets nerveux et les méchage antérieur, voire postérieur, sera nécessaire ainsi qu’une
masses musculaires, et peut aboutir à une ischémie complète du consultation spécialisée en oto-rhino-laryngologie (ORL). [23]
membre concerné s’il est laissé plus de 6 heures en place.
Le garrot doit toujours être visible et l’heure de mise en place Hématémèse
doit figurer dessus afin d’optimiser la prise en charge médicale
et de ne pas omettre sa présence. [17-20] En cas d’hématémèse, la victime doit être mise en position
semi-assise et une surveillance régulière des différentes fonctions
Surveillance vitales doit être assurée. Le risque principal est l’installation
rapide d’un choc hypovolémique due à la diminution brutale de
Lorsque l’hémorragie est stoppée, la victime doit être allongée la masse sanguine circulante.
sur le dos et l’on pourra surélever le membre concerné. La
surveillance d’aval est régulière : coloration, chaleur, motricité si
Autres hémorragies extériorisées
possible, sensibilité et pouls d’aval en cas de compression locale
(dans les deux autres cas, le pouls d’aval est absent). Les gestes de secourisme pour les autres causes d’hémorragies
Il faut toujours penser à couvrir la victime pour lutter contre extériorisées reposent sur la position d’attente, une oxygéno-
l’hypothermie et administrer de l’oxygène au plus vite pour thérapie en cas de mauvaise tolérance et la surveillance des
enrichir le volume sanguin restant. fonctions vitales de manière régulière.

Médecine d’urgence 7
25-010-C-20 ¶ Gestes de secourisme en urgence

La position d’attente a pour but de soulager la victime et de Figure 10. Intérêt de la bascule
la faire patienter : couchée, jambes fléchies pour les mélénas, de la tête en hyperextension.
rectorragies, urétrorragies et métrorragies ; assise ou semi-assise
pour les hématémèses et les hémoptysies.
La surveillance des fonctions vitales doit être complétée par
la recherche de signes de choc : tachycardie, hypotension
artérielle, pouls filant, marbrures, extrémités froides, sueurs, soif.
Les gestes de secourisme, dans de telles situations, visent à
stabiliser l’état de la victime en attendant le relais par une
équipe de réanimation.

Hémorragies internes
Le saignement est occulte, ce qui rend le diagnostic parfois
plus difficile. Les circonstances de l’événement : traumatisme,
chute, permettent d’évoquer le diagnostic.
Le second indicateur repose sur l’examen clinique de la
victime. La recherche porte essentiellement sur la reconnais-
sance de signes de détresse circulatoire : hypotension artérielle,
tachycardie, pouls filant, marbrures, extrémités froides...
La prise en charge médicalisée de ces victimes doit se faire en Tableau 1.
urgence. Échelle de Glasgow.
Le patient sera laissé en décubitus dorsal strict.
Ouverture Réponse verbale Meilleure réponse
La surélévation des membres inférieurs, souvent préconisée, des yeux motrice
ne repose sur aucun argument documenté par la littérature. De
plus, lors d’un collapsus cardiovasculaire, la vasoconstriction des 4 Spontanée 5 Orientée 6 Aux ordres sim-
membres inférieurs est importante et doit être respectée. [24, 25] ples
3 Au bruit 4 Confuse 5 Orientée
Cas particuliers 2 À la douleur 3 Inappropriée 4 Évitement
1 Jamais 2 Incompréhensible 3 Décortication
Section de membre 1 Rien 2 Décérébration
1 Rien
Le premier geste à effectuer est l’arrêt de l’hémorragie au plus
vite. La compression locale est parfois réalisable et efficace, un
tampon compressif peut suffire à stopper l’hémorragie. Si la
compression locale s’avère inefficace ou impossible à réaliser, on Diagnostic
met alors en place un garrot qui permet au secouriste de se
libérer et autorise une prise en charge ultérieure de la victime
plus aisée.
Évaluation de l’état de conscience
Le point de compression à distance est envisageable et serait La méthode la plus communément admise pour évaluer l’état
vraisemblablement efficace mais la technique s’avérera gênante de conscience est l’utilisation du score de Glasgow. Elle est
pour assurer une surveillance correcte et la prise en charge fondée sur l’appréciation de la réponse verbale, de l’ouverture
médicalisée. des yeux et de la réponse motrice du patient (Tableau 1). [26]
Dès que l’hémorragie est maîtrisée et la victime stabilisée, il En pratique, le médecin pose à haute et intelligible voix des
faut s’occuper impérativement de la partie sectionnée du questions simples « ouvrez les yeux, serrez-moi les mains ». En
membre. Il s’agit d’un geste de secours impératif. La partie l’absence de réponse, des stimulations douloureuses nociceptives
sectionnée sera recherchée et, une fois retrouvée, elle sera sont pratiquées pour confirmer l’inconscience.
conditionnée dans un linge propre et mise dans un sac plasti-
que ; ce dernier est introduit dans un autre sac plastique rempli Évaluation de la fonction ventilatoire
de glaçons. L’heure de conditionnement doit être relevée car la
réimplantation tiendra compte, entre autres, de ce critère. La manœuvre précédemment décrite étant effectuée, le
médecin apprécie l’existence d’une ventilation en 10 secondes
Rupture de varice des membres inférieurs maximum [3]:
• il place sa joue au-dessus du visage de la victime ;
En cas de rupture de varice, le geste de secourisme consiste à • il observe les mouvements de la cage thoracique ;
réaliser une compression locale relayée par un tampon • il écoute et sent le flux aérien pendant l’expiration.
compressif.
Au premier contact téléphonique avec le patient ou son Évaluation de la présence de la fonction
entourage, on conseillera, en supplément de la compression circulatoire
locale, de surélever le membre atteint pour vidanger la varice.
Le médecin vérifie la présence du pouls carotidien. Lorsque le
sauveteur n’a pas de connaissance médicale, la recherche du
■ Patient inconscient pouls n’est plus indispensable. [3, 4]
Il se place du côté de la carotide qu’il palpe en maintenant
la tête avec l’autre main sur le front chez l’adulte. [27]
Complications immédiates de l’inconscience Cette méthode est bien codifiée, elle consiste à :
• poser doucement l’extrémité de deux ou trois doigts sur la
Quand la victime inconsciente est laissée en décubitus dorsal ligne médiane du cou ;
et que la ventilation est spontanée, les voies aériennes peuvent • ramener la main vers soi, la pulpe des trois doigts restant au
être obstruées par la langue ou des mucosités et des vomissures contact de la peau jusqu’au bord du chef antérieur du sterno-
(Fig. 10). cléido-mastoïdien ;
Ces problèmes peuvent être prévenus quand la victime est • pousser la pulpe des doigts vers le plan profond osseux, vers
placée en décubitus latéral, car les liquides peuvent ainsi être les apophyses transverses des vertèbres cervicales, pour
drainés facilement hors de la bouche. appuyer sur la carotide.

8 Médecine d’urgence
Gestes de secourisme en urgence ¶ 25-010-C-20

complétée par une aspiration, par un appareil d’appoint type


aspirateur de mucosités manuel et par la mise de la tête sur la
côté en l’absence de suspicion de lésion du rachis cervical.

Position latérale de sécurité


La position latérale de sécurité est utilisée pour la prise en
charge des victimes qui sont inconscientes (ou avec un score de
Glasgow inférieur à 11) mais dont la ventilation et les signes de
circulation sont conservés (classe indéterminée).
Figure 11. Méthode d’Esmarsh. Le compromis est nécessaire entre une position idéale pour
dégager au maximum les voies aériennes et la position optimale
pour surveiller le patient et garder une bonne rectitude du
corps :
• une position latérale modifiée est utilisée parce qu’une
position latérale vraie tend à être instable, obligeant une
position latérale excessive de la colonne cervicale, et entraî-
nant un drainage moins libre de la bouche ;
• une position proche de la pronation, en revanche, gène une
parfaite ventilation parce qu’elle réduit la compliance thora-
cique et pulmonaire. [29]
Principes
Plusieurs versions de la position latérale de sécurité existent,
chacune avec ses propres avantages. Aucune position n’est
parfaite pour toutes les victimes.
Pour décider quelle position utiliser, il faut considérer six
principes [30]:
• la victime doit être mise dans la position latérale la plus
stricte possible, avec la tête positionnée de façon à laisser
libre le drainage des fluides ;
Figure 12. Libération des voies aériennes supérieures.
• cette position doit être stable ;
• il faut éviter une pression sur le thorax qui pourrait gêner la
Chez l’enfant, le pouls doit être recherché sur la face latérale ventilation ;
du cou en le palpant entre la pulpe de deux ou trois doigts • la bonne observation de la victime et l’accès aux voies
médians de la main et le plan osseux constitué par la colonne aériennes doivent être possible ;
cervicale. • la position elle-même ne doit pas être la cause d’une lésion
Chez le nourrisson, la prise de pouls se fait au niveau de pour la victime ;
l’artère humérale. La main du sauveteur se pose sur la partie • il est particulièrement important d’éviter une lésion lors du
moyenne du bras en face interne. La pulpe des doigts recherche retournement de la victime. [31, 32]
à ce niveau les battements de l’artère. Technique
La technique conseillée par l’ERC et enseignée en France est
Technique de sauvegarde des voies la suivante (Fig. 13) :
aériennes • resserrer délicatement les membres inférieurs de la victime ;
• mettre le bras en abduction à l’angle droit du côté du
Ouverture de la bouche et de la filière retournement, coude plié, paume de la main en supination
pharyngolaryngée (Fig. 13A) ;
Le principe est de pallier la chute de la langue par baisse du • placer le dos de la main du bras opposé contre l’oreille de la
tonus musculaire et la chute des muscles peauciers du cou. victime du côté du retournement. Maintenir celle-ci
L’ouverture de la bouche complète le dégagement de la filière (Fig. 13B) ;
pharyngolaryngée. • saisir le genou opposé au retournement par le creux poplité ;
La méthode la plus efficace est la technique d’Esmarsh • faire rouler lentement le corps de la victime, en tirant sur le
(Fig. 11). genou vers soi, tout en tenant la main de la victime contre
Elle consiste à ouvrir la bouche en pratiquant la subluxation son oreille (Fig. 13C) ;
du maxillaire inférieur. • retirer sa main située à la tête tout en maintenant le coude
Placer les mains de chaque côté du visage de la victime. de la victime pour ne pas bouger la tête ;
Les doigts accrochent l’angle du maxillaire inférieur, les • ajuster la jambe pliée, de sorte qu’elle forme avec le genou un
pouces appuyant sur la branche horizontale. angle droit et vienne, en prenant appui sur le sol, stabiliser
Les doigts soulèvent la mandibule tandis que la pression des la victime ;
pouces ouvre la bouche. • ouvrir la bouche sans mobiliser le rachis (Fig. 13D).
Elle est associée à une prudente bascule de la tête en arrière
dans l’axe du rachis cervical. Principale variante
Une méthode alternative consiste à basculer prudemment la La technique dite de HAINES (High Arm IN Endangered Spine)
tête vers l’arrière une main sur le front et à tirer avec l’autre est recommandée par certains auteurs en cas de suspicion de
main le menton vers l’avant, mettant ainsi les peauciers du cou lésion du rachis ou pour les victimes ayant un gabarit supérieur
en tension et soulevant le massif lingual et le massif épiglotti- au sauveteur (Fig. 14). [33]
que (manœuvre dite de chin lift) (Fig. 12). [28] Elle consiste par un mouvement de rotation du corps sur le
membre supérieur en extension, le sauveteur étant placé à
Désobstruction buccopharyngée l’arrière de la victime et effectuant un effort de poussée.
La désobstruction se fait d’abord au doigt pour les débris Certaines complications ont été décrites lors son utilisation :
alimentaires ou un fracas dentaire éventuel. Elle pourra être étirement du plexus brachial, compression de l’artère humérale.

Médecine d’urgence 9
25-010-C-20 ¶ Gestes de secourisme en urgence

Figure 14. Position de HAINES


(High Arm IN Endangered Spine).

A
B

■ Patient en arrêt
cardiorespiratoire
Après constatation de l’absence de ventilation, il faut alerter
ou faire alerter le plus rapidement possible les secours spéciali-
sés, puis démarrer les manœuvres de réanimation cardiopulmo-
naire. [3, 4]
D
Séquence chez l’adulte
Le sauveteur pratique deux insufflations par la technique du
bouche-à-bouche ou du bouche-à-nez (le niveau de preuve est
équivalent).
Il vérifie l’absence de signe de circulation en contrôlant
l’absence de toux, de mouvement et, pour les professionnels,
l’absence de pouls carotidien sur une durée maximale de
10 secondes.
En l’absence de circulation, Il pratique une série de 30 com-
pressions thoraciques.
E Le sauveteur répète les cycles de deux insufflations et de
30 massages en contrôlant la reprise d’une activité cardiaque
Figure 13. et/ou pulmonaire tous les cinq cycles.
A, B, C, D, E. Position latérale de sécurité.
Technique chez l’adulte
Précautions Ventilation artificielle
Si un traumatisme rachidien est présent ou suspecté, la Le bouche-à-bouche se pratique en basculant prudemment la
victime ne doit être bougée que si l’ouverture des voix aériennes tête de la victime en arrière, une main au front, l’autre au
ne peut être maintenue d’une autre manière (manœuvre menton. Le nez est pincé pour éviter toute fuite. La bouche du
d’Esmarch par exemple). sauveteur englobe celle de la victime de façon étanche et
Cela peut être le cas si le médecin seul a besoin de quitter la l’insufflation se fait lentement sur 1,5 à 2 secondes. Le volume
victime pour appeler les secours médicalisés. est suffisant dès que le thorax commence à se soulever.
En position latérale de sécurité, il convient de surveiller la En ce qui concerne le bouche-à-nez, la bouche est fermée par
victime, particulièrement pour la chute de débit sanguin dans la main sur le menton et l’insufflation se fait par le nez avec les
le bras du dessous. [34] mêmes critères techniques que le bouche à bouche.
Il est recommandé d’utiliser un masque facial possédant un
Certains auteurs préconisent de tourner la victime du côté
filtre antibactérien et une valve antiretour lors de la ventilation
opposé, si celle-ci reste en position latérale de sécurité plus de
artificielle.
30 minutes. [35]
Lors de la position latérale de sécurité chez la femme
enceinte, la rotation se fait sur le côté gauche de la patiente
Compressions thoraciques
pour éviter la compression de la veine cave inférieure par le Les compressions thoraciques sont pratiquées sur une per-
fœtus. sonne en décubitus dorsal sur un plan dur et le thorax dénudé.

10 Médecine d’urgence
Gestes de secourisme en urgence ¶ 25-010-C-20

La pression se fait avec le talon de la main dans le prolonge- mais aussi chimique et électrique. Il s’agit le plus souvent
ment de l’avant-bras, les épaules du sauveteur étant à la d’accidents domestiques.
verticale de la zone d’appui. La seconde main se positionne sur La conduite à tenir immédiate face à une brûlure grave
la première, les doigts sont relevés pour éviter de casser des consiste à arroser la surface brûlée, à évaluer la gravité, à lutter
côtes. contre l’hypothermie et à surveiller la victime en attendant le
Les compressions thoraciques sont d’une amplitude de 4 à transfert hospitalier.
5 cm, le temps de compression sera égal au temps de
relâchement.
La fréquence instantanée des compressions thoraciques est de
100 par minute. Les pauses en massage pour ventiler ramènent Diagnostic
la fréquence réelle de massage à environ 80 par minute. Les facteurs de gravité d’une brûlure doivent être évalués
La zone de compression est située sur la ligne médiane, à la rapidement pour permettre une orientation hospitalière la plus
face antérieure du sternum, le plus proche possible des pieds en adaptée possible à la situation : profondeur ou degré, superficie
protégeant l’apophyse xiphoïde. Elle se mesure en mettant un ou étendue, localisation, agent responsable et terrain.
doigt sur l’apophyse xiphoïde, un deuxième doigt à côté du L’aspect de la brûlure détermine la profondeur et le degré :
premier en sécurité et le talon de l’autre main est contigu à ces premier degré : érythème ; deuxième degré : phlyctène ; troi-
doigts. sième degré : brun-chamois.
En secourisme, la brûlure est considérée comme grave si la
Séquence chez l’enfant, entre 1 et 8 ans surface brûlée en deuxième degré dépasse la moitié de la surface
de la paume de la main de la victime. Cette règle est aussi bien
et chez le nouveau-né, de moins de 1 an applicable à l’enfant qu’à l’adulte.
Les différences portent sur le cycle qui est d’une ventilation Le pronostic d’une brûlure peut être vital en cas de localisa-
pour cinq massages. tion au visage ou aux voies aériennes supérieures, fonctionnel
La comparaison des cycles 1 : 5 versus 2 : 15 sur mannequin en cas de localisation aux articulations, aux mains, au périnée
n’a pas montré de différence significative en termes de volume et esthétique en cas de localisation au visage.
courant et même une augmentation de la fréquence cardiaque Les brûlures chimiques et électriques sont considérées comme
par minute pour les cycles à 2 : 15. [36] graves d’emblée.
La surveillance de la reprise de la ventilation ou de la Les autres critères classiques de gravité sont les âges extrêmes,
circulation se fait tous les 20 cycles. (nourrissons, et personnes âgées) et en cas de terrain débilité,
Quand le sauveteur est isolé, il est recommandé de pratiquer diabétique et éthylique par exemple.
1 minute de réanimation cardiopulmonaire avant d’alerter les
secours.
Technique : l’arrosage
Technique chez l’enfant et le nouveau-né L’arrosage immédiat de la surface brûlée avec de l’eau fraîche,
Chez l’enfant, le bouche-à-bouche et le bouche-à-nez se font mais non glacée, est le premier geste de secours à effectuer.
de la même manière que chez l’adulte. Plusieurs études montrent que cet arrosage immédiat est bien
Chez le nouveau-né, la ventilation est pratiquée en englobant accepté par la majorité de la population. [39-42] Ces études
la bouche et le nez. concernent souvent des sujets volontaires qui mettent en
Les compressions thoraciques se font en appui avec un seul pratique ces recommandations. [43]
bras chez l’enfant, en déprimant le thorax de 3 à 4 cm. L’arrosage de la brûlure a plusieurs effets bénéfiques : une
Chez le nourrisson, les compressions se font avec la pulpe de diminution de la douleur, une réduction de la formation
deux doigts en déprimant le thorax de 2 à 3 cm. La zone d’œdème une diminution du risque infectieux, une réduction
d’appui se trouve sur le sternum à un travers de doigt sous la de la profondeur de la brûlure. [44, 45] Il semble diminuer la
ligne intermamelonnaire. nécessité d’une greffe et la mortalité. [46]
La fréquence instantanée du massage est de 100 par minute L’arrosage doit être effectué le plus tôt possible car il semble-
quel soit l’âge. rait que plus le délai « brûlure-arrosage » est court, plus le
Les autres éléments de technique sont identiques à l’adulte. bénéfice est grand.
La température de l’eau et le temps d’arrosage varient
considérablement d’une étude à l’autre. Ofeigsons et al. ont
Défibrillation automatique montré que le meilleur rapport entre température idéale de l’eau
et taux de mortalité se situe entre 20 et 25 °C. D’autres études
La mise en place de défibrillateur automatique (DA) améliore
ont prouvé un bénéfice pour une température de l’eau de 10 à
la survie des personnes en arrêt cardioventilatoire. Ces appareils
15 °C. [44] Cependant, l’usage d’une eau glacée entraîne une
vont être à la disposition du grand public dans un avenir très
hypothermie, un risque d’ischémie et une hausse du taux de
proche. [37, 38]
mortalité. Pour empêcher l’hypothermie, la température de
L’analyse du trouble électrique est automatique. Il existe des
l’arrosage doit se situer entre 10 et 25 °C et la victime doit être
appareils où l’opérateur déclenche le choc (défibrillateur semi-
couverte correctement dès que possible. De plus, l’hypothermie
automatique [DSA]) et d’autres ou le choc sera délivré sans
entretient une éventuelle détresse circulatoire liée aux brûlures.
intervention extérieure, après une alerte audiovisuelle (défi-
La durée d’arrosage est également très controversée, variant
brillateur entièrement automatique [DEA]).
entre 5 et 30 minutes mais il faut toujours se méfier de l’hypo-
L’amélioration du pronostic de l’arrêt cardioventilatoire ne
thermie induite. La durée d’arrosage qui est retenue pour une
peut se faire que par le renforcement de la chaîne de survie et
brûlure thermique étendue est de 5 minutes. La diminution de
de ses deux premiers maillons : l’alerte et la réanimation
la douleur est un bon critère pour arrêter l’arrosage. Dans tous
cardiopulmonaire par le premier témoin.
les cas, l’arrosage ne doit pas retarder la prise en charge
médicale de la victime.

■ Brûlures L’arrosage peut être remplacé par l’application de gels d’eau


(pansements préconditionnés constitués d’eau gélifiée et
existant dans différents formats).
Épidémiologie Il faut toujours penser à ôter les bijoux qui pourraient
aggraver les dommages dus aux brûlures (exemple : bague en cas
En France, 150 000 personnes par an sont victimes de de brûlures des mains) et à enlever les vêtements qui n’adhèrent
brûlures. [10] La plupart d’entre elles sont d’origine thermique pas à la lésion.

Médecine d’urgence 11
25-010-C-20 ¶ Gestes de secourisme en urgence

En cas d’accident traumatique, le médecin peut utiliser les

“ Conduite à tenir
. techniques de premiers secours décrites ci-après en attendant la
prise en charge par des équipes adaptées (Fig. 15).

La conduite à tenir immédiate face à une brûlure grave


consiste à arroser la surface brûlée, à évaluer la gravité, à Traumatisme suspecté du rachis cervical
lutter contre l’hypothermie et à surveiller la victime en
attendant le transfert hospitalier. Chez le patient suspect d’un traumatisme du rachis cervical,
il convient de caler la tête de celui-ci. La technique consiste à
placer les mains de chaque côté de la face, les avants-bras posés
à terre ou sur les genoux de façon à éviter la fatigue musculaire.

Cas particuliers
Brûlures électriques Traumatisme du thorax
Les brûlures électriques sont moins fréquentes que les Devant un traumatisme du thorax le patient conscient est
brûlures thermiques, mais elles présentent plusieurs spécificités. positionné en semi-assis, pour permettre, par déclivité d’un
L’agent électrique est considéré comme grave d’emblée. éventuel hémothorax, la ventilation des sommets pulmonaires
Le risque principal est, en effet, la survenue de troubles du (Fig. 16).
rythme cardiaque allant jusqu’à l’arrêt cardiorespiratoire. [47] Au Le patient inconscient suspect de traumatisme thoracique est
niveau du point d’entrée du courant, la brûlure présente un placé en position latérale de sécurité du coté traumatisé.
aspect de troisième degré, le courant traverse ensuite une
Cas particulier des plaies thoraciques : il convient dans ce cas
portion du corps, jusqu’au point de sortie qu’il faut systémati-
quement rechercher. La brûlure peut résulter d’un courant à bas de ne pas pratiquer de pansement occlusif, que la plaie appa-
ou à haut voltage, inférieur ou supérieur à 1 000 V. [48] raisse soufflante ou non. En effet, en cas d’atteinte pleurale
Les facteurs qui déterminent la nature et la sévérité des sous-jacente, l’occlusion entraîne un phénomène de « trappage »
dommages sont : l’importance de l’énergie délivrée, le voltage, de l’air et peut ainsi provoquer un pneumothorax rapidement
le type de courant, la durée du contact. Le courant à haute compressif aggravant par là même l’état du patient.
tension provoque les accidents les plus sérieux, mais le courant
à basse tension entraîne parfois la mort.
Les premiers gestes de secours débutent toujours par protéger
la zone, couper la source du courant, ou alerter les autorités
Traumatismes abdominaux
compétentes (la sécurité dans une entreprise). La victime n’est Devant un traumatisme abdominal ouvert ou fermé, le
approchée que si la source de courant est maîtrisée. Le bilan patient algique peut être soulagé par un geste simple. Il suffit de
initial conditionnera la prise en charge médicale ultérieure. Les le positionner cuisses fléchies pour détendre la sangle abdomi-
brûlures des points d’entrée et de sortie seront couvertes. Toute nale (Fig. 17). [55]
victime d’un accident électrique sera hospitalisée pour un bilan
clinique avec électrocardiogramme.

Brûlures chimiques Traumatisme du membre supérieur


La conduite à tenir est similaire à celle des brûlures thermi- Le principe de prise en charge consiste à décharger les
ques en dehors du temps d’arrosage qui sera prolongé. L’arro- articulations du membre atteint. En l’absence de matériel
sage prolongé permet, par effet de dilution, de lutter contre la d’immobilisation, l’utilisation d’un vêtement (chemise ou
diffusion du produit au travers des diverses couches cuta- veste...) est possible. Le vêtement est retourné et maintenu par
nées. [49, 50] Si l’arrosage est trop court, le produit progresse en une épingle de sûreté ou un lien (cravate, foulard...) (Fig. 18).
profondeur et aggrave les lésions.
Les articulations du poignet et du coude sont ainsi mainte-
Il faut toujours penser à ôter les vêtements imbibés de
nues et le membre supérieur est placé coude au corps. La main
produit chimique quand ils ne sont pas adhérents à la peau.
est placée en supination les doigts étant apparents pour
surveiller l’apparition de troubles vasculonerveux d’aval. En cas
Brûlures de l’enfant
de luxation d’épaule, cette technique n’est pas applicable. [56]
La conduite à tenir est semblable à celle de l’adulte mais le
terrain confère un critère de gravité à toute brûlure survenant
chez l’enfant. De plus, l’étendue est considérée comme grave à
partir de 5 % contre 10 % chez l’adulte. [51, 52] Traumatologie du membre inférieur
En dehors des traumatismes du pied, seul le calage du
Brûlures oculaires membre est recommandé en attendant la position d’une attelle
Toute brûlure oculaire nécessite une consultation spécialisée par une équipe de secours.
en urgence, et les premiers gestes consistent à rincer abondam-
ment les yeux et ce d’autant plus que l’agent est chimique, puis
la victime est allongée les yeux fermés, éventuellement recou-
verts de compresses stériles humides. [53, 54] Atteinte des tissus mous
Les gestes de secourisme en cas de brûlures sont simples à Les atteintes fermées des tissus mous comprennent les
réaliser et leurs bénéfices ont largement fait leurs preuves. entorses et les contusions musculaires. Le principe de base pour
les premiers secours lors de lésion des tissus mous est de
diminuer l’hémorragie, l’œdème et la douleur.
■ Traumatologie musculaire De nombreuses études chez l’être humain ont montré que
et osseuse l’application de glace est efficace pour réduire la douleur et la
durée d’inflammation (classe 2 A). [57, 58] La meilleure façon
Les entorses et fractures représentent 26 % des lésions pour appliquer de la glace est d’utiliser un sac plastique, les
consécutives à un accident de la vie courante. [9] packs de gel réfrigérés semblent moins efficaces. [59]

12 Médecine d’urgence
Gestes de secourisme en urgence ¶ 25-010-C-20

Figure 15. Arbre décisionnel. Prise en


charge du patient traumatisé. MCE : massage
Protection cardiaque externe ; PLS : position latérale de
Balisage sécurité.

Bilan visuel

Oui Hémorragie
Allongé
± jambes
Non surélevées

Stopper Conscience Oui Oui

Non Détresse Non Détresse


ventilatoire circulatoire

Oui Ventilation Oui Non

PLS Non Semi-assis Non Rachis

2 insufflations
Membres
Thorax Oui
Oui Pouls Non Bassin

Immobilisation
Insufflations Insufflations Non
MCE

Petits soins,
pansements

Figure 16. Position d’attente : traumatisé du thorax. Figure 17. Position d’attente : traumatisé de l’abdomen.

Pour éviter une lésion liée au froid sur la peau, il est préféra- ■ Conclusion
ble de limiter l’application de glace à 20 minutes.
Il convient d’éviter l’application de chaleur et les bandes Les gestes décrits dans cet article permettront au médecin
compressives dans un premier temps car, à l’inverse de la isolé d’attendre le renfort par une équipe envoyée par le Samu,
cryothérapie, l’application de chaleur augmente le débit et la prise en charge du patient par des techniques adaptées de
sanguin, la formation d’hématome, et la réponse réanimation.
inflammatoire. [60] Le médecin isolé reste un professionnel de santé et est donc
un premier maillon privilégié de la chaîne des secours. Il est, de
La compression des lésions des tissus mous fermées par une plus, pour les secouristes (pompiers, associatifs, ambulanciers...),
bande circulaire élastique déclenche en amont la formation un référent en matière de santé et de premiers secours.
d’un œdème (classe indéterminée). Pour toutes ces raisons, la simple lecture de cet article ne
Il faut toujours suspecter une fracture osseuse lors de lésion pourrait suffire à l’enseignement de ces méthodes. Nous
des extrémités. conseillons à nos confrères de mettre en pratique ces gestes en

Médecine d’urgence 13
25-010-C-20 ¶ Gestes de secourisme en urgence

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J.-M. Agostinucci, Praticien hospitalier (jean-marc.agostinucci@avc.aphp-paris.fr).


Samu 93, hôpital Avicenne, 125, rue de Stalingrad, 93009 Bobigny cedex, France.
P. Bertrand.
Croix-Rouge Française, 98, rue Didot, 75014 Paris, France.
V. Surget.
Urgences Médicales de Paris, 15, rue Jean-Baptiste Berlier, 75013 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Agostinucci J.-M., Bertrand P., Surget V. Gestes de secourisme en urgence. EMC (Elsevier Masson SAS,
Paris), Médecine d’urgence, 25-010-C-20, 2007.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos / Documents Information Informations Auto-
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

Médecine d’urgence 15
¶ 25-010-C-30

Mise en condition d’un patient grave


en vue de son évacuation terrestre
ou héliportée
J.-S. David, O. Capel, O. Peguet, P. Petit, P.-Y. Gueugniaud

La prise en charge préhospitalière d’un patient a pour objectifs de traiter les détresses vitales, d’initier le
traitement d’une pathologie, de trier et d’orienter les patients sur la structure la plus adaptée, et d’assurer
le transport du patient. L’objectif de cet article est de préciser les caractéristiques du transport par voie
terrestre et héliportée mais également celles de la mise en condition initiale des patients. Enfin, nous
aborderons successivement la prise en charge des polytraumatisés, des détresses respiratoires,
cardiologiques et neurologiques.
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Mots clés : Réanimation préhospitalière ; SAMU ; Transport ; Polytraumatisé ; Détresse circulatoire ;


Détresse respiratoire ; Détresse neurologique

Plan L’ensemble de ces contraintes justifie la prise en charge de ces


patients graves par des services mobiles d’urgence et de réanimation
(SMUR). On distingue deux catégories de transport SMUR :
¶ Introduction 1
• Les transports primaires assurent l’acheminement de patients
¶ Contraintes liées aux circonstances 1 préalablement non hospitalisés vers la structure hospitalière
Lors d’un transfert primaire 1 la plus adaptée à leur prise en charge ;
Lors d’un transfert intra- ou interhospitalier 2 • Les transports secondaires intrahospitaliers ou interhospita-
¶ Contraintes liées au transport 2 liers permettent d’amener les patients vers une structure de
Différents modes de transport 2 soins mieux adaptée à leur état clinique ou vers un plateau
Effets du transport 2 technique où pourront être réalisés certains gestes chirurgi-
Conséquences générales 3 caux ou examens paracliniques spécifiques, tout en assurant
¶ Modalités d’organisation et de réalisation 4 la continuité des soins ainsi qu’une surveillance rapprochée.
Organisation 4
Réalisation pratique 5
¶ Cas particuliers
Prise en charge du polytraumatisé
Prise en charge d’une détresse respiratoire
6
6
12
“ Points forts
Prise en charge d’une détresse cardiogénique 12 En France, le système des SAMU-SMUR permet d’assurer
Prise en charge d’une détresse neurologique 16 un haut niveau de prise en charge médicale des urgences
¶ Conclusion 20 préhospitalières.

■ Introduction ■ Contraintes liées


Le transport d’un patient présentant une pathologie grave
aux circonstances
représente une situation à risque qu’il convient d’évaluer au
mieux avant de décider un transfert. Les risques du transport
Lors d’un transfert primaire
paraissent faibles, ils sont évalués à 5 % et semblent être plus La prise en charge extrahospitalière du patient peut être liée
en relation avec l’état clinique et la difficulté de réaliser des à un certain nombre de contraintes. Ainsi, l’environnement est
soins qu’avec le transport et la mobilisation du patient [1]. La parfois hostile (mauvaises conditions météorologiques, terrain
mise en condition initiale du patient va permettre d’assurer le accidenté, etc.) et l’accès au patient peut être difficile, en
transport dans des conditions optimales de sécurité et doit particulier lorsque celui-ci est incarcéré comme lors d’un
remplir trois types d’objectifs : rétablissement et maintien des accident de la voie publique. La présence fréquente de témoins
grandes fonctions physiologiques (hémodynamique, respiratoire peut gêner la prise en charge du patient mais peut aussi
et neurologique), prévention ou traitement d’une aggravation apporter des renseignements importants, en particulier sur les
de l’état clinique du patient et prévention ou traitement des circonstances de l’accident. L’anamnèse est en effet souvent
conséquences du transport (douleurs, stress, etc.). Enfin, difficile à connaître, en particulier lorsque la gravité de l’état du
l’expérience et la formation du médecin, ainsi que le type de patient ne permet pas un interrogatoire direct. Elle doit cepen-
matériels devront être adaptés à chaque type de transport [1]. dant être établie le plus précisément possible dans la mesure où

Médecine d’urgence 1
25-010-C-30 ¶ Mise en condition d’un patient grave en vue de son évacuation terrestre ou héliportée

il peut exister des associations lésionnelles avec le mécanisme la pathologie qui motive le transfert au bloc opératoire (choc
d’un traumatisme (décélération forte et rupture de l’isthme de hémorragique) comme en postopératoire. En sortie de bloc, le
l’aorte) [2]. Après avoir identifié la ou les détresses vitales, débuté transfert se fait donc, au mieux, après un passage en salle de
un traitement urgent et défini une ligne de conduite, l’examen surveillance postopératoire (SSPO). Le patient peut, à cette
clinique du patient est réalisé. Il est le plus complet possible et occasion, être réchauffé et, en l’absence d’indication de
doit être répété durant la prise en charge afin d’apprécier ventilation prolongée, réveillé et extubé.
l’évolution de la situation clinique. La mise sous monitorage
électrocardiographique (ECG), les mesures d’oxymétrie pulsée et
de capnométrie sont actuellement couramment utilisées, ainsi ■ Contraintes liées au transport
que les mesures de glycémie capillaire et de l’hémoglobinémie
par microméthode (Hemocue®). Lors de la prise en charge d’un Différents modes de transport
patient retrouvé inconscient à son domicile, le diagnostic
d’intoxication au monoxyde de carbone (CO) peut être étayé Les moyens terrestres sont représentés par les différents types
par la mesure de CO dans l’air ambiant ou par la saturation de véhicules sanitaires (Fig. 1) : unité mobile hospitalière
transcutanée en CO (Rad57™, Massimo, Irvine, CA, États- (UMH), véhicules de secours aux asphyxiés et victimes des
Unis). Un bilan médical doit être transmis le plus rapidement pompiers (VSAV), enfin ambulances privées.
possible au médecin régulateur. L’orientation du patient est Les moyens aériens comprennent l’hélicoptère et l’avion lors
ensuite décidée conjointement entre les deux médecins et doit des transferts interhospitaliers de longue distance.
tenir compte de la pathologie présentée par le patient et des Le choix du moyen de transport se fait en fonction de la
capacités d’accueil locales. Les décisions thérapeutiques sont distance du trajet (> 40 km), de la topographie de la zone
guidées en premier lieu par la nécessité de traitement des d’intervention (montagne/mer), du type de vecteur aérien
détresses vitales afin de stabiliser l’état du patient et, si possible, (Alouette III versus EC 145 : rayon d’action et volume cabine
de l’améliorer avant le transport. Ce traitement est essentielle- très différent), des conditions météorologiques et, enfin, du type
ment symptomatique lors de la prise en charge extrahospita- de pathologie [11]. Il semble que les pathologies ou terrains
lière. Il est fondé sur le rétablissement d’une fonction médicaux qui bénéficient le plus du transport héliporté soient :
respiratoire correcte et le contrôle des voies aériennes supérieu- le polytraumatisé (injury severity score > 16) [12], le traumatisé
res (les indications d’intubation trachéale et de ventilation crânien [13] , l’enfant traumatisé [14] , la néonatologie [15] et
assistée sont relativement larges chez un patient dans un état l’obstétrique [16]. À l’opposé, il a été suggéré que le transport
grave et qui doit être transporté). La fonction circulatoire est héliporté puisse être responsable d’une aggravation des lésions
optimisée par le remplissage vasculaire et/ou par l’administra- chez les patients présentant une pathologie coronaire [17], qui
tion de substances vasoactives. L’urgence du transport doit être pourrait être en relation avec une augmentation de la sécrétion
évaluée afin d’éviter toute perte de temps pour la réalisation de catécholamine liée au stress généré par le vol [18]. En fait, ces
d’un geste thérapeutique comme l’hémostase d’une lésion travaux soulignent l’importance de prévenir la survenue du
hémorragique. Le moyen de transport par ambulance ou par stress lié au vol par l’utilisation au besoin de benzodiazépine.
hélicoptère est choisi en fonction de l’urgence du transport, de L’utilisation de l’hélicoptère reste très intéressante dans cette
sa durée, de l’orientation du patient mais également des indication car elle permet d’acheminer au plus vite le patient
conditions météorologiques. Dans le cadre d’une prise en charge vers une unité spécialisée en vue d’une revascularisation
par des SMUR de centres hospitaliers généraux, si l’état du précoce [19].
patient le nécessite (traumatisme sévère...) et en fonction des
capacités hospitalières locales, il est parfois fait appel au SAMU Effets du transport
de centre hospitalier universitaire (CHU) afin d’orienter ces
patients rapidement sur une structure adaptée (notion de Mobilisation
primo-transfert ou jonction sur le terrain). Dans ce cadre, la
Les changements de position d’un patient influencent la
mise en place de réseau de soins est particulièrement intéres-
répartition du volume sanguin circulant et sont susceptibles
sante, en particulier dans les domaines de la néonatologie, de
d’entraîner ou d’aggraver une instabilité hémodynamique,
la traumatologie et des pathologies vasculaires cérébrales.
d’autant plus que le déficit volémique est important. Par
ailleurs, la mobilisation ou un défaut d’immobilisation, en plus
Lors d’un transfert intra- ou interhospitalier d’accentuer les phénomènes douloureux, peut avoir des effets
L’objectif de la médicalisation de ce type de transport est particulièrement délétères, spécialement dans un contexte
d’assurer, en plus de la continuité des soins, une surveillance traumatologique, avec une augmentation des risques de com-
continue des patients. Il existe trois types principaux de pression nerveuse ou vasculaire, d’embolie graisseuse (fracture
transfert : diaphysaire mal immobilisée), ou d’aggravation d’un déficit
• transport vers une unité de réanimation d’un patient déjà neurologique lié à un traumatisme rachidien.
hospitalisé dans un autre service et dont l’état s’aggrave ou
d’un patient admis aux urgences dans un état grave. La prise Accélérations. Décélérations
en charge de ce type de patient peut parfois s’apparenter à la
prise en charge préhospitalière avec nécessité d’une phase de Elles sont de type longitudinal, latéral ou vertical. Un patient
stabilisation avant le transport ; allongé perçoit surtout les accélérations longitudinales et
• transport depuis le service de réanimation vers un plateau
technique pour un examen à visée diagnostique. Ce type de
transport, très fréquent, n’est pas anodin pour autant et des
complications sont fréquemment rencontrées [3-8]. Il faut alors
peser soigneusement le rapport entre le bénéfice attendu et le
risque que l’on fait courir au patient en sachant que dans
seulement 20 à 40 % des cas, des modifications thérapeuti-
ques vont suivre le transfert interhospitalier (TIH) [9, 10]. Les
risques sont en partie liés à la longue durée des déplacements,
à l’inadaptation des sites et du personnel technique pour le
monitorage et la surveillance, ainsi qu’aux difficultés d’accès
au patient en cas d’incident. Un patient dont l’état clinique
reste instable nécessite que l’équipe de SMUR reste sur place
pendant la réalisation de l’examen ;
• transport en provenance de ou vers un bloc opératoire. Il
s’agit d’un transport à risque, en préopératoire en raison de Figure 1. Centre de réception et de régulation des appels (CRRA).

2 Médecine d’urgence
Mise en condition d’un patient grave en vue de son évacuation terrestre ou héliportée ¶ 25-010-C-30

latérales. Lors du transport terrestre, ces accélérations peuvent Neurologiques


être importantes, en particulier lors de freinage (0,6 à 1,85 g) ou Le transport peut être responsable d’une aggravation des
dans les virages (0,4 g). Elles sont plus importantes lorsque le lésions du système nerveux lors d’un traumatisme rachidien ou
transport se fait à haute vitesse (70 km/h de moyenne) avec lors d’un traumatisme crânien grave [8, 25, 26]. L’aggravation des
accélération et freinage, que lorsqu’il s’effectue à vitesse lésions neurologiques rachidiennes se rencontre essentiellement
régulière (40 km/h), et peuvent être alors responsables de à l’occasion des manipulations (ramassage, brancardage, etc.)
variations significatives de la fréquence cardiaque et de la alors que l’aggravation des lésions neurologiques cérébrales est
pression artérielle [20]. Lors d’un transport héliporté, les accélé- en relation avec un défaut de ventilation, un défaut de sédation
rations verticales sont faibles et n’ont pas de répercussion ou une hypoperfusion cérébrale. Chez des patients présentant
hémodynamique. un traumatisme crânien sévère, à leur arrivée en salle de
déchocage, Gentelman et al. retrouvent une hypoxie dans 22 %
Vibrations des cas alors que David et al. retrouvent respectivement une
hypercapnie ou une hypocapnie profonde chez 43 et 38 %
Les vibrations mécaniques qui sont générées par le moteur ou
d’entre eux [27, 28]. Ces anomalies étaient essentiellement en
par le contact du véhicule avec le sol sont caractérisées par leur
relation avec un défaut de ventilation (sur- ou sous-estimation
fréquence. Les basses fréquences correspondent aux bornes de
des besoins) ou un défaut de sédation. La fréquence et l’impor-
résonance du corps humain (12 Hz pour la colonne vertébrale,
tance du retentissement de ces lésions cérébrales secondaires
6 Hz pour le cœur, 60 à 90 Hz pour le globe oculaire) [21]. Ces
induites par des modifications hémodynamiques ou respiratoires
vibrations sont la source de trépidations qui vont gêner la
lors du transport des patients ont été bien décrites par Gentel-
surveillance du patient (parasites au niveau du monitorage, gêne
man et Jennet [27]. L’utilisation de la capnographie permettrait
pour réitérer l’examen clinique) ou la réalisation d’un geste
de mieux adapter la ventilation lors de la prise en charge des
éventuel. Elles peuvent être la source de chute de matériel mal
traumatisés crâniens sévères [29]. Cependant, il a également été
fixé dans la cabine sanitaire, de déplacement de cathéter, voire
montré que le gradient entre la PaCO2 et l’EtCO2 était non
de la sonde d’intubation. La nécessité absolue d’une bonne
prévisible et variable dans le temps [30].
fixation de tous les éléments de surveillance et de traitement du
patient n’est donc pas une vue de l’esprit. Les vibrations Thermiques
mécaniques peuvent également induire une mobilisation, voire
Le brûlé, le polytraumatisé, l’enfant, a fortiori s’il est préma-
un déplacement des foyers de fracture mal immobilisés et
turé, sont particulièrement sensibles à l’hypothermie [31] .
augmenter ainsi les phénomènes douloureux. Elles sont parti-
Celle-ci peut être présente lors de la prise en charge ou apparaî-
culièrement dangereuses lors d’une plaie oculaire, avec un
tre lors du transport [32]. Elle sera alors liée à une absence de
risque accru d’issue du contenu de l’œil. Les vibrations étant
protection thermique ou à la perfusion de solutés de remplis-
maximales lors d’un transport héliporté, ce vecteur n’est pas
sage non réchauffés. L’hypothermie est délétère car elle est
indiqué lors des plaies pénétrantes de l’œil.
responsable de troubles multiples parmi lesquels des troubles
hémodynamiques ou rythmiques, infectieux, de coagulation ou
Conséquences générales métaboliques [33]. Elle est responsable d’une mortalité et d’une
morbidité accrues.
Sur le patient
Conséquences digestives
Conséquences hémodynamiques
Leur fréquence est difficile à évaluer. Elles sont représentées
Les modifications hémodynamiques sont les modifications les par les nausées et les vomissements lors du transport terrestre et
plus fréquentes lors du transport de patient dans un état grave. par les phénomènes de dilatation des gaz digestifs lors du
Elles sont liées à l’état hémodynamique mais également à transport aérien (dysbarisme). Leur prévention passe par la mise
l’excès ou au défaut d’analgésie et de sédation des patients. La en place d’une sonde nasogastrique et/ou la prise
fréquence des modifications hémodynamiques liées au transport d’antiémétique.
est très variable d’une étude à l’autre, en fonction des critères
retenus d’une part, et de l’état de santé sous-jacent du patient
d’autre part. Szem et al. [22] ont retrouvé une fréquence de
5,9 % de complications lors de transports intrahospitaliers, dont
41 % d’origine hémodynamique, et 16 % d’hypotensions,
nécessitant une intervention médicale. Pour Bellinger et al. [23],
“ Points forts
lors du transport de patient présentant un infarctus du myo- Les transferts intra- ou interhospitaliers représentent une
carde, une hypotension artérielle était la complication la plus situation à risque où il importe d’assurer la continuité des
fréquemment retrouvée, devant les blocs auriculoventriculaires soins.
du 3e degré et les tachycardies ventriculaires non soutenues.
Des complications sont fréquemment observées et sont
Conséquences respiratoires surtout d’origines cardiovasculaire, respiratoire ou en
relation avec une dysfonction du matériel.
Les modifications respiratoires survenant lors du transport de
patients sont liées au contrôle des voies aériennes supérieures et Un monitorage multiparamétrique doit être prévu.
sont en relation avec une aggravation de la fonction ventila- Une équipe et du matériel adapté doivent permettre
toire, une ventilation inadéquate ou un défaut de sédation du d’assurer le transfert dans les meilleures conditions de
patient. Lorsqu’elles sont liées au contrôle des voies aériennes, sécurité.
il peut s’agir d’un patient non intubé dont la fonction ventila-
toire se dégrade en cours de transfert ou d’un patient intubé et
ventilé, avec une obstruction ou un déplacement de la sonde
d’intubation, voire une extubation. La difficulté vient alors des
Conditions de surveillance et de soins
conditions dans lesquelles le patient doit être éventuellement La surveillance et les soins dont bénéficie le patient doivent
(ré)intubé. Les problèmes ventilatoires vrais sont également très être de qualité équivalente à ce qu’ils seraient en service de
fréquents. Waydhas et al. ont observé, lors de 49 transports réanimation et ce, malgré un environnement parfois défavora-
intrahospitaliers, une diminution du rapport PaO2/FiO2 chez ble. Cela impose la présence d’un matériel d’anesthésie-
84 % des patients [4]. Actuellement, les modifications respiratoi- réanimation et de surveillance prévu pour le transport
res en cours de transport sont plus rapidement mises en (Tableau 1) (Fig. 1). Ce matériel doit permettre de réaliser une
évidence grâce à la surveillance de la saturation périphérique en intubation endotrachéale, la ventilation du patient, la mise en
oxygène (SpO2) et la mesure de CO2 expiré (PeTCO2) par la place d’une perfusion intraveineuse ou d’un drainage pleural,
capnographie [24]. enfin d’administrer des médicaments d’urgence.

Médecine d’urgence 3
25-010-C-30 ¶ Mise en condition d’un patient grave en vue de son évacuation terrestre ou héliportée

Tableau 1.
Matériels de base d’un moyen de transport adulte.
Matériels de base
Électrocardioscope avec enregistreur de tracé ECG, défibrillateur, mesure
non invasive de la pression artérielle, oxymètre de pouls, capnographe
Dispositif d’entraînement électrosystolique externe
Matériels d’abord vasculaire périphérique et central
Dispositifs de perfusion à débit continu, accélérateur de perfusions
(« blood-pump »)
Pantalon antichoc
Matériels de drainage pleural, valve antiretour
Matériels d’intubation trachéale, mandrin, kit de minitrachéotomie
Respirateur de transport avec alarme de débranchement et mesure de la Figure 2. Ventilation non invasive au masque facial à l’aide d’un respi-
spirométrie, insufflateur manuel de secours, aspirateur de mucosités rateur de type Savina® (Draeger) au cours d’un transfert interhospitalier.
Sources d’oxygène
Brancard adapté avec matelas à dépression (« coquille »), dispositifs
d’immobilisation cervicale ou d’immobilisation de membres
Appareil de mesure de la température, de la glycémie, de l’hémoglobine
ou de l’hématocrite
Matériels optionnels
Surveillance d’une pression artérielle sanglante
Surveillance d’une sonde de Swan-Ganz
Respirateur de réanimation (Savina®, Draeger) (Fig. 1)
Kit d’intubation difficile (fibroscope bronchique, masque laryngé...)

■ Modalités d’organisation
et de réalisation
Figure 3. Unité mobile hospitalière (UMH).
Organisation
Moyens
La loi n° 86-11 du 6 janvier 1986 définit l’aide médicale
urgente comme une organisation qui a pour objet de faire assurer
aux patients, blessés et parturientes, en quelque endroit qu’ils se
trouvent, les soins d’urgence appropriés à leur état. De plus est
créé le centre de réception et régulation des appels (CRRA).
Le décret n° 87-1005 du 16 décembre 1987 précise les
missions du service d’aide médicale d’urgence (SAMU) :
• assurer une écoute médicale permanente ;
• déterminer et déclencher, dans le délai le plus bref, la réponse
la mieux adaptée à la nature des appels ;
• s’assurer de la disponibilité des moyens d’hospitalisation
publics ou privés adaptés à l’état du patient, compte tenu du
respect du libre choix, et faire préparer son accueil ; Figure 4. Hélicoptère de type EC135 dédié aux transports sanitaires.
• organiser, le cas échéant, le transport dans un établissement
public ou privé, en faisant appel à un service public ou à une de régulation médicale (PARM). Celui-ci doit obtenir les coor-
entreprise privée de transport sanitaire ; données de l’appelant. Si l’objet de l’appel est une demande de
• veiller à l’admission du patient ; renseignement simple, non directement médicale, le PARM peut
• participer à des tâches d’éducation sanitaire, de prévention et y répondre seul. Dans les autres cas, l’appel est transféré au
de recherche. médecin régulateur, anesthésiste-réanimateur ou urgentiste du
Le même décret met en place pour les CRRA un numéro SAMU. Pour les centres recevant un important flux d’appels, la
d’appel téléphonique unique, le 15. régulation médicale peut être organisée en deux pôles :
Le décret n° 97-620 du 30 mai 1997 stipule que le médecin • un pôle de médecine libérale, répondant aux demandes de
d’une équipe de SMUR doit être thésé (ou, pour les internes de conseils médicaux ou aux urgences médicales relatives,
spécialité, avoir validé quatre semestres) et doit avoir acquis une pouvant faire proposer une consultation au cabinet du
formation à la prise en charge des urgences, soit par une médecin traitant, une consultation à domicile par un méde-
qualification universitaire (capacité de médecine d’urgence ou cin de garde ou faisant partie d’une association privée de
diplôme d’études spécialisées complémentaires [DESC] de médecins urgentistes, ou l’envoi d’une ambulance privée pour
médecine d’urgence), soit par une expérience professionnelle assurer le transport vers un service d’accueil des urgences ;
d’au moins 1 an dans le domaine de l’urgence et de la réani- • un pôle de médecine hospitalière pour tous les cas justifiant
mation. De plus, pour les interventions du SMUR qui requièrent a priori d’une réponse urgente de type SMUR ou pour toutes
l’utilisation de techniques de réanimation, l’équipe doit com- les demandes de transferts intra- ou extrahospitaliers de
porter au moins trois personnes, dont le responsable médical de patients.
l’intervention et un infirmier. Il peut être fait appel aux pompiers par une demande d’envoi
d’un VSAV, dans le cadre d’urgences nécessitant des « prompts
Régulation secours », a fortiori pour les urgences sur la voie publique.
Les interventions des SMUR sont déclenchées et coordonnées Le médecin régulateur participe à la décision de transport,
par le CRRA du SAMU (Fig. 2). Lorsqu’un appel est reçu par le choisit le vecteur de transport le plus adapté à l’état du patient
CRRA, le premier interlocuteur est un permanencier auxiliaire (Fig. 3, 4), vérifie et assure la bonne coordination entre les

4 Médecine d’urgence
Mise en condition d’un patient grave en vue de son évacuation terrestre ou héliportée ¶ 25-010-C-30

différents intervenants : le service d’origine (cas d’un transfert), L’anamnèse peut orienter sur une cause neurologique primitive
le service de destination du patient et, enfin, l’équipe médicale telle qu’une crise convulsive ou un état de mal, un accident
du SMUR. Cette dernière tient le CRRA informé du déroulement vasculaire cérébral.
de l’intervention. Les critères de décision pour l’envoi d’une L’examen clinique est orienté en fonction du type de patho-
équipe du SMUR concernent l’état du patient et les conditions logie présentée par le patient :
éventuelles du transport (distance, moyen de transport). La • auscultation soigneuse du cœur et des gros vaisseaux, mesure
réponse médicale doit être graduée, appropriée au type de la pression artérielle aux quatre membres, recherche des
d’urgence et au niveau de gravité estimé. Tout patient dans un pouls périphériques, ECG en cas de suspicion de pathologie
état grave ou susceptible de s’aggraver du fait de sa pathologie cardiovasculaire ;
et/ou du transport doit pouvoir bénéficier de soins de réanima- • auscultation des champs pulmonaires, percussion, recherche
tion adaptés à son état lors de son transfert. Sont concernés les d’un hippocratisme digital si une pathologie pulmonaire est
patients ayant une détresse vitale avérée ou potentielle, un suspectée ;
risque fonctionnel avéré ou potentiel, associés ou non à des • mesure du score de Glasgow, examen des pupilles et des
douleurs nécessitant une prise en charge spécifique. La décision paires crâniennes, recherche de déficit sensitivomoteur ou de
d’un transport intra- ou interhospitalier doit être justifiée au signes méningés si une pathologie neurologique est suspec-
regard du bénéfice attendu par rapport au risque potentiel du tée ;
transport. Le bénéfice attendu peut être lié à des moyens de • mesure de la température.
surveillance et de traitement plus adaptés à l’état du patient, à L’examen de l’abdomen peut être motivé par l’existence
l’existence d’un plateau technique de haute technologie per- d’une douleur spontanée ; il est systématique dans un contexte
mettant d’affiner un diagnostic, ou à une meilleure capacité de traumatologique. Enfin, dans le cadre de la traumatologie, le
l’équipe médicale du service d’accueil à poursuivre la prise en massif facial, le bassin et les membres seront soigneusement
charge du patient. Ces conditions sont fréquemment réunies inspectés. S’il existe une fracture, la recherche de complications
dans le cadre du transfert de patient des hôpitaux de proximité à type de compression vasculaire ou nerveuse est systématique.
vers les centres hospitaliers universitaires. Le transfert se fait À l’issue de l’examen clinique, une synthèse rapide permet
alors dans des délais qui dépendent d’une part de son urgence d’appréhender la physiopathologie ou le mécanisme lésionnel,
et, d’autre part de la disponibilité des moyens nécessaires, ainsi que l’état de gravité du patient. L’installation du monito-
moyens qui doivent être mobilisés en priorité pour des urgences rage se fera de manière concomitante à l’examen clinique.
préhospitalières. La notion de chaîne de soins est primordiale : Au niveau thérapeutique, les détresses vitales seront bien
il ne doit pas y avoir d’hiatus dans la surveillance et le suivi évidemment traitées en priorité. L’objectif est de stabiliser, voire
médical de ces patients. Aussi, la transmission du dossier et des d’améliorer l’état du patient avant le transport. Si seul un
traitement chirurgical urgent est susceptible d’améliorer la
consignes doit être systématique et rigoureuse, que ce soit au
symptomatologie, il convient de ne pas perdre de temps lors de
départ du service d’origine ou à l’arrivée dans le service de
la prise en charge : l’objectif de la réanimation initiale se limite
destination.
à la stabilisation du patient ou au minimum à l’obtention d’un
état permettant le transport jusqu’au bloc opératoire le plus
Réalisation pratique proche. La pose d’une voie veineuse périphérique de bon calibre
est systématique chez le patient dans un état grave et qui doit
Mise en condition avant le transport être transporté. Au niveau respiratoire, les indications d’intuba-
Prise en charge préhospitalière (intervention tion trachéale et de ventilation assistée sont larges en raison du
de type primaire) risque d’aggravation de l’état respiratoire au cours du transport.
La sédation et l’analgésie sont adaptées avant que ne débute le
Dès l’arrivée de l’équipe SMUR auprès du patient, l’examen transport, en particulier dans les contextes traumatiques.
du patient est la première des tâches que le médecin va effec- L’installation du patient pour le transport doit être soigneuse.
tuer. Il s’agit d’une étape indispensable à l’évaluation de la Le brancard doit être solidement arrimé dans l’habitacle ; une
situation et au dépistage des détresses médicales. vérification soigneuse de la fixation des voies d’abord veineuses,
Une détresse circulatoire est suspectée devant l’existence des drains et sondes doit être systématique. Le matériel contenu
d’une pâleur, de sueurs abondantes et froides, d’une agitation dans le véhicule doit être solidement attaché. Les médicaments
ou au contraire d’un état stuporeux, d’une augmentation du et solutés de perfusion éventuellement nécessaires doivent être
temps de recoloration capillaire, d’un pouls rapide et filant, à portée de main. Avant le transport, le médecin de l’équipe
d’une pression artérielle effondrée, d’une bradycardie. Les SMUR se met en contact avec le médecin régulateur afin de
circonstances et l’anamnèse recueillies auprès du patient et/ou préciser l’état et l’orientation à donner au patient.
des témoins éventuels, ainsi que l’examen clinique peuvent
orienter le diagnostic étiologique et préciser le mécanisme Prise en charge en vue d’un transport secondaire
physiopathologique : défaillance myocardique primitive ou Le plus souvent, l’état du patient a été stabilisé par l’équipe
secondaire (épanchement péricardique...), choc hypovolémique soignante du service d’origine. Cependant, la prise en charge
(contexte traumatologique ou brûlure importante), choc à peut parfois s’apparenter à une situation extrahospitalière : état
résistance vasculaire effondrée (sepsis, anaphylaxie). du patient s’aggravant dans un service de médecine, découverte
Une détresse respiratoire peut se manifester par une dyspnée fortuite lors d’un examen paraclinique d’une pathologie
avec tachypnée ou bradypnée, des mouvements respiratoires potentiellement grave, etc. Le médecin responsable du patient
volontiers anormaux de faible amplitude ; l’existence d’une transmet le dossier médical et l’observation au médecin qui va
respiration paradoxale (signe d’épuisement). Les signes associés assurer le transport. Ils évaluent ensemble l’état du patient et
fréquemment retrouvés sont une cyanose, des troubles de adaptent les soins en cours, ainsi que les éléments de sur-
conscience pouvant aller de l’agitation au coma, des troubles veillance nécessaires au transport. Les données sont ensuite
hémodynamiques pouvant se manifester par une hyper- ou une transmises au médecin régulateur avant le départ. Seul le
hypotension artérielle systémique. Là encore, les éléments médecin du SMUR assurant le transport a la responsabilité de
anamnestiques, circonstanciels et cliniques permettent de déterminer la faisabilité ou non du transfert, et les soins ou
déterminer ou d’approcher la cause de cette détresse. examens paracliniques éventuellement nécessaires avant celui-ci.
Devant une détresse neurologique, dont la principale mani-
festation est un trouble de la conscience, il convient d’abord Surveillance et soins pendant le transport
d’éliminer les causes secondaires de trouble de la conscience : Pendant le transport, la surveillance doit être absolument
détresse cardiaque, respiratoire, métabolique (hypo- ou hyper- constante et adaptée à l’état du patient. Elle porte sur des
glycémie, insuffisance hépatocellulaire, insuffisance rénale), éléments cliniques et sur le monitorage multimodal du patient.
intoxication ou traumatisme. Une mesure de la glycémie Il ne faut jamais oublier que les conditions du transport sont
capillaire doit également être effectuée le plus vite possible. toujours un élément perturbateur lors de la réalisation d’un

Médecine d’urgence 5
25-010-C-30 ¶ Mise en condition d’un patient grave en vue de son évacuation terrestre ou héliportée

examen clinique ou de gestes de réanimation. Le médecin la seule solution thérapeutique est chirurgicale (hémorragie non
responsable du transport s’attache particulièrement à déceler les contrôlée, hématome extradural), il persiste des situations ou
modifications hémodynamiques, respiratoires et neurologiques une médicalisation préalable au transport pourrait être bénéfi-
liées au transport. Dans certains cas, l’état clinique du patient que au patient (obstruction des voies aériennes, traumatisme
nécessite la mise en place de dispositifs médicaux spécifiques crânien grave) [34-36]. D’une façon générale, la médicalisation
dans un but thérapeutique (ventilation non invasive, drain doit être la plus rapide possible et fondée sur le principe de faire
thoracique, sonde d’entraînement électrosystolique, dérivation ce qu’il y a à faire, sans que cela soit synonyme d’excès
de liquide céphalorachidien, contre-pulsion diastolique intra- thérapeutique ou de perte de temps [35, 37, 38].
aortique, etc.) (Fig. 1) ou de monitorage (pression artérielle
invasive, sonde de Swan-Ganz, capteur de pression intracrâ- Réanimation de « sauvetage »
nienne...). Ces techniques doivent être connues du médecin
Rétablir une ventilation alvéolaire efficace
transporteur ; il doit en connaître les indications, le fonction-
nement et les conduites à tenir en cas de dysfonctionnement. Le premier geste à faire est de s’assurer de la liberté des voies
aériennes et d’oxygéner largement le patient. Les détresses
Transmission à l’accueil hospitalier circulatoires ou respiratoires, les traumatismes crâniens graves,
Lors de l’arrivée du patient dans le service de destination, les gros délabrements maxillofaciaux sont des indications
celui-ci est confié par le médecin transporteur au médecin du d’intubation orotrachéale [34]. Après installation d’un monito-
service qui le prend en charge. La transmission est à la fois rage complet (pression non invasive, électrocardioscope, SpO2),
verbale et écrite et doit se faire de médecin à médecin. Elle mise en place d’une voie veineuse périphérique, préparation du
comporte, d’une part, les éléments anamnestiques et circons- matériel d’aspiration, préoxygénation pendant 3 minutes,
tanciels concernant le patient, ainsi que le type de pathologie l’intubation de la trachée est réalisée par voie orale avec une
présenté, l’examen clinique initial, les gestes thérapeutiques induction de l’anesthésie en séquence rapide [39]. Durant cette
effectués avant et pendant le transport, l’ensemble des paramè- phase, il est indispensable de maintenir la rectitude du rachis.
tres de surveillance notés à intervalles réguliers pendant le Dans certains traumatismes faciaux ou laryngés, une ponction
transfert et le dossier médical du patient. Une transmission des transtrachéale ou une cricothyroïdotomie, à l’aide d’un banal
soins infirmiers peut également être effectuée sous forme orale cathéter veineux (du plus gros calibre possible) ou de dispositifs
et/ou écrite par l’infirmier de l’équipe. L’ambulancier se charge spéciaux (Quicktrach® ou Minitrach II®) peuvent permettre une
de la transmission des renseignements administratifs et du ventilation de sauvetage et une oxygénation temporaire [40]. Un
vestiaire du patient. épanchement thoracique n’est à drainer qu’en cas de mauvaise
tolérance clinique [41].
Prise en charge hémodynamique
■ Cas particuliers
La sous-estimation d’une hémorragie lors de la prise en
charge préhospitalière est très fréquente. Quelques signes
Prise en charge du polytraumatisé cliniques peuvent, dans le contexte, aider au diagnostic, il s’agit
Les polytraumatisés ont constitué la première des raisons qui d’une pâleur des téguments, d’une élévation de la fréquence
ont conduit à la médicalisation des secours en France. cardiaque, d’une hypotension artérielle, d’un temps de recolo-
ration capillaire supérieur à 2 s, de points d’appels hémorragi-
But d’un bilan rapide de la situation avant ques (plaie vasculaire avec saignement extériorisé, défense
les soins abdominale, etc.). Un trouble du comportement peut parfois
accompagner ces signes (agitation, confusion, prostration, etc.).
À son arrivée sur les lieux, le médecin responsable de l’équipe Bien que l’interprétation des chiffres de fréquence cardiaque et
SMUR doit entrer en contact avec le responsable des premiers de pression artérielle reste difficile en préhospitalier (intrication
secours sur place (ou à défaut des témoins) afin de : des pathologies, tares associées et mise en œuvre de mécanismes
• s’assurer en priorité, même si cela est censé avoir été fait, compensateurs), la mesure immédiate de la fréquence cardiaque
qu’il n’y a pas de risque évolutif (suraccident, explosion, et de la pression artérielle reste l’un des premiers gestes à
etc.) ; effectuer : une chute de pression artérielle avec une tachycardie
• dénombrer, selon les circonstances, les victimes et apprécier étant un signe évident d’hypovolémie [42]. Une pression arté-
sommairement leurs gravités apparentes respectives. Ce triage rielle différentielle pincée (< 35 mmHg) est un indicateur de
rapide permet de décider des priorités thérapeutiques, en choc hypovolémique ou cardiogénique [43]. Un effondrement de
répartissant les tâches, et de demander d’éventuels renforts la pression artérielle, témoin d’un dépassement des mécanismes
matériels ou humains ; de compensation, serait le reflet d’une perte sanguine supérieure
• recueillir un minimum d’information permettant d’orienter le à 30 % de la volémie. La présence, dans ce contexte, d’une
bilan lésionnel en fonction des mécanismes du traumatisme bradycardie doit faire évoquer la possibilité d’une bradycardie
(impact direct, indirect, décélération) et de l’état initial (le dite paradoxale, témoin d’une hypovolémie sévère, qu’il est
blessé a-t-il été déplacé ? Quelle était sa position initiale ? impératif de respecter, sous peine de désamorçage de la pompe
Était-il conscient ?). cardiaque. L’atropine est alors strictement contre-indiquée. En
cas d’arrêt cardiorespiratoire, la réanimation suit les mêmes
Stratégie de prise en charge règles que pour un arrêt cardiaque d’origine médicale en plus de
Elle comprend les éléments suivants : la recherche systématique d’un pneumothorax (Fig. 5).
• identifier et traiter les détresses vitales, particulièrement celles Lors d’un état de choc, en particulier hémorragique, l’objectif
qui vont nécessiter un geste chirurgical d’urgence ; de pression artérielle va dépendre de l’association éventuelle à
• effectuer un bilan lésionnel complet « de la tête aux pieds » ; des lésions du système nerveux central mais également du
• lutter contre les facteurs aggravants (douleur, hypother- terrain sur lequel survient le traumatisme (âge, insuffisance
mie...) ; coronaire, etc.) [44]. Alors que chez un sujet jeune, sans antécé-
• décider, en accord avec le médecin régulateur, du lieu et du dents médicaux et en l’absence de traumatisme crânien sévère,
vecteur de transport le plus adapté à l’accueil et au transfert l’objectif de pression artérielle systolique est de 80-90 mmHg
de la victime ; (seuil d’autorégulation des circulations cérébrales et coronai-
• surveiller et poursuivre les soins pendant l’évacuation. res) [42] ; chez les sujets âgés et/ou porteurs d’une myocardiopa-
La controverse demeure entre l’attitude de « scoop and run », thie (ischémique et/ou hypertensive) ou lorsqu’un traumatisme
chère aux Anglo-Saxons, et celle de la médicalisation sur le crânien grave est associé, l’objectif de pression artérielle
terrain, adopté en France. Il semble que l’attitude à adopter systolique devient 110-120 mmHg [44]. De plus, il a été suggéré
dépende étroitement de la pathologie considérée. En effet, alors chez des patients présentant un traumatisme thoracique péné-
que le facteur temps est crucial dans certaines circonstances où trant isolé que la correction complète de l’hypotension par un

6 Médecine d’urgence
Mise en condition d’un patient grave en vue de son évacuation terrestre ou héliportée ¶ 25-010-C-30

Figure 5. Arbre décisionnel. Mécanismes


Plaie du cœur Plaie artérielle Détresse Troubles neurovégétatifs et traitement des arrêts circulatoires trau-
Rupture aorte respiratoire aiguë Traumatisme myocardique matiques.
Désinsertion
gros vaisseaux
- Contusion pulmonaire
- Pneumothorax
- Hémothorax
Tamponnade

Hémorragie massive +++ Anoxie aiguë ++ Trouble du rythme / conduction

Désamorçage Choc Anémie


cardiaque hémorragique aiguë

Hypothermie + Dysfonctionnement
électrique
± mécanique

Asystole Fibrillation ventriculaire Dissociation électromécanique

risque hémorragique par dilution des facteurs de coagula-

“ Mise au point
tion [49]. Ainsi, au-delà de 2 000 ml de soluté de remplissage ou
en cas de vasoplégie précoce, le recours aux catécholamines est
à discuter [42]. La noradrénaline est actuellement le vasopresseur
Prise en charge de l’arrêt cardiaque traumatique le plus utilisé chez le traumatisé [42, 47]. L’apport de produits
• Libération des voies aériennes supérieures (LVA) et sanguins reste relativement rare en préhospitalier. Il a pour
massage cardiaque externe (MCE) objectif d’assurer un transport en oxygène satisfaisant (hémato-
crite entre 25 et 30 %) [50] et une hémostase adéquate (hémato-
• Intubation orotrachéale (IOT), puis ventilation
crite > 25 %, nombre de plaquettes > 50 × 109 l–1, international
mécanique en O2 pur
normalized ratio (INR) < 1,6 et fibrinogène > 1 g l–1) [49, 51].
• Choc électrique externe (CEE) en cas de fibrillation
En situation de choc hémorragique ou plus généralement
ventriculaire (FV) d’hypovolémie sévère, l’instauration d’une ventilation mécani-
• Remplissage vasculaire : macromolécule, sérum salé que est en général proposée pour optimiser le transport d’oxy-
hypertonique gène et réduire la consommation d’oxygène. Cependant, si cela
• Recherche et traitement d’une cause curable ne se discute pas lorsque le patient présente des troubles de
(pneumothorax compressif) => thoracostomie mono- ou conscience sévères et/ou une détresse ventilatoire, la mise sous
bilatérale ventilation mécanique d’un patient très hypovolémique peut
• Adrénaline par bolus de 1 mg avoir des effets hémodynamiques très délétères en relation avec
• Hémostase de lésions hémorragiques (compression, l’application d’une pression positive intrathoracique, qui va
garrot, hémostase à la pince, point d’hémostase) alors constituer un véritable frein au remplissage du ventricule
droit [52]. De plus, sur une grande cohorte de patients en état de
• Pantalon antichocs en cas de traumatisme abdo-
choc hémorragique, il a été montré que la ventilation mécani-
minopelvien
que était susceptible d’aggraver le pronostic [53].
Dans le cas d’un traumatisme sous-diaphragmatique avec
hypovolémie importante, le pantalon antichocs peut être
installé sur le matelas à dépression, sans être gonflé. En cas
soluté cristalloïde pourrait être néfaste [45, 46]. Les traumatismes d’échec des premières mesures thérapeutiques (remplissage,
graves de la face avec hémorragie nasale et/ou buccale (en catécholamines) et de pression artérielle effondrée, il pourra
l’absence de lésions encéphaliques majeures) ainsi que les alors être gonflé, réalisant ainsi une compression du système
fractures de la ceinture pelvienne avec instabilité tensionnelle artériel et veineux sous-diaphragmatique. Les indications du
(en l’absence de lésion thoracoabdominale) justifient de la pantalon antichocs sont représentées par les traumatismes
même attitude thérapeutique lors de la prise en charge ini- abdominaux avec hémorragie incontrôlable, les saignements liés
tiale [47, 48]. à une fracture du bassin ou les hématomes rétropéritonéaux
Cet objectif de remplissage vasculaire est atteint par l’expan- (effet hémostatique) avec choc hémorragique [54-57]. Le gonflage
sion volumique, à base de solutés cristalloïdes et/ou colloïdes. se fait d’abord sur les membres inférieurs (pressions de gonflage
Il n’y a pas d’avantages démontrés des colloïdes par rapport aux 60 à 80 mmHg) puis, en cas de besoin, sur l’abdomen (pressions
cristalloïdes. En tout état de cause, une hémodilution trop de gonflage 40 mmHg). Le pantalon est gonflé après protection
importante est à éviter car elle est susceptible d’augmenter le des voies aériennes supérieures par une intubation de la trachée,

Médecine d’urgence 7
25-010-C-30 ¶ Mise en condition d’un patient grave en vue de son évacuation terrestre ou héliportée

puis mise sous ventilation artificielle [54, 55] . La principale Tableau 2.


contre-indication est représentée par les lésions sus- Mise en conditions standardisée du patient.
diaphragmatiques. Circulation
Prévention et traitement d’une détresse neurologique Monitorage multimodal (FC, SpO2, PNI, EtCO2)
Deux voies d’abord veineuses de gros calibre (14 à 16 G) ± blood-pump
Lors d’un traumatisme crânien (TC), le risque principal est
représenté par l’ischémie cérébrale [58]. Celle-ci est en relation Remplissage vasculaire, cristalloïde et/ou colloïde
avec les lésions primaires dues au traumatisme (hématome Concentrés de globules rouges si hémoglobine < 60-70 g/l
intracrânien, contusion cérébrale...) et peut être aggravée par la Objectif PAS : 90 mmHg (120 mmHg si traumatisme crânien grave, per-
survenue de lésions dites secondaires en relation avec la sonne âgée ou porteuse de myocardiopathie ischémique ou hyperten-
survenue d’agressions d’origine centrale (hypertension intracrâ- sive)
nienne, crise comitiale, etc.) ou systémique (agressions cérébra- Contrôle régulier de l’hémoglobine à l’aide de dispositif de type
les secondaires d’origine systémique [ACSOS] : hypotension Hémocue®
artérielle, hypoxie, hypo- ou hypercapnie, anémie, hyperglycé- Mise en place d’un pantalon antichocs (à gonfler si besoin)
mie.). Les ACSOS doivent être traitées et prévenues lors de la Ventilation
prise en charge préhospitalière [59, 60]. Oxygénation au masque à haute concentration
L’objectif de pression artérielle est de maintenir une pression Intubation après induction en séquence rapide :
artérielle moyenne supérieure à 80 mmHg [61]. Il s’agit d’un
– GCS < 8
objectif prioritaire puisque le débit sanguin cérébral (DSC) et la
– détresse circulatoire ou respiratoire
pression de perfusion cérébrale (PPC) dépendent étroitement de
la pression artérielle moyenne (autorégulation du DSC/PAM). – brûlure étendue (> 40 %) et/ou avec atteinte cervicofaciale
Après le remplissage vasculaire, la noradrénaline est utilisée Ventilation : volume courant de 6 à 10 ml/kg, fréquence respiratoire de
pour atteindre l’objectif de pression. L’osmothérapie par 12 à 16 cycles/min
mannitol 20 % ou sérum salé hypertonique est à réserver aux Objectif : normocapnie et SpO2 > 96 %
situations d’hypertension intracrânienne avec apparition de Analgésie
signes d’engagement cérébraux [62]. La tendance actuelle est Réduction, immobilisation des foyers de fracture
d’augmenter les posologies des bolus de mannitol à 20 % Paracétamol (1 g), titration morphine : bolus de 1 mg/3 min i.v.l.
jusqu’à 1,5 à 3 g kg–1 [63].
Analgésie locorégionale, bloc tronculaire ou plexique, mépivacaïne 2 %
Les indications d’intubation trachéale et de ventilation (maximum : 4-6 mg kg–1). Examen neurologique au préalable +++
mécanique seront larges (score de Glasgow < 8) compte tenu
Prévention, traitement de l’hypothermie
des dangers bien établis de l’hypoxémie et de l’hypercapnie
mais également du risque de régurgitation et de pneumopathie FC : fréquence cardiaque ; PNI : pression non invasive ; G : gauge ; PAS : pression
artérielle systolique ; GCS : Glasgow coma score (score de Glasgow) ; i.v.l. :
d’inhalation. Celle-ci est idéalement réalisée après une induc- intraveineuse lente.
tion en séquence rapide [61] . L’intubation est réalisée de
préférence par voie orotrachéale en cas de traumatisme de la
face. La mobilisation du rachis cervicale est, dans tous les cas,
limitée et très prudente. Les objectifs de la ventilation mécani-
que sont de maintenir une PaO2 supérieure à 80 mmHg (SpO2
> 96 %) et une PaCO2 de 35-38 mmHg. L’hyperventilation avec
“ Conduite à tenir
hypocapnie profonde n’est justifiée que devant l’apparition de
Cinq conduites pratiques chez le traumatisé
signes d’engagement cérébraux [64].
sévère
La sédation du patient neurotraumatisé (neurosédation) est
débutée après un examen neurologique détaillé. Ses objectifs • Faire rapidement le bilan lésionnel, définir les gestes
sont multiples : adaptation au respirateur, analgésie, etc. Il est thérapeutiques d’urgence à réaliser et leur hiérarchisation,
recommandé d’utiliser l’association d’une benzodiazépine tenir précocement informé son médecin régulateur.
(midazolam) et d’un morphinique (fentanyl ou sufentanil). • Éviter toute perte de temps et ne pas chercher à
L’utilisation du pentobarbital est à réserver en seconde inten- stabiliser « à tout prix » un patient instable pour le
tion pour le traitement de l’hypertension intracrânienne transport, en particulier si celui-ci est court.
réfractaire [65]. • Orienter rapidement les patients les plus graves sur les
De la même manière qu’une réanimation précoce et de structures les plus adaptées à leur prise en charge.
qualité est capable de réduire de façon significative la mortalité • Les objectifs de la prise en charge hémodynamique sont
des traumas crâniens (TC) graves [66], un transfert rapide dans
le maintien d’une PAM voisine de 60 mmHg en l’absence
un centre spécialisé peut également améliorer le pronostic
global [67].
de TC grave, et voisine de 80 mmHg en cas de TC grave.
• La protection contre l’hypothermie est impérative,
compte tenu du risque d’aggravation d’une coagulo-
Mise en conditions standardisée du patient
pathie sous-jacente.
La mise en conditions d’un patient vise d’une part à restaurer
ou préserver les grandes fonctions physiologiques (essentielle-
ment ventilatoires et circulatoires) et d’autre part à assurer le
transport dans des conditions optimales de sécurité (Tableau 2). parfaitement connues : évacuation d’un hématome extra-
dural compressif, thoracotomie, laparotomie ou cervicotomie
d’hémostases. Enfin, la mise en condition ne doit pas aggraver
Bilan lésionnel
certaines lésions occultes, comme les lésions rachidiennes et ne
Les objectifs du bilan lésionnel sont multiples. Il permet doit pas faire perdre un temps précieux à un geste chirurgical.
d’établir une véritable cartographie du traumatisme et, ainsi, de Enfin, il ne faut pas perdre de vue que certains symptômes
déterminer le niveau d’urgence du transport, le moyen d’éva- peuvent être masqués par les conséquences d’associations
cuation (terrestre ou aéroporté) et enfin l’orientation optimale lésionnelles ou d’autres pathologies comme une intoxication
du patient traumatisé. éthylique.
Il ne s’agit pas de rappeler ici toutes les symptomatologies et
Traumatismes neurologiques (Fig. 6)
tous les diagnostics possibles, mais plutôt de préciser les
objectifs et la démarche qui en découle et d’attirer l’attention Le score de Glasgow est déterminé initialement puis réguliè-
sur les pièges les plus habituels. Par ailleurs, les indications rement. L’examen s’attache également à déterminer la présence
chirurgicales constituant une urgence extrême doivent être ou l’apparition de signe de focalisation, l’apparition de signes de

8 Médecine d’urgence
Mise en condition d’un patient grave en vue de son évacuation terrestre ou héliportée ¶ 25-010-C-30

Figure 6. Traumatismes neurologiques. Prise


Traumatisme crânien Traumatisme médullaire
en charge et risque de la mise en conditions.
grave grave
ACSOS : agression cérébrale secondaire d’ori-
gine systémique.

Hypotension, hypoxie, etc. Compression médullaire

Risque = anoxie/ischémie

Urgence thérapeutique

Objectifs thérapeutiques Urgences chirurgicales


• Contrôle des ACSOS • Avis neurochirurgical
• Intubation (séquence rapide) • Hématome extradural
- Hypnomidate® : 0,3 mg/kg i.v.l., puis - Intervalle libre
- Célocurine® : 1 mg/kg i.v.d. - Mydriase unilatérale
• VM à régler pour SpO2 > 96 % et EtCO2 - Aggravation régulière
35-38 mmHg ➔ Protection cérébrale
- Fréquence respiratoire : 12 à 18/min ➔ Traitement hypertension intracrânienne
- Volume courant : 6 à 10 ml/kg ➔ Évacuation de l'hématome
• Sédation (Ramsay 3-4) • Plaies craniocérébrales
- Hypnovel® : 4 à 10 mg/h, PSE ➔ Protection cérébrale
- Fentanyl® : 2 à 6 µg/kg/h, PSE ➔ Antibiothérapie
➔ Parage chirurgical
• PAS > 120 mmHg (ou PAM > 80 mmHg)
- Sérum salé isotonique, colloïde • Entorse, luxation vertébrales
- Noradrénaline si échec remplissage ➔ Immobilisation stricte, coquille + collier
cervical
• Décubitus dorsal ➔ Respecter axe tête-cou-tronc
• Si signes d'engagement : ➔ Empêcher hyperflexion et extension
- Mannitol 20 % : 2 ml/kg/4 h • Compression médullaire
- Thiopental : 1 à 2 mg/kg, i.v.l. (délai ++ < 6 heures)
- Hyperventilation ➔ Maintenir PAS > 120 mmHg
• Prévention hypothermie ➔ Décompression, fixation
• Contre-indiqué :
- Sérum glucosé, Ringer-Lactate®

déficit neurologiques périphériques. La fréquence du trauma-


tisme cervical chez le traumatisé crânien impose la mise en
rectitude systématique du rachis par un collier cervical.
Traumatismes thoraciques
L’arrêt respiratoire ou l’hypoventilation alvéolaire majeure
sont les situations de détresse vitale immédiate les plus habi-
tuellement rencontrées en pathologie traumatique. Elles peu-
vent être en relation avec une atteinte thoracique ou
extrathoracique. Quand elles sont thoraciques, elles peuvent
être dues à des troubles de la mécanique ventilatoire (volet
thoracique), la douleur (limitation de l’ampliation thoracique),
des épanchements pleuraux (hémo- et/ou pneumothorax) et,
enfin, des contusions pulmonaires (Fig. 7). Quand elles sont
extrathoraciques, elles peuvent être liées à un traumatisme
crânien (responsable de trouble de la conscience avec perte du
réflexe de déglutition, hypotonie musculaire et chute de la
langue en arrière), à une lésion médullaire haute (au-dessus de
C4) avec paralysie diaphragmatique, à un traumatisme maxillo-
facial (risque d’obstruction des voies aériennes supérieures par Figure 7. Coupe tomodensitométrique thoracique en fenêtre paren-
des corps étrangers tels que des dents, des débris osseux...), chymateuse montrant une contusion pulmonaire bilatérale sévère.
enfin, et beaucoup plus rarement, à une atteinte cardiaque avec
incompétence myocardique (contusion myocardique) et/ou de traumatisme, qui atteint préférentiellement l’isthme aortique,
rupture de pilier entraînant un tableau d’œdème aigu du doit être envisagé de principe chez tout traumatisé thoracique
poumon. (décélération horizontale ou verticale brutale). La présentation
clinique en est extrêmement variable [69]. Les lésions de l’aorte
Traumatismes des gros vaisseaux sont responsables d’une partie des décès préhospitaliers et
L’incidence des lésions aortiques lors de traumatisme thora- constituent une véritable urgence chirurgicale puisque 85 % des
cique est de 25 % dans un travail de Vignon et al. [68]. Ce type patients décèdent avant l’arrivée à l’hôpital et que, sur les 15 %

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25-010-C-30 ¶ Mise en condition d’un patient grave en vue de son évacuation terrestre ou héliportée

Figure 10. Coupe tomodensitométrique abdominale montrant une


rupture splénique associée à un hémopéritoine.

Figure 8. Coupe tomodensitométrique thoracique en fenêtre médias- lésion neurologique en cas de rachis cervical instable et d’intu-
tinale montrant une rupture de l’isthme de l’aorte (image en balle de bation difficile proprement dits. Ces complications potentielles
tennis) associée à un hématome médiastinal. imposent le recours à une technique d’intubation adaptée, soit
intubation vigile, soit intubation après induction en séquence
rapide avec compression cricoïdienne [61]. Il est classiquement
déconseillé de réaliser l’intubation par voie nasotrachéale chez
un traumatisé maxillofacial. En effet, même si le risque de
placement accidentel de la sonde d’intubation en position
intracrânienne semble réduit, il a été admis que la présence ou
la suspicion d’une lésion ethmoïdale avec brèche dure-mérienne
était une contre-indication absolue à l’intubation nasotra-
chéale [74]. L’intubation rétrograde est proposée comme une
alternative possible en cas d’intubation difficile [75]. Enfin, en
cas d’épistaxis importante, des sondes à ballonnets peuvent être
mises en place. Leur insertion en cas de traumatisme maxillo-
facial doit être très prudente car elles peuvent avoir, à l’instar
des sondes d’intubation ou nasogastrique, des trajets ectopiques.
Leur bonne position doit être vérifiée par la palpation du
ballonnet derrière le voile du palais [76].
Traumatismes des membres et du bassin
Une luxation ou une fracture de membre doivent s’accompa-
gner de la recherche d’une atteinte vasculonerveuse avant de
Figure 9. Coupe tomodensitométrique abdominale montrant une vo- tenter toute réduction et immédiatement après ce geste. En ce
lumineuse contusion hépatique droite associée à un hémopéritoine. qui concerne les membres arrachés, il semble que 6 heures
d’ischémie chaude soient actuellement le délai maximum
survivants, 30 % décèdent dans les 6 heures [70]. Le diagnostic généralement admis [77]. Le fragment amputé doit être ache-
est le plus souvent fait par le scanner thoracique avec injection miné dans des conditions optimales d’asepsie et de froid.
(Fig. 8). Cependant, en période préhospitalière, une asepsie stricte est
souvent illusoire et il faut se contenter d’un simple rinçage au
Traumatismes abdominaux sérum physiologique, tout en évitant les solutions susceptibles
Ils sont à évoquer de principe chez tout polytraumatisé car ils de colorer les tissus (Fig. 11). Au niveau du moignon restant, la
représentent la première cause de choc hémorragique (plaie pose d’un garrot est à éviter car elle peut ajouter une lésion
d’un organe plein avec hémopéritoine). Les traumatismes vasculaire et nerveuse supplémentaire. En fait, l’hémorragie peut
hépatiques sont les plus fréquents (Fig. 9) après les traumatismes être le plus souvent facilement contrôlée avec un simple
spléniques (Fig. 10) [71, 72]. Les traumatismes pénétrants abdo- pansement compressif [77].
minaux peuvent être responsables de choc hémorragique, de Les fractures du bassin sont d’une gravité particulière surtout
perforation des organes creux et d’atteintes viscérales variables. lorsqu’elles s’associent à des hématomes rétropéritoneaux
Une atteinte extra-abdominale (thorax) est toujours à rechercher (Fig. 12) [57, 78]. Dans ce cadre, la mise en place d’un pantalon
de principe [73]. antichocs peut être utile en permettant la contention des
fractures du bassin, la diminution du saignement par contre-
Traumatismes maxillofaciaux pression externe et l’augmentation de la pression artérielle par
Parmi les différentes atteintes rencontrées chez le polytrau- élévation du retour veineux [57].
matisé, les traumatismes maxillofaciaux sont fréquents [48]. Les
Défenestration
principaux risques sont représentés par l’encombrement respi-
ratoire (chute de dents, inhalation de sang, etc.) et par certaines Il s’agit d’une forme de polytraumatisme particulier par sa
formes d’hémorragie grave (lésion de l’artère ethmoïdale gravité habituelle liée à la fréquence des atteintes hémorragiques
antérieure, etc.). Les complications sont avant tout d’ordre (hémopéritoine, hémopneumothorax ou hématome rétropérito-
fonctionnel et esthétique. Quelques situations nécessitent une néal) et de traumatisme crânien grave [2]. Une atteinte du rachis
prise en charge chirurgicale rapide : plaies de face, fracture de et de l’isthme aortique sont à évoquer de principe.
l’orbite de type « trap door », fracture de la mandibule, héma-
Brûlure
tome de la cloison nasale [48].
L’un des problèmes posés lors de la prise en charge de ce type Un brûlé grave peut souffrir de choc hypovolémique,
de patient est celui de l’intubation trachéale car, dans le d’hypoxie, d’hypothermie en plus de phénomènes douloureux
contexte de l’urgence, celle-ci expose le traumatisé au risque très importants. Une intoxication au monoxyde de carbone et
d’inhalation bronchique (5 % en phase préhospitalière), de au cyanure est à rechercher systématiquement, en particulier en

10 Médecine d’urgence
Mise en condition d’un patient grave en vue de son évacuation terrestre ou héliportée ¶ 25-010-C-30

Figure 11. Délabrement sévère du pied droit


avec l’image radiographique correspondante.

Tableau 3.
Prise en charge d’une brûlure grave.
1. Refroidissement : eau tiède pendant 10 à 15 minutes (hypothermie)
2. Remplissage vasculaire :
– Ringer-Lactate® (formule de Parkland) : 2 ml/kg/% de surface brûlée à
passer dans les 6-8 premières heures
– En cas d’hypotension persistante : macromolécules
3. Oxygénation, protection des voies aériennes supérieures (risque
d’œdème ++)
Intubation trachéale si :
– brûlures cervicofaciales, brûlures ≥ 50 %
– brûlure de l’arbre respiratoire, blast
– traumatisme grave associé
Figure 12. Coupe tomodensitométrique abdominale révélant un très – troubles de conscience (évoquer une intoxication au CO ou au cya-
volumineux hématome rétropéritonéal associé à un arrachement du nure : traitement par hydroxocobalamine : 5 g en 30 minutes, i.v.l.)
pédicule rénal gauche et à un hémopéritoine. 4. Anesthésie : induction, entretien
Induction : étomidate (0,3-0,5 mg kg–1) ou kétamine (3 mg kg–1) associés
à la succinylcholine (1 mg kg–1)
Entretien : midazolam (0,05 à 0,15 mg kg–1 h–1) et fentanyl (2,5 à

“ Points forts 10 µg kg–1 h–1) ou kétamine (3 à 5 mg kg–1 h–1)


5. Analgésie
Morphine : titration par paliers de 1 mg/3 minutes
Chercher des lésions associées à celle du bassin.
6. Prévention, traitement de l’hypothermie
Le traitement préhospitalier associe le remplissage
vasculaire aux catécholamines en cas d’hypotension
persistante. Il faut penser à la contention pelvienne Parkland [81]. Le soluté de référence est le Ringer-Lactate®. Il est
précoce en cas de forte suspicion de trauma grave du possible d’associer des colloïdes en cas de choc hypotensif [82].
bassin et d’échec des mesures de réanimation. L’analgésie préhospitalière est impérative en raison du
Les patients instables avec une forte suspicion de caractère extrême des phénomènes douloureux (exception faite
traumatisme grave du bassin doivent être orientés des brûlures du 3e degré). Elle fait appel à la titration par un
prioritairement sur des centres disposant d’une capacité morphinique. L’anesthésie est induite en séquence rapide. Il
chirurgicale et artériographique H24. faut néanmoins avoir à l’esprit, lors de l’utilisation de la
succinylcholine, le risque d’hyperkaliémie en cas de brûlure
sévère très étendue. L’entretien de l’anesthésie repose sur
l’association benzodiazépine-morphinique ou benzodiazépine-
cas de feu dans un espace clos. La qualité des premiers soins va kétamine. Durant le transport, une attention particulière est
conditionner l’évolution locale et systémique de la brûlure [79]. accordée à la prévention de l’hypothermie. Enfin, les brûlures
Le premier geste à effectuer est de refroidir la brûlure (limitation profondes de plus de 15 %, les brûlures des voies respiratoires,
de la profondeur de la brûlure) en prenant garde à ne pas les brûlures avec un risque fonctionnel (extrémités) ou esthéti-
surajouter une hypothermie (personnes âgées, enfants) [80]. que important et les brûlures chimiques doivent être adressées
L’évaluation de l’importance de la brûlure repose sur la combi- à un centre spécialisé [79]. Les brûlures circulaires doivent faire
naison de la profondeur (définie en 1er, 2e et 3e degré) et sur la évoquer et rechercher une ischémie d’un membre qui justifie la
surface totale de brûlure, évaluée le plus souvent par la règle des réalisation d’incisions de décharge en urgence (Fig. 13).
9 de Wallace (9 % : extrémité céphalique et chaque bras ; 18 % :
tronc antérieur, tronc postérieur et chaque membre inférieur,
Surveillance du patient polytraumatisé
1 % des organes génitaux externes [OGE]). Chez l’enfant, des Elle doit être de type « multimodal » et comporter obligatoi-
tables en fonction de l’âge sont disponibles. La prise en charge rement la fréquence cardiaque, la pression artérielle non
thérapeutique des brûlés graves va comporter trois axes princi- invasive, la SpO2. La surveillance de la fraction expirée de gaz
paux : hydratation, protection des voies aériennes et oxygéna- carbonique (EtCO 2 ) permet de détecter précocement une
tion, analgésie (Tableau 3). L’hydratation d’un brûlé est capitale intubation œsophagienne [83], d’évaluer la perfusion tissulaire,
en raison des pertes hydriques cutanées très importantes, sous de surveiller la ventilation mécanique et d’adapter la ventilation
peine de voir apparaître rapidement une insuffisance rénale. Le mécanique [29]. Il s’agit d’un paramètre fiable à condition de
remplissage vasculaire est guidé par la formule modifiée de tenir compte des aléas de la mesure lors d’une hypotension

Médecine d’urgence 11
25-010-C-30 ¶ Mise en condition d’un patient grave en vue de son évacuation terrestre ou héliportée

histoire pulmonaire ancienne (tabagisme, bronchopneumopa-


thie chronique obstructive [BPCO]). Le tableau clinique peut
associer : tachypnée, cyanose, sueurs, tirage sus-sternal et sus-
claviculaire, respiration paradoxale. Un encombrement bron-
chique est souvent présent. Différents signes de gravité sont à
repérer et font proposer une stratégie thérapeutique d’emblée
agressive (Tableau 4). La thérapeutique associe au traitement
étiologique un traitement symptomatique (bronchodilatateur,
corticoïde) et de plus en plus fréquemment une ventilation non
invasive (VNI) (Tableau 4). La VNI est une technique d’assis-
tance respiratoire (Fig. 1) qui permet de diminuer le travail
respiratoire en améliorant l’oxygénation tout en réduisant la
fréquence d’intubation orotrachéale et la mortalité hospita-
lière [85, 86]. Cependant, son utilisation réclame une formation
particulière et très peu d’études sont disponibles quant à son
utilisation en situation préhospitalière.

Asthme
On distingue différents types de crise d’asthme : la crise
Figure 13. Brûlure circulaire du 3e degré du pied gauche ayant béné- prolongée inhabituelle (durée prolongée et/ou mauvaise réponse
ficié d’aponévrotomie de décharge. au traitement), l’asthme aigu grave (crise d’intensité inhabi-
tuelle) et enfin, l’asthme suraigu (stade le plus aigu du bron-
chospasme, risque de mortalité important). Parmi les facteurs
déclenchants, on retrouve : l’exposition à un allergène, un

“ Conduite à tenir
nouveau traitement médicamenteux, une surinfection bronchi-
que, l’arrêt du traitement de fond (particulièrement les corticoï-
des). Les signes de gravité et la prise en charge thérapeutique
La prise en charge préhospitalière du brûlé sont détaillés dans le Tableau 4. La thérapeutique associe des
associe : bronchodilatateurs, des anticholinergiques, des corticoïdes au
• refroidissement et limitation de l’extension de la traitement d’un facteur déclenchant. En cas d’échec, il est
possible d’associer des b-agonistes intraveineux (i.v.) ou de
brûlure, prévention de l’hypothermie ;
l’hélium inhalé (transformation de flux turbulent en flux
• examen de la brûlure (surface, profondeur) et bilan laminaire et baisse du travail respiratoire) [87]. L’échec de ces
lésionnel approfondi en cas de traumatisme associé ; traitements entraîne le recours à la ventilation mécanique.
• analgésie par dérivés morphiniques. Anesthésie
générale en cas de surface cutanée brulée supérieure à Prise en charge d’une détresse
40 % et/ou atteinte des voies respiratoires ;
cardiogénique
• recherche d’une intoxication au CO ou au cyanure en
cas de trouble de conscience ; Les principales situations rencontrées sont la dissection
• remplissage précoce, adapté à la surface cutanée brulée aortique, l’infarctus du myocarde, l’insuffisance ventriculaire
gauche, les troubles du rythme et l’arrêt cardiorespiratoire.
et au poids du patient à base de cristalloïdes et de
colloïdes en cas d’hypotension ; Arrêt cardiorespiratoire
• orientation sur un centre spécialisé en cas de brûlure
La grande majorité des arrêts cardiaques inopinés sont
étendue et/ou d’atteinte de zones fonctionnelles et/ou en initialement des fibrillations ventriculaires (FV). La défibrillation
fonction du terrain (enfant, tares associées). immédiate peut permettre une survie jusque dans 90 % des cas,
alors que les chances de survie finale diminuent de 10 % par
minute de retard dans la mise en route des gestes élémentaires
marquée ou lors de lésions parenchymateuses susceptibles de de survie (GES) [88] . Lorsque la récupération d’une activité
modifier le gradient PetCO2-PaCO2 [84]. Une sonde thermique circulatoire spontanée (RACS) n’est pas obtenue après les seuls
peut être utile lors d’intervention prolongée ou en zone de premiers chocs électriques, la réanimation cardiopulmonaire
montagne. L’estimation de la concentration d’hémoglobine spécialisée, associant adrénaline et/ou substances antiarythmi-
avant le remplissage et régulièrement au cours de la prise en ques, est nécessaire. Les chances de survie se réduisent alors de
charge peut se faire par des dispositifs portables (Hemocue® AB, façon dramatique. L’accent est mis actuellement sur l’apprentis-
Angelhom, Sweden) ou des dispositifs à hématocrite. Il est sage au plus grand nombre des GES, seul moyen pour espérer
également actuellement possible de disposer d’appareillage améliorer la survie des patients en arrêt cardiaque. Dans cette
portable et léger de mesure des gaz du sang (I-stat ® , optique, les GES ont été simplifiés [89] . La prise en charge
Hewlett-Packard). thérapeutique de l’arrêt cardiaque vient d’être actualisée et de
nouvelles recommandations ont été proposées. Les principales
Prise en charge d’une détresse respiratoire modifications concernent le rythme de l’alternance massage-
ventilation (30/2 versus 15/2), le rythme du massage (100/
Les détresses respiratoires non traumatiques sont des situa- min), la prise en charge de la fibrillation ventriculaire (massage
tions fréquentes en médecine préhospitalière. Les principales cardiaque préalable), ainsi que la poursuite du traitement en
causes sont représentées par les décompensations aiguës réanimation après une RACS (intérêt de l’hypothermie)
d’insuffisance respiratoire chronique et par les crises d’asthme. (Fig. 14).
Les pneumopathies infectieuses et les embolies pulmonaires Lors d’une asystolie, la thérapeutique repose sur l’association
sont plus rarement rencontrées. des gestes de réanimation cardiopulmonaire (massage cardiaque
externe [MCE], intubation orotrachéale [IOT] et ventilation en
Décompensation aiguë d’insuffisance respiratoire
oxygène pur) à l’injection intraveineuse de bolus d’adrénaline
chronique (IRC) (1 mg/3 à 5 min) [90]. Celle de la FV (ou de la tachycardie
La principale étiologie est la surinfection bronchopulmonaire. ventriculaire sans pouls) repose avant tout sur la défibrillation
Parmi les autres étiologies, on peut trouver l’introduction d’un auquel est associée, en cas d’échec de la défibrillation, l’adréna-
nouveau traitement médicamenteux, l’embolie pulmonaire, ou line (bolus de 1 mg, à répéter toutes les 3 à 5 minutes) ou la
un pneumothorax. On retrouve fréquemment la notion d’une vasopressine (bolus unique de 40 unités internationales

12 Médecine d’urgence
Mise en condition d’un patient grave en vue de son évacuation terrestre ou héliportée ¶ 25-010-C-30

Tableau 4.
Signes de gravité et traitement des décompensations d’insuffisance respiratoire chronique (IRC) et des crises d’asthme.
Décompensation d’IRC Crise d’asthme
Modalités thérapeutiques Modalités thérapeutiques
Oxygénothérapie au masque à haute concentration pour SpO2 ≈ 90 % Oxygène au masque haute concentration
Traitement du bronchospasme (cf. asthme) Nébulisation (maximum 3/h) : Salbutamol® : 2,5 à 5 mg/15 min et Atro-
VNI : AI : 12 à 20 ; PEEP : 4 à 6, à adapter pour SpO2 > 90 % et FR [15-29] vent® : 0,5 mg, en cas d’échec : Salbutamol® : 0,5 à 4-6 mg h–1, i.v. (PSE)
Traitement de l’étiologie Méthylprednisolone : 1 à 1,5 mg kg–1, i.v.d
Malade assis, monitorage complet (SpO2, FC, PNI) Hélium (Héliox®) avec une fraction inspirée d’hélium ≥ 60 %
À discuter : sulfate de magnésium (bolus de 2 à 3 g) ; kétamine : 0,1 mg kg–1
puis 0,5 mg kg–1 h–1 (associé à atropine : 0,01 mg kg–1)
Signes de gravité Signes de gravité
Encombrement bronchique + toux inefficace, fréquence respiratoire > FR > 30, disparition des sibilants, cyanose, sueurs, malade aphone
35 cycles/min Trouble de la conscience, agitation
Trouble de la conscience Pouls paradoxal > 30 mmHg
Respiration paradoxale thoracoabdominale DEP < 120 l/min
Absence de correction SpO2 ⇒ Intubation trachéale après induction en séquence rapide ± kétamine. VAC,
Bradycardie, hypotension Vt : 5 à 7 ml/kg ; FR : 8 à 10 ; FiO2 : 1, ± curarisation : Tracrium® : 0,5 mg kg–1
⇒ Intubation trachéale après induction de l’anesthésie, VAC : Vt < 10 ml/kg, puis 0,5 mg kg–1 h–1
fréquence 8-12/min
VNI : ventilation non invasive ; AI : aide inspiratoire ; PEEP : positive end-expiratory pressure ; Vt : tidal volume ; FR : fréquence respiratoire ; PNI : pression non invasive ; VAC :
ventilation assistée contrôlée ; PSE : pousse-seringue électrique ; i.v. : intraveineux ; i.v.d. : intraveineux direct ; DEP : débit expiratoire de pointe.

Absence de mouvement
ou de réponse à l'appel

Demander de l'aide

Libérer les voies aériennes


Rechercher des « signes de vie »

Appel des secours (15 ou 18)

Si pas de ventilation,
donner 2-5 insufflations
Si pas de réponse, vérifier le pouls
pendant 10 secondes a

Débuter RCP de base = 30 : 2


Continuer jusqu'au branchement du défibrillateur

Analyse du rythme

Fibrillation ventriculaire Asystole / AESP

Réanimation spécialisée
1 choc électrique externe • IOT + ventilation en O2 pur
• Abord vasculaire
• Corriger les causes réversibles
• MCE continu après IOT
• Adrénaline 1 mg/3-5 min
Reprise RCP pour 5 cycles • Amiodarone si FV résistante RCP pour 5 cycles
de 30/2 (2 min) à 2 CEE de 30/2 (2 min)

Figure 14. Arbre décisionnel. Prise en charge de l’arrêt cardiorespiratoire. aLa prise de pouls est effectuée par tout secouriste entraîné ou professionnel de
santé. AESP : activité électrique sans pouls ; RCP : réanimation cardiopulmonaire ; IOT : intubation orotrachéale ; CEE : choc électrique externe ; FV : fibrillation
ventriculaire ; MCE : massage cardiaque externe. D’après [1].

[UI]) [90]. Il est actuellement proposé de commencer par une traitement de la FV, l’amiodarone (injection lente de 300 mg
courte séquence de massage cardiaque avant de défibriller le dilués dans 20 ml) est actuellement préférée dans les recom-
patient [90] . Des antiarythmiques peuvent être associés au mandations internationales à la lidocaïne (1,5 mg/kg, i.v.d.) [90].

Médecine d’urgence 13
25-010-C-30 ¶ Mise en condition d’un patient grave en vue de son évacuation terrestre ou héliportée

Tableau 5.
Présentation clinique et traitement de la dissection aortique.
Présentation clinique Prise en charge thérapeutique
Douleur thoracique rétrosternale violente ± syncope inaugurale Contrôle tensionnel
Migratrice ± irradiations postérieures et descendantes – Hypo-PA : remplissage vasculaire ± catécholamine ⇒ PAS : 100-120 mmHg
Signes associés – HTA : PAS < 130 mmHg
– Asymétrie des pouls (mesure de la pression artérielle aux 4 membres +++) – Association b-bloquant + vasodilatateur
– Insuffisance aortique aiguë → Brevibloc® : 0,5 mg kg–1 en 1 min puis 100 à 200 µg kg–1 min–1 au PSE
– Accident ischémique transitoire → Nipride® : 0,5-10 µg kg–1 min–1 (PSE), palier de 0,5 à 1 µg kg–1 min–1
Signes de gravité → Loxen® : bolus de 1 mg min–1 puis 1 à 5 mg h–1
– HTA Analgésie
– État de choc (rupture aortique ?) – Paracétamol : 1 g i.v.d.
Complications – Titration morphine (bolus de 1 mg/3 min)
– Tamponnade Oxygénation
– Ischémie aiguë (membre, viscérale) Intubation si : trouble de conscience, hypoxémie sévère, état de choc
– Compression locale (dysphagie, syndrome cave supérieur ou de Claude
Bernard-Horner)
HTA : hypertension artérielle ; PSE : pousse-seringue électrique ; i.v.l. : intraveineux lent ; PA : pression artérielle ; PAS : pression artérielle systolique.

.4
Des dispositifs de massage cardiaque automatiques ont été 48 heures n’est que de 50 %. La présentation clinique est le plus
récemment proposés et permettent un MCE continu à la souvent celle d’une douleur thoracique violente, volontiers
fréquence de 80 à 100 compressions par minute. migrante (Tableau 5) [93]. Le principal diagnostic différentiel de
Les deux dispositifs actuellement disponibles sont l’Auto- la dissection est celui de l’infarctus du myocarde, qui peut être
pulse® (laboratoire Zoll) et le Lucas® (laboratoire Medtronic). difficile puisque les dissections aortiques s’accompagnent
S’ils sont potentiellement très intéressants, en particulier dans fréquemment de modification de l’électrocardiogramme (ECG)
une optique de prélèvement d’organe à cœur arrêté, l’efficacité (tachycardie, hypertrophie ventriculaire gauche, anomalie de la
.2
lors de la prise en charge de l’arrêt cardiaque d’origine médicale repolarisation). La prise en charge thérapeutique initiale est
reste à démontrer et les premiers résultats semblent contradic- guidée par le contrôle de la pression artérielle (Tableau 5).
toires [91, 92]. Compte tenu de la gravité de l’évolution spontanée, le patient
Il sera important de toujours chercher et traiter une étiologie doit impérativement être dirigé vers sur un centre de chirurgie
de l’arrêt cardiorespiratoire (ACR) (hypothermie, hypoxie, cardiovasculaire si le diagnostic est fortement suspecté.
hypovolémie, pneumothorax, hyper- ou hypokaliémie, tam-
ponnade, intoxication). Une fois la reprise d’activité cardiocir- Infarctus du myocarde
culatoire obtenue, le traitement de base de l’encéphalopathie Les syndromes coronaires aigus (SCA) étaient au préalable
anoxique sera entrepris (neuroprotection, maintien pression de répartis en infarctus du myocarde (IDM), infarctus sans onde Q
perfusion cérébrale). et angor instable. Ils sont actuellement classifiés en SCA avec ou
Enfin, en dehors de certaines intoxications (b-bloquant, sans élévation du segment ST. La prise en charge thérapeutique
digitalique) et de l’hypothermie (< 32 °C), la réanimation ne est actuellement bien définie. Elle repose sur l’association de
sera pas prolongée au-delà de 30-40 minutes. techniques de reperfusion (fibrinolyse, angioplastie ou pontage
coronaire) et de traitements symptomatiques (b-bloquant,
antiagrégant, anticoagulant, antalgique, dérivés nitrés). La
stratégie thérapeutique à mettre en œuvre dans les SCA va

“ Points forts dépendre étroitement de différents paramètres dont le type de


SCA, la durée d’évolution des symptômes, le délai pour la
réalisation d’une angioplastie et les antécédents du patient [94].
Le pronostic de l’arrêt cardiaque est d’autant meilleur La prise en charge est résumée sur la Figure 15.
qu’une réanimation a été débutée précocement. L’accent Insuffisance ventriculaire gauche
est actuellement mis sur le massage cardiaque et la
Il s’agit d’une cause fréquente d’hospitalisation en urgence.
défibrillation précoce. Le massage est réalisé sur la base de
La présentation clinique va de l’œdème aigu du poumon
30 massages pour 2 insufflations. jusqu’au choc cardiogénique.
Une courte phase de réanimation doit précéder la
délivrance d’un choc électrique externe (CEE). Œdème aigu du poumon
L’adrénaline reste le médicament de référence dans l’arrêt Différents facteurs peuvent contribuer à déclencher un
cardiaque quel que soit le rythme initial. Elle s’injecte par œdème aigu du poumon (trouble du rythme, IDM, traitement
bolus de 1 mg/3 à 5 minutes. L’amiodarone s’utilise dans médicamenteux, poussée hypertensive...). L’insuffisance ventri-
la FV en cas de FV résistante. culaire gauche entraîne une augmentation des pressions vei-
neuses pulmonaires qui conduit à une inondation du
Après la reprise d’activité cardiocirculatoire, en cas de FV,
compartiment alvéolaire par un transsudat qui limite ainsi le
une hypothermie à 32-34 °C doit être induite. En cas transfert de l’oxygène de l’alvéole vers le vaisseau [95]. Le tableau
d’asystole ou d’activité électrique sans pouls, est stéréotypé : crise aiguë dyspnéique de début brutal et le plus
l’hypothermie peut également être proposée. souvent nocturne. L’auscultation révèle des râles crépitants des
deux champs, plus rarement des râles sibilants (pseudoasthme
cardiaque).
La prise en charge repose sur le traitement du facteur déclen-
Dissection aortique
chant (trouble du rythme, infarctus du myocarde, poussée
Il s’agit d’une pathologie vasculaire fréquente qui concerne hypertensive...) et le traitement symptomatique. Celui-ci fait
avant tout l’homme hypertendu, âgé de 50 à 70 ans. Chez actuellement appel à l’association d’un traitement médicamen-
l’homme jeune, une douleur thoracique typique doit faire teux et de la continuous positive airway pressure (CPAP).
évoquer le diagnostic, en particulier s’il existe un profil de type Traitement médicamenteux. Il associe classiquement les
marfanoïde. Le pronostic spontané est grave puisque la survie à dérivés nitrés à un diurétique de l’anse afin de réduire la

14 Médecine d’urgence
Mise en condition d’un patient grave en vue de son évacuation terrestre ou héliportée ¶ 25-010-C-30

Douleur thoracique évocatrice de SCA

- Pouls, PA, examen clinique, ECG


- VVP + Aspégic® : 250 mg i.v.d.
- O2
- Dérivé nitré en spray
- Analgésie, titration morphine (1 mg)

ECG 12 dérivations

Sus-décalage de ST Sous-décalage de ST
BBG non connu Inversion onde T

- Reperfusion : Si < 75 ans = énoxaparine : 0,3 ml


Si douleur < 3 heures = fibrinolyse i.v.d. puis 0,1 mg/kg/12 h s.c.
• Métalyse®, bolus selon le poids Si > 75 ans = héparine : bolus de 60 UI/kg
(max 4000 UI) puis 12 UI/kg/h
• < 75 ans = énoxaparine : 0,3 ml i.v.d.
(70 kg, max 1000 UI/h)
puis 0,1 mg/kg/12 h s.c.
Clopidogrel : 300 mg p.o.
• > 75 ans = héparine : bolus de 60 UI/kg
(max 4000 UI) puis 12 UI/kg/h (> 70 kg, Inhibiteur GpIIbIIIa
max 1000 UI/h) β-bloquant i.v. pour FC < 75 bat/min
Si douleur 3-6 heures
• Délai pour angioplastie
< 90 min = angioplastie
> 90 min = fibrinolyse
Douleur > 6 heures = angioplastie Pas de modification de l'ECG

- Traitements adjuvants :
Clopidogrel : 300 mg p.o. (600 mg si
angioplastie ?) ECG à répéter
β-bloquant : aténolol i.v. pour FC < 75 bat/min Dosage de la troponine
Analgésie : paracétamol, morphine en Surveillance
titration par bolus de 1 mg i.v.d. Test d'effort

Figure 15. Arbre décisionnel. Prise en charge des syndromes coronaires aigus (SCA). ECG : électrocardiogramme ; i.v.d : intraveineux direct ; UI : unités
internationales ; FC : fréquence cardiaque ; PA : pression artérielle ; VVP : voie veineuse périphérique ; s.c. : sous-cutanée ; p.o. : per os.

précharge. La morphine, qui était traditionnellement utilisée montré ces dernières années son efficacité pour réduire le
dans cette indication, est actuellement réservée au traitement de recours à l’intubation trachéale et la mortalité, que ce soit en
la douleur accompagnant un infarctus du myocarde. Il semble mode CPAP ou en mode ventilation spontanée avec aide
actuellement que le traitement, quand il est débuté en préhos- inspiratoire-positive end expiratory pressure (VSAI-PEEP) [98]. Il ne
pitalier, s’accompagne d’une réduction de la mortalité [96]. Le semble pas y avoir de bénéfice d’une modalité ventilatoire sur
mode d’administration des nitrés est également discuté. Cotter l’autre [99]. L’usage de la CPAP s’accompagne d’une amélioration
et al. ont ainsi montré que l’incidence de l’intubation trachéale de la fonction systolique et/ou d’une diminution de la pré-
et d’infarctus du myocarde était réduite par l’utilisation de bolus charge [100]. En ce qui concerne l’usage préhospitalier de la
i.v. de dérivés nitrés (3 mg 5 min–1) associés à de petites doses CPAP, très peu d’études sont disponibles mais il semble que les
de furosémide (40 mg) comparée à l’utilisation des dérivés nitrés dispositifs de CPAP légères de type Boussignac (Fig. 16) soient
au pousse-seringue (1 mg h–1, augmenté de 1 mg 10 min–1) aussi efficaces que des dispositifs conventionnels plus
associée à de plus fortes doses de furosémide
lourds [101].
(80 mg 15 min–1) [97]. La réduction de la postcharge, quand elle
est élevée (HTA), fait également partie des objectifs thérapeuti- Choc cardiogénique
ques. Cela peut être obtenu par plusieurs types d’agents
pharmacologiques tels que les dérivés nitrés à fortes doses et les Il peut être lié à différentes pathologies : IDM, lésions
inhibiteurs calciques. Les digitaliques sont classiquement utilisés valvulaires aiguës (insuffisance aortique ou mitrale), tampon-
en association avec les dérivés nitrés et peuvent être utiles pour nade, dissection aortique, myocardite toxique ou infectieuse. Il
ralentir la fréquence cardiaque. Les catécholamines ou le complique environ 10 % des IDM et sa mortalité est estimée à
levosimendan sont à réserver au traitement des états de choc. 80 % [102]. Il est vraisemblable qu’une prise en charge agressive
Ventilation non invasive. Les patients avec un œdème aigu est justifiée en cas de choc cardiogénique sur IDM. Elle associe
du poumon peuvent bénéficier de différentes modalités venti- au mieux une technique de revascularisation précoce par
latoires qui vont de l’administration d’O 2 à fort débit au angioplastie percutanée (APC) ou pontage coronaire (PAC). Si
masque à haute concentration jusqu’à la ventilation mécanique besoin, un soutien hémodynamique par un ballon de contre-
conventionnelle. Entre les deux, la ventilation non invasive a pulsion diastolique intra-aortique (CPBIA) pourra être initié [103].

Médecine d’urgence 15
25-010-C-30 ¶ Mise en condition d’un patient grave en vue de son évacuation terrestre ou héliportée

Tableau 6.
Prise en charge du choc cardiogénique.
Traitement étiologique
Réduction d’un trouble du rythme ou de la conduction (cf. infra)
Traitement d’une poussée hypertensive : Loxen®, bolus de 1 mg min–1
i.v.d. puis relais par perfusion continue (2 à 4 mg h–1, palier de
0,5 mg h–1)
Revascularisation en urgence (angioplastie ou pontage coronaire) si ori-
gine ischémique
Drainage d’un hémopéricarde/traitement d’une dissection aortique
Traitement symptomatique
Oxygène à haut débit, CPAP (PEEP de 5 à 10 mmHg)
Diurétique type diurétique de l’anse, 40 à 80 mg, i.v.l.
Inotrope/vasoconstricteur (PAS < 100 mmHg) : objectif : PAM >
60 mmHg :
– dobutamine : 2 à 20 µg kg–1 min–1
– en cas d’échec : adrénaline : 0,1 à 0,15 µg kg–1 min–1
– en cas d’échec : noradrénaline : 0,1 à 0,15 µg kg–1 min–1
Dérivés nitrés (PAS > 100 mmHg) : ex. : Lénitral® : 0,25 à 1 µg kg–1 min–1
± dose de charge de 1 à 3 mg i.v.l.
Inodilatateur (PAS > 100 mmHg) : inhibiteur des phosphodiestérases
(ex. : milrinone : 0,3 à 0,75 µg kg–1 min–1)
Figure 16. Exemple de mise en place d’une continuous positive airway En cas d’échec des mesures pharmacologiques : CPBIA, assistance ven-
pressure (CPAP) de type Boussignac pour le traitement d’un œdème aigu triculaire externe (ex. : Thoratec™)
du poumon (OAP). CPAP : continuous positive airway pressure ; PEEP : positive end-expiratory pressure ;
i.v.d. : intraveineux direct ; PAM : pression artérielle moyenne ; PAS : pression
artérielle systolique ; i.v.l. : intraveineux lent ; CPBIA : contre-pulsion par ballon
intra-aortique.

qu’une bradycardie bien tolérée est surveillée étroitement, la


présence de signes de mauvaise tolérance, qui peuvent se
manifester par un tableau de défaillance myocardique (œdème
aigu du poumon [OAP], choc cardiogénique), de trouble de
conscience (agitation, coma) ou de douleur thoracique (tachy-
cardie anginogène) sont à traiter de manière énergique. Un ECG
est à réaliser immédiatement lors de la prise en charge d’un
trouble du rythme. Il va permettre de différencier les tachycar-
dies (supraventriculaire et ventriculaire) des bradycardies, et de
donner une orientation sur le mécanisme du trouble du rythme,
ainsi que sur la démarche thérapeutique à suivre [109].
Dans les formes les plus graves de tachycardie, le traitement
de choix est le plus souvent représenté par le choc électrique
externe. Il faut cependant garder à l’esprit que la réalisation
d’un choc électrique nécessite l’anesthésie du patient, ce qui, en
préhospitalier, n’est pas sans risque (estomac plein...). De la
même façon, l’utilisation des antiarythmiques n’est pas dénuée
de complications. Les indications seront à discuter très précisé-
ment, au mieux directement avec le cardiologue du service
d’accueil. Dans la plupart des cas, la mise en route du traite-
ment peut attendre l’arrivée dans un service spécialisé. La prise
en charge des tachycardies est résumée sur la Figure 18.
Figure 17. Transfert interhospitalier d’un patient sous contre-pulsion
Les bradycardies, quand elles sont mal tolérées et quand elles
diastolique intra-aortique.
sont liées à un trouble de conduction auriculoventriculaire de
haut degré, sont traitées par l’isoprotérénol (0,5 à 1,5 µg min–1),
L’utilisation du CPBIA, suivie d’une coronarographie diagnosti- par l’adrénaline (2 à 10 µg min–1) ou par entraînement électro-
que, voire d’un geste de revascularisation peut réduire la systolique externe (EEE) et plus rarement par la mise en place
mortalité [104-106]. Ainsi, pour les patients présentant un IDM d’une sonde d’entraînement intracavitaire [109]. La posologie des
compliqué d’un choc cardiogénique dans un centre ne dispo- catécholamines ou la fréquence de stimulation sont ensuite
sant pas de possibilité de revascularisation (APC ou PAC), la ajustées en fonction de la réponse clinique. On considère que
mise en place d’une CPBIA pourrait permettre le transport dans l’objectif minimum est d’au moins 50 bat/min. L’utilisation de
de meilleures conditions hémodynamiques. De la même façon, l’EEE nécessite, en raison de sa pénibilité, l’association d’une
les chocs cardiogéniques d’origine non ischémique (toxique, sédation, le plus souvent à base de benzodiazépine. Il est
infectieux) pourraient bénéficier de la mise en place de indispensable dans ces circonstances d’éliminer des causes
CPBIA [107]. Cependant, cela suppose une formation adéquate secondaires de bradycardies telles que l’hypoglycémie, l’hypo-
des équipes de transport (Fig. 17) et des relations étroites avec thermie, l’hypovolémie et de rechercher une intoxication
les services de soins intensifs cardiologiques ou de réanimation médicamenteuse (b-bloquant, digitalique).
chirurgicale cardiologique [108]. Les modalités de prise en charge
sont détaillées dans le Tableau 6. Prise en charge d’une détresse
Troubles du rythme cardiaque neurologique
L’attitude thérapeutique face à un trouble du rythme est Les détresses neurologiques suivantes sont fréquemment
étroitement dépendante de sa tolérance clinique [109]. Alors rencontrées en médecine d’urgence. Leur prise en charge

16 Médecine d’urgence
Mise en condition d’un patient grave en vue de son évacuation terrestre ou héliportée ¶ 25-010-C-30

Tachycardie

- Oxygénation
- Voie veineuse périphérique
- Monitorage ECG
- Identifier et traiter une cause curable

Stable Patient stable Instable

ECG 12 dérivations Cardioversion


- Après sédation
- Avis cardiologique

QRS fins QRS larges

TC régulière TC irrégulière TC régulière TC irrégulière

- Manœuvres vagales Probable FA ou flutter - Si tachycardie - Torsade de pointes :


- Adénosine : 6 mg auriculaire : ventriculaire ou rythme magnésium 3 g i.v.d.
en bolus i.v., 12 mg contrôle du rythme : incertain : - FA + trouble conduction :
si échec • Diltiazem (0,3 mg/kg) amiodarone : 150 mg diltiazem (0,3 mg/kg)
ou β-bloquant en i.v.l. ou β-bloquant
- Si échec, • Avis cardiologique - Si TSV avec trouble - FA + WPW :
TSV avec réentrée ?
conduction : • éviter les agents
• Diltiazem (0,3 mg/kg)
adénosine (6 mg en bloqueurs du nœud AV
ou β-bloquant
bolus i.v.) (diltiazem, adénosine,
• Avis cardiologique
- Avis cardiologique digoxine)
• amiodarone
(150 mg i.v.l.)
• avis cardiologique

Figure 18. Arbre décisionnel. Prise en charge des tachycardies. FA : fibrillation auriculaire ; TSV : tachycardie supraventriculaire ; WPW : Wolf-Parkinson-
White ; i.v. : intraveineux ; ECG : électrocardiogramme.

suppose une bonne connaissance de la sémiologie et des En dehors de la détermination de la glycémie capillaire
moyens diagnostiques et thérapeutiques à notre disposition. (réalisable avant la mise en condition pour le transport), la
natrémie et la calcémie seront systématiques à l’arrivée en
État de mal épileptique réanimation. Dans 15 à 20 % des cas, l’enquête étiologique est
L’état de mal épileptique (EDME) convulsif est une condition négative. L’objectif du traitement de l’EDME est d’obtenir la
menaçant le pronostic vital. Il se définit comme des crises cessation rapide et durable des crises [112].
partielles ou généralisées, prolongées, sans récupération com- Le traitement en urgence fait appel en première intention aux
plète entre les crises, et pouvant causer une anoxie cérébrale. benzodiazépines (diazépam : 10-20 mg ; clonazépam : 1-2 mg)
L’EDME généralisé ou larvé engage le pronostic vital et peut qui ont une action rapide et une bonne tolérance s’ils sont
laisser des séquelles neurologiques telles qu’un déficit moteur, administrés en injection intraveineuse lente. Ils permettent
une atteinte des fonctions cognitives, une détérioration intel-
d’obtenir la cessation des crises dans 80 % des EDME convulsifs
lectuelle, l’apparition d’une maladie épileptique ou l’aggravation
généralisés. L’injection peut être éventuellement répétée une
d’une épilepsie antérieure. La mortalité de l’EDME convulsif
fois après 15 à 20 minutes. Le lorazépam, d’action moins rapide
généralisé est de l’ordre de 10 à 20 % chez l’adulte.
mais plus longue, n’est pas disponible en France. Le midazolam
La reconnaissance rapide de l’EDME convulsif, une prise en
charge préhospitalière thérapeutique bien codifiée et une (0,2 mg kg–1) est en cours d’évaluation.
enquête étiologique rapidement conduite sont indispensables La phénytoïne (Dilantin ® , 18 mg kg –1 à compléter avec
pour améliorer le pronostic vital. 30 mg kg–1 maximun) est un antiépileptique très efficace et qui
D’un point de vue clinique, l’EMDE se présente le plus a l’avantage de n’être pas sédatif, ni dépressif respiratoire. En
souvent sous la forme convulsive tonicoclonique généralisée. Il revanche, elle peut entraîner des troubles du rythme cardiaque
existe parfois un état de mal larvé (subtle status epilepticus) [110]. et une hypotension artérielle, avec un intervalle thérapeutique
Le tableau est alors dominé par les troubles de conscience et les étroit. Son administration doit être lente en 20 à 30 minutes, ce
désordres neurovégétatifs. Les EDME partiels simples somato- qui retarde son délai d’action. Une forme plus récente est
moteurs sont caractérisés par la répétition sérielle de crises également disponible (fosphénytoïne, Prodilantin®) qui pourrait
partielles motrices [111]. L’EDME tonique est caractérisé par la entraîner moins d’irritation au site d’injection et moins de
répétition à intervalles brefs de crises toniques associées à des troubles cardiovasculaires. Pour les barbituriques, le phénobar-
manifestations végétatives. II s’observe essentiellement dans les bital (100 mg min–1 sans dépasser 10 mg kg–1, à compléter à
encéphalopathies épileptiques de l’enfant. 20 mg kg–1 maximum) agit en 5 à 10 minutes, il a un effet

Médecine d’urgence 17
25-010-C-30 ¶ Mise en condition d’un patient grave en vue de son évacuation terrestre ou héliportée

pour les rares survivants. Ces préjugés doivent être combattus


car le pronostic est très variable et peu prévisible d’emblée. Les
État de mal épileptique indications de réanimation préhospitalière sont donc à discuter
avec rigueur au cas par cas, et en tenant compte de l’avis du
Contrôle de la glycémie patient et de sa famille, et du terrain sur lequel survient l’AVC.
- Prévention des traumatismes Bien souvent, tous les éléments de la décision ne sont pas
- Oxygénothérapie
- Lutte contre l'hyperthermie recueillis d’emblée et la mise en condition de type réanimation
doit, dans le doute, être entreprise. Il faut ultérieurement savoir

0 à 30 min
prendre d’éventuelles décisions de limitation ou d’arrêt de
1re injection Diazépam/clonazépam i.v./i.r. traitement autre que de confort.
Actuellement encore rares en France, les unités neurovascu-
Si échec laires [114], comportant un personnel médical et paramédical
rompu aux urgences neurovasculaires, permettent d’établir
2e injection Diazépam/clonazépam i.v./i.r. rapidement le diagnostic, de mettre en œuvre immédiatement
le traitement et d’optimiser la surveillance. Il a été montré que
Si échec dans ces structures, la mortalité, les séquelles fonctionnelles et
la durée de l’hospitalisation sont réduites de 25 à 30 %. Enfin,
Si besoin il faut rappeler que tout AVC récent est un processus évolutif
Monitorage Phénytoïne ou phénobarbital i.v.
qui est susceptible de s’aggraver subitement.
Si échec

30 à 50 min
Augmenter posologie de la phénytoïne
ou phénobarbital i.v.

Si échec
“ Points forts
Les AVC ischémiques ou hémorragiques représentent de
50 à 80 min

Thiopental i.v. Intubation obligatoire véritables urgences neurovasculaires. La mise en place de


Ventilation mécanique réseau de prise en charge est indispensable afin de
proposer des solutions thérapeutiques précoces.
Figure 19. Arbre décisionnel. Prise en charge des états de mal épilep- L’IRM précoce est l’examen de référence. À défaut, un
tique. i.v. : intraveineux ; i.r. : intrarectal. scanner cérébral sera réalisé rapidement.
La thrombolyse précoce permet d’améliorer le pronostic
sédatif et dépresseur respiratoire qui apparaît progressivement et des AVC ischémiques si elle est réalisée dans les 3 heures
pour des doses en général importantes. Ces effets sont potentia- qui suivent le début des symptômes. Cependant, le risque
lisés par son association avec les benzodiazépines. L’anesthésie d’augmentation du risque d’hémorragie intracérébrale
barbiturique par le thiopental (3-5 mg kg–1 puis 50 mg 5 min–1) doit être pris en compte.
n’est utilisée qu’en dernier recours, en raison de la sédation L’utilisation de facteur VIIa permet d’améliorer la survie et
profonde avec dépression respiratoire et circulatoire qu’elle
le pronostic fonctionnel des patients qui présentent un
induit et qui rend son maniement plus difficile.
L’EDME est une affection grave qui doit être prise en charge
AVC hémorragique. Son utilisation doit être proposée en
rapidement par une équipe de réanimation préhospitalière tenant compte de l’âge du patient, du terrain sur lequel
(SMUR). Un arbre décisionnel est proposé sur la Figure 19 [112]. survient l’AVC et de la gravité de l’hémorragie.

Accidents vasculaires cérébraux


L’accident vasculaire cérébral (AVC) est une urgence fréquente
Accident vasculaire cérébral ischémique
(125 000 nouveaux cas par an en France). Environ 10 % des
patients justifient une prise en charge de type réanimation, L’accident ischémique transitoire (AIT) est un épisode de
souvent dès la phase préhospitalière [113]. On distingue les AVC dysfonctionnement oculaire ou neurologique d’installation
hémorragiques (20 % des cas) et les AVC ischémiques artériels brutale et de durée brève, de quelques minutes à moins de
(80 % des cas). Le diagnostic d’AVC est évoqué sur les données 1 heure le plus souvent. Il peut rester isolé, se reproduire à très
cliniques dès la prise en charge préhospitalière et sera confirmé brève échéance, ou précéder de quelques heures un accident
par l’imagerie dès l’arrivée à l’hôpital. L’examen clinique est très plus grave. L’AVCI, qui vient de survenir, doit impérativement
important. Il permet souvent de situer la lésion (signes de être considéré comme étant en évolution et des facteurs très
focalisation) et de rechercher les signes de gravité clinique. La divers peuvent influer sur son allure évolutive (hypotension,
présence de fièvre doit faire discuter la possibilité d’une hypoxie, hypercapnie ou hypocapnie excessive, etc.).
méningoencéphalite ou d’une endocardite. Le scanner cérébral Dans un AVCI en cours d’évolution, on distingue une zone
sans injection de produit de contraste doit être réalisé rapide- d’ischémie sévère, où des lésions irréversibles vont être obser-
ment. Il permet d’éliminer une pathologie simulant un AVC et vées et une zone dite de pénombre, où les lésions cellulaires
apporte le diagnostic précis du type de l’AVC. Le scanner peut sont potentiellement réversibles si le débit sanguin est rétabli.
être normal dans les premières heures, tout particulièrement en La viabilité tissulaire dépend du degré et de la durée de l’isché-
cas de pathologie ischémique, situation où l’imagerie par mie subie. Il importe d’interrompre ou de ralentir les consé-
résonance magnétique (IRM) est très performante mais difficile quences de l’agression cérébrale qui a tendance à se pérenniser.
à obtenir en urgence. Il existe une fenêtre thérapeutique durant laquelle il est crucial
La prise en charge de l’AVC s’intègre idéalement dans le cadre de restaurer le flux et de protéger les neurones. Cette fenêtre,
d’une filière de soins incluant le patient et son entourage, le souvent estimée à 3 heures, est en fait variable selon de
médecin de ville, le SAMU et les structures hospitalières (unités nombreux facteurs dont la circulation collatérale cérébrale.
neurovasculaires, urgences, parfois réanimation, les services de Ultérieurement, on peut espérer agir sur le parenchyme cérébral,
neurologie et/ou de médecine, les soins de suite, rééducation, mais de manière plus limitée.
moyen et long séjour). La prise en charge en réanimation des Le traitement vise à limiter les conséquences de l’ischémie
AVC se discute dans 10 à 20 % des cas. Ainsi la réanimation (mesures générales, reperfusion de la zone ischémique, neuro-
préhospitalière et surtout la ventilation mécanique sont souvent protection) et à prévenir la survenue de complications qui
considérées avec fatalisme devant le pronostic très défavorable peuvent aggraver les lésions ischémiques et aggraver le pronos-
supposé de ces patients et la qualité de vie médiocre escomptée tic vital et fonctionnel.

18 Médecine d’urgence
Mise en condition d’un patient grave en vue de son évacuation terrestre ou héliportée ¶ 25-010-C-30

En préhospitalier, la mise en condition du patient nécessite


quelques principes :
• contrôle de la fonction respiratoire : une oxygénation
optimale paraît indispensable pour éviter la souffrance
neuronale. La mise en œuvre d’une ventilation mécanique est
parfois nécessaire ;
• contrôle hémodynamique : le maintien d’une pression de
perfusion cérébrale efficace est un objectif prioritaire [115]. La
perte de l’autorégulation circulatoire cérébrale dans le
territoire lésionnel rend en effet sa perfusion tributaire de la
pression systémique. Il n’est légitime de contrôler les chiffres
d’hypertension qu’en cas de dissection aortique ou d’insuffi-
sance cardiaque associée, si le recours à des fibrinolytiques ou
à des anticoagulants à dose hypocoagulante est nécessaire ou
si l’hypertension artérielle est sévère (pression artérielle
systolique [PAS] > 180-200 mmHg et pression artérielle
diastolique [PAD] > 100-120 mmHg, documentées sur deux
mesures à 10 minutes d’intervalle). En cas d’hypotension, au
contraire, il convient d’améliorer rapidement la perfusion Figure 20. Scanner cérébral avec injection montrant la présence d’une
cérébrale pour maintenir une PAS supérieure à hémorragie sous-arachnoïdienne diffuse en relation avec une rupture
120 mmHg [115] ; d’anévrisme de l’artère communicante antérieure.
• contrôle métabolique : une glycémie élevée est associée à un
plus pronostic plus défavorable dans le cadre des AVC. II faut
éviter les solutés concentrés en hydrates de carbone et il est
nécessaire de maintenir la glycémie inférieure à
10 mmol [116]. Toute fièvre (supérieure à 38 °C) doit faire
l’objet d’une enquête étiologique et être traitée par des
antipyrétiques car il s’agit d’un facteur d’agression cérébrale
supplémentaire. Les infections pulmonaires rendent compte
de près de 25 % des décès après AVC ;
• contrôle de l’œdème cérébral et de l’hypertension intracrâ-
nienne : l’œdème cérébral atteint typiquement son maximum
entre 3 à 5 jours mais est parfois bien plus précoce. Il peut
être responsable du décès par engagement cérébral. II faut en
premier lieu chercher à contrôler tous les facteurs d’agression
cérébrale. La tête doit être placée en rectitude et à 30° sauf
instabilité hémodynamique. Si la ventilation mécanique est
décidée, il est proposé de mettre le patient en hypocapnie
modérée (35 mmHg). Le recours aux agents osmotiques
(mannitol) est transitoirement efficace. Le thiopental est à
réserver au traitement de l’hypertension intracrânienne Figure 21. Scanner cérébral avec injection de produit de contraste et
(HTIC) réfractaire. reconstruction montrant la présence d’un volumineux anévrisme du tronc
Le traitement peut associer antiagrégants et anticoagulants. Le basilaire.
véritable défi est d’assurer une reperfusion cérébrale. Différents
travaux ont montré le bénéfice d’un traitement précoce par
thrombolytique [117, 118]. Un certain nombre de facteurs de
risque de transformation hémorragique de l’AVC ont été Hémorragie méningée
identifiés : âge avancé, sévérité du déficit initial, présence d’une Les hémorragies sous-arachnoïdiennes (HSA) non traumati-
hypodensité étendue au scanner initial, œdème cérébral pré- ques constituent une urgence neurologique et se caractérisent
coce. On peut limiter les risques en n’administrant pas de par l’extravasation de sang dans les espaces recouvrant le
fibrinolytiques dans ces circonstances. L’administration de système nerveux central. L’HSA est, dans environ 80 % des cas,
thrombolytique ne doit se faire que dans le cadre de protocole en relation avec la rupture d’un anévrisme intracérébral. Les
de prise en charge défini conjointement avec les neurologues et conséquences de l’HSA sont particulièrement lourdes puisque la
n’est habituellement proposée que dans les 3 heures qui suivent
mortalité est voisine de 50 % et qu’environ un tiers des
le début de la symptomatologie.
survivants nécessiteront des soins pendant toute leur vie. De
Accident vasculaire cérébral hémorragique plus, 46 % des patients survivants auront des séquelles cogniti-
ves à long terme avec un retentissement sur le statut fonction-
Il constitue la deuxième cause d’AVC [119]. Comme dans les
nel et la qualité de vie [122]. Les facteurs associés au pronostic
accidents ischémiques, divers facteurs peuvent contribuer à
l’aggravation neurologique. La prise en charge des hémorragies sont représentés par le niveau de conscience, l’âge et la quantité
intraparenchymateuses est comparable à celle des accidents de sang vue sur le scanner initial [123]. L’HSA doit être évoquée
ischémiques à l’exception des traitements anticoagulants et de principe devant un tableau typique comportant une céphalée
antiagrégants. Les objectifs de contrôle tensionnel doivent violente de début brutal associée à un syndrome méningé, des
prendre en compte le bénéfice éventuel d’une augmentation de signes de focalisation et/ou une altération du niveau de cons-
la pression artérielle par rapport à l’augmentation du risque cience [122, 123] . Cependant, la présentation peut être plus
hémorragique. Les rares indications neurochirurgicales reposent trompeuse et ne comporter que des céphalées banales qui vont
sur la tolérance clinique (niveau de vigilance, déficits, signes spontanément céder [123]. Dès que le diagnostic est évoqué, un
d’engagement), le terrain, la topographie et le volume de scanner cérébral est à réaliser en urgence, sans injection de
l’hématome, enfin, la présence d’une hydrocéphalie (pose d’une produit de contraste (diagnostic de l’HSA) (Fig. 20) puis avec
dérivation ventriculaire externe). L’évacuation des hématomes (recherche d’un anévrisme) (Fig. 21). Si le scanner se révèle
ne semble pas apporter de bénéfice clinique [120]. Enfin, un négatif, une ponction lombaire est réalisée. Si celle-ci est
travail récent a montré que l’administration précoce de rFVIIa positive ou équivoque, un angioscanner ou une artériographie
(NovoSeven®) pourrait améliorer le pronostic des AVCH [121]. cérébrale sont proposées [123]. L’IRM avec injection de produit

Médecine d’urgence 19
25-010-C-30 ¶ Mise en condition d’un patient grave en vue de son évacuation terrestre ou héliportée

de contraste (angio-IRM) peut également se révéler très intéres- [10] Hurst JM, Davis Jr. K, Johnson DJ, Branson RD, Campbell RS,
sante pour rechercher une malformation vasculaire (anévrysme, Branson PS. Cost and complication during in hospital transport of
.3
cavernome, ...) et/ou mettre en évidence des complications de critically ill patients: a prospective cohort study. J Trauma 1992;33:
l’HSA (ischémie). 582-5.
D’un point de vue thérapeutique, la prise en charge préhospi- [11] Goldstein P, Van Laer V, Mauriaucourt P, Lachery P, Marel V, Facon A.
talière va comprendre l’analgésie et l’anxiolyse, le maintien d’une Transports sanitaires héliportés. Pourquoi non? In: 42e Congrès natio-
PAS inférieure à 130 mmHg (inhibiteur calcique et/ou nal d’anesthésie et de réanimation. Paris: SFAR-Elsevier; 2000.
b-bloquant), le maintien dans un environnement calme, le p. 69-76.
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convulsive) et l’orientation sur un centre spécialisé le plus emergency medical service on survival after trauma. BMJ 1995;311:
rapidement possible. La nimodipine sera ajoutée per os, dès que 217-22.
[13] Davis DP, Peay J, Serrano JA, Buono C, Vilke GM, Sise MJ, et al. The
possible, pour une durée de 3 semaines afin de prévenir les
impact of aeromedical response to patients with moderate to severe
complications ischémiques [123]. Enfin, le traitement spécifique de
traumatic brain injury. Ann Emerg Med 2006;46:115-22.
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J.-S. David, Praticien hospitalier (jean-stephane.david@chu-lyon.fr).


O. Capel, Praticien hospitalier.
O. Peguet, Praticien hospitalier.
P. Petit, Professeur des Universités.
Département d’anesthésie-réanimation et SAMU de Lyon, hôpital Edouard Herriot ; 5, place d’Arsonval, 69437 Lyon cedex 03, France.
P.-Y. Gueugniaud, Professeur des Universités.
Département d’anesthésie-réanimation, centre hospitalier Lyon-Sud, 69495 Pierre-Bénite cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : David J.-S., Capel O., Peguet O., Petit P., Gueugniaud P.-Y. Mise en condition d’un patient grave en vue
de son évacuation terrestre ou héliportée. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Médecine d’urgence, 25-010-C-30, 2007.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos / Documents Information Informations Auto-
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

22 Médecine d’urgence
¶ 25-010-C-10

Monitorage d’urgence
N. Bourdaud, P. Carli

La surveillance pré- ou intrahospitalière des malades graves doit se faire de manière continue et fiable, et
concerner, pour être efficace, un certain nombre de paramètres vitaux. L’utilisation d’un
électrocardioscope, permettant de détecter des troubles du rythme paroxystiques, est devenue
systématique pour tout patient, mais ne suffit pas à elle seule pour une surveillance efficace. Le
monitorage de la pression artérielle peut se faire de manière invasive ou non, automatisée ou
manuellement. Si la méthode de référence reste la mesure invasive de la pression artérielle, elle n’est pas
de réalisation aisée, en situation préhospitalière, et doit être réservée aux patients en état critique. Le
monitorage de la fonction ventilatoire nécessite une mesure continue de la saturation en oxygène,
évaluée de manière non invasive par l’oxymétrie de pouls. Cette dernière reflète la saturation artérielle en
oxygène, mais peut être influencée par un certain nombre de paramètres qui obligent la confrontation
des chiffres obtenus à l’état clinique du malade. Les autres paramètres ventilatoires fréquemment
surveillés sont le volume courant, la ventilation minute, la fréquence respiratoire et les pressions
d’insufflation, nécessaires pour tout patient en ventilation mécanique, pour permettre d’adapter ces
paramètres aux besoins ventilatoires des patients. Le monitorage de la pression téléexpiratoire du CO2 est
un reflet de la ventilation, mais aussi de l’état hémodynamique du patient. L’analyse de la courbe de
capnographie permet d’obtenir de nombreux renseignements tels que l’existence d’un bronchospasme,
d’une défaillance hémodynamique ou l’efficacité d’un massage cardiaque externe. Enfin, un nouveau
type de monitorage est en plein développement : la surveillance biologique délocalisée. Elle permet
d’obtenir, au lit du malade et dans un délai rapide, des indications sur l’équilibre acidobasique,
l’ionogramme sanguin ou d’autres marqueurs biologiques. Ces techniques récentes semblent pouvoir
apporter une aide au diagnostic, mais doivent néanmoins être réellement validées en situation
préhospitalière.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Monitorage ; Saturation en oxygène ; Pression artérielle ; Pression téléexpiratoire en CO2 ;
Paramètres ventilatoires ; Biologie délocalisée

Plan ¶ Caractéristiques générales des moniteurs utilisés en urgence 7


Pour les transports médicalisés 7
¶ Introduction 1 Pour les services d’urgence 7
¶ Monitorage de la fréquence et du rythme cardiaque 2 ¶ Conclusion 7
Méthode 2
Indications 2
¶ Monitorage de la pression artérielle 2
Monitorage non invasif de la pression artérielle
Monitorage invasif de la pression artérielle
2
3
■ Introduction
¶ Monitorage de l’oxygénation par oxymétrie de pouls 3 L’utilisation d’un monitorage continu des diverses fonctions
Méthode 3 vitales est devenue, depuis quelques années, systématique et
Utilisation clinique de l’oxymétrie de pouls 4 indispensable dans les situations cliniques critiques. Un tel
¶ Monitorage de la ventilation 4 monitorage est essentiel, non seulement à l’hôpital dans les
Volume et fréquence respiratoires 4 services d’accueil des urgences, mais aussi au cours des inter-
Pression d’insufflation 4 ventions médicalisées à l’extérieur de l’hôpital et des transferts
Monitorage du gaz carbonique téléexpiratoire 4 interhospitaliers. Le monitorage d’urgence s’adresse donc aux
¶ Monitorage biologique 6 patients atteints d’une ou plusieurs détresses vitales, patentes ou
Méthode 6 potentielles. Il a un intérêt diagnostique évident, mais c’est
Indications 6 aussi une composante essentielle de la sécurité des patients en
Exactitude, précision, limites 6 dépistant une aggravation brutale ou l’apparition d’une compli-

Médecine d’urgence 1
25-010-C-10 ¶ Monitorage d’urgence

cation. Le monitorage d’urgence porte donc principalement sur Korotkow. Avec cette méthode, des erreurs de mesure peuvent
les paramètres courants permettant d’apprécier : être générées par différents facteurs, tels que :
• la fonction cardiocirculatoire : fréquence et rythme cardiaque, • une transmission insuffisante des sons (stéthoscope trop
électrocardiogramme (ECG), pression artérielle, évaluation du long...) ;
débit cardiaque ; • une erreur de calibration du manomètre ;
• la fonction respiratoire : oxymétrie de pouls, capnométrie, • une réduction de la perfusion périphérique, pouvant être
équilibre acidobasique ; responsable d’une production retardée des bruits, d’où une
• la fonction métabolique : laboratoire délocalisé (ionogramme sous-estimation de la PA ;
sanguin, gaz du sang). • un brassard pneumatique trop petit, entraînant une suresti-
Ce monitorage peut être continu, surtout pour tous les mation de la PA, et vice versa ;
paramètres de surveillance, mais aussi discontinu, lorsqu’il a un • une vitesse de dégonflage trop rapide, responsable d’une sous-
rôle d’aide au diagnostic. Il doit être d’utilisation rapide et estimation des valeurs de PA.
simple, reproductible, et le moins invasif possible. Ce monito- Les appareils de mesure automatique de la PA présentent de
rage a peu évolué depuis ces dernières années, hormis en ce qui nombreux avantages par rapport à la méthode manuelle, qui les
concerne les techniques de laboratoires délocalisés qui appor- ont rendus particulièrement utiles pour le monitorage en
tent, en urgence, des indications sur l’équilibre acidobasique, urgence. En effet, en dehors du fait qu’ils permettent une
l’ionogramme sanguin ou les enzymes cardiaques. estimation fiable de la PA, ils présentent de nombreux intérêts :
• libération du personnel soignant pour d’autres activités de
soins ;
■ Monitorage de la fréquence • mesure à intervalles réguliers de la PA ;
et du rythme cardiaque • présence de systèmes d’alarme attirant immédiatement
l’attention en cas de variations importantes de la PA ;
• mémorisation des valeurs de PA, permettant de suivre la
Méthode tendance évolutive.
La surveillance de la fréquence et du rythme cardiaque est De rares complications ont été décrites avec ce type d’appa-
réalisée par un électrocardioscope. Cependant, l’interprétation reil, comme la survenue de compression nerveuse, de thrombo-
précise de l’ECG nécessite un enregistrement papier et un phlébite superficielle, voire de syndrome des loges. Ces
étalonnage précis. Les moniteurs sont souvent associés à un complications ont essentiellement été observées lorsque la
défibrillateur, ce qui permet non seulement le diagnostic mais fréquence de mesure de la PA était excessive, et que de nom-
également le traitement des troubles du rythme les plus breux artefacts se produisaient.
graves. La technique de mesure le plus souvent utilisée par ces
appareils est la méthode oscillométrique, qui consiste en la
mesure des variations pulsatiles de pression dans le brassard lors
Indications de son dégonflage. L’amplitude maximale des pulsations corres-
Le monitorage de l’ECG est extrêmement répandu pour la pond approximativement à la PA moyenne, les valeurs de PA
surveillance des patients en urgence. Bien que l’ECG de surface systolique et diastolique étant ensuite calculées en utilisant des
ne recueille directement que l’activité électrique du cœur, il formules variées. Malgré l’existence d’une certaine approximation,
fournit néanmoins des informations importantes sur la fonction liée directement au principe de mesure, de nombreuses études
pompe du cœur, car les troubles du rythme cardiaque, l’isché- ont démontré qu’il existait une excellente corrélation entre la PA
mie myocardique (voire la nécrose myocardique), ou certaines mesurée par méthode oscillométrique et par méthode invasive.
perturbations électrolytiques, toutes détectables par l’ECG de
surface, peuvent être associés à une dysfonction cardiaque Mesure continue
significative. Considéré comme indispensable pour le monito-
rage en urgence, il est à lui seul insuffisant pour surveiller Les progrès technologiques ont permis l’élaboration d’une
efficacement les patients les plus graves, et doit être associé à technique non invasive fournissant une représentation acceptable
d’autres méthodes de surveillance. de l’onde de pression artérielle et une mesure continue de la PA,
alors qu’auparavant celle-ci nécessitait la canulation directe d’une
artère. Cette mesure est réalisée à l’aide d’une petite manchette
■ Monitorage de la pression photopléthysmographique placée sur la phalange moyenne d’un
doigt. Une procédure de calibration, réalisée en début de moni-
artérielle torage, établit la taille de l’artère pour laquelle la variation de
pression oscillométrique est maximale, puis une pression exté-
Les mesures rapprochées de pression artérielle (PA) font partie rieure variable est appliquée à la manchette de façon que la taille
du monitorage des patients en état critique. Ces patients présen- de l’artère digitale mesurée reste constante. De cette façon, la PA
tent parfois des variations aiguës et importantes de la PA, peut être mesurée pendant la totalité du cycle cardiaque et est
nécessitant l’emploi d’appareils de mesure facilement et rapide- représentée sur le moniteur sous la forme d’une onde de pression
ment utilisables, et dont la fiabilité demeure bonne dans une continue. Les PA systolique, moyenne et diastolique sont calcu-
large gamme de mesure. Les techniques de mesure de la PA lées, et la tendance évolutive peut être visualisée sur l’appareil
peuvent être divisées en deux grandes catégories : la méthode pour de longues périodes de temps. Il existe une bonne corréla-
indirecte ou non invasive, et la méthode directe nécessitant une tion entre la PA mesurée par cet appareil et par méthode inva-
canulation artérielle. sive [1, 2]. Cependant, un placement adéquat de la manchette sur
le doigt est indispensable pour l’obtention de chiffres fiables.
Monitorage non invasif de la pression L’utilisation du pouce comme site de mesure semble être celui
fournissant les meilleurs résultats [2]. Il faut néanmoins noter qu’il
artérielle peut exister une erreur systématique de mesure, en particulier
chez les sujets hypertendus. D’autre part, en cas de vasoconstric-
Mesure intermittente
tion périphérique intense, éventualité très fréquente chez les
La mesure non invasive intermittente de la PA, qu’elle soit patients en état critique, la pression enregistrée dans le doigt peut
manuelle ou automatique, repose sur l’utilisation d’un brassard être notablement inférieure à la pression systémique, représentant
pneumatique dont le gonflage induit l’occlusion d’une artère donc une limitation importante de cette méthode chez les
périphérique, et dont le dégonflage est suivi d’une séquence patients les plus graves [2]. De plus, la manchette induit une
d’événements physiques mesurables. hypoxie modérée au niveau de l’extrémité distale du doigt qui
La technique de mesure la plus simple de la PA est la peut devenir gênante, voire douloureuse en cas d’usage prolongé,
méthode manuelle, qui repose sur l’auscultation des bruits de ce qui limite la durée de son utilisation chez les sujets conscients.

2 Médecine d’urgence
Monitorage d’urgence ¶ 25-010-C-10

Monitorage invasif de la pression artérielle variable. Ces appareils n’explorent que l’absorption liée au sang
artériel pulsatile, par soustraction de l’absorption obtenue en
Méthode diastole à l’absorption en systole. La saturation artérielle est
ensuite déduite grâce à l’utilisation d’un algorithme empirique,
Plusieurs artères périphériques peuvent être canulées, mais construit à partir de mesures réalisées sur un grand nombre de
l’artère radiale est celle le plus souvent utilisée en raison de sa volontaires sains et de patients. La saturation mesurée par
facilité d’accès et de l’existence d’une circulation collatérale au oxymétrie de pouls s’exprime par le terme SpO2.
niveau de la main. Néanmoins, le monitorage direct de la PA
radiale peut entraîner une baisse du flux sanguin dans l’artère Exactitude, précision, limites
canulée, et être responsable d’une ischémie distale, voire d’une
Un point essentiel est de connaître l’erreur de cette méthode
thrombose artérielle. La fréquence de survenue d’un accident
par rapport à la méthode de référence, c’est-à-dire la mesure de
ischémique grave après mesure invasive de la PA est assez faible,
la saturation du sang en oxygène (SaO2) par un co-oxymètre.
inférieure à 5 % [3, 4]. Afin de réduire l’incidence de ces compli-
Celle-ci a été déterminée dans plusieurs études, utilisant des
cations, un test (test d’Allen) a été proposé pour estimer la
corrélations entre la saturation en O2 mesurée par SpO2 et
qualité de la vascularisation de la main [5]. Il consiste à compri-
co-oxymétrie. Une de ces études a comparé les valeurs de SaO2
mer l’artère avant de réaliser la ponction en observant si une
(mesurée par méthode de référence) et de SpO2 obtenues avec
ischémie ne s’installe pas en aval. Il est recommandé de le
14 oxymètres de pouls différents [8]. Les résultats ont montré
réaliser avant toute canulation de l’artère radiale mais cepen-
qu’il existait d’importantes variations d’exactitude (ou
dant il n’apporte pas une sécurité absolue.
biais = SpO2-SaO2) et de précision (ou reproductibilité) entre les
Il existe d’autres sites de mesure de la pression artérielle
différents appareils : pour des saturations proches de 55 %,
invasive, en particulier la voie d’abord fémorale. Mais celle-ci
l’exactitude variait entre - 15,1 % et + 5,5 %, et la précision
n’est pas dénuée de complications (fistule artérioveineuse,
variait entre 2,4 et 14,4 %.
pseudoanévrisme), et semble être à plus haut risque de compli-
Dans la plupart des situations cliniques, l’information fournie
cations infectieuses que la voie radiale [6]. Néanmoins, lors d’un
par l’oxymètre de pouls (SpO2) est précise, excepté dans les cas
état de choc sévère, la palpation du pouls est souvent plus nette
d’hypoxémie extrême (en fait dès que la SaO2 chute au-dessous
au niveau des troncs artériels de gros calibre et rend plus facile
de 70 %).
la réalisation de la ponction artérielle.
Un certain nombre d’autres facteurs influencent l’interpréta-
Il faut préciser que la réalisation de la canulation artérielle
tion de la SpO2. Ainsi, une ambiance lumineuse fluorescente
n’est pas toujours aisée, en particulier chez les patients en état
peut interférer avec le fonctionnement de l’appareil, et aboutir
critique, et qu’elle peut nécessiter un délai de temps non
à des valeurs de SpO2 faussement basses. L’agitation du patient
négligeable pendant lequel il est indispensable d’obtenir une
peut également créer des artefacts de lecture ou la perte du
mesure de la PA par un autre moyen. De plus, ce geste doit être
recueil de la SpO2. Néanmoins, il existe, depuis peu, de nou-
impérativement exécuté dans des conditions d’asepsie rigoureu-
veaux oxymètres de pouls plus fiables pour lesquels les mouve-
ses. Enfin, ce type de monitorage nécessite l’utilisation d’un
ments du patient ne génèrent plus d’artefacts, et ce, aussi bien
matériel spécifique (ligne et tête de pression, purge continue de
en normoxie qu’en situation d’hypoxie [9] . La perte de la
la ligne de pression), associé à un moniteur adapté.
détection du pouls, lors d’un état d’hypoperfusion périphérique
(comme l’état de choc), ou en cas d’hypothermie sévère
Indications
(généralement observée à partir de 33 °C) empêche toute
La mesure invasive de la PA est la méthode de référence. Elle mesure de la SpO2, et constitue une limite de cette technique,
est très largement utilisée en réanimation pour les patients en dans des circonstances où la surveillance de l’oxygénation est
état critique. Elle est indiquée en cas d’état de choc car elle pourtant essentielle.
permet de suivre avec précision l’efficacité du traitement Une autre limitation importante de l’oxymétrie de pouls est
entrepris. Elle permet aussi d’apprécier indirectement la volémie la présence d’autres hémoglobines que l’hémoglobine réduite et
du patient par les variations de l’onde de pression [7]. Cepen- l’oxyhémoglobine, qui peuvent interférer avec la mesure [10] de
dant, sa réalisation en préhospitalier est rarement aisée, la durée la SpO2. La carboxyhémoglobine (HbCO), la méthémoglobine
de réalisation du geste n’est pas compatible avec une prise en (MetHb), ou la sulfhémoglobine (SulfHb) n’étant pas détectées
charge rapide du patient. Son utilisation doit être réservée à la par l’oxymètre de pouls, le risque est une surestimation, parfois
salle de déchocage, voire aux urgences, mais ne semble pas très importante, de la SaO 2 par la mesure de la SpO 2 . En
devoir être recommandée en préhospitalier. revanche, la présence d’hémoglobine fœtale ou d’une hyperbi-
lirubinémie ne semble pas modifier la qualité de mesure
effectuée [11]. Une anémie peut également entraîner une erreur
■ Monitorage de l’oxygénation de mesure, mais dont les conséquences sont moindres, dans la
mesure où l’anémie aboutit à une surestimation du degré réel de
par oxymétrie de pouls désaturation [12].
D’autres pigments (comme le vert d’indocyanine ou le bleu
En quelques années, l’oxymétrie de pouls est devenue l’un
de méthylène) peuvent interférer avec la précision de mesure de
des paramètres essentiels pour la surveillance de l’anesthésie,
l’oxymètre de pouls ; ils peuvent créer de fausses chutes de la
des transports médicalisés, des patients hospitalisés dans des
SpO2. De même, certaines sous-estimations de la SaO2 ont été
soins intensifs, et bien entendu, des patients vus dans le cadre
rapportées chez les patients ayant les doigts couverts de henné,
de l’urgence. Son principal intérêt est qu’elle permet de sur-
d’encre, ou de vernis à ongles (à part le rouge qui semble avoir
veiller, de façon simple et non invasive, l’une des principales
peu d’effets) [13]. En revanche, la présence de gants en vinyle, ou
fonctions de l’organisme qu’est l’oxygénation artérielle.
de plastique transparent ne modifie pas la mesure de SpO2. La
mesure de l’oxymétrie de pouls ne semble généralement pas être
Méthode perturbée chez les sujets à peau noire.
Enfin, il faut préciser que les exceptionnels accidents d’utili-
Principe de mesure sation rapportés avec l’oxymétrie de pouls étaient des brûlures
L’oxymétrie de pouls associe deux techniques : la spectro- de doigts et qu’ils étaient liés à l’utilisation de capteurs endom-
photométrie d’absorption pour la mesure de l’oxymétrie, et la magés, ou à la connexion d’un capteur à un moniteur d’une
photopléthysmographie pour la détection de l’onde de pouls. La autre marque.
spectrophotométrie d’absorption permet de mesurer les conte-
nus relatifs en oxyhémoglobine et en hémoglobine réduite, du
Influence du site de mesure sur le temps
fait de coefficients d’absorptions différents. Les oxymètres de de réponse
pouls effectuent plusieurs mesures à chaque systole et chaque Le site de mesure peut influencer le temps de réponse d’un
diastole, ensuite moyennées sur un nombre de pulsations oxymètre. Ainsi, après une épreuve d’hypoxie, le temps de

Médecine d’urgence 3
25-010-C-10 ¶ Monitorage d’urgence

remontée de 50 % de la SpO2 semble plus court avec le capteur


d’oreille (6 secondes) qu’avec le capteur de doigt (24 secon- ETCO2 (mmHg)
des) [8]. Des résultats identiques sont obtenus lors de la baisse de
la saturation [8]. L’explication semble être en rapport avec les
différences de perfusion des lits vasculaires étudiés. Il faut C
également noter qu’à ce délai de réponse lié au site de mesure B 40
vient s’ajouter le temps de réponse de l’appareil, avec des temps
de moyennage des mesures qui peuvent varier de 1 à 30 secon-
des suivant les appareils. 20

Utilisation clinique de l’oxymétrie de pouls A D A

Figure 1. Capnogramme normal (d’après [18]).


L’oxymétrie de pouls a trouvé une place essentielle dans le
monitorage de l’oxygénation et constitue un apport fondamen-
tal en urgence dans la surveillance des patients hypoxémiques
ou à risque d’hypoxémie. Monitorage du gaz carbonique
Une valeur de SpO2 supérieure à 90-92 % peut être un signe téléexpiratoire
rassurant, et aider à établir des priorités thérapeutiques pour un
patient. À l’inverse, une valeur basse indique soit que l’oxygé- Méthode
nation est inadéquate, soit qu’il existe un défaut de perfusion.
La possibilité depuis quelques années de disposer de matériels
L’oxymètre de pouls peut fournir des renseignements préco-
portables de capnométrie, et de capnographie a considérable-
ces chez des patients en ventilation spontanée, avant que
ment modifié l’utilisation de cette méthode dans le contexte de
d’autres signes cliniques d’hypoxie ne soient évidents [14, 15]. Un
l’urgence. En particulier, les capnomètres ou les capnographes à
autre intérêt de l’oxymétrie de pouls réside dans la surveillance
infrarouges sont adaptés à ce contexte. Ils analysent soit un
des patients ventilés artificiellement, chez qui une chute brutale
échantillon de l’air expiré prélevé par une pompe, soit directe-
de la SpO 2 peut indiquer la survenue d’une anomalie de
ment le flux expiré. Ces matériels sont précis et fiables. Récem-
l’oxygénation tissulaire avant même l’apparition de son expres-
ment, des indicateurs colorimétriques du gaz carbonique (CO2)
sion clinique.
expiré ou des analyseurs semi-quantitatifs ont été spécifique-
Par ailleurs, l’utilisation de l’oxymètre de pouls peut aider
ment créés pour répondre aux besoins des urgences à l’extérieur
également à la surveillance de la fonction cardiovasculaire : la
de l’hôpital.
disparition du message pulsatile de pléthysmographie doit
alerter sur l’existence d’une éventuelle hypoperfusion des
Indications
extrémités. De plus, l’étude des variations de la courbe de
pléthysmographie induite par la ventilation mécanique permet Transporté dans le sang sous différentes formes, le CO 2
de prédire l’existence ou non d’une hypovolémie ou d’une produit par le métabolisme est éliminé via la ventilation
hypotension, ces variations étant corrélées aux modifications de alvéolaire. Au niveau pulmonaire, il existe très rapidement un
la PA induites par la respiration [16, 17]. équilibre entre les pressions capillaires (PaCO2) et les pressions
alvéolaires en CO2 (PACO2). En fin d’expiration, la pression
partielle en CO2 dans le circuit ventilatoire ou au niveau des
■ Monitorage de la ventilation fosses nasales est un reflet direct et proportionnel de la pression
capillaire en CO2. Néanmoins, il existe un gradient entre la
PaCO2 et le CO2 expiré téléexpiratoire (EtCO2) de l’ordre de
Volume et fréquence respiratoires 2-3 mmHg (en situation stable), du fait de l’espace mort
physiologique, qui peut se modifier, voire s’inverser (lors
La mesure de paramètres respiratoires simples tels que le d’anomalies du rapport ventilation/perfusion, de l’administra-
volume courant, la ventilation minute et la fréquence respira- tion de certains médicaments, d’instabilité hémodynamique ou
toire est obtenue facilement par des spiromètres de transport de troubles ventilatoires obstructifs) [18]. Cependant, l’EtCO2 est
intégrés ou non à un ventilateur mécanique. Ces éléments un paramètre particulièrement intéressant en urgence car il
permettent un réglage initial et surtout une adaptation des dépend des deux grandes fonctions vitales de l’organisme : la
paramètres de ventilation pour s’adapter au mieux aux besoins ventilation et la circulation. Par ailleurs, dans les états critiques,
du patient. Ils permettent, en outre, de détecter rapidement, ses variations sont rapides et sensibles. L’influence du métabo-
avant qu’il n’existe de signe clinique, tout problème ventila- lisme, qui est aussi un déterminant de l’EtCO 2 , est moins
toire, aussi bien pathologique (bronchospasme...) que mécani- importante dans ce contexte. La capnographie a été utilisée
que (fuite sur le circuit, débranchement...). pour monitorer la réanimation des arrêts cardiorespiratoires,
l’intubation endotrachéale en urgence, le monitorage des
Pression d’insufflation patients en état critique ou dans certains cas en ventilation
spontanée. Ainsi, en urgence, les indications de la capnométrie,
La ventilation artificielle pendant le transport est en général qui étaient initialement limitées à la surveillance des patients au
réalisée par un respirateur automatique. Ce respirateur doit bloc opératoire ou en réanimation, sont devenues multiples. La
obligatoirement être muni d’une alarme de débranchement et mesure de l’EtCO2 n’est plus une technique d’exception mais
d’une alarme de surpression. La surveillance de la pression un mode de monitorage simple et tout à fait adapté aux
d’insufflation permet ainsi de détecter une surpression pulmo- urgences.
naire causée par un pneumothorax sous tension apparu au La courbe capnographique normale est représentée sur la
cours de la ventilation mécanique. Cette complication redouta- Figure 1. Le point A correspond à l’expiration initiale d’une
ble est cependant de diagnostic facile. Elle impose une décom- partie des gaz qui n’ont pas participé aux échanges gazeux
pression de sauvetage à l’aiguille avant de réaliser un drainage (espace mort absolu). L’apparition de CO2 dans les gaz expirés
pleural. se traduit par la partie ascendante de la courbe (A-B). Une phase
La surveillance des différents paramètres ventilatoires (fré- de plateau (légèrement ascendante) (B-C) fait suite à cette
quence respiratoire, volume courant, pression d’insufflation) augmentation rapide du CO2 expiré, plateau qui traduit l’expi-
permet également de détecter une désadaptation du patient à ration de gaz provenant uniquement des alvéoles. Le CO 2
son respirateur, avec une ventilation spontanée épuisante à expiré télé-expiratoire correspond au point C. Le début de la
contretemps du respirateur, nécessitant un changement de phase inspiratoire est marqué par une décroissance brutale et
mode ventilatoire (VS-AI) ou un approfondissement de la rapide de la courbe (C-D) qui revient, en dehors de terrain
sédation pour récupérer une ventilation synchrone. pathologique, au niveau initial égal à zéro [18].

4 Médecine d’urgence
Monitorage d’urgence ¶ 25-010-C-10

ETCO2 (mmHg) ETCO2 (mmHg)

A B

40 40

20 20

A B

ETCO2 (mmHg) ETCO2 (mmHg)

40 40

20 20

C D

Figure 2. Exemples de capnogrammes pathologiques (d’après [18]). Figure 3. Affichage du capnogramme en mode tendance (d’après [18]).
A. Bronchospasme. A. Diminution progressive de l’EtCO2 au cours d’une défaillance hémo-
B. Bronchopathie chronique obstructive (augmentation de la pente du dynamique.
plateau expiratoire). B. Débranchement ou occlusion accidentelle du circuit respiratoire.
C. Reprise d’une ventilation spontanée. C. Reprise d’une circulation efficace après arrêt cardiaque (élévation
D. Plateau diphasique lors d’une ventilation asynchrone des deux pou- importante et prolongée de l’EtCO2).
mons.
surveillance de l’EtCO 2 en mode tendance peut aider au
diagnostic de certains événements (Fig. 3). Il se révèle dans ce
Intubation d’urgence
contexte plus performant que d’autres techniques de sur-
L’intérêt de l’utilisation de la capnométrie pour l’intubation veillance plus classiquement admises, telles que la mesure de la
trachéale est reconnu depuis de nombreuses années. L’utilisa- SpO2, de la pression artérielle ou de la fréquence cardiaque [20].
tion d’un indicateur colorimétrique trouve ici une indication
tout à fait originale. Une sensibilité et une spécificité très Réanimations des arrêts cardiorespiratoires
élevées dans la prédiction de la position endotrachéale de la Le monitorage de l’EtCO2 au cours des arrêts cardiorespiratoi-
sonde ont déjà été observées en préhospitalier [19]. Une modifi- res a pris une importance capitale depuis quelques années. En
cation colorimétrique du détecteur est obtenue même en cas de effet, ce paramètre simple, non invasif, facile à obtenir chez les
très bas débit cardiaque ; ainsi la couleur qui signe l’absence patients intubés, ce qui est la règle au cours de la réanimation
d’EtCO2 (violet) indique que le patient est depuis longtemps en des arrêts cardiaques, permet d’apprécier plusieurs points
arrêt cardiaque, ou qu’il a été intubé accidentellement dans fondamentaux de la réanimation cardiopulmonaire (RCP).
l’œsophage. Il est clair que la possibilité de disposer d’un L’EtCO2 constitue en effet un monitorage simple de l’effica-
capnogramme instantané permet une interprétation beaucoup cité du massage cardiaque externe. Il a été démontré que le
plus rapide des anomalies observées. En l’absence de capno- débit cardiaque au cours de la RCP était directement corrélé à
gramme, les indicateurs colorimétriques ou les indicateurs l’EtCO2 et que, de la même façon, l’EtCO2 était proportionnel
électroniques semi-quantitatifs récemment proposés peuvent à la circulation pulmonaire [21, 22]. Ainsi, l’EtCO2 est un reflet
trouver ici une indication simple pour améliorer la sécurité des simple de l’efficacité du massage cardiaque externe [23, 24].
patients et la détection rapide d’une intubation œsophagienne. Il faut cependant noter que si l’EtCO2 et le débit cardiaque
semblent bien corrélés lors des bas débits, il n’est, en revanche,
Monitorage des patients en état critique pas sûr que l’EtCO 2 évalue correctement le débit sanguin
L’EtCO 2 a été très largement utilisé pour monitorer les cérébral [25, 26].
patients en état critique aussi bien au bloc opératoire, en L’utilisation de l’EtCO2 comme indicateur pronostique au
réanimation, qu’à l’extérieur de l’hôpital ou au cours des cours de la RCP a été très discutée. Il a été montré que, lors de
transports. En effet, l’origine circulatoire et respiratoire de ce la réanimation d’un arrêt cardiaque (avec activité électrique),
paramètre en fait un outil particulièrement sensible au pro- tous les patients dont l’EtCO2 restait constamment inférieur à
blème qui pourrait survenir en urgence chez les patients 10 mmHg décédaient [27]. Comme chez l’animal, l’EtCO2 baisse
instables. De la même manière, son aspect non invasif est très progressivement au cours de la réanimation des patients qui ne
important dans ces circonstances. L’EtCO2 est particulièrement récupéreront pas une circulation spontanée, alors qu’à l’inverse
performant pour reconnaître les anomalies de la ventilation l’EtCO2 augmente chez les patients qui seront réanimés avec
(hypoventilation, phénomène de « rebreathing », obstruction, succès. Ces constatations peuvent faire penser que l’EtCO2 a
débranchement intempestif, extubation accidentelle). Là encore, une valeur pronostique au cours de la réanimation des arrêts
la possibilité de disposer d’un capnogramme permet une analyse cardiorespiratoires à l’hôpital. Au cours de la réanimation
plus fine que la simple interprétation de données numériques. préhospitalière, des résultats comparables ont été obtenus [28].
La Figure 2 montre des exemples de capnogrammes La Figure 3 montre l’évolution de l’EtCO2 après récupération
pathologiques. d’une activité cardiaque efficace.
Le monitorage de l’EtCO2 est très intéressant au cours des L’utilisation de l’EtCO2 comme indicateur pronostique au
transports médicalisés, car il permet notamment de mettre en cours des arrêts cardiaques est intéressante, mais doit rester
évidence des accidents tels qu’un débranchement ou une d’une interprétation prudente, c’est avant tout l’absence de
extubation accidentelle, qui sont des éventualités particulière- détection de CO2 qui a une signification, d’autant plus que la
ment graves au cours de ces transports. L’affichage de la valeur exacte de la limite inférieure d’EtCO2 n’est pas bien

Médecine d’urgence 5
25-010-C-10 ¶ Monitorage d’urgence

précisée, elle semble se situer vers 10 mmHg [29]. Cependant, de d’annuler les résultats après la mesure s’il apparaît des anoma-
très nombreux facteurs peuvent venir modifier la valeur absolue lies dans les valeurs observées ou dans leur évolution tempo-
de l’EtCO2, et en conséquence il faut être très prudent dans relle [31]. Pour le système i-STAT®, la mesure de la PO2 se fait par
l’interprétation d’un chiffre isolé, car les différents agents ampérométrie, du pH et de la PCO2 par potentiomètre, et celle
administrés ou certaines situations peuvent modifier transitoi- de l’hématocrite par conductimétrie [32].
rement les valeurs de l’EtCO2 (injection de bicarbonates, sonde
d’intubation obstruée ou coudée...).
De nombreuses limites à l’utilisation de l’EtCO2 peuvent
survenir chez tout patient intubé et ventilé. Ces limites sont Indications
principalement la conséquence des déterminants de ce paramè- L’intérêt de tels appareils est de limiter au maximum le délai
tre. Ainsi, les anomalies des rapports ventilation-perfusion entre le prélèvement sanguin et l’analyse biologique et donc les
observées au cours des embolies pulmonaires massives modi-
erreurs de conservation et transport, ainsi que d’éviter les
fient l’EtCO2. De la même façon, une ventilation inefficace
erreurs préanalytiques (défaut d’identification du patient,
(panne du respirateur ou obstruction des voies aériennes) peut
mauvaise température de conservation de l’échantillon, non-
augmenter l’EtCO 2 sans modification du débit cardiaque.
acheminement jusqu’au laboratoire...). En situation préhospita-
L’existence d’un pneumothorax ou d’une tamponnade cardia-
lière, ces appareils permettent de disposer d’informations
que sont des facteurs de baisse du débit cardiaque, qui influent
sensiblement sur l’EtCO2. Enfin, une perturbation du métabo- biologiques, auparavant inaccessibles, qui peuvent nécessiter un
lisme peut également interférer : l’hypo- ou l’hyperthermie traitement urgent spécifique ou une prise en charge thérapeuti-
peuvent être respectivement responsables d’une baisse ou d’une que particulière. L’utilisation de tels systèmes est simple et
augmentation de l’EtCO2. rapide, et ne demande pas de formation particulière, hormis le
Malgré les limites et les difficultés d’interprétation que l’on respect des règles d’usage éditées par le fabricant. Il a d’ailleurs
peut observer pour ce paramètre, il s’agit cependant d’une été démontré que la qualité des résultats obtenus ne variait pas
méthode particulièrement simple et efficace à utiliser. Il faut en fonction de l’utilisateur [33] . Ainsi, lors d’intervention
noter que pour les cas difficiles l’analyse du capnogramme est préhospitalière, les mesures peuvent être réalisées par toute
nécessaire car les informations fournies par la seule capnométrie personne (infirmière, externe...) pendant que le médecin
sont insuffisantes. Enfin, la possibilité de disposer d’un paramè- termine l’examen du patient.
tre évaluant, même de façon imprécise, le débit cardiaque est
fondamentale, car le but de toute réanimation est d’augmenter
ce facteur pour faciliter la reprise d’une activité cardiaque
spontanée.
Exactitude, précision, limites
De nombreuses études expérimentales ont montré la fiabilité,
la précision et la reproductibilité des résultats obtenus pour les
■ Monitorage biologique valeurs de l’ionogramme sanguin [34, 35] . Elles mettent en
Depuis quelques années, des appareils de laboratoires déloca- évidence une bonne corrélation entre les valeurs obtenues avec
lisés sont apparus sur le marché pour permettre un monitorage i-STAT® et celles obtenues en laboratoire avec un appareil de
rapide, et au lit du patient, de divers paramètres biologiques tels paillasse (servant de référence). Néanmoins, certaines études
que les gaz du sang (pH, PO2, PCO2), l’ionogramme sanguin ou soulignent quelques biais de mesure, notamment pour les
l’hémoglobine. Il existe actuellement plusieurs appareils valeurs de la kaliémie qui est constamment surévaluée avec l’i-
disponibles : i-STAT® (i-STAT, Princeton, NJ, États-Unis ; distri- STAT® [35]. L’obtention de résultats fiables et comparables à ceux
bué en France par Abbott Diagnostics Division, Rungis), AVL des laboratoires hospitaliers nécessite cependant quelques
OPTI™ (Roche/AVL Corp. Roswell, Ga. États-Unis), IRMA™ précautions d’utilisation et de conservation. Les cassettes
(Diametrics St. Paul, Mn, États-Unis). i-STAT® doivent, en effet, être conservées au frais. Par ailleurs,
l’échantillon sanguin à tester, bien que de faible volume, doit
Méthode être au moins égal à 65 ml pour pouvoir obtenir un résultat lors
de la mesure.
Ces différents systèmes sont constitués d’un boîtier de petite Concernant les gaz du sang, les résultats de ces appareils
taille permettant un transport aisé au lit du malade (d’où la semblent notablement moins fiables, même lors d’une utilisa-
dénomination anglaise bed-side hand-held unit), dans lequel on tion bien standardisée en milieu hospitalier. La mesure du pH
introduit une cassette avec l’échantillon de sang à tester. Les avec l’i-STAT® est, dans la plupart des études, fiable et superpo-
données mesurées obtenues par ces systèmes regroupent l’iono-
sable aux techniques de référence [36, 37]. Du fait d’un risque de
gramme sanguin (Na+ , K+ , Cl-, Ca2+ i), l’urée et la créatinine
contamination de l’échantillon par l’air ambiant, et de ce fait
sanguine, la glycémie, les gaz du sang (pH, PO2, PCO2), les
d’une modification de la PO2, une marge de + ou –5 mmHg
lactates et l’hématocrite. Les autres valeurs obtenues sont, en
entre les valeurs obtenues par i-STAT® et les valeurs de référence
réalité, calculées à partir des diverses valeurs mesurées : bicarbo-
est communément admise comme acceptable, alors qu’elle n’est
nates, CO2 total, excès de base, saturation en O2, trou anioni-
que et hémoglobine. Ces mesures sont réalisées au moyen que de + ou –3 mmHg pour la PCO 2 . Les études testant la
d’électrodes miniatures ion-sélectives, par conductimétrie et précision de l’i-STAT® pour la mesure des gaz du sang sont assez
ampérométrie associées à des catalyses enzymatiques [30]. Selon divergentes : un certain nombre d’études récentes mettent en
les modèles, le calibrage des détecteurs de O 2 et CO 2 est évidence une discordance plus importante que celle annoncée
effectué, soit par une solution aqueuse interne tonométrée à par le fabricant [38]. Des discordances ont également été rappor-
une PCO2 de 30 mmHg et une PO2 de 160 mmHg, soit par un tées au sujet de la PCO 2 qui ont même abouti à l’arrêt de
gaz provenant d’une bouteille incorporée de composition l’utilisation de l’i-STAT® dans certains hôpitaux américains pour
connue. Un baromètre intégré dans le système permet une la mesure des gaz du sang en urgence [32, 39]. Néanmoins, ces
correction du calibrage en fonction de la pression barométrique. mêmes auteurs s’accordent à dire qu’en situation critique
Le fonctionnement des appareils se fait selon un cycle compor- (accident de la voie publique, catastrophes...) il est préférable de
tant deux phases : une phase de thermostatisation et calibrage disposer d’un résultat de gaz du sang avec i-STAT® que pas de
(pour amener l’échantillon et la solution de calibrage à une résultat du tout, à condition de confronter les valeurs trouvées
température fixée à 37 °C) suivie d’une phase de mesure à l’état clinique du patient.
proprement dite. Les systèmes sont pourvus de microprocesseurs Les résultats obtenus pour la mesure de l’hématocrite ne sont
internes relevant de nombreux paramètres dynamiques (évolu- pas non plus suffisamment satisfaisants pour recommander
tion de la température, du signal des détecteurs en fonction du l’usage de l’i-STAT® pour diagnostiquer une anémie, et encore
temps...) pour permettre des contrôles multiples au cours du moins pour la valeur de l’hémoglobine, qui est calculée d’après
cycle. Ainsi, les systèmes sont capables de rejeter la cassette ou la valeur d’hématocrite mesurée.

6 Médecine d’urgence
Monitorage d’urgence ¶ 25-010-C-10

■ Caractéristiques générales moniteurs miniaturisés sont particulièrement utiles pour


surveiller les patients en état critique au cours d’un transport.
des moniteurs utilisés en urgence Cependant, ils sont souvent d’utilisation complexe, et particu-
lièrement onéreux. À l’inverse, des moniteurs analysant un
Pour les transports médicalisés nombre plus limité de paramètres (comme par exemple la SaO2
et la fréquence cardiaque) sont d’emploi très simple et peuvent
Les moniteurs portables adaptés aux transports médicalisés être utiles pour surveiller un patient n’ayant pas de détresse
présentent les caractéristiques suivantes : vitale patente.
• ils ont une autonomie suffisante en énergie grâce à des
batteries rechargeables ;
• leur poids et leur encombrement sont compatibles avec le
transport ; ils peuvent être disposés ou fixés sur le brancard
■ Conclusion
de transport du patient ; Les progrès technologiques réalisés ces dernières années ont
• ils sont spécialement connus pour résister aux chocs ; rendu possible la surveillance, qu’elle soit continue ou intermit-
• l’écran, ou l’affichage des données, est particulièrement clair tente (mais le plus souvent automatisée), de certains paramètres
et reste stable pendant le transport ; physiologiques, en particulier hémodynamiques et respiratoires.
• enfin, les alarmes sont simples à régler et d’interprétation Ceci était devenu indispensable pour mieux évaluer en urgence
facile lorsqu’elles se déclenchent ; les recommandations de la la gravité initiale, apprécier l’évolution sous traitement, guider
société française d’anesthésie-réanimation concernant les la thérapeutique, et enfin dépister le plus tôt possible l’appari-
transports médicalisés interhospitaliers donnent la liste du tion de complications, permettant leur traitement précoce et
matériel de monitorage nécessaire dans ces conditions [40] peut-être ainsi l’amélioration du pronostic des patients.
(Tableau 1).

Pour les services d’urgence Cet article a été publié pour la première fois en 2004 dans le traité d’Urgences.
Les moniteurs à poste fixe sont voisins de ceux utilisés en
réanimation. Cependant, une simplicité d’utilisation et une
clarté d’affichage maximales sont indispensables en urgence. ■ Références
[1] Boehmer RD. Continuous, real-time, noninvasive monitor of blood
Monitorage miniaturisé pressure: Penaz methodology applied to the finger. J Clin Monit 1987;
La surveillance du patient en urgence peut s’effectuer grâce à 3:282-7.
un seul moniteur miniaturisé, analysant plusieurs paramètres ou [2] Kurki T, Smith NT, Head N, Dec-Silver H, Quinn A. Noninvasive
à l’inverse en utilisant plusieurs moniteurs, chacun analysant un continuous blood pressure measurement from the finger: optimal
paramètre différent. Certains moniteurs miniaturisés peuvent measurement conditions and factors affecting reliability. J Clin Monit
analyser simultanément jusqu’à sept paramètres (ECG, fré- 1987;3:6-13.
[3] Russell JA, Joel M, Hudson RJ, Mangano DT, Schlobohm RM.
quence cardiaque, fréquence respiratoire, SaO2, pression arté-
Prospective evaluation of radial and femoral artery catheterization sites
rielle [non invasive ou invasive], capnométrie, température). Ces
in critically ill adults. Crit Care Med 1983;11:936-9.
[4] Wilkins RG. Radial artery cannulation and ischaemic damage: a review.
Tableau 1. Anaesthesia 1985;40:896-9.
Matériel nécessaire au transfert interhospitalier médicalisé (d’après la [5] Allen E. Thromboangiitis obliterans: method of diagnosis of chronic
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178:237-9.
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Au plan respiratoire : artérielle en unité de soins intensifs. Monitorage non invasif de réani-
- oxygène en bouteille mation. Paris: Masson; 1992. p. 3-10.
[7] Perel A, Pizov R, Cotev S. Systolic blood pressure variation is a sensi-
- un respirateur automatique de transport
tive indicator of hypovolemia in ventilated dogs subjected to graded
- un insufflateur manuel de secours hemorrhage. Anesthesiology 1987;67:498-502.
- un aspirateur électrique de mucosités [8] Severinghaus JW, Koh SO. Effect of anemia on pulse oximeter
- un oxymètre de pouls accuracy at low saturation. J Clin Monit 1990;6:85-8.
Au plan circulatoire : [9] Barker SJ. Motion-resistant″ pulse oxymetry: a comparison of new and
old models. Anesth Analg 2002;95:967-72.
- un électrocardioscope avec enregistreur du tracé électrocardiographi-
[10] Barker SJ, Tremper KK. The effect of carbon monoxide inhalation on
que et un défibrillateur
pulse oxymetry and transcutaneous PO2. Anesthesiology 1987;66:
- un appareil de mesure automatique non invasive de la pression arté- 677-9.
rielle [11] Carbajal R. L’oxymétrie de pouls en pédiatrie. Arch Pediatr 1996;3:
- un dispositif de perfusion à débit continu 1129-35.
Au plan locomoteur : [12] Severinghaus JW, Naifeh KH, Koh SO. Errors in 14 pulse oximeters
- un matelas à dépression (« coquille ») et un dispositif spécifique d’im- during profound hypoxia. J Clin Monit 1989;5:72-81.
mobilisation du rachis cervical [13] Clergue F, Orliaguet G. Supporting and monitoring gas exchanges
during anaesthesia. Curr Opin Anaesthesiol 1991;4:827-31.
- un brancard adapté au transport du malade, à sa contention, à son
[14] McGuire TJ, Pointer JE. Evaluation of a pulse oximeter in the
monitorage
prehospital setting. Ann Emerg Med 1988;17:1058-62.
Matériels complémentaires [15] McKay WP, Noble WH. Critical incidents detected by pulse oximetry
- un dispositif d’entraînement électrosystolique during anaesthesia. Can J Anaesth 1988;35:265-9.
- un pantalon antichocs [16] Forget AP, Garrigue D. In: Surveillance et monitorage des états de choc
- un dispositif d’immobilisation et/ou de traction du fémur aux urgences. Médecine d’urgence 2001. Paris: SFAR-Elsevier; 2001.
p. 61-77.
- un accélérateur de perfusion
[17] Golparvar M, Naddafnia H, Saghaei M. Evaluating the relationship
- un spiromètre adaptable au respirateur between arterial blood pressure changes and indices of pulse oximetric
- un moniteur du gaz carbonique expiré plethysmography. Anesth Analg 2002;95:1686-90.
- un appareil de mesure du microhématocrite et/ou de l’hémoglobine [18] Nouette K, Sztark F. In: La capnographie, au-delà des chiffres. Confé-
ainsi que de la glycémie rences d’actualisation 2000. Paris: SFAR-Elsevier; 2000. p. 293-306.
- un appareil électrique de mesure de la température [19] Ornato JP, Shipley JB, Racht EM, Slovis CM, Wrenn KD, Pepe PE,
et al. Multicenter study of a portable, hand-size, colorimetric end-tidal
- un moyen de prévention de l’hypothermie
carbon dioxide detection device. Ann Emerg Med 1992;21:518-23.

Médecine d’urgence 7
25-010-C-10 ¶ Monitorage d’urgence

[20] Carli P, Rozenberg A, Bousquet M. Colorimetric end-tidal CO2 [31] Sachs C, Finetti P, Abdoulaye F, Mollard JF. Facteurs de limitation des
monitoring during interhospital transport of critically ill patients. performances des appareils à cassettes à usage unique pour la mesure de
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[22] Weil MH, Bisera J, Trevino RP, Rackow EC. Cardiac output and end- 60:153-64.
tidal carbon dioxide. Crit Care Med 1985;13:907-9. [33] Jacobs E, Vadasdi E, Sarkozi L, Colman N. Analytical evaluation of
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of cardiopulmonary resuscitation compression rate on end-tidal carbon care professionals. Clin Chem 1993;39:1069-74.
dioxide concentration and arterial pressure in man. Crit Care Med 1988; [34] Erickson KA, Wilding P. Evaluation of a novel point-of-care system,
16:241-5. the i-STAT portable clinical analyzer. Clin Chem 1993;39:283-7.
[24] Ornato JP, Levine RL, Young DS, Racht EM, GarnettAR, Gonzalez ER. [35] Mock T, Morrison D, Yatscoff R. Evaluation of the i-STAT system: a
The effect of applied chest compression force on systemic arterial pres- portable chemistry analyzer for the measurement of sodium, potassium,
sure and end-tidal carbon dioxide concentration during CPR in human chloride, urea, glucose, and hematocrit. Clin Biochem 1995;28:
beings. Ann Emerg Med 1989;18:732-7.
187-92.
[25] Lewis LM, Stothert J, Standeven J, Chandel B, Kurtz M, Fortney J.
[36] Papadea C, Foster J, Grant S, Ballard SA, Cate JCT, Southgate WM,
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[26] Ornato JP, Garnett AR, Glauser FL. Relationship between cardiac care blood testing in the intensive care units of a university children’s
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[28] Rozenberg A, Carli P, Bousquet M. End-tidal carbon dioxide mances analytiques du i-STAT portable clinical analyzer pour la déter-
monitoring during perhospital cardiopulmonary resuscitation. mination des pressions partielles d’oxygène et de gaz carbonique dans
Anesthesiology 1990;73:A531 [abstract]. le sang total. Ann Biol Clin (Paris) 2002;60:411-20.
[29] Wayne MA, Levine RL, Miller CC. Use of end-tidal carbon dioxide to [39] Ng VL, Kraemer R, Hogan C, Eckman D, Siobal M. The rise and fall of
predict outcome in prehospital cardiac arrest. Ann Emerg Med 1995; i-STAT point-of-care blood gas testing in an acute care hospital. Am
25:762-7. J Clin Pathol 2000;114:128-38.
[30] Alpert NL. i-STAT point of care testing system. Clin Instr Syst 1994; [40] Société française d’anesthésie réanimation. Recommandations concer-
13:3-15. nant les transferts interhospitaliers médicalisés. Paris: SFAR; 1974.

N. Bourdaud, Chef de clinique-assistant des Hôpitaux.


P. Carli, Professeur des Universités, praticien hospitalier, chef de service du SAMU de Paris et du département d’anesthésie-réanimation
(vfouquet.samu@invivo.edu).
Hôpital Necker-Enfants Malades, 149 rue de Sèvres, 75743 Paris cedex 15, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Bourdaud N., Carli P. Monitorage d’urgence. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Médecine d’urgence,
25-010-C-10, 2007.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


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décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

8 Médecine d’urgence
¶ 25-010-C-15

Organisation de la prise en charge


des urgences vitales intrahospitalières
P.-Y. Gueugniaud

La prise en charge des arrêts cardiaques fait l’objet de recommandations régulières et actualisées dont la
dernière mise à jour date de décembre 2005. La spécificité intrahospitalière, en particulier l’organisation
de la « Chaîne de Survie », n’a été esquissée par les experts internationaux qu’en 1997. Pour approfondir
la problématique de la « Chaîne de Survie » intrahospitalière, une conférence d’experts française a
proposé des recommandations sur le thème en 2004. L’éditeur et le comité scientifique de ce traité
français ont souhaité proposer aux lecteurs le texte original des recommandations telles qu’elles ont été
rédigées par le groupe d’experts, accompagné par une introduction qui en commente les éléments
essentiels.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Urgences vitales intrahospitalières ; Chaîne de survie (intrahospitalière) ; Arrêt cardiaque ;
Chariot d’urgence ; Défibrillateur semi-automatique

Plan Pour cette « chaîne de survie », la spécificité intrahospitalière


n’a été abordée que tardivement lors d’une mise à jour des
¶ Concept de « chaîne de survie » 1 recommandations en 1997, ce qui explique le retard pris dans
l’élaboration d’une version intrahospitalière de ce concept.
¶ Recommandations de la conférence d’experts 1

■ Recommandations
■ Concept de « chaîne de survie » de la conférence d’experts
Des recommandations internationales pour la prise en charge Devant l’absence de développement de la spécificité hospita-
des arrêts cardiaques (AC) et des situations pouvant conduire à lière par les experts internationaux et au vu de la grande
ces AC sont proposées depuis les années 1960, et la dernière
disparité des organisations françaises pour cette problématique,
actualisation remonte à décembre 2005. En 1991, les experts
une conférence d’experts a été organisée par la Société française
internationaux ont, pour sensibiliser les esprits sur ce problème
d’anesthésie et de réanimation en collaboration avec le Service
de santé publique intéressant à la fois les professionnels de
santé et le grand public, décliné le concept de « chaîne de d’aide médicale d’urgence (SAMU) de France, la Société française
survie ». Il s’agit d’une chaîne composée de quatre maillons de cardiologie, la Société francophone de médecine d’urgence et
représentant les différentes étapes de la prise en charge d’un la Société de réanimation de langue française. Les recomman-
AC : le premier concerne l’alerte par le premier témoin, le dations issues de cette conférence concernent l’organisation de
deuxième représente les gestes élémentaires de survie, le la prise en charge des urgences vitales au sein des établissements
troisième est centré sur la défibrillation et le dernier concerne de santé. Elles ne traitent ni des urgences non vitales, ni de la
la réanimation médicalisée. L’absence de l’un de ces maillons permanence des soins qui relèvent de l’organisation des services
interdit tout espoir de succès pour la réanimation cardiopulmo- et de leurs responsables. Les urgences vitales sont représentées
naire (RCP). À l’opposé, la rapidité avec laquelle chacun des par la survenue d’une détresse pouvant conduire à tout instant
maillons de cette chaîne sera mis en place représente le facteur à un AC. La prise en charge d’un AC correspond à une procé-
essentiel de réussite de la RCP. dure décrite comme la « chaîne de survie intrahospitalière ».

Médecine d’urgence 1
25-010-C-15 ¶ Organisation de la prise en charge des urgences vitales intrahospitalières

Ces recommandations déclinent successivement les modalités et Ces recommandations ont pour but d’uniformiser en France
procédures de l’alerte, le matériel nécessaire dans les services de les pratiques dans les établissements de santé et d’optimiser les
soins, l’organisation de la prise en charge de l’AC et des autres conditions de prise en charge des urgences vitales, et en
urgences vitales immédiates, la mise en place et l’évaluation de la .
particulier de l’AC : nous proposons dans ce chapitre le texte
.
chaîne de survie intrahospitalière, la formation des personnels, les intrégral issu de cette conférence.
aspects éthiques et, enfin, l’indispensable support institutionnel
permettant l’application de ces recommandations.

P.-Y. Gueugniaud (pierre-yves.gueugniaud@chu-lyon.fr).


Président du groupe d’experts SFAR – SAMU de France – SFC – SFMU – SRLF, SAR 1-CHU Lyon-Sud, 69495 Pierre-Bénite cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Gueugniaud P.-Y. Organisation de la prise en charge des urgences vitales intrahospitalières. EMC (Elsevier
Masson SAS, Paris), Médecine d’urgence, 25-010-C-15, 2007.

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2 Médecine d’urgence
¶ 25-010-B-20

Pharmacologie pour la réanimation


cardiopulmonaire
P.-Y. Gueugniaud, B. Jardel, J.-S. David

Malgré de nombreuses études sur l’arrêt cardiaque, il existe peu de données de médecine factuelle
concernant les substances utilisées au cours de la réanimation cardiopulmonaire. Le nombre de produits
utilisables est restreint. Les médicaments utiles, ainsi que le choix des solutés et des voies d’injections sont
proposées conformément aux recommandations 2005 de l’International Liaison Committee on
Resuscitation (ILCOR). Les substances vasopressives restent indiquées malgré l’absence de preuve
scientifique de leur efficacité et l’adrénaline reste le vasopresseur de choix bien que l’arginine-vasopressine
ne paraisse pas inférieure. L’amiodarone est devenu l’antiarythmique de référence pour la fibrillation
ventriculaire. La lidocaïne, le magnésium, l’atropine, l’aminophylline, le calcium ou l’alcalinisation ne
sont pas justifiés sauf cas particulier. La thrombolyse est indiquée en cas d’embolie pulmonaire mais pas
systématiquement en cas d’infarctus du myocarde. Le sérum salé isotonique est le soluté de première
intention à perfuser par voie veineuse périphérique, mais en quantité limitée : la voie intraosseuse est la
première alternative en cas d’accès vasculaire problématique chez l’adulte comme chez l’enfant.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Pharmacologie ; Arrêt cardiaque ; Vasopresseurs ; Antiarythmiques ; Solutés ; Voies d’abord

Plan
Asystole
¶ Introduction 1 AESP
¶ Vasopresseurs 2
Adrénaline ou vasopressine 2
Alpha-méthyl noradrénaline 3
Endothéline 3
¶ Médicaments antiarythmiques 3
Amiodarone 3 RCP
Lidocaïne 4 (VVP-IOT)
Magnésium 4
¶ Autres substances et perfusions 4
Atropine 4
Aminophylline 4
Calcium 4 Dès que possible, adrénaline : 1mg IVD*
Alcalinisation 4
Thrombolyse au cours de la réanimation cardiopulmonaire 5
Solutés de perfusion 5
¶ Voies alternatives pour l’injection de médicaments 5
Voie intraosseuse 5 Puis adrénaline IVD : 1 mg/4 min environ**
Voie endotrachéale 5

Figure 1. Arbre décisionnel. Algorithme pharmacologique en cas


d’asystole ou d’activité électrique sans pouls (AESP). RCP : réanimation

■ Introduction cardiopulmonaire ; VVP : voie veineuse périphérique ; IOT : intubation


orotrachéale ; IVD ; intraveineux direct. *En cas d’impossibilité d’accès
veineux immédiat, 1 mg par voie intraosseuse ou à défaut 3 mg par voie
Le nombre de substances utilisables au cours de la réanima-
intratrachéale ; **En cas d’inefficacité après deux injections IVD. Augmen-
tion cardiopulmonaire (RCP) est restreint et il existe peu de
tation possible des doses d’adrénaline jusqu’à 5 mg. Alternative possible :
données de médecine factuelle concernant leur utilisation.
arginine-vasopressine (40 unités internationales [UI]).
Aucune substance ne doit être utilisée pour traiter un arrêt
cardiaque (AC) avant la réalisation de chocs électriques lorsque
ceux-ci sont indiqués et avant que compressions thoraciques et La place des vasopresseurs, des antiarythmiques et de quel-
ventilation ne soient débutées (Fig. 1, 2). ques autres substances, ainsi que le choix des solutés et des

Médecine d’urgence 1
25-010-B-20 ¶ Pharmacologie pour la réanimation cardiopulmonaire

sortie de l’hôpital. Ainsi, il n’existe pas d’évidence scientifique


suffisante à ce jour pour indiquer ou contre-indiquer l’utilisa-
FV tion systématique d’un vasopresseur, pour choisir l’un par
rapport à l’autre et pour proposer une séquence thérapeutique
indiscutable. Néanmoins, malgré l’absence de données scienti-
< 4 minutes > 4 minutes fiques chez l’homme, il paraît nécessaire de continuer à utiliser
des vasopresseurs dans le traitement de l’AC, comme moyen
pour augmenter les pressions de perfusion cérébrale et coronaire
au cours de la RCP.
FV tonique FV atonique
Adrénaline ou vasopressine
Utilisation de l’adrénaline
RCP = 2 minutes
1er CEE
(VVP-IOT) L’adrénaline est recommandée dans l’AC depuis plus de
40 ans. Son efficacité est due à ses propriétés a-mimétiques
entraînant une vasoconstriction systémique permettant d’aug-
RCP = 2 minutes menter les pressions de perfusion coronaire et cérébrale au
(VVP-IOT) cours de la RCP. Pour cela, elle est administrée à des doses
1er CEE
intraveineuses de 1 mg répétées. L’utilisation de doses plus
importantes d’adrénaline chez les patients présentant un AC
réfractaire n’a jamais mis en évidence d’amélioration de la
survie à la sortie de l’hôpital, mais a montré une amélioration
2e CEE Adrénaline : 1 mg IVD de la récupération initiale lorsque 5 mg étaient utilisés à la
place de 1 mg [2]. Cette amélioration concerne également la
survie à l’admission pour le sous-groupe des asystoles, alors
2e CEE
qu’il n’existe aucune différence de survie pour le sous-groupe
Adrénaline : 1 mg IVD des fibrillations ventriculaires [2].

Utilisation de la vasopressine
3e CEE Amiodarone : 300 mg IVD L’effet b-mimétique de l’adrénaline, entraînant des actions
chronotrope et inotrope positives, contribue à augmenter la
pression de perfusion coronaire et cérébrale, mais augmente
simultanément la consommation myocardique en oxygène,
3e CEE majore le risque d’arythmie ventriculaire (en particulier sur un
Amiodarone : 300 IVD
myocarde en acidose) et peut induire une hypoxie transitoire
par shunt artérioveineux pulmonaire.
Cet effet b-mimétique potentiellement délétère a conduit à
4e CEE rechercher des alternatives à cet agent vasopresseur. L’arginine-
Adrénaline : 1 mg IVD
vasopressine est une hormone polypeptidique d’origine hypo-
(puis à répéter
thalamique dont l’action physiologique est d’une part anti-
toutes les 4 minutes environ)
diurétique et d’autre part vasopressive par l’intermédiaire de
récepteurs V1-vasculaires. Le rôle de la vasopressine dans la RCP
a initialement été révélé dans des études sur des AC préhospi-
Amiodarone : taliers montrant que les patients ayant récupéré une activité
150 mg IVD circulatoire efficace présentaient des taux de vasopressine (ainsi
si FV tonique
que d’adrenocorticotrophic hormone [ACTH] et de rénine) plus
persistante ou sinon
élevés que les patients décédés [3, 4] . La plupart des études
Adrénaline : 1 mg IVD
(puis à répéter expérimentales animales ont montré une amélioration des
toutes les 4 minutes environ) constantes hémodynamiques lorsque la vasopressine était
utilisée à la place de l’adrénaline [5-7]. Parallèlement, la première
étude clinique utilisant la vasopressine au cours de l’AC en
Figure 2. Arbre décisionnel. Algorithme pharmacologique en cas de 1996 a été assez prometteuse. Dans cette étude, sur une série
fibrillation ventriculaire. FV : fibrillation ventriculaire ; CEE : choc électri- d’AC réfractaires à la thérapeutique standard par adrénaline, la
que externe ; RCP : réanimation cardiopulmonaire ; VVP : voie veineuse vasopressine avait permis la récupération d’une circulation
périphérique ; IOT : intubation orotrachéale ; IVD : intraveineux direct. spontanée sur les huit patients étudiés, parmi lesquels trois ont
évolué sans séquelle neurologique [8]. L’année suivante, le même
groupe publiait une courte série randomisée d’AC extrahospita-
voies d’injections sont présentés conformément aux dernières liers par fibrillation ventriculaire pour lesquels la fréquence de
recommandations de l’International Liaison Committee on récupération et de survie à 24 heures était significativement plus
Resuscitation (ILCOR) [1]. élevée chez les patients traités par vasopressine (avec une
injection de 40 unités internationales [UI]) que chez ceux traités
par adrénaline (1 mg). [9] À l’issue de ces deux études, l’Ameri-
■ Vasopresseurs can Heart Association (AHA) avait proposé, en 2000, que la
vasopressine puisse être une alternative à l’adrénaline dans le
Malgré une utilisation « historique » de l’adrénaline dans traitement de la fibrillation ventriculaire réfractaire [10]. Depuis,
l’arrêt cardiaque, et malgré plusieurs études utilisant la vaso- deux études prospectives randomisées importantes comparant
pressine, il n’existe pas d’études randomisées contre placebo vasopressine et adrénaline pour l’AC intrahospitalier [11] et
prouvant que l’utilisation en routine d’un vasopresseur, quel extrahospitalier [12] ont été réalisées. Ces deux études prospecti-
qu’il soit, améliore la survie des patients victimes d’AC à la ves ont inclus les patients pour recevoir soit de l’adrénaline, soit

2 Médecine d’urgence
Pharmacologie pour la réanimation cardiopulmonaire ¶ 25-010-B-20

de la vasopressine. L’étude intrahospitalière comparait une seule Alpha-méthyl noradrénaline


injection de chaque vasopresseur (1 mg d’adrénaline versus
Une étude clinique ancienne avait montré une efficacité
40 UI de vasopressine), alors que l’étude extrahospitalière
comparable de la noradrénaline par rapport à l’adrénaline [16].
comparait deux injections successives d’adrénaline et de
Des études expérimentales préliminaires ont également montré
vasopressine aux mêmes doses. Pour les deux études, le traite-
un effet bénéfique, mais seulement à court terme sur des cas de
ment complémentaire en cas d’inefficacité du protocole consis- fibrillations ventriculaires [17].
tait dans tous les cas en des injections répétées d’adrénaline,
conformément aux recommandations en vigueur. L’étude Recommandations de l’International Liaison
intrahospitalière incluant 200 AC n’a montré aucune différence Committee on Resuscitation
entre les deux groupes, tant en termes de récupération d’activité En l’absence d’étude supplémentaire, la noradrénaline n’est
circulatoire initiale, qu’en termes de survie à l’admission et à la pas recommandée comme alternative à l’adrénaline.
sortie de l’hôpital [11]. Dans l’étude préhospitalière, 1 186 pa-
tients en AC ont été inclus. Sur l’ensemble des AC, il n’y a pas Endothéline
de différence significative (p = 0,06) entre les deux groupes pour
la survie à l’admission, critère principal de jugement. L’analyse Il existe plusieurs études expérimentales chez l’animal
montrant une amélioration de la perfusion coronaire [18] ou
secondaire de sous-groupes a montré que la vasopressine
cérébrale [19] obtenue grâce à l’endothéline-1, sans amélioration
améliorait significativement la survie à l’admission et à la sortie
concomitante ni du débit sanguin myocardique ni de la
de l’hôpital des patients initialement en asystole, sans modifier
survie [18].
le pronostic neurologique [12] . Dans cette même étude, sur
l’ensemble des 732 patients n’ayant pas récupéré une activité Recommandations de l’International Liaison
cardiaque spontanée après les deux injections, le traitement Committee on Resuscitation
complémentaire par adrénaline a eu pour conséquence une Il n’y a pas d’étude clinique réalisée avec l’endothéline-1.
augmentation du nombre de survivants à l’admission et à la Celle-ci n’a donc pas sa place dans les recommandations.
sortie de l’hôpital dans le groupe vasopressine par rapport au
groupe adrénaline.
Expérimentalement, dans une étude chez le cochon, la survie ■ Médicaments antiarythmiques
des animaux, ainsi que leur pression de perfusion coronaire ont Comme pour les vasopresseurs, il n’y a pas d’évidence
été significativement améliorées par l’association d’adrénaline et scientifique démontrant que l’utilisation d’un médicament
de vasopressine (quelles que soient les doses utilisées) par antiarythmique améliore la survie à la sortie de l’hôpital.
rapport à l’utilisation d’une seule de ces substances [13]. L’intérêt Néanmoins, en comparaison avec un placebo [20] et avec la
de l’association adrénaline et vasopressine a été également lidocaïne, [21] l’utilisation d’amiodarone dans les fibrillations
retrouvé expérimentalement par la même équipe chez le ventriculaires réfractaires au choc électrique améliore la survie
porcelet [14] . L’association de ces deux vasopresseurs fait à l’admission. Ainsi, en dépit de preuves sur le long terme, il
actuellement l’objet d’une vaste étude clinique multicentrique paraît raisonnable de continuer à utiliser un médicament
réalisée dans différents services d’aide médicale urgente (SAMU)- antiarythmique pour le traitement des fibrillations ventriculaires
services mobiles d’urgence et de réanimation (SMUR) français. résistantes.
Une récente méta-analyse de cinq travaux randomisés, mais
méthodologiquement de niveaux très différents, montrait qu’il Amiodarone
n’existe pas de différence significative entre vasopressine et L’amiodarone est un antiarythmique stabilisant de membrane
adrénaline pour la récupération de l’activité circulatoire sponta- qui augmente la durée du potentiel d’action et de la période
née, ainsi que pour les décès à 24 heures ou à la sortie de réfractaire au niveau auriculaire et ventriculaire. La conduction
l’hôpital. L’analyse de sous-groupes en fonction du rythme auriculoventriculaire est ralentie ainsi que la conduction des
initial de l’AC n’a pas non plus, dans cette méta-analyse, faisceaux annexes. L’amiodarone a un discret effet inotrope
montré de différences significatives en termes de décès avant la négatif et est responsable d’une vasodilatation périphérique en
sortie de l’hôpital [15]. raison d’un effet a-bloquant non spécifique. L’hypotension
rencontrée à l’injection d’amiodarone apparaît dépendante du
Recommandations de l’International Liaison solvant (polysorbate 80) qui est histaminolibérateur, plutôt que
du principe actif lui-même. En effet, l’utilisation d’une prépara-
Committee on Resuscitation tion aqueuse d’amiodarone évite cet effet indésirable [22, 23].
Malgré l’absence d’études contrôlées versus placebo, l’adréna- Dans deux études cliniques prospectives randomisées en double
line reste le vasopresseur standard préconisé dans le traitement aveugle chez l’adulte victime en extrahospitalier d’une fibrilla-
de l’AC. Il n’existe pas de données scientifiques suffisantes pour tion ventriculaire résistant à trois chocs électriques, l’adminis-
proposer ou interdire l’utilisation de la vasopressine comme tration d’amiodarone (300 mg, soit 5 mg/kg) par des
alternative ou en association avec l’adrénaline, pour tout type « paramedics » a amélioré la survie à l’admission à l’hôpital par
d’AC. rapport à l’administration d’un placebo, [20] ou par rapport à
l’utilisation de lidocaïne (1,5 mg/kg) [21]. Des études complé-
Ainsi, l’adrénaline doit rester la première substance à utiliser
mentaires ont également montré que l’amiodarone améliorait la
dans l’AC quelle qu’en soit l’étiologie. Elle doit être injectée
réponse à la défibrillation chez l’homme ou chez l’animal [23-
suivant l’algorithme universel toutes les 3 à 5 minutes au cours 26] . En revanche, il n’existe pas de données scientifiques
de la RCP. La dose initiale préconisée est de 1 mg. En cas de permettant de déterminer le moment optimal pour l’injection
fibrillation ventriculaire (FV), la première injection d’adrénaline de l’amiodarone, en particulier dans le contexte d’une stratégie
est réalisée après le deuxième choc électrique. Quand une voie de défibrillation par choc isolé. Actuellement, les études
d’abord vasculaire et/ou intraosseuse n’est pas immédiatement cliniques ont été réalisées avec une injection d’amiodarone
accessible, l’adrénaline peut être injectée au travers de la sonde suivant une séquence de trois chocs : pour cette raison, et en
d’intubation trachéale à la dose de 2 à 3 mg diluée dans 10 ml l’absence d’alternatives testées, l’amiodarone est recommandée
d’eau stérile. Si les doses répétées de 1 mg d’adrénaline s’avèrent en cas de fibrillation ventriculaire résistante à un troisième choc
inefficaces en cas d’asystole réfractaire, une augmentation des électrique.
doses jusqu’à 5 mg par injection est une alternative possible, en
dépit du risque d’induire une tachycardie, une arythmie Recommandations de l’International Liaison
ventriculaire, une ischémie myocardique. Committee on Resuscitation
Enfin, dans certains cas, une perfusion continue d’adrénaline À la lumière du bénéfice rencontré sur la survie à court
peut être nécessaire pendant la période de post-RCP. terme, l’amiodarone est recommandée après le troisième choc

Médecine d’urgence 3
25-010-B-20 ¶ Pharmacologie pour la réanimation cardiopulmonaire

électrique à la dose de 300 mg (soit deux ampoules intraveineu- Cinq études prospectives contrôlées non randomisées, ou
ses directes) en cas de fibrillations ventriculaires (ou de tachy- études de cohortes chez l’adulte, ont montré que l’atropine
cardie ventriculaire sans pouls) résistantes. L’amiodarone doit n’apportait aucun bénéfice dans le traitement de l’AC intra- ou
être diluée dans du sérum glucosé à 5 % en un volume de extrahospitalier [35-39].
20 ml.
L’amiodarone pouvant être responsable de trombophlébites Recommandations de l’International Liaison
lorsqu’elle est injectée par voie périphérique, l’utilisation d’une Committee on Resuscitation
voie centrale est préférable, mais uniquement lorsque celle-ci est
L’atropine n’est pas indiquée dans le traitement de l’asystole.
en place avant l’AC. Dans le cas contraire, une voie veineuse
Elle peut se discuter au cas par cas devant une activité électrique
périphérique de bon calibre doit être privilégiée ainsi qu’un
sans pouls apparaissant à la suite d’une bradycardie initialement
large rinçage du cathéter après l’injection.
efficace et doit alors être administrée sous la forme d’un bolus
unique de 3 mg intraveineux.
Lidocaïne
Depuis les recommandations 2000 de l’Ilcor, la lidocaïne a
Aminophylline
perdu sa place d’antiarythmique de choix en cas de fibrillation L’aminophylline (Théophylline ® ) est un inhibiteur des
ventriculaire réfractaire au profit de l’amiodarone. Actuellement, phosphodiastérases qui augmente la concentration tissulaire en
elle n’est recommandée que lorsque l’amiodarone n’est pas acide adénosine monophosphorique (AMP) cyclique et facilite la
disponible. sécrétion adrénergique à partir de la médullosurrénale. Elle a des
actions chronotrope et inotrope positives. Des études restreintes
testant l’aminophylline dans des cas d’AC par asystoles secon-
Magnésium daires à une bradycardie n’ont pas démontré d’amélioration en
Le magnésium est un important constituant de nombreux termes de survie initiale ou à la sortie de l’hôpital [40-43]. Ces
systèmes enzymatiques, particulièrement ceux concernés par la mêmes études n’ont pas montré à l’opposé d’effets délétères de
synthèse de l’adénosine triphosphate (ATP) dans le tissu l’aminophylline.
musculaire. Le magnésium améliore la réponse contractile en
cas de sidération du muscle cardiaque et limite potentiellement Recommandations de l’International Liaison
la taille de l’infarctus par un mécanisme encore imparfaitement Committee on Resuscitation
élucidé [27] . L’hypomagnésémie est souvent associée à une
L’aminophylline n’est pas indiquée dans le traitement de
hypokaliémie, et peut participer à la genèse de troubles du l’AC... sauf en cas de bradycardie précédant l’AC et résistant à
rythme et d’AC. L’hypomagnésémie augmente par ailleurs la l’atropine.
sensibilité myocardique aux digitaliques et diminue l’activité
ATPasique de la cellule myocardique.
Alors que le bénéfice en apport en magnésium chez les Calcium
patients en hypomagnésémie est reconnu, les bénéfices d’un Le calcium joue un rôle essentiel dans les mécanismes
apport en magnésium au cours de l’AC n’ont pas été démontrés. cellulaires de la contraction myocardique. Cependant, des
Des études cliniques réalisées chez des adultes en AC intra- ou concentrations plasmatiques élevées après une injection de
extrahospitalier n’ont jamais démontré d’amélioration de calcium intraveineux peuvent être délétères en termes d’isché-
récupération d’une activité cardiaque avec le magnésium [28-33]. mie myocardique et de récupération neurologique.
Seule une étude de cas concernant cinq patients a retrouvé
d’éventuels bénéfices de l’utilisation de sulfate de magnésium Recommandations de l’International Liaison
en cas de fibrillation ventriculaire réfractaire [34]. Committee on Resuscitation
Recommandations de l’International Liaison Le calcium n’est pas recommandé en routine dans le traite-
ment de l’AC.
Committee on Resuscitation
Les seules indications sont les causes spécifiques suivantes
Le sulfate de magnésium est indiqué : d’activité électrique sans pouls comme :
• en cas de fibrillation ventriculaire résistante au choc dans un • l’hyperkaliémie ;
contexte d’hypomagnésémie suspectée ; • l’hypocalcémie ;
• en cas de torsade de pointes ; • l’intoxication aux bloqueurs calciques à l’origine de l’AC.
• en cas d’AC dans un contexte d’intoxication digitalique. La dose initiale est de 10 ml de chlorydrate de calcium à
Dans ces cas, une dose initiale intraveineuse de 2 g (4 ml 10 %, à répéter si nécessaire. Il ne faut pas injecter simultané-
(8 mmol) de sulfate de magnésium à 50 %) est injectée par voie ment du calcium et un soluté alcalin.
périphérique sur 1 à 2 minutes. Cette dose peut être répétée une
fois après 10 à 15 minutes de réanimation. Alcalinisation
Un AC entraîne une acidose mixte, respiratoire et métaboli-
que, induite par l’absence d’échanges alvéolocapillaires au
■ Autres substances et perfusions niveau pulmonaire et par le développement d’un métabolisme
cellulaire anaérobie. Le meilleur traitement de cette acidose est
Il n’y a pas d’évidence scientifique justifiant l’utilisation le massage cardiaque et accessoirement la ventilation.
d’autres substances en routine (par exemple les solutés alcalins, Il n’existe pas d’étude de niveaux 1, 2 ou 3 sur l’intérêt de
l’aminophylline, l’atropine, le calcium) pour espérer améliorer la l’utilisation du bicarbonate de sodium au cours de la RCP. Une
survie des AC à la sortie de l’hôpital. étude de niveau 2 [44] n’a pas montré de supériorité à une
perfusion de tribonate par rapport à un placebo, alors que cinq
Atropine études rétrospectives anciennes de niveau 4 n’ont pas non plus
permis de montrer une amélioration du pronostic avec du
L’atropine est un antagoniste de l’action de l’acétylcholine bicarbonate de sodium [45-49] . Seule une étude de niveau
comme neurotransmetteur parasympathicomimétique agissant 4 suggère une amélioration du pronostic vital et neurologique
sur les récepteurs muscariniques. Ainsi, l’atropine bloque l’effet initial et à la sortie de l’hôpital [50]. Une étude a en revanche
du nerf vague au niveau du nœud sinusal, de la conduction démontré l’intérêt d’une perfusion de bicarbonate de sodium en
auriculaire et du nœud auriculoventriculaire, augmentant ainsi cas d’AC induit par une intoxication aux antidépresseurs
l’automaticité sinusale et facilitant la conduction auriculoven- tricycliques ou par un autre bloqueur du canal sodique
triculaire. rapide [51].

4 Médecine d’urgence
Pharmacologie pour la réanimation cardiopulmonaire ¶ 25-010-B-20

Recommandations de l’International Liaison vasculaire et qui aggrave le pronostic neurologique des AC


Committee on Resuscitation récupérés en augmentant l’hyperglycémie post-AC [63-66].
Sinon, l’utilisation d’une expansion volémique de routine au
L’utilisation systématique de bicarbonate de sodium au cours cours du traitement de l’AC reste controversée. Il n’existe pas de
de la RCP ou dans les suites d’une récupération d’activité données cliniques publiées dans le cas d’AC normovolémiques.
circulatoire spontanée n’est pas recommandée.
Quatre études expérimentales sur des fibrillations ventriculaires
La perfusion de sodium de bicarbonate peut être indiquée en n’ont pas pu conclure sur l’intérêt ou l’inintérêt d’une expan-
cas d’hyperkaliémie menaçante ou en cas d’AC survenant dans sion volémique [67-70].
un contexte d’hyperkaliémie ou d’acidose métabolique préexis-
tante, et enfin en cas d’AC par overdose aux antidépresseurs
tricycliques. Recommandations de l’International Liaison
Dans ce cas, une perfusion de 50 mmol de bicarbonate de Committee on Resuscitation
sodium par voie intraveineuse doit être réalisée (50 ml de soluté Une expansion volémique doit être réalisée si l’AC est
de bicarbonate à 8,4 % ou 100 ml de soluté de bicarbonate à associée à une hypovolémie. Il n’y a pas lieu de réaliser une
4,2 %). Cette injection peut être répétée si nécessaire, mais elle expansion volémique en routine en cas d’AC normovolémique :
est au mieux guidée par une analyse de l’équilibre acidobasique
il faut utiliser un soluté de perfusion de type cristalloïde pour
(soit artériel, soit du niveau veineux central). Des lésions
purger la voie veineuse après chaque injection de substance.
tissulaires peuvent être causées par une perfusion sous-cutanée
de soluté de bicarbonate.

Thrombolyse au cours de la réanimation ■ Voies alternatives pour


cardiopulmonaire l’injection de médicaments
L’AC, chez l’adulte, est fréquemment dû à une ischémie La voie veineuse est nécessaire pour traiter un AC. Une voie
myocardique aiguë apparaissant dans les suites d’une occlusion veineuse située dans le territoire cave supérieur serait préférable
par thrombus d’une artère coronaire. Il y a plusieurs cas à une voie située dans le territoire cave inférieur [71]. La voie
rapportés de l’efficacité de l’utilisation d’un thrombolytique au veineuse périphérique serait aussi efficace que la voie veineuse
cours de l’AC, en particulier lorsqu’une embolie pulmonaire est centrale [72, 73].
la cause de l’AC. Des études ont d’abord montré des améliora-
tions du pronostic cérébral lorsqu’un thrombolytique était
utilisé au cours de la RCP expérimentalement [52] ou clinique- Voie intraosseuse
ment [53]. Puis, deux études ont montré une amélioration de la
récupération initiale de l’activité circulatoire spontanée avec un Si un accès veineux ne peut être rapidement obtenu, l’injec-
thrombolytique, sans modification de la survie à la sortie de tion des substances par voie intraosseuse permet d’obtenir des
l’hôpital [54, 55]. Une série limitée de trois cas cliniques a, quant concentrations plasmatiques adéquates. De nombreuses études
à elle, rapporté une amélioration de la survie à la sortie de ont démontré que la voie intraosseuse était sûre et efficace, à la
l’hôpital en cas de fibrillation ou d’activité électrique sans fois pour la distribution des substances, mais également pour la
pouls [56] . Toutefois, à l’opposé, une vaste étude clinique perfusion de solutés [74-79].
prospective a au contraire démontré que la thrombolyse Traditionnellement, la voie intraosseuse est largement utilisée
n’améliorait pas le pronostic d’une série de 233 activités chez l’enfant, elle peut l’être également chez l’adulte.
électriques sans pouls [57].
En revanche, en cas d’AC par embolie pulmonaire, plusieurs
études cliniques [54, 55, 58, 59] et quelques séries de cas [56, 60] ont Voie endotrachéale
montré un bénéfice clinique sans augmentation des complica- Les médicaments pour la RCP peuvent également être utilisés
tions hémorragiques dans des cas d’AC non traumatiques.
par l’intermédiaire de la sonde d’intubation, mais la concentra-
Actuellement, une étude multicentrique européenne en cours tion plasmatique obtenue par cette voie est variable et est
étudie l’efficacité de l’injection intraveineuse directe d’un
significativement inférieure à celle obtenue par voie intravei-
thrombolytique en préhospitalier précocement injecté en cas
neuse ou intraosseuse. Les doses d’adrénaline trois à dix fois
d’AC par fibrillation ventriculaire.
supérieures aux doses utilisées par voie intraveineuse seraient
nécessaires pour obtenir des concentrations plasmatiques
Recommandations de l’International Liaison équivalentes [80] . Dans une étude non randomisée avec un
Committee on Resuscitation groupe de sujets témoins historiques, la fréquence de récupéra-
Une thrombolyse doit être réalisée en cas d’embolie pulmo- tion initiale et de survie à l’admission était plus élevée lorsque
naire avérée ou suspectée. Sinon, les données cliniques restent les substances (adrénaline et atropine) étaient injectées par voie
insuffisantes pour recommander en routine l’utilisation d’un intraveineuse (i.v.) que par voie endotrachéale [81]. Par ailleurs,
thrombolytique au cours d’un AC non traumatique. Elle peut l’adrénaline endotrachéale donnait des concentrations plasma-
être envisagée au cas par cas lorsque la RCP médicale initiale est tiques plus élevées lorsqu’elle était utilisée diluée avec de l’eau
infructueuse et lorsqu’une étiologie coronarienne aiguë est distillée que lorsqu’elle était utilisée dans du sérum salé
suspectée. La thrombolyse ne contre-indique pas la poursuite de isotonique [82]. Au cours de la RCP, la perfusion pulmonaire ne
la RCP, mais, doit faire prolonger celle-ci pendant 60 à dépasse pas 10 à 30 % de sa valeur normale, entraînant ainsi
90 minutes, délai au cours duquel son efficacité peut apparaî- une stagnation de l’adrénaline distillée par voie endobronchi-
tre [61, 62]. que. Lorsqu’une activité cardiaque spontanée est retrouvée après
de fortes doses d’adrénaline endotrachéale, une réabsorption
prolongée d’adrénaline depuis les poumons vers la circulation
Solutés de perfusion pulmonaire peut survenir, entraînant d’éventuelles hyperten-
L’hypovolémie est une cause potentiellement réversible d’un sions artérielles, arythmies ou récidives de fibrillations [80]. La
AC. En cas d’hypovolémie, une expansion volémique rapide lidocaïne et l’atropine peuvent également être données au
doit être réalisée. Au début de la RCP, l’utilisation de colloïdes travers de la sonde d’intubation, mais la concentration plasma-
n’a pas montré d’avantages : le soluté salé isotonique est le tique obtenue est également variable, [83, 84] de même que la
soluté de choix en première intension. Il faut contre-indiquer le vasopressine. L’amiodarone ne peut être utilisée par voie
soluté glucosé qui diffuse rapidement en dehors du secteur endotrachéale.

Médecine d’urgence 5
25-010-B-20 ¶ Pharmacologie pour la réanimation cardiopulmonaire

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P.-Y. Gueugniaud (pierre-yves.gueugniaud@chu-lyon.fr).


SAR 1-SAMU de Lyon, CHU Lyon-Sud, 69495 Lyon-Pierre-Bénite, France.
B. Jardel.
SAMU 76, hôpital Charles Nicolle, 76031, Rouen cedex, France.
J.-S. David.
SAR 1-SAMU de Lyon, CHU Lyon-Sud, 69495 Lyon-Pierre-Bénite, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Gueugniaud P.-Y., Jardel B., David J.-S. Pharmacologie pour la réanimation cardiopulmonaire. EMC
(Elsevier Masson SAS, Paris), Médecine d’urgence, 25-010-B-20, 2007.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos / Documents Information Informations Auto-
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

8 Médecine d’urgence
¶ 24-000-R-17

Plaies aux urgences, prise en charge


E. Hinglais, M. Prével, B. Coudert

La prise en charge par le médecin urgentiste des blessés porteurs d’une plaie ne se limite pas à l’acte
technique du rapprochement cutané par une suture. Tout traumatisme requiert une démarche
diagnostique qui s’appuie sur l’anamnèse et le terrain du patient afin de dégager des hypothèses
lésionnelles. L’examen clinique et les examens complémentaires permettent, d’une part d’écarter ou
d’affirmer ces hypothèses et, d’autre part, d’aider au choix thérapeutique. Dans le cadre des plaies, le
choix thérapeutique se fait entre plusieurs techniques, réalisables, pour partie, aux urgences. Le
raisonnement médical s’appuie sur des bases théoriques afin de s’adapter à chaque situation. Il est alors
possible, pas à pas, de décrire la prise en charge, en introduisant au moment opportun les éléments
techniques indispensables.
© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Plaies ; Urgences ; Cicatrisation cutanée ; Suture

Plan L’apprentissage de l’exploration et de la suture d’une plaie est


un enseignement pratique et est un des exemples encore vivaces
du compagnonnage dans les études de médecine où l’écrit a
¶ Introduction 1
supplanté la tradition orale. Par ailleurs, la cicatrisation cutanée
¶ De la théorie aux principes de prise en charge 1 est spontanée, quelle que soit l’intervention médicale. Enfin,
Physiologie cutanée 1 depuis l’énoncé des principes guidant la cicatrisation par Vilain
Mécanismes lésionnels 2 dans les années 1970 et le regain d’intérêt qu’ils avaient
Cicatrisation cutanée 2 entraîné, il n’y a pas eu d’avancée thérapeutique majeure. Pour
Facteurs de gravité 3 ces trois raisons, on comprend que la revue de la littérature soit
¶ Démarche diagnostique 4 pauvre.
Abord du patient 4 Si le jeune interne de chirurgie a des cours de sutures, le
Recherche d’une lésion profonde 4 monde naissant de l’urgence n’est pas encore structuré pour
Abord de la plaie 4 proposer un tel enseignement. Il apparaissait ainsi important de
Anesthésie 5 colliger ces connaissances transmises oralement.
Exploration 6 Une synthèse est le choix entre plusieurs écoles, choix
¶ Réparation cutanée 6 subjectif mais raisonné. Plutôt qu’un livre de recettes, cet article,
Objectifs thérapeutiques 6
qui suit les étapes de la prise en charge d’un patient porteur
Méthodes utilisables aux urgences 6
d’une plaie, cherche à donner le corpus de connaissance
Indications thérapeutiques 10
nécessaire au raisonnement médical qui aboutit à un choix
thérapeutique. Ensuite, il décrit des éléments techniques
Cas particulier de l’ongle 10
utilisables dans un service d’urgences.
Traitements adjuvants 11
¶ Suivi et surveillance 12
Initial
À distance
12
12
■ De la théorie aux principes
de prise en charge

Physiologie cutanée
■ Introduction
Le revêtement cutané est une frontière entre l’organisme et le
L’évolution des services d’urgences fait que les chirurgiens ont milieu extérieur. Ainsi, il a un rôle actif dans l’homéothermie,
transféré certaines de leurs compétences aux médecins urgentis- est une barrière hydroélectrolytique et antibactérienne, mais
tes. Ainsi, la prise en charge initiale des plaies incombe aussi un protecteur mécanique, et le support du sens tactile…
aujourd’hui au médecin urgentiste. Cependant, il doit savoir De plus, il doit s’adapter aux mouvements de l’organisme et est
alerter le chirurgien et préparer le geste opératoire lorsque les un élément important de l’expression de la personnalité.
conséquences de l’effraction cutanée justifient une réparation au La peau comprend trois plans :
bloc opératoire. Dans les autres cas, il doit savoir faire la • l’épiderme, formé d’une membrane basale vivante qui
réparation et orienter le patient pour le suivi de ce traumatisme. régénère la couche cornée ;

Urgences 1
24-000-R-17 ¶ Plaies aux urgences, prise en charge

Figure 1. Lors d’une coupure, la peau se plie à


la contrainte avant de céder (A, B).

• le derme, comprenant une couche papillaire et une couche cinétique du traumatisme causal. Celle-ci est également liée à la
réticulaire ; cette dernière contient le tissu conjonctif dense et résistance cutanée, qui dépend du terrain et de la localisation
élastique ainsi que les éléments vasculonerveux ; anatomique du traumatisme.
• l’hypoderme, dont les limites avec la couche réticulaire et les En revanche, l’atteinte éventuelle des éléments sous-cutanés
tissus profonds sont floues. (axe vasculonerveux, par exemple) est conditionnée exclusive-
L’épaisseur du tissu sous-cutané et de la couche adipeuse est ment par la localisation anatomique du traumatisme.
très variable selon la localisation anatomique et le terrain.
La vascularisation cutanée est complexe, associant des artères Écrasement
cutanées directes et indirectes, ces dernières provenant de la L’objet contondant a, ici, une surface large et la peau n’est
vascularisation musculaire. Cet ensemble crée de nombreuses pas franchie. En revanche, elle se retrouve écrasée entre l’objet
anastomoses au sein des tissus profonds. Ceci explique que dans vulnérant et un plan dur, osseux le plus souvent, créant une
la peau il n’y ait pas de territoire vasculaire autonome. Enfin, il ischémie aiguë de la peau et des tissus sous-cutanés.
faut comprendre que, dans le derme, cette vascularisation est Si cet écrasement perdure, il s’ensuit une nécrose ischémique
terminale. La peau est tributaire de l’état hémodynamique et cutanée (escarre).
nutritionnel. Si la cinétique associe une composante rotatoire, tordant et
Selon le terrain, la physiologie cutanée change. déchirant la peau déjà ischémiée, cela entraîne un phénomène
Chez l’enfant, la surface cutanée augmente au fur et à mesure de cisaillement entre la peau et les structures profondes de
que l’enfant grandit. Le derme et la couche vivante de l’épi- l’hypoderme, engendrant des plaies vasculaires. Celles-ci sont
derme sont ainsi le siège d’un métabolisme accru. La répartition responsables d’une ischémie dont les conséquences sur les tissus
graisseuse sous-cutanée est différente de celle de l’adulte. Enfin, cutané et sous-cutané dépendent du terrain et de l’étendue des
la peau n’a pas encore la « mémoire du geste » qui entraîne des lésions.
zones de surplus et des lignes de forces. La gravité de ce type de lésion est conditionnée par la
À l’autre extrême de la vie, les caractéristiques sont inversées. présence d’une atteinte osseuse concomitante, surtout lorsqu’il
Le pouvoir de régénération tissulaire est appauvri, les travées existe une plaie puisqu’il s’agit alors d’une fracture ouverte.
élastiques sont moins denses. Les lignes naturelles, liées aux
mouvements de l’organisme, sont marquées et il y a de nom- Abrasion
breux surplus cutanés.
La composante principale, en termes de contraintes, n’est pas
Certaines situations pathologiques engendrent une diminu-
ici verticale, mais tangentielle. Ainsi, la peau, en plus d’être
tion du métabolisme cutané. Il s’agit des patients présentant
écrasée, est abrasée sur une surface plus ou moins grande.
une artériopathie, des troubles nerveux sensitifs ou des cortico-
Outre l’étendue et la localisation anatomique, la gravité est
thérapies au long cours. La peau perd alors de sa tonicité et de
conditionnée par la profondeur et donc par l’atteinte du derme.
son épaisseur.
La surface de la peau est le domicile de nombreux germes
saprophytes qui sont principalement Staphylococcus epidermidis Cicatrisation cutanée
et aureus, Propionibacterium acnes, les corynébactéries aérobies Lors d’une effraction cutanée, la réparation est spontanée.
ainsi que des Candida. L’équilibre de leurs populations respec- Schématiquement trois phases se succèdent et s’interpénè-
tives empêche le développement de colonies pathogènes en trent. [1] La première permet la détersion de la plaie et la
excès. préparation de la seconde lors de laquelle les phénomènes
Les muqueuses sont des épithéliums malpighiens non kérati- prolifératifs rétablissent la continuité de la peau. Enfin, la phase
nisés. Elles siègent dans un environnement plus acide et de remodelage a pour but d’insérer la cicatrice au sein du
humide, comportant de nombreux germes potentiellement revêtement afin de restaurer les fonctions cutanées.
pathogènes aérobies et anaérobies. Ainsi, l’agression muqueuse L’intervention médicale ne fait que prévenir les complications
est intense, impliquant un renouvellement plus rapide de la et réduire, si nécessaire, la surface à cicatriser.
couche superficielle. Lors d’une plaie, la cicatrisation est donc
plus rapide que pour le revêtement cutané. Première phase
Elle est vasculaire et inflammatoire, et débute dès l’effraction
Mécanismes lésionnels cutanée pour une durée de 2 à 4 jours.
L’effraction cutanée traumatique, en dehors des brûlures, peut Elle est le fait de l’extravasation sanguine avec la colonisation
se faire, selon l’agent vulnérant, la cinétique et l’orientation de de la plaie par les plaquettes, qui vont libérer différents facteurs
l’impact, de trois manières pouvant se combiner. de croissance intervenant dans la cicatrisation, et les polynu-
cléaires, qui colonisent la plaie dès la sixième heure. Leur
Coupure fonction est détersive et antibactérienne.
L’agent vulnérant est tranchant, c’est-à-dire avec une surface Plus tardivement, les macrophages prédominent entre les
de contact faible. Le coefficient de pénétration est inversement troisième et sixième jours. En plus de leur rôle détersif, ils
proportionnel à la surface de contact. libèrent des facteurs de croissance.
La peau se plie à la contrainte avant de céder (Fig. 1). L’objet Les lymphocytes, entre le sixième et le huitième jour, aident
contondant se retrouve alors libre de pénétrer plus avant. à la prolifération fibroblastique.
L’effraction cutanée est nette. La profondeur de la lésion Enfin, les bactéries ont aussi un rôle détersif. De nombreux
dépend de l’orientation (verticale ou tangentielle) et de la germes vont s’ordonner en un bactériocycle. Au départ, les

2 Urgences
Plaies aux urgences, prise en charge ¶ 24-000-R-17

germes sont à Gram positif (staphylocoque, streptocoque), puis Figure 2. Zones des membres
des germes à Gram négatif colonisent la plaie. L’équilibre entre où les axes vasculonerveux ou les
une colonisation bactérienne « utile » et une surinfection est tendons sont sous-cutanés.
précaire. Il est régi, d’une part par les capacités immunitaires et
vasculaires du patient et, d’autre part, par le type des germes
présents. Ceux-ci dépendent de la localisation de la plaie, de
l’agent contondant, mais aussi de l’absence de contamination
lors des soins. Enfin, l’antibiothérapie peut faire disparaître les
colonies saprophytes, laissant alors la place à des germes à Gram
négatif virulents (Proteus, pyocyaniques). Une nouvelle antibio-
thérapie, adaptée à cette infection, peut alors faire observer
l’arrivée des levures et des champignons.

Seconde phase
Elle est proliférative et dure de 10 à 15 jours.
Au sein du derme, on observe une prolifération de fibroblas-
tes qui permet la détersion et la production de collagène de
type I et III. De plus, il est le siège d’une néoangiogenèse. Enfin
apparaissent aussi des myofibroblastes responsables de la
contraction de la plaie.
Dans l’épiderme, il y a prolifération de kératinocytes qui, par
migration dès la douzième heure, recouvrent la plaie. L’appari-
tion des mélanocytes et des îlots de Langerhans est plus tardive.

Troisième phase
Elle est dite de remodelage et dure de 6 à 12 mois.
À la phase initiale, les fibropectines aident au remodelage,
surtout sur les bords de la plaie, assurant l’organisation de la
trame collagénique.
À la phase finale, les collagènes et protéoglycanes remplacent
la fibropectine et permettent une meilleure résistance à la
traction.
Les durées énoncées sont variables selon le terrain, la taille et
la profondeur de la plaie. Ainsi, par exemple, la phase de
remodelage est plus longue lors d’une plaie profonde et un
enfant cicatrise plus vite qu’un adulte.
Par ailleurs, la qualité de la cicatrisation dépend aussi de la
susceptibilité individuelle. On peut alors voir des cicatrices
hypertrophiques ou chéloïdes.
L’existence de corps étrangers au sein de la plaie va générer Pour le membre supérieur (Fig. 2) : le creux axillaire, la face
une réaction inflammatoire autour de ce corps étranger, l’isolant médiale du tiers distal du bras, les faces antérieure et postérieure
dans un granulome. Du fait des germes amenés par ce corps du coude, le tiers distal de l’avant-bras, avec les axes vasculo-
étranger, l’évolution vers l’infection est fréquente. nerveux ; le poignet, la main et les doigts, avec les axes
vasculonerveux et les tendons.
Facteurs de gravité Pour le membre inférieur (Fig. 2) : le triangle de Scarpa, le tiers
distal de la face médiale de la cuisse, le creux poplité, avec les
Lésions associées axes vasculaires.
Elles incluent les lésions des structures anatomiques situées à La zone sous-rotulienne, la face antérieure de la cheville, le
distance de l’atteinte cutanée. dos du pied, la zone du tendon d’Achille et les orteils, avec les
Un traumatisme est une énergie cinétique absorbée par un tendons.
corps humain. Si une atteinte cutanée est la conséquence la plus Enfin, les organes génitaux externes avec les atteintes des
visible, il ne faut pas méconnaître d’autres lésions engendrées organes reproducteurs.
par ce traumatisme, dont la prise en charge peut primer sur À ce propos, le « dogme » stipulant que toute plaie en regard
l’atteinte cutanée. d’un axe artériel est une plaie artérielle doit guider la décision
L’exemple le plus démonstratif est celui d’une chute engen- du praticien, qu’elle soit sèche (sans saignement actif) ou sans
drant un traumatisme crânien. À l’inspection, la plaie du scalp signe d’aval initial.
en est la conséquence visible mais il faut savoir ne pas s’arrêter
là.
Localisation de l’atteinte cutanée
Lésions concomitantes à l’effraction cutanée
Certaines zones cutanées sont, à elles seules, un facteur de
Les lésions d’un axe vasculonerveux, d’un tendon ou d’un gravité potentielle. Le scalp, du fait d’un réseau artériel dense,
viscère, dépendent du mécanisme lésionnel mais aussi de la expose à des phénomènes hémorragiques importants. Le
localisation anatomique. périnée, du fait de l’ambiance septique et de l’importance de la
On peut définir des zones à risques où des structures nobles graisse sous-cutanée, expose à un risque septique majeur.
sont sous-cutanées.
Le visage : les joues avec le passage de l’artère et du nerf facial,
ainsi que le canal de Sténon ; les paupières avec le globe Facteurs déterminants
oculaire et le canal lacrymal.
La région cervicale : dans ses parties antérieure et latérales, avec Certains autres facteurs ne sont pas des facteurs de gravité à
la trachée en avant et les axes vasculaires sur les côtés. eux seuls, mais sont des éléments potentialisant un facteur de
Les plaies du tronc sont suspectes d’atteinte pleurale ou gravité et sont, souvent, des déterminants pour une décision
péritonéale. thérapeutique.

Urgences 3
24-000-R-17 ¶ Plaies aux urgences, prise en charge

précise l’anamnèse du traumatisme et le terrain du patient, et


Inspection de l’inspection de la plaie qui permet de préciser la localisation
Examen clinique anatomique, son aspect et la trophicité du revêtement cutané
adjacent.
Ces deux temps simultanés permettent de repérer, dès
l’accueil :
Exploration de la plaie* • une situation immédiatement chirurgicale lors d’une plaie
c'est- à-dire NON d’un gros vaisseau ou d’une atteinte viscérale ; le rôle de
Lésion profonde
visualisation de l’urgentiste est alors de contrôler le saignement, d’alerter et
concomitante ?
l'ensemble
de préparer le geste chirurgical par des mesures de réanima-
de la cavité
tion adaptées, notamment en prélevant le bilan prétransfu-
OUI sionnel ;
• les sites lésionnels associés potentiels ; l’interrogatoire et
l’inspection doivent permettre d’orienter vers les éventuelles
lésions associées suspectées par l’anamnèse ; il faut alors
Lésion profonde OUI hiérarchiser l’ordre de prise en charge des différentes atteintes
concomitante ? selon le pronostic engagé par chacune.
Prise en charge Ils permettent aussi d’identifier, en dehors de ces situations :
chirurgicale • le mécanisme lésionnel de l’atteinte cutanée, de préciser
NON
l’objet vulnérant et sa cinétique, ainsi que la direction de
OUI l’impact ;
Terrain à risque • les structures profondes manifestement atteintes sur l’exis-
Réparation complexe tence de signes fonctionnels (diminution de la mobilité d’un
doigt, paresthésies ou anesthésie d’un territoire nerveux…) ;
NON • le degré de souillure ou de contusion cutanée ; le délai entre
le traumatisme et la prise en charge est à connaître afin d’y
corréler l’aspect de la plaie (inflammatoire, surinfecté ou cica-
trisation déjà entamée).
Réparation
aux Recherche d’une lésion profonde
urgences Le temps suivant de l’examen clinique est la recherche des
lésions profondes potentielles.
Par exemple, pour une plaie thoracique, les examens clinique
et radiologique pulmonaire priment. Pour une plaie du poignet,
Figure 3. Algorithme décisionnel d’une prise en charge chirurgicale les tests tendineux et vasculonerveux d’aval sont réalisés. Lors
devant une plaie aux urgences. *Attention aux éléments anatomiques d’un écrasement, des radiographies à la recherche des lésions
sous-jacents dans les zones à risque. osseuses sont prescrites.
À ce stade, deux situations sont possibles :
• soit il existe une lésion avérée et la prise en charge est
Ces éléments sont : chirurgicale ; le rôle de l’urgentiste est l’alerte et la prépara-
• la superficie de la plaie et l’importance de la perte de tion du patient à ce geste ;
substance ; • soit il n’y a pas d’atteinte avérée et il s’agit alors d’aborder la
• le terrain du patient ; il s’agit de rechercher les troubles plaie afin de compléter le bilan lésionnel.
trophiques de la peau, que ceux-ci soient liés à un métabo-
lisme cutané particulier (antécédent de cicatrice hypertrophi- Abord de la plaie
que ou chéloïde) ou diminué (personne âgée, patient porteur
d’une neuropathie sensitive, ayant des troubles artériels ou Pour établir ce bilan nécessaire aux choix thérapeutiques, il
veineux, une malnutrition ou prenant une corticothérapie au est impératif de visualiser le fond, l’ensemble des contours, les
long cours) ; on doit rechercher également une immunodé- différents plans atteints, c’est-à-dire l’ensemble de la plaie.
pression (néoplasie, chimiothérapie, corticothérapie ou Le premier temps comprend un lavage à l’eau et au savon de
immunodépression acquise) ou des troubles de l’hémostase la zone lésée et l’installation du patient. Pour ce faire, quelle
pathologique ou iatrogène (prise d’antivitamine K, d’aspi- que soit la localisation de la plaie, le patient doit être dans une
rine…) ; situation confortable et dans une pièce permettant l’ensemble
• la nature de l’agent vulnérant en termes de souillure poten- de l’exploration et de la réparation cutanée. Les poils et les
tielle de la plaie, soit par de nombreux corps étrangers (éclats cheveux, à l’exception des sourcils, doivent être tondus (et non
de verre), soit par une colonisation initiale par des germes rasés).
pathogènes (morsures) ; L’étape suivante est la décontamination de la zone lésée et
• le mécanisme lésionnel ou l’association de plusieurs, surtout avant tout celle de la peau saine de voisinage, de manière
lors d’un écrasement avec dilacération cutanée. centrifuge.
Deux familles d’antiseptiques sont utilisées dans la pratique
courante, les dérivés iodés et les ammoniums quaternaires. Il est
■ Démarche diagnostique préférable que la même famille soit utilisée du début à la fin de
la prise en charge. Le choix entre les deux est affaire d’habitudes
Une plaie n’est simple qu’a posteriori. En effet, une plaie car les spectres couverts sont équivalents. Les ammoniums
minime et banale d’aspect peut masquer une lésion tendineuse quaternaires sont contre-indiqués en cas d’allergie et ne peuvent
ou vasculaire. Cet adage justifie que la démarche diagnostique être utilisés en cas de plaie profonde ou des muqueuses. Les
soit systématique, respectant un ordre chronologique que suit dérivés iodés sont contre-indiqués en cas d’allergie et leurs trois
ce chapitre. Ainsi, au fur et à mesure, l’urgentiste peut dégager formes galéniques permettent une utilisation dans les différents
les indications chirurgicales (Fig. 3). cas de figures. En revanche, ils colorent la plaie et leur usage
doit être en faible quantité en cas de troubles thyroïdiens ou
chez la femme enceinte.
Abord du patient Il faut garder à l’esprit que les complications infectieuses sont
Fort des éléments précédents, l’abord premier d’un patient majoritairement le fait de la contamination par les soins
présentant une plaie est la combinaison de l’interrogatoire qui prodigués et non par la flore du patient lui-même. Ainsi, la

4 Urgences
Plaies aux urgences, prise en charge ¶ 24-000-R-17

Figure 5. Repères du bloc ulnaire du poignet. 1. Point d’injection ;


2. tendon du fléchisseur ulnaire du carpe.
Figure 4. Visualisation du fond de la plaie par écartement à distance
avant l’installation.

bavette protège le patient et les lunettes le praticien. La


décontamination des mains doit être soigneuse, et le déballage
instrumental et la pose des champs doivent respecter les règles
de l’art. Cela justifie la présence d’un aide durant la totalité des
phases d’installation et d’exploration.
Lors de plaies visiblement hémorragiques des membres, on
peut installer un garrot pneumatique. Le membre est mis en
position verticale puis le garrot est gonflé après 1 à 2 minutes,
pour être maintenu à une pression supérieure à la pression
systolique du patient.
Une fois l’installation faite, on procède au nettoyage de la
plaie pour poursuivre l’ablation des corps étrangers, éliminer les Figure 6. Repères du bloc médian du poignet. 1. Point d’injection ;
dépôts de sang coagulé et les parties nécrosées non adhérentes. 2, 3. tendons des fléchisseurs du carpe.
Ce nettoyage permet aussi de diminuer la colonisation bacté-
rienne (rappelons qu’à ce stade la plaie n’est, en règle, pas
infectée et l’on ne peut donc pas « désinfecter » une plaie). Le point de ponction se situe à deux ou trois travers de doigt
L’emploi d’eau stérile sous une pression faible est le meilleur de la ligne circulaire passant par la stiloïde, sous le tendon du
moyen. On peut la réaliser par instillation avec une seringue, fléchisseur ulnaire du carpe. L’aiguille a une direction perpen-
par versement direct du flacon dans la plaie, ou par instillation diculaire à l’axe du tendon et est enfoncée de 5 à 15 mm. On
d’un flacon de perfusion muni d’une tubulure. L’utilisation de injecte 5 ml de lidocaïne à 2 %.
compresses complète ce lavage mais, n’ayant pas encore
pratiqué d’anesthésie, son efficacité reste limitée par la douleur. Bloc médian (Fig. 6)
Par traction du revêtement cutané permettant l’écartement Comme le précédent, il est facile à utiliser, donne de bons
des berges de la plaie, une première visualisation du fond de la résultats, sans complication spécifique.
plaie est réalisée (Fig. 4). Si elle n’est pas suffisante, une Le point de ponction se situe à deux ou trois travers de doigt
exploration plus complète est nécessaire, imposant la réalisation au-dessus du premier pli palmaire de flexion, entre les tendons
d’une anesthésie locale ou locorégionale selon la localisation de du fléchisseur radial du carpe et du long palmaire. La main doit
la plaie et des compétences du praticien. être installée en supination, poing serré et en légère flexion
ulnaire. L’aiguille a une direction distale, avec un angle de 15°
Anesthésie à 30° par rapport à la peau, jusqu’à une profondeur de 5 mm.
On injecte de 3 à 4 ml de lidocaïne à 2 %.
Anesthésie locale Bloc radial (Fig. 7)
Celle-ci doit être réalisée avec de la lidocaïne à 1 %, non Les résultats sont plus inconstants et la complication spécifi-
adrénalinée (pour éviter toute ischémie des berges de la plaie). que est la ponction de l’artère radiale.
Elle se réalise avec une seringue de 10 ou de 20 ml permettant L’aiguille est insérée perpendiculairement à l’axe de l’avant-
un meilleur contrôle de l’injection qu’avec une seringue plus bras, réalisant une infiltration sous-cutanée des rameaux
petite. L’aiguille doit être la plus fine possible, de 23 ou sensitifs du nerf radial sur une ligne transversale passant par
25 Gauge (aiguille intradermique ou sous-cutanée). Un test l’angle proximal de la tabatière anatomique. On injecte 5 ml de
d’aspiration doit être fait avant chacune des injections, qui se lidocaïne à 2 %.
font de proche en proche, afin d’éviter un passage vasculaire.
Bloc métacarpien ou digital intrathécal (Fig. 8)
Anesthésie locorégionale De technique facile et sans complication spécifique, il peut
Les contre-indications générales et locales à ce type d’anes- être utilisé pour les quatre derniers doigts. Pour le cinquième
thésie doivent être respectées. On doit disposer un matériel doigt, la gaine est ouverte et les résultats sont plus inconstants,
adapté, en particulier des aiguilles à biseau court. Elle demande lui faisant préférer le bloc ulnaire.
enfin un apprentissage préalable spécifique. Il doit être préféré aux blocs digitaux dits en « bague », dont
De nombreux blocs sont réalisables aux urgences, y compris la complication possible est l’ischémie ou la nécrose digitale. En
pour la face. Nous ne citerons que les blocs du poignet qui sont revanche, les conditions d’asepsie doivent être rigoureuses et
les plus utilisés. l’injection est douloureuse.
Le point de repère est la tête du métacarpien du doigt
Bloc ulnaire (Fig. 5) concerné. Le point de ponction est la projection du centre de
Il s’agit d’un bloc simple à réaliser, dont la seule complication la tête du métacarpien, à la face palmaire de la main, en ayant
spécifique est la ponction de l’artère ulnaire. préalablement repéré le trajet tendineux. L’aiguille va jusqu’au

Urgences 5
24-000-R-17 ¶ Plaies aux urgences, prise en charge

“ Recommandation
• De manière générale, il faut savoir attendre quelques
instants pour une anesthésie locale et jusqu’à 10 à
15 minutes pour une anesthésie locorégionale On teste
la qualité d’anesthésie obtenue avant de débuter
l’exploration. Ce temps est mis à profit afin de préparer
le matériel nécessaire, à savoir : une pince à disséquer
fine, deux pinces à hémostase de type Halsteadt, une
paire de ciseaux à peau fins, un bistouri de lame 23 ou
25.
• On peut aussi proposer, à la place ou en association à
l’anesthésie locale, une analgésie par mélange équimo-
laire de protoxyde d’azote et de dioxygène.

lésion tendineuse lorsque, lors du traumatisme, la main était


Figure 7. Repères du bloc radial du poignet. dans une position différente de celle nécessaire à l’installation
1. Point d’injection ; 2. ligne transversale. pour l’exploration.
À ce stade, la constatation d’une lésion profonde, même
partielle, impose une prise en charge au bloc opératoire et le
rôle de l’urgentiste est d’organiser cette réparation chirurgicale.
Sinon, on obtient une plaie propre, non hémorragique, dont
on prend soin de décoller les plans successifs les uns par rapport
aux autres, afinx d’en faciliter la réparation.

■ Réparation cutanée
Objectifs thérapeutiques
Une effraction cutanée cicatrise spontanément, soit « ad
integrum », soit en laissant un pont fibreux entre deux zones
saines.
La prise en charge médicale cherche à aider cette cicatrisation
et à prévenir les complications infectieuses ainsi que les
séquelles fonctionnelles et esthétiques.
Aux urgences, elle consiste donc en :
• une détersion et une décontamination ;
• une exploration afin d’établir un bilan lésionnel ;
• une aide à la cicatrisation, soit par rapprochement des berges,
soit, a contrario, par une aide au bourgeonnement à partir du
fond de la plaie.
Selon la plaie, le terrain du patient et le contexte local
hospitalier, le bloc opératoire permet :
Figure 8. Repères des blocs métacarpien ou digital intrathécal. • de compléter une détersion ou une exploration ;
1, 2, 3, 4. Points d’injection. • la réparation d’une atteinte profonde concomitante ;
• une couverture de la zone et un rapprochement des berges
par un lambeau en cas de perte de substances.
contact tendineux. L’aiguille est alors très légèrement retirée
tout en poussant sur le piston de la seringue. On injecte de 3 à Méthodes utilisables aux urgences
4 ml dès la levée de la résistance.
Suture
Exploration Principes généraux
Le premier temps de l’exploration est l’hémostase lorsque Elle permet de maintenir le rapprochement des deux berges
celle-ci est justifiée. Pour les doigts, on peut, lorsque le saigne- d’une plaie pour faciliter la cicatrisation.
ment est diffus, provenant du revêtement cutané, poser un Elle justifie de rapprocher chaque plan de la profondeur à
garrot de doigt à la racine de celui-ci, qui permet une explora- l’épiderme, sous peine de laisser une cavité hématique fermée
tion plus confortable. dont la colonisation bactérienne est alors facilitée. Lorsque cette
On reprend alors le lavage et, cette fois, le brossage de la fermeture ne peut être complète, il est nécessaire d’installer un
lésion doit être effectué. Enfin, le parage des tissus nécrosés ou drainage par des crins de Florence. Il s’agit de fils monobrins
menaçant de le devenir est finalisé. Il faut garder à l’esprit que non résorbables de gros diamètre et peu flexibles. Trois à quatre
le tissu adipeux exposé à l’air nécrose très facilement. Ainsi, le d’entre eux sont installés au fond de la plaie, dans son grand
parage doit être large sur le tissu adipeux et économe sur la axe. Une fois la suture terminée, les extrémités des crins sont
peau. nouées avec les brins restants. Sous couvert d’un pansement
Il est alors possible de visualiser les structures profondes, légèrement compressif, ce drainage est laissé en place de 3 à
comme un tendon lors d’une plaie de main. Ce contrôle visuel 4 jours.
doit être réalisé en mobilisant les doigts afin de faire mobiliser Les phénomènes de cicatrisation aboutissent à une coulée
en particulier les tendons, dans la totalité de leur course visible. inflammatoire le long des berges de la plaie, rendant le rappro-
En effet, l’effraction cutanée peut être décalée par rapport à la chement inopérant au-delà d’un délai de 12 heures. Par ailleurs,

6 Urgences
Plaies aux urgences, prise en charge ¶ 24-000-R-17

Figure 10. Règle des carrés. Chaque distance représentée est équiva-
lente : espace entre deux points, profondeur et largeur du point séparé.

Figure 9. Excision des bords de la plaie. Figure 11. Point inversé.


A. Au bistouri pour la peau.
B. Aux ciseaux pour les tissus sous-cutanés.
C. Résultat final. Ils sont soit « résorbables », soit « non résorbables ». Les fils
résorbables se divisent en « rapides », avec une durée de
maintien de 10 à 15 jours, et en « résorbables », la durée étant
dès la sixième heure, le nombre de germes ayant colonisé la alors de 4 à 5 semaines.
plaie est devenu trop important pour prendre le risque de les Les fils sont soit « monobrins », soit « tressés ». Les « mono-
enfermer. De ces faits, il est classique de dire qu’une plaie ne
brins » ont les avantages d’être plus coulissants, sans phéno-
peut être suturée lorsqu’elle est vue tardivement, sans un parage
mène de capillarité, non adhérents aux tissus et bien tolérés
complet. Ainsi, une plaie vue avant la sixième heure ne pose
(peu de rejet). Ils ont les inconvénients d’être moins solides,
pas de problème particulier. Si ce délai est compris entre 6 et
12 heures, la décision dépend de l’aspect de la plaie et de son moins souples et de justifier, du fait de leur pouvoir coulissant,
degré de souillure. Lorsque la plaie est vue après un délai de d’être attentif à la confection des nœuds. Les fils « tressés »
12 heures, une fermeture ne peut être envisagée qu’après un présentent les avantages et les inconvénients inverses des
parage complet (Fig. 9) et sous couvert d’un drainage des plans précédents.
profonds.
Points utilisés aux urgences
Par définition, un fil de suture est un corps étranger laissé en
place, avec les inconvénients que cela provoque sur les plans Point séparé ou simple. Il charge l’ensemble du derme et de
tant inflammatoire que septique. Par ailleurs, le rapprochement l’épiderme. La distance entre le point d’entrée et la berge est
implique une tension sur les berges de la plaie. Ces deux équivalente à la profondeur du point. L’espacement entre deux
phénomènes (tension et inflammation) concourent à l’ischémie points doit respecter la règle des carrés, c’est-à-dire que la
sur le passage des fils du derme et surtout de l’épiderme. Cette distance entre deux points est identique à celle située entre les
ischémie engendre des risques de nécrose ou septiques, et des deux orifices d’entrée du point (Fig. 10). Le nœud est descendu
séquelles esthétiques. sur la plaie pour une tension symétrique, puis est coulissé sur
Ainsi, la suture, c’est-à-dire le type de point, le choix du fil un côté (toujours le même).
et de sa durée avant ablation, doit tenir compte de deux Il est utilisable dans toutes les situations et avec toutes les
phénomènes contradictoires : sortes de fils.
• une mise en tension, afin de maintenir le rapprochement, ce Point inversé (Fig. 11). Il s’agit d’un point simple dont le
d’autant que la plaie a tendance à se rétracter ;
départ et le retour sont sur la face profonde, le nœud se
• l’absence de mise en tension, afin de ne pas risquer la nécrose
retrouvant sur cette face. Il se réalise au fil résorbable, est
cutanée, diminuer le risque septique et éviter les séquelles
utilisable aussi sur la peau en ne chargeant que le derme. Cela
esthétiques.
a l’avantage de laisser l’épiderme sans contrainte mécanique.
Matériel Pour la fermeture de celui-ci, on privilégie alors une technique
Une suture simple se fait à l’aide d’un porte-aiguille, d’une « esthétique ».
pince sans griffe et d’une paire de ciseaux. Point de Blair-Donati (Fig. 12). Il s’agit d’un double passage
L’installation, l’anesthésie locale ou locorégionale sont les sur une même ligne perpendiculaire à la plaie. Un premier
mêmes que décrites précédemment. passage se fait à distance, puis, après une sortie et une réentrée
Les fils utilisés aux urgences sont tous synthétiques. sur l’autre berge, le fil est sorti entre le point d’entrée et la

Urgences 7
24-000-R-17 ¶ Plaies aux urgences, prise en charge

Figure 12. Point de Blair-Donati. Figure 15. Point en croix.

Figure 13. Point d’angle.


Figure 16. Surjet simple.

Figure 17. Surjet intradermique.

Surjet simple (Fig. 16). Il s’agit de points séparés mais sans


Figure 14. Plaie pour plaie en T. nœud et en gardant le même fil. La règle des carrés s’applique
également.
En pratique, il s’utilise pour les plans profonds car les
berge. Les deux passages prennent le derme et l’épiderme. Il faut résultats esthétiques en sont médiocres.
être symétrique sur les deux passages, et la distance entre Surjet intradermique (Fig. 17). L’aiguille est rentrée à la
l’entrée et la sortie ne doit pas être grande sous peine de plisser pointe de la plaie puis le fil est passé dans le derme comme un
la peau. surjet simple, mais en ne ressortant que sur l’autre pointe. La
Ils sont solides et permettent de lutter contre une tension tension symétrique sur les deux fils permet l’affrontement des
importante. Ils sont, de ce fait, ischémiants et ne doivent pas berges. Cette tension est maintenue notamment par bouclette,
être utilisés lorsque le pronostic esthétique prédomine (visage). par un nœud en pont au-dessus de la plaie ou par application
Une variante est le point en U où le double passage ne se fait de suture adhésive.
pas de loin puis de près mais en U sur une même distance. Là
Seul le fil monobrin non résorbable doit être utilisé.
encore, le U ne doit pas être large au risque de faire plisser la
peau. Réalisation pratique
Point d’angle (Fig. 13). L’entrée se fait légèrement décalée de
Comme nous l’avons vu, l’exploration a permis de décoller
la position finale de la pointe sur le bord opposé, puis le fil est
chaque plan lésé. Il faut aussi repérer l’«anatomie » de la plaie
passé dans le derme de la partie libre, au même niveau que dans
afin d’imaginer le résultat final. On peut être amené à
la berge initiale, sans ressortir puis revient pour être symétrique
au fil de départ par rapport à la position finale. Ainsi, la pointe compléter le parage pour que les berges soient nettes, permet-
vient se loger dans sa position, laissant deux plaies linéaires. La tant un affrontement correct. Le parage des plans sous-
distance entre l’entrée et la sortie du fil ne doit pas être trop cutanés se fait au ciseau à disséquer et la peau au bistouri, en
importante pour éviter tout plissement cutané. étant le plus économe possible quant à la quantité d’épiderme
La même technique peut être utilisée pour plusieurs pointes à enlever.
comme les plaies en T (Fig. 14). La pince prend le tissu à suturer et le présente dans un
Point en croix (Fig. 15). Il revient à faire un X par un double mouvement d’élévation et de traction (Fig. 18). L’aiguille est
passage croisé. positionnée dans sa convexité et le mouvement de pénétration
C’est un point d’hémostase très utile sur le cuir chevelu mais consiste en une rotation à 180 ° de l’aiguille. Une fois reposi-
aussi sur une veine sous-épidermique. tionnée sur le porte-aiguille, la même manœuvre est pratiquée

8 Urgences
Plaies aux urgences, prise en charge ¶ 24-000-R-17

Figure 18. La peau est soulevée et mise en tension. L’aiguille est posée
concave vers la plaie et traverse la peau par simple mouvement de
rotation.
Figure 20. Pose d’une suture adhésive avec une double embase, des
barreaux d’échelle, puis un doublage des embases.

Suture adhésive
Elle rapproche l’épiderme et vient en complément d’une
suture, ou est utilisée seule lors d’une plaie superficielle.
La peau doit être saine et sèche. On pose, parallèlement au
grand axe de la plaie, une suture adhésive de chaque côté qui
sert d’embase pour soit des croix, soit des barreaux d’échelle
posés en prenant soin de rapprocher manuellement les bords de
la plaie. Le montage est complété par deux nouvelles embases
qui viennent prendre en sandwich les parties « actives »
(Fig. 20). Ce dispositif est laissé en place plusieurs jours.
Figure 19. Pour éverser les bords de la plaie, le passage profond doit
être plus large que le passage superficiel.
Colle
Cette méthode est indiquée à la place de la suture adhésive
ou lors d’une plaie linéaire, dermoépidermique, propre et sans
sur la berge opposée. Ainsi est parfaitement maîtrisé le trajet de tension. En effet, la colle occlut complètement la plaie et les
l’aiguille, y compris sur les autres plans, évitant tout complications infectieuses sont fréquentes. Par ailleurs, le point
« accident ». d’appui n’étant qu’épidermique, le résultat sur une plaie tendue
Les nœuds sont faits au porte-aiguille ou à la main. Il s’agit n’est pas probant.
de nœuds plats, c’est-à-dire de deux nœuds simples inversés, L’application, réalisée après décontamination, nécessite une
seuls garants d’un blocage efficace. Il est donc important de parfaite hémostase des berges et se fait tout en maintenant le
respecter cette alternance au fur et à mesure, plus que d’addi- rapprochement des berges pendant 30 secondes.
tionner un grand nombre de nœuds. Ceux-ci sont au moins au Elle présente l’avantage d’une pose indolore et de la facilité
nombre de cinq, mais une tension importante ou un fil mono- du suivi, surtout chez les enfants. La colle s’élimine
brin incitent à faire plus de nœuds. d’elle-même.
La suture se fait du fond vers la superficie, le muscle nécessi-
tant des points simples peu serrés, les aponévroses un surjet Cicatrisation dirigée [2]
simple lâche. Les premiers points cutanés doivent permettre de
« caler » la plaie en termes anatomiques. Il s’agit de suivre la cicatrisation spontanée du patient. Cette
Ils sont donc effectués sur les irrégularités de la plaie, repérées technique est indiquée lors d’une perte de substance. Elle a
à l’avance ou, lorsque celle-ci est linéaire, en partant du centre. l’avantage, par rapport à un lambeau, de garder l’innervation
Dans tous les cas, les points cutanés cherchent à éverser les sensitive.
bords de la plaie. En effet, le parage réalisé et la phase de Lors de la phase inflammatoire, il s’agit d’aider à la détersion
remodelage laissent un tissu sous-cutané moins épais et le risque en pratiquant un parage le plus complet possible (y compris au
est alors d’invaginer la cicatrice. Pour ce faire, le passage bloc opératoire), puis en réalisant des pansements gras incom-
profond doit être plus large que le passage superficiel (Fig. 19). plètement occlusifs (en pratique, il ne faut mettre qu’une
Le choix des fils dépend de la tension des berges et de la couche de maillage gras et pratiquer un pansement sec).
structure à rapprocher. Pour les points profonds, plus la tension Pendant la seconde phase, apparaît un bourgeon charnu qu’il
est forte, plus le fil doit être gros. Pour le plan cutané, chaque faut « jardiner » entre lavage, séchage et, surtout, maintien à
décision doit être pesée entre la contrainte mécanique et le l’air. Progressivement, l’épithélialisation apparaît et la cicatrisa-
préjudice esthétique. Dans tous les cas, les points sous-cutanés tion est complète dans un délai de 3 semaines.
doivent être privilégiés, permettant de diminuer la tension de Les limites de la cicatrisation dirigée sont les infections
l’épiderme qui conditionne le pronostic esthétique. locales, surtout à streptocoque b-hémolytique qui entraîne des
Ce même raisonnement s’applique pour la durée des fils phénomènes vasculaires ou à staphylocoque multirésistant.
avant ablation. La fermeture cutanée est obtenue en 15 à Par ailleurs, l’état vasculaire, immunitaire et énergétique du
21 jours, mais plus les fils sont laissés longtemps, plus les patient doit être satisfaisant pour espérer une cicatrisation. En
marques qu’ils laisseront seront importantes. Les deux extrêmes pratique, les patients dénutris, anémiques ou présentant une
sont de 3 semaines lors d’une tension forte (cicatrice chirurgi- neuropathie périphérique ne sont pas de bons candidats pour
cale par exemple) et de 4 jours sur un visage. Sinon, la médiane une cicatrisation dirigée car ses résultats seront décevants.
est de 8 jours. Le suivi des patients est attentif à l’état du bourgeon charnu
En pratique il faut, pour chaque cas, savoir adapter la qui peut devenir hypertrophique et œdémateux, surtout
technique, le fil et sa durée de maintien afin de répondre aux lorsqu’il est resté enfermé dans une ambiance grasse trop
deux notions contradictoires qui régissent la suture. longtemps. Il saille des bords de la plaie et l’application d’un

Urgences 9
24-000-R-17 ¶ Plaies aux urgences, prise en charge

maillage imprégné de corticoïdes pendant 24 heures suffit


souvent. Par ailleurs, le bourgeon charnu peut s’infecter,
comportant des plages violacées et de nombreux exsudats.
Enfin, il peut être trop plat, ce qui, si cela persiste malgré le
renfort des pansements gras pendant 48 heures, signe l’échec de
la cicatrisation.

Indications thérapeutiques
La suture est la méthode de choix pour la réparation d’une
effraction cutanée post-traumatique.
Néanmoins, elle a ses limites. D’une part, elle n’a d’intérêt
que lorsque le derme est atteint. D’autre part, comme la colle,
elle occlut la plaie qui, si elle n’a pas été complètement
nettoyée et décontaminée, sera le siège d’une infection. Enfin,
si la tension est trop importante ou qu’il existe une perte de
substance, il faut savoir discuter une cicatrisation dirigée ou un
lambeau.
Souvent, dans les plaies contuses, le choix thérapeutique n’est
pas uniciste. Ainsi, on peut mélanger suture et cicatrisation Figure 21. Technique de maintien par deux fils lors de la repose d’un
dirigée, ou suture et colle, au sein d’une même plaie. ongle.
Plus qu’un catalogue d’indications, il faut comprendre que
toute décision thérapeutique doit tenir compte de trois princi- puisse s’évacuer et ne pas stagner entre l’ongle et le lit
paux facteurs. unguéal dans une zone fermée où il entraînerait une collec-
La lésion : elle peut être, à elle seule, une indication d’un bloc tion potentiellement septique ;
opératoire lorsqu’il existe une atteinte profonde. La superficie et • l’ongle doit ensuite être soigneusement lavé et décontaminé,
la localisation anatomique sont aussi des critères intervenant ainsi que le lit unguéal ; ce dernier doit bénéficier d’une
dans la décision. En effet, l’exploration d’une plaie cervicale suture en cas de fracture, surtout lorsque les deux bords sont
justifie souvent une cervicotomie au bloc opératoire. en marche d’escalier ; l’ongle est ensuite repositionné à
Le contexte des urgences : le service des urgences est un lieu l’intérieur de la matrice en l’enfonçant dans sa position
septique, ne disposant pas toujours du matériel, des compéten- naturelle initiale ;
ces et du nombre de soignants nécessaires à l’anesthésie et au • afin de le maintenir appliqué contre le lit unguéal, deux
geste lui-même. points prenant appui de part et d’autre de l’ongle dans les
Le patient : le stress du patient, son terrain (conditions parties molles latérales des doigts sont effectués aux jonctions
d’asepsie chez un patient immunodéprimé, par exemple) sont des tiers distal et moyen, et des tiers proximal et moyen
aussi des critères guidant la décision. (Fig. 21) ; les fils sont enlevés entre le huitième et le dixième
jour, mais le pansement est revu à la quarante-huitième
heure.
Cas particulier de l’ongle Lorsque l’ongle est perdu ou non utilisable, certains ont
Les ongles ont un rôle protecteur des extrémités des doigts proposé un remplacement de celui-ci soit par une radiographie,
mais aussi permettent un appui, après la phalangette, pour la soit par un « faux ongle ».
finesse de la sensation tactile. Dans tous les cas, les appareils de remplacement doivent être
Poussant en permanence au sein de la matrice unguéale, ils taillés de manière arrondie afin, en particulier, que la partie qui
reposent sur une surface plane faite d’un revêtement non pénètre dans la lunule ne soit pas traumatisante pour la
kératinisé, le lit de l’ongle. Lors d’une atteinte unguéale matrice. De plus, il est aussi nécessaire d’y effectuer un forage
traumatique, l’intégrité de ces deux structures est le garant du central pour drainer les sécrétions. Spécifiquement pour les
pronostic esthétique et fonctionnel. radiographies, celles-ci doivent être préalablement développées
Il y a deux situations traumatiques. afin d’en ôter la pellicule argentique qui se comporte comme un
corps étranger à l’intérieur de la plaie.
Lorsque existent des plaies associées latérales ou pulpaires,
Désinsertions unguéales celles-ci doivent être parées et suturées préalablement à la
Lorsque les plaies siègent sur le bout des doigts, elles peuvent repose unguéale afin d’éviter des déplacements secondaires de
entraîner des lésions des ongles. Celles-ci posent plusieurs l’ongle après sa fixation.
problèmes : La présence d’une lésion osseuse sous-jacente justifie une
• la présence ou non d’une fracture associée de la phalangette antibiothérapie.
transforme la lésion cutanée en une fracture ouverte et doit Lorsque cette lésion est articulaire, le parage et une éventuelle
donc être systématiquement recherchée par des clichés du fixation du foyer imposent une réparation de l’ongle dans un
doigt de face et de profil ; milieu chirurgical.
• la désinsertion unguéale, lorsqu’elle est isolée, pose le
problème de la cicatrisation unguéale d’une manière la plus Hématome sous-unguéal
plane possible ; Il est consécutif à un traumatisme vertical sur l’ongle ayant
• l’association de plaies latérales, pulpaires, du lit unguéal ou de entraîné un saignement sous-unguéal avec la formation d’une
la matrice, à une désinsertion unguéale entraîne une com- néocavité sous tension.
plexité accrue de la réparation de l’ensemble des lésions, Il est ici aussi licite d’effectuer une radiographie de face et de
pouvant nécessiter un recours chirurgical. profil préalable à l’évacuation de cet hématome par un trom-
En pratique, après avoir adressé le patient en radiologie afin bone chauffé au rouge. En effet, s’il existe une lésion osseuse
de visualiser une éventuelle fracture de la troisième phalange, la sous-jacente, une antibiothérapie préventive est habituellement
prise en charge initiale reste identique à celle de toutes plaies. mise en place afin d’éviter une infection osseuse secondaire.
Toutefois, certaines spécificités doivent ici être décrites : Dans toutes les lésions unguéales ayant nécessité un geste
• l’ongle doit être complètement extrait de la plaie ; thérapeutique, il est nécessaire d’effectuer un pansement
• avant d’être repositionné, il doit être « nettoyé » de tous les compressif afin de permettre à la matrice de se repositionner
débris cutanés adhérents et percé en un point situé en avant contre l’ongle. Il doit être enlevé environ à la quarante-
de la lunule afin qu’un éventuel saignement, même modéré, huitième heure pour laisser la place à un pansement classique.

10 Urgences
Plaies aux urgences, prise en charge ¶ 24-000-R-17

Traitements adjuvants Dans tous les cas, les antibiotiques préconisés sont l’amoxi-
cilline associée à l’acide clavulanique et, en cas d’allergie aux
pénicillines, la pristinamycine. En effet, si la plaie est vue
Immobilisation
précocement, les germes cibles lors des morsures sont les
Lors d’une tension forte, il peut être utile d’immobiliser Pasteurella et les anaérobies.
quelques jours le mouvement responsable de cette tension. La durée de cette antibiothérapie est de 15 jours. [3, 4]
Ainsi, lors d’une suture, cela évite une possible nécrose de la
peau et, dans tous les cas, diminue les phénomènes algiques, Anti-inflammatoires
surtout à la phase de rétraction de la plaie. Ils sont contre-indiqués du fait de leur action propre intera-
Cela doit être mis en balance avec l’enraidissement articu- gissant avec les phénomènes de la cicatrisation et qui, de plus,
laire. Schématiquement, les personnes âgées ont un surplus favorise la colonisation bactérienne.
cutané ne justifiant pas une immobilisation, ce d’autant que
l’enraidissement articulaire est délétère sur ce terrain. À Prévention du tétanos
l’inverse, chez l’enfant, cela peut être une bonne technique C’est une maladie systémique d’inoculation du Clostridium
d’appoint. tetani, produisant une endotoxine dans la plaie, responsable des
La durée de cette immobilisation est fixée par la balance entre manifestations cliniques à distance. Le réservoir naturel est la
ces deux contraintes. terre et le germe ne se développe pas au contact des tissus
vivants mais au sein de la nécrose, des hématomes et des
Antalgiques souillures de la plaie.
Le risque ne se pose pas lors d’une plaie propre et sans
La suture est douloureuse, surtout en cas de tension forte et contact tellurique, vue précocement et correctement
quand le patient mobilise ce secteur. Puis, toute plaie est décontaminée.
douloureuse du fait des phénomènes de rétraction cutanée. Dans les autres cas, le problème revient alors à connaître le
En revanche, il faut être attentif à ce que ces phénomènes statut vaccinal du patient pour décider de l’injection de
algiques ne soient pas le fait d’une surinfection. gammaglobulines antitétaniques. Or, l’interrogatoire des
En pratique, le geste de nettoyage et d’exploration, prolongé patients n’est pas fiable quant à leur couverture antitétanique et
souvent par une suture, justifie des antalgiques de classe 1 ou 2 l’on estime qu’une personne sur quatre se présentant aux
pour les 24 premières heures. Seules les plaies profondes ou urgences n’est pas protégée. On peut être aidé par un test de
dans des secteurs de fortes contraintes mécaniques justifient dépistage rapide afin de prendre cette décision.
d’un traitement antalgique prolongé. En 2000 et 2001, 29 et 26 cas ont été déclarés en France,
affectant en grande majorité des personnes de plus de 70 ans.
Ainsi, une prévention secondaire par un rappel d’anatoxine se
Antibiothérapie
justifie selon les recommandations de la Direction générale de
Il faut se rappeler qu’une plaie récente n’est pas infectée mais la santé (Tableau 1).
contaminée par une flore saprophyte utile à la cicatrisation.
Une antibiothérapie peut casser le bactériocycle nécessaire à la Prévention de la rage [5]
cicatrisation, sélectionnant, de plus, des germes pathogènes et C’est une encéphalomyélite virale, due à un rhabdovirus. Il
résistants. n’existe aucun traitement curatif, mais le délai d’incubation (de
L’objectif est donc de décontaminer et de suivre l’évolution 10 à 15 jours) autorise un traitement préventif.
plutôt que de prescrire une antibiothérapie systématique. Outre Il faut savoir qu’aucun animal terrestre n’a été diagnostiqué
le lavage et la décontamination qui sont à réaliser à chaque atteint de la rage en France depuis 1998 (un arrêté ayant, de ce
pansement, il faut laisser le plus possible la plaie à l’air qui, de fait, déclaré le territoire libre de rage en avril 2000). Les seuls cas
par son humidité et la présence d’oxygène, autorise le dévelop- de rage humaine sur le territoire français ont fait suite à des
pement de certaines colonies bactériennes saprophytes et freine morsures dans des pays où sévit la rage canine. Ainsi, sa
les phénomènes inflammatoires. Cette attitude doit être mise en prévention ne se discute pas lors d’une morsure, mais les
balance avec le risque de contamination secondaire, en particu- mesures vis-à-vis de l’animal restent valides. En pratique,
lier sous les vêtements ou chez l’enfant. Elle est donc préféren- lorsque l’animal ne peut être mis en surveillance vétérinaire
tiellement utilisée dans des zones découvertes. (certificats à j0, j7 et j14), un avis auprès d’un centre anti-
En revanche, l’apparition de stigmates régionaux ou généraux rabique semble toujours pertinent.
d’infection, comme une lymphangite, des adénopathies ou de
la fièvre, doit faire pratiquer un prélèvement et faire débuter Trithérapie antirétrovirale [6]
une antibiothérapie. Lors d’une plaie par du matériel souillé par du sang d’une
Pour le cas particulier de l’inoculation par morsure, l’antibio- personne porteuse du virus de l’immunodéficience humaine, ou
thérapie préventive se justifie si le patient est immunodéprimé, d’un liquide biologique potentiellement contaminant, la prise
que le mammifère mordeur est un humain, que la morsure d’une trithérapie préventive pendant 4 semaines s’impose.
atteint le derme profond et qu’elle siège sur le cou, les mains, Celle-ci doit être débutée le plus précocement possible, idéale-
le visage ou le périnée. Cette antibiothérapie est de 5 jours si la ment dans les 4 premières heures suivant la blessure, et au plus
plaie est propre, 15 jours si elle paraît déjà infectée. [3] tard 48 heures après.

Tableau 1.
Conduite à tenir en cas de blessure (extrait du Guide des vaccinations, octobre 2003).
Type de blessure Patient non immunisé, vaccination Patient totalement immunisé
incomplète Délai depuis le dernier rappel
5 à 10 ans Plus de 10 ans
Mineure, propre Commencer ou compléter la vaccination Pas d’injection Une dose de vaccin
Majeure, propre ou tétanigène Dans un bras, 250 UI de gammatétanos une dose de vaccin Dans un bras, 250 UI de gammatétanos
Dans l’autre, une dose de vaccin Dans l’autre, une dose de vaccin
Tétanigène, débridement retardé Dans un bras, 500 UI de gammatétanos une dose de vaccin Dans un bras, 500 UI de gammatétanos
ou incomplet Dans l’autre, une dose de vaccin Dans l’autre, une dose de vaccin

Urgences 11
24-000-R-17 ¶ Plaies aux urgences, prise en charge

Cette trithérapie doit comporter deux inhibiteurs nucléosidi- régulièrement pendant cette phase de bourgeon charnu afin de
ques de la transcriptase inverse et une antiprotéase. Pour des s’assurer de sa bonne évolution et du début de l’épidermisation.
raisons de tolérance, les molécules suivantes ne doivent pas être La cicatrisation complète est obtenue en 3 semaines.
utilisées. Il s’agit de l’abacavir (hypersensibilité), la névirapine L’apparition d’une nécrose cutanée doit faire retirer les
(hépatite et toxidermie), l’efavirenz (troubles psychiatriques matériels en place (fils, colle, suture adhésive). Ainsi, il est facile
aigus), l’indicavir (colique néphrétique) et l’association d4T-ddi de voir l’état sous-jacent, avec soit un hématome faisant
(acidose lactique). bomber la plaie, soit un abcès débutant qui, l’un comme l’autre,
Souvent, le statut sérologique de la personne source est justifient un parage complet réalisé aux urgences ou au bloc
inconnu et il est utile, avec son accord, de lui prélever une opératoire en fonction des trois critères que sont la lésion, le
sérologie rapide afin d’aider à la décision. contexte des urgences et le terrain du patient.
Sinon, le suivi est double, d’une part pour la tolérance et la Lorsque la plaie n’est pas bombante, sans signe inflammatoire
survenue des complications du traitement et, d’autre part, pour et que la nécrose est très localisée, le parage de la seule nécrose
le suivi sérologique jusqu’à 4 mois, en associant le suivi est suffisant.
sérologique des hépatites B et C. Cette attitude permet de L’infection se manifeste par une inflammation locale, une
dépister précocement les infections par le virus de l’hépatite C douleur qui va aller en s’accroissant jusqu’à devenir insom-
et de démarrer une vaccination préventive contre l’hépatite B si niante. Parallèlement, les signes inflammatoires peuvent devenir
nécessaire. régionaux et généraux.
Au stade initial de l’inflammation, une désinfection est
entreprise, la plaie est laissée à l’air, la colle ou la suture
adhésive est retirée. Si les signes ne diminuent pas dans les
■ Suivi et surveillance 24 heures, les fils doivent être retirés.
Lorsque la plaie est bombante, l’ouverture de celle-ci doit être
immédiate.
Initial L’antibiothérapie ne se justifie que lorsqu’il existe des signes
régionaux ou généraux d’inflammation, ou lorsque la plaie siège
Les complications des plaies sont la nécrose, l’infection et la à proximité d’une gaine tendineuse qui est douloureuse à la
désunion d’une suture. Ces trois phénomènes sont souvent mobilisation et à la palpation, faisant craindre le début d’un
intriqués. phlegmon. Dans ce dernier cas, une prise en charge chirurgicale
La nécrose est le fait d’un parage insuffisant. Elle peut doit être organisée.
également survenir secondairement sur des points trop serrés ou La désunion se fait souvent sur un fil ou deux, rarement sur
lorsque l’état cutané est déjà médiocre. l’ensemble du travail. Même lorsqu’il semble qu’elle soit
L’infection survient volontiers lorsqu’il existe des facteurs simplement le fait d’une tension trop grande, il faut se méfier
favorisants. [7] Ceux-ci sont soit locaux, c’est-à-dire l’ischémie d’une nécrose de la berge en regard du fil, ou d’une complica-
(par compression, œdème ou vasoconstriction), la nécrose, les tion sous-jacente, hématique ou infectieuse ayant provoqué ce
hématomes, les espaces « exclus » et les corps étrangers, soit regain de tension.
généraux comme l’hypoxie ou l’hypovolémie (favorisant Lorsqu’elle est consécutive à une ablation trop précoce, il faut
l’ischémie tissulaire), d’autres infections associées, le diabète et choisir entre la cicatrisation dirigée ou un parage complet pour
l’immunodépression (néoplasie, corticothérapie, chimiothérapie une nouvelle suture. C’est dire l’importance du délai de retrait
ou syndrome d’immunodépression acquise). des fils, car un délai trop long grève le pronostic esthétique.
La désunion est le fait soit d’une ablation trop précoce d’un Ainsi, sur les plaies où le pronostic esthétique prédomine,
fil, soit d’une nécrose cutanée à l’endroit du fil, soit d’un l’ablation des fils doit être décidée lors d’une consultation, au
hématome ou d’un abcès sous-jacent. vu de la plaie. Les fils peuvent être retirés par moitié ou
Lorsque la plaie a été suturée, son nettoyage doit être complètement, sous couvert d’une fermeture par une suture
soigneux pour éliminer tout débris sanguin. Une compresse adhésive relayant l’ablation des fils.
humide est alors posée, puis un pansement légèrement com-
pressif complète les soins.
Le patient est informé, au mieux par écrit, des signes qu’il À distance
doit surveiller, c’est-à-dire l’apparition d’une inflammation
locale, d’une douleur aiguë, de pus, de nécrose sur les berges, Les deux premières phases de la cicatrisation étant passées, la
pour une consultation rapide s’ils apparaissent. fermeture cutanée est obtenue. Pendant la phase de remodelage,
Ce premier pansement doit être changé au bout de 24 à plusieurs complications peuvent survenir. [8] Celles-ci sont dues
48 heures, la plaie décontaminée à l’eau et au savon avant le au terrain du patient ou à la plaie elle-même.
tamponnement par un désinfectant, et un pansement sec suffit
alors, servant de protection. Jusqu’à l’ablation des fils, la Cicatrisation pathologique
décontamination doit être quotidienne. Cicatrices hypertrophiques
Lorsque des crins de Florence ont été posés, les soins sont La cicatrice prend un aspect inflammatoire, s’épaissit avec
identiques, mais il faut garder un pansement compressif 2 à une coloration rougeâtre et est souvent prurigineuse. L’évolu-
3 jours. tion se fait sur 6 mois, puis l’inflammation régresse pour laisser
Si la plaie a été collée, aucun soin, en dehors d’un pansement un cordon élargi et blanchâtre.
protecteur, n’est nécessaire, mais l’autosurveillance est la même
que pour les plaie suturées. Cicatrices chéloïdes
Si une suture adhésive a été posée, elle doit être laissé en Elles atteignent plus fréquemment les gens de race noire et
place quelques jours, rendant difficile le nettoyage de la plaie. les enfants. L’évolution initiale est celle des cicatrices hypertro-
Ainsi, une consultation est souvent nécessaire à 48 ou 72 heures phiques et, après le sixième mois, l’évolution se maintient et la
pour surveiller l’état de la plaie et changer la suture adhésive en cicatrice prend un aspect de masse régulière, parfois polylobée,
faisant attention de garder les bords de plaie bien serrés sous indolore et souvent prurigineuse. Cette masse peut déborder la
peine de voir la plaie se désunir. cicatrice initiale en prenant sur la peau saine de voisinage.
Enfin, si la cicatrisation dirigée a été débutée, le patient doit Certaines régions anatomiques sont un siège préférentiel,
être revu dans les 48 heures afin de vérifier l’absence d’infection comme le pavillon de l’oreille ou la région sternale. L’évolution
et de surveiller le début du bourgeonnement qui doit faire peut se faire sur plusieurs années.
arrêter les pansements gras occlusifs, justifiant alors d’un En zones esthétiques, ces complications justifient d’une
douchage suivi d’un séchage au sèche-cheveux en posi- consultation auprès d’un plasticien, afin d’optimiser la prise en
tion « froid » de manière biquotidienne. Le patient est revu charge et d’en limiter les conséquences esthétiques.

12 Urgences
Plaies aux urgences, prise en charge ¶ 24-000-R-17

Complications de la cicatrisation le long de fils laissés trop longtemps. L’évolution spontanée est,
en règle, favorable, mais peut nécessiter une mise à plat
Cicatrices rétractiles chirurgicale.
Elles sont soit le fait d’une perte de substance trop impor- Il ne s’agit pas, ici, de détailler les traitements de ces compli-
tante que l’on a voulu suturer, soit d’une cicatrice perpendicu- cations tardives. Il faut simplement savoir que les résultats ne
laire à un pli de flexion ou à des lignes naturelles de la peau. sont pas probants et que, de toute façon, les traitements en sont
La rétraction se fait alors dans l’axe de la cicatrice qui devient longs.
sèche. Si cela se produit à proximité d’un orifice, il se crée une C’est dire l’importance d’une prise en charge initiale opti-
déformation par traction (ectropion aux paupières par exemple). male, seule prévention de ces complications. En effet, pour le
Cicatrices dyschromiques patient, il n’y a pas de « petite plaie ».
Plus fréquemment lors des abrasions, des troubles de la
pigmentation peuvent apparaître, qu’ils soient une hypopig-
mentation ou une hyperpigmentation. Dans ce dernier cas, la ■ Références
prévention passe par l’absence d’exposition solaire durant [1] Ortonne JP, Clévy JP. Physiologie de la cicatrisation cutanée. Rev Prat
environ une année. 1994;44:1733-1737.
Cicatrices élargies [2] Mitz V. La cicatrisation dirigée. Rev Prat 1994;44:1743-1750.
[3] Breeling JL, Weinstein L. Infections liées aux morsures, aux griffures,
Lorsque la tension cutanée était trop importante, l’élargisse- aux brûlures et aux germes de l’environnement. In: McGraw-Hill Libri
ment de la cicatrice peut se produire, laissant une peau fine, Italia ed. In: Harrison médecine interne, Milan 1995. Paris: Arnette
dépigmentée, reposant sur un tissu sous-cutané aminci. Les Blackwell; 1995. p. 569-572.
reprises chirurgicales sont souvent décevantes, aboutissant à la [4] Association des professeurs de pathologie infectieuse et tropicale. In:
récidive. Infections par inoculation. Paris: Le POPI; 1999. p. 88-91.
[5] Streiff R, Viennet C, Gonthier Y. Risques infectieux particuliers : la
Cicatrices tatouées
rage. In: http://.creuf.com/publications/metz2001/Streiff.htm.
Un parage initial insuffisant peut laisser des corps étrangers [6] Vittecoq P. Prise en charge des accidents d’exposition au VIH. In: Prise
pigmentés, recouverts secondairement par la cicatrice. À ce en charge des personnes infectées par le VIH. Paris: Flammarion; 2002.
stade, les traitements sont décevants. p. 383-384.
[7] Stein A, Maurin M, Raoult D. Infections des plaies cutanées. Rev Prat
Kystes d’inclusion dermique 1994;44:1786-1791.
Il s’agit de kystes inflammatoires consécutifs à un morceau [8] Bardot J. Les cicatrices cutanées : évolution naturelle, anomalie et leur
d’épiderme laissé en profondeur ou à une coulée épidermique prévention. Rev Prat 1994;44:1763-1768.

E. Hinglais, Praticien hospitalier (etienne.hinglais@htd.ap-hop-paris.fr).


Service des urgences, hôpital de l’Hôtel-Dieu, 1, place du parvis-Notre-Dame, 75004 Paris, France.
M. Prével, Praticien hospitalier.
Service des urgences, hôpital Stell, 1, rue Charles-Drot, BP 194, 92501 Rueil-Malmaison cedex, France.
B. Coudert, Praticien hospitalier.
Service des urgences, hôpital André Mignot, centre hospitalier de Versailles, 177, rue de Versailles, 78157 Le Chesnay cedex, France.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos / Documents Information Informations Auto-
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

Urgences 13
¶ 25-010-F-20

Ponctions aux urgences


M. Raphaël, E. Zamparini, B. Chinardet

Les ponctions aux urgences sont des pratiques courantes. Elles ont pour but soit l’analyse, soit
l’évacuation d’un épanchement liquidien ; elles sont diagnostiques ou thérapeutiques. Pour être efficace
et limiter les éventuelles complications, il convient de respecter les règles de bonne réalisation du geste. Le
patient, à chaque fois que cela est possible, doit être informé de l’utilité et du déroulement de l’acte. La
sédation de la douleur doit être systématique et fait appel à divers moyens s’adaptant à chaque cas
particulier. Ces ponctions ont en commun la nécessité absolue du respect des règles d’asepsie.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Ponction lombaire ; Ponction pleurale ; Ponction d’ascite ; Ponction de genou

Plan ■ Introduction
¶ Introduction 1 Les ponctions font partie des gestes indispensables à maîtriser
pour l’urgentiste. Elles ont comme objectif l’analyse du liquide
¶ Ponction lombaire 1 ou son évacuation. Elles s’insèrent à ce titre dans une stratégie
Indications 1 diagnostique ou thérapeutique. L’information du patient et la
Contre-indications 1 prévention de la douleur provoquée par la ponction doivent
Préparation 2 être des préoccupations constantes du praticien qui réalise le
Positionnement du patient 2 geste. Des procédures permettant l’évaluation de ces gestes sont
Préparation du site 2 recommandées au sein de chaque service. Le cathétérisme
Anesthésie locale 2 vésical suspubien et la ponction péricardique ne seront pas
Insertion de l’aiguille de ponction 2 développés dans cet article.
Retrait de l’aiguille 2
Complications 2
¶ Ponction pleurale 3 ■ Ponction lombaire
Indications 3
Contre-indications 3
Préparation 3
Indications
Positionnement du patient 3 Au service d’accueil des urgences, la ponction lombaire est
Repérage 3 habituellement diagnostique [1, 2]. Elle doit être pratiquée en
Préparation du site et anesthésie 4 première intention devant tout syndrome méningé et/ou
Insertion de l’aiguille et prélèvement de liquide pleural 4 encéphalitique fébrile en l’absence de signe de localisation
Complications 4 neurologique. Les raisons qui motivent le recours à la ponction
lombaire sont donc la suspicion de méningite, de méningo-
¶ Ponction d’ascite 4
encéphalite ou encore le besoin d’éliminer une hémorragie sous
Indications 4
arachnoïdienne.
Technique 4
Contre-indications 5
Complications 5 Contre-indications
¶ Ponction articulaire du genou 5 • Présence de symptômes ou de signes évoquant une élévation
Matériel 5 de la pression intracrânienne, tels qu’une altération rapide du
Voies d’abord 5 niveau de conscience, des signes de localisation neurologique,
Indications 6 des crises convulsives tonicocloniques ou partielles, un
Contre-indications 6 œdème papillaire au fond d’œil. Plusieurs études [3] ont
montré la nécessité de réaliser préalablement un scanner
¶ Conclusion 6
cérébral dans ces situations. Chez ces patients, la ponction
lombaire peut provoquer une herniation de l’uncus (engage-
ment cérébral) et le décès.
• Risque hémorragique avéré ; troubles de la coagulation ou
patient recevant une anticoagulothérapie.
• Infection du site de ponction (mal de Pott).

Médecine d’urgence 1
25-010-F-20 ¶ Ponctions aux urgences

supérieurs de la partie postérieure des crêtes iliaques traverse


l’apophyse épineuse de L4. Le point médian de l’espace interé-
pineux L4-L5 est localisé comme site d’insertion de l’aiguille. Si
l’aiguille ne peut être introduite à cet endroit, une tentative est
faite à l’espace supérieur.

Préparation du site [1, 6]

Le site est nettoyé préalablement à l’eau savonneuse ou à


l’aide d’une solution moussante iodée (sauf en présence d’une
allergie à l’iode). Sur la peau propre et séchée, un antiseptique
iodé est appliqué en mouvements circulaires, en commençant
au point prévu d’insertion de l’aiguille et en englobant les
espaces interépineux sus et sous-jacent. La solution est appli-
Figure 1. Ponction lombaire, repérage du point de ponction. quée au moins trois fois. La dernière application de solution
antiseptique est suivie de l’application d’une solution à base
d’alcool isopropylique ou de chlorhexidine afin d’enlever la
Préparation [1] solution iodée. En effet, l’introduction par mégarde d’iode dans
Matériel courant pour une ponction lombaire : l’espace sous-arachnoïdien peut provoquer une arachnoïdite
• masque, gants ; irritative.
• compresses de gaze ;
• anesthésique local ; Anesthésie locale [1, 6]
• aiguille de calibre 25 et de calibre 22 ;
• aiguille à ponction lombaire ; À l’aide d’une aiguille de calibre 25, créer un bouton intra-
• quatre ou cinq éprouvettes stériles avec bouchons ; dermique au point d’insertion en injectant de la lidocaïne à
• un container à aiguilles usagées. 1 %. L’anesthésie locale est poursuivie par une injection de 3 ml
Toute une gamme d’aiguilles de différents types et de diffé- de lidocaïne dans la région sous-cutanée et l’espace interpineux
rentes dimensions est disponible pour les ponctions lombaires. avec une aiguille de calibre 22.
Le modèle le plus couramment utilisé est une aiguille tran- Analgésie et sédation systémiques peuvent compléter l’inter-
chante de trois pouces de calibre 22 Gauge. vention locale, notamment par l’inhalation d’un mélange
Il est reconnu que le type et le calibre de l’aiguille utilisée équimolaire oxygène/protoxyde d’azote (Méopa®).
pour effectuer la ponction lombaire affectent considérablement Dans certaines situations où la ponction lombaire est envisa-
l’incidence des « céphalées post-ponction ». Lorsqu’une aiguille gée selon l’évolution, l’application initiale d’une crème anes-
de calibre 20 Gauge est utilisée, jusqu’à 50 % des patients thésiante de type EMLA® peut aider à la réalisation du geste le
peuvent se plaindre de céphalée alors que ce problème ne se moment venu.
manifeste que chez 20 à 30 % des patients pour lesquels une
aiguille de calibre 22 Gauge est utilisée. Insertion de l’aiguille de ponction
Les aiguilles atraumatiques ou à pointe mousse permettent de L’aiguille à ponction est vérifiée afin de s’assurer que le stylet
réduire de façon significative l’incidence des céphalées secon- .1
entre et sort facilement de celle-ci. Les repères sont appréciés
daires. Une étude a montré une diminution de l’incidence des une ultime fois. Le patient est prévenu au moment de l’inser-
céphalées postponction lombaire avec les aiguilles atraumati- tion afin qu’il ne bouge pas.
ques. En revanche des difficultés de réalisation plus grandes se Lorsqu’une aiguille tranchante standard est utilisée, le biseau
rencontrent chez les patients avec un indice de masse corporelle doit être tourné vers le haut si le patient est en position latérale
élevé [1, 4, 5]. gauche ou droite, ou vers le côté s’il est assis. Le biseau doit être
parallèle aux fibres durales afin de ne pas les sectionner. Cette
Positionnement du patient précaution permet de limiter le risque de syndrome post
Le patient est allongé au bord du lit en décubitus latéral, ponction lombaire.
gauche pour un médecin droitier ou droit pour un médecin L’aiguille est introduite avec un angle d’environ 10° en
gaucher. Le dos est arrondi en « position fœtale », assurant une direction céphalique. Elle glisse ensuite jusqu’à ce que la
flexion maximale de la colonne lombaire. La flexion forcée de résistance se relâche soudainement, signifiant que la dure-mère
la tête ne semble pas en revanche judicieuse : cette manœuvre a été franchie. Le stylet est alors retiré ; il faut attendre deux
accroît la tension du ligament interépineux et rend la palpation secondes pour que le liquide céphalorachidien (LCR) commence
de l’espace interépineux plus difficile. Un appui de la partie à s’écouler. S’il n’y a aucun reflux de LCR, l’aiguille est avancée
supérieure du bras libre évite une rotation de l’épaule supérieure de un ou deux millimètres à la fois, en prenant soin de vérifier
vers l’avant. Cette position permet d’assurer le plus grand à chaque avancée si le LCR s’écoule. Si la pointe de l’aiguille
dégagement de l’espace interépineux, donnant le meilleur accès .
rencontre un relief osseux, elle doit être retirée en sous-cutané
à l’espace intrathécal. puis réintroduite après avoir vérifié la direction et la posture du
Un oreiller placé sous la tête du patient assure un plus grand patient.
confort tout en gardant la colonne dans le plan horizontal. Les
épaules, le dos et les hanches doivent être perpendiculaires au Retrait de l’aiguille
plan horizontal. Une mauvaise posture fait dévier l’aiguille de Le stylet est replacé entièrement dans l’aiguille à ponction
sa position médiane après son insertion et est à l’origine de .
avant le retrait de cette dernière. Une pression est appliquée sur
nombreux échecs. le site d’insertion avec une compresse de gaze, puis un panse-
S’il peut la tolérer, le patient peut être placé en position ment adhésif. Le patient est ensuite installé confortablement.
assise. Cette position facilite le repérage du point d’insertion de
l’aiguille mais expose à des réactions vagales au moment de la
ponction [1, 6]. Complications [7]
La ponction lombaire est effectuée dans l’espace interépineux Le seul accident grave à redouter est la survenue d’un
de L3-L4, L4-L5 ou de L5-S1. Chez les adultes, la mœlle épinière engagement cérébral consécutif à une hypertension intracrâ-
se termine au niveau de L1. Afin de ne pas risquer d’endomma- nienne. Celui-ci peut se manifester par une aggravation brutale
ger la moelle épinière, l’aiguille ne devra pas être insérée au de l’état de conscience, voire des troubles neurovégétatifs avec,
dessus de l’espace L2-L3 (Fig. 1). au maximum, arrêt cardiorespiratoire survenant pendant ou au
Chez la plupart des patients, il est facile de palper la partie décours de la ponction lombaire. Ainsi, tout signe d’hyperten-
postérieure des crêtes iliaques. Une ligne joignant les rebords sion intracrânienne doit faire récuser ce geste [2].

2 Médecine d’urgence
Ponctions aux urgences ¶ 25-010-F-20

Céphalées postponction lombaire Les ponctions thérapeutiques ont pour but de soulager la
dyspnée associée à un épanchement pleural. Les ponctions
Elles sont généralement fronto-occipitales, soulagées quand le
pleurales à visée thérapeutique nécessitent le retrait d’un plus
patient s’allonge, débutant quelques heures à quelques jours
grand volume de liquide pleural.
après la ponction lombaire et pouvant durer jusqu’à quelques
semaines [5].
La prévention des céphalées postponction lombaire repose sur Contre-indications [13]
l’utilisation d’aiguilles d’un diamètre inférieur ou égal à
Les contre-indications de la ponction pleurale sont davantage
24 Gauges (G). L’utilisation d’aiguille de petit diamètre (22-
relatives. Il est habituel de citer les troubles de l’hémostase
26 G) et atraumatiques réduit l’incidence de la céphalée post-
constitutionnels ou acquis avec risque hémorragique (sans seuil
ponction lombaire. Celle-ci est d’environ 35 % avec une aiguille
défini), un très faible volume de l’épanchement exposant au
standard de 20 G, de 5 % avec une aiguille atraumatique de
risque de pneumothorax, une infection cutanée en regard du
22 G et de 1 % avec une aiguille atraumatique de 25 G [5].
point de ponction. La ventilation mécanique ne constitue pas
La prévention repose également sur la remise en place du
une contre-indication absolue. La décision de ponction dépend
mandrin avant le retrait de l’aiguille [8].
avant tout de son implication dans la stratégie thérapeutique.
Le traitement de la céphalée postponction lombaire repose
sur la prescription d’antalgiques et d’anti-nauséeux [2]. L’hyper-
hydratation post-PL ne semble pas diminuer l’incidence des Préparation
céphalées [9]. Le repos au lit après ponction ne prévient pas la
survenue de céphalées et serait responsable de lombalgies [10]. La Le plateau pour la ponction pleurale devrait contenir les
technique du « blood-patch » (15 à 20 ml de sang autologue éléments suivants [12] :
dans l’espace extradural adjacent au site de ponction) est • trocart métallique de plèvre ;
réservée au syndrome postponction lombaire prolongé. Cette • aiguilles à ponction pleurale à mandrin mousse pour franchir
technique sera réalisée par un anesthésiste, elle est efficace chez la plèvre pariétale ;
90 % des patients ; cette efficacité atteint 98 % si le « blood- • bistouri ;
patch » est répété chez les patients faiblement répondeurs • seringues de 2, 10 et 20 ml ;
initialement [11]. • aiguilles jetables ;
• une pince hémostatique courbe ;
Tumeur épidermoïde intrarachidienne • un robinet « trois voies » ;
Elle résulte de l’introduction de fragments épidermiques dans • trois tubes de prélèvement stériles ;
le canal rachidien, les symptômes les plus fréquents sont la • deux champs 50 × 50, un champ troué.
dorsalgie et des douleurs des membres inférieurs qui peuvent
apparaître quelques mois après la ponction lombaire. Positionnement du patient [10, 14]

Hématome sous-dural rachidien De préférence, le malade sera assis au bord du lit, les pieds
reposant sur un tabouret et les coudes appuyés sur un oreiller
Cette complication a été rapportée chez des patients ayant
posé sur une table de chevet. Cette table doit être placée assez
une thrombopénie chez lesquels une ponction lombaire était
haut de manière à permettre au malade de bien s’appuyer sur
réalisée. Les symptômes de l’hématome sous-dural rachidien
ses avant-bras et de dégager les omoplates qui sont alors
sont une faiblesse et une perte de sensibilité au niveau des
déplacées en latéral.
membres inférieurs ; certains patients peuvent avoir une
dysfonction vésicale. La soustraction de grandes quantités de On peut également pratiquer la ponction en décubitus latéral,
LCR chez les sujets âgés peut également être responsable d’un l’épanchement localisé vers le bas et le dos au bord du lit (le site
hématome sous-dural rachidien. Celui-ci sera prévenu en évitant de ponction dans cette position sera la ligne axillaire postérieure
la ponction lombaire chez les patients présentant une thrombo- au niveau de la partie déclive). Une autre alternative est de
pénie, sous anticoagulants ou ayant une coagulopathie. placer le patient en décubitus dorsal, la tête surélevée le plus
possible (dans cette position le site de ponction se situe au
Hématome extra-dural rachidien niveau de la ligne axillaire moyenne). Dans ces deux positions,
le niveau de l’épanchement sera repéré cliniquement par la
C’est une complication très rare de la ponction lombaire, les matité à la palpation.
cas rapportés étaient des patients recevant un traitement
anticoagulant ou présentant une dysfonction hépatique sévère.
Cet hématome est généralement dû à une déchirure de la veine Repérage
épidurale antérieure.
La hauteur de l’épanchement est repérée cliniquement par la
Infection matité à la percussion.
La radiographie pulmonaire n’est pas fiable pour évaluer le
Elle est due à une mauvaise préparation de la peau ou à la
niveau d’un épanchement, celui-ci variant avec la respiration et
réalisation d’une ponction lombaire chez un patient présentant
la position du malade [12].
une infection cutanée.
Le repérage échographique est une alternative élégante pour
Au cours de la ponction, une hémorragie par plaie vasculaire
ceux qui disposent d’un échographe aux urgences et sont
ou une douleur intense à type décharge électrique secondaire à
familiarisés avec la technique ; celle-ci est d’apprentissage aisé et
la ponction d’une racine nerveuse peuvent survenir.
devrait pouvoir se généraliser dans les années à venir.
Dans tous les cas, le niveau inférieur à ne pas dépasser est le
■ Ponction pleurale 8e espace intercostal postérieur. Le site de ponction se situe au
niveau de la ligne médiane passant par la pointe de l’omoplate
ou le long de la ligne axillaire postérieure.
Indications [12] Les ponctions pleurales sont habituellement pratiquées
La ponction pleurale aux urgences peut être réalisée dans un environ deux à trois espaces intercostaux sous la pointe de
but diagnostique ou thérapeutique. l’omoplate [14]. En pratique, la ponction est réalisée entre le 4e
La ponction diagnostique recherche la cause d’un épanche- et le 6e espace intercostal sur la ligne axillaire moyenne ou
ment et nécessite le retrait de 50 à 100 ml de liquide pleural qui postérieure.
sera analysé. Dans de très rares cas, il est possible de ponctionner la région
La plupart des épanchements pleuraux d’apparition récente antérieure du thorax. Un repérage préalable par des clichés
nécessiteront une ponction diagnostique, à l’exception de ceux radiologiques en oblique, une tomographie axiale, ou encore
pour lesquels le diagnostic est certain. une échographie est indispensable.

Médecine d’urgence 3
25-010-F-20 ¶ Ponctions aux urgences

■ Ponction d’ascite
Indications
La ponction exploratrice associée à l’interrogatoire et l’exa-
men clinique est la méthode la plus rapide pour diagnostiquer
la cause d’une ascite. Plusieurs études ont montré la sûreté de
cette procédure [15, 16].
Les indications de ponction exploratrice concernent tous les
patients présentant un premier épisode d’ascite ainsi que tous
les patients ayant une ascite admis à l’hôpital. Ce geste sera
réalisé dès les urgences lorsque s’associent à l’ascite des signes
d’infection comme douleur abdominale, fièvre, encéphalopa-
Figure 2. Ponction pleurale sur la ligne axillaire moyenne. thie, ictère, hypotension artérielle, élévation de la créatininémie,
acidose, hyperleucocytose [17].
Certains auteurs préconisent une ponction exploratrice
Préparation du site et anesthésie systématique chez tout patient cirrhotique admis aux urgences
Après s’être lavé les mains, le médecin met un masque et des ayant une ascite en raison de la faible sensibilité des critères
gants. La peau est lavée puis un antiseptique iodé est appliqué. cliniques et biologiques de l’infection spontanée du liquide
Une anesthésie locale est alors réalisée avec de la lidocaïne à d’ascite [18].
1 %. La peau, les tissus sous-cutanés et les muscles intercostaux
sont anesthésiés. L’aiguille est poussée jusqu’à la plèvre parié- Technique
tale. Au moment de perforer la plèvre, une légère résistance est
rencontrée. Une fois parvenu dans l’espace pleural, un peu de Le patient est positionné en décubitus dorsal. Le point de
liquide est aspiré, confirmant la pertinence du trajet. ponction se situe au niveau du tiers externe de la ligne reliant
l’ombilic à l’épine iliaque antéro-supérieure gauche (Fig. 3A). Il
faut éviter les vaisseaux et ne pas insérer l’aiguille trop près
Insertion de l’aiguille et prélèvement .6

d’une cicatrice abdominale, l’intestin pouvant être fixé à la


de liquide pleural [14] paroi par une bride [19].
L’aiguille de ponction est introduite dans l’espace intercostal
en rasant la côte inférieure afin d’éviter le paquet vasculoner-
veux qui chemine sous la côte supérieure (Fig. 2).
Pour faciliter l’introduction de l’aiguille, on peut pratiquer à
l’aide d’une petite lame de bistouri une incision d’environ trois
à quatre millimètres de long et de quelques millimètres de
.4
profondeur. Puis l’aiguille, munie de son trocart, est glissée
jusqu’à l’espace pleural à une profondeur qui a été déterminée
au moment de l’anesthésie locale. Il est recommandé à ce stade
de mettre une pince hémostatique courbe sur l’aiguille, tout
.
contre l’incision de la peau afin d’éviter toute pénétration par
inadvertance de l’aiguille, ce qui pourrait provoquer un pneu-
mothorax. Un robinet à trois voies est monté sur l’aiguille.

Complications [12, 14]


La plus fréquente des complications est le pneumothorax.
L’incidence de cette complication est de 4 à 19 %. Un cin-
quième de ces pneumothorax nécessitera la mise en place d’un
drain thoracique. Il sera suspecté par l’aspiration d’air dans le
liquide prélevé ou si il y a apparition de symptômes pendant la
ponction. Les facteurs favorisants retrouvés sont le manque
d’expérience, la réalisation d’une ponction thérapeutique,
l’utilisation d’aiguilles supérieures à 20 G. Le risque augmente
également chez les patients présentant une maladie pulmonaire
obstructive. Une radiographie post-ponction est donc toujours
indiquée.
La toux déclenchée par la ponction pleurale est fréquemment
rencontrée. Considérée comme une complication mineure,
responsable d’un simple inconfort du patient, elle peut être
responsable d’un pneumothorax iatrogène.
Le risque d’infection est estimé à 2 %, les conditions d’asepsie
rigoureuse doivent être respectées pendant la réalisation de la
ponction.
Les autres complications rapportées ont une incidence
inférieure à 1 %, comprenant :
• hémothorax (secondaire à une perforation du poumon ou du
diaphragme ou à une atteinte des vaisseaux intercostaux ou
mammaire interne) ;
• ponction de la rate ;
• œdème pulmonaire de réexpansion (qui peut survenir si on
retire trop vite plus de 1 000 à 1 500 ml de liquide) ; Figure 3. Ponction d’ascite.
• réaction vasovagale, essaimage de cellules néoplasiques au site A. Ponction d’ascite, point de ponction au niveau du tiers externe de la
de ponction (surtout chez le malade atteint de méso- ligne reliant l’ombilic à l’EIAS gauche.
théliome). B. Installation finale du patient.

4 Médecine d’urgence
Ponctions aux urgences ¶ 25-010-F-20

On choisira une aiguille de 22 G pour une ponction explora-


trice et de 15 G pour une ponction évacuatrice. Une aiguille à
ponction lombaire peut également être utilisée chez un patient
obèse. Il existe également des aiguilles multiperforées avec
trocart amovible qui ont montré leur sécurité d’utilisation [20].
Une insertion de l’aiguille « en Z » limite la survenue de fuite
de liquide après la ponction. Il s’agit de mobiliser la peau de la
paroi abdominale avec une main (environ deux centimètres
.
dans chaque direction) pendant que l’insertion de l’aiguille se
fait avec la deuxième main. Il conviendra de réaliser des tests
d’aspiration tous les cinq millimètres afin d’éviter une effraction
.
vasculaire. Une insertion lente permet à l’intestin de se rétracter
au contact de l’aiguille avant que celle-ci ne le perfore [19]
(Fig. 3B).
.
La réussite d’une ponction d’ascite aux urgences peut être
optimisée par la réalisation d’une échographie par
l’urgentiste [21].

Contre-indications
Les contre-indications à la ponction d’ascite sont exception-
nelles. Il s’agit de fibrinolyse primaire ou de coagulation
intravasculaire disséminée entraînant une hémorragie clinique-
ment évidente.
Les troubles de la coagulation retrouvés chez la plupart des
patients cirrhotiques ne constituent pas une contre-indication à
la ponction. Il n’y a pas de limite des paramètres de la coagu-
lation au-delà de laquelle on ne peut pas ponctionner [15, 16].

Complications
Les complications surviennent dans moins de 1 % des cas
(hématome de la paroi abdominale ou fuite du liquide d’ascite
.
postponction). Les complications plus sérieuses (hémopéritoi-
nes, perforations intestinales par l’aiguille à ponction) sont
exceptionnelles (inférieures à 1/1000 paracentèses) [22].

■ Ponction articulaire du genou


La ponction articulaire revêt un double intérêt diagnostique
et thérapeutique, que le contexte soit médical ou traumatologi-
que. Aux urgences, seule la ponction de genou est de pratique
courante. La taille et la position superficielle de cette articula-
tion rendent le geste facile. La cavité synoviale du genou, qui
est la plus grande de l’organisme, devient encore plus accessible
lorsqu’un épanchement la met sous tension (Fig. 4A).
Cette grande accessibilité explique la multitude des voies de Figure 4.
ponction qui ont été décrites [23]. Celles-ci sont toutes péripa- A. Coupe sagitale du genou droit. 1. Fémur ; 2. récessus suprapatellaire ;
tellaires. Le taux de réussite dépend du bon positionnement de 3. tendon quadricipital ; 4. patella ; 5. bourse prépatellaire ; 6. ligament
l’aiguille mais aussi directement du volume liquidien intra- patellaire ; 7. corps adipeux de Hoffa ; 8. aire intercondylaire antérieure ;
articulaire, la distension de la cavité articulaire favorisant son 9. bourse infrapatellaire ; 10. tibia ; 11. artère et veine poplitées ; 12.
exposition. Il a été montré que lors d’infiltrations effectuées sur ligament croisé antérieur.
des genoux secs, seules 30 % étaient réellement intra- B. Ponction du genou, point de ponction supérolatéral.
articulaires [24]. Dans ce travail, la voie suprapatellaire apparais-
sait comme la plus fiable. Les autres voies n’en sont pas pour
autant à exclure. Qu’elles soient latérale, médiale ou antérieure, Voies d’abord
chacune d’elles a ses adeptes et l’expérience du praticien prime
sur le dogme. Il est recommandé de connaître au moins une Voie suprapatellaire
alternative à sa technique favorite afin de faire face à une Le patient est en décubitus dorsal, genou en extension. Le site
situation la contre-indiquant (plaie, attitude antalgique) ou en de ponction se situe un centimètre au dessus et en dehors du
cas d’échec. coin supérolatéral de la patella. L’aiguille est introduite perpen-
Comme pour toute ponction, les règles d’asepsie doivent être .11
diculairement à la jambe et parallèlement au plan du brancard ;
scrupuleusement respectées. une progression de un à deux centimètres est suffisante pour
La peau doit être propre avant que l’antiseptique ne soit atteindre le cul de sac sous quadricipital (Fig. 4B).
appliqué. Ces précautions mises en œuvre, le risque de compli-
cation infectieuse est très faible (0,1‰). L’hypocoagulabilité Voie latéropatellaire
pathologique ou thérapeutique ne contre-indique pas cette Le patient est en décubitus dorsal, genou en extension. Le site
ponction. de ponction se situe 1 cm en dehors et en dessous du coin
supérolatéral de la patella. L’aiguille est introduite perpendicu-
Matériel lairement à la jambe et parallèlement au plan du brancard ; une
progression de un à deux centimètres est suffisante pour
Aiguille longue de 18 à 21G et seringue de 10 ou 20 ml. atteindre la cavité articulaire.

Médecine d’urgence 5
25-010-F-20 ¶ Ponctions aux urgences

Une variante médiale est possible. L’aiguille est dirigée en [4] Thomas SR, Jamieson DR, Muir KW. Randomised controlled trial of
dehors et légèrement vers l’avant en suivant le condyle médial. atraumatic versus standard needles for diagnostic lumbar puncture.
L’innervation locale plus riche rend la ponction plus BMJ 2000;321:686-90.
douloureuse. [5] Sharma A. Preventing headache after lumbar puncture. BMJ 1998;317:
1588.
Voie antérieure [6] Ellenby MS, Tegtmeyer K, Lai S, Braner DA. Videos in clinical
medicine. Lumbar puncture. N Engl J Med 2006;355:e12.
Le patient est en décubitus dorsal, genou fléchi à 90° ou assis [7] Simon RR, Brenner BE. In: Emergency procedures and technique.
jambes pendantes. La ponction s’effectue 1,5 cm en dessous de Neurosurgical procedures. Philadelphia: Lippincott-Williams and
la pointe de la patella et 1,5 cm en dehors du tendon rotulien. Wilkins; 1994; p. 167-74.
L’aiguille est dirigée en dedans vers l’échancrure intercondy- [8] Deibel M. Reinsertion of the stylet prior to needle removal in diagnostic
lienne. Cette voie peut être intéressante, au décours d’un lumbar puncture. http://www.bestbets.org.
traumatisme, lorsque la position antalgique est en flexum [25]. [9] Evans R, Armon C, Frohman E. Assessment: prevention of post lumbar
En revanche, la cavité articulaire est parfois difficile d’atteinte puncture headaches: report of the therapeutics and technology
du fait de l’interposition du corps adipeux de Hoffa. assessment subcommittee of the American Academy of Neurology.
Neurology 2000;55:909-14.
[10] Teece S. Bedrest after lumbar puncture. http://www.bestbets.org.
Indications [11] Muldoon T. Lumbar puncture and headache. Obtaining fluid samples
and measuring intrathecal pressure may require different approaches.
La ponction articulaire est indiquée pour confirmer le BMJ 1998;316:1018.
diagnostic d’arthrite septique, inflammatoire, microcristalline ou [12] Roberts JR, Hedges JR. Clinical procedures in emergency medicine.
l’existence d’une hémorragie généralement post-traumatique. Philadelphia: WB Saunders; 2006.
L’évacuation d’une hémarthrose post-traumatique, tendue, [13] Lemarié E, Abou-Hamdan K, Belleguic C, Bohadana A, Bonnaud F,
douloureuse doit être réalisée en urgence. Bréchot JM, et al. La pneumologie fondée sur les preuves. Paris:
Éditions Margaux-Orange; 2005 (398p).
Contre-indications [14] Gauttier JJ, Balduc P, Carmier Y, Nadeau P. Pneumologie clinique.
Montréal: Les Presses Universitaires de Montréal; 2002.
Il convient de ne pas piquer à travers une lésion cutanée, en [15] Runyon BA. Paracentesis of ascitic fluid: a safe procedure. Arch Intern
particulier celles consécutives à un traumatisme lorsque l’éva- Med 1986;146:2259-61.
cuation d’une hémarthrose est indiquée. [16] McVay PA, Toy PT. Lack of increased bleeding after paracentesis and
Une fracture du genou constitue une contre-indication thoracentesis in patients with mild coagulation abnormalities. Transfu-
.
relative à la ponction. En cas de présence de matériel prothéti- sion 1991;31:164-71.
que, le risque d’inoculation expose à des complications [17] Such J, Runyon BA. Spontaneous bacterial peritonitis. Clin Infect Dis
redoutables. 1998;27:669-76.
[18] Lafond P, Viallon A, Zeni F, Tardy A, Da Costa A, Page Y, et al. Justi-
fication de la ponction d’ascite systématique chez le patient cirrhotique
admis aux urgences. Presse Med 1995;24:531-3.
■ Conclusion [19] Herrine S, Runyon BA. Paracentesis. In: Merli GJ, Di Marino AJ,
editors. The clinics atlas of offıce procedures. Philadelphia: WB
Le recours aux ponctions est souvent d’une grande utilité tant Saunders; 1999. p. 285.
sur le plan diagnostique que thérapeutique. L’efficacité et [20] Shaheen NJ, Grimm IS. Comparison of the Caldwell needle/cannula
l’innocuité du geste passent par un respect des indications et with Angiocath needle in large volume paracentesis. Am J Gastro-
des contre-indications et une maîtrise parfaite des techniques enterol 1996;91:1731-3.
recommandées. Seule la rigueur protège le praticien d’éventuel- [21] Nazee SR, Dewbre H, Miller AH. Ultrasound-assisted paracentesis
les complications. performed by emergency physicians vs the traditional technique: a
.
prospective, randomized study. Am J Emerg Med 2005;23:363-7.
[22] Webster ST, Brown KL, Lucey MR, Nostrant TT. Hemorrhagic com-
■ Références plications of large volume abdominal paracentesis. Am J Gastroenterol
1996;91:366-8.
[1] Ponction lombaire. http://www.mcgill.ca/emergency/links. [23] Boyer T, Legré V. Infiltration et ponction du genou. Rev Rhum Mal
[2] Carli P, Riou B, Télion C. Urgences médicochirurgicales de l’adulte. Osteoartic 2006;73:576-81.
Paris: Arnette; 2000. [24] Boyer T, Hamadmad S. Les infiltrations intra-articulaires sont-elles
[3] Steigbigel NH. Computed tomography of the head before a lumbar toujours intra-articulaires? Rhumatologie 1998;50:127-30.
puncture in suspected meningitis- is it helpful? N Engl J Med 2001;345: [25] Brenner S. Orthopedic procedures. In: Emergency procedures and tech-
1768-70. niques. Baltimore: Williams and Wilkins; 1994.

M. Raphaël (mraphael@ch-montfermeil.fr).
E. Zamparini.
B. Chinardet.
Service d’accueil des urgences, Centre hospitalier, 93370 Le Raincy-Monfermeil, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Raphaël M., Zamparini E., Chinardet B. Ponctions aux urgences. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),
Médecine d’urgence, 25-010-F-20, 2007.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


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décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

6 Médecine d’urgence
¶ 25-010-D-20

Remplissage vasculaire et autres


techniques de correction volémique
S. Seltzer, D. Honnart, S. Chefchaouni, M. Freysz

Le traitement d’un état de choc nécessite la connaissance de son mécanisme physiopathologique et


comporte toujours une part étiologique. Le remplissage vasculaire reste cependant la pierre angulaire de
son traitement, une hypovolémie absolue ou relative étant presque constamment présente. L’utilisation
des solutés de remplissage vasculaire nécessite une connaissance précise de leurs caractéristiques, de leurs
avantages et de leurs effets secondaires. L’utilisation des cristalloïdes est limitée par leur faible persistance
intravasculaire et la surcharge hydrosodée extravasculaire induite par leur utilisation. Les colloïdes ont
donc une place majeure dans l’état de choc avéré. La place de l’albumine humaine est actuellement très
restreinte. Les indications des solutés salés hypertoniques ont été récemment définies. En médecine
d’urgence, il convient de connaître précisément les objectifs cliniques et la surveillance du remplissage
vasculaire. De la même manière, les autres techniques de correction volémique, position du patient,
autotransfusion et utilisation du pantalon antichoc, doivent être connues.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Solutés de remplissage vasculaire ; Cristalloïdes ; Colloïdes ; Pharmacocinétique ;


Pharmacodynamie ; Effets secondaires ; Pantalon antichoc ; Posture

Plan ■ Introduction
¶ Introduction 1 Le remplissage vasculaire constitue la pierre angulaire du
traitement de l’hypovolémie, qu’elle soit absolue ou relative, en
¶ Rappels physiologiques 2
association avec d’autres techniques comme la posture, le
Secteurs hydriques de l’organisme 2
pantalon antichoc et surtout l’utilisation d’amines
Mouvements d’eau entre secteurs plasmatique et interstitiel 2
sympathomimétiques.
Régulation de la volémie 3
Le choix d’un soluté de remplissage, longtemps subjectif ou
Paramètres de l’oxygénation tissulaire 3
lié à l’habitude, a évolué au cours des dernières années grâce à
¶ Pharmacologie des solutés de remplissage vasculaire 4 la tenue de conférences de consensus successives, de recom-
Cristalloïdes 4 mandations pour la pratique clinique et à une réglementation
Colloïdes artificiels 5 stricte de l’utilisation des colloïdes naturels. Les circulaires
Solutés salés hypertoniques (SSH) 9 ministérielles du 28 août 1987 et du 23 septembre 1992
Dérivés sanguins 10 établissent le principe de traçabilité des dérivés sanguins labiles
Transporteurs d’oxygène 11 et stables, et en restreignent considérablement les indications,
¶ Utilisation clinique et surveillance 11 essentiellement du fait du risque de transmission d’agents
Choc hypovolémique 11 infectieux, connus ou non. Les conférences de consensus de
Cas particuliers 15 1989, de 1995 sur l’albumine et celle de 1997, ainsi que de
Remplissage vasculaire à la phase aiguë des brûlures 15 nombreuses études, permettent aujourd’hui de proposer des
Choc septique 16 indications clarifiées des différents solutés. Cristalloïdes,
Choc anaphylactoïde 16 hydroxyéthylamidons (HEA), gélatines et solutions salées
Surveillance de l’efficacité du remplissage vasculaire 16 hypertoniques trouvent chacun leur place dans la stratégie du
Accidents du remplissage vasculaire 17 remplissage en fonction du tableau clinique et sont souvent
¶ Autres techniques de correction volémique 18 associés. Concernant les substituts du sang de type transporteurs
Autotransfusion 18 de l’oxygène (O2), les études cliniques restent à faire.
Posture et précautions de mobilisation 18 Le choix rationnel des solutés dans la conduite du remplis-
Pantalon antichoc 18 sage vasculaire nécessite tout d’abord le rappel des notions de
Traitements associés 19 physiologie et la connaissance des propriétés pharmacologiques
d’expansion volémique de chacun des solutés. De plus, il faut
¶ Conclusion 20
intégrer des facteurs économiques, le surcoût n’étant pas justifié
en dehors d’avantages cliniques clairement démontrés.

Médecine d’urgence 1
25-010-D-20 ¶ Remplissage vasculaire et autres techniques de correction volémique

■ Rappels physiologiques Cette notion est très importante dans le remplissage vasculaire
chez le patient présentant une situation d’œdème cérébral ou
Après administration intraveineuse, un soluté va se répartir neuronal potentiel (traumatisme crânien, accident vasculaire
dans les différents secteurs hydriques de l’organisme en fonction cérébral, atteinte médullaire aiguë ...) [3].
de gradients de pression hydrostatique et/ou osmotique [1].
Mouvements d’eau entre secteurs
Secteurs hydriques de l’organisme
plasmatique et interstitiel
L’eau totale représente 60 % du poids du corps chez un
adulte moyen et se répartit en trois compartiments (Fig. 1) : L’étude de la persistance d’un soluté de remplissage dans
• secteur intracellulaire (40 % du poids du corps, soit les deux l’espace vasculaire, but premier de la thérapeutique, impose de
tiers de l’eau totale) ; connaître les mouvements d’eau entre les secteurs plasmatique
• secteur extracellulaire (20 % du poids du corps, soit le tiers et interstitiel. La voie d’administration habituelle est la voie
de l’eau totale), lui-même réparti en secteur interstitiel (15 % veineuse, mais une solution cristalloïde ne contenant pas de
du poids du corps, soit les trois quarts de l’eau extracellulaire) macromolécules peut aussi être administrée par voie sous-
et secteur intravasculaire (5 % du poids du corps, soit le quart cutanée (secteur interstitiel) : elle diffuse dans l’ensemble du
de l’eau extracellulaire) ; secteur extracellulaire, volémie comprise.
• secteur transcellulaire, inférieur à 1 % ; il est virtuel chez
l’homme normal, mais peut considérablement augmenter Facteurs régissant les mouvements d’eau
dans certaines situations pathologiques : c’est le cas lors d’une Pressions oncotiques
occlusion intestinale qui réalise alors un troisième secteur
conséquent. Pression oncotique du plasma. Les protéines plasmatiques,
Le volume sanguin total, ou volémie, d’environ 5 l chez un particulièrement l’albumine, qui en représente les deux tiers,
adulte, se distribue de façon très inégale dans le système exercent une pression colloïdo-osmotique qui tend à retenir
circulatoire. La plus grande partie se trouve en effet dans le l’eau dans les vaisseaux (1 g d’albumine exerce une pression de
système capacitif à basse pression, c’est-à-dire le système 0,4 mmHg). Cette pression est liée à la concentration en
veineux périphérique (65 %) et la circulation pulmonaire protéines exprimée en nombre de molécules ; elle n’est donc
(12 %), le reste étant partagé entre les vaisseaux artériels (15 %) pas strictement proportionnelle à la protidémie, surtout en
et les cavités cardiaques en diastole (8 %). Cette répartition urgence, en particulier en cas d’inflation hydrique. Elle peut être
explique les effets de la posture et du pantalon antichoc dans mesurée par un oncomètre, les valeurs normales se situant entre
le traitement de l’hypovolémie et les propriétés de redistribution 25 et 28 mmHg. Ces chiffres sont à comparer avec la pression
induites par les médicaments vasoactifs. osmotique qui dépasse 6 000 mmHg.
Les secteurs intra- et extracellulaire sont séparés par la Pression osmotique de l’interstitium. La membrane micro-
membrane cellulaire, perméable à l’eau mais imperméable aux vasculaire n’est pas strictement imperméable aux protéines.
grosses molécules et aux ions, pour lesquels il existe des Cette perméabilité relative est quantifiée par un coefficient de
mécanismes actifs de transfert. La répartition de l’eau de part et réflexion osmotique σ variant de 0 (perméabilité totale) à 1
d’autre de la membrane cellulaire est régie par l’osmolalité (imperméabilité complète). Ce coefficient, compris normale-
extracellulaire, elle-même sous la dépendance du sodium qui ment entre 0,8 et 0,9, descend entre 0,6 et 0,7 dans les capil-
constitue le squelette de ce secteur. laires pulmonaires et même à 0,5 dans le tube digestif ; il peut
C’est la membrane capillaire qui sépare le secteur intravascu- être inférieur à 0,3 dans certaines situations pathologiques (choc
laire du secteur interstitiel. Elle est perméable à l’eau et aux septique), traduisant une altération grave de la perméabilité
ions, imperméable aux grosses molécules dont l’encombrement capillaire. La pression oncotique ainsi générée tend à attirer
stérique dépasse 35 Å, qui restent ainsi dans le secteur plasma- l’eau dans le secteur interstitiel.
tique et sont à l’origine de la pression colloïdo-osmotique, qui Il en résulte la notion de pression oncotique efficace qui
tend à retenir l’eau dans le secteur vasculaire. En fait, la correspond à 90 % de la pression oncotique plasmatique, mais
membrane vasculaire est loin d’être semi-perméable et tous les à seulement 30 % dans les poumons et même 10 % dans le
colloïdes utilisés diffusent plus ou moins largement au travers tube digestif. On observe donc un passage physiologique
de celle-ci [2]. Dans le cerveau, la membrane microvasculaire est d’albumine vers le secteur interstitiel à un débit d’environ
particulière : c’est la barrière hématoencéphalique, peu perméa- 140 g/24 h, puis celle-ci regagne le secteur plasmatique par le
ble aux ions. Les mouvements hydriques y sont plus dépen- biais du drainage lymphatique qui est capable de s’accroître
dants des gradients osmotiques que des gradients oncotiques. considérablement, en particulier dans les poumons. En cas
d’hypoprotidémie, la concentration en protéines du secteur
interstitiel diminue également, entraînant une baisse parallèle
Plasma Membrane capillaire : de la pression oncotique interstitielle.
mouvements d'eau selon Au total, une solution cristalloïde diffuse dans l’ensemble du
Secteur un gradient oncotique secteur extracellulaire et, en fonction de son osmolalité, elle se
extracellulaire distribue en partie dans le secteur intracellulaire (solution
Interstitium
hypotonique) ou au contraire elle attire de l’eau intracellulaire
Membrane cellulaire : vers le secteur extracellulaire (solution hypertonique). Les
mouvements d'eau selon solutions colloïdales restent dans le secteur plasmatique,
un gradient osmotique diffusent en partie en interstitiel (solutions hypo-oncotiques) ou
attirent de l’eau de ce secteur vers le secteur vasculaire (solu-
tions hyperoncotiques).
Pression hydrostatique
Cellule La pression hydrostatique interstitielle est faible et n’aug-
Secteur mente significativement qu’en cas d’hyperhydratation supé-
intracellulaire rieure à 70 %. La pression hydrostatique intravasculaire est
mieux connue ; elle décroît du pôle artériel (35 mmHg) au pôle
veineux (15 mmHg).

Équilibre de Starling
Il intègre les données précédentes qui déterminent un flux
Figure 1. Secteurs hydriques de l’organisme. vers le secteur interstitiel au pôle artériel et un flux inverse au

2 Médecine d’urgence
Remplissage vasculaire et autres techniques de correction volémique ¶ 25-010-D-20

Pression hydrostatique capillaire Pression oncotique capillaire Pression hydrostatique capillaire Pression oncotique capillaire

+7 + 16
+7 + 22

Pression hydrostatique interstitielle Pression oncotique interstitielle


Pression hydrostatique interstitielle Pression oncotique interstitielle -2 + 11
-2 + 14
+9 -5 = 4 mmHg
+9 -8 = 1 mmHg Figure 3. Membrane capillaire normale et pression oncotique abaissée.
Figure 2. Membrane capillaire et pression oncotique normales. Gra- Baisse parallèle de la pression oncotique interstitielle avec gradient de
dient de pression résultant quasi nul, pas de fuite d’eau extravasculaire. pression résultant limité à 4 mmHg. Le flux extravasculaire est pris en
charge par le drainage lymphatique.

pôle veineux. Ceci permet les échanges assurant les besoins


nutritionnels des tissus et contribue au maintien de la volémie. Pression hydrostatique capillaire Pression oncotique capillaire
Le flux net est d’environ 2 à 4 l/24 h vers le secteur interstitiel
et le drainage lymphatique en assure le retour vers le secteur
plasmatique.
Cet équilibre est modifié dans certaines situations pathologi-
ques :
• en cas d’hypoprotidémie (dénutrition ou plus souvent +7 + 20
hémodilution), la pression oncotique plasmatique baisse,
favorisant la fuite liquidienne extravasculaire ; le phénomène
est limité par la baisse parallèle de la pression oncotique
interstitielle et une accélération du drainage lymphatique ;
• en cas d’altération de la perméabilité capillaire (choc septique
ou état de choc prolongé), les pressions oncotiques plasmati- Pression hydrostatique interstitielle Pression oncotique interstitielle
que et interstitielle tendent à se rapprocher, avec une baisse
de la pression oncotique efficace ; la fuite liquidienne est +1 + 18
encore compensable par une accélération du drainage lym-
phatique qui met à l’abri de l’œdème interstitiel ; +6 -2 = 4 mmHg
• en cas d’hypovolémie, la baisse de pression hydrostatique
capillaire entraîne un passage immédiat d’eau de l’intersti- Figure 4. Membrane capillaire altérée et pression oncotique normale.
tium vers le secteur plasmatique ; Élévation parallèle de la pression oncotique interstitielle avec gradient de
• dans tous les cas, une augmentation de la pression hydrosta- pression résultant limité à 4 mmHg. Le flux extravasculaire est pris en
tique capillaire accroît la fuite liquidienne car l’augmentation charge par le drainage lymphatique.
de la pression hydrostatique interstitielle reste modérée.
Ainsi, on n’observe pas d’augmentation significative de l’eau
intrapulmonaire et donc de l’incidence de l’œdème pulmonaire qu’une pression veineuse centrale (PVC) très élevée pourrait en
en cas d’hypo-oncocité, sauf si la pression hydrostatique limiter l’ampleur. En cas d’hypovolémie, la baisse de pression
capillaire s’élève. Il n’est donc pas nécessaire de corriger la hydrostatique microvasculaire par fermeture du sphincter
baisse de la protidémie [4, 5], sauf si la pression hydrostatique précapillaire limite le flux d’eau vers le secteur interstitiel, tandis
s’élève : dans ce cas, le recours aux colloïdes est justifié, mais que le drainage lymphatique se poursuit.
doit rester prudent puisque l’apport de solutés macromoléculai- La complexité des mécanismes de régulation explique les
res est lui-même un facteur d’augmentation des pressions de difficultés d’établir la pharmacologie précise des solutés de
remplissage (Fig. 2–4). remplissage, dont l’effet dépend en ampleur et en durée de la
volémie initiale et des mécanismes régulateurs mis en jeu. Les
Régulation de la volémie données pharmacodynamiques obtenues chez le volontaire sain
sont ainsi très différentes de celles observées en pathologie.
Elle fait appel au rein qui régule les pertes d’eau et d’électro-
lytes, particulièrement le sodium. Plusieurs mécanismes inter-
viennent : des mécanismes rénaux directs ; l’autorégulation ; les
Paramètres de l’oxygénation tissulaire
mécanismes nerveux ; le système nerveux sympathique ; des La correction de la volémie a pour finalité l’oxygénation
mécanismes hormonaux ; le système rénine-angiotensine- tissulaire : l’objectif de la circulation est représenté par le
aldostérone ; le facteur atrial natriurétique ; l’hormone antidiu- transport de l’O2, dont les facteurs sont le débit cardiaque et le
rétique [1]. D’autres mécanismes sont impliqués en cas d’hyper- contenu artériel en O2.
hydratation extracellulaire : l’espace de diffusion des protéines Sur un cœur sain, c’est le retour veineux qui est le principal
augmente et accroît le gradient de pression oncotique plasma- déterminant du débit cardiaque (loi de Starling), les modifica-
interstitium. Il en résulte une rétention d’eau dans le secteur tions de contractilité intervenant peu. Ainsi, c’est le remplissage
interstitiel, surtout si la pression hydrostatique interstitielle et/ou l’augmentation du tonus vasomoteur qui augmentent le
s’élève. Enfin, la lymphe joue un rôle fondamental en ramenant retour veineux, donc le débit cardiaque. Sur un cœur défaillant,
vers le système cave un flux de liquide interstitiel comportant le remplissage vasculaire nécessite cependant un soutien
de l’albumine. L’énergie qui mobilise les flux provient des inotrope, l’augmentation de la précharge pouvant être mal
battements artériels, des contractions musculaires et de la tolérée si le ventricule ne peut en assurer l’éjection.
compression respiratoire des septa alvéolaires. Le drainage Le contenu artériel en O2 dépend de l’oxygénation sanguine
lymphatique peut être multiplié par dix dans les poumons, alors (saturation artérielle en O2) et de la quantité d’hémoglobine. Le

Médecine d’urgence 3
25-010-D-20 ¶ Remplissage vasculaire et autres techniques de correction volémique

taux de l’hémoglobine doit être pris en compte pour optimiser à 273 mOsm·l–1. Cette donnée doit être prise en considération
le transport d’O 2 , et l’idéal réalise un compromis entre la dans toutes les situations potentielles d’œdème cérébral ou
quantité de transporteur d’O2 et la viscosité sanguine permet- neuronal où il est contre-indiqué.
tant un bon cheminement dans la microcirculation. La baisse
de l’hématocrite facilite cette circulation et est mise à profit Pharmacodynamie
dans les techniques d’hémodilution normovolémique. Les cristalloïdes isotoniques se distribuent en moins de
1 heure dans l’ensemble du secteur extracellulaire. Dans un
premier temps, l’apport de cristalloïdes isotoniques va compen-
■ Pharmacologie des solutés ser la relative déshydratation du secteur interstitiel dont le
contenu s’est trouvé rapidement mobilisé vers le secteur
de remplissage vasculaire plasmatique au début d’une hypovolémie [6].
Pour un remplissage de faible volume, la faible baisse de la
Cristalloïdes pression oncotique plasmatique liée à la dilution est compensée
Les cristalloïdes sont des solutés contenant de l’eau et des par l’augmentation de la pression hydrostatique interstitielle et
ions. Leur utilisation dans le traitement de l’hypovolémie est la répartition se fait pour 25 à 30 % dans le secteur vasculaire
très ancienne. contre 70 à 75 % dans le secteur interstitiel.
Pour un remplissage plus important, le secteur interstitiel va
Solutés isotoniques emmagasiner des quantités d’eau considérables sans élévation
notable de la pression interstitielle et seul un faible pourcentage
Propriétés physicochimiques du volume perfusé reste en intravasculaire ; l’inflation intersti-
On exclura d’emblée les solutés glucosés dépourvus d’électro- tielle élève cependant le flux lymphatique, qui ramène ainsi de
lytes qui ne sont pas des solutés de remplissage : ils diffusent l’albumine vers le secteur plasmatique.
dans l’eau totale et abaissent dangereusement l’osmolalité La perfusion de 1 000 ml de cristalloïdes isotoniques aug-
plasmatique. Ils sont particulièrement délétères chez le trauma- mente la volémie de 170 à 300 ml selon le contexte volémique
tisé crânien ou en situation d’ischémie cérébrale ou neuronale, de départ ; il faut donc administrer de trois à cinq fois le
car ils génèrent un œdème intracellulaire marqué. La perfusion volume à compenser et prolonger cet apport (Tableau 2). C’est
de 1 l de glucosé correspond en effet, après métabolisation du le Ringer lactate qui est utilisé préférentiellement, sauf en cas de
glucose, à l’apport de 1 l d’eau qui passe librement les traumatisme crânien ou médullaire, d’ischémie cérébrale,
membranes. d’insuffisance hépatocellulaire ou d’hyperkaliémie [7].
Le sérum salé à 0,9 % est isotonique, avec une osmolarité de
Avantages. Inconvénients
308 mOsm·l–1. En revanche, il porte assez mal sa dénomination
de sérum physiologique du fait d’une teneur élevée en chlore Avantages. Ce sont le faible coût, l’absence de toute réaction
qui expose à l’acidose hyperchlorémique (Tableau 1). de type allergique et l’absence de posologie maximale.
Le cristalloïde isotonique de référence est la solution dite de Inconvénients. Il s’agit essentiellement de l’inflation hydro-
Ringer lactate, plus équilibrée en chlore et qui apporte indirec- sodée, particulièrement dans le tissu sous-cutané, avec appari-
tement un tampon bicarbonate par métabolisation hépatique tion d’œdèmes cliniques au-delà de 3 l de surcharge. Les effets
du lactate, exposant en cas d’apports massifs à l’alcalose délétères réels de cette inflation restent à documenter, comme
métabolique. Sa composition (Tableau 1) peut légèrement varier le retard de cicatrisation ou le ralentissement du transit. La
selon le fabricant. Il est en revanche discrètement hypotonique, comparaison colloïdes/cristalloïdes isotoniques ne montre

Tableau 1.
Composition des solutés cristalloïdes.
Sérum salé à 0,9 % Ringer lactate Sérum salé hypertonique à 7,5 %
+ -1
Na (mmol l ) 154 130 1 275
Cl- (mmol l-1) 154 111 1 275
K+ (mmol l-1) - 5 -
Ca++ (mmol l-1) - 2 -
Lactate (mmol l-1) - 28 -
Osmolarité (mOsm l-1) 308 273 2 550

Tableau 2.
Comparaison de l’expansion volémique obtenue avec différents solutés. Le pouvoir d’expansion volémique et sa durée sont donnés à titre approximatif, en
raison des variations liées à l’état volémique du receveur.
Solutés Osmolalité (mOsm l-1) Oncocité relative Pouvoir d’expansion Durée de l’expansion
volémique initial (en volémique (heures)
produit du volume perfusé)
Albumine à 4 % 300 0,8 0,8 6-12
Albumine à 20 % 300 4,0 4,0 6-12
Hesteril® 300 1,2 1,0-1,3 4-8
Heafusine® 300 3,6 – 4,0 1,5-1,8 4-8
Hyperhes® 2 464 1,2 2,0-3,0 6-8
Gélofusine® 279 1,4 0,8-1,2 3-4
Plasmion® 320 1,2 0,6-1,0 3-4
Rescue Flow® 2 550 2,0 3,0 4-6
Ringer lactate 273 0 0,2-0,3 0,5
Sérum salé à 0,9 % 308 0 0,2-0,3 0,5
Sérum salé à 7,5 % 2 550 0 7,0 0,5
Voluven® 308 1,2 1,0-1,5 4-6

4 Médecine d’urgence
Remplissage vasculaire et autres techniques de correction volémique ¶ 25-010-D-20

Tableau 3.
Caractéristiques physicochimiques et composition des gélatines.
Plasmion® Plasmagel désodé® Gélofusine®
+ -1
Na (mmol l ) 150 26 154
Cl- (mmol l-1) 100 1,2 125
Ca++ (mmol l-1) 0 0 0
Mg++ (mmol l-1) 1,5 0 0
K+ (mmol l-1) 5 0 0
Lactate (mmol l-1) 30 0 0
Glucose (g.l-1) 0 50 0
pH 5,5 - 5,6 5,5 - 6,5 7,4
PMp (kDa) 35 35 30
PMn (kDa) 14 22 22
Coefficient de dispersion 2,5 1,5 1,3
Pression oncotique (mmHg) 29 24 34
Osmolarité (mOsm.l-1) 320 320 279

Tableau 4.
aucune différence entre les types de solutés en ce qui concerne Incidence des accidents anaphylactoïdes selon le type de substitut
mortalité, œdème pulmonaire et durée de séjour. Cependant, plasmatique (d’après [14]).
elle objective une différence significative en faveur des cristal-
loïdes sur la mortalité dans le groupe des patients Substituts Incidence
traumatisés [8]. plasmatiques
Par patient %
Le risque d’œdème pulmonaire [9, 10] est plus lié aux éléva- Albumine 1/1 010 0,099
tions de la pression hydrostatique : la baisse de la pression
Amidon 1/1 715 0,058
oncotique plasmatique a peu d’effets sur l’eau intrapulmonaire
Dextran 1/367 0,273
car une perméabilité augmentée de la membrane alvéolocapil-
laire aux protéines abaisse le gradient oncotique plasma/ Gélatine 1/289 0,345
interstitium. De plus, la pression capillaire y est basse par
rapport au niveau systémique et le drainage lymphatique est
Après perfusion de gélatines, trois devenirs sont possibles en
capable de s’élever dans des proportions considérables.
fonction du poids moléculaire des molécules :
On observe également une hémodilution avec baisse de
• la majeure partie (90 %) est éliminée par le rein, dont 40 à
l’hématocrite et des facteurs de coagulation, commune à
50 % en 6 heures et plus particulièrement dans les 2 premiè-
l’utilisation des dérivés non sanguins en cas d’hémorragie. res heures, et 50 à 60 % en 24 heures ; les 10 % restants le
L’aggravation d’une acidose lactique par une perfusion de sont par le tube digestif ;
Ringer lactate n’est pas étayée, mais ce soluté fausse l’interpré- • les molécules de petite taille diffusent immédiatement dans le
tation de la lactatémie au cours de l’état de choc. secteur interstitiel (20 % de la dose administrée) ;
Enfin, le pouvoir d’expansion réduit et assez lent retarde la • une faible fraction est catabolisée par des enzymes protéoly-
correction volémique donc celle du choc et, pour des hypovo- tiques (trypsine, plasmine, cathepsine).
lémies importantes, les quantités à perfuser deviennent Leur demi-vie est d’environ 5 heures. Les gélatines ne
considérables. semblent pas s’accumuler dans l’organisme puisque, après
48 heures, il n’y a plus de trace de gélatine fluide modifiée dans
Colloïdes artificiels les tissus.
Pharmacodynamie
Gélatines Chez le malade hypovolémique, 500 ml de gélatine augmen-
En France, seules les gélatines fluides modifiées (Plasmion®, tent le compartiment vasculaire de 400 à 500 ml, mais il ne
Plasmagel désodé sorbitol ® , Gélofusine ® ) restent commer- reste au mieux que 300 ml 4 heures plus tard. D’autres études
cialisées. rapportent des chiffres plus bas [13] (Tableau 2).

Propriétés physicochimiques Effets secondaires

Il s’agit de polypeptides obtenus par hydrolyse du collagène Réactions anaphylactoïdes. Les gélatines sont des produits
osseux de bœuf. Leur poids moléculaire moyen en poids (PMp) de remplissage avec un risque de réactions anaphylactoïdes
est d’environ 35 kDa, leur poids moléculaire moyen en nombre élevé (0,345 %), ce risque étant six fois plus élevé qu’avec les
HEA et l’albumine [14] (Tableau 4). Une origine immunologique
(PMn) de 23 kDa [11]. Les solutions sont légèrement hypertoni-
à ces réactions allergiques par la détection d’anticorps antigéla-
ques en dehors du Plasmagel désodé® et exercent un pouvoir
tines a été rapportée. Dans d’autres cas, il s’agit d’une histami-
oncotique proche de celui du plasma. Les gélatines sont en
nolibération non spécifique [15]. En raison du risque allergique
solution soit équilibrée (Plasmion®, Gélofusine®), soit glucosée
à la fois maternel et fœtal, les gélatines sont formellement
(Plasmagel désodé®) (Tableau 3).
contre-indiquées chez la femme enceinte.
Le point de gélification des gélatines se situe entre 0 et 4 °C, Effets sur l’hémostase. Les gélatines retentissent de manière
rendant difficiles le stockage et leur utilisation aux basses limitée sur l’hémostase. In vitro, toutes les gélatines diminuent
températures en médecine préhospitalière. Ces phénomènes de la formation du caillot [16]. Cet effet est lié à la formation d’un
gélification n’ont pas de conséquence clinique ; la gélification complexe résultant de la liaison fibronectine-gélatine s’incorpo-
est réversible au réchauffement, sans altération de la solution. rant au caillot en formation et interférant avec la polymérisa-
Pharmacocinétique tion des monomères de fibrine.
In vivo, les gélatines sont responsables de modifications
La pharmacocinétique des gélatines est mal connue devant modérées du complexe de Willebrand qui se fixe sur les molé-
l’absence de méthode de dosage précis de leur concentration cules de la gélatine sur des sites collagéniques [17]. L’agrégation
sanguine [12]. plaquettaire induite par la ristocétine est diminuée alors que

Médecine d’urgence 5
25-010-D-20 ¶ Remplissage vasculaire et autres techniques de correction volémique

Tableau 5.
Contre-indications des colloïdes.
Contre-indication Non recommandé
Hydroxyéthylamidons Trouble de la coagulation acquis ou constitutionnels Chirurgie où le risque hémorragique est lourd de conséquen-
ces
Maladie de Willebrand connue ou suspectée Femme enceinte
Hémophilie
Insuffisance hépatique sévère
Insuffisants rénaux chroniques en cours d’hémodialyse
Solutés salés hypertoniques Hypersensibilité connue
Femme enceinte
Hypernatrémie
Hyperosmolarité
Hyperkaliémie sévère
Gélatine Femme enceinte
Hypersensibilité connue
Troubles majeurs de la coagulation
Hypercalcémie pour le Plasmagel®
Albumine Hypersensibilité connue En dehors de cas particulier, pas d’indication en première
intention en tant que produit de remplissage vasculaire

Tableau 6. • une fraction moins importante passe dans le secteur intersti-


Caractéristiques physicochimiques et composition du Rescue Flow®. tiel, avec soit retour dans la circulation sanguine par l’inter-
PMp (kDa) 70
médiaire du drainage lymphatique, soit métabolisation dans
certains organes ;
Pression oncotique (mmHg) 70
• une petite fraction est éliminée par le tube digestif.
pH 6
Na+ (mmol l-1) 1 275 Pharmacodynamie
- -1
Cl (mmol l ) 1 275 Effets d’expansion volémique. Chez le patient hypovolémi-
PMp : poids moléculaire moyen en poids. que, l’expansion volémique obtenue avec le dextran 70 à 6 %
est de 217 % [20]. L’effet est prolongé puisque la moitié du
volume perfusé est retrouvée au bout de 8 heures (Tableau 2).
l’agrégation induite par d’autres agents (acide adénosine Effets secondaires
diphosphate, adrénaline, collagène...) n’est pas modifiée.
Réactions anaphylactoïdes. Le mécanisme des réactions avec
L’agrégation érythrocytaire est augmentée.
les dextrans est lié à la présence d’anticorps antidextrans de
Risque rénal. Au plan histologique, la perfusion de gélatines type immunoglobulines (Ig) G [21]. Près de 70 % de la popula-
peut entraîner des lésions transitoires de « néphrose osmotique » tion possède des anticorps circulants antidextrans, avec des
localisées aux cellules endothéliales des tubes proximaux. concentrations élevées dans 15 à 25 % des cas. Ces anticorps
Cependant, quelques cas d’insuffisance rénale aiguë ont été sont vraisemblablement induits par les dextrans de haut poids
rapportés avec les gélatines [18]. moléculaire ingérés dans la nourriture ou produits par les
Autres effets. Des erreurs d’appréciation du facteur Rhésus bactéries du tube digestif. Une protection hapténique par le
peuvent survenir en présence de gélatines, d’où la nécessité du dextran 1 000 Da (Promit®) injecté avant la perfusion avait
prélèvement sanguin pour groupage avant la perfusion de permis de réduire l’intensité et la fréquence des réactions [22].
gélatines. Effets sur l’hémostase. Un allongement du temps de saigne-
Risque de transmission d’agents non conventionnels. À ce ment est classiquement observé avec des doses de 1,5 g·kg–1. Les
jour, les gélatines n’ont jamais été impliquées dans un accident études ont permis de rapporter les troubles de l’hémostase
de transmission de virus pathogènes ou d’agents transmissibles induits par la perfusion de dextran à un syndrome de Wille-
pathogènes non conventionnels, grâce à l’application de brand acquis de type I, réversible par l’administration de
l’ensemble des mesures de sécurité [19]. desmopressine [23] . De plus, les dextrans sont susceptibles
Les contre-indications des gélatines figurent dans le d’altérer la polymérisation de la fibrine, facilitant la lyse des
Tableau 5. caillots de fibrine par la plasmine. L’adhésion plaquettaire est
diminuée ; celle-ci est en rapport avec la diminution du facteur
Dextrans VIII.
Les dextrans ont été largement utilisés pendant 40 ans ; leur
usage a nettement décru dans la plupart des pays en raison de Hydroxyéthylamidons
la gravité de leurs effets secondaires (accidents anaphylactoïdes). Introduits en France en 1991, les HEA sont les colloïdes les
En France, seul le Rescue Flow® (association sérum salé hyper- plus utilisés depuis 2001. Seuls les HEA de poids moléculaire
tonique [SSH] à 7,5 % et dextran 70 à 6 %) reste disponible moyen sont actuellement disponibles (Heafusine®, Hesteril®,
(Tableau 6). Voluven®).
Propriétés physicochimiques Propriétés physicochimiques
Les dextrans sont des polysaccharides monocaténaires d’ori- Les effets des HEA dépendent de leur poids moléculaire in
gine bactérienne. vivo qui détermine l’expansion volémique et l’accumulation
tissulaire, d’où l’importance des caractéristiques physicochimi-
Pharmacocinétique
ques (Tableau 7).
Après perfusion de dextran, trois devenirs sont possibles en Les HEA sont des polymères naturels modifiés du glucose
fonction du poids moléculaire moyen [12] : composés de chaînes polysaccharidiques, dérivées de l’amylo-
• la majeure partie est éliminée par le rein ; pectine d’amidons végétaux (le plus souvent extrait du maïs) [24,

6 Médecine d’urgence
Remplissage vasculaire et autres techniques de correction volémique ¶ 25-010-D-20

Tableau 7.
Caractéristiques physicochimiques et composition des hydroxyéthylamidons commercialisés en France.
Hestéril® Heafusine® Voluven® Hyperhes®
PMp (kDa) 240 250 130 200
PMn (kDa) 63 63
TSM (%) 0,5 0,5 0,4 0,43-0,55
Concentration (%) 6 10 6 6
Pression oncotique (mmHg) 25-30 75-80
pH 3,5-6,5 3,5-7 4-5,5 3,5-6
Na+ (mmol l-1) 154 154 154 1 232
Cl- (mmol l-1) 154 154 154 1 232
Osmolarité (mOsm.l-1) 308 310 308 2 464
PMp : poids moléculaire moyen en poids ; PMn : poids moléculaire moyen en nombre ; TSM : taux de substitution molaire.

Tableau 8. Pharmacocinétique
Caractéristiques physicochimiques des hydroxyéthylamidons [25].
La pharmacocinétique des HEA est complexe du fait de
PMp (kDa) Haut 450-480 l’hétérogénéité de ces solutions. Après administration unique, la
Moyen 130-200 pharmacocinétique des HEA dépend de quatre processus plus ou
Bas 40-70 moins simultanés :
• la diffusion dans le secteur interstitiel (20 % environ comme
TSM Élevé 0,6-0,7 tous les colloïdes) ;
Bas 0,4-0,5 • la filtration glomérulaire des petites molécules (poids molé-
Rapport C2/C6 Élevé >8 culaire inférieur ou égal à 60 kDa) ;
Bas <8 • la fragmentation progressive des grosses molécules en intra-
vasculaire par l’a-amylase plasmatique ; pour certains, il
Concentration (%) Élevée 10 pourrait s’agir de la formation d’un complexe avec l’enzyme,
Basse 6 incapable d’agir en raison de l’enveloppe hydrique qui
PMp : poids moléculaire moyen en poids ; TSM : taux de substitution molaire. entoure les molécules d’HEA ;
• la phagocytose [26] dans le système réticuloendothélial des
chaînes de poids moléculaire haut et moyen où elles subis-
25]. Chez l’homme, les solutions d’amidon naturel sont rapide-
sent l’action d’enzymes lysosomiales (maltases, isomaltases).
Cependant, les parts respectives de l’hydrolyse intravasculaire
ment hydrolysées par l’a-amylase plasmatique. L’hydroxyéthy- et de la captation par le système réticuloendothélial restent
lation ou éthérification permet de stabiliser la solution en controversées. Les mécanismes précis de l’élimination des HEA
augmentant l’hydrophilie de la molécule et de ralentir l’hydro- sont encore mal élucidés. Ainsi, le poids moléculaire in vitro de
lyse plasmatique. Des groupements hydroxyéthyles (C2H4OH) la solution va rapidement tendre vers un poids moléculaire in
substituant les groupements hydroxyles peuvent être placés en vivo inférieur, qui dépend à la fois du poids moléculaire initial
position, soit C2, soit C3, soit C6, sur chaque cycle hexose. et des caractéristiques d’hydroxyéthylation [27]. L’hydrolyse
L’hydroxyéthylation en C2 est celle qui confère à la molécule augmente le nombre des molécules osmotiquement actives.
de glucose la plus grande résistance à l’hydrolyse. Ainsi, les Cette caractéristique explique la stabilité de l’expansion volémi-
solutions d’HEA sont caractérisées par quatre variables que du fait du maintien de la pression oncotique développée.
(Tableau 8) : Après l’administration répétée d’HEA, l’élimination lente des
• poids moléculaire moyen in vitro : les HEA sont des solutions molécules de haut poids moléculaire conduit à leur accumula-
polydispersées, c’est-à-dire constituées d’un mélange de tion plasmatique puis tissulaire [27].
chaînes saccharidiques de poids moléculaire différent ; Pharmacodynamie des HEA
comme pour les autres colloïdes, on distingue le PMp et le
Effets d’expansion volémique. Les HEA ont un pouvoir
PMn ; d’expansion volémique à peu près identique à celui de l’albu-
• concentration : le pouvoir oncotique est déterminé par la mine à 4 % [28-31].
concentration de l’HEA ; Comparativement aux gélatines, l’utilisation d’HEA pourrait
• taux de substitution molaire (TSM) ou degré de substitution limiter les troubles de la perméabilité capillaire et l’extravasation
(DS) : le TSM correspond au rapport molaire des concentra- de liquide, améliorant le rapport PO 2 /FiO 2 dans le groupe
tions de radicaux hydroxyéthyles et de glucose ; plus le TSM HEA [28, 32].
est élevé, plus la quantité de radicaux hydroxyéthyles est Les données hémodynamiques sont représentées dans le
grande et plus les chaînes polysaccharidiques résistent à la Tableau 2.
dégradation par l’a-amylase ; cette caractéristique détermine Propriétés rhéologiques. Expérimentalement, des effets
la durée de persistance intravasculaire ; des taux de substitu- rhéologiques favorables ont été décrits [33] . Cependant, les
tions s’échelonnant de 0,45 à 0,70 ont été utilisés dans études cliniques n’ont pas permis d’observer de modification de
différentes préparations commercialisées à travers le monde ; la viscosité sanguine, ni de rouleau-formation érythrocytaire [34,
35]. Certains auteurs retrouvent même une augmentation de
• rapport C2/C6, qui correspond au nombre de carbones
hydroxyéthylés en C2 divisé par le nombre de ceux l’agrégation des hématies avec de l’HEA 10 % [36].
hydroxyéthylés en C6 sur les molécules de glucose ; plus le Effets secondaires
rapport d’hydroxyéthylation C2/C6 est élevé, plus la solution Effets secondaires après administration unique.
d’HEA résiste à l’hydrolyse enzymatique par l’a-amylase et Réaction anaphylactoïde. Tous les solutés de remplissage
plus le pouvoir d’expansion volémique se maintient. peuvent entraîner des réactions anaphylactoïdes. C’est avec les
Ces variables, caractérisant les solutions d’HEA, conditionnent amidons qu’elles sont le plus rarement observées, avec une
leur comportement intravasculaire. Ainsi, plus le PMp, le TSM fréquence proche de celle observée avec l’albumine :
et le rapport C2/C6 sont élevés, plus l’hydrolyse de l’HEA est 0,058 % [14].
ralentie et en conséquence plus les molécules en particulier de Cependant, le mécanisme précis des réactions aux HEA reste
poids moléculaire élevé s’accumulent. inconnu : réaction anaphylactique induite par des anticorps

Médecine d’urgence 7
25-010-D-20 ¶ Remplissage vasculaire et autres techniques de correction volémique

spécifiques anti-HEA [37] , par mécanisme immunologique quantité perfusée supérieure à 20 ml kg–1 de HEA 450. Dès
indépendant des HEA [38] ou par activation directe du 1981, la quantité perfusée [63] a donc été limitée à
complément. 20 ml kg–1 j–1.
Toxicité rénale. À la suite de perfusions de colloïdes, deux Ces colloïdes sont capables d’aggraver une maladie de
types d’atteinte des fonctions rénales ont été décrits : la Willebrand préexistante [57, 64] et de provoquer des troubles de
néphrose osmotique et l’insuffisance rénale hyperoncotique. Ces la coagulation proches de ceux observés dans la maladie de
atteintes résultent de la perfusion de grandes quantités d’HEA, Willebrand de type I lors d’administrations répétées sur plu-
le plus souvent sur plusieurs jours, et sont favorisées par une sieurs jours [63, 65-72].
déshydratation chez des patients ayant une atteinte rénale L’utilisation de desmopressine (à la dose de 0,3 µg·kg–1) en
préalable en raison d’un terrain athéromateux et/ou d’un âge cas de troubles de la coagulation secondaires à l’utilisation
élevé. Les lésions histologiques, appelées osmotic nephrosis like d’HEA a été préconisée [23].
lesions, caractérisées par la présence de vacuoles dans le cyto- HEA de moyen ou bas poids moléculaire. In vitro, les HEA de
plasme des tubules rénaux proximaux et distaux, ont été mises poids moléculaire moyen ont des effets modestes sur l’hémo-
en évidence sur les biopsies de reins greffés lors d’administra- stase lorsque l’hémodilution est inférieure à 20 %. En revanche,
tion d’HEA 200/0,6 (HEA qui n’est plus commercialisé en pour des hémodilutions supérieures à 30 %, une profonde
France) chez les patients en mort encéphalique [39-43] . Les modification de la coagulation a été observée par altération des
conséquences délétères sur la fonction rénale ont été confirmées fonctions plaquettaires et du fibrinogène.
dans plusieurs circonstances : après les transplantations réna- In vivo, il faut différencier les HEA de première génération
les [44, 45], chez les patients présentant un sepsis grave [46]. En des autres HEA. Des accidents cliniques hémorragiques ont été
revanche, ces effets secondaires n’ont pas actuellement été mis
rapportés lors de l’utilisation répétée de l’HEA 200/0,6. Celle-ci
en évidence avec les HEA de nouvelle génération (HEA 200/
s’accompagne d’une diminution importante des facteurs du
0,5 et HEA 130/0,4) [47-54].
complexe FVIII/VWF correspondant à un syndrome de Wille-
brand de type I (quantitatif). Les auteurs ont suggéré que cette
diminution du VWF résultait d’une élimination accélérée des

“ Point fort
complexes VWF-HEA de haut poids moléculaire [58, 73, 74]. Ainsi,
les anomalies de la coagulation induites par l’HEA sont donc
directement liées au poids moléculaire in vivo et au degré de
substitution, ce qui explique la différence des effets entre l’HEA
HEA et fonction rénale
200/0,6 et l’HEA 200/0,5.
Les HEA de poids moléculaire moyen (HEA 200/0,5 et HEA
Dans le contexte périopératoire, l’influence des HEA sur le
130/0,4) peuvent être utilisés sans réserve chez les facteur VIII/facteur Willebrand est contrebalancée par l’aug-
patients ne présentant pas d’altération de la fonction mentation postopératoire des facteurs de coagulation avec
rénale, même à des posologies élevées [32, 48]. Chez les hypercoagulabilité postopératoire et par l’augmentation de ce
patients ayant une insuffisance rénale connue à diurèse complexe liée à l’activation des cellules endothéliales qui le
conservée, l’utilisation d’HEA 130/0,4 en administration produisent [75, 76].
unique ou répétée est autorisée en respectant strictement En revanche, les HEA de poids moléculaire moyen de seconde
les posologies [55, 56]. génération ont des effets modérés, liés à l’hémodilution [77-79],
peu différents de ceux de l’albumine et des gélatines [30, 31, 80,
81]. Les études cliniques sur le risque hémorragique en chirurgie

ont confirmé que, même pour des volumes de 30 à 40 ml kg–1,


Effets secondaires en cas d’administrations répétées.
les effets des HEA 200/0,5 ne sont pas différents. Ces études
Réactions cutanées. Un effet secondaire fréquemment observé
rassurantes expliquent que la restriction d’utilisation, initiale-
et survenant uniquement après l’administration chronique
ment limitée à 20 ml kg–1, a été portée à 33 ml kg–1 le premier
d’HEA est l’apparition d’un prurit résistant aux diverses théra-
jour, puis 20 ml kg–1 j-1. Mais les HEA de troisième génération
peutiques. Ce prurit serait lié à un dépôt extravasculaire
(Voluven®) ont obtenu une autorisation de mise sur le marché
d’amidon [57].
(AMM) permettant une perfusion de 50 ml kg–1 le premier jour
Atteintes biologiques, pancréatiques et hépatiques. Une augmen-
car ils sembleraient, pour l’instant, ne pas présenter les mêmes
tation de l’amylasémie pouvant parfois atteindre cinq fois la
inconvénients [49, 50, 82, 83].
valeur initiale a été constatée après l’administration d’HEA [58].
Cette réaction est liée à la fixation de l’amidon sur l’amylase : Ainsi, les doses limites d’HEA doivent être respectées. Pour
ainsi, la molécule échappe à l’excrétion rénale et induit une l’HEA 200/0,6, qui n’est plus commercialisé en France, la dose
hyperamylasémie. Pendant plusieurs jours après l’administration administrée devait être strictement limitée à 33 ml kg–1 et la
d’HEA, les résultats de l’analyse plasmatique ne peuvent donc durée du traitement inférieure à 4 jours. La dose maximale
pas être utilisés comme l’unique critère diagnostique d’une administrée ne devait pas dépasser 80 ml kg–1.
pancréatite [25]. Pour les autres HEA, un traitement d’une durée supérieure à
Plusieurs cas de surcharge des cellules de Kupffer ont été 4 jours et d’une dose cumulée supérieure à 80 ml kg–1 nécessite
rapportés lors d’administrations itératives d’HEA 200/0,6 chez une surveillance régulière de l’hémostase par une mesure du
des patients présentant ou non des antécédents de cirrhose temps de céphaline plus activateur, du cofacteur de la ristocé-
hépatique [59]. Cette surcharge peut se traduire par une altéra- tine et éventuellement du facteur VIII C. Cette surveillance doit
tion de l’état général et un dysfonctionnement hépatique, et être renforcée chez les patients recevant un traitement pouvant
entraîner ou aggraver une hypertension portale. Ces accidents retentir sur l’hémostase et chez les patients de groupe sanguin
ont tous été observés après utilisation d’HEA 200/0,6, ceci étant O.
probablement en rapport avec sa longue demi-vie plasmatique. L’administration des HEA est contre-indiquée en cas de
Par ailleurs, une administration unique est sans conséquence maladie de Willebrand connue ou suspectée, de troubles de
clinique [60]. l’hémostase constitutionnels ou acquis, d’hémophilie, d’insuffi-
Effets sur la coagulation. Les effets sont différents en sance hépatique sévère et chez les patients insuffisants rénaux
fonction du type d’HEA administré. L’effet sur les plaquettes est chroniques en cours d’hémodialyse (Tableau 5).
également précisé. Influence sur les plaquettes. Après l’administration d’un seul
HEA de haut poids moléculaire. Dès 1965, plusieurs études flacon d’HEA, une diminution de la concentration plaquettaire
constatent un effet délétère des HEA de haut poids moléculaire en rapport avec l’effet de dilution exercé par ces molécules a été
sur l’hémostase, avec diminution des facteurs de la coagulation, notée lors de plusieurs études [84, 85].
diminution de la concentration du fibrinogène, cette action Lors de l’administration répétée d’HEA de moyen et bas poids
étant indépendante de l’effet de l’hémodilution [61]. Le risque moléculaires, une diminution du nombre des plaquettes, due à
hémorragique est significativement plus élevé [62] à partir d’une l’effet de dilution durant les 3 premiers jours, est observée. Puis

8 Médecine d’urgence
Remplissage vasculaire et autres techniques de correction volémique ¶ 25-010-D-20

une diminution significative du volume plaquettaire est obser- la pression oncotique permettant le maintien du sodium dans
vée ; celle-ci semble dépendre de la concentration des HEA et du le compartiment sanguin, et d’autre part par augmentation du
poids moléculaire in vivo, puisque la diminution du volume volume circulant. Le gain d’expansion plasmatique obtenu par
plaquettaire la plus importante est observée [86] avec les HEA l’association a été mis en évidence et évalué [20, 98-101].
200/0,62. Cependant, ces perturbations ne sont pas encore Le SSH augmente la contractilité myocardique par l’intermé-
clairement expliquées et leurs conséquences cliniques restent diaire des catécholamines et du système sympathique. Dans
controversées [84]. Plusieurs études ont suggéré l’existence d’une l’état de choc, on observe également une diminution de
corrélation positive entre le volume plaquettaire, la fonction l’œdème intracellulaire myocardique et une amélioration de la
plaquettaire et le temps de saignement [87, 88] : la réduction des circulation splanchnique qui pourrait diminuer la sécrétion de
fonctions plaquettaires au cours d’un traitement prolongé par myocardial depressing factor.
les HEA pourrait favoriser les troubles de la coagulation.
Autres effets. Les HEA perturbent le groupage sanguin, d’où Avantages. Inconvénients
la nécessité du prélèvement sanguin avant leur perfusion.
Avantages
L’expansion volémique obtenue est rapide et importante pour
un faible volume perfusé, un coût très faible et un maniement
“ À retenir facile [99, 100]. La tolérance sur une voie veineuse périphérique
est correcte malgré l’hyperosmolarité considérable. La réalisation
du groupage sanguin n’est pas perturbée. L’efficacité du SSH
HEA de troisième génération : Voluven® dans le traitement de l’hypertension intracrânienne et dans
• Utilisation de Voluven® autorisée à 50 ml kg-1 le premier l’amélioration de la pression de perfusion cérébrale est confir-
jour mée dans plusieurs études [102-105]. Si la méta-analyse de Wade
• Absence d’accumulation tissulaire et al. avec l’association SSH/dextran [101] montre une améliora-
• Expansion volémique rapide, égale au volume perfusé tion globale du pronostic chez les traumatisés crâniens graves
hypotendus, une étude prospective, randomisée, récente ne
et de durée d’environ 6 heures
confirme pas cette hypothèse [106].
• Utilisation autorisée chez les patients ayant une
insuffisance rénale connue à diurèse conservée en Inconvénients
respectant les posologies Le premier inconvénient est l’élévation de l’osmolalité
plasmatique et de la natrémie, source de déshydratation
intracellulaire avec risque d’hémorragie cérébrale, voire de
Solutés salés hypertoniques (SSH) myélinolyse centropontine. À la posologie usuelle (250 ml pour
l’association SSH et colloïde ou de 4 à 6 ml/kg de SSH à 7,5 %),
Les premières expériences portant sur l’utilisation du SSH ont l’augmentation de la natrémie et de l’osmolarité est de l’ordre
été publiées en 1919 par Penfield. Depuis les années 1980, de de 10 %, soit respectivement 160 mmol l–1 et 320 mOsm l–1,
nombreux travaux expérimentaux et cliniques évaluant l’intérêt sans effet délétère neurologique ou cardiaque. Une surveillance
du SSH dans le traitement du choc hémorragique apparais- de la kaliémie est nécessaire, car un certain degré d’hypokalié-
sent [20, 89-95]. Les SSH sont d’ailleurs, par leur très important mie est constamment associé à la perfusion de sérum salé. De
pouvoir d’expansion volémique, à l’origine du concept de même, une acidose métabolique hyperchlorémique est égale-
réanimation à faible volume (small volume resuscitation). La ment décrite avec les SSH.
commercialisation récente de produits associant SSH et colloïdes L’hémorragie persistante ou récidivante constitue aussi une
ouvre des perspectives d’utilisation plus large. limite à l’utilisation du SSH, d’autant que la restauration
hémodynamique pourrait contribuer à augmenter le saignement
Propriétés physicochimiques non contrôlé. Cependant, la méta-analyse de Wade et al. [101] a
Aucun cristalloïde hypertonique pur n’est actuellement montré chez des blessés à plaie pénétrante une meilleure
disponible sur le marché français. Le SSH le plus étudié a une correction de la pression artérielle sans augmentation du
concentration de 7,5 %. L’utilisateur est contraint de le préparer saignement en phase pré- et peropératoire.
à partir d’une poche de 100 ml de sérum salé à 0,9 % par retrait L’association SSH-colloïde comporte un risque théorique de
de 35 ml remplacés par 35 ml de SSH à 20 % (ampoule de survenue de réaction allergique et de troubles de l’hémostase.
chlorure de sodium). Les colloïdes hypertoniques doivent être considérés comme
Du fait de la courte durée d’action du SSH, une solution des médicaments, et non comme de simples solutés de remplis-
colloïde lui a donc été associée afin d’assurer un effet prolongé. sage. La posologie de 250 ml chez un adulte de taille moyenne
Actuellement, deux produits sont commercialisés en France : ou de 4 à 6 ml/kg doit impérativement être respectée. Une
l’association SSH à 7,5 % / dextran 70 à 6 % (Rescue Flow®) et perfusion ultérieure n’est possible qu’après contrôle de la
l’association SSH à 7,5 % / hydroxyéthylamidon 200/0,5 natrémie. La perfusion doit être rapide, en 3 à 5 minutes.
(Hyperhes®). L’HEA hypertonique a obtenu l’AMM dans l’indication
« traitement initial de l’hypovolémie aiguë et de l’état de choc »
Pharmacodynamie permettant son utilisation dans un contexte traumatique et en
L’action du SSH est complexe, associant un effet d’expansion dehors du contexte traumatique, tandis que le dextran hyper-
volémique, des effets sur la microcirculation et une action tonique a obtenu l’AMM pour « l’hypovolémie avec hypoten-
cardiaque propre. L’expansion volémique obtenue est immé- sion en rapport avec un état de choc traumatique » limitant
diate et importante, de l’ordre de trois à sept fois le volume ainsi son administration à la période préhospitalière [96].
perfusé [90, 96, 97], mais transitoire, de moins de 1 heure
(Tableau 2). Elle se fait aux dépens d’un appel d’eau des secteurs
intracellulaire et interstitiel vers le secteur plasmatique par le
biais de l’hyperosmolarité. Un appel d’eau a aussi lieu à partir
des globules rouges et de la cellule endothéliale, créant des
“ À retenir
conditions rhéologiques favorables au traitement de l’état de
choc. Il s’y associe des mécanismes réflexes à médiation vagale Utilisation du SSH-colloïde
avec vasodilatation précapillaire au niveau des territoires • Ne pas dépasser un flacon (250 ml) par 24 heures
splanchnique, rénal et coronaire, et vasoconstriction • Attention au risque d’hypernatrémie et d’hypokaliémie
musculocutanée. • Efficacité de durée limitée, au maximum 1 heure.
L’association d’un SSH à un colloïde prolonge la durée de Prévoir le traitement étiologique précocement
l’expansion volémique du SSH d’une part par augmentation de

Médecine d’urgence 9
25-010-D-20 ¶ Remplissage vasculaire et autres techniques de correction volémique

Dérivés sanguins Effets secondaires


Effets secondaires immédiats. Les effets indésirables de
Albumine l’albumine humaine préparée de façon rigoureuse sont rares, et
L’albumine, colloïde naturel, a longtemps été utilisée comme consistent essentiellement en frissons-hyperthermie et en
soluté de remplissage vasculaire en première intention. Depuis d’exceptionnels chocs anaphylactiques [111].
les conférences de consensus de 1989 et de 1995, ses indications Réaction frissons-hyperthermie. Ces réactions sont liées à la
sont restreintes [107, 108]. présence d’endotoxines non décelées par les tests aux pyrogè-
L’albumine est labélisée comme médicament dérivé du sang nes. Ces réactions ont été observées dans un contexte de
(décret du 13 mars 1995). Ainsi, ce colloïde d’origine humaine perfusion massive. Il n’a pas été rapporté de conséquence
a été soumis à de nouvelles réglementations sur sa production, clinique notable.
sa dispensation, sa traçabilité et son AMM. En tant que produit Réactions anaphylactoïdes. Des réactions de type anaphylac-
sanguin stable, sa dispensation relève de la pharmacie. Ce toïde, bien que le mécanisme IgE-dépendant n’ait pas été
produit est coûteux du fait de la complexité de sa préparation formellement établi, peuvent être exceptionnellement obser-
et de sa production. Deux solutions d’albumine sont actuelle- vées : elles vont de l’érythème à l’hypotension et au collapsus
ment disponibles en France : l’albumine à 4 % et l’albumine à cardiovasculaire [112, 113]. Une enquête prospective multicentri-
20 %. que française confirme que l’albumine est, avec les amidons, le
substitut plasmatique le moins souvent associé à un accident
Propriétés physicochimiques anaphylactoïde (0,01 %) (Tableau 4) [14]. Les réactions seraient
L’albumine est une protéine dont le poids moléculaire est de liées aux agrégats protéiques produits par le chauffage de la
68 000 Da. C’est la protéine plasmatique la plus abondante de solution ou au stabilisant contenu dans cette solution [114, 115].
l’organisme. Elle joue un rôle essentiel dans les phénomènes de Quelques rares travaux ont permis d’établir un mécanisme
transport de nombreuses substances endogènes (bilirubine non anaphylactique médié par les IgE [116].
conjuguée, acides gras, hormones) et exogènes (médica- Troubles de la coagulation. L’albumine n’exerce aucun effet
ments) [109]. Elle joue également un rôle central dans la genèse sur l’hémostase en dehors des effets de l’hémodilution [76].
et le maintien de la pression oncotique ou colloïdo-osmotique Effets secondaires retardés. Plusieurs auteurs ont signalé la
plasmatique qu’elle assure de 75 à 80 % [110]. L’albumine aurait contamination de lots d’albumine par des métaux (aluminium,
des fonctions d’agent d’élimination pour les radicaux libres et chrome, nickel, manganèse, fer, ammonium), celle-ci pouvant
d’agent de cohésion de la membrane capillaire. être responsable d’accumulation dans l’organisme et de consé-
Les solutions d’albumine sont obtenues après extraction et quences cliniques [117-120]. Ces contaminations soulignent la
purification par fractionnement du plasma humain. La fabrica- nécessité d’une évaluation et d’un contrôle rigoureux de la
tion intègre un nombre important de contrôles, en cours de chaîne de fabrication.
production et sur les produits finis. Ces contrôles permettent de Effets secondaires liés à la contamination par agents
vérifier sur chaque lot la reproductibilité des méthodes de transmissibles de type virus ou par agents non convention-
fabrication, validées tant sur le plan de la pureté protéique ou nels. Tout matériel d’origine humaine est associé à un risque
minérale que sur celui de la sécurité : respect des protocoles possible de transmission d’agents pathogènes de type virus ou
validés d’inactivation et/ou d’élimination des virus et des agents d’agents transmissibles non conventionnels. Ainsi, l’albumine,
non conventionnels, sécurité bactériologique et prévention de la produit dérivé du sang, bénéficie pour sa sécurité anti-
contamination bactérienne. infectieuse de la sélection des donneurs de sang et, après
L’albumine humaine peut être prescrite sous forme de deux inactivation, d’un contrôle virologique du produit fini réalisé
préparations de concentrations différentes : l’albumine à 4 %, sur chaque lot. Cependant, le risque biologique ne peut pas être
qui contient 4 g d’albumine pour 100 ml de solution, et considéré comme étant égal à zéro.
l’albumine à 20 %, qui est cinq fois plus concentrée. Les deux Compte tenu de son rapport coût-efficacité, l’albumine ne
types d’albumine diffèrent par leur pouvoir oncotique lié aux doit pas être proposée comme soluté de remplissage de première
concentrations, et par la charge sodée plus importante pour intention, sauf dans le traitement des hypovolémies de la
l’albumine à 4 %. L’albumine à 4 % est légèrement hypo- femme enceinte, du nouveau-né et de l’enfant de moins de 1 an
oncotique, tandis que celle à 20 % est hyperoncotique. Les deux (Tableau 5).
solutions sont iso-osmotiques par rapport au plasma. Pour une
même quantité d’albumine, la solution à 4 % apporte cinq fois Plasma frais congelé
plus de chlorure de sodium (Na) et d’eau (66 mmol de Na pour
Le plasma frais congelé n’est pas un produit de remplissage.
500 ml de solution à 4 % et 14,8 mmol de Na pour 100 ml de
Les indications d’utilisation du plasma frais congelé sont strictes
solution à 20 %).
et doivent être respectées.
Pharmacocinétique
Après administration intraveineuse, l’albumine se distribue
lentement entre le secteur vasculaire et le secteur interstitiel : en
24 heures, 60 % de la masse injectée se retrouve dans le secteur
interstitiel. Le catabolisme (tube digestif, rein, système réticu-
“ Points essentiels
loendothélial) est d’environ 10 %. La demi-vie métabolique de
l’albumine est de 18 à 20 jours. Les trois indications d’utilisation du plasma frais
congelé
Pharmacodynamie • Coagulopathies graves de consommation avec
L’albumine est très hydrophile et très soluble dans l’eau effondrement de tous les facteurs de coagulation
puisque 1 g d’albumine retient environ 18 ml d’eau. En prati- • Hémorragies aiguës avec déficit global de facteurs de
que, cette efficacité est moindre et moins durable en cas coagulation
d’hypoprotidémie ou de trouble de la perméabilité capillaire. • Déficits complexes rares en facteurs de coagulation
Le pouvoir d’expansion volémique dépend de la concentra-
tion de la solution. L’albumine à 4 % permet d’obtenir une
expansion volémique initiale égale ou légèrement inférieure au
volume perfusé, tandis que l’albumine à 20 % a un fort pouvoir Lors de la prescription de ce produit, il est impérativement
d’expansion volémique initial puisqu’il atteint quatre fois le conseillé d’indiquer le motif et d’informer le patient étant
volume perfusé [11] (Tableau 2). Le pouvoir d’expansion décroît donné que, à l’heure actuelle, il n’est pas possible d’éliminer la
progressivement sur une durée de 24 heures. Ainsi, à la vingt- transmission des prions par le plasma. La distribution de ces
quatrième heure, l’expansion volémique n’est plus que la moitié produits sanguins labiles est assurée par l’Établissement français
de l’expansion initiale. du sang.

10 Médecine d’urgence
Remplissage vasculaire et autres techniques de correction volémique ¶ 25-010-D-20

Facteur VII activé (NovoSeven®) ■ Utilisation clinique


®
Le NovoSeven est un facteur de coagulation VIIa recombi-
nant. Actuellement, son utilisation est autorisée dans le traite-
et surveillance
ment des épisodes hémorragiques et dans la prévention des Sont exclues ici les techniques de remplissage vasculaire
hémorragies lors d’interventions chirurgicales ou de procédures utilisées en anesthésie qui font l’objet d’articles spécifiques :
invasives chez les patients ayant une hémophilie congénitale ou hémodilution normovolémique périopératoire ; circulation
acquise, chez les patients ayant un déficit congénital en facteur extracorporelle ; anesthésies rachidiennes.
VII et chez les patients ayant une thrombasthénie de Glanz-
mann. Cette thérapeutique a été étudiée comme traitement
adjuvant dans les hémorragies incontrôlables lors de traumatis- Choc hypovolémique
mes graves. Elle a permis de réduire de façon significative la L’hypovolémie absolue est définie par la baisse du volume
transfusion de concentrés de globules rouges [121]. Le facteur VII sanguin circulant. Il faut y ajouter un déficit hydrique du
recombinant est administré devant un tableau d’hémorragie secteur interstitiel (ce secteur a compensé initialement la perte
active non contrôlable ayant nécessité une transfusion de plus volémique), la constitution fréquente d’un troisième secteur
de huit concentrés de globules rouges avec coagulopathie, (région traumatisée) et une tendance à l’hyperhydratation
nécessité de poursuivre les transfusions sanguines et une intracellulaire. Le choc est caractérisé par des apports insuffi-
hémostase interventionnelle inefficace (chirurgie et/ou emboli- sants d’O2 à la cellule, avec apparition d’une dette en O2 : plus
sation) depuis plus de 1 heure. Cette thérapeutique ne se le choc se prolonge, plus on est exposé aux lésions de reperfu-
conçoit qu’après avoir vérifié l’absence d’acidose majeure sion, avec augmentation du risque de syndrome de défaillance
(pH < 7,00) ou d’hypothermie (température supérieure à 34 °C) multiviscérale.
et obtenu une numération plaquettaire supérieure à 50 000 La situation la plus fréquente est réalisée par le choc hémor-
par mm3 et un taux de fibrinogène supérieur à 1 g/l. Les non- ragique : la priorité est la reconstitution du volume sanguin
indications sont les lésions incompatibles avec la vie ou un circulant qui conditionne le retour veineux, donc le débit
pronostic catastrophique, un arrêt cardiorespiratoire préhospita- cardiaque et la perfusion tissulaire. Tout retard au rétablissement
lier, un traumatisme crânien grave avec un score de Glasgow à de la volémie aggrave le pronostic [126] et nécessite des quantités
3, une plaie intracrânienne par balle. croissantes de solutés du fait de l’altération de la perméabilité
capillaire. En cas d’hémorragie, il faut tenir compte de la
Transporteurs d’oxygène persistance ou non du saignement et prolonger le remplissage
du fait de l’action transitoire des colloïdes artificiels qui sont
Les transporteurs artificiels comprennent les émulsions de progressivement éliminés. Au-delà d’un certain seuil (cf. infra),
fluorocarbone et les solutions modifiées d’hémoglobine. Ce ne l’apport des dérivés sanguins devient indispensable [111]. Il est
sont pas à proprement parler des solutés de remplissage, mais ils essentiel de pouvoir évaluer la gravité de l’hémorragie
exercent cependant une certaine expansion volémique à côté de (Tableau 9). Il convient de souligner que, chez l’enfant, l’hypo-
leur pouvoir oxyphorique. volémie est plus grave et s’installe plus vite que chez l’adulte.
Les perfluorocarbones (PFC) sont des molécules inertes, se Paradoxalement, la chute de la pression artérielle est beaucoup
présentant sous la forme d’émulsions claires et incolores. Ils ont plus tardive [127].
la capacité de dissoudre des quantités importantes de nombreux Le traitement du choc hypovolémique vise à maîtriser
gaz dont l’O 2 , le dioxyde de carbone et l’azote, avec une l’hémorragie et à compenser la spoliation en essayant d’amélio-
relation linéaire entre la pression partielle d’O2 dans le sang et rer la microcirculation et l’oxygénation. L’importance du
le contenu en O2. La capacité d’oxygénation de ces émulsions remplissage vasculaire doit être évaluée en fonction du type de
a été démontrée et le Fluosol® a été approuvé par la Food and traumatisme, du degré de tachycardie et d’hypotension, de la
Drug Administration (FDA) américaine [122, 123] en décembre présence ou non de signes patents de choc, et de la rapidité et
1998. Les effets secondaires sont marqués par une inhibition des des possibilités avec lesquelles le contrôle du saignement peut
leucocytes et de l’activation du complément, des réactions être obtenu (Fig. 5). Dans les hémorragies dont l’origine du
fébriles. Le métabolisme de ces PFC n’est pas bien connu, la saignement n’est pas contrôlée, le remplissage peut s’avérer
demi-vie d’élimination est de 3 à 8 jours, jusqu’à 65 jours. Les délétère en augmentant le saignement par élévation des pres-
émulsions de deuxième génération comme l’Oxygent® sont sions artérielles et veineuses. Dans ces circonstances, un objectif
caractérisées par une efficacité supérieure à celle de la transfu- de pression artérielle systolique (PAS) à 90 mmHg (pression
sion de sang autologue ou de l’administration de colloïdes [124]. artérielle moyenne [PAM] entre 50-60 mmHg) semble suffisant
Les solutions d’hémoglobine en cours d’expérimentation pour conserver une perfusion périphérique correcte, dans
fixent l’O2 selon un mécanisme de type coopératif et présentent l’attente d’un traitement étiologique efficace. Chez le traumatisé
les mêmes caractéristiques biochimiques que l’hémoglobine crânien grave, une PAM à 90 mmHg est souhaitable afin d’éviter
contenue dans les globules rouges. Elles ont aussi, à volume toute aggravation des phénomènes d’ischémie cérébrale [128]. La
égal, une capacité d’expansion supérieure à l’albumine. L’utili- rapidité de la prise en charge du choc hypovolémique est
sation des solutions d’hémoglobine lors de la réanimation du fondamentale : en cas de transfusion massive, le taux de
choc hémorragique d’origine traumatique a fait l’objet d’études mortalité est de 11 % si le choc est corrigé en 15 à 30 minutes,
controversées [125]. alors qu’il dépasse 90 % si le choc persiste plus de 30 minutes.

Tableau 9.
Classification de la gravité des hémorragies (d’après [7]).

Pertes sanguines (ml) < 750 800-1 500 1 500-2 000 > 2 000
Pression artérielle systolique inchangée normale diminuée très basse
Pression artérielle diastolique inchangée augmentée diminuée très basse
Pouls (min-1) tachycardie modérée 100 à 120 120 (faible) > 120 (très faible)
Recoloration capillaire normale lente (> 2 s) lente (> 2 s) indétectable
Fréquence respiratoire normale normale tachypnée (> 20/min) tachypnée (> 20/min)
Débit urinaire (ml h-1) > 30 20-30 10-20 0-10
Extrémités normales pâles pâles pâles et froides
Coloration normale pâle pâle grise
Conscience normale anxiété ou agressivité anxiété ou agressivité, ou altérée altérée ou coma

Médecine d’urgence 11
25-010-D-20 ¶ Remplissage vasculaire et autres techniques de correction volémique

Figure 5. Objectif de pression artérielle (PAS) dans le


PAS initiale < 90 mmHg
Trauma fermé + choc hypovolémique : schéma de remplissage des
Trauma crânien blessés graves.
Trauma pénétrant GCS : score de Glasgow ; Hte : hématocrite.
sévère GCS < 8
Objectif : Remplissage Objectif :
PAS 90 mmHg, Hte 20 % vasculaire PAS 120 mmHg,
Hte 30 %

PAS instable
Objectif : PAS
+ – non atteint – +

Stop remplissage Stop remplissage


Vasoconstricteur

Priorité chirurgie d'hémostase

Transport
Centre trauma

Près de 50 % des décès avant l’arrivée à l’hôpital, ainsi qu’une La mesure de la PAPO est utilisée en cas de dysfonction
grande part de ceux survenant dans les 24 heures suivant ventriculaire gauche (insuffisance coronarienne, hypertension
l’admission, sont liés à l’hypovolémie [5]. Si le terme de golden artérielle sévère, état septique grave, médicaments dépresseurs
hour, dans le choc hémorragique, créé par l’équipe du Trauma myocardiques, etc.). Toutefois, la PAPO peut surestimer la
Center de Baltimore, n’a pas de réelle justification scientifique, pression télédiastolique du ventricule gauche quand la fré-
celui-ci met cependant l’accent sur la nécessité de raccourcir les quence cardiaque est supérieure à 120-130 battements/min ou
délais avant l’hémostase chirurgicale. Adapté au système en cas de pathologie mitrale. À l’inverse, la PAPO peut sous-
médicalisé français, ceci signifie que le médecin doit savoir, en estimer la pression télédiastolique du ventricule gauche en cas
cas d’hémorragie non contrôlée, ne pas perdre de temps et de surcharge barométrique aiguë du ventricule gauche ou dans
transporter rapidement le patient vers l’hôpital. l’ischémie myocardique. Quoi qu’il en soit, la PAPO n’apprécie
qu’indirectement la précharge du ventricule gauche (volume
Critères prédictifs de l’efficacité du remplissage télédiastolique). Mais une PAPO inférieure à 5 mmHg laisse
Critères cliniques augurer d’une réponse positive au remplissage vasculaire [132].
Variations de la pression artérielle systolique induites par
Le contexte clinique est un élément important dans la
la ventilation contrôlée. Chez le patient ventilé artificielle-
décision de remplissage vasculaire. Celui-ci est le plus souvent
ment, l’existence d’une variabilité respiratoire de la pression
efficace en cas d’hémorragie avérée, de déshydratation aiguë, de
artérielle est un excellent critère prédictif de l’effet du remplis-
brûlure étendue, de « troisième secteur » évident, de sepsis
sage vasculaire [133]. La diminution de la pression artérielle
sévère, voire de choc anaphylactique. Chez le sujet conscient
systolique au cours de la ventilation artificielle est supposée
(dont le baroréflexe est conservé), l’augmentation de la fré-
traduire la diminution du retour veineux engendrée par l’aug-
quence cardiaque ou la survenue de malaise au passage en
mentation de pression intrathoracique lors de l’insufflation. En
position proclive sont les signes les plus sensibles d’une
clinique, il a été souligné que ce phénomène est exagéré par
hypovolémie. Sous sédation, du fait de l’altération du baroré-
l’hypovolémie. Si l’on prend la PAS en fin d’expiration pour
flexe, l’hypovolémie peut entraîner une diminution de la
pression artérielle sans augmentation de la fréquence cardiaque. référence, on peut définir un d down (différence entre PAS
La manœuvre de lever de jambe passif (angle de 45° avec le minimale et la référence) et un d up (différence entre PAS
plan du lit maintenu pendant 1 minute) semble reproduire de maximale et la référence). C’est essentiellement le d down qui
façon réversible, chez le malade sous ventilation mécanique, les est augmenté en hypovolémie ; une valeur supérieure à 4 ou
effets cardiovasculaires d’un remplissage vasculaire d’environ 5 mmHg prédit une réponse positive du débit cardiaque au
300 ml. L’élévation (plus de 10 %) de la pression artérielle remplissage. L’amplitude de la variabilité respiratoire de la PAS
pulsée (PAS – PAD [pression artérielle diastolique]) lors de cette (différence en PAS maximale et PAS minimale) permet de
manœuvre constitue un assez bon index prédictif de la réponse préjuger directement de l’importance de la réponse au remplis-
hémodynamique à un remplissage de 300 ml [129]. sage vasculaire, surtout pour des valeurs supérieures à 10 mmHg.
Il semblerait que la mesure de la variabilité respiratoire de la
Critères hémodynamiques invasifs pression artérielle pulsée ou pression artérielle différentielle
Des critères hémodynamiques invasifs et non invasifs peu- (PP = PAS-PAD) soit plus performante que les précédentes ; sa
vent être utilisés pour prédire l’efficacité d’un remplissage. mesure ne nécessite pas d’intervention sur le respirateur
Toutefois, ces mesures ne doivent pas faire retarder la prise en (dPP= (PPmax - PPmin) / (PPmax + PPmin) /2) [132, 134].
charge. En revanche, il n’y a pas actuellement d’argument suffisant
Pression veineuse centrale (PVC) et pression artérielle pour affirmer que l’analyse de la variabilité respiratoire de la
pulmonaire d’occlusion (PAPO). La PVC a longtemps été pléthysmographie pulsée serait un indice prédictif de la réponse
recommandée pour guider le remplissage vasculaire. La PVC est hémodynamique au remplissage.
dépendante de la volémie, du tonus intrinsèque des vaisseaux Critères hémodynamiques non invasifs
capacitifs et de la fonction cardiaque droite. Ainsi, la mesure de
la PVC comme indicateur de la volémie est médiocre [130]. En L’évolution de la pression expirée en CO2 (PetCO2) chez un
revanche, la mesure d’une PVC basse, inférieure à 5 mmHg, patient ventilé permet d’avoir un reflet indirect de l’état
constitue un bon indice en faveur d’une hypovolémie. L’obser- hémodynamique du patient. La PetCO2 est un bon indicateur
vation de variations de la PVC lors de l’inspiration des patients du débit cardiaque lors d’une ventilation adaptée et constante.
en ventilation spontanée constitue un argument supplémentaire Toutefois, en urgence, les limites sont nettes vu les différents
en faveur d’une réponse positive au remplissage [131, 132]. Son facteurs environnementaux. La mesure continue de la PetCO2
utilisation doit rester large dans le cadre de l’épreuve de permet la détection précoce des accès hypotensifs quand la
remplissage. mesure de la pression artérielle non invasive est utilisée.

12 Médecine d’urgence
Remplissage vasculaire et autres techniques de correction volémique ¶ 25-010-D-20

Tableau 10.
Critères de choix d’un soluté de remplissage.
Type de soluté Avantages Inconvénients
Cristalloïdes isotoniques Compensation de la déshydratation des secteurs interstitiels Action de faible ampleur
et mobilisation de l’albumine interstitielle Action lente
Coût faible Apparition d’œdèmes périphériques
Pas d’effet secondaire
Sérum salé hypertonique Compensation rapide avec faibles volumes Quantité limitée : 4-6 ml kg-1 (natrémie - osmolalité)
« Protection cérébrale » Effet transitoire
Coût faible Augmentation des saignements en cas d’hémorragie non
Pas d’effet secondaire contrôlée

Colloïdes artificiels Compensation rapide Accidents allergiques


Durée variable selon le produit Coût élevé
Maintien de la pression oncotique Effets sur hémostase (sauf gélatines fluides modifiées)
Albumine Maintien de l’albuminémie et de la pression oncotique Disponibilité finie, coût très élevé
(phase chronique) Pas de supériorité prouvée
Peu d’effets secondaires

L’utilisation de l’échocardiographie doppler dans les services (≤ 1 000 ml) chez un sujet non dénutri, capable de mobiliser ses
d’urgence devient de plus en plus fréquente. C’est une techni- réserves d’albumine. Dans cette situation, ils sont les seuls à être
que non invasive, réalisable au lit du patient, rapide et repro- indiqués.
ductible. Elle apporte des informations morphologiques La perfusion première de colloïdes est recommandée
cardiaques exhaustives et hémodynamiques : évaluation de la lorsqu’une hypotension (PAS < 80 mmHg) est constatée initiale-
fonction ventriculaire gauche, mesure de la taille des cavités, ment [5, 140]. Les gélatines, qui n’ont pas de limitation quanti-
mesure des volumes ventriculaires gauche et droit, volume tative à leur emploi, restent indiquées pendant la phase de
d’éjection systolique [130, 135] . Une hypovolémie sévère est saignement, les limitations de volume faisant préférer les HEA
évoquée devant une valeur extrêmement basse de la surface plus tard pour maintenir l’effet de remplissage dans le temps.
télédiastolique ventriculaire gauche associée à une surface L’albumine ne garde qu’une place extrêmement limitée (sujet
télésystolique extrêmement réduite, quasi virtuelle. Mais des dénutri, pertes abondantes), d’autant qu’aucune étude n’a fait
mesures isolées de la surface télédiastolique ventriculaire gauche preuve de sa supériorité dans le traitement de
ou du volume télédiastolique ventriculaire gauche sont de l’hypovolémie [140-142] . Insistons sur le peu de valeur de
mauvais indicateurs prédictifs de la réponse au remplissage l’albuminémie dans la phase précoce de la réanimation volémi-
vasculaire ; il en est de même pour les mesures ventriculaires que, ainsi qu’en cas d’inflation hydrique avec ou sans hypona-
droites. Cependant, une dilatation majeure du ventricule droit trémie [9]. L’hypoalbuminémie n’est pas dans ces situations une
est une contre-indication au remplissage vasculaire. La variabi- indication de perfusion d’albumine. Son utilisation dans
lité respiratoire des vitesses maximales du flux aortique et celle l’hypovolémie de la femme enceinte et de l’enfant lorsqu’un
de l’intégrale temps-vitesse du flux aortique en échocardiogra- colloïde est nécessaire (hypotension artérielle persistante après
phie transœsophagienne chez des patients sous ventilation élimination d’une compression vasculaire par l’utérus gravide)
mécanique sont des indices prédictifs de réponse au fait l’objet d’un consensus. Enfin, les habitudes locales influent
remplissage [132]. encore beaucoup sur ces choix.
Un effet bénéfique du remplissage vasculaire est probable Le concept de « small volume resuscitation » connaît un essor
lorsque la mesure du diamètre de la veine cave inférieure par dans la prise en charge initiale des traumatisés graves. La méta-
échographie sous-xiphoïdienne est très basse (< 12 mm) [132, 136, analyse des travaux publiés montre une amélioration du taux de
137]. En présence d’une instabilité hémodynamique, l’absence de
survie des patients, notamment en cas d’administration initiale
variabilité respiratoire de la VCI est un indice de non-réponse au cours des traumatismes pénétrants [101, 102] . Ce soluté
au remplissage vasculaire. pourrait permettre d’amener vivants des patients au geste
d’hémostase salvateur. En cas de traumatisme crânien grave
Choix du soluté associé à une hypotension artérielle, les résultats des différentes
La controverse cristalloïdes/colloïdes a donné lieu à une études sont divergents [101, 102, 106].
abondante littérature, mais peu d’études peuvent être retenues Le rétablissement de l’hématocrite ne doit faire administrer
(non prospectives ou non randomisées, contextes ou patients des concentrés globulaires qu’en deçà de 25 % d’hématocrite ou
très différents, thérapeutiques évaluées différentes d’une étude à 7 g·100 ml–1 d’hémoglobine, sauf chez le sujet âgé, le corona-
l’autre) [138, 139]. Une méta-analyse de 1999 ne rapporte aucune rien, l’insuffisant respiratoire, le traumatisé crânien ou en cas
différence en ce qui concerne la mortalité, l’incidence de d’état septique où l’on ne doit pas descendre en dessous de
l’œdème pulmonaire et la durée de séjour hospitalier [8]. 30 % d’hématocrite ou 10 g·100 ml–1 d’hémoglobine [66]. On
En fait, plusieurs critères interviennent dans le choix du garde également à l’esprit la vitesse des déperditions hémorra-
soluté de remplissage et expliquent l’intérêt de leur association giques : en cas d’hémorragie massive, l’hématocrite a peu de
dans le temps (Tableau 10) : valeur.
• selon l’étiologie de l’hypovolémie : les pertes hydroélectroly- Le maintien de la pression oncotique est surtout important
tiques (pathologie digestive) relèvent logiquement des chez le sujet insuffisant cardiaque : elle joue un rôle de protec-
cristalloïdes ; tion relatif contre l’œdème pulmonaire lié à l’augmentation de
• selon l’efficacité immédiate et la durée d’action : le choix va la PAPO sous remplissage. Les colloïdes artificiels étant non
vers les colloïdes en cas de défaillance circulatoire aiguë avec dosés, l’hypoprotidémie ne signifie pas hypo-oncocité et seule la
hypotension artérielle ; mesure de pression oncotique permet d’authentifier le trouble.
• selon l’existence d’une altération de la membrane capillaire, Le développement d’une coagulopathie constitue une com-
qui diminue l’intérêt des colloïdes ; plication fréquente de l’hémorragie, favorisée par l’existence
• enfin, les effets secondaires et le coût doivent toujours être d’un traumatisme cérébral, d’un état de choc et/ou d’une
pris en compte. hypothermie, ou l’administration de quantités importantes de
L’indication qui peut être retenue pour les cristalloïdes colloïdes de synthèse. L’administration des dérivés sanguins à
isotoniques est la correction d’une hypovolémie modérée visée hémostatique doit être guidée prioritairement par les

Médecine d’urgence 13
25-010-D-20 ¶ Remplissage vasculaire et autres techniques de correction volémique

Figure 6. Compensation selon la perte volémique


% Normale
100 dans le choc hémorragique.
Cristalloïdes
Volémie 90
Cristalloïdes + colloïdes
Hématocrite 75
30 % Concentrés globulaires
50 Colloïdes

Concentrés globulaires
Colloïdes
Facteurs V et VIII 35
Plasma frais
Plaquettes 25 Concentrés
50.106I -1 globulaires
Volume perfusé Colloïdes
% Volémie Plasma frais
10 25 50 100 150 Plaquettes
Novoseven R

résultats biologiques. Les tests d’hémostase les plus prédictifs Rôle du gradient de pression entre soluté et patient
d’un saignement microvasculaire [143] sont la numération D’après la loi de Poiseuille, le débit est directement propor-
plaquettaire (< 50 000·mm–3) et un taux de fibrinogène plasma- tionnel au gradient de pression. Le procédé le plus simple est la
tique inférieur à 1 g·l–1. Lorsque les valeurs de temps de Quick gravité par l’élévation du soluté à une hauteur supérieure à la
et le temps de céphaline activée sont 1,8 fois la valeur contrôle, pression veineuse du patient : il est inadapté au remplissage
ces résultats deviennent réellement spécifiques du risque de rapide. Le second moyen est la création d’une pression, soit par
saignement [143]. un manchon entourant un flacon souple, soit par le piston
Les facteurs de coagulation, surtout le facteur V, passent le d’une seringue branchée en dérivation sur la tubulure par
seuil de 30-35 % à partir d’un volume de remplacement d’une l’intermédiaire d’un robinet à trois voies, soit par la compres-
volémie [66] et nécessitent alors l’apport de plasma frais dans le sion d’une poire pour transfusion accélérée (Blood Pump®), soit
rapport d’un plasma pour trois concentrés globulaires. La par un accélérateur de perfusion (Level 1).
conduite de la compensation des pertes hémorragiques est
schématisée dans la Figure 6. Rôle de la viscosité du soluté
Plus un soluté est visqueux, plus son débit est faible, sa
Contraintes spécifiques du remplissage vasculaire viscosité dépendant de sa dilution et de sa température. À titre
d’exemple, un concentré globulaire dilué par 100 ml de Ringer
rapide lactate peut être perfusé avec un débit deux fois et demie
Un système de perfusion rapide doit être sûr, efficace et supérieur.
simple d’emploi, et permettre un débit de perfusion au moins
Nécessité de réchauffer les solutés et d’utiliser des filtres
équivalent à celui des pertes sanguines, tout en réchauffant et
sanguins
filtrant le soluté [144]. Il doit éviter les traumatismes vasculaires
liés aux surpressions, prévenir l’embolie gazeuse, éviter la Le réchauffement des solutés est impératif lors d’un remplis-
surchauffe des solutés et réduire l’hémolyse au minimum [144, sage massif pour lutter contre l’hypothermie. Un réchauffement
145] . Chez un adulte, il est habituel de considérer qu’il y a actif au cours de la réanimation du choc hémorragique pourrait
remplissage rapide à partir de 50 ou plutôt 100 ml min–1. En prévenir, voire corriger les troubles de l’hémostase induits, mais
règle générale, des débits de 400 à 600 ml min–1 permettent de aussi prévenir la dépression myocardique observée au cours de
faire face à la plupart des situations hémorragiques. l’hypothermie.
Un fluide qui s’écoule dans un système de perfusion est Les solutés peuvent être réchauffés dans un échangeur
assimilé à un flux laminaire et obéit à la loi de Poiseuille. thermique inclus dans le système de perfusion. L’échange
L’amélioration d’un débit de perfusion dépend donc de plu- s’effectue par conduction grâce au contact du système de
sieurs facteurs, incluant diamètre et longueur du système de perfusion, soit avec des surfaces métalliques chauffantes
perfusion (tubulure et cathéter), gradient de pression entre le (réchauffeur de type Ranger ® ), soit avec un réchauffeur à
soluté et la pression veineuse du patient, présence de filtres circulation d’eau (Hotline Graseby®). L’inconvénient principal
sanguins, et réchauffeurs efficaces et de faible résistance. du réchauffement par conduction est l’allongement de la
.
tubulure et donc une perte de débit de perfusion. Parmi les
Influence du diamètre et de la longueur du système systèmes les plus performants, du fait de l’association d’un
de perfusion accélérateur de perfusion, on peut citer le Level 1 System
.
HI025® (Graseby). Ce dernier semble particulièrement adapté à
Cathéter. Le débit est directement proportionnel à la puis- la pédiatrie, compte tenu de son petit volume d’amorçage
sance 4 du rayon du tube. Un tube de 2 mm de diamètre (80 ml environ) [147].
permet donc d’obtenir un débit 16 fois plus important qu’un Obligatoires lors de toute transfusion, les filtres dits « stan-
tube de 1 mm de diamètre. Le débit à travers un cathéter à dards », formés de fibres synthétiques, ont des pores de 170 à
introducteur 8 French (F) (diamètre interne de 2,20 mm) est 230 µm. Les techniques actuelles de déleucocytation des
supérieur de 21 % à celui obtenu avec un cathéter 14 Gauge (G) concentrés de globules rouges rendent inutile l’utilisation
(diamètre interne de 1,55 mm) et supérieur de 70 % à celui systématique de microfiltres.
obtenu avec un 16 G (diamètre interne de 1,18 mm) [146]. Le
débit est inversement proportionnel à la longueur du tube. En Nécessité d’éviter l’hémolyse et l’embolie gazeuse
pratique, un cathéter de 16 G court permet un débit deux fois L’hémolyse est la conséquence délétère principale des techni-
plus important qu’un cathéter 16 G pour voie centrale. ques de remplissage vasculaire rapide. Elle peut cependant être
Tubulure. Elle est caractérisée de même par son diamètre réduite au minimum par quelques mesures simples : dilution
interne et sa longueur. Connectée à un cathéter 8 F, une des poches de concentrés globulaires ; réchauffement correct ;
tubulure à irrigation vésicale (diamètre interne de 5 mm) suppression des turbulences en éliminant raccords et robinets
permet un débit quatre fois supérieur à celui obtenu avec une inutiles. Quant à l’embolie gazeuse, elle justifie des précautions
tubulure standard (diamètre interne de 3,2 mm). Au contraire, draconiennes. Le contrôle visuel pour les systèmes transfusion-
ajouter un prolongateur au système de perfusion ralentit nels classiques devient automatique sur les appareils sophisti-
significativement le débit [146]. qués grâce à des alarmes de pression et des détecteurs

14 Médecine d’urgence
Remplissage vasculaire et autres techniques de correction volémique ¶ 25-010-D-20

ultrasoniques d’air. L’utilisation de plus en plus fréquente de colloïdes associés à l’atropine en cas de bradycardie symptoma-
solutés contenus dans des poches souples devrait limiter ce tique et aux amines sympathomimétiques telle la noradrénaline
risque. maintenant une PAS au moins supérieure à 100 mmHg, au
mieux une PAM égale ou supérieure à 80 mmHg [155].
Conséquences pratiques En obstétrique, le risque d’accident anaphylactoïde lié à
Lors du remplissage rapide chez le patient en choc hypovo- l’administration de solutés colloïdaux de synthèse est à l’origine
lémique, la supériorité des cathéters à introducteur sur les autres des conclusions des experts préconisant la perfusion de cristal-
cathéters est unanimement reconnue. En revanche, le choix de loïdes pour la prévention des hypotensions maternelles [108, 142].
la meilleure voie d’abord veineuse reste très débattu. L’American Toutefois, ces solutés ne sont pas adaptés à l’urgence hypovolé-
College of Surgeons [148] recommande l’utilisation exclusive de mique et l’albumine à 4 % garde dans ces conditions une de ses
veines périphériques, la voie centrale étant posée secondaire- indications reconnues. Lorsque l’on ne dispose pas d’albumine,
ment dans de bonnes conditions d’asepsie et pour le monito- par exemple en cas d’hypotension sévère en phase préhospita-
rage hémodynamique. Les veines médianes du pli du coude lière, l’utilisation des HEA peut être admise. Enfin, lorsque
sont habituellement plus accessibles. Cependant, la vasocons- apparaît une baisse de pression artérielle malgré un remplissage
triction périphérique du patient choqué rend parfois l’accès à vasculaire correctement conduit, les vasopresseurs type éphé-
une veine périphérique plus difficile que l’accès à une veine drine doivent être utilisés pour restaurer rapidement la pression
profonde. Après une brève tentative de canulation périphérique, artérielle et limiter l’hypoxie fœtale [156].
il est donc suggéré la mise en place d’un désilet dans une veine
profonde. Le choix du lieu de ponction (veine fémorale, Remplissage vasculaire à la phase aiguë
jugulaire interne ou sous-clavière) dépend de la localisation du des brûlures
traumatisme.
L’utilisation précoce d’un remplissage vasculaire abondant a
radicalement transformé le pronostic initial des brûlures
étendues. Tout patient brûlé sur plus de 10 % de la surface

▲ Mise en garde corporelle au-delà du premier degré doit être perfusé immédia-
tement. La phase de choc du brûlé se prolonge jusqu’à la
soixante-douzième heure [157]. En pratique, seul le remplissage
Ne pas perfuser dans le territoire cave inférieur en cas de des 24 premières heures débuté en milieu non spécialisé est
lésion intra-abdominale, en raison des risques de détaillé. L’hypovolémie initiale du brûlé est secondaire à
remplissage inefficace et de clampage peropératoire de la l’exsudation plasmatique intense dans la zone brûlée, propor-
veine cave inférieure tionnelle à la surface brûlée, mais aussi à la constitution des
œdèmes et à la diminution de la masse globulaire par hémolyse
intravasculaire. La restitution rapide du volume plasmatique
perdu et du pool sodé déplacé est habituellement basée sur le
La voie fémorale est également contre-indiquée en cas pourcentage de surface brûlée (% SB), sur le poids du malade et
d’utilisation du pantalon antichoc. Elle est à privilégier dans sur la surface corporelle (SC) chez l’enfant. Une cartographie
tous les autres cas [149]. Les avantages, inconvénients et compli- précise de la zone brûlée est indispensable et doit être consignée
cations (plus fréquentes en urgence) des différentes voies sur un schéma.
d’abord d’une veine centrale ne font pas l’objet de cet article.
Un incident mérite cependant d’être souligné : c’est le risque de Volumes perfusés
coudure du désilet, maximal lorsqu’il est placé dans la veine Différentes règles de réanimation hydroélectrolytique ont été
sous-clavière par abord sous-claviculaire. La conséquence en est proposées pour les 24 premières heures.
un ralentissement du débit de perfusion, d’autant plus impor-
tant que l’angulation du cathéter est forte et que ce cathéter est
connecté à une tubulure de large calibre [150].
Chez l’enfant [151] “ Points forts
Chez le nourrisson et l’enfant, tout va plus vite, tout est plus
difficile et tout est plus grave. Un des objectifs est de maintenir Règles de réanimation hydroélectrolytique pour
la pression artérielle systémique dans la zone de normalité pour les 24 premières heures
l’âge. La limite inférieure (en mmHg) de PAS peut être évaluée • Règle d’Evans (la plus ancienne)
par la formule : 70 + s (2 × âge en années) [140] . Les voies C 1 ml kg–1·% SB de Ringer lactate
veineuses sont difficiles à trouver. Exceptionnellement, en cas C 1 ml kg –1 · % SB de colloïdes (albumine 4 % de
d’échec répété de ponction veineuse, la voie intraosseuse doit
préférence)
être envisagée [152]. La ponction s’effectue par un trocart spécial
(dit de Jamshidi) sous asepsie stricte, soit dans la partie anté- C 2 000 ml de besoins de base (80 ml kg –1 chez
rieure du tibia, 2 cm en dessous de l’épine tibiale, soit dans la l’enfant)
partie antérieure de l’extrémité inférieure du tibia. Les risques • Règle de Parkland chez l’adulte (actuellement
septiques restent faibles [153]. recommandée)
C 4 ml kg–1·% SB de Ringer lactate
Cas particuliers • Formule de Carvajal (utilisée chez l’enfant)
Chez le traumatisé crânien, l’objectif prioritaire est de lutter
C 5 000 ml m–2SB de Ringer lactate
contre toute hypotension artérielle et de préserver la pression de C +2 000 ml m–2SC des besoins de base
perfusion cérébrale. L’intérêt du SSH dans ce cadre a déjà été
évoqué. Il faut surtout éviter toute baisse de l’osmolalité
plasmatique (administration intempestive de soluté glucosé Quelle que soit la formule utilisée, la précocité du remplissage
et/ou de Ringer lactate) et corriger l’hypovolémie relative liée à est capitale : au minimum, la moitié des volumes prévus sur
l’utilisation de la sédation en recourant aux catécholamines [128, 24 heures doit être perfusée les 8 premières heures.
154]. Trois types de patients nécessitent régulièrement des quantités
Chez le traumatisé médullaire, il faut de la même manière largement supérieures [157] :
veiller au maintien de la pression de perfusion médullaire, donc • les brûlés réanimés trop tardivement ;
de la pression artérielle [155]. À l’hypovolémie absolue liée aux • les brûlés par courant électrique à haut voltage : prévention
lésions associées s’ajoute une hypovolémie relative secondaire à de la rhabdomyolyse, justifiant une diurèse horaire alcaline
la vasoplégie. Le traitement en est le remplissage par solutés de 2 ml kg–1 ;

Médecine d’urgence 15
25-010-D-20 ¶ Remplissage vasculaire et autres techniques de correction volémique

• les brûlés respiratoires, ce qui majore en moyenne de 30 % la PaO2. Les colloïdes améliorent plus rapidement l’état de choc
les besoins, avec une marge thérapeutique faible, justifiant que les cristalloïdes, entraînent une moindre expansion du
l’intubation nasotrachéale et le recours précoce à la ventila- secteur interstitiel et diminuent le risque d’œdème pulmo-
tion artificielle. naire [159]. L’albumine doit être réservée aux cas où il existe une
hypoalbuminémie franche associée en dehors du contexte
Utilisation des colloïdes d’urgence hémodynamique ou d’inflation hydrosodée (albumi-
némie < 20 g·l –1 ou protidémie < 35 g·l –1 ) du fait de son
L’utilisation des colloïdes est généralement proposée systé-
coût [142] et de l’absence de supériorité documentée. Le plasma
matiquement à partir de la vingt-quatrième heure. En cas d’état
frais congelé n’est à utiliser qu’en cas de troubles de coagulation
de choc, l’albumine doit être utilisée en priorité, à défaut un
avérés. Pour les colloïdes de synthèse, il n’y a pas de critères
colloïde synthétique, de préférence HEA du fait de sa demi-vie
comparatifs permettant d’affirmer l’intérêt spécifique de l’un
plasmatique, la limite étant essentiellement les troubles de la
d’entre eux. Les HEA ont été utilisés chez le patient septique
crase sanguine.
sans augmentation de fréquence des troubles de l’hémostase ni
Chez l’enfant, les conséquences de l’hypoalbuminémie et les
hémorragie clinique. Une coagulopathie de consommation
besoins d’une supplémentation font l’objet d’une discussion qui
évolutive demeure une contre-indication de ces HEA. Du fait de
reste d’actualité. Avant la vingt-quatrième heure, l’équipe de
leurs propriétés pharmacocinétiques (demi-vie courte et réversi-
Percy [157] propose l’administration d’albumine aux alentours de
bilité de leur action), les gélatines pourraient être intéressantes
la huitième heure, ou avant en cas d’hypoprotidémie majeure :
en présence d’une atteinte cardiaque. Elles entraînent en
• Ringer lactate 2 ml·% SB kg–1 les 8 premières heures ;
revanche des accidents anaphylactoïdes plus fréquents. L’intérêt
• de la huitième à la vingt-quatrième heure, Ringer lactate
du SSH n’a pas été mis en évidence dans le choc septique.
0,5 ml·% SB kg–1 ; albumine 4,5 % 0,5 ml·% SB kg–1 ;
• le deuxième jour, quantité perfusée moitié moindre.
Le plasma frais congelé est rarement indiqué car la coagula- Choc anaphylactoïde
tion intravasculaire disséminée est le plus souvent uniquement
Les premières mesures devant un choc de ce type concernent
biologique. Les solutés salés hypertoniques pourraient réduire
l’arrêt de l’administration de l’agent supposé responsable, la
l’œdème dans la zone brûlée par restauration du potentiel
libération des voies aériennes et la mise en O2 pur, la suréléva-
transmembranaire, favoriser l’hémodynamique capillaire et être
tion des membres inférieurs. Le traitement d’urgence consiste
bénéfiques à l’inotropisme cardiaque. Leur utilisation chez le
essentiellement en l’administration d’adrénaline ; le remplissage
brûlé n’est cependant pas validée.
vasculaire est assuré par des solutés cristalloïdes isotoniques
Quoi qu’il en soit, la surveillance du remplissage vasculaire
(Ringer lactate ou sérum salé) car ils n’augmentent pas l’hista-
chez le brûlé grave est essentiellement clinique : diurèse horaire
minolibération. Les colloïdes sont substitués aux cristalloïdes
(> 1 ml kg–1), fréquence cardiaque, PAS, hématocrite inférieur à
lorsque le volume administré de ces derniers dépasse 30 ml kg–1.
50 %.

Choc septique Surveillance de l’efficacité du remplissage


vasculaire
La survenue d’un état septique entraîne une hypovolémie
dont la correction est un des facteurs essentiels de la prise en L’objectif thérapeutique devant une situation d’hypovolémie
charge. La base du traitement est l’éradication du foyer et est d’assurer une oxygénation périphérique adaptée aux besoins
l’antibiothérapie. Le traitement symptomatique comprend aussi de chaque organe [160]. Il convient de ne pas compromettre la
les amines sympathomimétiques vasoactives et inotropes. fonction pulmonaire en réalisant cet objectif.
L’objectif est de rétablir rapidement et complètement une
perfusion tissulaire et une délivrance d’O2 adaptées aux besoins. Surveillance clinique
Il n’y a pas d’intérêt pronostique démontré pour adopter des Régression des signes d’hypovolémie
valeurs supranormales. Le remplissage vasculaire est le traite-
ment initial du choc septique. On s’attache à :
Le choix du soluté doit tenir compte des altérations circula- • la régression de la tachycardie ;
toires associées lors du choc septique : hypovolémie et augmen- • la régression des signes liés à la vasoconstriction périphérique,
tation de la perméabilité capillaire, mais aussi dysfonction en particulier : amélioration de la coloration périphérique,
myocardique et modification de la répartition des débits meilleur pouls capillaire, disparition du pincement de la
sanguins régionaux [142]. Pour le remplissage vasculaire, aucun pression artérielle différentielle ;
consensus ne se dégage de la littérature concernant l’usage des • la disparition des troubles de vigilance et du comportement ;
cristalloïdes et des colloïdes. Aucune étude comparative ne • la régression de l’acidose lactique (témoin de la gravité de
permet actuellement de choisir entre les deux classes de solutés. l’état de choc).
Les colloïdes ont été recommandés en 1989, et il n’y a pas
Challenge orthostatique
d’argument pour renoncer actuellement à cette
recommandation. On peut également évaluer la persistance de l’hypovolémie
Chez l’enfant, il faut apporter au moins 40 ml kg–1 d’un par le challenge orthostatique ou tilt test. Exceptionnellement
colloïde dans la première heure. Ce remplissage permet vrai- réalisable, celui-ci est considéré comme positif quand la fré-
semblablement d’améliorer la survie initiale sans accroître le quence cardiaque augmente de 20 battements/min ou quand la
risque d’œdème pulmonaire. Chez l’adulte, en cas d’hypoten- PAS baisse d’au moins 20 mmHg au passage en position debout
sion (PAS < 90 mmHg ou PAM < 70 mmHg), il faut débuter une chez le sujet conscient (dont le baroréflexe est conservé). On
expansion volémique avec de 20 à 40 ml de cristalloïde (ou évalue alors le déficit volémique à 20 %. Le plus souvent,
l’équivalent de colloïde) par kg de poids corporel estimé [158]. lorsque seule la mise en position assise est possible, une
L’expansion volémique doit être répétée tant que la pression augmentation isolée de la fréquence cardiaque de 20 batte-
artérielle et la diurèse ne sont pas satisfaisantes et en l’absence ments/min lors du tilt test traduit une hypovolémie d’au moins
de signes de surcharge volémique intravasculaire. Le recours 500 ml [161].
précoce au traitement vasopresseur (noradrénaline ou dopa-
Reprise de diurèse
mine) s’impose pendant et après l’expansion volémique initiale
en cas d’hypotension. Le niveau de remplissage satisfaisant peut Parmi les signes cliniques, la reprise de la diurèse est un signe
être apprécié par la pression veineuse centrale ou les données de de grande valeur. Malheureusement, ce signe est parfois décalé
l’échographie cardiaque ; l’objectif est de maintenir une pression dans le temps. Il implique la mise en place d’une sonde urinaire
veineuse centrale entre 8 et 12 mmHg. La mauvaise tolérance et son absence peut relever d’autres causes qu’une hypovolémie
du remplissage doit être en permanence recherchée clinique- et, inversement, l’utilisation de diurétiques lui enlève sa
ment et par le monitorage de la SpO2 ou la mesure répétée de valeur [51].

16 Médecine d’urgence
Remplissage vasculaire et autres techniques de correction volémique ¶ 25-010-D-20

Échocardiographie
Perfuser en 10 minutes
200 ml si PVC < 8 La diminution de la variation respiratoire de la vitesse
100 ml si 8 < PVC < 14 maximale ou de l’intégrale temps-vitesse du flux aortique
50 ml si PVC > 14 enregistrées à l’anneau aortique ou dans l’aorte thoracique
descendante est un bon critère d’efficacité du remplissage.

Variation de la PVC en cours d'épreuve

“ Point fort
>5
En pratique, quelle surveillance ?
• Patient jeune sans pathologie cardiaque antérieure
C s’il s’agit d’une hémorragie peu importante ou d’un
Variation de la PVC en fin d'épreuve Stop choc modéré, la surveillance du remplissage doit
rester simple : régression des signes cliniques,
surveillance non invasive de la pression artérielle et
<2 >5 électrocardioscopique (correction progressive de la
tachycardie)
C si l’hémorragie est plus abondante et durable, il
2-5 convient alors de débuter précocement un
monitorage plus invasif : pression artérielle
sanglante, diurèse horaire. Si l’origine de
Attendre 10 minutes
l’hémorragie est contrôlée, l’amélioration clinique
avec reprise de diurèse est obtenue le plus souvent
sans élévation de la PVC à plus de 7 mmHg
<2 2-5 Stop (10 cmH2O)
• patient aux antécédents de cardiopathie ou présentant
un état de choc sévère et prolongé
Figure 7. Arbre décisionnel. Conduite d’une épreuve de remplissage
guidée par la pression veineuse centrale (PVC) selon la règle des C utilisation d’un monitorage plus agressif (mise en
5-2 cmH20 (d’après [95]). place d’une sonde de Swan-Ganz, surveillance
échographique répétée)
C si le cathétérisme cardiaque droit n’est pas possible,
Pression veineuse périphérique on utilise l’épreuve de remplissage

Elle est facile à réaliser avec un système intraveineux à débit


libre. Le flacon de perfusion est placé au niveau où le retour
veineux se produit. La pression veineuse périphérique corres- Accidents du remplissage vasculaire
pond à la hauteur de la colonne de liquide située au-dessus du
niveau estimé de l’oreillette droite. Sans risque, cette méthode
représente une évaluation fiable de la pression veineuse Accidents de surcharge
centrale.
Le remplissage vasculaire peut être source d’extravasation
dans l’espace interstitiel, en particulier dans les poumons, à la
Surveillance hémodynamique
source d’œdème pulmonaire avec hypoxémie augmentant la
Variations cycliques de la pression artérielle morbidité et la mortalité. Le risque d’œdème pulmonaire est
faible en dehors d’une lésion de la membrane alvéolocapillaire
Chez le patient ventilé artificiellement, la diminution de la
ou d’une élévation marquée de la PAPO. Il apparaît pour un
variabilité respiratoire de la PAS, ou diminution du dPP (pres-
gradient pression oncotique-PAPO inférieur à 4 mmHg, surtout
sion artérielle pulsée), ou diminution du d down est attendue.
en cas d’élévation de la PAPO [159] ; dans ce cas, le maintien
Pressions de remplissage d’une pression oncotique plasmatique protégerait le poumon.
Les facteurs de risque sont les suivants : insuffisance ventricu-
L’augmentation des pressions intravasculaires (PVC et PAPO) laire gauche ; hypothermie ; hypocalcémie (transfusion mas-
ne préjuge en rien de l’efficacité du remplissage, mais traduit sive) ; traitement par bêtabloquants ; syndrome de détresse
une modification effective de précharge [132]. respiratoire aiguë ... L’utilisation d’un accélérateur de perfusion
Leur surveillance est essentielle lors de l’épreuve de expose plus particulièrement à une surcharge absolue. Le risque
remplissage. d’œdème pulmonaire doit être prévenu par une surveillance
clinique et paraclinique rigoureuse, et par des indications larges
Épreuve de remplissage de ventilation artificielle. Donc, la surveillance de l’évolution de
Toute situation d’hypovolémie doit conduire à une épreuve la SpO2 ou de la PaO2 doit être accrue au cours du remplissage
de remplissage vasculaire. Certains ont proposé de la réaliser par vasculaire.
le biais de manœuvres de posture ou de gonflement du panta-
lon antichoc. En pratique, le protocole de Weil et Henning [95] Accidents anaphylactoïdes
(Fig. 7) est souvent utilisé, associé avec la surveillance de
l’évolution des paramètres cliniques précédemment décrits. Ce Une enquête prospective française [14] (1991-1992) a porté sur
protocole peut utiliser la PVC (règle des 5-2 cmH20) ou la PAPO 19 593 patients et a recensé 43 accidents anaphylactoïdes
(règle des 7-3 mmHg) avec des modalités pratiques identiques. (0,219 %). La fréquence actuelle des accidents est donc de
Dans ce dernier cas, l’évolution du débit cardiaque lors de 1/456 patients. Le risque avec les amidons est six fois moindre
l’épreuve de remplissage est très informative. qu’avec les gélatines et proche de celui de l’albumine. Les

Médecine d’urgence 17
25-010-D-20 ¶ Remplissage vasculaire et autres techniques de correction volémique

facteurs de risque à l’origine de la réaction anaphylactoïde ont Tableau 11.


été évalués. Leur risque relatif (odd ratio) confirme l’importance Pantalon antichoc : indications, conséquences, accidents.
de ces facteurs : le risque relatif est de cinq quand des gélatines Indications Faible pression de gonflage :
sont administrées, de quatre après dextrans, de trois si le patient • hématomes rétropéritonéaux
a une allergie médicamenteuse. Il est presque doublé si le
• hémorragies pelviennes d’origine vei-
patient est un homme. Il convient de rappeler la nécessité non neuse
seulement d’arrêter la perfusion, mais également de changer la
Forte pression de gonflage :
tubulure en cas d’accident aux substituts plasmatiques.
• choc hypovolémique grave
• arrêt circulatoire hypovolémique
Mise en place sans gonflage :
■ Autres techniques de correction • anévrisme fissuré de l’aorte abdominale
• transport d’un polytraumatisé à fort po-
volémique tentiel hémorragique
Conséquences des fortes Ischémie des membres inférieurs
Autotransfusion pressions de gonflage Effets ventilatoires :
L’autotransfusion est actuellement largement utilisée en per- • aggrave l’hémorragie intrathoracique
et postopératoire, même dans le cadre d’intervention • nécessite une intubation et une ventila-
d’urgence [141]. Il est alors recommandé d’utiliser les techniques tion
de récupération sanguine avec lavage qui améliorent la qualité Douleur
du produit récupéré en vue d’une autotransfusion. De plus, Œdème cérébral
pour les hémorragies abondantes et/ou brutales, la technique Accidents Persistance du saignement (plaie artérielle
avec lavage apporte une plus grande sécurité : absence de limite des membres inférieurs)
aux volumes récupérés, automatisation des systèmes. Hernie intrathoracique d’organes abdomi-
En ce qui concerne la période préopératoire, préhospitalière naux en cas de hernie diaphragmatique
ou en médecine de guerre ou de catastrophe, l’autotransfusion
des hémothorax peut être envisagée [162]. En particulier, l’hémo-
Description. Mise en place
thorax par blessure de gros vaisseaux intrathoraciques ou du
cœur s’accompagne d’un débit hémorragique très important. En Composition
l’absence d’hémostase chirurgicale immédiate, la seule solution Le matériel utilisé pour le PAC est du polyvinyle enduit de
thérapeutique est l’autotransfusion avec un système élémentaire polyuréthane. Celui-ci est ainsi radiotransparent, lavable et
simple et facile à utiliser [1]. Le recueil du sang et sa réinjection relativement résistant. Il existe une taille adulte et une taille
se font par simple gravité. Le traitement du sang consiste pédiatrique.
seulement en une double filtration, en amont de la poche de Il comporte trois éléments distincts raccordés chacun à un
transfert et sur la tubulure de réinjection. Un certain nombre de manomètre de pression permettant le gonflage séparé : deux
systèmes sont commercialisés : Solcotrans® (FH France), Pleur- compartiments enveloppant les membres inférieurs, du pubis
Evac ® (Deknatel), Receptal ® (Abbott France) [141] . Le sang aux chevilles et un compartiment abdominal allant du rebord
autotransfusé est pauvre en plaquettes, en facteurs de coagula- costal inférieur jusqu’au pubis.
tion et en fibrinogène, et par conséquent l’anticoagulation n’est Installation
pas nécessaire. Cette technique permet de limiter l’hémodilu-
La mise en place est rapide avec ou sans gonflage ultérieur,
tion de patients en état de choc hémorragique grave et donc
environ 3 à 5 minutes pour une équipe entraînée. Le pantalon
d’améliorer le transport en O2 ; elle améliorerait la survie de ces est déplié puis glissé sous le patient, les attaches Velcro® sont
blessés graves du thorax [1]. rabattues sur les membres puis sur l’abdomen par dessus le rabat
antérieur. Il faut veiller à ce que le compartiment abdominal ne
gêne pas l’expansion des dernières côtes. L’accès au périnée est
Posture et précautions de mobilisation laissé libre, ainsi que les pieds, permettant de palper les pouls
La surélévation des membres inférieurs ou la position de pédieux.
Trendelenburg permettent la mobilisation immédiate de 500 à Modalités de gonflage
1 000 ml de sang du système veineux capacitif des membres Le gonflage doit impérativement se faire par paliers. On
inférieurs vers le compartiment central. Cette augmentation de distingue deux niveaux de gonflage : le gonflage à basse
la précharge est plus ou moins marquée selon l’état vasomoteur pression et le gonflage à haute pression. Le gonflage à basse
préalable. À la phase initiale d’un choc hypovolémique, il existe pression est représenté par des niveaux de pression inférieurs à
déjà une vasoconstriction qui limite l’effet de la posture. 40 mmHg. Le gonflage à haute pression est défini par une
À l’inverse, tout obstacle au retour veineux peut avoir des pression de 70 à 80 mmHg aux membres inférieurs et de 40 à
conséquences néfastes sur le patient hypovolémique : brutale 60 mmHg à l’abdomen.
mise en position proclive lors d’un brancardage, pose de
Modalités de dégonflage
matériel lourd sur l’abdomen, accélération et/ou décélération
brusque lors du transport. Le dégonflage doit impérativement se faire par paliers
progressifs, en débutant par le compartiment abdominal sous
remplissage vasculaire accéléré, idéalement en salle d’opération
Pantalon antichoc avec un chirurgien prêt à intervenir. Le risque d’arrêt cardiaque
par désamorçage est maximal lors du dégonflage, même lent, en
Les premières utilisations du pantalon antichoc (PAC) ou cas d’hypovolémie sévère.
combinaison antigravité remontent à la guerre du Viêt-Nam où il
fut utilisé pour le transfert des blessés. Il est dérivé de la tenue Principaux effets et inconvénients (Tableau 11)
de vol des pilotes de l’armée de l’air. Le PAC réalise une compression pneumatique, circonféren-
L’utilisation du PAC en préhospitalier est un moyen tielle, externe et sous-diaphragmatique. Il permet l’application
controversé [163-167]. Plusieurs études cliniques ont montré une d’une pression uniforme à la moitié inférieure du corps.
utilité clinique limitée. Les indications d’utilisation du PAC ont Chez le polytraumatisé, le PAC a une triple action : hémody-
fortement diminué ces dernières années [148]. namique, hémostatique, contensive.

18 Médecine d’urgence
Remplissage vasculaire et autres techniques de correction volémique ¶ 25-010-D-20

Effets hémodynamiques Les études cliniques publiées permettent de classer les


indications en plusieurs catégories.
Selon le niveau de gonflage, on décrit deux effets hémodyna- Dans les hypotensions artérielles liées à une rupture d’un
miques du PAC : anévrisme de l’aorte abdominale, le PAC est généralement
• un effet veineux capacitif, décrit chez l’homme normotendu, indiqué et son efficacité clinique est démontrée avec l’utilisation
qui résulte de la mobilisation du sang des territoires veineux de fortes pressions de gonflage.
sous-diaphragmatiques ; cet effet, observé pour de faibles Dans les hypotensions artérielles par fracture du bassin, les
pressions de gonflage (pressions inférieures à 40 mmHg) est hémorragies des membres inférieurs non contrôlées, le choc
intéressant dans les hématomes rétropéritonéaux et les anaphylactique ne répondant pas au traitement standard, le
saignements pelviens d’origine veineuse ; PAC peut être efficace, même à faibles pressions de gonflage.
• un effet artériel résistif, mode essentiel d’action du PAC dans L’efficacité du PAC est incertaine chez le sujet âgé, dans les
le maintien de la pression artérielle lors d’une hémorragie hémorragies urologiques, gynécologiques ou des membres
majeure avec élévation progressive des résistances artérielles inférieurs sans répercussions hémodynamiques.
Cependant, le PAC peut avoir un effet délétère le contre-
systémiques, qui s’observe lors de l’application de fortes
indiquant chez les patients présentant une hémorragie sus-
pressions de gonflage ; il est responsable d’une augmentation
diaphragmatique (hémothorax, hémomédiastin, rupture aortique,
de la pression artérielle ainsi que d’une bradycardie
plaie cardiaque ...), une rupture diaphragmatique, un traumatisme
baroréflexe. pénétrant thoracique, une éviscération abdominale et chez les
Effet hémostatique traumatisés crâniens. Le PAC n’est pas indiqué pour les patients
présentant une défaillance cardiaque par tamponnade cardiaque
L’effet mécanique facilite l’arrêt des saignements par diminu- ou infarctus du myocarde. Le vieillard, le coronarien, l’insuffisant
tion des flux sanguins régionaux, diminution de la surface des cardiaque sont des terrains défavorables à l’utilisation du
brèches vasculaires et diminution du débit d’écoulement à système.
travers les plaies vasculaires.
Traitements associés
Effet de contention
Installé en regard des fractures osseuses, le PAC réalise une Catécholamines
véritable attelle pneumatique. Dans le choc hémorragique, l’adaptation du système vascu-
laire se fait grâce à la mise en jeu d’une vasoconstriction
Effets secondaires
intense, essentiellement par le biais du système nerveux
Ventilatoires. Le PAC entraîne une diminution de la ventila- sympathique. Il en résulte une redistribution vasculaire tendant
tion alvéolaire par limitation de la participation abdominale à préserver les organes privilégiés, cerveau et cœur, aux dépens
dans la mécanique ventilatoire et par l’ascension des coupoles des circulations cutanée, splanchnique et rénale.
diaphragmatiques [168] . Ces troubles s’observent dès que la Si la prescription de catécholamines est susceptible d’aug-
pression de gonflage du compartiment abdominal est supérieure menter la pression artérielle, c’est au prix d’une vasoconstriction
accrue et de toute manière sans augmentation de la perfusion
à 25 mmHg. De plus, il existe un risque majeur de reflux gastro-
tissulaire [169]. De plus, la contractilité myocardique est normale
œsophagien et d’inhalation chez les patients présentant un
ou modérément élevée lors de la phase initiale du choc hémor-
trouble de la conscience. Ainsi, l’utilisation du PAC à pression
ragique. Les catécholamines occupent donc une place restreinte
abdominale efficace nécessite généralement l’intubation tra- dans la réanimation du choc hémorragique : elles représentent
chéale et une ventilation mécanique du patient. un traitement symptomatique utile pour passer un cap difficile,
Douleur. Les pressions élevées ou efficaces sont souvent mal en association au remplissage et au traitement de la cause.
tolérées, surtout si le foyer hémorragique est abdominal. Une Certaines circonstances doivent y faire recourir :
analgésie et une sédation sont alors indispensables, sous • chez le patient traité par des substances bloquant totalement
ventilation mécanique contrôlée. ou partiellement la réponse sympathique (bêtabloquants,
Acidose respiratoire. Elle est due à une hypoventilation amiodarone ...) ou interférant avec les réponses physiologi-
alvéolaire. Elle peut s’associer à l’acidose métabolique du choc ques (inhibiteurs de l’enzyme de conversion, inhibiteurs
hémorragique. L’acidose respiratoire est corrigée par la ventila- calciques) ;
tion assistée. • lors des hypovolémies relatives liées à une sympathoplégie :
traumatisme médullaire, anesthésies locorégionales rachi-
Ischémie des membres inférieurs. Lors de l’utilisation du diennes ;
PAC, le risque d’ischémie des membres inférieurs est important. • dans le choc hémorragique évolué où une défaillance ventri-
Pour prévenir ou limiter ce risque, il importe de maintenir des culaire nécessite un soutien inotrope pour tolérer le remplis-
pressions prolongées le minimum de temps ; ainsi, 60 minutes sage ;
d’application de pressions efficaces semblent être un maximum • lors de l’arrêt circulatoire par désamorçage où l’utilisation
admissible. d’adrénaline est d’efficacité immédiate, améliorant les
Une surveillance régulière de la coloration et des pouls chances de succès des manœuvres de réanimation en atten-
pédieux à la recherche de signes évocateurs d’ischémie des dant l’effet du remplissage vasculaire massif qui reste toujours
membres inférieurs est nécessaire. la pierre angulaire du traitement ;
Hernie diaphragmatique. En cas de rupture diaphragmati- • lors de l’induction d’une sédation chez un patient en choc
hémorragique qui s’accompagne d’une chute de l’activité
que, le PAC peut faciliter une hernie intrathoracique d’organes
sympathique et des concentrations plasmatiques de catécho-
abdominaux.
lamines ;
Autres. La survenue d’un œdème pulmonaire et de lésions • chez le traumatisé crânien grave où la pression de perfusion
cutanées a été décrite. cérébrale doit à tout prix être préservée ; le cas du traumatisé
médullaire est analogue.
Indications Les catécholamines sont bien adaptées pour traiter les
situations aiguës du fait d’une demi-vie courte qui les rend très
Dans les pays anglo-saxons, en 1997, le comité scientifique maniables, avec une posologie qui peut être adaptée de manière
américain (NAEMSP) a analysé et classé les indications d’utilisa- précise. Le choix va porter sur :
tion du PAC [148]. Le but était de servir de recommandations de • l’adrénaline qui possède un effet a et b, avec un effet
pratique clinique et d’encourager à faire des études futures dans vasopresseur nettement prédominant ; cependant, elle aug-
les domaines où les données cliniques sont incomplètes. mente plus la consommation d’O 2 du myocarde que la

Médecine d’urgence 19
25-010-D-20 ¶ Remplissage vasculaire et autres techniques de correction volémique

contractilité, diminue le débit splanchnique et rénal, et élève


dangereusement la postcharge chez le coronarien [169] ;
• la noradrénaline, qui a un effet a quasi exclusif ; son utilisa-
“ Points essentiels
tion à faible posologie est actuellement large ; l’administra-
tion par voie veineuse centrale est souhaitable : dans le cas Questions à se poser avant de traiter un état de
échéant, une voie veineuse uniquement dédiée à son admi- choc
nistration doit être utilisée ; • Mettre en place une voie veineuse périphérique de gros
• la dopamine, qui montre des effets a, b, mais aussi dopami- calibre
nergiques, variables selon la posologie ; son effet protecteur • Poser l’indication éventuelle d’un remplissage
sur le risque d’insuffisance rénale hémodynamique n’est plus vasculaire
retenu actuellement [170] ; • Se fixer des objectifs tensionnels en fonction de l’état
• la dobutamine, qui par un effet b1 prédominant est utile en clinique du patient
cas de défaillance ventriculaire et qui, bien qu’augmentant la • Connaître la pharmacocinétique des produits de
demande d’O2 du myocarde, garde une résultante favorable ; remplissage utilisés
ses effets vasodilatateurs nécessitent une optimisation préala- • Évaluer le rapport bénéfice/risque du remplissage
ble du remplissage ; vasculaire en lui-même (hémodilution) et des solutés
• l’éphédrine, sympathicomimétique direct et indirect, qui utilisés
affiche un effet vasopresseur franc et prolongé (cinq fois plus • Prévenir l’hypothermie, les troubles de la coagulation.
long que les amines précédentes) ; elle est de ce fait utilisable La survenue d’une acidose métabolique est un facteur de
en bolus pour redresser en urgence une situation tensionnelle gravité
compromise. • Ne pas retarder l’avis d’un réanimateur et/ou d’un
chirurgien pour le traitement étiologique (chirurgie,
embolisation)
Alcalinisation
• Utiliser l’évolution clinique et le monitorage pour guider
Elle a longtemps été proposée comme une thérapeutique le remplissage vasculaire
complémentaire nécessaire et presque systématique dans l’état
de choc. En fait, il a été démontré qu’elle avait au contraire des .

effets délétères puisqu’elle augmente la lactacidémie et l’acidose


paradoxale intracellulaire [171]. ■ Références
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contrôlée, en prenant en charge le travail ventilatoire, écono- 21p.
mise la consommation d’O2 des muscles respiratoires et [3] Bruder N, Gouvitsos F. Remplissage vasculaire au cours des premières
s’oppose à l’apparition de l’œdème pulmonaire de surcharge. heures après traumatisme crânien grave. Ann Fr Anesth Reanim 2000;
Elle a cependant, chez le patient hypovolémique, un retentisse- 19:316-25.
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Certaines indications de ventilation sont impératives : PAC
au cours des hypovolémies relatives ou absolues. Texte des recomman-
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de la thérapeutique de l’état de choc et en conditionne le fluid resuscitation: a systematic review. Crit Care Med 1999;27:
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pronostic. Le choix du soluté de remplissage doit être fonction
des effets pharmacologiques qui sont attendus en ampleur et en [9] Grostendorst AF, van Wilgenburg MG, de Laat PH, van der Hoven B.
durée, en mettant toujours en balance les effets délétères de Albumine abuse in intensive care medicine. Intensive Care Med 1988;
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chaque soluté et en les détectant par une surveillance rigoureuse
à la recherche des signes de surcharge, de rechute et des [10] Virgilio RW, Smith DE, Zarins CK. Balanced electrolyte solutions:
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sent à une prescription encore plus restreinte avec l’avènement [12] Conseiller C, Ozier Y. Composition, propriétés physico-chimiques et
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génétique ou de solutions capables de transporter l’O2, comme sage vasculaire. Réan Soins Intens Méd Urg 1989;5:309-14.
les solutions d’hémoglobine ou de fluorocarbone [123]. [13] Ahnefeld FW, Halmagyi M, Uberla K. Untersuchungen zur Bewertung
Enfin, le remplissage et les techniques complémentaires ne kolloidaler Volumenstazmittel. Anaesthesist 1965;14:137-43.
sont qu’un traitement symptomatique qui ne doit pas occulter [14] Laxenaire MC, Charpentier C, Feldman L. Réactions anaphylactoïdes
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1495-502. Ann Fr Anesth Reanim 1991;10:200-6.

S. Seltzer, Praticien hospitalier (sandrine.seltzer@chu-dijon.fr).


D. Honnart, Praticien hospitalier.
S. Chefchaouni, Interne d’anesthésie-réanimation.
M. Freysz, Professeur des Universités, praticien hospitalier.
Département d’anesthésie-réanimation, service d’accueil des urgences, centre hospitalier universitaire, Hôpital général, 3, rue du Faubourg-Raines, BP 1519,
21033 Dijon cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Seltzer S., Honnart D., Chefchaouni S., Freysz M. Remplissage vasculaire et autres techniques de
correction volémique. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Médecine d’urgence, 25-010-D-20, 2007.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos / Documents Information Informations Auto-
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

24 Médecine d’urgence
¶ 25-010-A-10

Trousse d’urgence
N. Crocheton

La trousse d’urgence est l’outil indispensable à chaque médecin, qu’il soit hospitalier ou libéral, au chevet
de son patient. Elle doit rendre un maximum de services diagnostiques et thérapeutiques dans un
minimum de place, de poids, et avec un maximum de sécurité thérapeutique pour le patient. Le contenu
de la trousse d’urgence est façonné par le mode d’exercice du médecin, sa compétence et sa connaissance
en médecine d’urgence, son lieu d’exercice. Dans tous les cas, le médecin doit en connaître le contenu,
assurer régulièrement le réapprovisionnement des médicaments, en vérifier les péremptions et désinfecter
régulièrement sa trousse.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Trousse ; Médicaments ; Médecin généraliste ; SAMU ; Permanence de soins

Plan Cet article décrit une trousse médicale pour le médecin


généraliste ou urgentiste libéral et une trousse d’urgence type
¶ Introduction 1
pour les SMUR (Service mobile d’urgence et de réanimation).
Dans tous les cas, la maintenance de cette trousse doit être
¶ Trousse d’urgence pour la médecine générale 1
effectuée régulièrement (remplacement des composants utilisés,
Contenant de la trousse d’urgence du médecin généraliste 2
vérification des dates de péremption, nettoyage et désinfection).
Contenu de la trousse d’urgence du médecin généraliste 2
Parallèlement à cette trousse, une attention toute particulière
¶ Trousse d’urgence de l’unité mobile hospitalière 3 doit être portée aux moyens de communication, aux aides à
Matériels 3 l’orientation et à la cartographie.
Instrumentation électronique 4
Pharmacie du sac d’urgence 4
Fluides 6
Immobilisation 6 ■ Trousse d’urgence
Kits médicaux et thérapeutiques prêts à l’usage 6
Pharmacie 6
pour la médecine générale [2]

Autres produits 6
Cette trousse est adaptée dans sa forme et son contenu à de
nombreux facteurs liés à la pratique médicale : médecin de
campagne, médecin d’unité mobile, de soins palliatifs ou
spécialisé dans la prise en charge des toxicomanes, médecin
■ Introduction urgentiste libéral.
Elle est façonnée également par des facteurs externes à la
La trousse d’urgence est le fruit d’un long travail d’ajustement pratique de la médecine, d’ordre météorologique et
des pratiques médicales au quotidien pour le médecin généra- géographique.
liste, et d’une décision collégiale pour les services d’urgences Elle doit être la plus petite possible, solide et compartimentée.
hospitalières ou préhospitalières.
Son contenu diagnostique et thérapeutique permet de pren-
Le déplacement d’un médecin auprès du patient est un atout
dre en charge un patient sans avoir à revenir à son véhicule.
majeur des urgences grâce au SAMU (Service d’aide médicale
urgente) ou au service médical des sapeurs-pompiers et la Elle doit être stockée dans un endroit propre et thermostable,
permanence des soins pour la médecine libérale. même s’il semble que la température n’altère pas fondamenta-
Cette trousse, confectionnée par le médecin, est adaptée au lement la structure des médicaments [3, 4].
mode d’exercice, au lieu d’installation, aux nécessités liées à L’utilisation des médicaments en urgence est sécurisée par le
l’éloignement des structures hospitalières publiques ou privées contrôle visuel (dénomination, péremption) avant toute injec-
et au délai d’intervention des unités mobiles hospitalières du tion au patient. L’urgence ne doit pas laisser la place à un doute
SAMU ou des pompiers [1]. thérapeutique.
Il existe autant de valises d’urgence que de médecins. Néan- Le recours à un médecin de permanence de soins notamment
moins, cette trousse doit permettre au praticien de remplir sa en ville est lié à une pathologie aiguë dans 92 % des cas, 35 %
mission de permanence de soins avec un maximum de confort de ces pathologies intéressent des enfants de moins de 13 ans
pour lui-même et surtout pour le patient, et sans mise en et lors de 43 % des interventions, une douleur doit être
danger de ce dernier par les thérapeutiques engagées. soulagée [5].

Médecine d’urgence 1
25-010-A-10 ¶ Trousse d’urgence

Contenant de la trousse d’urgence • un appareil de mesure de la glycémie capillaire et ses bande-


lettes ;
du médecin généraliste • un set de ventilation d’urgence de type « Life for Two ».
On peut utiliser un sac renforcé compartimenté et modulaire,
spécifique ou non à l’urgence, ou une valise à roulettes avec des Compartiment petite chirurgie
compartiments pour les médicaments et les différents instru- Il contient des kits de petite chirurgie à usage unique :
ments nécessaires au diagnostic et au traitement [6]. • une pince de Hartmann moyenne (extraction de corps
Les médecins travaillant en permanence de soins intègrent étrangers des cavités naturelles), un bistouri à usage unique ;
leur trousse d’urgence au sein de leur valise médicale de tous les • deux fils à peau de 3.0 et 4.0, un sachet de sutures autocol-
jours afin de ne pas être pris au dépourvu face à un doute lantes ;
diagnostique ou un traitement [7]. • un sachet de compresses vaselinées (pour les épistaxis), trois
Il faut veiller à ce que cette trousse ne pèse pas plus de 10 kg. sachets de compresses stériles ;
• deux sondes vésicales CH 12 ;
• un rouleau de sparadrap, un rouleau de bande élastique
Contenu de la trousse d’urgence adhésive de 6 cm ;
du médecin généraliste • des paires de gants stériles à la taille du médecin et des paires
de gants non stériles ;
Compartiment administratif [8] • des flacons monodose d’antiseptiques iodé et non iodé ;
Il est au mieux placé dans une poche extérieure de la saco- • 1 mètre de couturière, une paire de ciseaux forts ;
che, puisque l’on utilise son contenu en fin de consultation, • des canules de Guedel adulte et enfant.
une fois que la sacoche est refermée. Cette astuce permet de ne
pas oublier du matériel chez le patient. Compartiment traitement
Il comprend : Matériel d’injection et perfusion
• des stylos, un petit calepin pour prendre toutes sortes de
Il comprend :
notes (matériel et drogues utilisées, patients à rappeler, etc.),
• dix aiguilles 21G, dix aiguilles 25G, cinq seringues stériles à
et un plan détaillé de la région ;
trois corps (2, 5, 10 et 20 ml) ;
• un ordonnancier simple, ALD (affection longue durée) et • trois cathéters courts avec clapet semi-automatique ;
sécurisé ; • une boîte de recueil des aiguilles usagées ;
• des feuilles de soins, bons de transport, certificats d’arrêt de • dix tampons alcoolisés, dix petits pansements ;
travail, d’accident de travail, de décès, de non-contagiosité, et • deux garrots élastiques.
des modèles de certificats d’hospitalisation en milieu psy-
chiatrique ; Médicamenteux oraux
• un moniteur de télétransmission des feuilles de soins électro- Ils sont classés par spécialité :
niques ; • cardiologie : une plaquette de Plavix® 75 mg (clopidogrel), un
• un annuaire du réseau de soin local et des correspondants spray de Natispray® 0,30 mg (trinitrine), une plaquette de
habituels rapidement accessibles permettant une bonne Loxen® 50 mg (nicardipine), une plaquette de Cordarone®
orientation du patient en cas de nécessité ; 200 mg (amiodarone) ;
• une base de données sur les médicaments (Doroz ou Vidal sur • digestif : un flacon de Primpéran® goutte (métoclopramide),
ordinateur de poche) ; une plaquette de Mopral® 20 mg (oméprazole), une plaquette
• un tampon de médecin avec adresse et numéro ADELI ; de Spasfon Lyoc® (phloroglucinol), une boîte d’Acupan®
• un appareil photo numérique, des piles de rechange aux (néfopam) ;
formats des appareils de la trousse. • pulmonaire et ORL : une plaquette de Solupred ® 20 mg
(prednisolone), un spray de Ventoline ® (salbutamol), un
Compartiment diagnostic flacon de Célestène ® (bétaméthasone) [9] , une plaquette
d’anti-h1 ;
Il peut être utile de doubler certains de ces appareils dans un • antalgiques : un tube d’Efferalgan Codéiné® (paracétamol-
sac à bord du véhicule pour prévenir d’éventuels incidents codéine), une plaquette de Doliprane® (paracétamol), une
(panne, bris, oubli, etc.). plaquette de Skénan ® 30 mg (sulfate de morphine), une
Ce compartiment contient : plaquette de Zomig® (zolmitriptan) ;
• un stéthoscope, marteau à réflexes, un oxymètre de pouls, un • psychiatrie : une plaquette de Lexomil® (bromazépam), un
manomètre tensionnel (avec trois brassards : adulte, enfant, flacon de Neuleptil® 1 % (propériciazine).
obèse) et un thermomètre tympanique et ses embouts protec- Médicaments injectables
teurs ;
• un électrocardiographe intégrant optionnellement un écran Le Tableau 1 propose une liste exclusivement destinée au
permettant la surveillance continue du patient, voire un médecin généraliste et urgentiste libéral, pour des patients ne
défibrillateur semi-automatique ; nécessitant pas de surveillance prolongée. Le médecin ne peut
• une lampe de poche ; se substituer aux services de secours médicalisés, exception faite
de circonstances exceptionnelles (arrêt cardiorespiratoire
• un débitmètre de pointe (peak-flow meter) et ses embouts à
inopiné, purpura fulminans fébrile, etc.), où un traitement doit
usage unique ;
être débuté par le médecin généraliste en même temps que
• un otoscope et ses spéculums auriculaires jetables de 4 mm
l’alerte est donnée.
et 2,5 mm (et une ampoule de rechange) ;
Chaque médecin doit prendre soin de respecter les indica-
• un ophtalmoscope, une ampoule souple de fluorescéine et un tions des différents médicaments en fonction des différentes
sachet de doigtiers à deux doigts ; conférences de consensus, à toujours vérifier l’absence de
• une anse de Billeau, anse de Snellen ou leur équivalent à contre-indication au traitement entrepris, et son absolue
usage unique ; nécessité sur le moment, malgré un bilan clinique ne permet-
• un détecteur de monoxyde de carbone (CO-tester) ; tant pas de réaliser tous les examens complémentaires
• des bandelettes urinaires (pH, glycosurie, protéinurie, leuco- nécessaires.
cyturie, hématurie, nitrite) ; Par ailleurs, le choix de ces médicaments, de leur concentra-
• un petit flacon de gel antiseptique hydroalcoolique pour peau tion et de leur forme galénique est dicté par leur disponibilité
saine ; en officine pharmaceutique de ville.

2 Médecine d’urgence
Trousse d’urgence ¶ 25-010-A-10

Tableau 1.
Médicaments injectables.
Médicament DCI Présentation Quantité
Antibiotique
Rocephine® ceftriaxone 1 g/3,5 ml 1 ampoule
Antalgiques
Xylocaïne® 2 % lidocaïne 400 mg/20 ml 1 flacon
Morphine® chlorhydrate de morphine 10 mg /1 ml 3 ampoules
Profénid® kétoprofène 100 mg/2 ml 2 ampoules
Acupan® néfopam 20 mg/2 ml 3 ampoules
Cardiologie
Aspégic® acide acétylsalicylique 500 mg 2 flacons
Adrénaline® épinéphrine 1 mg/1 ml 5 ampoules
Atropine® atropine 0,5 mg/1 ml 2 ampoules
Lasilix® furosémide 20 mg/2 ml 3 ampoules
Lovenox® énoxaparine sodique 800 UI/0,8 ml 1 ampoule
Striadyne® triphosadénine 20 mg/2 ml 2 ampoules
Gastroentérologie
Primpéran® métoclopramide 10 mg/2 ml 3 ampoules
Spasfon® phloroglucinol 40 mg/4 ml 3 ampoules
Pulmonaire, ORL, allergie
Salbumol® salbutamol 0,5 mg/1 ml 2 ampoules
Célestène® bétaméthasone 4 mg /1 ml 3 ampoules
Solu-Médrol® méthylprednisolone 40 mg/2 ml 3 ampoules
Atarax® hydroxyzine 100 mg/2 ml 2 ampoules
Polaramine® dexchlorphéniramine maléate 5 mg/1 ml 3 ampoules
Tanganil® acétylleucine 500 mg/5 ml 2 ampoules
Scopolamine® [10] scopolamine bromhydrate 0,5 mg/2 ml 3 ampoules
Psychiatrie, neurologie
Rivotril® [11] clonazépam 1 mg/1 ml 2 ampoules
Valium® diazépam 10 mg/2 ml 2 ampoules
Lepticur® chlorhydrate de tropatépine 10 mg/2 ml 1 ampoule
Tercian® cyamémazine 50 mg/5 ml 2 ampoules
Solutés, glucose
Glucose à 30 % 10 ml 2 ampoules
Eau pour préparation 10 ml 2 ampoules
Sérum physiologique 250 ml 1 poche
Glucose à 10 % 500 ml 1 poche
DCI : dénomination commune internationale.

Autres matériels Pochette administrative


La bouteille d’oxygène est d’un apport indéniable en médecine Elle contient cinq fiches d’intervention, un plan détaillé de
générale et en permanence de soins. Il est possible de l’intégrer la région, un certificat de naissance, de décès, de non-
à la trousse d’urgence à partir du moment où il existe un contagiosité, et des modèles de certificats d’hospitalisation en
moyen de la fixer dans le véhicule. milieu psychiatrique.
Les modèles avec manomètre intégré d’une contenance de
1 m3 sont préférés. Pochette d’examen clinique
L’oxygène est indispensable en zone rurale ou montagneuse
Elle comprend :
mais plus discutable en zone urbaine du fait de la proximité des
• un stéthoscope, un tensiomètre, un marteau à réflexe ;
secours.
• un appareil à glycémie capillaire, un thermomètre électroni-
Les défibrillateurs semi-automatiques ou automatiques sont
que et hypothermique et une protection ;
également à recommander dans la mesure du possible pour le
• un rasoir à usage unique, des ciseaux forts ;
médecin généraliste de permanence de soins. Leur coût et leur
• dix compresses non stériles, dix abaisse-langue, un sachet de
volume en nette diminution doivent, dans un proche avenir,
doigtiers ;
démocratiser leur utilisation en médecine de ville.
• une lampe de poche, une couverture de survie ;
• une boîte de recueil d’aiguilles usagées.

■ Trousse d’urgence de l’unité Pochette ventilation et sondes


mobile hospitalière Elle contient :
• un BAVU (ballon autoremplisseur à valve unidirectionnelle) et
Matériels [8, 12] raccord d’oxygène ;
• un débit mètre de pointe (peak-flow meter) et deux embouts ;
Il semble intéressant de regrouper tout le matériel dans un • des masques (tailles 4 et 5), un masque de nébulisation, un
même sac. kit asthme, un filtre antibactérien ;

Médecine d’urgence 3
25-010-A-10 ¶ Trousse d’urgence

• des lunettes d’oxygénothérapie adulte, des sondes d’oxygéno- Tableau 2.


thérapie (8, 10, 12), un masque d’oxygénothérapie à haute Pharmacie du sac d’urgence.
concentration adulte ; Médicament DCI Valise
• deux dosettes d’Atrovent® (0,5 g/2 ml), quatre dosettes de
salbutamol (5 mg/2,5 ml) ; Adrénaline® épinéphrine 8
• deux drains thoraciques (Ch 12, 16, 18, 28), deux valves de Anexate® flumazénil 1
Heimlich ; Aspégic® acide acétylsalicylique 1
• des sondes d’aspiration (14, 16, 18), des sondes gastriques Atarax® hydroxyzine 2
(12, 14, 18), des sondes vésicales de Foley Ch12 et Ch18 ; Atropine® atropine 2
• une seringue 60 ml gros embout ; Avlocardyl® propanolol 0
• des poches collectrices (sondes gastriques et vésicales, drain
Burinex® bumétanide 3
thoracique).
Celocurine® suxaméthonium 2
Chlorhexidine® monodose chlorhexidine 5
Pochette petit soins
Chlorure de sodium chlorure de sodium 2
Elle contient : Cordarone® injectable amiodarone 2
• des paires de gants non stériles (petit, moyen, grand) ;
Cordarone® comprimés amiodarone 10
• un kit de petite chirurgie (champ stérile absorbant plastifié,
Diprivan® propofol 2
pince à disséquer, paire de ciseaux droits, tampons d’alcool
isopropylique), deux bistouris lame droite, un champ stérile ; Dobutrex® dobutamine 1
• deux fils à peau de 3.0 et 4.0, trois sachets de sutures Digoxine® digoxine 0
adhésives ; Dopamine® dopamine 2
• cinq sachets de compresses stériles, deux pansements améri- Éphédrine® éphédrine 2
cains stériles petits et grands, des petits pansements, un Glucose 30 % glucose 30 % 2
rouleau de sparadrap, une bande élastique adhésive de 6 cm.
Lovenox® énoxaparine 1
Héparine® héparine 1
Pochette intubation
Hypnomidate® étomidate 2
Elle contient : Hypnovel® 1 mg midazolam 2
• un manche de laryngoscope, un kit Minitrach® (canule de Hypnovel® 5 mg midazolam 1
cricothyroïdotomie et matériels annexes), une lame de
Ketalar® kétamine 3
laryngoscope à usage unique n° 3 et n° 4, des piles de
Lexomil® bromazépam 4
rechange ;
• un manomètre de pression de ballonnet, un mandrin à Loxen® nicardipine 1
extrémité souple ; Morphine® chlorhydrate de morphine 3
• des sondes d’intubation (8,5, 8, 6,5, 6), deux sondes d’intu- Narcan® naloxone 2
bation 7,5 ; Natispray® trinitrine 1
• 1 pince de Magill, un rouleau de sparadrap, une seringue de Nesdonal® thiopental 1
10 ml ; Noradrénaline® norépinéphrine 2
• Canules de Guedel 4, 3, 2.
Plavix® clopidogrel 8
Risordan® isosorbide dinitrate 3
Pochette injection
Salbutamol® salbutamol 1
Elle comporte une seringue de 1 ml, deux de 2 ml, quatre de Solu-Médrol® méthylprednisolone 2
5 ml, quatre de 10 ml, quatre de 20 ml, cinq aiguilles (pompeu- Striadyne® triphosphate 2
ses, intraveineuses, intramusculaires) et des tubes de prélève-
Sufenta® 50 µg sufentanil 3
ments sanguins (numération formule sanguine, ionogramme
Sulfate de magnésium® sulfate de magnésium 1
sanguin, hémostase, etc.).
Tenormine® aténolol 1
Pochette perfusion Tercian® cyamémazine 1
Tildiem® diltiazem 2
Elle comprend :
Valium® diazépam 3
• trois tubulures, deux prolongateurs de seringue électrique,
Xylocard® 5 % lidocaïne 1
deux seringues de 50 ml pour seringue électrique, un kit de
perfusion osseuse, quatre cathlons (22G, 20G, 18G, 16G, Perfalgan® paracétamol 1
14G) ; Xylocaïne® 5 % lidocaïne 1
• quatre robinets trois voies, quatre bouchons de perfusion ; Xylocaïne® 2 % lidocaïne 1
• trois sachets de compresses stériles, quatre compresses de DCI : dénomination commune internationale.
Bétadine®, deux compresses avec chlorhexidine, un rouleau
de sparadrap, deux garrots, trois Opsite®.
• un laboratoire embarqué type Istat (gaz du sang, ionogramme
Pochette solutés
sanguin) et de type Triage (peptide natriurétique de type B,
Elle contient du sérum physiologique (50 ml), du Voluven® troponine, D-dimère) ;
(500 ml), du Ringer Lactate® (500 ml), du bicarbonate 4,2 % • un aspirateur de mucosités électrique avec batterie auto-
(250 ml), deux sérums glucosés 10 % (250 ml), du Perfalgan® nome ;
(1 g). • quatre pousse-seringue ;
Une CardioPump® et un CO-tester sont accrochés à l’extérieur • un appareil de mesure de l’hémoglobine (HémoCue®) ;
du sac d’urgence. • un respirateur permettant la ventilation non invasive.

Instrumentation électronique
Pharmacie du sac d’urgence
Elle est composée de :
• un défibrillateur multiparamétrique avec électrocardiographe Le contenu de la pharmacie du sac d’urgence est présenté
intégré ; dans le Tableau 2.

4 Médecine d’urgence
Trousse d’urgence ¶ 25-010-A-10

Tableau 3.
Médicaments de la pharmacie de l’unité mobile hospitalière.
Médicament DCI Présentation UMH
Adrénaline® épinéphrine 5 mg/5 ml 12
Agrastat® tirofiban anti-GP IIb-IIIa 50 µg/ml Protocole
Anexate® flumazénil 1 mg/10 ml 3
Aspégic® acide acétylsalicylique 500 mg/flacon 3
Atarax® hydroxyzine 100 mg/2 ml 3
Atropine® atropine 1 mg/ml 5
Augmentin® amoxicilline + acide clavulanique 1 g + 125 mg poudre 2
Avlocardyl® propanolol 5 mg/5 ml 2
Burinex® bumétanide 2 mg/4 ml 6
Chlorure de calcium® chlorure de calcium 10 g/100 ml ampoule 10
Celocurine® suxaméthonium 50 mg/ml 8
Chlorhexidine® monodose chlorhexidine 10
Chlorure de potassium chlorure de potassium 5
Chlorure de sodium chlorure de sodium 9 ‰/10 ml 10
Claforan® céfotaxime 1g 3
Cordarone® comprimé amiodarone 200 mg 10
Cordarone® injectable amiodarone 150 mg/3 ml 3
Digoxine® digoxine 0,25 mg 2
Dilantin® phénytoïne 250 mg/5 ml 5
Diprivan® propofol 200 mg/20 ml 3
Dobutrex® dobutamine 250 mg/20 ml 3
Dopamine® dopamine 200 mg/5 ml 3
Éphédrine® éphédrine 30 mg/ml 4
Gardénal® phénobarbital 200 mg/4 ml 4
Glucose 10 % glucose 10 % 2
Glucose 30 % glucose 30 % 6
Héparine® héparine 25 000 UI/5 ml 4
Hémisuccinate d’hydrocortisone hémisuccinate d’hydrocortisone 500 mg 2
Hypnomidate® étomidate 20 mg/ml 6
Hypnovel® 1 mg midazolam 1 mg/ml 10
Hypnovel® 5 mg midazolam 5 mg/ml 2
Ketalar® kétamine 250 mg/5 ml 3
Lexomil® bromazépam 6 mg/comprimé 10
Lovenox® injectable énoxaparine 4 000 UI/0,4 ml 2
Loxen® nicardipine 10 mg/10 ml 4
Narcan® naloxone 0,4 mg/ml 5
Natispray® trinitrine 0,30 mg 1
Nesdonal® thiopental 1g 2
Noradrénaline® norépinéphrine 8 mg/4 ml 4
Perfalgan® paracétamol 10 mg/10 ml 2
Plavix® clopidogrel 75 mg/comprimé 4
Profenid® kétoprofène 100 mg i.v. 2
Risordan® isosorbide dinitrate 10 mg/10 ml 10
Salbutamol® salbutamol 5 mg/5 ml 5
Scopolamine® scopolamine 0,5 mg/2 ml 2
Solu-Médrol® méthylprednisolone 120 mg/2 ml 4
Spasfon® phloroglucinol 40 mg/4 ml 5
Striadyne® triphosadénine 20 mg/2 ml 5
Sulfate de magnésium® sulfate de magnésium 1
Tenormine® aténolol 5 mg/10 ml 3
Tercian® cyamémazine 50 mg/5 ml i.m. 2
Tildiem® diltiazem 100 mg poudre 3
Trandate® labétalol 100 mg/20 ml 2
Valium® diazépam 10 mg/2 ml 20
Vancomycine® vancomycine 500 mg 2
Ventoline® salbutamol spray 1
Vogalene® métopimazine 10 mg/1 ml 6
Xylocaïne® 2 % lidocaïne 400 mg/20 ml 1
Xylocaïne® 5 % spray lidocaïne 5g 1
Xylocard® 5 % lidocaïne 1 g/20 ml 2
DCI : dénomination commune internationale ; UMH : unité mobile hospitalière.

Médecine d’urgence 5
25-010-A-10 ¶ Trousse d’urgence

Tableau 4.
Solutés.
Produits DCI Présentation Valise UMH
G5% G5% 500 ml 1 5
Ringer lactate® chlorure de calcium, chlorure de potassium, chlorure 500 ml 1 5
de sodium, lactate de sodium
Voluven® hydroxyéthylamidon 500 ml 2 5
Sérum physiologique chlorure de sodium 9 ‰ 50 ml 1 5
Sérum physiologique chlorure de sodium 9 ‰ 500 ml 1 5
Bicarbonate de sodium 4,2 % bicarbonate de sodium 250 ml 1 3
Sérum salé hypertonique chlorure de sodium 20 % 500 ml 0 1
DCI : dénomination commune internationale ; UMH : unité mobile hospitalière.

Fluides Tableau 5.
Kits médicamenteux.
Les fluides emportés sont deux bouteilles d’oxygène de 3 m3,
Nom Médicaments DCI UMH
deux bouteilles d’oxygène de 1 m3 et une bouteille de MEOPA.
Thrombolyse Ténectéplase TNK-rTP 1
Immobilisation Altéplase
Héparine®
Le matériel d’immobilisation est composé d’un jeu complet
Aspégic®
de minerves, d’un jeu complet d’attelles à dépression et d’un
Plavix®
matelas à dépression.
Asthme Atrovent® 2
Bricanyl®
Kits médicaux et thérapeutiques
prêts à l’usage DCI : dénomination commune internationale ; UMH : unité mobile hospitalière.

Kit de pression artérielle sanglante


Tableau 6.
Il est composé de : Produits à conserver dans le réfrigérateur de l’UMH.
• une tête de pression, un cordon de connexion ;
Produits DCI Présentation UMH
• deux films adhésifs, deux fils à suture avec aiguille droite ;
• un cathéter artériel fémoral 5F, un cathéter artériel radial 3F ; Syntocinon® oxytocine 5 UI/ml 4
• un bistouri, une poche de contrepression, une poche de Isuprel® isoprénaline 0,2 mg/ml 10
chlorure de sodium 0,9 % (250 ml) ; Somatostatine® somatostatine 3 mg
• trois paquets de compresses stériles, des paires de gants Rivotril® clonazépam 1 mg/ml 5
stériles 7, 7,5, 8, 9, un champ troué stérile, deux plaques de Celocurine® suxaméthonium 100 mg/2 ml 6
Stéristrip®, deux monodoses de Bétadine®.
Glucagen® glucagon 1 mg/ml poudre 4
Kit accouchement Insuline Actra- insuline 100 UI/ml 2
pid®
Il comprend : Metalyse® ténectéplase 10 000/10 ml 1
• un plateau en plastique 30 × 30 cm, trois clamps de Barr, un
Actilyse® altéplase 10 mg 1
bistouri lame 23, une paire de ciseaux à épisiotomie ;
• deux champs absorbants, un champ stérile 75 × 75 cm, trois DCI : dénomination commune internationale ; UMH : unité mobile hospitalière.
sachets de compresses stériles, des paires de gants stériles 6,
7, 7,5, 8, une bande élastique de 4 cm ;
• un bonnet jersey enfant, une couverture métallisée pédiatri- Tableau 7.
que, un raccord biconique pédiatrique ; Antidotes spécifiques.
• des flacons monodose de chlorhexidine et de Bétadine® ; Produits DCI Présentation SAMU
• un sonde vésicale béquillée CH 12, une sonde d’aspiration
BAL® dimercaprol 200 mg/2 ml 5
CH6/CH8, une poche de recueil d’urines.
Bleu de méthylène bleu de méthylène 5
Kit fibrinolyse Contrathion® pralidoxime 200 mg 5
Digidot® anticorps antidigitaline 80 mg 1
Il comprend :
Dantrium® dantrolène 20 mg 5
• un kit Metalyse® ;
• un flacon d’héparine 25 000 UI/5 ml, un flacon d’Actylise® Kelocyanor® EDTA dicobaltique 300 mg/20 ml 5
50 mg, un flacon d’Aspégic® 500 mg ; Fomepizole® fomépizole 5 mg/ml 10
• une seringue de 50 ml, une de 10 ml, une de 5 ml, trois Prostigmine® néostigmine méthylsulfate 0,5 mg/ml 4
aiguilles pompeuses ; Vitamine B6 pyridoxine 250 mg/5 ml 3
• quatre comprimés de Plavix®, une ampoule de 10 ml de Kaskadil® PPSB poudre 3
chlorure de sodium 9 ‰. + solvant/20 ml
Atropine® atropine sulfate 1 mg/1 ml 20
Pharmacie DCI : dénomination commune internationale ; PPSB : prothrombine-
proconvertine-Stuart-B.
Les médicaments de la pharmacie de l’unité mobile hospita-
lière [12] sont présentés dans le Tableau 3.

Les kits médicamenteux sont regroupés dans le Tableau 5. Les


Autres produits produits à conserver dans le réfrigérateur de l’unité mobile
Les solutés sont présentés dans le Tableau 4. Le fluide médical hospitalière sont répertoriés dans le Tableau 6. Les antidotes
utilisé est le Kalinox® (MEOPA). spécifiques sont conservés au SAMU (Tableau 7).

6 Médecine d’urgence
Trousse d’urgence ¶ 25-010-A-10

■ Références
.

[8] Domanski L, Camilleri G, Malgras G, Loupiac E, Kowalski JL. Trousse


d’urgence. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Urgences, 24-000-B-
[1] Jauhar S. House calls. N Engl J Med 2004;351:2149-51. 10, 2001 : 5p.
[2] Michel P. Les trousses d’urgence d’un généraliste. http: [9] Bjornson CL, Klassen TP, Williamson J, Mitton C, Plint A, et al. A
//perso.wanadoo.fr/mg.urgences/trousse_index.html. randomized trial of a single dose of oral dexamethasone for mild croup.
[3] Johansen RB, Schafer NC, Brown PI. Effect of extreme temperatures N Engl J Med 2004;351:1306-13.
on drugs for prehospital ACLS. Am J Emerg Med 1993;11:450-2. [10] Chastre C, Lassauniere JM. Urgences et soins palliatifs. In: Carli P,
[4] Gill MA, Kislik AZ, Gore L, Chandna A. Stability of advanced life Riou B, editors. Urgences médico-chirurgicales de l’adulte. Paris:
support drugs in the field. Am J Health Syst Pharm 2004;61:597-602. Arnette; 1991. p. 109-13.
[5] Gouyon M. Études et résultats. Les recours aux médecins urgentistes de
[11] Alldredge BK, Gelb AM, Isaacs SM, Corry MD, Allen F, Ulrich S, et al.
ville. Direction de la recherche des études de l’évaluation et des statis-
Acomparison of lorazepam, diazepam, and placebo for the treatment of
tiques (DREES), n°480 avril 2006.
[6] Gauffier N, Choquet C. Urgences en médecine générale. SFTG Paris out-of-hospital status epilepticus. N Engl J Med 2001;345:
Nord: document de Synthèse. http://www.paris-nord-sftg.com/ 631-7.
cr.urgences.0403.php. [12] Bertrand P, Adnet F, Lapostolle F, Desmaizières M. SAMU 93. Docu-
[7] Leduc D. Le matériel et les fournitures pédiatriques d’urgences en ment de synthèse. Révision de la Pharmacie SMUR–UMH, 15 mai
cabinet. Paediatr Child Health 1999;4:219-20. 2004.

N. Crocheton, Praticien hospitalier (nicolas.crocheton@avc.aphp.fr).


Hôpital Avicenne, 125, rue de Stalingrad, 93009 Bobigny cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Crocheton N. Trousse d’urgence. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Médecine d’urgence, 25-010-A-10,
2007.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos / Documents Information Informations Auto-
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

Médecine d’urgence 7
¶ 17-046-A-15

Accident ischémique cérébral et rétinien


transitoire
P. Lavallée, P. Amarenco

L’accident ischémique transitoire (AIT) est une perte focale et transitoire, d’apparition brutale, d’une
fonction cérébrale ou rétinienne, entièrement régressive. Il nécessite une prise en charge en toute urgence
dans un milieu spécialisé car c’est un marqueur de risque majeur de survenue d’un infarctus cérébral
définitif. Vingt à 30 % des accidents ischémiques constitués (AIC) sont précédés d’AIT et 10 % des AIT
feront un AIC dans les 3 mois. Après confirmation de l’AIT par l’interrogatoire, un examen clinique
rigoureux et une imagerie cérébrale sont nécessaires, car les diagnostics différentiels sont nombreux. Il
faut ensuite rapidement identifier la cause afin de débuter sans délai le traitement adapté. Les examens
complémentaires guidés par la clinique et le terrain, recherchent principalement une source cardiaque ou
aortique d’embolie, une athérosclérose des artères intra- ou extracrâniennes, une dissection, une
artériolopathie cérébrale. Le traitement dépend de la cause de l’AIT, antiagrégants plaquettaires pour les
infarctus liés à l’athérosclérose ou les artériolopathies, anticoagulant pour les embolies d’origine
cardiaque, endartériectomie carotide pour les sténoses de plus de 70 %. Enfin, l’AIT est souvent le témoin
d’une maladie athéroscléreuse généralisée, il faut chercher une coronaropathie, une artériopathie
oblitérante des membres inférieurs et traiter une hypertension artérielle (HTA), un diabète ou une
dyslipidémie associée.
© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Accident ischémique transitoire ; Urgence neurologique ; Prévention cardiovasculaire

Plan ■ Introduction
¶ Introduction 1
L’accident ischémique transitoire est « une perte focale de
fonction cérébrale ou oculaire d’installation brusque, d’origine
¶ Définition 1 ischémique, dont les symptômes durent classiquement moins
Nouvelle définition de l’AIT 2 de 24 heures et régressent sans séquelle ». Il est, avec la présence
¶ Épidémiologie 2 d’une sténose carotide, l’hypertension artérielle et l’antécédent
Risque d’infarctus cérébral 2 d’accident ischémique cérébral, l’un des plus importants facteurs
Mortalité 3 de risque d’infarctus cérébral.
Il est donc essentiel de savoir le reconnaître. Une fois le
¶ Dépistage et diagnostic 3
diagnostic d’AIT posé, il faut en comprendre, en toute urgence,
Durée des symptômes 3 les mécanismes (embolique ou hémodynamique) afin d’en
Signes cliniques 3 trouver la cause et mettre en place un traitement adapté évitant
Imagerie cérébrale 4 la survenue dramatique d’un infarctus constitué.
Diagnostic différentiel 5
¶ Comprendre le mécanisme 5
AIT par occlusion artérielle 5 ■ Définition
AIT par baisse de débit sans occlusion artérielle 6
La définition de l’AIT admise depuis les années 1950-1960
¶ Recherche de la cause : étiologie 6 jusqu’à présent, repose sur la résolution totale des signes
Recherche d’une sténose artérielle 6 cliniques en moins de 24 heures. Ce critère temporel était basé
Recherche d’une embolie d’origine cardiaque 8 sur l’idée que si l’ischémie était transitoire, l’infarctus n’avait
Autres 8 pas le temps de se constituer. Cette limite de 24 heures était
Recherche de facteurs de risques vasculaires systématique arbitraire, reposant sur des données éparses et non pas sur des
(HTA, bilan lipidique et glycémique) 9 arguments physiopathologiques et histologiques. Elle a surtout
été développée dans le but d’homogénéiser les études épidémio-
¶ Traitement 9
logiques et les essais thérapeutiques réalisés chez ces patients.
En urgence 9
Depuis, de nombreuses études ont montré que la majorité des
Dans les heures et jours suivant l’AIT 9
AIT duraient moins de 60 minutes. Dans la série de Levy, si le
Traitement à long terme 9 déficit durait plus de 1 heure, la chance de récupération en
moins de 24 heures était inférieure à 15 %. [1] L’essai de
thrombolyse du NINDS a confirmé ces résultats puisque, dans
le groupe placebo, les patients dont le déficit neurologique

Neurologie 1
17-046-A-15 ¶ Accident ischémique cérébral et rétinien transitoire

Encadré 1 Encadré 2

“ Points forts “ Mots de patients


Une nouvelle définition « opérationnelle » de l’AIT est « Docteur, l’autre jour la télécommande que je tenais dans
rendue indispensable depuis que l’occlusion aiguë des ma main est tombée et, pendant quelques secondes, je
artères cérébrales se traite par thrombolyse dans les n’ai pas pu la ramasser car ma main et mes doigts ne
3 heures suivant les premiers symptômes. fonctionnaient plus, puis tout est redevenu normal et
Un AIT est : « une perte focale, brève, de fonction depuis ça va. C’est un peu de fatigue, Docteur ? »
cérébrale ou oculaire d’installation brusque, d’origine « Hier, au volant de ma voiture, la moitié de la vue de mon
ischémique, dont les symptômes ont totalement régressé œil gauche s’est brusquement obscurcie en quelques
au moment de l’examen ». secondes. C’était comme un rideau qui se serait
L’AIT est un diagnostic difficile car c’est un diagnostic progressivement baissé jusqu’à la moitié de mon champ
d’interrogatoire et d’autres pathologies peuvent lui de vision. Cela n’a duré que 5 secondes peut-être. Vous
ressembler. pensez que je dois changer de lunettes ? »
L’AIT doit être reconnu car il précède 20 à 30% des « En parlant au téléphone avec ma fille, dimanche dernier,
infarctus cérébraux et, dépisté à temps, il représente la d’un coup je n’arrivais pas à trouver mes mots ou je disais
meilleure opportunité de prévenir la catastrophe un mot pour un autre. Ma fille ne comprenait pas ce que je
hémiplégique. disais. Je ne sais pas combien de temps cela a duré, mais
Lorsqu’un patient signale un AIT, il cherche souvent à être en tout cas une demi-heure plus tard je parlais
rassuré sur l’apparente bénignité du symptôme : au normalement, et depuis ça va. Ma fille m’a dit qu’il valait
contraire, le médecin ne doit ni le banaliser, ni le mieux vous le signaler. Moi, Docteur, je mets cela sur le
minimiser, ni attendre la récidive pour le prendre en compte du gros choc de la mort de mon mari. »
compte.
L’AIT signale toujours une pathologie grave, qui peut être
prévenue. C’est une urgence prioritaire absolue.
et qui ne se traduisent pas forcément par un infarctus cérébral
(reversible ischemic neurologic deficit [RIND] des Anglo-Saxons ou
déficit neurologique ischémique de régression rapide en 24,
n’avait pas régressé en 1 heure ou ne s’était pas amélioré de 48 ou 72 heures, voire 8 jours) dont la signification pronostique
façon nette en 3 heures, avaient moins de 2 % de chances de est similaire à celle d’un déficit régressif d’une durée inférieure.
récupérer entièrement dans les 24 heures. [2]
Les nouvelles techniques d’imagerie cérébrale, scanner et
imagerie par résonance magnétique (IRM), confirment ces
■ Épidémiologie
données cliniques, remettant sérieusement en question cette Nous verrons plus loin combien le diagnostic d’AIT peut être
limite temporelle. En effet, 15 à 20 % des patients présentant difficile, ce qui se traduit par une grande différence interobser-
un AIT selon la définition classique ont un infarctus constitué vateur et rend délicate l’interprétation des études épidémiologi-
sur le scanner et 50 % ont une lésion visible sur l’IRM de dif- ques. Les AIT ont une incidence de 2 à 8 pour 1000 habitants
fusion qui persiste une fois sur deux sur l’IRM de contrôle. [3, 4] et par an, une prévalence de 1 à 77 pour 1000 habitants et une
mortalité de 1 pour 1000. Le sex-ratio est de 3 hommes pour
Nouvelle définition de l’AIT 2 femmes. La fréquence des AIT croît avec l’âge (75 % d’entre
eux surviennent après 65 ans). La présence d’une hypertension
Sur ces arguments, Albers et al. ont redéfini l’AIT comme un artérielle ou d’une insuffisance coronarienne multiplie le risque
déficit neurologique bref dû à une ischémie focale cérébrale ou par 4. [6] Les facteurs de risque sont ceux des infarctus
rétinienne, régressant habituellement en moins de 1 heure et cérébraux.
sans signe d’infarctus récent (Encadré 1)). [5] En effet, cette façon
de définir l’AIT par sa durée inférieure à 24 heures n’a plus de
justification pratique depuis que l’occlusion aiguë des artères
Risque d’infarctus cérébral
cérébrales se traite par thrombolyse dans les 3 heures suivant les Après un AIT, l’incidence de l’infarctus cérébral est de 10 % à
premiers symptômes et parce que, en pratique, l’AIT dure 3 mois. Dans 50 % des cas l’AIC survient dans les 48 heures.
généralement moins de 30 minutes et le plus souvent quelques Certains facteurs augmentent ce risque (âge > 60 ans, diabète,
secondes ou quelques minutes. AIT > 10 minutes, déficit moteur ou troubles du langage
Il faut désormais avoir une définition opérationnelle de l’AIT pendant l’épisode). [7] Ensuite le risque diminue, il est de 5 %
qui distingue, dans les 3 premières heures et au-delà, un par an les 3 années suivantes, puis de 3 % par an alors qu’il est
accident ischémique cérébral en évolution d’un accident de 1 % dans la population générale [8-10] (Tableau 1). Ces
ischémique cérébral transitoire (Encadré 2. chiffres sont cependant variables dans la littérature selon qu’ils
Le diagnostic d’AIT peut être porté lorsque le patient n’a plus sont issus d’études de population, d’études hospitalières ou
de symptômes au moment de l’examen et que l’examen neuro- d’essais thérapeutiques. Ils dépendent aussi de la nature de l’AIT
logique est normal. En cas de symptôme et/ou de signe neuro- (AIT hémisphérique ou cécité monoculaire transitoire) et de la
logique persistant au moment de l’examen, le patient doit être cause de l’AIT.
évalué, surveillé et traité comme un accident ischémique Par exemple, le risque d’infarctus cérébral en cas d’AIT
cérébral en évolution ou constitué. rétinien lié à une sténose de l’artère carotide interne ≥ 50 % est
Ainsi, la nouvelle définition de l’AIT que nous proposons est : de 10 % à 3 ans alors qu’il est de 20 % en cas d’AIT hémisphé-
« l’AIT est une perte focale, brève, de fonction cérébrale ou rique. En cas d’AIT lié à une fibrillation auriculaire non
oculaire d’installation brusque, d’origine ischémique, dont les rhumatismale, le risque d’AIC est de 12 % par an.
symptômes ont totalement régressé au moment de l’examen ». De 9 à 30 % des infarctus cérébraux sont précédés d’AIT, tous
L’avantage de cette définition est qu’elle se restreint aux territoires artériels confondus. Ce chiffre passe à 50-75 % si l’on
patients qui ont eu un événement neurologique transitoire, ne considère que les infarctus du territoire carotide. Il y a huit
qu’elle privilégie les événements très brefs, mais qu’elle n’écarte AIT dans le territoire carotidien pour deux dans le territoire
pas non plus les événements qui ont pu durer plus de 24 heures vertébrobasilaire.

2 Neurologie
Accident ischémique cérébral et rétinien transitoire ¶ 17-046-A-15

Tableau 1.
Risque et/ou incidence d’un infarctus cérébral et mortalité après un accident ischémique transitoire (AIT).
Type d’étude Auteurs Nombre de patients Suivi moyen Risque d’infarctus cérébral Mortalité
er
Étude de Whisnant 1978 199 1955-1969 8 % le 1 mois
population (Rochester) 5 % par an pendant 3 ans puis 3 % par an
Whisnant 1973 198 1988-1969 risque multiplié par 16,5 b
Dennis et al. 1990 184 3,7 ans risque multiplié par 13 la 1ère année puis 6,3 % par an
(OCSP a) par 7 les 7 années suivantes b risque multiplié par 1,4 b

Études Toole et al. 1978 225 5,5 ans Placebo 19 % (11/56) 82/225 (36,5 %)
hospitalières Traités médicalement 24 % (10/45)
Traités chirurgicalement 18 % (23/124)
Simonsen et al. 1981 243 6 ± 3 ans 17 % à 5 ans
Muuronen et Kaste 1982 314 7,8 ans 4,8 % (15/314) 17,5 % (55/314)
21 % (31/110)
Poole et Russel 1985 110 8 ans 1,8 % par an (15 % attendus)
CMT 13 % à 6 ans (3 % attendus)
Howard et Russel 1987 69 4,5 ans 2,9 % par an 31,4 %
embolie de cholestérol ( 13,5 % attendus)
Essais Fields et Lemak 1976 79 49 mois 15 % 24 %
thérapeutiques 6 % par an pendant 3 ans 1 % la 1re année
puis 2 % par an 6 % la 2e année
CCSP 1978 139 2,5 ans 14,3 % (20/139) 7,2 %
(groupe placebo) 5 % par an 2,5 % par an
UK TIA 1991 814 1979-1985 14,6 % (119/814) 15 % (122/814)
(groupe placebo)
a
Oxfordshire Community Strike Project.
b
Risque relatif par rapport à une population témoin.

Mortalité Tableau 2.
Symptômes d’AIT.
Les AIT réduisent l’espérance de vie (Tableau 1). Le taux
Circulation antérieure
moyen de mortalité annuelle à 10 ans est multiplié par 3 (6 %
Cécité monoculaire transitoire
contre 2 % attendus). Les deux principales causes de mort après Hémiparésie
un AIT sont l’infarctus cérébral dans les 6 premiers mois, Troubles sensitifs unilatéraux
l’infarctus du myocarde à plus long terme. [11, 12] À 5 ans, le Troubles du langage
risque cumulé de décès d’origine cardiaque et d’infarctus du Circulation postérieure
myocarde est d’ailleurs identique à celui d’infarctus cérébral, Hémiparésie (peut changer de côté), tétraparésie
mortel ou non (21 % versus 22,7 %). [13] Paresthésies unilatérales (peuvent changer de côté)
Perte de la vision totale ou partielle, uni- ou bilatérale
Ataxie avec troubles de l’équilibre (sans vertige)
■ Dépistage et diagnostic
C’est un diagnostic qui peut être difficile car le médecin est Tableau 3.
rarement témoin de l’accident. Il s’agit donc le plus souvent Quatre cent quatre-vingt-douze diagnostics d’AIT en médecine générale.
d’un diagnostic d’interrogatoire, et l’on doit se fonder sur les
symptômes que signale le patient. Celui-ci fait cependant AIT confirmés par un neurologue 38 %
.
rarement la différence avec d’autres événements neurologiques AIT non confirmés 62 %
brefs et transitoires, et nous aurons besoin de critères précis - Migraine - 10 %
pour le diagnostic. - Syncope -9%
- AIT possible -9%
- Épisode bizarre -9%
Durée des symptômes - Vertige isolé -6%
Comme nous l’avons vu, la durée de l’accident ne doit plus - Épilepsie -6%
faire partie des critères diagnostiques. Elle était fixée par - Ictus amnésique -3%
convention à moins de 24 heures, mais elle est en fait de -… -…
quelques secondes à 30 minutes. Environ un quart des AIT dure
moins de 5 minutes, 40 % moins de 15 minutes, 50 % moins Tableau 2 . [16, 18] Cette différence est encore plus élevée pour
de 30 minutes et 60 % moins de 1 heure. ce qui concerne le territoire présumé de l’AIT (carotidien versus
L’AIT peut être unique ou, dans deux tiers des cas, se répéter, vertébrobasilaire) avec un kappa de 0,31. [17]
le plus souvent dans le mois suivant le premier épisode. Les AIT Dans une étude de population réalisée dans tout le comté
qui se répètent de façon rapprochée, à une fréquence allant d’Oxford qui compte 1,5 millions d’habitants, tous les AIT
« crescendo » (plus de 2 en 24 heures ou 3 en 72 heures), diagnostiqués par les médecins généralistes du comté ont été
nécessitent une prise en charge particulièrement urgente. [14] analysés. Après un bilan complet et examen par un neurologue,
sur les 492 cas signalés par les médecins généralistes, seuls 38 %
Signes cliniques ont été retenus comme des AIT, les autres étaient des crises
d’épilepsies focales, des crises de migraines, des hypoglycémies,
Le Ad Hoc Committee for Stroke (1975) a défini des critères des syncopes et de nombreux autres diagnostics dont des
pour le diagnostic des AIT carotidiens et vertébrobasilaires symptômes bizarres, inclassables (Tableau 3). [18]
(Tableau 2). [15] En dépit de ces précautions, la différence Certains éléments permettent d’orienter vers le siège de
interobservateurs pour affirmer la seule existence d’un AIT est l’ischémie : circulation antérieure, postérieure ou lacune
élevée avec un kappa allant de 0,65 à 0,77 si les observateurs (Tableau 2). Mais, nous avons vu que la différence interobser-
utilisent une « check-list », série commune de questions vateurs était très élevée pour ce qui concerne le territoire
exprimées dans un langage simple, plutôt que les critères du présumé de l’AIT.

Neurologie 3
17-046-A-15 ¶ Accident ischémique cérébral et rétinien transitoire

Circulation antérieure Tableau 4.


Diagnostic différentiel des AIT.
La perte partielle ou complète de la vision d’un œil oriente
vers un AIT carotidien. Il peut être cependant difficile d’exclure Migraine
formellement une hémianopsie latérale homonyme si le patient Épilepsie focale
n’a pas pensé à masquer alternativement un œil puis l’autre. La Lésion cérébrale expansive
cécité monoculaire transitoire est de sémiologie difficile et - Tumeur
- Hématome sous-dural chronique
recouvre sans doute bien d’autres causes, encore inconnues, que
- Malformation vasculaire
l’athérosclérose ou l’embolie d’origine cardiaque. [19] L’aphasie
Autre cause non vasculaire
est aussi presque toujours indicatrice d’un AIT carotidien et
- Hypoglycémie
n’est qu’exceptionnellement observée isolément dans le terri- - Maladie de Ménière
toire postérieur. En revanche, les troubles moteurs ou sensitifs - Sclérose en plaques (neuropathie optique)
unilatéraux, s’ils surviennent isolément, peuvent être dus à un - Hystérie
accident ischémique carotidien ou vertébrobasilaire. Ils sont Chez les patients qui ont des symptômes oculaires transitoires
toutefois évocateurs d’un AIT carotidien s’ils ont une distribu- - Artérite gigantocellulaire (maladie de Horton)
tion brachiofaciale ; ils affectent en fait souvent une étendue - Hypertension artérielle maligne
variable de l’hémicorps (seulement la main ou l’ensemble de - Glaucome
l’hémicorps) ; ils indiquent avec certitude une lésion de l’artère - Œdème papillaire (hypertension intracrânienne)
carotide controlatérale dans les très rares cas où ils sont associés - Autres affections orbitaires ou rétiniennes non vasculaires
à une cécité monoculaire transitoire du côté opposé aux
symptômes moteurs (syndrome opticopyramidal). Les paresthé-
sies se manifestent par des fourmillements, engourdissements,
picotements de tout ou partie de l’hémicorps, et sont d’autant Figure 1. IRM séquence de diffu-
plus évocatrices qu’elles ont une distribution brachiofaciale. sion : hypersignaux précoces (2 heu-
res après le début du déficit moteur)
Circulation postérieure traduisant un infarctus récent (flè-
ches). Scanner normal.
Le diagnostic d’AIT vertébrobasilaire est souvent porté par
excès en raison du polymorphisme sémiologique de l’ischémie
vertébrobasilaire et de l’absence de spécificité de la plupart de
ses symptômes, surtout lorsqu’ils surviennent isolément. C’est
pourquoi le Ad Hoc Committee for Stroke a retenu comme AIT
vertébrobasilaires les manifestations suivantes :
• les troubles moteurs d’un ou plusieurs membres, très évoca-
teurs lorsqu’ils changent de côté d’un accès à l’autre ; ils
réalisent au maximum une tétraplégie ;
• les troubles sensitifs (engourdissements, fourmillements, ou
hypoesthésie) d’un ou plusieurs membres et/ou de la face,
aussi très évocateurs lorsqu’ils changent de côté ;
• les troubles visuels, à condition qu’ils soient bilatéraux : En 1997, l’American Heart Association recommandait en
hémianopsie latérale homonyme, ou flou visuel des deux première intention le scanner cérébral sans injection, même si
yeux ou cécité corticale ; l’IRM cérébrale était un peu plus sensible dans la détection des
• l’ataxie : démarche ébrieuse ou troubles de l’équilibre sans infarctus et de certains diagnostics différentiels.
vertige ;
En 2005, l’IRM cérébrale devrait être l’examen de première
• la combinaison de ces différents symptômes entre eux.
intention, principalement en raison de sa plus grande sensibi-
En revanche, la dysarthrie, les accès de diplopie, les drop-
attacks et les vertiges ne doivent pas être considérés comme des lité. Certaines séquences sont particulièrement utiles. L’hypersi-
AIT vertébrobasilaires s’ils sont isolés, mais peuvent l’être s’ils gnal sur la séquence de diffusion, témoignant d’un infarctus
sont associés à un ou plusieurs des quatre symptômes récent, apparaît très précocement (dès la première minute chez
précédents. l’animal) alors que les séquences conventionnelles sont encore
normales. Chez l’homme, un hypersignal est visible dans près
AIT « lacunaires » de 50 % des cas après un AIT (la fréquence des anomalies IRM
dépendant de la durée des symptômes : 33 % si < 3 heures,
Les lacunes sont des petits infarctus profonds de moins de
50 % si 3-12 heures et 70 % si 12-24 heures). Une fois sur cinq
15 mm de diamètre dus à l’occlusion d’artérioles de moins de
300 µm de diamètre, par conséquent d’origine non athérosclé- ces lésions n’apparaîtront pas sur les séquences classiques (T1,
reuse (l’athérosclérose étant une affection essentiellement des T2, FLAIR). Cet hypersignal est transitoire, disparaissant en
grosses artères, et parfois des artères de moyen calibre). Leur environ 8 jours. Cette propriété est particulièrement utile pour
occlusion peut être précédée de manifestations transitoires dans affirmer qu’il existe un événement ischémique récent quand le
30 à 40 % des cas. Il s’agit le plus souvent de déficits hémi- sujet a des séquelles d’infarctus. Dans ce cas, les séquences
corporels moteurs proportionnels (touchant avec la même habituelles (FLAIR, T2) montrent plusieurs hypersignaux sans
intensité la face, le bras et la jambe), purs, de brève durée, ou pouvoir différencier la lésion récente des lésions anciennes, en
de paresthésies hémicorporelles strictement isolées affectant à la diffusion seul l’infarctus récent est visualisé sous la forme d’un
fois la face et l’extrémité du membre supérieur et inférieur hypersignal. La séquence en écho de gradient (ou T2 étoile) est
(paresthésies cheiro-oro-podales) ou la face et le bras, le bras et également utile pour visualiser un saignement intracrânien alors
la jambe. On peut aussi observer une hémiparésie et une ataxie que les autres séquences sont beaucoup moins sensibles. Au
ou une dysarthrie main-malhabile transitoire. Leur répétition en cours du même examen, il est possible d’étudier les artères
accès multiples sur une brève durée traduit l’ischémie transitoire intracérébrales (angiographie par résonance magnétique [ARM])
dans un même territoire, véritable claudication d’une branche et les troncs supra-aortiques à la recherche d’une sténose ou
artériolaire d’une perforante en train de s’occlure. d’une occlusion (ARM avec injection de gadolinium), cause de
l’AIT.
Imagerie cérébrale En pratique quotidienne, l’imagerie est indispensable et l’on
Elle est indispensable pour éliminer certaines pathologies réalise donc en urgence celle qui est disponible, c’est-à-dire
responsables de symptômes neurologiques déficitaires transitoi- l’IRM cérébrale chaque fois que possible, le scanner-X par défaut
res d’origine non ischémique (Tableau 4). (Fig. 1).

4 Neurologie
Accident ischémique cérébral et rétinien transitoire ¶ 17-046-A-15

Tableau 5. concomitants. La céphalée apparaît généralement au décours de


Symptômes non acceptables généralement comme AIT (d’après Landi, l’aura mais peut survenir à son acmé. Elle est souvent moins
Lancet 1992;339:401-5). intense que dans la migraine sans aura et les signes d’accompa-
Symptômes non focaux
gnement peuvent manquer. À côté de ces caractéristiques
Perte de connaissance sémiologiques, les antécédents personnels et l’âge jeune du
Sensation de tête vide patient, sont les principaux éléments qui permettent le
Faiblesse généralisée diagnostic.
Confusion mentale
Perte de la vision associée à une baisse de la vigilance Hypoglycémie
Incontinence urinaire ou fécale Elle peut être la cause de symptômes focaux transitoires,
L’un des symptômes suivants s’il est isolé notamment une hémiplégie. Un traitement hypoglycémiant
Vertige chez un diabétique, l’horaire matinal, une confusion, les sueurs
Diplopie et la glycémie au doigt permettent le diagnostic. La glycémie
Dysphagie peut toutefois être normale, voire élevée par effet rebond si elle
Perte d’équilibre
est faite trop tard. À titre exceptionnel, l’hyponatrémie et
Acouphènes
l’hypercalcémie peuvent causer des symptômes focaux
Symptôme sensitif confiné à une partie d’un membre ou de la face
transitoires.
Scotome scintillant
Amnésie
Processus expansif
Drop attacks
Dysarthrie isolée Certaines tumeurs (méningiomes surtout) ou petites hémor-
ragies cérébrales, et des hématomes sous-duraux peuvent être à
l’origine de symptômes transitoires pouvant faire évoquer un
AIT. Certaines malformations vasculaires peuvent donner de
Diagnostic différentiel vrais AIT. L’imagerie cérébrale (scanner, ou mieux, IRM) doit
Tout symptôme neurologique transitoire n’est pas synonyme donc être systématique devant tout AIT.
d’AIT. De nombreux symptômes peuvent traduire une autre
pathologie neurologique non ischémique (Tableau 4). [20] La
Ictus amnésique
confusion mentale, la dysarthrie isolée, et les pertes de connais- Cette amnésie globale transitoire se manifeste par un oubli à
sance brèves ne sont pas des AIT car elles correspondent le plus mesure (amnésie antérograde) durant quelques heures et une
souvent à une perte globale ou bilatérale, mais non focale, de anxiété réactionnelle du patient qui se rend compte de ce qui
la fonction cérébrale. Les pertes de connaissance brèves doivent lui arrive et cherche à obtenir des repères dans le temps
en particulier faire chercher une cause cardiaque. Le trouble de (souvent les patients demandent sans cesse l’heure). Il peut
la vigilance (somnolence ou coma), le trouble de conscience exister un certain degré d’amnésie rétrograde touchant les jours
(rupture de contact) et les phénomènes positifs tels que des ou les semaines précédant l’épisode. La mémoire immédiate est
clonies ou des mouvements anormaux doivent faire douter de conservée. Au décours, il peut persister une amnésie lacunaire
l’existence d’un AIT et faire chercher une autre cause, notam- couvrant la période critique et souvent les jours précédents.
ment épileptique (Tableau 5). L’ictus amnésique ne doit pas être considéré comme un AIT car
D’autres dysfonctionnements neurologiques focaux transitoi- il n’en partage ni le pronostic ni les causes. [22]
res ne sont pas des AIT, au premier rang desquels l’épilepsie
focale (crises motrices, sensitives, sensorielles, ou aphasiques), la Vertige positionnel paroxystique bénin
migraine avec aura, l’hypoglycémie, certaines lésions expansives C’est un vertige rotatoire bref (en général 2 à 20 secondes),
ou malformations vasculaires (Tableau 4). qui survient au changement brusque de position de la tête
comme se tourner dans son lit. Ces vertiges sont dus à une
Épilepsie focale cupulolithiase obstruant le canal semi-circulaire postérieur du
Les crises motrices posent peu de problèmes diagnostiques car labyrinthe. Avec l’interrogatoire, le temps essentiel de l’examen
d’une part les mouvements convulsifs sont exceptionnels dans repose sur la manœuvre de provocation de Dix-Hallpike. Elle
les AIT (« limb shaking » : secousses d’un membre de type consiste à déclencher un vertige bref associé à un nystagmus en
myoclonique qui sont des AIT hémodynamiques [21]) et d’autre couchant brutalement le patient sur le côté, la tête tournée de
part les crises d’épilepsie se manifestent rarement par une 30° par rapport à l’horizontale. Pendant longtemps ces vertiges
paralysie transitoire d’un membre. En revanche, on peut positionnels ont été interprétés, de façon erronée, comme des
observer, après les mouvements convulsifs d’une crise d’épilep- AIT provoqués par une compression d’une artère vertébrale dans
sie, une paralysie transitoire dite post-ictale (paralysie de Todd). les structures osseuses environnantes lors de la rotation de la
Les crises sensitives se distinguent des AIT, par leur mode tête.
d’installation de proche en proche en quelques secondes selon
une « marche » épileptique qui s’oppose à la soudaineté des AIT Chutes et pertes de connaissance du sujet âgé
dont les troubles sensitifs affectent d’emblée la totalité d’un Elles ont de multiples causes possibles, parfois associées. Un
membre ou d’un hémicorps. Les crises sensorielles (altération du AIT est exceptionnellement en cause. Une perte de connaissance
champ visuel dû à une hallucination ou des scintillements) ou brève doit faire chercher une cause cardiaque (trouble de
aphasiques sont souvent impossibles à distinguer des AIT s’il conduction) et pratiquer un électrocardiogramme.
n’existe pas d’arguments anamnestiques et/ou un contexte
évocateur. L’électroencéphalogramme est alors très utile.
■ Comprendre le mécanisme
Migraine avec aura
Il y a deux mécanismes d’ischémie transitoire : l’occlusion
Elle pose souvent des problèmes diagnostiques difficiles,
artérielle, de loin la plus fréquente, et la baisse globale du débit
d’autant que la céphalée peut être absente (notamment au cours
sanguin en aval d’une sténose artérielle serrée sans occlusion
du vieillissement) et que les AIT peuvent être accompagnés de
artérielle.
céphalées, surtout s’ils intéressent le territoire postérieur. La
caractéristique essentielle de l’aura est l’extension progressive
des phénomènes sensoriels, en quelques minutes, qui constitue AIT par occlusion artérielle
la « marche migraineuse ». Elle comporte dans la majorité des
cas des troubles visuels. Les troubles sensitifs, moteurs ou Occlusion embolique
aphasiques, s’ils existent, sont exceptionnellement isolés mais L’occlusion artérielle embolique est à l’origine d’un AIT et
succèdent le plus souvent aux symptômes visuels ou sont non pas d’un infarctus cérébral lorsque l’artère se reperméabilise

Neurologie 5
17-046-A-15 ¶ Accident ischémique cérébral et rétinien transitoire

très vite. Elle a déjà été observée au fond d’œil lors d’amaurose AIT par baisse de débit sans occlusion
fugace. La nature du matériel embolique est variable : agrégats
plaquettaires, thrombus fibrinocruorique, cristaux de
artérielle
cholestérol. [23-25] Le cas le plus fréquent est l’embolie plaquet- La baisse de débit sans occlusion artérielle peut être secon-
taire, matériel friable qui se délite rapidement. Il en résulte une daire à une perturbation hémodynamique, soit générale, soit
occlusion artérielle transitoire et un phénomène ischémique localisée, avec chute sévère de la pression de perfusion artérielle
bref. Les arguments indirects en faveur de ce mécanisme sont : et perte ou dépassement des possibilités de l’autorégulation.
• la constatation de multiples petites occlusions artérielles à
l’angiographie après un AIT carotidien ; [26, 27] Baisse de débit générale
• la fréquence élevée des AIT chez des sujets porteurs de Certains arguments plaident en faveur de ce mécanisme : la
sténoses de la carotide non hémodynamiquement significa- survenue de l’AIT lors du lever chez les patients qui ont une
tive ; hypotension orthostatique et une sténose serrée d’une artère
• la disparition habituelle de ces accidents après occlusion de cérébrale. Ce phénomène paraît plus fréquemment observé dans
la carotide ou après endartériectomie carotide ; le territoire vertébrobasilaire que dans le territoire carotide. [36]
• la fréquence élevée des thrombus muraux, d’ulcération ou de Un autre argument est la survenue (exceptionnelle) d’AIT au
matériel athéromateux friable à l’examen anatomopatho- cours de troubles du rythme cardiaque avec retentissement
logique de sténoses carotides opérées dans le mois qui suit hémodynamique.
l’AIT ; [28]
• la rareté de la survenue simultanée au cours d’un AIT de Baisse de débit localisée
symptômes d’ischémie rétinienne et d’ischémie cérébrale ; La perturbation hémodynamique peut être dans d’autres
• et l’efficacité des antiplaquettaires dans la prévention d’un circonstances localisée. L’exemple le plus remarquable est celui
nouvel AIT ou d’un infarctus cérébral. du vol sous-clavier. [37, 38] En présence d’une sténose de l’artère
La cécité monoculaire transitoire (CMT) d’origine embolique, sous-clavière en amont de l’origine de l’artère vertébrale, le
est généralement décrite par le patient comme un « trou noir », courant sanguin de l’artère vertébrale du même côté peut
ou comme un rideau qui descend devant l’œil. En revanche, la s’inverser pour alimenter l’artère sous-clavière et le bras, en aval
CMT d’origine hémodynamique (liée à une sténose très serrée de la sténose artérielle. Ce faisant, une partie du flux sanguin
de la carotide interne) donne plutôt une vision en damier ou destiné au tronc basilaire venu de l’artère vertébrale controlaté-
l’impression de regarder à travers une vitre embuée. Ces rale est détournée au profit du bras, ce qui peut, en théorie,
symptômes peuvent être déclenchés lors du passage brutal de occasionner des symptômes, notamment lors d’un effort
l’obscurité à une lumière vive ou par une lumière éblouissante. musculaire intense du bras. Cependant, depuis l’avènement du
Le fond d’œil peut alors montrer une hypoperfusion des doppler on s’est aperçu que les vols sous-claviers, bien que
artérioles rétiniennes qui pulsent et se collabent en diastole fréquents, n’étaient qu’exceptionnellement symptomatiques
quand on appuie légèrement sur le globe oculaire. Dans les cas (1 pour 65 pour Harrison [36]). D’autres symptômes de vol ont
les plus sévères, il peut y avoir une rétinopathie ischémique de été décrits. Ainsi, des AIT vertébrobasilaires pourraient survenir
bas débit (dilatation veineuse, microanévrismes périphériques et en l’absence de lésion artérielle vertébrobasilaire mais en
microhémorragies). présence de sténose serrée de l’artère carotide par effet de vol
carotidobasilaire. [39, 40]
Occlusions artérielles non emboliques
Les occlusions artérielles non emboliques font intervenir de ■ Recherche de la cause : étiologie
nombreux mécanismes : spasme, état d’hypercoagulabilité ou
angiopathie non athéroscléreuse (artériopathies inflammatoires, Les causes des AIT sont résumées dans le Tableau 6 et la
infectieuses, ou toxiques, dysplasie artérielle, dissection, etc…). Figure 2. Les causes les plus fréquentes sont l’athérosclérose,
Un spasme des artères rétiniennes a été observé lors d’épiso- l’artériolopathie cérébrale (Fig. 3) et les embolies d’origine
des de cécité monoculaire transitoire isolés [29] ou associés à un cardiaque. Leur fréquence varie selon les études et dépend de la
AIT hémisphérique au cours d’une poussée hypertensive. [30] Le population étudiée (âge, étude en population ou patients
spasme joue un rôle incontesté dans l’hémorragie méningée et hospitalisés dans des unités spécialisées ou pas, critères diagnos-
très vraisemblablement dans la migraine. Il pourrait aussi être tiques). Dans une étude récente portant sur 1 040 patients
impliqué dans les AIT survenant au cours de coronarogra- hospitalisés en unité de neurologie vasculaire l’AIT était dû dans
phies, [31] dans certaines angiopathies après prises de sympatho- 24,7 % des cas à une artériolopathie cérébrale, dans 15 % des
mimétiques ou de cocaïne. [32] Il n’a jamais été observé lors cas à une athérosclérose des gros troncs, dans 14,7 % des cas à
d’un AIT lié à l’athérosclérose. une embolie d’origine cardiaque. La cause n’était pas retrouvée
dans 43,2 % des cas. [41]
Le mécanisme des AIT précédant les lacunes demeure mal
Différents examens doivent être pratiqués pour identifier au
connu. Plusieurs facteurs sont susceptibles d’intervenir dans
plus vite la cause de l’AIC et mettre en place un traitement
l’occlusion non athéroscléreuse de ces artérioles de moins de
préventif adapté.
300 µm de diamètre : l’épaississement de la paroi elle-même
(lipohyalinose), un thrombus local surajouté, voire un spasme
localisé. Recherche d’une sténose artérielle
Un autre mécanisme d’occlusion artérielle pourrait être un L’échographie-doppler couleur des artères extracrâniennes
collapsus artériel systolique en aval d’une sténose ≥ 70 % (Fig. 4)A) cherche une sténose de l’origine de l’artère carotide
comme cela a été montré expérimentalement, [33] ce qui interne, précise son degré, apprécie son retentissement hémo-
pourrait fournir une explication théorique à la plus grande dynamique (inversion du flux de l’ophtalmique), cherche
fréquence des AIT et infarctus cérébraux dans les sténoses d’autres localisations de l’athérosclérose (artères carotide
carotides les plus serrées. primitive, vertébrale ou sous-clavière). Elle recherche également
L’occlusion d’une artère proximale par compression peut en une dissection carotide ou vertébrale.
théorie donner une ischémie transitoire par chute de l’hémody- Le doppler transcrânien apprécie le retentissement hémody-
namique locale en aval. Il faut pour cela que les anastomoses namique en aval d’une sténose extracrânienne ou du siphon
soient déficientes et que les mécanismes d’autorégulation de la carotide (amortissement du flux de la sylvienne) et la qualité du
microcirculation, qui en temps ordinaire protègent remarqua- polygone de Willis (Fig. 4B). Il permet de rechercher une
blement le cerveau, soient dépassés. À titre exceptionnel, la sténose du siphon carotide, de l’artère cérébrale moyenne, des
compression directe d’une artère carotide fortement sténo- artères vertébrales intracrâniennes ou du tronc basilaire.
sée, [34] ou d’une artère vertébrale dans son segment intratrans- L’ARM complète l’échographie-doppler artérielle. Elle étudie
versaire [35] peut occasionner des AIT. les artères intra- (Fig. 5 et extracrâniennes (Fig. 6) (en TOF [time

6 Neurologie
Accident ischémique cérébral et rétinien transitoire ¶ 17-046-A-15

Tableau 6. Figure 3. IRM : infarctus lacunaire


Causes des AIT. (flèche).
Anomalies des artères cérébrales (60-80 %)
Athérosclérose (A. extra- > A. intracrâniennes) (ulcères, sténoses,
occlusions)
Athérosclérose de la crosse de l’aorte
Artériolosclérose (lipohyalinose artériolaire)
Dysplasie fibromusculaire
Dissections des artères extracrâniennes
Maladies inflammatoires (artérite à cellules géantes, LEAD, PAN,
Takayashu, angéite granulomateuse, syphilis, méningite)
Lésion postradique
Compression des artères cervicales
Occlusions intracrâniennes progressives multiples (Moya-Moya)
Angiographie cérébrale
Spasme?
Cardiopathie emboligène (5-20 %)
Fibrillation auriculaire
Infarctus du myocarde
Valvulopathie rhumatismale (RM, IM, RA,…)
Autres valvulopathies (RA, bicuspidie aortique)
Prothèse valvulaire (mitrale > aortique)
Endocardite marastique, infectieuse
Myxome de l’oreillette
Cardiomyopathie dilatée
Fibrose endomyocardique (hyperéosinophilie)
Affections hématologiques et de l’hémostase
Thrombocytémie
Polyglobulie
Leucémie myéloïde
Dysglobulinémie
Drépanocytose
Anticorps antiphospholipides
Contraceptifs oraux
Perturbations hémodynamiques générales
Hypotension artérielle
Trouble du rythme cardiaque
Anémie sévère
Hyperviscosité sanguine
Aucune cause trouvée (5-20 %)
LEAD : lupus érythémateux aigu disséminé ; PAN : périartérite noueuse ; RM :
rétrécissement mitral ; IM : insuffisance mitrale ; RA : rhumatisme articulaire.

1 5

2 Figure 4. Exploration ultrasonographique.


6 A. Échographie carotide : sténose athéroscléreuse de la carotide interne.
B. Doppler transcrânien : artère cérébrale moyenne normale.

Figure 5. ARM en TOF


3 (time of flight) intracrâ-
nien : diminution du flux
7
sanguin dans l’artère syl-
4
8 vienne droite.

Figure 2. Principales causes d’AIT. 1 : athérosclérose intracrânienne ;


2 : plaque carotide avec embolie d’artère à artère ; 3 : plaque de la crosse ;
4. embolie d’origine cardiaque ; 5. maladie des petites artères ; 6. sténose
carotide réduisant le flux sanguin ; 7. fibrillation auriculaire ; 8. maladie
vasculaire ; 9. thrombus du ventricule.

of flight] ou après injection de gadolinium pour les troncs supra-


aortiques). L’angiographie scanner peut aussi être utile, notam- L’IRM en séquence « suppression de graisse » étudie les artères
ment en cas de calcification d’une plaque de l’origine de l’artère extracrâniennes en coupes axiales, à la recherche d’un héma-
carotide interne (Fig. 7). tome de paroi typique du diagnostic de dissection (Fig. 7).

Neurologie 7
17-046-A-15 ¶ Accident ischémique cérébral et rétinien transitoire

Figure 8. Artériographie conventionnelle.


A. Sténose de l’artère vertébrale gauche (flèche).
B. Postangioplastie (flèche).

Figure 6. ARM des troncs supra-aortiques avec injection de gadoli-


nium : sténose serrée à l’origine de la carotide interne (flèche).

Figure 7. IRM cérébrale, séquence avec suppression de graisse : dissec-


tion de l’artère carotide interne. Hématome de paroi (flèche).

Figure 9. Causes cardiaques et aortiques d’embolie cérébrale.


L’angiographie cérébrale est rarement indiquée. Elle permet A. Thrombus dans l’oreillette gauche.
parfois de trancher quand les examens précédents sont discor- B. Plaque et thrombus de la crosse de l’aorte.
dants ou lorsqu’on envisage un traitement endovasculaire d’une
sténose artérielle intra- (Fig. 8) ou extracrânienne.

Recherche d’une embolie d’origine


cardiaque
L’électrocardiogramme et parfois l’échographie cardiaque
transthoracique et transœsophagienne cherchent une source
cardiaque ou aortique d’embolie (Fig. 9).

Autres
Le fond d’œil cherche une embolie de cholestérol (Fig. 10),
un infarctus rétinien, une occlusion d’une artère rétinienne ou
encore des signes de retentissement d’une HTA.
Numération et formule sanguine, et vitesse de sédimentation
complètent les explorations initiales. En l’absence de cause
trouvée avec ces premières explorations, d’autres examens sont
pratiqués selon les cas : ponction lombaire, tests immunologi-
ques, examen de l’hémostase. Figure 10. Fond d’œil. Embolie de cholestérol (flèche).

8 Neurologie
Accident ischémique cérébral et rétinien transitoire ¶ 17-046-A-15

Recherche de facteurs de risques vasculaires côté que la sténose à 3 ans (recommandation grade 1A). Les
sténoses comprises entre 30 et 70 % (50 % NASCET) ne sont, à
systématique (HTA, bilan lipidique l’heure actuelle, pas des indications à un traitement chirurgical
et glycémique) (recommandations grade 1 B).
L’établissement du score de risque cardiovasculaire absolu Les autres sièges de sténose athéroscléreuse n’ont pas fait
(RCVA) permet une estimation du risque cardiaque et cérébral à l’objet d’essai thérapeutique et il n’y a donc pas encore de
10 ans. Cette démarche permet d’informer le patient et de le preuve d’un effet préventif de la chirurgie pour l’artère verté-
responsabiliser, de lui fixer des objectifs de prévention. brale proximale ou des thérapeutiques endovasculaires pour les
sténoses des troncs supra-aortiques proximaux et des artères
cérébrales intracrâniennes. Les indications sont donc fondées
■ Traitement sur le « cas par cas ».
Les progrès incontestables des techniques chirurgicales et des
L’AIT doit être considéré comme le principal symptôme thérapeutiques endovasculaires permettent désormais d’envisa-
annonciateur d’un infarctus cérébral. La prise en charge diffère ger de traiter certains patients à très haut risque de récidive ou
dans les premières heures suivant la cause de l’AIT. d’infarctus cérébral définitif. La décision est toujours extrême-
ment délicate à prendre et requiert un consensus au sein de
l’équipe médicale spécialisée. Ceci bien entendu en attendant le
En urgence résultat des futures études randomisées qui élèveront le niveau
Au domicile du patient ou dans le cabinet de consultation, de preuve de l’efficacité et de la tolérance de ces gestes, qui
donner 300 mg d’aspirine per os ou 500 mg d’aspirine par voie restent de nos jours, à haut risque.
intraveineuse. Il n’y a pas d’urgence à faire baisser la pression En cas de sténose symptomatique d’une artère carotide
artérielle, même si elle paraît très élevée, car cela risquerait interne sous-pétreuse, intrapétreuse du siphon ou de sa termi-
d’entraîner une hémiplégie définitive, au moins jusqu’à ce que naison, ou encore du segment M1 de l’artère cérébrale
le bilan ultrasonographique (écho-doppler et doppler transcrâ- moyenne, d’une artère vertébrale en V3 ou intracrânienne (en
nien) et/ou l’ARM ait éliminé une sténose serrée ou une V4) ou du tronc basilaire, seules les sténoses récidivantes sous
occlusion d’une artère cérébrale. traitement médical maximal feront l’objet d’une discussion au
cas par cas d’une revascularisation (rapport bénéfice/risque
insuffisamment évalué – recommandation de grade 2C).
Dans les heures et jours suivant l’AIT Une sténose serrée de l’origine de l’artère vertébrale ou de
l’artère sous-clavière prévertébrale symptomatique peut être
AIT liés à l’athérosclérose traitée chirurgicalement (par réimplantation du bout distal de
En plus du traitement de fond par aspirine (recommandation l’artère dans l’artère carotide primitive du même côté, chirurgie
grade 1A) (Tableau 7), lorsqu’on suspecte une source artérielle dont la morbidité est réputée très faible) ou par voie endovas-
d’embolie, c’est-à-dire un thrombus développé sur l’ulcération culaire lorsque la plaque d’athérosclérose touche à la fois,
d’une plaque d’athérosclérose, le traitement anticoagulant est comme c’est le cas le plus fréquent, l’origine de l’artère verté-
souvent utilisé dans le but d’éviter l’extension du thrombus et brale et l’artère sous-clavière prévertébrale (rapport bénéfice/
la récidive d’embolie à partir du thrombus. Aucune étude n’a risque insuffisamment évalué – recommandation de grade 2C).
démontré le bien-fondé de cette attitude, aussi doit-on l’utiliser
avec la plus grande prudence (aucune recommandation ne peut AIT par embolie d’origine cardiaque
être donnée). En cas de source cardiaque d’embolie avérée (rétrécissement
Le repos au lit est indiqué, la tête plus basse que les pieds mitral, prothèse valvulaire mécanique, infarctus du myocarde
lorsqu’il existe des signes cliniques posturaux avec un amortis- avec thrombus mural, thrombus intra-auriculaire avec fibrilla-
sement important des vitesses des artères intracrâniennes au tion auriculaire, cardiomyopathie dilatée) le traitement par
doppler transcrânien (recommandation grade 2C). héparine n’est utilisé qu’après avoir vérifié la normalité du
Lorsque l’AIT révèle une sténose de l’origine de l’artère scanner cérébral. L’héparine est perfusée à la seringue électrique
carotide du côté opposé aux symptômes, une endartériectomie en visant un allongement du temps de céphaline activaté (TCA)
carotide est envisagée si la sténose est égale ou supérieure à de 1,5 à 2 fois celui du témoin (ou héparine de bas poids
70 % réduisant le risque d’infarctus cérébral de 65 à 80 % [42] moléculaire, pour un anti-Xa entre 0,5 et 1). Le relais est
(recommandation grade 1A). Une sténose inférieure à 30 % immédiatement pris par les anticoagulants par voie orale en
n’est pas une indication à l’endartériectomie car le risque visant un INR entre 3 et 4,5 (recommandation de grade 2C+ ).
chirurgical est supérieur au risque d’infarctus cérébral du même En cas de fibrillation auriculaire non valvulaire, le traitement
antivitamine K (Coumadine® ou Previscan®) à faible dose en
visant un INR à 2,5 (entre 2 et 3) réduit le risque de récidive de
Tableau 7.
60 % environ (recommandation de grade 1A). L’aspirine réduit
Niveau de recommandations.
le risque de 20 % de façon non significative. Le traitement
1 - Rapport bénéfice/risque 2 - Rapport bénéfice/risque anticoagulant oral est donc le traitement de choix, mais
établi non établi l’aspirine ou une association d’antiplaquettaires est utilisée en
A - Essais randomisés sans limite méthodologique cas de contre-indication du traitement antivitamine K.
(Recommandations fortes s’appliquant sans réserve à la plupart des
patients et dans la plupart des circonstances) Traitement spécifique des autres causes
B - Essais randomisés avec méthodologie ou résultats discutables* Dissection carotide ou vertébrale : anticoagulation pendant
(Recommandations fortes pouvant s’appliquer à la plupart des patients) quelques semaines (recommandation de grade 2C) ; thrombocy-
témie : antiplaquettaire et chimiothérapie ; polyglobulie :
C+ Absence d’essai randomisé mais les résultats des essais cliniques
saignée, etc…
peuvent être extrapolés sans équivoque ou études d’observation
concordantes suffisant à établir le rapport bénéfice/risque (consensus
professionnel) Traitement à long terme
(Recommandations fortes pouvant s’appliquer à la plupart des patients
dans la plupart des circonstances) AIT lié à l’athérosclérose
C - Études d’observation seulement Le traitement médical préventif est indiqué pour tous :
(Recommandations intermédiaires 1C, ou faibles, voire très faibles 2C) traitement des facteurs de risque (HTA, tabac, cholestérol,
* Absence d’aveugle, critères de jugement subjectifs, risque de biais élevé dans la
obésité, diabète), et traitement antithrombotique antiplaquet-
mesure du critère de jugement, essais randomisés avec beaucoup de patients taire (aspirine à la plus petite dose disponible, 75 mg/j - recom-
perdus de vue. mandation de grade 1A - et jusqu’à 300 mg/j pour d’autres, ou

Neurologie 9
17-046-A-15 ¶ Accident ischémique cérébral et rétinien transitoire

Figure 11. Risque cardiovasculaire absolu.

clopidogrel 75 mg/j ou l’association aspirine 50 mg/j- Prise en charge du risque cardiovasculaire absolu
dipyridamole à libération prolongée).
Lorsque l’AIT fait découvrir une sténose carotide serrée L’AIT doit aussi être considéré comme un marqueur d’athé-
asymptomatique (c’est-à-dire non responsable de l’AIT), l’endar- rosclérose. À ce titre, il doit faire envisager une prise en charge
tériectomie carotide n’est indiquée qu’en cas de sténose serrée globale de la maladie athéroscléreuse du patient, avec en
> 70 % chez un patient (plutôt un homme) ayant une espé- particulier un dépistage de la maladie coronarienne, d’une
rance de vie supérieure à 5 ans (recommandation de grade 1B) artérite des membres inférieurs et d’une HTA.
et d’autant plus qu’il existe un retentissement hémodynamique Le calcul du RCVA est désormais une étape majeure et
au doppler transcrânien, ou à l’angiographie par résonance indispensable de l’évaluation de ces patients (Fig. 11). Il permet
magnétique en TOF du cercle de Willis, ou un cercle de Willis pour chaque tranche d’âge d’estimer le risque vasculaire
incomplet, ou encore une sténose qui progresse à deux examens coronaire et cérébral à 10 ans, et d’ainsi fixer des objectifs de
ultrasonores séparés de quelques mois. prévention au patient, qui doit se les « approprier ». Par
exemple, la réduction systématique de la pression artérielle
AIT dans les infarctus de cause inconnue du sujet systolique de 10 mmHg et de la pression artérielle diastolique
« jeune » de 5 mmHg réduit le risque de récidive à 4 ans de 40 % [44] y
compris chez les sujets qui ont une pression artérielle « nor-
Les AIT survenant chez les sujets de moins de 55 ans associés male », c’est-à-dire selon l’OMS inférieure à 140/90. La réduc-
à un foramen ovale perméable ont un risque de récidive faible tion du LDL cholestérol par une statine diminue le risque d’AVC
sous traitement par 300 mg d’aspirine par jour (1 % par an), à 3 ans de 25 % et d’infarctus du myocarde de 30 % chez les
équivalent aux patients qui n’ont pas d’anomalie du septum sujets hypertendus non hypercholestérolémiques (c’est-à-dire
interauriculaire, après ajustement sur les facteurs de risque LDL < 1,60 g/l ou < 3,9 mmol/l). [45]
vasculaire. [43] Chez ces patients, comme chez ceux qui n’ont
qu’un anévrisme du septum interauriculaire (risque très faible
sous aspirine, voisin de 0), le traitement par aspirine seul peut
être recommandé en première intention s’il n’y a pas d’autres ■ Références
facteurs surajoutés (recommandation de grade 2C), en attendant
[1] Levy DE. How transient are transient ischemic attacks? Neurology
les résultats d’essais randomisés. En cas d’association de foramen
1988;38:674-7.
ovale perméable avec un anévrisme du septum interauriculaire [2] Marler JR, Tilley BC, Lu M, Brott TG, Lyden PC, Grotta JC, et al. Early
(risque de 4 % par an [43]), ou avec un état d’hypercoagulabilité, stroke treatment associated with better outcome: the NINDS rt-PA
un antécédent d’infarctus cérébral ou d’AIT inexpliqué, une stroke study. Neurology 2000;55:1649-55.
phlébite profonde, les données sont insuffisantes pour émettre [3] Kidwell CS, Alger JR, Di Salle F, Starkman S, Villablanca P, Bentson J,
une recommandation ferme, et les différentes options thérapeu- et al. Diffusion MRI in patients with transient ischemic attacks. Stroke
tiques envisagées sont alors un traitement antiplaquettaire au 1999;30:1174-80.
long cours (seul ou association d’antiplaquettaires) ou un [4] Engelter St. Provenzale JM, Petrella JR, Alberts MJ. Diffusion MR
traitement anticoagulant oral (avec un risque de saignement de imaging and transient ischemic attacks. Stroke 1999;30:2762-3.
1 à 2 % par an), ou la fermeture endovasculaire du foramen [5] Albers GW, Caplan RL, Easton JD, Fayad PB, Mohr JP, Saver JL, et al.
ovale perméable. Ces options devront être évaluées dans des Transient ischemic attack-proposal for a new definition. N Eng J Med
essais thérapeutiques randomisés. 2002;347:1713-6.

10 Neurologie
Accident ischémique cérébral et rétinien transitoire ¶ 17-046-A-15

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P. Lavallée.
P. Amarenco (pierre.amarenco@bch.ap-hop-paris.fr).
SOS-AIT, service de neurologie et centre d’accueil et de traitement de l’attaque cérébrale, hôpital Bichat, 46, rue Henri-Huchard, 75018 Paris.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos / Documents Information Informations Auto-
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

Neurologie 11
¶ 25-110-A-10

Céphalées aiguës
A. Fromont, D. Ben Salem, T. Moreau, F. Ricolfi, M. Giroud

Les céphalées sont un motif fréquent de consultation au service des urgences. Heureusement, les
céphalées associées à une morbidité et une mortalité importantes surviennent peu souvent. Le médecin
des urgences doit être capable d’écarter une maladie organique ou mettant en jeu le pronostic vital. Un
bon interrogatoire est l’élément capital du diagnostic étiologique. Cet article fait une revue des principales
étiologies des céphalées de l’adulte et de l’enfant.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Céphalée de l’adulte ; Céphalée de l’enfant ; Migraine ; Hémorragie méningée ; Méningite ;
Anévrisme ; Dissection ; Accident vasculaire cérébral ; Thrombophlébite cérébrale

Plan pour sélectionner les patients pour lesquels des investigations


complémentaires seront inutiles, et ceux qui nécessitent un
bilan rapide. C’est un symptôme banal et redouté à la fois.
¶ Introduction 1
¶ Physiopathologie 1
¶ Différentes causes des céphalées aiguës de l’adulte 2 ■ Physiopathologie
Céphalées aiguës brutales isolées 2
Céphalées aiguës brutales associées à des déficits neurologiques C’est essentiellement la physiopathologie de la migraine qui
focalisés 4 a été étudiée. Il est habituel de calquer celle des céphalées sur
¶ Céphalées d’installation rapidement progressive 6 ce modèle.
Hypertension intracrânienne 6 Divers mécanismes sont possibles : [1] la distension, traction
Thromboses veineuses cérébrales 7 ou dilatation des artères intra- ou extracrâniennes ; la traction
Céphalées et fièvre 7 ou le déplacement des grosses veines intracrâniennes ou de
Maladie de Horton 7 l’enveloppe durale ; la compression, la traction des nerfs
Crise de migraine 7 crâniens ; le spasme, l’inflammation et les traumatismes des
muscles du crâne et du cou ; l’inflammation des méninges et
¶ Nouvelles céphalées 7
l’augmentation de la pression intracrânienne.
Hemicrania continua 7
La douleur est alors transmise par le nerf trijumeau à partir
Sunct syndrome (« short lasting unilateral nevralgiform pain with
des terminaisons nerveuses implantées sur la paroi des vaisseaux
conjonctival injection and tearing ») 7
sanguins de la dure-mère et de la pie-mère. [2] La sensation de
¶ Céphalées de l’enfant 7 douleur est produite par la libération de peptides neurotropes
Étape diagnostique 7 (calcitonin gene related peptide [CGRP], substance P, tachykinines)
Place de l’examen clinique 8 stockés dans les fibres C afférentes innervant les vaisseaux
Place des examens paracliniques 8 cérébraux. Ces neuropeptides sont vasoactifs et stimulent les
Conduite à tenir 8 cellules endothéliales, les mastocytes et les plaquettes formant
¶ Conclusion 10 la cascade inflammatoire : vasodilatation, augmentation de la
perméabilité aux protéines plasmatiques provoquant une
inflammation périvasculaire. [3] Ce processus « inflammatoire
neurogène » du parenchyme cérébral est un modèle qui a été
■ Introduction proposé comme mécanisme physiopathologique des céphalées.
Cependant, les essais cliniques sur les inhibiteurs sélectifs de
Les céphalées, toutes étiologies confondues, représentent 2 % l’inflammation n’ont pas prouvé leur efficacité.
des motifs de consultation dans un service d’urgence et 4 % des Les récepteurs sérotoninergiques (5HT1) sont les principaux
consultations de médecine générale. Leurs causes étant multi- récepteurs impliqués dans la douleur car ils commandent le
ples, le problème essentiel est de distinguer les céphalées relargage des peptides neurogènes et provoquent la vasocons-
essentielles, bénignes, les plus fréquentes, des céphalées symp- triction des vaisseaux duraux dilatés. [4]
tomatiques d’une affection organique dont certaines peuvent Ces mécanismes ont servi de base aux traitements actifs dans
engager le pronostic vital et sont donc des urgences médicales. les céphalées.
Pour cela, un interrogatoire soigneux du patient ou de son Les traitements doivent prévenir ou suspendre l’inflammation
entourage est capital pour connaître le mode d’installation et la provoquée par la libération des neuropeptides. Les récepteurs
trajectoire immédiate de l’intensité et de la durée de la céphalée, 5HT1 sont considérés comme les plus actifs dans les céphalées.
critères qui sont très discriminants sur le plan étiologique, et La sérotonine est un vasoconstricteur puissant et un traitement

Médecine d’urgence 1
25-110-A-10 ¶ Céphalées aiguës

efficace de la migraine. Les médicaments qui ont une affinité que soit leur cause. Mais ce signe est tardif et absent en cas de
pour les récepteurs 5HT sont les traitements de prédilection des coma ou inconstant chez l’enfant. Chez les patients ininterro-
céphalées aiguës. Les tryptans, agonistes spécifiques des récep- geables ou dont les symptômes sont confus, il est parfois
teurs 5HT1, ainsi que la dihydroergotamine et le métoclopra- difficile de suspecter ce diagnostic. Une crise d’épilepsie peut
mide et la prochlorpérazine agissent comme la sérotonine. [1, 5] accompagner une hémorragie méningée dans 6 à 16 % des
cas [17] et une confusion chez 1 à 2 % des patients. [18] Il est
souvent difficile de faire la différence entre une hémorragie
■ Différentes causes des céphalées méningée spontanée et post-traumatique. L’interrogatoire du
patient ou de l’entourage est alors fondamental.
aiguës de l’adulte Causes.
• La cause la plus fréquente est la rupture d’un anévrisme
Généralement, on désigne par céphalée aiguë un mal de tête
artériel intracrânien, représentant plus de 80 % des cas.
à début brutal, d’emblée maximal, souvent qualifié de thunder-
• Un anévrisme de l’artère communicante antérieure révélé par
clap headache ou céphalée en « coup de poignard ». Ce symp-
une cécité monoculaire.
tôme est souvent considéré comme pathognomonique de la
• Un traumatisme crânien.
rupture d’un anévrisme cérébral. Cependant, un nombre non
• Une malformation artérioveineuse durale.
négligeable d’autres pathologies peuvent débuter par ce type de
céphalée aiguë : l’hémorragie méningée d’autre origine, la • Un anévrisme mycotique dans le cadre d’une endocardite
thrombophlébite cérébrale, l’apoplexie hypophysaire, l’hypo- surtout si les symptômes remontent à plusieurs jours, voire
tension intracrânienne, l’encéphalopathie hypertensive, l’héma- semaines, et s’il existe des antécédents cardiaques.
tome rétroclival, la dissection d’une artère cérébrale. • Une malformation artérioveineuse spinale. Le diagnostic est
évoqué devant une douleur basicervicale brutale ou intersca-
pulaire avec ou sans irradiation dans un bras, [19] ou dans un
Céphalées aiguës brutales isolées membre inférieur (importance du signe de Lasègue).
Un premier épisode de céphalée aiguë brutale isolée doit faire • Une dissection d’une artère vertébrale, généralement secon-
évoquer en premier lieu une hémorragie méningée. D’autres daire à un traumatisme mineur ou à un mouvement brusque
causes sont possibles mais plus rares sous cette présentation, et inhabituel, peut se rompre dans l’espace sous-arachnoïdien.
associées alors à des signes cliniques : dissections des artères Elle peut comprimer les nerfs crâniens IX et X et peut se
cervicales, encéphalopathie hypertensive et thrombose veineuse manifester par des signes cérébelleux.
cérébrale (TVC). • L’association cocaïne-hémorragie méningée doit faire recher-
cher un anévrisme. [20, 21]
Hémorragie méningée • Une atteinte partielle ou complète de la troisième paire
crânienne peut révéler un anévrisme situé sur l’artère carotide
Épidémiologie interne (ACI) à l’origine de l’artère communicante posté-
Il s’agit d’une urgence neurochirurgicale majeure. L’hémor- rieure, ou sur l’extrémité du tronc basilaire.
ragie méningée représente 3 % de toutes les urgences et 5 % • Une augmentation de pression du liquide céphalorachidien
des morts brutales. [6] Une méta-analyse sur l’incidence (LCR) non spécifique entraînant une paralysie de la VIe paire
des hémorragies méningées retient le chiffre de 10,5 pour crânienne souvent bilatérale.
100 000 personnes-année (PA). [7] Des études plus récentes • Une apoplexie hypophysaire révélatrice d’un adénome : la
donnent des incidences plus faibles : 6,9 pour 100 000 PA. [8] douleur est sus-nasale et peut s’accompagner d’une hémia-
L’âge des patients est plus jeune que pour les autres accidents nopsie bitemporale et d’une ophtalmoplégie.
vasculaires cérébraux (AVC) avec un pic à 60 ans. [9, 10] Le sex- L’existence d’une hémiparésie ne contribue que faiblement au
ratio femme/homme est de 1,6. L’hémorragie méningée est plus diagnostic étiologique car il s’agit d’un signe non spécifique.
fréquente chez les sujets de race noire (2,1 fois plus fré- Examens complémentaires.
quente). [11] En Finlande et au Japon, l’incidence est plus Scanner cérébral. Le scanner cérébral sans injection de produit
importante que dans le reste du monde. de contraste est le premier examen à réaliser en urgence en cas
de suspicion d’hémorragie méningée. Elle se traduit par une
Facteurs de risque hyperdensité spontanée dans les espaces sous-arachnoïdiens et
Ils sont de plusieurs types. Une prédisposition familiale est les citernes de la base si le taux d’hémoglobine est normal. En
retrouvée dans environ 20 % des hémorragies méningées. [12] dessous de 10 g/dl, le sang peut apparaître isodense. La réparti-
Une association à certaines maladies héréditaires telles que les tion de l’hémorragie méningée permet souvent de présager de
connectivites, la polykystose rénale, la neurofibromatose de type la localisation de l’anévrisme. [22] Le scanner cérébral peut
1, la maladie d’Ehlers-Danlos type 4, a été décrite. Le tabagisme, donner des faux positifs en cas d’œdème généralisé du cerveau
l’hypertension artérielle, l’exogénose sont liés avec un risque car il existe une congestion veineuse dans l’espace sous-
d’hémorragie méningée avec un odd ratio de 2 à 3. [13] L’utilisa- arachnoïdien qui peut simuler une hémorragie méningée, [23]
tion de contraceptifs oraux, dans une étude récente, s’accompa- d’où l’intérêt de ne pas injecter d’emblée de produit de
gne d’un risque relatif de 1,42. [14] Le traitement hormonal contraste. Le scanner cérébral doit être interprété avec soin au
substitutif ainsi que l’augmentation du taux de cholestérol ont risque de laisser passer des saignements mineurs. Cependant, le
un risque relatif non significatif. [13] scanner peut être normal dans 5 % des cas, et on ne peut
exclure formellement une hémorragie méningée. En effet, s’il
Diagnostic est réalisé dans les 12 heures, on trouve 2 % de scanner cérébral
Signes cliniques. Un des signes les plus importants est normal chez les patients avec hémorragie méningée. [24] La
l’apparition brutale d’une céphalée inhabituelle (« brutale sensibilité du scanner diminue au cours du temps à partir de la
céphalée ») et très sévère contrastant avec l’absence de signes survenue des symptômes. La circulation du LCR et la lyse
déficitaires, les seuls signes se résumant en la raideur de nuque, spontanée des hématies font disparaître le saignement. Ainsi,
les signes de Kernig et de Brudzinski. Plus que la sévérité de la l’étude de Van Gijn et al. [25] trouve une sensibilité de 98 % le
céphalée, c’est le mode d’installation ictale qui est évocateur. jour de la rupture, de 86 % 5 jours plus tard, de 76 % 7 jours
Des signes focaux peuvent apparaître après un laps de temps après et de 58 % 12 jours après. Lorsque le scanner est normal,
court traduisant la constitution d’une collection hématique ou la ponction lombaire est indispensable car elle permet seule
un spasme artériel en aval de l’anévrisme à l’origine d’une d’affirmer l’hémorragie méningée.
atteinte parenchymateuse ischémique (un patient sur trois). [15, Ponction lombaire. Elle doit être réalisée devant toute suspicion
16] Une perte de connaissance pendant plus de 1 heure est d’hémorragie méningée avec scanner cérébral normal ou
présente chez la moitié des patients. Les vomissements accom- ininterprétable du fait des artefacts osseux ou d’un taux
pagnent 70 % des ruptures d’anévrismes, et la raideur de nuque d’hémoglobine trop bas. En effet, la ponction lombaire détecte
est un signe commun à toutes les hémorragies méningées quelle les hémorragies méningées non détectées par le scanner. C’est

2 Médecine d’urgence
Céphalées aiguës ¶ 25-110-A-10

aussi l’examen fondamental si on craint une méningite. Une supérieure à celle de l’oxygène. Il se forme alors de la car-
ponction lombaire en première intention peut être réalisée en boxyhémoglobine responsable d’une hypoxie par défaut de
l’absence de contre-indication (trouble de conscience...). La transport en oxygène.
ponction lombaire est traumatique dans environ 20 % des cas.
Il est souvent difficile de la différencier d’une véritable hémor- Hypertension intracrânienne bénigne (HIB)
ragie méningée. Pour contourner ce problème, ni l’impression ou hypertension intracrânienne idiopathique
clinique de l’opérateur, ni l’épreuve des trois tubes, ni la ou pseudotumor cerebri
présence d’une xanthochromie ne sont entièrement satisfaisan-
tes. Seul un liquide clair obtenu par une nouvelle ponction faite Épidémiologie
un espace plus haut permet d’éliminer une hémorragie ménin- Son incidence annuelle est de une à deux personnes pour
gée. Dans le cas contraire, une artériographie ou à défaut une 100 000. [29] Elle est plus fréquente chez la femme (femme/
imagerie par résonance magnétique (IRM) couplée à une homme = 1-8/0-1), surtout chez l’obèse.
angiographie par résonance magnétique (ARM) devront être
réalisées. Clinique
IRM cérébrale. Au moment de la rupture de l’anévrisme, elle La céphalée est le symptôme révélateur chez 90 % des
n’est pas meilleure que le scanner cérébral pour la détection de patients. [29, 30] La céphalée est sévère, pulsatile. [31, 32] Elle peut
l’hémorragie méningée. Si le malade est vu à distance (au-delà parfois réveiller le patient, elle est exacerbée lors de la manœu-
de 40 jours), l’IRM cérébrale au temps T1* est supérieure au vre de Valsalva (lors de la toux par exemple). La céphalée
scanner, c’est aussi l’examen nécessaire en cas de scanner secondaire à une HIB est souvent différente des céphalées
normal et de ponction lombaire hémorragique. Cependant, du précédentes. [31, 33] La baisse de l’acuité visuelle transitoire de
fait de sa large implantation, de son coût plus faible et de son quelques secondes, uni- ou bilatérale, est un autre symptôme
interprétation plus facile, le scanner cérébral doit rester l’exa- fréquent d’HIB. [29, 30] L’HIB peut être révélée par un œdème
men de première intention. papillaire bilatéral. [29, 30, 32, 34] De rares cas d’HIB et œdème
Angiographie. Elle est indispensable pour rechercher l’ané- papillaire unilatéral ou HIB sans œdème papillaire ont été
vrisme qui représente la cause la plus fréquente de l’hémorragie rapportés. [34] Les autres signes neuro-ophtalmologiques sont : la
méningée. L’artériographie est le gold standard de la recherche de paralysie de la VIe paire crânienne, un élargissement de la tache
l’anévrisme, rompu ou non, mais cette technique s’accompagne aveugle, une perte visuelle périphérique et une cécité dans 5 à
de 1,8 % de complications (hématome au point de ponction, 10 % des cas. [34]
rupture de l’anévrisme au décours ou après l’artériographie [5 %
dans les 6 heures]). [26] Aussi, elle tend à être supplantée par Examens complémentaires
l’IRM-ARM qui est, certes, moins invasive mais moins fiable à À la ponction lombaire, une augmentation de la pression du
la phase aiguë. De plus, l’artériographie peut permettre dans LCR modérée est trouvée chez la plupart des patients (18 à
certains cas, au cours du même examen, l’embolisation de 25 mmHg), mais elle peut atteindre 50 mmHg. [29, 34] Le LCR
l’anévrisme, ce qui constitue le traitement des récidives est normal, parfois il y a une hypoprotéinorachie. [29, 31, 34]
potentielles. Le scanner cérébral et l’IRM cérébrale sont normaux. Parfois
cependant, on trouve de petits ventricules. Une selle turcique
Céphalées coïtales vide est détectée chez 55 % des patients. Une gaine du nerf
Lorsque la céphalée coïtale survient pendant l’orgasme à optique dilatée sur le scanner cérébral a été rapportée. [35]
glotte fermée, il s’agit souvent d’une hémorragie méningée. Critères diagnostiques
Lorsqu’elle survient pendant la phase préliminaire, ou après
l’orgasme, on retrouve plus rarement une hémorragie méningée La Société internationale des céphalées a suggéré les critères
et on évoque alors une hyperpression veineuse. diagnostiques suivants :
• augmentation de pression intracrânienne (> 200 mmH2O) ;
Intoxication à l’oxyde de carbone • examen neurologique normal hormis un œdème papillaire et
une possible paralysie de la VIe paire crânienne ;
La céphalée est moins ictale que dans l’hémorragie méningée. • aucune tumeur ni dilatation ventriculaire sur l’imagerie
Elle survient dans un contexte évocateur, associée à des vomis- cérébrale ;
sements, une vasodilatation, une tachycardie, des signes • protéinorachie normale ou diminuée et décompte des globu-
d’ischémie sous-épicardique sur l’électrocardiogramme. les rouges normaux dans le LCR ;
Elle représente 40 000 entrées par an aux urgences aux États- • aucune suspicion clinique ou neuroradiologique pour une
Unis. [27] Dans la série de Burney et al., [28] sur 160 personnes thrombophlébite cérébrale.
intoxiquées par le CO, 90 % présentaient des céphalées
importantes. Causes
L’intoxication au CO regroupe divers symptômes : céphalées, L’HIB est associée à diverses maladies et circonstances : des
vertiges, nausées, acouphènes, hallucinations, obnubilation maladies endocriniennes (hypothyroïdie, hyperthyroïdie,
pouvant aller jusqu’au coma. La céphalée a une localisation hypoparathyroïdie, maladie d’Addison, syndrome de Cushing),
frontale le plus souvent, temporale ou occipitale. Son intensité la prise de certains médicaments et drogues (hypervitaminose A,
n’est pas corrélée au taux d’HbCO. stéroïdes, tétracycline, minocycline, acide nalidixique, hormo-
Deux signes spécifiques peuvent néanmoins orienter le nes thyroïdiennes, L-thyroxine, amiodarone, nitrofurantoïne,
diagnostic. D’une part, la coloration « cochenille » des tégu- lithium, cimétidine, cotrimoxazole, tamoxifène, ciprofloxacine,
ments et d’autre part, le syndrome pyramidal et l’hypertonie indométacine, kétoprofène, phénytoïne, kétamine, oxyde nitré),
généralisée. Des cas de paralysie (tétra-, para- ou hémiplégie) des maladies de système (lupus érythémateux disséminé,
sont rencontrés, ils sont de mauvais pronostic. maladie de Behçet, hémoglobinurie paroxystique nocturne,
En l’absence de traitement, la mort survient par collapsus. sarcoïdose, hypertension artérielle, virus de l’immunodéficience
Dans le cas contraire, de graves complications neuropsychiatri- humaine [VIH]), des maladies hématologiques (hypercoagulabi-
ques peuvent survenir : obnubilation, agitation, désorientation, lité, carence martiale), autres causes (obésité, prise de poids,
céphalées chroniques, troubles mnésiques et parfois syndrome grossesse, ménopause, règles irrégulières, traumatisme crânien,
cérébelleux. thombophlébite cérébrale, syndrome de Turner, syndrome cave
L’interrogatoire du patient ou de son entourage permet de supérieur, sclérose en plaques, malformation artérioveineuse,
rechercher une exposition volontaire ou accidentelle à des gaz hémicrânie paroxystique chronique).
d’échappement ou dans une atmosphère confinée.
Physiopathologie
L’utilisation d’oxygène soulage les céphalées, mais lorsque le
taux dépasse 1,35 mmol/l, un traitement par caisson hyperbare Elle n’est pas bien connue. Cette hypertension intracrânienne
s’impose car l’affinité du CO pour l’hémoglobine est 200 fois serait dûe pour les uns à un œdème cérébral osmotique et

Médecine d’urgence 3
25-110-A-10 ¶ Céphalées aiguës

vasogénique provoqué par l’obésité, l’insuffisance stéroïdienne, La ponction lombaire met en évidence un LCR avec la
la maladie d’Addison et la prise de certains médicaments. Cette plupart du temps une cytologie et une biochimie normales.
théorie est confortée par l’observation de ventricules et d’espa- Parfois, une hyperprotéinorachie légère, une petite lymphocy-
ces contenant le LCR de petites tailles sur le scanner cérébral et tose et une augmentation des globules rouges sont retrou-
la constatation sur l’IRM cérébrale d’une augmentation de la vées. [31, 40] La pression d’ouverture du LCR est basse
diffusion de l’eau. Sur les biopsies cérébrales, un œdème est (< 60 mmH2O), parfois non mesurable.
également retrouvé. Pour d’autres, une augmentation de Le scanner et l’IRM cérébraux sont normaux. Parfois, l’IRM
pression du LCR par diminution du flux de sortie sans ou avec cérébrale peut révéler une prise de contraste des méninges, un
augmentation du volume sanguin intracrânien expliquerait hydrome sous-dural, un hématome sous-dural. [41]
cette HIB. Cette théorie s’appuie sur la diminution de la Schaltenbrand suggère que l’hypotension intracrânienne
clairance des traceurs introduits dans le LCR et la réduction de résulte de trois mécanismes différents. Le premier est une
l’absorption du LCR mesurée par la méthode de la perfusion production de LCR par les plexus choroïdes diminuée à cause
lombolombaire. Cette diminution d’absorption du LCR pourrait d’un spasme des vaisseaux choroïdiens. Le second est dû à une
être génétiquement déterminée si elle est primaire ou secondaire hyperabsorption du LCR. Cette théorie est supportée par la
à une augmentation du volume du sang intracrânien. disparition rapide des traceurs radioactifs de l’espace sous-
arachnoïdien au cours de la cysternographie. [31] Le dernier
Traitement mécanisme est celui d’une fuite de LCR prouvée lors de myélo-
Le but du traitement est d’arriver à réduire la pression graphie et de cysternographie où l’on constate une extravasa-
intracrânienne afin de prévenir les complications visuelles de ce tion du produit de contraste. [42]
syndrome, soulager les maux de tête et corriger les facteurs de Le traitement de l’hypotension intracrânienne bénigne
prédisposition s’ils existent. Pour cela, on a recours à des consiste en un repos au lit. Si ce dernier s’avère insuffisant, on
ponctions lombaires itératives, aux corticoïdes, aux diurétiques aura recours aux corticoïdes, à la caféine. Rando et Fishman
(acétazolamide : 1 000 à 2 000 mg). Si ces traitements médicaux conseillent l’utilisation de blood patches épiduraux. [42] Enfin,
échouent et que les céphalées persistent, on aura recours aux dans les cas réfractaires, des injections épidurales de sérum
traitements chirurgicaux : décompression subtemporale, dériva- physiologique peuvent être essayées. [31, 42]
tion lombopéritonéale, et fenestration de la gaine du nerf
optique. Céphalées aiguës brutales associées
à des déficits neurologiques focalisés
Encéphalopathie hypertensive
Les céphalées brutales s’installent dans le sillage d’une
Accident vasculaire cérébral
hypertension artérielle ou d’une éclampsie. Elles s’associent à Trois types d’AVC sont classiquement précédés par des
des troubles visuels bilatéraux, une diplopie par paralysie de la céphalées :
VIe paire, à des crises convulsives ou un coma. • l’hématome cérébral, dont la localisation sur le scanner
Le scanner cérébral sans injection élimine une hémorragie oriente vers la cause : les noyaux gris centraux dans l’hyper-
méningée massive. L’IRM encéphalique permet de retrouver des tension artérielle, la localisation cérébroméningée en cas
infarctus cortico-sous-corticaux postérieurs évocateurs. d’anévrisme, la localisation corticale en cas de malformation
artérioveineuse ou de cavernome ou de surdosage en antivi-
Apoplexie hypophysaire tamines K (avec un niveau hydrique évocateur) ;
• l’infarctus cérébral d’origine embolique car l’arrivée d’un
L’apoplexie hypophysaire est un syndrome clinique peu
embole dans une artère cérébrale saine entraîne une vasodi-
fréquent, caractérisé par un violent mal de tête en situation sus-
latation céphalogène ;
nasale, une ophtalmoplégie, une baisse de l’acuité visuelle, une
• l’infarctus cérébral par occlusion de l’artère carotide qui
altération de la conscience provoquée par une hémorragie ou
s’accompagne aussi d’une vasodilatation cérébrale.
un infarctus de l’hypophyse qui, de façon constante, révèle un
adénome. Dissections carotidiennes et vertébrales
La véritable incidence de ce syndrome est difficile à évaluer.
L’incidence annuelle des dissections de l’ACI est d’environ
Dans une grande série d’autopsie, on trouve 25 % d’infarcisse-
2,6 pour 100 000 personnes. [43] La moyenne d’âge des patients
ment de l’hypophyse, ce qui représente 1 à 3 % de la
avec dissection de l’ACI symptomatique est de 47 ans et celle
population. [36]
de l’artère vertébrale de 40 ans.
En cas d’adénome hypophysaire, une apoplexie survient dans
environ 0,6 à 10 % des cas. [37] Diagnostic
Le risque d’apoplexie n’est en rapport ni avec la taille, ni avec La manifestation clinique la plus fréquente de la dissection de
l’histologie de la tumeur, ni avec l’âge ou le sexe. Elle est parfois l’ACI ou d’une artère vertébrale symptomatique est la céphalée
associée à l’irradiation de l’hypophyse, la grossesse, une (68 % des patients avec dissection de l’ACI et 69 % de ceux avec
anesthésie générale, un traitement par bromocriptine. Mais la dissection vertébrale). Il s’agit de la manifestation initiale de
plupart des apoplexies se présentent sans diagnostic antérieur de 47 % des dissections de l’ACI et 33 % des dissections
tumeur hypophysaire. [38] vertébrales.
Le scanner cérébral où l’hypophyse apparaît isodense par La cervicalgie est plus fréquente lors des dissections vertébrales
rapport au parenchyme cérébral et la ponction lombaire (46 %) que de l’ACI (26 %). La douleur de la dissection de l’ACI
peuvent être normaux. C’est alors l’IRM cérébrale qui affirme le est brutale ipsilatérale. Elle se propage à la partie antérieure de
diagnostic en identifiant la tumeur et l’hémorragie associée. la tête, alors que si celle de la dissection vertébrale est aussi
Cette apoplexie peut s’accompagner d’une insuffisance ipsilatérale ou bilatérale, elle se projette à la région postérieure
surrénale qui doit être rapidement substituée. de la tête. Une douleur constante est plus fréquente qu’une
La sanction de cette apoplexie est chirurgicale, le plus douleur pulsatile. La survenue fréquente de céphalées fronto-
souvent par voie transphénoïdale. orbitaires, et de douleurs de l’orbite, de la face et des oreilles
chez les patients avec dissection carotidienne peut s’expliquer
Hypotension intracrânienne par le fait que la stimulation de la bifurcation carotidienne
La céphalée est d’installation brutale, provoquée par le entraîne des douleurs dans ces zones. Une douleur systématisée
lever. [39] Elle s’observe après une ponction lombaire ou toute sur la face correspond à une atteinte du nerf trijumeau. La
fistule de LCR. Dans l’hypotension intracrânienne chronique, distribution occipitale des céphalées dans la dissection vertébrale
une paralysie des nerfs crâniens peut apparaître tandis que sur peut être expliquée par les nerfs cervicaux supérieurs innervant
l’IRM, il apparaît une hypertrophie de la dure-mère par conges- la musculature de la fosse postérieure. [44, 45]
tion veineuse, et un placage du tronc cérébral sur la lacune La céphalée accompagne ou suit l’événement ischémique
quadrilatère. plusieurs minutes avant le début du déficit neurologique. [46]

4 Médecine d’urgence
Céphalées aiguës ¶ 25-110-A-10

Les céphalées précédant l’événement ischémique de plus de


quelques minutes sont moins fréquentes. [47]
Les autres manifestations sont variées : un AVC d’origine
embolique à partir de la dissection, un signe de Claude Bernard-
Horner (triade associant un ptosis, un myosis, une énophtal-
mie), très évocateur si douloureux, des acouphènes pulsatiles,
une otalgie évocatrice si le tympan est normal, une paralysie des
nerfs crâniens inférieurs, une amaurose transitoire (embolie
dans l’artère ophtalmique).
Les manifestations initiales de dissection vertébrale sont
moins distinctes : tout d’abord, elle est plus rare, les cervicalgies
et les céphalées postérieures sont plus fréquentes. Le diagnostic
de dissection vertébrale est apparent quand l’ischémie focale se
développe. Souvent, les céphalées postérieures et cervicalgies
sont prises pour des contractures musculaires. La dissection
intéresse le plus souvent le segment atloïdoaxoïdien (V3) et plus
rarement le segment intertransversaire (V2).
Les imageries non invasives ont permis la prise de conscience Figure 1. Flap intimal définissant la dissection de l’intima (flèche) sur un
de la portée des présentations cliniques des dissections caroti- doppler cervical.
diennes et vertébrales.
Causes
• Un traumatisme direct (cou, exérèse dentaire ou d’amygda-
les).
• Des anomalies du tissu élastique. [48] Elles représentent 1 à
4 % des causes de dissection [49] et se rencontrent dans les
affections héréditaires du tissu conjonctif comme le syn-
drome d’Ehlers-Danlos de type 4, le syndrome de Marfan,
l’ostéogenèse imparfaite et le pseudoxanthome élastique.
• Une autre anomalie de paroi artérielle est à l’origine de 15 à
20 % des dissections cervicales, il s’agit de la dysplasie
fibromusculaire. Maladie parfois familiale, d’étiologie mal
connue, son diagnostic est difficile. C’est l’artériographie qui
peut montrer l’aspect caractéristique en « pile d’assiettes »
témoin de l’irrégularité de paroi rencontrée dans cette
pathologie.
• Chez 50 % des patients ayant fait une dissection, on trouve
des boucles complètes ou incomplètes, des plicatures des Figure 2. Hématome de paroi dans une dissection de carotide sur une
artères cervicoencéphaliques qui sont trop longues et tor- imagerie par résonance magnétique en coupe native.
tueuses. Chez le sujet jeune et non athéromateux, elles sont
probablement congénitales et associées à un déficit en
élastine.
• Une migraine (20 à 30 % des dissections). [50] La migraine fut ARM cérébrale. L’ARM cérébrale avec injection de gadoli-
retrouvée dans 49 % des dissections artérielles cervicales nium recherche des signes de dissection (irrégularité des parois,
contre 21 % chez les témoins dans le travail de Tzourio [51] sténose, occlusion, anévrisme). Le retentissement intracrânien
(OR = 3,6 ; 1,5 à 8,6 ; p = 0,005). peut être évalué par la diminution du signal de l’artère syl-
• Une infection. vienne homolatérale.
• Des formes familiales (moins de 3 % des cas de dissection). IRM encéphalique avec des séquences pondérées et T1,
T2 Flair. Elle recherche un infarctus cérébral conséquence du
Examens complémentaires processus embolique d’artère à artère. Une IRM cervicale est
Échodoppler des troncs supra-aortiques et transcrânien. Il effectuée en pondération T1 associant une saturation graisseuse
s’agit de l’examen rapidement accessible qui peut orienter vers à la recherche d’un hématome de paroi, visible sous la forme
le diagnostic. Il doit être utilisé en première intention du fait de d’un hypersignal en croissant, entraînant un rétrécissement
son caractère non invasif. Il montre la sténose ou l’occlusion de excentré de la lumière artificielle (Fig. 2).
l’artère avec les signes hémodynamiques d’amont et d’aval.
Pronostic
Parfois, il objective l’hématome pariétal et l’élargissement du
calibre externe de l’artère et le signe évocateur qui est le flap À court terme, le pronostic dépend de la présence et de la
intimal traduisant le décollement intimal (Fig. 1). Il existe sévérité de l’AVC (2 à 5 % de décès). [52] Cependant, à long
néanmoins beaucoup de faux négatifs surtout si la dissection est terme, 70 à 90 % des patients ayant eu une dissection cervicale
haut située. Le doppler transcrânien permet parfois d’objectiver récupèrent sans séquelle. Le taux de survie à 10 ans est de 85 %
indirectement la dissection par son retentissement . [52] Le risque de récidive est très faible (1 % par an) mais doit
hémodynamique. faire rechercher une maladie favorisante et/ou une forme
Artériographie cérébrale. Il s’agit de l’examen qui confirme familiale.
le diagnostic et peut préciser l’existence d’une dysplasie
Traitement
vasculaire sous-jacente. La dissection de l’ACI est évoquée
lorsque l’artériographie montre une occlusion en « flamme de En phase aiguë, le risque d’accident embolique justifie un
bougie » en aval de la bifurcation carotidienne, ou une sténose traitement par anticoagulant ou par antiagrégant plaquettaire.
longue et irrégulière, ou un pseudoanévrisme. Exceptionnelle-
ment, elle permet de visualiser le flap intimal ou un faux Thromboses veineuses cérébrales
chenal. L’artériographie permet aussi de rechercher une dyspla-
Incidence
sie fibromusculaire avec son aspect caractéristique en « pile
d’assiettes ». Autrefois examen de référence, l’artériographie tend La TVC est révélée par des céphalées dans 75 % des cas. Ces
à être supplantée par des méthodes moins invasives telles que céphalées sont souvent diffuses, peuvent se présenter de façon
l’angioscanner cérébral et l’ARM cérébrale. très sévère à type de coup de poignard.

Médecine d’urgence 5
25-110-A-10 ¶ Céphalées aiguës

Diagnostic
L’expression clinique est très polymorphe et trompeuse. Le
contexte clinique aide au diagnostic.
La céphalée est le symptôme le plus fréquent et le plus
précoce, son intensité est modérée ou au contraire sévère. De
même, son installation peut être subaiguë ou ictale. Sa localisa-
tion est diffuse ou non. Elle est aggravée par le décubitus et par
la manœuvre de Valsalva. [53]
La présentation clinique des TVC est pléiomorphe ; cepen-
dant, on peut distinguer trois tableaux différents. Une hyper-
tension intracrânienne isolée avec céphalée, œdème papillaire,
paralysie du VI, sans signe de localisation, est une forme
clinique qui représente environ 40 % des cas. [54] Un tel tableau
ne doit pas conduire trop rapidement au diagnostic d’HIB sans
avoir éliminé une TVC par la réalisation d’une IRM-ARM.
La TVC est révélée dans 75 % des cas par des signes focaux
tels que : hémiplégie, hémisyndrome sensitif, hémianopsie
latérale homonyme, aphasie, crises d’épilepsie partielles ou
généralisées (33 à 75 % des cas). On peut également rencontrer
des troubles de conscience [55] et des hémiplégies alternantes en Figure 3. Thrombose veineuse cérébrale du sinus latéral gauche en
cas de thrombose du sinus longitudinal supérieur. angiographie par résonance magnétique.
Enfin, il faut mettre à part la thrombose du sinus caverneux
qui, dans sa forme aiguë, comprend un chémosis, un ptosis,
une ophtalmoplégie douloureuse uni- puis souvent bilatérale. forme d’isosignal à la phase aiguë (inférieure à 48 heures) en
Non traitée, cette thrombose peut s’étendre aux autres sinus séquence pondérée en T1, puis après 5 à 7 jours, sous forme
veineux. d’hypersignal en T1 et T2, puis au-delà de 3 semaines, l’hyper-
signal T1 peut disparaître mais l’hypersignal T2 persiste. L’IRM,
Causes
avec les séquences T1, T2, Flair dans le plan axial et coronal,
Les causes sont multiples. Les principales sont : permet de mettre en évidence l’infarctus veineux qui se carac-
• thromboses septiques secondaires à des sinusites, abcès térise par une atteinte sous-corticale souvent hémorragique.
dentaires, otites. Ces infections peuvent être dues à des L’atteinte parenchymateuse, en général hémorragique, se
bactéries (Proteus, Escherichia coli), des champignons (Aspergil- manifeste par un hypersignal en T1 cortico-sous-cortical et par
lus), des virus (VIH, cytomégalovirus [CMV]) ; un hypersignal en T2 avec halo d’hémosidérine. L’IRM-ARM a
• TVC aseptiques qui regroupent des causes locales comme les supplanté le scanner cérébral dans cette indication et doit être
traumatismes crâniens, les malformations artérioveineuses, les l’examen initial. [57] Elles peuvent également retrouver des
fistules dure-mériennes, la pose de cathéter veineux central. thrombi dans les sinus veineux. Cependant, les séquences de
Le post-partum, la prise de contraceptif oral, des maladies flux soit en TOF 2D ou en contraste de phase mais également
générales (hémopathie, lymphome, coagulopathie, maladie de les séquences en écho de gradient T1 volumique (MPR) avec
système, paranéoplasique, syndrome néphrotique) ; injection de gadolinium permettent d’objectiver des thrombi
• 20 % des TVC demeurent d’étiologie indéterminée. récents (Fig. 3).
Angiographie cérébrale. Elle reste l’examen de référence car
Examens complémentaires
elle permet, par ses temps tardifs, de visualiser les sinus occlus.
Scanner cérébral sans et avec injection. C’est le premier Cependant, en cas d’occlusion localisée sur 1 à 2 cm, l’interpré-
examen à effectuer. Il peut montrer des signes directs à type tation peut être difficile. C’est parfois l’angiographie réalisée
d’hyperdensité spontanée correspondant à la thrombose sur le après 30 et 60 jours qui permet de faire le diagnostic rétrospectif
scanner non injecté. Après injection, le sinus longitudinal par sa normalisation.
supérieur peut prendre un aspect de triangle vide (signe du
delta). Les signes indirects comprennent essentiellement Traitement
l’œdème cérébral avec la disparition des sillons corticaux, Le traitement de la TVC comporte non seulement celui de la
l’existence d’un ramollissement veineux hémorragique ou non. thrombose, mais aussi celui de sa cause et de ses complications.
Enfin, on doit suspecter la thrombose d’un sinus latéral s’il y a Un consensus semble être acquis pour l’utilisation de l’héparine
des signes ischémiques sous-jacents (lobe occipitopariétal) et malgré le risque théorique de saignement. [40]
sus-jacents (lobe cérébelleux). L’angioscanner permet d’objecti- L’hypertension intracrânienne est traitée médicalement par
ver l’occlusion veineuse. des diurétiques (acétazolamide), des corticoïdes, et la restriction
Ponction lombaire. Elle est indispensable mais réalisée hydrique. Mais des ponctions lombaires itératives peuvent être
prudemment devant tout tableau d’hypertension intracrânienne envisagées avant un traitement chirurgical par dérivation.
à scanner cérébral normal à titre diagnostique et thérapeutique. En cas de TVC d’origine infectieuse, une antibiothérapie
Elle se justifie également dans les formes fébriles afin d’écarter adaptée aux germes suspectés doit être appliquée.
une méningite. Le LCR est anormal dans 80 % des TVC. Il
associe de façon variable, une augmentation de pression, une
hyperprotéinorachie généralement inférieure à 1 g/l, une
augmentation des hématies supérieure à 20/mm3 dans deux
■ Céphalées d’installation
tiers des cas et/ou une pléiocytose à prédominance lymphocy- rapidement progressive
taire, mixte ou à polynucléaires. [56]
Électroencéphalogramme (EEG). Il est anormal dans envi- Hypertension intracrânienne
ron 75 % des cas et montre des anomalies diffuses sans aucune
spécificité : ralentissement du rythme de fond, ondes lentes en Le but de l’examen en urgence est de rechercher un processus
foyer, activité épileptique. Il est parfois intéressant dans les expansif (tumeur, hématome, hydrocéphalie) qui nécessite un
formes à symptomatologie psychiatrique ou confusionnelle. geste chirurgical en urgence. Les céphalées de l’hypertension
IRM-ARM cérébrale. L’ARM cérébrale, avec des séquences de intracrânienne associées à un œdème papillaire se traduisent
flux TOF 2D, ou en contraste de phase, en écho de gradient initialement par un flou visuel malheureusement tardif. On
T1 volumique avec injection de gadolinium, est un examen note également des nausées ou des vomissements matinaux au
diagnostique atraumatique qui peut être répété, ce qui permet début. Un scanner cérébral sans injection permet de différencier
de visualiser la thrombose et son évolution. Elle apparaît sous les hypertensions intracrâniennes relevant d’un traitement

6 Médecine d’urgence
Céphalées aiguës ¶ 25-110-A-10

chirurgical (tumeur, hématome, hydrocéphalie) des hyperten- Hemicrania continua


sions intracrâniennes relevant d’un traitement médical quand le
parenchyme cérébral est normal. Le scanner cérébral est d’abord • Céphalée unilatérale ;
effectué sans injection. • continue, pendant toute la journée, sur plusieurs semaines,
Si l’imagerie scanographique en urgence sans injection est voire plusieurs mois, sans facteur déclenchant et remarqua-
normale, il faut alors effectuer une ponction lombaire avec blement sensible à l’indométacine.
examen cytologique du LCR pour éliminer les méningites
subaiguës et chroniques, puis une IRM. Sunct syndrome (« short lasting unilateral
nevralgiform pain with conjonctival
Thromboses veineuses cérébrales injection and tearing »)
Les TVC ont une expression clinique très polymorphe : les Il s’agit d’une céphalée unilatérale périorbitaire, de 30 secon-
signes de focalisation et les crises convulsives sont fréquents des à 1 minute de durée, se renouvelant jusqu’à 30 accès par
mais tardifs. À la phase initiale, elles peuvent se révéler heure, d’intensité modérée, associée à une rhinorrhée, une
uniquement par des céphalées dont la caractéristique est d’être rougeur conjonctivale pouvant aboutir quelquefois à une
inhabituelle. Des céphalées qui surviennent de façon inhabi- sécrétion lacrymale sanglante.
tuelle doivent toujours faire évoquer une thrombose veineuse Ce syndrome survient plutôt chez l’homme avec deux signes
cérébrale et faire réaliser en urgence une IRM cérébrale avec des distinctifs : une bradycardie pendant l’accès, précédée par une
séquences de flux veineux. hypertension artérielle.
Les séquences T1, T2, Flair dans le plan axial et/ou coronal Plusieurs causes ont été rapportées : malformation artériovei-
permettent de mettre en évidence des infarctus veineux qui se neuse de l’angle pontocérébelleux, cavernome du tronc cérébral,
caractérisent par une atteinte sous-corticale souvent lésion de la fosse postérieure dans le cadre du syndrome
hémorragique. d’immunodéficience acquise (sida). La réalisation d’une IRM
cérébrale est donc importante, à la recherche d’une de ces
étiologies.
Céphalées et fièvre Il n’y a pas de traitement spécifique.
Certaines méningites subaiguës ou chroniques ne se tradui-
sent pas par un syndrome méningé franc. C’est pourquoi
l’association céphalée et fièvre récente d’aggravation progressive, ■ Céphalées de l’enfant
sans porte d’entrée infectieuse évidente et avec imagerie
cérébrale normale, doit conduire à la réalisation d’une ponction La céphalée est un symptôme fréquemment observé en
lombaire. pratique pédiatrique (3 % des enfants de moins de 7 ans, et
16 % des enfants de moins de 15 ans).
Ses expressions cliniques sont extrêmement variées, pouvant
Maladie de Horton être le témoin de processus étiologiques multiples, différents de
ceux de l’adulte, rendant difficile l’approche clinique de ce
Toute céphalée d’apparition récente et progressive non ictale
symptôme.
chez un sujet de plus de 60 ans doit faire évoquer ce diagnostic
La connaissance de ce problème par les médecins urgentistes
car la céphalée est présente entre 60 et 90 % des cas de maladie
est indispensable.
de Horton. Il s’agit du symptôme le plus fréquent. Cette
céphalée est typiquement de siège temporal, superficiel et
profond, avec hyperesthésie au contact avec asymétrie du pouls Étape diagnostique
des artères temporales superficielles. Il s’y associe le plus souvent Il faut privilégier l’interrogatoire de l’enfant et des parents :
un amaigrissement, des douleurs des épaules, des douleurs • l’horaire et la rapidité d’installation ;
masticatoires. Il faut réaliser en urgence un bilan biologique à • les signes d’accompagnement de la céphalée ;
la recherche d’un syndrome inflammatoire qui conduira à la • l’ancienneté.
réalisation d’une biopsie d’artère temporale du côté des cépha- La difficulté de cet interrogatoire dépend naturellement de l’âge
lées qui confirmera le diagnostic. de l’enfant. Le médecin est réduit à suspecter la douleur devant
un nourrisson qui s’agite, qui crie et qui tourne la tête dans
Crise de migraine tous les sens, le regard hostile, et ne supportant pas qu’on le
touche.
La crise de migraine fait partie de ce tableau avec l’installa- L’enfant plus grand peut fournir une description précise de la
tion subaiguë, en 15 ou 30 minutes, d’une céphalée d’intensité céphalée. On peut alors obtenir des renseignements facilement
croissante, hémicrânienne ou bifrontale, évocatrice si précédée sur les points suivants.
par une aura visuelle (phosphènes) ou sensitive (paresthésie
hémicorporelle), si survenant dans un contexte clinique ancien, Horaire
si pulsatile et si se terminant par des vomissements salvateurs
au-delà de 4 heures. Une céphalée matinale évoque une hypertension intracrâ-
nienne ; une céphalée brutale qui réveille la nuit évoque une
migraine ; tandis qu’une céphalée en fin de journée évoque soit
■ Nouvelles céphalées une céphalée de tension, soit des troubles ophtalmologiques.

Il s’agit d’un nouveau cadre nosologique englobant des


Localisation
céphalées bien définies soit : Ce critère est peu discriminant, bien que classiquement on
• par de nouveaux facteurs déclenchants : retienne :
C prise de cocaïne ; • une migraine ou une cause lésionnelle devant une céphalée
C prise d’antidépresseurs diminuant la recapture de la unilatérale ;
sérotonine, ou au contraire prise d’antagonistes sérotoni- • une lésion sus-tentorielle devant une céphalée frontale ;
nergiques ; • une lésion de la fosse cérébrale postérieure devant une
C atteinte cérébrale par le VIH ; céphalée occipitale.
• par une entité singulière redéfinie comme les céphalées de
Horton, de Sluder, le cluster headache qui font partie des algies Caractère
vasculaires de la face ; On oppose la céphalée pulsatile d’origine vasculaire à la
• soit par une entité véritablement nouvelle mais rare. céphalée continue, sourde de l’hypertension intracrânienne.

Médecine d’urgence 7
25-110-A-10 ¶ Céphalées aiguës

Signes d’accompagnement Conduite à tenir


• Un état nauséeux avec vomissements calmant la céphalée
Devant une céphalée aiguë récente
évoque une migraine mais aussi une hypertension intracrâ-
nienne. • Problème d’urgence.
• Tandis qu’une diplopie, un trouble de l’équilibre ou un déficit • La seule préoccupation : éliminer une lésion intracrânienne
hémicorporel évoquent une lésion de la fosse cérébrale posté- ou une cause infectieuse.
rieure, fréquente à cet âge. • Le scanner se justifie rapidement.
• L’interrogatoire et l’examen clinique guident le scanner.
Ancienneté Devant une céphalée fébrile
Ce critère est en fait le critère le plus pertinent dans la C’est la situation la plus fréquente.
recherche de l’étiologie de la céphalée, en distinguant la • Avec syndrome méningé : rechercher une méningite puru-
céphalée aiguë récente, la céphalée subaiguë, la céphalée aiguë lente ou à liquide clair.
récidivante et la céphalée chronique. • Avec des signes de localisation : évoquer un abcès, une
encéphalite, une phlébite cérébrale, un empyème sous-dural.
• Sans signe neurologique : évoquer une sinusite (ethmoïdite),
Place de l’examen clinique une mastoïdite, rechercher une maladie infectieuse éruptive
(mononucléose infectieuse, rougeole, hépatite, scarlatine,
Il s’agit d’une étape importante avec des particularités propres
rickettsioses).
à l’enfant.
Remarque : les céphalées fébriles sont très souvent pulsatiles, en
casque, elles augmentent avec la toux, les mouvements oculai-
Examen neurologique res, et sont soulagées par la ponction lombaire.
• Étude de la vigilance.
Devant une céphalée apyrétique
• Recherche de signes de localisation et d’un syndrome
méningé. Il s’agit de la même urgence que chez l’adulte mais le
• Mesure du périmètre crânien : une macrocrânie évoquera une diagnostic étiologique est plus difficile.
hydrocéphalie ancienne, alors qu’une microcrânie évoquera • Avec syndrome méningé : on recherche bien sûr une hémor-
une craniosténose. ragie méningée, rupture d’un anévrisme artérioveineux plus
• Palpation du crâne à la recherche d’une voussure, qui fera fréquent que la rupture d’anévrisme, cavernome. Chez
évoquer un hydrome sous-dural chronique. l’enfant, ne pas oublier l’hémophilie et la relation hémopa-
• Percussion du crâne à la recherche du signe du « pot fêlé » thie avec troubles de coagulation.
évoquant une hydrocéphalie, traduisant une disparition des • Avec signes de localisation : on recherche avant tout un AVC
sutures. hémorragique sur malformation artérioveineuse, puis un AVC
• Auscultation du crâne à la recherche d’un souffle endocrânien ischémique qui fait suspecter une cardiopathie malformative,
évoquant une malformation artérioveineuse dont le classique emboligène, une dissection. Enfin, il peut s’agir d’une
anévrisme de l’ampoule de Galien (trois sites d’auscultation : migraine hémiplégique.
la fontanelle, l’orbite et les mastoïdes). • Sans signe de localisation, trois mécanismes doivent être
évoqués :
C une hydrocéphalie congénitale ou acquise par tumeur du
Examen de la face
IIIe ventricule ;
• Palpation des sinus (pas de sinus frontaux avant 10 ans) et C une intoxication au CO ;
des mastoïdes. C une crise de migraine.
• Examen de la denture.
• Examen de l’articulation temporomaxillaire. Devant une céphalée subaiguë
• Recherche d’un angiome palpébral souvent associé à un
Il s’agit d’une céphalée progressive, apparaissant en général
angiome cérébral.
en fin de nuit, augmentant en fréquence et en intensité au fil
des jours. Il s’agit du tableau classique d’hypertension intracrâ-
Examen ophtalmologique nienne, faisant rechercher :
• Hypermétropie, myopie. • une hydrocéphalie tumorale ou congénitale (malformation
• Astigmatisme. d’Arnold-Chiari associée) ;
• une tumeur de la fosse cérébrale postérieure ou sus-
Examen général tentorielle ;
• une HIB : habituellement chez l’adolescente présentant une
• Mesure de la température. obésité, ou après prise de corticoïdes, de vitamines A ou de
• Mesure de la tension artérielle. tétracyclines.
• Mesure de la taille et du poids : un retard de croissance La céphalée par hypertension intracrânienne chez l’enfant se
évoque une hypothyroïdie par craniopharyngiome. distingue de celle de l’adulte par de fréquentes douleurs
• Existence d’une cyanose évoquant une cardiopathie cyano- abdominales associées, son caractère très longtemps isolé, et sa
gène avec des risques d’abcès cérébraux. sensibilité initiale aux antalgiques banals.
• Examen de la peau à la recherche de taches dépigmentées de
la maladie de Bourneville, des taches marron de la maladie de Devant des céphalées aiguës récidivantes
Recklinghausen, et d’une pâleur évoquant une anémie.
Migraine
La migraine est beaucoup plus fréquente chez l’enfant qu’on
Place des examens paracliniques ne le pense, et 50 % des adultes migraineux ont commencé leur
maladie dans l’enfance. Comme chez l’adulte, la migraine est
• Comme chez l’adulte, la radiographie du crâne et le fond très polymorphe, mais revêt de plus des caractères qui lui sont
d’œil ont leur limite surtout dans les céphalées aiguës propres.
récentes. • Les prodromes sont caractérisés par une excitabilité, une
• Comme chez l’adulte, le scanner ne se discute plus dans la boulimie ou une énurésie récente les jours précédant l’accès
prise en charge d’une céphalée, même ancienne. migraineux.
• En revanche, l’EEG est encore d’un grand intérêt chez • Le début de la crise apparaît à l’occasion d’un stress, d’un
l’enfant devant des céphalées brutales récidivantes, à la changement de saison ou en fonction de la prise de certains
différence de l’adulte. aliments, comme chez l’adulte. Ces accès peuvent survenir en

8 Médecine d’urgence
Céphalées aiguës ¶ 25-110-A-10

fin de semaine, et sont annoncés par des scotomes hémia- • le torticolis paroxystique avec une prévalence de 18 % contre
nopsiques ou une vision floue, associés à une grande angoisse 2 %;
et à une pâleur assez caractéristiques. • le syndrome des jambes sans repos retrouvé chez 8 % des
• La crise est marquée par une céphalée d’intensité et de enfants migraineux ;
localisation aussi variable que chez l’adulte, qui peut même • les vertiges paroxystiques ;
être au second plan devant des troubles neurovégétatifs • les vomissements cycliques.
extrêmement importants, constants, très évocateurs, avec Aspects cliniques propres à l’enfant.
pâleur, vertiges, lipothymies, photophobies, nausées puis
Migraine hémiplégique. Il s’agit de la plus fréquente des
vomissements pratiquement constants.
migraines accompagnées chez l’enfant. Elle débute par des
• La fin de la crise aboutit à un sommeil réparateur suivi d’un
paresthésies cheiro-orales, des scotomes scintillants, puis une
bien-être contrastant avec l’angoisse initiale.
• Le traitement bénéficie d’un traitement d’attaque avec hémiplégie habituellement complète. La céphalée n’apparaît que
paracétamol, acide acétylsalicylique, tandis que le traitement secondairement. L’hémiplégie peut être à bascule. Un coma peut
d’entretien bénéficie la plupart du temps de la dihydroergo- être observé pendant 2 à 3 jours avec une hyperthermie. À l’âge
tamine, bien que certains lui reconnaissent une action adulte, de tels enfants ne feront que des accès de migraine avec
limitée, et de la flunarizine. aura sensitive.
Migraine avec confusion mentale. [59] Il s’agit d’une confusion
Particularités de la migraine infantile mentale brutale, avec pâleur, agitation pendant 20 à 30 minu-
Marqueurs du terrain migraineux. Il s’agit des symptômes tes, laissant place à une céphalée avec vomissements. Un AVC
suivants : est le plus souvent évoqué, mais le scanner est normal comme
• le somnambulisme qui présente une prévalence de 30 % [58] la ponction lombaire. La confusion est considérée comme l’aura
chez les migraineux contre 6 % chez les non-migraineux ; de la migraine.

“ Points essentiels
• Physiopathologie.
Des mécanismes neurochimiques de mieux en mieux connus, à l’origine de nouvelles approches thérapeutiques. Les distensions,
tractions, des artères et des veines, la compression des nerfs crâniens, l’inflammation des muscles du crâne et du cou, des méninges
ou l’augmentation de la pression intracrânienne provoquent la douleur transmise par le nerf trijumeau ; des peptides neurotropes
sont libérés et produisent la sensation douloureuse.
• Hémorragie méningée.
Intérêt de faire préciser les circonstances de survenue de la céphalée.
Céphalée d’installation ictale accompagnée de vomissements, d’une raideur de la nuque, des signes de Kernig et Brudzinski.
C Examen princeps = scanner cérébral sans injection.
Si le scanner est normal, la ponction lombaire est indispensable pour confirmer le diagnostic.
• Intoxication à l’oxyde de carbone.
La coloration « cochenille » des téguments, un syndrome pyramidal et une hypertonie généralisée sont des signes spécifiques. Si le
taux d’hémoglobine oxycarbonée est > 1,35 mmol/l, le caisson hyperbare est nécessaire.
• HIB.
Céphalées sévères d’installation progressive, pulsatiles, œdème papillaire, la pression du LCR est augmentée. LCR, scanner cérébral
et IRM cérébrale normaux.
• Hypotension intracrânienne.
Après une ponction lombaire ou une fistule du LCR, la pression d’ouverture du LCR est basse avec un liquide et un scanner cérébral
en général normaux. L’IRM montre des signes pathognomoniques avec abaissement du tronc cérébral sur la lame quadrilatère,
épaississement et prise de contraste des méninges.
• AVC et dissections carotidienne et vertébrale.
Céphalées ou cervicalgies précédant ou accompagnant l’ischémie, puis déficit neurologique.
Le signe de Claude Bernard-Horner, la douleur sont très évocateurs, scanner cérébral, échodoppler et IRM cérébrale avec coupes
natives permettent d’orienter le diagnostic et montrent la dissection.
• TVC.
La présentation clinique est souvent polymorphe, l’IRM et l’ARM font le diagnostic bien que le scanner avec angioscanner reste le
premier examen accessible et fiable.
• Les céphalées d’installation rapidement progressive représentent une urgence et peuvent avoir diverses étiologies :
C hypertension intracrânienne dans laquelle il faut rechercher un processus expansif par un scanner sans injection pour permettre
une chirurgie en urgence ;
C les céphalées avec fièvre et syndrome méningé pour lesquelles la ponction lombaire est indispensable ;
C la TVC qui nécessite une IRM cérébrale avec séquences de flux veineux, en urgence ;
C la maladie de Horton avec un syndrome inflammatoire.
• On assiste à l’apparition de « nouvelles céphalées » avec la prise de certains médicaments ou drogues, et le sida.
• Chez l’enfant, l’interrogatoire est difficile, voire impossible en fonction de l’âge ; l’examen clinique est très important, il faut
éliminer :
C une lésion intracrânienne ;
C une cause infectieuse.
Le scanner est le plus souvent justifié. Si la céphalée est fébrile, la ponction lombaire est indispensable en première intention. Si la
céphalée est apyrétique, même raisonnement que chez l’adulte.
Il faut se souvenir que la migraine chez l’enfant est très fréquente avec des facteurs provocateurs qui lui sont propres.

Médecine d’urgence 9
25-110-A-10 ¶ Céphalées aiguës

Migraine avec perte de connaissance. Le tableau commence par [13] Teunissen LL, Rinkel GJ, Algra A, Van Gijn J. Risk factors for
une pâleur intense, des vertiges, une lipothymie amenant à une subarachnoid hemorrhage: a systematic review. Stroke 1996;27:
syncope. Au réveil, le patient décrit des céphalées et présente 544-9.
des vomissements. [14] Johnston SC, Colford Jr JM, Gress DR. Oral contraceptives and the risk
Migraine et épilepsie. Il s’agit d’une situation fréquente en of subarachnoid hemorrhage: a meta-analysis. Neurology 1998;51:
pédiatrie. [60] 411-8.
[15] Hop JW, Rinkel GJ, Algra A, Van Gijn J. Initial loss of consciousness
• Crise de migraine pré-épileptique : il s’agit d’une crise
and risk of delayed cerebral ischemia after anevrysmal subarachnoid
d’épilepsie partielle secondaire à un accès de migraine hemorrhage. Stroke 1999;30:2268-71.
accompagnée. Un mécanisme ischémique est incriminé mais [16] Linn FH, Rinkel GJ, Algra A, Van Gijn J. Headache caracteristics in
il faut éliminer un angiome. subarachnoid hemorrhage and benign thunderclap headache. J Neurol
• Migraine postépileptique : 50 % des crises d’épilepsie de Neurosurg Psychiatry 1998;65:791-3.
l’enfant sont suivies de céphalées pulsatiles, augmentées par [17] Pinto AN, Canhao P, Ferro JM. Seizures at the onset of subarachnoid
la toux et la photophobie, et Fenichel en 1985 les rattache à hemorrhage. J Neurol 1996;243:161-4.
des accès de migraines postépileptiques. [18] Reijnevel JC, Wermer M, Boenman Z, Van Gijn J, Rinkel GJ. Acute
• Crise de migraine pendant une crise d’épilepsie : cette confusional state as presenting feature in anevrysmal subarachnoid
possibilité justifie tout à fait l’EEG chez tout enfant présen- hemorrhage: frequency and characteristics. J Neurol 2000;247:
tant des migraines récidivantes. L’épilepsie à paroxysmes 112-6.
occipitaux comporte, sur le plan sémiologique, pendant la [19] Kinouchi H, Mizoi K, Takahashi A, Nagamine Y, Koshu K,
Yoshimoto T. Dural arteriovenous shunts at the craniocervical junction.
crise : la perception de scotomes scintillants, avec flou visuel
J Neurosurg 1998;89:755-61.
hémianopsique, puis des paresthésies de l’hémicorps homo-
[20] Levine SR, Brust JC, Furtrell N, Brass LM, Blake D, Fayad P. A com-
latéral pendant plusieurs minutes cédant par une céphalée parative study of the cerebrovascular complications of cocaine
postérieure pulsatile, et des vomissements. L’EEG intercritique alkaloidal versus hydrochloride. Neurology 1991;41:1173-7.
se caractérise par des pointes-ondes uni- ou bioccipitales, [21] Nolte KB, Brass LM, Fletterick CF. Intracranial hemorrhage associated
apparaissant uniquement lors de la fermeture des yeux. Le with cocaine abuse: a prospective autopsy study. Neurology 1996;46:
traitement antiépileptique fait céder les crises et ainsi les 1291-6.
céphalées. [22] Van der Jagt M, Hasan D, Bijvoet HW, Pieterman H, Dippel DW,
Vermeij FH. Validity of prediction of the site of ruptured intracranial
anevrysms with CT. Neurology 1999;52:34-9.
■ Conclusion [23] Avrahami E, Katz R, Rabin A, Friedman V. CT diagnosis of non
traumatic subarachnoid hemorrhage in patients with brain oedema. Eur
J Radiol 1998;28:222-5.
Le médecin des urgences est amené à voir de nombreux [24] Van der Wee N, Rinkel GJ, Hasan, Van Gijn J. Detection of
patients se présentant aux urgences pour maux de tête. Les subarachnoid hemorrhage on early CT: is lumbar puncture still needed
céphalées aiguës sont des urgences qui nécessitent un interro- after a negative CT. J Neurol Neurosurg Psychiatry 1995;58:357-9.
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10 Médecine d’urgence
Céphalées aiguës ¶ 25-110-A-10

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A. Fromont (agnes.fromont@wanadoo.fr).
Service de neurologie, centre hospitalier universitaire, 3, rue du Faubourg-Raines, 21000 Dijon, France.
D. Ben Salem.
Service de neuroradiologie, centre hospitalier universitaire, 3, rue du Faubourg-Raines, 21000 Dijon, France.
T. Moreau.
Service de neurologie, centre hospitalier universitaire, 3, rue du Faubourg-Raines, 21000 Dijon, France.
F. Ricolfi.
Service de neuroradiologie, centre hospitalier universitaire, 3, rue du Faubourg-Raines, 21000 Dijon, France.
M. Giroud.
Service de neurologie, centre hospitalier universitaire, 3, rue du Faubourg-Raines, 21000 Dijon, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Fromont A., Ben Salem D., Moreau T., Ricolfi F., Giroud M. Céphalées aiguës. EMC (Elsevier Masson SAS,
Paris), Médecine d’urgence, 25-110-A-10, 2007.

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Médecine d’urgence 11
¶ 25-110-A-20

Comas
P. Martin, B. Piroelle

Le coma, symptôme d’une souffrance cérébrale, est défini comme une altération de la vigilance non
réversible par des stimuli. Il est lié à un dysfonctionnement neuronal global ou plus spécifiquement de la
substance réticulée activatrice située dans le tronc cérébral. La souffrance neuronale implique souvent
une élévation de la pression intracrânienne, aggravant par elle-même la souffrance du neurone et donc le
coma par diminution de la pression de perfusion cérébrale. L’examen clinique d’un patient comateux doit
être complet et systématique. Il comporte un examen somatique et neurologique répété, en particulier des
différents réflexes. L’interrogatoire de l’entourage et la recherche d’indices sont très utiles pour préciser les
causes du coma. La biologie apporte des renseignements complémentaires sur les causes mais elle doit
être ciblée en fonction de l’hypothèse diagnostique la plus probable. Les causes sont multiples,
traumatiques, toxiques, vasculaires, métaboliques, carentielles, infectieuses, épileptiques. La prise en
charge thérapeutique s’effectue dans le cadre de l’urgence et est dominée par le maintien des fonctions
vitales qui peuvent être défaillantes. Des traitements spécifiques doivent être mis en place sans délai. Le
premier niveau de prise en charge est souvent le fait de secouristes, mais, le plus rapidement possible, la
prise en charge doit être médicalisée par des équipes formées.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Souffrance neuronale ; Syndromes confusionnels ; Pression intracrânienne ; Fonctions vitales ;
Étiologie des comas

Plan ■ Définition du coma


¶ Définition du coma 1 Le coma est un symptôme clinique dont la prise en charge
comprend une démarche diagnostique et un traitement symp-
¶ Physiopathologie 2 tomatique effectué dans le cadre de l’urgence, ce qui suppose
Physiologie de l’éveil 2 des conduites précises.
Physiopathologie du coma 2 Presque toujours lié à des anomalies diffuses des hémisphères
Hypertension intracrânienne. Pression de perfusion cérébrale 2 cérébraux ou à une diminution de l’activité de la substance
¶ Examen clinique d’un coma 2 réticulée activatrice (SRA), le coma se définit comme une
Syndrome confusionnel 2 altération de la vigilance dont le patient ne peut être tiré par un
Coma 3 stimulus. Il s’agit d’une situation fréquente en médecine
d’urgence. Cette situation pose trois types de problème :
¶ Explorations complémentaires 5
• reconnaître une légère atteinte de la vigilance qui se présente
Biologie 5
comme un comportement anormal en particulier chez les
Imagerie 5 patients psychiatriques et les personnes âgées ;
Enregistrements potentiels 6 • devant un coma avéré, diagnostic en règle simple, identifier
¶ Principales étiologies des comas 6 rapidement certaines causes car des actions thérapeutiques
Comas d’origine traumatique 6 doivent être faites sans délai ;
Comas d’origine toxique 6 • estimer le pronostic, fonction de la cause et de la rapidité du
Coma d’origine vasculaire 8 traitement qui doit éviter les lésions secondaires. En règle
Coma d’origine métabolique 8 générale, les sujets jeunes récupèrent mieux que les sujets
Coma d’origine infectieuse 8 âgés, mais le pronostic est difficile à faire.
Coma d’origine épileptique 9 Mais dans la pratique, il faut distinguer quatre niveaux de
coma :
¶ Prise en charge thérapeutique 9
• le coma léger où l’abolition de la conscience est incomplète.
Avant l’arrivée des secours 9 Des stimuli modérés provoquent des réactions motrices ou
À l’arrivée des secouristes 9 d’éveil relativement adaptées. À ce niveau, de simples précau-
Prise en charge médicale initiale 9 tions de surveillance sont nécessaires pour garantir la sécurité
¶ Conclusion 10 du patient ;
• le coma de gravité moyenne où l’abolition de la conscience
est complète. Des stimuli forts entraînent des réactions

Médecine d’urgence 1
25-110-A-20 ¶ Comas

motrices plus ou moins adaptées sans éveil. Les fonctions à un déficit en oxygène ou en glucose. Si le déficit n’est pas
végétatives sont peu perturbées, les fonctions ventilatoire et corrigé, les lésions neuronales sont définitives. Ainsi, un arrêt
hémodynamique sont conservées. Le risque est, à ce stade, lié cardiaque provoque un coma en moins de 1 minute et, au bout
à la diminution ou à la disparition du réflexe de toux et de de 10 minutes, on peut considérer que les lésions neuronales
déglutition, favorisant les fausses routes ; sont globales et définitives. Tout déficit en oxygène ou en
• le coma profond dans lequel les stimuli sont sans effet et où glucose, quelle qu’en soit la cause, doit être corrigé en extrême
il existe des perturbations nettes des fonctions végétatives ; la urgence.
ventilation et la régulation hémodynamique sont perturbées, L’existence de substances interférant sur le métabolisme du
nécessitant des gestes thérapeutiques adaptés ; neurone et en particulier sur les mécanismes membranaires ou
• enfin l’état de mort cérébrale ou coma dépassé. Ce stade sur la libération des médiateurs provoque un coma plus ou
constitue une entité clinique précise avec une prise en charge moins profond dont le mécanisme exact n’est pas toujours
spécifique en vue des prélèvements d’organe. élucidé.
Le coma doit être différencié de la syncope, perte de cons- Il existe de nombreuses situations cliniques où les mécanis-
cience brève, brutale et complète, spontanément réversible et mes ci-dessus cités sont intriqués. L’insuffisance cardiorespira-
liée à une soudaine anoxie cérébrale d’origine vasculaire le plus toire associe une diminution du débit sanguin cérébral et
souvent. De nombreuses situations cliniques favorisent la l’hypoxie.
survenue de syncopes. Si la souffrance cérébrale à l’origine de la Le coma de l’insuffisance hépatique peut être dû à l’existence
syncope se prolonge trop, un coma s’installe. C’est le retour d’une substance physiologique non épurée, à l’absence ou au
rapide à la normale qui fait exclure les syncopes des comas et déficit d’une substance normalement sécrétée par le foie, à la
non le mécanisme causal. présence à dose toxique d’une substance extérieure normale-
Le « locked-in syndrom », ou syndrome de désafférentation dû ment épurée par le foie.
à des lésions de la partie haute du tronc cérébral, n’est pas non Des lésions cérébrales localisées peuvent aussi provoquer un
plus un coma. Les fonctions hémisphériques sont correctes, le coma. Les lésions focales des hémisphères cérébraux n’altèrent
patient est conscient mais n’a aucun moyen de parler ou de en général pas la conscience, même si elles détruisent des
bouger. Seuls les mouvements oculaires verticaux et le cligne- fonctions importantes comme le langage ou la motricité d’un
ment volontaire des yeux sont conservés. hémicorps. Les comas dans ces lésions ont un autre mécanisme
La simple crise d’épilepsie avec retour à un niveau de cons- exposé plus loin. En revanche, des lésions diffuses et bilatérales
cience normal chez un épileptique connu ne doit pas être des hémisphères, après anoxie par exemple, peuvent être cause
incluse dans la logique diagnostique et thérapeutique du d’un coma.
symptôme coma en raison de son caractère bref et totalement Les lésions du thalamus, du tronc cérébral, tumorales ou
réversible. hémorragiques provoquent un coma profond par atteinte de la
substance réticulée.

■ Physiopathologie Hypertension intracrânienne.


Pression de perfusion cérébrale [2]
Physiologie de l’éveil [1] La pression intracrânienne se situe physiologiquement autour
En 1949, Giuseppe Moruzzi et Horace Magoun proposent que de 10 mmHg. Elle varie au rythme de la ventilation mais reste
le coma soit dû à une absence d’éveil. Michel Denoyer et basse. La masse cérébrale est enfermée dans une boîte rigide
Marcelle Sallanon précisent que l’éveil est assuré par un réseau constituée par les os du crâne. Toute augmentation de la masse
de structures neuronales redondantes situées dans le tronc cérébrale va, conformément à une loi physique, augmenter la
cérébral et dénommé système réticulé activateur ascendant pression au sein de la boîte crânienne, réalisant une hyperten-
(SRAA). La stimulation de ce système provoque l’éveil. sion intracrânienne. Cette augmentation du volume de la masse
Anatomiquement, ce système a des limites imprécises. Situé .
cérébrale est surtout le fait des hématomes et de l’œdème
au centre du tronc cérébral au contact de nombreux noyaux, il cérébral qui survient comme conséquence de la plupart des
s’étend de la partie inférieure du bulbe au thalamus et à pathologies cérébrales.
l’hypothalamus. Au sein de cette structure, les neurones sont La pression de perfusion cérébrale ou pression efficace de
fortement interconnectés entre eux et avec les fibres myélinisées perfusion est égale à la différence entre la pression aortique
et non myélinisées ascendantes et descendantes qui traversent moyenne et la pression parenchymateuse intracérébrale. Phy-
ces régions. siologiquement, elle est supérieure à 60 mmHg. Si la pression
Dans le thalamus, la substance réticulée est dispersée parmi intracrânienne s’élève pour se rapprocher de la pression aortique
les noyaux sensitifs et elle permet l’interconnexion ascendante moyenne, la pression de perfusion cérébrale diminue. Des signes
et descendante entre les différentes parties du cerveau. Les d’anoxie cérébrale apparaissent à partir de 40 mmHg de pres-
stimulations sensitives périphériques sont transmises au cortex sion de perfusion. Si la pression intracrânienne est supérieure à
et assurent un éveil et, inversement, la réaction corticale est la pression aortique moyenne, il y a arrêt de perfusion et
transmise aux noyaux du tronc cérébral expliquant les réactions rapidement mort cérébrale. Cela se visualise facilement en
neurovégétatives à une stimulation forte. .
réalisant une angiographie qui montre un arrêt de la circulation
De nombreux neuromédiateurs agissent dans l’éveil. Les cérébrale, c’est un des critères de mort cérébrale autorisant les
principaux neurotransmetteurs qui participent à la transmission prélèvements d’organes.
des influx sont l’acétylcholine, l’acide gamma-amino-butyrique Cette notion explique qu’il est impératif, lors de la prise en
(GABA), l’histamine, la noradrénaline, la dopamine et la charge des comas, en particulier traumatiques ou lors d’acci-
sérotonine. dents vasculaires cérébraux, de maintenir une pression de
Les neurones qui véhiculent ces neurotransmetteurs se perfusion cérébrale efficace grâce à un remplissage correct, à des
regroupent en deux voies, l’une ventrale ou voie réticulo- substances vasomotrices et, si nécessaire, à une mesure de la
hypothalamo-corticale, l’autre dorsale ou réticulo-thalamo- pression intracrânienne.
corticale.

Physiopathologie du coma ■ Examen clinique d’un coma


Toute anomalie portant sur la sécrétion, la fixation aux Concrètement, il existe deux contextes cliniques : le syn-
récepteurs spécifiques ou la destruction, dans l’espace intersy- drome confusionnel et le coma avéré.
naptique, des neurotransmetteurs peut provoquer une confusion
ou un coma. Syndrome confusionnel
Le neurone est très dépendant de son apport énergétique, il Le syndrome confusionnel, delirium pour les Anglo-Saxons,
n’a pratiquement pas de réserve. Il est très rapidement sensible est un tableau clinique commun en pratique journalière dont la

2 Médecine d’urgence
Comas ¶ 25-110-A-20

Tableau 1.
Le diagnostic de syndrome confusionnel nécessite la présence des critères 1 et 2 et soit le critère 3, soit le critère 4.
Critère 1 : apparition aiguë et symptomatologie fluctuante. Existe-t-il un comportement anormal fluctuant dans la journée ?
Considéré comme positif en cas de réponse positive aux deux questions sui- Y a-t-il eu un changement brutal des fonctions cognitives du patient par rap-
vantes : port à son état de base ?
Critère 2 : inattention Le patient a-t-il des difficultés pour se concentrer, est-il facilement distrait ou
Ce critère est présent en cas de réponse positive à la question suivante : a-t-il des problèmes pour garder le fil d’une conversation ?

Critère 3 : pensée désorganisée Le patient a-t-il une conversation improductive décousue, des idées peu claires
Ce critère est présent en cas de réponse positive à la question suivante : ou illogiques, ou passe-t-il de manière imprévisible d’un sujet à l’autre ?

Critère 4 : altération du niveau de conscience Comment évaluez-vous le niveau de conscience du patient ?


Ce critère est présent pour toute réponse autre que « normal » à la question
suivante :

Coma
“ Point important L’examen clinique d’un coma doit comporter au moins trois
temps :
• immédiatement, il faut rechercher tout signe de détresse
L’éveil est sous le contrôle de la substance réticulée vitale par la prise des constantes, pouls, pression artérielle,
activatrice qui active le cortex cérébral. Une atteinte constatation de mouvements de respiration, fréquence
spécifique ou diffuse de tout l’encéphale provoque un respiratoire et, si possible, mesure de saturation par voie
coma. transcutanée. La constatation d’une défaillance vitale impose
La souffrance cérébrale associe souvent une élévation de la des gestes thérapeutiques immédiats ;
pression intracrânienne. La pression de perfusion • dans un deuxième temps, une véritable « enquête policière »
cérébrale diminue et peut s’annuler, provoquant la mort est parfois nécessaire pour recueillir des informations sur la
cérébrale. ou les causes éventuelles de ce coma. Cette enquête peut être
difficile si le patient a voulu cacher un geste suicidaire, s’il
était seul au moment de l’installation du coma ;
• le troisième temps consiste en un examen clinique complet
et systématique en particulier neurologique pour confirmer la
fréquence varie, en fonction des critères de définition retenus,
cause du coma et mettre en place un projet thérapeutique.
de 15 à 30 % des hospitalisés en médecine [3]. Le syndrome
confusionnel regroupe les troubles suivants s’installant rapide- Interrogatoire de l’entourage
ment en quelques heures, après un fait marquant comme un
traumatisme, ou en quelques jours dans le contexte d’une Dans la mesure du possible, il faut s’enquérir :
pathologie infectieuse, métabolique ou toxique : • des antécédents, du traitement suivi, du mode de vie, d’une
exposition éventuelle professionnelle ou domestique à un
• altération de la conscience et de l’attention qui modifie le
toxique, d’un éthylisme chronique ou aigu, d’une éventuelle
comportement du sujet aux stimulations provoquant soit une
toxicomanie ;
réponse exagérée (delirium), soit une apathie ;
• de l’histoire de l’installation du coma, qui doit être soigneu-
• perturbations surtout de la mémoire récente et peu de la sement reconstituée : brutalité, signes précurseurs, état
mémoire ancienne, provoquant hallucinations le plus sou- clinique précédant le coma, circonstances de survenue ;
vent visuelles, désorientation dans le temps et dans l’espace • de l’activité respiratoire ou motrice depuis l’installation du
et troubles de la reconnaissance des personnes ; coma. L’existence éventuelle de mouvements anormaux ou
• troubles psychomoteurs avec hypo- ou hyperactivité, et répétitifs ;
passage imprévisible de l’un à l’autre ; • de l’existence d’un voyage récent en zone d’endémie, de la
• perturbation du cycle nycthéméral pratiquement constante notion de convulsions, de céphalées, de troubles moteurs, de
avec au minimum inversion du cycle nycthéméral et, dans les troubles du comportement ;
cas les plus sévères, perte totale du sommeil ; • des substances éventuellement ingérées : dans le cas d’une
• troubles émotionnels dont l’aspect dominant est l’anxiété. La intoxication volontaire, il faut soigneusement fouiller le local
dépression associée est aussi fréquente surtout dans les où est trouvée la victime pour rechercher les médicaments
encéphalopathies métaboliques. qu’elle aurait pu prendre ;
Dans la pratique courante, les syndromes confusionnels • de la notion d’exposition aux intempéries, ainsi que sa durée.
peuvent être détectés rapidement grâce au Confusion Assesment Le soleil provoque des brûlures, une déshydratation et une
Method (CAM) [3] mis au point en 1990. Sa sensibilité varie de hyperthermie, l’eau ou le froid peuvent être responsables de
94 à 100 % et sa spécificité de 90 à 95 % (Tableau 1). gelures et d’hypothermie.
Les diagnostics différentiels des syndromes confusionnels Examen clinique
sont :
Quelle que soit la cause présumée du trouble de conscience,
• les amnésies isolées telles qu’en réalisent les ictus amnési-
un examen clinique complet doit être réalisé, à la recherche de
ques ; le comportement moteur, les perceptions de l’entou-
lésions responsables du coma et de lésions secondaires qui
rage et les capacités d’attention sont préservées ;
peuvent, à elles seules, mettre en jeu le pronostic vital.
• la démence dégénérative, en particulier Alzheimer, de la Lors de la prise en charge d’un coma, l’inspection de tout le
personne âgée, mais la vigilance et l’attention sont préservées. corps est nécessaire. Sur un sujet au thorax dénudé et qui a des
Les troubles se sont installés lentement et s’aggravent régu- mouvements respiratoires, la constatation d’une asymétrie des
lièrement ; mouvements doit faire évoquer une atélectasie ou un pneumo-
• la bouffée délirante aiguë qui survient chez l’adolescent avec thorax. La palpation du thorax renseigne de façon assez précise
automatisme mental et dépersonnalisation ; sur l’existence d’un encombrement bronchique. Après avoir
• le syndrome maniaque mais il existe des formes avec syndro- éliminé le risque de lésions du rachis sur le contexte connu, le
mes confusionnels ; patient doit être retourné avec précaution, à la recherche de
• la mélancolie aiguë dans laquelle en principe il existe une déformations évocatrices de fractures, de contusions, de plaies,
douleur morale. d’hématomes et de points de compressions.

Médecine d’urgence 3
25-110-A-20 ¶ Comas

On recherche aussi des lésions cutanées significatives comme supérieure. Dans le coma, le tonus de l’orbiculaire prédomine et
un purpura, même quelques taches, des éruptions, des traces de les yeux sont fermés. Lorsque le coma est profond, le tonus de
piqûres. Au niveau céphalique, on recherche un éventuel ces muscles disparaît et les paupières ont tendance à être
écoulement de sang ou de liquide céphalorachidien (LCR) entrouvertes. La constatation d’un tonus élevé des muscles
extériorisé au niveau des oreilles, du nez ou du cavum et qui est orbiculaires, qui empêche l’ouverture des paupières, doit faire
en faveur d’un traumatisme grave (test positif au glucose à la évoquer un coma simulé.
bandelette).
La présence d’une perte d’urine, visible sur les vêtements, ou Analyse des pupilles
d’une morsure de langue doit faire évoquer une crise d’épilepsie. Les modifications pupillaires sont d’une extrême importance
La palpation des massifs osseux, du crâne, du thorax, du dans la surveillance d’un coma. Toute constatation ou appari-
rachis recherche des lésions osseuses. L’alignement des épineu- tion d’inégalité du diamètre pupillaire, anisocorie, doit être
ses n’exclut pas une lésion rachidienne, mais rassure avant la notée. Les pupilles sont normalement égales et ont un diamètre
mobilisation éventuelle du corps. de 3 à 7 mm. Chez quelques personnes, il existe une très légère
L’auscultation des champs pulmonaires va rechercher une anisocorie inférieure à 1 mm qui persiste lors de la recherche
asymétrie du murmure vésiculaire. des réflexes pupillaires. La stimulation sympathique (effet
La mesure de la température corporelle doit être prise avec un adrénergique) contracte le muscle pupillodilatateur et provoque
thermomètre adapté à la détection des hypothermies. La une mydriase. La stimulation parasympathique (effet choliner-
température initiale doit être analysée en fonction de la gique) contracte les fibres pupilloconstrictives et provoque un
température ambiante où se trouve la victime. Elle peut appor- myosis.
ter des éléments sur la durée du coma et son étiologie L’examen des pupilles au cours d’un coma renseigne sur la
éventuelle. fonction mésencéphalique et protubérantielle, ainsi que sur une
lésion éventuelle des nerfs optiques et de la IIIe paire crânienne.
Examen neurologique [4, 5] Lorsqu’elle est bilatérale, la mydriase indique soit une
Simple et systématique, conduit avec rigueur, il est répété stimulation adrénergique (hypoglycémie, intoxications à des
pour que l’on puisse suivre l’évolution de l’état de conscience. drogues adrénergiques ou atropiniques, anoxie cérébrale), soit
Il repose sur le fait que chaque zone du cerveau a des fonctions une lésion mésencéphalique sévère. Elle peut aussi être le fait
définies et que la souffrance d’une de ces zones aura des signes d’une rupture de l’arc réflexe rétine-cortex occipital par destruc-
spécifiques. tion du cortex occipital, ce qui donne une cécité corticale ou
L’activité cérébrale est évaluée sur l’observation des mouve- d’une lésion du nerf optique, elle est alors souvent unilatérale.
ments spontanés puis par l’observation de la réponse à des Lorsqu’elle est unilatérale, la mydriase évoque surtout une
stimuli. compression ou étirement du IIIe nerf crânien au niveau du
La motricité spontanée, lorsqu’elle existe, est analysée sur le foramen ovale par engagement temporal lui-même lié à une
degré d’organisation et la finalité des mouvements. augmentation unilatérale de la masse cérébrale. Ce constat pose
Il faut rechercher avec attention des petits mouvements fins, l’indication d’urgence thérapeutique. Une mydriase unilatérale
myocloniques, des extrémités, qui doivent faire évoquer un état peut aussi être le fait d’un traumatisme direct du globe oculaire
de mal épileptique infraclinique. ou d’une lésion isolée du noyau du III au niveau du tronc
Les mouvements spontanés oculaires, ouverture des paupiè- cérébral.
res, mouvements des globes oculaires, sont à observer en Le myosis consiste en une contraction anormale pour la
relevant les paupières. Sont significatifs des mouvements lumière ambiante des constricteurs de la pupille ou d’une
pendulaires ou un nystagmus. Les mouvements spontanés tels diminution du tonus des dilatateurs. Comme la mydriase, il
que déglutition et respiration ne renseignent pas sur l’étiologie peut être lié à la prise de toxiques provoquant une stimulation
du coma mais sur sa profondeur. cholinergique (morphinique, hypnotiques) ou à une hémorragie
La réactivité motrice est explorée par des stimuli douloureux. pontine étendue. Moins serré, il est souvent présent dans les
Les stimulations doivent explorer les deux côtés de façon encéphalopathies métaboliques ou les lésions bihémisphériques.
symétrique et en divers lieux du corps. Sont utilisés la pression
Unilatéral, il évoque une lésion ciblée du mésencéphale qui
du lit unguéal, le pincement de la face interne des bras ou des
provoque une anomalie du fonctionnement des voies
cuisses, des régions sous-claviculaires, la manœuvre de Pierre
sympathiques.
Marie et Foix.
Les yeux étant maintenus ouverts, la recherche des réflexes
La réponse observée peut prendre un caractère localisateur –
photomoteurs et consensuels est effectuée à l’aide d’une lumière
le patient va chercher de la main la zone stimulée, ou se
vive inondant séparément chaque œil et en cachant l’autre à la
traduire par un geste de retrait simple du membre sur lequel la
lumière. Normalement, on constate une contraction pupillaire
stimulation est effectuée. Enfin, elle peut consister en des
de l’œil éclairé, c’est le réflexe photomoteur, et, à un moindre
mouvements inadaptés, traduisant une souffrance cérébrale plus
degré, de la pupille de l’œil non éclairé, c’est le réflexe consen-
importante. Selon l’importance des lésions cérébrales, il à été
décrit les réponses dites de : suel. Ces réflexes sont peu influencés par les toxiques et les
• décortication, adduction du bras, flexion lente de l’avant- anomalies métaboliques.
bras sur le bras ; La présence de ces deux réflexes confirme l’intégrité de l’arc
• décérébration adduction et extension en rotation interne des réflexe rétine-cortex occipital, des noyaux du III et des nerfs
bras, associées à une projection de l’épaule en avant, réalisant associés.
le classique mouvement d’enroulement. Réflexe de clignement. Le réflexe de clignement à la menace
Ces phénomènes ne sont pas spécifiques de lésions cérébrales traduit un état de veille quasi normal car il active le cortex
mais évoquent seulement des niveaux d’atteinte neuronale de occipital qui intègre la menace et provoque la fermeture des
plus en plus profonds. paupières. De la même façon, un clignement des paupières lors
Enfin, l’étude de la motricité comporte systématiquement d’un bruit soudain ou en présence d’une lumière intense traduit
l’examen comparatif des réflexes ostéotendineux et cutanés un éveil normal.
plantaires, ainsi que l’évaluation du tonus musculaire lors de la Réflexe nasopalpébral. Le réflexe nasopalpébral est obtenu
manipulation passive à la recherche d’une hypertonie ou d’une en percutant la glabelle fortement, ce qui provoque une
hypotonie ou d’une roue dentée. contraction des paupières. Ce réflexe disparaît dans les comas
profonds.
Examen des yeux Réflexe ciliopalpébral. Le réflexe ciliopalpébral ou cligne-
Compte tenu de leur innervation, les yeux permettent de ment des paupières quand on touche les cils évoque aussi une
préciser le niveau d’atteinte du tronc cérébral. conscience pratiquement normale. Comme la fermeture volon-
L’occlusion des paupières est liée à la prépondérance du tonus taire de paupières, il évoque un coma simulé si le patient se
des muscles orbiculaires sur celui du releveur de la paupière présente comme comateux.

4 Médecine d’urgence
Comas ¶ 25-110-A-20

Tableau 2. Tableau 3.
Tableau des arcs réflexes. Score de Glasgow.
Cortex Parole, vision Score de Glasgow Réponse Niveau
Clignement à la menace Ouverture des yeux Spontanée 4
Sous-cortical Mouvements appropriés À l’appel 3
Retrait À la douleur 2
Diencéphalique Ciliospinal mimique Aucune réponse 1
Fronto-orbiculaire Meilleure réponse motrice Obéit :
Photopalpébral – à la commande verbale
Mésencéphalique Oculomoteurs verticaux – à un stimulus douloureux :
Photomoteurs Localise la douleur 5
Mouvement d’évitement 4
Protubérancile Cornéens
Flexion inadaptée 3
Oculomoteurs horizontaux
Extension 2
Bulbaire Toux oculocardiaque
Aucune réponse 1
Meilleure réponse verbale Claire et adaptée 5
Confuse 4
Réflexe cornéen. Le réflexe cornéen, recherché par attouche- Mots inappropriés 3
ments précautionneux et stériles de la cornée pour ne pas léser Sons incompréhensibles 2
celle-ci, comporte un clignement de la paupière et un mouve-
Pas de réponse 1
ment du globe oculaire associé. Sa disparition suppose une
atteinte de la protubérance.
Lorsque la stimulation cornéenne provoque un déplacement
latéral de la mâchoire ou une diduction du côté opposé à la ■ Explorations complémentaires
stimulation cornéenne, on parle de réflexe ptérygomandibulaire
qui traduit une souffrance mésencéphalique avec libération de Biologie
l’activité protubérantielle.
Réflexes oculocéphaliques. Les réflexes oculocéphaliques Les examens biologiques sont indiqués dans tous les types de
comas. En situation préhospitalière, le dosage de la glycémie au
sont recherchés lors d’un mouvement de rotation ou de flexion
doigt est systématique et impératif.
rapide de la tête. Dans un coma profond, les globes oculaires
En routine, le bilan biologique comporte le dosage du
restent fixes dans les orbites. Si les voies protubérantielles sont
sodium, potassium, glucose, calcium, phosphore et de la
intactes, on constate une déviation conjuguée des globes créatinémie. Le bilan hépatique, s’il est indiqué, doit comporter
oculaires en sens inverse, suivie d’un retour lent en position le dosage de l’ammoniémie. La gazométrie sanguine est indi-
axiale. De la même façon, lors d’une flexion rapide de la nuque, quée pour évaluer la répercussion ventilatoire du coma.
on obtient une réponse oculaire en sens opposé. Il est évident La ponction lombaire, avec ou sans scanner préalable, est une
que ce type de réflexe ne doit pas être cherché en cas de urgence devant tout coma fébrile. De la même façon, des
suspicion des lésions du rachis cervical. Ces réflexes prennent hémocultures sont indiquées devant tout contexte infectieux
naissance dans les labyrinthes de l’oreille interne et transitent même sans frissons.
par les noyaux du III, du VI et le faisceau longitudinal médian. La recherche de toxiques n’est pas systématique devant un
S’ils sont présents, ils signifient que le tronc cérébral n’est pas coma a priori toxique. En effet, confirmer l’absorption d’un
atteint. L’absence de réflexes oculocéphaliques signifie, en toxique que l’on sait avoir été ingéré n’apporte rien au diagnos-
revanche, une atteinte du tronc cérébral. tic sauf si la prise en charge thérapeutique le nécessite (paracé-
tamol, aspirine, digitaliques, antiépileptiques).
Réflexes oculovestibulaires Un résultat positif à une substance prise dans un but théra-
peutique ne doit pas faire considérer que le coma est dû
Après vérification de l’intégrité du tympan et des conduits
uniquement à l’absorption de cette substance [6]. Dans un même
auditifs externes, les réflexes oculovestibulaires sont recherchés
ordre d’idée, une alcoolémie positive chez une personne
en irriguant avec de l’eau glacée le conduit auditif externe, la
comateuse ne doit pas faire oublier de rechercher une autre
tête fléchie à 30°. Si les voies réflexes du tronc cérébral sont cause comme un traumatisme favorisé par le contexte.
intactes, on déclenche un nystagmus dont la secousse lente se La recherche d’un toxique non dosé en routine nécessite une
fait vers le conduit auditif irrigué et la secousse rapide remet technique longue et coûteuse, mais qui peut se révéler utile
l’œil dans sa position sans dépasser l’axe médian. dans des situations exceptionnelles.
Réflexe oculocardiaque
Imagerie
On obtient, en exerçant une pression soutenue des deux
globes oculaires, un ralentissement de la fréquence cardiaque. Un scanner sans injection doit être fait systématiquement et
Ce réflexe disparaît dans les comas très profonds et ne doit rapidement devant tout coma surtout d’origine inexpliquée. Il
pas être recherché en cas d’implant intraoculaire cristallin permet de visualiser hématomes, hémorragies, fractures, effets
(Tableau 2). de masses et œdèmes. Un scanner normal n’exclut pas des
lésions cérébrales petites, diffuses ou n’exprimant pas d’écart de
densité avec le parenchyme normal comme dans un accident
Mesure de la profondeur d’un coma ischémique précoce, une infection virale ou des contusions
Il existe différents niveaux de coma qui ont chacun leurs cérébrales non hémorragiques [7].
Un scanner injecté va apporter d’autres informations en
caractéristiques cliniques.
visualisant le système vasculaire. Sont plus facilement mis en
Le score de Glasgow permet, à un moment donné, de chiffrer évidence les malformations vasculaires, les thrombophlébites
la profondeur d’un coma et d’en suivre l’évolution (Tableau 3). cérébrales, les tumeurs vascularisées et les abcès. L’absence de
Si le patient est intubé, une estimation de la réponse verbale perfusion cérébrale au scanner injecté est un critère de mort
est faite : 5 s’il semble capable de parler, 3 s’il semble capable cérébrale.
de réponses simples, 1 s’il ne répond pas. Il faut savoir répéter cet examen à 48 heures.

Médecine d’urgence 5
25-110-A-20 ¶ Comas

L’imagerie par résonance magnétique (IRM) est moins acces- crâne. La boîte crânienne est cloisonnée par des lames rigides de
sible dans le cadre de l’urgence et pose des problèmes pour les dure-mère, réalisant des caissons ouverts sous la faux pour les
gens ventilés. Cet examen visualise mieux les lésions ischémi- deux hémisphères vers le foramen ovale en haut et le trou
ques cérébrales au stade précoce et les lésions de la fosse occipital en bas pour la fosse postérieure. Le cerveau est
postérieure [7]. Il est préconisé en urgence pour les suspicions constitué d’un tissu fragile de la consistance d’une gelée qui,
d’accident vasculaire ischémique. lors d’un ébranlement, subit des cisaillements diffus, interrom-
L’échographie transcrânienne a bénéficié de l’apport de pant les connections neuronales. Les lésions traumatiques
nouvelles technologies. Cet examen permet de visualiser les concernent aussi les petits vaisseaux provoquant des hémorra-
déplacements de structure et les flux vasculaires. Il renseigne sur gies visibles au scanner.
l’état du débit sanguin cérébral. Il peut être fait rapidement et Une augmentation rapide du volume du parenchyme cérébral
au lit du patient. enserré dans son contenant rigide provoque l’engagement de la
. masse cérébrale au travers de l’orifice associé. Ces engagements
Enregistrements potentiels sont au mieux visualisés par la scannographie cérébrale ou
l’IRM.
L’électrocardiogramme (ECG) doit être systématique pour
Pour un engagement d’un lobe temporal dans le foramen
détecter une étiologie d’origine cardiaque au coma comme
ovale, il existe un déficit moteur du côté opposé de la lésion par
trouble du rythme ventriculaire, ou pour apprécier la consé-
compression des faisceaux moteurs avant qu’ils ne croisent dans
quence myocardique d’un toxique.
le tronc cérébral et une mydriase du côté de la lésion par
L’électroencéphalogramme (EEG) a sa place dans la prise en
compression du nerf III sur le bord de la tente du cervelet.
charge des comas, en particulier pour la mise en évidence des
états de mal épileptique infracliniques. Il permet la mise en Lorsque l’augmentation de pression dans les caissons hémis-
évidence des crises d’épilepsie et d’affirmer l’état de mort phériques est bilatérale, l’engagement est médian, provoquant
cérébrale. Son interprétation dans le contexte de l’urgence peut cliniquement un myosis bilatéral avec des signes de souffrance
être difficile en cas d’hypothermie ou de traitements hypnoti- du tronc cérébral et des signes neurovégétatifs.
ques donnés pour une sédation. Lorsque l’augmentation de pression se fait uniquement dans
L’enregistrement des potentiels cérébraux obtenus par stimu- la fosse postérieure, il y a compression du tronc cérébral sur le
lation et moyennés sur une période ou potentiels évoqués [8] clivus et protrusion vers le haut ou le bas avec engagement des
permet d’explorer la fonctionnalité des voies afférentes sensiti- amygdales cérébelleuses. Ce type d’engagement provoque des
ves. Ils n’ont pas leur place dans l’urgence, mais permettent morts subites par arrêt cardiorespiratoire en cas de mise en
d’explorer les comas prolongés ou en phase d’éveil et de préciser extension de la tête, en particulier lors de l’intubation
le niveau atteint. orotrachéale.
Ces lésions vont provoquer une augmentation de la pression
intracrânienne dont l’effet délétère porte sur la diminution de
la pression de perfusion avec souffrance cérébrale.

“ Point important Un œdème cérébral se constitue rapidement après la lésion


du tissu cérébral et évolue sur plusieurs jours avec un maximum
autour du 3e jour, ce qui rend difficile le pronostic.
Comas et syndromes confusionnels relèvent du même L’objectif thérapeutique dans le traumatisme crânien est le
cadre physiopathologique et doivent être gérés de la maintien d’une bonne oxygénation cérébrale par l’assistance
même façon. Trouver l’étiologie d’un coma nécessite le ventilatoire mécanique ou non et le maintien d’une bonne
recueil précis d’informations concernant l’environnement perfusion.
où le patient à été découvert. Certaines étiologies doivent L’intubation trachéale doit être discutée dès que le score de
être immédiatement recherchées pour apporter une Glasgow est inférieur à 10 et être réalisée s’il est inférieur à 8.
réponse thérapeutique sans délai. La pression aortique moyenne doit être maintenue autour de
100 mmHg par expansion volémique et substances vasomo-
La mesure de la profondeur du coma s’appuie sur le score
trices [10].
de Glasgow qui doit être répété. Si certains signes
La perfusion de soluté hypertonique est proposée pour
cliniques permettent d’évoquer le niveau de la lésion diminuer l’hypertension intracrânienne (HTIC) (Mannitol®).
cérébrale, l’imagerie est indispensable, complétée par la Il faut aussi éviter les complications liées aux lésions associées
biologie. et en particulier l’embolie graisseuse en cas de fractures des os
longs ou les lésions médullaires en cas de fracture du rachis.

■ Principales étiologies des comas Comas d’origine toxique [11]


Si certaines circonstances sont très évocatrices comme le Les comas par absorption volontaire de toxiques ou de
suicide ou le traumatisme, parfois, une enquête précise est médicaments représentent 75 % des causes dont 70 % pour les
nécessaire. L’objectif est d’obtenir très vite une hypothèse hypnotiques seuls ou associés.
diagnostique de façon à adapter les premiers gestes Pour certains produits, l’utilisation d’antidotes doit être
thérapeutiques. immédiate. Il s’agit des intoxications aux cyanures inhalés lors
d’incendies, aux opiacés absorbés dans le cadre de toxicomanie,
aux digitaliques, au paracétamol, au monoxyde de carbone, aux
Comas d’origine traumatique [9] organophosphorés.
Avec les intoxications, ce sont les comas les plus fréquents. Le Devant un coma d’origine toxique se pose le problème de
contexte permet, en règle, d’évoquer facilement le diagnostic. l’évacuation gastrique [12]. Formellement contre-indiquée en cas
Il est nécessaire d’essayer de reconstruire le mécanisme du d’absorption de produit caustique, l’évacuation gastrique n’est
traumatisme et d’évaluer l’énergie cinétique absorbée par le en règle admise que dans l’heure qui suit l’absorption de la
patient pour anticiper sur le type et la gravité des lésions. Il faut substance. Elle peut se faire par lavage gastrique à l’aide d’une
rechercher l’existence d’un hématome compressif comme le sonde de gros calibre. Elle n’élimine que peu de drogue et n’est
classique hématome extradural. Les lésions associées compli- pas sans risque traumatique. La prescription d’émétique a été
quent souvent la prise en charge et aggravent le pronostic. proposée mais n’est pas indiquée chez un patient dans le coma.
La boîte crânienne est fermée et rigide, tout impact sur sa L’intubation trachéale n’élimine pas le risque d’inhalation.
surface va répartir l’énergie sur l’ensemble de celle-ci. Les L’administration de charbon actif par sonde gastrique est peu
fractures peuvent être localisées au niveau de l’impact mais aussi efficace sur un sujet donc le transit intestinal est ralenti, voire
à distance et plus particulièrement au niveau de la base du arrêté.

6 Médecine d’urgence
Comas ¶ 25-110-A-20

Les intoxications volontaires associent souvent plusieurs signes d’irritation pyramidale au début de l’installation du coma
produits toxiques qui correspondent en pratique au traitement qui disparaissent lorsque le coma devient plus profond. La
prescrit. Le contexte est en règle connu, la famille ou les gravité de ce type d’intoxication est liée au collapsus cardiovas-
proches évoquant la prise de toxique, ou l’on retrouve, autour culaire majeur qu’elle peut entraîner et à ses conséquences. Le
du patient, des flacons vides ou des emballages de comprimés. traitement symptomatique inclut le remplissage et l’administra-
Dans la très grande majorité des cas, le patient a ingéré les tion d’amines vasopressives. L’autre caractéristique de cette
produits retrouvés dans son environnement. intoxication est l’arrêt du transit intestinal avec relargage
Les renseignements, fournis par l’entourage ou la personne prolongé. Le relargage constaté cliniquement doit faire poser
encore consciente, sont aptes à fournir des informations l’indication d’une fibroscopie gastrique à la recherche d’aglo-
efficaces pour l’évaluation du type de produit, l’heure de la prise mérats intragastriques de comprimés et leur évacuation.
et les quantités ingérées [13].
Déterminer le type de toxique ingéré, quand le contexte n’est Neuroleptiques
pas évocateur, n’est pas simple. Le produit ingéré fait partie en
règle de l’environnement familial ou professionnel. Un scree- Ce sont des molécules dont le mécanisme d’action est un
ning rapide des différents produits possibles permet de retenir effet antidopaminergique. La dose provoquant un coma varie
les hypothèses les plus probables. selon le type de molécule : le coma est calme et profond pour
Les hypnotiques sont souvent utilisés, certaines molécules les neuroleptiques sédatifs et plutôt agité avec des signes
peuvent provoquer un coma très rapide qui peut mettre en jeu extrapyramidaux pour les dérivés pipérazinés.
le pronostic vital par hypoventilation alvéolaire.
Antidépresseurs tricycliques
Benzodiazépines
Ils provoquent un coma avec des signes anticholinergiques
Elles sont responsables d’un coma calme, hypotonique, sans
comportant une mydriase, une tachycardie avec hypertension
signes de localisation. Les pupilles sont typiquement en myosis.
initiale, une rétention aiguë d’urine inconstante. Au niveau du
Les troubles hémodynamiques sont peu fréquents et réagissent
myocarde, ces produits ont un effet stabilisant de membrane à
bien au remplissage. Quand le coma est profond, il peut exister
forte dose. Des crises épilepsies sont possibles lors de l’adminis-
une hypoventilation alvéolaire.
tration de flumazénil pour une intoxication aux benzodiazépi-
Après absorption, la concentration plasmatique maximale est
nes associée.
atteinte en 1 à 2 heures. Elles diffusent bien dans l’organisme
et font l’objet d’un stockage tissulaire avec relargage possible, ce
qui explique des réveils tardifs. Intoxication alcoolique aiguë
Le mécanisme d’action principal des benzodiazépines est la Le coma survient après une dose variable surtout selon les
fixation sur les récepteurs postsynaptiques de l’acide gamma- habitudes du patient. L’alcoolémie peut varier de 2 à 5 g/l. Le
aminobutyrique (GABA)-A, augmentant ainsi l’effet du GABA,
coma est calme, profond avec mydriase. Chez l’enfant, dont le
principal neuromédiateur inhibiteur de la substance réticulée.
capital enzymatique n’est pas complet, l’intoxication alcoolique
Le foie, par son action métabolique, élimine l’essentiel des
provoque une hypoglycémie profonde qu’il faut rapidement
métabolites actifs surtout chez les patients qui ont une induc-
corriger [14]. Chez l’adulte, il est nécessaire, au moindre doute,
tion enzymatique. L’élimination urinaire joue peu dans l’éveil
de rechercher une autre cause au coma : traumatisme crânien,
et la diurèse forcée classique n’est pas très efficace.
hémorragie méningée, état de mal épileptique.
Il existe un antidote, le flumazénil, dont l’utilisation doit être
réfléchie. L’injection provoque un réveil brutal qui peut poser
Intoxication au monoxyde de carbone [15]
des problèmes d’agressivité ou déclencher des convulsions si un
toxique convulsivant lui est associé [11]. L’intoxication au monoxyde de carbone (CO) est le plus
souvent accidentelle et survient surtout l’hiver. Gaz inodore,
Barbituriques non irritant et non suffocant, le monoxyde de carbone a une
Responsables d’un coma calme et sans signes de localisation, affinité pour l’hémoglobine 250 fois plus grande que celle de
les barbituriques sont moins utilisés que les benzodiazépines. l’oxygène. Il se crée une molécule de carboxyhémoglobine
Les troubles hémodynamiques sont plus fréquents qu’avec les incapable de relarguer de l’oxygène au niveau des tissus
benzodiazépines. Avec les barbituriques à action rapide, les plus périphériques, réalisant ainsi une anoxie cellulaire. La sympto-
dangereux, il faut craindre un arrêt ventilatoire ou une hypo- matologie précédant le coma est variable. Classiquement, on
ventilation suffisante pour provoquer un arrêt cardiaque si le retrouve des céphalées, des nausées et des vertiges. Le coma
patient n’est pas pris en charge suffisamment tôt. s’installe plus ou moins vite, parfois d’emblée, parfois en
Essentiellement prescrits comme antiépileptiques, ils sont passant par un stade confusionnel évoquant une pathologie
plus ou moins rapidement absorbés en fonction de leur liposo- psychiatrique. En règle, dans les intoxications isolées au CO, il
lubilité et de leur dissociation ionique au niveau de l’estomac. n’y a pas de collapsus. La caractéristique de cette intoxication
Ils diminuent l’excitabilité du système nerveux central à tous est le syndrome postintervallaire. Dans 10 à 30 % des cas
les niveaux. Ils renforcent la teneur encéphalique et l’effet apparaissent, après une récupération clinique, des troubles
synaptique inhibiteur du GABA. neurologiques définitifs. Un taux initial de carboxyhémoglobine
Il n’existe pas d’antidote pour ce type de drogue et le supérieur à 25 % et l’âge supérieur à 60 ans sont des facteurs
traitement est symptomatique. La diurèse forcée n’élimine que favorisants. La présence de carboxyhémoglobine dans le sang
peu de toxique comparée à l’action du foie. veineux ou artériel avant toute oxygénation confirme l’intoxi-
La diphénylhydantoïne et l’un des rares anticonvulsivants à cation. L’oxygénothérapie immédiate au masque à 100 % ou
donner des signes spécifiques au fur et à mesure que les taux par ventilation est systématique. Une oxygénothérapie hyper-
sanguins s’élèvent. Des troubles digestifs sont souvent présents bare est indiquée devant tout signe neurologique objectif, même
au début puis, sur le plan neurologique apparaissent nystagmus, régressif.
vertiges et diplopie et enfin coma. Les pupilles restent réactives.
L’élimination hépatique est saturable et l’intoxication peut Cyanures [16]
s’exprimer par l’apparition de crises d’épilepsie. Le plus souvent, l’intoxication survient dans un contexte
d’inhalation de fumées d’incendie et d’un collapsus vasculaire.
Carbamates Elle doit faire prescrire un antidote sans délai. Les pupilles sont
Les carbamates, en tant que dépresseurs du système GABA, en règle en mydriase. Les ions cyanures inhibent la cytochrome-
sont des substances qui donnent des intoxications graves oxydase intramitochondriale, provoquant une anoxie tissulaire
lorsque les doses ingérées sont supérieures à 6 g. Le coma est dont le marqueur sanguin est l’élévation des lactates sanguins
calme, profond, aréflexique avec mydriase. Il peut exister des (Tableau 4).

Médecine d’urgence 7
25-110-A-20 ¶ Comas

Tableau 4.
État de la ventilation et des pupilles selon le toxique dominant.
Coma calme Hypoventilation Myosis Opiacés, benzodiazépines, phénothiazines, barbituriques
Mydriase Carbamates, hydroxyzine, tricycliques, alcool forte dose
Hyperventilation Myosis Organophosphorés
Mydriase Trichloréthylène, méthanol, éthylène-glycol
Coma agité ou convulsions Hypoventilation Myosis Organophosphorés
Mydriase CO, tricycliques, hypoglycémiants, chloroquine
Hyperventilation Myosis Organophosphorés
Mydriase CO, atropiniques, alcool, hypoglycémiants, théophylline, salicylés,
méthanol, cyanures, cocaïne, digitalliques
CO : monoxyde de carbone.

Coma d’origine vasculaire devant un coma sans cause évidente, la réalisation rapide d’une
glycémie au doigt qui confirme le diagnostic ou, à défaut,
On distingue cliniquement les accidents vasculaires thrombo- l’injection systématique de sérum glucosé.
tiques à début progressif et précédés d’épisode d’ischémie
transitoire, des accidents emboliques à début brutal et massif. Comas anoxiques
Dans ce type d’étiologie, la constatation d’un coma implique
l’ischémie d’un gros territoire cortical ou sous-cortical, l’exis- L’anoxie aiguë provoque, comme dans l’arrêt circulatoire, un
.
tence d’un œdème ou une d’ischémie de la substance réticulée coma rapide mais la tolérance semble meilleure que dans
dans le cadre d’un accident du tronc cérébral ou plusieurs de ces l’anoxie vasculaire. Une restauration rapide en quelques minutes
mécanismes associés. L’examen clinique, dans la mesure où le de l’oxygénation cérébrale permet une récupération le plus
patient réagit, permet de préciser le territoire infarci. Le scanner souvent correcte même s’il peut persister des séquelles comme
cérébral fait précocement est souvent normal, éliminant des myoclonies ou une amnésie [17] . Des séquelles diverses
.
l’hémorragie, l’IRM est plus contributive et doit être préférée. peuvent être rencontrées comme des cécités corticales, des
Dans l’accident vasculaire ischémique, l’apparition d’un coma déficits moteurs portant sur les membres par anoxie médullaire
est un signe de gravité qui contre-indique la thrombolyse. ou des syndromes dépressifs.
L’accident vasculaire hémorragique est le plus souvent L’anoxie des accidents vasculaires cérébraux ischémiques
découvert au scanner dans le cadre d’un bilan. Le tableau donne un coma lorsque le territoire concerné est important
typique d’hémorragie cérébroméningée associe une céphalée (hémisphérique) ou touche le tronc cérébral. Les lésions
brutale localisée, des signes méningés avec vomissements et neuronales semblent tardives. Le marqueur de la souffrance
parfois des signes déficitaires. Là aussi, la constatation d’un gliale associée à celle des neurones, la PS100, ne s’élève qu’au
coma est un signe de gravité. De nombreuses causes sont bout de 24 à 36 heures alors qu’elle est quasi instantanée dans
possibles, les plus fréquentes sont l’hématome intracérébral de le traumatisme crânien [18].
l’hypertension, la rupture d’une malformation vasculaire, la
transformation hémorragique d’un accident ischémique. Carences vitaminiques du groupe B
Un saignement méningé est une étiologie classique d’une L’encéphalopathie de Gayet-Wernicke est due à un déficit
symptomatologie psychiatrique d’apparition brutale. majeur en vitamine B 1 chez l’alcoolique, dénutri le plus
souvent. La symptomatologie associe classiquement au syn-
Coma d’origine métabolique drome confusionnel une ophtalmoplégie et une ataxie qui
surviennent dans un contexte de sevrage alcoolique. Les lésions
Ces causes sont fréquentes, entraînant un coma par perturba- anatomiques portent sur les régions périventriculaires du
tion aiguë et diffuse du fonctionnement cérébral. On suspecte diencéphale du mésencéphale et du tronc cérébral. Cette
l’origine métabolique lorsque le coma est d’apparition progres- encéphalopathie peut être déclenchée par l’administration de
sive, d’abord simple altération de la conscience puis syndrome sérum glucosé chez un sujet carencé. Il s’agit d’une urgence
confusionnel aigu enfin coma plus ou moins profond. Il existe thérapeutique qui nécessite l’administration intraveineuse de
souvent des phénomènes moteurs comme l’astérixis, des thiamine.
myoclonies, une hypertonie oppositionnelle, des tremblements,
des fasciculations. En règle, il n’y a pas de signes focaux sauf s’il
existe des lésions cérébrales antérieures qui peuvent être Coma d’origine infectieuse
majorées. Les crises convulsives sont classiques et cessent au De nombreuses situations associent un coma dans un
traitement symptomatique. L’examen des pupilles met en contexte infectieux. L’atteinte infectieuse du parenchyme
évidence des pupilles intermédiaires ou en myosis avec réflexes cérébral constitue une urgence thérapeutique. Il faut préciser
photomoteurs conservés. En revanche, la mydriase est constante rapidement le type d’agent infectieux concerné par l’analyse du
en cas d’hypoglycémie ou d’hypoxie. contexte, les signes associés, la ponction lombaire et le scanner
Les causes les plus fréquemment rencontrées sont l’hypona- et débuter un traitement antibactérien ou viral sans délai.
trémie (en dessous de 115 mmol/l), l’hyperosmolarité avec Le purpura fulminans associe un sujet jeune, des pétéchies
hypernatrémie, l’acidocétose diabétique, l’hypercalcémie, cutanées et typiquement la notion d’autres cas. La ménin-
l’insuffisance hépatique ou rénale évoluées. C’est le bilan goencéphalite bactérienne associe un syndrome méningé et,
biologique qui permet d’évoquer le diagnostic en montrant des parfois, des signes de localisation. L’installation est rapide mais
anomalies typiques de chaque situation. Le traitement repose .
progressive.
sur celui de la pathologie causale. La correction trop rapide L’encéphalite virale atteint le sujet jeune et a des signes
d’une hyponatrémie ou d’une hypernatrémie peut être suivie spécifiques au scanner et à l’IRM.
d’une myélinolyse centropontine. Enfin l’accès pernicieux palustre survient dans un contexte
d’exposition récent à Plasmodium falciparum.
Hypoglycémie La ponction lombaire après scanner est l’examen de référence
C’est une cause très fréquente de coma, en particulier chez les devant tout coma fébrile.
diabétiques insulinodépendants, et elle peut parfois être Des signes de souffrance cérébrale survenant dans un
mortelle. Le coma hypoglycémique associe des sueurs profuses contexte infectieux, avec ponction lombaire et scanner nor-
très caractéristiques, une mydriase, un signe de Babinski maux, sont un signe de gravité du syndrome infectieux. La
bilatéral, des convulsions parfois. L’urgence métabolique justifie, physiopathologie de celui-ci est discutée [19].

8 Médecine d’urgence
Comas ¶ 25-110-A-20

Coma d’origine épileptique [20] Tableau 5.


Étiologie des comas.
Le coma épileptique comprend deux situations. Lors de la
Chapitre Détail Sous-détails
crise convulsive simple, il existe une phase dite postcritique et
un retour rapide à la conscience normale. Si les crises d’épilep- Traumati- Hématomes intracérébraux
sies se répètent, le coma est prolongé et l’on parle d’état de mal ques Hématomes extraduraux
convulsif. Cette situation particulière nécessite une prise en Hématomes sous-duraux
charge rapide. On peut trouver à l’origine d’un état de mal Contusion
pratiquement toutes les causes de coma décrites plus haut. La
Embolie graisseuse
particularité de ce coma est qu’il justifie un traitement urgent
et spécifique par benzodiazépines ou barbituriques. Toxiques Éthanol ou méthanol
La clinique peut être trompeuse si les mouvements cloniques Antidépresseurs tricycliques
ne sont pas visibles. On parle alors d’état de mal larvé ou Anticholinergiques
infraclinique qui peut être suspecté sur la constatation de Antiépileptiques
quelques petites contractions musculaires isolées chez un sujet Benzodiazépines
comateux. De la même façon, un tel état de mal peut se
Barbituriques
présenter sous la forme d’un syndrome confusionnel d’appari-
tion brutale en particulier chez le sujet âgé. Seul l’EEG fait en Éthylène glycol
urgence permet le diagnostic et le suivi du traitement. Lithium
L’étiologie des comas est résumée dans le Tableau 5. Monoxyde de carbone
Cyanures
Morphiniques
■ Prise en charge thérapeutique Neuroleptiques
Vasculaires Hémorragie cérébroméningée
Avant l’arrivée des secours Infarctus cérébraux
Thrombophlébite cérébrale
Le diagnostic de coma est médical. Un témoin intervenant
Encéphalopathie hypertensive
doit se contenter de gestes simples dont le premier est l’appel
Vascularites
de secours en faisant le 112 ou le 15.
Métaboliques Anoxie ou ischémie cérébrale Asphyxie
Insuffisance de débit
À l’arrivée des secouristes cérébral
Ceux-ci sont formés et disposent de moyens. Ils peuvent Intoxication au CO
rapidement consolider la position de sécurité, débuter une Hypoglycémie
réanimation cardiaque si nécessaire, mettre en place une Hypercalcémie Paranéoplasique
oxygénothérapie et un défibrillateur semi-automatique, isoler le
Hyperparathyroïdie
patient d’un environnement dangereux.
Hypophosphorémie
Hypermagnésémie
Prise en charge médicale initiale Hypo- ou hyperosmolarité D’installation rapide
Après un rapide survol de la situation et la récupération d’un Hypothermie ou hyperthermie
minimum d’informations, la prise en charge médicalisée d’un Insuffisance hépatique majeure
coma en préhospitalier implique de vérifier les fonctions vitales Insuffisance rénale majeure
. et de faire les gestes immédiats nécessaires. Insuffisance respiratoire Hypercapnie
S’il n’y a pas d’activité cardiaque, on entreprend les manœu- Gayet-Wernicke
vres de réanimation cardiaque.
Marchiafava-Bignami
.
S’il n’y a pas de ventilation efficace, le patient est intubé. Si
Syndrome de Reye
la ventilation existe, administration d’oxygène au masque et
monitoring de la saturation au doigt. Hypo- ou hyperthyroïdismes
Ensuite on pose un abord veineux et la perfusion de cristal- graves
loïdes. Lors de la pose, un bilan biologique complet est prélevé. Insuffisance surrénale aiguë
Le monitoring de l’ECG permet de vérifier l’absence de Pan hypopituitarisme
trouble du rythme. Si celui-ci est présent, impliqué dans le Infectieuses Méningites
coma, la thérapeutique adaptée à ce trouble est mise en place. Encéphalites
.
La mesure de la glycémie capillaire est systématique. En cas
Abcès cérébraux
d’hypoglycémie, on effectue une perfusion de sérum glucosé
Plasmodium falciparum
hypertonique.
Les fonctions vitales étant assurées, la prise en charge peut se Encéphalopathie des états
compléter par : septiques
• une évaluation de la conscience, en général avec le score de Épilepsies État de mal épileptique
Glasgow, et une prise de la température ; Tumeurs avec HTIC
• un contrôle de l’état hémodynamique et le maintien d’une
HTIC : hypertension intracrânienne.
pression artérielle moyenne supérieure à 80 mmHg. Pour cela,
un remplissage vasculaire adapté peut être nécessaire, avec,
éventuellement, des substances vasoactives. En cas de signes cliniques d’engagement, la perfusion de
Pour maintenir une saturation en oxygène proche de 100 %, solutés hyperosmolaires est indiquée.
l’assistance ventilatoire sera adaptée : ventilation simple au L’administration d’antidote doit être débutée si le diagnostic
masque ou ventilation non invasive (VNI), ou contrôlée sur de coma toxique est retenu (Tableau 6).
sonde avec ou sans pression positive de fin d’expiration. Une fois le patient stabilisé et les thérapeutiques nécessaires
Le patient étant stabilisé, le recueil des informations sur le en préhospitalier administrées, le transfert vers un service
terrain peut être complété pour chaque situation particulière : d’urgences doit être organisé. Des procédures organisant
contexte traumatique, toxique, vasculaire, métabolique, infec- l’arrivée directe au scanner, le déchoquage, l’admission en
tieux, épilepsie, etc. service de spécialité doivent être mises en place.

Médecine d’urgence 9
25-110-A-20 ¶ Comas

Tableau 6. [2] Monographie de la société de réanimation de langue française. Les


Antidotes à utiliser sans délai. comas. Paris: Expansion Scientifique Française; 1986.
[3] Sellal F, Dick M. Syndrome confusionnel. EMC (Elsevier Masson
Hypothèse d’intoxication Produit
SAS, Paris), Neurologie, 17-023-A-40, 2003.
CO Oxygène [4] Plum F, Posner JB. Diagnostic de la stupeur et des comas. Paris:
Cyanures Hydroxycobalamine Masson; 1973.
Morphiniques Naloxone [5] RopperAH. États confusionnels aigus et comas. In: Harrison Principes
de médecine interne. Paris: Médecine-Science Flammarion; 2000.
Benzodiazépines Flumazénil
p. 132-40.
Organophosphorés Atropine [6] Lheureux RD, Askenasi R, Maes V. Du bon usage du laboratoire de
CO : monoxyde de carbone. biologie. Reanim Urg 1996;5:341-52.
[7] Gauvrit JY, El Hajj L, Leclerc X, Vermersch P, Lejeune JP, Leys D, et al.
Urgences neurologiques non traumatiques. EMC (Elsevier Masson
SAS, Paris), Radiodiagnostic-Squelette normal-Neuroradiologie-

“ Point important [8]


Appareil locomoteur, 31-673-F-10, 2002.
Sonnet MI, Butin E, Godard J, Fournet A, Viale JP, Motin J. In: Poten-
tiels évoqués somesthésiques (PES) et auditifs précoces (PEAp) dans
les comas graves. Corrélation avec les niveaux d’atteinte du système
Une fois le diagnostic de coma posé doivent être éliminés
nerveux central. Valeur pronostique. Société de réanimation de langue
en urgence un arrêt circulatoire, une hypoglycémie, un française, Les comas. Paris: Expansion Scientifique Française; 1986.
arrêt ventilatoire car des gestes thérapeutiques immédiats p. 263.
sont indiqués. [9] Sichez JP. Les traumatismes cranio-encéphaliques graves. Paris: Édi-
Après cette étape, la prise en charge comporte un tions Pyramides; 1988.
traitement symptomatique pour le maintien de bonnes [10] Thurel C, Levante A, Pillon M, Chollet A, Cophignon J. Intérêts et
conditions hémodynamiques et d’oxygénation et la limites de la mesure de la pression intracrânienne. In: Les urgences en
anesthésie et réanimation. Paris: Arnette; 1977.
poursuite de la recherche de l’étiologie. La suite de la prise [11] Bismuth C, Dally S. Cas cliniques en toxicologie. Paris: Médecine-
en charge est celle de l’étiologie. Sciences Flammarion; 1994.
[12] Tournoud C, Nisse P, Garnier R, Labadie M, Ducluzeau R, Danel V.
L’épuration digestive, rénale et extra-rénale des toxiques. JEUR 2003;
■ Conclusion
16:95-101.
[13] Lheureux P, Jaeger A. In: Prise en charge, évaluation et traitement des
intoxications aiguës. In: Réanimation médicale. Paris: Masson; 2000.
Le diagnostic d’état comateux est en règle simple même s’il p. 1451-66.
peut y avoir des difficultés en cas de syndrome confusionnel. La [14] Billy I, Lejonc JL. Grandes complications somatiques de l’alcoolisation
prise en charge préhospitalière doit être médicalisée le plus aiguë. Rev Prat 1993;43:2047-51.
rapidement possible. Le mode de survenue, le contexte et [15] Donati SY, Gainnier M, Chibane-donati O. Intoxication au monoxyde
l’examen clinique orientent le diagnostic étiologique et permet- de carbone. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Anesthésie-
tent un traitement en urgence s’il est nécessaire. Le maintien Réanimation, 36-986-A-10, 2005.
d’une pression de perfusion cérébrale et d’une oxygénation [16] Baud F, Benaissa L, Hantson P. In: Inhalation de fumées d’incendie. In:
efficaces est impératif. Le diagnostic précis se fait avec l’apport Réanimation médicale. Paris: Masson; 2000. p. 1559-62.
de la biologie et de l’imagerie et la prise en charge complète [17] Simon RP. Hypoxia versus ischemia. Neurology 1999;52:7-8.
s’effectue en milieu spécialisé. [18] Beaudeux JL, Dequen L, Foglietti MJ. La protéine S-100beta : un
.
nouveau marqueur biologique de pathologie cérébrale. Ann Biol Clin
(Paris) 1999;57:261-72.
■ Références [19] Sprung CL, Peduzzi PN, Shatney CH. Impact of encephalopathy on
mortality in the sepsis syndrome. Crit Care Med 1990;18:801-6.
[1] Valatx JL. Régulation du cycle veille-sommeil. In: Benoit O, Forêt J, [20] Clair B. In: États de mal épileptiques et convulsions. In: Réanimation
editors. Le sommeil humain. Paris: Masson; 1995. p. 25-37. médicale. Paris: Masson; 2000. p. 1145-50.

P. Martin (patrick.martin@chr-orleans.fr).
B. Piroelle.
Service d’accueil des urgences, CHR Orléans, 14, avenue de l’Hôpital, 45032 Orléans cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Martin P., Piroelle B. Comas. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Médecine d’urgence, 25-110-A-20, 2007.

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décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

10 Médecine d’urgence
¶ 25-110-A-30

Convulsions de l’adulte
J.-M. Philippe, M.-P. Benezet, F. Monchard, G. Weydenmeyer

Les crises convulsives résultent des interactions synchrones de populations neuronales corticales qui
déchargent de manière intermittente et anormale. Les étiologies des convulsions de l’adulte sont très
nombreuses. La crise convulsive peut être partielle et concerne alors une zone précise du cortex dont
l’expression clinique dépend de la localisation de cette zone. Elle peut être généralisée et se manifester par
des mouvements toniques, cloniques ou tonicocloniques. Par ailleurs, la crise peut être isolée survenant en
dehors de tout contexte ou bien accompagnée, c’est-à-dire dans un contexte particulier. Une forme
clinique redoutable quant à sa gravité est constituée par l’état de mal convulsif. Il s’agit de la répétition de
la crise sans retour à un état normal. La démarche diagnostique en médecine d’urgence repose, après
avoir éliminé une détresse vitale, sur un algorithme décisionnel relativement simple. Devant une crise
convulsive, le médecin urgentiste doit recueillir, dans la mesure du possible, une anamnèse fiable,
déterminer si la crise survient dans un contexte de maladie épileptique ou bien de façon isolée. Dans le
premier cas, il est important de déterminer si la crise ressemble aux crises habituelles. Toute différence
dans l’expression clinique de la crise nécessite des investigations complémentaires identiques à celles
réalisées dans le cadre d’une crise isolée. Face à une crise isolée, il convient de savoir s’il s’agit d’une crise
survenant en dehors de tout contexte ou d’une crise accompagnée. Devant une crise simple, il convient,
après avoir éliminé les étiologies les plus fréquentes, de déterminer les stratégies des examens
complémentaires. Face à une crise accompagnée, la stratégie des examens complémentaires doit tenir
compte de chaque contexte. La prise en charge thérapeutique doit tenir compte du type de crise et de son
étiologie si elle est identifiée. Devant une détresse vitale, les moyens de suppléance doivent être
immédiatement mis en œuvre. La crise qui perdure au-delà de 5 minutes doit bénéficier de
l’administration d’une benzodiazépine. En dehors de ce cas, il n’y a pas d’indication à l’administration
d’anticonvulsivant. La prévention des récidives repose sur l’administration de clobazam. L’état de mal
convulsif doit bénéficier d’une prise en charge urgente selon des modalités thérapeutiques précises et
graduées.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Convulsion ; Épilepsie ; État de mal convulsif ; Anticonvulsivant

Plan Diagnostic différentiel 9


Stratégie des examens complémentaires 9
¶ Introduction 1 ¶ Prise en charge thérapeutique 11
Pendant la crise 11
¶ Épidémiologie 2
Après la crise 11
¶ Physiopathologie 2 Cas particulier de la crise survenant pendant la grossesse 11
Déroulement d’une crise 2 Cas particulier de l’état de mal convulsif 11
Mécanismes favorisants 3 Mise en place d’un traitement durable 11
¶ Étiologie des épilepsies 3 ¶ Orientation des patients 11
¶ Formes cliniques 5 ¶ Conclusion 11
Sémiologie clinique des crises généralisées 6
Sémiologie clinique des crises partielles 7
État de mal convulsif 7
Convulsion dans le cadre de l’éclampsie 8 ■ Introduction
¶ Organisation de la prise en charge 8 Les crises convulsives sont identifiées depuis l’Antiquité
¶ Démarche diagnostique 8 comme en témoignent des ouvrages babyloniens datant de
Recherche des signes de gravité 8 2000 ans avant JC. Ces manifestations étaient considérées
Recueil de l’anamnèse et recherche des antécédents 8 comme des phénomènes surnaturels généralement associés
Examen clinique 9 « aux forces du mal ». Hippocrate, 500 ans avant JC, avait déjà

Médecine d’urgence 1
25-110-A-30 ¶ Convulsions de l’adulte

pressenti que les convulsions n’avaient rien de sacré et qu’elles récurrentes au-delà de 65 ans dans les pays industrialisés, ces
résultaient probablement d’un désordre cérébral mais il faut constatations étant moins évidentes dans les pays en dévelop-
attendre le XIXe siècle pour que leur origine neurologique soit pement [9]. L’incidence cumulative à l’âge de 80 ans est ainsi
définitivement admise. Pourtant, de nos jours encore, les estimée à 5 % alors qu’elle est de moins de 1 % à l’âge de
croyances vis-à-vis de cette affection perdurent dans certains 20 ans, quant à la prévalence, elle est évaluée à 10/1 000 dans
pays ce qui a pour effet de marginaliser les patients qui en sont cette tranche d’âge [2, 8, 25] . Les convulsions inaugurales,
victimes. La crise convulsive est un symptôme qui peut être lié généralement considérées comme étant rares chez la personne
à une maladie épileptique mais aussi témoigner d’une patholo- âgée, apparaissent en réalité plus fréquentes qu’attendu,
gie sous-jacente intra- ou extracérébrale. Le diagnostic de respectivement 24 % et 35 % dans deux études publiées en
maladie épileptique doit être un diagnostic d’élimination et le 1990 [26, 27]. L’augmentation de l’espérance de vie et l’exposition
médecin confronté à cette pathologie doit systématiquement à des facteurs de risque (plus fréquents dans cette tranche d’âge)
rechercher une autre étiologie. L’objectif de ce chapitre est de responsables d’un accroissement de la part des crises sympto-
permettre l’élaboration d’une démarche diagnostique fiable et matiques secondaires à des pathologies neurodégénératives,
d’instaurer la thérapeutique adaptée. cérébrovasculaires ou néoplasiques, peuvent expliquer ce
phénomène épidémiologique récent.
■ Épidémiologie Toutes les études, à de rares exceptions près, montrent une
fréquence plus élevée dans le sexe masculin. Le sex-ratio suivant
Si l’on exclut les crises fébriles, la probabilité pour quelqu’un les enquêtes s’établit entre 1,1 et 1,7 [3, 5, 28, 29]. La prépondé-
d’avoir au moins une fois dans sa vie une crise convulsive est rance masculine peut éventuellement s’expliquer par la fré-
comprise entre 5 et 10 % [1, 2]. À l’échelle planétaire, il est admis quence des crises convulsives secondaires liées aux intoxications
qu’environ 5 % de la population sera victime d’une crise et au sevrage, notamment éthylique, qui sont plutôt l’apanage
convulsive spontanée au moins une fois dans sa vie [3-5]. Il s’agit des hommes, mais il semble plus difficile d’expliquer cette
d’une pathologie relativement fréquente dans les structures différence chez des patients se présentant dans un service
d’urgence qui représente de 0,3 à 1,2 % des motifs d’admis- d’urgences après une unique crise convulsive spontanée [30].
sion [4, 5]. Le risque de survenue d’une nouvelle crise après une crise
Le taux d’incidence varie de 40 à 70/100 000 habitants/an convulsive idiopathique varie selon l’âge du patient, l’étiologie
dans les pays industrialisés [6-8], alors qu’il dépasse le chiffre de et le type de crise [31]. Il est estimé entre 20 et 40 % chez les
100 dans les pays en développement [9]. Les hypothèses avan- patients ayant présenté une crise généralisée idiopathique, ayant
cées pour expliquer cette disparité sont les risques plus élevés un électroencéphalogramme (EEG) normal et pas d’antécédent
dans certaines régions du globe d’être exposé à des pathologies familial de crise ou d’épilepsie et entre 60 et 70 % chez les
responsables de lésions cérébrales telles la neurocysticercose, les sujets présentant des facteurs de risque tels qu’antécédents de
méningites, le neuropaludisme, la malnutrition et les complica- traumatisme crânien, affections neurologiques anciennes,
tions périnatales [10, 11] Pour l’état de mal convulsif (EDMC), il anomalies EEG, lésion focale au scanner et histoire familiale
existe des discordances en fonction de la définition adoptée et d’épilepsie [32, 33]. Le taux de récidives est également plus élevé
du type de population étudié, l’incidence variant ainsi de 9,9/ dans les crises partielles et il augmente avec l’âge [2, 25, 31]. Ce
100 000 en Suisse romande [12] à 41/100 000 en Virginie [13]. risque diminue nettement après la première année suivant la
La prévalence se situe aux alentours de 7/1 000 dans les pays crise lorsque celle-ci est idiopathique. En revanche, après une
industrialisés alors qu’elle est parfois bien plus élevée, jusqu’à seconde crise, le risque d’en faire d’autres atteint 80 %, de sorte
dix fois supérieure, dans certains pays en développement [14, 15]. qu’une seconde crise est considérée comme un indicateur fiable
Il existe une surmortalité significative dans la population des de maladie épileptique [31].
patients victimes de crises convulsives, en particulier pour ceux
ayant une épilepsie symptomatique. La mortalité est liée à ■ Physiopathologie
l’affection sous-jacente mais également aux convulsions elles-
mêmes, puisqu’elle s’accroît avec la sévérité des crises et Les crises convulsives résultent des interactions synchrones de
l’existence de chutes [16, 17]. Il peut s’agir des conséquences de populations neuronales corticales qui déchargent de manière
l’affection sous-jacente responsable de l’épilepsie (tumeur, intermittente et anormale. Ces crises naissent toutes dans le
accident vasculaire cérébral [AVC], traumatisme crânien, cortex, soit à partir de neurones anormaux, hyperexcitables, soit
infection), d’accidents secondaires à des crises survenues dans à partir de neurones normaux soumis à des excitations répétées.
des circonstances dangereuses (noyade, brûlures) ou de mort De nombreux éléments étant impliqués dans la régulation de
subite. Ce risque serait, chez les patients ayant présenté plus de l’excitabilité neuronale, les mécanismes en cause sont divers.
deux crises convulsives spontanées, 33 fois supérieur à celui de Plusieurs travaux ont démontré le rôle de l’atrophie hippocam-
la population générale et dont l’incidence a été estimée à 54 à pique, des anomalies de développement cortical, des modifica-
135/100 000 personnes/an [18]. Cette augmentation du risque de tions de l’excitabilité locale neuronale mais aussi du déter-
mort subite est vraisemblablement en rapport avec la survenue minisme génétique dans la genèse des convulsions.
d’apnées d’origine centrale et de dysrégulation cardiaque,
l’implication du système nerveux autonome ayant été mise en Déroulement d’une crise
évidence lors des crises, en particulier durant le sommeil, chez La cinétique des crises expérimentales objective la diminution
les patients épileptiques victimes d’une mort subite [19, 20]. Dans d’efficacité des mécanismes inhibiteurs et l’augmentation des
l’EDMC, les taux de mortalité varient de 7 à 22 % et c’est dans mécanismes excitateurs. Les dépolarisations deviennent plus
la population âgée que ce taux est le plus élevé puisqu’il atteint fréquentes, touchant progressivement un nombre croissant de
38 %, voire 50 % au-dessus de 80 ans, l’AVC aigu ou ancien neurones dans des zones distantes du foyer originel. Durant la
étant la cause la plus fréquente [21, 22]. crise elle-même, les neurones sont dépolarisés et déchargent
La distribution bimodale du taux d’incidence des premières continuellement à haute fréquence. Ce mécanisme correspond
crises ou de l’épilepsie avérée en fonction de l’âge semble à la phase tonique de la crise. Celle-ci prend fin quand les
spécifique de cette maladie, les taux les plus élevés se rencon- repolarisations interrompent la décharge continue, ce qui
trant chez l’enfant et surtout chez le sujet âgé. Chez l’enfant et correspond à la phase clonique, et ramènent progressivement
l’adolescent, le taux d’incidence des crises récurrentes non les potentiels de membrane à la normale ou à un état tempo-
fébriles est fonction de la tranche d’âge considérée, les taux les rairement hyperpolarisé (dépression postcritique).
plus élevés étant rapportés chez le nouveau-né et le nourris- Dans les crises focales, le comportement neuronal anormal
son [23] . Au cours de l’adolescence, ce taux diminue pour prend naissance dans une zone restreinte du cortex et demeure
rejoindre celui des adultes dans les pays industrialisés alors qu’il limité à cette région, les zones entourant le foyer étant inhibées
est élevé dans les pays en développement [9, 24]. Chez le sujet (inhibition de bordure). Ce n’est que lorsque ces influences
âgé, plusieurs enquêtes récentes ont mis en évidence une inhibitrices sont dépassées qu’une crise se propage et devient
augmentation des taux d’incidence et de prévalence des crises secondairement généralisée.

2 Médecine d’urgence
Convulsions de l’adulte ¶ 25-110-A-30

Mécanismes favorisants ■ Étiologie des épilepsies


Atrophie hippocampique La crise convulsive est un symptôme, soit d’une épilepsie
affirmée, soit d’une atteinte aiguë locale ou systémique du
Il est actuellement admis que l’atrophie hippocampique est système nerveux central. Dans le premier cas, on parle de
incriminée dans la genèse des crises convulsives et qu’elle est maladie épileptique et dans le second, de crise convulsive
une des principales causes d’épilepsie réfractaire chez occasionnelle. La maladie épileptique est définie par la répéti-
l’adulte [34]. Cette atrophie, dont les conséquences expérimen- tion, chez un même patient, de crises convulsives spontanées.
talement mesurables sont un hypométabolisme hippocampique, Les étiologies de la maladie épileptiques sont variées : facteurs
peut être secondaire à des phénomènes traumatiques ou génétiques, lésions cérébrales, maladies métaboliques. Mais
toxiques mais résulte également des crises elles-mêmes, les souvent la cause est inconnue. Les crises convulsives occasion-
modifications structurales de l’hippocampe et en particulier la nelles sont des crises uniques, ou suffisamment espacées pour
perte de cellules neuronales étant alors liées au nombre et à la ne pas s’intégrer dans le cadre d’une maladie épileptique
durée des crises [35, 36]. Des travaux récents rapportent l’impli- affirmée, qui témoignent d’une agression cérébrale ou systémi-
cation du glutamate et de l’acide gamma-amino-butyrique que aiguë dont les étiologies sont très variées [44]. Ces étiologies
(GABA) dans la genèse de convulsions. En effet, l’équilibre entre concernent toutes les atteintes aiguës du système nerveux
excitation et inhibition neuronale repose sur l’équilibre entre central : vasculaires, tumorales, toxiques, traumatiques. Il est
l’action du glutamate (effet excitateur) et celle du GABA (effet difficile de dresser une liste exhaustive des étiologies des crises
inhibiteur). Tout élément qui accroît de façon significative convulsives. Le Tableau 1 en précise les principales causes mais
l’excitabilité par l’intermédiaire du glutamate ou réduit une il nous paraît intéressant, en médecine d’urgence, d’aborder
inhibition médiée par le GABA, chez l’adulte, peut, en théorie, cette recherche selon la fréquence, la gravité et le type de
aboutir à une activité de type épileptique [37, 38]. Par ailleurs, il symptôme présenté par le patient.
a été démontré que certains neurones responsables de la
sécrétion de GABA dégénèrent, après une crise, de façon Tableau 1.
relativement sélective entraînant une baisse de l’activité Liste indicative des étiologies des épilepsies symptomatiques
inhibitrice du GABA dans les dendrites des synapses nouvelle- (d’après [45]).
ment constituées [39]. Cet effet se cumule à l’augmentation du
glutamate résultant de la néosynaptogenèse. Maladies génétiques
Anomalies chromosomiques (syndrome de l’X fragile, trisomie 21)
Anomalies du développement cortical Épilepsies myocloniques progressives (maladie de Lafora, mitochondro-
pathies)
De nombreuses modifications considérées comme proconvul- Phacomatoses (maladie de Recklinghausen...)
sivantes sont observées dans les dysplasies corticales, chez Maladies métaboliques diverses (glycogénoses...)
l’animal comme chez l’homme, expliquant la relation étroite
Dysembryoplasies cérébrales héréditaires (syndrome d’Aicardi)
qui existe entre ce type de malformation et le foyer responsable
du départ des crises [40]. Facteurs prénataux et néonataux
Dysembryogenèse cérébrale acquise
Rôle des courants ioniques transmembranaires Facteurs anténataux (infections, toxiques, anoxie)
Facteurs périnataux (traumatisme obstétrical, hypoxie, infection)
Les modifications de l’homéostasie, notamment gliale,
induisent une hyperexcitabilité et une synchronisation neuro- Maladies infectieuses
nale anormale. L’altération de la membrane neuronale et les Méningoencéphalite
modifications de sa polarisation, intimement liées à la réparti- Abcès épiduraux, sous-duraux ou parenchymateux
tion des ions Ca+ +, Na+ , Cl– et K+ , de part et d’autre de cette Encéphalite
membrane et aux mouvements ioniques qui modifient cette Maladie de Creutzfeldt-Jakob
répartition, contribuent à l’excitabilité neuronale. Au cours de
l’activité neuronale synchrone paroxystique, les ions Ca+ +, Traumatismes ou agents physiques
Na+ et Cl– pénètrent dans la cellule et les ions K+ sortent dans Plaies craniocérébrales
l’espace extracellulaire [41, 42]. Ce sont ces mouvements ioniques Hématomes et épanchements sous-duraux et épiduraux
qui provoquent la dépolarisation initiale. Pathologies vasculaires
Hémorragie méningée
Facteurs génétiques Thrombose veineuse cérébrale
Les analyses de liaison génétique ont permis la localisation Cicatrice d’accident vasculaire cérébral
des gènes de plusieurs syndromes épileptiques. Toutefois, Encéphalopathie hypertensive
l’identification des gènes et l’analyse de la fonction des muta- Syncope
tions n’ont été faites que dans quelques cas seulement, la
Facteurs métaboliques nutritionnels acquis
plupart de ces découvertes ayant bénéficié aux épilepsies à
Déséquilibres hydroélectrolytiques (hyponatrémie, hypocalcémie, dés-
hérédité monogénique qui sont pourtant les plus rares. En fait,
hydratation)
la participation respective des facteurs environnementaux et
génétiques dans le déterminisme d’une crise varie selon la Hypoglycémie, hyperglycémie, hyperosmolarité
maladie considérée. Dans de nombreux cas, le mode de trans- Encéphalopathie urémique ou hépatique
mission est complexe, celle-ci résultant de l’action conjointe de Déficit ou dépendance vitaminique (dépendance en pyridoxine)
facteurs exogènes environnementaux et de gènes (appelés gènes Processus expansifs cérébraux
de susceptibilité) qui permettent, par exemple, l’émergence de Tumeurs primitives intracrâniennes (gliomes, méningiomes)
la maladie épileptique. Cependant, même pour les formes
Métastases (sein, poumon, mélanome)
monogéniques, qui ont une composante génétique forte, les
facteurs environnementaux peuvent également intervenir et Hémopathies malignes (lymphome, leucémie)
inversement, dans les crises convulsives les moins génétique- Tumeurs vasculaires et malformations vasculaires (cavernomes)
ment déterminées, dues à des éléments exogènes acquis (infec- Causes diverses
tieux, toxiques, traumatiques...), des facteurs génétiques Maladies auto-immunes (lupus)
pourraient être impliqués, expliquant qu’exposés au même Maladie d’Alzheimer
facteur, certains individus développent ultérieurement une
Sclérose en plaques
épilepsie et d’autres non [43].

Médecine d’urgence 3
25-110-A-30 ¶ Convulsions de l’adulte

Tableau 2.
Classification internationale simplifiée des épilepsies et syndromes
épileptiques (d’après [46]).
Épilepsies et syndromes • Idiopathiques, liés à l’âge
épileptiques focaux Épilepsie bénigne de l’enfance à paroxys-
mes rolandiques
Épilepsie bénigne de l’enfance à paroxys-
mes occipitaux
Épilepsies primaires à la lecture
• Symptomatiques
Syndrome de Kojewnikoff (épilepsie par-
tielle continue)
Épilepsies lobaires (temporales, frontales,
pariétales, occipitales)
• Cryptogénétiques
Épilepsies et syndromes • Idiopathiques, liés à l’âge
épileptiques généralisés Convulsions néonatales familiales béni-
Figure 1. Hématome intracérébral. CT scanner : masse hyperdense
gnes
témoignant d’un hématome spontané pariétal postérieur droit.
Convulsions néonatales bénignes
Épilepsie myoclonique bénigne de l’en-
métaboliques, 7 % d’autres étiologies (angiome, anévrisme,
fance
toxique, séquelle d’infection méningée ou encéphalitique,
Épilepsie-absence de l’enfance maladie de Wilson). Enfin, la grossesse, en raison de la modifi-
Épilepsie-absence de l’adolescent cation des taux plasmatiques des antiépileptiques, doit être
Épilepsie myoclonique juvénile évoquée systématiquement chez la femme en âge de procréer.
Épilepsie à crises grand mal du réveil Elle doit aussi modifier l’attitude thérapeutique.
Épilepsies autres Dans le cadre d’une crise convulsive occasionnelle, aucune
• Cryptogénétiques ou symptomatiques
cause n’est retrouvée dans 27 à 40 % des cas [47, 48]. L’étiologie
la plus fréquemment retrouvée est l’éthylisme chronique
Syndrome de West
principalement lors du sevrage. L’alcool interviendrait, selon les
Syndrome de Lennox-Gastaut études, dans 18 à 25 % des premières crises convulsives [44, 47,
Épilepsie avec crises myoclonoastatiques 49]. Puis viennent, par ordre de fréquence décroissante :

Épilepsie avec absences myocloniques • les causes vasculaires dans 10 à 18 % des cas [47, 50, 51]. Les
• Symptomatiques plus pourvoyeurs de crises convulsives sont les hématomes
Encéphalopathie myoclonique précoce intracrâniens (5 à 25 % des cas) et les thrombophlébites
Encéphalopathie infantile précoce avec
cérébrales [50] (Fig. 1, 2). Les infarctus cérébraux ne représen-
suppression-bursts tent que 5 % des cas [50]. En revanche, les séquelles d’AVC
ischémiques sont responsables de 10 % des épilepsies contre
Épilepsie myoclonique progressive
5 % pour les causes hémorragiques [50] ;
Divers • les causes toxiques dans 3 à 8 % des cas [47, 52]. Les produits
Épilepsies dont le carac- en cause sont très nombreux et il est impossible d’en faire
tère focal ou généralisé une liste exhaustive. Certains médicaments en surdosage ou
n’est pas déterminé en sevrage et la prise de produits illicites sont des causes
Syndromes spéciaux fréquemment retrouvées lors des crises convulsives dans les
services d’urgence. Enfin les toxiques domestiques, indus-
triels, pesticides, et produits agricoles sont à rechercher. Le
Dans le cadre de la maladie épileptique affirmée, la crise Tableau 3 donne un inventaire des principales étiologies
convulsive entre dans le cours évolutif de la maladie. Il est toxiques [53] ;
toutefois important de vérifier qu’il n’existe pas de modification • les causes métaboliques sont retrouvées dans 2 à 8 % des
sémiologique par rapport aux crises convulsives habituelles. Les crises convulsives occasionnelles [4, 47, 52]. Les plus fréquentes
éléments anamnestiques, cliniques et la recherche étiologique sont liées à une hypoglycémie (2,4 à 8 %) et une hyponatré-
recueillis lors de la prise en charge initiale sont primordiaux. Ils mie [44] . Puis viennent l’hypocalcémie, l’hyperglycémie,
vont permettre au médecin de classer ou de reclasser la maladie l’encéphalopathie hépatique, etc.
dans la classification internationale des épilepsies et des • les causes associées à une démence représentent environ 4 %
syndromes épileptiques de 1989 et de modifier éventuellement des cas [47]. Les syndromes démentiels sont toujours corticaux
le traitement [46] . Cette classification présentée dans le et de nature dégénérative [48] ;
Tableau 2 prend en compte les facteurs cliniques, les données de • les causes tumorales sont retrouvées dans 3 à 4 % des cas
l’EEG ainsi que les critères étiologiques et pronostiques mais avec notamment les métastases des cancers du sein et du
aussi l’origine topographique de l’épilepsie (crises focales ou poumon [47, 52]. Il faut noter que cette étiologie est beaucoup
généralisées). Elles sont classées en crises idiopathiques (cause plus fréquente dans la maladie épileptique, 10 à 15 %, avec
génétique sans lésion cérébrale retrouvée), cryptogénétiques une représentation plus importante des formes à développe-
(supposées symptomatiques mais dont l’étiologie est non ment lent (méningiomes, astrocytomes, oligodendrogliomes)
identifiée à ce jour) et secondaires ou symptomatiques (lésion (Fig. 3, 4) [50, 51] ;
cérébrale avérée, cause métabolique, infectieuse, etc.). L’étiologie • les causes infectieuses sont inférieures à 2 % des cas et
la plus fréquemment retrouvée chez l’épileptique traité est principalement liées à des abcès (Fig. 5) ou des méningites [47].
l’inobservance du traitement dans 50 % à 60 % des cas [44, 47]. Chez l’adulte de plus de 60 ans présentant une première crise
L’épilepsie secondaire représenterait 45 % des récidives convul- convulsive, les étiologies vasculaires cérébrales arrivent en
sives [47]. Les étiologies se répartissent ainsi : 43,7 % de séquelles première position (33 %). Viennent ensuite les causes cryptogé-
cérébrales dont 17,6 % sont en lien avec un AVC et 26, % avec nétiques (32 %), les démences (7 %), les crises imputables à un
un traumatisme crânien ou un acte neurochirurgical ; 26,7 % de acte neurochirurgical (7 %), les causes tumorales (7 %), toxiques
complications de l’éthylisme (17,6 % pour le sevrage et 9,1 % (7 %), métaboliques (5 %), et diverses (3 %). Ces données
dans le cadre de l’ivresse aiguë), 12,7 % de pathologie néona- montrent une diminution très importante des crises de causes
tale, 7,6 % de tumeurs, 1,4 % de démence, 0,7 % de troubles post-traumatique et alcoolique ainsi que l’absence d’épilepsie

4 Médecine d’urgence
Convulsions de l’adulte ¶ 25-110-A-30

Figure 2. Thrombophlébite cérébrale.


A. CT scanner injecté : hyperdensité spontanée du
sinus longitudinal supérieur évocatrice d’une
thrombophlébite.
B. T1 : hyperintensité spontanée du sinus longitu-
dinal supérieur.
C. T2 Flair : hypersignal en rapport avec un ramol-
lissement veineux.
D. Angiographie veineuse : thrombose parcellaire
du sinus longitudinal supérieur et du sinus latéral
droit.

Tableau 3. idiopathique. Les syndromes démentiels de nature dégénérative


Principales substances épileptogènes (d’après [53]). sont une cause sous-estimée. Avec l’augmentation de l’espérance
de vie, cette étiologie sera de plus en plus importante [48]. Enfin
Aciclovir IMAO les causes tumorales seraient, toujours dans cette étude, repré-
Acide nalidixique Isoniazide sentées par les méningiomes dans 50 % des cas alors que dans
Alcool (syndrome de sevrage et intoxica- Lithium une autre étude, les tumeurs malignes (métastases et gliomes)
tion aiguë) représentent la majorité des cas [54].
Lidocaïne
Amétamine En ce qui concerne l’état de mal épileptique, les étiologies les
Méfloquine
Amphétamines plus fréquentes sont l’arrêt intempestif des médicaments
Menthol
Arsenic antiépileptiques, le sevrage éthylique ou l’imprégnation alcooli-
Mépiridine
Antidépresseurs tricycliques et trétracycli- que récente [45, 55]. Après 60 ans, les états de mal épileptiques
ques Méthaldéhyde sont dominés par les causes vasculaires cérébrales.
Barbituriques (sevrage) Minaprine L’éclampsie est une complication rare de la grossesse qui se
Baryum Naphtaline manifeste, entre autres, par des convulsions. Elle ne surviendrait
Benzène Nicotine que dans 2 à 4 % des prééclampsies sévères, soit environ une
Benzodiazépines (syndrome de sevrage) Oxyde de carbone fois sur 2 000 grossesses [56]. Elle est responsable de 2,2 % des
Bromure de méthyle Pénicilline (à très forte dose) morts maternelles en France.
Busulfan Phénothiazines
Chardon à glu
Chloralose
Phencyclidine
Phénylpropanolamine
■ Formes cliniques
Chlorambucil Phényléthylamines La détermination de la forme clinique de la crise repose sur
Clopazine Pipérazine les données de l’interrogatoire du patient mais surtout de son
Cocaïne Produits de contraste iodés entourage. Il convient de distinguer les crises généralisées
Codéine (à forte dose) pendant lesquelles la décharge épileptique intéresse d’emblée
Propofol
Ciclosporine l’ensemble du cortex cérébral et les crises partielles se limitant,
Strychnine
Ecstasy et apparentés au moins initialement, à une zone corticale. Les différents types
Térébenthine
Éthylène glycol de crises convulsives sont répertoriés dans le Tableau 4 établi
Théophylline
Fer (sels) d’après la classification internationale de 1981. Selon une étude
Foscarnet Vasoconstricteurs récente, 60 % des crises convulsives seraient généralisées, 16 %
Ganciclovir Viloxazine des crises partielles complexes, 15 % des crises partielles
Hypoglycémiants Zidovudine secondairement généralisées, 8 % des crises partielles simples et
Insecticides organochlorés Zipéprol 1 % des états de mal [5, 57] . En revanche après 60 ans, les
épilepsies partielles deviennent majoritaires et représentent
Insecticides organophosphorés
59 % des cas contre 41 % pour les crises généralisées. Par
IMAO : inhibiteurs de la monoamine oxydase. ailleurs, la crise peut être isolée, survenant en dehors de tout

Médecine d’urgence 5
25-110-A-30 ¶ Convulsions de l’adulte

Figure 3. Oligodendrogliome.
A. T2 : oligodendrogliome temporal. Masse tumo-
rale hétérogène.
B. T1 après gadolinium : prise de contraste hété-
rogène. Effet de masse sur le tronc cérébral.

gnée sont mentionnés dans le Tableau 5. Une forme clinique


redoutable quant à sa gravité est constituée par l’état de mal
convulsif.

Sémiologie clinique des crises généralisées


Deux manifestations cliniques peuvent se rencontrer, associées
ou non : les signes moteurs et la perte de conscience [50, 51, 57].

Crises motrices
Les signes moteurs sont bilatéraux et symétriques et peuvent
se présenter sous différentes formes :
• toniques avec des contractions musculaires segmentaires
soutenues ;
• cloniques avec des secousses musculaires segmentaires
répétitives et rythmiques ;
• myocloniques avec la contraction simultanée des muscles
agonistes et antagonistes isolément ou en salve ;
• atoniques par l’interruption brève et soudaine du tonus de
tout ou partie du corps ;
• tonicocloniques : le déroulement est stéréotypé et se déroule
en trois étapes s’étalant sur 5 à 10 minutes. Tout d’abord une
Figure 4. Glioblastome. T1 après gadolinium : glioblastome frontal perte de conscience brutale avec chute, parfois précédée d’un
droit. Prise de contraste massive hétérogène de la lésion tumorale. cri, marquant l’entrée en phase tonique (contraction brusque
des muscles des membres, du tronc et du visage, entraînant
contexte, ou bien accompagnée, c’est-à-dire dans un contexte une contraction de la mâchoire avec parfois morsure de
particulier. Les critères définissant la crise convulsive accompa- langue, une cyanose accompagnée de signes végétatifs à type

Figure 5. Abcès cérébral.


A. CT scanner injecté : lésion hypodense occipitale gauche avec discrète prise de contraste.
B. Imagerie par résonance magnétique (IRM) de diffusion : hypersignal en rapport avec une diffusion réduite caractéristique d’un abcès.
C. T1 après gadolinium : prise de contraste en anneau caractéristique de la lésion.

6 Médecine d’urgence
Convulsions de l’adulte ¶ 25-110-A-30

Tableau 4. Sémiologie clinique des crises partielles


Classification internationale des crises épileptiques, d’après la
classification de 1981. Il faut distinguer la crise partielle simple (CPS), la crise
partielle complexe (CPC) et la crise partielle secondairement
1. Crises généralisées généralisée. En pratique, pour la CPS, il n’existe pas de trouble
1.1. Absences de conscience. Le patient est capable de décrire l’ensemble de
• absences la symptomatologie du début à la fin de la crise. Il est, par
• absences atypiques ailleurs, important de noter par quel symptôme débute la crise.
1.2. Crises myocloniques Cet élément peut avoir une valeur localisatrice importante et
1.3. Crises cloniques permet de dénommer la crise, mais ceci n’est pas toujours vrai
dans le cas où la décharge initiale intéresse une zone corticale
1.4. Crises toniques
muette [50, 51, 57].
1.5. Crises tonicocloniques
1.6. Crises atoniques Crises partielles simples
2. Crises partielles Les CPS avec signes moteurs peuvent être cloniques ou
2.1. Crises partielles simples tonicocloniques, localisées ou à cinétique Bravais-jacksonienne
•avec signe moteur (extension progressive à un hémicorps à partir d’un début
• avec signes somatosensitifs ou sensoriels brachial, oral ou crural). On peut aussi rencontrer des crises
• avec signes végétatifs
« versives » avec déviation de tout ou partie du corps ainsi que
des crises phonatoires (aphasie, vocalisation, pallilalie). Enfin la
• avec signes psychiques
crise peut être suivie d’un déficit moteur transitoire dans le
2.2. Crises partielles complexes territoire de la crise par épuisement neuronal.
• début partiel simple suivi de troubles de la conscience et/ou d’automa- Les CPS avec signes sensitifs se présentent sous la forme de
tismes paresthésies plus ou moins étendues à un hémicorps. Elles
• troubles de la conscience dès le début de la crise, accompagnés ou non peuvent avoir une cinétique Bravais-jacksonienne.
d’automatismes Les CPS avec signes sensoriels peuvent se manifester sous
2.3. Crises partielles secondairement généralisées forme d’hallucinations visuelles positives (phosphènes en forme
• crises partielles simples secondairement généralisées de cercles lumineux) ou négatives (scotome, hémianopsie,
• crises partielles complexes secondairement généralisées amaurose). Il peut aussi exister des crises olfactives (odeur
désagréable fréquente), auditives (acouphènes, modification des
• crises partielles simples évoluant vers une crise partielle complexe,
puis vers une généralisation secondaire
sons, musique, voix) ou gustatives. Contrairement aux halluci-
nations psychiatriques, ces perceptions sont critiquées par le
3. Crises non classées patient.
Les CPS avec signes neurovégétatifs présentent une hypersa-
livation, des nausées, des palpitations, une pesanteur gastrique...
Tableau 5. Les CPS avec signes psychiques s’expriment sous la forme
Définition de la crise convulsive accompagnée. d’une sensation de déjà vu, de déjà vécu, d’étrangeté.
Une crise accompagnée est définie par la présence d’au moins un des Crises partielles complexes
critères suivants
• Répétition de la crise au service d’accueil Elles sont caractérisées par une altération de la conscience et
peuvent faire suite à une CPS ou survenir d’emblée. Cela peut
• État de mal convulsif
s’accompagner d’automatismes, de manifestations motrices
• Confusion mentale anormalement persistante
involontaires comme des automatismes oroalimentaires
• Fièvre > 38 °C (mâchonnement, pourléchage, déglutition), des automatismes
• Déficit postcritique gestuels simples (se frotter les mains, se gratter), des automatis-
• Alcoolisation mes gestuels complexes (fouiller dans ses poches, déplacer des
• Sevrage alcoolique objets, se boutonner...), des automatismes verbaux (exclama-
• Éthylisme chronique tions, phrase chantonnée, stéréotypée).
• Intoxication
Crises partielles secondairement généralisées
• Trouble métabolique
• Traumatisme crânien
La recherche de crise partielle précédant la généralisation doit
être réalisée avec attention. Elle passe en générale inaperçue car
• Maladie générale (cancer, lymphome, sida)
les témoins décrivent plutôt le côté spectaculaire de la crise
• Grossesse généralisée sans évoquer les symptômes initiaux. Pourtant leur
importance dans la prise en charge diagnostique et thérapeuti-
que est fondamentale.
de mydriase, tachycardie, hypersécrétion). La seconde étape
est la phase clonique qui dure environ 30 secondes, marquée
par des secousses musculaires brusques, généralisées et État de mal convulsif
synchrones qui vont petit à petit s’espacer. Enfin, la phase Il s’agit d’un état caractérisé par une crise épileptique qui
résolutive pendant laquelle le patient est hypotonique avec persiste suffisamment longtemps ou qui se répète avec des
une respiration ample et bruyante, dite stertoreuse, et parfois intervalles suffisamment brefs pour créer une condition épilep-
une perte d’urine. Au réveil le patient est confus, parfois agité tique fixe et durable. Ce délai pour considérer cet état reste
et ne garde aucun souvenir de l’épisode. variable. Il est compris, dans la littérature, entre 5 et 30 minu-
tes. Dans le cadre de crises convulsives répétitives, l’EDMC est
Absences défini par au moins deux crises s’accompagnant d’une pertur-
Les absences sont caractérisées par une suspension brève de bation intercritique de la conscience ou de signes neurologiques
la conscience avec interruption de l’activité. Il existe des formes focaux [58]. En pratique, il est licite de considérer comme une
cliniques où l’absence peut être associée à des clonies, des « menace d’EDMC » toute crise durant plus de 5 minutes [59].
phénomènes toniques, atoniques ou encore à des automatismes. L’EDMC présente de nombreux aspects cliniques. La classifica-
Les absences atypiques sont marquées par un début et une fin tion de Gastaut de 1983, dérivée de la classification des crises
moins brusques, une altération de la conscience moins pro- et reprise dans le Tableau 6, rend compte de cette diversité
fonde. Elles sont souvent associées à d’autres types de crise et clinique et a le mérite d’être facile d’utilisation [60]. En fait, de
sont généralement vues dans les épilepsies graves de l’enfant. façon simpliste, les états de mal qui posent le plus de problèmes

Médecine d’urgence 7
25-110-A-30 ¶ Convulsions de l’adulte

Tableau 6. disponibilité des moyens de secours, leur fiabilité et les habitu-


Classification des états de mal basée sur la classification des crises des locales peuvent influencer la décision du médecin régula-
épileptiques [60]. teur ; toutefois, l’envoi d’un moyen de secours de proximité ou
Crises épileptiques États de mal (EM) épileptiques
d’un médecin généraliste doit être large. Le travail de régulation
consiste en la recherche de critères de gravité (traumatisme
Crises généralisées EM généralisés crânien, intoxication, fièvre élevée, coma prolongé, ...), des
Absences État d’absence « petit mal status » caractéristiques de la crise, de ses circonstances (facteurs
Crises myocloniques EM myoclonique déclenchants) et des antécédents du patient (épilepsie connue,
Crises cloniques EM clonique syndrome de l’immunodéficience acquise [sida], pathologie
Crises toniques EM tonique tumorale, etc.). La décision de l’engagement d’un service mobile
d’urgence et réanimation (Smur) repose sur la présence de
Crises tonicocloniques EM généralisé tonicoclonique
critères de gravité, en particulier lorsque la crise ne cède pas au
Crises atoniques EM atonique
cours de l’interrogatoire téléphonique [61]. L’équipe Smur, quand
Crises partielles (focales) EM partiels elle se présente sur les lieux, doit mettre en œuvre le traitement
Crises partielles simples (sans alté- EM partiel simple (EMPS), sans alté- anticonvulsivant si la crise persiste au-delà de 5 minutes mais
ration de la conscience) ration de la conscience elle est le plus souvent confrontée à un patient en phase
- avec signes moteurs - EMPS somatomoteur postcritique. Le médecin du Smur doit recueillir le maximum
- avec signes somatosensitifs ou - EMPS somatosensitif, sensoriel d’éléments diagnostiques auprès des témoins et des proches et
sensoriels le contexte de la crise. La mesure de la glycémie capillaire et de
- EMPS végétatif
la température doit être systématique. L’examen clinique doit
- avec signes végétatifs - EMPS à symptomatologie psychi-
rechercher les éléments de gravité définissant la crise accompa-
- avec signes psychiques que
gnée. L’orientation du patient doit être réalisée vers un service
Crises partielles complexes (avec EM partiel complexe (avec altéra- d’urgence disposant d’une salle d’accueil des urgences vitales
altération de la conscience) tion de la conscience) (Sauv) en cas de détresse vitale et d’un accès rapide à un
Crises partielles secondairement EM partiel secondairement généra- examen tomodensitométrique cérébral. La surveillance continue
généralisées lisé des paramètres vitaux est systématique et la mise en place d’une
Crises non classées EM non classés voie veineuse est recommandée car elle peut permettre l’admi-
nistration précoce d’un médicament anticonvulsivant en cas de
récidive. Les étiologies identifiées pouvant bénéficier d’un
pronostiques sont souvent ceux qui posent le moins de problè- traitement spécifique doivent faire l’objet d’une recherche
mes diagnostiques. Si l’état de mal est convulsif, que la crise soit systématique. Si le patient est conduit au service d’accueil des
partielle ou généralisée, le pronostic est sévère mais le diagnostic urgences par un moyen de transport non médicalisé, il doit
aisé. Ces crises s’expriment surtout par les états de mal généra- faire l’objet d’une évaluation par l’infirmière organisatrice de
lisés tonicocloniques. Ces crises, si elles ne sont pas traitées, l’accueil (IOA) et d’une prise en charge rapide en Sauv s’il existe
peuvent évoluer vers une forme dégradée qui traduit une une défaillance vitale.
aggravation de la souffrance cérébrale et signe le passage à une
forme résistante. Les convulsions deviennent alors intermitten-
tes, irrégulières, asymétriques, se réduisent en amplitude et ■ Démarche diagnostique
peuvent ne concerner que la face ou les extrémités (clonies du
La démarche diagnostique est basée sur le recueil des circons-
pouce ou du gros orteil, des paupières, etc.). Elles peuvent
tances de la crise et des antécédents, l’examen clinique et
encore se limiter à de brefs épisodes de révulsion oculaire, à
quelques examens complémentaires.
l’exacerbation transitoire d’un trouble neurovégétatif ou à des
contractions ponctuelles du tonus axial. Les autres formes
cliniques sont moins fréquentes et surviennent dans des Recherche des signes de gravité
contextes plus spécifiques (état de mal partiel somatomoteur, Devant une crise convulsive, il convient de détecter d’emblée
formes toniques, cloniques, etc.). En revanche, les états de mal des signes de gravité [44, 62-64]. Dans une démarche logique, les
non convulsifs sont de diagnostic plus difficile mais présentent fonctions vitales seront systématiquement analysées :
un pronostic meilleur. Ils peuvent se présenter sous des formes • l’état de conscience ;
non confusionnelles pour lesquelles les symptômes sont variés • la fréquence respiratoire et une éventuelle déficience de cette
(somatosensitifs, visuels, auditifs, psychiques, visuels, végétatifs) fonction (cyanose, sueurs, polypnée...) ;
ou confusionnelles d’intensité et de durée variables. • le pouls, la pression artérielle, la présence de signes de
déshydratation, une instabilité hémodynamique, des signes
Convulsion dans le cadre de l’éclampsie de choc (extrémités froides, marbrures, pression artérielle
systolique inférieure à 100 mmHg, tachycardie supérieure à
Elle est définie par la survenue, chez une patiente ayant une 110 battements par minute, désaturation en oxygène en air
prééclampsie, qui se caractérise par l’association d’une protéi- ambiant et oligoanurie) ;
nurie, d’une hypertension artérielle survenant après 20 semaines • recherche des signes d’EDMC.
d’aménorrhée, des convulsion ou de troubles de conscience en Devant la présence d’un signe de gravité, le patient sera
l’absence de tout antécédent neurologique ou de cause intercur- directement admis en Sauv pour une prise en charge qui aura
rente, notamment infectieuse. Il s’agit d’une crise motrice pour objectif de stabiliser les fonctions vitales pour permettre,
généralisée survenant le plus souvent avant l’accouchement après stabilisation, une démarche diagnostique étiologique. La
mais pouvant survenir dans un tiers des cas dans les 48 premiè- mesure de la glycémie capillaire doit être systématique devant
res heures après l’accouchement. toute crise convulsive (grade B).

■ Organisation de la prise Recueil de l’anamnèse et recherche


des antécédents
en charge
Il est essentiel d’obtenir une description détaillée de la crise
La régulation d’un appel évocateur de crise convulsive auprès des témoins éventuels (mode d’installation, déroulement,
nécessite de savoir si la crise est en cours ou terminée. Face à existence d’une obnubilation postcritique). Le contexte de
une crise en cours, le médecin ou le permanencier doivent survenue est important à analyser (contexte infectieux, notion de
expliquer le déroulement d’une crise convulsive, donner les traumatisme crânien, prise ou arrêt de médicaments ou de
conseils de protection pour éviter les blessures et expliquer la toxiques, fatigue et surmenage). Les antécédents familiaux et
mise en position latérale de sécurité en phase postcritique. La personnels doivent être soigneusement collectés, en particulier

8 Médecine d’urgence
Convulsions de l’adulte ¶ 25-110-A-30

ceux de convulsions ou de lésions cérébrales. Les traitements Tableau 7.


éventuels sont analysés à la recherche de produits potentielle- Diagnostics différentiels d’une crise convulsive.
ment épileptogènes. Chez l’épileptique connu, il est important de • Lipothymie
vérifier qu’il n’existe pas de modification sémiologique par
• Syncopes cardioplégiques et vasoplégiques
rapport aux crises habituelles. Toute modification dans la
survenue des crises chez un épileptique connu doit donner lieu à • Accident ischémique transitoire
des investigations complémentaires. Il faut aussi, de principe, • Migraines avec aura
rechercher une mauvaise observance thérapeutique [4, 44, 62, 64-67]. • Pseudocrises
• Spasmophilie et attaques de panique
Examen clinique • Chutes cataplectiques
• Simulation
L’examen clinique doit être complet, en particulier l’examen
neurologique. L’amnésie de l’épisode critique, la morsure
latérale de langue ou de la face interne de la joue et la perte
d’urines ou de fèces seront systématiquement recherchées en lipothymie est le plus souvent déclenchée par une circonstance
sachant que ces signes sont inconstants et non spécifiques de la précise. En ce qui concerne les crises dissociées, il s’agit d’une
crise convulsive [44, 62, 68] . L’existence de myalgies est une manifestation qui concerne les épileptiques connus dans plus de
notion intéressante à prendre en compte. Ce signe peut persister 10 % des cas mais aussi d’autres patients. Le caractère discrimi-
mais seulement en cas de crise nocturne. Il faut aussi rechercher nant de cette entité clinique est la fermeture des yeux pendant
une complication spécifique immédiate (plaies cutanées, le déroulement de la crise qui peut être par ailleurs d’expression
ecchymoses, lacération linguale, fracture dentaire, luxation de diverse [69].
l’épaule, fracture d’un os long).
Stratégie des examens complémentaires
Diagnostic différentiel Les examens complémentaires doivent être guidés par l’exa-
Quand la description de la crise est fiable, le diagnostic ne men clinique. Une hypoglycémie sera systématiquement
pose pas de problème mais la plupart du temps le médecin ne recherchée par une mesure de la glycémie capillaire quel que
dispose pas de ces éléments. Dans ce cadre, il est nécessaire de soit le type de crise (grade B) [44, 62-64, 70-72]. La recherche d’une
rechercher les éventuels diagnostics différentiels. Le Tableau 7
.
grossesse doit être envisagée chez les femmes en période
précise les principaux diagnostics différentiels. Les syncopes d’activité génitale (grade B) [73]. La stratégie diagnostique est
peuvent générer des clonies mais elles ne durent en général que schématisée sur la Figure 6.
quelques secondes. Les éléments cliniques en faveur de la
syncope sont la brièveté des symptômes, la rapide récupération
Dans le cadre d’une première crise simple [4, 70]
du patient, l’apparition de sueurs froides et la pâleur du visage. Les examens biologiques ont une faible rentabilité dans la
Un électrocardiogramme doit être systématiquement réalisé démarche diagnostique [73]. Cependant, deux examens de labora-
pour éliminer un trouble du rythme cardiaque (syndrome du toire sont proposés pour orienter le diagnostic. Le dosage des
QT long ou bloc auriculoventriculaire). L’existence de prodro- lactates sanguins présente un intérêt car une acidose métabolique
mes doit être prise en considération. La lipothymie est en est en faveur d’une crise convulsive généralisée récente quand le
général précédée d’une impression de malaise général, de taux de lactates moyen est à 12,2 +/- 1 mmol/l. Toutefois, ce
troubles visuels vertigineux et de nausées. La crise d’épilepsie paramètre se normalise en 60 minutes ce qui peut limiter l’intérêt
apparaît le plus souvent imprévue et soudaine alors que la de ce dosage. Le bénéfice du dosage de la prolactinémie et de la

Figure 6. Arbre décisionnel.


Convulsion Épilepsie connue Stratégie diagnostique devant
une crise convulsive. EDMC : état
de mal convulsif ; TDM : tomo-
densitométrie ; IRM : imagerie par
1re crise simple 1re crise accompagnée Crise Crise Crise
résonance magnétique ; NFS :
différente accompagnée identique
numération-formule sanguine ;
CRP : C reactive protein ; iono : io-
nogramme ; PL : ponction lom-
Répétition crise, EDMC
• Glycémie Dosage des baire ; BH : bilan hépatique (trans-
• NFS, CRP, lono, TDM et/ou IRM
• +/- lactates antiépileptiques aminases, phosphatases alcalines,
sanguins gamma-GT) ; OH : alcoolémie.
Déficit postcritique signes neurologiques
• TDM et/ou IRM en
• TDM et/ou IRM
différé (dans les
24 heures)
Confusions persistantes
• lono, OH, toxiques, TDM et/ou IRM, PL

Alcool, sevrage alcool


• NFS, BH, iono, OH

Traumatisme crânien
• TDM et/ou IRM

Maladie générale, anticoagulants


• TDM et/ou IRM

Fièvre > 38°C


• NFS, CRP, TDM et/ou IRM puis PL

Grossesse
• Prise en charge spécifique en milieu obstétrical

Médecine d’urgence 9
25-110-A-30 ¶ Convulsions de l’adulte

cortisolémie est rapporté car il existe, lors d’une crise convulsive,


un retentissement endocrinien avec augmentation des taux Convulsion
plasmatiques de ces hormones. Mais l’intérêt de ces dosages est
limité en l’absence du taux de base de référence. Aucun autre
examen de laboratoire ne présente un intérêt diagnostique dans
Épilepsie connue Inaugurale
ce cadre. Essentielle ou secondaire
L’EEG a ses limites, car cet examen n’a pas toujours la
capacité de confirmer ou d’exclure le diagnostic d’épilepsie. Il
doit s’intégrer dans une stratégie diagnostique où le recueil de
Examen clinique Éclampsie Autre cause
l’anamnèse et l’examen clinique sont déterminants (grade
B) [74]. La moitié des EEG sont normaux alors qu’il existe une
authentique épilepsie. Ils constituent des faux négatifs. À
l’opposé, 0,5 à 2 % des jeunes adultes sains ont des anomalies Glycémie Urgence TDM(+/- IRM)
et constituent des faux positifs [75]. La probabilité de recueillir obstétricale avec protection
des graphoéléments paroxystiques intercritiques est d’autant obstétricale
plus élevée que l’EEG est précoce et que l’enregistrement est de PL si syndrome
NFS méningé
longue durée. Souvent l’EEG est difficile d’accès dans le cadre de
Prélèvements
l’urgence. Par ailleurs, il est inutile de pratiquer cet examen en
bactériologiques
urgence chez un malade qui a préalablement reçu des
benzodiazépines.
Un examen tomodensitométrique (TDM) cérébral est indiqué
Dosage des antiépileptiques
dans les 24 heures si aucune étiologie extracérébrale n’a pu être
mise en évidence de façon formelle. Toutefois, une modification
de l’état neurologique doit précipiter la réalisation de cet
examen. De même, la TDM cérébrale devra être réalisée en TDM cérébrale
urgence si le patient est âgé de plus de 40 ans et que le début avec protection
de la crise est focalisé (grade C) [76]. L’IRM cérébrale est, en obstétricale
l’absence de contre-indication, l’examen morphologique le plus
performant pour la recherche des lésions cérébrales. Cet examen Figure 7. Arbre décisionnel. Stratégie diagnostique devant une crise
peut être réalisé en première intention dans les mêmes indica- convulsive survenant pendant la grossesse. TDM : tomodensitométrie ;
tions que le scanner, mais il est réalisé le plus souvent en différé IRM : imagerie par résonance magnétique ; NFS : numération-formule
en raison des disponibilités de ces appareils en urgence. L’IRM sanguine.
cérébrale doit être réalisée en première intention si une throm-
bophlébite cérébrale est suspectée.
toxoplasmose cérébrale. Chez les patients immunodéficitaires,
Dans le cadre d’une première crise accompagnée une PL peut compléter le bilan diagnostique mais elle doit être
La stratégie des examens complémentaires est guidée par le réalisée après la TDM (grade B) [73].
tableau clinique qui accompagne la crise [44, 62, 70]. Devant une fièvre supérieure à 38 °C, il est indispensable de
La répétition de la crise aux urgences ou l’EDMC doivent faire réaliser un bilan biologique à la recherche de stigmates d’infec-
réaliser un bilan biologique à la recherche d’une anomalie tion ainsi que les prélèvements bactériologiques appropriés aux
infectieuse ou métabolique comprenant un hémogramme, un points d’appels infectieux. Un examen TDM cérébral sera réalisé
ionogramme complet et le dosage de la C reactive protein (CRP). en urgence à la recherche de signe d’hypertension intracrâ-
Un examen TDM cérébral doit être réalisé en urgence [68]. nienne ou de signes de méningoencéphalite. En l’absence de
Face à un déficit postcritique ou des signes focaux à l’examen contre-indication, il faut faire une PL pour permettre une
neurologique, il faut réaliser une TDM cérébrale en urgence à la analyse cytobactériologique du liquide céphalorachidien (LCR).
recherche d’une lésion cérébrale. La crise convulsive survenant dans le cadre d’une grossesse
La confusion mentale anormalement persistante même dans doit faire l’objet d’une démarche de prise en charge particuliè-
le cadre d’une intoxication impose la recherche d’une anomalie rement attentive. Deux orientations sont possibles : soit il s’agit
ionique ou métabolique par la réalisation d’un ionogramme d’une épilepsie connue et antérieure à la grossesse, soit l’épilep-
sanguin complet. Dans ce cadre, il faut aussi éliminer une
.
sie est inaugurale et doit être considérée comme une éclampsie
intoxication éthylique ou de tout autre toxique. Une imagerie jusqu’à preuve du contraire [56]. La démarche de prise en charge
cérébrale en urgence par TDM cérébrale est indispensable. L’EEG dans ce cadre est schématisée sur la Figure 7.
est indiqué, dans ce cadre, en urgence pour rechercher un état Les indications d’un examen TDM cérébral et d’EEG dans le
de mal non convulsivant (grade C) [73]. Il peut aussi contribuer, cadre d’une crise accompagnée sont résumées (cf. encadrés).
avec la ponction lombaire (PL), au diagnostic de méningo-
encéphalite.
Le cadre de l’alcoolisation, de l’éthylisme chronique ou du
sevrage alcoolique requiert une attention particulière. En plus
du dosage de l’alcoolémie, il faut rechercher les stigmates de
l’imprégnation alcoolique chronique (hémogramme, fonction
“ Point fort
hépatique). Il est licite de réaliser une TDM cérébrale en urgence Indication d’une TDM cérébrale en urgence
pour éliminer une pathologie neurochirurgicale nécessitant une Persistance de troubles de la conscience associés à un
prise en charge spécifique en urgence. traumatisme crânien ou à une pathologie alcoolique.
Il en est de même pour la crise convulsive avec traumatisme
Déficit neurologique focalisé postcritique.
crânien associé. La TDM ou l’IRM cérébrale sera pratiquée en
Fièvre avec signes d’hypertension intracrânienne.
urgence à la recherche de lésion traumatique.
En cas de maladie générale (cancer) ou lors d’une prise
Antécédent de cancer ou d’infection au VIH.
d’anticoagulants oraux, il faut réaliser une TDM cérébrale en Patients ayant fait une crise partielle ou focalisée.
urgence pour éliminer une localisation secondaire ou un Patients sous anticoagulant ou porteurs de troubles de
processus hémorragique. Chez un patient séropositif vis-à-vis du l’hémostase.
virus de l’immunodéficience humaine (VIH), toute crise convul- Patients dont le suivi ultérieur ne peut être correctement
sive doit conduire à la réalisation en urgence d’un examen TDM assuré.
cérébral à la recherche d’une infection opportuniste comme la

10 Médecine d’urgence
Convulsions de l’adulte ¶ 25-110-A-30

Cas particulier de la crise survenant


“ Point fort pendant la grossesse
La crise convulsive survenant pendant la grossesse doit être
Indication d’un EEG en urgence considérée jusqu’à preuve du contraire comme la conséquence
État de mal épileptique non convulsivant. d’une éclampsie. L’éclampsie est une urgence obstétricale qui
.
Méningoencéphalite de forme fruste. doit bénéficier d’un traitement immédiat basé sur l’administra-
Déficit neurologique postcritique. tion en première intention de sulfate de magnésium associé au
Étiologie toxique non précisée. diazépam ou au clonazépam si les convulsions persistent. En cas
d’échec, le recours au penthotal peut être justifié sous contrôle
ventilatoire. Le transfert en milieu spécialisé doit être rapide [56].

Chez l’épileptique connu Cas particulier de l’état de mal convulsif


Il convient de vérifier l’observance thérapeutique du patient. L’EDMC est une urgence médicale fréquente et grave dont la
Le dosage des médicaments antiépileptiques du patient peut mortalité est estimée à 20 %. Il peut, dans un quart des cas, se
présenter un intérêt pour rechercher en particulier un taux présenter sous une forme généralisée d’emblée mais les trois
infrathérapeutique (grade C) [74] . Si la crise présente une quarts des cas se généralisent secondairement.
sémiologie différente des crises précédentes ou si la crise est La prise en charge repose sur des mesures urgentes de
accompagnée, la démarche diagnostique doit être identique à maintien des fonctions vitales associées à un traitement
celle de la première crise ou d’une crise accompagnée. Sinon, anticonvulsivant gradué et codifié. Il est indispensable d’assurer
aucun examen complémentaire spécifique n’est à envisager dans conjointement la perméabilité des voies aériennes et l’oxygéna-
le cadre de l’urgence. tion du sang ainsi que le maintien d’une hémodynamique
satisfaisante et l’administration d’une benzodiazépine en
première intention puis, en l’absence d’efficacité, d’une autre
■ Prise en charge thérapeutique classe d’anticonvulsivant. La recherche d’une hyperthermie est
systématique et doit bénéficier, le cas échéant, de mesure de
refroidissement. L’étiologie de l’EDMC doit être systématique-
Pendant la crise ment recherchée et traitée immédiatement dans la mesure du
possible [55, 68]. Le schéma de prise en charge est défini dans le
Il est primordial d’éviter que le patient se blesse en éloignant Tableau 8.
tous les objets potentiellement dangereux. La mise en place
dans la bouche d’objets comme une canule buccale est illusoire,
voire risqué pour l’opérateur. La mise en place d’une voie Mise en place d’un traitement durable
veineuse est particulièrement difficile. L’administration d’une
benzodiazépine (clonazépam, diazépam) peut être réalisée par Le risque de rechute est un élément important, mais pas
voie intrarectale ou nasale [77] . La voie intramusculaire ne exclusif, pour discuter avec le patient d’une éventuelle instau-
présente pas d’intérêt dans ce cadre. ration d’un traitement antiépileptique. Il faut aussi tenir compte
du risque d’effets indésirables d’un traitement antiépileptique,
en particulier cognitifs, de la situation sociale et professionnelle
Après la crise du patient, de la question du permis de conduire, de l’angoisse
devant le risque de récidive, du désir de grossesse chez la
Le médecin urgentiste doit envisager toutes les mesures femme. Il n’y a pas d’option thérapeutique standard. Le
thérapeutiques pour prendre en charge une détresse vitale traitement doit s’envisager au cas par cas avec chaque patient,
survenant au décours de la crise : contrôle des voies aériennes, ce qui favorise par ailleurs l’observance [79].
maintien d’une hémodynamique efficace. Il doit également
prendre en compte la glycémie capillaire et la température
centrale. Par ailleurs, dans le cadre d’une crise symptomatique,
il convient de traiter au plus vite l’étiologie responsable. ■ Orientation des patients
L’apparition d’une nouvelle crise dans le cadre d’une crise
convulsive isolée est statistiquement très faible, il n’y a donc pas L’hospitalisation est indispensable devant toute crise convul-
de mesure thérapeutique spécifique à prendre. Néanmoins, dans sive accompagnée, toute crise convulsive isolée, occasionnelle,
le cadre de crise symptomatique ou de maladie épileptique survenant chez un patient de plus de 60 ans et pour toute crise
existante, il existe un risque de récidive important. Dans ce isolée de sémiologie différente survenant chez un épileptique
cadre, il est licite de prévenir la récidive. La conférence de connu [1, 5, 62, 67, 80]. L’EDMC doit faire l’objet d’une hospitali-
consensus de 1991 préconisait l’utilisation du clobazam à la sation systématique en réanimation [55].
posologie de 60 mg per os en une prise le 1er jour, 40 mg le 2e Pour les autres, une prise en charge ambulatoire peut être
jour puis 20 mg/j jusqu’à l’avis du neurologue [44] . Cette organisée sous réserve de certains critères cliniques, sociaux et
posologie n’a pas été remise en cause lors de l’actualisation de de la possibilité d’organiser de façon fiable le suivi médical
cette conférence de consensus en 2003 [62]. Il semble toutefois (examen et consultation programmés en neurologie)
que l’utilisation du clobazam en préventif et à cette posologie (grade C) [73]. Par ailleurs, le patient devra veiller à respecter une
ne repose pas sur des données de la littérature très explicites [78]. parfaite hygiène de vie en particulier du repos. Des consignes
Toutefois, il fait l’objet d’un accord professionnel et sa bonne
.
écrites devront lui être données [44, 62]. Les critères de non-
tolérance incite à préconiser son utilisation actuelle selon les hospitalisation et les consignes à remettre au patient et à son
entourage sont définis dans le Tableau 9.
modalités de la conférence de consensus de 1991 [44]. Chez
l’épileptique connu, si un avis neurologique ne peut être obtenu
rapidement, une prévention par clobazam selon le même
schéma thérapeutique peut être prescrite. Chez l’éthylique ■ Conclusion
chronique, les mesures thérapeutiques ne concernent pas la
crise elle-même. Il faut avant tout traiter un syndrome de La crise convulsive de l’adulte est une pathologie fréquente
sevrage en utilisant préférentiellement le lorazépam ou à défaut en médecine d’urgence. Il s’agit d’un symptôme qui peut être
le diazépam. L’institution d’un traitement anticonvulsivant au la manifestation d’une maladie épileptique ou d’une souffrance
long cours est en général contre-indiquée chez l’alcoolique en cérébrale dont les étiologies sont nombreuses. Le diagnostic
raison de la mauvaise observance. d’épilepsie primaire est un diagnostic d’élimination qui ne doit

Médecine d’urgence 11
25-110-A-30 ¶ Convulsions de l’adulte

Tableau 8.
Conduite pratique à tenir devant un état de mal convulsif (EDMC) (d’après [55, 58]).

Premier temps : 30 premières minutes


Mesures générales Mesures thérapeutiques
• Prévention des traumatismes • Corriger la glycémie en cas d’hypoglycémie
• Liberté des voies aériennes • Injection i.v. d’une benzodiazépine : diazépam 2 mg/min jusqu’à l’arrêt des
• Oxygénothérapie convulsions sans dépasser un total de 20 mg. Alternative : clonazépam 1 mg
en 3 min éventuellement répété après 10 min. Si la voie veineuse n’est pas dis-
• Lutte contre l’hyperthermie
ponible immédiatement : utiliser la voie rectale ou nasale
• Contrôle de la glycémie
• Associer immédiatement un antiépileptique d’action prolongée :
• Mise en place d’une voie veineuse périphérique
-fosphénytoïne i.v. : 20 mg/kg d’EPS* avec un débit de 150 mg/min, soit pour
• Mise en place d’une surveillance multiparamétrique (ECG, SpO2, PNI)
un adulte de 75 kg : 3 flacons de Prodilantin® (500 mg EPS) en 10 min
• Faire un ECG
-alternative si contre-indication à la fosphénytoïne : phénobarbital i.v.
• Faire un EEG dans la mesure du possible 100 mg/min sans dépasser un total de 10 mg/kg
• Préparer le matériel nécessaire à un contrôle des voies aériennes • Chez l’éthylique chronique : injecter 100 mg de thiamine (vitamine B1)
(plateau d’intubation)
CI fosphénytoïne : âge > 70 ans, cardiopathie ischémique sévère, bradycardie, bloc
auriculoventriculaire du 2e et 3e degré
CI phénobarbital : insuffisance circulatoire
Deuxième temps : 30 à 50 minutes. EDMC persistant
• Continuer surveillance des paramètres vitaux Renforcer la dose de l’antiépileptique d’action longue préalablement choisi :
• fosphénytoïne sans dépasser un total de 30 mg/kg
• ou phénobarbital i.v. 50 mg/min sans dépasser un total de 20 mg/kg soit
pour un adulte de 75 kg : 1 500 mg de Gardenal® en 30 min
Troisième temps : 50 à 80 minutes. EDMC réfractaire
• Préparer le matériel d’intubation et d’aspiration • Anesthésie générale par barbituriques avec ventilation contrôlée : thiopental
• Préoxygénation du patient 5 mg/kg en bolus i.v. puis 50 mg en 5 min jusqu’à obtention d’un EEG type
burst suppression
• Intubation trachéale, ventilation assistée et sonde gastrique
• Alternative 1 : remplacer la fosphénytoïne préalablement choisie par le phé-
• Continuer surveillance des paramètres vitaux en particulier l’hémo-
nobarbital et inversement
dynamique
• Alternative 2 : utilisation du clométhiazole, d’anesthésiques non barbituri-
• Transfert en service de réanimation pour prise en charge et surveillance de
ques volatils ou intraveineux (propofol, midazolam)
l’EEG
* 1,5 mg de fosphénytoïne sodique équivaut à 1 mg de phénytoïne sodique. La posologie du Prodilantin® s’exprime en équivalent phénytoïne sodique (EPS). CI : contre-
indication ; EEG : électroencéphalogramme ; ECG : électrocardiogramme ; PNI : pression artérielle non invasive ; SpO2 : saturation périphérique en oxygène.

Tableau 9. [4] Dunn MJ, Breen DP, Davenport RJ, Gary AJ. Early management of
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toutes les recommandations de sécurité nécessaires à cette pathologie community based study in the UK. Brain 2000;123(Pt4):665-76.
• Présence auprès du patient d’une personne responsable garantissant sa [7] Forsgren L, Bucht G, Eriksson S, Bergmark L. Incidence and clinical
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J.-M. Philippe (jm.philippe@ch-aurillac.fr).


M.-P. Benezet.
F. Monchard.
G. Weydenmeyer.
Département de médecine d’urgence, Centre hospitalier Henri Mondor, B.P. 229, 15002 Aurillac cedex.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Philippe J.-M., Benezet M.-P., Monchard F., Weydenmeyer G. Convulsions de l’adulte. EMC (Elsevier
Masson SAS, Paris), Médecine d’urgence, 25-110-A-30, 2007.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


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décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

14 Médecine d’urgence
¶ 25-110-B-10

Hémiplégies d’installation soudaine


D. Sablot, F. Belahsen, A. Akouz, G. Runavot, E. Medeiros-De Bustos, F. Vuillier,
L. Tatu, T. Moulin

Le tableau d’hémiplégie d’installation soudaine représente la plus fréquente des urgences neurologiques.
Il nécessite dans un premier temps une analyse sémiologique soigneuse qui permet de localiser la lésion,
d’évaluer le degré d’urgence et d’orienter les investigations complémentaires. Le deuxième temps est
l’identification de la nature de la lésion grâce à la réalisation d’un examen neuroradiologique. Enfin, la
dernière étape est la décision thérapeutique. Le pronostic vital et fonctionnel dépend autant du
mécanisme causal et du site lésionnel que du traitement. Nous envisageons successivement l’étape
sémiologique de l’hémiplégie, la conduite pratique du diagnostic aboutissant à la nature de la lésion et à
son étiologie. Enfin, nous décrivons les principales mesures thérapeutiques.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Hémiplégie ; Accident vasculaire cérébral ; Urgence neurologique ; Thrombolyse ;


Unité neurovasculaire

Plan clinique de quantification variable, de la modalité de début qui


peut être « d’une seconde à l’autre », plus progressive ou par
¶ Définitions et terminologie 1 à-coups.
¶ Aspects cliniques 1
¶ Diagnostic étiologique 2 ■ Aspects cliniques
Causes non vasculaires 2
La reconnaissance clinique de l’hémisyndrome est le plus
Accidents vasculaires cérébraux 4
souvent aisée, du fait de la fréquence du déficit moteur dont
¶ Conclusion 17 l’expression est manifeste. Un certain nombre d’éléments
sémiologiques sont à prendre en considération pour évaluer
l’extension et la gravité du déficit moteur. Ainsi, il est important
d’explorer les trois segments de l’hémicorps (face, membre
■ Définitions et terminologie supérieur, membre inférieur). La technique rapide d’examen
doit être standardisée, comportant les principales manœuvres
Avant d’aborder la conduite à tenir, quelques remarques passives et actives suivantes :
préalables d’ordre sémantique s’imposent. Si l’atteinte de la • asymétrie faciale au repos, lors de la fermeture des yeux ou
motricité est le symptôme le plus spectaculaire, il ne doit pas lors de la réalisation de grimaces ; étude de la motricité faciale
résumer à lui seul les syndromes neurologiques de constitution par la manœuvre de Pierre-Marie et Foix chez les patients
soudaine. Le terme d’hémiplégie, employé au sens strict comme comateux ;
une atteinte hémicorporelle de la motricité, apparaît donc trop • élévation des bras à l’horizontale et maintien de la position
réducteur. Il est plus approprié d’utiliser le terme global du serment ; étude de la mobilisation contre pesanteur et
d’hémisyndrome pour traduire l’atteinte hémicorporelle et d’y résistance pour le membre supérieur ;
adjoindre le ou les adjectifs qualifiant la nature du dysfonction- • mobilisation passive par le maintien de la position de
nement : moteur, sensitif, visuel ou cognitif. De la même Mingazzini et active par élévation du membre inférieur
manière, ce terme d’hémiplégie signifie une atteinte complète et contre pesanteur et résistance, flexion-extension globale de la
proportionnelle, ce qui est tout aussi réducteur de la diversité jambe pour le membre inférieur.
des déficits moteurs hémicorporels. Là encore, il est nécessaire Le tonus est étudié par les mouvements passifs et actifs avec
de qualifier le degré d’atteinte du déficit (complet, incomplet) recherche d’une hypotonie ou à l’inverse d’une hypertonie
et d’en définir la topographie (proportionnelle, face, membre spastique en flexion ou en extension. L’étude des réflexes est
supérieur, membre inférieur). moins importante durant la phase aiguë ; elle peut se borner à
Dans le même esprit, s’il est vrai que l’atteinte neurologique la recherche de la réponse du réflexe cutané plantaire. L’absence
apparaît dramatiquement, « comme un coup de fusil dans un de signe de Babinski ne doit en aucun cas signifier la négation
ciel serein », le mode d’installation doit être plus volontiers de l’atteinte pyramidale ; ce signe peut n’apparaître que dans les
qualifié de soudain que de brutal. L’accent est ainsi mis sur la jours suivant la constitution du déficit moteur.
rapidité de survenue plutôt que sur la sévérité de l’atteinte. L’évaluation des autres modalités, sensitives, visuelles et
Cette nuance terminologique permet de distinguer la gravité intellectuelles, doit être aussi complète que possible tout en

Médecine d’urgence 1
25-110-B-10 ¶ Hémiplégies d’installation soudaine

demeurant rapide. Dans le cadre de l’urgence, l’examen de la déficit, d’en préciser la topographie et de visualiser l’occlusion
sensibilité peut se limiter à apprécier le niveau de discrimination artérielle lors d’accidents ischémiques récents. Les séquences de
tactile et douloureuse, sans oublier les stimulations bilatérales perfusion permettent également d’évaluer les zones à risque
simultanées qui permettent d’identifier une extinction sensitive. d’extension de l’infarctus cérébral et indiquent donc le gain
Une étude rapide des fonctions mentales peut se limiter à la d’une éventuelle fibrinolyse. L’intérêt de l’IRM semble être
recherche d’une désorientation temporospatiale et la mise en capital lors d’un déficit récent en vue d’une fibrinolyse, même
évidence de troubles du langage sous forme de paraphasies, si cela n’a pas été encore évalué dans cette indication sur des
d’un manque du mot et d’un trouble de la compréhension séries randomisées. Les indications respectives de ces examens
(ordres simples ou complexes). complémentaires sont rapidement détaillées pour chaque
L’examen doit être obligatoirement complété par l’étude des étiologie.
paires crâniennes. L’étude du champ visuel s’effectue même L’installation soudaine d’un hémisyndrome est tellement
chez les sujets non coopérants grâce à la recherche du cligne- associée à un mécanisme vasculaire que par principe : « tout
ment à la menace. L’existence de troubles de la déglutition déficit neurologique soudain doit être supposé d’origine
impose des mesures thérapeutiques particulières. L’oculomotri- vasculaire ». Nous envisagerons brièvement les autres étiologies
cité est évaluée lors de la poursuite oculaire volontaire et par la non vasculaires (processus expansifs tumoraux ou infectieux,
mobilisation céphalique passive qui provoque les réflexes méningoencéphalites, crise d’épilepsie avec paralysie de Todd),
oculomoteurs. puis détaillerons la pathologie vasculaire cérébrale en précisant,
Enfin, une gradation de l’état de vigilance est effectuée au pour chaque type d’accident vasculaire cérébral (AVC), la
mieux par l’utilisation d’échelles standardisées de type score de physiopathologie, les tableaux cliniques, les éléments du
Glasgow. En outre, une appréciation de l’état général, cardiaque, diagnostic positif et étiologique, les facteurs pronostiques et les
hémodynamique et respiratoire est indispensable pour adapter mesures thérapeutiques à instituer.
d’éventuelles mesures de réanimation en cas de défaillance
systémique.
Plusieurs échelles composites ont pu être utilisées dans un Causes non vasculaires [1-4]
souci de standardisation de l’examen neurologique face à un Le contexte clinique et/ou le scanner cérébral permettent
hémisyndrome (score du National Institute of Health [NIH], d’assurer le diagnostic.
d’Orgogozo ou score scandinave). L’ensemble de ces scores sous-
évalue la sévérité d’une souffrance du territoire vertébrobasilaire
par rapport à une atteinte hémisphérique. Nous retiendrons le
Causes tumorales
score NIH (Tableau 1), actuellement utilisé par la majorité des Ainsi, les tumeurs peuvent se décompenser soudainement par
unités d’urgences neurovasculaires. Ce score demeure relative- hémorragie intratumorale. Le scanner révèle alors l’hémorragie,
ment exhaustif en dépit de l’absence d’éléments évaluant le mais la présence d’un œdème périlésionnel intense doit faire
vertige, la conjugaison oculaire ou la motricité de l’oropharynx. réaliser une injection iodée. De la même manière, un hématome
D’utilisation aisée et facilement reproductible, il permet une sous-dural peut se présenter avec un déficit soudain en l’absence
standardisation de l’examen neurologique face à un patient pris de contexte traumatique évident. Le scanner sans injection
en charge par des équipes multidisciplinaires (urgentiste, montre facilement l’hémorragie, sauf en cas d’hématome sous-
neurologue, neuroradiologue) et permet d’assurer un suivi dural isodense où une injection iodée est justifiée.
objectif de l’évolution de son statut neurologique. Enfin, il
constitue un des critères de décision de thrombolyse intravei- Causes infectieuses
neuse lors d’infarctus de moins de 3 heures.
À ce stade, le diagnostic différentiel sémiologique est plus La démarche diagnostique est différente pour les déficits
théorique que pratique (impotence par conversion hystérique, neurologiques soudains survenant dans un contexte fébrile. La
traumatisme ostéoarticulaire ou déficit musculaire par lésion réalisation urgente du scanner, sans et le plus souvent avec
périphérique) [1]. injection de produit de contraste, est toujours indiquée.

Abcès cérébral
■ Diagnostic étiologique Une ou plusieurs prises de contraste au sein de processus
Le contexte clinique accompagnant l’hémisyndrome neuro- occupants cérébraux évoquent le diagnostic d’abcès ; la ponc-
logique est le premier élément d’orientation. L’interrogatoire et tion lombaire est alors contre-indiquée. À l’inverse, en cas de
l’examen clinique doivent systématiquement rechercher les scanner sans effet de masse, l’étude du liquide céphalorachidien
principaux symptômes associés, céphalées, crises d’épilepsie, (LCR) est obligatoire. Une pléiocytose lymphocytaire (> 50
température, contexte vasculaire, etc., qui permettent de classer éléments), pouvant être associée à une discrète protéinorachie
le tableau neurologique dans un groupe syndromique (< 1 g/l), doit orienter vers le diagnostic de méningoencéphalite.
particulier.
Méningoencéphalites herpétiques (MEH)
Les principaux examens complémentaires à visée neurologi-
que permettent d’assurer le diagnostic étiologique et d’orienter Elles doivent être rapidement dépistées du fait de leur
les mesures thérapeutiques. Ils ne doivent pas être réalisés fréquence (une à quatre pour 1 million d’habitants par an), de
systématiquement, mais au contraire s’intégrer dans une la morbidité et de la mortalité qui y sont associées (de 60 à
démarche diagnostique cohérente et progressive. Ainsi, on 80 % de séquelles lourdes lorsque le traitement est retardé),
analyse pour chaque examen le rapport risque/avantage. Par ainsi que de leur sensibilité au traitement antiviral. La suspicion
exemple, le fond d’œil n’a plus d’indication avant la réalisation de MEH impose de débuter l’aciclovir (Zovirax®, 10 mg/kg/8 h)
d’une ponction lombaire ; en cas de doute sur un processus par voie intraveineuse de toute urgence, éventuellement sans
expansif localisé, l’imagerie cérébrale est beaucoup plus infor- attendre les résultats de la ponction lombaire ou de l’imagerie
mative. L’artériographie est rarement indiquée en urgence. cérébrale. La détection de l’acide désoxyribonucléique (ADN) de
L’électroencéphalogramme (EEG) permet de conforter le dia- l’herpes simplex virus dans le LCR par la technique de PCR
gnostic d’encéphalite ou de crises épileptiques. Le type d’ima- (polymerase chain reaction) permet de confirmer le diagnostic
gerie cérébrale -examen clé de la démarche diagnostique et avec une spécificité et une sensibilité supérieures ou égales à
thérapeutique- dépend du mode d’apparition des symptômes, 95 %. Le scanner cérébral fait apparaître le plus souvent une
des délais d’admission mais également de la disponibilité des hypodensité de siège temporal ou frontal, pouvant être uni- ou
appareils et des organisations locales. Si l’imagerie par résonance bilatérale. Il peut également être normal, notamment à la phase
magnétique (IRM) est moins accessible en urgence que le précoce de la MEH. L’IRM est plus sensible, faisant apparaître
scanner, elle présente l’avantage d’authentifier le mécanisme du des lésions hypo-T1/hyper-T2, parfois hyper-T1 et hyper-T2 lors

2 Médecine d’urgence
Hémiplégies d’installation soudaine ¶ 25-110-B-10

Tableau 1.
National Institute of Health Stroke Score.
1a. Level of consciousness
0 : alert ; keenly responsive
1 : not alert, but arousable by minor stimulation to obey, answer or respond
2 : not alert, requires repeated stimulation to attend, or is obtunded and requires strong or painful stimulation to make movements (not stereotyped)
3 : responds only with reflex motor or autonomic effects or totally unresponsive, flaccid, areflexic
1b. LOC questions
0 : answers both questions correctly
1 : answers one question correctly
2 : answers neither question correctly
1c. LOC commands
0 : performs both tasks correctly
1 : performs one task correctly
2 : performs neither task correctly
2. Best gaze
0 : normal
1 : partial gaze palsy. This score is given when gaze is abnormal in one or both eyes, but where forced deviation or total gaze paresis are not present
2 : forced deviation, or total gaze paresis not overcome by the oculocephalic maneuver
3. Visual
0 : no visual loss
1 : partial hemianopsia
2 : complete hemianopsia
3 : bilateral hemianopsia (blind including cortical blindness)
4. Facial palsy
0 : normal symmetrical movement
1 : minor paralysis (flattened nasolabial foid, asymmetry on smiling)
2 : partial paralysis (total or near total paralysis of lower face)
3 : complete paralysis of one or both sides (absence of facial movement in the upper and lower face)
5a&b. Motor arm
0 : no drift, limb hold 90 (or 45) degrees for full 10 seconds
1 : drift, limb hold 90 (or 45) degrees, but drifts down before full 10 seconds ; does not hit bed or other support
2 : some effort against gravity, limb cannot get to or maintain 90 (or 45) degrees, drifts down to bed, but has some effort against gravity
3 : not effort against gravity, limb falls
4 : no movement
6a&b. Motor leg
0 : no drift, leg holds 30 degree position for full 5 seconds
1 : drift, leg falls by the end of 5 seconds period but does not hit bed
2 : some effort against gravity ; leg falls to bed by 5 seconds, but has some effort against gravity
3 : no effort against gravity, leg falls to be immediately
4 : no movement
7. Limb ataxia
0 : absent
1 : present in one limb
2 : present in two limbs
8. Sensory
0 : normal ; no sensory loss
1 : mild to moderate sensory loss ; patient feels pinprick is less sharp or is dull on the affected side ; or there is a loss of superficial pain with pinprick
but patient is aware he/she is being touched
2 : severe to total sensory loss ; patient is not aware of being touched
9. Best language
0 : no aphasia
1 : mild to moderate aphasia ; some obvious loss of fluency or facility of comprehension, without significant limitation on ideas expressed or form
of expression. Reduction of speech and/or comprehension, however, makes conversation about provided material difficult or impossible
2 : severe aphasia ; all communication is through fragmentary expression ; great need for inference, questioning, and guessing by the listener
3 : mute, global aphasia
10. Dysarthria
0 : normal
1 : mild to moderate ; patient slurs at least some words and at worst can be understood with some difficulty
2 : severe ; patient’s speech is so slurred as to be unintelligible in the absence of or out of proportion to any dyspepsia or is mute/anarchic
11. Extinction and inattention
0 : no abnormality
1 : visual, tactile, auditory, spatial or personal or extinction to bilateral simultaneous stimulation in one of the sensory modalities
2 : profound hemi-inattention or hemi-inattention to more than one modality. Does not recognize own hand or orients to only one side of space

Médecine d’urgence 3
25-110-B-10 ¶ Hémiplégies d’installation soudaine

Épidémiologie
“ À retenir En termes de mortalité et de morbidité, les AVC sont respon-
sables de 50 000 décès par an en France et sont la première
Méningoencéphalite herpétique cause de handicap (50 %). L’incidence globale des AVC varie
• À évoquer devant tout trouble neurologique et selon les classes d’âge, avec 30 pour 100 000 habitants par an
avant 45 ans, 300 pour 100 000 habitants entre 55 et 65 ans et
hyperthermie.
1 500 pour 100 000 habitants après 75 ans.
• Urgence thérapeutique (60 à 80 % de séquelles lourdes
On distingue les AVC hémorragiques et les AVC ischémiques.
lorsque le traitement est retardé). Ces derniers représentent de 75 % à 80 % des AVC. Les acci-
• Traitement : aciclovir (Zovirax®, 10 mg/kg/8 h) dès dents hémorragiques se divisent en hémorragies intraparenchy-
suspicion, à poursuivre 10 jours si le diagnostic est mateuses et hémorragies méningées. Enfin, les TVC représentent
confirmé. de 3 à 5 %.
• Diagnostic positif : polymerase chain reaction herpès Le diagnostic global d’AVC ne doit plus être retenu ; il est
dans le LCR (exceptionnellement négatif). L’EEG (aspect indispensable de connaître précisément la nature de l’AVC
pseudopériodique), le scanner ou l’IRM cérébrale (lésions (ischémique ou hémorragique) et d’essayer d’en déterminer la
nécrotiques de siège temporal ou frontal, uni- ou cause le plus exactement possible. Il s’agit d’un préalable
bilatérales) sont le plus souvent fortement évocateurs. obligatoire à toute décision thérapeutique cohérente. De ce fait,
la réalisation d’une imagerie cérébrale (IRM ou tomodensitomé-
trie [TDM]) est une urgence devant l’installation soudaine d’un
hémisyndrome moteur.
de phénomènes hémorragiques, ou encore une prise de
contraste traduisant la rupture de la barrière hématoencéphali-
que. Outre ces deux examens clés, l’EEG peut être très suggestif Modalités évolutives initiales des accidents
dans 70 % des cas, retrouvant un aspect pseudopériodique vasculaires cérébraux
temporal uni- ou bilatéral. Le traitement par aciclovir par voie
Classiquement, les modalités évolutives initiales sont de trois
intraveineuse doit être poursuivi au minimum 10 jours, éven-
types :
tuellement associé à un traitement antiœdémateux, antiépilep-
• les accidents transitoires, où le dysfonctionnement apparaît
tique et aux mesures de réanimation adéquates.
de façon soudaine et régresse classiquement en moins de
Autres étiologies 24 heures ; il s’agit par définition d’accidents d’origine
ischémique transitoire (AIT). En 2004, l’American Academy of
Devant un tableau d’encéphalite aiguë fébrile, les autres Neurology (AAN) et l’Agence nationale d’accréditation et
étiologies à évoquer sont : d’évaluation en santé (ANAES) ont proposé une nouvelle
• chez les patients immunocompétents, une encéphalite définition de l’AIT : en pratique, la durée de tels épisodes
parasitaire (accès palustre, trypanosomiase), bactérienne neurologiques n’excède pas 1 heure et aucune lésion en
(abcès en phase présuppurative, endocardite bactérienne), rapport avec l’AIT n’est visible sur l’imagerie cérébrale. L’IRM
vasculaire (formes fébriles d’un AVC ischémique, d’une avec séquence de diffusion est l’examen recommandé ou à
thrombose veineuse cérébrale [TVC] ou d’une hémorragie défaut, le scanner cérébral sans injection de produit de
méningée) ; contraste. Les AIT sont le plus souvent de diagnostic rétros-
• chez les patients immunodéprimés, une toxoplasmose, une pectif ; ils représentent 10 % de l’ensemble des AVC ischémi-
cryptococcose, une tuberculose neuroméningée, une ques et sont très largement sous-estimés (absence de
encéphalite à virus de l’immunodéficience humaine consultation, voire de reconnaissance) ; ils constituent
ou à cytomégalovirus et une leucoencéphalite multifocale pourtant un signe d’alerte d’une récurrence ischémique, avec
progressive. un taux de 10 à 20 % de récidive à 1 an. Le risque de la
Parallèlement, la recherche de foyers septiques systémiques récidive est plus important dans le premier mois après
est toujours nécessaire (hémocultures, examen cytobactériologi- l’épisode (5 à 10 %) et particulièrement au cours des 48 pre-
que des urines, etc.). mières heures (2,5 à 5 %) ; ils nécessitent une prise en charge
rapide - en urgence si l’AIT est récent -, pour la réalisation
Autres causes d’un bilan étiologique complet et la mise en œuvre de
Lors d’une affection démyélinisante, le diagnostic étiologique, mesures de prévention secondaires ; l’hospitalisation est
le plus souvent déjà connu, ne pose donc pas de problème. Il recommandée si elle permet d’obtenir les examens complé-
peut être plus difficile s’il s’agit d’une première poussée ; l’âge, . mentaires rapidement, ou en cas d’AIT récidivant récent et
le contexte clinique et les examens complémentaires permettent d’AIT survenant sous antiagrégant plaquettaire ou encore si le
de diagnostiquer une affection démyélinisante. terrain le justifie (comorbidité, âge, isolement social) ;
Enfin, plus exceptionnellement, un déficit neurologique peut • les accidents en évolution ; il s’agit d’un déficit neurologique
être secondaire aux crises épileptiques généralisées ou partielles s’aggravant sur plusieurs heures, classiquement jusqu’à
(réalisant la paralysie de Todd). L’évolution est le plus souvent 24 heures pour les AVC du territoire carotidien et 72 heures
favorable spontanément, même si le déficit peut persister pour le territoire vertébrobasilaire ; la constatation dès les
plusieurs jours, voire définitivement. Certains critères cliniques premières heures de cette aggravation nécessite la mise en
permettent d’orienter vers une origine épileptique : des symp- route de mesures thérapeutiques avant que le tableau ne se
tômes positifs précédant le déficit (cris, mouvements anormaux, soit complètement stabilisé ; leur prise en charge diagnostique
hallucinations, etc.), une altération de la conscience, un profil est urgente ; il s’agit assez fréquemment d’une thrombose
évolutif moins soudain et une extension des symptômes en artérielle extensive (thrombose carotidienne ou du tronc
« tache d’huile ». Dans la plupart des cas, le scanner cérébral basilaire) ;
permet d’assurer le diagnostic. • les accidents constitués ; il s’agit d’AVC où le déficit atteint
.

son maximum rapidement (de quelques minutes à moins de


1 heure) et se maintient soit sous un mode stabilisé, soit sous
Accidents vasculaires cérébraux [5, 6]
forme d’une régression partielle ; on différencie les accidents
rétrocessifs en moins de 8 jours (dont le pronostic est
Généralités et définitions
identique à celui des AIT) des accidents avec séquelles à la
Un AVC implique d’une part une atteinte parenchymateuse qui troisième semaine ; ce type d’accident a longtemps été
s’exprime cliniquement de façon transitoire ou permanente, et considéré comme une fatalité pour laquelle il n’existait
d’autre part une lésion vasculaire responsable de cette atteinte. aucune mesure thérapeutique en dehors de la préservation

4 Médecine d’urgence
Hémiplégies d’installation soudaine ¶ 25-110-B-10

des fonctions vitales ; actuellement, du fait de l’existence de l’artère carotide interne, à l’exception du territoire occipital et
thérapeutiques potentiellement efficaces, une telle attitude temporal interne qui dépend du système vertébrobasilaire. La
n’est plus acceptable ; ce type d’accident doit être considéré carotide interne se termine en se distribuant en quatre branches
comme une urgence à la fois diagnostique et de prise en artérielles principales de calibre inégal : artère cérébrale anté-
charge thérapeutique ; cette dernière est définie en fonction rieure (ACA), artère cérébrale moyenne (ACM), artères choroï-
du délai d’admission du patient. dienne antérieure et communicante postérieure. Toutes les
Ainsi, on peut résumer ces données classiques. artères du cerveau se distribuent au parenchyme à la fois par des
collatérales destinées à un territoire profond ou central (noyaux
gris centraux et faisceaux de substance blanche) et à un
territoire superficiel ou cortical (cortex et région sous-corticale).

“ À retenir
L’ACM ou artère sylvienne est la principale branche terminale
de la carotide interne, avec un diamètre d’environ 4 à 5 mm.
Elle se divise d’abord en artères profondes (ou lenticulostriées de
Urgence en fonction des trois types de modalité Duret) qui vascularisent principalement les noyaux gris centraux
évolutive (putamen et noyau caudé), le bras antérieur de la capsule
• AIT : mesures de prévention secondaires ; interne et la partie inférieure du centre semi-ovale de Vieussens.
• AVC en évolution : urgence du diagnostic différentiel ; Elle se termine en deux ou trois troncs de division, donnant les
branches corticales terminales. On distingue principalement des
• AVC constitué :
branches ascendantes destinées à la majeure partie externe du
- de moins de 3 heures : urgence médicale
lobe frontal, et des branches descendantes vascularisant parti-
(fibrinolyse) ; culièrement les circonvolutions temporales et pariétales. Le
- de plus de 3 heures : appréciation du pronostic vital territoire de vascularisation comporte le cortex, la substance
et fonctionnel, dépistage et prise en charge des blanche immédiatement adjacente et la partie supérieure du
complications. centre ovale. Ainsi, les quatre cinquièmes externes de l’hémis-
phère, à l’exception du pôle occipital, frontal et la partie interne
temporale, sont vascularisés par l’ACM.
L’ACA est la branche de division interne de la carotide
En pratique, ce type de schéma n’est plus applicable, puisque interne, de calibre inférieur à celui de l’ACM. Elle s’anastomose
la plupart des patients sont examinés dans les premières heures. avec l’ACA controlatérale via l’artère communicante antérieure.
En fait, plutôt que de s’attacher à ces différents profils évolutifs, On distingue les artères profondes destinées au diencéphale et
l’attitude la plus cohérente est d’apprécier immédiatement la à la tête du noyau caudé, et les artères corticales qui vasculari-
gravité de l’atteinte neurologique, de déterminer la thérapeuti- sent la majeure partie de la face inférieure, interne du lobe
que adaptée en fonction des délais de prise en charge, puis frontal ainsi que la plus grande part du corps calleux.
d’authentifier le mécanisme de l’AVC. L’attitude attentiste qui L’artère choroïdienne antérieure donne deux types de colla-
consiste à évaluer a posteriori le profil évolutif ne reflète qu’un
térales inférieures, avec une branche corticale destinée au lobe
nihilisme thérapeutique qui n’est plus justifié actuellement. Il
temporal, à une partie de la bandelette optique et du corps
faut considérer en pathologie vasculaire cérébrale que la
genouillé externe, et une branche profonde pour le pallidum
réalisation de l’imagerie cérébrale est aussi importante que celle
interne, le bras postérieur de la capsule interne et la queue du
de l’électrocardiogramme (ECG) en cas de douleurs thoraciques.
noyau caudé.
À la surface du cortex cérébral, les principales artères s’anas-
Accidents vasculaires cérébraux ischémiques tomosent dans les régions limitrophes de leurs territoires de
Physiopathologie vascularisation par leurs arborisations distales. Il existe des zones
frontières corticales, antérieure entre l’ACA et l’ACM, posté-
L’ischémie est définie comme une réduction de l’apport rieure entre l’ACM et l’artère cérébrale postérieure (ACP) et à la
sanguin à une partie ou à la totalité de l’encéphale (ischémique jonction des trois territoires corticaux des artères hémisphéri-
focale ou globale). Elle entraîne au minimum un trouble ques (Dreiländerecke). Enfin, des zones frontières profondes ou
purement fonctionnel (trouble métabolique neuronal sans sous-corticales existent entre les territoires superficiels et
destruction), que l’on rencontre au cours des AIT. Le plus profonds de l’ACM. À l’inverse du réseau cortical pie-mérien, les
souvent, l’ischémie conduit à une destruction cellulaire respon- artères profondes perforantes basales et de la substance blanche
sable d’un infarctus parenchymateux, c’est l’accident ischémi- sont des artères terminales. Elles pénètrent dans la partie
que constitué. On exclut de l’étude l’ischémie globale, qui profonde des hémisphères cérébraux, sans établir aucune
résulte le plus souvent d’une hypotension artérielle sévère ou anastomose, soit avec les artères perforantes voisines, soit entre
d’un arrêt cardiaque. ces deux réseaux.
La survenue d’un infarctus cérébral est liée dans environ 75 Vascularisation artérielle vertébrobasilaire. Le système
à 80 % des cas à une occlusion artérielle dont l’origine est une vertébrobasilaire ou système postérieur est constitué des deux
embolie artérielle ou cardiaque. Plus rarement (10 à 15 %), un artères vertébrales et du tronc basilaire. Les artères vertébrales
mécanisme hémodynamique est en cause, secondaire à une pénètrent dans la boîte crânienne par le trou occipital ; elles
hypotension sévère et/ou à des sténoses multiples des vaisseaux enserrent le tronc cérébral avant de se rejoindre sur sa face
extracrâniens, entraînant un type particulier d’infarctus (infarc- médiane au sillon bulboprotubérantiel. Elles forment alors le
tus jonctionnels). Enfin, dans 5 à 15 % des cas, il s’agit d’une tronc basilaire. Ce dernier chemine sur la face antérieure de la
occlusion des artères de petit calibre par une dégénérescence de protubérance pour se diviser à la hauteur du sillon pontomé-
la paroi artérielle spécifiquement liée à l’hypertension, la sencéphalique en deux ACP. À l’inverse du système carotidien,
lipohyalinose. il s’agit d’un système artériel vertical, dont les collatérales
D’une manière générale, la taille et la localisation de l’infarc- partent à angle droit pour pénétrer directement le tronc cérébral
tus dépendent bien sûr du siège initial de l’occlusion, mais aussi ou pour l’entourer avant de gagner le cervelet. Les collatérales
de la possibilité d’une suppléance artérielle par le polygone de des artères vertébrales sont les artères spinales antérieures
Willis et/ou par des anastomoses cortico-pie-mériennes fonc- destinées à la moelle cervicale haute et les artères cérébelleuses
tionnelles revascularisant le réseau artériel à contre-courant. postéro-inférieures. Au tronc basilaire, on distingue deux types
de branches : les branches directes vascularisant la partie
Rappel anatomique. Vascularisation cérébrale
antérieure du tronc cérébral (artères paramédianes courtes et
Vascularisation artérielle carotidienne. La vascularisation longues), et les artères latérales de plus gros calibre constituant
des hémisphères est sous la dépendance presque exclusive de les artères cérébelleuses antéro-inférieures et supérieures. Ces

Médecine d’urgence 5
25-110-B-10 ¶ Hémiplégies d’installation soudaine

Tableau 2.
Principaux éléments cliniques des infarctus hémisphériques.
Infarctus de l’artère cérébrale moyenne
Territoire superficiel
Territoire antérieur ou supérieur
Syndrome frontal isolé, aphasie transcorticale motrice/aphasie de Broca/aphasie de conduction, apraxie idéomotrice, alexie ou héminégligence motrice*
Hémisyndrome moteur à prédominance brachiale, ou faciobrachial à prédominance distale ; hémisyndrome sensitif chéiro-oral ou pseudothalamique
Territoire postérieur ou inférieur
Hémisyndrome sensitif faciobrachial, hémianopsie latérale ou quadranopsie supérieure, aphasie transcorticale sensorielle, alexie et agraphie/aphasie
de Wernicke ou héminégligence spatiale, asomatognosie, état confusionnel*
Territoire profond (artères lenticulostriées)
Hémisyndrome moteur proportionnel pur ou associé à un hémisyndrome sensitif faciobrachial ; aphasie de type sous-cortical (transcorticale motrice)
ou héminégligence spatiale, anosognosie, asomatognosie*
Tableaux partiels moteurs de types variés (hémisyndrome moteur pur, hémisyndrome moteur et ataxique, hémisyndrome moteur et sensitif)
Territoires superficiel et profond : infarctus total de l’artère cérébrale moyenne
Hémisyndrome moteur proportionnel, hémisyndrome sensitif faciobrachial ; hémianopsie latérale, déviation conjuguée de la tête et des yeux ; aphasie
globale ou héminégligence spatiale, anosognosie, asomatognosie*
Infarctus de l’artère cérébrale antérieure
Hémisyndrome moteur à prédominance crurale ou plus rarement faciobrachiale, hémisyndrome sensitif faciobrachial ; hypertonie en flexion ; limitation
des mouvements oculaires volontaires de latéralité ; phénomène de préhension forcée ; troubles sphinctériens ; syndrome frontal ; aphasie transcorticale
motrice précédée d’un mutisme ou héminégligence motrice, spatiale, état confusionnel*
Infarctus de l’artère choroïdienne antérieure
Tableau complet : hémisyndrome moteur proportionnel, hémisyndrome sensitif faciobrachial ; hémianopsie latérale ; aphasie sous-corticale
ou héminégligence spatiale, anosognosie*
Tableau partiel : hémisyndrome moteur et ataxique ; hémisyndrome moteur proportionnel pur
Infarctus de l’artère cérébrale postérieure
Tableau partiel : hémianopsie latérale, quadranopsie respectant la vision centrale : hallucinations visuelles ; perte de la perception du mouvement ; alexie,
anomie des couleurs, aphasie transcorticale sensorielle ou prosopagnosie, état confusionnel, héminégligence visuelle*
Rarement tableau complet de type infarctus total de l’artère cérébrale moyenne
Infarctus thalamiques
Territoire thalamogenouillé (latéral)
Hémisyndrome sensitif, astérixis, ataxie
Territoire tubérothalamique
Hémisyndrome sensitif discret ; aphasie, amnésie ou héminégligence visuospatiale*
Territoire choroïdien postérieur
Quadranopsie supérieure, rarement hémisyndrome sensitif ou moteur incomplet
Territoire paramédian
Trouble de vigilance ; hémisyndrome moteur et sensitif partiel ; mouvements anormaux (astérixis, choréoathétose) ; troubles oculomoteurs de la verticalité ;
aphasie sous-corticale ou héminégligence, confabulation, état confusionnel, troubles de la mémoire antéro- et rétrograde*
Atteinte bilatérale fréquente associant troubles de vigilance, troubles de mémoire, troubles oculomoteurs et hémisyndrome moteur uni- ou bilatéral
* : atteinte neurologique variable selon l’hémisphère dominant.

dernières donnent à la fois des collatérales postérolatérales pour Infarctus du territoire carotidien [7].
le tronc cérébral et des branches terminales irriguant le cervelet. Infarctus corticaux. Le tableau clinique de l’atteinte du
Le tronc basilaire se termine en donnant les deux ACP. L’ACP territoire carotidien semble a priori le plus stéréotypé. L’ensem-
assure la vascularisation à la fois du pédoncule cérébral et du ble de la symptomatologie concerne un hémicorps associant de
thalamus par l’intermédiaire d’artères perforantes, et des façon variable des perturbations de la motricité, de la sensibilité,
hémisphères cérébraux dans leur partie postérieure (lobe du champ visuel à des troubles des fonctions cognitives. Mais
occipital et temporal interne) par des branches corticales. les combinaisons de ces signes sont très nombreuses. Si en
théorie il est possible de prédire la topographie lésionnelle à
Aspects cliniques et conduite à tenir partir d’une association de signes observés, en pratique la
On distingue les infarctus du territoire carotidien et ceux du variabilité des territoires de vascularisation rend aléatoire tout
territoire vertébrobasilaire. diagnostic précis de localisation avant le bilan neuroradiologi-
Données cliniques générales. Les signes généraux accompa- que. Pour des raisons didactiques, nous n’exposerons pas en
gnant la constitution d’un infarctus cérébral ne sont pas détail tous les différents tableaux cliniques rencontrés selon les
caractéristiques du territoire artériel atteint (carotidien ou localisations des infarctus (Tableau 2).
vertébrobasilaire), mais dépendent plutôt du mécanisme étiolo- Il faut retenir pour la pratique quelques syndromes fréquents
gique ; par exemple, les AIT précessifs sont plus fréquents en cas caractéristiques de certains infarctus corticaux partiels de
de pathologie carotidienne (10 % de tous les AVC sont des AIT l’ACM :
carotidiens et près de 75 % des AIT sont en relation avec une • aphasie de conduction associée à un déficit hémicorporel
sténose carotidienne athéromateuse). L’évolution en deux temps sensitif à prédominance faciobrachiale évoquant une atteinte
avec aggravation secondaire survient fréquemment lors de la du territoire de l’artère pariétale antérieure gauche ;
migration ou de la fragmentation tardive d’une embole d’ori- • aphasie de Wernicke isolée avec ou sans hémianopsie latérale
gine cardiaque. Une crise épileptique est associée dans moins de en faveur d’un infarctus de l’artère temporale gauche ;
5 % des cas à l’installation d’une ischémie cérébrale artérielle ; • aphasie transcorticale motrice avec déficit proximal du
elle n’est pas un indice de gravité de l’infarctus. En revanche, membre inférieur et difficulté à l’enchaînement des séries
une crise d’épilepsie survient dans près de deux tiers des cas de motrices témoignant d’un infarctus de l’artère précentrale
TVC. gauche ;

6 Médecine d’urgence
Hémiplégies d’installation soudaine ¶ 25-110-B-10

Tableau 3.
Principaux éléments cliniques des infarctus sous-tentoriels.
Infarctus du tronc cérébral
Territoire mésencéphalique
Trouble de la vigilance ; paralysie oculomotrice (III) associée à un hémisyndrome moteur complet (syndrome de Weber) ou syndrome cérébelleux (syndrome
de Claude) ou mouvements choréoathétosiques (syndrome de Benedikt) controlatéraux ; paralysie de la verticalité du regard ; hallucinose pédonculaire
Territoire protubérantiel
Paralysies oculomotrices variées (internucléaire, latéralité du regard, VI, Bobbing) ; paralysie faciale périphérique ; associée ou non aux hémisyndromes
moteurs et sensitifs incomplets controlatéraux
Atteinte bilatérale avec locked-in syndrome
Territoire bulbaire
- Latéral : paralysie dernières paires crâniennes (IX, X, XI), Claude Bernard-Horner, syndrome vestibulaire (latéropulsion, nystagmus), syndrome cérébelleux
cinétique, hypoesthésie faciale et hémisyndrome sensitif thermoalgique controlatéral (syndrome de Wallenberg)
- Médian : paralysie XII et hémisyndrome moteur incomplet controlatéral
Infarctus cérébelleux
Territoire cérébelleux supérieur
Syndrome cérébelleux cinétique (dysmétrie, hypotonie, adiadococinésie, dysarthrie, nystagmus), Claude Bernard-Horner, mouvements anormaux
et hémisyndrome sensitif thermoalgique et paralysie du IV controlatéraux
Territoire cérébelleux antéro-inférieur
Syndrome cérébelleux cinétique (dysmétrie, hypotonie, adiadococinésie, dysarthrie, nystagmus), Claude Bernard-Horner, paires crâniennes (VI, VII, VIII)
et hémisyndrome sensitif thermoalgique controlatéral. Parfois vertige isolé
Territoire postéro-inférieur
Latéropulsion isolée ; vertige isolé ; ataxie à la marche ; syndrome de Wallenberg associé

• aphasie de Broca avec syndrome operculaire par infarctus de hémiparésie ataxique) mais aussi une origine particulière
l’artère centrale gauche ; (microangiopathie liée à l’hypertension). En fait, ce terme ne
• état confusionnel avec déficit visuel de l’hémichamp gauche doit plus être utilisé car aucun type clinique d’hémisyndrome
ou négligence visuelle gauche par infarctus de l’artère n’est évocateur d’une étiologie spécifique.
temporale antérieure droite. La sévérité du tableau clinique peut être majeure lorsque le
Un hémisyndrome moteur ou sensitif à prédominance crurale siège de l’occlusion est proximal, réalisant alors un tableau
évoque en premier lieu un infarctus du territoire cortical de massif et péjoratif d’atteinte complète du territoire de l’ACM
l’ACA ; peuvent s’y associer une atteinte frontale, une hyperto- (territoire profond et superficiel) : il associe un hémisyndrome
nie oppositionnelle, des troubles du langage sous la forme d’un moteur et sensitif complet, une hémianopsie latérale homo-
mutisme initial puis d’une aphasie transcorticale motrice, des nyme, une atteinte neuropsychologique majeure (aphasie totale
troubles de l’humeur et plus rarement un syndrome de dyscon- ou syndrome d’Anton-Babinski) et une déviation conjuguée de
nexion calleuse (apraxie unilatérale gauche). la tête et des yeux du côté de la lésion. Un infarctus du
Infarctus du territoire des branches perforantes profondes. territoire superficiel total de l’ACM réalise un tableau clinique
Contrairement au réseau artériel pial, les branches perforantes tout à fait comparable et de pronostic également péjoratif.
profondes issues de la partie distale de la carotide intracrâ- Infarctus du territoire vertébrobasilaire. La principale
nienne ou du tronc de l’ACM sont des branches de type caractéristique de ce type d’infarctus est le caractère protéiforme
terminal qui perforent la partie basale des hémisphères céré- et riche de la symptomatologie. D’une manière générale, la
braux, sans système collatéral de suppléance. Pour cette raison, bilatéralité des troubles réalisant les syndromes alternes classi-
l’occlusion d’une ou de plusieurs de ces branches perforantes est ques est évocatrice. Leur énumération reste fastidieuse et
toujours associée à un infarctus, en général de taille limitée au purement académique. Une approche pragmatique de ce type
territoire profond correspondant. Les branches perforantes d’infarctus suppose une bonne connaissance anatomique des
hémisphériques profondes sont formées essentiellement par la structures cérébrales permettant de localiser le niveau lésionnel.
gerbe des artères lenticulostriées issues du tronc de l’ACM. On Il s’agit généralement de l’association d’une atteinte des voies
distingue également les branches perforantes du siphon caroti- longues de la motricité (hémisyndrome moteur) ou de la
dien, de l’artère choroïdienne antérieure, de l’artère de Heubner sensibilité (de type lemniscal) avec une atteinte d’une ou de
issue de l’ACA et de l’artère communicante postérieure (artère plusieurs paires crâniennes et/ou d’un syndrome cérébelleux
thalamique polaire ou tubérothalamique). controlatéral. Il existe très fréquemment des troubles oculomo-
Leurs tableaux cliniques sont très variables, dépendant de la teurs, allant de la simple dysconjugaison des globes oculaires
localisation précise et du volume de l’infarctus. Pour les aux paralysies plus ou moins complexes (nucléaires ou supranu-
infarctus atteignant le territoire lenticulostrié, on observe un cléaires) (Tableau 3).
hémisyndrome moteur proportionnel complet et plus rarement L’élément le plus important est la recherche de critères de
l’atteinte motrice est incomplète. Une hypertonie en flexion gravité comme les troubles de la vigilance, le caractère bilatéral
doit orienter cliniquement vers un hématome profond. des déficits moteurs ou les troubles de la déglutition.
L’atteinte sensitive et les troubles du champ visuel sont plus Certains tableaux particulièrement redoutables doivent être
inconstants, dépendant de l’extension de l’infarctus vers bien connus ; ils imposent une prise en charge spécialement
l’arrière. En revanche, un déficit cognitif est assez fréquent agressive du fait de leur pronostic gravissime.
(aphasie motrice en cas d’atteinte gauche ou anosognosie dans Occlusion du tronc basilaire. Elle représente un piège diagnos-
les lésions droites). Pour les infarctus de petite taille localisés tique important malgré l’apparente évidence de sa symptoma-
dans les régions sous-corticales (principalement le centre ovale), tologie. Elle associe des troubles de la vigilance très rapidement
la présentation clinique associe de nombreux signes : moteurs, progressifs, évoluant vers un coma profond, à un déficit moteur
sensitifs (plus volontiers incomplets), cognitifs et plus rarement complet bilatéral et à des troubles oculomoteurs variés. Des
hémiataxie, mouvements involontaires, syndrome extrapyrami- céphalées postérieures ne sont pas rares. Les modalités évoluti-
dal, hémianopsie, déviation conjuguée ou syndrome opercu- ves sont variables comprenant des formes avec coma d’emblée
laire. Le terme de syndrome lacunaire avait été proposé pour ou bien, à l’inverse, avec des fluctuations des signes sur
qualifier non seulement une clinique spécifique (hémiplégie quelques heures (déficit asymétrique ou à bascule, vertiges,
motrice pure, déficit sensitif pur, hémiplégie sensitivomotrice, diplopie et troubles de la vigilance). Le caractère protéiforme de

Médecine d’urgence 7
25-110-B-10 ¶ Hémiplégies d’installation soudaine

la symptomatologie explique les difficultés diagnostiques. La même, les infarctus sous-corticaux de type lacunaire ont une
réalisation d’une angiographie cérébrale sélective en urgence mortalité très faible, de l’ordre de 5 %, avec une autonomie
doit être effectuée devant toute suspicion d’occlusion du tronc quasi complète chez 95 % des survivants, mais avec un taux de
basilaire. récidive élevé pouvant entraîner rapidement un état démentiel
Infarctus œdémateux du cervelet. Ils évoluent en trois stades. vasculaire.
Initialement, il s’agit d’une ataxie cérébelleuse statique et Indicateurs du pronostic à court et moyen terme. Dès
cinétique de survenue soudaine, souvent dans un contexte de l’admission du patient, des indicateurs pronostiques sont déjà
céphalées postérieures. Secondairement, en 24 à 48 heures, il présents et ainsi il est possible d’établir les grandes lignes du
apparaît des troubles de vigilance avec des déficits moteurs pronostic dès les premières heures.
bilatéraux mais asymétriques. Enfin, un coma profond s’installe Indicateurs du décès. Les indicateurs cliniques sont l’âge, les
avec signes de décérébration, témoignant de la compression du troubles de la vigilance, le déficit moteur surtout s’il affecte le
tronc cérébral. Le diagnostic doit être fait en urgence. Le membre inférieur (souvent le témoin d’une lésion affectant les
scanner de contrôle révèle alors l’accentuation de l’hypodensité structures profondes ou la totalité du territoire de l’ACM), un
cérébelleuse avec effet de masse et compression du IVe ventri- signe de Babinski bilatéral (bilatéralité des lésions par atteinte
cule, responsable de l’hydrocéphalie triventriculaire. Ce type infratentorielle ou par volumineux infarctus hémisphérique avec
d’infarctus impose une intervention neurochirurgicale d’urgence compression des structures diencéphaliques), l’asymétrie des
(dérivation ventriculaire et éventuellement craniotomie décom- pupilles (signe tardif traduisant l’engagement temporal) et
pressive de la fosse cérébrale postérieure). l’hémianopsie latérale homonyme. Les antécédents d’AVC par la
sommation des destructions cérébrales, la nature de l’AVC
Pronostic et critères de gravité des infarctus cérébraux (occlusion d’une artère de gros calibre, topographie de l’infarc-
tus [vertébrobasilaires/carotidiens]) et la glycémie initiale sont
Pronostic global. Les études qui évaluent le pronostic ont
également des éléments pronostiques importants. L’apparition
des résultats discordants et hétérogènes. Un certain nombre
précoce d’une hypodensité au scanner cérébral est de mauvais
d’indicateurs sont connus, tels le décès et l’incapacité (basée sur
pronostic.
des échelles validées de handicap). L’évolution immédiate,
Indicateurs du déficit fonctionnel résiduel. Ce sont les mêmes
appréciée principalement sur la mortalité, les scores neurologi-
que ceux du décès. L’âge est un marqueur péjoratif du déficit
que et de handicap, est à distinguer de l’évolution lointaine (3
fonctionnel, mais peut-être en partie du fait de la comorbidité
à 6 mois), évaluée par le retentissement social et le handicap.
plus fréquente à un âge avancé. La topographie vertébrobasilaire
La fréquence globale de décès par AVC est d’environ 20 %.
de la lésion serait de meilleur pronostic que la topographie
Selon les études de population, 10 % des patients sont décédés
hémisphérique. L’occlusion de l’origine de l’artère cérébrale
au premier jour, 16 % au troisième, 19 % à 1 semaine et 25 %
moyenne est de moins bon pronostic que celle de l’artère
à 2 semaines. À 30 jours, la mortalité varie de 20 à 26 %, à
carotide interne. La taille réduite de l’infarctus est de meilleur
3 mois de 28 % à 30 % et à 6 mois de 30 à 50 %. Schémati-
pronostic qu’une lésion volumineuse. La rapidité de récupéra-
quement, le décès survient soit par lésion massive du cerveau à
tion des performances motrices dès les premiers jours est
l’origine d’environ 50 % des décès (dont 30 à 35 % d’engage-
favorable. L’hémianopsie et les déficits neuropsychologiques ne
ment temporal), soit par complications intercurrentes liées au
sont péjoratifs qu’associés à d’autres indicateurs de mauvais
décubitus, responsables de 35 % des décès (dont 20 à 30 % de
pronostic, en particulier le déficit moteur.
pneumopathies et de 3 à 15 % d’embolies pulmonaires), soit par
Indicateurs selon le type d’infarctus. Les infarctus complets de
la survenue de maladies associées, surtout cardiaques (de 7 % à
l’ACM sont évidemment les plus graves, avec une mortalité
20 % des décès). Le délai des décès varie selon la cause. D’une
d’environ 65 % et une morbidité importante (moins de 3 % des
façon générale, ce délai est court (moins de 1 semaine) dans les
patients retournent à leur domicile). On identifie au moins
AVC avec destruction cérébrale massive, alors que le délai est
quatre critères de mauvaise évolution : la survenue rapide (en
plus long quand le décès est dû à une pathologie intercurrente
moins de 12 heures) de troubles de la vigilance, une déviation
ou associée. Dans les infarctus massifs, le décès par engagement
tonique de la tête et des yeux, un déficit moteur complet
temporal survient entre les jours 2 et 6 du fait de l’œdème. Les
atteignant le membre inférieur et une hémianopsie latérale
complications de l’immobilité (infections pulmonaires ou
homonyme. L’occlusion du tronc basilaire est redoutable, avec
urinaires, septicémies, embolies pulmonaires, escarres, etc.)
une mortalité de 95 % ou réalisant un syndrome de locked-in
entraînent le décès au-delà de la première semaine. Ces compli-
chez les survivants. Par ailleurs, très fréquemment les infarctus
cations surviennent chez des patients âgés dont l’état fonction-
vertébrobasilaires entraînent des troubles de la déglutition qui
nel est particulièrement sévère. Après la sortie de l’hôpital, la
doivent être dépistés systématiquement et imposent la mise en
plupart des décès surviennent dans les 6 mois, et surtout chez
place d’une sonde nasogastrique. L’exemple le plus caricatural
des patients ayant un handicap.
est le syndrome de Wallenberg, dont le pronostic vital est bon
La récupération fonctionnelle après un AVC est rapide au
si l’on excepte le risque pulmonaire par fausses routes.
cours des 3 premiers mois, puis elle diminue notablement. À
6 mois, on peut considérer que la très grande majorité de la Orientation du diagnostic étiologique [6, 8]
récupération a été obtenue (stade des séquelles). Environ deux
tiers des survivants sont indépendants dans la vie quotidienne, Elle nécessite la réalisation d’un bilan minimal qui permet de
60 à 85 % des survivants remarchent, le retour au domicile est couvrir les différentes étiologies possibles. Ainsi, il doit compor-
possible chez environ 80 % d’entre eux ; en revanche, la reprise ter en première intention : la réalisation d’un échodoppler des
d’une profession n’est effective que deux fois sur dix. vaisseaux du cou, un ECG et un contrôle biologique (glycémie,
Pronostic selon la topographie de l’infarctus. Le pronostic ionogramme, lipidogramme et tests d’hémostase). La réalisation
des infarctus corticaux de l’ACM dépend de la localisation et d’examens plus approfondis tels l’artériographie, l’échocardio-
l’extension de l’ischémie, comme en témoignent les données graphie, le Holter-ECG, l’étude du LCR est effectuée dans un
des registres. Ainsi, la mortalité précoce semble assez faible (de second temps en fonction du contexte et/ou des thérapeutiques
1 et 5 %). La récupération permet une autonomie satisfaisante envisageables.
avec reprise des activités antérieures dans plus de la moitié des Étiologies générales des infarctus.
cas. Dans un quart des cas, les séquelles sont invalidantes. Il Ischémies liées à l’athérome. L’athérosclérose des vaisseaux
apparaît que les infarctus des troncs postérieurs de l’ACM sont extra- ou intracrâniens représente l’étiologie la plus fréquente
associés à une sévérité plus marquée que les infarctus des troncs chez les sujets de plus de 50 ans. Elle est sous la dépendance des
supérieurs (l’importance des troubles cognitifs rend difficile facteurs de risque vasculaires (tableaux d’hypertension artérielle
l’intégration sociale ultérieure). Les AVC vertébrobasilaires ont [HTA], d’obésité, de dyslipidémie, d’hyperglycémie). La réparti-
un pronostic immédiat plus grave, avec une mortalité de 20 % tion des lésions, bien que large, se situe préférentiellement sur
environ, mais l’évolution ultérieure est bien meilleure. De les zones de bifurcation artérielle (trépied carotidien, ostium

8 Médecine d’urgence
Hémiplégies d’installation soudaine ¶ 25-110-B-10

vertébral, siphon carotidien et tronc basilaire). Une localisation hémicorporel et un scanner normal à la phase aiguë. Le
particulière a été récemment décrite, au dôme de la crosse de traitement anticoagulant est recommandé, favorisant la
l’aorte, dont la mise en évidence a bénéficié de l’apport de reperméabilisation.
l’échocardiographie transœsophagienne. Les artères de moyen • Causes rares.
calibre intracrâniennes (ACM ou ACP) sont rarement le siège de Diverses affections hématologiques (syndromes myéloprolifé-
lésions significatives. En revanche, les petites artères intracrâ- ratifs, polyglobulies, dysglobulinémie, troubles de la coagula-
niennes présentent des anomalies spécifiques sous la forme tion, etc.) peuvent être responsables d’un AVC. Le rôle
d’une lipohyalinose, induisant une obstruction artérielle étiologique des anticorps antiphospholipides, retrouvés de
responsable des infarctus lacunaires ou une formation de manière fréquente lors des bilans étiologiques, est mal
microanévrismes dont la rupture provoque un hématome connu ; ils témoignent rarement d’une vascularite spécifique
intracérébral. L’évolution de la plaque d’athérome conduit à la (syndrome de Sneddon). Le diagnostic des artériopathies rares
formation d’une sténose puis d’une occlusion artérielle. L’AVC (moya-moya, syphilis, vascularites inflammatoires) est posé
se produit principalement à l’occasion de la migration distale par l’artériographie cérébrale. Chez le sujet âgé, l’artérite de
d’un thrombus formé sur une ulcération de plaque ou une Horton est facilement évoquée devant des céphalées tempo-
sténose évolutive (hémorragie intraplaque, rupture de plaque, rales rebelles et un syndrome inflammatoire biologique. Les
thrombose extensive). L’occlusion progressive des artères toxicomanies sont une étiologie des AVC du sujet jeune dont
la fréquence augmente. Il en est de même pour le syndrome
extracrâniennes provoque la chute du débit d’aval, particulière-
immunodéficitaire acquis. Chez la femme, la grossesse peut
ment dans les derniers territoires vasculaires, et entraîne plus
favoriser la survenue d’AVC avec une microangiopathie lors
rarement un AVC spécifique, l’infarctus jonctionnel. L’évalua-
des crises d’éclampsie et les TVC dans la phase du post-
tion de ce type d’AVC nécessite au minimum un bilan ultraso-
partum.
nologique par doppler et au mieux une artériographie sélective
• Causes incertaines.
cérébrale qui permet d’apprécier l’état du réseau intracrânien (le
La relation entre migraine et accident ischémique reste
doppler transcrânien ou l’angio-IRM pourraient à l’avenir la
discutée et l’étiologie migraineuse doit rester une étiologie
remplacer). En effet, la constatation d’une sténose carotidienne d’élimination. L’utilisation des contraceptifs oraux est un
supérieure à 70 % doit faire discuter une indication chirurgicale facteur de risque pour les infarctus cérébraux, souvent en
de prévention secondaire. Une endartériectomie ou une désobs- association avec une intoxication tabagique. La survenue
truction carotidienne d’urgence ne sont jamais indiquées. d’un AVC sous pilule contre-indique l’utilisation ultérieure
Cardiopathies emboligènes. Le diagnostic de l’origine cardioem- des contraceptifs oraux.
bolique est basé sur l’identification d’une source cardiaque Différentes étiologies selon la topographie de l’infarctus.
potentielle d’embolie. Les arguments cliniques neurologiques, Les causes principales des infarctus corticaux hémisphériques
comme le début soudain ou l’évolution en deux temps, sont de carotidiens sont les embolies d’origine artérielle (athérome
moindre importance. À l’inverse, les douleurs thoraciques, les sténosant de l’origine de la carotide interne) dans plus de 30 %
palpitations, une auscultation cardiaque anormale ou un ECG des cas ou d’origine cardiaque dans 25 %. On a constaté une
pathologique sont des arguments plus nets. La réalisation plus grande fréquence du point de départ cardioembolique en
d’explorations cardiologiques approfondies (échocardiographie cas d’infarctus du territoire inférieur de l’ACM.
transthoracique et transœsophagienne) n’est obligatoire que Bien qu’imparfaitement connu, le principal mécanisme des
chez les sujets jeunes. Les cardiopathies emboligènes représen- infarctus du territoire profond de l’ACM semble être une
tent suivant les études de 25 à 30 % des causes d’infarctus. Les embolie d’origine cardiaque ou artérielle. Malgré tout, le rôle de
étiologies varient suivant l’âge. Ainsi, chez le sujet jeune, il l’athérome localisé à l’ostium des artères lenticulostriées est
s’agit le plus souvent de valvulopathies rhumatismales, de probablement sous-estimé.
prothèses valvulaires, de myocardiopathie hypertrophique ou Malgré la prévalence élevée de l’HTA et du diabète (60 % à
d’anomalies particulières dont la responsabilité directe dans la 94 %), une origine potentiellement embolique (cardiaque ou
survenue de l’AVC est débattue (anévrisme du septum interau- artérielle) est retrouvée dans plus d’un cas sur trois d’infarctus
riculaire ou foramen ovale perméable). L’arythmie par fibrilla- sous-cortical. Ce type d’infarctus impose un bilan minimal
tion auriculaire est très fréquemment en cause chez les sujets avant de parler d’infarctus lacunaire qui doit être réservé à des
âgés (45 %). L’infarctus du myocarde à la phase aiguë est patients âgés hypertendus ou diabétiques et avec un tableau
responsable de migrations emboliques dans 2,5 % des cas. La clinique suggestif de syndrome lacunaire.
constitution d’un thrombus mural est plus fréquente dans les Les causes cardioemboliques sont majoritaires au cours des
infarctus antérieurs (risque de 14 %). À distance, la formation infarctus vertébrobasilaires, représentant près de 50 % des cas.
d’un anévrisme ventriculaire gauche peut être à l’origine de La pathologie athérothrombotique intracrânienne n’est pas
l’embolie. Enfin, d’autres causes sont plus rarement trouvées négligeable (sténoses du dernier segment de la vertébrale ou du
(endocardites infectieuses, myxome auriculaire, prolapsus tronc basilaire et mégadolichotronc basilaire).
valvulaire mitral, rétrécissement aortique calcifié). Le traitement
anticoagulant se justifie dans la plupart de ces cas. Mesures thérapeutiques [4, 8-11]
Autres causes. On regroupe dans ce cadre les étiologies Elles vont varier à la fois selon le mécanisme de l’ischémie
retrouvées principalement, mais non exclusivement pour cérébrale et le délai de la prise en charge. Le degré d’urgence est
certaines, chez les sujets jeunes (< 45 ans). inversement proportionnel à la durée écoulée depuis le début de
• Dissections artérielles. la symptomatologie et l’hospitalisation, et aussi dépendant de
Elles surviennent le plus souvent sur les segments extracrâ- l’étiologie suspectée.
niens de l’artère carotide interne ou vertébrale. L’angio-IRM Mesures générales. Elles sont fondamentales et ne doivent
ou l’échographie doppler sont insuffisantes et l’angiographie jamais être négligées. Une surveillance doit être effectuée
cérébrale reste l’examen essentiel pour le diagnostic positif. pluriquotidiennement, avec l’appréciation de la vigilance
Certains éléments cliniques sont évocateurs, tels une douleur (échelle de Glasgow), le monitoring tensionnel (horaire durant
latérocervicale, un signe de Claude Bernard-Horner ou une les 48 premières heures) et cardiaque (détection de troubles
paralysie des dernières paires crâniennes. Un traumatisme rythmiques), l’auscultation pulmonaire, l’état d’hydratation
cervical direct ou le plus souvent indirect peut être retrouvé (clinique et biologique), la surveillance de la diurèse, le contrôle
dans les jours ou les semaines précédant l’AVC, le lien de de la glycémie et de la gazométrie, et enfin la surveillance de
causalité n’étant pas toujours certain, surtout en présence l’état cutané. De telles mesures sont au mieux appliquées dans
d’une fibrodysplasie artérielle. Ce diagnostic doit être systé- des unités spécialisées de neurologie.
matiquement suspecté chez un patient victime d’un accident Contrôle de la pression artérielle et cardiaque. La régulation de
de la voie publique qui présente un déficit neurologique la tension artérielle est indispensable. Actuellement, la réduction

Médecine d’urgence 9
25-110-B-10 ¶ Hémiplégies d’installation soudaine

l’osmolalité sanguine et de la fonction rénale. Le glycérol

“ À retenir
pourrait être plus utile et moins toxique. Les corticoïdes sont
inefficaces et dangereux (risques de décompensation diabétique,
surinfections, troubles digestifs). Une décompression chirurgi-
Mesures thérapeutiques dans l’ischémie cérébrale cale précoce s’envisage lors d’infarctus cérébelleux œdémateux ;
• Si accident récent, organiser l’acheminement au plus elle n’est pas recommandée en cas d’infarctus hémisphérique.
tôt pour une éventuelle fibrinolyse. Autres mesures.
• Respecter les chiffres de la tension artérielle jusqu’à • Détection précoce des troubles de la déglutition (sonde
220 mmHg pour la systolique et 120 mmHg pour la nasogastrique) et des troubles sphinctériens (sonde urinaire
diastolique. ou cathéter sus-pubien).
• Aspirine 160 à 300 mg/j per os ou intraveineuse. • Prévention précoce des troubles du transit (laxatifs).
• Héparine de bas poids moléculaire à dose pro- • Prévention des thromboses veineuses profondes : chez tout
phylactique si déficit moteur au membre inférieur, facteur patient avec déficit moteur, l’utilisation d’héparine de bas
de risque de thrombose veineuse ou alitement prolongé. poids moléculaire ou d’héparine non fractionnée à doses
• Anticoagulation à doses curatives lors de cardiopathie préventives, même en cas d’infarctus massif, est recomman-
dée.
emboligène avérée, de dissection artérielle carotidienne
• Apport nutritif : débuté d’emblée, soit par sonde nasogastri-
ou vertébrale extracrânienne, ou de sténose
que en l’absence de trouble de vigilance, soit par voie
athéromateuse intra- ou extracrânienne associée à un
parentérale avec apport vitaminique.
retentissement hémodynamique et en l’absence de
• Une rééducation précoce et des changements fréquents de
contre-indication (infarctus hémisphérique étendu,
position préviennent les escarres et aident à la ventilation.
saignement ou effet de masse sur l’imagerie cérébrale).
Traitements spécifiques de l’ischémie cérébrale. Les objec-
tifs visent à une recanalisation du vaisseau, au maintien de la
perfusion locale et à la prévention de la destruction cellulaire
liée à l’ischémie.
de l’HTA à tout prix lors de la phase aiguë de l’ischémie Thrombolytiques. La Société française de neurologie vasculaire
cérébrale est remise en cause. Après un AVC, une tension a publié récemment des recommandations préconisant l’utilisa-
artérielle élevée peut s’observer durant quelques jours. Elle est tion du tissue plasminogen activator par voie intraveineuse dans
le plus souvent réactionnelle à l’épisode neurologique, et tente les strictes limites des critères d’inclusion de l’essai National
de maintenir une pression de perfusion correcte au sein de la Institute of Neurological Disorders and Stroke (NINDS) [11, 12].
zone ischémiée : elle doit être respectée. Seules des valeurs très La décision thérapeutique ne peut être prise qu’au décours d’un
élevées et prolongées (deux mesures répétées à 10 minutes diagnostic précis effectué par un neurologue ayant une expertise
d’intervalle) sont considérées comme délétères (> 220 mmHg de en neurologie vasculaire, le scanner ayant été interprété par des
pression systolique et/ou 120 mmHg de pression diastolique) et médecins possédant une expertise dans la lecture des signes
constituent une indication au traitement. Cette réduction ne précoces [13].
doit pas être brutale et trop importante. La nicardipine ou le Les contre-indications absolues sont les suivantes :
labétalol par voie intraveineuse est la thérapeutique de première • horaire du début des symptômes inconnu ;
intention. De même, un débit cardiaque adéquat et une sur- • utilisation courante d’anticoagulants oraux ou international
veillance de l’état coronarien doivent être assurés. La restaura- normalized ratio supérieur à 1,7 ;
tion d’un rythme et/ou d’une conduction normale • utilisation d’héparine dans les 48 heures précédant le début
(cardioversion ou sonde d’entraînement) s’impose parfois. des symptômes ou allongement spontané du temps de
Protection des voies aériennes et fonction respiratoire. Une céphaline activé ;
oxygénation sanguine satisfaisante et une pression partielle en • taux de plaquettes inférieur à 100 000/mm3 ;
gaz carbonique normale, voire un peu basse, sont les objectifs à • antécédent d’AVC ou de traumatisme crânien dans les 3 mois
atteindre (éviter une augmentation de la pression intracrâ- précédents ;
nienne induite par l’hypercapnie). L’oxygénation est améliorée • intervention chirurgicale majeure dans les 2 semaines précé-
par l’administration de 1 à 2 l/min d’oxygène (sonde nasale) et dentes ;
éventuellement l’utilisation de bronchodilatateurs. Le risque • pression artérielle systolique supérieure à 185 mmHg ou
d’inhalation impose la mise en place d’une sonde gastrique. pression artérielle diastolique supérieure à 110 mmHg avant
Chez les patients avec troubles de la conscience, il peut être
l’institution du traitement ;
urgent d’intuber et de ventiler (accidents du tronc cérébral,
• amélioration rapide des symptômes ;
sujets jeunes). Les pneumopathies surviennent fréquemment à
• déficit neurologique modéré (NIH stroke scale [NIHSS] infé-
la 48e heure, imposant une antibiothérapie adaptée et une
rieur ou égal à 4) ou sévère (NIHSS supérieur ou égal à 22) ;
kinésithérapie respiratoire.
• hématome intracérébral ;
Équilibre hydroélectrolytique et glycémique. Les états de déshy-
• glycémie inférieure à 0,5 g/l ou supérieure à 4 g/l ;
dratation avec augmentation de l’hématocrite (augmentation de
la viscosité sanguine) et d’hyperhydratation (augmentation de • crise d’épilepsie partielle ou généralisée ;
l’œdème cérébral et décompensation cardiaque) doivent être • antécédent d’hémorragie gastro-intestinale ou urinaire dans
évités. Le contrôle hydroélectrolytique doit être pratiqué les 3 semaines précédentes ;
quotidiennement. Expérimentalement, l’hyperglycémie contri- • antécédents d’AVC chez un diabétique.
bue à l’altération tissulaire cérébrale. De nombreux patients sont Le recombinant tissue plasminogen activator doit être utilisé
diabétiques et le diabète est parfois découvert au décours de la dans les 3 premières heures d’un infarctus cérébral aux doses de
constitution de l’infarctus. Une décompensation est fréquente et 0,9 mg/kg sans dépasser un maximum de 90 mg. Sur la dose
nécessite un traitement temporaire par insuline. totale, 10 % doivent être administrés en bolus suivis du
Élévation de la pression intracrânienne et œdème cérébral. Le complément sur une perfusion au pousse-seringue électrique
maintien d’une pression intracrânienne correcte est obtenu durant 60 minutes.
grâce au positionnement de la tête à 30°, par le contrôle de la Si le traitement fibrinolytique est indiqué à la phase aiguë des
température et parfois par une hyperventilation temporaire. Le accidents ischémiques cérébraux de moins de 3 heures, il n’est
mannitol est utilisé à la dose initiale de 25 à 50 g toutes les administré qu’à une minorité de patients essentiellement du fait
30 minutes, puis 25 g toutes les 3 à 12 heures pendant 2 à des contraintes liées au délai. Il est possible qu’un délai
3 jours, suivant la réponse clinique et avec surveillance de supérieur à 3 heures puisse être envisagé dans certains cas et ces

10 Médecine d’urgence
Hémiplégies d’installation soudaine ¶ 25-110-B-10

Figure 1. Accident ischémique en voie de constitution sur le territoire de


l’artère cérébrale moyenne (ACM) superficielle droite.
A. Hypersignal en séquence diffusion.
B. Diminution du coefficient de diffusion apparent de l’eau en faveur d’un œdème
cytotoxique.
C. Baisse de la perfusion cérébrale sur un territoire supérieur à l’hypersignal en
diffusion (mismatch).
D. Occlusion de l’ACM (segment M2) en séquence temps de vol.

indications pourraient être précisées par l’IRM de diffusion/ du thrombus et sur la prévention de la récidive d’embole. Le
perfusion (Fig. 1). La place du traitement thrombolytique intra- risque dominant, longtemps redouté, est la transformation
artériel reste à définir. Il pourrait s’agir d’un traitement de choix hémorragique de la zone infarcie. Il faut distinguer en fait deux
lorsque le délai d’administration est compris entre 3 et 6 heures types d’hémorragies : les infarctus hémorragiques qui sont
après le début des symptômes, ou lorsqu’il s’agit d’une occlu- asymptomatiques et fréquents, survenant qu’il y ait ou non une
sion du tronc basilaire, du siphon carotidien ou du segment anticoagulation ; les hématomes intra-infarctus, plus rares, qui
M1 de l’artère cérébrale moyenne. sont associés à une détérioration clinique et liés à l’étendue de
Antiagrégants plaquettaires. L’utilisation d’antiagrégants l’ischémie. Ce risque prédomine au cours des 72 premières
plaquettaires à la phase précoce de l’ischémie cérébrale repose
heures. Ainsi, l’anticoagulation à doses curatives ne doit être
sur des essais thérapeutiques multicentriques dont les résultats
instituée que lors de cardiopathie emboligène avérée, de
sont en faveur d’une diminution du nombre de récidives à
2 semaines (International Stroke Trial [IST]), de décès précoces dissection artérielle carotidienne ou vertébrale extracrânienne,
(Chinese Acute Stroke Trial [CAST]) ou de l’association décès- de thrombus intraluminal documenté, d’AVC progressif ou de
récidive d’AVC. Malgré le nombre important de patients, ces sténose athéromateuse intra- ou extracrânienne associée à un
études souffrent cruellement de biais méthodologiques retentissement hémodynamique et en l’absence de contre-
évidents (absence de scanner pour presque 20 % des patients indication (infarctus hémisphérique étendu, saignement ou effet
inclus, délai d’admission moyen de 25 heures pour CAST...) de masse sur l’imagerie cérébrale) [14].
et, à notre sens, leur conclusion ne peut être appliquée à Vasodilatateurs. Ils se sont révélés inefficaces, voire nocifs
chaque patient pris individuellement. Là encore, il reste à (hémodétournement artériolaire au détriment de la zone lésée).
définir les mécanismes, les étiologies et la topographie des Il en est de même pour la prostacycline, malgré son effet
infarctus pouvant bénéficier à la phase initiale de l’efficacité vasodilatateur local et antiagrégant plaquettaire.
d’un traitement antiagrégant plaquettaire. L’aspirine doit être Hémodilution. Elle apparaît logique uniquement en cas
instituée de 160 à 300 mg/j per os ou en intraveineuse, en d’ischémie cérébrale associée à une hyperviscosité sanguine
l’absence d’une indication au traitement anticoagulant à dose (polyglobulie, paraprotéine, etc.).
curative (cardiopathie emboligène avérée, dissection artérielle
Corticoïdes et barbituriques. Ils sont inefficaces en matière de
carotidienne ou vertébrale extracrânienne, sténose athéroma-
neuroprotection. Ils ont même une action délétère par les
teuse intra- ou extracrânienne associée à un retentissement
hémodynamique). nombreuses complications qu’ils engendrent. Ils ne devraient
Il reste aussi à définir la place de nouveaux antiagrégants plus être utilisés.
plaquettaires (antiglycoprotéines IIbIIIa, thiénopyridines) utilisés Neuroprotecteurs. De nombreuses thérapeutiques ont été
dans l’infarctus du myocarde et dans des cas isolés d’infarctus essayées ; aucune n’a montré de résultats positifs lors d’essais
cérébraux. cliniques. La classe des capteurs de radicaux libres serait le
Anticoagulants. La justification d’une anticoagulation précoce traitement de neuroprotection le plus prometteur ; cela est en
dans l’ischémie cérébrale repose sur la limitation de l’extension cours d’évaluation.

Médecine d’urgence 11
25-110-B-10 ¶ Hémiplégies d’installation soudaine

Hémorragies intraparenchymateuses [15, 16] sympathomimétiques des substances et les éventuels dommages
artériels causés par les embolisations de matériel étranger lors de
Les termes hémorragie et hématome sont désormais indis- l’injection sont probablement des éléments importants dans la
tinctement utilisés pour désigner les conséquences de la rupture physiopathologie.
d’une artériole intracérébrale. Il est classique de distinguer les
hématomes intracérébraux post-traumatiques des hématomes Rappels anatomopathologiques et physiopathologiques
intracérébraux spontanés (HICS). Les HICS sont subdivisés en
HICS primaires, favorisés par l’HTA, l’éthylisme chronique ou Anatomopathologie. À la phase aiguë, la collection sanguine
les traitements anticoagulants, et en HICS secondaires en se présente comme une masse sanguine liquide ou semi-liquide
rapport avec une cause identifiable comme une malformation refoulant le tissu cérébral voisin. L’hémorragie peut rester
vasculaire ou un processus tumoral. En pratique courante, la localisée ou progresser par fusées le long des axes myélinisés et
distinction entre HICS primaires et secondaires n’est pas aboutir à une rupture ventriculaire. De petits fragments de tissu
toujours aisée. Certaines causes d’HICS comme les petites nécrotique sont parfois visibles au centre de l’hématome, mais
malformations vasculaires, les cavernomes ou l’angiopathie le diagnostic différentiel avec un infarctus hémorragique ne
amyloïde ne peuvent être confirmées que par l’examen pose habituellement pas de difficultés. La détersion de l’héma-
anatomopathologique. tome, assurée par les polynucléaires et les macrophages, débute
Les HICS représentent de 9 à 17 % des AVC. L’incidence des rapidement. En quelques semaines, la liquéfaction des caillots
HICS est plus importante dans la population masculine. Elle est aboutit à la formation d’une cavité kystique entourée d’une
maximale dans la tranche d’âge de 60 à 80 ans. gliose astrocytaire. Le contenu de la cavité reste longtemps riche
Une hémorragie méningée isolée est exceptionnellement en hémosidérine.
responsable d’un hémisyndrome déficitaire ; elle se présente Topographie des hémorragies. En plus des hémorragies
plutôt comme un syndrome méningé de constitution brutale strictement intraventriculaires, il est classique de distinguer
pur. plusieurs grands sites d’hémorragies parenchymateuses :
• l’hémorragie capsulolenticulaire, dans laquelle le saignement
Formes étiologiques prend naissance à la partie postérieure du putamen ou de la
Hémorragie post-traumatique. L’hémorragie post-trau- capsule externe ; l’extension antéropostérieure est prédomi-
matique s’intègre généralement dans un contexte polytrauma- nante, donnant un aspect ovoïde à l’hématome ;
tique et relève donc d’une prise en charge spécifique en service • l’hémorragie capsulothalamique ou striée interne, où le point
de réanimation. Elle sort du cadre de l’étude présente. de départ du saignement est le thalamus ; l’extension médiale
HICS secondaires à une malformation vasculaire. Les aboutit à la rupture dans le IIIe ventricule ; latéralement, la
malformations artérielles ou artérioveineuses sont à l’origine de capsule interne peut être envahie par l’hémorragie ;
3 à 5 % des hémorragies intraparenchymateuses. Il s’agit le plus • l’hémorragie du noyau caudé, rare et souvent limitée à la tête
fréquemment d’hémorragies cérébroméningées survenant chez du noyau ;
un sujet jeune. La localisation du saignement et l’aspect • l’hémorragie massive des ganglions de la base et du thalamus,
scanographique de l’hémorragie (localisation corticale temporale responsable de la constitution d’un volumineux hématome
interne ou orbitofrontale, et hémorragie sous-arachnoïdienne quadrilatère ;
importante ou localisée à la vallée sylvienne) permettent • les hémorragies lobaires, qui siègent dans la substance
généralement d’évoquer le diagnostic de rupture vasculaire. blanche des lobes frontaux, temporaux, pariétaux, plus
Cette découverte d’hémorragie sur rupture d’anévrisme artériel rarement occipitaux ; le saignement sépare le cortex de la
nécessite la réalisation urgente d’une artériographie et une prise substance blanche sous-corticale ;
en charge en milieu neurochirurgical. • les hémorragies cérébelleuses, dans lesquelles le saignement se
HICS secondaires à une tumeur. Environ 5 à 10 % des situe le plus souvent dans un hémisphère cérébelleux, dans la
tumeurs intracérébrales sont le siège d’une hémorragie au cours région du noyau dentelé ;
de leur évolution. Il s’agit essentiellement de tumeurs malignes • les hémorragies du tronc cérébral, fréquemment localisées à
primitives de type glioblastome ou de métastases. Les métastases la protubérance et exceptionnellement au bulbe.
cérébrales des mélanomes et des cancers du rein ou du poumon Physiopathologie. L’HICS est la conséquence de la rupture
sont le plus volontiers hémorragiques. L’importance de l’œdème d’une artériole cérébrale. L’HTA induit des anomalies des parois
périlésionnel et le caractère hétérogène du saignement doivent artérielles, comme la lipohyalinose ou les microanévrismes de
orienter vers ce diagnostic. Charcot et Bouchard, qui prédisposent à la rupture. Un saigne-
HICS primaires. Les HICS primaires sont les plus fréquentes ment prolongé, durant plus de 8 heures, ou récidivant n’est pas
et représentent de 80 à 85 % des hémorragies non traumatiques. un phénomène exceptionnel dans les HICS. L’extravasation
Plusieurs facteurs de risque sont répertoriés. sanguine intratissulaire provoque rapidement une augmentation
HTA. L’HTA chronique est classiquement le principal facteur de pression sur le site de l’hémorragie, refoulant le parenchyme
de risque de survenue d’un HICS primaire. Elle induit des
sain. L’hyperpression est initialement responsable d’une hémos-
altérations des artérioles perforantes prédisposant à leur rupture.
tase spontanée par compression des vaisseaux impliqués dans le
La fréquence de l’HTA dans les séries d’HICS primaires varie de
saignement. Dans un deuxième temps, la collection hématique
40 à 60 % et le rôle de l’HTA comme facteur de risque doit
intratissulaire comprime le parenchyme adjacent et crée une
donc être relativisé. Il est important de ne plus utiliser le terme
zone d’ischémie, elle-même différenciée en une zone d’ischémie
« hématomes hypertensifs » pour désigner les HICS primaires.
complète proche de la collection sanguine et, plus à distance,
Alcool. L’incidence des HICS primaires est plus élevée chez les
une zone d’oligémie. La zone d’ischémie se transforme en
éthyliques chroniques. L’alcool pourrait intervenir soit de
œdème par libération d’acide arachidonique et de radicaux
manière directe, par une éventuelle toxicité sur les vaisseaux
libres. L’œdème est finalement responsable d’une augmentation
cérébraux, soit de manière indirecte en induisant une HTA.
de pression intracrânienne et d’un engagement cérébral.
Anticoagulants. Une complication hémorragique survient chez
6 à 8 % des patients suivant un traitement par antivitamines K, Diagnostic (Fig. 2)
et un hématome intracérébral dans 1 à 2 % des cas. Le risque
de survenue d’un HICS primaire est multiplié par sept ou huit Devant un hémisyndrome d’installation soudaine évoquant le
dans une population traitée par anticoagulants oraux par diagnostic d’AVC, l’existence de céphalées importantes et de
rapport à une population témoin appariée. Les HICS survenant troubles de la vigilance peut faire suspecter un hématome
lors d’un traitement par héparine sont exceptionnels. intracérébral. Toutefois ces signes sont peu spécifiques et le
Drogues. L’utilisation d’amphétamine, de phénylpropanola- diagnostic positif est facilement porté par l’imagerie cérébrale.
mine ou de cocaïne fait désormais partie des facteurs de risque Le scanner cérébral permet de déterminer les principaux facteurs
de survenue d’un HICS primaire. L’HTA induite par les effets pronostiques, en particulier le volume de l’hématome et

12 Médecine d’urgence
Hémiplégies d’installation soudaine ¶ 25-110-B-10

Figure 2. Hémorragie intraparenchymateuse.


A. Hyperdensité spontanée sur le scanner sans injection.
B, C, D. Imagerie par résonance magnétique (IRM) à j10 ; hyposignal central et hypersignal périphé-
rique en séquence T1 (B) et T2 (C), hyposignal périphérique en séquence T2* correspondant aux dépôts
d’hémosidérine (D).

l’extension ventriculaire de l’hémorragie. L’IRM est aussi associé à la mortalité et à l’état fonctionnel à 1 mois. Le volume
sensible et spécifique que le scanner cérébral et permet, dans peut être estimé par la formule : vol = 0,5 abc (a, b et c sont les
certains cas d’HICS secondaires, de déterminer la cause du diamètres dans les trois plans exprimés en mm et divisés par
saignement. D’autres examens complémentaires comme l’EEG, 1 000 pour obtenir des millilitres). Un volume > 40 ml est
le fond d’œil et la ponction lombaire n’ont plus d’indication péjoratif, surtout en localisation profonde. D’autres facteurs
dans le diagnostic positif d’un hématome intracérébral. L’arté- dépendant directement du volume, comme le déplacement de
riographie cérébrale n’a plus d’indication pour le diagnostic la ligne médiane ou l’effet de masse, sont également corrélés au
positif, mais est également une exploration essentielle pour statut évolutif. L’hémorragie ventriculaire est moins dépendante
rechercher une cause vasculaire malformative, en particulier du volume ; elle est considérée comme un facteur pronostique
pour les patients de moins de 45 ans ou non hypertendus avec important.
une hémorragie lobaire ou du tronc cérébral. Facteur biologique. Le taux de glycémie initial est corrélé à la
mortalité à 1 mois.
Pronostic
Facteur étiologique. Les HICS survenant au cours d’un traite-
Pronostic global. La mortalité précoce des HICS est impor- ment anticoagulant oral sont de plus grande gravité, avec une
tante. Pour les HICS primaires, le pourcentage de décès au 30e surmortalité de 20 %.
jour est généralement compris entre 30 et 40 %. Au moins la
moitié de ces décès survient dans les 72 premières heures Traitement
d’évolution. La morbidité est plus difficile à évaluer, mais
environ un tiers des patients peuvent mener une vie indépen- Il n’existe pas de traitement spécifique de l’HICS mais des
dante 1 an après l’accident hémorragique. À volume égal, le données récentes semblent indiquer que l’utilisation du facteur
pronostic fonctionnel des HICS est bien meilleur qu’en cas VII recombinant activé (NovoSeven®) permettrait de limiter la
d’ischémie artérielle. progression de l’hématome intracérébral, ceci même en
Facteurs pronostiques. l’absence de toute coagulopathie [16]. Ces données prometteuses
Facteurs cliniques. Le facteur clinique incontestablement doivent être confirmées avant l’utilisation du produit en
associé à la mortalité et à l’état fonctionnel au 30e jour est le pratique courante.
niveau de vigilance initial, souvent apprécié par l’échelle de Les moyens thérapeutiques médicaux ou chirurgicaux visent
Glasgow. L’intensité du déficit moteur n’est pas systématique- à lutter contre l’hypertension intracrânienne (HIC).
ment corrélée à l’évolution. Traitement médical.
Facteurs scanographiques. Le volume de l’hématome, rapporté Mesures générales. La correction des troubles hydroélectrolyti-
à la localisation, est le facteur pronostique le plus fortement ques, l’oxygénation et la prévention des troubles de déglutition

Médecine d’urgence 13
25-110-B-10 ¶ Hémiplégies d’installation soudaine

sont indispensables. La prévention des complications throm-


boemboliques nécessite au moins la prescription précoce d’une Dosage TP et INR
héparine de bas poids moléculaire. Arrêt du traitement anticoagulant oral
Contrôle de la pression intracrânienne.
• Hyperventilation.
L’hyperventilation induit une vasoconstriction secondaire à Si pronostic vital en jeu ou TP < 40 %
l’hypocapnie, donc une réduction du débit sanguin cérébral. Administration urgente de Kaskadil
(20 U/kg en i.v. lente)
Le maintien d’une pression partielle en gaz carbonique entre
28 et 35 mmHg permet de lutter contre l’augmentation de la Administration urgente de vitamine K
pression intracrânienne. L’effet de l’hyperventilation ne (10 à 20 mg i.v. lente)
persiste que quelques heures en raison de l’installation de
mécanismes de régulation.
• Diurétiques osmotiques.
Les diurétiques osmotiques comme le mannitol font passer Si valve cardiaque mécanique
Héparine 1,5 mg/kg/j au PSE
l’eau du secteur parenchymateux cérébral au secteur vascu-
dosage TCA h+4
laire. Un autre effet de tels diurétiques est la réduction de la
(objectif à 1,5 x le témoin)
production du LCR. Les effets indésirables des diurétiques
osmotiques sont l’installation d’une hypokaliémie et d’une
hyperosmolarité avec ses conséquences rénales.
Contrôle TP, INR à h+6
• Corticoïdes.
(objectif TP > 70 %, INR < 1,5)
Les corticoïdes par voie veineuse ont montré leur efficacité
dans l’œdème cérébral en rapport avec une tumeur ; leur
utilité dans l’œdème associé aux HICS est plus discutée. Figure 3. Arbre décisionnel. Conduite à tenir devant un hématome
• Barbituriques. intracérébral spontané sous anticoagulant oral. TP : taux de prothrom-
Le thiopental à fortes doses permet d’obtenir une réduction bine ; INR : international normalized ratio ; TCA : temps de céphaline
du débit sanguin cérébral. Les contraintes techniques de cette activé ; PSE : pousse-seringue électrique ; i.v : intraveineuse.
thérapeutique limitent son utilisation.
• Traitement des crises épileptiques.
Les crises épileptiques précoces augmentent la pression
intracrânienne. Elles nécessitent un traitement rapide.
Contrôle de l’HTA. La pression de perfusion cérébrale dépend
“ À retenir
de la différence entre la tension artérielle moyenne et la
pression intracrânienne. Le principal mécanisme régulateur est Mesures thérapeutiques dans l’hémorragie
le réflexe de Cushing, qui fait augmenter la tension artérielle en intracérébrale
cas d’élévation de la pression intracrânienne. Il convient donc • Arrêt du traitement anticoagulant et utilisation de
de ne pas corriger systématiquement l’HTA. La solution idéale l’antagoniste spécifique.
consiste à corriger la tension artérielle sous contrôle d’une • Respecter les chiffres de la tension artérielle jusqu’à
mesure de la pression intracrânienne afin de maintenir la 185 mmHg pour la systolique et 110 mmHg pour la
pression de perfusion cérébrale entre 50 et 60 mmHg. Les diastolique.
antihypertenseurs de type vasodilatateurs périphériques provo- • Prévention thromboembolique veineuse : bas de
quent une vasodilatation cérébrale et contribuent à l’augmen- contention, héparines de bas poids moléculaire
tation de la pression intracrânienne. préventives (dès le 2e jour).
Correction des troubles de la coagulation dus aux antivitamines K. • Contrôle de la pression intracrânienne.
Elle est urgente à mettre en œuvre, du fait de la gravité
• Osmothérapie (recommandations d’experts, indication
particulière de ce type d’HICS. L’attitude préconisée est rappor-
non fondée sur preuves scientifiques) : mannitol 20 %
tée dans la Figure 3.
(0,25 - 0,5 g/kg toutes les 4 h) réservé aux hématomes
Traitement chirurgical. L’objectif du geste chirurgical
(trépanation ou stéréotaxie) n’est pas d’évacuer totalement avec effet de masse (déviation structures médianes >
l’hématome, mais d’assurer une décompression du parenchyme 5 mm), ou aux patients s’aggravant et présentant des
adjacent et de diminuer la pression intracrânienne. Hormis pour signes cliniques d’HIC. On évite de le maintenir au-delà de
le drainage par ventriculostomie devant une hydrocéphalie 3 à 5 jours. Si nécessaire, introduction de furosémide
symptomatique ou une inondation ventriculaire massive, les (10 mg/2-8 h) avec une surveillance biquotidienne de
indications neurochirurgicales de l’HICS primaire ne sont pas l’osmolalité (# 310 mOsm/l).
codifiées. Aucune étude randomisée prospective destinée à juger • Les corticostéroïdes ne sont pas recommandés :
de l’intérêt du traitement neurochirurgical n’a été jusqu’à bénéfice non démontré et risque de survenue d’effets
présent entreprise. secondaires.
• La décision de traitement neurochirurgical repose sur
Thromboses veineuses cérébrales [6, 17] des critères cliniques (âge du patient, traitement
anticoagulant en cours, niveau de vigilance, taille
Les TVC regroupent les thromboses des sinus veineux de la
dure-mère et des veines cérébrales superficielles et profondes. pupillaire, évolutivité) et neuroradiologiques (taille et
Leur fréquence est sous-estimée ; leurs étiologies sont multiples siège de l’hématome, hémorragie sous-arachnoïdienne
(principalement non infectieuses). Les méthodes d’exploration associée, effet de masse, taille des ventricules) et doit être
modernes (IRM) permettent un diagnostic précoce et un suivi discutée au cas par cas.
non invasif. Le traitement par héparine a considérablement
amélioré leur pronostic. Ainsi, leur prise en charge doit être
active, permettant le plus souvent une guérison. Bien qu’elles
Rappel anatomique et pathologique
puissent toucher toutes les classes d’âge, les TVC prédominent
chez le sujet jeune et chez la femme, reflet de la prédominance Les veines superficielles drainent le sang de la majeure partie
des causes spécifiques (prise d’œstroprogestatifs et post-partum). du cortex. Elles ont des parois minces, sans tunique musculaire
L’incidence des TVC est globalement sous-estimée et représente ni valvule, permettant leur dilatation et l’inversion du flux
au moins 3 % des AVC. sanguin en cas d’occlusion d’un sinus dural. En revanche, leur

14 Médecine d’urgence
Hémiplégies d’installation soudaine ¶ 25-110-B-10

variabilité anatomique et le développement d’une circulation très fréquentes (37 et 75 % des cas), donnant un aspect parti-
collatérale en cas de thrombose expliquent l’absence de territoi- culier à l’« AVC ». Rarement isolées, ces crises prennent de
res veineux précis. Les veines profondes sont constantes, nombreux aspects cliniques, focales, généralisées ou alternantes.
drainant le sang des noyaux gris et de la substance blanche. Les Les troubles de la conscience sont présents dans un tiers des cas
veines de la fosse postérieure sont variables. Les veines hémis- (simple obnubilation ou coma). Les signes focaux déficitaires
phériques se drainent dans les sinus dure-mériens : sinus sont fréquents (50 % des cas), parfois caractéristiques avec un
longitudinal supérieur (SLS) et sinus latéraux (SL) pour les déficit moteur alternant (« à bascule ») et souvent rencontrés
veines superficielles, sinus droit et sinus latéraux pour les veines après la survenue des crises épileptiques. Exceptionnellement, il
profondes. peut exister des troubles psychiatriques ou un syndrome
Le SLS et SL reçoivent la plus grande partie des veines méningé pur.
cérébrales. Ils reçoivent également des veines méningées et En fonction du mode d’installation des symptômes et de
diploïques qui, communiquant par les veines émissaires avec les leurs associations, trois grands syndromes peuvent être
veines du cuir chevelu, expliquent les TVC après infection ou distingués.
contusion cutanées. Enfin, ils communiquent avec les villosités L’HIC isolée constitue la forme clinique la plus homogène
arachnoïdiennes constituant un des principaux sièges de (20 %) avec le tableau typique de l’« HIC bénigne ».
résorption du LCR. La fréquence de l’HIC dans les TVC en est Les TVC avec signes focaux sont plus fréquentes (80 %),
la résultante. Le sinus caverneux reçoit le sang veineux de la associant des déficits constitués, transitoires, et/ou des crises
majeure partie de la face et de l’étage antérieur du crâne et se comitiales et des troubles de conscience, pouvant simuler un
draine dans les SL par l’intermédiaire des sinus pétreux inférieur accident ischémique artériel. Mais la présence de crises comitia-
et supérieur. Il est très souvent concerné par les infections de la les, l’absence d’une systématisation vasculaire artérielle de
face et des cavités oto-rhino-laryngologiques. l’infarctus au scanner et l’aggravation rapide de l’HIC doivent
La formation d’un thrombus au sein du système veineux peut faire évoquer la TVC. Les cas chroniques simulent des tumeurs
rester limitée aux veines corticales, mais fréquemment il s’étend alors que les cas subaigus peuvent orienter vers une encéphalite
aux sinus duraux. Les lésions parenchymateuses sont incons- ou un abcès.
tantes mais font toute la gravité des TVC. Elles sont représentées Selon la topographie de l’occlusion veineuse, le tableau
essentiellement par les infarctus veineux, qui ont la particularité clinique varie : HIC pure en cas de thrombose limitée au SL ;
d’être hémorragiques et d’affecter le cortex et la substance HIC et signes focaux (déficit et crises épileptiques) en cas de
blanche adjacente, sans répondre à un territoire de systématisa- thrombose des veines corticales étendue au SLS. À l’inverse, la
tion artérielle. Une hémorragie sous-arachnoïdienne ou un thrombose du SL peut rester asymptomatique. La thrombose des
véritable hématome sous-dural associé sont possibles en cas sinus pétreux est à l’origine d’une atteinte du trijumeau et d’une
d’extension importante. paralysie du VI. L’extension au golfe de la jugulaire peut
entraîner un syndrome du trou déchiré postérieur avec paralysie
Étiologies des derniers nerfs crâniens. Les thromboses du système veineux
profond sont rares et marquées par l’installation brutale d’un
On peut actuellement dénombrer près d’une centaine de coma avec signes de décérébration et hypertonie extrapyrami-
causes de TVC. Ce sont schématiquement toutes les causes de dale. Le pronostic est sombre. Les thromboses isolées des veines
thromboses veineuses périphériques auxquelles s’ajoutent des corticales sont très rares et se manifestent par des crises
causes locales (traumatisme crânien, infection de voisinage, épileptiques et/ou un déficit focal en l’absence d’HIC. La
tumeur cérébrale). thrombose du sinus caverneux associe un chémosis, un ptosis
Thromboses septiques. Elles étaient prédominantes avant et une ophtalmoplégie douloureuse. Son évolution spontanée
l’utilisation des antibiotiques. Actuellement, elles se sont peut être dramatique, avec une extension aux autres sinus.
considérablement réduites (de 8 % à 20 %). La thrombose du
sinus caverneux représente la forme la plus classique de TVC Diagnostic positif
septique. Elle complique les sinusites et les infections cutanées
à Staphylococcus aureus de la face. En fait, outre les causes Il est assuré par les examens de neuro-imagerie. Les autres
infectieuses locales, on peut trouver des causes générales examens ne permettent jamais de trancher et ils sont plutôt
(septicémie, endocardite, etc.). réalisés pour certains particularismes. L’étude du LCR est
Thromboses aseptiques. Ce sont actuellement les plus essentielle devant tout tableau d’HIC dite bénigne (c’est-à-dire
fréquentes (de 80 à 92 %). Elles peuvent être secondaires à des isolée et à scanner normal) ; elle permet à titre diagnostique la
mesure de la pression d’ouverture et, à titre thérapeutique, de
causes locales (traumatismes crâniens ouverts ou fermés parfois
diminuer rapidement l’HIC. En revanche, l’étude du LCR n’a
minimes, tumeurs) ou à des causes générales. Chez la femme
guère d’intérêt dans les formes avec signes focaux. Elle peut
jeune, deux étiologies prédominent : le post-partum (un cas sur
cependant rester justifiée dans les formes fébriles si l’on suspecte
3 000 accouchements) et la prise de contraceptifs oraux. Les
une méningite associée et dans les formes sans cause apparente
maladies générales représentent la majorité des étiologies, avec
pour rechercher une méningite chronique. L’EEG est anormal
les cancers (hémopathies, lymphomes, syndromes paranéoplasi-
dans environ 75 % des cas mais sans spécificité. Il demeure
ques, tumeurs carcinoïdes), les maladies inflammatoires (mala-
cependant intéressant dans les formes à symptomatologie
die de Behçet, lupus érythémateux, maladie de Wegener, etc.) et
psychiatrique ou confusionnelle dominante.
les troubles de l’hémostase (thrombocytémie, déficit en protéine
Scanner cérébral (Fig. 4). Avec ou sans injection de produit
C, S ou antithrombine III). Enfin, la fréquence des TVC sans
de contraste, il est le premier examen à effectuer. Sa sensibilité
étiologie reste élevée, entre 25 % et 35 % des cas.
et sa spécificité sont bonnes si l’orientation clinique est correcte.
Clinique [17] Les signes directs de la TVC sont représentés par la mise en
évidence de la thrombose (20 % à 30 % des cas) : spontanément
Alors que les thromboses artérielles s’installent le plus par l’hyperdensité des veines corticales (cord sign) et des sinus
souvent soudainement, les TVC ont un mode de survenue (« triangle dense »), et après injection par l’aspect du triangle
extrêmement variable : aigu (< 48 h) dans environ 50 % des cas, vide ou « delta sign » au niveau du SLS.
subaigu (1 à 4 semaines) dans 40 % des cas et chronique Les signes indirects sont en rapport avec le retentissement de
(> 1 mois) dans 10 % des cas. la thrombose sur les structures cérébrales. La description est la
Les symptômes sont variés. Les céphalées témoignant de suivante : la prise de contraste anormale de la tente du cervelet
l’HIC sont le symptôme le plus constant (80 %) et le plus et de la faux du cerveau (témoignant de l’abondance de la
précoce. Parfois, elles peuvent mimer aussi bien un accès circulation collatérale), l’œdème cérébral diffus ou localisé
migraineux qu’une hémorragie méningée. L’œdème papillaire (caractérisé par de petits ventricules) et l’infarctus veineux. Ce
est présent dans près de 50 % des cas. Les crises comitiales sont dernier se traduit par une simple prise de contraste gyriforme,

Médecine d’urgence 15
25-110-B-10 ¶ Hémiplégies d’installation soudaine

Figure 4. Thrombose veineuse cérébrale.


A. Hyperdensité spontanée des sinus longitudinal
supérieur et sinus droit sur le scanner sans injec-
tion.
B, C. Discret hypersignal des sinus longitudinal
supérieur et sinus droit en séquence T1 (B) et T2
(C).
D. Signe du delta après injection de gadolinium.
E. Anomalies de signal prédominant sur les sinus
longitudinal supérieur et latéraux en angio-
imagerie par résonance magnétique (IRM).

par une hypodensité ne correspondant pas à un territoire aisé car ce système est constant. L’angio-IRM tend de plus en
artériel précis, ou par l’association d’une hypodensité et d’une plus à remplacer l’angiographie conventionnelle.
hyperdensité spontanée témoignant d’un infarctus hémorragi-
que (50 % des cas). Évolution
IRM (Fig. 4). L’IRM est remarquablement performante dans
La grande majorité des TVC possède une évolution favorable.
les TVC, car elle visualise à la fois la thrombose, les éventuelles
Les cas mortels sont devenus rares, moins de 10 %, et le décès
lésions parenchymateuses associées et parfois la cause sous-
est souvent plus en rapport avec l’affection causale. La capacité
jacente (tumeur, mastoïdite, etc). L’hyposignal en T1 et en
de récupération est généralement plus importante que face à
T2 d’un sinus normal se transforme généralement en hypersi-
une thrombose artérielle. Néanmoins, la persistance de séquelles
gnal en cas de thrombose. Les lésions parenchymateuses
n’est pas exceptionnelle, environ 20 % des cas, à type de déficits
apparaissent sous la forme d’un hypersignal en T2 en cas
focaux ou même de cécité (en cas d’HIC traitée trop tardive-
d’œdème localisé ou d’ischémie. En cas de lésion hémorragique,
ment). Certains facteurs sont considérés comme péjoratifs :
il existe un hypersignal en T1 et un hypersignal souvent
coma d’emblée, âge élevé, présence de signes focaux déficitaires,
entouré d’un anneau noir d’hyposignal (dépôt d’hémosidérine)
atteinte du système veineux profond ou des veines de la fosse
en T2. L’IRM est actuellement la méthode de choix pour le
postérieure et surtout l’étiologie sous-jacente (thromboses
diagnostic des TVC mais elle peut être faussement négative dans
septiques avec une mortalité de 78 %).
les tout premiers jours.
Angiographie cérébrale. L’angiographie, qui a été long- Traitements
temps la méthode de référence, reste nécessaire pour le
diagnostic de TVC en cas d’IRM normale. Sa réalisation doit La prise en charge thérapeutique des TVC associe un traite-
être rigoureuse : angiographie artérielle des quatre axes, avec ment symptomatique, antithrombotique et de l’étiologie
clichés tardifs et incidence de face, de profil et de trois quarts, sous-jacente.
afin de visualiser la totalité du SLS. L’occlusion des sinus Traitement symptomatique. Il comporte le contrôle des
réalise une absence d’opacification qui ne prête que rarement crises épileptiques en cas d’épilepsie, une antibiothérapie
à la confusion. À l’inverse, la non-visualisation des veines adaptée à la porte d’entrée et à l’antibiogramme en cas de
corticales est toujours difficile à affirmer en raison de la grande thrombose septique, et un traitement antiœdémateux (corticoï-
variabilité de leur trajet et de leur nombre. Le ralentissement des, Diamox®, restriction hydrique) en cas d’HIC. Dans les
circulatoire et le développement de la circulation collatérale formes simulant une HIC bénigne, la soustraction de LCR
avec des veines dilatées et tortueuses (« tire-bouchonnées ») associée à l’acétazolamide (Diamox®) permet, en règle générale,
sont alors des signes indirects de grande valeur. Le diagnostic de contrôler le risque visuel et d’éviter la dérivation lombopéri-
angiographique de thrombose du système veineux profond est tonéale.

16 Médecine d’urgence
Hémiplégies d’installation soudaine ¶ 25-110-B-10

Traitement de la thrombose. Il fait essentiellement appel mique dans 80 %. Pour ces derniers, une fibrinolyse intravei-
aux anticoagulants. Longtemps débattu, le bénéfice de l’hépa- neuse peut être administrée avant la troisième heure, en
rine est maintenant démontré, même en cas d’infarctus hémor- . respectant les recommandations de la Société française neuro-
ragique. Au bout de quelques jours, le relais est pris par les vasculaire (SFNV).
anticoagulants per os et la durée totale du traitement est de Pour les autres étiologies non vasculaires, le diagnostic est le
l’ordre de 3 mois, voire plus en cas de troubles de l’hémostase plus souvent rapidement orienté par le contexte évolutif et
sous-jacents. clinique et les données de l’imagerie cérébrale.

Intérêt des unités neurovasculaires [18-20]


La publication d’essais cliniques randomisés et de leurs méta- .

analyses au début des années 1990 a permis de démontrer le


bénéfice des unités neurovasculaires [1] et de les inclure dans les ■ Références
recommandations. Ces unités améliorent le pronostic vital [1] Mumenthaler M. Neurology. New York: Thieme medical publishers;
(diminution de la mortalité d’environ 20 %) et fonctionnel. La 1990.
qualité de vie après un AVC, évaluée dans une analyse post- [2] Bruneel F, Bedos JP. Encéphalite herpétique. Diagnostic, traitement.
hoc [8], serait également améliorée chez les patients traités dans Rev Prat 1997;47:1137-43.
une unité spécialisée. Globalement, il apparaît que, pour [3] Hacke W. Neurocritical care. Berlin: Springer-Verlag; 1994.
100 patients traités dans une unité neurovasculaire, cinq de plus [4] Vermesch P, Capparos-Lefebvre D. Encéphalites d’origine virale.
retournent à leur domicile et sont indépendants, quatre de Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris), Neurologie, 17-050-A-10,
moins décèdent et un de moins nécessite une prise en charge 1997 : 12p.
en long séjour. Environ 25 patients doivent être traités dans [5] Barnett HJ, Mohr JP, Stein BM, Yatsu FM. Stroke. Pathophysiology,
l’unité vasculaire pour prévenir un décès et environ 20 patients diagnosis, and management. New York: Churchill Livingstone; 1992.
pour permettre un retour au domicile indépendant. Ce bénéfice [6] Bogousslavsky J, Bousser MG, Mas JL. Accidents vasculaires céré-
vital et fonctionnel se maintient 10 ans après l’AVC ; les braux. Paris: Doin; 1993.
patients qui survivent n’ont pas un risque accru de récidive ou [7] Sablot D, Belahsen F, Tatu L, Vuillier F, Moulin T. Syndromes anatomo-
de handicap à long terme. Le bénéfice est observé indépendam- cliniques des infarctus du territoire de l’artère carotide. Encycl Méd
ment de l’âge, du sexe, de la gravité de l’AVC, du délai de Chir (Elsevier SAS, Paris), Neurologie, 17-046-A-30, 2003.
l’hospitalisation et de la structure de référence : médecine, [8] Fisher M, Bogousslavsky J. Current review of cerebrovascular disease.
neurologie générale. Il n’existe donc pas, dans cette méta- Philadelphia: Current Medicine; 1993.
analyse, de catégories de patients qui ne bénéficient pas d’une [9] Adams HP, Brott TG, Crowell RM. Guidelines for themanagement of
hospitalisation en unité neurovasculaire. Ces unités permettent patients with acute ischemic stroke. A statement for healthcare
aussi de réduire la durée d’hospitalisation [9] et le coût direct de professionals from a specific writing group of the stroke council,
la prise en charge des AVC. Le bénéfice lié à de telles unités American Heart Association. Stroke 1994;25:1901-14.
n’est pas fondé sur l’action d’un médicament, mais sur l’effica- [10] European federation of neurological societies task force. Neurological
cité d’une équipe multidisciplinaire interactive. acute stroke care: the role of european neurology. Eur J Neurol 1997;
4:435-44.
[11] Larrue V, Amarenco P, Caussanel JP, Ducrocq X, Lucas C,
■ Conclusion Mahagne MH, et al. Recommandations pour l’utilisation du traite-
ment thrombolytique intra-veineux dans l’accident ischémique céré-
L’apparition soudaine d’un déficit neurologique doit être bral. Société française neurovasculaire. Rev Neurol 2000;156:
considérée comme un AVC et pris en charge comme tel jusqu’à 1178-85.
preuve du contraire. La standardisation de l’examen neurologi- [12] The National Institute of Neurological Disorders and Stroke rt-PA
que (score NIH) face à un patient pris en charge par des équipes Stroke Study Group. Tissue plasminogen activator for acute ischemic
multidisciplinaires (urgentiste, neurologue, neuroradiologue) stroke. N Engl J Med 1995;333:1581-7.
permet d’assurer un suivi objectif de l’évolution du statut [13] Barber PA, DemchukAM, Zhang J, BuchanAM. Validity and reliability
neurologique. Le type d’imagerie cérébrale dépend du mode of a quantitative computed tomography score in predicting outcome of
d’apparition des symptômes, des délais d’admission, de la hyperacute stroke before thrombolytic therapy. ASPECTS Study
disponibilité des appareils et des habitudes locales. Le méca- Group. Alberta Stroke Programme Early CT Score. Lancet 2000;355:
nisme de l’AVC est hémorragique dans 20 % des cas et isché- 1670-4.

“ Points essentiels
• Les hémiplégies d’installation soudaine sont fréquentes et le plus souvent révélatrices d’un AVC. Toutefois, le terme d’hémiplégie
est réducteur et ne reflète pas la diversité des déficits neurologiques que l’on peut observer au cours d’un AVC. Plus que les
symptômes, c’est la soudaineté de leur mode d’apparition qui doit faire évoquer un mécanisme vasculaire.
• La standardisation de l’examen neurologique (score NIH) face à un patient pris en charge par des équipes multidisciplinaires
(urgentiste, neurologue, neuroradiologue) permet d’assurer un suivi objectif de l’évolution de son statut neurologique.
• Le type d’imagerie cérébrale - examen clé de la démarche diagnostique et thérapeutique - dépend du mode d’apparition des
symptômes, des délais d’admission, de la disponibilité des appareils et des habitudes locales. Lors d’un déficit récent en vue d’une
fibrinolyse, l’IRM est plus performante que le scanner, même si son intérêt n’a pas encore été évalué dans cette indication sur des
séries randomisées. En théorie, le couplage de la diffusion à la technique de perfusion doit permettre de repérer le tissu hypoperfusé
mais encore viable, menacé de nécrose en l’absence de reperfusion. De plus, les séquences « temps de vol » permettent de localiser
l’occlusion artérielle et de juger de sa recanalisation.
• Le mécanisme de l’AVC est hémorragique dans 20 % des cas et ischémique dans 80 %. Pour ces derniers une fibrinolyse
intraveineuse peut être administrée avant la troisième heure, en respectant les recommandations de la SFNV.
• Les autres étiologies non vasculaires (processus expansifs tumoraux ou infectieux, méningoencéphalites, crise d’épilepsie,
affections démyélinisantes) sont rapidement évoquées au vu du contexte clinique et de l’imagerie cérébrale.

Médecine d’urgence 17
25-110-B-10 ¶ Hémiplégies d’installation soudaine

[14] Albers GW, Amarenco P, Easton JD, Sacco RL, Teal P. Antithrombotic [19] Jorgensen HS, Nakayyama H, Raaschou O, Larsen K, Hubbe P,
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in a combined acute and rehabilitation stroke unit. Which aspects are http://neuroclub.homeip.net/.
most important? Stroke 1999;30:917-23. http://sfnv-france.com/.

D. Sablot, Praticien hospitalier, ancien chef de clinique-assistant des Hôpitaux (denis.sablot@ch-perpignan.fr).


Service de neurologie, Centre hospitalier St Jean de Perpignan, 66046 Perpignan cedex, France.
F. Belahsen, Professeur assistant en neurologie.
Faculté de médecine et de pharmacie de Fèz, BP 1893, km 2,2, route Sidi Harazem, Fèz, Maroc.
A. Akouz, Praticien hospitalier.
G. Runavot, Assistant des Hôpitaux.
Service des urgences, Centre hospitalier St Jean de Perpignan, 66046, Perpignan cedex, France.
E. Medeiros-De Bustos, Chef de clinique, assistant des Hôpitaux.
F. Vuillier, Maître de conférences, praticien hospitalier.
Service de neurologie, Centre hospitalier et universitaire de Besançon, Hôpital Jean Minjoz, boulevard Fleming, 25030 Besançon cedex, France.
L. Tatu, Professeur des Universités, praticien hospitalier.
Laboratoire d’anatomie, Centre hospitalier et universitaire de Besançon, Hôpital Jean Minjoz, boulevard Fleming, 25030 Besançon cedex, France.
T. Moulin, Professeur des Universités, praticien hospitalier.
Service de neurologie, Centre hospitalier et universitaire de Besançon, Hôpital Jean Minjoz, boulevard Fleming, 25030 Besançon cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Sablot D., Belahsen F., Akouz A., Runavot G., Medeiros-De Bustos E., Vuillier F., Tatu L., Moulin T.
Hémiplégies d’installation soudaine. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Médecine d’urgence, 25-110-B-10, 2007.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


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18 Médecine d’urgence
24-001-B-10
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 24-001-B-10 (2004)

« Malaise », lipothymie et syncope


P. Lestavel
C. Marquie

Résumé. – Les malaises et syncopes sont des motifs très fréquents de consultation et sont secondaires à des
étiologies très nombreuses. La plupart des étiologies n’engagent pas le pronostic vital. Certaines cependant
s’associent à un risque de mort subite et nécessitent une hospitalisation et des investigations rapides.
L’objectif de l’évaluation initiale est d’identifier les patients présentant une cardiopathie de ceux qui en sont
exempts. L’interrogatoire et l’examen clinique ont la meilleure rentabilité et peuvent parfois affirmer le
diagnostic sans équivoque. Sans certitude, le diagnostic doit être confirmé par des explorations
complémentaires guidées par la clinique. En dehors de l’électrocardiogramme, aucun examen paraclinique
réalisé à titre systématique n’est rentable. En l’absence d’orientation diagnostique, le test d’inclinaison est
l’examen de première intention chez le sujet jeune sans cardiopathie. En présence de facteurs de risque
cardiovasculaire et après 45 ans, une échocardiographie permet de dépister une cardiopathie. Si une
cardiopathie est découverte, les investigations doivent être poursuivies (études électrophysiologiques ou
moniteur électrocardiographique implantable). L’évaluation des lipothymies et syncopes nécessite une
stratégie guidant le choix et l’ordre des explorations complémentaires.
© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Malaise ; Lipothymie ; Syncope

Introduction nécessitent une hospitalisation et des investigations rapides. La


plupart des étiologies, cependant, n’engagent pas le pronostic vital.
Le terme de « malaise » est commun, employé par les patients dans Les patients peuvent alors être pris en charge en ambulatoire et ne
des situations variées. Il n’est pas défini dans les manuels médicaux. justifient que d’un nombre limité d’investigations.
Il faut se référer au dictionnaire français pour en trouver une Si la banalité du « malaise » ne doit jamais conduire à en sous-
définition : « sensation pénible souvent vague d’un trouble des estimer la gravité potentielle, il est par ailleurs illégitime de
fonctions physiologiques » (Dictionnaire Le petit Robert). Sans multiplier systématiquement des investigations paracliniques
définition médicale, c’est en pratique un motif de consultation inutiles. La prise en charge d’un « malaise » est donc un exercice
fréquent en médecine générale comme en médecine d’urgence où il médical difficile et les pièges sont fréquents. La démarche clinique
représente 3 à 5 % des admissions. [5, 14, 24, 29, 30, 37, 38] doit toujours être soigneuse, prêtant attention aux moindres détails.
D’autres termes proches sont définis dans les dictionnaires médicaux Une prise en charge raisonnée repose sur une bonne connaissance
(Dictionnaire des termes techniques de médecine Garnier-Delamare). des mécanismes, des étiologies et des éléments prédictifs de gravité.
La lipothymie est un malaise passager caractérisé par une
impression angoissante d’évanouissement imminent. Sa
symptomatologie est riche et variée. La syncope est une perte de Physiopathologie, fréquence
connaissance brutale et complète liée à une soudaine anoxie et classification des syncopes
cérébrale. La syncope d’Adams-Stokes est une perte de connaissance
brutale, sans prodrome, de durée courte avec restauration rapide et
La syncope est de mécanisme univoque. Elle est secondaire à une
complète de la conscience. Une syncope précédée de prodromes est
diminution transitoire du débit sanguin cérébral. La baisse de la
souvent appelée perte de connaissance brève. Seuls ces termes
pression artérielle en est responsable. Une chute de la pression
médicaux devraient être utilisés pour décrire la sémiologie d’un
artérielle peut être secondaire à une diminution du débit cardiaque
motif de recours. La définition de la lipothymie et de la syncope est
ou des résistances vasculaires périphériques. Le maintien de la
uniquement clinique.
perfusion cérébrale fait intervenir les mécanismes d’autorégulation
Les pathologies responsables de lipothymies ou de syncopes sont du débit sanguin cérébral et le contrôle de la pression artérielle par
de nature et de gravité très hétérogènes. les barorécepteurs et le maintien de la volémie. De nombreuses
Certaines étiologies s’associent à un risque de mort subite, l’examen étiologies peuvent compromettre l’arc baroréflexe ou interfèrent avec
révélant une pathologie menaçant le pronostic vital. Ces patients le système rénine-angiotensine-aldostérone. La faillite ou la
diminution de l’efficacité des mécanismes complexes de régulation
neuroendocriniens et musculaires de la tension artérielle peut être
transitoire (drogues, médicaments) ou, dans certaines pathologies,
P. Lestavel (Chef de service) définitive.
Adresse e-mail: plestavel@ahnac.com
Service des urgences, polyclinique d’Hénin-Beaumont, route de Courrières, 62256 Hénin-Beaumont, France. Cette approche physiopathologique permet de définir un cadre
C. Marquie (Praticien hospitalier)
Service de cardiologie A, hôpital cardiologique CHRU de Lille, boulevard du Pr Leclercq, 59037 Lille cedex,
nosologique cohérent mais suppose une connaissance initiale des
France. mécanismes impliqués dont l’approche est difficile, en particulier
24-001-B-10 « Malaise », lipothymie et syncope Urgences

pour les lipothymies. La plupart des études publiées dans la la mortalité par rapport à la population générale. [39] La mortalité à
littérature, pour des raisons d’homogénéité de la population étudiée, 1 an est élevée chez les patients présentant une altération de la
n’incluent que des patients présentant des syncopes et excluent les fonction ventriculaire gauche et une cardiomyopathie dilatée,
lipothymies. passant de 4 ou 12 % selon les études à 45 ou 56 % si survient une
Certaines étiologies sont théoriquement exclues car elles ne syncope. [42, 58] Une syncope associée à une altération de la fonction
s’accompagnent pas d’une baisse du débit sanguin cérébral. Il en est ventriculaire, à des extrasystoles ventriculaires ou à une tachycardie
ainsi des troubles métaboliques, des intoxications et de l’épilepsie. [5] ventriculaire provoquée en électrophysiologie a également un
À l’opposé, toute pathologie s’accompagnant d’une défaillance pronostic très sévère. [23, 43, 48]
hémodynamique brutale répond à la définition, même si la syncope Dépister les causes cardiaques étant un objectif essentiel, l’estimation
n’est pas le symptôme clinique principal comme dans l’infarctus du du risque de troubles du rythme est un élément décisionnel
myocarde ou l’embolie pulmonaire. important. Dans l’étude de Martin, réalisée aux urgences, ce risque
La prévalence des « malaises » est inconnue car ce symptôme est stratifié par quatre variables qui prédisent la survenue d’un
imprécis peut regrouper de multiples entités cliniques. Par ailleurs, trouble du rythme. [39] Il s’agit d’un ECG anormal, d’antécédent
le pourcentage de patients consultant après un « malaise » est d’arythmie ventriculaire, d’une insuffisance cardiaque congestive et
également inconnu. Dans la cohorte de Framingham 3 % des d’un âge supérieur à 45 ans. La mortalité et la survenue d’un trouble
hommes et 3,5 % des femmes ont présenté au moins une syncope du rythme à 1 an ont une probabilité de 4 à 7 % sans facteur de
pendant un suivi de 26 ans. La prévalence est plus élevée chez les risque, mais de 58 à 80 % si trois facteurs de risque (ou plus) sont
femmes que chez les hommes et chez les patients âgés que chez les présents.
sujets jeunes. [53] Dix pour cent des chutes de la personne âgée sont Le risque traumatique est diversement estimé, de 17 à 35 %. [14, 25, 30]
liées à des syncopes et 20 % des personnes âgées chutent après L’existence d’un traumatisme grave oriente vers une syncope de
65 ans. [45] Une syncope récidive dans 15 à 40 % des cas. [27] type Adams-Stokes, sans prodrome. Cependant, il n’existe pas
La majorité des auteurs proposent plusieurs catégories d’argument justifiant une enquête plus agressive s’il existe un
diagnostiques. [5, 9, 14, 17, 30, 46] La plupart des séries de référence traumatisme. [6, 18] Un accident de voiture survient assez rarement,
n’étudient que les syncopes. Le pourcentage de chaque catégorie dans 1 à 5 % des cas, plus fréquemment pour les syncopes. [6, 18, 25, 41,
44]
varie selon les études, les populations étudiées et les critères
diagnostiques utilisés. La lipothymie ou syncope vasovagale est le Le retentissement psychologique doit être évalué car il peut être
diagnostic le plus fréquent (10 à 40 %). Les causes cardiaques comparable à celui observé au cours d’une bronchopathie chronique
représentent 5 à 25 % des étiologies selon les séries. L’hypotension obstructive, d’une lombalgie chronique ou d’une polyarthrite
orthostatique est fréquente et responsable de 4 à 10 % des syncopes chronique. Jusqu’à 75 % des patients modifient leurs activités
et lipothymies. Les autres causes sont plus rares (10 à 20 % des quotidiennes, 64 % diminuent la conduite automobile et 39 %
diagnostics) et sont dominées par les crises convulsives (selon les changent de métier ; [33] 73 % deviennent anxieux ou dépressifs, en
auteurs, la plupart les excluant), les intoxications surtout éthyliques particulier si une étiologie n’est pas trouvée et en l’absence de
et oxycarbonées et les causes psychiatriques. Le diagnostic n’est pas proposition thérapeutique. [34]
déterminé pour 15 à 40 % des patients. L’impact économique est important avec un coût annuel estimé à
750 millions de dollars aux États-Unis, soit 5500 dollars par patient,
1 million de personnes étant évalué pour ce motif chaque année. [24]
Mortalité et morbidité La fréquence et l’importance du risque vital des syncopes ont font
un réel problème de santé publique.
Il a été démontré dans les années 1980 que la mortalité à 1 an des
patients ayant présenté une syncope avec une pathologie
cardiovasculaire est plus élevée que celle des patients ayant présenté Étiologies des syncopes et lipothymies
une syncope non cardiaque, et plus élevée encore que celle des
patients n’ayant jamais fait de syncope.
On oppose ainsi les étiologies cardiovasculaires aux autres étiologies ÉTIOLOGIES VASCULAIRES
ainsi qu’aux syncopes d’origine indéterminée. [14, 25, 28, 30, 39, 55] Les
patients ayant présenté une syncope de cause cardiovasculaire ont ¶ Hypotension orthostatique
une mortalité globale à 1 an de 18 à 33 % et, à 5 ans, de 50 %. L’hypotension orthostatique est une cause fréquente de lipothymie
L’incidence dans l’année d’une mort subite est de 24 %. Les patients et de syncope. Elle est évoquée à l’anamnèse en raison d’un
pour lesquels l’étiologie n’est pas cardiovasculaire ou ne peut pas changement positionnel déclenchant ou de l’association de
être identifiée ont une mortalité à 1 an de 0 à 12 % et, à 5 ans, de traitements potentiellement hypotenseurs, particulièrement chez les
30 %. L’incidence dans l’année d’une mort subite est de 3 à 4 %. Sans sujets âgés. Le lever après un décubitus prolongé ou en
étiologie retrouvée, la mortalité à 1 an est de 5 %. postprandial, le temps chaud sont des circonstances favorisantes.
Plusieurs essais cliniques ont essayé de déterminer des facteurs
L’hypotension orthostatique se définit par une chute tensionnelle
pronostiques des syncopes évalués à partir de l’interrogatoire, de
supérieure à 20 mmHg pour la systolique ou une pression artérielle
l’examen clinique et de l’électrocardiogramme (ECG). [1, 18, 39, 40, 47]
systolique inférieure à 90 mmHg. [59] Elle doit être recherchée
Dans ces études, les facteurs pronostiques de mortalité sont l’âge, la systématiquement et précocement par une prise de la tension
présence d’une pathologie cardiaque, l’absence de prodrome avant artérielle au repos puis après passage en orthostatisme toutes les
la syncope et des anomalies ECG. Dans une étude récente, un score minutes pendant au moins 5 minutes et idéalement jusqu’à
en fonction de ces différents éléments a été mis au point par une 10 minutes, la chute tensionnelle survenant le plus souvent après
équipe italienne. [12] Des critères permettent de déterminer des 2 minutes. [ 4 ] Le plus souvent, une tachycardie survient
groupes de patients à bon pronostic. Il s’agit de sujets jeunes simultanément et la chute tensionnelle est modérée. Plus rarement,
(< 45 ans) sans cardiopathie et avec un ECG normal. Les syncopes l’absence de tachycardie témoigne d’un dysfonctionnement plus
vasovagales et secondaires à une hypotension orthostatique sont sévère de l’arc baroréflexe associé à une chute tensionnelle profonde.
également de bon pronostic. La recherche de l’hypotension orthostatique est rétrospective et doit
La survenue d’une syncope n’est pas un facteur prédictif être interprétée avec prudence. Le diagnostic de syncope
indépendant de mortalité. La mortalité est liée à différents facteurs orthostatique est posé si la manœuvre est positive avec reproduction
dont l’âge. [28] Le pronostic et la mortalité sont surtout liés à d’une lipothymie ou de la syncope. Ces critères stricts manquent de
l’étiologie et la pathologie sous-jacente. [55] Les patients jeunes sans sensibilité. Si les critères de positivité sont plus larges, associant
cardiopathie et ayant un ECG normal n’ont pas d’augmentation de chute tensionnelle ou survenue de symptômes, la spécificité est

2
Urgences « Malaise », lipothymie et syncope 24-001-B-10

faible et le bilan étiologique doit être poursuivi car l’hypotension 45 minutes, éventuellement sensibilisé par test
orthostatique peut être symptomatique d’une autre étiologie (29 % pharmacodynamique). Il est positif quand il reproduit lipothymie
des étiologies cardiaques dans l’étude d’Atkins). [4] L’hypotension ou syncope conjointement à une chute tensionnelle et une
orthostatique doit donc rester un diagnostic d’élimination en cas de bradycardie importante pouvant conduire dans les cas extrêmes à
cardiopathie sous-jacente, sauf si la description des symptômes est une pause cardiaque et des mouvements cloniques. L’indication du
extrêmement typique. test d’inclinaison doit être large et prioritaire dans l’exploration des
Les mécanismes conduisant à la survenue d’une hypotension syncopes inexpliquées chez le sujet jeune et en l’absence d’anomalie
orthostatique sont souvent multiples associant dysautonomie, cardiaque, clinique ou électrique. [8] Cependant, si la description des
médicaments hypotenseurs et déplétion volémique. symptômes est typique, il n’est pas indispensable.
Une hypovolémie vraie ou relative doit être recherchée, Il existe des situations trompeuses où la syncope vagale est
l’hypotension orthostatique en étant habituellement le premier signe. symptomatique d’une autre affection (cardiopathie, embolie
Une hémorragie non extériorisée doit être systématiquement pulmonaire…). Le diagnostic de syncope vagale inaugurale après
évoquée. Une déplétion sodée est le plus souvent secondaire à des 45 ans, en particulier chez l’homme, ne peut être retenu qu’avec
pertes digestives ou rénales. Plus rarement, on retrouve des prudence, en particulier s’il existe des facteurs de risque
arguments en faveur d’une insuffisance surrénalienne ou cardiovasculaire. Une échocardiographie permet d’éliminer une
hypophysaire. Une hypovolémie relative est observée en présence cardiopathie et peut être réalisée secondairement en consultation.
de varices extensives des membres inférieurs. L’alitement prolongé
peut entraîner une hypotension orthostatique, surtout chez les sujets ¶ Syncopes réflexes
âgés ou diabétiques. Une vasoplégie aiguë à médiation humorale, Elles sont plus rares et sont une variété particulière de syncope
syndrome carcinoïde ou une mastocytose systémique est neurocardiogénique mettant en jeu le système nerveux autonome. [26,
exceptionnelle. 37, 49, 62]

Une chute tensionnelle sans tachycardie suggère une neuropathie L’hypersensibilité sinocarotidienne est suspectée à l’anamnèse par
autonome. Une anomalie de l’arc baroréflexe peut être secondaire à la notion d’une compression extrinsèque du sinus carotidien
une neuropathie périphérique du système autonome (diabète, (mouvement d’extension de la tête, compression locale par le col de
amylose, éthylisme…). La dysautonomie peut accompagner un chemise ou un rasoir…). La tumeur du sinus carotidien est
syndrome de Guillain-Barré ou une atteinte médullaire. exceptionnelle. Le massage du sinus carotidien est classiquement
Exceptionnellement, on évoque une hypotension orthostatique réalisé de façon systématique en particulier chez le patient âgé et si
primitive, un syndrome de Bradbury-Eggleston ou de Shy-Drager la clinique est évocatrice. Il est prudent d’exclure la manœuvre chez
devant l’association d’un syndrome extrapyramidal et d’une ataxie les patients présentant un souffle carotidien ou un antécédent
cérébelleuse. La dysautonomie familiale (syndrome de Riley-Day), d’accident vasculaire cérébral. Le massage digital appuyé d’un seul
autosomique et récessive est également exceptionnelle. sinus est réalisé pendant 5 secondes en décubitus, la tête en
Les causes iatrogènes sont les plus fréquentes. [20] Les médicaments hyperextension et sous surveillance tensionnelle et
responsables sont nombreux, vasodilatateurs (dérivés nitrés, électrocardiographique. Un intervalle d’au moins 1 minute est
inhibiteurs de l’enzyme de conversion, hydralazine), alpha- ou respecté avant le massage du sinus controlatéral.
bêtabloquants, diurétiques, neuroleptiques et antidépresseurs. Les Les autres syncopes réflexes sont diagnostiquées par l’interrogatoire
anti-inflammatoires non stéroïdiens peuvent diminuer les résistances sur des circonstances bien précises et caractéristiques : syncope
vasculaires et la réponse au stress orthostatique. [ 2 0 , 5 2 ] La survenant lors d’une quinte de toux (ictus laryngé), d’une
consommation d’alcool est également responsable d’une défécation, d’une déglutition, d’une miction ou d’une compression
vasodilatation, parfois associée à la prise de disulfirame (effet des globes oculaires. Les syncopes de la miction sont le plus souvent
antabuse). nocturnes car favorisées par l’hypertonie vagale nocturne et
l’hypotension orthostatique. Elles surviennent au cours de la
¶ Syncope vasovagale ou réflexe
vidange rapide de la vessie qui entraîne un réflexe vagal associé à la
L’augmentation du tonus parasympathique, associée à une manœuvre de Valsalva forcée. On en rapproche la syncope de la
diminution du tonus sympathique, est une réponse réflexe exagérée défécation. Les syncopes instrumentales surviennent lors d’actes
et secondaire à la stimulation de récepteurs viscéraux (paroi des médicaux avec stimulation vagale observée également lors de crises
ventricules, vessie, œsophage, bronches, sinus carotidien). Il en douloureuses paroxystiques (colique néphrétique ou hépatique …).
résulte une modification brutale des résistances vasculaires ou de la L’hyperpression thoracique peut entraîner des syncopes (plongeurs,
fréquence cardiaque d’origine réflexe entraînant hypotension haltérophiles, trompettistes).
artérielle et bradycardie. Les lipothymies ou les syncopes
vasovagales sont les plus fréquentes et peuvent représenter jusqu’à
50 %, voire 80 % des étiologies selon les séries. [8, 14, 18, 30] CAUSES CARDIAQUES
Le tableau clinique est le plus souvent typique et le diagnostic est ¶ Troubles du rythme ou de la conduction cardiaque
posé à l’interrogatoire. Les circonstances de survenue sont
évocatrices (confinement, douleur, émotion, station debout Ce sont les premières étiologies à évoquer en raison du risque de
prolongée, réplétion gastrique). Les symptômes débutent par des décès.
prodromes associant sensation vertigineuse, sueurs, nausées, Que la lipothymie ou la syncope soit secondaire à une cause
asthénie intense et pâleur. Une perte de connaissance survient une cardiaque est prédit par la présence d’une cardiopathie avec une
fois sur deux. La récupération est souvent progressive avec sensibilité de 95 % alors que l’absence de cardiopathie exclut une
persistance d’une asthénie. Il n’est pas rare que la lipothymie soit cause cardiaque pour 97 % des patients. [40] Les caractéristiques
récidivante ou persiste si la récupération est incomplète et que le cliniques qui l’évoquent sont résumées dans le Tableau 1. Une
patient tente de se lever trop rapidement. douleur angineuse syncopale évoque un angor de Prinzmetal ou un
La syncope vasovagale est parfois de présentation atypique. infarctus myocardique.
L’interrogatoire ne retrouve pas, en l’absence de témoin visuel, les L’ECG peut permettre de porter le diagnostic de trouble de
circonstances déclenchantes et les prodromes caractéristiques. conduction ou du rythme. Le plus souvent, il n’apporte pas de
L’aspect peut alors évoquer une syncope de type Adams-Stokes. certitude mais oriente le diagnostic (Tableau 2). La lipothymie ou la
L’âge jeune, des antécédents vagaux typiques, l’absence d’arguments syncope peuvent survenir lors du passage brutal du rythme sinusal
pour une cardiopathie conduisent à évoquer un mécanisme vagal. au rythme pathologique, lors de sa régularisation ou encore être une
L’origine vasovagale de la lipothymie ou de la syncope peut être conséquence directe hémodynamique de la fréquence cardiaque
confirmée par un test d’inclinaison (inclinaison de 60 à 70° pendant pendant le trouble conductif ou rythmique. La syncope peut être

3
24-001-B-10 « Malaise », lipothymie et syncope Urgences

Une échocardiographie est le premier examen réalisé, l’existence


Tableau 1. – Arguments cliniques pour une étiologie cardiaque d’une cardiopathie étant un élément prédictif important de
Antécédents Anamnèse mortalité. Il est révélateur d’anomalies de la fonction cardiaque dans
Mort subite familiale Syncope pendant un effort 5 à 10 % des cas. [51]
Cardiopathie connue Syncope survenant en décubitus Un monitorage ambulatoire Holter ne donne aucun renseignement
Phlébite/embolie pulmonaire Douleur thoracique
Palpitations
chez 79 % des patients, permet le diagnostic de syncope par
Traitement Anomalies de l’examen clinique arythmie chez 4 % des patients et permet de l’exclure chez 17 % des
Antiarythmique qui allonge le QT Souffle cardiaque ou vasculaire, signes patients qui récidivent une syncope sans troubles du rythme. [16]
d’insuffisance cardiaque, galop, brady- Les études électrophysiologiques ne permettent de mettre en
cardie, tachycardie ou irrégularité du
rythme cardiaque évidence un trouble du rythme ventriculaire que pour 1 % des
patients alors que ce pourcentage est de 3 % s’il existe un trouble de
conduction à l’ECG et de 21 % s’il existe une cardiopathie. La mise
Tableau 2. – Arguments électrocardiographiques pour un trouble du en évidence d’une bradycardie manque de sensibilité et de
rythme ou de la conduction. spécificité. [19, 36]
Le caractère inopiné des syncopes avec des rémissions souvent
ANOMALIES PERMETTANT LE DIAGNOSTIC DE TROUBLE DE CONDUCTION longues rend compte des difficultés diagnostiques, la corrélation
OU DU RYTHME
Bradycardie sinusale < 40 bpm BAV 2e ou 3e degré
entre la symptomatologie et l’enregistrement ECG étant
Pause sinusale > 3 secondes BB droit et gauche alternants exceptionnelle.
Tachycardie ventriculaire Dysfonctionnement de défibrillateur ou de Le R-Test est un holter de 8 jours qui permet une durée de
pacemaker avec pauses
surveillance un peu plus longue que le holter classique.
ANOMALIES SUGGÉRANT UN TROUBLE DU RYTHME
Bradycardie sinusale > 2 secondes BAV du 2e degré Mobitz I Le moniteur électrocardiographique implantable permet un
Bradycardie sinusale < 50 bpm QRS ≥ O,12 s enregistrement continu en boucle pendant 14 à 18 mois et le recueil
Asymptomatique Bloc bifasciculaire de l’ECG au moment des symptômes en gelant l’enregistrement. Un
Tachycardie supraventriculaire BBD + HBPG ou HBAG nouvel épisode est enregistré dans 47 à 68 % des cas. Un trouble du
paroxystique BAV I + BB droit ou gauche
rythme est diagnostiqué dans 26 à 60 % des cas selon les séries dont
Syndrome de Wolff-Parkinson-White ESV fréquentes polymorphes et/ou en salves
(> 3) le recrutement est inhomogène. [11, 31, 54]
Ondes T négatives systématisées Aspect en selle ou surélévation du point J
Ondes Q (infarctus) V1-V2 (syndrome de Brugada)
QT corrigé ≥ 0,44 s Ondes T négatives précordiales droites, CAUSES MÉTABOLIQUES ET TOXIQUES
ondes epsilon (dysplasie droite arythmogène) Deux étiologies méritent une attention particulière. [9]
BAV : bloc auriculoventriculaire ; BB : bloc de branche ; BBD : bloc de branche droit ; HBPG : hémibloc antérieur L’intoxication éthylique aiguë est une cause assez fréquente de
gauche ; HBAG : hémibloc antérieur gauche
« malaise » aux divers stades de l’intoxication. La symptomatologie
peut être trompeuse. Le dosage de l’alcoolémie est nécessaire au
moindre doute. Il s’agit cependant d’un diagnostic ne pouvant être
résolutive même si le trouble du rythme persiste. [60, 61] Quinze pour
retenu qu’en l’absence d’autres anomalies cliniques ou
cent des tachycardies ventriculaires vues aux urgences ont présenté
électrocardiographiques.
une syncope. [43] Une tachycardie paroxystique supraventriculaire
peut également être responsable de lipothymie ou de syncope. L’intoxication oxycarbonée doit être recherchée par l’anamnèse à
L’anamnèse retrouve souvent des palpitations. [32] Les troubles du titre systématique. Une source potentielle de monoxyde de carbone,
rythme supraventriculaires sont responsables de lipothymies ou de un « malaise » collectif nécessitent la détermination de la
syncopes dans 15 % des cas. [15] L’existence d’une préexcitation carboxyhémoglobinémie.
ventriculaire ferait évoquer une tachycardie supraventriculaire dans Définie par un début brutal et une récupération complète, une
le cadre d’un syndrome de Wolff-Parkinson-White. lipothymie ou une syncope est rarement de cause toxique ou
métabolique. Un bilan biologique non orienté et systématique n’a
¶ Autres étiologies cardiaques pas d’intérêt. S’il peut survenir lors d’intoxication médicamenteuse
volontaire ou accidentelle, le trouble de vigilance n’est alors ni isolé
Le rétrécissement aortique orificiel réalise classiquement une ni surtout rapidement régressif et le diagnostic est porté devant les
syncope d’effort de mauvais pronostic dans ce contexte. L’examen signes associés. La recherche de toxiques, la détermination de
clinique retrouve un souffle systolique caractéristique avec une l’ionogramme ou d’un hémogramme reste bien sûr indispensable
hypertrophie ventriculaire gauche à l’ECG. L’échodoppler cardiaque dans certaines circonstances déterminées par le terrain, les
permet d’apprécier l’importance du rétrécissement et son antécédents, les traitements ou l’observation d’anomalies cliniques
retentissement. La cardiomyopathie hypertrophique peut également (pli cutané, œdème, pâleur…).
entraîner une syncope d’effort. L’auscultation retrouve un souffle
systolique et l’ECG une onde Q d’hypertrophie septale. Le
diagnostic sera confirmé par l’échodoppler cardiaque. CAUSES PSYCHIATRIQUES

Une pathologie pulmonaire doit être évoquée devant l’existence L’existence d’une pathologie psychiatrique est fréquente chez les
d’une cyanose et d’une dyspnée, même transitoire. L’hypertension patients présentant des syncopes récurrentes. Deux aspects doivent
artérielle pulmonaire primitive, la sténose valvulaire pulmonaire être évalués. [34]
sont exceptionnelles. Une lipothymie ou une syncope peuvent La survenue très fréquente de lipothymies ou de syncopes est
révéler une embolie pulmonaire, une tamponnade, un vol invalidante. Le retentissement psychologique, quelle que soit
sous-clavier. l’étiologie, peut être important.
La découverte dans le contexte d’une syncope d’un myxome de Des pathologies psychiatriques peuvent être à l’origine de
l’oreillette ou d’une thrombose de valve est exceptionnelle. « malaise ». Les diagnostics les plus fréquents sont les syndromes
dépressifs majeurs, les attaques de panique (anxiété généralisée et
Chez un porteur de valve mécanique, une thrombose de valve doit somatisation). Les patients présentant des malaises d’origine
être systématiquement recherchée. psychiatrique sont volontiers jeunes, de sexe féminin. Les
Des antécédents de mort subite familiale évoquent un syndrome du « malaises » sont souvent récidivants et associés à un cortège
QT long, un syndrome de Brugada, une dysplasie ventriculaire fonctionnel riche, pouvant être reproduit par une manœuvre
droite, des tachycardies ventriculaires catécholergiques ou une d’hyperventilation. [56] La lipothymie ou la syncope sont rares en
cardiomyopathie hypertrophique. dehors d’une grande hyperventilation.

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Urgences « Malaise », lipothymie et syncope 24-001-B-10

L’origine psychiatrique, évaluée systématiquement au terme d’une La survenue d’une défaillance hémodynamique brutale et réversible
enquête étiologique complète et négative, est confirmée une fois sur peut entraîner un trouble de vigilance régressif qui répond au
dix. mécanisme physiopathologique des syncopes. Cependant, centrer la
stratégie diagnostique sur la syncope et non sur l’origine du
collapsus peut conduire à une erreur ou un retard important dans la
Diagnostic différentiel prise en charge.
L’interrogatoire doit rechercher l’association au trouble de vigilance
DÉMARCHE DIAGNOSTIQUE DEVANT LIPOTHYMIES d’un signe fonctionnel pouvant faire évoquer une situation
ET SYNCOPES menaçant le pronostic vital qu’il s’agisse d’une dissection aortique,
d’un infarctus du myocarde, d’une embolie pulmonaire, d’une
Le terme de malaise, très souvent utilisé par les patients ou leur
hémorragie sous-arachnoïdienne, etc… Ces pathologies ne seront
entourage, doit être analysé soigneusement. Il est indispensable
pas décrites dans ce chapitre. Exceptionnellement, l’association à des
d’analyser et de préciser ce cadre nosologique dans lequel va être
œdèmes peut évoquer un syndrome d’hyperperméabilité capillaire
mené une démarche médicale diagnostique et pronostique. [50] Trois
idiopathique (Clarkson). La persistance de signes d’hypoperfusion
caractéristiques définissent cliniquement la lipothymie et la
tissulaire (marbrures des membres inférieurs, polypnée,
syncope :
obnubilation, oligurie) conduit à la prise en charge d’un état de choc,
– c’est un épisode aigu et régressif, le retour à l’état antérieur est même en l’absence d’un collapsus franc.
spontané, rapide ou progressif. Une symptomatologie secondaire est La lipothymie ou la syncope n’est alors qu’un signe associé et
fréquente, parfois prolongée ; souvent un critère de gravité.
– il est caractérisé par un trouble de la conscience ou de la vigilance.
En l’absence de perte de connaissance, on parle de lipothymie. S’il
CRISES CONVULSIVES
existe une perte de connaissance, on parle de syncope. Les
lipothymies et les syncopes sont sur le plan pratique parfois difficiles Les crises convulsives ne sont pas liées à une baisse du débit
à distinguer avec certitude, la perte de connaissance pouvant être sanguin cérébral et sont donc exclues théoriquement du champ des
difficile à préciser ; syncopes.
– il est associé à une hypotonie qui est parfois responsable de chute Elles sont habituellement facilement identifiées. Le diagnostic d’une
et d’un traumatisme, en particulier crânien. crise convulsive généralisée peut être évident si des témoins
oculaires permettent d’affirmer la succession de phases tonique et
Au terme de l’interrogatoire du patient et de l’entourage, le terme
clonique suivies d’un stertor et d’un syndrome confusionnel
de malaise ne sera utilisé que pour décrire le motif de recours du
postcritique.
patient. Plusieurs situations doivent être différenciées des
lipothymies et syncopes. En l’absence de témoins visuels, le diagnostic peut être plus difficile
à redresser, en particulier si la crise est inaugurale. Certaines
données cliniques permettent d’orienter le diagnostic. [21] L’insomnie,
LE « MALAISE » N’EST PAS UN TROUBLE DE VIGILANCE un sevrage éthylique ou médicamenteux (antiépileptique,
Lipothymies et syncopes ainsi définies éliminent les états benzodiazépine), une stimulation lumineuse intermittente sont des
pathologiques d’apparition progressive ou ceux qui ne sont pas situations favorisantes. Certains éléments cliniques n’ont pas de
caractérisés par un trouble de vigilance. Il est le plus souvent facile valeur d’orientation. L’émission d’urines n’est aucunement
de distinguer d’une lipothymie un vertige, une asthénie, un spécifique de la crise convulsive et peut ne témoigner que de
syndrome infectieux ou une crise d’angoisse. L’hypotonie associée l’importance d’un bas débit cérébral. Il en est de même de l’existence
au trouble de vigilance diffère d’une hypotonie associée à une d’antécédents de convulsions fébriles dans l’enfance, de prodrome à
drop-attack. type de paresthésies, d’une chute traumatique, de céphalées
apparues après la syncope. Toute diminution du débit sanguin
cérébral peut entraîner des mouvements cloniques ou toniques et
LES SYMPTÔMES NE SONT PAS RÉGRESSIFS
ressembler à des convulsions. [2] Une morsure de langue est très
Un trouble persistant de la conscience et de la vigilance doit faire évocatrice mais n’est pas pathognomonique, sa valeur augmentant
poser le diagnostic de coma. La persistance d’une hypotonie révèle s’il s’agit d’une morsure latérale et profonde. La probabilité d’une
un syndrome déficitaire. Une lipothymie ou une syncope n’est pas crise convulsive est élevée également si le patient présente des
secondaire à un accident neurovasculaire qui sera objectivé sur le douleurs musculaires et si l’on retrouve la notion d’une confusion
plan clinique par l’existence transitoire ou la persistance d’un postcritique.
syndrome déficitaire et fera discuter une tomodensitométrie L’électroencéphalogramme (EEG) réalisé à titre diagnostique et sans
cérébrale ou un doppler des vaisseaux cervicaux. Compte tenu des orientation clinique n’a aucune rentabilité en raison d’une faible
définitions retenues, un déficit neurologique doit faire exclure sensibilité et spécificité. Jusqu’à 50 % des crises convulsives ont un
l’accident neurovasculaire du cadre nosologique des lipothymies et EEG négatif. [21] À l’opposé, les sujets âgés asymptomatiques ont une
syncopes. anomalie dans 40 % des cas. [18, 62] Une acidose lactique transitoire
L’hypoglycémie est rarement responsable d’un trouble de vigilance est évocatrice.
isolé et régressif. L’absence de fiabilité de la glycémie capillaire en Le diagnostic peut être très difficile si la crise est atypique. Les crises
situation d’hypoglycémie impose, pour affirmer le diagnostic, une akinétiques, rares chez l’adulte, apparaissent comme une syncope
glycémie veineuse chez tout patient diabétique ou tout sujet prenant brutale parfois sans syndrome postcritique. Les crises comitiales
des médicaments potentiellement hypoglycémiants. partielles sont de diagnostic difficile. La symptomatologie peut être
Les troubles de l’ionogramme sanguin ne donnent riche, polymorphe et trompeuse. C’est essentiellement le caractère
qu’exceptionnellement une lipothymie ou une syncope. Leur stéréotypé du déroulement d’un « malaise » récidivant qui fait
réalisation systématique a une rentabilité très faible et n’est pas évoquer le diagnostic.
justifiée.

IL EXISTE UN TROUBLE DE VIGILANCE RÉGRESSIF Examen clinique


MAIS CONTINGENT D’UN AUTRE SYMPTÔME
ESSENTIEL L’interrogatoire, les données cliniques et paracliniques simples
L’existence d’une douleur abdominale ou thoracique, d’une permettent une orientation diagnostique pour environ 50 % des
céphalée, d’une dyspnée, doit guider la démarche diagnostique. patients. [9, 14, 39, 46, 48] Dans l’étude de Kapoor, [30] chez 433 patients, le

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24-001-B-10 « Malaise », lipothymie et syncope Urgences

diagnostic est porté par la clinique une fois sur trois et suggère un Examens paracliniques
examen paraclinique contributif au diagnostic pour 5 % des patients.
L’examen initial est plus rentable que les investigations ultérieures. L’ECG est le seul examen paraclinique obligatoire. Il doit être réalisé
Il a pour objectifs principaux de préciser le motif de recours, précocement et interprété immédiatement car il peut mettre en
d’argumenter l’absence ou la présence d’une cardiopathie et de évidence une anomalie grave justifiant d’une hospitalisation
décrire au mieux l’épisode afin d’approcher le diagnostic. immédiate, ce qui ne survient que dans 5 % des cas. [14, 30, 35, 36]
Au terme de l’interrogatoire et de l’examen clinique, un diagnostic Normal, il n’exclut rien. La plupart des anomalies sont non
ou une orientation diagnostique peut être posé dans 50 à 70 % des significatives et n’expliquent pas la syncope mais orientent parfois
cas. Ce diagnostic guide les investigations paracliniques vers des examens cardiologiques de première intention devant une
complémentaires. syncope inexpliquée (Tableau 2).
Aucun autre examen ne doit être réalisé systématiquement. Une
La description de l’épisode doit être la plus soigneuse possible.
numération formule sanguine n’a aucun intérêt en l’absence de signe
L’interrogatoire est capital. Il est réalisé auprès du patient mais
clinique d’orientation. Il en est de même pour l’ionogramme
également de l’entourage et de tout témoin visuel, au besoin par
sanguin. [39] La réalisation d’un scanner cérébral systématique n’a
téléphone. Les données importantes sont les suivantes.
aucune rentabilité diagnostique, [30] pas plus qu’un EEG. [22]
– Les antécédents et les facteurs de comorbidité, en particulier
cardiaques, l’existence d’une pathologie récente : les antécédents
familiaux de mort subite sont recherchés. L’existence de « malaises » Prise en charge selon l’orientation
antérieurs est extrêmement fréquente et ne doit pas modifier la diagnostique initiale
démarche diagnostique. La prévalence des pathologies iatrogènes
justifie de relever tout traitement en cours ou récemment arrêté ainsi
HOSPITALISATION
que toute modification récente de posologie.
Elle peut être nécessaire en dehors de toute considération
– Un facteur déclenchant et les circonstances de survenue : un étiologique.
changement positionnel évoque une hypotension orthostatique. La
La gravité et la nature du traumatisme secondaire peuvent nécessiter
survenue en postprandial, après un effort, une station debout
une hospitalisation, impotence et perte d’autonomie rendant
prolongée, une émotion, une douleur, un confinement, évoquent un
impossible le retour au domicile en l’absence de soutien familial.
mécanisme vagal. Pendant un effort, une cause cardiaque doit être
Une évaluation est indispensable en particulier chez le patient âgé.
suspectée même chez le sujet jeune. La survenue au moment d’une
quinte de toux, d’un effort de miction, d’une compression cervicale Une hospitalisation peut être nécessaire en raison de pathologies
évoque une cause réflexe. Il convient de s’assurer de l’absence d’une associées sévères, indépendamment d’un lien de causalité avec la
source potentielle de monoxyde de carbone. syncope.
Enfin, rarement, l’existence de syncopes multiples récentes,
– Les prodromes : les plus fréquents sont des palpitations, des invalidantes et non encore explorées peut justifier une admission en
sueurs, un état vertigineux, des troubles visuels et auditifs, vagaux raison du retentissement personnel et social, même en l’absence
le plus souvent. Une aura évoque une crise convulsive. La survenue d’orientation diagnostique.
de palpitations initiales a peu de valeur mais suggère de rechercher
un trouble du rythme. Lorsque l’étiologie est cardiaque, la durée
des prodromes est plus brève que lorsqu’elle est vagale. Ce critère CARDIOPATHIE
n’est cependant pas discriminant et son utilisation aboutirait à une L’interrogatoire, l’examen clinique et l’ECG orientent d’emblée vers
mauvaise orientation diagnostique chez 29 % des patients. [39] Les une cardiopathie.
caractéristiques de la perte de connaissance, précisées par un Si une cardiopathie peut être à l’origine de la syncope ou de la
interrogatoire prolongé et patient, peuvent orienter le diagnostic. Il lipothymie, qu’il s’agisse d’une certitude ou d’une présomption,
n’existe cependant aucune relation entre l’existence d’une perte de l’hospitalisation immédiate s’impose pour surveiller le patient,
connaissance et la sévérité de la pathologie sous-jacente. [39] poursuivre les investigations et envisager un traitement. [10, 39, 40, 60]
– Une symptomatologie clinique même fugace peut être rapportée Après examen, une cause cardiaque peut être retenue sur des
par le patient ou par l’entourage en cas d’amnésie postcritique. Tout arguments anamnestiques ou cliniques (Tableau 1).
symptôme associé est capital pour orienter le diagnostic, qu’il La survenue à l’effort ou en décubitus, la prise de médicaments
survienne avant, pendant ou après la syncope ou la lipothymie. La antiarythmiques, l’association d’une douleur thoracique, d’une
nature de ces symptômes est très variable (dyspnée, douleurs, palpitation ou d’une dyspnée font évoquer une pathologie cardiaque
céphalées, mouvements anormaux…). de principe.
L’existence d’une cardiopathie connue ou suspectée cliniquement,
– L’interrogatoire précise également la rapidité de la récupération
des antécédents familiaux de mort subite évoquent un trouble du
après la lipothymie ou la perte de connaissance, sa qualité,
rythme en première intention.
l’existence d’un trouble confusionnel postcritique ou d’un syndrome
déficitaire transitoire. Une récupération lente évoque un mécanisme L’ECG peut permettre d’affirmer ou d’orienter d’emblée le
vagal ou une cause toxique. diagnostic vers un trouble du rythme ou de la conduction
(Tableau 2).
L’examen clinique doit être complet et systématique. L’examen
cardiovasculaire et neurologique doit être soigneux avec prise de la
tension artérielle aux deux bras, palpation des pouls distaux, ÉTIOLOGIE NON CARDIAQUE
auscultation cardiaque et vasculaire. La recherche d’une hypotension Une hypotension orthostatique symptomatique impose le plus
orthostatique, d’arguments pour une hypovolémie doit être souvent une hospitalisation pour en traiter la cause. Aux urgences,
systématique, comprenant le cas échéant un toucher rectal pour l’admission en hospitalisation de courte durée est possible si la prise
rechercher une hémorragie digestive. Le massage du sinus carotidien en charge est envisageable en 24 heures.
n’est pas standardisé et n’est à réaliser que si l’histoire évoque ce Une syncope vagale typique ne justifie pas a priori l’hospitalisation
mécanisme (rasage ou rotation de la tête). Il ne se complique et ne nécessite pas d’examen complémentaire. Cette attitude n’est
qu’exceptionnellement de déficit neurologique, dans 0,28 % de licite que sous certaines conditions. Il doit s’agir de sujets jeunes
cas. [13, 57] L’existence d’une lésion traumatique impose de préciser sans antécédent. La symptomatologie doit être typique ou très
qu’il s’agit bien d’une conséquence et non de la cause de la perte de évocatrice, l’examen clinique et l’ECG doivent être strictement
connaissance. normaux.

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Urgences « Malaise », lipothymie et syncope 24-001-B-10

La prise en charge d’une intoxication ou d’une hypoglycémie n’est


pas modifiée par la survenue d’un « malaise ».
Les pathologies psychiatriques nécessitent un avis spécialisé et
justifient le plus souvent d’une prise en charge ambulatoire.

SYNCOPE INEXPLIQUÉE
La syncope est inexpliquée au terme de l’examen initial.
La prise en charge repose sur l’estimation du risque de cardiopathie
et de troubles du rythme ou de la conduction. Le terrain est essentiel
à prendre en compte afin d’estimer les facteurs de risque.
Les patients âgés de plus de 45 ans, ceux présentant des facteurs de
risques cardiovasculaires ou une anomalie de l’ECG même peu
prédictive d’un trouble du rythme (bloc de branche [BB] gauche
isolé) relèvent d’investigations cardiologiques qui doivent être
programmées (échocardiographie de première intention). Si ces
investigations sont normales, un test d’inclinaison peut être réalisé
en deuxième intention. À l’opposé, si une cardiopathie est
découverte, les investigations doivent être poursuivies (études
électrophysiologiques ou moniteur électrocardiographique
implantable).
Les patients jeunes sans cardiopathie et avec ECG normal peuvent
bénéficier d’un test d’inclinaison. Il n’est nécessaire que dans
certaines circonstances : syncopes récidivantes, sévérité de Figure 1 Stratégie des examens complémentaires en fonction de l’orientation dia-
symptômes (chute et accident), métier ou loisir à risque. Si le test gnostique. (Adapté de la conférence de consensus de la Société francophone de Méde-
d’inclinaison est négatif, il peut être utile de compléter le bilan par cine d’urgence.) [50]
un bilan psychiatrique.
paraclinique systématique et non orienté n’a pas de rentabilité
La rentabilité de ces explorations est souvent insuffisante. [7] Elle est
diagnostique.
nettement améliorée par une attitude rationnelle guidant le choix et
Un diagnostic est souvent affirmé ou suspecté au terme de
la chronologie des investigations complémentaires et reposant sur
l’interrogatoire et de l’examen clinique. Il s’agit le plus souvent d’une
une collaboration et un consensus multidisciplinaire. [3]
manifestation vagale, d’une hypotension orthostatique, parfois d’un
La stratégie des examens complémentaires est synthétisée par la trouble du rythme ou de la conduction. Des examens complémentaires
Figure 1. orientés sont nécessaires en fonction des étiologies pour confirmer ou
infirmer le diagnostic.
Des explorations cardiologiques ou un test d’inclinaison peuvent être
Conclusion proposés secondairement devant une lipothymie ou une syncope
inexpliquée. Le choix de ces examens complémentaires prend en compte
L’imprécision du terme « malaise » rend nécessaire de préciser le motif l’âge, le terrain et les arguments en faveur d’une cardiopathie. En
de recours et les symptômes qu’il sous-tend. Seuls les termes de l’absence d’orientation diagnostique au terme du bilan, une cause
lipothymie et de syncope sont utilisables et médicalement définis, psychiatrique doit être recherchée systématiquement.
limitant les « malaises » aux seuls troubles de vigilance de survenue Aux urgences, une procédure locale de prise en charge doit guider
brutale et rapidement régressifs. l’orientation et les explorations et faire l’objet d’un consensus entre
La démarche initiale repose sur l’interrogatoire, l’examen clinique et urgentistes, cardiologues et neurologues. Seule une attitude rationnelle
l’ECG. Elle a pour objectif d’identifier les patients présentant un risque permet de limiter les investigations inutiles et d’augmenter la
vital en raison d’une cardiopathie. En dehors de l’ECG, tout examen rentabilité diagnostique des examens pratiqués.

Références ➤

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24-001-B-10 « Malaise », lipothymie et syncope Urgences

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8
¶ 25-110-C-20

Méningite infectieuse aiguë de l’adulte :


prise en charge initiale en urgence
T. Desmettre, T. Rusterholtz, G. Capellier

Les méningites infectieuses aiguës de l’adulte sont des urgences médicales et parfois neurochirurgicales
pouvant mettre en jeu le pronostic vital et fonctionnel du patient. Elles nécessitent une démarche
diagnostique rigoureuse dans le but d’identifier précocement les situations qui imposent un traitement en
urgence. Dans certains cas celui-ci doit être débuté sans délai à l’issue du premier examen médical,
particulièrement en cas de purpura nécrotique. Les autres signes de gravité doivent être connus et
recherchés systématiquement lors de l’examen initial, leur présence nécessite une prise en charge
spécialisée en réanimation. La ponction lombaire est l’examen clé du diagnostic, elle doit être réalisée
devant tout syndrome méningé fébrile. Elle doit cependant parfois être précédée d’une imagerie cérébrale
en cas de coma, de signes neurologiques focaux ou de crise convulsive. L’analyse du liquide
céphalorachidien permet d’affirmer le diagnostic et son aspect macroscopique guide l’instauration une
chimiothérapie anti-infectieuse qui sera secondairement adaptée aux résultats des analyses biologiques.
Le retard dans l’administration d’un traitement antibiotique est responsable d’une évolution péjorative.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Méningite bactérienne ; Ponction lombaire ; Purpura ; Pneumocoque ; Méningocoque ; Herpès

Plan virales représentent cependant les étiologies les plus fréquentes


de méningites aiguës. Elles sont souvent bénignes, en dehors de
¶ Introduction 1 la méningoencéphalite herpétique, mais justifient, avant d’en
faire le diagnostic de certitude, la même stratégie diagnostique
¶ Épidémiologie 1 que les causes bactériennes.
¶ Physiopathologie 2 En urgence, les méningites infectieuses peuvent se présenter
¶ Démarche diagnostique 3 sous différents tableaux cliniques. Le syndrome méningé sera
Quand évoquer le diagnostic de méningite ? 3 aisément reconnu dans sa forme typique, mais des formes
Diagnostics différentiels 6 graves d’emblée et des formes de diagnostic plus difficile sont
Apprécier le contexte 6 possibles. Ces différentes situations imposent des stratégies de
Hiérarchie des examens complémentaires 7 prise en charge différentes. La présence de signes de gravité
Synthèse et prise de décision initiale 9 signe une urgence infectieuse et justifie une antibiothérapie
¶ Démarche thérapeutique 10 immédiate dès le domicile ou, sinon, dès les 30-60 minutes
Traitement symptomatique des détresses vitales 10 suivant l’admission au service d’urgence, avant la réalisation
Traitement curatif 11 d’examens complémentaires. La ponction lombaire reste la clé
Traitement préventif 12 du diagnostic de certitude.
Amélioration des pratiques 13

■ Épidémiologie
¶ Orientation du patient 13
¶ Conclusion 13
Dans 70 à 80 % des cas, les méningites infectieuses sont
d’origine virale, généralement bénignes et dans 20 à 25 % des
cas d’origine bactérienne, d’évolution spontanée pratiquement
■ Introduction toujours mortelle. Dans moins de 5 % des cas, les méningites
infectieuses sont dues à des bactéries non pyogènes, à des
La méningite est un processus inflammatoire atteignant les parasites ou à des processus néoplasiques.
méninges, c’est-à-dire l’ensemble des formations recouvrant Les agents en cause dans les méningites d’origine virale sont
l’encéphale et la moelle épinière. On désigne habituellement par dans 80 % des cas les entérovirus (échovirus, coxsackie). Les
le terme de méningite l’infection des méninges molles de autres virus impliqués sont le virus des oreillons, les virus du
l’espace sous-arachnoïdien compris entre l’arachnoïde et la pie- groupe herpès, le cytomégalovirus, le virus d’Epstein-Barr, le
mère et dans lequel circule le liquide céphalorachidien (LCR). virus varicelle-zona, le virus de l’immunodéficience humaine
Les méningites présumées ou avérées bactériennes sont des (VIH) lors de la primo-infection et plus rarement en France les
urgences thérapeutiques, de pronostic redoutable en l’absence arbovirus, les poliovirus, l’adénovirus, le parvovirus B19. La
de traitement ou en cas de retard thérapeutique. Les causes méningoencéphalite herpétique est la plus fréquente des

Médecine d’urgence 1
25-110-C-20 ¶ Méningite infectieuse aiguë de l’adulte : prise en charge initiale en urgence

100% Figure 1. Proportion relative des bactéries res-


ponsables des méningites, tous âges confondus,
1991-2004, Epibac, France métropolitaine. Avec
80% autorisation.

60%

40%

20%

0%
1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004
H. influenzae N. meningitidis L. monocytogenes S. pneumoniae S. agalactiae

Tableau 1.
Niveau de sensibilité à la pénicilline G, à l’amoxicilline et au céfotaxime de S. pneumoniæ isolés chez l’adulte en France, 2003. Source : Observatoires régionaux
du pneumocoque : surveillance 2003. Bulletin épidémiologique hebdomadaire, 3 janvier 2006. Avec autorisation.
Groupes Pénicilline G Amoxicilline Céfotaxime
Nombre de souches (%) Nombre de souches (%) Nombre de souches (%)
Adultes (n = 3 492 ; 64,5 %)
Souches testées 3 492 3 492 3 492
Souches intermédiaires 1 161 (33,2) 909 (25,9) 519 (14,8)
Souches résistantes 354 (10,1) 38 (1) 4 (0,1)
Total I + R 1 515 (43,3) 944 (26,9) 523 (14,9)
LCR
Souches testées 246 246 246
Souches intermédiaires 84 (34,1) 59 (23,9) 36 (14,6)
Souches résistantes 28 (11,3) 3 (1,2) 0
Total I + R 112 (45,4) 62 (25,1) 36 (14,6)
Hémocultures
Souches testées 3 246 3 246 3 246
Souches intermédiaires 1 077 (33,1) 847 (26) 483 (1,8)
Souches résistantes 326 (10) 35 (1) 4 (0,1)
Total I + R 1 403 (43,1) 882 (27) 487 (14,9)
I : intermédiaire ; R : résistante ; LCR : liquide céphalorachidien.

méningoencéphalites virales avec une incidence de un cas pour En 2003, chez les patients de 3 à 24 ans, N. meningitidis
250 000 à 500 000 habitants par an dans le monde. (70 %) est la principale cause des méningites avant le pneumo-
L’incidence des méningites bactériennes dans les pays indus- coque (25 %). Après 25 ans, S. pneumoniae est le principal
trialisés est située entre 2,5 et 10 pour 100 000 habitants alors organisme responsable des méningites en France (de 65 % entre
qu’elle est dix fois plus élevée dans les pays en développement. 25 et 39 ans à 73 % après 64 ans) suivi de N. meningitidis
Chez les patients de plus de 16 ans, les méningites bactériennes (13 %). En 2003, les données issues des observatoires régionaux
ont une incidence de quatre à six cas pour 100 000 habitants, du pneumocoque montrent une baisse significative des pneu-
Streptococcus (S.) pneumoniae et Neisseria (N.) meningitidis étant mocoques de sensibilité diminuée à la pénicilline (PSDP) :
responsables de 80 % des cas [1]. D’autres agents comme Listeria 55,4 % en 2001, contre 43,3 % en 2003 [4] (Tableau 1).
(L.), le bacille de la tuberculose, le staphylocoque, le streptoco- Actuellement, dans les pays industrialisés, le taux de mortalité
que, ou Haemophilus (H.) influenzae peuvent être rencontrés. des méningites à méningocoque se situe aux alentours de 10 %,
Depuis l’avènement des antibiotiques, la fréquence relative il est de moins de 5 % pour H. influenzae et autour de 20 %
des cas de méningites communautaires a changé [2]. S. pneumo- pour les méningites à pneumocoque.
niae est actuellement le premier germe en cause, avant N.
meningitidis et L. monocytogenes. En France, les données issues de
l’Institut national de veille sanitaire concernant la surveillance ■ Physiopathologie
des bactériémies et méningites à H. influenzae, L. monocytogenes,
N. meningitidis, S. pneumoniae, S. agalactiae et S. pyogenes (réseau L’atteinte infectieuse des méninges peut se faire par voie
Epibac) relèvent, en 2003, 13 000 infections invasives dues à ces hématogène (bactériémie ou virémie), par propagation à partir
six bactéries dont 60 % dues à S. pneumoniae. Depuis 1999, la d’une infection des structures adjacentes (en particulier oto-
fréquence relative des méningites s’est stabilisée en moyenne rhino-laryngologique [ORL]) ou par communication du LCR
pour H. influenzae à 4 %, L. monocytogenes à 4 % et S. agalactiae avec le milieu extérieur (brèche d’origine traumatique ou
à 11 % [3] (Fig. 1). postchirurgicale).

2 Médecine d’urgence
Méningite infectieuse aiguë de l’adulte : prise en charge initiale en urgence ¶ 25-110-C-20

douleur secondaire à l’inflammation méningée. Dans les cas

“ Points forts
typiques, elle est responsable d’une attitude en « chien de fusil »
(dos tourné à la lumière, membres demi-fléchis). Cette raideur
méningée quand elle n’est pas évidente dès l’inspection, doit
• Les méningites bactériennes sont fatales en l’absence être recherchée par la flexion progressive de la tête qui entraîne
de traitement. une résistance invincible et douloureuse de la nuque. Toute
• Le méningocoque reste prédominant avant l’âge de manœuvre de rotation et de latéralité augmente les céphalées.
25 ans. Dans les formes atypiques, d’autres signes doivent être recher-
chés par des manœuvres de mise en tension des méninges. Le
• Les méningites à pneumocoque sont les plus fréquentes
signe de Kernig consiste à mettre le patient en position assise
des méningites bactériennes de l’adulte après 25 ans et
ou à réaliser une élévation des deux membres inférieurs en
sont responsables de la plus forte mortalité. position couchée. On constate dans ces cas une impossibilité de
• En 2003, les pneumocoques de sensibilité diminuée à la fléchir les cuisses sur le tronc sans fléchir les genoux. Le signe
pénicilline représentaient moins de 50 % des souches de Brudzinski consiste à réaliser une flexion forcée de la nuque,
isolées. qui entraîne une flexion involontaire des membres inférieurs.
Enfin, des signes pyramidaux, témoins de l’irritation méningée,
peuvent être présents sous forme de réflexes ostéotendineux
globalement vifs. L’examen du patient exacerbe les rachialgies
L’absence de bactéricidie naturelle entraîne une multiplica- et l’on peut constater une hyperesthésie cutanée diffuse.
tion très rapide des germes dans le LCR. La production locale de L’examen neurologique devra rechercher d’emblée des signes de
cytokines pro-inflammatoires précède l’apparition d’un exsudat gravité : signes de focalisation, troubles de la vigilance.
inflammatoire [5]. Les vomissements sont plus inconstants, mais précoces, faciles,
Quand le cerveau est recouvert d’un exsudat purulent, il est en jet, sans rapport avec l’alimentation, déclenchés par les
congestif, œdémateux, siège d’une vascularite et ainsi exposé à changements de position.
l’infarctus par stase veineuse et thrombophlébite. L’exsudat, La fièvre est d’intensité variable, habituellement élevée à
particulièrement épais dans les citernes de la base, peut 39 °C, avec frissons, sueurs et myalgies dans le cas d’une
conduire à léser les nerfs crâniens et oblitérer les voies d’écou- méningite infectieuse. La fièvre peut être en rapport avec la
lement du LCR, produisant une hydrocéphalie. Celle-ci peut porte d’entrée bactérienne, en particulier foyer ORL (otite,
également survenir tardivement dans l’évolution, en particulier sinusite, mastoïdite), pneumopathie. En cas de prise d’antipyré-
en cas d’étiologie tuberculeuse [6] . La mortalité est liée au tique ou d’antibiothérapie préalable, la fièvre peut être atténuée
purpura fulminans, à l’œdème cérébral majeur avec engage- ou la température normale. Une hypothermie (température
ment. L’évolution spontanée se fait vers le décès en l’absence de < 36 °C) est possible. Le syndrome infectieux doit être caracté-
traitement. La surdité est la séquelle neurologique la plus risé rapidement afin de reconnaître précocement la survenue
fréquente, elle survient le plus souvent avec H. influenzae. d’un sepsis grave.
La méningoencéphalite herpétique réalise une encéphalite En pratique, ces signes sont associés de façon variable. Dans
aiguë primitive, nécrosante, résultant de l’agression virale une revue de la littérature (1966 à 1999) portant sur les signes
directe des neurones. La destruction neuronale définit une cliniques présents sur 409 cas de méningites bactériennes, une
polioencéphalite qui touche avec prédilection le lobe temporal, fièvre était retrouvée dans 85 % des cas, une raideur de nuque
au second plan l’insula et le cortex cingulaire. La ménin- dans 70 % des cas, des céphalées dans 50 % des cas, des nausées
goencéphalite herpétique résulte soit d’une primo-infection et vomissements dans 30 % des cas. L’association fièvre, raideur
dans un tiers des cas, soit d’une réactivation virale dans deux de nuque et troubles de la vigilance (cf infra : signes de gravité)
tiers des cas, le virus restant quiescent après une primo- est retrouvée dans 46 % des cas [7, 8]. Dans la série de Van de
infection dans les ganglions sensitifs correspondant au territoire Beek et al, [9] la plupart des patients (95 %) présentent au moins
cutané infecté. deux des quatre critères suivants : céphalées, fièvre, raideur de
nuque, score de Glasgow inférieur à 14.

■ Démarche diagnostique
Quelles que soient les circonstances (appel au centre 15, visite
médicale à domicile, arrivée au service des urgences), la démar-
che médicale est fondée sur la reconnaissance de signes clini-
“ Points forts
ques évoquant le diagnostic, puis sur la recherche de signes de
• La démarche diagnostique des méningites infectieuses
gravité. Cette étape est fondamentale, elle doit être effectuée
rapidement. Toute suspicion clinique de méningite est une est fondée sur la reconnaissance de signes évoquant le
méningite jusqu’à preuve du contraire et impose une vérifica- diagnostic et la recherche de signes de gravité.
tion du LCR. Ces principes permettent de garantir une prise en • L’association fièvre, raideur de nuque et troubles de la
charge adaptée à la gravité du tableau et l’administration dans vigilance est retrouvée dans 50 % des méningites
les meilleurs délais d’un traitement. bactériennes.
• Dans 95 % des méningites bactériennes, il existe au
moins deux de ces quatre signes : céphalées, fièvre,
Quand évoquer le diagnostic
raideur de nuque, score de Glasgow inférieur à 14.
de méningite ? • Toute suspicion clinique de méningite est une
méningite jusqu’à preuve du contraire.
Devant un syndrome méningé fébrile
Typiquement le syndrome méningé associe céphalées, signes
d’irritation méningée, vomissements.
Les céphalées sont précoces, intenses, classiquement continues Devant un syndrome de gravité
avec des paroxysmes, insomniantes. Elles sont majorées par le
bruit (phonophobie) et la lumière (photophobie), les mouve- Le tableau clinique peut d’emblée se révéler grave, avec une
ments et les mobilisations lors de l’examen clinique. défaillance vitale : coma, sepsis grave ou détresse respiratoire
L’irritation méningée se manifeste par une raideur méningée, aiguë en rapport avec une porte d’entrée initiale pleuropulmo-
contracture de défense des muscles paravertébraux liée à la naire par exemple.

Médecine d’urgence 3
25-110-C-20 ¶ Méningite infectieuse aiguë de l’adulte : prise en charge initiale en urgence

Figure 2. Purpura.
A, B. Purpura pétéchial des membres inférieurs.
C. Purpura ecchymotique (source : docteur F. Pelletier, centre hospitalier universitaire de Besançon).
D. Purpura nécrotique (source : professeur F. Leclerc, centre hospitalier universitaire de Lille).

Quatre groupes de signes de gravité doivent être recherchés et amoxicilline avant le transfert hospitalier médicalisé vers la
caractérisés : signes cutanés, signes d’encéphalite, syndrome structure la plus proche disposant d’un service de
septique, et enfin le terrain. réanimation [10].
Ces formes graves ne sont pas rares. Dans différentes séries de La symptomatologie initiale des méningococcémies étant
méningites bactériennes, des signes cutanés sont mis en parfois trompeuse, Yung et McDonald proposent neuf clés
évidence dans 22 % à 26 % des cas, sous la forme de purpura diagnostiques d’infections à méningocoque en cas de fièvre sans
pétéchial neuf fois sur dix, des troubles de la vigilance sont signe en foyer [11] (cf. encadré).
retrouvés dans 67 % à 69 % des cas, des signes neurologiques
focaux dans 23 % à 33 % des cas. Un coma, défini par un score Signes d’encéphalite
de Glasgow inférieur à 8, est présent chez 14 % des patients [7-9].
Ils peuvent correspondre à une atteinte directe du cerveau par
Signes cutanés l’agent infectieux ou à une complication. Ces symptômes
peuvent être au premier plan et constituer le motif d’appel ou
Un purpura fébrile est un signe d’alerte qui évoque en d’hospitalisation, ou apparaître secondairement.
première intention un purpura fulminans méningococcique, ou Les troubles de conscience peuvent aller de simples troubles de
une autre infection grave, pneumococcique en particulier. La la vigilance au coma. Le score de Glasgow, bien que non validé
présence au minimum d’un seul élément purpurique nécrotique spécifiquement dans les méningites, est couramment utilisé. Il
impose de débuter une antibiothérapie immédiate à la phase permet d’apprécier le niveau d’altération de la vigilance ; un
préhospitalière, ou si possible après une hémoculture quand le
score inférieur à 8 est un signe de haute gravité.
patient se présente directement aux urgences. Les purpuras
Les signes de localisation doivent être recherchés de manière
infectieux bactériens sont des purpuras vasculaires, en rapport
attentive. Il peut s’agir d’une mono- ou d’une hémiplégie, d’une
avec une méningococcie, une bactériémie à pneumocoque,
paralysie des nerfs crâniens, de mouvements anormaux (trem-
streptocoque, staphylocoque, une endocardite. Le purpura doit
blement, myoclonies), de signes cérébelleux.
être recherché systématiquement et avec minutie, dès l’interro-
gatoire téléphonique, ou au cours de l’examen physique chez Des crises convulsives focales secondairement généralisées ou
un patient dévêtu. Il est important de le caractériser (étendue, non peuvent révéler le tableau, elles peuvent parfois évoluer
localisation, forme pétéchiale ou ecchymotique, caractère vers un état de mal de pronostic péjoratif. Une crise convulsive
nécrotique) et de cercler les éléments purpuriques afin de d’emblée généralisée ne doit pas être considérée comme un
pouvoir juger de leur rapidité d’extension. Il se localise préfé- signe de focalisation. Cette distinction est cependant difficile
rentiellement au niveau du tronc et des membres inférieurs quand le patient est examiné en phase postcritique, et en
(Fig. 2). l’absence de témoin qui puisse préciser de façon formelle le
En dehors des éléments purpuriques, l’examen cutané doit mode de début de la crise.
rechercher un rash cutané. Celui-ci possède une valeur d’alerte Des signes frontotemporaux à type d’hallucinations, de trou-
dans les infections à méningocoque et survient au cours de la bles du comportement, de troubles psychiatriques, ou encore
phase bactériémique. Ce rash est constitué de macules, de des troubles phasiques sont évocateurs d’une origine herpé-
lésions urticariennes ou morbilliformes de quelques millimètres tique.
de diamètre, de localisation variable, il peut être résolutif ou Les troubles neurovégétatifs peuvent être en rapport avec une
évoluer vers un purpura. atteinte infectieuse directe du parenchyme cérébral avec
Au domicile, quand l’interrogatoire téléphonique ou l’examen irrégularité du pouls, de la pression artérielle, de la température,
physique suspecte ou détecte la présence au minimum d’un seul troubles du rythme respiratoire (rythme de Cheynes-Stokes,
élément purpurique nécrotique, le diagnostic de purpura pauses respiratoires) ou en rapport avec une complication de
fulminans doit être envisagé et conduire à débuter immédiate- type hypertension intracrânienne pouvant être responsable
ment une antibiothérapie par ceftriaxone ou à défaut par d’une bradycardie, poussée hypertensive, hypercapnie, d’un

4 Médecine d’urgence
Méningite infectieuse aiguë de l’adulte : prise en charge initiale en urgence ¶ 25-110-C-20

Tableau 2.

“ À retenir
Critères de définition du SIRS, du sepsis, du sepsis grave et du choc
septique chez l’adulte, utilisés dans la conférence de consensus sur la prise
en charge hémodynamique du sepsis grave. Conférence de consensus
Neuf clés diagnostiques d’infections à méningo- Sfar/SRLF, octobre 2005.
coque en cas de fièvre sans signe en foyer (d’après Variables Définitions
Yung, 2003). SIRS Température > 38,3 °C ou < 36 °C
• Le purpura (ne s’effaçant pas à la vitropression), lorsqu’il Réponse inflammatoire systé- Pouls > 90 c/min
est associé à la fièvre, doit faire penser au méningocoque. mique (au moins deux critères) Fréquence respiratoire > 20 c/min
• Le rash maculeux ou maculopapuleux (rarement
Glycémie > 7,7 mmol/l
urticarien) s’effaçant à la vitropression évoque d’abord
Leucocytes >12 000/mm ou
une virose dont la rougeole ; toutefois, il est évocateur < 4 000/mm ou > 10 % de formes im-
d’infection à méningocoque lorsque l’état général est matures
altéré (de plus, l’éruption de rougeole survient après au Altération des fonctions supérieures
moins 48 heures de fièvre). Temps de recoloration capillaire > 2 s
• Les vrais frissons incontrôlables, débutant brutalement Lactatémie > 2 mmol/l
et pouvant durer 10 à 20 minutes, doivent faire suspecter
Sepsis Réponse inflammatoire systémique +
une infection bactérienne.
infection présumée ou identifiée
• Les douleurs au niveau des extrémités, du cou, du dos
ou autres (abdomen, articulations) doivent toujours Sepsis grave Dysfonction ou hypoperfusion d’au
moins un organe induite par une infec-
inquiéter chez l’enfant fébrile.
tion
• Les vomissements avec céphalées ou douleurs
Sepsis + lactates > 4 mmol/l ou hypo-
abdominales sont possibles, tout comme la diarrhée,
tension artérielle avant remplissage ou
signe non spécifique de bactériémie. au moins une dysfonction d’organe
• L’évolution rapide et la répétition des consultations sur (une seule suffit) :
une période de 24 à 48 heures doivent être prises au - respiratoire :PaO2 /FiO2 < 300
sérieux. -rénale : créatininémie > 176 µmol/l
• L’inquiétude des parents, des proches et des amis est à -coagulation : INR > 1,5
prendre en compte, car ce sont souvent eux les meilleurs - hépatique : INR > 4, bilirubine
juges de l’état de santé de l’enfant. > 78 µmol/l
• L’âge n’a pas en lui-même de valeur, mais la fréquence -thrombocytopénie : < 105/mm3
la plus importante est observée dans la tranche d’âges de - fonctions supérieures : GCS < 13
3 à 12 ans.
Choc septique Sepsis grave + hypotension artérielle
• Le contact avec un patient atteint d’infection à non corrigée par le remplissage
méningocoque est rare mais c’est un bon argument de (20-40 ml/kg)
suspicion.
INR : international normalized ratio ; PaO2 : pression partielle en oxygène; FiO2 :
concentration de l’oxygène dans l’air inspiré ; GCS : Glasgow coma scale.

collapsus d’origine centrale. Ces signes d’hypertension intracrâ- 38 ou inférieure à 36 °C et d’une pression artérielle systolique
nienne peuvent témoigner d’un blocage à l’écoulement du LCR inférieure à 90 mmHg ou inférieure de 40 mmHg par rapport à
avec hydrocéphalie, lié au feutrage arachnoïdien. la pression artérielle habituelle et d’une altération des fonctions
supérieures.
Syndrome septique Au centre 15, la présence de troubles des fonctions supérieu-
res, de lésions purpuriques ou d’une détresse respiratoire aiguë
Le syndrome septique peut se manifester selon quatre
dans un contexte évocateur d’un sepsis doit faire déclencher
tableaux, de gravité croissante. Les critères diagnostiques sont
l’envoi d’une équipe SMUR. La préparation de l’accueil hospi-
fondés sur des paramètres cliniques et biologiques [12], large-
talier nécessite dans ces cas de proposer une admission directe
ment diffusés dans le cadre de la « sepsis campaign » [13] et repris
dans un service de réanimation avec transmission des informa-
dans la conférence de consensus Société française d’anesthésie tions sur la gravité de la maladie en cours.
et de réanimation/Société de réanimation de langue française Au service d’accueil des urgences, si le flux des patients est
(SFAR/SRLF) sur la prise en charge hémodynamique du sepsis important, l’infirmier organisateur de l’accueil a un rôle
d’octobre 2005 [14] (Tableau 2). fondamental dans l’identification précoce de ces patients quand
La mesure initiale des paramètres vitaux permet rapidement ils se présentent spontanément.
de diagnostiquer un état de choc septique, et de débuter la prise Détecter les malades à risque élevé de syndrome septique.
en charge symptomatique immédiatement. Il s’agit des malades suspects d’infection et présentant au moins
Le cas échéant, il est important lors du premier examen deux des symptômes suivants (inexpliqués par ailleurs) :
clinique de détecter les situations à risque d’évolution rapide température supérieure à 38,2 °C ou hypothermie inférieure à
vers un sepsis grave afin que la prise en charge soit d’emblée 36 °C, fréquence respiratoire supérieure à 30/min, tachycardie
optimale. Cette reconnaissance précoce permet de classer le supérieure à 120/min, pression artérielle systolique inférieure à
syndrome infectieux en sepsis, sepsis grave, choc septique. Elle 110 mmHg. Ces patients doivent être considérés à risque
nécessite l’identification précoce des signes et symptômes d’évolution rapide vers un sepsis grave, ce d’autant qu’il existe
reflétant les dysfonctions d’organes, avant l’aggravation vers un une infection d’origine pulmonaire ou, a fortiori, lorsqu’il existe
choc septique [15]. un purpura.
Détecter les situations à risque d’évolution rapide vers un
Gravité liée au terrain
sepsis. Au domicile, un sepsis grave doit être suspecté devant
l’association dans un contexte infectieux d’une tachycardie L’appréciation du terrain est fondamentale, elle permet de
supérieure à 90 battements/min, d’une fréquence respiratoire juger de la gravité et peut permettre une orientation
supérieure à 20 cycles/min, d’une température supérieure à étiologique.

Médecine d’urgence 5
25-110-C-20 ¶ Méningite infectieuse aiguë de l’adulte : prise en charge initiale en urgence

Les méningites et méningoencéphalites sont plus graves aux associée à de la fièvre. En cas de simple suspicion et en
âges extrêmes et en particulier chez le sujet âgé, en cas de l’absence de signes de gravité, la décision en régulation devra
maladie associée (diabète, cancer, infection au VIH), de cortico- toujours conduire rapidement à la réalisation d’un examen
thérapie au long cours ou de traitement immunosuppresseur, de médical du patient [10, 20].
pathologies sous-jacentes susceptibles de se décompenser, ou
dans le cas d’une affection nosocomiale [16].
Les facteurs de risque d’infection à pneumocoque doivent
systématiquement être recherchés, ces méningites représentant
les cas les plus fréquents et les plus graves des étiologies
bactériennes [1, 17].
“ À retenir
• Un purpura fébrile évoque un purpura fulminans
méningococcique.
• Le diagnostic de méningoencéphalite doit être évoqué
“ Points forts devant toute manifestation neurologique centrale avec
fièvre.
Facteurs de risque d’infection à pneumocoque à • Dans les méningites bactériennes, les signes de gravité
rechercher en cas de syndrome méningé. ne sont pas rares.
• Alcoolisme. • Chez le sujet âgé, la présentation clinique est très
• Facteur de risque de brèche ostéo-dure-mérienne : variable et trompeuse.
antécédents de traumatisme crânien, de chirurgie de la • Devant toute méningite, des facteurs de risque
base du crâne, existence d’une rhinorrhée. d’infection à pneumocoque doivent être recherchés.
• Diabète, splénectomie, drépanocytose, hémopathie,
cancer, traitement immunosuppresseur, infection par le
VIH.
• Hypogammaglobulinémie primaire ou secondaire Diagnostics différentiels
(lupus, myélome, syndrome néphrotique), L’hémorragie méningée en dehors de sa forme typique peut,
hypocomplémentémie. dans près de 25 % des cas, avoir une présentation clinique
• Absence de vaccination. trompeuse : début progressif, hyperthermie, syndrome confu-
sionnel avec troubles du comportement, formes pseudomigrai-
neuses, formes avec coma d’emblée.
L’association de troubles de conscience, de signes neurologi-
Les facteurs de risque d’infection à pneumocoque résistant à ques de focalisation dans un contexte fébrile n’est pas toujours
la pénicilline doivent être identifiés : hospitalisation et/ou synonyme d’encéphalite et peut être liée à d’autres étiologies
traitement par bêtalactamine dans les mois précédents, infection (état de mal fébrile, thrombophlébite cérébrale).
par le VIH, absence de vaccination spécifique [5]. Chez le sujet âgé, des troubles de la vigilance associés à une
Bien qu’un âge supérieur à 70 ans ne constitue pas à lui seul fièvre peuvent être en rapport avec une lésion céré-
un facteur de gravité, cette population cumule souvent les brale (tumeur, abcès, hémorragie cérébrale ou infarctus, héma-
facteurs de risque correspondant à un terrain fragile et une tome sous-dural).
attention particulière doit être portée vis-à-vis du diagnostic de Ces contextes doivent conduire à la réalisation d’un scanner
méningite chez ces personnes. cérébral en première intention.
Les diagnostics de méningite carcinomateuse, de méningite
Présentations atypiques médicamenteuse ou en rapport avec une maladie de système ne
peuvent être faits aux urgences. Ces diagnostics ne sont évoqués
La fièvre peut être masquée par la prise d’antipyrétiques ou
que lorsque le diagnostic de méningite infectieuse a pu être
par une antibiothérapie ayant décapité l’infection. Dans ces
écarté.
circonstances, le diagnostic doit être évoqué de principe devant
tout syndrome méningé.
À l’inverse, le diagnostic doit être évoqué en cas de fièvre Apprécier le contexte
isolée, en particulier chez le sujet âgé.
La notion d’une pathologie prédisposante intercurrente à type L’appréciation du contexte permet de recueillir les éléments
d’infection ORL (sinusite, otite) ou respiratoire basse (pneumo- orientant vers une étiologie.
nie, pleuropneumopathie) est retrouvée respectivement dans • Pour le pneumocoque : présence d’au moins un facteur de
25 et 12 % des cas dans la série de van de Beek [9]. risque, porte d’entrée identifiée de type otite, sinusite ou
Un tableau psychiatrique, avec en particulier troubles du pneumopathie, absence de vaccination.
comportement, hallucinations devra faire rechercher un • Pour le méningocoque : des signes cutanés, la notion d’épi-
contexte évocateur d’une atteinte encéphalitique, en particulier démie, la saison hivernale, l’absence de vaccination.
herpétique. • Pour Haemophilus : adulte jeune ; otite ; conjonctivite ;
Le diagnostic peut être difficile en période postopératoire, ou absence de vaccination spécifique.
chez le patient de réanimation du fait de la sédation. • Pour une méningoencéphalite herpétique : syndrome confu-
Chez le sujet âgé, le tableau clinique peut avoir une présenta- sionnel, convulsions et signes évocateurs d’une atteinte
tion très variable. La fièvre peut n’être présente que dans 59 % frontotemporale : hallucinations auditives, olfactives, troubles
des cas, un syndrome confusionnel est retrouvé dans 57 à 96 % psychiatriques, troubles phasiques ; syndrome méningé au
des cas, les céphalées sont inconstantes (21 à 81 % des cas), la second plan.
raideur de nuque est présente dans 57 à 92 % des cas. Ces • Pour une listériose : des signes d’atteinte du tronc cérébral
symptômes sont d’interprétation difficile du fait de la coexis- (paralysie des nerfs crâniens, en particulier oculomotrice,
tence fréquente d’une autre cause d’hyperthermie, d’une atteinte cérébelleuse), terrain (femme enceinte ; patient
arthrose cervicale [18, 19]. immunodéprimé).
En cas d’appel au centre 15, l’interrogatoire téléphonique du • Pour une tuberculose : patient né hors de France ou résidant
médecin régulateur doit relever des éléments permettant de depuis longtemps en pays d’endémie, corticothérapie, infec-
suspecter ce diagnostic et des éléments de gravité. Le diagnostic tion VIH, séquelles de tuberculose, contage ; épidurite,
doit être évoqué devant toute manifestation neurologique ischémie localisée, hydrocéphalie.

6 Médecine d’urgence
Méningite infectieuse aiguë de l’adulte : prise en charge initiale en urgence ¶ 25-110-C-20

L4
L5 L4
Ligne bi-iliaque
L5

1
2
L3 3

L4
4
L4 L3

Figure 3. Repères anatomiques et position du patient pour la réalisation d’une ponction lombaire en position allongée ou assise. Le patient doit présenter
un dos le plus rond possible. Il est installé, soit assis, courbé en avant, en s’enroulant autour d’un oreiller, jambes pendantes, soit couché sur le côté, cuisses bien
fléchies sur l’abdomen, tête fléchie. L’espace interépineux L4-L5 se repère en traçant une ligne horizontale entre les deux crêtes iliaques (adapté d’après JB
Lippincott Company. Koneman, Elmer et al., 1992). 1. Peau ; 2. ligament vertébral postérieur ; 3. épineuse ; 4. méninge.

Mais également les arguments pour : effective au bout de 1 heure. Le mélange protoxyde d’azote -
• une méningite accompagnant une virose connue (zona, oxygène présente l’avantage d’avoir une action limitée dans le
oreillons, varicelle) ; temps, rapidement réversible, il peut être administré par
• une méningite correspondant à une manifestation principale l’urgentiste et se pratique de plus en plus chez l’adulte.
de la maladie (entérovirus, polio, herpes simplex virus, VIH) ; La principale contre-indication de la ponction lombaire est
• une leptospirose (baignade en rivière ou en eau douce) ; l’hypertension intracrânienne avec évidence d’une lésion
• plus rarement : un contexte évocateur de la maladie de Lyme, expansive du cerveau (abcès, tumeur, hémorragie...), la sous-
la syphilis, la brucellose. traction de LCR pouvant précipiter une hernie des amygdales
cérébelleuses avec compression du tronc cérébral puis engage-
ment. Le fond d’œil est inutile, la recherche de signes d’hyper-
Hiérarchie des examens complémentaires tension intracrânienne, bien que classique, ne semble plus très
utilisée car trop peu sensible. Le scanner cérébral l’a remplacée
Ponction lombaire (cf. infra).
La ponction lombaire est la clé du diagnostic positif et La correction préalable de troubles de la coagulation peut être
étiologique, elle permet l’analyse du LCR. nécessaire : supplémentation en facteurs de la coagulation en
Les déviations de la colonne vertébrale et l’arthrose vertébrale cas de maladie constitutionnelle connue, transfusion plaquet-
peuvent rendre le geste difficile. Le patient doit être en position taire en cas de thrombopénie inférieure à 50 000, antagonisa-
fœtale, afin de donner le meilleur accès à l’espace intrathécal. tion d’un traitement anticoagulant. Un temps de céphaline
Les épaules, le dos et les hanches doivent être perpendiculaires activé normal ne permet pas d’éliminer la présence d’un
au plan horizontal. La ponction est réalisée au niveau L3-L4 anticoagulant circulant ; cependant, cette recherche, tout
(Fig. 3). comme l’exploration préalable des facteurs de la voie endogène
Diverses mesures sont proposées pour atténuer ou supprimer ainsi que les tests d’exploration de la fonction plaquettaire
la douleur de la ponction lombaire. Elles peuvent de plus avoir (PFA100), ne sont pas un prérequis au geste.
une vertu psychologique positive pour un geste de « très mau- En pratique, l’urgence de la situation conduit à un dépistage
vaise réputation ». Une anesthésie locale peut être effectuée rapide lors de l’interrogatoire de situations à risque :
selon différentes techniques. La lidocaïne ou la Xylocaïne® • antécédents de déficit acquis ou constitutionnel grave en
injectée en intradermique, puis en sous-cutané, voire en facteurs de coagulation ;
intrarachidien, est l’anesthésique local le plus fréquemment • traitement anticoagulant en cours ;
utilisé lorsqu’il n’y a pas d’allergie ou de contre-indications à • thrombopénie inférieure à 50 000.
son utilisation. La pose d’un patch anesthésique au site de Ces situations contre-indiquent la ponction lombaire à défaut
ponction permet d’agir de façon préventive, mais son action est d’une correction préalable (administration de vitamine K, de

Médecine d’urgence 7
25-110-C-20 ¶ Méningite infectieuse aiguë de l’adulte : prise en charge initiale en urgence

Tableau 3.
Orientation diagnostique et thérapeutique des méningites infectieuses en fonction des premiers résultats de l’analyse du liquide céphalorachidien (LCR)
(adapté d’après AM Korinek. Syndromes méningés de l’adulte en médecine d’urgence. Conférences d’actualisation SFAR, 1996. Elsevier, Paris).
Aspect Cellules Glycorachie (1) Protéinorachie Examen Diagnostic Traitement
du liquide direct présumé en urgence
Clair < 500/mm3 lymphocytes Normale < 1 g/l Négatif Méningite virale aciclovir en cas de signes
Herpès d’encéphalite
Abaissée < 0,4g/l > 1 g/l Négatif Tuberculose Traitement antituberculeux
Cryptocoque Fungizone®

Trouble > 500/mm3 polynucléaires Abaissée < 0,4 g/l >> 1 g/l CG + Pneumocoque C3G + vancomycine
CG - Méningocoque C3G
BG + Listeria Amoxicilline
BG - Haemophilus C3G
Négatif Bactérie C3G
La glycorachie est normalement égale à 60 % de la glycémie, celle-ci doit être prélevée en même temps que le LCR ; C3G : céphalosporines de 3e génération.

PPSB, administration spécifique de facteurs de coagulation, Le Tableau 3 précise l’orientation diagnostique et thérapeuti-
transfusion plaquettaire). Le purpura ne représente pas une que des méningites infectieuses en fonction des premiers
contre-indication à la ponction lombaire. résultats de l’analyse du LCR.
Après la ponction, le décubitus pendant 24 heures permet de
prévenir l’apparition de symptômes en rapport avec l’hypoten- Méningites à liquide clair
sion du LCR. Ces mesures effectuées au préalable permettent de
Listériose neuroméningée. La cellularité du LCR est
prévenir les principales complications de ce geste.
variable (de 6 à 10 000 cellules/mm3) souvent supérieure à
Devant un tableau évocateur et en cas de contre-indication à
1 000 cellules/mm3 avec une formule panachée. La protéinora-
la ponction lombaire, le traitement devra être administré sans
délai. chie est elle aussi très variable, le plus souvent d’environ 1 g/l,
Une ponction lombaire à 48 heures de traitement permet de rarement supérieure à 3 g/l. Une hypoglycorachie est présente
juger de l’évolution mais elle n’est pas systématique, sa réalisa- dans la moitié des cas. L’examen direct du LCR est souvent
tion doit être discutée en fonction du tableau clinique, de négatif mais la culture est souvent positive.
l’agent infectieux, de l’évolution. Méningoencéphalite herpétique. La ponction lombaire
Les résultats de l’analyse du LCR peuvent parvenir dans des retrouve un liquide hypercellulaire, lymphocytaire et contient
délais variables selon la structure, le délai d’acheminement, parfois quelques hématies. La protéinorachie est le plus souvent
l’horaire et le jour. < 2 g/l, la glycorachie est normale. La détection du virus dans
L’aspect macroscopique du LCR permet déjà d’orienter le le LCR par PCR multiplex fait le diagnostic. Toutefois, cette
diagnostic étiologique. méthode n’est pas fiable à 100 % et il est possible de passer à
• En cas de liquide trouble ou purulent : il s’agit jusqu’à preuve côté du diagnostic de certains herpès virus, ce qui impose de
du contraire d’une méningite bactérienne et l’antibiothérapie maintenir le traitement en cas de tableau très évocateur.
est débutée. Les situations locales d’obtention de l’examen Méningite tuberculeuse. Dans les cas typiques, elle réalise
direct détermineront la stratégie antibiotique. une méningite hypoglycorachique, hypochlorurorachique,
• En cas de liquide clair : en l’absence de signes de gravité, il hyperprotéinorachique (> 2 g/l) lymphocytaire. Le diagnostic
est licite d’attendre les résultats de l’examen direct et cytochi- étiologique est difficile, l’examen direct du LCR n’est positif que
mique. En présence de signes de gravité et d’orientation très rarement, la recherche de BK par PCR reste décevante.
étiologique, un traitement doit être instauré avant les La situation n’est pas toujours aussi typique, et les méningites
résultats. à liquide clair posent le plus de problèmes diagnostiques. En cas
• En cas de liquide hémorragique, l’épreuve des trois tubes d’examen direct négatif, plusieurs situations se présentent :
permet de différencier l’hémorragie méningée (liquide • une hypercellularité avec prédominance de polynucléaires
uniformément sanglant et incoagulable) qui imposera une (> 20 cellules/mm3 dont > 50 % de polynucléaires neutrophi-
prise en charge en neurochirurgie, d’une ponction traumati- les) évoque une méningite bactérienne si la protéinorachie est
que (liquide sanglant, s’éclaircissant progressivement, coagu- supérieure à 1 g/l, le rapport glycorachie/glycémie < 50 % ;
lable et dont le surnageant est clair). Dans ce cas le rapport • une hypercellularité avec prédominance de lymphocytes
globule blanc/globule rouge dans le LCR est classiquement de (> 20 cellules/mm3 dont > 50 % de lymphocytes) :
1/800. C avec normoglycorachie : évoque une méningite virale ;
L’analyse du LCR comprend : C avec hypoglycorachie : évoque une tuberculose (surtout si
• une étude cytologique, chimique (glycorachie, protéinorachie,
associée à une hypochlorurorachie), ou une listériose
chlorurorachie), bactériologique (examen direct, culture et
(surtout si la formule est panachée).
antibiogramme) ;
Enfin, une cellularité normale peut se rencontrer au cours
• la recherche d’antigènes solubles méningococciques, pneu-
d’une méningite bactérienne à la phase très précoce, d’une
mococciques en particulier quand une antibiothérapie
préalable a été administrée ; méningite à cryptocoque ou à Listeria, en particulier chez le
• en fonction du contexte : recherche de cryptocoque, venereal patient immunodéprimé, d’une méningite décapitée par une
disease research laboratory-Treponema pallidum haemagglutina- antibiothérapie.
tion assay (VDRL-TPHA), sérologie Lyme, polymerase chain
reaction (PCR) herpès, entérovirus, bacille de Koch (BK), PCR Imagerie cérébrale
universelle en cas de méningite décapitée ou bactérienne ne
poussant pas à la culture. Elle présente un triple intérêt : éliminer une contre-indication
Le LCR normal est limpide, « eau de roche », et contient à la ponction lombaire, rechercher le retentissement au niveau
moins de 5 cellules/mm3. La protéinorachie est comprise entre cérébral, la recherche d’une porte d’entrée [21].
0,25 et 0,45 g/l. La glycorachie est à interpréter en fonction de L’accès au scanner est en général plus facile qu’à l’imagerie
la glycémie qui doit être prélevée dans le même temps, habi- par résonance magnétique (IRM). L’imagerie permet le diagnos-
tuellement 60 % de celle-ci. tic des complications intracrâniennes (hydrocéphalie, abcès,

8 Médecine d’urgence
Méningite infectieuse aiguë de l’adulte : prise en charge initiale en urgence ¶ 25-110-C-20

d’antibiothérapie, les auteurs concluent au faible intérêt de ce

“ Points forts
dosage dans ces situations, par rapport à la présomption
clinique [26].
Le dosage sanguin de la procalcitonine permet la discrimina-
• La ponction lombaire est la clé du diagnostic. tion d’une origine bactérienne ou virale, mais également dans
• La principale contre-indication est l’hypertension le cadre du suivi de l’efficacité du traitement en cas de ménin-
intracrânienne. gite bactérienne comme le démontrent deux études récentes.
• L’aspect macroscopique du LCR permet d’orienter le Mais le délai d’obtention semble trop long pour être pertinent
dans la démarche diagnostique des méningites [27-29].
diagnostic et le traitement immédiat.
• Un liquide trouble ou purulent indique une méningite Autres
bactérienne, et une antibiothérapie probabiliste doit être
La radiographie de thorax permet la recherche d’une porte
débutée immédiatement.
d’entrée pleuropulmonaire.
• Un liquide clair en l’absence de signes de gravité doit
Un électroencéphalogramme (EEG) peut être utile dans le
conduire à attendre les résultats de l’examen direct et de cadre du diagnostic positif des méningoencéphalites herpéti-
l’analyse cytochimique. ques. Il retrouve dans près de 80 % des cas des anomalies
localisées frontotemporales. Toutefois, leur apparition retardée
en limite l’intérêt diagnostique aux urgences. L’EEG est utile
également au diagnostic différentiel d’un état de mal convulsif.
empyème, infarcissement hémorragique, ventriculite, thrombo-
phlébite) ainsi que la recherche d’une porte d’entrée ORL Synthèse et prise de décision initiale
(mastoïdite), ou d’une brèche ostéodurale.
Le pronostic des méningites bactériennes et de la méningite
Différents travaux se sont intéressés à déterminer chez quels herpétique est en partie dépendant du délai s’écoulant entre
patients l’imagerie doit précéder la ponction lombaire. À la l’arrivée du patient et le début de la thérapeutique anti-
phase initiale, une imagerie cérébrale doit précéder la ponction infectieuse. Différents travaux ont ainsi montré qu’un retard
lombaire [22-25] : dans l’administration des antibiotiques dans les méningites
• chez les patients présentant de signes de focalisation à bactériennes pouvait être responsable d’une augmentation de la
l’examen neurologique ; mortalité [30]. La mortalité et les séquelles intellectuelles en cas
• en cas de survenue de crises convulsives ; d’origine herpétique sont également directement liées au délai
• en cas de signes d’hypertension intracrânienne ; de mise en route du traitement. Il est ainsi habituellement
• chez les patients immunodéprimés ; admis que le traitement d’une méningite doit être instauré entre
• en cas d’altération de la conscience. 30 et 60 minutes après l’arrivée, lors de l’admission de ces
En cas de suspicion de méningoencéphalite herpétique, le patients aux urgences [31, 32].
scanner cérébral doit précéder la ponction lombaire s’il existe Une fois le diagnostic évoqué, il faut mettre le patient au
des signes d’hypertension intracrânienne ou des signes focaux. calme, à l’abri du bruit, avec une lumière tamisée, instaurer un
Il montre une zone hypodense dans la région temporale, sans isolement respiratoire (port de masque et isolement dans un
coque, associée à un œdème périlésionnel important qui peut box ou une chambre). Celui-ci doit être maintenu tant que le
être responsable ou non d’une déviation des structures média- diagnostic de méningite à méningocoque n’est pas levé.
nes. L’IRM montre précocement des hypersignaux des régions La première étape consiste à rechercher des signes de gravité,
temporales internes et frontales antérieures. Une imagerie l’interrogatoire et l’examen clinique avec l’appréciation du
cérébrale normale ne permet pas d’éliminer le diagnostic. contexte et du terrain permettent d’orienter le diagnostic vers
Dans les méningites listériennes, la réalisation d’une IRM une origine bactérienne ou virale. La synthèse de ces éléments
permet de retrouver des abcès du tronc cérébral qui passent cliniques associée à l’analyse initiale du LCR permet d’approcher
fréquemment inaperçus au scanner. cette probabilité.
Dans la méningite tuberculeuse, l’imagerie cérébrale retrouve Dans les cas difficiles où l’analyse du LCR ne permet pas
une arachnoïdite de la base dans plus de la moitié des cas, des d’affirmer d’emblée l’étiologie – liquide clair, examen direct
infarctus cérébraux et surtout une dilatation ventriculaire, très négatif -, la présence d’un seul signe de gravité clinique associé
fréquente initialement ou dans les premiers jours de traitement à un taux de polynucléaires neutrophiles dans le LCR supérieur
et qui nécessitera une dérivation ventriculaire externe en cas à 1 000/mm3 permet de présumer d’une origine bactérienne [33].
d’hypertension intracrânienne dans près d’un tiers des cas. L’examen clinique doit être à la fois rapide mais complet :
rapide, car il ne doit pas retarder l’institution d’un traitement
Autres examens nécessaires spécifique ; et complet : quelles que soient les circonstances, les
signes de gravité doivent être recherchés initialement, et de
De laboratoire façon itérative (Fig. 4).
Des hémocultures doivent être prélevées immédiatement, Il n’existe pas de signes de gravité
ainsi qu’un bilan biochimique, une numération-formule san-
guine, plaquettes, un bilan de coagulation standard, et en La ponction lombaire doit être réalisée sans délai, l’aspect
présence de signes de gravité un dosage du lactate, une mesure macroscopique guide le traitement initial probabiliste immédiat.
des gaz du sang. L’analyse biologique permet d’adapter dans un second temps le
Ces examens servent également à orienter la démarche et à traitement en fonction de l’agent infectieux présumé (cf. infra
identifier les situations à risque d’évolution vers un sepsis Traitement spécifique).
sévère.
Selon le contexte, les sérologies en rapport avec une étiologie
Il existe des signes de gravité
infectieuse spécifique seront prélevées. Toute détresse vitale sera immédiatement prise en charge.
Le dosage biologique de la CRP fait partie des examens Cette prise en charge est d’emblée réanimatoire.
habituellement prescrits. Une étude récente aux urgences a Une thérapeutique anti-infectieuse doit être débutée dans le
évalué sa pertinence dans le diagnostic d’infections bactériennes délai le plus court ; selon la symptomatologie clinique et le
chez 76 patients, et son intérêt dans la prise de décision d’une contexte (association de signes de gravité ; contexte bactérien
antibiothérapie, comparativement à la décision médicale sans le ou viral ; porte d’entrée identifiée ; terrain).
dosage. Compte tenu de la variabilité des seuils de positivité, du • En cas de purpura comprenant au moins un élément nécro-
manque de spécificité et du faible intérêt dans la décision tique supérieur ou égal à 3 mm, en dehors de l’hôpital une

Médecine d’urgence 9
25-110-C-20 ¶ Méningite infectieuse aiguë de l’adulte : prise en charge initiale en urgence

Évoquer le diagnostic

Syndrome méningé fébrile


Forme grave d’emblée
Formes de diagnostic plus difficile

Reconnaître les signes de gravité

Oui Non

Traitement
des détresses vitales
Thérapeutique anti-infectieuse
(en fonction du contexte)

Signes de localisation
Signes d’hypertension intracrânienne
Convulsions, coma

Oui Non

Scanner
Ponction lombaire
cérébral

Figure 4. Arbre décisionnel. Proposition d’algorithme de la démarche initiale en urgence dans la méningite infectieuse aiguë de l’adulte (T. Desmettre).

antibiothérapie doit immédiatement être administrée à


domicile. Elle consiste en une administration intraveineuse “ Points forts
d’amoxicilline, de ceftriaxone ou de céfotaxime :
C amoxicilline : 1 g dilué dans 20 ml de sérum physiologi- • Le pronostic des méningites bactériennes et
que, en intraveineuse lente (pour mémoire 25 mg/kg chez herpétiques est fonction du délai d’administration du
l’enfant, sans dépasser 1 g) ; traitement.
C ceftriaxone : 1 à 2 g chez l’adulte (pour mémoire 50 mg/kg • Le traitement doit être instauré au plus tard entre 30 et
chez l’enfant, sans dépasser 1 g) ; 60 minutes après l’admission aux urgences.
C céfotaxime : 1 g chez l’adulte (pour mémoire 50 mg/kg • Une imagerie cérébrale est indiquée en cas de coma, de
chez le nourrisson et l’enfant, sans dépasser 1 g). signes de localisation, d’hypertension intracrânienne, de
• Si une imagerie cérébrale doit précéder la ponction lombaire convulsions ou de terrain immunodéprimé.
(coma, signes de localisation, signes d’hypertension intracrâ- • Le scanner cérébral ne doit pas retarder la mise en route
nienne), une thérapeutique anti-infectieuse doit être discutée du traitement.
en fonction du délai de réalisation (par exemple nécessité
d’un transfert du patient sur un plateau technique adéquat),
et du tableau clinique :
C en cas d’orientation vers un pneumocoque (présence d’au ■ Démarche thérapeutique
moins un facteur de risque) : une antibiothérapie par
céphalosporines de 3e génération (C3G) + vancomycine Traitement symptomatique des détresses
15 mg/kg en dose de charge puis 40 à 60 mg/kg/j, associée
à 10 mg/6 h de dexaméthasone intraveineuse doit être
vitales
débutée ; Pour la prise en charge symptomatique des détresses vitales,
C en cas de suspicion de méningoencéphalite herpétique : se référer aux chapitres spécifiques du traité.
l’administration d’aciclovir 15 mg/kg ne se discute pas ; En cas de prise en charge à domicile, l’accueil de ces patients
C en cas d’orientation vers une listériose : amoxicilline doit être préparé, le service de réanimation prévenu de l’arrivée
(200 mg/kg/j) + gentamicine (3 mg/kg/j). d’un patient grave. Cette prise en charge peut s’envisager

10 Médecine d’urgence
Méningite infectieuse aiguë de l’adulte : prise en charge initiale en urgence ¶ 25-110-C-20

la symptomatologie et du contexte, de l’imagerie cérébrale

“ Points forts
éventuelle, des résultats de la recherche d’antigènes solubles
dans le LCR. Il est licite dans ce cas de proposer une associa-
tion amoxicilline-C3G.
• Tout purpura fébrile nécessite l’administration • Durée de traitement : elle est de 14 à 21 jours pour le
immédiate d’une antibiothérapie par amoxicilline ou pneumocoque, 7 jours pour Haemophilus et les méningoco-
C3G. ques, et de 21 jours à 6 semaines pour Listeria.
• L’antibiothérapie probabiliste des méningites à liquide
trouble : Méningites à liquide clair
C en présence de facteur de risque de pneumocoque : Le diagnostic le plus fréquent est celui d’une méningite virale
association C3G + vancomycine ; sans gravité, qui sera confirmé par l’analyse cytochimique.
C associée à de l’amoxicilline en cas de doute sur une • Listériose neuroméningée : son traitement, on l’a vu, est
listériose. représenté par amoxicilline + gentamicine.
• Une corticothérapie par dexaméthasone est indiquée • Méningoencéphalite herpétique : le traitement par aciclovir à
en cas de méningite bactérienne. la posologie de 10 à 15 mg/kg/8 heures est maintenu pendant
• Le traitement anti-infectieux probabiliste des 15 jours.
méningites à liquide clair avec signes de gravité : • Méningite tuberculeuse : une corticothérapie (> 1 mg/kg de
prednisolone pendant plusieurs semaines) associée à une tri-
C est représenté par l’aciclovir en cas d’orientation vers
ou quadrithérapie antituberculeuse est indiquée.
une origine herpétique ;
C l’amoxicilline associée à la gentamicine doit être Étiologies rares de méningite à liquide clair
prescrite en cas de doute sur une listériose.
• Devant des signes encéphalitiques fébriles, il faut En seconde intention, il faut évoquer :
• des étiologies virales : coxsackies, échovirus, VIH, adénovirus,
évoquer la méningite herpétique.
Epstein-Barr virus, cytomégalovirus, myxovirus, arbovirus,
rage ;
• des étiologies bactériennes : tuberculose, rocky mountain
directement en réanimation dans les formes graves, ou dans la spotted fever, fièvre boutonneuse méditerranéenne, fièvre Q,
salle d’accueil des urgences vitales du service des urgences. syphilis, leptospirose, maladie de Lyme, mycoplasme, brucel-
Le purpura fulminans méningococcique réalise un tableau de lose ;
choc septique gravissime, d’évolution extrêmement rapide sur • des étiologies mycotiques : cryptococcose, coccidioïdomycose,
quelques heures. histoplasmose, blastomycose ;
• des étiologies parasitaires : cysticercose, trypanosomiase,
schistosomiase, trichinose.
Traitement curatif
Place des corticoïdes
Traitement spécifique en fonction des résultats
du LCR Chez l’adulte, une corticothérapie est indiquée dans les
méningites à pneumocoque et dans les méningites
Les résultats de l’analyse du LCR, ceux des sérologies et des
tuberculeuses.
prélèvements infectieux permettent d’adapter secondairement le
Dans les méningites bactériennes, elle permet une réduction
traitement [34, 35].
de la mortalité et des séquelles neurologiques, de manière
Méningites purulentes significative pour les méningites pneumococciques, avec peu
d’effets indésirables (saignement digestif dans 1 % des cas). La
• En présence de cocci à Gram positif en diplocoques (pneu- corticothérapie est indiquée précocement en cas de suspicion de
mocoque) : méningite bactérienne, de manière parallèle à l’instauration de
C s’il existe des signes de gravité, l’association d’une C3G l’antibiothérapie en cas de formes graves La dexaméthasone à la
(céfotaxime 200 à 300 mg/kg/j en quatre perfusions ou de dose de 10 mg 4 fois par jour pendant 2 jours doit être instituée
ceftriaxone 70 à 100 mg/kg/j en une ou deux injections) très précocement, la première injection devant même précéder
avec la vancomycine 40 à 60 mg/kg/j en quatre perfusions l’injection d’antibiotique. La corticothérapie sera stoppée en cas
d’au moins 1 heure après une dose de charge de 15mg/kg d’étiologie non pneumococcique [1, 36, 37].
est préconisée ; Dans la méningite tuberculeuse, une corticothérapie par voie
C une corticothérapie initiale (dexaméthasone 10 mg/6 h générale est indiquée. Cette corticothérapie, associée à l’antibio-
pendant 48 h) doit y être associée ; thérapie antituberculeuse (> 1 mg/kg de prednisolone pendant
C si l’évolution est favorable (ponction lombaire à 48 h et plusieurs semaines) pourrait diminuer l’importance des séquelles
clinique) et que le pneumocoque présente une concentra- neurologiques, sans preuve formelle de son efficacité.
tion minimale inhibitrice (CMI) < 0,4 mg/l, la vancomy-
cine peut être stoppée. Autres mesures
• En présence de cocci à Gram négatif diplocoques (méningo-
coque) : C3G en première intention (30 % des méningoco- Déclaration obligatoire et sujets contacts
ques ont une sensibilité diminuée à l’amoxicilline). En cas d’infection à méningocoque, la déclaration est obliga-
• En présence de bacilles à Gram négatif (Haemophilus) : C3G. toire, le sérogroupe doit être réalisé dès l’isolement, la souche
• En présence de bacilles à Gram positif ou d’examen direct doit être envoyée de façon systématique au Centre national de
négatif : possibilité d’une listériose neuroméningée : référence des méningocoques [38]. L’infection doit être signalée
C amoxicilline (200 mg/kg/j) + gentamicine (3 mg/kg/j) ; à la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales
C cotrimoxazole (6 à 8 mg/kg/j triméthoprime + 30 à (DDASS), qui évalue les mesures à prendre pour l’entourage du
40 mg/kg/j de sulfaméthoxazole) associé ou non à l’amoxi- malade et organise leur mise en œuvre. Dans tous les cas
cilline peut être une alternative thérapeutique quand il d’infections méningococciques, l’antibioprophylaxie est préco-
existe des lésions abcédées du tronc cérébral. nisée pour l’entourage proche, afin d’éviter la contagion entre
• Examen direct du LCR négatif : méningites listériennes, les individus. Une circulaire de la Direction générale de la santé
méningite bactérienne décapitée par une antibiothérapie, du 23 juillet 2002 définit les sujets contacts chez lesquels un
diagnostics différentiels. Le traitement initial est fonction de traitement préventif est nécessaire [39] (Fig. 5).

Médecine d’urgence 11
25-110-C-20 ¶ Méningite infectieuse aiguë de l’adulte : prise en charge initiale en urgence

Malade

Sujets contacts

En ville À l'hôpital En collectivité

Sujets au domicile Soignants Enfants Adultes


du malade exposés
Sujets exposés aux sécrétions
aux sécrétions rhinopharyngées
Université Travail
oropharyngées du malade
du malade (manœuvres de
réanimation) Camarades Pas de
habituels prophylaxie
Camarades habituels (sauf si cas
de jeu ou de réfectoire secondaire)
Voisins de dortoirs (internat)
Écoles primaires, Crèches, pouponnières
collèges, lycées écoles maternelles

1 cas dans la 2 cas dans 3 cas ou plus dans au moins


classe 2 classes 2 classes
Ensemble de
toute la classe les 2 classes l'établissement

Figure 5. Arbre décisionnel. Personnes concernées par la prophylaxie de la méningite à méningocoque. D’après DGS/SD5C/2002/40 du 15 juillet 2002.

Ces sujets contacts sont les personnes vivant avec la per- pneumopathie doit faire rechercher une endocardite. Les
sonne, les relations amoureuses passagères, les amis intimes. En complications intracrâniennes (hydrocéphalie, abcès, empyème,
pratique : infarcissement hémorragique, ventriculite, thrombophlébite)
• tous les enfants et le personnel de la section de la crèche, de nécessitent d’être recherchées afin de bénéficier d’un traitement
la halte-garderie ; spécifique, médical ou chirurgical.
• tous les enfants du centre aéré ayant partagé les mêmes
activités ; Traitement préventif
• les personnes ayant dormi dans la même chambre (camps de
vacances) ; Bien qu’il ne s’agisse pas stricto sensu d’une problématique
• tous les enfants et le personnel de la classe de la personne ou en urgence, les principes de la vaccination doivent être connus.
des classes de la personne si activités partagées en école
maternelle (sinon on ne traite que les voisins de classe) ; Méningocoque
• les personnes occupant les deux sièges directement voisins
La vaccination antiméningococcique ne couvre que les
avec le cas pendant plus de 8 heures en voyage en avion,
sérotypes A, C, Y et W135. La vaccination est inutile en France
train, bus...
où le type B est le plus fréquent. Elle est indiquée en cas de
Les situations à discuter sont les réunions familiales avec des
séjour en pays de haute endémie. Quand un méningocoque de
jeunes enfants, les soirées festives, les sports de combat ou
type A, C, Y et W135 est isolé chez un patient, une vaccination
collectifs avec des contacts physiques durables ou répétés.
est recommandée pour les sujets contacts.
Le traitement préventif repose sur la rifampicine pendant
48 h : 600 mg 2 fois par jour chez l’adulte ; 10 mg/kg 2 fois par
jour chez l’enfant et le nourrisson ; 5 mg/kg 2 fois par jour chez
« Haemophilus »
le nouveau-né. En cas de contre-indications (hypersensibilité, Il s’agit de la vaccination par le vaccin vis-à-vis de H.
grossesse, maladie hépatique grave, alcoolisme, porphyrie...) et influenzae type b conjugué.
de résistance à la rifampicine pour de rares souches de ménin-
gocoques, la spiramycine pendant 5 jours : 3 MUI 2 fois par Pneumocoque
jour chez l’adulte ; 75 000 UI/kg 2 fois par jour chez le nourris-
son et l’enfant. La valeur protectrice du vaccin Pneumo 23® vis-à-vis de la
En ce qui concerne les soignants au contact de ces patients, méningite à pneumocoque n’est pas connue. Chez l’enfant,
la prévention passe par l’application de l’isolement respiratoire, cette vaccination prévient la survenue des infections graves à
la chimioprophylaxie ne doit être réservée qu’aux personnels en pneumocoque. Chez les patients à risque, en particulier splé-
contact étroit avec les sécrétions bronchiques (bouche-à- nectomisés, elle est hautement recommandée.
bouche ; intubation sans protection). En 2003, la couverture sérotypique du vaccin polysaccharidi-
que 23-valent Pneumovax® était de 80 % pour les souches de
Traitement de la porte d’entrée et des complications pneumocoque isolées dans les LCR et de 89 % des souches
isolées des hémocultures. Elle était respectivement de 53 et
Il peut s’agir de la prise en charge d’un foyer infectieux
44 % pour le Prévenar®.
bactérien pleuropulmonaire (drainage d’une pleurésie puru-
lente), ORL (mastoïdite, sinusite aiguë), du traitement chirurgi- Bacille bilié de Calmette et Guérin
cal d’une brèche ostéodurale secondaire à un traumatisme
crânien ou à une intervention chirurgicale sur la base du crâne. La vaccination est obligatoire en France, elle procure une
Pour le pneumocoque, un tableau associant méningite et protection contre les formes graves de la maladie.

12 Médecine d’urgence
Méningite infectieuse aiguë de l’adulte : prise en charge initiale en urgence ¶ 25-110-C-20

■ Références
.

Amélioration des pratiques


La mise en place de programmes de formation des médecins [1] Van de Beek D, De Gans J, Tunkel AR, Wijdicks EF. Community-
permet d’améliorer les délais de prise en charge par le raccour- acquired bacterial meningitis in adults. N Engl J Med 2006;354:44-53.
cissement des délais d’administration des antibiotiques, avec par [2] Swartz MN. Bacterial meningitis: a view of the past 90 years. N Engl
exemple le passage de 60 à 18 minutes pour une série d’enfants J Med 2004;351:1826-8.
atteints de méningococcie avec purpura [40]. [3] Bactériémies et méningites à H. influenzae, L. monocytogenes, N.
Des sites web fournissent des programmes de formation des meningitidis, S. pneumoniae, S. agalactiae et S. pyogenes en France en
médecins et des familles et, en accès libre, des algorithmes pour 2001-2003. Données de fonctionnement et de surveillance du réseau
la reconnaissance précoce des infections à méningocoque, Epibac. Site InVS http://www.invs.sante.fr/surveillance/epibac/
notamment en leur apprenant le test de la vitropression (cf. default.htm.
infra Pour en savoir plus). [4] Maugein J. Observatoires régionaux du pneumocoque : surveillance
des sérotypes et de la résistance aux antibiotiques des souches de
Streptococcus pneumoniae isolées en France. Bull Epidémiol Hebd
■ Orientation du patient [5]
2003;1:6-8 (2006).
Auburtin M, Timsit JF. Méningites à pneumocoque : actualités, pers-
pectives. Réanimation 2001;10:291-301.
En présence de signes de gravité, le patient doit être admis en
[6] Quagliarello V, Scheld WM. Bacterial meningitis: pathogenesis,
réanimation, parfois directement depuis la phase pré- pathophysiology, and progress. N Engl J Med 1992;327:864-72.
hospitalière. [7] Attia J, Hatala R, Cook DJ, Wong JG. The rational clinical examination:
Dans les autres cas, les recommandations actuelles préconi- does this adult patient have meningitis? JAMA 1999;282:175-81.
sent dans le sepsis que les 90 premières minutes soient consa- [8] Newman HN. Clinical assessment of meningitidis in adults. Ann Emerg
crées aux mesures d’urgence et à une décision d’orientation des Med 2004;44:71-3.
patients. Il est important durant cette phase de se fixer des [9] Van de Beek D, De Gans J, Spanjaard L, Weisfelt M, Reitsma JB,
objectifs thérapeutiques, en particulier hémodynamiques Vermeulen M. Clinical features and prognostic factors in adults with
(pression artérielle moyenne [PAM] > 65 mmHg chez l’adulte et bacterial meningitis. N Engl J Med 2004;351:1849-59.
diurèse > 0,5 ml/kg/h) et que le réanimateur ait été averti. Tout [10] SAMU de France. Guide d’aide à la régulation au SAMU centre 15.
objectif non atteint impose l’admission secondaire dans une Paris: SFEM; 2004.
unité de réanimation comme proposé par la conférence de [11] Yung AP, McDonald MI. Early clinical clues to meningococcaemia.
consensus SFAR/SRLF d’octobre 2005. Med J Aust 2003;178:134-7.
En l’absence de signes de gravité, le passage par un service [12] Bone RC, Balk RA, Cerra FB, Dellinger EP, Fein AM, Knaus WA, et al.
d’urgence est nécessaire. Il est important, chaque fois que la Definitions for sepsis and organ failure and guidelines for the use of
personne a bénéficié d’une régulation médicale, que son accueil innovative therapies in sepsis. Chest 1992;101:1656-62.
soit préparé : préparation d’un box d’examen standard ou d’un [13] Dellinger RP, Carlet JM, Masur H, Gerlach H, Calandra T, Cohen J,
box de déchocage afin d’installer sans délai le patient. L’infir- et al. Surviving sepsis campaign guidelines for management of severe
mier organisateur de l’accueil a un rôle fondamental dans la sepsis and septic shock. Intensive Care Med 2004;30:536-55.
première estimation de la gravité, la mesure des paramètres [14] Prise en charge hémodynamique du sepsis grave. Conférence de
vitaux et l’évaluation de l’état de conscience doit être Consensus SFAR / SRLF, octobre 2005. http://www.sfmu.org/
systématique. documents/consensus/cc_sepsis-severe.pdf.
L’hospitalisation dans l’unité d’hospitalisation de courte [15] Prise en charge initiale des états septiques graves de l’adulte et de
l’enfant. Groupe Transversal Sepsis. ADARPEF, GFRUP, SAMU de
durée des urgences (UHCD) est indiquée en cas de méningite
France, SFAR, SFMU, SPILF, SRLF. 2006 http://www.
virale dans l’objectif d’une confirmation du diagnostic et de
sfmu.org/formation/consensus#cat4.
vérification d’une amélioration clinique des 24 premières
[16] Mérien D. Particularités des maladies infectieuses chez le sujet âgé.
heures, et en cas de méningite bactérienne avec troubles Presse Med 2002;31:1517-20.
modérés de la vigilance, dans le but d’une surveillance rappro- [17] Weisfelt M, van de Beek D, Spanjaard L, Reitsma JB, de Gans J.
chée avant orientation secondaire. Clinical features, complications, and outcome in adults with
L’orientation secondaire des patients sera fonction de l’évo- pneumococcal meningitis: a prospective case series. Lancet Neurol
lution, du diagnostic étiologique, de la situation locale et le 2006;5:123-9.
patient pourra être orienté vers le service de maladies infectieu- [18] Choi C. Bacterial meningitis in aging adults. Clin Infect Dis 2001;33:
ses ou un service de médecine. 1380-5.
[19] Juthani-Mehta M, Quagliarello VJ. Scoring systems for infectious
diseases: their applicability to the care of older adults. Clin Infect Dis
■ Conclusion 2004;38:692-6.
[20] Réception et régulation des appels pour les urgences médicales en
Le pronostic vital et fonctionnel des méningites graves de dehors de l’hôpital». Conférence d’experts. SAMU de France/Société
l’adulte, en particulier des méningites purulentes et de la française d’anesthésie et de réanimation. Janvier 2006 http:
méningoencéphalite herpétique, est lié à la précocité du //www.sfmu.org/documents/consensus/CE_regul-
traitement. Le raccourcissement du délai symptômes/traitement medicale_court.pdf.
représente actuellement le facteur pronostique sur lequel il est [21] Van Crevel H, Hijdra A, de Gans J. Lumbar puncture and the risk of
possible d’influer. Le diagnostic doit être évoqué rapidement herniation: when should we first perform CT? J Neurol 2002;249:
devant toute situation ou tableau clinique évocateur, mais 129-37.
également devant une forme fruste ou grave d’emblée. Il doit [22] Hasbun R, Abrahams J, Jekel J, Quagliarello VJ. Computed
conduire, au moindre doute, à une vérification du LCR, précé- tomography of the head before lumbar puncture in adults with
suspected meningitis. N Engl J Med 2001;345:1727-33.
dée d’une imagerie cérébrale en cas de signes d’encéphalite.
[23] Oliver WJ, Shope TC, Kuhns LR. Fatal lumbar puncture: fact versus
Dans ce cas, le traitement probabiliste doit être instauré avant
fiction: an approach to a clinical dilemma. Pediatrics 2003;112:174-6.
ces examens. Cette reconnaissance précoce passe par l’éducation [24] Winkler F, Kastenbauer S, Yousry TA, Maerz U, Pfister HW.
et l’information des médecins et de la population. Les données Discrepancies between brain CT imaging and severely raised
épidémiologiques fournies par les observatoires régionaux du intracranial pressure proven by ventriculostomy in adults with
pneumocoque et le réseau des biologistes concernant le niveau pneumococcal meningitis. J Neurol 2002;249:1292-7.
de résistance du pneumocoque et la fréquence relative des [25] Van de Beek D, de Gans J. Prognostic factors in adults with bacterial
différentes étiologies permettent de guider le traitement de meningitis. N Engl J Med 2005;352:950.
première intention. Le traitement préventif passe par la vacci- [26] Asseray N, Leconte C, El Kouri D, Touze MD, Struillou L, Le Conte P,
nation et le dépistage précoce des patients présentant des et al. Utilité du dosage de la CRP pour la prise en charge des infections
facteurs de risque, en particulier vis-à-vis du pneumocoque. bactériennes aux urgences. Presse Med 2005;34:561-5.

Médecine d’urgence 13
25-110-C-20 ¶ Méningite infectieuse aiguë de l’adulte : prise en charge initiale en urgence

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bacterial meningitis. Clin Infect Dis 1999;28:1313-6. 2004;4:139-43.
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procalcitonin and C-Reactive Protein levels as markers of bacterial acquired bacterial meningitis. Drugs 2006;66:415-27.
infection: a systematic review and meta-analysis. Clin Infec Dis 2004; [38] http://www.pasteur.fr/sante/clre/cadrecnr/meningo-index.html.
39:206-17. [39] Prophylaxie des infections invasives à méningocoque. Circulaire
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Marjollet O, et al. Decrease in serum procalcitonin levels over time 39:189-95.
during treatment of acute bacterial meningitis. Crit Care 2005;9: [40] Riordan F. Improving promptness of antibiotic treatment in
344-50. meningococcal disease. Emerg Med J 2001;18:162-3.
[30] Proulx N, Frechette D, Toye B, Chan J, Kravcik S. Delays in the admi-
nistration of antibiotics are associated with mortality from adult acute
bacterial meningitis. QJM 2005;98:291-8. Pour en savoir plus
[31] Le Conte P, Potel G, Baron D. Indications et modalités de
l’antibiothérapie en urgence au service des urgences. Réanimation Données de fonctionnement et de surveillance du réseau Epibac InVS. http:
2001;10:673-8. //www.invs.sante.fr/surveillance/epibac. http://www.phac-aspc.gc.ca/
[32] Heyderman RS, Lambert HP, O’Sullivan I, Stuart JM, Taylor BL, tmp-pmv/men2005_f.html.
Wall RA. Early management of suspected bacterial meningitis and Accès libre à des algorithmes pour la reconnaissance précoce des infections
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2005;31:1654-60. Circulaire du 23 juillet 2002 sur les mesures de prophylaxie dans les infec-
[34] Méningites purulentes de l’adulte. 9e Conférence de consensus en thé- tions invasives à méningocoque. http://www.invs.sante.fr/beh/
rapeutique anti-infectieuse, 1996. 2002/39/beh_39_2002.pdf.
[35] Pilly E. Maladies infectieuses et tropicales. Association des profes- Pilly E. Maladies infectieuses et tropicales. Association des professeurs de
seurs de pathologie infectieuse et tropicale; 2006. pathologie infectieuse et tropicale; 2006.

T. Desmettre (thibaut@desmettre.org).
Service d’accueil des urgences - SAMU 25, hôpital J. Minjoz, Centre hospitalier universitaire de Besançon, 1, boulevard Flemming, 25000 Besançon, France.
T. Rusterholtz.
Service de réanimation médicale, Centre hospitalier universitaire de Strasbourg, 67000 Strasbourg, France.
G. Capellier.
Service d’accueil des urgences - SAMU 25, hôpital J. Minjoz, Centre hospitalier universitaire de Besançon, 1, boulevard Flemming, 25000 Besançon, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Desmettre T., Rusterholtz T., Capellier G. Méningite infectieuse aiguë de l’adulte : prise en charge initiale
en urgence. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Médecine d’urgence, 25-110-C-20, 2007.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos / Documents Information Informations Auto-
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

14 Médecine d’urgence
¶ 17-023-A-50

Migraine
A. Ducros

La migraine est caractérisée par la survenue de crises répétées de céphalées invalidantes durant de
quelques heures à quelques jours chez un sujet par ailleurs normal. La classification de l’International
Headache Society (IHS) distingue deux variétés principales : la migraine sans aura et la migraine avec
aura, dans laquelle la céphalée est précédée ou accompagnée de symptômes neurologiques focaux et
transitoires. Les crises de migraine avec aura typique comportent des signes visuels, sensitifs et/ou
aphasiques. Dans la migraine hémiplégique, familiale ou sporadique, l’aura comporte un déficit moteur.
La migraine affecte 12 % de la population générale, avec une prépondérance féminine, et entraîne un
handicap important, avec diminution de la qualité de vie. C’est une maladie neurovasculaire sous-tendue
par une hyperexcitabilité neuronale d’origine génétique et environnementale. L’aura est en rapport avec
un dysfonctionnement transitoire cortical (dépression corticale envahissante) et la céphalée avec une
inflammation neurogène du système trigéminovasculaire. Le diagnostic est clinique, basé sur
l’interrogatoire et la normalité de l’examen clinique. Le traitement de crise vise à soulager la céphalée et
repose sur les antalgiques, les anti-inflammatoires non stéroïdiens et les antimigraineux spécifiques tels
les triptans et les dérivés ergotés. Aucun traitement ne permet d’écourter l’aura. Un traitement de fond est
proposé en cas de crises fréquentes et longues pour diminuer la fréquence des crises.
© 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Céphalée ; Migraine ; Aura ; Crise ; Dépression corticale envahissante ;


Inflammation trigéminovasculaire ; Génétique ; Traitement de crise ; Triptans ; Traitement de fond

Plan ■ Introduction
¶ Introduction 1 La migraine est une céphalée « primaire », sans lésion sous-
jacente, évoluant par crises entre lesquelles le patient est
¶ Épidémiologie 1
parfaitement bien. La classification de l’International Headache
Prévalence 1
Society (IHS) [1] distingue deux variétés principales de migraine :
Histoire naturelle 2
la migraine sans aura (MSA, auparavant dénommée migraine
Qualité de vie 2 commune) et la migraine avec aura (MA, auparavant dénommée
Comorbidités 2 migraine accompagnée ou migraine classique) dans laquelle la
¶ Physiopathologie de la migraine 3 céphalée est précédée ou accompagnée de symptômes neurolo-
Mécanismes des crises 3 giques transitoires. Le diagnostic est basé sur l’interrogatoire et
Maladie migraineuse 4 la normalité de l’examen clinique. Avec une prévalence com-
¶ Clinique 4 prise entre 10 et 15 % de la population mondiale, la migraine
Migraine sans aura 4 est l’une des affections neurologiques les plus fréquentes. Il
Migraine avec aura typique 5 existe des traitements efficaces pour soulager les crises d’une
Migraine hémiplégique familiale et sporadique 6 part et pour en diminuer la fréquence d’autre part. Cependant,
Migraine de type basilaire 7 seulement 50 % des patients consultent un médecin pour leur
Syndromes périodiques de l’enfance, précurseurs ou associés migraine et beaucoup de ceux qui consultent ne reçoivent pas
à la migraine 7 un traitement approprié.
Migraine rétinienne 7
Complications de la migraine 7
¶ Facteurs déclenchant les crises et facteurs modifiant le cours ■ Épidémiologie
de la maladie migraineuse 8
¶ Diagnostic 9 Prévalence
¶ Migraine et examens complémentaires 9
Les études épidémiologiques utilisant la classification de l’IHS
¶ Traitement 10 donnent des résultats concordants d’un pays à l’autre. La
Traitement de la crise migraineuse 10 prévalence globale de la migraine dans la population occiden-
Traitement de fond 11 tale est d’environ 12 %, [2-10] dont 6 % chez l’homme et de 15
Cas particuliers 13 à 18 % chez la femme. [11] La prévalence varie avec l’âge. Chez
¶ Addendum 13 l’enfant, elle est de 3 à 10 % et, avant 12 ans, le sex ratio est
proche de 1, avec même une discrète prépondérance masculine

Neurologie 1
17-023-A-50 ¶ Migraine

pour la MSA. [2, 6, 8] La prévalence augmente fortement chez les Trois quarts des migraineux ont déclaré réduire leurs activités
filles à la période pubertaire : de 10 à 20 % des migraineuses pour éviter certains facteurs déclenchant des crises. Ce retentis-
voient débuter les crises à cette période, ce qui conduit chez sement existe quel que soit l’âge. Ainsi, les enfants migraineux
l’adulte à un sex ratio de deux à quatre femmes pour un manquent plus souvent l’école que les enfants non migraineux,
homme. La prévalence atteint un pic autour de la quaran- que ce soit pour des crises de migraine ou pour d’autres
taine, [10] puis décroît avec l’âge dans les deux sexes. [6] Le sex pathologies. Dans une étude récente, les enfants migraineux
ratio est de 2 à l’âge de 20 ans, 3,3 à l’âge de 40 ans, puis se obtenaient de moins bons scores que des enfants non migrai-
stabilise autour de 2,5 au-delà de la ménopause. [11] En popula- neux sur des tests évaluant le fonctionnement social et
tion générale, la prévalence de la MSA (de 6 à 10 %) est plus scolaire. [23]
élevée que celle de la MA (de 3 à 6 %), et le sex ratio est de cinq La migraine a des conséquences économiques importantes
femmes pour un homme dans la MSA et de trois femmes pour pour les patients, les familles, les employeurs et le système de
deux hommes dans la MA. [11] Il faut cependant souligner que santé. [24-26] Aux États-Unis, l’estimation des coûts directs
la prévalence de la MA est diversement appréciée du fait de la médicaux se monte à 1 milliard de dollars par an et celle des
difficulté à établir un diagnostic de certitude sur la simple coûts indirects par baisse de la productivité ou arrêt de travail à
description des symptômes de l’aura. Certaines études retrou- 13 milliards de dollars par an. [25, 27] Une modélisation écono-
vent jusqu’à 30 % de MA parmi les migraineux adultes, ce qui mique des conséquences de la migraine a trouvé qu’une
est probablement surestimé, et un chiffre de 15 % est sans entreprise employant 10 000 personnes pouvait s’attendre à
doute plus proche de la réalité. Chez l’enfant, la proportion de perdre la productivité de 46 personnes-an, c’est-à-dire environ
MA par rapport à celle de la MSA est plus élevée, voisine de 35 11 048 journées de travail par an à cause de la migraine. [24] Le
à 42 %. [12-14] coût direct de la migraine en France est estimé à 1 044 millions
Les variations des taux de prévalence selon la race, la catégo- d’euros par an [28] , soit environ 1 % de la consommation
rie socioprofessionnelle et le niveau d’éducation restent des médicale totale.
sujets controversés. Contrairement à une idée très répandue, la Malgré sa fréquence élevée et le handicap qu’elle entraîne, la
migraine n’est pas l’apanage des sujets favorisés. [10] Une étude migraine est encore très mal prise en charge. Dans une étude
récente aux États-Unis a montré que la migraine était plus portant sur des enfants migraineux âgés de 3 à 11 ans, seule-
fréquente chez les sujets à revenus faibles et à niveau d’éduca- ment 11 % avaient consulté un médecin généraliste et 3,8 %
tion faible. [15] avaient été adressés à un spécialiste. [14] Les parents expliquaient
l’absence de consultation par l’ignorance du diagnostic, la
Histoire naturelle conviction qu’il n’y avait rien à faire et la crainte de voir
l’enfant utiliser ses crises pour manquer l’école. Chez l’adulte,
La migraine débute dans plus de 90 % des cas avant 50 % des migraineux ne consultent pas et pratiquent l’automé-
40 ans. [16] Un début tardif après 45 ans est possible, en dication en utilisant de manière plus ou moins adaptée les
particulier pour les auras visuelles isolées, [17] mais doit inciter nombreux antalgiques et anti-inflammatoires non stéroïdiens
à rechercher une cause de céphalée secondaire. Le début peut (AINS) en vente libre. [29]
être très précoce, dès 1 an pour certaines variétés de migraine
en particulier la migraine hémiplégique familiale (MHF), [18]
mais le diagnostic dans la petite enfance est difficile avant que Comorbidités
l’enfant ne soit en âge de s’exprimer. La migraine commence
plus tôt chez les garçons que chez les filles et la MA commence De nombreuses études ont été consacrées à l’association entre
plus tôt que la MSA. Il est fréquent d’observer des rémissions la migraine et d’autres pathologies. Les études épidémiologiques
chez l’adulte jeune, en particulier chez les hommes, qui peuvent parues avant 1998, dont beaucoup sont malheureusement
durer des années. Cependant, à l’âge de 30 ans, 60 % des entachées de biais méthodologiques importants, ont été revues
patients ayant eu des crises dans l’enfance continuent à en en détail par le groupe d’expertise collective de l’Institut
avoir. national de la santé et de la recherche médicale (INSERM). [30]
L’intensité, la fréquence et la durée des crises sont très Chez l’enfant, des associations avec le mal des transports,
variables d’un patient à l’autre et chez un même patient au l’atopie (asthme, eczéma et rhinites) et le somnambulisme ont
cours du temps. [16] La fréquence des crises varie de une ou souvent été rapportées, mais non formellement prouvées car ces
deux crises par an à deux ou trois crises par semaine. Chez 75 % études n’étaient pas méthodologiquement satisfaisantes. [30]
des migraineux, elle est comprise entre une par semaine et une Chez l’adulte, diverses études ont porté sur l’association entre
par mois. Crises de MA et de MSA peuvent se succéder chez un migraine et hypertension artérielle, coronaropathies, infarctus
même patient. Les crises de MA surviennent volontiers par cérébraux, foramen ovale perméable (FOP), épilepsie et certaines
salves sur des périodes de quelques jours ou semaines où elles pathologies psychiatriques comme la dépression et l’anxiété.
vont être quotidiennes ou pluriquotidiennes. Puis le patient L’hypertension artérielle modérée n’est pas un facteur de risque
peut rester sans crise pendant des années. Deux tiers des significatif de céphalées (migraineuses et non migraineuses). De
migraineux ont des crises qui durent moins de 24 heures, plus, la migraine semble associée à des pressions artérielles plus
probablement grâce à la prise d’un traitement de crise. Mais basses que chez les contrôles. [31] Les données actuelles ne
10 % ont des crises longues, de 48 heures ou plus. L’intensité permettent pas de retenir l’existence d’une association entre
des crises est décrite comme sévère ou très sévère par 75 % des migraine et pathologies coronaires. [30] En revanche, il a
migraineux. Chez l’enfant, les crises sont généralement plus maintenant été clairement démontré que la migraine est un
courtes et moins fréquentes. [14] facteur de risque indépendant d’infarctus cérébral. [32] La
migraine n’est pas un facteur de risque vasculaire cérébral pour
l’homme. En revanche, elle augmente le risque d’infarctus
Qualité de vie cérébral chez la femme de moins de 45 ans. [33] Ce risque est
Si le retentissement fonctionnel de la migraine est variable multiplié par trois pour la MSA et par six pour la MA. Il est
d’un patient à l’autre, plus de 85 % des migraineux estiment accru en cas de tabagisme ou de prise de contraceptifs oraux.
que leur maladie représente un handicap et 35 % le jugent Cependant, le risque absolu demeure très faible en raison de la
sévère. Un alitement est systématiquement nécessaire chez 30 à rareté de l’infarctus cérébral chez la femme jeune : 6/100 000
50 % des patients. [6] Les migraineux ont des scores significati- chez les non-migraineuses contre 19/100 000 chez les migrai-
vement plus bas que les sujets non migraineux sur toutes les neuses. Enfin, la migraine semble représenter un facteur de
échelles de qualité de vie, qu’elles évaluent le fonctionnement risque de dissection des artères cervicales. [34]
physique, social ou mental. [19, 20] La migraine est responsable Il existe une association significative entre la migraine,
d’un handicap physique comparable à celui de l’asthme, mais notamment la MA, et le FOP. D’une part, la prévalence des
avec un handicap social et émotionnel plus important. [20] shunts droite-gauche détectés par doppler transcrânien est plus
L’importance de ce retentissement est significativement associée élevée chez les patients ayant une MA (de 41 % à 48 %) que
à la fréquence des crises [21] et à l’intensité des douleurs. [22] chez les sujets contrôles (de 16 à 20 %) et les sujets atteints de

2 Neurologie
Migraine ¶ 17-023-A-50

MSA (23 %). [35, 36] D’autre part, chez les patients de moins de demeurée longtemps douteuse. [46] La dépression corticale
55 ans ayant eu un infarctus cryptogénique, la fréquence de la envahissante expérimentale correspond à une vague de dépola-
migraine est plus élevée chez ceux qui ont un FOP (27,3 %) que risation qui s’étend par contiguïté dans la substance grise
chez ceux qui n’en ont pas (14 %). [37] De plus, la prévalence cérébrale à la vitesse de 3 à 6 mm/minute. Ce phénomène
de la migraine est très élevée, comprise entre 22 et 57 % selon physiologique peut être déclenché par différentes stimulations
les études, chez des patients ayant un FOP supposé symptoma- du cortex cérébral, de la rétine ou de la moelle épinière de
tique (infarctus cérébral sans autre cause ou accident de différentes espèces animales. La dépression corticale envahis-
décompression), avec une très nette prédominance de la MA. [38, sante s’accompagne d’une interruption transitoire de l’activité
39] Enfin, deux études suggèrent que la fermeture d’un FOP neuronale (de 5 à 20 minutes). Elle est exclusivement d’origine
symptomatique entraîne une diminution de la fréquence des neuronale puisqu’elle peut apparaître en l’absence de toute
crises de MA et de MSA, mais pas des céphalées non migraineu- structure vasculaire. En revanche, elle s’accompagne de modifi-
ses. [38, 39] Ces résultats soulèvent des questions multiples cations du débit sanguin se déplaçant comme l’onde de dépo-
concernant le mécanisme de l’association entre FOP et MA, larisation dans le cortex avec hyperperfusion initiale fugace (de
ainsi que la nécessité de rechercher et peut-être de fermer un 1 à 5 minutes) suivie d’un hypodébit de 20 à 30 % pendant 60
FOP chez les patients atteints de MA. Dans un premier temps, à 90 minutes. L’aura migraineuse a pu être étudiée chez
il semble utile de valider l’association entre MA et FOP, puis de l’homme par différentes techniques d’imagerie fonctionnelle. [47]
concevoir une étude randomisée pour évaluer l’impact réel de Des stimuli inconnus déclenchent une dépolarisation neuronale
la fermeture du FOP sur la fréquence des crises, avant de corticale qui s’accompagne d’une élévation transitoire du débit
généraliser cette pratique, certes séduisante mais tout de même sanguin cérébral. Cet hyperdébit transitoire se propage à la
invasive, à tous les migraineux ayant un FOP asymptomatique vitesse de 3 à 6 mm/minute et est suivi d’une hypoperfusion
par ailleurs. qui dure plus longtemps. [48] Cette hypoperfusion est la consé-
Il existe encore peu de données fiables sur l’association entre quence d’un dysfonctionnement métabolique neuronal transi-
migraine et épilepsie. Cependant, quelques cas particuliers toire responsable des symptômes de l’aura. Le début postérieur
méritent d’être soulignés. Ainsi, certaines lésions cérébrales du phénomène et donc la plus grande fréquence des auras
comme les malformations artérioveineuses peuvent être à visuelles par rapport aux autres types d’auras seraient dus à des
l’origine à la fois de crises d’épilepsie et de crises de migraine. particularités des cellules gliales dans le cortex occipital. Enfin,
De plus, une crise comitiale peut survenir au cours d’une crise une hypoperfusion bilatérale s’étendant progressivement vers
de migraine, mais les cas sont rares et concernent la MA. Enfin, l’avant a été enregistrée chez une patiente atteinte de MSA lors
des crises de MA peuvent s’intriquer avec des crises comitiales d’une crise précédée d’un vague flou visuel. [49] Il pourrait s’agir
dans l’épilepsie à pointes-ondes occipitales chez l’enfant. [40] d’une patiente atteinte en fait de MA avec aura
Une association significative a également été établie entre la paucisymptomatique.
migraine et certains troubles psychiatriques, incluant principa-
lement l’anxiété et la dépression. [41] Céphalée : inflammation neurogène
Des associations entre migraine et lombalgies ou troubles trigéminovasculaire
gastro-intestinaux ont été rapportés, mais demandent confirma- La survenue d’une inflammation de la paroi des vaisseaux
tion par des études méthodologiquement satisfaisantes. [30] méningés est aujourd’hui communément admise pour expliquer
Enfin, il est connu depuis longtemps que des crises typiques la céphalée. Le cerveau est insensible. Seuls les gros vaisseaux
de migraine peuvent faire partie du tableau clinique de certaines intracrâniens, pie-mériens et dure-mériens peuvent envoyer des
angiopathies cérébrales chroniques telles l’angiomatose lepto- informations nociceptives. L’innervation nociceptive des
méningée de Sturge-Weber, les cytopathies mitochondriales vaisseaux méningés hémisphériques est assurée par des fibres
(myopathie, encéphalopathie, acidose lactique, accidents issues de la branche ophtalmique du trijumeau et celle des
vasculaires cérébraux [MELAS]), la maladie de Rendu-Osler et le vaisseaux de la fosse postérieure par des fibres issues de la racine
cerebral autosomal dominant arteriopathy with subcortical infarcts cervicale C2. Les deux systèmes sont interconnectés, formant le
and leukoencephalopathy (CADASIL), ou bien être déclenchées par complexe trigéminocervical. La céphalée est causée par l’activa-
l’apparition d’une lésion cérébrale telle que malformation tion du système trigéminovasculaire [18]. Lors de la céphalée
vasculaire, accident vasculaire ou tumeur. De telles crises de migraineuse, les terminaisons périvasculaires présynaptiques des
migraine sont symptomatiques des lésions cérébrales sous- neurones trigéminés sont anormalement activées. Cette activa-
jacentes, ce qui les différencie des crises de migraine qui se tion déclenche la libération de neuropeptides vasoactifs (neuro-
répètent lors de la maladie migraineuse sans cause organique peptide Y, substance P et calcitonine gene related peptide),
sous-jacente chez un sujet par ailleurs normal entre deux crises. entraînant une extravasation de protéines plasmatiques, une
dégranulation mastocytaire, une vasodilatation artérielle et une
■ Physiopathologie de la migraine libération de cytokines et médiateurs pro-inflammatoires. C’est
l’inflammation neurogène. [48] Les fibres trigéminées sont
Historiquement, de nombreuses théories se sont succédé sur stimulées par les substances algogènes libérées et conduisent
les mécanismes des crises de migraine. [42] Dans la théorie l’influx nociceptif vers le ganglion de Gasser et le noyau spinal
vasculaire, l’aura était liée directement à une vasoconstriction du trijumeau, d’où il est relayé vers le thalamus puis le cortex,
artérielle et la céphalée à une vasodilatation. Dans la théorie déclenchant la perception douloureuse. Dans le tronc cérébral,
neuronale, l’aura était liée à une dépression corticale envahis- il existe une boucle réflexe entre le trijumeau et les fibres
sante ou spreading depression de Leao, mais les mécanismes de la parasympathiques qui se projettent sur les vaisseaux méningés.
céphalée n’étaient pas expliqués. De plus, les théories précéden- Ces fibres libèrent des substances vasoactives (vasoactive intesti-
tes concernaient uniquement les mécanismes des crises et non nal peptide, monoxyde d’azote, acétylcholine) qui entraînent
pas les mécanismes de la maladie migraineuse, c’est-à-dire de la une vasodilatation avec augmentation du débit sanguin et
répétition chez un patient de crises pendant une certaine entretiennent l’inflammation périvasculaire.
période de sa vie. La théorie actuelle intègre les données les plus La sérotonine (5-hydroxytryptamine, 5-HT) est impliquée
récentes : la migraine est une maladie neurovasculaire [43] sous- dans les crises de migraine, mais il faut la considérer comme un
tendue par une susceptibilité génétique complexe. [44, 45] « acteur » et non pas une « cause ». [42] Au début d’une crise, il
se produit une libération soudaine et massive de 5-HT dans le
système nerveux central, dont les conséquences exactes sont
Mécanismes des crises inconnues. Les récepteurs sérotoninergiques sont impliqués
dans le contrôle de l’activation trigéminovasculaire et l’étude
Aura : dépression corticale envahissante des propriétés pharmacologiques des antimigraineux de crise
L’hypothèse d’une vague de dépression électrique progressant souligne l’intérêt de ce modèle expérimental. Les triptans ainsi
lentement à la surface du cortex cérébral à l’origine de l’aura que les ergotés sont des agonistes des récepteurs sérotoninergi-
migraineuse est ancienne, mais son existence chez l’homme est ques 5HT1B, 5HT1D et 5HT1F qui induisent une vasoconstriction

Neurologie 3
17-023-A-50 ¶ Migraine

cérébrale via les récepteurs 5HT1B des grosses artères intracrâ- Susceptibilité génétique
niennes et méningées, une inhibition de la libération de
De nombreuses études épidémiogénétiques ont démontré
neuropeptides algogènes via les récepteurs 5HT1D et 5HT1F des
l’existence de facteurs génétiques dans la migraine. [44, 45] La
afférences trigéminées périvasculaires, et une inhibition centrale
migraine est une maladie complexe faisant intervenir une part
via les récepteurs 5HT1D et 5HT1F de la partie caudale du noyau
de facteurs génétiques, plus importants dans la MA que dans la
spinal du trijumeau. [43] MSA, et une part de facteurs environnementaux. [54-56] La MA
Il est possible de déclencher l’activation trigéminovasculaire et la MSA sont polygéniques, c’est-à-dire que plusieurs muta-
chez l’animal par diverses méthodes : stimulation électrique, tions dans plusieurs gènes différents sont nécessaires chez le
injection de sang sous-arachnoïdienne. Des résultats récents même individu pour que le phénotype migraineux s’exprime.
chez le rat suggèrent qu’une dépression corticale envahissante La MHF est la seule variété de migraine monogénique, autoso-
serait susceptible de déclencher le processus d’inflammation mique dominante. [18] Deux gènes de la MHF sont connus et
neurogène en libérant un certain nombre de substances (potas- codent pour des canaux ioniques. CACNA1A, localisé sur le
sium, ions H+, monoxyde d’azote, adénosine, acide arachidoni- chromosome 19, code pour la sous-unité principale d’un canal
que, glutamate) dans l’espace extracellulaire qui diffuseraient calcique neuronal. [57] ATP1A2, localisé sur le chromosome 1,
vers les vaisseaux pie-mériens recouvrant le cortex et active- code pour une pompe sodium/potassium ATP-dépendante
raient les fibres trigéminées périvasculaires. [50] Ceci expliquerait exprimée dans la glie chez l’adulte. [58] Les mutations de
le déroulement des crises de MA, mais les déclencheurs de cette CACNA1A identifiées dans la MHF modifient la densité ainsi
activation chez l’homme lors de la crise de MSA restent que les propriétés d’inactivation des courants calciques et
inconnus. changent le seuil d’excitabilité du neurone. Les mutations de la
pompe sodium/potassium identifiées dans la MHF pourraient
entraîner par des mécanismes différents une perturbation de
Maladie migraineuse l’excitabilité neuronale. [59] Diverses études ont montré que
CACNA1A n’était pas un gène de susceptibilité majeur pour les
Les travaux les plus récents s’attachent à expliquer le déclen- variétés plus habituelles de migraine. Les études concernant
chement répété des crises chez le migraineux. Il existe actuelle- l’implication d’ATP1A2 dans la MA et la MSA sont en cours.
ment deux courants : les partisans de la théorie anatomique Plusieurs autres loci de susceptibilité ont été identifiés. Trois
dans laquelle un « générateur » de la migraine situé dans le analyses de liaison conduites chacune dans un grand nombre de
tronc cérébral expliquerait la répétition des crises et les partisans familles atteintes de MA ont permis récemment de localiser trois
de la théorie neurophysiologique dans laquelle la maladie loci de susceptibilité : le premier en 4q24 (sur 50 familles
migraineuse serait le résultat d’un état d’hyperexcitabilité finlandaises), [60] le second en 11q24 (sur 43 familles canadien-
cérébrale. Cette dernière hypothèse est sous-tendue par un nes) [61] et le dernier en 15q11-q13 (sur dix familles italien-
faisceau d’arguments qui montrent que le cerveau du migrai- nes). [62] Une importante analyse de liaison dans un groupe de
neux n’est pas le même que celui du non-migraineux. En effet, 289 patients islandais atteints de MSA a mis en évidence un
d’après les études électrophysiologiques les plus récentes, [51] il locus de susceptibilité en 4q21. [63] Une étude a suggéré
existe chez les migraineux une hyperesthésie sensorielle, une l’existence d’un locus de susceptibilité en 19p13, distinct de
réactivité électroencéphalographique amplifiée à la stimulation CACNA1A, [64] avec par la suite mise en évidence d’une associa-
lumineuse intermittente, une amplitude accrue de la vitesse de tion entre la migraine et plusieurs polymorphismes du gène du
conduction nerveuse et des potentiels évoqués visuels, une récepteur à l’insuline. [65] Ce résultat n’a jamais été confirmé.
sensibilité aux stimulations visuelles linéaires et un seuil abaissé D’autres études portant chacune sur une seule famille ont
à la stimulation magnétique intracrânienne. Les bases molécu- suggéré l’existence d’autres loci de susceptibilité à la migraine :
laires de cette hyperexcitabilité sont probablement de nature 1q31, [66] 6p12.2-p21.1, [67] 14q21.2-q22.3, [68] et Xq24-q28. [69]
génétique. Les gènes impliqués ne sont pas encore connus. Enfin, plusieurs
associations ont été trouvées entre des polymorphismes de
Théorie anatomique : un générateur dans le tronc différents gènes candidats et la migraine, mais la significativité
cérébral de ces résultats reste incertaine. [44, 45]
Découvrir que la MHF était une canalopathie a constitué une
L’idée de l’existence d’un « générateur » de la migraine dans étape capitale dans la compréhension des mécanismes de la
le tronc cérébral repose sur la mise en évidence en tomographie migraine. Les canalopathies neuronales ou musculaires sont des
par émission de positons chez des patients en crise de MSA affections héréditaires par mutations de différents gènes codant
d’une zone d’activation spécifique dans le tronc cérébral. [52, 53] pour des canaux ioniques. Elles incluent les ataxies épisodiques,
En effet, il existe lors de la crise une augmentation modérée du les paralysies périodiques, certaines formes d’épilepsies et la
débit sanguin cérébral dans le cortex cingulaire, auditif et visuel MHF. Leur caractéristique essentielle est leur évolution paroxys-
associatif, disparaissant après administration de sumatriptan par tique. La MA et la MSA, comme la MHF, évoluent par crises
voie sous-cutanée et interprétée comme reflétant la douleur, la entièrement réversibles. Il pourrait exister dans la MA et la MSA
photo- et la phonophobie. Mais surtout, il existe une augmen- un dysfonctionnement d’origine génétique de certains canaux
tation du débit sanguin dans le tronc cérébral dans une zone ioniques, entraînant une hyperexcitabilité neuronale faisant le
spécifique du mésencéphale, à proximité du raphé et du locus lit des crises. Seule l’identification des gènes de la MA et la MSA
coeruleus, persistant après sumatriptan. Cette zone anatomique permettra de confirmer cette hypothèse.
diffère de celle qui s’active lors des crises d’algie vasculaire de
la face. [52] Cette anomalie est interprétée comme reflétant le
processus migraineux lui-même qui reste actif même après ■ Clinique
disparition de la céphalée grâce au sumatriptan. [53] Le lien entre
La classification de l’IHS permet de classer les crises et non
cette activation dans le tronc cérébral et les symptômes de la
pas les patients. [1] Cinq crises sont nécessaires pour faire un
crise migraineuse n’est pas encore compris. Certains auteurs
diagnostic de MSA alors que deux crises sont suffisantes pour
émettent l’hypothèse que cette augmentation de débit sanguin
faire un diagnostic de MA.
cérébral reflèterait l’existence chez les migraineux d’une
dysfonction des noyaux sérotoninergiques et noradrénergiques
du tronc cérébral qui modulent les informations sensitives et Migraine sans aura
projettent des efférences neuronales sur les vaisseaux sensibles C’est la plus fréquente des migraines. Les critères de l’IHS qui
intracrâniens. L’hypothèse d’une dysfonction d’un ou plusieurs la définissent sont indiqués dans le Tableau 1. La crise est
canaux ioniques dans certains noyaux du tronc cérébral a souvent précédée de prodromes durant quelques heures à
également été émise [43] pour tenter de regrouper les données 24 heures : troubles de l’humeur, irritabilité, asthénie, somno-
concernant ce générateur et les données sur la génétique de la lence, bâillement, tendance dépressive ou au contraire euphori-
migraine. que, sensation de faim ou constipation. [70] La céphalée peut

4 Neurologie
Migraine ¶ 17-023-A-50

Tableau 1. Tableau 2.
Critères de diagnostic de la migraine sans aura selon l’International Critères de diagnostic de la migraine avec aura typique selon
Headache Society (IHS). l’International Headache Society.
1.1 Migraine avec aura 1.2.1 Aura typique avec céphalée migraineuse
A. Au moins cinq crises répondant aux critères B-D A. Au moins deux crises répondant aux critères B-D
B. Crises de céphalées durant 4 à 72 heures (sans traitement) B. L’aura comprend au moins un des symptômes suivants mais pas de
C. Céphalées ayant au moins deux des caractéristiques suivantes : déficit moteur :
- unilatérale 1. symptômes visuels entièrement réversibles incluant des
phénomènes positifs (par exemple, lumières, taches ou lignes
- pulsatile
scintillantes) et/ou négatifs (perte de vision)
- modérée ou sévère
2. symptômes sensitifs entièrement réversibles incluant des
- aggravée par les efforts physiques de routine (monter les escaliers)
phénomènes positifs (fourmillements) et/ou négatifs
D. Durant la céphalée, au moins l’un des caractères suivants: (engourdissement)
- nausées et/ou vomissements 3. troubles du langage de nature dysphasique entièrement
- photophobie et phonophobie réversibles
E. Au moins un des caractères suivants : C. Au moins deux des caractéristiques suivantes :
- l’histoire, l’examen physique et neurologique ne suggèrent pas de 1. symptômes visuels homonymes et/ou symptômes sensitifs
désordre organique (céphalées symptomatiques des groupes IHS 5 unilatéraux
à 11) 2. au moins un symptôme de l’aura se développe progressivement
- ou bien celui-ci est écarté par la neuro-imagerie ou tout autre en 5 minutes ou plus et/ou les différents symptômes de l’aura
procédé de laboratoire surviennent successivement en au moins 5 minutes
- ou bien un désordre organique existe mais les crises migraineuses 3. chaque symptôme dure entre 5 et 60 minutes
ne sont pas apparues pour la première fois en liaison temporelle D. Céphalée satisfaisant les critères B-D de la migraine sans aura (1.1) et
avec celui-ci débutant pendant l’aura ou dans les 60 minutes suivant l’aura
E. Non attribué à une autre affection (identique à critère E de la migraine
sans aura 1.1)
1.2.2 Aura typique avec céphalée non migraineuse
débuter à n’importe quel moment et atteint son maximum en
quelques heures. Un début nocturne ou au petit matin est A. Au moins deux crises répondant aux critères B-D
classique, et le patient se réveille alors avec une crise déjà B. Identique à 1.2.1
intense et qui est souvent plus difficile à soulager que les crises C. Identique à 1.2.1
à début diurne. La céphalée est souvent unilatérale, mais peut D. Céphalée ne satisfaisant pas les critères B-D de la migraine sans aura
être bilatérale d’emblée. Elle peut débuter d’un côté et rester (1.1) et débutant pendant l’aura ou dans les 60 minutes suivant l’aura
unilatérale tout au long de la crise, ou bien changer de côté, ou E. Non attribué à une autre affection (identique à critère E de la migraine
encore devenir bilatérale en cours de crise. [16] Certains patients sans aura 1.1)
ont des céphalées toujours du même côté, ce qui ne doit pas 1.2.3 Aura typique sans céphalée
inquiéter si les crises sont par ailleurs typiques. Le siège de la A. Au moins deux crises répondant aux critères B-D
douleur est variable : souvent temporal, il peut être orbitaire,
B. Identique à 1.2.1
pariétal, occipital. Chez certains patients, la douleur concerne
C. Identique à 1.2.1
préférentiellement la face, les mâchoires ou les dents (migraine
« faciale »). Une irradiation au cou et aux épaules peut s’obser- D. Absence de céphalée pendant l’aura ou dans les 60 minutes suivant
ver. La céphalée est souvent pulsatile, parfois seulement lors des l’aura
efforts. Elle peut aussi être continue, lancinante, à type de E. Non attribué à une autre affection (identique à critère E de la migraine
serrement ou d’écrasement. Dans la majorité des cas, elle est sans aura 1.1)
aggravée par l’activité physique minime comme la montée des
escaliers ou les mouvements de la tête. Son intensité est
variable. Elle est décrite comme forte ou très forte par plus de Migraine avec aura typique
75 % des patients. Les nausées accompagnent la céphalée dans
près de 90 % des cas. [71] Les vomissements sont moins fré- La MA est plus rare que la MSA. Selon les critères de l’IHS, il
quents, mais sont considérés comme très invalidants. Ces signes suffit de deux crises pour qu’un patient soit classé comme
digestifs font souvent parler à tort de « crise de foie » ou atteint de MA. [1] Certains patients ont une MA « pure » et n’ont
d’intoxication alimentaire. Enfin, le patient en crise est gêné par jamais de crise de MSA. D’autres patients ont les deux types de
la lumière (photophobie), le bruit (phonophobie) et les odeurs crises. L’aura est un trouble neurologique focal et transitoire qui
(osmiophobie). D’autres signes sont parfois rapportés : pâleur ou dure en moyenne de 10 à 30 minutes (de 5 minutes à 1 heure
rougeur du visage, saillie anormale des vaisseaux temporaux selon les critères de l’IHS) et précède le plus souvent la céphalée.
superficiels du côté de l’hémicrânie, obstruction nasale ou Dans la MA typique, l’aura comporte des troubles visuels, des
rhinorrhée, larmoiement uni- ou bilatéral, et parfois ptosis avec troubles sensitifs et/ou des troubles du langage (Tableau 2). La
myosis (signe de Claude Bernard-Horner) du côté de la douleur. céphalée s’installe le plus souvent lors de la disparition des
Enfin, divers symptômes peu spécifiques accompagnent fré- troubles neurologiques ou après un intervalle libre qui ne
quemment la céphalée : somnolence, irritabilité, asthénie dépasse pas 1 heure. Beaucoup plus rarement, la céphalée
intense, état dépressif transitoire, manque de concentration, s’installe avant ou en même temps que l’aura. Les symptômes
impression d’instabilité souvent décrite par le patient comme de l’aura s’installent et progressent lentement, dans le temps et
un vertige et vision floue. Une fièvre peut être observée chez dans l’espace, sur quelques minutes à quelques dizaines de
l’enfant. [72] La crise dure de quelques heures à quelques jours minutes : c’est la marche migraineuse, qui est un des éléments
(de 4 à 72 heures selon les critères de l’IHS). [1] Elle peut se clés du diagnostic. Rarement, l’aura s’installe brutalement en
terminer avec le sommeil, ce qui est fréquent chez l’enfant, ou quelques secondes ou rapidement en moins de 5 minutes.
persister au réveil. Certaines crises peuvent exceptionnellement
se prolonger au-delà de 72 heures. Le lendemain de la crise,
Aura typique
certains patients se sentent en pleine forme, alors que d’autres Les auras visuelles sont les plus fréquentes. D’une part, la MA
ressentent une asthénie qui peut durer plusieurs jours. [73] Chez visuelle isolée, auparavant appelée migraine ophtalmique, est la
la majorité des patients, les crises sont variables, qu’il s’agisse de forme la plus fréquente de MA, touchant 64 % des patients
l’intensité, du siège ou du type de la douleur, des signes atteints de MA. D’autre part, 99 % des auras comportent des
associés, de la durée de la crise et de son horaire de survenue. signes visuels qui inaugurent généralement la crise et peuvent

Neurologie 5
17-023-A-50 ¶ Migraine

être suivis par une aura sensitive (31 % des patients), et plus Tableau 3.
rarement aphasique (18 %). [74] La présence d’un déficit moteur Critères de diagnostic de la migraine hémiplégique selon l’International
doit faire porter un diagnostic de migraine hémiplégique Headache Society.
sporadique ou de MHF. 1.2.4 Migraine hémiplégique familiale
Les manifestations visuelles les plus fréquentes sont le
A. Au moins deux crises répondant aux critères B-D
scotome scintillant et les phosphènes. [75] Le scotome scintillant
est un point lumineux et scintillant qui apparaît au centre du B. L’aura comprend un déficit moteur entièrement réversible et au
champ visuel et s’étend par un seul de ses côtés vers la périphé- moins un des symptômes suivants :
rie, respectant une topographie hémianopsique. Le bord du 1. symptômes visuels entièrement réversibles incluant des
scotome a un aspect brillant parfois éblouissant. Il est souvent phénomènes positifs (par exemple, lumières, taches ou lignes
formé de lignes brisées ou zigzags, [17] dont la forme rappelle les scintillantes) et/ou négatifs (perte de vision)
lignes de fortification à la Vauban. Il scintille à une fréquence 2. symptômes sensitifs entièrement réversibles incluant des
évaluée entre huit et dix éclairs par seconde. Ce scintillement phénomènes positifs (fourmillements) et/ou négatifs
persiste les yeux fermés. Alors que cette ligne progresse vers la (engourdissement)
périphérie en 5 à 30 minutes, elle laisse derrière elle un scotome 3. troubles du langage de nature dysphasique entièrement
aveugle, gênant plus ou moins la vision. En général, la vision réversibles
redevient normale du centre vers la périphérie. Certaines C. Au moins deux des caractéristiques suivantes :
variantes sont possibles : coloration en arc-en-ciel, aspect 1. au moins un symptôme de l’aura se développe progressivement
enflammé, fragmentation de la ligne ou début à la périphérie. en 5 minutes ou plus et/ou les différents symptômes de l’aura
Le scotome peut aussi être à cheval sur les deux hémichamps et, surviennent successivement en au moins 5 minutes
au maximum, constituer une amaurose totale. 2. chaque symptôme dure entre 5 minutes et 24 heures
Les phosphènes sont des phénomènes visuels positifs à type 3. une céphalée satisfaisant aux critères B-D de la migraine sans aura
de taches lumineuses et scintillantes, zigzags, boules, étoiles ou (1.1) débute pendant l’aura ou dans les 60 minutes suivant le
flashes répétés, de taille et de nombre variables, fixes ou début de l’aura
mobiles, extensives ou non. Ils ont habituellement une topo- D. Au moins un apparenté au premier ou au second degré a des crises
graphie latérale homonyme, mais affectent parfois l’ensemble satisfaisant à ces critères A-E
du champ visuel ou se déplacent d’un champ visuel à l’autre. E. Non attribué à une autre affection (identique à critère E de la migraine
Ils précèdent souvent la survenue d’un scotome scintillant sans aura 1.1)
typique. Ils persistent les yeux fermés.
1.2.5 Migraine hémiplégique sporadique
Les manifestations visuelles purement déficitaires ne sont pas
exceptionnelles. Souvent simple vision floue, comme à travers A. Au moins deux crises répondant aux critères B-D
un verre dépoli ou un rideau de fumée ou d’eau, il peut aussi B. Identique à 1.2.4 Migraine hémiplégique familiale
s’agir d’une hémianopsie latérale homonyme complète, de C. Identique à 1.2.4 Migraine hémiplégique familiale
survenue en général progressive, mais parfois brutale. Dans ce D. Aucun apparenté au premier ou au second degré n’a de crise
cas et s’il s’agit du premier épisode, le diagnostic différentiel satisfaisant à ces critères A-E
entre une aura migraineuse et un accident ischémique transi- E. Non attribué à une autre affection (identique à critère E de la migraine
toire n’est pas possible. Parfois, l’aura visuelle peut comporter sans aura 1.1)
une cécité corticale totale. Des troubles de la perception et des
hallucinations visuelles complexes peuvent également survenir,
surtout chez l’enfant : métamorphopsie, inversion des images, aux symptômes de l’aura, elle est quasi pathognomonique de la
micro- ou macropsie, polyopsie, persévération visuelle des migraine, signant une souffrance bilatérale. Son intensité et sa
objets, vision en mosaïque, etc. Les hallucinations visuelles durée sont variables, mais souvent moindres que dans les crises
élaborées sont exceptionnelles. de MSA. Les nausées et les vomissements sont plus rares que
La topographie des troubles visuels est homonyme. Elle peut dans la MSA. [16] Chez certains patients, la céphalée se résume
toucher un ou les deux hémichamps latéraux. Lorsqu’elle a une à une simple gêne pendant 1 ou 2 heures. La nouvelle classifi-
topographie unilatérale homonyme, le patient croit souvent que cation de l’IHS retient trois variétés de MA typique selon les
le trouble visuel ne touche qu’un seul œil. Il faut lui demander caractères de la céphalée (Tableau 2) : soit la céphalée répond
de fermer alternativement un œil puis l’autre lors de sa pro- aux critères diagnostiques de la MSA et il s’agit d’une aura
chaine aura, afin qu’il puisse constater que le trouble visuel typique avec céphalée migraineuse (code IHS 1.2.1), soit la
touche le même hémichamp pour les deux yeux. Exceptionnel- céphalée ne répond pas à ces critères et il s’agit d’une aura
lement, l’aura visuelle est vraiment monoculaire, chez un typique avec céphalée non migraineuse (code 1.2.2). Enfin, en
patient qui a fermé alternativement chaque œil durant une l’absence de toute céphalée, il s’agit d’une aura typique isolée
crise. Il s’agit alors de migraine rétinienne. (code 1.2.3). Les différents types de crises peuvent alterner chez
Les auras sensitives comportent des sensations de fourmille- un même patient. [74, 76] Environ 4 à 6 % des patients atteints
ment et d’engourdissement, le plus souvent unilatérales et de MA ont exclusivement des auras sans céphalée. [17, 74, 76]
parfois bilatérales. [74] Les paresthésies commencent le plus
souvent à la main, puis remontent le long de l’avant-bras
jusqu’au coude et passent ensuite à l’hémiface homolatérale
Migraine hémiplégique familiale
avec une prédilection pour le contour des lèvres, la langue et les et sporadique
joues. L’atteinte du tronc ou du membre inférieur est beaucoup Il s’agit d’une MA caractérisée par la survenue d’une hémipa-
plus rare. Les auras aphasiques comportent un trouble du résie ou d’une hémiplégie lors de l’aura (Tableau 3). [18] Ce
langage souvent difficile à caractériser, mais altérant l’expression déficit moteur est toujours associé à d’autres manifestations,
plus que la compréhension : ralentissement de la fluence avec par ordre de fréquence : des troubles sensitifs homolaté-
verbale, dysarthrie, manque du mot, parfois mutisme. Les auras raux, des troubles du langage (aphasie et/ou dysarthrie) et des
sensitives pures ou aphasiques pures sont exceptionnelles. [74] troubles visuels (hémianopsie latérale homonyme, phosphènes
Les symptômes de l’aura peuvent changer d’une crise à l’autre ou scotome scintillant). [77] Le déficit moteur est le plus souvent
chez un même patient. modéré mais peut être massif. L’aura dure 1 ou 2 heures en
moyenne, mais cette durée peut varier de quelques minutes à
Céphalée lors des crises de migraine avec aura plusieurs jours (de 5 minutes à moins de 24 heures selon l’IHS).
typique L’aura est généralement suivie d’une céphalée migraineuse ou
La céphalée suit habituellement les symptômes de l’aura, soit non migraineuse, mais des auras hémiplégiques sans céphalée
immédiatement, soit après un intervalle de moins de 1 heure. sont possibles. Des crises inquiétantes et très sévères avec aura
Lorsqu’elle est unilatérale, elle siège le plus souvent du côté prolongée (plusieurs semaines), troubles de la conscience allant
opposé aux symptômes de l’aura. Lorsqu’elle est homolatérale jusqu’au coma et parfois fièvre élevée surviennent chez 40 %

6 Neurologie
Migraine ¶ 17-023-A-50

Tableau 4. Tableau 5.
Critères de diagnostic de la migraine de type basilaire selon l’International Critères de diagnostic de la migraine chronique selon l’International
Headache Society. Headache Society.
1.2.6 Migraine de type basilaire 1.5.1 Migraine chronique
A. Au moins deux crises répondant aux critères B-D A. Céphalée satisfaisant les critères C et D pour la migraine sans aura
B. L’aura comprend au moins un des symptômes suivants, entièrement (1.1) survenant au moins 15 j/mois depuis plus de 3 mois
réversibles, mais pas de déficit moteur : B. Non attribuée à une autre affection (identique à critère E de la
1. dysarthrie migraine sans aura 1.1)
2. vertige
3. acouphène
4. hypoacousie Il s’agit plutôt d’un déficit visuel en quadrant ou altitudinal, ou
5.diplopie d’une cécité monoculaire transitoire, assez souvent accompagné
6. symptômes visuels affectant à la fois le champ nasal et le champ de phosphènes brillants. D’après la classification de l’IHS, le
temporal des deux yeux diagnostic ne peut être retenu que si le trouble visuel monocu-
7. ataxie
laire est suivi d’une céphalée migraineuse typique. [1] Par
ailleurs, il est nécessaire d’avoir éliminé les autres causes de
8. baisse de la conscience
cécité monoculaire transitoire par des investigations
9. paresthésies bilatérales simultanées appropriées.
C. Au moins deux des caractéristiques suivantes :
1. au moins un symptôme de l’aura se développe progressivement
en 5 minutes ou plus et/ou les différents symptômes de l’aura Complications de la migraine
surviennent successivement en au moins 5 minutes
La nouvelle classification de l’IHS retient cinq complications
2. chaque symptôme dure entre 5 et 60 minutes
possibles.
D. Céphalée satisfaisant les critères B-D de la migraine sans aura (1.1) et
débutant pendant l’aura ou dans les 60 minutes suivant l’aura
Migraine chronique
E. Non attribuée à une autre affection (identique à critère E de la
migraine sans aura 1.1) La migraine chronique est une nouvelle entité de la classifi-
cation de l’IHS 2004 (Tableau 5). [1] Elle reste controversée. Il
s’agit d’une complication de la MSA : elle survient chez des
des patients. [77] Il existe des migraines hémiplégiques sporadi- sujets ayant eu pendant un certain temps des crises de MSA
ques (code IHS 1.2.5) et des MHF (code 1.2.4), héritées selon un (code 1.1) et dont la fréquence des crises a augmenté pour
mode de transmission autosomique dominant. [1] Le diagnostic dépasser 15 jours par mois depuis au moins 3 mois. Cette
de MHF est porté lorsqu’un antécédent familial identique est migraine chronique fait partie du cadre nosologique des
observé parmi les apparentés au premier ou au second degré du céphalées chroniques quotidiennes (CCQ). Il peut sembler
cas index. Ces crises de migraine hémiplégique soulèvent des surprenant d’avoir créé cet item de migraine chronique alors
difficultés diagnostiques, notamment chez les cas sporadiques, que la caractéristique principale de la migraine est une évolu-
lors des premières crises chez les cas familiaux ou encore lors tion par crises entre lesquelles le sujet est parfaitement bien. De
des crises sévères, et nécessitent la pratique d’examens complé- nombreuses études ont montré l’existence d’un sous-groupe de
mentaires : imagerie cérébrale, électroencéphalogramme, migraineux chez qui les crises deviennent au fil des années de
exploration cervicale ultrasonore et/ou ponction lombaire selon plus en plus fréquentes, aboutissant à une CCQ. [16] La céphalée
les cas, pour éliminer une autre étiologie. Un diagnostic tend alors à perdre son caractère paroxystique, même s’il n’a
génétique est possible car deux gènes sont connus, mais ce jamais été démontré que cela était toujours le cas. Dans 80 %
diagnostic n’a de valeur que s’il est positif. des cas environ, il existe un abus médicamenteux de traitements
de crise. Dans 20 % des cas, il n’y a pas de véritable abus
médicamenteux et la céphalée migraineuse est le plus souvent
Migraine de type basilaire intriquée à une céphalée de tension chronique, à une céphalée
Dans cette variété rare de MA, les symptômes neurologiques secondaire à une dépression plus ou moins masquée, voire à
transitoires indiquent un dysfonctionnement du tronc cérébral, une céphalée secondaire. En pratique, la migraine chronique est
du cervelet ou des deux lobes occipitaux (Tableau 4). [1] S’il donc une MSA qui survient plus de 15 jours par mois en
existe un déficit moteur uni- ou bilatéral, il s’agit selon la l’absence d’abus médicamenteux, de céphalée de tension, de
classification de l’IHS d’une migraine hémiplégique. Les pre- dépression ou de cause de céphalée organique. Les cas de
mières crises de migraine de type basilaire soulèvent des migraine chronique sont probablement très rares.
difficultés diagnostiques et nécessitent la pratique d’examens Chez un migraineux en abus médicamenteux, c’est cet abus
complémentaires pour éliminer une autre étiologie. qui est la cause la plus probable de l’aggravation et du passage
à la chronicité des céphalées. L’apparition de CCQ par abus
Syndromes périodiques de l’enfance, médicamenteux est un phénomène fréquent qui touche de 2 à
5 % des migraineux. Chez un patient souvent anxieux ou
précurseurs ou associés à la migraine déprimé, les crises de migraine augmentent ou s’intriquent à des
Certains syndromes survenant par crises sont des précurseurs céphalées de tension épisodiques. Le patient prend ses traite-
possibles de la migraine ou peuvent alterner avec des crises de ments de crise de plus en plus souvent, dès la moindre céphalée
migraine chez l’enfant : les vomissements cycliques (« crises de peur de la sentir augmenter, voire préventivement, puis
d’acétone »), [78] les douleurs abdominales récurrentes quotidiennement. Cet abus est à l’origine d’une accoutumance :
(« migraine abdominale ») [79] et le vertige paroxystique bénin les traitements de crise deviennent de moins en moins efficaces
de l’enfance. [80] En l’absence de marqueur diagnostique au fur et à mesure que le patient multiplie les prises et associe
objectif, ces différents diagnostics ne doivent être retenus différents médicaments. L’abus médicamenteux peut s’observer
qu’après avoir éliminé les autres étiologies possibles par des avec tous les traitements de crise : antalgiques simples, opiacés,
investigations appropriées. [1] AINS, triptans et ergot de seigle. Les mécanismes sont mal
connus et associent probablement des phénomènes chimiques
dans les circuits centraux de la douleur et des phénomènes
Migraine rétinienne psychologiques (perte de contrôle). Les traitements de fond sont
Dans cette variété exceptionnelle et débattue de migraine, le généralement inefficaces. La seule solution est le sevrage total
trouble visuel est purement monoculaire. [81] Ces crises ne en traitement de crise, soit en ambulatoire, soit en
réalisent qu’exceptionnellement l’aspect du scotome scintillant. hospitalisation.

Neurologie 7
17-023-A-50 ¶ Migraine

Tableau 6. de certains symptômes de l’aura, en l’absence d’autre cause


Critères de diagnostic de l’infarctus migraineux selon l’International après des investigations étiologiques extensives et répétées,
Headache Society. comprenant au moins un échodoppler cervical, une angiogra-
1.5.4 Infarctus migraineux
phie (par IRM ou conventionnelle), une échographie cardiaque
transthoracique et transœsophagienne, et la recherche d’anti-
A. Chez un sujet atteint de migraine avec aura (l’un des sous-types 1.2),
corps antiphospholipides. Ainsi définis, les infarctus migraineux
une crise de migraine avec aura identique aux précédentes survient et
concernent souvent le territoire de l’artère cérébrale postérieure,
un ou plusieurs symptômes de l’aura persistent au moins 60 minutes
avec une hémianopsie ou une quadranopsie séquellaire. Ils
B. La neuro-imagerie démontre un infarctus dans une aire compatible
pourraient être dus à une hypoperfusion de sévérité inhabituelle
C. Les autres causes d’infarctus ont été éliminées par les explorations durant l’aura ; les mécanismes précis restent inconnus.
appropriées
Crise d’épilepsie déclenchée par une aura
migraineuse
État de mal migraineux D’après la classification de l’IHS, [1] cette complication ne
Il s’agit d’une crise de MSA caractérisée à la fois par une concerne que la MA : une crise d’épilepsie généralisée ou
intensité sévère et par une durée sans rémission de plus de partielle survient pendant une aura typique ou moins de
72 heures survenant chez un patient atteint jusque-là de MSA 1 heure après la fin de celle-ci. Cette complication est
typique. [1] La céphalée peut s’accompagner de vomissements exceptionnelle.
répétés et d’une déshydratation. Cette complication est souvent Chez l’enfant, l’épilepsie à pointes-ondes occipitales est
favorisée par l’existence d’un abus médicamenteux qu’il souvent associée à des crises de MA visuelle. Les crises d’épilep-
convient de rechercher par l’interrogatoire. sie partielle ou généralisée sont souvent chronologiquement
liées aux crises de MA visuelle, dans un ordre variable, mais
Aura persistante sans infarctus chaque type de crise peut aussi survenir isolément. [85] Le
diagnostic se fait sur l’électroencéphalogramme intercritique qui
Chez un patient atteint de MA typique, il peut arriver qu’une
montre des pointes ou des pointes-ondes occipitales disparais-
aura persiste plus de 60 minutes. Dans la nouvelle classification
sant à l’occlusion des yeux.
de l’IHS, les migraines avec aura prolongée de 1 heure à moins
de 1 semaine doivent être classées à l’item 1.6.2. « migraine Autres complications
avec aura probable ». [1] Le nouvel item 1.5.3 « aura persistante
sans infarctus » doit être utilisé lorsqu’une aura par ailleurs Un syndrome confusionnel aigu peut survenir lors d’une crise
typique persiste plus de 1 semaine. Les symptômes sont souvent de migraine, en particulier chez l’enfant et chez les patients
bilatéraux et peuvent durer des mois ou des années. Les atteints de MHF quel que soit leur âge.
mécanismes ne sont pas connus. La neuro-imagerie est normale, Un trouble de conscience d’installation progressive allant de
ce qui distingue ces cas de l’exceptionnel infarctus migraineux. l’obnubilation au coma peut s’observer lors des crises de
Des traitements par acétazolamide ou acide valproïque ont été migraine de type basilaire ou lors des crises sévères de migraine
proposés. hémiplégique.
Des syncopes brèves parfois d’allure vagale peuvent survenir
Infarctus migraineux lors d’une crise migraineuse, souvent lors du passage en
orthostatisme ou au moment de l’acmé de la céphalée.
Il s’agit d’une complication exceptionnelle de la MA : lors
d’une crise chez un sujet atteint de MA avérée, les symptômes
de l’aura ne sont pas réversibles ; la pratique d’un scanner ou ■ Facteurs déclenchant les crises
d’un examen en imagerie par résonance magnétique (IRM)
confirme l’existence d’un infarctus cérébral et les examens et facteurs modifiant le cours
complémentaires étiologiques pratiqués ne trouvent pas d’autre
cause à cet infarctus que la migraine (Tableau 6). Il existe une
de la maladie migraineuse
littérature ancienne et abondante sur l’infarctus migraineux. [82] Les facteurs déclenchants sont nombreux et variables selon
Cependant, en raison de la fréquence et de l’hétérogénéité les patients, et d’une crise à l’autre chez un même patient
clinique de la migraine, de la fréquence et la diversité étiologi- (Tableau 7). [16] Les plus fréquents sont les facteurs psychologi-
que des infarctus cérébraux, de l’absence de critères diagnosti- ques (émotions, stress), cités par 50 à 70 % des patients.
ques jusqu’en 1988 et de l’absence d’investigations étiologiques D’autres facteurs peuvent être incriminés : alimentaires, clima-
complètes, la plupart des cas rapportés comme étant des tiques, changement de rythme ou de mode de vie, traumatisme
« infarctus migraineux » n’en sont pas. Il s’agit le plus souvent crânien minime, effort, altitude, etc. Les crises de MA visuelle
d’infarctus survenant chez des migraineux, d’infarctus ayant peuvent être déclenchées par une lumière vive (soleil, lumière
entraîné une symptomatologie d’allure migraineuse chez un électrique éblouissante) ou une lumière alternative (télévision
sujet non migraineux, parfois d’infarctus « tout-venant » avec ou cinéma par exemple).
céphalées, et même de déficits prolongés lors d’aura migraineuse Chez la femme, la vie hormonale joue un rôle indiscutable
sans infarctus. Si l’on applique aux plus de 200 cas publiés sur la maladie migraineuse. [16] Cette hormonosensibilité est
avant 1988 les critères IHS de l’infarctus migraineux (Tableau 2) plus marquée dans la MSA que dans la MA. À la puberté, 20 %
avec comme investigations appropriées minimales une échogra- des migraineuses voient débuter leur maladie. Près de 50 % des
phie cardiaque transthoracique et une angiographie cérébrale, le femmes établissent un lien entre leurs crises migraineuses et
nombre d’infarctus migraineux tombe à 40. [83] Ce nombre leurs périodes menstruelles. Environ 5 % des migraineuses ont
diminuerait encore si étaient exigés en tant qu’« investigations des crises menstruelles pures, déclenchées par la chute brutale
appropriées » des examens sanguins comme le dosage des des œstrogènes en fin de cycle et caractérisées par une survenue
anticorps antiphospholipides. De plus, l’absence d’étiologie exclusive durant une période allant de 2 jours avant le début
retrouvée après l’infarctus ne signifie pas forcément que la des règles jusqu’à la fin de celles-ci. Durant la grossesse, les
migraine en est la cause, puisque premièrement, 50 % des crises s’améliorent ou disparaissent chez près de 70 % des
infarctus du sujet jeune n’ont aucune cause identifiable et que, migraineuses, mais elles peuvent aussi s’accentuer chez 5 à
deuxièmement, la cause d’un infarctus n’est parfois détectée que 10 %, ou rester identiques. Enfin, la migraine peut également
des années après. Il est donc indispensable d’utiliser des critères débuter pendant la grossesse. Le post-partum peut s’accompa-
très restrictifs pour ne pas passer à côté d’autres causes poten- gner d’une recrudescence de crises. À la ménopause, la migraine
tiellement curables. [84] Ces critères sont : un infarctus docu- ne disparaît pas toujours et peut même transitoirement s’aggra-
menté (tomodensitométrie ou IRM) et pas seulement un déficit ver. La contraception orale peut modifier la maladie migrai-
prolongé, survenant lors d’une crise de MA, chez un sujet ayant neuse, soit dans le sens d’une amélioration, soit dans le sens
une MA, caractérisé cliniquement par la persistance de tous ou d’une aggravation. En cas de début des crises de migraine après

8 Neurologie
Migraine ¶ 17-023-A-50

Tableau 7. migraine. Ainsi, un phéochromocytome peut être évoqué


Facteurs déclenchant une crise de migraine. devant des crises associant céphalées paroxystiques, rougeur du
Facteurs psychologiques contrariété
visage, sueurs et hypertension artérielle. [86] Des attaques de
panique peuvent comporter une céphalée parfois au premier
anxiété
plan, associée à une angoisse extrême, voire à une sensation de
émotion mort imminente. De rares tumeurs intraventriculaires, notam-
choc psychologique ment les kystes colloïdes du troisième ventricule, peuvent
Facteurs hormonaux règles entraîner des blocages aigus à l’écoulement du liquide céphalo-
contraceptifs oraux spinal, donc une hypertension intracrânienne aiguë avec
Modification du mode de vie déménagement céphalées, nausées, vomissements et troubles de la cons-
changement de travail
cience. [16] Ces diagnostics différentiels sont rarement évoqués
en pratique car le patient consulte le plus souvent pour des
vacances, week-end
céphalées migraineuses typiques évoluant depuis des années. La
voyage principale erreur est en fait de méconnaître la migraine ou de
surmenage la rattacher à tort à des troubles oculaires, à des « crises de
Facteurs sensoriels lumière foie », à des sinusites, des troubles buccodentaires ou encore à
bruit une cervicarthrose.
odeur Les auras peuvent parfois être difficiles à différencier, surtout
vibration...
lorsque manque la céphalée, de deux autres variétés de dysfonc-
tionnement cérébral transitoire, les accidents ischémiques
Aliments alcool
transitoires (AIT) [84] et les crises d’épilepsie partielles. Dans les
chocolat épilepsies partielles, l’installation et la progression des symptô-
graisses cuites mes sont beaucoup plus rapides que dans l’aura migraineuse. [85]
fromages Les AIT cérébraux sont des épisodes de dysfonctionnement
agrumes cérébral, focalisé, d’origine vasculaire, d’installation brusque et
Facteurs climatiques vent de durée brève (habituellement de quelques minutes à
orage 30 minutes, au maximum 24 heures) et régressant sans séquelle.
Le déficit neurologique s’installe brutalement et il est d’emblée
chaleur humide
maximal, à la différence de ce qui se passe lors de la « marche
froid migraineuse ». L’examen neurologique au décours est, par
Habitudes alimentaires jeûne définition, normal. Un AIT dans le territoire vertébrobasilaire
hypoglycémie peut ainsi être à l’origine d’une hémianopsie isolée durant
repas sautés ou irréguliers quelques minutes. De plus, certains AIT s’accompagnent de
Autres facteurs traumatisme crânien céphalée. La notion de terrain est un élément important pour
manque ou excès de sommeil le diagnostic différentiel entre AIT et aura migraineuse : les AIT
(« grasse matinée ») survenant plus chez l’homme (deux fois plus que chez la
femme) de plus de 50 ans (âge moyen voisin de 60 ans) ayant
altitude
des facteurs de risque vasculaire (hypertension artérielle en
particulier). La même difficulté se retrouve en ce qui concerne
la distinction entre cécité monoculaire transitoire et migraine
l’instauration d’une contraception orale, l’arrêt de celle-ci ne rétinienne. Là aussi, ce sont les antécédents et l’âge qui vont
permet pas toujours d’améliorer les crises qui continuent à guider la conduite à tenir. Au moindre doute, il semble indiqué
évoluer. de pratiquer des explorations vasculaires complètes et d’intro-
duire un traitement antiagrégant plaquettaire. L’aspirine semble
■ Diagnostic un choix judicieux puisqu’il s’agit du traitement de référence en
prévention secondaire des infarctus cérébraux et que, à posolo-
En l’absence de tout marqueur objectif biologique ou radio- gie plus élevée (de 300 mg à 1 g par jour), elle est également
logique, le diagnostic de migraine est uniquement clinique, basé un traitement de fond efficace dans les MA.
sur l’interrogatoire détaillé du patient et sur la normalité de De manière exceptionnelle, des crises de migraine, en parti-
l’examen clinique. Le patient rapporte des crises identiques culier avec aura, peuvent être symptomatiques d’une lésion
évoluant depuis des mois ou des années. Un diagnostic de cérébrale telle une tumeur ou une malformation vasculaire
migraine ne doit pas être posé lors d’un premier épisode de (malformation artérioveineuse plus souvent qu’anévrisme).
céphalées chez un sujet n’ayant jamais eu mal à la tête aupara- Enfin, des crises de migraine peuvent faire partie de la sympto-
vant. Dans ce dernier cas, une céphalée secondaire doit être matologie de maladies neurologiques ou générales telles les
suspectée et des examens complémentaires entrepris. De même, thrombocytémies, les cytopathies mitochondriales [87, 88] ou le
un patient vu au cours d’une crise (par exemple dans un service CADASIL. [89] Dans ces migraines « symptomatiques », le
d’urgences) doit pouvoir dire qu’il reconnaît sa céphalée comme diagnostic est le plus souvent orienté par l’existence d’atypies
étant habituelle. Dans le cas contraire, une céphalée secondaire sémiologiques et la présence de signes neurologiques et/ou
est suspectée. généraux à l’examen clinique (par exemple, l’existence d’un
Les crises de MSA typiques ne posent pas de problème souffle crânien oriente vers une malformation artérioveineuse).
diagnostique. En effet, les autres variétés de céphalées primaires
évoluant par crises telle l’algie vasculaire de la face ou les
névralgies faciales ont des caractères bien différents et en ■ Migraine et examens
particulier une durée des accès douloureux nettement plus complémentaires
brève. Si la notion de crises n’est pas nette ou si les critères
diagnostiques ne sont pas tous présents, une céphalée de L’imagerie cérébrale (scanner ou IRM) n’est indiquée qu’en
tension peut être discutée, d’autant qu’elle est fréquemment cas d’atypie sémiologique, de signes neurologiques ou généraux
associée à la migraine. La céphalée de tension est plus diffuse, associés, ou d’anomalies à l’examen. [90] Des études IRM dans
plus continue, moins pulsatile, moins intense, avec peu ou pas un but de recherche ont mis en évidence, sur les séquences
de signes digestifs. Elle peut être épisodique ou chronique, et pondérées en T2, des hypersignaux de la substance blanche qui
s’accompagner ou non d’une tension palpable des muscles de la sont plus fréquents chez les migraineux que chez les non-
nuque et de l’extrémité céphalique. Exceptionnellement, une migraineux, dans la MA que dans la MSA, et dont la significa-
affection organique peut provoquer des céphalées secondaires tion reste méconnue. [91-93] Dans l’étude récente de Kruit et al.,
qui évoluent par crises, mais sans les caractéristiques de la une IRM comportant des séquences en densité de protons, en

Neurologie 9
17-023-A-50 ¶ Migraine

Tableau 8.
Traitements de crise.
Effets indésirables Contre-indications
Antalgiques
Aspirine Troubles digestifs, hémorragies Allergie ou asthme déclenché par l’aspirine ou les
AINS
Ulcère gastroduodénal en évolution
Paracétamol - Insuffisance hépatique
Dextropropoxyphène Nausées, vomissements, somnolence Insuffisance rénale
Codéine (contenue dans de nombreuses Nausées, vomissements, somnolence Insuffisance respiratoire
préparations)
Anti-inflammatoires
Ibuprofène (Nureflex®, Advil®) Troubles digestifs, hémorragies Allergie ou asthme déclenché par l’aspirine ou les
Kétoprofène (Profénid®, Biprofénid®) AINS
Naproxène (Naprosyne®, Apranax®) Ulcère gastroduodénal en évolution
Flurbiprofène (Cébutid®100)
Acide méfénamique (Ponstyl®)
Diclofénac (Voltarène®)
Fénoprofène (Nalgésic®)
Indométacine (Indocid®)
Dérivés de l’ergotamine
Tartrate d’ergotamine (Gynergène® caféiné cp) Paresthésies, troubles circulatoires périphériques, Coronaropathies, HTA incontrôlée, artérite des
Dihydroergotamine (Dihydroergotamine® Nausées, vomissements membres inférieurs, accident vasculaire cérébral
injectable s.c. ou i.v., Diergospray®) Insuffisance rénale ou hépatique
Association aux triptans
Triptans
Almotriptan, Almogran® cp 12,5 mg Nausées, vertiges, somnolence Coronaropathies, pathologie artérielle ischémique,
Naratriptan, Naramig® cp 2,5 mg Lourdeur, douleur ou pression thoracique, ou au HTA non contrôlée, accident vasculaire cérébral ou
cou, ou aux membres accident ischémique transitoire
Élétriptan, Relpax® cp 40 mg
Palpitations, tachycardie Syndrome de Wolff-Parkinson-White
Sumatriptan, Imigrane®, cp 50 mg, spray nasal
20 et 10 mg, injection s.c. Spasme coronaire exceptionnel Association aux dérivés ergotés, aux macrolides,
aux antiprotéases
Zolmitriptan, Zomig®, cp 2,5 mg;
Zomigoro®, cp orodispersible
cp : comprimé ; s.c. : sous-cutanée ; i.v. : intraveineuse ; AINS : anti-inflammatoires non stéroïdiens ; HTA : hypertension artérielle.

T2 et en FLAIR a été pratiquée chez 140 contrôles et et le patient. [96] Avant de prescrire un traitement, il est
295 migraineux dont 134 atteints de MSA et 161 de MA, pour indispensable d’expliquer au patient que la migraine est une
évaluer le nombre d’infarctus silencieux et le nombre d’hyper- maladie à part entière mais qu’il n’a pas de lésion cérébrale ou
signaux de la substance blanche périventriculaires et pro- oculaire organique (qu’il n’a pas de tumeur au cerveau, qu’il n’a
fonds. [94] Globalement, la fréquence des infarctus silencieux et pas de problème vasculaire) et qu’il est, en général, inutile de
la fréquence des hypersignaux de la substance blanche n’étaient pratiquer des examens complémentaires. Les principaux facteurs
pas significativement différentes entre contrôles et migraineux. déclenchant des crises doivent être recherchés et, si possible,
Cependant, le risque d’infarctus silencieux postérieur était plus éliminés ou combattus. La différence entre traitement de crise
élevé dans la MA que chez les contrôles (odds ratio [OR] 13,7 ; et traitement de fond doit être clairement expliquée. Le patient
intervalle de confiance [IC] à 95 % : 1,7-112) et le risque doit donner une liste de tous les traitements de crise et de fond
d’hypersignaux de la substance blanche profonds était plus déjà essayés, et de leurs effets positifs ou négatifs. Dans tous les
élevé chez les femmes migraineuses que chez les contrôles (OR cas, la tenue d’un calendrier de la migraine, où le patient note
2,1 ; IC 95 % : 1-4,1). Pour interpréter ces résultats, il faut garder ses crises et le traitement pris, est recommandée. Dans le cas
à l’esprit que d’une part les IRM n’ont pas comporté de particulier de la MA, il est rare que les crises soient fréquentes
séquence en T1 et que, d’autre part, les résultats obtenus sont au point de nécessiter un traitement de fond. Enfin, il faut
faiblement significatifs et portent sur des sous-groupes. Il semble toujours recommander au patient d’arrêter sa voiture si une
donc prématuré de considérer la migraine comme une maladie aura visuelle survient lorsqu’il est au volant.
cérébrale progressive, « a progressive brain disease » [95] dans
laquelle la répétition des crises entraînerait des infarctus
cérébraux, opinion qui va à l’encontre des études épidémiolo- Traitement de la crise migraineuse
giques sur l’association entre migraine et infarctus cérébraux.
L’électroencéphalogramme, les potentiels évoqués visuels ou Les traitements de crise ont surtout été évalués dans la MSA
l’échodoppler cervical et transcrânien n’ont aucune indication et visent à faire disparaître ou au moins soulager la céphalée. Il
diagnostique dans la migraine. [90] Les anomalies de l’élec- n’y a pas de traitement pour écourter l’aura. Quelques gestes
troencéphalogramme et des potentiels évoqués visuels retrou- simples peuvent aider à soulager la céphalée : application de
vées chez les migraineux sont dénuées de spécificité. De même, froid ou de chaleur sur le crâne, pression sur la tempe, repos à
les nouvelles techniques d’examens complémentaires (single l’abri du bruit et de la lumière, prise de café ou de thé. Quatre
photon emission computed tomography [SPECT], tomographie à groupes de substances ont une efficacité démontrée dans la
émission de positons [PET], IRM fonctionnelle) ont un intérêt céphalée migraineuse : les antalgiques (simples, opiacés et
dans la recherche physiopathologique sur la migraine mais l’aspirine), les AINS, les dérivés de l’ergot de seigle et les triptans
aucun intérêt pratique. (Tableau 8). [43] Les antalgiques, l’aspirine et les AINS sont des
traitements non spécifiques de la céphalée migraineuse. Ce sont
■ Traitement des médicaments de première intention. Il est préférable d’éviter
les associations à base d’opiacés (codéine, dextropropoxyphène)
La migraine peut représenter un handicap important. Son qui peuvent augmenter les signes digestifs et exposent proba-
traitement nécessite une étroite collaboration entre le médecin blement à un risque accru d’abus médicamenteux. Les dérivés

10 Neurologie
Migraine ¶ 17-023-A-50

de l’ergot de seigle et les triptans sont des traitements spécifi-


ques de la céphalée migraineuse (Tableau 8). Ce sont des
agonistes des récepteurs sérotoninergiques 5HT1B/1D qui sont
vasoconstricteurs et sont donc contre-indiqués en cas d’antécé-
“ Points essentiels
dent vasculaire (infarctus du myocarde ou angor, artérite des Recommandations de l’ANAES
membres inférieurs, accident vasculaire cérébral ou AIT, hyper- • Il est conseillé d’évaluer l’efficacité du traitement chez
tension artérielle non contrôlée). Triptans et dérivés de l’ergot des patients déjà traités par des traitements non
de seigle, tous deux vasoconstricteurs, ne doivent jamais être spécifiques en posant quatre questions :
associés. Les dérivés de l’ergot de seigle comprennent le tartrate C Êtes-vous soulagé de manière significative deux
d’ergotamine sous forme de comprimés (Gynergène® caféiné) et
heures après la prise ?
la dihydroergotamine, efficace uniquement par voie parentérale
(injection sous-cutanée ou intraveineuse, spray nasal). Cinq
C Votre traitement est-il bien toléré ?
triptans sont commercialisés en France : le sumatriptan (Imi- C Utilisez-vous une seule prise médicamenteuse ?
grane®), le zolmitriptan (Zomig®), le naratriptan (Naramig®), C La prise de ce traitement vous permet-elle une
l’élétriptan (Relpax®) et l’almotriptan (Almogran®) (Tableau 8). reprise normale et rapide de vos activités sociales,
Dans les essais thérapeutiques contrôlés, ils soulagent partielle- familiales et professionnelles ?
ment la céphalée en 2 heures dans 60 % des cas et font • Si le patient répond oui aux quatre questions, il est
disparaître la céphalée en 2 heures dans environ 25 % des recommandé de ne pas modifier son traitement. Si le
cas. [97] En pratique, où il est conseillé de prendre le traitement patient répond non à au moins une des quatre questions,
de crise le plus tôt possible dès l’apparition de la céphalée, les il est recommandé de prescrire sur la même ordonnance
triptans ont une efficacité probablement encore meilleure que
un AINS et un triptan.
dans les essais thérapeutiques où les patients devaient attendre
6 à 8 heures après le début de la crise pour prendre leur
• On expliquera au patient de commencer d’emblée par
traitement. Ces différents triptans ont une efficacité comparable l’AINS et de garder le triptan en traitement de secours, s’il
et sont bien tolérés. Cependant, seulement 10 % des migraineux n’est pas soulagé 2 heures après la prise d’AINS.
français utilisent des triptans, probablement en raison d’une • Si lors des trois premières crises traitées, le patient doit
certaine crainte des patients et des prescripteurs vis-à-vis de ces prendre chaque fois l’AINS, puis le triptan, on lui
molécules. Ces craintes sont non fondées lorsque les triptans conseillera de prendre le triptan d’emblée et de garder
sont prescrits à bon escient (pour une migraine et non pas pour l’AINS en traitement de secours.
un autre type de céphalée) chez un sujet sans contre-indication • Chez les patients ayant une intolérance ou des contre-
vasculaire, ce qui est le plus souvent le cas des migraineux qui indications aux AINS, il est conseillé de prescrire un triptan
sont jeunes et en bonne santé. Ces craintes sont entretenues par
d’emblée.
l’existence d’effets secondaires à type de symptômes thoraciques
(pression, serrement ou douleur de la poitrine et de la gorge)
chez environ 5 % des patients après prise de triptan. Ces
symptômes thoraciques sont bénins et ne sont pas dus à une
proposer un choix multiple d’antimigraineux de crise à essayer
ischémie myocardique. [98] Ils sont généralement supportés par
les uns après les autres lors de crises successives et dont ils
les patients car modérés et transitoires. Au contraire, l’incidence
noteront l’efficacité dans un calendrier de la migraine. Il
d’effets secondaires vasculaires graves (spasme coronaire) est
n’existe pas d’efficacité croisée entre les différents AINS ni entre
possible mais extrêmement basse. [98] En plus des traitements de
les différents triptans. Ainsi, un patient devenu résistant à un
la céphalée, des adjuvants sont parfois utiles : antiémétiques per
triptan peut être répondeur à un autre. Pour une MA avec
os ou par voie rectale en cas de signes digestifs importants et
céphalée migraineuse intense, on conseille la prise d’aspirine ou
tranquillisants (benzodiazépines) chez certains patients dont les
d’un AINS dès le début de l’aura puis, si la céphalée apparaît, la
crises de migraine s’accompagnent de crises d’angoisse.
prise d’un triptan ou d’un dérivé de l’ergot de seigle.
Quel que soit le médicament choisi, quelques règles d’utilisa-
tion sont essentielles à respecter. Le médicament doit être pris
le plus tôt possible, lorsque la céphalée est encore modérée. Il Traitement de fond
doit être pris à la bonne dose et par la bonne voie. La dose Le but du traitement de fond est de diminuer la fréquence
d’antalgique ou d’AINS efficace doit être trouvée par tâtonne- des crises : il ne se justifie qu’en cas de crises fréquentes (plus
ments. La voie orale, souvent préférée par les patients, doit être de deux ou trois par mois), sévères ou longues, ou répondant
évitée en cas de nausées ou vomissements et remplacée par mal au traitement de crise. Aucun traitement ne permet de faire
d’autres voies (nasale, rectale, injectable). En cas de MA, les disparaître définitivement la migraine, ce qu’il faut expliquer au
antalgiques ou les AINS peuvent être pris dès que les signes patient. Un traitement de fond est considéré comme efficace
neurologiques débutent afin d’écourter et de diminuer l’inten- lorsqu’il réduit la fréquence des crises d’au moins 50 %, avec
sité de la céphalée ultérieure. En revanche, les triptans et les une différence de 30 % par rapport au placebo. Les médica-
ergotés ne doivent être utilisés qu’après la fin de l’aura et ments de fond « majeurs » sont ceux dont l’efficacité a été
lorsque la céphalée a débuté, car ils sont inefficaces sur la démontrée dans au moins deux essais contrôlés de qualité
douleur s’ils sont pris avant son début. La prise ne doit se faire satisfaisante : [99] certains bêtabloquants, le pizotifène, le
qu’au moment des crises et ne pas devenir trop fréquente, et méthysergide, l’oxétorone, la flunarizine, l’amitriptyline, les
encore moins quotidienne pour éviter la survenue de céphalée AINS, le valproate de sodium, le topiramate et la gabapentine.
chronique par abus médicamenteux. Lorsque la fréquence des D’autres substances sont également utilisées en traitement de
crises et des prises médicamenteuses s’accroît, il faut proposer fond, mais leur efficacité est moins bien étayée, soit qu’elles
un traitement de fond. n’aient fait l’objet que d’un seul essai thérapeutique, soit que la
Il semble logique de proposer des antalgiques, de l’aspirine ou méthodologie des essais soit critiquable : l’indoramine, la
des AINS en première intention et de n’utiliser des triptans dihydroergotamine, l’aspirine et le vérapamil.
qu’en cas d’échec des traitements de première ligne. En fait, les La prescription d’un traitement de fond est une décision prise
patients ont le plus souvent déjà pris des antalgiques simples ou en commun accord avec le patient. Dans la majorité des cas, un
en association et/ou des AINS souvent faiblement dosés (en traitement de fond est proposé pour réduire la fréquence des
vente libre dans les pharmacies) et consultent lorsque ces crises. Néanmoins, certains patients ayant des crises peu
traitements deviennent inefficaces. L’Agence nationale d’accré- fréquentes mais longues, sévères ou ne répondant pas aux
ditation et d’évaluation en santé (ANAES) a récemment fait des traitement de crise peuvent vouloir essayer un traitement de
recommandations pour le traitement des crises de migraine. [99] fond. D’autres patients ayant peu de crises au prix d’un mode
Dans les consultations spécialisées, les patients ont déjà de vie très strict, ayant supprimé l’alcool, les repas lourds, les
essayé de nombreux traitements. Il est alors souhaitable de leur sorties, les voyages, les grasses matinées, les efforts, etc., peuvent

Neurologie 11
17-023-A-50 ¶ Migraine

Tableau 9.
Traitements de fond majeurs de la migraine.
Substances Effets secondaires Contre-indications
®
Propranolol* (Avlocardyl ) 40-240 mg Fréquents : asthénie, intolérance à l’effort Asthme, bronchopneumopathie chronique
Métoprolol* (Lopressor®) 100-200 mg Rares : insomnie, cauchemars, dépression, obstructive, insuffisance cardiaque,
impuissance bradycardie, blocs auriculoventriculaires,
Timolol (Timacor®) 10-20 mg
phénomène de Raynaud
Aténolol (Ténormine®) 100 mg Possibilité d’aggravation des migraines
avec aura
Nadolol (Corgard®) 80-240 mg
Oxétorone* (Nocertone®) 60-120 mg le soir Fréquents : somnolence -
Rares : diarrhée profuse
Amitriptyline (Laroxyl®, Élavil®) 20-50 mg le soir Somnolence, prise de poids, Glaucome,
bouche sèche adénome prostatique
Pizotifène* (Sanmigran®) 1,5-3 mg le soir Fréquents : somnolence, Glaucome,
prise de poids adénome prostatique
Rares : troubles digestifs, vertiges, myalgies,
asthénie
Topiramate* (Epitomax®) 100 mg par jour en deux prises Paresthésies, ataxie, troubles d’élocution, Allergie aux sulfamides
ralentissement
Irritabilité, agressivité, dépression
Perte de poids
Rares : calculs rénaux, myopie aiguë,
syndromes psychotiques
Valproate de sodium (Dépakine® Chrono) 0,5-1 g le soir, une Nausées, prise de poids, somnolence, Hépatopathies
seule prise possible tremblement, alopécie, atteinte hépatique
Gabapentine (Neurontin®) 1 200-2 400 mg par jour Nausées, vomissements, convulsions, Hypersensibilité à la gabapentine
somnolence, ataxie, vertiges
Indoramine* (Vidora®) 50 mg par jour Somnolence, congestion nasale, bouche sèche, Hypersensibilité au produit, maladie de
troubles de l’éjaculation Parkinson, insuffisance cardiaque, hépatique
ou rénale sévère
Flunarizine* (Sibélium®) 5-10 mg le soir, arrêt au bout de Fréquents : somnolence, prise de poids Dépression, syndromes parkinsoniens
6 mois Rares : dépression, syndrome parkinsonien
Ne doit pas être prescrite plus de 6 mois
Méthysergide* (Désernil-Sandoz®) : Fréquents : nausées, vertiges, insomnie Hypertension artérielle, coronaropathie,
2-6 mg par jour avec arrêt de 1 mois tous les 6 mois Rares : fibrose rétropéritonéale artériopathie,
Nécessite un arrêt de 1 mois tous les 6 mois ulcère gastrique,
insuffisance hépatique et rénale
Association aux triptans et aux dérivés ergotés en
traitement de crise
Dihydroergotamine* (Séglor®) 10 mg par jour en deux prises Fréquents : nausées Hypersensibilité aux dérivés de l’ergot
Rares : paresthésies, vasoconstriction Association aux macrolides et aux
périphérique, acrocyanose, fibrose antiprotéases
exceptionnelle Association aux triptans
N’a pas démontré son efficacité dans deux essais
thérapeutiques contrôlés méthodologiquement
satisfaisants
*Substances ayant l’autorisation de mise sur le marché dans le traitement de fond de la migraine.

espérer retrouver une vie plus normale grâce à un traitement de peu utilisés en traitement de fond en France. Les bêtabloquants
fond. À l’inverse, certains patients ayant des crises fréquentes sont à utiliser avec précaution dans la MA, des cas d’aggravation
mais bien contrôlées par les traitements de crise ne souhaitent ayant été rapportés, avec augmentation de la fréquence des
pas prendre de traitement de fond. La seule indication formelle crises et de la durée de l’aura. En cas de MA pure fréquente sans
de traitement de fond est représentée par les patients ayant des crise de MSA, on peut proposer en premier lieu de l’aspirine (au
crises très fréquentes (deux ou plus par semaine), y compris si moins 300 mg par jour) et en deuxième intention un antiépi-
elles répondent bien aux traitements de crise, car ils sont donc leptique (valproate de sodium ou topiramate). En pratique, il est
à risque de développer une céphalée chronique par abus souvent nécessaire d’essayer plusieurs traitements successifs
médicamenteux. avant de trouver le plus approprié. Il est préférable d’éviter les
Le choix du traitement de fond doit prendre en compte les
associations médicamenteuses qui n’ont pas prouvé leur supé-
contre-indications, les pathologies associées du patient, les effets
riorité par rapport à la monothérapie et occasionnent des effets
secondaires possibles et la nature des traitements de crise utilisés
secondaires. Les doses sont augmentées très lentement afin
(Tableau 9). Ainsi, en présence d’une hypertension artérielle
associée, les bêtabloquants sont choisis, alors qu’en cas de d’éviter les effets secondaires, en visant néanmoins la dose
syndrome dépressif c’est l’amitriptyline. Chez la femme jeune maximale tolérée. La tenue d’un calendrier des crises permet de
qui redoute de prendre du poids, il faut éviter le pizotifène, mieux apprécier l’efficacité du traitement de fond qui doit être
l’amitriptyline, la flunarizine et le valproate de sodium. Chez un pris régulièrement pendant 2 à 3 mois avant d’être évalué. À la
patient traité par triptan, un traitement de fond par des dérivés fin de cette période, en cas d’échec, un autre traitement est
de l’ergot de seigle (dihydroergotamine ou méthysergide) est proposé. En cas de succès, le traitement est maintenu de 6 à
contre-indiqué. Le méthysergide doit être réservé à des formes 12 mois, puis on diminue lentement les doses afin d’essayer
rebelles à tous les autres traitements en raison du risque de d’arrêter le traitement ou, au moins, de trouver la dose mini-
fibrose rétropéritonéale, pleurale ou péricardique. Les AINS sont male efficace.

12 Neurologie
Migraine ¶ 17-023-A-50

Enfin, des traitements de fond non médicamenteux (relaxa- En pratique, vu le très faible risque absolu d’infarctus chez la
tion, biofeedback, acupuncture) sont aussi susceptibles d’appor- femme jeune, il n’y a pas de contre-indication systématique des
ter une amélioration et méritent d’être essayés, surtout chez les contraceptifs oraux. En revanche, il semble utile de recomman-
patients peu favorables aux médicaments. der l’arrêt du tabac et de prescrire des pilules minidosées en
œstrogènes ou des progestatifs purs, en particulier dans la
Cas particuliers MA. [100]
Chez la femme ayant des migraines menstruelles pures et
dont les cycles sont réguliers, l’œstradiol en gel percutané à la
dose de 1,5 mg/j (Œstrogel®, Estreva®) a une bonne efficacité
préventive lorsqu’il est commencé 48 heures avant la date
■ Addendum
prévue de la crise et poursuivi ensuite pendant 7 jours. Pour les Un troisième gène de la MHF a été identifié récemment.
femmes prenant la pilule, l’œstradiol peut être pris pendant les
Localisé sur le chromosome 2, il s’agit de SCN1A qui code la
7 jours d’arrêt du contraceptif oral. En cas d’échec, un traite-
sous-unité principale du canal sodique neuronal voltage-
ment préventif par AINS peut être prescrit selon le même
dépendant Nav1.1. Dichgans M, Freilinger T, Eckstein G, Babini
schéma.
E, Lorenz-Depiereux B, Biskup S, Ferrari M et al. Mutation in the
Chez de rares patients, en particulier ceux qui ont un
neuronal voltage-gated sodium channel SCN1A in familial
antécédent de traumatisme cervical, les crises de migraines sont
strictement unilatérales et débutent dans la région latérocervi- hemiplegic migraine. Lancet 2005 ; 366 : 371-7.
cale haute avec un déclenchement positionnel. Dans ces rares .

cas où l’on peut présumer qu’il existe une origine cervicale, les
crises peuvent être améliorées par des manipulations cervicales ■ Références
ou des infiltrations. [1] The international classification of headache disorders. Cephalalgia
Chez un patient se présentant dans un service d’urgence pour 2004;24(suppl1):1-60.
une crise de migraine, le traitement doit être le plus spécifique [2] Henry P, Auray JP, Gaudin AF, Dartigues JF, Duru G, Lanteri-Minet M,
possible. Le choix du traitement dépend de l’intensité de la et al. Prevalence and clinical characteristics of migraine in France.
crise, de la présence de nausées/vomissements, des médicaments Neurology 2002;59:232-7.
déjà absorbés par le patient dans les 24 à 48 heures qui précè- [3] Henry P, Michel P, Brochet B, Dartigues JF, Tison S, Salamon R. A
dent et de l’existence éventuelle de contre-indications (variables nationwide survey of migraine in France: prevalence and clinical
selon les produits). Une crise sévère avec signes digestifs features in adults. GRIM. Cephalalagia 1992;12:229-37.
nécessite un traitement par voie parentérale : sumatriptan par [4] Ho KH, Ong BK. A community-based study of headache diagnosis and
voie sous-cutanée ou dihydroergotamine par voie sous-cutanée prevalence in Singapore. Cephalalgia 2003;23:6-13.
si ces médicaments sont disponibles aux urgences et en [5] Launer LJ, Terwindt GM, Ferrari MD. The prevalence and
l’absence de contre-indication, sinon un antalgique intravei- characteristics of migraine in a population-based cohort: the GEM
neux : proparacétamol 1 g, néfopam, aspirine 1 g ou AINS study. Neurology 1999;53:537-42.
(kétoprofène 100 mg), souvent associés à un antiémétique [6] Lipton RB, Stewart WF, Diamond S, Diamond ML, Reed M.
(métoclopramide, Primpéran®) et à un tranquillisant (clorazé- Prevalence and burden of migraine in the United States: data from the
pate dipotassique, Tranxène® 20 à 50 mg). American Migraine Study II. Headache 2001;41:646-57.
En cas d’état de mal migraineux, les auteurs s’accordent à [7] Martin S. Prevalence of migraine headache in Canada. CMAJ 2001;
reconnaître l’utilité de l’hospitalisation, d’un sevrage en 164:1481.
traitement de crise en cas d’abus et de l’administration de fortes [8] Sakai F, Igarashi H. Prevalence of migraine in Japan: a nationwide
doses d’antiémétiques et de tranquillisants. Nous utilisons survey. Cephalalgia 1997;17:15-22.
généralement de l’amitriptyline en perfusion à doses croissantes. [9] Steiner TJ, Scher AI, Stewart WF, Kolodner K, Liberman J, Lipton RB.
La dose maximale tolérée est maintenue pendant quelques The prevalence and disability burden of adult migraine in England and
jours, puis un relais est pris per os, en diminuant ensuite their relationships to age, gender and ethnicity. Cephalalgia 2003;23:
lentement la posologie, jusqu’à l’obtention de la dose minimale 519-27.
efficace. Les corticoïdes, la dihydroergotamine en perfusion, les [10] Stewart WF, Lipton RB, Celentano DD, Reed ML. Prevalence of
neuroleptiques, le valproate de sodium ont aussi été proposés. migraine headache in the United States. Relation to age, income, race,
Chez l’enfant, le traitement médicamenteux repose essentiel- and other sociodemographic factors. JAMA 1992;267:64-9.
lement sur les antalgiques, l’aspirine et les AINS. Le sommeil [11] Stewart WF, Shechter A, Rasmussen BK. Migraine prevalence. A
étant à lui seul capable de stopper la crise, il est très utile de review of population-based studies. Neurology 1994;44(6suppl4):
coucher l’enfant dès le début de la crise. En cas d’échec, on peut S17-S23.
recourir aux ergotés dès 10 ans et au sumatriptan en spray nasal [12] Abu-Arafeh I, Russell G. Epidemiology of headache and migraine in
dès 12 ans. Le traitement de fond n’est indiqué que si la children. Dev Med Child Neurol 1993;35:370-1.
fréquence des crises est élevée au point de gêner la vie quoti- [13] Mavromichalis I, Anagnostopoulos D, Metaxas N, Papanastassiou E.
dienne et l’activité scolaire. Si possible, la relaxation doit être Prevalence of migraine in schoolchildren and some clinical
comparisons between migraine with and without aura. Headache 1999;
utilisée en première intention car elle est très efficace. La
39:728-36.
dihydroergotamine, le pizotifène, la flunarizine et les bêtablo-
[14] Mortimer MJ, Kay J, Jaron A. Childhood migraine in general practice:
quants peuvent être proposées, tout en faisant attention à ce
clinical features and characteristics. Cephalalgia 1992;12:238-43.
qu’ils n’entraînent pas de somnolence.
[15] Carson AP, Rose KM, Sanford CP, Ephross SA, Stang PE, Hunt KJ,
L’effet bénéfique de la grossesse sur la migraine est connu et al. Lifetime prevalence of migraine and other headaches lasting 4 or
depuis des décennies. Une amélioration ou une disparition des more hours: the Atherosclerosis Risk in Communities (ARIC) study.
crises est observée dans 50 à 90 % des cas. Pour les femmes Headache 2004;44:20-8.
dont les crises persistent pendant la grossesse, le paracétamol [16] Annequin D, Bousser MG, De Lignières B, Fabre N, Massiou H,
doit être utilisé en première intention. Les AINS ne sont permis Pradalier A, et al. Migraine : la clinique. In: La migraine : connaissan-
que jusqu’au cinquième mois et interdits formellement par la ces descriptives, traitements et prévention. Paris: Les Éditions
suite. Les triptans et les ergotés sont interdits pendant toute la INSERM; 1998. p. 39-96.
grossesse. Quand un traitement de fond s’avère nécessaire, les [17] Fischer CM. Late-life (migrainous) scintillating zigzags without
traitements non médicamenteux doivent être privilégiés en headache: one person’s 27-year experience. Headache 1999;39:391-7.
première intention. L’utilisation du propranolol et du métopro- [18] Ducros A, Denier C, Joutel A, Vahedi K, Tournier-Lasserve E, Bousser
lol est également possible. MG. Migraine hémiplégique familiale. Encycl Méd Chir (Elsevier
Enfin, la migraine, en particulier la MA, est un facteur de SAS, Paris), Neurologie, 17-023-A-60, 2003: 10p.
risque d’infarctus cérébral chez la femme jeune de moins de [19] Duru G, Auray JP, Gaudin AF, Dartigues JF, Henry P, Lanteri-Minet M,
45 ans. Le risque relatif est de trois et augmente en cas d’asso- et al. Impact of headache on quality of life in a general population
ciation avec un tabagisme et/ou la prise de contraceptifs oraux. survey in France (GRIM2000 Study). Headache 2004;44:571-80.

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A. Ducros, Praticien des Hôpitaux* (anne.ducros@lrb.ap-hop-paris.fr).


Centre d’urgences céphalées, hôpital Lariboisière, 2, rue Ambroise-Paré, 75475 Paris cedex 10, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Ducros A. Migraine. EMC (Elsevier SAS, Paris), Neurologie, 17-023-A-50, 2006.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


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Neurologie 15
¶ 17-005-B-10

Paraplégies
A. Yelnik, C. Resch, A. Even Schneider, O. Dizien

Cet article traite essentiellement de la sémiologie clinique des paraplégies, notamment : la définition des
niveaux lésionnels sensitifs et moteurs et du syndrome lésionnel ; la caractéristique des troubles réflexes
d’origine médullaire ; l’importance du système nerveux végétatif dans ses manifestations cliniques et
complications ; la description du fonctionnement vésicosphinctérien et génitosexuel. Les différentes
formes cliniques possiblement rencontrées sont décrites. Les arguments pronostiques et l’apport des
examens complémentaires au diagnostic étiologique sont abordés. Les complications traitées sont celles
propres à la paraplégie, et non pas à l’étiologie (escarres, accidents thromboemboliques, complications
urinaires, ostéoporose, para-ostéo-arthropathie, syringomyélie). Parmi les traitements, seuls sont
abordés ceux des complications propres à la paraplégie : spasticité, douleurs, troubles vésicosphinctériens
et hyperréflexie autonome.
© 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Paraplégie ; Spasticité ; Système nerveux autonome ; Vessies neurologiques

Plan ¶ Complications propres à la paraplégie 12


Escarres 12
¶ Introduction 1 Accidents thromboemboliques 12
Complications urinaires 12
¶ Sémiologie analytique des lésions médullaires 2
Ostéoporose 12
Sensibilité 2
Ostéomes ou para-ostéo-arthropathies neurogènes (POAN) 12
Motricité 4 Syringomyélie 13
Réflexes 4 Douleurs sus-lésionnelles 13
Examen du système nerveux végétatif 6 Diurèse 13
Appareil vésicosphinctérien 8
¶ Traitements spécifiques 13
Appareil génitosexuel 8
Traitement de l’hyperréflexie autonome 13
Fonction intestinale 9
Traitement de la spasticité 13
Appareil respiratoire 9
Traitement des douleurs 14
¶ Différents syndromes selon la localisation et l’importance de la Traitement des vessies neurologiques 14
lésion 9
Syndrome de paraplégie complète 9
Formes flasques définitives 9
Syndrome de l’artère spinale ventrale (antérieure)
Syndrome de Brown-Séquard
10
10 ■ Introduction
Syndrome médullaire central 10
On entend par « paraplégie » un déficit des fonctions motri-
Syndrome syringomyélique 10
ces et/ou sensitives des segments médullaires thoraciques,
Syndrome de sclérose combinée 10
lombaires ou sacrés quels que soient la cause et le siège de la
Syndromes incomplets non systématisés 10 lésion. Les paraplégies comprennent l’atteinte du tronc, des
Paraplégies d’origine cérébrale 10 membres inférieurs et des organes pelviens. Néanmoins, l’usage
Syndrome de la queue de cheval 10 réserve souvent le terme de paraplégie aux seules atteintes
¶ Évolution et pronostic 10 d’origine médullaire. Ceci a l’avantage d’une unicité sémiologi-
Facteurs pronostiques de récupération 10 que qui sera la base de notre description. Nous abordons
Membre supérieur du tétraplégique 11 toutefois, également, les atteintes des deux membres inférieurs
Marche du paraplégique 11 liées à d’autres niveaux lésionnels (notamment de la queue de
Vieillissement du paraplégique 11 cheval) en raison des problèmes diagnostiques, sémiologiques et
¶ Diagnostic étiologique 11
de prise en charge proches et parfois indissociables.
Nous étudions également les tétraplégies définies par le déficit
¶ Explorations complémentaires 11 des fonctions motrices et/ou sensitives des segments médullaires
cervicaux secondaires à une lésion des éléments du système
nerveux intrarachidien. Les tétraplégies comprennent l’atteinte
de tout ou partie des membres supérieurs, du tronc, des deux
membres inférieurs et des organes pelviens. Elles sont, par

Neurologie 1
17-005-B-10 ¶ Paraplégies

extension, souvent comprises dans le terme générique de souci de rechercher deux niveaux : le niveau supérieur du
paraplégies. Les paraplégies de l’enfant avec leurs problèmes syndrome lésionnel toujours présent et le niveau inférieur du
étiologiques spécifiques et les complications propres ne sont pas syndrome lésionnel dès qu’il existe une réflectivité sous-
étudiées ici. lésionnelle. [7] Il est fréquent qu’il existe une asymétrie d’un ou
Cet article est essentiellement centré sur la sémiologie précise plusieurs métamères du niveau lésionnel, même dans les
des différentes atteintes médullaires qui doit être parfaitement atteintes traumatiques.
connue, car malgré les progrès des explorations complémentai- Il existe un consensus international pour l’utilisation d’une
res, elle conserve tout son intérêt : classification et d’une évaluation standardisée des lésions de la
• pour la localisation lésionnelle ; moelle (guide de bonnes pratiques, comparaison de cohorte,
• pour la compréhension des désordres et des complications suivis évolutifs, impact sur les incapacités, essais cliniques et
cliniques ; efficacité des thérapeutiques actuelles et futures...). La classifica-
• pour le traitement. tion internationale et fonctionnelle des lésions médullaires a été
La fréquence des paraplégies est mal connue. La première développée par l’American Spinal Injury Association (ASIA) au
enquête nationale réalisée en France, en l’an 2000, chiffre début des années 1980 pour les lésions traumatiques (échelle
l’incidence des paraplégies et tétraplégies post-traumatiques à ASIA) et est adoptée par la communauté internationale depuis
19,4/million d’habitants/an. [1] La prévalence est de l’ordre de 1992 pour toutes les étiologies.
100 à 400/million. Il est impossible de donner des chiffres précis Le niveau neurologique correspond au dernier métamère dont
de prévalence des paraplégies, notamment concernant les les fonctions motrices et sensitives sont normales (dernier
paraplégies d’origine médicale pour lesquelles aucune épidé- métamère sain). [8] La répartition des déficits moteurs et sensitifs
miologie n’est connue. On peut toutefois affirmer que la est fréquemment asymétrique, ce qui nécessite de définir le
prévalence des paraplégies est en augmentation, en liaison niveau neurologique en quatre données : niveau moteur droit,
directe avec l’augmentation de la durée de vie des paraplégi- niveau sensitif droit, niveau moteur gauche, niveau sensitif
ques, et ce, quelle que soit l’étiologie. gauche. Le niveau moteur correspond au segment médullaire le
Sur le plan neurophysiologique, d’importants progrès ont été plus bas dont la fonction motrice est normale de façon bilaté-
réalisés dans la compréhension de l’activité réflexe sous- rale. Le niveau sensitif correspond au segment médullaire le
lésionnelle. L’existence d’un centre médullaire de la marche a plus bas ayant une fonction sensitive normale de façon bilaté-
été démontré chez l’animal mais également chez l’homme. [2] rale. Ces niveaux sont définis lors de l’examen clinique par
De nombreux neurotransmetteurs ont été identifiés [3] parmi l’analyse de dix groupes musculaires-clés pour le niveau moteur
lesquels : la substance P, particulièrement abondante dans les et par l’analyse de points sensitifs-clés des 28 dermatomes (de
cornes postérieures et la substance grise périépendymaire, C2 à S5) à droite et à gauche.
impliquée dans les phénomènes douloureux ; l’acide gamma-
amino-butyrique (GABA) impliqué dans la spasticité ; le gluta-
mate, acide aminé excitateur mais aussi neurotoxique lorsqu’il Sensibilité
est libéré par un traumatisme.
Les recherches thérapeutiques actuelles sur les lésions médul- L’examen est conduit sur l’ensemble du corps (28 dermato-
laires traumatiques explorent principalement trois moyens : mes de chaque côté) de haut en bas puis de bas en haut, pour
• la lutte contre les phénomènes toxiques secondaires dus en préciser la limite supérieure du niveau lésionnel. On prend soin
particulier aux acides aminés excitateurs comme le glutamate, de s’intéresser non seulement à la perception sensitive absolue
avec par exemple la gacyclidine associée à un piégeur de mais aussi relative par comparaison d’un côté à l’autre et des
radicaux libres ; [4] territoires sus-lésionnels par rapport aux sous-lésionnels.
• la stimulation de la repousse axonale et la limitation de la Toutes les sensibilités sont étudiées systématiquement. Il est
cicatrice gliale ; [5] fréquent que les niveaux métamériques obtenus diffèrent d’un
• la transplantation sous-lésionnelle de neurones embryon- étage ou deux selon le mode de sensibilité. De plus, entre zones
naires. [6] saines et zones franchement anesthésiées (en cas d’atteinte
Les plus grands progrès ont été réalisés dans la prise en complète) s’interposent fréquemment un ou deux dermatomes
charge de ces patients, notamment quant à la prévention et le d’hypo-, voire hyperesthésie.
traitement des complications (troubles cutanés, troubles vési- Les limites des différents dermatomes ne peuvent être tracées
cosphinctériens) qui pesaient si lourdement il n’y a encore pas précisément car elles sont habituellement prises en charge par
longtemps sur le pronostic vital. Parallèlement, d’importants deux racines différentes avec des variations interindividuelles.
progrès ont été acquis dans l’aide à l’autonomie, la réinsertion Ceci explique les variations observées dans les schémas selon les
sociale et professionnelle. auteurs. Celui de Foerster (1933) semble le plus proche de ce
que l’on observe habituellement.

■ Sémiologie analytique des lésions Sensibilité superficielle


médullaires Dans l’ASIA, qui simplifie volontairement l’examen clinique,
sur chaque point-clé, le tact fin (coton) et la sensibilité à la
L’examen clinique d’un paraplégique peut répondre schéma- piqûre (épingle de sûreté) sont analysés et cotés séparément
tiquement à deux situations très différentes : tantôt la paraplégie selon une échelle à trois items : 0 : sensibilité absente ; 1 :
est évidente, il s’agit alors de préciser son caractère complet ou sensibilité diminuée et/ou hyperesthésie ; 2 : sensibilité normale.
non, l’existence d’un niveau lésionnel, l’étendue de l’éventuel L’impossibilité de distinguer la pointe mousse de la piqûre est
syndrome lésionnel, et d’en étudier l’évolution, notamment le cotée à 0.
passage à la spasticité dans les paraplégies aiguës ; tantôt la Le caractère incomplet de la lésion est défini par la persis-
paraplégie est méconnue et il s’agit, au sein d’une sémiologie tance d’une sensibilité du segment sacré le plus bas (S4-S5)
plus riche et diffuse, de rechercher les signes frustes d’atteinte (épargne sacrée). L’exploration de ce segment inclut la sensibi-
médullaire. lité de la jonction cutanéomuqueuse anale mais aussi la
Quoi qu’il en soit, l’examen doit être mené avec une rigueur perception du doigt intra-anal. Le toucher anal permet égale-
extrême. Au cours de l’examen méthodique, on compare sans ment de percevoir une éventuelle contraction volontaire du
cesse le sujet à lui-même : un côté par rapport à l’autre et les sphincter externe et par le toucher rectal, celle des releveurs de
membres supérieurs par rapport aux membres inférieurs. Une l’anus (S5). Le score sensitif maximal pour chaque sensibilité
bonne connaissance de la segmentation médullaire est indis- (piqûre et tact) est de 56 (28 dermatomes × 2) pour chaque côté,
pensable à la réalisation de cet examen. On a constamment le soit un score maximal de 112.

2 Neurologie
Paraplégies ¶ 17-005-B-10

reins et uretères dépend de L1. Au niveau vésical, il faut


distinguer la perception du besoin physiologique intégrée au
“ À retenir niveau sacré S1-S4, de la perception du besoin impérieux
contemporain de la première contraction du détrusor intégrée
au niveau de T11-L1. La sensibilité des testicules et des ovaires
Points-clés de l’ASIA sensitive (niveau et score).
est T10, de l’épididyme T11-L1, de la prostate T10-T11 et L5-S3 ;
C2 : protubérance occipitale ;
la sensibilité du segment inférieur de l’utérus et du col relève de
C3 : creux sus-claviculaire ;
S1-S4 mais la perception des contractions de T10-L1. Ces
C4 : sommet de l’articulation acromioclaviculaire* ; éléments sont importants à prendre en compte dans les indica-
C5 : face antéroexterne du coude ; tions de rééducation et réadaptation des blessés médullaires.
C6 : pouce (pulpe) ;
C7 : médius ;
Analyse de la sensibilité dite « subjective »
C8 : auriculaire ;
T1 : face antéro-interne du coude ; Il peut s’agir de simples paresthésies (fourmillements, picote-
T2 : creux axillaire (apex) ; ments) ou de douleurs. Elles sont étudiées soigneusement car
T3 : 3e espace intercostal (EI) ; parfois difficiles à interpréter, surtout lorsqu’elles siègent en
T4 : 4e EI (mamelon) ; territoire anesthésié. La perception par le patient, lors d’une
T5 : 5e EI ; paraplégie sensitivomotrice apparemment complète, de la
T6 : 6e EI (apophyse xiphoïde) ; motricité incontrôlée sous-lésionnelle pose de fréquents problè-
mes sémiologiques. Les mouvements involontaires peuvent
T7 : 7e EI (mi-chemin entre T6 et T8) ;
mobiliser des zones de sensibilité normale et donner l’illusion
T8 : 8e EI (mi-chemin entre T7 et T9) ;
au patient d’une véritable perception mais il n’est pas certain
T9 : 9 EI (mi-chemin entre T8 et T10) ;
qu’il n’y ait pas d’autres mécanismes, notamment la persistance
T10 : ombilic ;
de certaines voies sensitives non objectivées par l’examen.
T11 : 11e EI (mi-chemin entre T10 et T12) ;
T12 : milieu du pli inguinal ; Douleurs neurologiques
L1 : mi-distance entre T12 et L2 ; Nous ne décrirons ici que les douleurs particulières aux
L2 : milieu de la face antérieure de cuisse ; lésions médullaires c’est-à-dire les douleurs sous-lésionnelles et
L3 : condyle fémoral médial ; certaines douleurs lésionnelles.
L4 : malléole médiale ; Douleurs sous-lésionnelles. Les douleurs neurologiques, les
L5 : face dorsale de la 3 e articulation métatarso- plus caractéristiques, relèvent, selon l’hypothèse habituellement
phalangienne ; retenue depuis les travaux de Loeser, [9] d’un mécanisme de
S1 : face latérale (externe) du talon ; désafférentation. L’hypothèse d’un centre supramédullaire
S2 : creux poplité ; d’intégration et de traitement de la douleur [10] dont l’inhibition
S3 : tubérosité ischiatique ; exercée par les voies sensitives serait levée par la lésion de
S4-S5 : zone périanale. celles-ci est actuellement admise.
* La limite inférieure de C4 descend parfois assez près de la Ces douleurs sont ressenties comme des sensations de
ligne mamelonnaire, pouvant faire croire à tort à une décharges électriques, de brûlures, d’étau ou de broiements dans
sensibilité d’un métamère T2 ou T3. le territoire anesthésié et à distance du niveau lésionnel. Elles
sont bilatérales mais parfois unilatérales et parfois uniquement
localisées au périnée, voire à l’anus. Elles peuvent simuler une
douleur viscérale. Sur un fond douloureux permanent, survien-
Examen de la sensibilité profonde nent de fréquents paroxysmes très intenses. On est parfois
surpris d’une rythmicité particulière, par exemple la survenue de
Il porte à la fois sur la perception des vibrations du diapason, ces douleurs un jour sur deux. Leur début a été volontiers décalé
la kinesthésie et le sens de position des articulations. Le sens de par rapport à la paraplégie, de plusieurs mois, voire plusieurs
position des articulations et la kinesthésie sont des éléments années. Elles ne régressent que très partiellement et disparais-
particulièrement importants à analyser dans le cadre d’un sent rarement. Elles peuvent être augmentées par le froid,
programme thérapeutique. Les repères osseux étudiés par la l’humidité ou les exercices physiques mais n’ont aucun rapport
vibration du diapason donnent les niveaux métamériques
avec l’étiologie et les modalités thérapeutiques locales. Elles
suivants :
touchent environ 65 % et sont réellement invalidantes chez
• manubrium : C3-C4 ;
près de 10 % des blessés médullaires.
• acromion : C5 ;
• pouce : C6 ; Certaines douleurs musculaires sont nettement en rapport
• face antérieure de l’épicondyle médial : C8 ; avec les accès de contractures, même si le mécanisme physiopa-
• auriculaire : C8-T1 ; thologique n’est pas clair, et leur traitement se confond avec
• épine iliaque antérosupérieure : L1-L2 ; celui de la spasticité.
• rotule : L3 ; Douleurs lésionnelles. La définition même de douleur
• face antérieure du tibia : L4 ; lésionnelle est sujette à caution et l’on englobe souvent sous ce
• face antérieure du grand trochanter : L5 ; terme des douleurs de type et de mécanisme fort différents,
• tubérosité ischiatique : S1. tantôt par hyperstimulation, tantôt par désafférentation. Elles
L’étude du sens de position des articulations ne se borne pas s’observent plus souvent chez les paraplégiques post-
à l’étude classique du gros orteil mais porte sur toutes les traumatiques.
articulations en raison de leur intérêt fonctionnel, pour la Les douleurs neurologiques ont une topographie radiculaire
marche notamment. en bande uni- ou bilatérale, sur un ou deux métamères, sensa-
Dans la classification ASIA, l’analyse du sens de position du tions de brûlure, de picotement ou d’étau dans un territoire
gros orteil et du pouce est recommandée mais considérée hypoesthésique ou normal, à la limite du syndrome lésionnel.
comme facultative. Elles apparaissent souvent quelques semaines après le trauma-
tisme et régressent habituellement en moins de 1 an.
Sensibilité des viscères Il n’est pas toujours facile de les distinguer des douleurs par
Au niveau du tube digestif, la sensibilité de l’estomac dépend hyperstimulation d’origine rachidienne. Ces douleurs, d’allure
de T6-T9, grêle et côlon T9-T12, rectum S1-S4. La sensibilité des mécanique, déclenchées par les mouvements du tronc en

Neurologie 3
17-005-B-10 ¶ Paraplégies

particulier la rotation, la toux, la défécation, la reprise de la liée à la vitesse et à une exagération des réflexes tendineux. La
station assise, ont pour point de départ le foyer de fracture. Elles spasticité n’est qu’une composante du syndrome pyramidal, ou
font discuter une instabilité de celui-ci, un fragment osseux plus justement du syndrome du motoneurone supérieur, qui
résiduel ou la responsabilité directe du matériel d’ostéosynthèse. comporte d’autres phénomènes dits « positifs » comme la
libération des réflexes de flexion, et l’existence de syncinésies
dans les lésions hémisphériques (absentes dans les lésions
médullaires), associés aux phénomènes négatifs dont essentiel-
Motricité lement la paralysie et la fatigabilité.
L’étude de la motricité est complexe en raison de l’innerva-
Physiopathologie
tion des muscles. En effet, si à une racine correspond un
myotome donné, un muscle est en règle innervé par deux ou Le réflexe myotatique est constitué d’un arc réflexe monosy-
trois racines (sauf les muscles intercostaux). Seule une atteinte naptique dont le récepteur est le fuseau neuromusculaire, et
complète des deux ou trois niveaux métamériques concernés l’afférent les fibres Ia qui s’articulent de façon monosynaptique
donne une paralysie complète du muscle considéré. [11, 12] La avec les motoneurones alphahomonymes. À côté de cette voie
classification et le score moteur ASIA analyse cinq groupes monosynaptique, il existe des voies polysynaptiques compre-
musculaires clés au membre supérieur, cinq groupes musculai- nant plusieurs interneurones entre les fibres Ia et le motoneu-
res clés au membre inférieur à droite et à gauche. Les groupes rone, qui seraient responsables du réflexe tonique vibratoire. Les
musculaires choisis ont des actions simples et reproductibles et terminaisons secondaires sont des récepteurs situés sur les fibres
leur évaluation (score), qui utilise la classification internatio- intrafusales, sensibles à l’étirement et exerçant une action
nale (de 0 : pas de contraction volontaire, à 5 : contraction complexe sur les motoneurones homonymes. La sensibilité à
volontaire, dans toute l’amplitude contre forte résistance), est l’étirement des terminaisons primaires et secondaires est sous
facile dans la majorité des cas : contrôle des motoneurones gamma eux-mêmes contrôlés par les
• fléchisseurs du coude : C5 ; voies descendantes. La mise en jeu du réflexe myotatique
• extenseurs du poignet : C6 ; s’accompagne parallèlement de plusieurs mécanismes d’inhibi-
• extenseurs du coude : C7 ; tion : l’inhibition Ib, l’inhibition réciproque Ia, l’inhibition
• fléchisseurs des phalanges distales des doigts : C8 ; récurrente et l’inhibition présynaptique des fibres Ia.
• abducteur du petit doigt : T1 ; En pathologie médullaire, la spasticité s’explique non seule-
• fléchisseurs de la hanche : L2 ; ment par une modification du contrôle descendant en rapport
• extenseurs du genou : L3 ; avec la lésion du système nerveux central, mais aussi par des
modifications histologiques ou biochimiques consécutives à ces
• fléchisseurs dorsaux du pied : L4 ;
lésions, aboutissant à une réorganisation des circuits médullai-
• extenseur du gros orteil : L5 ;
res. Le mécanisme essentiel de la spasticité est la libération de
• fléchisseurs plantaires de cheville : S1. réflexes médullaires non contrôlés par les structures supraspina-
L’examen moteur permet de définir le niveau moteur, les les, mais des différentes perturbations observées dans les
zones d’épargne motrice (zone de préservation partielle [ZPP], mécanismes de contrôle segmentaires, aucune ne paraît suffi-
cf. infra), le degré de l’atteinte neurologique et d’établir un score sante à elle seule. [14] Parmi les mécanismes évoqués, l’hypo-
moteur. Le niveau moteur est défini par le muscle clé le plus thèse d’une hyperactivité des motoneurones gamma a pu être
inférieur, coté au moins à 3 à condition que les muscles clés écartée.
immédiatement supérieurs soient jugés normaux (cotés à 4 ou
Les mécanismes reconnus aujourd’hui comme contribuant à
à 5). Le score moteur maximal est de 25 (5 × 5) pour un
la spasticité sont :
membre supérieur, de 25 pour un membre inférieur et ce de
chaque côté examiné, soit 100. • une diminution de l’inhibition présynaptique des fibres Ia. Ce
phénomène est en cause dans la spasticité d’origine spinale
D’autres muscles sont importants à évaluer : le diaphragme
mais pas dans la spasticité d’origine cérébrale. C’est à ce
(muscle de l’inspiration), le latissimus dorsi (stabilité du tronc
niveau qu’agit sur le plan thérapeutique le baclofène ;
et transferts), le pectoralis major (expirateur accessoire et
protecteur de la coiffe des rotateurs), les muscles abdominaux • une diminution de l’inhibition autogénique Ib ;
(muscles de la toux et de la stabilité du tronc...). • une diminution de la dépression homosynaptique, c’est-à-
Il est utile de préciser la limite supérieure du syndrome dire une diminution de la déplétion en neurotransmetteur
lésionnel, par la connaissance des niveaux métamériques habituellement observée après activation répétée d’une
supérieurs des principaux muscles (Fig. 1). [13] synapse ;
Au cours des lésions médullaires, les paralysies sont de type • une hyperactivité des fibres du groupe II. C’est à ce niveau
central mais peuvent être de type périphérique au niveau que la tizanidine a une action sélective.
lésionnel. En ce cas, une cotation précise de la paralysie est Cliniquement, la spasticité se traduit par une hypertonie
possible de 0 à 5 selon la cotation internationale. Mais pour élastique observée lors de l’étirement passif des muscles, par
les paralysies centrales, cette cotation est impossible car la l’absence d’inhibition des antagonistes lors du mouvement actif
réduction de la force musculaire s’associe à la spasticité. et par les réflexes ostéotendineux qui sont alors vifs, diffusés et
Celle-ci modifie considérablement l’appréciation de la force polycinétiques (Tableau 1). L’existence de la spasticité traduit
musculaire, gêne la décontraction musculaire et associe une l’intégrité du segment médullaire examiné.
détérioration de la sélectivité de la commande. Il est même Si la spasticité sous-lésionnelle est caractéristique d’une lésion
parfois difficile de différencier une contraction volontaire médullaire, elle est absente dans les circonstances suivantes :
d’une contraction réflexe. On attache alors plus d’importance • le choc spinal, [15] caractéristique des paraplégies d’installa-
à la décontraction qu’à la contraction volontaire elle-même tion aiguë (traumatiques mais aussi certaines myélites,
pour les différencier. ramollissement transverse total). Il se traduit par une absence
totale de réflexes sous-lésionnels. La disparition du choc
Réflexes spinal, marquée par la réapparition desdits réflexes, débute au
niveau des segments médullaires les plus bas, parfois dès les
Spasticité premières heures pour les réflexes anal et bulbocaverneux. La
réapparition des autres réflexes est plus longue et peut s’étaler
Elle est définie par l’hyperexcitabilité de l’arc réflexe myota- sur plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Le plus souvent,
tique aboutissant à une augmentation du réflexe d’étirement les réflexes à point de départ cutané réapparaissent longtemps

4 Neurologie
Paraplégies ¶ 17-005-B-10

Membre supérieur Figure 1. Niveaux métamériques supérieurs


des principaux muscles [13].
C5 C6 C7 C8 T1

deltoïde épineux

biceps brachial
deltoïde acromial et claviculaire

rotateurs latéraux (infraépineux-petit rond)


brachioradial

long extenseur radial du carpe


rotateurs médiaux (subscapulaire et grand rond)

court extenseur radial du carpe


rond pronateur
triceps brachial

fléchisseur radial du carpe


fléchisseur ulnaire du carpe

V extenseurs
IV des
doigts
III
II
extenseur ulnaire du carpe
V fléchisseurs
IV superficiels
des doigts
III
II
V fléchisseurs
IV profonds
des doigts
III
II
lombricaux
interosseux

opposant du I

Membre inférieur
T11 T12 L1 L2 L3 L4 L5 S1 S2 S3 S4
carré des lombes

sartorius
iliopsoas

adducteurs
quadriceps

gracile
tibial antérieur

moyen fessier
ischiojambiers internes
long extenseur de l'hallux

long extenseur des orteils


tibial postérieur

fibulaires
grand fessier

triceps sural
biceps fémoral
releveurs
sphincter

Neurologie 5
17-005-B-10 ¶ Paraplégies

Tableau 1.
Métamérisation des principaux réflexes ostéotendineux et cutanés.
Réflexes Niveau métamérique Réflexes cutanés
“ À retenir
ostéotendineux
Bicipital C5-C6 Échelle de Penn.
Styloradial C5-C6
0 : absence de spasme ;
Tricipital C7-C8
1 : absence de spasme spontané, présence de spasmes
induits par la stimulation sensorielle ou la mobilisation
Fléchisseurs des doigts C8
passive ;
T6-T8 - Supérieurs
2 : spasmes spontanés occasionnels ;
T8-T10 - Moyens, cutanés
abdominaux
3 : un à dix spasmes spontanés par heure ;
T10-T12 - Inférieurs
4 : plus de dix spasmes spontanés par heure.
Ces spasmes peuvent être particulièrement gênants et
L1-L2 - Crémastérien
pérenniser des attitudes vicieuses orthopédiques.
Rotulien L3-L4
Achilléen S1
Fléchisseurs des orteils S2
S3 - Bulbocaverneux non des mouvements articulaires et peuvent parfois survenir
S3-S4 - Anal pendant le sommeil. Elles s’observent également au cours des
lésions complètes ou incomplètes. Elles doivent faire rechercher
une stimulation qui serait douloureuse si la sensibilité existait,
avant les réflexes ostéotendineux. Un délai de 10 à 12 mois dite « épine irritative », au premier rang desquelles : rétention
est nécessaire pour parler d’une stabilité de la réflectivité ; d’urine, infection urinaire, pyélonéphrite, prostatite, lithiase
• au niveau lésionnel qui, selon l’étiologie, peut s’étendre sur urinaire, escarre, hémorroïde, fissure anale, fécalome, ongle
un ou plusieurs métamères ; incarné, para-ostéo-arthropathie, syringomyélie, voire des
• au cours de certaines myélomalacies très étendues. traumatismes extérieurs par les plis des vêtements, des élastiques
La cotation la plus utilisée dans les études cliniques est celle ou des chaussures trop serrées. Elles sont également sensibles à
d’Ashworth, de 0 à 4, [16] mais elle ne tient pas compte de la des facteurs externes climatiques : température, hydrométrie,
vitesse d’étirement du muscle ni de la réponse obtenue en barométrie.
fonction de l’angle articulaire, ce que fait l’échelle de Tardieu.
Il est essentiel de tenter de distinguer la spasticité que l’on Réflexes cutanés
qualifiera d’utile, de la spasticité néfaste. Il faut notamment
• L’inversion du réflexe cutané plantaire ou signe de Babinski
distinguer la spasticité objectivée par la mobilisation passive
est pathognomonique d’une lésion centrale mais ne s’observe
d’un segment de membre de la spasticité déclenchée par un
que si la lésion ne descend pas en dessous de L5.
mouvement actif. Cette dernière peut renforcer la contraction
• Le signe d’Hoffmann observé au membre supérieur est un
musculaire demandée et alors être utile (par exemple, contrac-
bon argument mais non pathognomonique de lésion médul-
tion du quadriceps facilitant la marche), mais peut renforcer les
laire où C8 est situé en sous-lésionnel.
antagonistes et interdit alors le geste demandé. Il est nécessaire
• Les réflexes cutanés abdominaux supérieurs moyens et
d’un point de vue fonctionnel et thérapeutique d’étudier la
inférieurs sont abolis au cours du syndrome pyramidal.
spasticité muscle par muscle, notamment au membre supérieur
• Le réflexe crémastérien : on le recherche par une stimulation
chez le tétraplégique ou au membre inférieur si la marche est
cutanée de la face interne de la cuisse. La réponse doit être
envisagée. La mise en charge des membres inférieurs chez un
une ascension testiculaire vraie et non pas de simples vermi-
paraplégique est susceptible de déclencher des phénomènes de
culations scrotales comme on peut en observer. Ce réflexe
spasticité très différents de ceux observés en décubitus et impose
diminue avec l’âge. Il est aboli au cours du syndrome pyra-
de ne pas se contenter du seul examen clinique au lit de ces
midal. Son équivalent chez la femme, l’ascension de la
patients.
grande lèvre est d’observation difficile.
Par ailleurs, il faut noter que la spasticité est variable dans le
• Le réflexe bulbocaverneux chez l’homme : la stimulation de
temps chez un même sujet, et qu’elle est sensible aux facteurs
la région juxtaméatique entraîne une contraction du muscle
émotionnels et aux conditions extérieures, notamment
bulbocaverneux, voire du plancher pelvien. L’équivalent chez
thermiques.
la femme est le réflexe clitoridoanal. Si la contraction est plus
Spasmes en flexion ou extension étendue, il signe une diffusion et donc un caractère patholo-
gique de ce réflexe. Chez un patient sondé, un équivalent de
Également appelés réflexes d’automatisme médullaire, ils sont ce réflexe peut être aisé à observer en exerçant une légère
habituellement expliqués par l’exagération du réflexe de flexion traction sur la sonde urinaire.
décrit par Scherrington. Il s’agit de réflexes polysynaptiques que • Le réflexe anal est recherché à la piqûre, sa contraction est
l’on observe au cours des lésions complètes aussi bien que des vive, voire diffusée. On associe la recherche de ce réflexe
lésions incomplètes. La stimulation nociceptive ou non de cutané par l’examen au doigt du releveur de l’anus (S5). Les
nombreux afférents d’origine cutanée, musculaire ou articulaire, réflexes bulbocaverneux et anal doivent être recherchés à
active dans la moelle une voie oligosynaptique et déclenche un distance d’une défécation et ampoule rectale vide.
mouvement de flexion ipsilatérale et une extension controlaté-
rale. Les voies de ce réflexe seraient impliquées dans la généra-
tion, au niveau médullaire, des automatismes intervenant dans Examen du système nerveux végétatif
la locomotion. [2] Les spasmes en flexion ou extension et la La moelle végétative située dans la zone périépendymaire
spasticité sont souvent associés. On note soigneusement les directe (pars intermedia) s’étend sans discontinuité de C1 au
territoires déclenchant ces spasmes et le niveau de diffusion de cône terminal en étroite liaison avec les cornes antérieures et
ceux-ci qui permet d’apprécier la limite inférieure du syndrome postérieures. Elle émet une expansion latérale appelée tractus
lésionnel. L’importance des spasmes est évaluée par l’échelle de intermediolateralis qui n’est bien individualisée que de C8 à
Penn. [17] L2 et renferme les corps cellulaires des fibres préglanglionnaires
des centres sympathiques médullaires : de C8 à T2, centre
Contractures craniofacial avec le centre ciliospinal de Budge et le centre
L’usage réserve actuellement ce terme aux contractions accélérateur cardiaque ; de T3 à T5 le centre pulmonaire ; de T6
involontaires observées en territoire sous-lésionnel sans stimu- à L2 le centre des splanchniques abdominaux et pelviens et de
lation apparente. Ces contractions musculaires déclenchent ou S3 à S5, les centres vésicogénitaux. En outre, cette colonne

6 Neurologie
Paraplégies ¶ 17-005-B-10

renferme la totalité des centres pilomoteurs, sudoripares et Troubles de la régulation thermique


vasomoteurs disposés métamériquement de C8 à L2. Les fibres
à destinée pariétale et celles à destinée viscérale cheminent en L’hypothermie est habituelle chez le tétraplégique ou le
commun dans la corne antérieure, le rameau communicant paraplégique thoracique haut de niveau supérieur à T6 en raison
blanc et la chaîne caténaire des ganglions paravertébraux de l’absence d’information cutanée et des mécanismes compen-
qu’elles traversent avec (somatiques) ou sans (viscérales) sateurs habituels. Une hypothermie de 35 °C à 36 °C est
synapses. L’étude des fonctions viscérales, impossible par le seul fréquente et ne doit pas être corrigée. On note, en outre, une
examen clinique, peut néanmoins ainsi être approchée par plus grande sensibilité aux variations thermiques de la tempé-
l’examen cutané. La systématisation du système nerveux rature ambiante. Plus rarement, il s’agit d’une hyperthermie par
végétatif est encore compliquée par le fait que la disposition du dérèglement neurovégétatif (dont le diagnostic ne sera porté
système à destinée somatique est divergente (un myélomère qu’après élimination des autres causes d’hyperthermie et
pour plusieurs dermatomes) alors que le système à destinée notamment infectieuses d’origine urinaire).
viscérale est convergent.
Le parasympathique n’est individualisé qu’au niveau du cône Troubles cardiovasculaires
terminal dans la corne antérieure des segments S1 à S3 réalisant
Ils sont habituellement expliqués par la libération du tonus
le centre pelvien.
vagal résultant des lésions médullaires du système orthosympa-
La recherche des limites supérieures et inférieures du syn-
thique. Une bradycardie est habituelle dans les paraplégies en
drome lésionnel végétatif est utile car elles ne sont pas super-
posables directement à celles du syndrome lésionnel somatique. phase aiguë et de niveau supérieur à T6, complètes ou incom-
Cette recherche est d’autant plus importante que la limite plètes. Il s’agit d’une bradycardie sinusale entre 35 et 60/min
inférieure du syndrome lésionnel est mal appréciée par les peu sensible aux tachycardisants habituels que sont l’hypovolé-
examens sensitifs et moteurs décrits précédemment. mie et l’hyperthermie. Elle disparaît en quelques jours, ou
L’examen cutané permet une approche du niveau métaméri- quelques semaines. Un arrêt cardiaque chez ces mêmes patients
que viscéral mais n’est réellement possible que si la lésion est susceptible de survenir dans des conditions de stimulation
médullaire est complète et stabilisée, ce qui ne s’observe en vagale, notamment aspiration trachéale ou changement de
règle pratiquement que dans les paraplégies traumatiques. [7] canule, mais aussi induction anesthésique.
Une hypotension artérielle de repos est habituelle, d’autant
Dermographisme réflexe plus fréquente dans les lésions complètes et d’autant plus que
le niveau lésionnel est situé haut, surtout au-dessus de T6. Elle
Il permet d’étudier la vasoconstriction sympathique dont les doit être respectée car habituellement parfaitement tolérée. On
centres se situeraient entre T3-T8 pour le membre supérieur et saura prévenir une hypotension artérielle orthostatique par des
au-dessous de T9 pour les membres inférieurs. On trace sur la verticalisations progressives et des moyens physiques (gaine
peau avec une épingle une longue ligne partant du pied, abdominale, bas de contention veineuse). Un traitement par
remontant sur tout le corps jusqu’à la clavicule et le membre midodrine (Gutron®), alpha-adrénergique, peut être efficace.
supérieur. On suit alors l’évolution de cette raie vasomotrice en
comparant son aspect et son sens de variation (raie blanche ou
raie rouge) en zone saine et en zone anesthésiée. On sensibilise Hyperréflexie autonome (HRA)
l’examen par le déclenchement de spasmes en flexion Il s’agit d’un syndrome caractérisé par une profonde réponse
sous-lésionnels. tensionnelle systolique et diastolique survenant chez les blessés
médullaires de niveau supérieur à T6 en réponse à de nombreux
Sudation stimuli sous-lésionnels correspondant à une hyperactivité
Les centres sympathiques impliqués dans la sudation se sympathique sous-lésionnelle. Elle s’associe à des manifestations
situent de C8 à T3 pour la tête, le cou et le thorax supérieur, de cliniques variables allant de quelques signes subjectifs vagues,
T5 à T7 pour les membres supérieurs et de L1 à L2 pour les telle une certaine sensation de malaise, à un tableau dramatique
membres inférieurs. Elle est normalement absente en territoire associant des céphalées battantes parfois insupportables, de
lésionnel et habituellement exagérée en territoire sous-lésionnel localisation variable, sans rapport avec le degré d’élévation
de manière parfois réellement gênante pour le patient. Cette tensionnelle, des sueurs sus-lésionnelles profuses, une horripila-
sudation sous-lésionnelle est dysconnectée des centres de tion, une mydriase et un larmoiement, une congestion nasale,
régulation thermique sus-médullaires. ainsi qu’un érythème sus-lésionnel. L’HRA apparaît parfois dès
les premiers jours après l’installation d’une paraplégie aiguë,
Réflexe pilomoteur parfois après quelques mois seulement. Elle est déclenchée par
une stimulation nociceptive sous-lésionnelle intéressant souvent
C’est un réflexe strictement unilatéral contrairement aux
la sphère vésicosphinctérienne telle qu’une rétention, une
réflexes de sudation et de dermographisme. Il comporte deux
lithiase mais aussi n’importe quel stimulus nociceptif, ainsi que
phénomènes : le redressement du poil et la chair de poule (qui
par de nombreuses explorations paracliniques et l’accouche-
peut être présente dans certaines zones où le redressement du
ment. Elle peut se compliquer de crise comitiale, voire entraîner
poil est absent), déclenchés par stimulation sus-lésionnelle au
une hémorragie cérébroméningée.
niveau du ganglion stellaire par pincement du trapèze, applica-
tion de froid ou frôlement local, observé à jour frisant. Le
réflexe pilomoteur spinal est déclenché par piqûre itérative de Troubles du système digestif
la région coccygoanale. L’absence de réflexe pilomoteur spinal Il n’est pas rare d’observer, au cours des lésions médullaires
et de dermographisme traduit l’absence d’automatisme végétatif hautes aiguës, l’apparition d’une dilatation gastrique liée à une
sous-lésionnel, soit un niveau inférieur du syndrome lésionnel hypotonie de la musculature lisse gastrique. Le traitement est la
situé en dessous de L2. pose d’une sonde gastrique associée si possible au décubitus
Il faut toutefois insister sur l’absence de limite précise de ces ventral. Parmi les troubles digestifs observés précocement, l’iléus
différents réflexes. paralytique est d’une fréquence particulière, parfois déclenché
ou aggravé par l’existence d’une dilatation gastrique. Un
Signe de Claude Bernard-Horner syndrome de l’artère mésentérique supérieure (ou syndrome de
Associant ptosis, myosis et énophtalmie, il traduit la destruc- pince mésentérique) doit être évoqué devant un tableau
tion des première et deuxième racines thoraciques au niveau du d’occlusion haute chez un patient qui a eu une perte de poids
centre ciliospinal de Budge. On recherche au cours de l’examen, importante et rapide. Le diagnostic est confirmé par le transit
par le déclenchement de spasmes sous-lésionnels, l’existence gastroduodénal qui montre la compression du troisième duodé-
d’un signe de Pourfour du Petit, c’est-à-dire l’inversion du signe num par la pince formée par l’aorte et l’artère mésentérique
de Claude Bernard-Horner qui traduirait alors le caractère sous- supérieure. La réhydratation et la renutrition urgente en milieu
lésionnel des métamères C8-T1-T2. de réanimation sont indispensables.

Neurologie 7
17-005-B-10 ¶ Paraplégies

Appareil vésicosphinctérien (supérieures à T6), on peut avoir un équivalent de plénitude


vésicale à type d’hyperréflexie autonome. Dans les lésions
L’étude de l’ensemble de l’appareil vésicosphinctérien est situées sous T10, le patient peut percevoir une sensation de
fondamentale au cours des lésions médullaires car les troubles tension, de pesanteur sus-pubienne ;
résultant de ces lésions évoluent vers des complications graves • lésions périphériques de la queue de cheval ou de la subs-
affectant le bas et le haut appareil urinaire. tance grise du cône terminal : la déconnexion ou la destruc-
Chez le sujet normal, l’équilibre du bas appareil résulte d’une tion du centre sacré explique l’aréflexie vésicale
continence vésicale lors de la phase de remplissage et l’évacua- caractéristique d’une vessie dite « autonome ». La paralysie
tion régulière et complète des urines lors de la phase de périnéale est complète, ainsi que l’anesthésie dans le territoire
miction, tout en protégeant le haut appareil urinaire d’un des métamères sacrés, les réflexes périnéaux sont abolis ;
reflux. Une bonne miction nécessite une parfaite synergie entre • lésions dissociées du cône terminal : elles donnent des
la contraction du détrusor et l’ouverture du col vésical et le tableaux mixtes. Il existe en règle une destruction des centres
relâchement du sphincter strié urétral. Ces actions soumises à parasympathiques avec préservation somatique (plus rare-
un contrôle encéphalique complexe, permanent, sont intégrées ment l’inverse), avec donc une aréflexie vésicale et une
aux niveaux médullaires sacrés et dorsolombaires. L’appareil hyperactivité du sphincter strié.
vésicosphinctérien reçoit une innervation végétative et Dans les paraplégies incomplètes, notamment traumatiques,
somatique. où les lésions ne sont pas systématisées, le dysfonctionnement
Le détrusor reçoit une innervation essentiellement parasym- de l’appareil vésicosphinctérien est de type central, plus ou
pathique (issue des centres médullaires sacrés). Ce système moins accentué. C’est dire ici tout l’intérêt des examens
cholinergique assure la contraction du détrusor durant la phase urodynamiques.
de miction. Le détrusor reçoit également une innervation
sympathique bêta-adrénergique, qui favorise sa relaxation Appareil génitosexuel
durant la phase de remplissage. Au niveau du col vésical, du
trigone et de l’urètre postérieur, les récepteurs alpha- Chez l’homme
adrénergiques du système sympathique sont les plus nombreux.
Cette innervation sympathique (centres médullaires de T9 à L2) Érection
assure la fermeture du col pendant la phase de remplissage. Le centre principal est le centre parasympathique sacré d’où
Le système somatique, dont les centres sont localisés dans la partent les nerfs érecteurs (responsables de la première phase de
corne antérieure des métamères sacrés S3, S4, S5 (principale- l’érection) et le nerf pudendal (S4, responsable de la rigidité de
ment S4), innerve par l’intermédiaire des nerfs pudendals le l’érection). Le contingent orthosympathique (inhibiteur) émane
sphincter strié urétral et les muscles du plancher pelvien. Ce de la région dorsolombaire T10-L2. [19] Chez le paraplégique,
système permet le maintien et le contrôle volontaire des une érection réflexe ou mécanique est habituelle, si la zone
pressions urétrales et assure, de façon réflexe et volontaire, S2-S4 est en territoire sous-lésionnel. Cette érection est proche
l’inhibition du détrusor. Les voies qui véhiculent la perception de la normale, de durée variable, non perçue par le patient ou
du besoin d’uriner (tension du détrusor, sensibilité urétrale) sont perçue de façon indirecte. L’érection psychogène, plus rare, est
intégrées au niveau de la moelle sacrale, lieu d’intégration induite par l’évocation et l’exacerbation du désir sexuel. Cette
élémentaire du besoin d’uriner. La sensation de besoin impé- érection est de mauvaise qualité et de durée très brève. Elle se
rieux et imminente (issue du trigone et du col vésical) est voit si la limite supérieure du syndrome lésionnel est située sous
intégrée au niveau dorsolombaire. D’autres informations T10 et si le cône médullaire est en territoire lésionnel. L’érection
(pesanteur sus-pubienne) liées à l’excitation des récepteurs du mixte, associant les deux érections précédentes, se voit si le
péritoine viscéral ou intestinal lors du remplissage sont intégrées syndrome lésionnel est situé au-dessous de T10-T12 et au-dessus
au niveau de la moelle T6 à T10. de S2.
L’interrogatoire et l’examen clinique étudient notamment les
sensations de besoin, de passage des urines et les modalités de Éjaculation
la miction. On enrichit l’examen clinique des métamères sus- Le système orthosympathique est le système principal de
cités par le testing moteur des muscles innervés par S2-S3, en l’éjaculation. La sécrétion de sperme dépend des métamères
particulier les pelvitrochantériens, le biceps fémoral (S2) et les T10 et L2. L’expulsion de sperme est sous le contrôle des
fléchisseurs d’orteils (S1-S2). L’examen clinique de la fonction métamères sacrés S2-S3-S4 (nerf pudendal), ce centre assure
vésicosphinctérienne comprend un catalogue mictionnel réalisé l’éjaculation avec force et saccade. Lorsque la lésion médullaire
au mieux pendant 3 jours, avec mesure du résidu postmiction- recouvre les métamères sacrés et épargne la zone dorsolombaire
nel par échographe portatif. Il est utilement complété par des T10-L1, cette éjaculation est baveuse, sans saccade ni jet.
examens d’imagerie (échographie, urétérocystographie rétro- Lorsque les deux zones sont en territoire sous-lésionnel, on peut
grade, plus rarement urographie intraveineuse), des enregistre- obtenir une éjaculation normale, parfois annoncée par des
ments urodynamiques (débitmétrie, cystomanométrie, manifestations pénibles (contractures des membres inférieurs,
profilométrie) et électriques (électromyogramme des muscles du pesanteur hypogastrique, manifestations d’hyperréflexie
plancher périnéal, étude de la boucle S3, potentiels évoqués). autonome).
Les lésions médullaires perturbent le contrôle volontaire et
Spermogramme
réflexe de façon plus ou moins importante selon qu’elles sont
complètes ou non. [18] Après une longue période d’abstinence, le spermogramme
On classe les neurovessies en plusieurs catégories selon la montre une pauvreté qualitative et quantitative du sperme, que
localisation de la lésion : la répétition des éjaculations (obtenues facilement par vibro-
• lésions complètes du motoneurone central respectant les massage) améliore.
centres sacrés : la vessie est dite « centrale », « réflexe » ou
« automatique ». La motricité volontaire est nulle, la sensibi- Chez la femme
lité est abolie. Après la phase de choc spinal, on note la Si la zone sacrée est détruite, en particulier le métamère S2,
réapparition d’une activité détrusorienne contractile. L’hyper- il existe une insensibilité des organes génitaux externes et du
activité du détrusor ou vessie désinhibée avec des fuites en jet vagin. Un orgasme est possible par stimulation sus-lésionnelle
est caractéristique. Les stimulations sous-lésionnelles peuvent et/ou la stimulation de zones érogènes (clitoris, grandes et
provoquer la miction, mode possible de déclenchement petites lèvres...) sous-lésionnelles qui peut provoquer un
volontaire (percussion sus-pubienne). Une dyssynergie orgasme dont les contractions remontent jusqu’à la limite
vésicosphinctérienne est constante dans les lésions suprasa- inférieure du niveau lésionnel. La lubrification vaginale est
crées, caractérisée par le renforcement ou la persistance de possible lorsque T10 n’est pas en territoire lésionnel. [20] Lors de
l’activité sphinctérienne striée et lisse pendant tout ou partie la grossesse, si la limite supérieure du syndrome lésionnel est
de la contraction du détrusor. Dans les lésions dorsales hautes située sous T12, les sensations sont normales. En revanche, si

8 Neurologie
Paraplégies ¶ 17-005-B-10

C2 C3 C4 C5 C6 C7 C8 T1... T8... T12 en résulte est augmenté par le fait que la suppression du tonus
sympathique accroît la sécrétion bronchique et entraîne une
SCM bronchoconstriction.
Scalènes x x L’examen clinique apprécie la respiration paradoxale, le jeu
Trapèze des muscles intercostaux, la qualité du souffle et de la toux. Il
Diaphragme doit être complété par les examens radiographiques (standards
Rhomboïdes x x
et digraphiques), spirométriques, voire électromyographiques du
Dentelé
diaphragme.
antérieur
Grand pectoral x x
Grand dorsal x x
Intercostaux ■ Différents syndromes selon
Abdominaux
la localisation et l’importance
Racines principales x Racines accessoires de la lésion
Figure 2. Niveaux métamériques des muscles intervenant dans la res-
piration. SCM : sterno-cléido-mastoïdien. L’échelle d’incapacité ASIA (ou échelle de Frankel modifiée)
permet d’évaluer le degré d’incapacité, le caractère complet ou
non de la lésion et l’évolution de la lésion :
elle est située au-dessus de T10, la femme ne perçoit pas les • ASIA A : complet sensitif et moteur. Aucune fonction sensitive
contractions utérines et une hospitalisation en milieu spécialisé ou motrice n’est préservée au niveau sacré (S4-S5). C’est
est nécessaire dès la 34e semaine. Rappelons qu’il existe des uniquement dans cette situation que l’on peut utiliser le
risques d’hyperréflexie autonome lors de l’accouchement et de terme de zone de préservation partielle (ZPP) sensitive et/ou
la délivrance. motrice. La ZPP concerne tous les segments médullaires situés
sous la lésion ayant une préservation sensitive ou motrice ;
Fonction intestinale • ASIA B : incomplet sensitif, complet moteur. La fonction
sensitive est préservée en sacré (S4-S5), (épargne sensitive
L’innervation intrinsèque du côlon réalise un système sacrée), mais il n’y a pas de commande motrice sous-
autonome responsable de l’activité motrice intestinale qui lésionnelle ;
persiste après dénervation. Les voies parasympathiques dont les • ASIA C : incomplet. Il y a une commande motrice sous-
centres médullaires se situent sur les myélomères S2-S3- lésionnelle, mais la majorité des muscles clés sous-lésionnels
S4 cheminent dans les nerfs érecteurs jusqu’au côlon gauche, sont cotés à moins de 3 ;
sigmoïde et rectum. Cette activité parasympathique a un effet • ASIA D : incomplet. La majorité des muscles sous-lésionnels
stimulant. Les fibres sympathiques, dont les centres se situent sont cotés au moins à 3 ;
de T12 à L2, empruntent le trajet des nerfs splanchniques et ont • ASIA E : les fonctions motrices et sensitives sont normales.
une action inhibitrice. Le sphincter anal a une innervation
double : le sphincter interne est sous contrôle sympathique et
le sphincter anal externe est sous contrôle somatique issu des Syndrome de paraplégie complète
myélomères S2-S3-S4.
Le caractère complet d’une paraplégie est parfois difficile à
Chez le sujet sain, en dehors des épisodes de défécation, le
affirmer. Il demande un examen minutieux avant de porter le
rectum est vide. La défécation est initialisée par une invagina-
diagnostic de section médullaire physiologique (rarement liée à
tion du sigmoïde dans le rectum et la distension du rectum
une réelle section anatomique de la moelle). On se base sur
provoque le réflexe rectoanal : contraction du rectum et
l’association :
dilatation du sphincter anal. Chez le paraplégique, selon le
• anesthésie complète dans tous les territoires. Les paresthésies
niveau lésionnel, cette synergie rectoanale est plus ou moins
et les douleurs peuvent parfois prêter à discussion ;
conservée.
• déficit moteur complet. On sait toutefois que la réapparition
L’examen peut être complété par une manométrie anorectale
de spasmes sous-lésionnels après le choc spinal peut parfois
permettant d’étudier les pressions intrarectales et intra-anales, le
induire en erreur avec une motricité volontaire ;
profil du canal anal, l’électromyographie et l’analyse de la
• examen du système végétatif qui, bien que d’interprétation
boucle S3 pour mesure de la latence sacrée.
plus délicate, est indispensable ;
• disparition de tout contrôle supralésionnel sur l’automatisme
Appareil respiratoire sous-lésionnel. Il n’est pas rare d’observer un certain contrôle
volontaire sur cet automatisme lors de paraplégie apparem-
Au cours de l’inspiration, le diaphragme est le muscle
ment complète dont il faut alors récuser le diagnostic.
principal qui ne travaille en pleine efficacité qu’en synergie avec
Parmi les examens complémentaires, les potentiels évoqués
les intercostaux externes. Les muscles accessoires tels trapèzes et
somesthésiques corticaux ont un intérêt ainsi que les potentiels
sterno-cléido-mastoïdiens, les pectoraux et les scalènes n’inter-
évoqués moteurs par stimulation magnétique corticale, mais
viennent pas en physiologie normale mais sont développés par
rarement réalisables en pratique clinique. Ces atteintes complè-
la rééducation chez le tétraplégique. La Figure 2 résume les
tes se voient le plus souvent après traumatisme, mais parfois
niveaux d’innervation métamérique de tous les muscles impli-
aussi au cours de ramollissement transverse total, voire de
qués dans la respiration. L’expiration physiologique est passive ;
certaines tumeurs.
les muscles abdominaux interviennent dans les efforts de toux.
Au cours des lésions médullaires de niveau supérieur ou égal
à C3, l’absence de fonction diaphragmatique rend indispensable Formes flasques définitives
la ventilation assistée, éventuellement relayée par les stimula-
tions diaphragmatiques électriques. Au cours des lésions Il arrive qu’une paraplégie d’origine médullaire demeure
inférieures à C3, la fonction diaphragmatique est plus ou moins flasque. Il ne s’agit dans ce cas jamais de forme fruste mais de
complètement conservée. Chez le tétraplégique, l’absence paraplégie sensitivomotrice massive. Elle correspond, soit à une
d’intercostaux externes est responsable d’un affaissement de la grande myélomalacie à point de départ dorsal, soit à une
cage thoracique lors de l’inspiration, se traduisant par une paraplégie dont le niveau lésionnel est sacré ou lombaire bas,
ventilation paradoxale. Celle-ci entraîne une augmentation de liée à une atteinte du cône médullaire associée à celle de la
travail du diaphragme pour une efficacité réduite. La diminu- queue de cheval, de manière cliniquement difficilement disso-
tion de la capacité vitale qui en résulte peut être importante. La ciable. L’examen urodynamique associé à un test à l’eau glacée
paralysie des abdominaux est responsable d’une inefficacité de peut mettre en évidence une activité vésicale signant des
la toux et de l’expectoration. L’encombrement bronchique qui métamères sacrés sous-lésionnels.

Neurologie 9
17-005-B-10 ¶ Paraplégies

Syndrome de l’artère spinale ventrale Syndrome de sclérose combinée


(antérieure) Il s’agit d’une atteinte des cordons dorsaux et ventrolatéraux
Il s’explique par la vascularisation de la moelle épinière, faite se traduisant par un syndrome ataxospasmodique. Il n’y a pas
de deux territoires non anastomosés : de niveau lésionnel individualisable. Il relève le plus souvent
• le territoire de l’artère spinale ventrale : substance grise sauf d’une avitaminose B 12 ou d’une dégénérescence
les cornes dorsales et la substance blanche adjacente. L’artère spinocérébelleuse.
spinale ventrale naît des deux artères vertébrales juste avant
leur réunion sur la face antérieure de la moelle allongée. Elle Syndromes incomplets non systématisés
reçoit ensuite les artères radiculospinales ventrales : une au
niveau de l’intumescence cervicale émanant de l’artère À coté des syndromes classiques et caractéristiques, il est
vertébrale, une grêle au niveau thoracique T4-T5 issue de important de préciser que bien souvent, le tableau de paraplégie
l’aorte thoracique et une volumineuse au niveau du renfle- incomplète associe à des degrés variables et non systématisables
ment lombaire émanant de l’aorte thoracique ou abdomi- des troubles moteurs, sensitifs et de la réflectivité. Ces tableaux
nale : l’artère de l’intumescence lombale (d’Adamkiewicz) ; se rencontrent dans presque toutes les étiologies, notamment les
• le territoire des artères spinales dorsales : les cornes dorsales traumatismes, la SEP et les tumeurs intramédullaires.
et la substance blanche périphérique.
Ce syndrome [21] est caractérisé par la persistance d’une Paraplégies d’origine cérébrale
sensibilité épicritique et proprioceptive associée à une paraplégie
Nous évoquons pour mémoire deux tableaux particuliers :
motrice plus ou moins complète et à une anesthésie thermoal-
• l’atteinte bilatérale des lobules paracentraux. L’étiologie est le
gique. Le niveau lésionnel est de hauteur variable. Deux
plus souvent vasculaire, tumorale ou traumatique (hématome
tableaux principaux sont décrits :
sous-dural). Le diagnostic de lésion supramédullaire est
• l’atteinte cervicale où le syndrome est le plus souvent
évoqué devant l’absence de syndrome lésionnel ;
incomplet ;
• le déficit moteur bilatéral entrant dans le cadre des accidents
• l’atteinte dorsolombaire correspondant au syndrome de
vasculaires cérébraux multiples ou lacunaires ou d’un syn-
l’artère d’Adamkiewicz. L’extension en hauteur en est variable
drome pseudobulbaire prête en règle peu à confusion en
selon l’importance prise par cette artère dans la vascularisa-
raison du mode d’installation et des troubles associés.
tion de la moelle et peut remonter de T10 à T6. Sur le plan
vésicosphinctérien, il peut persister une sensation de réplé-
tion vésicale transmise par les cordons dorsaux. La persistance Syndrome de la queue de cheval
d’un automatisme sphinctérien dépend de la position du Une compression de la queue de cheval (traumatique ou
cône médullaire en territoire lésionnel (le plus fréquemment) tumorale le plus souvent) entraîne une paraplégie flasque avec
ou sous-lésionnel. amyotrophie et des troubles sensitifs caractérisés par l’anesthésie
en selle et de fréquentes douleurs des membres inférieurs. Un
Syndrome de Brown-Séquard tel tableau est parfois indissociable d’une atteinte bas située de
C’est un syndrome d’hémisection médullaire caractérisé par la moelle spinale avec destruction du cône terminal, elle-même
l’association d’un syndrome pyramidal et de troubles proprio- le plus souvent associée à une atteinte de la queue de cheval.
ceptifs et épicritiques homolatéraux à une anesthésie thermoal- La distinction est pourtant indispensable puisque le pronostic
gique controlatérale. Au niveau de la lésion, il existe le plus de récupération motrice d’une compression radiculaire de la
fréquemment une bande d’anesthésie radiculaire surmontée queue de cheval est meilleur que celui d’une compression de la
d’une bande d’hyperesthésie. Les troubles vésicosphinctériens moelle épinière. En revanche, en cas de lésion du cône, il y a
sont modérés ou absents. Ce syndrome est rarement complet, le un risque majeur d’aggravation progressive des troubles vésico-
plus souvent il n’est qu’ébauché. Parmi les étiologies, on retient sphinctériens et de retentissement sur le haut appareil.
les plaies par arme blanche, la sclérose en plaques (SEP) et les
compressions extrinsèques de la moelle spinale.
■ Évolution et pronostic
Syndrome médullaire central
Facteurs pronostiques de récupération
Il s’agit d’une lésion purement cervicale avec épargne sacrée
sensitive et un déficit moteur prédominant sur les membres L’évolution et la récupération dépendent de l’étiologie de la
supérieurs. Ce syndrome survient fréquemment chez les sujets lésion médullaire et de son importance. Nous ne donnons ici
âgés avec des lésions en hyperextension sur un rachis cervical que les grandes lignes des facteurs pronostiques de récupération
cervicarthrosique. d’une lésion médullaire traumatique.
Il s’agirait de lésions périphériques de la substance blanche. Une lésion médullaire complète a un faible potentiel de
Le pronostic est globalement favorable. La récupération est plus récupération. Aux étages cervicaux et thoraciques, la plupart des
précoce sur les membres inférieurs puis sur la fonction vésico- auteurs pensent qu’une lésion qui resterait complète à 3 semai-
sphinctérienne, la racine des membres supérieurs puis les nes, le resterait définitivement ou serait sans récupération
muscles intrinsèques de la main qui restent souvent déficitaires. fonctionnellement utile. Chez les tétraplégiques, la plupart des
patients récupèrent un niveau moteur. La présence d’une
sensibilité au niveau métamérique concerné accroît les chances
Syndrome syringomyélique de récupération. La plupart des récupérations des membres
Il associe un syndrome suspendu souvent asymétrique, le plus supérieurs interviennent dans les 6 premiers mois et, plus un
souvent situé aux membres supérieurs où s’observe la classique muscle initialement à 0 commence à récupérer, plus son
dissociation de la sensibilité : hypo- ou anesthésie thermoalgi- pronostic de récupération est bon. Dans la région lombaire en
que avec respect de la sensibilité épicritique et profonde ; revanche, où la fréquence des lésions radiculaires est grande,
aréflexie et parésie avec amyotrophie ; troubles trophiques, une récupération peut ne commencer qu’après 5 à 6 mois. Le
cutanés, ostéoarticulaires et vasomoteurs. Le syndrome sous- pronostic est nettement meilleur au cours des lésions incomplè-
lésionnel proprement dit est en général beaucoup plus discret, tes. Au cours de ces lésions, la vitesse de récupération est un
associant un syndrome pyramidal peu déficitaire pendant bon élément pronostique. La durée du choc spinal n’est pas un
longtemps et quelques troubles sensitifs profonds. Outre la facteur pronostique. Les potentiels évoqués somesthésiques
syringomyélie, on peut rencontrer un tel tableau au cours corticaux et les potentiels évoqués moteurs par stimulation
d’hématomyélie, certaines tumeurs intramédullaires notamment magnétique transcorticale permettent de préciser la localisation
des épendymomes, ou encore comme complication tardive sus- de la lésion, mais ne semblent pas avoir d’intérêt pronosti-
lésionnelle d’une lésion médullaire traumatique. que. [22] Il est fréquent de noter dans les premières semaines un

10 Neurologie
Paraplégies ¶ 17-005-B-10

abaissement du niveau lésionnel, d’un ou de deux métamères, On cherche notamment une compression liée à : fracture-
lié à la résorption de l’œdème local. Il améliore le pronostic luxation, hernie discale, hématome sous-dural, voire extradural,
fonctionnel, surtout au niveau cervical ou lombaire, mais ne tumeur extramédullaire, pathologie ostéoarticulaire du rachis
doit pas être mis sur le compte d’une récupération proprement (arthrose, maladie de Paget, cancer), pathologies infectieuses du
dite. rachis et de son contenu (mal de Pott...).
L’âge et l’examen neurologique initial moteur et sensitif sont Le mode de survenue de la paraplégie peut orienter vers
corrélés au pronostic fonctionnel du blessé médullaire. [23] certaines étiologies. Une paraplégie aiguë ou brutale (en moins
de 24 à 48 h) oriente vers : infarctus médullaire, hématome
Membre supérieur du tétraplégique intra- ou extramédullaire sur malformation artérioveineuse,
certaines SEP, syphilis, virus de l’immunodéficience humaine
Les possibilités fonctionnelles du membre supérieur sont (VIH)... ; la survenue d’une paraplégie progressive évoque plutôt
fonction du niveau lésionnel : un processus tumoral : intramédullaire (épendymome, astrocy-
• C5 et au-dessus : aucune possibilité de préhension ; dépen- tome) ou extramédullaire (neurinome, méningiome), processus
dance totale (tierce personne, contrôle d’environnement, infectieux ou parasitaire, pathologie ostéoarticulaire du rachis
robotique, domotique ; fauteuil roulant électrique à com- (arthrose, tumeur...).
mande adaptée) ;
• C6 : la flexion du coude possible permet une alimentation
avec orthèse de stabilisation du poignet et aides techniques ■ Explorations complémentaires
mais la tierce personne reste indispensable ; fauteuil roulant
électrique ; Les explorations complémentaires de la moelle spinale
• C7 : possibilité d’effet ténodèse de fermeture de la main peuvent avoir un objectif d’exploration anatomique ou physio-
(flexion passive du pouce permettant une pince pouce-index logique.
et des doigts longs (prise digitopalmaire déclenchée par • Examen du liquide céphalorachidien : après avoir éliminé une
l’extension du poignet). L’alimentation autonome, la toilette, hypertension intracrânienne et une pathologie infectieuse
les transferts et l’habillage deviennent possibles. Fauteuil ostéoarticulaire du rachis, il peut montrer : l’hyperprotéino-
roulant manuel ; rachie isolée d’une compression médullaire lente ; l’hypercy-
• C8 : l’indépendance est théoriquement complète. Autonomie tose et l’hypergammaglobulinorachie de la SEP ;
possible dans les gestes de la vie quotidienne, de la conduite l’hyperprotéinorachie et hyperpolynucléose d’une ménin-
automobile malgré l’absence d’opposition du pouce. gite... et permettre également des dosages d’anticorps.
Une réhabilitation chirurgicale du membre supérieur du • Radiographies standards du rachis : elles permettent l’analyse
tétraplégique peut être proposée et permet de réanimer l’exten- de l’os, du canal rachidien et une analyse globale des cour-
sion active du coude, l’ouverture active ou passive de la main, bures du rachis.
l’extension active du poignet, une pince terminolatérale pouce- • Myélographie : elle garde des indications exceptionnelles
index (key-grip) et une prise digitopalmaire (grasp). Cette lorsqu’une IRM est impossible.
chirurgie ne peut se réaliser qu’après un recul supérieur à • Saccoradiculographie : elle est encore parfois réalisée lorsque
12 mois chez des patients informés dont l’état orthopédique est l’IRM n’emporte pas la conviction sur une exploration de la
compatible avec les fonctions à réanimer et si les muscles queue de cheval.
transférables ont une cotation supérieure ou égale à 4. [24] • Tomodensitométrie : elle permet une excellente analyse du
canal rachidien et des disques. Réalisée avec injection
Marche du paraplégique intraveineuse, elle est utile dans la pathologie tumorale, les
spondylodiscites ou les malformations artérioveineuses. Son
Elle dépend de son niveau lésionnel : utilisation est souvent indispensable en traumatologie
• inférieur à T10, la déambulation est possible grâce à l’appa- (analyse des fragments osseux ou discaux intracanalaires, des
reillage des membres inférieurs et aux aides techniques lésions du rachis cervical haut et de la jonction cervicodor-
adaptées selon le niveau lésionnel ; sale).
• situé entre T6 et T10, la déambulation est difficile et un • IRM : c’est l’examen de référence qui a le grand avantage,
corset de stabilisation du tronc est indispensable en plus de outre la qualité des images, de permettre l’exploration en
l’appareillage des membres inférieurs ; trois plans de la moelle spinale, notamment des vues sagitta-
• supérieur ou égal à T6, le tronc est instable par paralysie des les. C’est un examen essentiel dans toute suspicion de
muscles grand dorsal (atteinte cervicale), spinaux et abdomi- compression médullaire traumatique ou médicale. Sans
naux. La déambulation appareillée est très difficile, voire injection de contraste, elle permet l’analyse du canal rachi-
impossible. Le fauteuil roulant est indispensable. Au-dessus de dien, du cordon médullaire et éventuellement des altérations
C7, le fauteuil roulant électrique est nécessaire, des adjonc- de la moelle épinière elle-même. Avec injection de gadoli-
tions adaptées rendent possible sa commande. Le bilan des nium, elle est particulièrement utile dans la pathologie
possibilités fonctionnelles de la marche dépend du caractère intramédullaire. Il faut signaler que le matériel d’ostéosyn-
complet ou incomplet de la lésion, de l’intensité de la thèse rachidien n’est plus une contre-indication à la réalisa-
spasticité, des troubles de la sensibilité surtout profonde, de tion d’une IRM. Les améliorations techniques de l’IRM
la motivation du patient et du coût énergétique. doivent permettre d’évaluer l’importance et la localisation de
la cicatrice gliale, des phénomènes biochimiques locaux, les
Vieillissement du paraplégique caractéristiques des flux intrakystiques.
• Artériographie sélective : elle est utilisée pour la pathologie
Outre le vieillissement propre à chaque étiologie, le vieillisse- malformative vasculaire mais aussi pour préciser l’anatomie
ment des paraplégies d’origine traumatique s’accompagne d’une vasculaire préopératoire, notamment la naissance de l’artère
fréquence accrue d’athérosclérose, d’obésité et de risque d’acci- d’Adamkiewicz.
dents cardiaques et vasculaires des membres inférieurs. [25, 26] • Explorations électrophysiologiques :
C potentiels évoqués somesthésiques : la persistance d’un
■ Diagnostic étiologique potentiel évoqué somesthésique sus-lésionnel est en faveur
de l’intégrité fonctionnelle complète ou partielle des voies
Il ne saurait être question ici de faire la liste de toutes les longues et constitue un facteur pronostique favorable. Ils
étiologies possibles des paraplégies. permettent d’étudier les cordons postérieurs médullaires. Ils
La recherche d’une étiologie est dominée par la recherche sont toutefois d’interprétation difficile en phase précoce
d’une indication chirurgicale parfois d’urgence. La suspicion dans les paraplégies aiguës. La réalisation de potentiels
clinique de compression médullaire conduit à la pratique évoqués somesthésiques médullaires étagés permet une
systématique d’une imagerie par résonance magnétique (IRM). meilleure approche du niveau lésionnel ;

Neurologie 11
17-005-B-10 ¶ Paraplégies

C potentiels évoqués moteurs : réalisés par stimulation multirésistants. Elle favorise les prostatites et les orchiépididy-
transcorticale par champ magnétique, ils permettent mites (à l’origine de stérilité ou d’hypofertilité), les lithiases
d’apprécier les voies motrices pyramidales. Leur usage ne vésicales, les régimes à hautes pressions intradétrusoriennes et
dépasse en fait guère le cadre expérimental ; les reflux vésicorénaux. Elle favoriserait le cancer de la vessie.
C explorations du cône médullaire et des racines sacrées : Elle peut être à l’origine de lésions sévères de la verge (hypo-
elles peuvent comporter un électromyogramme du sphinc- spade), de rétrécissements urétraux, ou chez la femme de béance
ter strié urétral, une mesure des potentiels évoqués sacrés urétrale. La sonde urinaire à demeure doit être maintenue le
du nerf pudendal (S2-S3-S4) et des potentiels évoqués moins longtemps possible (sauf cas exceptionnels) et être
corticaux du nerf pudendal ; remplacée par des sondages intermittents hétéro- ou autosonda-
ges réalisés 5 à 6 fois par jour. L’hypercalciurie secondaire à
C explorations urodynamiques (débitmétrie, cystomanomé-
l’ostéoporose d’immobilisation expose le paraplégique à des
trie, sphinctérométrie) : elles permettent de compléter
lithiases du haut et du bas appareil urinaire, d’autant que les
l’analyse de l’état fonctionnel de la vessie et des sphincters,
infections urinaires habituelles aboutissent à la formation de
parfois complétées d’une manométrie anorectale. phosphate de calcium. La prévention de ces lithiases passe par
l’obtention d’une diurère abondante et la suppression de la
sonde à demeure. Le traitement curateur de ces lithiases suit les
■ Complications propres mêmes règles de la chirurgie urologique que chez le sujet non
paraplégique. Les vessies neurologiques centrales ou mixtes
à la paraplégie (vessie de cône) mal drainées et mal déconnectées pharmacolo-
giquement peuvent entraîner des lésions anatomiques de la
Leur meilleure connaissance et la qualité de leur prise en
paroi vésicale (petite vessie peu compliante) responsables de
charge [27, 28] ont transformé le pronostic vital de ces patients.
régimes à hautes pressions, de reflux et de pyélonéphrites. Ces
Certaines posent justement des problèmes nouveaux du fait de
dernières sont responsables à terme d’une insuffisance rénale
cette forte augmentation de la durée de vie.
chronique avec un risque mortel.

Escarres
Ostéoporose
Elles sont redoutables, pouvant mettre en jeu le pronostic
vital et fonctionnel ; leur traitement est toujours long et La déminéralisation observée en sus-lésionnel dépend uni-
difficile. L’immobilisation prolongée, la compression, l’insensi- quement de la durée de l’immobilisation. En sous-lésionnel en
bilité et les troubles de la vascularisation cutanée liés à la lésion revanche, l’association de deux mécanismes explique l’ostéopo-
médullaire exposent le patient paraplégique à la survenue rose : [30]
d’escarres. Le risque est d’autant plus grand que la lésion est • l’immobilisation dont le mécanisme est essentiellement la
complète, sensitivomotrice et haut située. La constitution de mise au repos des ostéoblastes par diminution de l’effet de la
l’escarre est rapide, en quelques heures. Les localisations pesanteur et diminution des sollicitations tendinopériostées ;
fréquentes chez le paraplégique sont le sacrum, le coccyx et les • la lésion neurologique en elle-même, responsable d’une
talons en décubitus dorsal ; trochanter et malléole en décubitus ouverture des shunts artérioveineux provoquant une stase
latéral ; genoux et épines iliaques antérosupérieures en décubi- sanguine intramédullaire, une diminution du débit sanguin
tus ventral ; ischions en station assise. D’autres facteurs sont osseux et du pH. Ces modifications aboutissent à une aug-
favorisants : dénutrition, fièvre, artériopathie, troubles orthopé- mentation de la résorption ostéoclastique.
diques, appareillage, fauteuils et coussins de siège mal adaptés, Cette ostéoporose débute immédiatement après une paraplé-
agression par agents physiques (brûlures) etc. Le traitement gie aiguë et se stabilise au bout de 6 mois environ. La perte
préventif est essentiel : en décubitus, alternance de position osseuse aura alors été importante et proportionnelle au stock de
toutes les 2 à 3 heures, lits ou matelas permettant une réparti- départ donc à l’âge. Le volume trabéculaire osseux se stabilise
tion homogène des pressions ; en station assise, soulagements aux environs de 11 %, soit à peine au-dessus du seuil fracturaire
fessiers réguliers et parfaite adaptation du fauteuil roulant. spontané. Cette ostéoporose a deux complications essentielles :
L’absence d’appui sur les zones atteintes s’impose jusqu’à l’hypercalciurie responsable de lithiases et la survenue de
complète guérison d’une lésion débutante. Le traitement fractures spontanées. Il n’y a pas véritablement de traitement,
chirurgical est le plus souvent nécessaire. Il est complexe, la verticalisation précoce ralentit son apparition sans l’empê-
exposé fréquemment à des récidives et nécessite toujours des cher ; les diphosphonates sont parfois proposés pour réduire
soins postopératoires prolongés. l’hypercalciurie.

Accidents thromboemboliques Ostéomes ou para-ostéo-arthropathies


Les thromboses veineuses profondes sont très fréquentes chez neurogènes (POAN)
le paraplégique. [29] Leur apparition serait extrêmement précoce
pour les paraplégies aiguës. Les signes cliniques cardinaux sont Ce sont des ossifications de localisation anormale se dévelop-
souvent absents devant conduire au dépistage systématique par pant dans le tissu conjonctif des parties molles périarticulaires.
examen échodoppler ou phlébographie. Un traitement anticoa- De nombreux facteurs, vasculaires, microtraumatismes répétés,
gulant préventif est systématique au cours des premiers mois. spécificité antigénique particulière peuvent jouer un rôle dans la
L’embolie pulmonaire, qui était au premier rang des causes de formation de ces POAN. Ces ossifications sont deux fois plus
mortalité chez le paraplégique traumatique, justifie le dépistage fréquentes en cas de lésion complète. Les caractéristiques des
et le traitement curatif des thrombophlébites veineuses profon- troubles du tonus n’ont pas d’incidence sur l’apparition de
des. Chez le paraplégique de niveau lésionnel supérieur à T6, la celles-ci. Elles sont toujours sous-lésionnelles et siègent au
douleur thoracique de l’embolie pulmonaire peut manquer. voisinage des grosses articulations (hanche, genou, coude,
épaule). Les signes cliniques apparaissent entre la deuxième et
dixième semaine après la paraplégie aiguë. Les examens biolo-
Complications urinaires giques n’apportent pas d’aide au diagnostic. Les images radio-
logiques sont plus tardives que les signes cliniques. Un
Les infections urinaires fébriles (pyélonéphrites, prostatites) diagnostic précoce peut être réalisé par échographie ou examen
sont redoutées, car elles menacent le haut appareil urinaire et isotopique au technétium 99m. L’évolution clinique peut
le fonctionnement rénal, l’insuffisance rénale étant la compli- aboutir à l’ankylose complète des articulations en position non
cation la plus grave des vessies neurologiques. La sonde urinaire fonctionnelle. Parmi les traitements médicaux proposés, anti-
à demeure est à l’origine d’infections à germes hospitaliers inflammatoires non stéroïdiens, diphosphonates, radiothérapie,

12 Neurologie
Paraplégies ¶ 17-005-B-10

seule l’indométacine 75 mg/j paraît avoir une certaine efficacité le patient ou en l’asseyant membres inférieurs pendants. Si ces
préventive. [31] La kinésithérapie est essentielle pour maintenir premières manœuvres ne suffisent pas, ou en prévision d’un
les amplitudes articulaires compatibles avec les possibilités geste à risque, un traitement antihypertenseur comme la
fonctionnelles. Le traitement chirurgical est parfois proposé en nifédipine (Adalate®) peut être utile.
cas de gêne fonctionnelle importante, même à une phase
précoce. Traitement de la spasticité
Parmi les composantes de l’hyperréflexie sous-lésionnelle, la
Syringomyélie spasticité est la seule réellement accessible aux traitements
Une cavité syringomyélique peut se développer de part et médicamenteux. [34, 35] Toutefois, on ne pourrait envisager un
d’autre d’une lésion compressive ou après chirurgie médul- tel traitement sans avoir au préalable éliminé ou traité toute
laire. [32] Un défaut de réduction (cyphose angulaire) et l’exis- « épine irritative » dont l’efficacité se porte autant sur la
tence de matériel endocanalaire en favorisent la constitution. spasticité que sur les spasmes et les contractures.
En sus-lésionnel, elle apparaît de 6 mois à 20 ans après la lésion Traitements médicamenteux
et se manifeste par des signes cliniques classiques de syringo-
myélie souvent précédés de douleurs rachidiennes tenaces. Elle • Le baclofène (Liorésal®) : c’est un analogue du GABA qui est
menace d’une perte fonctionnelle d’un ou plusieurs métamères un des principaux neurotransmetteurs inhibiteurs au niveau
toujours dramatique. En sous-lésionnel, elle peut se manifester médullaire et agit en freinant la libération de neurotransmet-
par des douleurs neurologiques, une modification de la réflexo- teurs excitateurs. C’est le seul traitement médicamenteux à
logie et des fonctionnements vésicosphinctériens ou génito- agir non seulement sur la spasticité mais aussi sur les spasmes
sexuels. L’IRM confirme le diagnostic, évalue la taille, la en flexion et en extension. Sa posologie per os est de 1 à
localisation et la distension de la cavité. L’analyse du flux 1,5 mg/kg/24 h en trois prises, atteints progressivement. Ses
intracavitaire permet d’apprécier la pression intracavitaire. En effets secondaires sont principalement la possibilité de
cas d’aggravation fonctionnelle, le traitement par dérivation du troubles psychiques notamment dépressifs et d’une comitia-
kyste permet une stabilisation des lésions pendant une durée lité. Son efficacité per os est modérée. Il est beaucoup plus
encore mal déterminée. efficace par voie intrathécale (25 à 75 µg/24 h) grâce à un
cathéter réuni à une pompe sous-cutanée à diffusion pro-
grammable. Il peut ainsi transformer le confort et le nursing
Douleurs sus-lésionnelles d’un blessé médullaire para- ou tétraplégique complet ou
Les patients paraplégiques peuvent présenter, dans le territoire améliorer la fonction (marche par exemple) d’un patient
sus-lésionnel, des phénomènes douloureux relevant de patholo- incomplet. [36]
gies rencontrées chez les sujets non paraplégiques. Certaines • Le dantrolène sodique (Dantrium®) : il agit au niveau muscu-
douleurs sont cependant plus spécifiques à la paraplégie. Les laire par diminution de la libération de calcium sur les
douleurs projetées s’expliquent par la proximité au niveau muscles à contraction rapide. Son effet sur la spasticité
central de zone de projection et d’innervation d’un dermatome s’accompagne d’une diminution de la force de contraction
et de celle d’un viscère. Ainsi une douleur d’épaule doit faire musculaire pouvant exagérer l’effet recherché et entraîner une
évoquer la possibilité d’une lésion viscérale située en territoire gêne fonctionnelle. Il se donne à la dose de 100 à 300 mg/
lésionnel ou sous-lésionnel : infarctus du myocarde, ulcère 24 h atteints progressivement. Le principal risque est celui
gastrique ou duodénal. Les douleurs par hyperutilisation sont d’hépatite qui impose une surveillance biologique rigoureuse.
peu décrites dans la littérature : l’hypersollicitation du rachis de Somnolence, céphalée et troubles digestifs sont possibles. Se
part et d’autre d’une zone fixée, l’hypersollicitation des mem- posent en outre de fréquents problèmes d’interaction médi-
bres supérieurs portants, en particulier tendinopathies de coiffe camenteuse.
des rotateurs, syndromes de passage sous-acromial doivent être • Le diazépam (Valium®) : il potentialise les effets du GABA.
régulièrement recherchés pour être traités spécifiquement. La Dose de 6 à 60 mg/24 h en trois à six prises. Il est efficace
prévention de ces lésions est essentielle (information des mais les fréquents effets secondaires, notamment troubles de
patients, techniques de rééducation, aménagement de l’envi- vigilance et de la mémoire, en limitent l’utilisation.
ronnement). Leur fréquence devrait aller en augmentant avec • La tizanidine (Sirdalud®) : elle renforce l’inhibition présynap-
l’accroissement de la durée de vie du paraplégique, des activités tique par action sur les récepteurs centraux alpha-
de la vie quotidienne, professionnelles ou sportives. 2 adrénergiques. Se donne à la dose de 12 à 24 mg/24 h en
trois prises progressivement. Ses effets secondaires sont
proches de ceux du Valium ® mais moins fréquents. Elle
Diurèse potentialise les traitements antihypertenseurs. Sa commercia-
Il est fréquent d’observer, au cours des lésions hautes (> T6), lisation n’est malheureusement toujours pas envisagée en
une diminution de la diurèse à l’orthostatisme participant aux France.
mécanismes régulateurs de la tension. [33] L’hyperdiurèse • L’association de plusieurs antispastiques permettrait d’en
nocturne compensatoire peut alors poser de difficiles problèmes augmenter l’efficacité et d’en diminuer les effets secondaires
de rééducation et de vie quotidienne. en diminuant les doses de chacun.

Toxine botulique A
■ Traitements spécifiques Elle agit, après injection (s) intramusculaire (s) sous repérage
électromyographique ou électrostimulation, par blocage de la
Nous renvoyons le lecteur aux chapitres spécifiques concer- sécrétion d’acétylcholine au niveau de la jonction neuromuscu-
nant le traitement de chaque étiologie et ne détaillons ici que laire. Elle est indiquée pour traiter les conséquences focales de
l’approche thérapeutique de certaines manifestations secondai- la spasticité, à des doses maximales de 300 à 400 U Botox® ou
res quasi constantes : hyperréflexie autonome, spasticité, 1 000 à 1 500 U Dysport®. [37]
douleurs et vessies neurologiques.
Neurostimulations
Traitement de l’hyperréflexie autonome Elles visent à renforcer les mécanismes inhibiteurs du tonus.
La stimulation électrique fonctionnelle, c’est-à-dire la stimula-
Il faut avant tout chercher et éliminer le facteur déclenchant, tion neuromusculaire dans un but fonctionnel, peut avoir un
le plus souvent constitué par une rétention d’urines (sur sonde effet bénéfique sur la spasticité. Les stimulations directes de
bouchée notamment), un fécalome ou un geste invasif. Il faut certains nerfs ou des cordons postérieurs à la partie supérieure
ensuite faire baisser la tension artérielle en retirant les conten- du cône médullaire ont une certaine efficacité, notamment dans
tions (bas de contention et gaine abdominale), en verticalisant la SEP.

Neurologie 13
17-005-B-10 ¶ Paraplégies

Interventions chirurgicales « ablatives » ■ Références


Elles ont l’avantage d’une action plus sélective.
• Des neurotomies périphériques sont utiles pour traiter [1] Albert T, Ravaud JF, and the TETRAFIGAP group. Rehabilitation of
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• Les radicotomies spinales postérieures sélectives ont une dence and regional disparities. Spinal Cord 2005;43:356-65.
action plus étendue sur un muscle. Elles sont peu utilisées. [2] Bussel B, Roby-Brami A, Remy Neris O, Yakoveff A. Evidence for a
• Les radicellotomies postérieures sélectives : c’est la chirurgie spinal stepping generator in man. Paraplegia 1996;34:91-2.
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root entry zone). Elles sont réservées au traitement d’hyper- 1989;27:90-8.
spasticité grave d’un ou des deux membres inférieurs. [38] [4] Gaviria M, Privat A, d’Arbigny P, Kamenka JM, Haton H, Ohanna F.
Neuroprotective effects of a novel NMDA antagonist gacyclidine, after
Agents physiques experimental contusive spinal cord injury in adults rats. Brain Res
La cryothérapie locale réduit transitoirement la spasticité des 2000;874:200-9.
muscles concernés. Les bains chauds peuvent avoir une bonne [5] Menet V, Gimenez Y, Ribotta M, Sandillon F, Privat A. GFAP null
action générale, sauf dans la SEP où ils sont souvent mal tolérés. astrocytes are favorable substrate fore neuronal survival and neurite
La kinésithérapie est toujours essentielle pour empêcher les growth. Glia 2000;31:267-72.
effets secondaires orthopédiques de la spasticité mais n’a pas [6] Ribotta MG, Provencher J, Feraboli-Lohnherr D, Rossignol S, PrivatA,
d’action durable sur celle-ci. [39] Orsal D. Activation of locomotion in adult chronic spinal rats is
achieved by transplantation of embryonic raphe cells reinnervating a
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[7] Chapelle PA. Valeur sémiologique des syndromes lésionnels cérébro-
Le traitement des douleurs sous-lésionnelles est difficile : spinal et végétatif : étude critique. Ann Readapt Med Phys 1978;21:
parmi les traitements médicamenteux, les antalgiques de 507-18.
niveaux 1 et 2 n’ont souvent aucun effet et les antalgiques de [8] Ditunno JF, Young W, Donovan WJ. The international Standart Booklet
niveau 3 doivent être maniés avec prudence compte tenu du for neurological and functional classification of spinal cord injury.
risque d’accoutumance. Parmi les antiépileptiques, le Tégrétol®, Paraplegia 1994;32:70-80.
le Rivotril® et le Neurontin® se révèlent parfois efficaces dans [9] Loeser JD, Ward AA, White LE. Chronic deafferentation of human
certaines douleurs de caractère fulgurant mais moins constam- spinal cord neurons. J Neurosurg 1968;29:48-50.
ment que dans les douleurs lésionnelles. Les antidépresseurs [10] Siddal PJ, Loeser JD. Pain following spinal cord injury. Spinal Cord
imipraminiques sont assez efficaces mais leur utilisation est 2001;39:63-73.
limitée par les effets secondaires. Une pompe pour délivrance de [11] Grossiord A, Buzacoux J, Maury M, Barthes G. Studies on motor
morphine intrathécale peut être envisagée dans certains cas metamerisation of the upper and lower limbs. Paraplegia 1963;1:
rebelles. Les neurostimulations transcutanées sont très rarement 81-97.
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postérieurs. Sur le plan chirurgical, les cordotomies, voire les Flammarion; 1981 (733p).
myélotomies sont abandonnées en raison de leur efficacité très [13] Lacert P. Examen neurologique du paraplégique. Ann Readapt Med
relative et surtout non durable dans le temps. La thermocoagu- Phys 1978;21:538-57.
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notamment de la relaxation, permettant un meilleur contrôle [15] Bach-y-Rita P, Illis LS. Spinal shock: possible role of receptor plasticity
des paroxysmes. and non synaptic transmission. Paraplegia 1993;31:82-7.
Le traitement des douleurs radiculaires fait appel aux antalgi- [16] Ashworth B. Preliminary trial of carisoprodol in multiple sclerosis.
ques périphériques, voire centraux et parfois aux anticonvulsi- Practitioner 1964;192:540-2.
vants tels le Tégrétol ® , le Rivotril ® et le Neurontin ® . Les [17] Penn RD, Kroin JS. Continuous intrathecal baclofen for severe
stimulations électriques transcutanées peuvent être efficaces. On spasticity. Lancet 1985;2:125-7.
n’oublie pas de rechercher une cause d’hyperstimulation locale [18] Madersbacher H. The various types of neurogenic bladder dysfunction:
qui pourrait être traitée. an update of current therapeutic concepts. Paraplegia 1990;28:
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La hantise doit être la rétention chronique, et le traitement Clinical approach to erectile dysfunction in spinal cord injured men. A
doit permettre une continence compatible avec la vie sociale. review of clinical and experimental data. Paraplegia 1995;33:628-35.
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vésico-urétéral, de fuite et d’une mauvaise vidange vésicale. [22] Curt A, Dietz V. Electrophysiological recordings in patients with spinal
Le risque infectieux est important. Le choix préférentiel est cord injury: significance for predicting outcome. Spinal Cord 1999;37:
une déconnexion pharmacologique de la vessie par traite- 157-65.
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on peut proposer chez l’homme le recours aux mictions Tendon transfers as applied to tetraplegia. Hand Clin 2002;18:423-39.
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par prothèse endo-urétrale ou traitement alphabloquant. de paraplégiques traités depuis plus de 25 ans à l’Institution Nationale
Chez la femme, la réalisation d’une stomie continente peut des Invalides. Ann Readapt Med Phys 1989;32:773-82.
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éviter les dégradations périnéales par poussées abdominales Group. Complications during the acute phase of traumatic spinal cord
en utilisant les sondages intermittents pluriquotidiens. lesions. Spinal Cord 2003;41:629-35.
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du haut appareil est important, elles doivent être traitées incidence of rehospitalization after traumatic spinal cord injury: a
comme les vessies centrales. multicenter analysis. Arch Phys Med Rehabil 2004;85:1757-63.

14 Neurologie
Paraplégies ¶ 17-005-B-10

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A. Yelnik, Professeur des Universités, médecin des Hôpitaux (alain.yelnik@lrb.aphp.fr).


Service de médecine physique et de réadaptation, groupe hospitalier Lariboisière - Fernand Widal, 200, rue du Faubourg-Saint-Denis, 75010 Paris, France.
C. Resch, Médecin attaché, ancien chef de clinique-assistant.
A. Even Schneider, Chef de clinique-assistante.
O. Dizien, Professeur des Universités, médecin des Hôpitaux.
Unité de médecine physique et de réadaptation, hôpital Raymond Poincaré, 92380 Garches, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Yelnik A., Resch C., Even Schneider A., Dizien O. Paraplégies. EMC (Elsevier SAS, Paris), Neurologie,
17-005-B-10, 2006.

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Neurologie 15
¶ 24-002-A-15

Prise en charge des traumatisés crâniens


graves
K. Tazarourte, O. Kleitz, S. Laribi, B. Vigué

La prise en charge des traumatismes crâniens graves a bénéficié récemment d’une meilleure
compréhension des mécanismes physiopathologiques du cerveau lésé. L’importance des phénomènes
cérébraux ischémiques secondaires au traumatisme est établie et ce sont eux qui rendent compte de la
morbidité et de la mortalité les plus lourdes. En dehors de tout processus expansif intracrânien,
l’hypotension artérielle et l’hypoxie sont les deux principaux déterminants du risque de lésions cérébrales
ischémiques secondaires. En pratique clinique, le contrôle de l’hémodynamique périphérique et de la
ventilation est l’objectif prioritaire. Toutefois, seul un monitorage de l’hémodynamique cérébrale
permettra d’adapter les objectifs hémodynamiques pour un patient donné. Le doppler transcrânien est
un outil de choix dans cette stratégie.
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Mots clés : Traumatisme crânien grave ; Préhospitalier ; Hypotension artérielle ; Mydriase ; Mannitol

Plan de ces patients et un net bénéfice en termes de mortalité (de


52 % en 1977 à 26 % en 1998) et de morbidité puisque les
patients sans séquelles ou avec séquelles mineures sont passés
¶ Introduction 1
de 35 % en 1977 à 58 % en 1998. [1]
¶ Principaux facteurs pronostiques 1 Ces changements d’attitude thérapeutique résultent de la
État neurologique 1 mise en évidence de l’importance des phénomènes ischémiques
Hypoxie et hypotension artérielle 2 secondaires au traumatisme. Alors qu’un cerveau normal est
¶ Traitements à la phase préhospitalière 2 extrêmement bien protégé contre les accidents périphériques
Intubation trachéale 2 tels que l’hypoxémie ou l’hypotension artérielle, il a été
Remplissage vasculaire et catécholamines 2 démontré qu’après un traumatisme crânien, même mineur, le
Contrôle de la capnie 4 cerveau devenait très sensible aux agressions ischémiques. Il
Position de la tête 4 existe maintenant de nombreuses preuves expérimentales et
Contrôle de la température 4 cliniques de cette plus grande sensibilité du cerveau trauma-
¶ Stratégie de prise en charge d’un TCG à l’accueil 4 tisé. [2, 3] Même si, en pratique, les événements susceptibles de
Accueil en salle de déchocage 4 provoquer des ischémies secondaires ne touchent que 50 % des
Contrôle de l’hémodynamique périphérique 5 patients, ce sont ces patients qui rendent compte de la mortalité
Monitorage cérébral 5 et de la morbidité les plus lourdes. [4, 5] Ceci explique pourquoi
Contrôle de l’hémostase 7 de nombreuses études se sont orientées vers la prévention et le
Contrôle de la température corporelle 7 traitement de ces épisodes ischémiques. [6, 7] Toutes ces études
Prévention des convulsions 7 démontrent que la précocité et la qualité de la prise en charge
dans les heures qui suivent le traumatisme sont essentielles au
¶ Conclusion 8
devenir du patient. Le principal but de cette prise en charge sera
d’assurer une hémodynamique cérébrale satisfaisante en luttant
contre les causes périphériques (hypoxémie et/ou hypotension)
■ Introduction ou centrales (engagement cérébral) d’ischémie cérébrale.

Le traitement des patients victimes de traumatisme crânien


grave (TCG) a longtemps été décevant, avec un pronostic
■ Principaux facteurs pronostiques
aléatoire, des séquelles lourdes, des situations psychologiques
personnelles et familiales difficiles et un coût non négligeable
État neurologique
pour la société. Ce qui était considéré comme une fatalité a eu Le score calculé à partir de l’échelle définie par l’équipe de
pour conséquence, de la part du corps médical, un fréquent Glasgow ou le « Glasgow coma scale » (GCS) [8] est devenu la
désintérêt pour ces patients. Cependant, depuis plusieurs référence pour définir un état neurologique en urgence
années, un regain d’intérêt pour la physiopathologie du trau- (Tableau 1). Cet indice est largement utilisé car il est de calcul
matisme crânien a permis de progresser dans la compréhension simple, reproductible et de grande valeur pronostique. Le GCS
des phénomènes en cause et de proposer des traitements d’un patient traumatisé crânien prédictif du pronostic est le
simples. Ces avancées scientifiques, mêmes incomplètes, ont meilleur score retrouvé après stabilisation hémodynamique et, si
entraîné une amélioration de la prise en charge thérapeutique possible en l’absence de sédation, dans les premières heures

Urgences 1
24-002-A-15 ¶ Prise en charge des traumatisés crâniens graves

Tableau 1. les traiter. Ces résultats, précocement suggérés par certains [10]
Échelle du score de Glasgow (GCS). ont, par la suite, été confirmés par de nombreuses études. [11, 13]
GCS Réaction Points
Stocchetti et al. [11] retrouvent, sur le lieu de l’accident, une
hypoxie dans 28/49 cas (57 %) et une hypotension artérielle
Ouverture des yeux Spontanée Y4 dans 12/49 cas (25 %). Le pronostic à 6 mois était significative-
À l’appel Y3 ment corrélé à ces deux événements avec un rôle prédominant
À la douleur Y2 de l’hypotension artérielle. Ceci peut être lié à la durée de
Pas d’ouverture Y1 l’hypotension qui est beaucoup plus difficilement corrigée lors
de la prise en charge. En effet, ces auteurs [11] montrent que
l’hypoxie était corrigée dans plus de 80 % des cas à l’arrivée à
Réponse verbale Claire V5
l’hôpital, alors que l’hypotension artérielle n’était corrigée que
Confuse V4
dans 33 % des cas. Nous retrouvons des résultats analogues dans
Incohérente V3 une étude rétrospective réalisée en Île-de-France concernant
Incompréhensible V2 304 patients traumatisés crâniens. [13] À la prise en charge,
Pas de réponse V1 77 patients étaient hypoxiques et 59 hypotendus. À l’arrivée à
l’hôpital, seuls 19 patients étaient toujours hypoxiques alors que
Réponse motrice Exécute les ordres simples M6 51 patients étaient encore hypotendus. En moyenne, l’oxymé-
trie de pouls a été normalisée (83 ± 33 versus 97 ± 11 %,
Réaction localisatrice M5
p < 0,0001) par la prise en charge médicalisée préhospitalière
Évitement M4
alors que la pression artérielle moyenne (PAM) n’était pas
Flexion réflexe M3 modifiée (82 ± 33 versus 80 ± 35 mmHg, ns).
Extension réflexe M2 La première cause d’hypotension retrouvée est l’hémorragie.
Pas de réponse motrice M1 Quelques cas ont été décrits après osmothérapie (mannitol) et
Score total : Y + V + M ; score maximal : 4 + 5 + 6 = 15.
semblent liés à une hypovolémie provoquée par les propriétés
diurétiques des produits osmolaires. Analysant rétrospective-
ment en détail les causes d’hypotension artérielle dans un
post-traumatiques. Le traumatisme crânien grave est défini par collectif de 59 patients, Chesnut et al. [14] ne retrouvent aucune
un GCS ≤ 8, ce qui correspond à l’absence de réponse (verbale cause évidente pour 21 d’entre eux. Il estime que cette
ou motrice) aux ordres simples. Malgré l’efficacité du GCS défaillance hémodynamique est purement d’origine centrale et
comme outil de diagnostic, de surveillance et de pronostic, des pose alors la question de la précocité de l’introduction des
discussions ont eu lieu pour préciser l’importance de ses catécholamines. Un travail récent, [15] analysant les causes
différents composants. Il est admis par tous qu’en cas d’asymé- d’hypotension artérielle chez 231 patients victimes d’un TCG,
trie, le score du meilleur côté est pris comme référence. Certai- estimait que chez 30 patients (13 %) l’hypotension artérielle
nes équipes [9] proposent l’utilisation de la seule composante était vraisemblablement d’origine centrale. Dans cette étude la
motrice cotée de 1 à 6 comme guide décisionnel. Les TCG sont présence d’une hémorragie expliquait 49 % des phénomènes
ceux dont la composante motrice est inférieure ou égale à 5, d’hypotension artérielle observés.
c’est-à-dire, là aussi, des patients qui ne répondent pas à un Il est à noter que la persistance de l’hypotension artérielle est
ordre simple. Cette méthode d’évaluation permet d’éliminer les retrouvée dans les articles européens [11, 13] où le transport est
composantes verbale et oculaire du GCS dépendantes d’éven- médicalisé comme dans les articles américains où la prise en
tuelles lésions maxillofaciales. La constatation lors de l’examen charge est le plus souvent effectuée par des paramédicaux
clinique initial d’un tel état de gravité impose donc, en premier spécialisés. [4]
lieu, les contrôles des voies aériennes supérieures et de l’hémo- Le traitement et la prévention des épisodes d’hypoxie et
dynamique périphérique. [6, 7] d’hypotension artérielle sont devenus une règle d’or de la prise
en charge préhospitalière des TCG. [6, 7]

Hypoxie et hypotension artérielle


Il est difficile de dissocier les épisodes d’hypoxie (SaO 2 ■ Traitements à la phase
< 90 %) et d’hypotension artérielle (définis par une valeur de
pression artérielle systolique [PAS] < 90 mmHg), même si
préhospitalière
l’hypoxie est le plus souvent rapidement corrigée. En effet, ces
deux situations restent, dans toutes les études, non seulement Intubation trachéale
les premières causes de diminution des apports d’oxygène au L’intérêt de l’intubation trachéale après TCG est démontré
cerveau mais aussi, avec le GCS initial, les deux principaux dans une étude rétrospective où 351 patients sont analysés. [16]
facteurs pronostiques du TCG en préhospitalier. [4, 10, 11] De Dans le groupe des TCG isolés, la mortalité précoce double si les
plus, l’association de ces deux événements potentialise l’appari- patients ne sont pas intubés (50 % vs 23 %).
tion des lésions ischémiques cérébrales, de l’œdème cérébral et Les recommandations pour la prise en charge des TCG [6, 7]
donc de l’importance de l’hypertension intracrânienne (HTIC) préconisent pour l’intubation trachéale en urgence une induc-
post-traumatique. [12] tion anesthésique à séquence rapide (crush induction) avec au
Le rôle crucial de l’hypoxie et de l’hypotension préhospita- mieux trois intervenants : le premier intervenant pratique la
lière dans le pronostic des TCG a d’abord été mis en évidence manœuvre de Sellick et l’injection d’un hypnotique (étomidate®
par Chesnut [4] dans une étude analysant rétrospectivement la le plus souvent en raison de l’instabilité hémodynamique)
prise en charge préhospitalère de 717 patients nord-américains. associé à un curare (succinylcholine, Célocurine®). Le deuxième
L’hypoxie était mise en évidence comme facteur primordial de intervenant peut alors placer la sonde d’intubation par voie
risque pour la catégorie des patients âgés de moins de 40 ans. orotrachéale après laryngoscopie directe. Chez tous les trauma-
En revanche, pour tous les patients, la présence d’une hypoten- tisés, un troisième intervenant est nécessaire au maintien en
sion artérielle (PAS < 90 mmHg) augmentait la mortalité de rectitude du rachis cervical pendant toute la durée de la
27 % à 60 %. Quand hypotension et hypoxie étaient associées, procédure.
la mortalité était de 75 %. La fréquence de l’hypoxie et de
l’hypotension dépistées avant tout traitement chez ces patients
était respectivement de 46 % et de 35 %. Ces anomalies ne sont Remplissage vasculaire et catécholamines
donc pas marginales. L’évolution temporelle des données
montre que, sans traitement adéquat, le nombre d’épisodes
Expansion volémique
d’hypotension et d’hypoxie dépistés augmente. Ces perturba- La principale cause d’hypotension artérielle à la phase
tions ne se résolvent pas spontanément, il est donc impératif de préhospitalière étant l’hypovolémie (hémorragie), l’expansion

2 Urgences
Prise en charge des traumatisés crâniens graves ¶ 24-002-A-15

volémique est le premier des traitements à considérer. Parce Tableau 2.


qu’il est iso-osmolaire, le sérum salé isotonique à 9 ‰ est le Recommandations de l’ANAES pour la prise en charge des traumatismes
principal soluté recommandé. [7] Les solutions glucosées sont crâniens graves à la phase préhospitalière. [7]
proscrites car elles n’ont pas de pouvoir d’expansion volémique Évaluation d’un GCS ≤ 8 et les yeux fermés après correction des fonc-
et leur caractère hypotonique favorise l’œdème cérébra. [17] De tions vitales
plus, il est montré expérimentalement qu’une hyperglycémie
Intubation trachéale avec une technique d’induction anesthésique à
précédant ou accompagnant une ischémie cérébrale pouvait
séquence rapide et mise sous ventilation mécanique après sédation
aggraver le pronostic. [18] Si la perfusion de sérum salé isotoni- continue
que s’avère insuffisante pour restituer un niveau de pression
Maintien d’une pression artérielle systolique ≥ 90 mmHg
artérielle adéquat, les macromolécules type hydroxyléthylami-
don (HEA, jusqu’à 25 ml/kg les premières 24 heures) sont Maintien d’une SpO2 ≥ 90 % et PO2 ≥ 60 mmHg
utilisées pour leur meilleur pouvoir expanseur. Lorsque l’hypo- Maintien d’une normocapnie avec ETCO2 et PaCO2 à 35 mmHg
tension artérielle persiste, le recours aux catécholamines devient Remplissage vasculaire par sérum salé isotonique ou colloïdes
nécessaire. [19] En cas d’hémorragie, il est fondamental de Mannitol (0,25 à 1 g/kg en 20 min) si mydriase aréactive
limiter au maximum les pertes sanguines. Il est, par exemple,
impératif de suturer une lésion du scalp ou de comprimer les
plaies hémorragiques. Le développement d’appareils de biologie d’agonistes des récepteurs a-adrénergiques, c’est-à-dire, en
portatifs permet de contrôler rapidement les taux d’hémoglo- pratique clinique, des catécholamines : dopamine, noradréna-
bine qui sont des facteurs pronostiques importants. Les besoins line ou adrénaline. En préhospitalier, à ce jour, aucune étude ne
transfusionnels des patients sont alors mieux estimés et traités nous permet de préférer l’une ou l’autre de ces drogues. Des
plus efficacement. raisons pratiques (utilisation par voie veineuse périphérique)
mais aussi théoriques (effet b-adrénergique évitant de masquer
Sérum salé hypertonique une hypovolémie) peuvent jouer en faveur de la dopamine. La
noradrénaline permet un contrôle plus facile et prévisible du
Aucune des études testant, en préhospitalier, l’utilisation du
niveau tensionnel mais au risque de masquer une hypovolémie
sérum salé hypertonique dans le traitement de l’hypovolémie,
mal compensée. Le choix de la drogue est donc laissé au
n’a apporté la preuve de sa supériorité, même si leurs auteurs
médecin intervenant. Un conseil possible en cas de traumatisme
regrettent le nombre insuffisant de patients traités. [20] Aucune
crânien accompagné d’hypotension (hémorragie, par exemple)
différence entre sérum salé hypertonique et association dextran/
pendant un transport préhospitalier est l’utilisation préalable,
salé hypertonique n’a été mise en évidence. [21] Le grand intérêt
après expansion volémique, de l’osmothérapie (mannitol ou
du sérum salé hypertonique pourrait résider en cas de TCG,
sérum salé hypertonique). En absence de réalisation des objectifs
dans ses effets sur l’hémodynamique cérébrale, en particulier la
hémodynamiques (DTC : vélocité diastolique supérieure ou
diminution des valeurs de pression intracrânienne (PIC). [22]
égale à 20 cm/s ou à défaut PAM à 80 mmHg) ou neurologiques
Pression de perfusion cérébrale (régression de mydriases aréactives), les catécholamines sont
alors introduites.
Si la lutte contre l’hypotension est une priorité, la question
se pose de l’objectif du meilleur niveau de pression artérielle Osmothérapie et hypertension intracrânienne
moyenne (PAM) à obtenir. En l’absence d’études, le niveau de
Les Recommandations pour la Pratique Clinique [6, 7] sont
PAM recommandé dans les premières heures post-traumatiques
sans ambiguïté (Tableau 2). Elles préconisent l’osmothérapie
est de 80 mmHg. [23] Cependant, nous avons montré qu’une
(mannitol 20 % : 0,20 à 1 g/kg soit 1 à 5 ml/kg) en urgence
valeur de 80 mmHg de PAM ne permet aucunement de distin-
devant toutes anomalies pupillaires et/ou dégradation de l’état
guer, à l’arrivée à l’hôpital, les patients à haut risque d’ischémie
neurologique non expliquées par une cause extracrânienne.
cérébrale des autres. [24] En effet, une valeur isolée de PAM ne
Après ce traitement, elles recommandent de prévoir rapidement
peut prédire la pression de perfusion cérébrale (PPC) qui ne
la réalisation d’une tomodensitométrie (TDM) cérébrale pour
dépend pas que de la valeur de la PAM mais aussi de la valeur
rechercher une éventuelle indication neurochirurgicale. L’argu-
de la pression intracrânienne (PIC) : PPC = PAM − PIC. Dans
ment majeur de l’utilisation du mannitol pour le traitement de
cette étude clinique, malgré une valeur moyenne de PAM de
l’hypertension intracrânienne (HTIC) est que la diminution de
80 mmHg, 40 % des patients restent à haut risque d’ischémie
la PIC s’accompagne, si la PAM ne diminue pas, d’une amélio-
cérébrale, objectivé par une valeur basse de la saturation
ration du débit sanguin cérébral qui dure 2 à 3 heures. [22, 26]
veineuse jugulaire en O2 (SvjO2). [24] Seul un monitorage de la
Cet effet explique la recommandation de l’utilisation systéma-
circulation cérébrale, obtenu dans les premières heures post-
tique de mannitol (20 %) lors des anomalies pupillaires. En
traumatiques, peut permettre de juger réellement de la perfusion
préhospitalier, toute mydriase aréactive (uni- ou bilatérale)
cérébrale et d’adapter le niveau de PAM aux besoins spécifiques
découverte chez un patient inconscient doit faire craindre une
de chaque patient. S’adapter à chaque patient c’est augmenter
HTIC majeure et donc un écrasement des gros troncs artériels
la PAM des patients qui en ont besoin mais c’est aussi ne pas
intracrâniens provoquant l’absence de débit dans ces artères.
augmenter la PAM des patients dont la perfusion cérébrale est
C’est une urgence majeure pour l’hémodynamique cérébrale et
assurée à PAM 80 mmHg ou moins. Trois types de monitorage
l’absence de traitement ne peut que gravement compromettre le
cérébral paraclinique sont disponibles : la PIC, la SvjO2 et le
pronostic de ces patients. Entre 1994 et 1998, aucun des
doppler transcrânien (DTC). Dans les tout premiers temps de la
65 patients pris en charge par une équipe de SMUR, en
prise en charge (aux urgences comme en préhospitalier), seul le
mydriase bilatérale après traumatisme crânien et acceptés à
DTC est réalisable car cette technique est rapide et non-
l’hôpital de Bicêtre n’a bénéficié d’osmothérapie pendant le
invasive. Elle peut être pratiquée par tous les appareils échodop-
transport. [13] Ces 65 patients sont tous décédés après 1 an quels
pler déjà présents dans les hôpitaux. Dans les années à venir la
qu’aient été les traitements ultérieurs effectués à l’hôpital
miniaturisation des appareils facilitera leur présence dans les
(osmothérapie et/ou chirurgie).
unités mobiles du SAMU si ce n’est dans la poche de chaque
Une étude multicentrique internationale [27] permet plusieurs
médecin. Dès maintenant, il est intéressant de s’en servir pour
remarques sur l’utilisation du mannitol en préhospitalier. Cette
régler le niveau de PAM de chaque patient victime d’un
étude montre que l’utilisation de mannitol à des doses impor-
TCG. [25]
tantes (1,2 à 2,1 g/kg) améliore le pronostic des patients
présentant un hématome sous-dural (HSD) traumatique. Dans
Catécholamines ce protocole, tous les patients recevaient dès la prise en charge,
Une expansion volémique ne peut que corriger une hypovo- avant bilan, une dose de mannitol de 0,6 à 0,7 g/kg puis, après
lémie, en aucun cas elle n’est susceptible de provoquer une le diagnostic d’HSD, étaient randomisés pour recevoir, ou non,
hypertension artérielle si celle-ci est nécessaire à la perfusion avant la chirurgie, une nouvelle dose de mannitol. La perfusion
cérébrale. Cet objectif ne peut s’obtenir sans l’introduction de mannitol était toujours accompagnée d’un remplissage

Urgences 3
24-002-A-15 ¶ Prise en charge des traumatisés crâniens graves

vasculaire par du sérum salé physiologique pour prévenir Contrôle de la température


l’hypotension secondaire à la diurèse entraînée par l’effet
hyperosmolaire du mannitol. Aux doses préconisées, [6, 7] cette Le contrôle de la température est devenu un objectif impor-
diurèse osmotique est le plus souvent peu abondante. La tant de la neuroréanimation. Si l’hypothermie a été préconisée
polyurie osmotique devenant un problème de réanimation en réanimation pour traiter l’HTIC, son introduction rapide ne
survient surtout en cas de répétitions du traitement et d’utilisa- peut être recommandée en l’absence d’études significatives,
tion de fortes doses. Cette étude confirme l’efficacité du dans la crainte d’aggraver les problèmes d’hémostase. La lutte
mannitol dans la régression des anomalies pupillaires liées à contre l’hypothermie, fréquente en cas de polytraumatisme et
l’HTIC et dans le pronostic des patients si la suite de la prise en d’expansion volémique massive, est donc toujours d’actualité en
charge hospitalière est efficace. Un point très important à neurotraumatologie. En revanche, l’hyperthermie est retrouvée
souligner est la rapidité de la prise en charge chirurgicale : le dès la prise en charge initiale — 22 % des patients à l’arrivée à
délai entre traumatisme et évacuation chirurgicale était inférieur l’hôpital [13] — essentiellement chez des patients victimes de
à 3 heures dans les deux groupes étudiés. [27] Un délai court TCG isolés. L’hyperthermie est reconnue comme un facteur
entre traumatisme et chirurgie est d’ailleurs connu depuis indépendant de mauvais pronostic dans de nombreuses patho-
longtemps comme le facteur principal de bonne récupération logies neurologiques à l’arrivée aux urgences. [29] Elle doit être
neurologique des patients victimes d’hématomes sous-duraux recherchée et son traitement débuté sans attendre : arrêt des
aigus traumatiques. [28] Dans ces situations, l’osmothérapie est manœuvres de réchauffement (couverture de survie, etc.),
alors particulièrement intéressante car elle permet le rétablisse- antipyrétiques intraveineux et, si nécessaire, renforcement de la
ment rapide mais temporaire d’un débit sanguin cérébral correct sédation.
pendant le temps nécessaire à l’organisation de l’intervention
neurochirurgicale qui, seule, traite la cause initiale de l’HTIC.
■ Stratégie de prise en charge
Contrôle de la capnie d’un TCG à l’accueil
D’autres traitements sont fréquemment employés en préhos-
pitalier sans qu’aucune étude ne vienne les valider. L’exemple Accueil en salle de déchocage
de l’hypocapnie provoquée par hyperventilation est le plus
significatif. L’hypocapnie induit une baisse de PIC. En effet, la L’association du TCG à un polytraumatisme est fréquente.
PaCO2 est un des plus puissants stimuli du tonus vasculaire Elle concerne la majorité des patients (60 %) qui arrivent à
cérébral, avec vasodilatation en hypercapnie et vasoconstriction l’hôpital. Cette situation est importante à envisager car l’hypo-
en hypocapnie. La vasoconstriction artériolaire entraîne une tension artérielle s’y retrouve plus fréquemment associée. En
diminution du volume sanguin cérébral et donc de la PIC mais conséquence, l’association du TCG à un polytraumatisme doit
aussi une diminution du débit sanguin cérébral, susceptible de rendre les médecins encore plus attentifs à la détection et au
provoquer ou d’aggraver une ischémie cérébrale. [26] En consé- traitement de l’hypovolémie et de l’hypotension artérielle. De
quence, l’hypocapnie comme moyen de lutte de l’HTIC est plus, la présence de lésions associées et les troubles de l’hémo-
formellement déconseillée dans les 24 premières heures post- stase plus fréquents aggravent la présence de lésions hémorra-
traumatiques au moment où les risques ischémiques sont les giques cérébrales et donc le pronostic des patients. [30]
plus grands. [6, 7] Un TCG d’apparence isolé doit être considéré comme poly-
L’hypercapnie, en dilatant les vaisseaux cérébraux, est traumatisé jusqu’à preuve du contraire. À l’arrivée sur l’aire
susceptible d’augmenter la PIC et doit aussi être évitée. La d’urgence, des clichés radiologiques de débrouillage sont
ventilation contrôlée systématique chez les patients avec TCG systématiquement pratiqués : rachis cervical de profil, poumon,
devrait permettre un contrôle strict de la ventilation alvéolaire. bassin ainsi qu’une échographie abdominale à la recherche de
Cependant ce contrôle n’est pas effectif. Pendant les transports lésions hémorragiques. Le DTC permet d’estimer rapidement la
préhospitaliers effectués par les équipes des SMUR, 75 % des qualité de la perfusion cérébrale. La question d’une éventuelle
patients présentaient une capnie inférieure à 35 mmHg ou chirurgie et l’intégration de celle-ci dans la prise en charge doit
supérieure à 40 mmHg à l’arrivée à l’hôpital. [13] Des études sont être posée. Dans le cas d’un choc hémorragique chirurgical,
nécessaires pour définir la responsabilité respective des ventila- comme, par exemple, une rupture splénique, la réalisation de
teurs utilisés en préhospitalier, du choix des constantes ventila- l’hémostase prime sur tout. De même, la radiologie interven-
toires (5, 8 ou 10 ml/kg) et/ou des modifications physiologiques tionnelle (embolisation artérielle) permet le contrôle rapide de
des patients (augmentation du métabolisme, variation du débit l’hémodynamique en cas de fracture du bassin hémorragique et
cardiaque, etc.) dans ces perturbations. Toutefois l’usage compliquée.
systématique de la mesure de CO2 expiré (capnographe) devrait Dans le cas de la chirurgie orthopédique non urgente, il peut
être systématique chez ces patients. y avoir contradiction entre la nécessité de fixer rapidement les
L’utilisation des corticoïdes n’a pas d’utilité démontrée dans lésions orthopédiques et la sensibilité des cerveaux traumatisés
le cadre du traumatisme crânien. La recommandation de ne pas aux épisodes d’hypotension artérielle. Il est essentiel d’effectuer
prescrire de corticoïdes après traumatisme crânien est partagée un monitorage cérébral multimodal (capteur de PIC, DTC et
par l’ensemble des professionnels reconnus en neurotraumato- cathéter pour SvJO2) chez ces patients et de stabiliser les valeurs
logie. [6, 7] paracliniques. Une fois l’hémodynamique cérébrale équilibrée et
le patient stabilisé quelques heures (4 à 8 heures), la fixation des
lésions orthopédiques pourra se faire sous surveillance paracli-
Position de la tête nique étroite. Il ne faut pas sous-estimer l’intérêt de la fixation
La position du buste relevé à 30 ° pour surélever la tête est précoce des fractures fermées sur la diminution de la morta-
toujours acceptée comme une bonne méthode pour améliorer le lité, [31] mais en cas d’HTIC non contrôlée, le report de l’inter-
retour veineux et baisser le niveau de PIC. Cependant, cette vention est souhaitable tant que le contrôle de l’HTIC n’est pas
prescription ne vaut que pour les patients normovolémiques. En possible. En revanche, les fractures ouvertes ne peuvent pas
effet, relever le buste d’un patient traumatisé hypovolémique répondre à ces principes puisque le risque infectieux lors du
peut provoquer une baisse de la pression artérielle dans la dépassement du délai de 6 heures est difficilement acceptable.
carotide que la mesure de la pression au bras ne peut pas mettre La prise en charge du TCG pose le problème du diagnostic
en évidence. Cette baisse de la pression d’entrée du sang dans des lésions rachidiennes associées. Si les clichés réalisés avant
le cerveau, et donc de la perfusion cérébrale, peut générer des tout déplacement du patient hors de l’aire d’accueil ne mon-
épisodes d’ischémie cérébrale. Une volémie proche de la trent pas de lésions nécessitant un traitement d’urgence et que
normale est donc nécessaire avant de relever la tête d’un l’hémodynamique cérébrale est satisfaisante (DTC normaux), le
patient, ainsi qu’un bilan radiologique préalable éliminant une patient est orienté pour pratiquer un bilan radiologique complet
atteinte rachidienne. De fait en préhospitalier, le maintien en du rachis de face et de profil ainsi que de toutes les zones
rectitude de l’axe tête-cou-tronc reste la règle. osseuses périphériques suspectes. Toute vertèbre cervicale non

4 Urgences
Prise en charge des traumatisés crâniens graves ¶ 24-002-A-15

Tableau 3.
PAM
Recommandations de l’ANAES pour le monitorage cérébral d’un
traumatisme crânien grave. [7]
Monitorage systématique de la PIC recommandé :
PPC • Scanner cérébral anormal
• Scanner cérébral normal mais s’il existe 2 des critères suivants :
- âge supérieur à 40 ans,
PIC Vasoconstriction Cascade vasoconstrictrice
- déficit moteur uni- ou bilatéral,
- épisodes de pression artérielle systolique inférieure à 90 mmHg
VS • Le monitorage de la PIC doit être couplé au monitorage de la pression
artérielle moyenne (PAM), avec calcul de la pression de perfusion céré-
brale (PPC = PAM - PIC).
PAM

DTC et SvJO2 non recommandés en dépit de leur intérêt en raison du


manque d’études.
PPC

Il n’y a pas dans la littérature de chiffre précis de PAM à


Cascade vasodilatatrice atteindre. Lors d’un TCG, les dangers après obtention d’une
PIC Vasodilatation
hypertension artérielle (PAM à 100 mmHg, par exemple) ne
sont pas évalués. Entre les risques d’aggravation des hémorragies
VSC extracérébrales voire intracérébrales ou le risque de favoriser un
œdème vasogénique par augmentation de la pression hydrosta-
Figure 1. Cascades vasodilatatrice et vasoconstrictrice. PAM : pression tique dans les capillaires cérébraux, la plupart des auteurs
artérielle moyenne ; PPC : pression de perfusion cérébrale ; VSC : volume préfèrent recommander une valeur minimale de 80 mmHg
sanguin cérébral ; PIC : pression intracrânienne. D’après Rosner MJ et comme objectif raisonnable en attendant la mise en place d’un
Daughton S. [33] monitorage permettant d’adapter à un patient précis le niveau
de PAM souhaitable. [23]

vue sur les clichés standards sera évaluée par des coupes
scanographies ; en pratique, la tomodensitométrie des charniè-
Monitorage cérébral
res C1-C2 et C7-D1 est systématique. Le monitorage cérébral est d’autant plus important à mettre
Il est important pour la conduite de la réanimation (décisions en place rapidement que c’est lui, et lui seul, qui permet
cliniques, pose du monitorage paraclinique) d’arrêter à un l’ajustement de la PAM aux besoins d’un TCG, limitant ainsi les
moment choisi la sédation et de contrôler le niveau de coma du risques ischémiques, d’autant plus importants que l’on est
patient. Cet arrêt des traitements sédatifs ne peut se faire proche du traumatisme. La mesure de la PIC est le premier
qu’après le bilan initial sur un patient stable. Les risques moyen de surveillance étudié (Tableau 3). Le niveau de PAM
d’engagements cérébraux visibles à la TDM (déviation de la recommandé est donc lié au niveau de PIC du patient puisque
ligne médiane de plus de 5 mm, comblement des citernes de la l’objectif admis par la majeure partie des équipes est l’obtention
base) contre-indiquent ce réveil. Après réévaluation du GCS, d’une PPC à 70 mmHg. [23, 35, 36] Cet objectif de 70 mmHg de
tous les patients avec un GCS ≤ 8 bénéficieront d’un monitorage PPC a été déterminé à partir d’épreuves combinant l’étude de la
multimodal comme le conseillent les recommandations de PPC, des vélocités des vaisseaux cérébraux au DTC et des valeurs
l’ANAES. [7] de la saturation veineuse jugulaire en oxygène (SvjO 2 ). La
mesure de SvjO2 s’effectue par prélèvement sanguin dans un
Contrôle de l’hémodynamique périphérique cathéter préalablement introduit dans la veine jugulaire par voie
rétrograde pour se positionner dans le golfe veineux jugulaire.
La relation entre le pronostic et la présence d’épisodes Ces études montrent que si la moyenne de la PPC nécessaire
d’hypotension artérielle des TCG, mis en évidence pendant la pour assurer un débit sanguin cérébral (DSC) optimum est bien
période préhospitalière, est aussi démontrée pendant toute la 70 mmHg, la variabilité interindividuelle comme intra-
durée de la prise en charge en unité de soins intensifs. [32] Le individuelle est grande, [37] imposant l’ajustement fréquent du
contrôle de la PAM reste donc un objectif primordial à l’hôpital. niveau de PAM en fonction des résultats des paramètres paracli-
La constatation, au lit des patients, de l’influence du niveau niques afin d’éviter une pression artérielle trop basse ou une
de la PAM sur le niveau de la PIC a ouvert un nouveau chapitre hypertension artérielle délétère. Un critère important à obtenir
de la neuroréanimation. [33] Cette description clinique a amené est une SvjO2 supérieure à 55 % pour un patient à 37 °C.
Rosner et Daughton [33] à décrire dans le TCG deux cascades : Lors de la prise en charge initiale, la stabilisation hémodyna-
une « vasoconstrictrice » où augmenter la PAM permet de mique du traumatisé, le bilan radiographique (tomodensitomé-
baisser la PIC, et une « vasodilatatrice » où la baisse de la PAM trie) et l’obtention du bilan biologique d’hémostase prennent
entraîne une augmentation de PIC (Fig. 1). Ces cascades ne du temps (3 à 4 heures) et retardent la mise en place de la PIC
peuvent exister que lorsque l’autorégulation de la circulation et/ou de la SvjO2. [24] Le niveau de PAM satisfaisant ne peut
cérébrale est préservée. Après TCG, celle-ci semble maintenue alors être déterminé précisément à un moment proche du
dans environ deux tiers des cas. [34] traumatisme où les risques d’ischémie sont maximaux.
Maintenir une pression élevée, voire créer et entretenir une L’utilisation du DTC dès l’arrivée à l’hôpital [25] peut permet-
hypertension artérielle permet, en augmentant la pression de tre très rapidement une évaluation de l’hémodynamique
perfusion cérébrale (PPC= PAM – PIC), d’assurer un débit cérébrale du patient (Fig. 2). Une vélocité anormale sur une des
sanguin cérébral au-delà des risques ischémiques mais aussi de deux artères cérébrales moyennes, et notamment une vélocité
mieux contrôler la PIC à un niveau plus bas. La question n’est diastolique (Vd) inférieure à 20 cm/s, indique un défaut
donc plus seulement d’interdire l’hypotension mais de choisir le dangereux de perfusion cérébrale, soit par hypotension artérielle
niveau de PAM utile et nécessaire à un patient donné pour soit par hypertension intracrânienne. Un traitement adapté doit
assurer une hémodynamique cérébrale stable et une PIC mini- être entrepris immédiatement : expansion volémique et/ou
male. Se servir de l’hémodynamique périphérique, jusqu’à introduction des catécholamines pour l’hypotension artérielle,
l’hypertension si nécessaire, pour contrôler l’hémodynamique osmothérapie puis une tomodensitométrie cérébrale en urgence,
cérébrale est donc devenu l’un des grand axes de la à la recherche d’un traitement chirurgical, pour l’hypertension
neuroréanimation. intracrânienne (Fig. 3). Des vélocités retrouvées normales

Urgences 5
24-002-A-15 ¶ Prise en charge des traumatisés crâniens graves

Figure 2.
A, B. Utilisation du doppler
transcrânien (visualisation des
flux de l’artère cérébrale
moyenne en passant par la fenê-
tre temporale). Vs : vitesse systo-
lique ; Vd : vitesse diastolique ;
Vm : vitesse moyenne.

Figure 3.
A, B. Apport du doppler transcrânien (DTC)
dans le triage des patients à haut risque d’is-
chémie cérébrale. Patient victime d’un trauma-
tisme crânien grave avec DTC initial sur artère
cérébrale moyenne (ACM) droite normal
2 heures après détérioration des flux de l’ACM
droite avec lésions scanographiques en rap-
port.

indiquent un débit sanguin cérébral respecté. En résumé, le cependant dans les premières heures post-traumatiques, où
niveau de PAM souhaitable est fixé à 80-90 mmHg avant que souvent l’hypertension intracrânienne n’est pas maximale, la
tout monitorage soit possible mais devra être adapté le plus tôt dopamine a l’avantage potentiel - mais non encore démontré -
possible grâce à l’utilisation du DTC. d’augmenter le débit cérébral par vasodilatation propre et
Pour un tiers des patients, l’autorégulation cérébrale n’est pas surtout d’éviter de masquer une hypovolémie préjudiciable au
préservée, le DSC reste directement proportionnel au niveau de patient.
PAM et la PIC augmente à l’augmentation de la PAM. Dans ce En règle générale, l’utilisation des catécholamines nécessite la
cas, il peut aussi être nécessaire d’augmenter la PAM pour surveillance continue de la pression artérielle par voie sanglante
restaurer une hémodynamique cérébrale satisfaisante. Le DTC (artère radiale ou fémorale). En attendant les études susceptibles
sera dans ce cas tout aussi déterminant pour atteindre la PAM de comparer les différentes catécholamines entre elles dans une
optimale. situation préhospitalière et post-traumatique immédiate, la
Seuls les agonistes des récepteurs a sont susceptibles de dopamine paraît pour l’instant le traitement à recommander car
contrôler étroitement le niveau de PAM et de créer une hyper- plus maniable et probablement à moindre risque iatrogène. À
tension par vasoconstriction périphérique. Parmi les l’arrivée à l’hôpital, Le DTC permet, bien avant la pose du
« a-agonistes » à notre disposition, les catécholamines comme capteur de PIC, de régler le niveau de capnie ou la dose de
l’adrénaline, la noradrénaline ou la dopamine sont préférables, catécholamines pour obtenir une vitesse diastolique (Vd)
mêmes si elles ne sont pas strictement a-agonistes, car leur au-dessus de 20 cm/s et ce, avant la poursuite des investigations
durée d’action est très courte et donc leurs effets facilement radiologiques. Une fois l’ensemble des moyens de surveillance
réversibles à l’arrêt du traitement. La comparaison, à 48 heures mis en place, il est impératif alors de trouver le meilleur
du traumatisme, entre dopamine et noradrénaline est en faveur équilibre en ajustant PaCO2, hémoglobine, PAM, PIC, Vd et
de la noradrénaline chez les patients à PIC très élevée, [37] SvjO2 optimales.

6 Urgences
Prise en charge des traumatisés crâniens graves ¶ 24-002-A-15

Contrôle de l’hémostase déficiente. Une étude [41] note que la mesure de la température
à l’arrivée à l’hôpital ne concerne que 74 % des patients mais
Le rôle des troubles de l’hémostase dans l’apparition des surtout que pour 92 % d’entre eux, celle-ci diminue de façon
lésions retardées est analysé dans deux études rétrospectives sensible pendant la présence aux urgences (attente, départ en
consécutives. [30] Une lésion retardée est définie, lors d’une radiologie, etc.). L’hypothermie diminue toutes les réactions
tomodensitométrie à J3, par l’apparition d’une ou de plusieurs enzymatiques, la coagulation est donc moins efficace et aug-
nouvelles images hémorragiques et/ou l’aggravation d’une mente les pertes sanguines lors, par exemple, de laparotomie
image initiale. Dans le premier article (n = 253), Stein et al. [38] pour traumatisme abdominal. [42]
montrent que l’allongement du temps de prothrombine (TP), Ces travaux qui montrent que l’hypothermie est un facteur
du temps de céphaline activé (TCA) et/ou la diminution du de mauvais pronostic rendent compte d’une hypothermie
nombre des plaquettes est significativement plus fréquent chez
incontrôlée sur des patients polytraumatisés. En revanche, en
les patients porteurs de lésions cérébrales retardées. De plus,
neurotraumatologie, l’hypothermie modérée (34 °C) contrôlée a
l’apparition de ces lésions a une incidence certaine sur le
été proposée comme moyen thérapeutique de « protection
pronostic puisque la mortalité avec lésions secondaires est de
cérébrale ». Son utilisation systématique les 48 premières heures
41 % alors qu’aucun décès n’est noté chez les patients sans
pour tous les traumatismes crâniens n’a montré ni amélioration
nouvelles lésions. Ces résultats montrent l’importance du
ni aggravation du pronostic des patients. [43, 44] En revanche,
contrôle strict de l’hémostase dans la prise en charge des TCG.
Dans la deuxième étude, [30] 45 % des 337 patients étudiés l’hypothermie modérée pourrait être intéressante comme outil
présentent une lésion cérébrale retardée. Les résultats confir- pour contrôler une HTIC grâce à l’hypocapnie physiologique
ment que les troubles de l’hémostase, y compris une diminu- qu’elle provoque. [45] C’est en connaissant parfaitement les
tion isolée du nombre de plaquettes à l’admission, sont effets secondaires et en les maîtrisant que l’utilisation de
significativement corrélés à l’apparition de lésions retardées et l’hypothermie modérée contrôlée est possible.
insistent sur le rôle joué par les lésions extracrâniennes dans ces En conclusion, l’hyperthermie est, au même titre que l’hypo-
perturbations. tension et l’hypoxie, un « accident d’origine systémique »
L’importance démontrée du contrôle de l’hémostase dans le susceptible de modifier le pronostic. Son apparition doit donc
pronostic des patients nous a amené à établir certaines règles être prévenue et traitée le plus rapidement possible. En cas de
lors de la prise en charge initiale. Une grande attention est polytraumatisme, surtout accompagné d’hémorragie, une
nécessaire lors de la prise en charge : les plaies sont suturées attention toute particulière doit être portée au dépistage et au
(scalp), une dilution importante des facteurs de l’hémostase du traitement préventif de l’hypothermie incontrôlée. En revanche,
fait de l’expansion volémique, est redoutée, l’hypothermie, l’utilisation de l’hypothermie modérée contrôlée peut permettre
facteur d’allongement des temps de coagulation, est combattue de lutter contre l’HTIC.
dans les premières heures et la récupération des résultats
biologiques est organisée. L’intérêt du matériel permettant la
mesure de l’hémostase au lit du patient est évident pour gagner
du temps dans les décisions transfusionnelles. Comme pour
Prévention des convulsions
tout geste intracérébral, la pose du capteur de pression intracrâ- Il est admis qu’un traitement précoce antiépileptique permet
nienne (PIC) n’est possible qu’après vérification de l’hémostase. de prévenir l’apparition des convulsions dans la première
les règles admises sont un TP supérieur à 60 % et un chiffre de semaine post-traumatique, mais il faut noter qu’il est démontré
plaquettes supérieur à 100000/ml. [24] Les patients seront donc que ce traitement n’améliore pas le pronostic du TCG. [46] Après
transfusés si nécessaire pour atteindre ces chiffres. La concen- la première semaine post-traumatique, la fréquence des convul-
tration de fibrinogène sera vérifiée et corrigée si le résultat est sions est la même avec ou sans traitement antiépileptique. Il y
inférieur à 1 g/l. a donc lieu d’arrêter le traitement antiépileptique après la
première semaine.
L’intérêt d’un traitement précoce est de limiter le nombre
Contrôle de la température corporelle éventuel de crises susceptibles de déséquilibrer la balance entre
des apports limités et des besoins augmentés par les crises.
Dans la plupart des situations neurologiques d’urgence L’apparition de convulsions peut alors précipiter le patient dans
(accidents vasculaires cérébraux, par exemple), l’hyperthermie
un état d’HTIC aiguë propre à mettre le pronostic vital en jeu.
est reconnue comme un facteur indépendant de pronostic
Par ce mécanisme les convulsions ou états de mal peuvent alors
défavorable. [29] Au cours du traumatisme crânien, l’hyperther-
entraîner le décès des patients. [47] L’arrêt de la thérapeutique
mie a aussi été retrouvée comme facteur péjoratif indépendant
anticonvulsivante est donc rapide mais raisonné en fonction des
et ce pendant toute la durée de l’hospitalisation en réanima-
risques qu’une crise fait courir au patient.
tion. [32] L’hyperthermie est fréquente, même dans les premières
heures post-traumatiques et surtout lors d’un traumatisme Toutes les études utilisent la phénytoïne (Dihydan®) comme
crânien isolé. Cette hyperthermie est secondaire à un état traitement préventif. La comparaison avec le valproate (Dépa-
hypercatabolique provoqué par la cascade inflammatoire liée au kine®) ne montre aucun bénéfice par rapport à la phénytoïne
traumatisme. Le traitement est basé sur les antipyrétiques et une mortalité supérieure dans le groupe valproate. [48] Pour
(paracétamol) et l’arrêt des manœuvres habituelles de réchauf- être rapidement efficace, le traitement préventif doit commen-
fement puis sur l’approfondissement de la sédation qui permet cer par une dose de charge de phénytoïne (20 mg/kg). Cepen-
à la fois une baisse du métabolisme et une augmentation des dant, une utilisation moins coûteuse peut conduire à utiliser
pertes de chaleur (attention au niveau de PAM). En cas d’échec, une benzodiazépine (clonazépam, Rivotril®, en seringue électri-
et seulement une fois le bilan traumatique complet terminé que, 2 à 3 mg/24 h) conjointement au traitement par voie
(atteintes du rachis, hémorragies rétropéritonéale voire intrapé- entérale de phénytoïne qui ne sera efficace qu’à la 48e heure
ritonéale éliminées) la curarisation, accompagnée ou non du autorisant alors l’arrêt de la benzodiazépine.
refroidissement externe du patient, permet d’obtenir la Les facteurs de risques reconnus de l’apparition de convul-
normothermie. sions sont une contusion corticale, une fracture des os du crâne
Par ailleurs, l’apparition d’une hypothermie dans les suites avec enfoncement, l’HSD, l’hématome extradural, un hématome
d’un polytraumatisme est reconnue dans de nombreuses études intracérébral, un traumatisme crânien pénétrant et une convul-
comme facteur de mauvais pronostic. [39, 40] L’hypothermie est sion dans les premières 24 heures.
le plus souvent liée à l’importance du traumatisme et au volume Il est important de penser, devant un retard de réveil, à
total d’expansion nécessaire au contrôle tensionnel. De plus, le l’éventualité de crises infracliniques qui seront détectées par un
monitorage n’est pas systématique et la prévention souvent électroencéphalogramme (EEG).

Urgences 7
24-002-A-15 ¶ Prise en charge des traumatisés crâniens graves

■ Conclusion [17] Recommandations pour la pratique clinique. SRLF. Remplissage


vasculaire au cours des hypovolémies relatives ou absolues. Réanim
La prise en charge initiale des TCG doit se développer sur Urg 1997;6:335-41.
plusieurs fronts. Le patient victime d’un TCG est avant tout un [18] Cherian L, Goodman J, Robertson C. Hyperglycemia increases brain
traumatisé qui doit être soumis aux mêmes règles que les autres injury caused by secondary ischemia after cortical impact injury in rats.
Crit Care Med 1997;25:1378-83.
traumatisés. La stabilisation ventilatoire et circulatoire sont les
[19] Vassar MJ, Moore J, Perry CA, Spisso J, Holcroft JW. Early fluid
premiers objectifs. Les premières heures post-traumatiques sont
requirements in trauma patients. A predictor of pulmonary failure and
les heures les plus à risques d’aggravations cérébrales secondai-
mortality. Arch Surg 1998;123:1149-57.
res. L’organisation logistique doit s’efforcer d’emmener ces
[20] Vassar MJ, Fischer RP, O’Brien PE. A multicenter trial for resuscitation
patients rapidement vers des structures pluridisciplinaires qui of injured patients with 7,5% sodium chloride. Arch Surg 1993;128:
font encore parfois défaut. Du point de vue médical, l’objectif 1003-13.
du transport doit être le contrôle de l’hémodynamique cérébrale [21] Vassar MJ, Perry CA, Holcroft JW. Prehospital resuscitation of
(lutte contre l’hypoxie, niveau de PAM, osmothérapie et hypotensive trauma patients with 7,5% NaCl versus 7,5% NaCl with
normothermie), en s’aidant, dès que possible, d’un DTC. added dextran: a controlled trial. J Trauma 1993;34:622-32.
La prise en charge à l’arrivée à l’hôpital doit tenir compte à [22] QureshiAI, Suarez JI. Use of hypertonic saline solutions in treatment of
la fois du polytraumatisme — rechercher le diagnostic et traiter cerebral edema and intracranial hypertension. Crit Care Med 2000;28:
en priorité les hémorragies — et d’une éventuelle urgence 3301-13.
neurochirurgicale peu fréquente mais cruciale pour l’avenir du [23] Robertson CS. Management of cerebral perfusion pressure after
patient. Là aussi, la surveillance clinique et paraclinique peut traumatic brain injury. Anesthesiology 2001;95:1513-7.
jouer un grand rôle. [24] Vigué B, Ract C, Benayed M, Zlotine N, Leblanc PE, Samii K, et al.
La qualité du transport préhospitalier et la réduction du Early SvjO2 in patients with severe brain trauma. Int Care Med 1999;
temps de transport avant une prise en charge hospitalière 25:445-51.
multidisciplinaire efficace permettront d’améliorer encore le [25] Le Moigno S, Laplace C, Martin L, Engrand N, EdouardA, Leblanc PE,
pronostic de ces patients. et al. Intérêt du doppler transcrânien précoce dans la prise en charge du
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8 Urgences
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K. Tazarourte, Praticien hospitalier (karim.tazarourte@ch-melun.fr).


SAMU 77-SMUR Melun, Hôpital Marc Jacquet, 77000 Melun, France.
DAR CHU de Bicêtre, 94275 Le-Kremlin-Bicêtre, France.
O. Kleitz, Praticien hospitalier.
S. Laribi, Praticien hospitalier.
SAMU 77-SMUR Melun, Hôpital Marc Jacquet, 77000 Melun, France.
B. Vigué, Praticien hospitalier.
DAR CHU de Bicêtre, 94275 Le-Kremlin-Bicêtre, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Tazarourte K., Kleitz O., Laribi S., Vigué B. Prise en charge des traumatisés crâniens graves. EMC (Elsevier
SAS, Paris), Urgences, 24-002-A-15, 2005.

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Urgences 9
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Syndromes méningés
P. François, M. Jan

Le syndrome méningé est un ensemble de symptômes motivant la consultation en urgence, quel que soit
l’âge du patient. Il traduit cliniquement une irritation des méninges ; il associe des céphalées, des
nausées, des vomissements, des troubles des fonctions d’éveil, et s’accompagne d’une raideur de nuque,
de photophobie. Il est classique de distinguer le syndrome méningé aigu, véritable urgence diagnostique
et thérapeutique, et le syndrome méningé chronique, d’évolution sur plus de 4 semaines, posant
davantage des problèmes de diagnostic étiologique. L’hémorragie méningée par rupture d’anévrisme
artériel et les méningites infectieuses nécessitent un diagnostic précoce et une prise en charge immédiate
avant que surviennent les complications gravissimes. L’anamnèse, l’examen clinique bien mené, l’étude
cytobactériochimique du liquide cérébrospinal et la tomodensitométrie cérébrale sont les clés de voûte du
raisonnement diagnostique et suffisent, en général, dans un contexte d’urgence, pour étiqueter tel ou tel
syndrome méningé et ajuster le traitement d’urgence.
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Mots clés : Urgence ; Anévrisme ; Méningites infectieuses ; Ponction lombaire ;


Tomodensitométrie cérébrale

Plan (LCS). Ce LCS, de composition biochimique particulière, est


sécrété et résorbé en permanence, entièrement renouvelé trois
¶ Généralités 1
fois par 24 heures. Son volume est estimé entre 90 et 150 ml
chez un adulte normal : 80 % sont produits au niveau des
¶ Examen clinique 2 plexus choroïdes des ventricules latéraux, 20 % sont d’origine
Caractéristiques du syndrome méningé 2 extraplexuelle, correspondant au passage extracellulaire cérébral
Examen neurologique 2 vers le LCS. Il est résorbé au niveau des villosités arachnoïdien-
Particularités du nourrisson 2
nes, au contact des sinus veineux. Le LCS réalise une interface
¶ Examens complémentaires 2 entre le sang (barrière hématoméningée) et le SNC (barrière
Analyse du liquide cérébrospinal 2 cérébroméningée). On comprend alors aisément l’intérêt de
Tomodensitométrie cérébrale 2 l’analyse du LCS, qui est en quelque sorte un cliché biologique
Imagerie par résonance magnétique 3 des échanges entre ces différents acteurs, à un instant donné.
¶ Orientations diagnostiques 3 L’interrogatoire et l’examen clinique, réalisés souvent de
Hémorragies méningées 3 façon concomitante, doivent être extrêmement précis et
Méningites purulentes 4 minutieux.
Méningites à liquide clair 5 Dans un premier temps, il faut apprécier le degré de sévérité,
Méningites tumorales 6 en testant le niveau de conscience, en recherchant des signes de
Méningites inflammatoires 7 choc septique. En l’absence d’urgence absolue, l’interrogatoire
doit être réalisé avec soin. Il est capital de faire préciser les
caractéristiques de la céphalée : heure de début, modalités
d’apparition, facteurs déclenchants. Les antécédents personnels
sont importants : faire préciser la notion d’un traumatisme
crânien, d’une néoplasie traitée, d’un voyage à l’étranger, de
■ Généralités contact infectieux récent, d’épisode viral rhinopharyngé dans
les jours qui ont précédé ce syndrome méningé.
L’encéphale et la moelle épinière sont entourés de méninges L’examen clinique général, outre le fait de constater le
dont l’irritation par un agent chimique, cellulaire ou infectieux syndrome méningé, doit rechercher des indices sémiologiques :
est à l’origine du syndrome méningé. La dure-mère est la l’examen cutané recherche des lésions de purpura aux membres
méninge la plus externe, en contact étroit avec l’os. La pie- inférieurs, d’érythème noueux, de roséole syphilitique ; l’aus-
mère forme une couche unicellulaire à la surface du système cultation pulmonaire recherche un foyer ; la palpation des aires
nerveux central (SNC). L’arachnoïde est constituée de deux ganglionnaires et de la rate est systématique ; la palpation des
couches arachnoïdiennes, interne et externe, limitant entre elles fontanelles chez l’enfant et l’inspection des tympans ne doivent
les espaces sous-arachnoïdiens où circule le liquide cérébrospinal pas être oubliées.

Médecine d’urgence 1
25-110-C-10 ¶ Syndromes méningés

■ Examen clinique Figure 1. Tomodensitomé-


trie avec contraste. Prises de
contraste des leptoméninges
Caractéristiques du syndrome méningé prépédonculaires et de la val-
Les signes cliniques du syndrome méningé sont les suivants : lée sylvienne gauche. Aspect
• céphalées : la céphalée est le trouble clinique le plus constant. de méningite carcinomateuse.
Sa rapidité d’installation et son intensité varient d’une
étiologie à une autre. Elle irradie souvent vers la nuque, le
long du névraxe, et son association avec des rachialgies est
évocatrice. La céphalée du syndrome méningé se majore
lorsque le patient est exposé au bruit, à la lumière, ou aux
contacts cutanés ;
• nausées, vomissements : ils précèdent la céphalée et traduisent
les perturbations de l’hydraulique cérébrospinale ;
• contractures musculaires : la raideur de nuque est quasi
constante, traduisant une contracture des muscles paraverté-
braux rendant difficile la flexion de la tête sur le rachis
cervical, alors que les mouvements de rotation sont conser-
vés. Les signes de Brudzinski et de Kernig ont la même Figure 2. Tomodensitomé-
signification sémiologique. Dans les formes sévères, il peut trie avec contraste. Aspect typi-
exister une contracture majeure réalisant un opisthotonos. que de ventriculite compli-
quant une méningite sur valve
Examen neurologique de dérivation ventriculopérito-
néale.
Dans le syndrome méningé pur, les réflexes ostéotendineux
sont faibles, non diffusés, accompagnés parfois d’un signe de
Babinski bilatéral. L’examen des paires crâniennes est sans
particularité. Au fond d’œil, il peut exister un œdème papillaire
bilatéral après quelques jours d’évolution.

Particularités du nourrisson
Le diagnostic de méningite peut être difficile chez le nourris-
son où les troubles du comportement peuvent prédominer. Les
troubles de la conscience et la comitialité sont souvent présents.
À l’examen, les contractures musculaires peuvent manquer, la
nuque peut être molle. La palpation des fontanelles est essen-
tielle ; elles sont bombées en dehors des cris, avec disparition présence de cellules anormales une carcinomatose méningée. En
des battements respiratoires. La persistance des troubles clini- cas d’immunodépression cellulaire, la pléiocytose est faible.
ques, en cas de méningite infectieuse, en dépit d’un traitement L’analyse bactériologique est systématique, comprenant un
adéquat et d’une normalisation du LCS, doit faire suspecter le examen direct et une mise en culture sur milieux usuels. Le
diagnostic d’épanchement sous-dural, propre à l’enfant, et clinicien doit spécifier certaines recherches : milieu de Löwen-
motiver la réalisation d’une ponction de la fontanelle stein (bacille de Koch), coloration à l’encre de Chine et milieu
bregmatique. de Sabouraud (candidose, cryptococcose), milieu enrichi en CO2
(brucellose).
L’hypoglycorachie est liée à la consommation de glucose, soit
■ Examens complémentaires par des micro-organismes, soit par des cellules tumorales.
Diverses sérologies sont réalisables dans le LCS, dont le résultat
Analyse du liquide cérébrospinal est à confronter avec les sérologies sanguines, et seule l’exis-
tence d’une sécrétion intrathécale d’anticorps spécifiques est en
Normal faveur d’une méningite aiguë. La recherche d’antigènes solubles
dans le LCS est possible pour certains germes, et particulière-
Le LCS est recueilli par ponction lombaire. Il est limpide,
ment utile en cas de traitement antibiotique intempestif. Ces
incolore, et contient de 0,2 à 4 cellules/mm3. Il s’agit de cellules
antigènes solubles sont disponibles pour le méningocoque, le
monocytaires et lymphoïdes. Les protéines totales du LCS sont
pneumocoque, Haemophilus, le cryptocoque, les borrellioses, la
comprises entre 0,25 et 0,45 g/l. La protéinorachie reflète les
tuberculose ou l’histoplasmose.
échanges entre le sang, le tissu nerveux et le LCS. Son augmen-
tation peut être secondaire à une transsudation ou à une
synthèse intrathécale d’immunoglobulines (Ig). Le LCS est riche Tomodensitométrie cérébrale
en glucose, fructose et myo-inositol. La glycorachie est à C’est l’examen morphologique de première intention, confir-
interpréter en fonction de la glycémie et ne doit pas être mant dans 95 % des cas le diagnostic d’hémorragie méningée
inférieure à 50 % de celle-ci. dans les 24 premières heures en montrant du sang dans les
espaces sous-arachnoïdiens sous la forme d’une hyperdensité
Pathologique spontanée. Dans les méningites infectieuses ou tumorales, la
Dans le cas des hémorragies méningées, le LCS est franche- rupture de la barrière hématoméningée se traduit par une prise
ment rouge, incoagulable, uniforme dans les trois tubes, ce qui de contraste des méninges plus fréquente au niveau de la tente
n’est pas le cas dans les ponctions lombaires traumatiques avec du cervelet, de la scissure latérale du cerveau (Fig. 1), ou au
blessure vasculaire. Certaines méningites infectieuses peuvent niveau des citernes de la base du crâne. Elle recherche des signes
s’accompagner d’un liquide hémorragique justifiant la mise en de gravité comme une prise de contraste linéaire périventricu-
culture systématique. La majorité des syndromes méningés laire, traduisant une ventriculite associée (Fig. 2), ou encore un
s’accompagne d’une pléiocytose dépassant les 50 cellules/mm3. empyème sous-dural sous la forme d’une hypodensité extracé-
La formule cytologique oriente le diagnostic étiologique. Ainsi, rébrale, en « croissant », entourée d’une prise de contraste
la présence de polynucléaires évoque une origine bactérienne ou périphérique correspondant à la méninge très inflammatoire
mycotique, la présence d’éosinophiles une origine parasitaire, la (Fig. 3).

2 Médecine d’urgence
Syndromes méningés ¶ 25-110-C-10

Figure 3. Tomodensitomé- Figure 4. Tomodensitomé-


trie avec contraste. Empyème trie sans contraste. Hémorragie
sous-dural. Hypodensité sous- sous-arachnoïdienne par rup-
arachnoïdienne cloisonnée, ture d’un anévrisme sylvien
avec prise de contraste des lep- droit spontanément visible.
toméninges.

Elle peut orienter vers une étiologie précise en montrant par


exemple des tuberculomes des noyaux gris centraux dans les
méningites tuberculeuses, des métastases intracérébrales accom-
pagnant une méningite carcinomateuse, une lésion kystique
intraventriculaire accompagnant une forme racémeuse de
cysticercose, une pneumoencéphalie dans les méningites post-
traumatiques à pneumocoques.

Imagerie par résonance magnétique


Elle n’est pas réalisée en urgence, sauf lorsque les points
d’appel orientent vers une origine médullaire. Ces dernières
années, il s’est développé une sémiologie de l’imagerie par
résonance magnétique (IRM) où les diagnostics les plus comple-
xes peuvent être évoqués sur une image. Le développement de
nouvelles séquences, d’échos de gradient, fait que cette sémio-
logie dépasse bien souvent le cadre de l’urgence. L’IRM
encéphalique est très sensible pour détecter les atteintes
méningées, de type pachyméningites, ou rechercher des throm-
bophlébites cérébrales associées [1, 2].
Figure 5. Angiographie chez le même patient. Opacification carotide
droite. Anévrisme sylvien droit.
■ Orientations diagnostiques
Hémorragies méningées fréquente dans les anévrismes de l’artère communicante anté-
rieure. L’état de conscience est variable, allant d’une somno-
Hémorragie méningée cérébrale par rupture lence au coma profond, ou à un état d’agitation avec logorrhée.
d’anévrisme Le syndrome méningé est souvent complet.
C’est une urgence diagnostique et thérapeutique. Les anévris- L’examen clinique neurologique recherche des signes de
mes artériels intracrâniens sacciformes ont une incidence, en localisation témoignant d’une hémorragie cérébroméningée. La
France, de 3 à 5 %. L’évolution se fait vers une augmentation recherche d’une paralysie oculomotrice, par atteinte du nerf
de leur volume sous l’influence de facteurs hémodynamiques, oculomoteur, a une valeur localisatrice : il s’agit d’anévrismes
jusqu’à leur rupture, au niveau du dôme anévrismal, stade carotidiens supraclinoïdiens ou de la portion initiale de l’artère
auquel ils sont découverts. Ils sont multiples dans 20 % des cas, cérébelleuse supérieure ou cérébrale postérieure, comprimant ce
justifiant l’exploration des quatre axes cérébraux au cours de nerf dans son trajet cisternal entre le tronc cérébral et le sinus
l’angiographie. Il existe parfois un contexte familial, sans que, caverneux.
pour autant, un gène d’intérêt soit actuellement séquencé [3]. La tomodensitométrie (TDM) est essentielle, confirmant le
La distribution des anévrismes sur le cercle artériel de la base diagnostic et orientant la localisation anévrismale en situant la
du crâne n’est pas ubiquitaire. Ils prédominent aux points de distribution du sang dans les espaces sous-arachnoïdiens, en
turbulence du flux sanguin, au niveau des bifurcations artériel- montrant un hématome intracérébral constitué autour de
les : 90 % des anévrismes artériels intéressent le système l’anévrisme rompu [5]. Elle visualise parfois l’anévrisme directe-
carotidien et 10 % le système vertébrobasilaire. ment sous la forme d’une hyperdensité, au contact d’un
La taille des anévrismes est variable, allant de quelques vaisseau du cercle artériel de la base du crâne (Fig. 4).
millimètres à plus de 20 mm (anévrismes géants). L’analyse du LCS est réalisée en cas de forte suspicion
Le risque de rupture est proportionnel à la taille, mais de clinique et d’examen TDM négatif (TDM réalisée au-delà des
petits anévrismes peuvent se rompre [4]. La rupture anévrismale 24 premières heures). Le LCS est hypertendu, rouge aux trois
se traduit par un syndrome méningé franc, dont la caractéristi- tubes, et incoagulable. À partir du 4e jour, le pigment ferrique
que est sa brutalité d’apparition. Les formes cliniques sont peut être mis en évidence au niveau du cytoplasme des macro-
polymorphes, allant d’un syndrome méningé a minima au phages par coloration de Perls.
coma d’emblée, ou aux formes cataclysmiques de mort subite L’angiographie cérébrale des quatre axes est indispensable,
du sujet jeune. La céphalée est brutale, déclenchée par un effort confirmant le diagnostic (Fig. 5). Les incidences radiologiques
physique, une émotion vive, une exposition solaire, un rapport sont multiples, permettant de définir l’angioarchitecture de
sexuel. La céphalée inaugurale peut être accompagnée d’une l’anévrisme en précisant la taille du collet, la naissance de
perte de connaissance initiale ou d’une crise comitiale, plus perforantes au niveau du dôme anévrismal.

Médecine d’urgence 3
25-110-C-10 ¶ Syndromes méningés

Le traitement doit être débuté rapidement pour prévenir le Elles peuvent également compliquer les traumatismes crâ-
resaignement, complication immédiate redoutable parfois niens, avec brèche dure-mérienne, dans les jours, voire les
annoncée par une crise comitiale et souvent fatale pour le années qui suivent le traumatisme initial. L’examen clinique
patient. Les autres complications précoces sont représentées par doit rechercher une rhinorrhée spontanée ou provoquée par les
l’hydrocéphalie aiguë nécessitant une dérivation ventriculaire manœuvres d’hyperpression veineuse (compression jugulaire,
externe, et le spasme artériel, survenant à partir du 5e jour, pression abdominale). L’inspection des tympans, l’auscultation
pouvant entraîner une ischémie cérébrale et donc le décès du des poumons sont systématiques. Le LCS est purulent, avec une
patient. protéinorachie pouvant atteindre 6 à 8 g/l, exposant le malade
Le traitement des anévrismes artériels repose sur deux à la survenue ultérieure d’une hydrocéphalie communicante.
possibilités thérapeutiques : Les complications neurologiques, tel un empyème cérébral, un
• le traitement chirurgical a vu, ces dernières années, ses indica- œdème cérébral ou un épanchement péricérébral, ne sont pas
tions se limiter au profit des traitements neuroradiologiques rares et se voient volontiers dans les formes sévères avec retard
interventionnels. Le traitement chirurgical, entrepris dans les thérapeutique.
3 premiers jours, consiste à exclure la malformation artérielle
Le traitement antibiotique doit être débuté par voie veineuse,
en posant au niveau de son collet un clip, non ferromagné-
dès que les prélèvements bactériologiques sont effectués, et
tique (ne contre-indiquant pas la réalisation d’IRM ulté-
repose sur les céphalosporines de 3 e génération à bonne
rieure) ;
pénétrance méningée. La localisation des brèches méningées est
• le traitement par voie endovasculaire est réalisé lors d’un
réalisée par TDM, en coupes frontales millimétriques, en
cathétérisme fémoral rétrograde sous anesthésie générale. La
technique la plus utilisée consiste à remplir la cavité anévris- fenêtres osseuses, centrées sur les lames criblées et la jonction
male par des microcoils en platine ou en tungstène, thermo- ethmoïdosphénoïdale. Le traitement chirurgical par voie sous-
largables de façon à exclure l’anévrisme sans bombement frontale supra- ou infradurale expose au risque d’anosmie
dans le vaisseau porteur [6]. bilatérale définitive. Il est particulièrement indiqué dans les
Schématiquement, les anévrismes à collets larges, ou intéres- brèches méningées importantes avec rhinorrhée intarissable ou
sant les artères cérébrales moyennes, sont traités chirurgicale- lors d’épisodes itératifs de méningites à pneumocoques.
ment, alors que les anévrismes vertébrobasilaires sont plutôt
traités par voie endovasculaire. Méningocoque
Aux côtés du traitement spécifique de l’anévrisme, le spasme
artériel est prévenu par perfusion par voie veineuse d’inhibiteurs La méningite cérébrospinale est plus fréquente chez l’enfant
calciques associés à une hypervolémie systémique. en âge scolaire où elle survient par épidémie, à partir de
porteurs sains du germe au niveau du rhinopharynx. Elle peut
Hémorragie méningée par rupture réaliser des formes fulminantes de méningococcémies, avec
de malformations artérioveineuses ou angiomes choc septique et coma. La notion de comptage, de purpura
pétéchial ou nécrosant, d’épisodes rhinopharyngés dans les
Ces malformations vasculaires, beaucoup plus rares que les
jours qui ont précédé, d’arthralgies diffuses, d’un herpès
anévrismes intracrâniens, se manifestent par une hémorragie
péribuccal, doit orienter le diagnostic étiologique. L’examen
cérébroméningée. La rupture est précédée d’accès céphalalgiques
direct du LCS montre la présence de diplocoques à Gram
ou de crises comitiales, en rapport avec la localisation de la
négatif, mais le méningocoque est fragile, sensible au froid,
malformation. L’examen clinique doit rechercher des signes
déficitaires en foyer. Les comas d’emblée sont rares, bien que justifiant un traitement antibiotique précoce en cas de forte
possibles. Le diagnostic repose sur l’anamnèse, l’examen suspicion clinique, même si l’examen direct est négatif. Le
clinique, la TDM et l’IRM qui trouvent ici une indication de traitement repose sur l’ampicilline et le traitement du choc
choix. Le traitement est discuté au cas par cas, il comprend soit septique. C’est une maladie à déclaration obligatoire. La
un traitement neuroradiologique interventionnel, soit un abord vaccination antiméningococcique de l’entourage est proposée,
chirurgical direct, soit une irradiation multifaisceaux en en sachant que ce vaccin est immunisant contre les sérogroupes
fonction de la localisation et de la taille de ces malformations. A et C, alors que le sérogroupe le plus fréquent en France est
de type B. La chimioprophylaxie repose sur la rifampicine.
Hémorragies méningées spinales
Elles sont rares et secondaires à la rupture de malformations Haemophilus influenzae
artérioveineuses intramédullaires ou dure-mériennes. Le début Le sérotype B est responsable des méningites purulentes de
est brutal, marqué par un point douloureux rachidien, puis vont l’enfant entre 3 mois et 6 ans. Les méningites surviennent par
apparaître des lombalgies, en barre, en rapport avec une
petites épidémies dans les collectivités. Il existe souvent, dans
sédimentation du sang dans le fourreau dural. Les céphalées et
les jours qui ont précédé le début de la méningite, une infection
la raideur de nuque peuvent manquer. Il existe une raideur
des voies respiratoires supérieures. Les formes foudroyantes sont
rachidienne, fréquemment associée à des signes déficitaires
rares mais possibles. L’examen direct de Gram montre la
bilatéraux évoquant une atteinte médullaire. Le diagnostic
présence de bacilles à Gram négatif. La recherche d’antigènes
repose sur l’IRM en urgence et l’angiographie médullaire. Le
solubles est possible en cas de traitement antibiotique inoppor-
traitement est soit chirurgical, soit par voie endovasculaire.
tun. Le traitement repose sur l’amoxicilline associée à l’acide
clavulanique. La vaccination de type polysaccharidique est
Méningites purulentes active contre les infections à Haemophilus de type B.
Elles sont plus fréquentes chez l’enfant et associent un
syndrome infectieux au syndrome méningé. Après l’âge de Autres germes
2 mois, les germes les plus fréquemment rencontrés sont le
pneumocoque, le méningocoque du groupe B et Haemophilus Les méningites à staphylocoques à coagulase positive sont
influenzae. Le LCS est trouble, opalescent, parfois purulent. La rencontrées dans des contextes particuliers : septicémie à
protéinorachie est élevée, la glycorachie effondrée. L’analyse staphylocoques, postopératoires en neurochirurgie.
cytologique montre une hypercytose à polynucléaires neutro- Les méningites à staphylocoques à coagulase négative sont
philes altérés. L’examen direct, après coloration de Gram, est rencontrées dans les infections à point de départ cutané :
souvent positif [7, 8]. ponction veineuse, ponction lombaire septique, toxicomanie
intraveineuse.
Pneumocoque Les méningites à gonocoques sont possibles au cours de la
C’est souvent au décours d’une pneumonie ou encore d’une gonococcie génitale aiguë de l’adulte jeune, mais rares.
infection de la sphère oto-rhino-laryngologique (sinusite, otite), Les méningites à Listeria monocytogenes peuvent se présenter
que surviennent les méningites à pneumocoques. sous la forme de méningites purulentes.

4 Médecine d’urgence
Syndromes méningés ¶ 25-110-C-10

Infections sur matériel de dérivation du liquide Méningites parasitaires


cérébrospinal Elles réalisent le plus souvent un tableau de ménin-
À distance du traitement chirurgical d’une hydrocéphalie par goencéphalite. Le diagnostic doit être évoqué sur la notion de
dérivation ventriculoatriale, ventriculopéritonéale, ou lombopé- voyage à l’étranger, la présence d’une hyperéosinophilie
ritonéale, il peut survenir une méningite, dont l’agent patho- sanguine, ou la présence d’éosinophiles dans le LCS.
gène est Staphylococcus epidermidis (Fig. 2). La symptomatologie Le paludisme réalise un tableau de méningoencéphalite aiguë,
est souvent fruste, associant un syndrome méningé modéré, une systématiquement évoqué devant toute fièvre au retour d’un
hyperthermie, et des troubles des fonctions supérieures, tradui- voyage en zone d’endémie.
sant une reprise évolutive de l’hydrocéphalie. La cysticercose est la parasitose du SNC la plus fréquente en
Le diagnostic est évoqué sur les antécédents du patient, la Europe. L’homme réalise une impasse parasitaire, se contami-
clinique, et confirmé par l’analyse du LCS prélevé soit par nant par ingestion d’œufs (végétaux souillés, maladie des mains
ponction lombaire, soit par ponction d’un réservoir appendu au sales), ou par auto-infestation, par digestion d’anneaux de
corps de certaines valves de dérivation. Taenia solium. La forme racémeuse de la maladie se traduit par
Le traitement repose sur l’antibiothérapie et l’exérèse du la localisation de kystes au niveau de l’arachnoïde, induisant
matériel de dérivation. Si l’hydrocéphalie est « valve dépen- une méningite chronique.
dante », le LCS est dérivé par dérivation ventriculaire externe Le diagnostic repose sur la notion de séjour en zone d’endé-
jusqu’à sa stérilisation. mie, le résultat des sérologies dans le sang et le LCS.
Le traitement repose sur le praziquantel en cures successives.
Méningites à liquide clair Méningites fongiques
Méningites virales Elles réalisent un tableau de méningite subaiguë ou chroni-
Elles sont fréquentes chez l’enfant, plus particulièrement le que. Le diagnostic repose sur la notion de terrain favorisant
garçon, sévissant volontiers sous la forme d’épidémies saison- (fréquence des déficits immunitaires), l’échec du traitement
nières [9]. L’atteinte clinique a un début brutal marqué par un antibiotique, et l’analyse cytobactériochimique du LCS. La
syndrome méningé franc. La nuque est raide, l’hyperthermie pléiocytose y est modérée, à lymphocytes parfois mêlés de
importante est bien supportée. À l’examen clinique, il faut polynucléaires. La protéinorachie est augmentée, alors que la
rechercher des signes d’encéphalite et des signes cliniques glycorachie est souvent abaissée. les méningites fongiques les
évocateurs : ainsi l’existence d’une parotidite oriente vers le plus fréquentes en France sont à Cryptococcus neoformans et
diagnostic de méningite ourlienne, l’existence d’un exanthème Candida albicans. D’autres champignons peuvent intervenir,
vers une méningite morbilleuse ou à virus coxsackie, l’existence mais sont rares (aspergillose, histoplasmose, coccidioïdomycose).
d’un énanthème vers une méningite à échovirus, ou encore la Cryptococcus neoformans
constatation d’un déficit moteur concomitant vers une infection
à poliovirus. Les entérovirus, regroupant les virus coxsackie A et Il possède un fort tropisme pour le SNC. Les méningites à
B et les échovirus, sont les agents pathogènes le plus souvent cryptocoques sont plus fréquentes chez les patients présentant
incriminés [10]. un déficit de l’immunité cellulaire, mais peuvent survenir dans
L’évolution clinique est en général spontanément favorable la moitié des cas chez des sujets sains. Il peut être possible
sans traitement spécifique. L’analyse du LCS retrouve un liquide d’identifier l’agent pathogène après coloration du LCS à l’encre
clair hypertendu, avec une protéinorachie augmentée alors que de Chine. Les cultures sont souvent positives sur milieu de
la glycorachie est normale. La pléiocytose lymphocytaire est Sabouraud à 37 °C. La recherche d’antigènes solubles dans le
souvent importante, parfois précédée d’une pléiocytose à LCS est la méthode diagnostique la plus utilisée et la plus
polynucléaires neutrophiles ne devant pas faire égarer le rentable en clinique quotidienne. Le traitement repose sur
diagnostic. l’amphotéricine B, le miconazole par voie intraveineuse, la
Le diagnostic étiologique précis repose sur le dosage des 5-fluorocytosine. Malgré ce traitement, l’évolution est fatale
anticorps circulants. La recherche virologique systématique n’est dans 20 à 30 % des cas, la morbidité importante dans 40 % des
pas réalisée en général. Le diagnostic biologique des méningites cas et des récidives sont fréquentes.
à entérovirus bénéficie des techniques d’amplification génique Candida albicans
par polymerase chain reaction (PCR) [10].
Il réalise un tableau de méningite chronique chez des patients
Infection à virus herpès prédisposés (toxicomanie, diabète, déficit immunitaire), s’inscri-
Les infections à virus herpès simplex de type 1 réalisent un vant dans le cadre d’une infection généralisée. L’existence de
tableau de nécrose hémorragique frontotemporale bilatérale ; métastases cutanées, sous la forme de maculopapules, ou encore
l’atteinte méningée passe au second plan, mais justifie de la présence d’une choriorétinite peuvent orienter le diagnostic
principe un traitement par aciclovir par voie veineuse dès le étiologique. Le diagnostic repose sur l’isolement et la culture du
moindre doute diagnostique. Les signes cliniques évocateurs, Candida. Le traitement associe les substances sus-citées. Le
tels une épilepsie temporale, des troubles de la personnalité et pronostic est meilleur que celui des méningites à cryptocoques.
du langage doivent être recherchés. L’IRM est plus sensible que
la TDM en montrant précocement un œdème frontotemporal
Tuberculose
sous la forme d’un hypersignal en T2. La colonisation du SNC par Mycobacterium tuberculosis est plus
rare de nos jours, bien qu’en recrudescence depuis l’infection à
Infection à virus de l’immunodéficience humaine VIH. L’atteinte du SNC peut atteindre l’étage crânien ou
Le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) de type rachidien, au niveau du parenchyme ou des méninges. La
1 possède un tropisme macrophagique important et, par ce méningite tuberculeuse est en général secondaire à une primo-
biais, infecte précocement le SNC [11]. Cette phase d’invasion infection, symptomatique ou non. Le début est insidieux,
s’accompagne rarement de signes cliniques, mais peut réaliser associé à une altération de l’état général. Les céphalées et
un tableau de méningite aiguë à liquide clair. L’analyse du LCS l’hyperthermie sont fréquentes et accompagnées de troubles de
retrouve une protéinorachie élevée, avec fréquemment une l’humeur. Les leptoméninges sont le siège d’une exsudation
synthèse intrathécale d’IgG. La pléiocytose est modérée, à sérofibrineuse prédominant dans la région interpédonculaire,
lymphocytes. Le diagnostic de primo-infection à VIH doit être adhérant au plancher du IIIe ventricule, engainant les nerfs
évoqué systématiquement devant toute méningite lymphocy- crâniens. Le LCS est clair, hypertendu. La pléiocytose est
taire. À un stade plus avancé, les complications neurologiques importante, à lymphocytes (parfois mêlés de polynucléaires). La
centrales liées à l’action directe du VIH sont représentées par protéinorachie est élevée, dépassant 3 g/l. La glycorachie est
l’encéphalite et la leucoencéphalopathie à VIH. L’atteinte abaissée, mais de façon moindre qu’au cours de méningites
méningée est plus discrète, masquée par les signes centraux. purulentes. Le diagnostic repose sur l’isolement du germe dans

Médecine d’urgence 5
25-110-C-10 ¶ Syndromes méningés

les cultures (milieu de Löwenstein), l’examen direct étant particulièrement certaines professions (agriculteurs, employés
souvent négatif. L’amplification du génome par PCR peut être d’abattoirs). Elle réalise un syndrome hépatorénal où la ménin-
utile en cas de négativité des cultures [12]. L’imagerie cérébrale gite (atteinte neurologique la plus fréquente) est inconstante et
(TDM, IRM) objective les lésions de pachyméningite parfois concomitante. L’atteinte encéphalitique est l’apanage des formes
associées à de multiples petits tuberculomes méningés. Le graves. Le LCS est clair, hypertendu, la protéinorachie augmen-
diagnostic repose sur l’anamnèse, la radiographie de thorax, tée, la glycorachie normale. La pléiocytose est modérée, à
l’analyse du LCS, la mise en évidence de tubercules choroïdiens lymphocytes, mais parfois panachée. Le diagnostic repose sur
de Bouchut au fond d’œil, et doit être confirmé par l’isolement l’isolement du germe dans les hémocultures et le LCS ou les
du germe. Le traitement repose sur la quadrithérapie pendant au urines à partir de la troisième semaine. Le traitement repose sur
moins 6 mois. L’hydrocéphalie par troubles de la résorption du la pénicilline.
LCS est traitée par dérivation ventriculopéritonéale.

Syphilis Borréliose
Les méningites au cours de la syphilis sont fréquentes et Il s’agit d’un spirochète transmis à l’homme par morsure de
rarement isolées, témoignant de l’invasion du SNC par Trepo- tiques. Les manifestations cliniques intéressent la peau, où
nema pallidum. La méningite aiguë paucisymptomatique accom- l’érythème migrant est la forme la plus classique. À la phase
pagne les lésions cutanées de la syphilis secondaire, et parfois secondaire, les atteintes viscérales apparaissent. C’est à ce stade
avant même la disparition du chancre syphilitique. Elle réalise que la méningoradiculite est rencontrée [15] : les douleurs
un tableau biologique de méningite lymphocytaire [13]. L’évolu- radiculaires sont accompagnées d’une irritation méningée
tion est favorable, spontanément en général, ou évolue vers la discrète, plus biologique que clinique. Il s’agit d’une maladie
neurosyphilis tertiaire où les lésions de méningites chroniques protéiforme où la méningoradiculite est la forme neurologique
sont fréquentes. Il peut exister un aspect de pachyméningite la plus fréquente mais s’accompagne parfois d’une symptoma-
engainant les nerfs crâniens et entraînant une hydrocéphalie tologie plus marquée (myélite transverse, syndrome de Guillain-
par trouble de la résorption du LCS. Ces lésions de méningite Barré, atteintes oculomotrices). Le diagnostic repose sur la
chronique se rencontrent aussi bien dans les formes méningo- notion de morsure de tiques, de lésions cutanées et d’une
vasculaires que parenchymateuses de la neurosyphilis. Le paralysie faciale périphérique assez fréquente. Le LCS est tendu,
diagnostic repose sur la notion de chancre syphilitique, clair. La protéinorachie est élevée, avec augmentation concomi-
d’atteintes multiviscérales, l’analyse du LCS et les résultats des tante du taux d’Ig, alors que la glycorachie est normale. Le
tests, utilisant soit des réactions cardiolipidiques (venereal desease diagnostic est confirmé par les tests sérologiques dans le sang et
research laboratory [VDRL]), soit le tréponème (fluorescent le LCS. Le traitement repose sur la ceftriaxone par voie veineuse.
treponema antibody absorption [FTA-Abs], treponema pallidum
haemagglutination assay [TPHA]) dans le sang et le LCS. Le
traitement repose sur la pénicilline G. La persistance d’une Méningites tumorales
pléiocytose à distance du traitement est une indication à une
nouvelle cure d’antibiotiques. Méningites carcinomateuses
L’infiltration des méninges est d’origine hématogène et
Brucellose
secondaire au développement multifocal de cellules métastati-
L’homme se contamine soit par voie directe au contact ques dans les espaces sous-arachnoïdiens. Le cancer primitif est
d’animaux ou de substrats d’origine animale contaminés connu dans 80 % des cas. Le mélanome est la tumeur primitive
(maladies professionnelles), soit par voie digestive par ingestion qui a le plus grand tropisme pour les espaces sous-
d’aliments contaminés (fromage frais, lait). C’est au cours de la arachnoïdiens [16]. À un moindre degré, les cancers du poumon
phase septicémique, où la fièvre ondulante sudoroalgique est à petites cellules et les cancers du sein ont également un
présente, que la méningite apparaît : sa symptomatologie est tropisme méningé. Elles réalisent un tableau de méningites
fruste, souvent associée à des signes encéphaliques (accidents chroniques où les céphalées sont souvent le seul signe rencon-
ischémiques, atteinte du nerf cochléovestibulaire), médullaires, tré. L’imagerie médicale, et plus particulièrement l’IRM céré-
ou radiculonévritiques [14]. Le LCS est hypertendu, la pléiocytose brale, peut montrer des nodules sous-arachnoïdiens, hypo-
modérée, à lymphocytes, à protéinorachie élevée. Le diagnostic intenses en T1, devenant en hypersignal après injection de
repose sur l’identification de l’agent pathogène, sur milieu gadolinium hyperintenses en T2, au niveau des méninges, des
enrichi en CO2, et sur le test de séroagglutination de Wright. racines de la queue-de-cheval sur lesquelles les nodules tumo-
Les tétracyclines représentent la base du traitement antibiotique,
raux sont fréquemment observés [17]. Un hypersignal en T1 sans
en association avec la rifampicine ou les quinolones.
injection de gadolinium oriente vers la présence de mélanine ou
Listériose de sang. La TDM peut également révéler des prises de contraste
nodulaires multiples au niveau de la tente du cervelet ou des
L’infection à Listeria monocytogenes affecte plus particulière- citernes de la base du crâne (Fig. 1), ou une prise de contraste
ment les patients atteints de déficits immunitaires. Listeria rubanée au niveau d’un gyrus cortical témoignant d’une
possède un tropisme neuroméningé marqué, où elle réalise un infiltration tumorale locale [18]. L’étude du LCS montre une
tableau de méningite aiguë ou subaiguë, parfois associée à des protéinorachie augmentée avec une glycorachie abaissée secon-
signes d’atteintes du tronc cérébral. Elle réalise un tableau de daire à l’hypermétabolisme des cellules tumorales [19] . Le
méningite à liquide clair ou parfois purulent, dont la formule diagnostic repose sur la mise en évidence de cellules anormales.
cellulaire est classiquement panachée, à prédominance lympho- L’origine mélanique peut être suspectée par identification de la
cytaire. La protéinorachie est augmentée et la glycorachie est mélanine au sein des cellules tumorales (coloration de Masson-
abaissée. Le diagnostic repose sur l’isolement du germe dans le Fontana). L’origine adénocarcinomateuse peut être évoquée par
sang ou le LCS, et est évoqué de principe chez tout nouveau-né la coloration au bleu Alcian, témoignant d’une mucosécrétion.
présentant un syndrome méningé, ou tout tableau d’hyperther- Le traitement est d’une efficacité modeste et repose sur l’irradia-
mie non expliquée chez la femme enceinte. Le traitement tion ciblée, associée à une chimiothérapie intrathécale, où le
repose sur l’ampicilline associée aux aminosides. L’évolution est
méthotrexate est l’agent le plus utilisé. La corticothérapie
en général favorable, sous réserve des formes de la femme
entraîne une amélioration franche mais transitoire.
enceinte où les conséquences sur l’embryon sont gravissimes
(avortement précoce, accouchement prématuré).
Autres
Leptospirose Au cours de certaines hémopathies, l’infiltration méningée
L’homme se contamine dans les milieux hydriques où tumorale est fréquente, posant davantage un problème théra-
Leptospira interrogans pénètre la peau. Elle concerne plus peutique que diagnostique.

6 Médecine d’urgence
Syndromes méningés ¶ 25-110-C-10

Les gliomatoses méningées secondaires peuvent compliquer [2] Davidson HD, Steiner RE. Magnetic resonance imaging in infections
l’évolution des glioblastomes cérébraux et sont liées à l’ense- of the central nervous system. AJNR Am J Neuroradiol 1985;6:
mencement des espaces sous-arachnoïdiens par les cellules 499-504.
tumorales dont l’origine astrocytaire peut être révélée par la [3] Schievink WI. Genetics of intracranial aneurysms. Neurosurgery 1997;
coloration des gliofilaments. 40:651-63.
Les médulloblastomes, tumeurs malignes de l’enfant siégeant [4] The international study of unruptured intracranial aneurisms
dans la fosse postérieure, tout comme l’épendymome malin, investigators. Unruptured intracranial aneurysms. Risk of rupture and
sont des tumeurs connues pour leur capacité à disséminer dans risks of surgical intervention. N Engl J Med 1998;339:1725-33.
le SNC par le biais du LCS. [5] Vermeulen M, Van Gijn J. The diagnosis of subarachnoid haemorrhage.
J Neurol Neurosurg Psychiatry 1990;53:365-72.
Méningites inflammatoires [6] Guglielmi G, Vinuela F, Duckwiler G, Dion J, Lylyk P, Berenstein A,
et al. Endovascular treatment of posterior circulation aneurysms by
Sarcoïdose electrothrombosis using electrically detachable coils. J Neurosurg
1992;77:515-24.
L’aspect clinique des neurosarcoïdoses est polymorphe [7] Durand ML, Calderwood SB, Weber DJ, Miller SI, Southwick FS,
puisque les processus granulomateux épithélioïdes et giganto- Caviness Jr. VS, et al.Acute bacterial meningitis in adults. N Engl J Med
cellulaires peuvent intéresser les espaces méningés ou les gaines 1993;328:21-8.
des nerfs rachidiens et crâniens. La paralysie faciale périphéri- [8] Quagliarello V, Scheld WM. Bacterial meningitis: pathogenesis,
que, parfois bilatérale, est évocatrice du diagnostic, tout comme pathophysiology and progress. N Engl J Med 1992;327:864-72.
l’infiltration hypothalamohypophysaire [20]. Les méningites [9] Rosenthal MS. Viral infections of the central nervous system. Med Clin
aseptiques, subaiguës ou chroniques, sont rares et quasiment North Am 1974;58:593-603.
jamais inaugurales de la maladie. Dans le LCS, il existe fré- [10] Olivot JM, Benistry S, Levy R, Palmer P, Lebon P, Lyon-Caen O, et al.
quemment une pléiocytose modérée à lymphocytes, sans Méningites à entérovirus de l’adulte. Rev Neurol 1998;154:429-30.
traduction clinique. Le diagnostic repose sur la notion d’attein- [11] Bell JE. The neuropathology of adult HIV infection. Rev Neurol 1998;
tes pluriviscérales et sur l’analyse histologique d’un granulome. 154:816-29.
La négativité de l’examen direct et un taux élevé de l’enzyme [12] Shankar P, Manjunath N, Mohan KK, Prasad K, Behari Shriniwas M,
de conversion de l’angiotensine dans le LCS peuvent orienter le Ahuja GL. Rapid diagnosis of tuberculous meningitis by polymerase
diagnostic. chain reaction. Lancet 1991;1:5-7.
[13] Simon RP. Neurosyphilis. Arch Neurol 1985;42:606-13.
Autres [14] Pedro-PonsA, Foz M, CodinaA, Rey C. Les neurobrucelloses (étude de
Les suites opératoires du traitement chirurgical d’un kyste 41 cas). Cah Med 1972;13:855-62.
épidermoïde de l’angle pontocérébelleux ou d’un craniopharyn- [15] Pachner AR. Early disseminated Lyme disease: Lyme meningitis. Am
giome peuvent être marquées par l’apparition d’un syndrome J Med 1995;98(suppl4A):30S-43S.
méningé. La ponction lombaire, systématique pour éliminer [16] De La Monte SM, Moore GW, Hutchins GM. Patterned distribution of
une méningite infectieuse postopératoire, montre qu’il s’agit metastases from malignant melanoma in humans. Cancer Res 1983;43:
d’une méningite inflammatoire aseptique, secondaire à la 3427-33.
présence de débris de kératine ou de cristaux de cholestérol [17] Pecker J, Simon J, Guy G, Carsin M, Jan M. Radiological features of the
dans les espaces sous-arachnoïdiens. Le traitement repose sur la meningo radicular metastases of tumors of the central nervous system.
corticothérapie. J Neurosurg 1973;38:627-30.
[18] Jaeckle KA, Krol G, Posner JB. Evaluation of computed tomographic
.

abnormalities in leptomeningeal metastases. Ann Neurol 1985;17:85-9.


■ Références [19] Delattre JY, Davila G, Poisson M. Les méningites carcinomateuses.
Névraxe 1990;1:5-21.
[1] Chang KH, Han MH, Roh JK, Kim IO, Han MC, Kim CW. Gd-DTPA- [20] Chapelon-Abric C, Ziza JM, Piette JC, Bletry O, Wechsler B,
enhanced MR imaging of the brain in patients with meningitis: Bousser MG, et al. Neurosarcoïdoses. Ann Med Interne (Paris)
comparison with CT. AJR Am J Roentgenol 1990;154:809-16. 1991;142:601-8.

P. François, Interne des Hôpitaux (p.francois@chu-tours.fr).


M. Jan, Professeur des Universités, praticien hospitalier.
Service de neurochirurgie, centre hospitalier universitaire Bretonneau, 2 bis, boulevard Tonnellé, 37044 Tours cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : François P., Jan M. Syndromes méningés. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Médecine d’urgence,
25-110-C-10, 2007.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


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Médecine d’urgence 7
¶ 25-110-D-30

Troubles cognitifs aigus


M. Sarazin, P. Amarenco

Les manifestations les plus habituelles des troubles cognitifs d’apparition brutale se caractérisent
principalement par des troubles de la mémoire et de langage. Un scanner cérébral doit être réalisé en
urgence, parfois suivi d’une ponction lombaire. Les mécanismes étiologiques sont nombreux. Les causes
les plus fréquentes de déficit cognitif sont représentées par les accidents vasculaires cérébraux. La
méningoencéphalite herpétique impose la mise en route d’un traitement en urgence.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Aphasie ; Amnésie ; Apraxie ; Comportements ; Urgence

Plan ■ Première et nécessaire étape :


¶ Introduction 1
éliminer un syndrome confusionnel
¶ Première et nécessaire étape : éliminer un syndrome Dans le cadre de l’urgence, et de façon générale, il est
confusionnel 1 impératif de chercher un syndrome confusionnel avant de
¶ Troubles amnésiques d’installation aiguë ou subaiguë 2 proposer un examen clinique orienté vers l’analyse des fonc-
Terminologie 2 tions cognitives. La confusion mentale résulte d’une souffrance
Examen clinique aux urgences 2 et d’une désorganisation aiguë du fonctionnement cérébral
Troubles amnésiques d’installation aiguë ou subaiguë de durée secondaire à une cause organique et s’accompagne d’un trouble
transitoire 3 majeur du contrôle attentionnel. Elle se caractérise par :
Troubles amnésiques d’installation aiguë ou subaiguë non régressifs 4 • une obnubilation de la conscience ou une baisse de la
¶ Trouble du langage d’apparition aiguë 5 vigilance avec perturbation du cycle veille-sommeil ;
Examen clinique aux urgences 5 • une perturbation diffuse des activités intellectuelles prédomi-
Étiologies des aphasies d’installation aiguë 5 nant sur les capacités attentionnelles et s’accompagnant
d’une désorientation temporospatiale ;
¶ Apraxie, agnosie, héminégligence d’apparition aiguë 6
• un délire onirique avec hallucinations ;
Examen clinique aux urgences 6
• une fluctuation des troubles [1].
Causes 7
L’ensemble survient constamment dans un contexte
¶ Troubles du comportement et troubles émotionnels d’origine d’atteinte somatique qui oriente l’enquête étiologique. Les
neurologique d’apparition aiguë 7 mécanismes étiologiques sont multiples : métaboliques, neuro-
Terminologie 7 logiques, épileptiques, infectieux, toxiques, mais ne sont pas
Examen clinique 7 détaillés dans ce chapitre. Il faut se souvenir que chez le sujet
Causes 8 âgé, un syndrome confusionnel peut cacher une authentique
¶ Conclusion 8 démence (maladie d’Alzheimer le plus souvent) qu’il faut donc
savoir rechercher à distance de l’épisode aigu.
Le syndrome confusionnel est donc responsable d’un dys-
fonctionnement global des fonctions intellectuelles qui se
■ Introduction distingue des troubles cognitifs focaux. Dans le syndrome
confusionnel, ce sont les troubles attentionnels qui sont au
Les manifestations les plus habituelles des troubles cognitifs premier plan. Ces difficultés d’attention rendent difficile
d’apparition brutale se caractérisent principalement par des l’examen, le patient ne pouvant maintenir son attention
troubles de la mémoire et de langage, mais d’autres symptômes pendant la réalisation de tâches même simples, comme compter
neuropsychologiques sont également fréquents tels que à l’envers à partir de 20, répéter les mois de l’année à l’envers,
l’apraxie, l’agnosie, l’héminégligence et les troubles du compor- répéter une série de chiffres (l’empan direct qui correspond à la
tement. L’objectif de ce chapitre est de rappeler les principales répétition simple d’une liste de chiffres est de 7 ± 2 chez le sujet
spécificités sémiologiques des différents troubles cognitifs et de normal). Le déficit attentionnel contribue aux troubles intellec-
préciser les pistes étiologiques à évoquer dans le cadre de tuels associés : trouble du langage avec un discours incohérent,
l’urgence médicale. Nous débutons notre propos par l’évocation troubles de la mémoire avec un oubli à mesure, troubles du
du syndrome confusionnel, source de trouble global aigu des raisonnement, troubles du comportement (Tableau 1) [2]. La
fonctions cognitives, puis nous abordons les différentes spécifi- fluctuation de la symptomatologie est également typique de la
cités cliniques cognitives. confusion. Le pronostic évolutif dépend du mécanisme causal.

Médecine d’urgence 1
25-110-D-30 ¶ Troubles cognitifs aigus

Tableau 1.
Caractéristiques des troubles intellectuels dans la confusion mentale [2].

Vigilance Vigilance diminuée


Obnubilation de la conscience
Inversion du rythme veille-sommeil

Aspect général Présentation négligée


Aspect hébété, hagard

Attention Capacité attentionnelle diminuée


Distractibilité majeure

Langage Discours spontané incohérent


Manque du mot
Troubles de la compréhension
Troubles de l’écriture et de l’orthographe

Mémoire Troubles de la mémoire à court terme et à long terme


Oubli à mesure
Désorientation temporospatiale

Raisonnement Raisonnement incohérent


Dyscalculie
Troubles neuropsychiatriques, hallucinations visuelles ou auditives
Délire
Agitation anxieuse, conduites agressives

Modifications somatiques Inversion rythme veille-sommeil


Troubles végétatifs et dysautonomiques
Tremblement d’action
Astérixis, myoclonies
Ralentissement diffus à l’EEG
EEG : électroencéphalogramme.

■ Troubles amnésiques Tableau 2.


Test des cinq mots [4].
d’installation aiguë ou subaiguë Limonade
Passoire
Terminologie Camion
Musée
Il est maintenant bien reconnu qu’il n’y a pas une mémoire
Sauterelle
mais des systèmes de mémoire, correspondant à des unités
fonctionnelles et neuroanatomiques déterminées [3]. La mémoire
à court terme désigne le stockage des informations sur une
durée brève et transitoire. Les capacités de stockage de mémoire Examen clinique aux urgences
à court terme sont limitées quantitativement (l’empan endroit L’examen clinique neuropsychologique aux urgences doit être
qui mesure la capacité à répéter immédiatement une série de réalisable rapidement au lit du patient. Devant toute difficulté de
chiffres est de 7 habituellement chez l’adulte) et temporaire- mémoire, il est important dans un premier temps d’évaluer l’état
ment (15 à 20 s). La mémoire à long terme, au contraire, psychique à la recherche d’un syndrome dépressif majeur ou
correspond au stockage illimité quantitatif et temporel des d’une anxiété pouvant rendre compte de la symptomatologie. Il
informations. La mémoire à long terme implique un processus est ensuite possible, au lit du malade, d’analyser le fonctionne-
de consolidation mnésique correspondant à la formation d’une ment mnésique sur plusieurs domaines. La mémoire à court
trace mnésique. Le passage de mémoire à court terme à terme peut s’apprécier par les capacités de répétition immédiate
mémoire à long terme s’appelle l’encodage. d’une liste de mots, comme le rappel immédiat des trois mots du
Une amnésie antérograde se définit par une altération de Mini Mental Score (MMS) et par le span endroit (répétition de
mémorisation de nouveaux souvenirs, depuis l’installation de séries de chiffres). L’évaluation de la mémoire autobiographique
l’événement causal. Une amnésie rétrograde se définit par une se fait par des questions simples et vérifiables. La mémoire à long
incapacité à se souvenir d’éléments anciens, antérieurs à terme s’évalue par un entretien au cours duquel on cherche à
l’événement causal. mettre en évidence un éventuel gradient temporel amnésique en
On peut aussi distinguer la mémoire, en fonction de son proposant des questions portant sur les faits récents (heures,
contenu, en mémoire verbale qui est plutôt sous la dépendance jours), plus anciens (semaines, mois) et très anciens (années). La
de l’hémisphère gauche et mémoire non verbale (visuospatiale) mémoire épisodique (mémoire à long terme) sera analysée par un
qui est plutôt sous la dépendance de l’hémisphère droit ; ou test d’apprentissage de mots comportant un rappel immédiat et
encore en mémoire épisodique (mémoire d’événements factuels) un rappel différé. La présentation d’un indice sémantique lors de
et mémoire sémantique (mémoire des faits généraux). Enfin on l’étape de rappel différé (par exemple : « il y avait un bâtiment...
peut distinguer la mémoire en fonction du traitement de un animal... un fruit ») permet de vérifier si l’oubli est lié à un
l’information en mémoire explicite (mémorisation consciente et déficit de consolidation de la trace mnésique (absence d’aide par
volontaire) qui est sous-tendue par le circuit hippocampo- l’indice sémantique) ou à un trouble de la récupération de
mamillo-thalamo-cortical (circuit de Papez), et mémoire impli- l’information (amélioration par l’indiçage). C’est dans ce cadre
cite (mémoire automatique du « savoir-faire ») [4]. Apprécier le que l’on peut utiliser le test des cinq mots de Dubois (Tableau 2)
niveau du dysfonctionnement mnésique permet de préciser le [5]. Enfin, l’examen est complété par un examen neuropsycho-

site lésionnel et le mécanisme causal. logique et neurologique complet (voir encadré ci-dessous).

2 Médecine d’urgence
Troubles cognitifs aigus ¶ 25-110-D-30

plus anciens, il persiste un gradient temporel net, les faits les

“ Conduite à tenir
plus anciens restant les mieux conservés. Les autres fonctions
cognitives sont intactes. Il n’y a pas de trouble du langage, pas
d’élément aphasique, pas d’apraxie, pas de trouble visuocons-
• Montrer la liste : « lisez cette liste de mots à voix haute tructif. Cette intégrité des fonctions cognitives autres que
mnésiques est indispensable au diagnostic d’ictus amnésique.
et essayez de les retenir, je vous les redemanderai tout à
Pour une raison inconnue, l’ictus amnésique survient préféren-
l’heure ». tiellement chez les hommes adultes d’âge mûr.
• Interroger le patient : « pouvez-vous me dire, tout en
regardant la liste, quel est le nom de la boisson, l’ustensile Évolution
de cuisine, le véhicule, le bâtiment, l’insecte ? ». L’ensemble du tableau clinique régresse progressivement en
• Retourner la liste et interroger à nouveau le patient : quelques heures, en moyenne entre 6 et 8 heures. On observe
« pouvez-vous me redonner les mots que vous venez de alors un retour à la normale du fonctionnement mnésique. Il
dire ? ». n’est pas rare cependant que le patient se plaigne de discrètes
Pour les mots non rappelés, et seulement pour ceux-ci, difficultés pendant les jours qui suivent l’épisode. Il gardera par
demander : « quel était le nom de ... ? » (en fournissant ailleurs de façon quasi constante une amnésie lacunaire de
l’indice correspondant). l’épisode sans autre séquelle neuropsychologique à distance. Les
récidives sont possibles. Le risque de récidive est évalué à 20 %
• Compter le nombre de réponses correctes = score
environ.
d’apprentissage (maximum = 5).
En cas de score < 5 : remontrer la liste et indiquer du Examens complémentaires
doigt les mots non rappelés puis retourner la liste et Par définition, pour parler d’ictus amnésique, il faut que le
redemander au patient les mots non rappelés en réponse à bilan réalisé soit négatif. L’enquête étiologique a donc pour
l’indice. Le but est de s’assurer que le patient a bien principaux objectifs d’éliminer les diagnostics différentiels tels
enregistré les mots. que les accidents vasculaires cérébraux, les épilepsies, les
• Poursuivre la consultation médicale ou faire d’autres processus expansifs, les causes métaboliques, toxiques et
tests pour détourner l’attention pendant 3 à 5 minutes. infectieuses. Dans l’ictus amnésique bénin, l’imagerie cérébrale
Interroger de nouveau le patient : « pouvez-vous me est normale. L’électroencéphalogramme (EEG) est normal. La
redonner les cinq mots ? », puis, pour les mots non biologie est sans particularité. L’association à un syndrome des
antiphospholipides est exceptionnelle.
rappelés, demander : « quel était le nom de ... ? » (en
Seules les techniques d’imagerie cérébrale fonctionnelle
fournissant l’indice correspondant). réalisées pendant l’ictus amnésique montrent des anomalies
• Compter le nombre de bonnes réponses = score de cérébrales totalement réversibles [7]. La scintigraphie cérébrale
mémoire (maximum = 5). (SPECT) met en évidence un hypodébit transitoire des lobes
Score global = score d’apprentissage + score de occipitaux, temporaux et du thalamus. La tomographie à
mémoire = normalement à 10. émission de positons (PET-scan) montre un hypométabolisme
transitoire des lobes temporaux internes.
Mécanismes étiologiques
Les causes des ictus amnésiques bénins restent encore incon-
Troubles amnésiques d’installation aiguë nues. Des facteurs favorisants sont fréquemment rencontrés, tels
ou subaiguë de durée transitoire que le stress, la fatigue, les efforts physiques, la prise de certains
psychotropes comme les benzodiazépines et la prise de chloro-
Ictus amnésique (ou amnésie globale transitoire) quine. Il a été rapporté également la survenue d’ictus amnésique
après injection de produit de contraste.
Un trouble amnésique d’installation aiguë ou subaiguë Les mécanismes responsables de l’ictus amnésique sont
transitoire qui régresse spontanément évoque en premier lieu discutés et seraient de nature vasculaire, épileptique, ou encore
un ictus amnésique. Le tableau clinique de l’ictus amnésique est migraineuse. Un terrain vasculaire est en effet significativement
typique et caractéristique [6]. Aux urgences, le patient est vu le plus fréquent chez les sujets ayant fait un ictus amnésique, de
plus souvent en pleine « crise amnésique » (avant la régression). même que des antécédents migraineux. Le risque d’accident
ischémique cérébral constitué n’est toutefois pas plus élevé que
Description clinique
celui observé dans la population générale, c’est-à-dire inférieur
Il s’agit d’un trouble isolé et global de la mémoire, qui à celui d’un accident ischémique transitoire (AIT). L’ictus
s’installe soudainement. Il n’y a aucun autre signe d’accompa- amnésique ne peut donc pas être considéré comme un AIT.
gnement neurologique ou physique, ni de prodrome neurologi- Doit faire discuter le diagnostic d’ictus amnésique et faire
que. La présence de signes d’accompagnement doit faire écarter envisager un autre diagnostic neurologique tout élément
ce diagnostic. Il n’y a donc jamais de notion de perte de atypique tel que :
connaissance. De la même façon, il n’y a pas de trouble de la • l’existence de signes neurologiques ou physiques associés ;
vigilance ni de la conscience. Au contraire, le patient peut • une durée brève du déficit mnésique ;
poursuivre des activités intellectuelles élaborées pendant la • des ictus se répétant à bref intervalle ;
durée de l’ictus amnésique. La motricité est également conser- • une sémiologie évolutive et s’enrichissant ;
vée. Cependant, il n’est pas rare d’observer une légère agitation • des examens complémentaires anormaux.
anxieuse, avec perplexité, ou au contraire de constater une
apathie, avec un aspect figé et prostré du patient. Autres causes de troubles amnésiques aigus
L’atteinte de la mémoire est globale et porte avant tout sur transitoires
la mémoire antérograde qui est atteinte de façon massive. Le
patient ne peut capter, fixer et mémoriser une information Les autres causes d’amnésie transitoire aiguë doivent être
nouvelle. Cela se manifeste par un oubli à mesure, le malade systématiquement recherchées.
répète sans cesse les mêmes questions, et oublie les réponses
Accident vasculaire cérébral
fournies (par exemple, les patients demandent sans cesse l’heure
qu’il est). La mémoire rétrograde est également atteinte mais Il peut s’agir, soit d’un infarctus dans le territoire de l’artère
cette atteinte est au second plan du tableau clinique. L’oubli est cérébrale postérieure uni- ou bilatérale (lésions temporales
alors parcellaire, concernant les heures ou jours précédant internes et/ou thalamiques) ou de l’artère choroïdienne anté-
l’ictus. Lorsque l’amnésie rétrograde s’étend sur des événements rieure, soit d’un infarctus dans le territoire des artères cérébrales

Médecine d’urgence 3
25-110-D-30 ¶ Troubles cognitifs aigus

antérieures (lésions bicingulaires), soit d’un hématome posté- ou coma, associés à des signes neurologiques : ataxie (23 %),
rieur (occipital). Dans ce contexte, l’amnésie n’est pas isolée et anomalies oculomotrices (29 %), polyneuropathies (11 %) [8].
peut s’accompagner, selon le territoire atteint, d’une hémianop- L’encéphalopathie de Gayet-Wernicke, qui survient le plus
sie, d’un déficit sensitif controlatéral, d’une agnosie visuelle souvent chez un sujet alcoolique et dénutri, est liée à une
et/ou d’une cécité corticale. Le syndrome amnésique peut être carence subaiguë en vitamine B1. Le traitement repose sur des
dissocié : atteinte verbale prédominante en cas de lésion gauche perfusions de thiamine et la réhydratation. On associe toujours
et atteinte visuospatiale prédominante en cas de lésion droite. de la vitamine PP (pseudopellagreuse), la composante hyperto-
Les troubles amnésiques par lésion unilatérale ont en général de nique oppositionnelle souvent associée au tableau clinique étant
bien meilleurs pronostics de récupération que ceux par lésions une manifestation d’une carence en vitamine PP. Le syndrome
bilatérales. Parmi les autres causes vasculaires d’amnésie de Korsakoff, une fois installé, est malheureusement définitif. Il
transitoire, on note les thromboses veineuses cérébrales qui signe la destruction du circuit de Papez. Les corps mamillaires
représentent une cause cependant rare, les amnésies survenues sont atrophiés. On observe sur l’imagerie par résonance magné-
au décours d’un arrêt cardiaque avec nécrose laminaire corticale tique (IRM), en séquence pondérée en T2, un hypersignal des
et les hémorragies méningées, imposant la réalisation d’un corps mamillaires.
scanner cérébral et parfois une ponction lombaire.
Épilepsie Accident vasculaire cérébral
Le syndrome confusionnel postcritique avec amnésie lacu- Cf. infra.
naire est facilement identifiable. Le diagnostic d’épilepsie
partielle temporale est plus difficile. Le déficit mnésique est de Encéphalite infectieuse
durée brève, habituellement de quelques minutes, et récurrent. Tableau clinique
Ainsi, si l’ictus amnésique est atypique par sa brièveté et son
caractère récidivant, il est nécessaire de prévoir un enregistre- Le tableau clinique associe un syndrome fébrile, des
ment électroencéphalographique continu des 24 heures. La céphalées, des troubles de la conscience (confusion, somno-
présence d’anomalies paroxystiques normalement absentes dans lence, torpeur) et des troubles neuropsychologiques : trouble
l’ictus amnésique classique permet de poser le diagnostic. On du langage, amnésie (antérograde) et troubles du comporte-
estime qu’environ 7 % des ictus amnésiques évolueront vers ment. Le tableau clinique dépend du siège du processus
une épilepsie partielle. lésionnel et peut s’accompagner de signes neurologiques
focaux. Les crises comitiales partielles ou généralisées sont
Traumatismes crâniens fréquentes.
Un ictus amnésique peut apparaître au décours d’un trauma- Méningoencéphalite herpétique
tisme crânien même léger. Le contexte porte le diagnostic.
La méningoencéphalite herpétique est la seule encéphalite
Processus expansifs focaux virale pour laquelle un traitement est disponible. De la
Exceptionnellement, un ictus amnésique peut révéler un rapidité d’introduction du traitement dépend le pronostic
processus expansif tumoral ou infectieux des lobes temporaux évolutif qui est dramatique sans traitement (décès ou séquel-
ou des thalamus. Le plus souvent cependant, le tableau clinique les majeures). Le tableau clinique typique associe des cépha-
est progressif et n’est pas spontanément régressif. lées, de la fièvre et des signes neurologiques de localisation
temporale : confusion/désorientation, troubles du langage et
Intoxications de la mémoire, troubles du comportement et convulsions. Ces
signes peuvent apparaître à des degrés variables. Le tableau
Une intoxication médicamenteuse aux benzodiazépines ou à
peut évoluer vers un coma. Certaines présentations cliniques
l’alcool peut être responsable de trouble amnésique d’apparition
sont trompeuses, en particulier lors d’une présentation
subaiguë.
purement neuropsychologique avec trouble de la mémoire et
Amnésie psychogène hystérique du langage ou d’allure psychiatrique sans fièvre. Le patient
peut en effet être totalement apyrétique (8 % des cas) et sans
L’amnésie est souvent atypique car elle touche l’ensemble de
signe neurologique [9]. Il n’est pas rare que les patients soient
la sphère biographique du sujet et son identité, ce qui n’est pas alors adressés à tort en psychiatrie. Aucun tableau n’est
le cas dans l’ictus amnésique bénin. pathognomonique de méningoencéphalite herpétique. Seuls
L’ensemble de ces diagnostics différentiels de l’ictus amnési- les examens complémentaires apportent la preuve diagnosti-
que impose en pratique de faire un scanner cérébral (associé ou que. Ils reposent avant tout sur l’étude du liquide céphalora-
non à une ponction lombaire) en urgence, pour éliminer une chidien (LCR) qui montre un liquide clair, hypertendu, avec
autre cause. pléiocytose à prédominance lymphocytaire, hyperprotéinora-
chie modérée, glycorachie normale. Une imagerie cérébrale
doit être réalisée en urgence mais ne doit pas retarder le début
Troubles amnésiques d’installation aiguë du traitement. Elle montre un hypersignal en T2 dans les
régions temporales bilatérales respectant la région insulaire et
ou subaiguë non régressifs souvent déjà un effet de masse lié à l’ischémie. La polymerase
chain reaction (PCR) met en évidence l’acide désoxyribonucléi-
Syndrome de Korsakoff que (ADN) du virus dans le LCR et affirme le diagnostic. C’est
Le syndrome de Korsakoff, complication d’une encéphalopa- le premier test à se positiver. Une recherche des anticorps anti-
thie de Gayet-Wernicke, se caractérise par une amnésie antéro- herpes simplex virus (HSV) dans le LCR peut être intéressante si
grade isolée et massive se manifestant par un oubli à mesure la PCR n’a pas été réalisée initialement. L’augmentation
touchant la mémoire explicite. La mémoire rétrograde des faits d’interféron dans le LCR évoque une atteinte virale mais n’est
anciens est, en règle générale, bien préservée. Lorsqu’elle est pas spécifique du virus herpétique. Une imagerie normale
atteinte, le gradient temporel est net. Le tableau clinique associe n’élimine pas le diagnostic. Les encéphalites virales et bacté-
une anosognosie, une désorientation temporospatiale, des riennes s’accompagnent d’anomalies électriques en EEG à la
fausses reconnaissances et une tendance à des confabulations phase aiguë. Au cours de l’encéphalite herpétique, il apparaît
(fabulations compensatrices et non critiquées en réponse aux précocement des complexes périodiques (à périodicité courte
questions posées). Le syndrome de Korsakoff est précédé d’un variant entre 2 et 4 s), localisés à l’une des régions temporales
tableau d’encéphalopathie de Gayet-Wernicke qui se manifeste ou les deux avec une dégradation du tracé de fond. Ces anoma-
par une atteinte neuropsychologique dans environ 80 % des cas lies sont mêlées à des ondes delta. L’encéphalite herpétique
avec désorientation, indifférence, inattention, agitation, stupeur représente 10 % des encéphalites virales.

4 Médecine d’urgence
Troubles cognitifs aigus ¶ 25-110-D-30

■ Trouble du langage d’apparition Examen des troubles de la parole


aiguë Le discours spontané et la répétition de phrases phonétique-
ment difficiles (« spectacle exceptionnel – j’habite 33 rue Ledru-
Rollin ») comportent des paraphasies phonétiques et une
dysarthrie. L’apraxie bucco-linguo-faciale est évaluée par la
réalisation d’ordres simples tels que tirer la langue, gonfler les

“ Mise au point joues, siffler, ou d’ordres séquentiels (tirer puis claquer la langue
puis gonfler les joues). On recherche également des troubles de
la coordination pneumoarticulatoire et une dysprosodie (trouble
Terminologie. du timbre de la voix).
Les troubles acquis de la parole renvoient à un trouble de la
réalisation motrice de l’articulation du langage par Examen des troubles du langage
dysfonctionnement de l’appareil buccophonatoire, sans
L’examen des troubles du langage est stéréotypé et peut se
atteinte du code linguistique.
faire rapidement et efficacement au lit du patient. Il comporte
Les aphasies correspondent aux troubles linguistiques plusieurs étapes :
proprement dits. • étude du langage spontané et en réponse à quelques ques-
Les troubles supralinguistiques du discours correspondent à tions simples ;
une altération du fonctionnement du langage sans • étude de la dénomination d’objets ou d’images et de la
atteinte linguistique [10]. production du langage complexe par la construction de
Termes sémiologiques permettant la description d’un phrases à partir de deux ou trois mots imposés ;
trouble du langage : • étude de la répétition de mots et de phrases ;
Anomie : défauts de production de mots (manque de • étude de la compréhension sur consignes orales simples
mots). (« montrez-moi la fenêtre ; levez la main gauche ») et sur
Déformations linguistiques, sont désignées par le terme de consignes complexes (« fermez les yeux et tirez la langue ;
paraphasie : mettez la main gauche sur votre épaule droite ») ;
• paraphasies phonétiques : atteinte articulatoire • étude de la fluence verbale (« citez le maximum de mots
(réalisation motrice finale) du langage aboutissant à la d’animaux en 1 minute »). L’analyse du langage oral doit
systématiquement être complétée par une étude du langage
substitution de phonèmes par des phonèmes proches
écrit (lecture et écriture sur le même modèle que pour le
(« ba » par « pa ») ; langage oral).
• paraphasies phonémiques : transformation d’un mot Il est important de noter précisément les réponses du patient,
par élision, adjonction, déplacement de ses phonèmes comme référence évolutive.
constitutifs (élision : « lon » pour « lion » ; adjonction :
« trambour » pour « tambour » ; antéposition et élision
Étiologies des aphasies d’installation aiguë
« hérélicotère » pour « hélicoptère ») ;
• paraphasies verbales : remplacement d’un mot par un
Accidents vasculaires cérébraux
autre mot sans rapport de sens avec le mot cible (« carte »
pour « arbre ») ; Ils représentent la cause la plus fréquente des aphasies
• paraphasies sémantiques : remplacement d’un mot par brutales chez les adultes de plus de 45 ans [11]. Le tableau le plus
un autre mot appartenant au même champ sémantique typique est celui de l’aphasie de Broca secondaire à un accident
ou ayant un sens commun (« verre » ou « soucoupe » ischémique sylvien gauche (artère cérébrale moyenne). Les
accidents hémorragiques sont responsables de tableau clinique
pour « tasse »).
souvent plus atypique en raison de leur siège sous-corticaux et
Néologisme : déviation linguistique aboutissant à la
d’un possible effet de masse initial.
production d’un « faux mot », utilisé comme un mot,
bien qu’il n’ait aucun sens (« tanpularte » pour Aphasie de Broca par infarctus de l’artère cérébrale moyenne
« couverture »). Elle se caractérise avant tout par une réduction de la produc-
Perturbations syntaxiques : regroupent l’agrammatisme et tion quantitative et qualitative du langage, s’accompagnant
la dyssyntaxie (absence ou réduction de l’emploi des d’une apraxie bucco-linguo-faciale et d’un déficit moteur
termes grammaticaux). brachiofacial droit. Au stade initial aigu, le patient peut être
Jargon : production langagière incompréhensible en mutique ou n’être capable de fournir que des stéréotypies
raison de la richesse des néologismes, paraphasies et verbales (« nan-nan »). Le patient est conscient de ses difficultés.
dyssyntaxies. Dans les formes moins sévères, un manque de mot et une
Paragraphies graphiques, graphémiques, sémantiques, anomie prédominent le tableau clinique dans le langage
verbales : troubles du langage écrit. spontané et dans les épreuves de dénomination. On note
Troubles du débit du langage : différencient les aphasies non également un agrammatisme avec un appauvrissement des
éléments syntaxiques. Le langage reste cependant informatif.
fluentes avec réduction de la production des aphasies
Les paraphasies phonémiques, verbales et sémantiques sont
fluentes où le débit est normal, voire exagéré (logorrhée).
nombreuses. Une dissociation automaticovolontaire est classi-
Le prototype de l’aphasie non fluente est l’aphasie que, le patient étant capable de s’exprimer dans un contexte
antérieure de Broca, le prototype de l’aphasie fluente est automatique (réponses stéréotypées, contexte émotionnel) alors
l’aphasie postérieure de Wernicke. que, sur commande, sa production verbale devient impossible
ou est très limitée. La compréhension, bien que nettement
moins perturbée, n’est toutefois que rarement totalement
intègre. On peut ainsi constater des troubles de compréhension
pour les phrases complexes. Les troubles de la lecture et de
l’écriture sont congruents à ceux du langage oral.
Examen clinique aux urgences La région infarcie se situe typiquement dans la région de
L’examen clinique au lit du malade permet l’analyse et la Broca : opercule frontal, partie postérieure de F2 (seconde
classification sémiologique qui orientera vers le mécanisme circonvolution frontale) et de F3 (troisième circonvolution
étiologique. frontale) [12].

Médecine d’urgence 5
25-110-D-30 ¶ Troubles cognitifs aigus

Tableau 3.
Description clinique des aphasies secondaires à un accident vasculaire cérébral.
Aphasie Compréhension Répétition Dénomination Anosognosie Territoire
orale

Aphasie de Broca Non fluente Préservée Altérée Perturbée Non ACM (région corticale pré-
Stéréotypies (relativement) Anomie rolandique et sous-
corticale)
Paraphasies Manque de mot
Agrammatisme Facilité par l’ébauche
orale

Aphasie Langage fluent Troubles majeurs Altérée Perturbée Oui ACM (partie postérieure
de Wernicke Logorrhée de la compréhen- (jargon) de T1 et lobule pariétal
sion inférieur)
Jargon phonémique
avec paraphasies variées
Langage peu informatif

Aphasie globale Non fluente Perturbation Altérée Altérée Oui ACM complète ou associa-
Mutisme majeure tion ACM superficielle
et profonde
Stéréotypie, paraphasies
variées

Aphasie de Fluente Préservée Perturbée Perturbée (conduites Non ACM : faisceau arqué et
conduction Paraphasies phonémiques (fonction de (conduites d’approche) gyrus supramarginal, gyrus
la longueur d’approches insulaire postérieur,
de l’information) pour se corriger) SB adjacente

Transcorticale Non fluente Préservée Préservée Perturbée mais avec Non ACA (région antérieure ou
motrice Lenteur, pauses, mais très efficacité supérieure à l’aire de
sensible aux stimulations des aides et Broca, AMS, APM,
des stimulations SB sous-corticale frontale

Transcorticale Fluente Perturbée Préservée (effet Perturbée Oui ACM (région périsylvienne
sensorielle Paraphasies variées de longueur) postérieure, gyrus angu-
laire, régions temporales
Écholalie
postérieures et inférieures,
SB
périthalamique)

Alexie + agraphie Écriture perturbée avec perte du graphisme, paragraphies + troubles sévères de la lecture. Non
Langage oral relativement préservé avec un manque de mot modéré en dénomination

Alexie pure Trouble isolé de la lecture Non ACP gauche (gyrus lingual)
sans agraphie Anomie des couleurs sou-
vent associée + HLH droite

Anarthrie pure Trouble articulatoire isolé Non ACM (pied de F3)


de la parole

Agraphie pure Trouble isolé de l’écriture Non ACM (pied de F2)


ACM : artère cérébrale moyenne ; ACA : artère cérébrale antérieure ; ACP : artère cérébrale postérieure ; SB : substance blanche ; AMS : aire motrice supplémentaire ; APM : aire
prémotrice ; HLH : hémianopsie latérale homonyme.

Autres tableaux cliniques main sur la joue controlatérale par exemple), mime de gestes
Les autres tableaux cliniques de troubles du langage d’appa- symboliques (salut militaire, signe de croix), mime de l’utilisa-
rition aiguë secondaires à un accident vasculaire cérébral sont tion d’objet (mimer l’utilisation d’un marteau), utilisation
décrits et résumés dans le Tableau 3 [13]. d’objet (comme des ciseaux). L’apraxie constructive se met en
évidence par la réalisation de dessins en trois dimensions
Autres causes (comme un cube ; une maison) sur demande verbale et éven-
tuellement sur copie.
Les traumatismes crâniens sont facilement évoqués par le L’examen des gnosies visuelles se fait après vérification de
contexte de survenue. Les étiologies infectieuses entraînent des l’acuité visuelle. Le patient doit dénommer des images ou objets
troubles du langage rarement isolés s’intégrant à un tableau qui lui sont présentés visuellement, les décrire, préciser leur
d’encéphalite infectieuse avec épilepsie. Le raisonnement est le
usage, les classer (par exemple un stylo, un trombone, le
même que pour celui décrit dans le paragraphe relatif aux
capuchon du stylo). L’objet est ensuite présenté dans une autre
troubles de la mémoire.
modalité, par exemple par entrée tactile (par la saisie), ce qui
permet, en cas d’agnosie visuelle et en l’absence de trouble
■ Apraxie, agnosie, sensitif, une reconnaissance correcte. La simultagnosie est
recherchée en présentant au patient un dessin de trois figures
héminégligence d’apparition aiguë superposées (par exemple une banane, une pomme et une
poire).
L’héminégligence spatiale est recherchée facilement et
Examen clinique aux urgences rapidement par la réalisation de dessins (la partie gauche de la
L’examen des praxies gestuelles se fait par la réalisation de figure n’est pas dessinée), par le barrage de lignes (des lignes
gestes uni- et bimanuels : imitation de gestes sans signification horizontales sont dessinées sur une feuille de longueur diffé-
(faire un anneau avec le pouce et l’index, poser le dos de la rente, on demande au patient de barrer le milieu de chaque

6 Médecine d’urgence
Troubles cognitifs aigus ¶ 25-110-D-30

l’hémiespace droit). Enfin, l’inspection simple du patient

“ Mise au point
montre un regard tourné vers la droite, une tendance spontanée
à ne s’adresser que vers son côté droit. On peut d’emblée noter
que pour favoriser une rééducation précoce, il vaut mieux se
Terminologie. placer sur la gauche du patient et, dans les chambres à deux lits,
placer le voisin de chambre sur la gauche du lit du patient.
Apraxie : il s’agit d’un trouble de l’action et de la
commande du geste, qui ne peut s’expliquer ni par une
atteinte motrice, ni par une atteinte sensorielle, ni par un Causes
trouble de la compréhension [14].
Les accidents vasculaires cérébraux sont responsables des
L’apraxie idéomotrice est la plus fréquente. Elle se définit déficits les plus nets et les plus purs [15]. Le Tableau 4 en résume
par une incapacité à imiter des postures manuelles les principaux tableaux cliniques.
arbitraires réalisées par l’examinateur ou à réaliser des Les traumatismes crâniens peuvent entraîner un déficit dans
gestes symboliques (comme faire le salut militaire) ou les domaines évoqués mais il est rarement isolé.
encore à mimer des utilisations d’objets usuels (mimer Tout processus expansif tumoral ou infectieux (abcès) peut
l’utilisation d’un marteau). On observe souvent une occasionner un syndrome focal cérébral avec déficit neuropsy-
dissociation automaticovolontaire (le geste est bien réalisé chologique dépendant de sa localisation, mais le mode d’instal-
de manière automatique dans son contexte naturel, alors lation est progressif.
que le patient ne peut le faire sur commande de Les encéphalites infectieuses ou métaboliques sont rarement
responsables de ce type de déficit neuropsychologique.
l’examinateur). Les lésions siègent le plus souvent dans la
région pariétale gauche.
L’apraxie idéatoire se définit par une incapacité à utiliser
réellement des objets familiers (comme allumer une
■ Troubles du comportement
allumette, mettre une lettre dans une enveloppe). Elle est et troubles émotionnels d’origine
la conséquence de lésions pariétales gauches ou, le plus neurologique d’apparition aiguë
souvent, bilatérales.
L’apraxie constructive correspond à un trouble de la
réalisation de dessins en deux ou trois dimensions, le plus Terminologie
fréquemment secondaire à des lésions pariétales droites. Nous n’abordons ici que les principaux tableaux cliniques
L’apraxie de l’habillage correspond à un trouble spécifique neurologiques se manifestant par un trouble du comportement
de l’habillage. Les lésions responsables siègent et de la personnalité d’installation aiguë ou subaiguë. Ils
habituellement dans l’hémisphère droit. peuvent être le reflet d’une lésion directe des lobes frontaux,
Agnosie visuelle : l’agnosie visuelle correspond à un trouble d’un dysfonctionnement des circuits fronto-sous-corticaux
de la reconnaissance d’une information visuelle par (circuits striato-thalamo-corticaux) par atteinte des noyaux gris
atteinte des aires visuelles associatives. Le patient ne peut centraux, d’un processus lésionnel affectant le système limbique
dénommer un objet présenté visuellement alors que leur (plus précisément le système limbique basolatéral axé sur les
noyaux amygdaliens, qui implique également les structures
dénomination par une autre entrée sensorielle tactile,
hippocampiques, le cortex préfrontal orbitofrontal, le gyrus
auditive ou olfactive est possible. Certaines agnosies cingulaire antérieur, les noyaux thalamiques antérieurs), d’une
visuelles sont spécifiques : l’agnosie des couleurs se définit lésion de l’hypothalamus et des connexions hypothalamoa-
par l’incapacité à discriminer les couleurs ou à attribuer mygdaliennes [16]. Enfin, il semble que l’hémisphère droit joue
une couleur à un objet et s’observe après infarctus de un rôle plus marqué que le gauche dans la compréhension et
l’artère cérébrale postérieure gauche. l’expression des émotions.
La prosopagnosie se définit par l’incapacité à reconnaître
des visages alors que l’identification de la personne est
Examen clinique
possible par la voix ou la démarche par exemple. La
prosopagnosie est secondaire à des lésions temporo- L’examen clinique repose sur l’entretien du patient et de son
occipitales droites ou bilatérales. entourage. On recherche une modification récente du compor-
Héminégligence : l’héminégligence spatiale se voit après tement et des réactions émotionnelles, comme une apathie, une
inertie, une désinhibition, des réactions sociales inappropriées,
lésion hémisphérique droite, principalement après un
un émoussement affectif avec indifférence ou une hyperémoti-
infarctus de l’artère cérébrale moyenne droite. Le patient
vité et impulsivité. Les propos doivent être notés dans l’obser-
se comporte comme si la moitié gauche de l’espace vation. Enfin, on évalue systématiquement dans ce cadre les
n’existait pas. Il n’écrit que sur la moitié droite de la page, fonctions exécutives (ou fonctions frontales) par une série de
ne désigne que les personnes présentes dans sa chambre tests simples et rapides :
dans l’hémichamp droit par exemple. L’héminégligence • fluence verbale catégorielle : dénommer le maximum de mots
est toujours accompagnée d’une anosognosie. Le d’animaux en 1 minute (évalue la flexibilité mentale) ;
syndrome d’Anton-Babinski associe une héminégligence • test des similitudes : « qu’y a-t-il de commun entre une tulipe
spatiale, une anosognosie, une hémiasomatognosie (le et une marguerite, entre une cravate et une chemise, entre
patient considère que la moitié gauche hémiplégique ne une banane et une orange ? » (conceptualisation) ;
lui appartient pas, allant jusqu’à expliquer que son propre • séquences gestuelles de Luria : répétition d’une séquence
gestuelle (paume sur la table puis poing sur la table puis
bras paralysé qui lui est présenté est celui du médecin), et
tranche de la main posée sur la table) réalisée par l’examina-
une anosodiaphorie (indifférence à son état). teur ;
• dessin d’une frise graphique consistant en un triangle et un
carré dessinés alternativement, et que le patient doit poursui-
trait) et le barrage de signes (des ronds et carrés de petites tailles vre sur la largeur de la page.
sont répartis sur une feuille, on demande au patient de barrer On peut observer une réduction de la fluence verbale, un
les ronds) qui montreront un « oubli » de l’hémiespace gauche défaut de conceptualisation avec définition par la forme ou par
de la feuille. On peut aussi demander au patient de se représen- l’usage des mots proposés dans le test des similitudes, des
ter mentalement une place connue de la ville et de la décrire en persévérations gestuelles ou graphiques dans les tests gestuelles
s’imaginant en face d’un monument précis (il ne décrit que et graphiques séquentiels.

Médecine d’urgence 7
25-110-D-30 ¶ Troubles cognitifs aigus

Tableau 4.
Sémiologie simplifiée des troubles cognitifs d’origine vasculaire.
Symptômes Caractéristiques principales Principaux signes associés Siège lésionnel
neuropsychologiques

Apraxie idéomotrice Réalisation de gestes symboliques ou mimés altérée Souvent associés à une aphasie ACM
de Broca ou de Wernicke (artère pré- ou rétrorolandique)

Apraxie constructive Dessins de cube en trois dimensions altérés Souvent associés à une apraxie ACM gauche
améliorés sur copie idéomotrice et une aphasie (artère rétrorolandique pariétale)

Syndrome de Gerstmann Association d’une anomie digitale, indistinction Aphasie possible Lésion pariétale postérieure
droite gauche, acalculie et agraphie gauche (ACM gauche)

Héminégligence gauche Négligence de l’espace gauche HP gauche ACM droite


Hémiasomatognosie associée anosognosie Négligence motrice
HLH gauche

Syndrome frontal Aphasie transcorticale motrice (réduction Déficit fémoral ACA (lobes frontaux)
spontanée du langage)
Modification du comportement, syndrome
dysexécutif

Agnosie visuelle Incapacité à reconnaître un objet HLH ACP gauche


(en le nommant, en le mimant, en le classant)
Prosopagnosie : troubles de la reconnaissance ACP droite (cortex associatif
des visages si lésion droite (ACP droite) occipitotemporal inféro-interne)

Cécité corticale Cécité corticale Conservation du réflexe ACP bilatérale


photomoteur

Syndrome de Balint Ataxie optique (impossibilité de pointer ACP bilatérale ou jonction ACM
ou d’attraper une cible sous contrôle visuel) + apraxie et ACP
optique (trouble de l’orientation (régions pariéto-occipitales)
du regard) + simultagnosie (incapacité à analyser
un tout alors que les détails sont identifiés)
ACM : artère cérébrale moyenne ; ACA : artère cérébrale antérieure ; ACP : artère cérébrale postérieure ; HLH : hémianopsie latérale homonyme ; HP : hémiplégie.

Causes Troubles du comportement


dans le cadre d’une démence
Troubles du comportement associés
ou non à des signes neurologiques Le syndrome démentiel associe une amnésie à au moins un
des signes suivants : aphasie, apraxie, agnosie, troubles des
Les méningoencéphalites virales ou métaboliques, les acci- fonctions exécutives, et entraînant un retentissement sur la vie
dents vasculaires cérébraux sous-corticaux (thalamus, noyau quotidienne. Les troubles psychologiques et/ou du comporte-
caudé) ou hémisphériques droits et les traumatismes crâniens ment sont fréquents dans la maladie d’Alzheimer, survenant
représentent les causes les plus fréquentes. L’imagerie cérébrale chez 70 % des patients au cours de l’évolution de l’affection [18].
et l’étude du LCR apportent la confirmation diagnostique. Il peut s’agir de troubles productifs du comportement : désinhi-
Les intoxications (médicamenteuse, drogues, alcool) doivent bition comportementale, agressivité verbale ou physique,
être recherchées au moindre doute, surtout quand un syndrome agitation motrice, impulsivité, errance ; ou au contraire l’appa-
confusionnel est associé.
rition d’une indifférence, d’une apathie, d’un retrait social. Ce
Une hémorragie méningée doit être évoquée, surtout lorsque
sont le plus souvent les comportements perturbateurs qui
le tableau clinique associe des céphalées et impose la réalisation
peuvent motiver des hospitalisations dans les services d’urgence.
d’un scanner cérébral parfois accompagné d’une ponction
Il est important de rechercher systématiquement un facteur
lombaire.
Une encéphalopathie, quelle que soit sa nature, peut entraî- déclenchant somatique ou iatrogène.
ner des troubles du comportement, mais le plus souvent
associés à un syndrome confusionnel. Syndrome de Klüver-Bucy
Si l’état de mal épileptique généralisé ne pose pas de pro-
Le syndrome de Klüver-Bucy associe des troubles du compor-
blème diagnostique, les états de mal partiel non convulsifs
tement alimentaire (hyperphagie, gloutonnerie, hyperoralité),
peuvent être trompeurs. Ils se présentent le plus souvent
une désinhibition sexuelle et une indifférence affective qui
comme des syndromes confusionnels avec troubles du compor-
tement et fluctuation de l’état de vigilance [17]. La présence s’accompagnent de troubles cognitifs : amnésie et agnosie
d’automatismes ou de signes moteurs (clonies des extrémités, du visuelle. Il est la conséquence de lésions bitemporales mésiales
menton ou de la commissure labiale ; déviation de la tête et des bilatérales le plus souvent : traumatisme crânien, chirurgie,
yeux) est évocatrice mais inconstante. Parfois, le tableau encéphalite herpétique, certaines démences [19].
clinique se résume aux troubles du comportement, surtout chez
les personnes âgées. L’EEG est indispensable au diagnostic.

Troubles du comportement isolés


■ Conclusion
Les causes les plus fréquentes sont psychiatriques : état Les manifestations les plus habituelles des troubles cognitifs
maniaque, attaques de panique, bouffée délirante, psychoses d’apparition brutale se caractérisent principalement par des
chroniques, toxicomanie ou syndrome de sevrage. Ce sont aussi troubles de la mémoire et de langage. Un scanner cérébral doit
les désordres métaboliques : hypoglycémie, troubles endocri- être réalisé en urgence, parfois suivi d’une ponction lombaire.
niens (dysthyroïdie, hypercorticisme, phéochomocytome) ; une Les mécanismes étiologiques sont nombreux. Les causes les plus
encéphalite infectieuse. fréquentes de déficit cognitif sont représentées par les accidents

8 Médecine d’urgence
Troubles cognitifs aigus ¶ 25-110-D-30

vasculaires cérébraux. La méningoencéphalite herpétique [8] Charness ME. Brain lesions in alcoholics. Alcohol Clin Exp Res 1993;
impose la mise en route d’un traitement en urgence. 17:2-11.
[9] Collège des Enseignants de Neurologie. La méningo-encéphalite
herpétique. Rev Neurol 2003;84-85:264-7.
Cet article a été publié pour la première fois en 2004 dans le traité d’Urgences. [10] Roch-Lecours A, Lhermitte F. L’aphasie. Paris: Médecine-Sciences
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M. Sarazin (marie.sarazin@brt.ap-hop-paris.fr).
Centre de neuropsychologie, hôpital de la Salpêtrière, 47, boulevard de l’hôpital, 75013 Paris ; HDJ neuro-psycho-gériatrique, hôpital Bretonneau, Paris,
France.
P. Amarenco.
Service de neurologie et centre d’accueil et de traitement de l’attaque cérébrale, hôpital Bichat, 46, rue Henri-Huchard 75018 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Sarazin M., Amarenco P. Troubles cognitifs aigus. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Médecine d’urgence,
25-110-D-30, 2007.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


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Médecine d’urgence 9
24-002-A-20
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 24-002-A-20 (2004)

Urgence devant une plaie cervicale


J.-F. Quinot
E. Kaiser

Résumé. – Les plaies pénétrantes cervicales sont aussi souvent « sèches » que cause d’hémorragies ou de
lésions des zones adjacentes. Le diagnostic lésionnel repose sur l’état des fonctions vitales, la région du cou
concernée, l’examen clinique et la tomodensitométrie du cou. L’artériographie des quatre axes cervicaux et
l’œsophagoscopie ne sont pas systématiques, mais décidées en fonction de la clinique ou de l’angioscanner.
Laryngoscopie et fibroscopie trachéobronchique dépendent de la clinique. Les risques vitaux sont l’obstruction
des voies aériennes supérieures (VAS), l’hémorragie brutale, l’ischémie cérébrale ou médullaire et l’infection.
Une hémorragie franche, un hématome pulsatile en expansion, une lésion manifeste des VAS doivent conduire
le malade au bloc sans délai et sans intermédiaire. L’hémorragie et l’obstruction des VAS sont possibles à tout
moment, sous l’effet du remplissage, de l’agitation ou du retrait d’un corps étranger fiché dans la plaie.
L’intubation orotrachéale est souvent réalisable ; la cricothyroïdotomie est la meilleure alternative. À
l’hôpital, ce contrôle des VAS est plus sûr en salle d’opération, chirurgien présent. Dès qu’un malade est
ventilé, on doit craindre la décompensation d’un éventuel pneumothorax. Les lésions carotidiennes minimes
sans conséquences cérébrales n’imposent pas une réparation systématique. Les lésions carotidiennes
compliquées de déficit neurologique central doivent être réparées, sauf coma profond sans autre origine. Les
lésions artérielles vertébrales sont plus accessibles par voie endovasculaire.
© 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Plaie cervicale ; Plaie par armes à feu ; Plaie par armes blanches ; Plaie de carotide ; Plaie
vertébrale ; Plaie œsophagienne ; Plaie trachéale ; Cricothyroïdotomie ; Angioscanner
hélicoïdal ; Œsophagoscopie

Introduction Caractéristiques
anatomofonctionnelles du cou
Les plaies pénétrantes cervicales sont définies par l’effraction du
muscle peaucier du cou. [14] Elles entraînent des hémorragies une fois Le cou se divise en trois zones (Fig. 1).
sur trois, des lésions directes des voies aériennes supérieures, parfois La zone I, du creux sus-claviculaire au cartilage cricoïde, contient
associées à une atteinte de l’œsophage, une fois sur dix et des lésions les structures émergeant du thorax, en particulier vasculaires ; les
neurologiques directes une fois sur trente. Une fois sur trois, elles lésions sont volontiers intriquées avec celles du thorax.
s’associent à des lésions craniofaciales, thoraciques ou abdominales.
Mais, une fois sur trois également, il n’existe aucune lésion
majeure. [31] Leur gravité potentielle s’accroît, selon que leur cause
est une arme blanche, une arme à feu de poing ou de faible énergie
(22 long rifle), et au maximum, une arme de guerre ou un fusil de
chasse à faible distance ou de fort calibre. [30, 31] La mortalité, en
milieu civil ou militaire, oscille entre 3 et 6 % et semble surtout due
1
aux lésions vasculaires. [3] Ces chiffres concernent les victimes Zone III
parvenant à l’hôpital ; mais, alors que 70 cas par an sont admis au
centre de traumatologie de Johannesburg, 215 ne l’atteignent jamais,
Zone II
décédant sur place ou dans l’ambulance ! [16] L’expérience montre
que le diagnostic lésionnel le plus efficace repose sur deux faits
d’observation simple, l’état des fonctions vitales et la région du cou 2
C6
concernée. [17]
Zone I

J.-F. Quinot (professeur agrégé du Val-de-Grâce)


Adresse e-mail: jfq@club-internet.fr
E. Kaiser (spécialiste des hôpitaux des Armées) Figure 1 Repères des trois zones anatomofonctionnelles cervicales. 1. Angle de la
Département anesthésie-réanimation-urgences, Hôpital d’instruction des Armées Sainte-Anne,
83800 Toulon Naval, France.
mandibule ; 2. cartilage cricoïde ; 3. clavicule.
24-002-A-20 Urgence devant une plaie cervicale Urgences

carotidiens ; il repère un éventuel emphysème sous-cutané, signe


Hémorragie franche extériorisée ? probable d’une plaie trachéale ou bronchique ; il cherche à mettre
Hématome pulsatile en expansion ? en évidence un déficit neurologique et à en définir l’origine centrale
Section ou avulsion du larynx ou de la trachée ?
(hémiplégie franche) ou médullaire (paraplégie, tétraplégie,
priapisme, hypotonie anale) ; l’atteinte de nerfs crâniens donne un
déficit focal alors qu’une lésion du plexus brachial entraîne un
OUI NON déficit sensorimoteur unilatéral du membre supérieur. L’examen doit
être répété régulièrement tant que l’imagerie ou l’exploration
chirurgicale n’ont pas clos l’investigation lésionnelle puisque les
Collapsus ? Symptomatique Asymptomatique
lésions peuvent se révéler ou s’aggraver à tout moment. Les zones
Dyspnée ? frontières sont scrutées, à la recherche d’un impact, de déformation,
de douleur d’orifice (s) de sortie…
Bloc opératoire Hémothorax > 0,5 l/h ? Observation 24 h
Immédiat Échographie IMAGERIE
abdominale > 0
TDM cervicale Elle se réalise dans un ordre précis. Dès l’arrivée, la radiographie
TDM thoracique thoracique de face et l’échographie abdominale sont systématiques :
il faut toujours envisager une urgence vitale absolue d’origine
Clinique artérielle Clinique aérodigestive thoracique ou abdominale, tant les projectiles et même une longue
>0 >0 lame peuvent créer à distance une lésion imprévue. Aussitôt après,
sans aucun retard, une tomodensitométrie du cou (scoutview de C1
Angioscanner hélicoïdal Fibroscopie larynx à D1, puis coupe tous les 20 mm sans injection) localise les éclats,
± Fibroscopie trachée reconstitue un trajet, révèle les fractures et prépare le diagnostic des
angiographie Fibroscopie œsophage lésions laryngées. Une série de coupes rapides du crâne et du thorax
si geste endovasculaire évite de méconnaître d’éventuelles lésions de ces zones frontières.
Figure 2 Conduite du diagnostic lésionnel. TDM : tomodensitométrie. L’angiographie des quatre axes par abord fémoral est classiquement
impérative si la plaie se situe en zone I antérieure riche en gros
La zone II, du cartilage cricoïde à l’angle de la mâchoire, est facile à vaisseaux. [19] Toutefois, il est établi qu’elle est inutile si l’examen
examiner et à explorer ; elle est cliniquement expressive. En fait, la clinique est rigoureusement normal et qu’il le reste au cours des
portion antérieure est la plus fragile puisqu’elle comporte la plupart heures suivantes. [12] L’angiographie est également recommandée si
des structures nobles, vasculaires, respiratoires, digestives et la plaie est en zone III, tant l’exploration chirurgicale s’avère difficile
nerveuses. ou imprévisible [7]. En zone II, certains proposent de se passer de
La zone III, étroite, concerne les faces latérales du cou, en arrière de l’artériographie systématique puisque l’exploration chirurgicale est
la mâchoire inférieure, jusqu’à la base du crâne. D’accès chirurgical facile et la clinique assez nette. [2] Toutefois, lorsque la plaie intéresse
difficile, elle contient les vaisseaux essentiels pour le cerveau, le triangle postérieur de la zone II, il est sage de la discuter pour
carotide interne et vertébrale. apprécier l’état des artères vertébrales, toute exploration chirurgicale
Une plaie du cou fait courir quatre grands risques. aveugle pouvant déboucher sur une hémorragie torrentielle alors
Les voies aériennes supérieures, vitales, sont exposées sur toute la qu’une intervention endovasculaire est plus simple et moins
hauteur du cou, pharynx, larynx, trachée… risquée. [4] Demetriades [8] conteste le principe de l’angiographie
Les vaisseaux sont nombreux, avec des veines à fort potentiel systématique selon le siège de la plaie lorsque l’examen clinique est
hémorragique comme les jugulaires internes, des artères à destinée rassurant : il a observé de façon prospective 223 patients en 20 mois,
fonctionnelle cérébrale comme les carotides internes et des artères en confrontant systématiquement l’angiographie ou l’échodoppler
dépendant de l’intégrité du rachis que sont les vertébrales. couleur pulsé à l’examen clinique standardisé ; il a conclu à l’inutilité
L’hémorragie extériorisée est donc souvent massive et brutale ; les de l’imagerie vasculaire s’il n’existe ni hématome, ni saignement
hématomes, se développant dans des loges aponévrotiques peu visible, ni souffle vasculaire et que les pouls radiaux sont conservés.
expansibles, peuvent comprimer les voies aériennes. L’interruption Il ne relève d’ailleurs que 25 interventions vasculaires malgré la mise
des flux à destinée cérébrale peut être la cause d’une ischémie en évidence de lésions chez 45 blessés. Thal [8] affaiblit la portée de
cérébrale dévastatrice, par thrombose, dissection, section ou spasme. ces résultats en notant le défaut de suivi à long terme, risquant de
Il existe ici un paradoxe redoutable : la chute de la pression artérielle méconnaître des complications liées à des blessures vasculaires mal
favorise l’ischémie, alors que sa restauration exacerbe le évaluées (missing injuries). Demetriades utilise cette même étude
saignement… Ces risques vasculaires sont évolutifs, pouvant pour confirmer [9] l’intérêt de l’échodoppler couleur pulsé, dont il
s’aggraver à tout moment, en particulier sous l’effet d’une agitation. établit la valeur prédictive positive à 100 % et la valeur prédictive
Il existe une exposition lésionnelle médullaire manifeste, par négative à 98 % ; il reconnaît cependant que le rendement de cet
compression (hématome épidural, éclats osseux ou projectilaires), examen est entaché par sa longueur et la disponibilité incertaine
par contusion ou par section. Là encore, la situation est évolutive au d’un opérateur fiable. Munera, [24] fort d’une expérience de près de
cours des premières heures. 30 cas par mois, propose une alternative séduisante, l’angioscanner
hélicoïdal. Dans la mesure où l’exploration tomodensitométrique
Le quatrième risque est infectieux et très élevé : les voies
paraît difficilement contestable pour apprécier les dégâts des parties
aérodigestives, contaminées, peuvent être mises au contact du
molles, de l’os et du tissu nerveux, il propose un angioscanner dans
liquide céphalorachidien (LCR) ou du médiastin ou de l’os
toutes les indications déjà retenues par Demetriades (Tableau 1) mais
rachidien ; tous sont désarmés contre l’infection, dont la gravité est
aussi lorsque la plaie est très proche d’un trajet vasculaire. Il obtient
précoce.
en 10 à 15 minutes une exploration de bonne qualité, éventuellement
exploitée en trois dimensions, exceptionnellement complétée par une
Principes du diagnostic lésionnel artériographie conventionnelle si un artefact métallique est trop
(Fig. 2) gênant (1,1 % dans sa série) ou quand une thérapeutique
endovasculaire est indiquée.
EXAMEN CLINIQUE L’opacification de l’œsophage est systématiquement proposée
Il recherche les signes d’un hématome en voie d’expansion, comme ensuite car il est exceptionnel de faire cliniquement le diagnostic de
la déviation du tractus aérodigestif ; il note la présence ou la plaie œsophagienne, et il semble indispensable de l’éliminer avant
disparition d’un pouls carotidien et recherche un souffle ou un thrill la 24e heure pour prévenir le risque de médiastinite. [1] Ici, la série

2
Urgences Urgence devant une plaie cervicale 24-002-A-20

Tableau 1. – Clinique évoquant une lésion artérielle Tableau 4. – Ce qu’il ne faut jamais faire
Hématome pulsatile et/ou en expansion Extraire une arme blanche hors du bloc
Disparition d’un pouls carotidien Clamper un vaisseau hors du bloc
Disparition d’un pouls radial Tenter une intubation hors du bloc (sauf asphyxie aiguë !)
Souffle ou thrill carotidien Rétablir la pression artérielle avant d’atteindre le bloc opératoire
Mettre en place une sonde gastrique
Ventiler au masque
Tableau 2. – Clinique évoquant une lésion aérodigestive Injecter de fortes doses de corticoïdes

Issue de bulles d’air par la plaie


Douleur à la déglutition Dès qu’un malade est intubé puis ventilé artificiellement, il faut craindre
Hémoptysie provoquée par la toux par principe la décompensation d’un pneumothorax.
Enrouement croissant
Il est utile d’évaluer le rôle d’une intoxication associée éventuelle
Dyspnée inspiratoire (stridor)
Emphysème sous-cutané du cou pour apprécier l’origine organique d’une détérioration neurologique.
Lorsqu’une compression médullaire est prouvée par l’imagerie, alors
que l’évolution clinique est plutôt favorable, il n’est pas conseillé
Tableau 3. – Chirurgie immédiate d’intervenir. [18]
Hémorragie active extériorisée
Un tableau paucisymptomatique impose, quant à lui, une conduite
Choc insensible au remplissage rapide pratique rigoureuse. On doit d’abord admettre par principe que
Hématome pulsatile en expansion l’hémorragie soudaine ou l’obstruction des voies aériennes sont possibles
Lésion franche des voies aériennes à tout moment, les lésions étant considérées a priori comme instables : le
remplissage trop généreux, la tentative d’installer une sonde gastrique,
de Demetriades montre clairement que cette attitude doit être l’exploration d’une plaie d’apparence sèche peuvent entraîner une
révisée : 30 % des blessés présentent des signes évoquant une lésion hémorragie soudaine ; il est interdit de tenter de clamper un vaisseau en
aérodigestive (Tableau 2) ; mais, à l’issue de 98 explorations de dehors du bloc, même pour un chirurgien, sous peine d’aggraver la
l’œsophage, deux vraies perforations seulement sont démontrées ! situation17.
À l’inverse, aucun des patients asymptomatiques n’a nécessité un
Il faut se méfier d’une fausse bonne idée, l’administration de
geste chirurgical. On peut en retenir que l’œsophage ne doit être
corticoïdes à forte dose en cas de lésion médullaire : probablement
exploré que chez un sujet non interrogeable ou symptomatique. Le
assez peu efficace, ce traitement risque surtout d’être dangereux
débat sur la méthode d’exploration s’est également simplifié :
dans ce contexte infectieux potentiel majeur, avec la conjonction de
l’œsophagoscopie souple est fiable (spécificité = 100 %,
corps étrangers, de fractures ouvertes, de fascia en communication
sensibilité = 92 %), comme le démontre l’étude rétrospective de
directe avec le médiastin, de plaies aérodigestives contaminantes et
Srinivasan chez 55 malades. [27] Demetriades montre d’ailleurs que
de LCR à leur voisinage étroit ! [15] Au contraire, dès que possible,
le risque de médiastinite est faible lorsque la lésion œsophagienne
on injecte une forte dose d’antibiotiques actifs sur la flore
est strictement cervicale [10]. S’il existe un bullage sourdant de la
commensale des voies aérodigestives supérieures et sur la flore
plaie, quelquefois seulement visible à la toux, un emphysème sous-
tellurique.
cutané, des crachats sanglants ou un enrouement, une laryngoscopie
puis une fibroscopie bronchique sont indispensables. [10, 14, 20] Elles se Il faut réfuter vigoureusement une autre fausse bonne idée, celle de
réalisent au mieux chez un patient anesthésié dont les voies rétablir la pression artérielle avant de prendre le chemin de l’hôpital
aériennes supérieures sont contrôlées. ou l’ascenseur pour le bloc.
Il faut surveiller la préparation du champ opératoire : le nettoyage
Prise en charge pratique doit être mené avec douceur pour éviter une hémorragie brutale ; le
champ va du menton à l’ombilic car une extension thoracique est
Une hémorragie franche, extériorisée, un choc sans autre origine toujours possible ; il faut garder libre un site donneur de veine
évidente que la plaie cervicale, un hématome pulsatile en expansion, saphène.
une lésion franche des voies aériennes doivent conduire le malade
au bloc sans aucun délai (Tableau 3) ; dans l’attente, le doigt est
éventuellement pressé avec précision sur la plaie et on se rend le Plaie cervicale associée
plus vite possible à l’hôpital, directement au bloc, sans passer par la
case urgence.
à une difficulté respiratoire
Pour le réanimateur, le corollaire immédiat est le problème posé par
Sur le terrain, deux actions simples permettent de faire aussitôt la
les voies aériennes supérieures : en effet, soit elles font partie
part des choses : la mise en position latérale de sécurité ou en
intégrante de la plaie, soit elles sont menacées par l’hématome ou
position ventrale confirme ou élimine l’obstruction
par le sang qui les envahit (« noyade dans un verre de sang »), soit
pharyngolaryngée par le sang, les débris osseux ou les
elles imposent l’intubation chez un choqué à l’estomac plein dont
vomissements ; si la ventilation n’est pas améliorée, une ponction
l’intégrité du rachis est suspecte.
pleurale au deuxième espace intercostal d’un côté puis de l’autre
Quelques règles de bon sens doivent être observées. met en évidence ou élimine un pneumothorax compressif.
On ne doit jamais extraire hors du bloc une arme blanche ou un
Dans certains cas, une avulsion pharyngolaryngée ou trachéale
corps étranger fiché dans la plaie, au risque de déclencher une
invite à l’intubation directe au travers de la plaie.
hémorragie incontrôlable. Pour la même raison, on ne doit jamais
installer de sonde gastrique, ni tenter de clamper un vaisseau, ni En dehors de ces situations caricaturales, la décision de contrôler les
perdre de temps à tamponner un saignement oropharyngé, tant que voies aériennes et le choix de la méthode sont imposés par l’état de
les voies aériennes supérieures ne sont pas contrôlées. [17] Chez un la conscience et les signes vitaux observés. [21]
sujet en collapsus, la persistance de l’hypotension malgré un Si le malade est inconscient ou en état de mort apparente,
remplissage appréciable (2 l de Ringer Lactate ou 0,5 l l’intubation orale doit être immédiate ; en cas d’échec, la
d’hydroxyéthylamidon) doit évoquer une lésion médullaire ou une cricothyroïdotomie est aussitôt entreprise (Fig. 3 , 4). On ne se
hémorragie intrathoracique. Il faut éviter autant que possible la préoccupe pas outre mesure d’une lésion médullaire ou
ventilation au masque (ou alors la faire avec douceur) pour ne pas rachidienne : lorsqu’elle n’est que potentielle, le simple maintien de
favoriser la pénétration d’air dans le médiastin ou dans un gros la tête en position neutre par un aide suffit ; lorsqu’une quadriplégie
vaisseau [23] (Tableau 4). est déjà manifeste, elle sera malheureusement définitive…

3
24-002-A-20 Urgence devant une plaie cervicale Urgences

ne pas provoquer d’apnée ni de vraie perte de conscience : par


exemple, du midazolam, 2 mg par 2 mg, est associé au sufentanil,
5 µg par 5 µg, jusqu’à ce que le malade supporte l’introduction du
laryngoscope. Une laryngoscopie directe ou une fibroscopie oro-
pharyngo-laryngée s’assurent d’un passage possible pour une sonde
trachéale ; si l’obstacle paraît important, aucune tentative « en force »
n’est réalisée ; la solution de repli préférentielle est la
cricothyroïdotomie de préférence à la trachéotomie chirurgicale :
celle-ci risque en effet de décompenser la « tamponnade » cervicale
qui limitait l’importance de l’hémorragie. [22]
Si le malade est conscient, avec un hématome important et un
stridor ou un enrouement, mais sans hémorragie des voies aériennes
supérieures, l’intubation selon la méthode à séquence rapide par
voie orale est facilement réalisée. L’alternative serait une intubation
sous fibroscope. Dans les deux cas, il est prudent que le chirurgien
soit présent pour une trachéotomie éventuelle.
Le piège est le cas du malade conscient sans signes de gravité locaux
concernant les voies aériennes : il ne faut pas l’intuber « pour
protéger les voies aériennes supérieures » ; on prend alors le risque
de faire saigner alors qu’on n’est pas au bloc ! Il vaut mieux réaliser
Figure 3 Cricothyroïdotomie : premier et deuxième temps. Pouce et majeur gau- le circuit d’imagerie éventuel sous surveillance puis pratiquer
ches enserrent le cartilage thyroïde. L’index gauche repère la membrane thyroïdienne.
l’intubation au bloc, chirurgien présent.
Le scalpel, tenu de la main droite, incise la membrane sur une largeur de 1 cm.
Dans la réalité, la littérature montre que le contrôle des voies
aériennes est souvent obtenu sans difficultés excessives : Eggen
Figure 4 Cricothyroïdo- relève 28 intubations urgentes dans une série de 114 plaies
tomie : troisième temps. Main cervicales : l’intubation par voie orotrachéale est facile une fois sur
gauche toujours en place, on deux, se réalise au travers de la plaie une fois sur quatre et la
agrandit l’incision au doigt
ou à la pince de Kelly. On in-
cricothyroïdotomie est nécessaire une fois sur quatre ; [13] chez
troduit une sonde d’intuba- 58 patients, Mandavia note deux trachéotomies de sauvetage, mais
tion à ballonnet n° 5 ou 6. 44 intubations faciles par voie orotrachéale, alors que sur
12 tentatives par fibroscopie, trois échecs sont résolus par
l’intubation orotrachéale conventionnelle ! [22] Toutefois, Desjardins,
au Ryder Trauma Center de Miami, propose une approche
différente : [11] estimant qu’il est difficile de prédire chez les blessés
les plus urgents si les voies aériennes sont intactes, il craint qu’une
intubation classique ou une cricothyrotomie n’aggravent les lésions ;
son équipe réalise l’intubation orotrachéale sous laryngoscopie et
fibroscopie laryngée : l’opérateur expose la glotte de la main gauche
au laryngoscope et guide de la main droite l’extrémité distale du
fibroscope, en visualisant glotte et trachée sur un moniteur couleur ;
l’extrémité proximale du fibroscope, sur laquelle est enfilée la sonde
d’intubation, est maintenue par un aide ; un second effectue la
manœuvre de Sellick et un troisième assure la rectitude cervicale ;
cette méthode permet d’identifier d’éventuelles lésions sur grand
écran, de les montrer au chirurgien et de placer le ballonnet de la
Si le malade est agité, hypoxique ou collapsique, l’intubation sonde en aval de celles-ci ; le fibroscope choisi doit avoir un
orotrachéale s’impose aussitôt ; elle peut cependant être gênée par important canal opérateur (= 5 mm), capable d’aspirer une
un trismus ou un saignement très abondant : on ne doit alors surtout hémorragie éventuelle. La sophistication de la méthode n’est
pas tenter une intubation nasale, excellent moyen pour aggraver qu’apparente : réalisée en routine en chirurgie réglée, elle est donc
l’agitation et le saignement… Il ne faut pas non plus tenter un facile à utiliser en urgence ! Séduisante pour un centre
cathétérisme transtrachéal au risque de favoriser l’aspiration de sang traumatologique, elle s’applique cependant mal au praticien
et souvent de rater la ponction. Il vaut mieux décider une occasionnellement confronté à cette pathologie très spécifique, pour
cricothyroïdotomie immédiate. Une fois la situation stabilisée, une laquelle la méthode développée plus haut est encore la plus sûre.
trachéotomie chirurgicale est réalisée classiquement avec une sonde
d’un calibre suffisant pour permettre une fibroscopie
trachéobronchique. Problèmes chirurgicaux
Si le malade est conscient, encore coopératif, mais avec un
hématome cervical important, un saignement oropharyngé et un Toute lésion carotidienne identifiée sans conséquence neurologique
stridor ou un enrouement, le risque d’obstruction aiguë existe à tout est classiquement réparée. Demetriades est moins affirmatif : [8] il
moment. On ne doit plus le laisser seul, même quelques minutes ; s’est contenté de surveiller, sous anticoagulants, une occlusion de la
on ne doit pas tenter de régler ce problème dans le service des carotide interne intracrânienne, deux petits anévrismes et deux
urgences ; on doit encore moins le laisser s’éloigner pour réaliser lésions intimales minimes de la carotide commune. Le vrai problème
une imagerie, même accompagné par un réanimateur ! Il faut au se pose en fait lorsque les lésions carotidiennes accompagnent une
contraire, le garder assis ou demi-assis si la pression artérielle le altération de la conscience ; il n’est pas toujours simple d’apprécier
permet, avec de l’oxygène pur au masque ; on pratique un simple la part d’une intoxication associée, des effets de l’insuffisance
cliché antéropostérieur et latéral du cou pour apprécier la circulatoire ou des conséquences ischémiques cérébrales. Dans ce
déformation laryngotrachéale ; on donne au blessé une canule pour dernier cas, la restauration du flux pourrait être la cause d’un
aspirer lui-même sa cavité buccale et on le conduit au bloc ramollissement hémorragique pire que l’ischémie initiale.
opératoire : le malade reçoit des sédatifs à dose suffisante pour Cependant, les expériences de plusieurs auteurs concordent [25, 28]
réduire l’anxiété, la douleur et l’agitation mais en prenant garde à pour observer un pronostic fonctionnel et vital bien plus mauvais

4
Urgences Urgence devant une plaie cervicale 24-002-A-20

après ligature simple de la carotide. Il est plutôt recommandé de La réparation des plaies aérodigestives est habituellement réalisée
réaliser la réparation vasculaire carotidienne malgré la présence d’un par l’abord classique le long du bord antérieur du sterno-cléido-
déficit, sauf en cas de coma profond (Glasgow coma scale : GCS < 9). mastoïdien ; cependant, les atteintes basses de la trachée sont mieux
Si la lésion est inaccessible (base du crâne, portion intrapétreuse), contrôlées par sternotomie médiane. La plupart des lésions sont
D’Alise puis Rostomily ont montré la faisabilité et la perméabilité à accessibles à une réparation directe sans trachéotomie ; celle-ci reste
long terme d’une dérivation par greffon veineux à destination de indispensable en cas de perte de substance importante, nécessitant
l’artère cérébrale moyenne. [6, 26] Les lésions sous-clavières sont une plastie protégée par un enrobage musculaire. À la fin de toutes
également d’accès difficile : il faut ajouter à l’abord supraclaviculaire ces interventions sur les voies aérodigestives, il est opportun de
une sternotomie médiane pour contrôler le vaisseau en amont. réaliser une fibroscopie de toilette bronchique, tant est constante
Cependant, le traitement de pseudoanévrismes ou de fistules l’inhalation d’un volume notable de sang. [10]
artérioveineuses sous-clavières est également réalisable par voie
endovasculaire, [29] de même que les lésions des artères vertébrales. [4] Conclusion
Sauf exploration chirurgicale urgente par ailleurs, il n’est pas Toute plaie cervicale n’est pas une indication opératoire
indispensable de fixer les fractures du rachis le plus tôt possible formelle…Toute plaie cervicale non opérée ne requiert pas un
dans l’espoir d’améliorer le pourcentage de récupération traitement actif… Mais, toute plaie peu symptomatique à l’arrivée doit
fonctionnelle médullaire ; en l’absence d’esquilles, d’éclats ou faire l’objet d’un protocole d’évaluation lésionnelle, explorant, dans
d’hématomes comprimant la moelle, les dégâts osseux peuvent être l’ordre, les vaisseaux, puis le rachis et la moelle, ensuite l’œsophage et
réparés « à froid » dans les 72 heures. [5] les voies aériennes.

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5
¶ 25-110-D-10

Vertiges en urgence
M. Toupet, C. Van Nechel

Une personne sur deux a fait ou fera l’expérience d’un vertige et une sur sept d’une grande crise de vertige
ou de déséquilibre aigu. Cette éventualité représente 5 % de la clientèle d’un médecin généraliste. Dans
37 %, les spécialistes sont consultés, dans 2 % des cas une cause grave, mettant en jeu le pronostic vital
est retrouvée : accident ischémique cérébral embolique, par dissection d’une artère vertébrale ou du tronc
basilaire, affectant surtout la fosse postérieure. Les accidents aéroemboliques au cours de plongée avec
bouteille touchent plus électivement l’oreille interne mais peuvent s’associer à de graves atteintes
médullaires. En fait, les vertigineux qui sont amenés aux urgences présentent en grande majorité des
vertiges positionnels paroxystiques bénins (35 %), des premières manifestations de maladies de Ménière
(6 %), des névrites vestibulaires (6 %) ; plus rarement des fractures du rocher, ou des complications
infectieuses avec la rare et grave labyrinthite infectieuse. Savoir faire le diagnostic d’accident ischémique
de la fosse postérieure et avoir quelques orientations thérapeutiques judicieuses pour chacune des
grandes causes de vertiges sont l’essentiel à retenir pour le médecin urgentiste.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Vertige ; Déséquilibre aigu ; Dissection d’une artère vertébrale ; Dissection du tronc basilaire ;
Accident ischémique de la fosse postérieure ; Accident aéroembolique ; Vertige positionnel paroxystique
bénin ; Maladie de Ménière ; Névrite vestibulaire ; Fracture du rocher ; Labyrinthite infectieuse

Plan ■ Introduction
¶ Introduction 1 Le vertige, c’est voir tout tourner devant soi. Il est toujours
la conséquence d’une perturbation du système vestibulaire, qui
¶ Rappel d’anatomie et de physiologie 2
se trompe dans l’estimation réelle du mouvement.
Organe labyrinthique périphérique 2
Système visuel 2
Le vertige est un symptôme d’une très grande banalité. Une
Système proprioceptif 3 personne sur sept l’aurait ressenti au moins une fois dans sa vie,
Intégration multisensorielle 3 et ce serait le troisième symptôme de consultation d’un méde-
cin généraliste après les fièvres et les céphalées, avant les
¶ Physiopathologie 3 gastralgies et les douleurs lombaires.
Trois aspects de la physiopathologie des syndromes
Le syndrome vertigineux aigu fait partie des dix premiers
labyrinthiques aigus 3
diagnostics effectués aux urgences hospitalières.
¶ Sémiologie 4 Le vertige comme plainte principale représentait 1490 consul-
Vertige 4 tations au centre des urgences de l’hôpital général de Lisbonne,
Examen clinique de la fonction vestibulaire 4 parmi les 159 606 patients reçus pendant l’année 1993, soit
Symptômes et signes cliniques non vestibulaires associés 1 % ; [44] 30 % des cas n’ont vu que le médecin d’urgence, 60 %
aux vertiges 7 des cas sont repartis sans diagnostic.
¶ Syndromes vertigineux à risque 8 En France, dans le cadre de la grande garde ORL adulte de
Accidents vasculaires de la fosse postérieure 8 l’hôpital Lariboisière, sur 20 563 patients examinés en urgence,
Syndromes vertigineux aigus au cours de la plongée 724 cas de vertiges ont été observés soit 4 % des l’ensemble des
sous-marine : vestibulopathies dysbariques 11 consultants. [25, 42]
Labyrinthite infectieuse 12 En clientèle de ville, le médecin généraliste [40] reçoit en
¶ Autres vertiges 12 moyenne cinq patients par semaine, soit 5 % de sa clientèle
Névrite vestibulaire 12 pour vertige (2 %) et déséquilibre (3 %). Il traite seul le
Maladie de Ménière 13 problème, sans faire appel aux spécialistes, dans 63 % des cas.
Migraine avec vertiges 14 Dans 67 % des cas, l’importance des symptômes, dans 58 % des
Vertige positionnel paroxystique bénin 15 cas la durée des vertiges, ou la récidive motivent son recours
Vertige alcoolique 16 aux spécialistes, souvent en urgence. [40] C’est pourtant un
Faux vertiges 16 diagnostic complexe qui implique des examens complémentai-
Erreurs diagnostiques 16 res raffinés qui débouchent sur des solutions thérapeutiques
Erreurs thérapeutiques 16 nouvelles et efficaces.

Médecine d’urgence 1
25-110-D-10 ¶ Vertiges en urgence

“ Points forts
Où est l’urgence dans les syndromes vertigineux aigus ?
• Pour le patient
• Le vertige est un symptôme affolant, surtout la première fois. Bien des patients s’imaginent mourir, faire un infarctus du
myocarde ou un accident vasculaire cérébral. On comprend donc l’inquiétude de leur entourage qui appelle un médecin en
urgence.
• Pour le médecin
• Il est important de reconnaître les vraies urgences :
• les accidents vasculaires du tronc cérébral. L’urgence des accidents ischémiques du tronc cérébral, dont le syndrome de
Wallenberg n’est qu’une expression clinique, est justifiée par la nécessité de réaliser rapidement un bilan étiologique, et par la
présence éventuelle de troubles aigus de la déglutition ou de troubles cardiorespiratoires. Les accidents hémorragiques du cervelet
imposent une hospitalisation en milieu neurochirurgical en raison du risque d’œdème de la fosse postérieure avec compression
du tronc cérébral. Le traumatisme crânien et la fracture du rocher sont également des urgences qui nécessitent une
hospitalisation ;
• la labyrinthite infectieuse est une complication rare et grave des otites chroniques. Il faut la traiter par antibiotiques et anti-
inflammatoires ;l’accident de plongée en bouteille est une circonstance très particulière, il comprend :
C l’aéroembolisme : la bulle dans les artères terminales de l’oreille interne dont le traitement d’urgence est le caisson hyperbare ;
C le barotraumatisme, blessure de la chaîne tympano-ossiculaire, traité par anti-inflammatoires et antibiotiques, qui peut cacher une
fistule labyrinthique, dont le traitement est l’immobilité absolue au lit, puis souvent le colmatage chirurgical de la brèche
labyrinthique.

En fait, bien plus fréquemment, le médecin sera appelé, à


tort, en urgence pour une affection pénible mais heureusement
sans gravité, comme le vertige positionnel paroxystique bénin,
ou pour une première crise de maladie de Ménière ou de
migraine avec vertige.
Certains patients vertigineux sont reçus aux urgences d’un
centre hospitalier dans un cadre beaucoup plus général de
traumatisme crânien avec fracture du rocher. D’autres patients
en surcharge alcoolique, présentent des vertiges de position
dont le diagnostic neurologique est facile, et d’autres encore
présentent de faux vertiges : le malaise vagal, le malaise
lipothymique, l’hypoglycémie, l’épilepsie, les attaques de
panique, le vertige dû à une « crise de foie » ou à un autre
problème digestif, ou les syndromes vertigineux aigus mis à tort
en relation avec un problème cervical. [6, 35, 36]

■ Rappel d’anatomie
et de physiologie
Le système vestibulaire est formé de l’organe labyrinthique
périphérique, des noyaux vestibulaires bulbaires, du vestibulo-
cérébellum et des projections corticales. Les structures vestibu- Figure 1. Représentation schématique de l’oreille interne. 1. Sac endo-
laires centrales sont le lieu de confluences d’informations lymphatique ; 2. aqueduc vestibulaire ; 3. canal endolymphatique ;
visuelles et proprioceptives. 4. canal semi-circulaire postérieur ; 5. crus commun ; 6. utricule ;
7. ampoule du canal semi-circulaire ; 8. étrier dans la fenêtre ovale ;
9. fenêtre ronde ; 10. aqueduc cochléaire ; 11. rampe tympanique,
Organe labyrinthique périphérique 12. liquide céphalorachidien ; 13. canal semi-circulaire latéral ; 14. canal
Il est constitué de capteurs d’accélération dans l’oreille semi-circulaire supérieur ; 15. ampoule du canal semi-circulaire supé-
interne (Fig. 1) : trois canaux semi-circulaires mesurant les rieur ; 16. macule utriculaire ; 17. espace périlymphatique ; 18. saccule ;
accélérations angulaires dans les trois plans de l’espace, et le 19. rampe vestibulaire ; 20. canal cochléaire.
système otolithique (utricule et saccule), mesurant les accéléra-
tions linéaires dans tous les plans de l’espace. Les macules
utriculaire et sacculaire sensibles aux accélérations linéaires (les provoquent les mouvements de la tête. Du fait de la forme
translations et la pesanteur), sont des récepteurs de position. quasi circulaire des canaux, elle est sensible aux accélérations
Elles sont constituées par l’association de petits cristaux de angulaires de toutes les rotations de la tête. C’est un récepteur
carbonate de calcium, les otolithes ou les otoconies, englobés de mouvement, un accéléromètre angulaire.
dans une masse gélatineuse, formant un bloc reposant sur les
cellules ciliées de l’épithélium sensoriel de la macule utriculaire. Système visuel
C’est un récepteur de mouvement, un accéléromètre linéaire. La
cupule des canaux semi-circulaires est un ballonnet de mucopo- La vision contribue au contrôle postural, non seulement par
lysaccharides dans lequel sont englués les longs kinocils des la détection d’obstacle mais surtout par la capacité d’extraire du
cellules ciliées. La cupule se laisse déformer par les variations de champ visuel des informations utiles à la définition des orien-
pressions engendrées par les mouvements liquidiens que tations verticales et horizontales. Elle peut également informer

2 Médecine d’urgence
Vertiges en urgence ¶ 25-110-D-10

le sujet de sa stabilité en analysant les déplacements sur la particulier. Ces altérations aboutissent à la désagrégation des
rétine d’images d’objets fixes, ou sur la base des mouvements otolithes dont les fragments, en suspension dans les liquides de
oculaires à réaliser pour stabiliser l’image de ceux-ci. Ces l’oreille interne, se déposent sur la cupule ou dans les canaux
informations visuelles de mouvement sont projetées sur les semi-circulaires. Les canaux semi-circulaires se mettent à
noyaux vestibulaires par les voies visuelles accessoires. fonctionner non plus comme des récepteurs de mouvement,
mais comme des récepteurs de position et deviennent alors
sensibles à la pesanteur : c’est ainsi que naît le vertige rotatoire
Système proprioceptif du vertige positionnel paroxystique bénin ou la canalolithiase :
otolithes mobiles dans l’endolymphe du canal semi-circulaire
Il informe le système nerveux central sur les mouvements postérieur.
effectués par notre corps, actifs ou passifs, et de la position
relative des différents segments du corps par différents récep-
teurs musculaires, tendineux et articulaires. Physiopathologie des liquides labyrinthiques
de la maladie de Ménière
Le labyrinthe membraneux est suspendu dans la périlymphe
Intégration multisensorielle qui le sépare du labyrinthe osseux. Il est constitué de tuyaux
Le tronc cérébral, le cervelet et plusieurs zones du cortex qui communiquent entre eux formant un système clos rempli
cérébral ont une place déterminante dans l’équilibration en tant d’endolymphe (Fig. 1). On distingue :
que lieux d’intégration des différentes modalités sensorielles et • le labyrinthe antérieur ou canal cochléaire (avec l’organe de
d’élaboration de la commande motrice. Corti), organe de l’audition ;
Une convergence multisensorielle sur les noyaux vestibulaires • le labyrinthe postérieur, organe de l’équilibre, comprenant les
du bulbe, contrôlée par le cervelet et l’olive bulbaire, permet canaux semi-circulaires (avec leur cupule), l’utricule et le
une estimation des mouvements du corps et de l’environne- saccule (avec les macules utriculaire et sacculaire), auquel est
ment visuel. rattaché le système endolymphatique : sac endolymphatique,
Toutes les informations provenant des récepteurs des labyrin- canal endolymphatique, canaux utriculaire et sacculaire.
thes, de la rétine périphérique, des muscles du cou et des autres La maladie de Ménière est due à un hydrops idiopathique, c’est-
muscles antigravitaires convergent vers les noyaux vestibulaires à-dire une hyperpression, une dilatation ou une distension du
où les informations sont analysées et comparées. labyrinthe membraneux. L’hydrops endolymphatique a été
Les noyaux vestibulaires projettent : retrouvé sur les rochers de patients décédés porteurs d’une
• sur les noyaux oculomoteurs à l’origine des réflexes vestibulo- maladie de Ménière. Il débute au niveau de l’apex du canal
oculaires, permettant un déplacement adapté de l’œil afin de cochléaire, expliquant l’atteinte auditive sur les fréquences
maintenir la vision stable lors du mouvement : c’est la phase graves au début, atteint tout le canal cochléaire puis le saccule
lente du nystagmus ; et force la valvule utriculo-endolymphatique s’étendant alors à
• sur des neurones spinaux, à l’origine des réflexes vestibulos- l’utricule et aux canaux semi-circulaires.
pinaux assurant les ajustements musculaires posturaux De nombreuses théories tentent d’expliquer cet hydrops. La
nécessaires au maintien de l’équilibre à la marche ou lors des plus probable est que l’hydrops relèverait d’une insuffisance de
différents mouvements ; réabsorption de l’endolymphe par le sac endolymphatique.
• sur le thalamus et le cortex où naît la sensation de position L’atteinte du sac endolymphatique serait d’origine diverse :
dans l’espace, et de mouvement. auto-immune, embryopathique, infectieuse, génétique, voire
Les voies vestibulo-oculaires sont sous contrôle cérébelleux. Lors traumatique. L’hypothèse physique est la plus probable pour
des mouvements du sujet ou de l’environnement, l’équilibre expliquer les symptômes de la crise dans la maladie de Ménière.
résulte de réflexes posturaux adaptés et d’une bonne coordina- L’augmentation de pression due à l’hydrops endolymphatique
tion œil-tête pour que l’image visuelle reste stable. Cette retentit sur la membrane basilaire (sur laquelle repose l’organe
adaptation est sous le contrôle du flocculus cérébelleux. de Corti), soit en altérant ses propriétés élastiques, soit par un
effet de masse sur le canal cochléaire, soit les deux. Au début de
la maladie, quand les membranes de Reissner et basilaire,
■ Physiopathologie conservent leurs propriétés élastiques, l’augmentation de
volume endolymphatique ne sera perçue qu’à l’endroit où elles
L’équilibre résulte du fonctionnement harmonieux de ces sont les plus souples, donc à l’apex, expliquant au début
trois systèmes : vestibulaire, visuel et proprioceptif. l’atteinte des fréquences graves. Quand les membranes ont
Quand un de ces systèmes est lésé, l’équilibre du sujet peut perdu leur élasticité, l’augmentation de volume affecte les
être compromis dans des conditions spécifiques. Ainsi, en qualités vibratoires du canal cochléaire sur toute sa longueur
l’absence d’information proprioceptive ou vestibulaire, le sujet rendant compte de l’atteinte des fréquences aiguës et de
aura beaucoup de mal à se tenir debout dans l’obscurité. l’installation d’une surdité en plateau. Les mêmes mécanismes
L’atteinte uni- ou bilatérale du système vestibulaire provoque s’appliqueraient au niveau vestibulaire.
une sensation de mouvement : le vertige. On observera à
l’examen clinique, en cas d’asymétrie de fonctionnement entre Compensation vestibulaire centrale
les composantes vestibulaires, un mouvement anormal des yeux par neuroplasticité
(nystagmus pathologique) [10] et un déplacement anormal du
corps (déviation des index, déviation au test de Romberg, La compensation vestibulaire centrale est la disparition à la
déviation de la marche aveugle). fois des symptômes : vertiges et troubles de l’équilibre, et des
signes cliniques : nystagmus et déviations segmentaires, alors
que le déficit vestibulaire périphérique persiste.
Trois aspects de la physiopathologie Le déséquilibre, témoin du déficit vestibulaire, diminue
des syndromes labyrinthiques aigus progressivement pour disparaître complètement ainsi que le
nystagmus et les déviations segmentaires. Cette disparition des
signes résulte soit d’une guérison avec restitution d’une activité
Physiopathologie des otolithes dans le vertige
vestibulaire normale, soit d’une compensation : le déficit
positionnel paroxystique bénin vestibulaire persiste mais une adaptation, une nouvelle stratégie
Les otolithes peuvent être soumis à de multiples agressions : centrale s’est mise en route.
les traumatismes crâniens, certains traitements médicamenteux, Dans un premier temps, le cervelet exerce une inhibition du
notamment les aminosides, les atteintes vasculaires de l’oreille vestibule sain, probablement pour diminuer la différence
interne, et des troubles hormonaux du métabolisme calcique en d’activité entre les deux vestibules.

Médecine d’urgence 3
25-110-D-10 ¶ Vertiges en urgence

Déficit vestibulaire Figure 2. Les réflexes vestibulo-oculaires ho-


III rizontaux sont organisés au niveau de la protu-
DS
prédominant dans :
bérance tandis que le niveau mésencéphalique
IV GO contient les structures oculomotrices responsa-
bles des mouvements verticaux et torsionnels.
CH : canaux horizontaux, CP : canaux posté-
rieurs, CA : canaux antérieurs, FLM : faisceau
BC Plan frontal (roll) longitudinal médian, BC : brachium conjoncti-
Plan sagittal (pitch) vum, GO : muscle grand oblique, DS : muscle
droit supérieur ; DE : muscle droit externe.

FLM

VI
DE
Plan horizontal (yaw)
CA Plan frontal (roll)
CP Plan sagittal (pitch)
CH

Dans un second temps, on observe une réorganisation des


afférences des noyaux vestibulaires avec mise en jeu de circuits
■ Sémiologie
de suppléance et de mécanismes de substitution sensorielle. Les L’interrogatoire minutieux (Tableau 1) est le temps essentiel
informations provenant du vestibule sain, des récepteurs de l’examen, même en urgence. Il permet la plupart du temps
proprioceptifs, (surtout le cou) et de la rétine périphérique sont de faire déjà une bonne orientation diagnostique.
alors essentielles. Cette compensation vestibulaire est d’autant
plus efficace que le sujet est jeune avec une plasticité neuronale Vertige
optimale et qu’il est motivé pour participer activement à la
rééducation. [8, 15, 23, 27] Le vertige traduit un dysfonctionnement unilatéral, aigu,
brutal du système vestibulaire. Le plus souvent, la lésion
Physiopathologie des voies vestibulaires centrales vestibulaire périphérique intéresse les canaux semi-circulaires ;
plus rarement, elle atteint les voies vestibulaires centrales (les
Au niveau du tronc cérébral, les mouvements oculaires
noyaux vestibulaires bulbaires, le cervelet et les voies
horizontaux sont essentiellement organisés au niveau de la
sustentorielles).
protubérance. C’est à ce niveau que l’on trouvera le noyau du
Il peut s’agir d’un vertige vrai très bref, de quelques secondes,
nerf oculomoteur externe (VI), point de départ de la stimulation
toujours moins d’une minute, évoluant comme une vague, avec
du muscle droit externe, abducteur de l’œil ipsilatéral, et de la
une latence, un maximum, un paroxysme, bien souvent posi-
voie ascendante (faisceau longitudinal médian [FLM]) qui
tionnel, atteignant plus d’un vertigineux sur trois : c’est le
stimule les motoneurones du muscle droit interne au niveau du
vertige positionnel paroxystique bénin. Un vertige vrai très bref,
noyau du nerf oculomoteur commun controlatéral (adduction
positionnel, traduit un problème mécanique vestibulaire ou
de l’œil controlatéral). Les noyaux oculomoteurs responsables
hémodynamique : déplacement d’otolithes, fistule labyrinthi-
des mouvements oculaires verticaux et torsionnels sont en
que, malformation d’Arnold-Chiari, hypotension orthostatique.
revanche situés plus hauts dans le tronc, au niveau du
Sans facteur positionnel, on pensera aux vertiges migraineux ou
mésencéphale. Les voies impliquées dans les réflexes vestibulo-
aux accidents ischémiques transitoires dans le territoire
oculaires verticaux vont dès lors remonter dans le tronc cérébral
vertébrobasilaire.
depuis le bulbe jusqu’au mésencéphale (Fig. 2). Ces voies sont
Parfois le vertige peut durer d’un quart d’heure à une ou deux
de plus distinctes pour les informations issues des canaux
heures, s’accompagnant de bourdonnements d’oreille, d’une
verticaux antérieurs et postérieurs, respectivement inductrices de
surdité unilatérale, d’une sensation de plénitude d’oreille : c’est
déviations lentes des yeux vers le haut et vers le bas. Il en
la bien classique et célèbre maladie de Ménière et ses nombreux
résulte donc que les nystagmus d’origine centrale en relation
diagnostics différentiels qu’on a pu appeler, de façon
avec des lésions situées à l’entrée des voies vestibulaires dans le
aujourd’hui démodée, les syndromes meniériformes : « delayed
tronc cérébral (niveau bulboprotubérantiel), touchant les voies
vertigo », vertige prémenstruel, syndrome de Lermoyez, vestibu-
issues des trois canaux semi-circulaires ipsilatéraux, auront une
.

lopathie récurrente, migraine avec vertiges.


direction le plus souvent horizontorotatoire par annulation des
Enfin, il peut s’agir d’un très grand vertige rotatoire qui dure
effets verticaux opposés des canaux verticaux, tandis que les
plusieurs jours pour lequel on évoque une névrite vestibulaire,
lésions situées plus haut dans le tronc cérébral induiront le plus
.

une labyrinthite, une fracture du rocher, mais aussi un accident


souvent un nystagmus à composante verticale ou torsionnelle.
ischémique de la fosse postérieure.
Un nystagmus non positionnel, purement vertical supérieur ou
inférieur est donc le plus probablement en relation avec une
lésion du tronc cérébral.
Examen clinique de la fonction vestibulaire
L’atteinte des voies otolithiques centrales induit un syn- Quelques instruments tels un otoscope, un diapason et une
drome totalement différent de l’atteinte des voies canalaires. Il paire de lunettes de Frenzel, ou une vidéonystagmoscopie
ne comporte pas de nystagmus mais un désalignement ocu- infrarouge (matériel qui devrait être disponible dans un service
laire vertical avec une torsion oculaire (rotation des yeux d’urgences), une lampe sont utiles pour examiner un patient en
autour de leur axe optique), une déviation de la verticale crise aiguë de vertige.
visuelle subjective, une inclinaison de la tête vers l’œil le plus Quelques gestes cliniques à visée diagnostique forment la
bas et une tendance à la chute latérale également de ce côté. base.
Ce syndrome résulte d’une lésion bulboprotubérantielle
ipsilatérale à l’œil le plus bas ou controlatérale à cet œil Nystagmus
lorsque la lésion est située au niveau du mésencéphale ou Le nystagmus est un mouvement rythmé, de va-et-vient,
sous-thalamique. synchrone des deux yeux, composé d’une phase lente et d’un

4 Médecine d’urgence
Vertiges en urgence ¶ 25-110-D-10

Tableau 1.
Éléments de l’interrogatoire qui orientent le diagnostic d’un syndrome vertigineux aigu en urgence.
Syndrome de Wallenberg Vertige inaugural, sans antécédent, sans facteur favorisant.
Accident ischémique cérébelleux
Accident de plongée par aéroembolisme Vertige après la plongée en bouteille depuis la remontée jusqu’à 24 heures après.
Accident de plongée par barotraumatisme Vertige pendant la plongée, en apnée ou en bouteille, le plus souvent à la descente des premières plongées.
Labyrinthite infectieuse Dans un contexte d’otite chronique, uni- ou bilatérale, en poussée inflammatoire avec écoulement.
Fracture translabyrinthique Antécédent immédiat ou récent de traumatisme crânien, ou de traumatisme de l’oreille : blast par gifle, bal-
lon.
Névrite vestibulaire virale Vertige inaugural, pas d’antécédent, possible épisode infectieux 1 à 2 semaines auparavant, notion de petite
épidémie saisonnière.
Maladie de Ménière Généralement antécédent de crise de vertiges avec acouphène et surdité unilatéraux, mais possible crise inau-
gurale.
Migraine avec vertiges Antécédents de céphalées en hémicrânie pulsatile, avec ou sans prodromes neurologiques.
Vertige positionnel paroxystique bénin Généralement vertige inaugural, possible antécédent de crises identiques, même anciennes, possible antécé-
dent récent de traumatisme crânien.
Vertige et alcoolisme aigu Contexte évident.
Malaise vagal, hypotension orthostatique Antécédents identiques fréquents.
Hypoglycémie du diabétique Notion même de diabète.
Vertige épileptique Antécédents identiques fréquents.

est défini par la direction du mouvement rapide. L’examen sera

“ Petit matériel nécessaire


fait soit sous lunettes de Frenzel (lunettes éclairantes et grossis-
santes de 20 dioptries), qui troublent la vision du patient et
annulent la possibilité d’inhiber un nystagmus vestibulaire
pour le diagnostic périphérique par la fixation oculaire, soit au moyen d’un
d’un syndrome vertigineux aigu masque de vidéonystagmoscopie opaque à la lumière et équipé
d’une petite caméra infrarouge qui permet de visionner sur un
écran les mouvements oculaires.
• Un otoscope.
Les nystagmus associés à une pathologie vestibulaire présen-
• Un diapason de 250 Hz.
tent le plus souvent un caractère unidirectionnel, c’est-à-dire
• Une paire de lunettes de Frenzel.
qu’ils battent dans la même direction dans toutes les positions
• Une petite lampe.
du regard où ils sont présents. Il est important, à ce stade,
d’évaluer le nystagmus sans changer la position du patient qui
sera préférentiellement assis. Les changements de position du
patient peuvent modifier la direction du nystagmus et seront
abordés plus loin.
“ Gestes de la stratégie Les nystagmus non positionels en relation avec les lésions
labyrinthiques des nerfs vestibulaires ou des lésions situées
du diagnostic en urgence immédiatement à l’entrée des voies vestibulaires dans le tronc
cérébral seront le plus souvent horizontorotatoires, battant vers
d’un syndrome vertigineux aigu le côté sain.
Le nystagmus vertical inférieur, battant vers le bas (down-beat
• 1. Examen otoscopique des deux tympans. nystagmus) [2, 3] est souvent plus marqué dans le regard latéral
• 2. Examen de l’audition au diapason. et vers le bas ou lorsque la tête est en extension. Il résulte d’une
• 3. Recherche d’un nystagmus spontané sous lunettes perte de l’inhibition de l’arc réflexe issu des canaux semi-
de Frenzel. circulaires antérieurs ou d’une lésion de l’arc réflexe né des
• 4. Recherche d’une déviation corporelle (Romberg, canaux postérieurs. Les lésions sont à rechercher dans la région
marche, index, etc.). du flocculus cérébelleux (notamment les malformations
• 5. Recherche d’un nystagmus et d’un vertige de d’Arnold-Chiari), du plancher du IVe ventricule entre les noyaux
position. vestibulaires et, plus rarement, au niveau mésencéphalique.
• 6. Recherche d’un désalignement oculaire. Plusieurs interférences médicamenteuses peuvent provoquer ce
• 7. Examen de la poursuite oculaire. nystagmus (carbamazépine, diphantoïne, lithium), le toluène et
• 8. Recherche d’un nystagmus du type central (regard les carences en vitamine B12. Ce nystagmus est, exceptionnel-
excentré et nystagmus verticaux). lement, congénital ou transitoire chez de jeunes enfants par
• 9. Test de fixation oculaire. ailleurs en parfaite santé. L’étiologie reste inconnue dans
• 10. Examen des saccades oculaires. environ 22 % des cas. Les agonistes GABA (clonazépam et
• 11. Examen des paires crâniennes. baclofène) peuvent réduire ce nystagmus.
• 12. Recherche de signes cérébelleux. Le nystagmus vertical supérieur, battant vers le haut (up-beat
nystagmus) [11] prédomine dans le regard vers le haut et la tête
• 13. Recherche d’une hypotension orthostatique.
droite en position assise. Son amplitude peut être augmentée ou
diminuée en position couchée, ce qui traduit probablement une
modulation par le système otolithique. Il est provoqué par une
lésion du réflexe vestibulo-oculaire issu des canaux semi-
retour rapide, qui peut battre dans tous les plans : horizontal, circulaires antérieurs au niveau de la jonction bulboprotubéran-
vertical [1-3] ou torsionnel. En conditions normales, le mouve- tielle, pontomésencéphalique ou du vermis cérébelleux. Il est
ment lent est adapté à la stabilisation de l’image. Le nystagmus présent lors de la prise de nombreux antiépileptiques. Les

Médecine d’urgence 5
25-110-D-10 ¶ Vertiges en urgence

Figure 4. Test de piétinement aveugle de


Fukuda. Le sujet piétine sur place de 50 pas en
levant les genoux à 45° au rythme de un pas par
seconde. On note la déviation et l’angle de rota-
tion, ici 90° à gauche, ainsi que le parcours de
déviation, ici 1 mètre et l’angle effectué, ici 20° sur
la gauche.

centrale, en bonne voie de compensation. Il faudra alors noter


la direction de la phase rapide du nystagmus ainsi obtenu qui,
en cas de lésion périphérique, indique le côté sain.
Signe de Halmagyi
Des deux mains, on fait tourner rapidement la tête du patient
sur la droite et sur la gauche pendant qu’on lui demande de
nous regarder dans un œil. Pendant ce mouvement rapide de la
tête, les yeux du patient sont fixés sur leur cible visuelle sans
qu’apparaisse de saccade oculaire de refixation. En cas de déficit
vestibulaire, droit par exemple, la rotation de la tête sur la
droite entraîne l’apparition de petites saccades de refixation vers
la gauche pour maintenir le regard du patient dans la cible
choisie. Dans le mouvement en sens contraire, on ne constate
Figure 3. Recherche d’un nystagmus spontané sous lunettes de Fren- pas de saccade de refixation. Cette anomalie correspond à la
zel, avant puis après secouage rapide de la tête, dans le plan horizontal stimulation du canal semi-circulaire unique gauche, celui du
pendant 10 à 20 secondes. côté sain qui fait apparaître l’asymétrie de fonctionnement bien
connue depuis plus de 100 ans, grâce à la première description
agonistes GABA (clonazépam et baclofène) peuvent également d’Ewald. Cette asymétrie apparaît pour des accélérations de
être efficaces. 100/s2, ce qui est facilement obtenu cliniquement. [12, 28]
Ces nystagmus verticaux, tant supérieur qu’inférieur, peuvent
Test de piétinement aveugle
s’inverser, régresser, s’amplifier ou même être révélés, lors
d’effort de convergence. Ce test, également appelé test de Fukuda ou test de Unterber-
Les nystagmus purement rotatoires sont consécutifs à une ger consiste à demander au sujet de piétiner sur place, au
atteinte partielle des entrées vestibulaires dans le tronc cérébral rythme de un pas par seconde, en levant le genou de 45°
ou à une lésion des voies des réflexes vestibulo-oculaires issues environ, les bras tendus en avant. Là encore, on apprécie
des canaux verticaux au-dessus de la protubérance. Dans le surtout les rotations sur place : le « spin ». On peut noter ainsi
premier cas, la lésion porte sur les noyaux vestibulaires médians une déviation latéralisée, mesurée en mètre et en angle effectué
ou supérieurs et la phase rapide du nystagmus est controlatérale par rapport au point de départ (Fig. 4). Pour le praticien appelé
à la lésion. Lorsque la lésion est située plus haut dans le tronc, en urgence, ce test de piétinement est préférable aux classiques
la phase rapide est ipsilatérale à celle-ci. tests de Romberg et des index, car il est plus sensible. [11]

Interactions visuovestibulaires Signes vestibulaires en faveur d’un vertige positionnel


paroxystique bénin
On teste la suppression des nystagmus vestibulaires par la
fixation visuelle. [7, 32] On demande au sujet de se placer coudes Le sujet est assis au milieu d’un divan d’examen, jambes
rapprochés, collés au corps et de tenir des deux mains un stylo pendantes. Une main sur la nuque du patient, l’autre accro-
devant lui à quelque 40 cm de ses yeux. On lui propose de chant son bras (Fig. 5), le praticien couche le patient en
regarder attentivement l’extrémité colorée du stylo que l’on fait décubitus latéral, tête tournée de 30° par rapport à l’horizontale
osciller d’un mouvement gauche-droite (de 1 Hz de fréquence (Fig. 6). Sous lunettes de Frenzel ou à l’examen direct, on notera
et de 30° d’amplitude environ). Pendant cette stimulation, le la possible apparition d’un vertige contemporain d’un nystag-
sujet n’a pas de nystagmus grâce à la fixation visuelle. En cas mus. On précisera la direction du nystagmus, son paroxysme, sa
de pathologie des voies cérébelleuses par exemple, quelques durée (Fig. 3). Le sujet est ensuite remis en position assise. On
nystagmus persistent et battent dans le sens du mouvement apprécie si un nystagmus réapparaît, synchrone ou non d’un
exécuté. vertige, et on note sa direction. Le sujet sera ensuite couché de
l’autre côté, par une même manœuvre symétrique.
« Head shaking test »
Autres signes vestibulaires en faveur d’une atteinte centrale
Le « head shaking nystagmus » est un nystagmus révélé par le
secouage de la tête. Cette manœuvre de sensibilisation peut être Bascules du champ visuel.
effectuée en secouant rapidement la tête du sujet dans le plan Il s’agit d’un symptôme relaté par les patients qui perçoivent
horizontal, puis en lui demandant de regarder droit devant, une rotation souvent de 90 ou 180° des champs visuels des
sous lunettes de Frenzel (Fig. 3) ou vidéonystagmoscopie. Si, deux yeux. Cette rotation peut se faire dans les trois plans de
dans ces conditions, apparaît un petit nystagmus, il peut l’espace. Ces bascules sont habituellement brèves et décrites
traduire une pathologie vestibulaire récente périphérique ou surtout dans les infarctus bulbaires et dans des lésions corticales

6 Médecine d’urgence
Vertiges en urgence ¶ 25-110-D-10

laquelle le patient marche en cercle, et l’épilepsie vestibulogé-


nique qui est une crise d’épilepsie déclenchée par une stimula-
tion vestibulaire, le plus souvent l’épreuve calorique des ORL. Il
faut se rappeler que le nystagmus est fréquemment associé à
d’autres formes de crises épileptiques dont le foyer inclut le
cortex vestibulaire, oculomoteur ou visuel.

Symptômes et signes cliniques


non vestibulaires associés aux vertiges
Audition
Le premier geste de bon sens est de vérifier les conduits
auditifs et l’état des deux tympans. À l’aide d’un diapason de
500 Hz, on testera l’audition, c’est l’acoumétrie. Le son du
diapason est écouté par le praticien, puis immédiatement placé
tout près de chacune des deux oreilles du patient, en lui
demandant s’il entend, et s’il entend mieux d’un côté. On
profitera de l’amortissement progressif de l’intensité du son du
diapason pour tester de façon comparative avec soi-même le
seuil auditif du patient.
Le pied du diapason en vibration est placé sur le relief osseux
rétro-auriculaire, la mastoïde, pour faire entendre le patient par
Figure 5. Manœuvre diagnostique du vertige positionnel paroxystique
voie osseuse, court-circuitant la chaîne tympano-ossiculaire de
bénin. Recherche d’un vertige et nystagmus de position. Le sujet est
l’oreille moyenne. Normalement, on entend moins bien par
d’abord assis sur le divan d’examen. On vérifie qu’il n’y a pas de nystag-
voie osseuse que par voie aérienne (la voie qui passe par le
mus.
tympan et les osselets). Si le patient entend mieux par conduc-
tion osseuse, c’est que la surdité est localisée dans l’oreille
moyenne. Le pied du diapason vibrant est maintenant placé sur
la racine du nez. Le son peut être latéralisé dans une oreille :
dans la meilleure oreille en cas de surdité de perception, atteinte
de la cochlée ou du nerf ; dans l’oreille la plus sourde, en cas
de surdité de transmission.

Céphalées et algies faciales


Une grande vigilance est requise lorsqu’un patient associe des
plaintes de vertiges et de céphalées. C’est en effet dans ce
contexte que l’on trouvera les véritables urgences des syndromes
vestibulaires centraux. Ainsi, les céphalées occipitales, inhabi-
tuelles pour le patient et les douleurs cervicales doivent faire
envisager les diagnostics de lésion expansive de la fosse posté-
rieure par exemple l’hématome du cervelet, particulièrement
chez les sujets anticoagulés, mais aussi la dissection de l’artère
vertébrale ou une décompensation brutale d’une malformation
d’Arnold-Chiari. Ces dernières entravent l’écoulement normal
du liquide céphalorachidien et peuvent induire de rapides
décompensations d’hypertension intracrânienne.
L’association vertiges et migraines sera envisagée plus loin.
Figure 6. Manœuvre diagnostique du vertige positionnel paroxystique Déficits sensitifs de la face
bénin. Le patient est basculé d’un côté, tête tournée de 30° par rapport au
plan horizontal. Dans ces conditions peuvent apparaître un nystagmus et La racine descendante du nerf trijumeau qui véhicule la
un vertige rotatoire. On notera leur délai d’apparition (quelques secondes sensibilité douloureuse de la face descend de la protubérance
en général), la direction du nystagmus, généralement rotatoire géotropi- jusqu’aux premiers niveaux cervicaux, passe à la partie ventrale
que (battant vers le sol), leur paroxysme (atteint en 10 secondes environ) des noyaux vestibulaires, voire plus loin. Les réflexes cornéens
et la durée totale (20 secondes). Puis le patient est remis en position assise et la sensibilité haute de la face seront donc fréquemment
et observé de la même manière. Un nystagmus et un vertige rotatoire atteints dans les lésions latérobulbaires partielles les plus
apparaissent avec les caractéristiques de latence et paroxysme. susceptibles de simuler une atteinte labyrinthique.

Signes cérébelleux
notamment au cours d’épilepsies vestibulaires. Il s’agit d’une
erreur de l’intégration des informations visuelles et otolithiques. L’ataxie par atteinte centrale cérébelleuse présente des
Ces bascules sont rarement présentes dans les déviations de la caractéristiques différentes d’une ataxie par déficits sensitifs.
verticale visuelle subjective [43] car celle-ci est le plus souvent Lors de l’épreuve de Romberg, l’ataxie sensitive induit des pertes
d’origine purement otolithique et a plutôt tendance à être d’équilibre tandis que le déficit cérébelleux entraîne une
corrigée par des informations visuelles correctes. instabilité. La réponse aux poussées brèves est réduite dans les
atteintes cérébelleuses tandis qu’elle est normale en cas de
Épilepsie vestibulaire. déficits sensitifs. La marche est ébrieuse avec des enjambées
Il s’agit de crises de quelques secondes à 1 ou 2 minutes non irrégulières dans l’ataxie cérébelleuse tandis qu’elle présente
positionnelles associées à des vertiges rotatoires ou linéaires, l’aspect typique du steppage avec élévation du genou et des
avec une rotation controlatérale des yeux, de la tête et du corps. enjambées plus régulières dans l’ataxie sensitive. Enfin la
Elles associent souvent des acouphènes, des paresthésies marche talon-pointe est mieux conservée en cas d’ataxie
controlatérales et évoluent fréquemment vers des crises partiel- sensitive tandis que les chutes sont fréquentes dans l’ataxie
les complexes ou secondairement généralisées. Il existe quelques cérébelleuse. Des épreuves de pointage bras tendus vers les
rares formes particulières dont l’épilepsie volvulaire au cours de index de l’examinateur ou un test d’écriture se révèlent plus

Médecine d’urgence 7
25-110-D-10 ¶ Vertiges en urgence

sensibles pour détecter les ataxies des membres supérieurs que Saccades oculaires
la classique épreuve doigt-nez. Ce signe est précieux puisque la
Les saccades oculaires seront examinées à l’aide d’un second
mise en évidence d’une ataxie au niveau des membres supé-
stylo. On demande au sujet de regarder alternativement une
rieurs permet d’affirmer le caractère non vestibulaire de l’ataxie.
cible puis l’autre, de « sauter d’un point à l’autre ». Les deux
Le « gaze nystagmus » est souvent un signe de dysfonctionne-
mires visuelles sont placées à 30° d’espacement et à une
ment cérébelleux, parfois induit par des médicaments (sédatifs,
soixantaine de centimètres du sujet et l’on appréciera la
antiépileptiques, anti-dépresseurs, lithium, etc.).
précision des saccades (normo-, hypo- ou hypermétriques) et la
On demande au sujet de regarder une mire (un point coloré
vitesse d’exécution du mouvement. Des saccades hypermétri-
sur un stylo), dans le regard de face, dans le regard à gauche à
ques, l’anomalie étant synchrone sur les deux yeux, sont
30 ou 40 cm, à 20°, 30° d’excentration du regard, dans le regard
généralement d’origine cérébelleuse. Dans le même test des
à gauche, à droite, en haut puis en bas (en soulevant par le
saccades oculaires, on apprécie la vitesse d’exécution du
pouce et l’index de l’autre main, les paupières afin d’apprécier
mouvement. Si l’œil est ralenti lors des mouvements en adduc-
l’éventuel mouvement oculaire). Jusqu’à cette excentration, chez
tion, on évoquera en premier chef une ophtalmoplégie internu-
le sujet normal, il n’y a pas de nystagmus. À partir de 40°
cléaire uni- ou bilatérale, complète ou non, associée ou non à
commence l’apparition possible d’un nystagmus physiologique.
un nystagmus monoculaire ataxique de Harris sur l’œil en
L’apparition d’un nystagmus dans ces conditions de fixation
abduction. Il s’agit d’une affection du faisceau longitudinal
visuelle, dès 20° d’excentration, battant à gauche dans le regard
médian
à gauche (c’est-à-dire dont la phase rapide est dirigée vers la
gauche) ou à droite dans le regard à droite, ou vertical supérieur Signe de Claude Bernard-Horner
dans le regard en haut et vertical inférieur dans le regard en bas,
traduit généralement, si les deux yeux battent d’une amplitude Une ptôse partielle avec un myosis relatif constitue le signe
égale (nystagmus congruent), une pathologie cérébelleuse. C’est de Claude Bernard-Horner par atteinte des voies orthosympa-
ce qu’on appelle un « gaze nystagmus ». [4, 16, 18, 32] thiques destinées à la pupille et aux muscles palpébraux.
Si le nystagmus est plus ample sur l’œil en abduction ou L’association vertiges et signe de Claude Bernard-Horner peut
n’existe que sur l’œil en abduction, il s’agit d’un nystagmus résulter d’un syndrome de Wallenberg [11], de migraines ou d’un
monoculaire ataxique de Harris qui peut rentrer dans le cadre traumatisme cervical. [4]
d’une ophtalmoplégie internucléaire, lésion du FLM (voir plus
haut).
■ Syndromes vertigineux à risque
Autres signes oculomoteurs
Les Tableaux 1,2,3 résument les éléments de l’interrogatoire
Il ne s’agit bien sûr pas ici de détailler la sémiologie des
qui orientent le diagnostic d’un syndrome vertigineux aigu, vu
troubles oculomoteurs liés à une lésion du tronc cérébral. Nous
en urgence, les éléments essentiels de l’examen clinique, les
nous contenterons donc ici de donner quelques moyens simples
premiers soins et les prescriptions d’examens complémentaires
pour mettre rapidement une diplopie en évidence et de préciser
en urgence ou les jours suivants.
quelle diplopie peut résulter d’une atteinte purement
labyrinthique.
Accidents vasculaires de la fosse postérieure
Désalignement oculaire
L’urgence des accidents vasculaires du tronc cérébral résulte
Il ne suffit pas en effet de demander au patient s’il se plaint soit des complications éventuelles des lésions existantes sur les
de vision double pour exclure formellement toute diplopie. fonctions cardiorespiratoires et de déglutition, [11] soit de
L’amblyopie d’un œil, une fixation alternante ou paradoxale- décisions thérapeutiques destinées à prévenir des extensions des
ment un angle important de désalignement oculaire peuvent lésions pouvant induire ces complications. Une symptomatolo-
effacer la diplopie normalement présente lors de paralysie gie même mineure, par exemple limitée à des vertiges, n’auto-
oculomotrice. Deux moyens simples s’offrent à l’examinateur rise pas le médecin à faire l’économie d’une surveillance
pour détecter un désalignement oculaire. Le premier consiste à constante du patient pendant les premiers jours qui suivent
observer le reflet d’une lampe sur les deux pupilles. La position l’installation du déficit. L’association de vertiges et de céphalées
de ce reflet doit rester relativement stable lors des déviations inhabituelles pour le patient par leur intensité ou leur topogra-
conjuguées du regard. Le seconde consiste à placer devant un phie, doit constituer un signal d’alerte pour le médecin.
des deux yeux du patient un filtre coloré. On s’assure alors qu’il Leur mode d’installation peut prendre plusieurs formes :
ne voit pas deux points distincts en binoculaire et que chacun • des accidents ischémiques transitoires souvent annonciateurs
des deux points est vu lorsqu’on cache un œil. Cette dernière d’un infarctus lorsque leur fréquence augmente. Des accidents
méthode peut induire quelques résultats faussement positifs en ischémiques transitoires brefs et fréquents seraient plus
cas de phorie ou de mauvaise fusion binoculaire. Ces deux souvent en relation avec une sténose ou une occlusion
techniques permettront de repérer aisément une diplopie vertébrale proximale, tandis que des déficits plus longs
verticale. Celle-ci peut être induite par une atteinte du système seraient davantage d’origine embolique ;
vestibulaire otolithique (ocular tilt reaction [OTR]). L’œil le plus • des déficits persistants mais fluctuants pendant les 2-3 pre-
bas est du côté ipsilatéral à l’atteinte périphérique ou latérobul- mières semaines, notamment en fonction des modifications
baire et controlatéral aux lésions du système otolithique au de tension artérielle et de position du patient. Ces variations
niveau de la protubérance ou du mésencéphale. Cette diplopie traduisent aussi le développement progressif de suppléances ;
verticale liée au syndrome otolithique est souvent associée à un • des déficits progressifs, témoins du manque de développe-
latérocolis. ment de suppléances ou de l’extension de la thrombose et de
Poursuite oculaire pronostic défavorable ;
• des déficits atteignant d’emblée leur maximum de gravité.
La poursuite oculaire est évaluée en demandant au sujet de
suivre le petit point précis de l’extrémité d’un stylo avec lequel Accidents vasculaires ischémiques
on effectue des mouvements sinusoïdaux en va-et-vient dans le
du tronc cérébral
plan horizontal, en se plaçant à 60 cm environ. On examine les
yeux du sujet en train de suivre ce point. Normalement, la La sémiologie du tronc cérébral est riche et oriente donc
poursuite est souple, régulière, sans à-coups, sans saccade. rapidement le diagnostic topographique.
Parfois, il existe des saccades dans une direction, le plus souvent Cependant, une lésion ischémique limitée au territoire
dans les deux. Cela se constate surtout dans les syndromes terminal de la branche bulboprotubérantielle de l’artère cérébel-
cérébelleux, mais aussi dans les atteintes occipitales ou pariéta- leuse antéro-inférieure, irriguant la partie supérieure des noyaux
les, dans de nombreux cas d’interférences médicamenteuses, et vestibulaires, peut parfaitement mimer un tableau de névrite
chez les sujets âgés. vestibulaire. La recherche de signes cliniques en relation avec les

8 Médecine d’urgence
Vertiges en urgence ¶ 25-110-D-10

Tableau 2.
Éléments de l’examen clinique d’urgence qui complètent l’orientation du diagnostic d’un syndrome vertigineux aigu.
Syndrome de Wallenberg – Nystagmus spontané et déviation corporelle controlatérale
– Signes vestibulaires centraux, symptômes et signes neurologiques (cf. Tableau 1)
– Pas de signe neurologique
Accident ischémique cérébelleux – Nystagmus spontané et déviation corporelle controlatérale
– Signes vestibulaires centraux
– Céphalées et signes cérébelleux
– Pas de signe audiologique
Accident de plongée par aéroembolisme – Nystagmus spontané et déviation corporelle controlatérale
– Possibles signes audiologiques, neurologiques et généraux
Accident de plongée par barotraumatisme – Nystagmus spontané et déviation corporelle controlatérale
– Perforation tympanique ou hémotympan et pas de signe neurologique
Labyrinthite infectieuse – Nystagmus spontané et déviation corporelle controlatérale
– Perforation tympanique et otorrhée
– Pas de signe neurologique
Fracture translabyrinthique – Nystagmus spontané et déviation corporelle controlatérale
– Surdité unilatérale de perception
– Possible paralysie faciale
Névrite vestibulaire virale – Nystagmus spontané et déviation corporelle controlatérale
– Pas de signe audiologique
– Pas de signe neurologique
Maladie de Ménière – Nystagmus spontané et déviation corporelle controlatérale
– Surdité unilatérale de perception
– Pas de signe neurologique
Migraine avec vertiges – Nystagmus spontané et déviation corporelle controlatérale
– Pas de signe audiologique
– Possibles signes neurologiques
Vertige positionnel paroxystique bénin – Pas de nystagmus spontané, ni de déviation corporelle controlatérale
– Vertige et nystagmus brefs aux changements de position
– Pas de signe audiologique
– Pas de signe neurologique
Vertige et alcoolisme aigu – Vertige et nystagmus durables de position
– Signes vestibulaires centraux
– Pas de signe audiologique
Malaise vagal, hypotension orthostatique – Pas de signe vestibulaire
– Pas de signe audiologique
– Pas de signe neurologique
Hypoglycémie du diabétique – Pas de signe vestibulaire
– Pas de signe audiologique
– Pas de signe neurologique
Vertige épileptique – Pas de signe vestibulaire
– Pas de signe audiologique

structures voisines de ces noyaux permettra la localisation de la


lésion au sein du tronc cérébral. Ces signes sont : un déficit
thermoalgésique de la partie haute de la face ipsilatérale, un
signe ipsilatéral de Claude Bernard-Horner, une atteinte éven-
“ Plaintes subjectives consécutives
tuelle des noyaux ipsilatéraux des nerfs VI et VII.
en cas de syndrome de Wallenberg
L’atteinte de la région latérobulbaire, irriguée par l’artère
cérébelleuse postéro-inférieure est plus fréquente et constitue, • Diplopie verticale ou oblique.
dans sa présentation complète, le syndrome de Wallenberg. • Diplopie verticale fluctuante.
• Diplopie croisée.
Syndrome de Wallenberg • Oscilloscopies.
Il constitue la forme typique de l’accident ischémique de la • Vision floue.
région bulbaire du tronc cérébral. • Inclinaison du champ visuel de 90 à 180°.
Signes cliniques. Cliniquement s’associent un très grand • Tension oblique du champ visuel.
vertige rotatoire durant plusieurs jours avec vomissements, • Déviation tonique forcée des yeux.
céphalées, hoquet et des signes neurologiques. Le vertige est dû • Vertige.
à l’atteinte unilatérale des noyaux vestibulaires. • Nausées, vomissements.
Le patient se plaint d’une latéropulsion, comme s’il était • Hoquet.
poussé du côté de sa lésion. Une diplopie verticale ou oblique est • Douleurs faciales ipsilatérales.
due à une « skew déviation », c’est-à-dire un strabisme vertical, • Dysphagie, dysphonie, dysarthrie.
l’œil ipsilatéral à la lésion est typiquement plus bas que l’autre. [4]
Du côté de la lésion, les signes sont: un syndrome cérébel-
leux, un syndrome de Claude Bernard-Horner (ptosis, myosis,
énophtalmie), une anesthésie faciale dissociée touchant la
sensibilité thermique et douloureuse, une paralysie de l’hémi- Du côté opposé à la lésion, on constate une anesthésie des
voile, de l’hémipharynx et d’une corde vocale, responsable de membres et du corps de type dissocié thermoalgésique réalisant
troubles de la déglutition et d’une dysphonie. un syndrome alterne avec l’anesthésie faciale.

Médecine d’urgence 9
25-110-D-10 ¶ Vertiges en urgence

Tableau 3.
Premiers sons en urgence et prescriptions d’explorations fonctionnelles otoneurologiques et imageries chez un patient présentant un syndrome vertigineux
aigu.
Syndrome de Wallenberg Véritable urgence, sonde alimentaire nasogastrique dans service de neurologie avec possibilité de réanimation
Accident ischémique cérébelleux Véritable urgence, sonde alimentaire nasogastrique dans service de neurologie avec possibilité de réanimation
Accident de plongée par aéroembolisme Véritable urgence, Synacthène®, transfert dans un service de médecine hyperbare
Accident de plongée par barotraumatisme – Véritable urgence, repos au lit, sans se lever
– Hospitalisation dans un service ORL
Labyrinthite infectieuse – Véritable urgence, prélèvement bactériologique de l’écoulement d’oreille, anti-inflammatoire et antibiotiques
– Hospitalisation dans un service ORL
Fracture translabyrinthique – Véritable urgence, repos au lit, sans se lever
– Hospitalisation dans un service ORL
Névrite vestibulaire virale – Antiémétique, mise en place d’un traitement de 1 à 2 ampoules j–1 de Tanganil® IV lente, 4 cp j–1 de Tanakan®,
6 cp j–1 de Serc®
– Pendant 3 semaines au moins, éviter Sibélium® et Agyrax®.
– Parler de la rééducation vestibulaire
– À adresser à l’ORL le lendemain en urgence
Maladie de Ménière – Antiémétique, mise en place d’un traitement de 1 à 2 ampoules, IV lente de Tanganil®°
– Envisager un sédatif nerveux
– Prendre rendez-vous avec un ORL dans la semaine
Migraine avec vertiges – Antiémétique
– Envisager un sédatif nerveux
– Prendre rendez-vous avec un ORL et un neurologue
Vertige positionnel paroxystique bénin – Repos au lit
– Rendez-vous avec un ORL
Vertige et alcoolisme aigu – Repos au lit
ORL : oto-rhino-laryngologiste.

Sur le plan vidéonystagmographique, il existe d’importants


signes centraux avec une poursuite oculaire saccadique, un gaze
“ Signes objectifs constatés nystagmus bilatéral, une hypermétrie du côté de la lésion, une
hypométrie des saccades oculaires du côté sain (phénomène de
en cas de syndrome latéropulsion oculaire), et un test de fixation oculaire anormal,
par atteinte des voies olivocérébelleuses. Aux épreuves calori-
de Wallenberg ques on constatera une absence de déficit et au contraire une
hyperréflectivité vestibulaire bilatérale. [4, 33]
• Skew déviation
Traitement. Une intubation par sonde nasogastrique préve-
• Nystagmus horizontorotatoire qui peut changer de
nant le risque de fausse route permet une alimentation qui
sens les yeux fermés.
court-circuite les paralysies de déglutition qui, même unilatéra-
• Nystagmus monoculaire vertical inférieur sur l’œil
les, font tout le pronostic pratique. Des antiémétiques seront
ipsilatéral. prescrits selon les besoins. La prévention du risque d’œdème et
• Gaze nystagmus bilatéral le risque d’extension du processus lésionnel seront le véritable
• Latéropulsion oculaire suivi du neurologue hospitalier. Dans un second temps est
• Claude Bernard-Horner ipsilatéral envisagée la prévention du risque de récidive d’un autre
• Hypoesthésie ipsilatérale avec sensation douloureuse et accident ischémique.
thermique de la face
• Parésie ipsilatérale du palais, du pharynx et du larynx Accidents vasculaires cérébelleux
• Dysmétrie, dysrythmie, adiadococinésie par atteinte
des voies cérébelleuses. Signes cliniques
• Perte de la sensibilité controlatérale du corps à la
douleur et à la température du côté opposé et Ils se présenteront presque de la même manière que le
latéropulsion du corps. syndrome de Wallenberg. Les vertiges et l’ataxie sont au
premier plan, plaidant pour un déficit vestibulaire aigu, type
névrite vestibulaire, mais la présence de signes cérébelleux des
membres (parfois unilatéraux) et de l’oculomotricité doit
De nombreuses lésions ischémiques du territoire de l’artère orienter le diagnostic. Parfois c’est la présence d’une céphalée
cérébelleuse postéro-inférieure seront plus limitées et ne postérieure qui plaidera pour l’origine neurologique du
comporteront dès lors qu’une partie de ces signes. vertige.
C’est une vraie urgence. Le patient doit être hospitalisé en
L’œdème périlésionnel qui se développe dans les heures qui
neuroréanimation et alimenté par sonde nasogastrique. Le
risque mortel est à la fois dû à l’extension possible du foyer suivent l’ischémie ou l’hémorragie [14] peut entraîner une
ischémié à des centres vitaux, et à des fausses routes possibles hydrocéphalie obstructive aiguë ou une compression directe
lors de la prise d’aliments, de médicaments ou même de du tronc cérébral avec arrêt cardiorespiratoire. L’évolution
vomissements. clinique se fait en trois phases. Les symptômes initiaux les
Examens. Le diagnostic sera confirmé par le neurologue plus fréquents sont les vertiges aigus, les vomissements,
compte tenu des nombreuses formes cliniques. En plus de l’instabilité posturale, la dysarthrie et des céphalées occipitales
l’imagerie par résonance magnétique (IRM), un examen vidéo- aiguës et inhabituelles pour le patient. Après cette phase
nystagmographique auprès d’un oto-rhino-laryngologiste (ORL) initiale survient une dégradation du niveau de conscience et
affine le diagnostic. des signes supplémentaires d’atteinte du tronc cérébral. Cette

10 Médecine d’urgence
Vertiges en urgence ¶ 25-110-D-10

deuxième phase survient de quelques heures à 10 jours, le plus vertiges, la diplopie, les troubles sensitifs de la face ou des signes
souvent au 3e jour, après les symptômes initiaux. [1] Au stade cérébelleux mais aussi des signes d’ischémie labyrinthique avec
final, le patient devient comateux et présente des troubles hypoacousie. [24]
cardiorespiratoires.
Examens
Examens
Si une dissection vertébrale est la première hypothèse dia-
L’imagerie est essentielle pour le dépistage de ces infarctus gnostique envisagée, il est indispensable d’obtenir rapidement
pseudotumoraux du cervelet. L’imagerie par scanner [1, 4, 13, 18, une IRM. Des coupes transversales des artères vertébrales
19] puis par IRM avec injection de produit de contraste confir-
permettent de voir l’élargissement de la paroi avec présence de
meront la topographie cérébelleuse généralement unilatérale sang frais dans celle-ci. Des images angiographiques pourront
dans un des territoires des trois artères cérébelleuses, artère illustrer le rétrécissement ou la thrombose artérielle. L’imagerie
cérébelleuse supérieure, artère cérébelleuse antéro-inférieure devra exclure la présence d’une hémorragie sous-arachnoïdienne
(AICA) et artère cérébelleuse postéro-inférieure (PICA). souvent associée à une dissection de la partie intracrânienne des
L’IRM est certainement plus informative que le scanner, mais artères vertébrales.
vu l’urgence, ce dernier peut fournir plusieurs éléments en
faveur de ce diagnostic : la compression des citernes de la fosse Traitement
postérieure, la compression du 4e ventricule et l’hydrocéphalie. L’anticoagulation est le traitement de choix si une hémorragie
L’IRM illustrera les hernies supérieures et inférieures du cervelet sous-arachnoïdienne a été exclue. Une surveillance en milieu
et les clichés en technique de diffusion montreront l’étendue de hospitalier s’impose.
la lésion ischémique.
Plusieurs facteurs de risque de développement d’un œdème
du cervelet ont été identifiés : [1] Syndromes vertigineux aigus
• l’extension de la lésion ischémique à plus d’un tiers d’un au cours de la plongée sous-marine :
hémisphère cérébelleux ;
• le site de l’occlusion : au sommet du tronc basilaire affectant
vestibulopathies dysbariques
le départ des artères cérébelleuses supérieures ou lors des
thromboses vertébrales réduisant le débit dans les artères
Aéroembolisme du vestibule
cérébelleuses postéro-inférieures ; Le phénomène d’aéroembolisme du vestibule [22, 30] est lié à
• l’apparition d’un œdème vasogénique lors de la reperfusion la pratique de la plongée sous-marine en bouteille, jamais en
après dislocation d’un embole ; apnée. L’azote respiré à des pressions élevées diffuse lentement
• la présence d’un infarctus massif dans le territoire de l’artère dans l’organisme. À la décompression il se forme des bulles qui,
cérébelleuse supérieure. si on ne respecte pas les paliers de décompression permettant
L’examen vidéonystagmographique avec étude de l’oculomotri- leur évacuation par les alvéoles pulmonaires, se constituent
cité peut constater deux grands tableaux de syndrome cérébel- localement formant divers phénomènes sous-cutané, muscu-
leux souvent intriqués. Le premier consiste en une dysmétrie laire, ou circulant dans le système vasculaire. Le véritable risque
des saccades oculaires dont les plus évocatrices sont des saccades est qu’une bulle vienne obturer une artère terminale comme
hypermétriques. Le second tableau est une perte du contrôle celle la moelle épinière ou de l’oreille interne. Deux plongées
cérébelleux des interactions visuovestibulaires : test de fixation pour 1000 s’accompagnent d’un accident d’aéroembolisme.
oculaire anormal, poursuite oculaire saccadique généralement L’aéroembolisme se produit donc à la remontée d’une plongée
associée à un nystagmus dans les regards excentrés, gauche dans profonde et longue, souvent en ayant mal respecté les paliers
le regard à gauche, droit dans le regard à droite. pour des raisons diverses de paniques, de risque, d’inconscience
due à l’ivresse des profondeurs. C’est parfois hors de l’eau que
Traitement
le mécanisme d’aéroembolisme varie d’un individu à l’autre car
La surveillance en milieu neurochirurgical est impérative pour il peut être majoré par la fatigue, l’effort physique après la
permettre une décompression chirurgicale dès l’apparition des plongée. Il existe des accidents d’aéroembolisme « indus » chez
premiers troubles de la conscience. Ce geste chirurgical sauve la les sujets en bonne santé ayant respecté toutes ces consignes
vie des patients. Un traitement antiœdémateux d’urgence se classiques de sécurité. [22, 30] Un bilan cardiaque permet parfois
justifie. Selon la présence de nausées et de vomissements, les de découvrir un foramen ovale perméable.
antiémétiques sont prescrits. Des antiémétiques puissants
comme le dropéridol ou les sétrons semblent largement plus Signes cliniques
performants. Ce n’est qu’avec la certitude du diagnostic diffé- Les signes cliniques sont ceux d’une atteinte cochléovestibu-
rentiel : accident hémorragique ou ischémie que l’on envisagera laire aiguë : surdité brusque, vertige rotatoire avec nausées et
un traitement anticoagulant. Après avoir essayé de retrouver vomissements, ataxie.
l’étiologie, (un quart des accidents ischémique cérébelleux ont
une origine cardiogénique thromboembolique), on envisagera Examens
aussi la prévention de la récidive. L’examen constate un nystagmus spontané qui vient du côté
opposé à l’oreille sourde et le diagnostic est posé sur la circons-
Dissections des artères vertébrales tance de l’accident et l’importance du tableau cochléo-
Celles-ci atteignent le plus souvent la partie extracrânienne vestibulaire.
des artères vertébrales. Elles peuvent suivre des traumatismes
Traitement
même mineurs, comme des mouvements répétés d’extension du
cou, être spontanées, ou associées à une fragilité des parois Des examens complémentaires ne sont pas nécessaires pour
artérielles (syndrome de Marfan, d’Ehlers-Danlos, dysplasie envisager le traitement d’urgence qui est la recompression
fibromusculaire). Des dissections bilatérales ne sont pas rares. immédiate si le sujet est encore dans l’eau en lui proposant
C’est la cause la plus fréquente des accidents ischémiques du d’hyperventiler pour évacuer l’azote circulant. Si le sujet est hors
territoire vertébrobasilaire entre 30 et 50 ans. [5] de l’eau, il faut le transférer d’urgence dans un centre de
médecine hyperbare. Pendant son transport, on lui fera respirer
Symptômes de l’oxygène pur, et on lui injectera un corticoïde en lui
Les dissections des artères vertébrales sont souvent associées interdisant tout mouvement, tout exercice fatigant, qui facilite
à une douleur latérocervicale, irradiant dans la mâchoire, les l’apparition des bulles. Tout club de plongée connaît ce risque.
épaules et la région occipitale. Cette douleur peut être le seul Le médecin généraliste sera appelé en urgence pour des plon-
symptôme initial qui conduit parfois le patient vers des mani- geurs isolés (un tiers des plongées) ou pour des plongeurs
pulations cervicales qui risquent d’aggraver la lésion et ses inexpérimentés pratiquant de manière sauvage ou pour les
conséquences. Les autres symptômes les plus fréquents sont les plongées illicites des « corailleurs ».

Médecine d’urgence 11
25-110-D-10 ¶ Vertiges en urgence

Barotraumatisme les conseils de prévention du risque de barotraumatisme en


effectuant des manœuvres de Vasalva en avance sur l’augmen-
Les barotraumatismes de plongée sous-marine sont l’ensemble
tation de pression dès le début de la descente, sans jamais
des phénomènes pressionnels s’exerçant à travers les structures
« forcer une oreille » ni plonger enrhumé. Dans des cas excep-
de l’oreille moyenne : tympan, chaîne ossiculaire et trompe
tionnels, on proposera un décongestionnant nasal type Détur-
d’Eustache, sur l’oreille interne. Si le plongeur pratique mal ou
gilone® ou Aturgyl®. Une blessure tympanique est une contre-
trop tard les manœuvres de Valsalva qui permettent d’égaliser
indication à la plongée sous-marine jusqu’à cicatrisation totale.
la pression dans l’oreille moyenne à celle du milieu extérieur,
Anti-inflammatoires et antibiotiques viennent prévenir le risque
l’enfoncement de la platine de l’étrier dans le labyrinthe
infectieux au moindre soupçon.
entraînera des vertiges. Deux plongées pour 100 s’accompa-
gnent d’un barotraumatisme.
Labyrinthite infectieuse
Signes cliniques
Les symptômes ressentis par le plongeur sont une désorien- La labyrinthite infectieuse est une complication mythique des
tation, un vertige rotatoire. Il doit alors remonter de quelques otites chroniques moyennes. Ce risque a presque disparu du fait
mètres refaire ses manœuvres de Vasalva et sentir que son de l’hygiène et de l’avènement de l’antibiothérapie.
oreille « passe » puis il peut continuer sa plongée. Parfois le
phénomène se produit en remontant : c’est le syndrome
Signes cliniques
alternobarique ou syndrome de Lundgren, sans doute dû à des Classiquement, la labyrinthite se traduit par des signes d’un
phénomènes congestifs du fait du refroidissement du corps en déficit cochléovestibulaire aigu : surdité, vertige rotatoire avec
fin de plongée ou de l’inhalation d’un air saturé en vapeur nystagmus spontané et déviation corporelle chez un patient
d’eau. Le phénomène alternobarique peut se produire en présentant une otite chronique en poussée de réchauffement
remontant quand l’une des trompes d’Eustache s’ouvre avant souvent à l’occasion d’une affection rhinosinusiale.
l’autre, stimulant de façon asymétrique les vestibules et déclen-
chant ainsi un vertige rotatoire. Le plongeur peut être déso- Examens
rienté jusqu’à perdre le sens du haut et du bas. Ces phénomènes
Des examens cochléovestibulaires seront ajournés, devant
sont relativement bénins et transitoires mais parfois dangereux
l’urgence thérapeutique.
car les risques de panique font oublier au plongeur les consignes
Le lendemain, ils montreront l’aggravation du déficit
de sécurité et tout particulièrement les paliers de décompres-
cochléovestibulaire.
sion. Ils peuvent être dangereux aussi en raison des nausées et
vomissements qu’ils risquent d’entraîner.
Traitement
Examens Le traitement d’urgence par anti-inflammatoire, antibiotique
L’examen otoscopique permet une classification selon le adapté s’impose. Il sera toujours sage de faire un prélèvement
degré des lésions (voir encadré ci-dessous). Immédiatement bactérien. Le traitement antibiotique sera à la fois local,
après la plongée, l’examen clinique peut retrouver de tout petits aujourd’hui par Otofa®, et général. Une telle éventualité de
signes vestibulaires résiduels : un petit nystagmus spontané diagnostic mérite une hospitalisation dans un service ORL et
après secouage rapide de la tête avec un examen sous lunettes une surveillance précise car le risque de cophose et d’aréflexie
de Frenzel. vestibulaire est de règle. Les complications par méningite et
abcès cérébelleux ne font leur apparition que chez les patients
immunodéprimés.

“ Classification ■ Autres vertiges


des barotraumatismes de l’oreille Névrite vestibulaire
selon l’examen otoscopique La névrite représente environ 6 % des consultations de
(d’après Haine et Harris, vertiges. L’évolution est en règle favorable, grâce à un phéno-
mène de compensation centrale, spontané, aidé par la rééduca-
modifiée par Riu et al. tion vestibulaire, potentialisée par certains traitements
médicamenteux. C’est un syndrome vestibulaire aigu provoqué
par un déficit vestibulaire unilatéral périphérique, souvent total
• Stade I : hyperémie simple du manche du marteau et de
et isolé, sans atteinte auditive, d’origine virale ou vasculaire.
la membrane de Schrapnell.
• Stade II : le tympan est hyperémié de façon diffuse, Signes cliniques
rétracté, peu ou non mobile au spéculum de Siegle.
• Stade III : myringite hémorragique avec épanchement Il s’agit d’un très grand vertige rotatoire avec vomissements
et déséquilibre. Le vertige s’estompe en 24 h, le déséquilibre
séreux de la caisse, donnant un tympan fluctuant, avec
disparaît en quelques semaines. La névrite vestibulaire est le
parfois bulles et niveau liquide rétrotympanique. type même de très grand vertige rotatoire avec vomissements,
• Stade IV : épanchement sérohématique : hémotympan, isolé, sans céphalées, sans signe auditif, sans autre signe
l’extravasation peut devenir hémorragique par d’atteinte neurologique.
érythrodiapédèse et rupture capillaire. Parfois, on constate une éruption phlycténulaire siégeant au
• Stade V : rupture tympanique, linéaire, paracentrale, à niveau du conduit auditif externe, voire dans la région périau-
bord invaginé dans la caisse. riculaire ; elle est très évocatrice d’une névrite zostérienne, qui
est alors souvent associée à une atteinte auditive et à une
paralysie faciale ipsilatérales.

Traitement Examens
Le traitement est à base d’anti-inflammatoires pour les L’examen clinique, effectué en urgence, constate un syn-
blessures de la chaîne tympano-ossiculaire qui ont généralement drome vestibulaire harmonieux : nystagmus dans un sens,
accompagné ce vertige. Le traitement comprendra celui de la déviation corporelle de l’autre.
cause, généralement une infection ou une inflammation Le nystagmus, visible à l’examen direct dans les premières
tubosinusienne. Les traitements de la récidive seront donc tous heures, est examiné confortablement sous lunettes de Frenzel :

12 Médecine d’urgence
Vertiges en urgence ¶ 25-110-D-10

il bat du côté controlatéral à la lésion. Il est, au début, retrouvé • par l’examen clinique : recherche du nystagmus, notamment
dans toutes les positions du regard (de degré III), puis plus tard, par la manœuvre du « head shaking » qui peut le faire réap-
présent dans le regard de face et dans le regard du côté de la paraître alors qu’il est apparemment absent. Pour les dévia-
secousse rapide du nystagmus, donc opposé à la lésion (de degré tions posturales, c’est le test de Fukuda qui est le plus
III), puis quelques semaines plus tard, il n’est visible que dans sensible ;
le regard tourné vers la secousse rapide (degré I). Les déviations • par l’examen vidéonystagmographique (VNG) et l’épreuve
corporelles se font du côté de la lésion. Parmi les différents tests calorique : il n’y a plus de nystagmus, ni de prépondérance
d’exploration de la fonction vestibulospinale (test de Romberg, directionnelle, bien que l’aréflexie vestibulaire persiste ;
de piétinement aveugle de Unterberger et Fukuda, de marche • par la posturographie : amélioration progressive des surfaces
aveugle, de déviation des index et test d’indication) ; le plus de projection du centre de gravité.
sensible semble être le test de piétinement aveugle d’Unterber-
ger et Fukuda. Maladie de Ménière
On confirme le diagnostic en faisant faire les jours suivants C’est sûrement le plus connu des vertiges bien qu’il ne
un examen vidéonystagmographique avec épreuve calorique représente que 6 % des cas d’une consultation de vertiges.
auprès d’un ORL.
L’épreuve calorique montrera un tableau d’aréflexie vestibu- Signes cliniques
laire unilatérale non compensée : la réflectivité vestibulaire du
côté sain est normale alors que du côté de la névrite, on C’est une maladie de l’adulte évoluant par crises. Elle est due
à un hydrops idiopathique, c’est-à-dire une hyperpression, une
constate une aréflexie complète associée à une prépondérance
dilatation ou une distension du labyrinthe membraneux.
directionnelle droite s’il s’agit d’une névrite gauche et récipro-
On évoque le diagnostic devant la triade : vertiges rotatoires,
quement. Elle est le témoin du nystagmus spontané. L’intensité
hypoacousie et acouphènes unilatéraux et devant les antécé-
du nystagmus provoqué peut être étudiée soit par le critère
dents de crises ; le diagnostic ne sera affirmé que plus tard,
fréquence (nombre de secousses entre la 60e et la 90e seconde
après avoir éliminé le neurinome « de l’acoustique » (du nerf
après le début de la stimulation) soit par le critère de la vitesse cochléovestibulaire) : c’est dire que le diagnostic est difficile à
maximale de sa secousse lente. affirmer au début de la maladie quand manquent les données
Après s’être assuré de l’absence de perforation tympanique à évolutives et quand l’affection est monosymptomatique, vertige
l’examen otoscopique, le patient est allongé sur un divan seul ou acouphène, voire hypoacousie fluctuante isolée.
d’examen, tête relevée de 30°. Cliniquement, avec une seringue Typiquement, la crise commence par un acouphène grave,
d’eau froide du robinet, généralement à 20°, le praticien fera souvent décrit en conque marine (bruit de mer écouté dans un
une irrigation d’eau froide pendant 30 secondes dans le conduit coquillage), associé à une sensation de plénitude d’oreille.
auditif externe. En cas de perforation tympanique, la stimula- Apparaît ensuite une hypoacousie et très souvent l’acouphène se
tion thermique sera faite avec une bombe au fréon. Le patient modifie et devient plus aigu. Puis, le vertige rotatoire survient,
est ensuite replacé dans la position d’examen, regard de face, constituant l’élément le plus spectaculaire de la crise. Il est
tête relevée de 30° par rapport à l’horizontale. Ses yeux sont souvent intense, accompagné de nausées et de vomissements
observés sous lunettes de Frenzel et l’on note la fréquence du importants pouvant faire errer le diagnostic vers une crise de
nystagmus provoqué par une telle épreuve de la 60e à la 90e foie, d’où l’importance de la valeur localisatrice de l’acouphène.
seconde après le début de l’irrigation. Normalement, chacune La durée est très variable, d’un quart d’heure à toute une
des deux irrigations doit provoquer entre 15 et 60 secousses journée. À la fin de la crise, très souvent le patient s’endort et
nystagmiques. Le taux d’asymétrie entre les deux épreuves reste fatigué ou instable les jours suivants. La fréquence des
froides doit être inférieur à 15 %. Si une différence supérieure crises est très variable, une crise par an voire moins, ou
est constatée, le côté qui aura donné une moindre réponse est plusieurs crises par semaine. L’environnement familial et
le côté pathologique. Le nystagmus provoqué par une stimula- socioprofessionnel du patient a souvent un rôle prépondérant
tion froide bat du côté opposé à la stimulation froide. Dans de dans l’évolution de la maladie, les crises étant fréquemment
telles conditions, il est toujours dans le plan horizontal. Si au déclenchées par un choc émotionnel, un stress, des contrariétés,
bout de la 90e seconde on retire les lunettes de Frenzel et on des difficultés familiales ou professionnelles.
demande au sujet de regarder une mire punctiforme, le nystag- Entre les crises, l’audition redevient strictement normale au
mus doit immédiatement réduire son intensité. Cela prouve le début et l’acouphène disparaît. À un stade plus évolué de la
bon fonctionnement du contrôle cérébelleux de la vision sur le maladie s’installe progressivement une hypoacousie permanente
nystagmus vestibulaire. Il permet en outre de comprendre à sur les sons graves puis sur toutes les fréquences, fluctuante et
s’aggravant lors des crises. L’acouphène devient permanent et
quel point la vision fait disparaître les nystagmus d’origine
augmente également d’intensité ou se modifie pendant la crise.
vestibulaire et rend ainsi obligatoire l’usage des lunettes de
Peu à peu, les crises vertigineuses s’estompent et deviennent
Frenzel pour dépister cliniquement de tels nystagmus. [4, 32]
moins intenses pour laisser place à une instabilité plus ou
L’épreuve rotatoire pendulaire retrouve une prépondérance moins permanente. Puis la guérison apparente des vertiges
directionnelle de même sens que le nystagmus spontané. survient au prix d’une surdité importante et irréversible et d’un
L’oculomotricité et le test de fixation oculaire sont parfaite- bourdonnement constamment présent. C’est la mort du laby-
ment normaux, excluant une atteinte centrale. rinthe avec une hyporéflectivité vestibulaire et une hypoacousie
Le bilan auditif montre le plus souvent une audition normale très marquée. Il est très rare de constater une aréflexie complète
en rapport avec l’âge du patient et une absence d’atteinte ou une cophose.
rétrocochléaire aux potentiels évoqués auditifs du tronc cérébral. Enfin, la bilatéralisation de l’affection, qui n’est pas rare, peut
survenir à n’importe quel stade de la maladie et aggrave
Traitement lourdement l’avenir fonctionnel du patient. [15]
Le syndrome de récupération [17] est une manifestation
Dès que le diagnostic de névrite vestibulaire est confirmé, il clinique plus rare, souvent mal comprise. La déviation du corps
est indispensable de faire mener au patient une vie la plus les yeux fermés, et le nystagmus spontané sont du côté opposé
normale possible, tout d’abord en le levant du lit, puis en lui au syndrome déficitaire. Cela se voit dans les processus patho-
prescrivant des séances de rééducation vestibulaire pour favori- logiques qui guérissent spontanément après une rapide période
ser la compensation centrale et la disparition du déséquilibre et de compensation (qui fait disparaître signes et symptômes), tels
du nystagmus. qu’on peut les voir dans une maladie de Ménière, un syndrome
On évalue la compensation centrale : [8, 15, 23, 27, 32] de Lermoyez, ou une névrite par exemple. Si la guérison est
• par l’interrogatoire et l’une des phrases clés qui est : « êtes- partielle, un déficit peut être constaté à l’épreuve calorique. Si
vous encore déséquilibré quand vous regardez rapidement à la guérison est totale, la situation peut paraître paradoxale :
droite et à gauche pour traverser la rue ? » ; déviation du corps dans un sens, nystagmus spontané dans

Médecine d’urgence 13
25-110-D-10 ¶ Vertiges en urgence

l’autre, sans déficit à l’épreuve calorique. Mais l’histoire clinique Traitement


et l’évolution des éventuels signes auditifs aident à faire le
diagnostic. Il faut distinguer le traitement de la crise du traitement de
fond.
Examens Traitement de la crise
Au cours d’une crise, l’examen peut être limité par l’impor- Il nécessite avant tout la mise au repos du patient à l’obscu-
tance des vertiges et des vomissements. On peut toujours rité et fait appel aux injections intraveineuses d’antivertigineux
constater un nystagmus et à l’examen au diapason, une hypoa- et d’antiémétiques. L’injection d’un sédatif s’avère également
cousie de perception mise en évidence par le signe de Weber très efficace. En cas de résistance à ce traitement de première
latéralisé du côté sain. Auparavant, l’examen des tympans aura intention, on peut y adjoindre des antiœdémateux comme le
constaté l’absence de bouchon de cérumen ou de pathologie sulfate de magnésie à 15 % en injection intraveineuse lente
auriculaire aiguë ou chronique. (deux injections par jour), voire des substances osmotiques
La confirmation du diagnostic se fait en dehors d’une crise comme le mannitol en perfusion (500 ml à 10 % perfusé en
par la mise en évidence d’un déficit vestibulaire unilatéral et 2 heures deux fois par jour dans la période critique) ou même
d’une hypoacousie de type endocochléaire. un neuroleptique.
C’est dire que ce diagnostic sera très difficile au début de la Traitement de fond
maladie où tout le bilan est normal entre les crises : ce n’est que
plus tard que les examens suivants constateront des anomalies. L’instauration d’une bonne relation médecin-malade permet-
Le bilan audio-impédancemétrique est le suivant : tant toutes les explications et les informations concernant la
maladie facilite l’approche du traitement du terrain et repré-
• l’audiométrie tonale retrouve une hypoacousie de perception
sente un temps essentiel de l’acte thérapeutique. En effet, les
unilatérale siégeant d’abord sur les fréquences graves, plus
crises de maladie de Ménière sont volontiers déclenchées par le
tard sur toutes les fréquences. Elle objective le phénomène de
stress, les soucis professionnels ou familiaux. On s’efforcera
recrutement : présence de réflexes stapédiens survenant pour
donc de rompre le cercle vicieux du stress qui provoque un
des seuils normaux malgré la présence de l’hypoacousie et
vertige, lui-même occasionnant une anxiété renforçant le stress.
quelle que soit son intensité ;
La prescription d’un anxiolytique, voire d’un antidépresseur
• l’audiométrie vocale montre souvent des scores moins bons sédatif peut être utile en urgence avant de mette en place une
que ne le laissait supposer la courbe tonale. En effet, il y a relaxation.
une diminution de la discrimination, et même si l’on aug- Le traitement de fond fait appel aussi aux médicaments à
mente l’intensité de stimulation, le pourcentage d’intelligibi- visée pathogénique :
lité décroît réalisant un aspect de courbe en cloche. • les histaminiques (Serc®) qui lèveraient le spasme des sphinc-
Les potentiels évoqués auditifs du tronc cérébral (PEA) on un ters précapillaires de la strie vasculaire de la cochlée, et
double intérêt. Ils confirment l’intégrité des voies auditives, surtout favoriseraient les phénomènes de compensation
éliminant toute pathologie rétrocochléaire, et mettent aussi en centrale en diminuant ainsi l’intensité des crises de vertige ;
évidence le phénomène de recrutement si caractéristique de la • les agents osmotiques comme le glycérotone ;
maladie de Ménière. Il se caractérise par : • les diurétiques associés à un régime hyposodé, qui provoque-
• un pincement des temps de conduction I-V, I-III ; raient une déshydratation globale ou une action directe sur
• des latences restant dans les limites de la normale malgré les liquides labyrinthiques ;
l’hypoacousie ; • les vasodilatateurs.
• des courbes presque normales pour des intensités très proches
du seuil ; Traitement chirurgical
• enfin, lorsqu’elle peut être effectuée, la dynamique temporelle Il est réservé aux vertiges très invalidants.
du tronc cérébral montre une excellente synchronisation Il peut être à visée étiopathogénique comme la chirurgie du
dans le temps des différentes ondes. sac endolymphatique, avec entre autres, création d’un shunt
L’examen vidéonystagmographique (VNG) sera effectué de mastoïdien pour réabsorber le liquide, ainsi que la sacculotomie
préférence après avoir arrêté tout traitement antivertigineux et dont le but est de diminuer la pression endolymphatique par
sédatif. Normal au début de la maladie entre les crises, il peut création d’une fistule entre le saccule et la caisse du tympan ou
objectiver plus tard plusieurs anomalies : les espaces périlymphatiques.
• une hypovalence vestibulaire à l’épreuve calorique qui Le traitement symptomatique peut être conservateur, c’est la
progressivement s’aggrave sans toutefois donner d’aréflexie ; neurectomie vestibulaire qui consiste à sectionner le nerf
• une prépondérance directionnelle. Celle-ci peut se voir à vestibulaire en conservant le facial et le contingent cochléaire
l’épreuve calorique ou à l’épreuve rotatoire. Elle se fait du de la VIIIe paire crânienne.
côté sain. Elle est alors la conséquence d’un nystagmus de Il peut également être destructeur : c’est la labyrinthectomie.
type destructif. Mais elle peut se faire également du côté Le labyrinthe est détruit. Il n’y a plus de vertige mais cette
atteint provoquée par un nystagmus dit « irritatif » ou guérison se fait au prix d’une surdité profonde et irréversible. La
recovery-nystagmus, le nystagmus de récupération. labyrinthectomie chimique, par installation dans l’oreille
Enfin, la VNG permet d’éliminer une atteinte centrale : l’oculo- moyenne de gentamycine, entraîne la disparition des vertiges
motricité et le test de fixation oculaire sont normaux. dans 80 % des cas.
En fait, ce qui caractérise l’examen vestibulaire de la maladie
de Ménière, c’est l’extrême variabilité des réponses à l’examen
calorique dans le temps avec une réflectivité symétrique ou une
Migraine avec vertiges
hypovalence qui s’accentue, puis qui diminue et surtout, une
prépondérance directionnelle tantôt dans un sens, tantôt dans Signes cliniques
l’autre, même sans hypovalence. La migraine s’accompagne souvent de sensations de déséqui-
Pour les tests osmotiques, l’injection ou l’absorption orale libre et parfois de vrais vertiges rotatoires. Rarement, le patient
d’une substance à haut pouvoir osmotique élève rapidement de consulte en urgence pour une affection qu’il connaît bien et
façon transitoire l’osmolalité sanguine. Il se crée un gradient qu’il supporte généralement avec résignation. L’inquiétude fait
entre les compartiments sanguins et labyrinthiques à l’origine consulter chez le jeune enfant [26] devant l’ampleur des vertiges
d’une fuite de liquide labyrinthique dans le compartiment rotatoires, l’entourage peut s’inquiéter et appeler le médecin en
vasculaire soulageant l’hyperpression intralabyrinthique. Un test urgence. La présence des céphalées aux syndromes vertigineux
osmotique positif confirme l’existence d’un hydrops labyrinthi- aigus peut faire craindre un accident ischémique du cervelet ou
que et son caractère réversible. Le plus utilisé est le test au du tronc cérébral. Parfois la présence d’un syndrome cérébelleux
glycérol per os. peut faire douter du diagnostic. Cependant, si l’interrogatoire le

14 Médecine d’urgence
Vertiges en urgence ¶ 25-110-D-10

permet, la notion d’antécédents migraineux autorise le diagnos-


tic. Les signes cliniques du vertige sont généralement peu
marqués. [4]

Examens
Les examens complémentaires sont habituellement effectués
les jours suivants. En crise, il a été constaté des signes vestibu-
laires périphériques et centraux ; quelques jours plus tard
généralement, l’ensemble des signes s’amende.

Traitement
Le traitement aigu serait aujourd’hui le sumatriptan et le
traitement au long terme serait celui, bien difficile, de la
maladie migraineuse : hygiène de vie, respect de règles de
diététique, proscription de l’alcool et du tabac. Les dérivés de
l’ergot de seigle et les traitements palliatifs par les antalgiques
constituent la base classique du traitement de la migraine.

Vertige positionnel paroxystique bénin Figure 7. Manœuvre thérapeutique du vertige positionnel paroxysti-
que bénin. Le patient est replacé en décubitus latéral du côté de la lésion,
Il est très fréquent et représente environ le tiers des causes des apparition d’un vertige et d’un nystagmus qui roulent vers le bas, dont
consultations de vertige, et plus encore des syndromes vertigi- l’intensité a diminué par un phénomène normal d’habituation. Le prati-
neux aigus vus en urgence. cien se positionne de façon à pouvoir retourner son patient.

Signes cliniques intense accompagné d’un nystagmus rotatoire qui roule vers le
C’est un vertige rotatoire (les patients ont la sensation que bas : le nystagmus géotropique. [4, 29, 31] Vertige et nystagmus
l’environnement et eux-mêmes sont animés d’un mouvement durent rarement plus de 30 secondes. Lorsqu’ils ont disparu, on
giratoire), qui survient par paroxysme lors des changements de relève rapidement le patient, ce qui provoque de nouveau un
position. [20, 29] Son étiologie est bénigne : c’est la cupuloli- vertige alors que le nystagmus rotatoire change de sens. Le plus
thiase [21] du canal semi-circulaire postérieur due au dépôt de souvent, la manœuvre n’est positive que d’un côté.
particules otolithiques provenant de la macule utriculaire sur la Une autre méthode de déclenchement paraît préférable. Le
cupule du canal semi-circulaire postérieur, ou la canalolithiase : patient est assis au bord du divan, les jambes pendantes et on
otolithes mobiles dans l’endolymphe du canal semicirculaire le couche rapidement sur le côté, sur l’épaule, imprimant un
postérieur. [4, 9] Son diagnostic est très facile lors des manœuvres discret mouvement de rotation à la tête, pour que le nez pointe
de position et son traitement, simple et rapide, repose sur la vers le haut. On obtient le même nystagmus et le même vertige
manœuvre de libération des otolithes. que lors de la manœuvre de Dix-Hallpike, nystagmus qui doit
Le vertige commence soit en pleine nuit, soit un matin au s’inverser au retour à la position assise. Cette façon d’effectuer
lever, il est très violent, donnant l’impression au patient que la la manœuvre diagnostique permettra d’enchaîner directement
chambre tourne autour de lui ; il s’accompagne de nausées, par la manœuvre thérapeutique (Fig. 5,6).
voire de vomissements, très fréquents le premier jour, qui Ce nystagmus est visible même sans lunettes de Frenzel, et sa
obligent à garder le lit. Les jours suivants le tableau est plus clair constatation est très évocatrice d’un vertige positionnel
et le patient décrit des vertiges rotatoires brefs, déclenchés paroxystique bénin. Dès lors, il faut s’assurer que ce vertige
exclusivement par les changements de position : le coucher, le positionnel est isolé et ne s’accompagne d’aucun signe central
lever du lit, le fait de se retourner dans le lit, surtout d’un côté, à l’examen vidéonystagmographique, ce qui orienterait vers une
mais également de regarder en haut ou en bas. Le vertige est pathologie du cervelet ou du tronc cérébral. On s’abstient de
bref, de 10 à 20 secondes en général et le plus souvent isolé : il prescrire les antivertigineux qui sont inefficaces sur ce type de
n’y a pas de signes auditifs associés, pas de céphalées. vertige et qui pourraient gêner l’interprétation de l’examen
Parfois ce vertige rotatoire positionnel passe au second plan vidéonystagmographique, donnant une fausse hyporéflectivité
et il faudra donc le rechercher par l’interrogatoire. C’est le cas aux épreuves instrumentales rotatoires, pendulaires et
lorsque les patients, qui ont compris le facteur déclenchant des caloriques.
changements de position, sont extrêmement précautionneux
dans tous leurs mouvements et réussissent finalement à élimi- Traitement [37, 38]
ner complètement le vertige rotatoire. Il en est de même pour C’est la manœuvre thérapeutique du vertige positionnel
ceux qui dorment en position semi-assise évitant ainsi la paroxystique bénin. Cette manœuvre consiste à retourner
position qui peut provoquer le vertige. L’instabilité est alors au rapidement la cupule et le canal semi-circulaire postérieur pour
premier plan, décrite comme une sensation ébrieuse, de flotte- disperser ou éloigner les débris otolithiques (Fig. 7,8). Cette
ment ou d’être cotonneux [41]. Elle peut aussi être complète- manœuvre est le résultat d’une longue histoire qui débute il y
ment absente, les patients menant une vie tout à fait normale, a 50 ans, par des manœuvres d’habituation, [4] décrites pour la
pouvant même conduire leur voiture. première fois par Toupet et Sémont en 1985, [39] modifiée
Bien souvent, il y a eu des crises antérieures, qui ont duré ensuite plusieurs fois. [9, 29, 34]
quelque trois semaines en moyenne, et qui ont spontanément Après avoir déterminé le côté atteint, par la manœuvre
guéri. diagnostique, on assoit le patient au bord du divan, les jambes
pendantes et on le couche du côté atteint en maintenant son
Examens cou. Le vertige et le nystagmus se déclenchent. Après leur
Après avoir apprécié l’existence ou non d’une instabilité lors disparition, on tient fermement le patient par le cou et dans un
des tests habituels : Romberg, piétinement et marche aveugles, mouvement ample et rapide, on l’amène à l’autre extrémité du
le temps essentiel de l’examen clinique est représenté par les divan. Au bout de quelques secondes à une minute, on provo-
manœuvres de provocation du vertige. La manœuvre de Dix- que un vertige violent accompagné d’un nystagmus rotatoire
Hallpike consiste à coucher rapidement le patient en lui qui roule vers le haut, et qui ne s’est donc pas inversé par
tournant la tête sur le côté, d’environ 30°, cou bien maintenu, rapport à celui retrouvé lors de la manœuvre de provocation. Le
tête légèrement déclive par rapport au divan d’examen. Dans le plus souvent une ou deux manœuvres sont suffisantes pour
cas du vertige positionnel paroxystique bénin, après une latence guérir la crise. On préviendra cependant le patient de la
de quelques secondes, on déclenche un vertige rotatoire très possibilité d’un état d’ébriété passagère [41] dans les 48 heures

Médecine d’urgence 15
25-110-D-10 ¶ Vertiges en urgence

Faux vertiges
Hypotension orthostatique
Cliniquement, il faut d’abord penser à l’hypotension orthostati-
que. La mesure de la pression artérielle au bras en position couchée,
puis 2 et 5 minutes plus tard en position debout, permet de la
dépister. On acceptera le diagnostic pour une chute d’au moins
20 mmHg de la symbolique. Généralement s’associent une pâleur
du visage, des phosphènes, des paresthésies des extrémités des
membres et une impression de perte de connaissance imminente.
Bien souvent, c’est l’examen de l’ordonnance du patient qui
permettra de se rendre compte de l’excès de thérapeutiques
vasodilatatrices ou hypotensives, ou de psychotropes.
Lipothymie et malaise vagal
La lipothymie et le malaise vagal sont des phénomènes
vasomoteurs par perte du tonus sympathique qui surviennent
dans les circonstances de surmenage, de fatigue, de stress. La
symptomatologie est celle de l’hypotension orthostatique aiguë.

Figure 8. La manœuvre thérapeutique du vertige positionnel paroxys- Hypoglycémie du diabétique


tique bénin consiste à retourner rapidement le patient du côté opposé. Le L’hypoglycémie du diabétique ne s’exprime pas par de vrais
succès de la manœuvre se traduit par un vertige et un nystagmus dont le vertiges rotatoires mais par une sensation vertigineuse bien
sens ne varie pas par rapport à la mise en décubitus latéral du côté atteint. connue du médecin généraliste, du diabétologue et du patient
Le nystagmus roule vers le haut. Deux hypothèses rivalisent : soit les lui-même. Elle est faussement incriminée et confondue avec le
otolithes se détachent de la cupule du canal semi-circulaire postérieur, soit malaise vagal, la lipothymie, l’hypotension orthostatique. La
les otolithes sortent du canal semi-circulaire postérieur. vraie hypoglycémie du diabétique n’est corrigée que par un
apport glucidique. Le faux vertige de l’hypoglycémie du diabé-
tique est rapidement suivi d’une perte de connaissance.
qui suivent la manœuvre, disparaissant spontanément sans Épilepsie
médicament. En cas de persistance de l’état de déséquilibre, on
Le vertige épileptique est une forme d’épilepsie temporale. Il
proposera quelques séances de rééducation de l’équilibre.
s’agit rarement d’un vertige rotatoire mais plutôt d’une impres-
Ce traitement, très efficace pour guérir la crise, n’empêche
sion de perte d’équilibre de déplacement organisé parfois
malheureusement pas les récidives qui peuvent survenir après
linéaire. La sensation la plus évocatrice est celle d’une impres-
plusieurs mois ou années et qui seront traitées de la même
sion de voler, de flotter, de lévitation. Cette sensation générale-
façon.
ment brève, quelques secondes, peut s’accompagner d’une chute
qui peut se révéler grave si le sujet est en train d’effectuer une
Vertige alcoolique tâche dangereuse. L’examen clinique otoneurologique ne trouve
généralement aucune anomalie. Un bilan électroencéphalogra-
Signes cliniques phique et l’avis d’un neurologue averti affirment le diagnostic,
mais, de toute façon, un traitement d’épreuve par un antiépi-
Ils surviennent après une importante prise d’alcool supérieure leptique est souvent l’ultime recours.
à un 1 g kg–1 de poids soit environ six litres de vin. Le nystag-
mus apparaît au bout d’une demi-heure, dans la position de Vertiges légendaires
décubitus latéral droit et gauche, avec un nystagmus géotropi- On distingue la légendaire crise de foie, l’intoxication
que, [39] maintenu par la fixation plus net encore sans fixation alimentaire, ou le vertige « e stomacho » de Charcot de la fin du
visuelle. Trois ou quatre heures plus tard ce nystagmus de type e
XIX siècle. Contrairement à l’idée populaire, les crises de foie ne
I disparaît pour laisser place à un autre nystagmus de position s’accompagnent pas de vertiges ni d’intoxication alimentaire.
éthylique de type II, agéotropique. L’hypothèse d’une action Nos patients vertigineux seront persuadés que les vomissements
directe de l’alcool dans le labyrinthe est admise. Dans un alimentaires expliquent leurs vertiges aigus tant l’imaginaire
premier temps, l’alcool pénètre dans la cupule et rend la cupule prend le dessus. Abusé par ces certitudes, le médecin acquiesce
plus légère que l’endolymphe. Elle flotte comme un ludion et l’origine alimentaire, la toxi-infection, la gastro-entérite et
induit un nystagmus de position alcoolique qui dépend de la néglige l’atteinte vestibulaire aiguë périphérique ou centrale et
position. Quelques heures plus tard l’endolymphe plus concen- fait l’erreur médicale la plus fréquemment rencontrée dans ce
trée en alcool que la cupule induit un mouvement relatif chapitre des syndromes vertigineux aigus. C’est la cause
inverse, la cupule s’enfonce dans l’endolymphe donnant un principale des erreurs diagnostiques.
nystagmus de type opposé.
Erreurs diagnostiques
Examens Un vertige positionnel impose rapidement une immobilité
S’il était nécessaire, on pratiquerait une mesure d’alcoolémie. cervicale qui, du fait de l’anxiété, des antécédents possibles du
Les classiques mesures policières de l’alcoolémie par les ballon- patient (traumatisme, arthrose cervicale), a rendu l’hypothèse
nets gonflables, pour leur faible coût et leur côté non invasif, proprioceptive cervicale plausible. Il est très exceptionnel que l’on
puisse attribuer à une origine cervicale un syndrome vertigineux
peuvent être quelquefois préférées à la mesure précise de
aigu. Il n’en est pas de même pour les sensations de déséquilibre,
l’alcoolémie circulant qui sera pourtant pratiquée facilement si
d’instabilité, d’inconfort qui ne doivent pas être classées dans le
le patient est reçu dans un service d’urgences. Les troubles du
chapitre des syndromes vertigineux aigus. Accepter l’hypothèse
comportement, de l’idéation, la présence des signes cérébelleux
cervicale, la documenter par une radiographie, un doppler est
classiques du syndrome alcoolique confirment le diagnostic.
généralement d’intérêt secondaire et distrait le praticien d’un vrai
diagnostic en urgence et d’un traitement adapté.
Traitement
Le traitement dépend du degré d’alcoolémie : soit repos au lit Erreurs thérapeutiques
avec de l’aspirine, soit lavage gastrique en cas ingestion aiguë Elles comprennent la sous-estimation de l’intérêt de la
récente. rééducation des vertiges et la sous-estimation de l’intérêt de la

16 Médecine d’urgence
Vertiges en urgence ¶ 25-110-D-10

manœuvre de traitement du vertige positionnel paroxystique [24] Strome SE, Hartshorn DO, Caroll WR, Shepard N, Discher MJ.
bénin. Une autre erreur est la prescription abusive de vasodila- Otologic manifestations of vertebral artery dissection. Otolaryngol
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M. Toupet, Ancien assistant des hôpitaux de Paris, ancien assistant des universités de Paris, oto-rhino-laryngologiste (michel.toupet@club-internet.fr).
Centre d’explorations fonctionnelles otoneurologiques, 10, rue Falguière, 75015 Paris, France.
C. Van Nechel, Chef de service adjoint, neurologue.
Unité de neuro-ophtalmologie, cliniques universitaires de Bruxelles Erasme, 808, route de Lennik, B1070 Bruxelles et CHU Brugmann, service de revalidation
neurologique, 4, place Van Gehuchten, B1020 Bruxelles, Belgique.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Toupet M., Van Nechel C. Vertiges en urgence. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Médecine d’urgence,
25-110-D-10, 2007.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


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décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

Médecine d’urgence 17
¶ 25-190-B-10

Accidents des traitements anticoagulants


oraux
I. Elalamy

Les accidents hémorragiques imputables aux antivitamines K (AVK) représentent la première cause
d’accident iatrogène, responsable de près de 20 000 hospitalisations/an en France avec une incidence
d’épisodes hémorragiques graves de 5/100 patients-année et d’accidents mortels de 1/100 patients-
année. L’incidence des hémorragies intracérébrales est d’environ 0,5 % année/patient. Cette fréquence
augmente particulièrement chez les patients de plus de 75 ans et lorsque l’international normalized
ratio (INR) est supérieur à 3. La tendance récente de recommander une hypocoagulation plus modérée et
l’utilisation largement admise de l’INR permettent un meilleur contrôle biologique. Le bon usage des AVK
passe par une évaluation du meilleur rapport bénéfice/risque et par le respect des indications validées. La
durée du traitement doit aussi être adaptée au niveau de risque thrombotique. La réalisation d’une
stratégie de stratification du risque de récidive ou d’hémorragie préalable à l’instauration du traitement
combinée à une éducation adéquate du patient devraient permettre d’optimiser l’usage de ce traitement
potentiellement dangereux.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Anticoagulants ; AVK ; Hémorragies ; INR

Plan ■ Hémorragies
¶ Introduction 1 Incidence
¶ Hémorragies 1 En France, plus de 600 000 personnes sont sous traitement
Incidence 1 AVK, soit près de 1 % de la population. Dans les deux tiers des
Facteurs de risque 2 cas, il s’agit d’une pathologie cardiaque (valvulopathies, troubles
Évaluation du risque hémorragique 2 du rythme, syndromes coronariens) et dans un tiers des cas, de
Correction d’un surdosage en antivitamines K 2 la prise en charge d’une maladie thromboembolique veineuse.
Surveillance des traitements par les antivitamines K 4 Les accidents hémorragiques imputables aux AVK représen-
tent la première cause d’accident iatrogène responsable de près
¶ Nécrose cutanée 4
de 20 000 hospitalisations/an en France avec une incidence
¶ Fœtopathies 4 d’épisodes hémorragiques graves de 4,9/100 patients-année et
¶ Autres accidents 5 d’accidents mortels de 0,8/100 patients-année [2].
Aux États-Unis, sur plus de 2 millions de sujets traités, la
¶ Conclusion 5
mortalité par accidents hémorragiques est estimée à 1 % [1]. Une
étude rétrospective sur 530 patients montre une incidence de
2,7 % de décès par hémorragie par année de traitement [3]. Cette
fréquence est bien plus élevée que celle observée dans les
■ Introduction travaux plus récents. Ainsi, dans l’étude italienne ISCOAT, les
auteurs rapportent une incidence hémorragique bien plus faible
Les antivitamines K (AVK) sont des anticoagulants oraux que celle de la littérature (0,25 % patients-année d’accident
utilisés depuis plus d’un demi-siècle dans la prévention et le fatal, 1,1 % patients-année d’accident majeur et 6,2 % patients-
traitement des accidents thromboemboliques [1] (Tableau 1). année d’accident mineur) pour une efficacité antithrombotique
comparable (3,6 % patients-année de récidive) [4]. L’international
Bien que leur efficacité soit largement reconnue, leur manie-
normalized ratio (INR) moyen recherché a permis de définir deux
ment en apparence facile reste encore délicat compte tenu des
groupes de patients : INR inférieur à 2,8 dans le groupe faible
nombreuses interactions médicamenteuses, des variations
intensité (n = 1 381 ; 1,8 > INR ≤ 2,8) et INR supérieur à 2,8 dans
interindividuelles liées au régime alimentaire et à la compliance le groupe forte intensité (n = 630 ; 2,8 > INR < 4,5). Les accidents
plus ou moins effective du patient. Chez un patient traité, la hémorragiques sont significativement plus fréquents dans le
prise d’AVK expose à deux risques principaux : groupe à INR supérieur à 2,9 (p < 0,05). Ils sont le plus souvent
• l’hémorragie liée à un surdosage ; mineurs (épistaxis, gingivorragies, hémorragies urogénitales),
• la thrombose liée à un sous-dosage. survenant dans plus de 30 % des cas au cours des trois premiers
Ceci souligne l’importance de la surveillance biologique et de mois et ils ont valeur d’alerte. On ne parle d’accident hémorra-
l’équilibre de l’hypocoagulation induite par un tel traitement. gique majeur qu’en cas de localisation intracrânienne ou

Médecine d’urgence 1
25-190-B-10 ¶ Accidents des traitements anticoagulants oraux

Tableau 1.
Antivitamines K disponibles en France et leurs principales caractéristiques.
Molécules Dose/comprimé (mg) Posologie moyenne (mg/j) Demi-vie (h) Durée d’action (j)
Demi-vie courte
Acénocoumarol 1 ou 4 2-10 8-9 2-4
Sintrom®
Demi-vie longue
Tioclomarol 4 4-8 21 2-3
Apegmone®
Fluindione 20 20-40 30 2
Préviscan®
Warfarine 2 ou 10 2-15 35-45 4-5
Coumadine®

Tableau 2. importants restent le grand âge, le diabète et la polythérapie


Patients à risque hémorragique accru sous antivitamines K. (plus de trois médicaments) qui reflètent en réalité une comor-
Âge supérieur à 75 ans
bidité plus complexe [7].
Les complications sont plus fréquentes chez les patients peu
Hypertension artérielle mal contrôlée
compliants et ayant bénéficié d’une éducation insuffisante vis-
Artériopathie évolutive à-vis de la surveillance du traitement.
Prise concomitante d’aspirine ou d’anti-inflammatoires non stéroïdiens Sur 2 à 3 millions de patients traités par AVK au long cours,
Polythérapie (plus de trois médicaments associés) 25 à 210 000 accidents hémorragiques majeurs sont réperto-
Traitement prolongé riés [8] ; 5 à 10 000 épisodes d’hémorragie intracérébrale (HIC)
Antécédent d’accident vasculaire cérébral surviennent annuellement aux États-Unis et ce risque ne semble
Antécédent d’hémorragie digestive
pas lié uniquement à l’âge ou à l’intensité de l’hypocoagula-
tion [8, 9]. Ainsi, dans une très récente étude cas-contrôle, il a été
Infarctus du myocarde récent
confirmé que la leucoaraïose associée à l’antécédent d’accident
Hématocrite < 30 % vasculaire cérébral est un facteur de risque indépendant d’HIC
Créatininémie > 130 µmol/l avec un risque 13 fois supérieur [10]. Un autre facteur a égale-
Diabète ment été proposé : le génotype APOE comme marqueur de
Atteinte hépatique (alcool) l’angiopathie amyloïde cérébrale [11].
Mauvaise éducation du patient et/ou non-compliance au traitement
INR élevé (> 4) Évaluation du risque hémorragique
INR : international normalized ratio. L’appréciation du risque hémorragique n’est pas la même
selon l’indication et l’intensité du traitement anticoagulant, le
type d’affection et la gravité des hémorragies. L’estimation de ce
rétropéritonéale, l’origine principale des saignements étant risque nécessite une évaluation correcte du bénéfice thérapeuti-
digestive, ou d’événement nécessitant une transfusion que [12]. Dans cette optique, la standardisation de l’évaluation
globulaire. du risque hémorragique est proposée sous la forme d’un index
Dans une revue récente de la littérature, il apparaît que de sévérité hémorragique [12]. Véritable algorithme basé sur des
l’incidence annuelle des accidents hémorragiques fatals varie de critères quantitatifs non subjectifs, le caractère aigu ou chroni-
0 à 4,8 % et celle des hémorragies majeures de 2,4 à 8,1 % alors que de l’hémorragie et les conséquences de l’accident, cet index
que les hémorragies mineures sont rapportées chez près de 15 % apparaît reproductible. Ainsi, il est de 2 % pour les accidents
des patients [5]. hémorragiques majeurs. L’incidence est différente selon l’inten-
sité ou l’indication du traitement, le terrain et le type d’acci-
dent [13]. L’intensité du traitement anticoagulant est un élément
Facteurs de risque prépondérant et il existe une zone frontière avec un INR
compris entre 2 et 2,5. La période initiale du traitement
Les facteurs de risque hémorragiques sous AVK sont de mieux anticoagulant (1 à 3 mois) est particulièrement sensible avec
en mieux identifiés (Tableau 2). L’âge est le facteur le plus une incidence élevée d’accidents hémorragiques [1].
important avec une augmentation du risque d’hémorragie L’application de la règle des « 4 D » des auteurs anglo-saxons
majeure de près de 50 % par décennie au-delà de 40 ans. permet de minimiser ce risque : « dose » utilisée, médicaments
Compte tenu des modifications pharmacocinétiques et de la associés (drugs), maladies associées ou intercurrentes (disease),
diminution de la clairance des AVK, les doses nécessaires chez variables « démographiques » (âge, sexe), sans omettre la
les sujets de plus de 75 ans sont réduites de moitié par rapport compliance au traitement ni l’activité physique du patient qui
à celles des patients de 35 ans [6]. Il apparaît que le risque peut favoriser les accidents hémorragiques post-traumatiques. La
hémorragique annuel des sujets de plus de 75 ans passe de qualité de la surveillance clinique et biologique permet de
1,6 % avec un INR à 1, à 5 % en cas d’INR à 2,5 et à 50 % avec réduire la fréquence des accidents hémorragiques. Il faut
un INR à 4. Le risque individuel hémorragique doit donc être sensibiliser le patient sur la prise de médicament en vente libre
systématiquement évalué lors de la mise en route du traitement. tels que l’aspirine et les autres anti-inflammatoires non stéroï-
Dans l’étude ISCOAT, l’incidence accrue liée à l’âge et à l’inten- diens qui sont particulièrement dangereux en association avec
sité du traitement était confirmée [4] : la warfarine.
• > 70 ans : 10,5/100 années-patients ;
• 70 ans : 6/100 années-patients ; Correction d’un surdosage en antivitamines
• INR 2,2-2,9 : 4,8/100 années-patients ;
• INR 3-4,4 : 9,5/100 années-patients ;
K (Tableaux 3, 4)
• INR 4,5-6,9 : 40,5/100 années-patients ; En cas d’hypocoagulation trop importante, l’arrêt transitoire
• INR > 7 : 200/100 années-patients. de l’AVK s’impose mais devant le risque hémorragique majeur
Une récente étude prospective sur 360 patients ayant une en cas d’INR supérieur à 6, il est recommandé d’administrer de
fibrillation auriculaire a montré que les paramètres les plus la vitamine K per os ou par voie parentérale [14]. Une étude

2 Médecine d’urgence
Accidents des traitements anticoagulants oraux ¶ 25-190-B-10

“ Points forts
Questions à considérer à la mise en place d’un traitement anticoagulant [5]
• L’indication d’un tel traitement est-elle définie (fibrillation auriculaire par exemple) ?
• Existe-t-il un risque hémorragique accru ou une contre-indication absolue avec ce traitement ?
• Les traitements associés et la comorbidité risquent-ils d’accroître le risque hémorragique ou d’interférer avec l’hypocoagulation
souhaitée ?
• La compliance au traitement ou la régularité des contrôles biologiques de l’INR sont-ils un problème ?
• La surveillance clinique du patient en termes de rapport bénéfice antithrombotique et risque hémorragique est-elle régulière ?
Il faut suspecter un risque hémorragique accru devant l’apparition d’un saignement, même s’il semble mineur :
- gingivorragie importante
- épistaxis spontanée
- hémorragie conjonctivale
- hématurie
- ménométrorragies
- apparition d’hématomes (« ecchymoses étendues »)
- rectorragies ou présence de sang rouge dans les selles, melena
- vomissements ou crachats sanglants
- saignement prolongé d’une plaie minime
D’autres signes fonctionnels peuvent faire suspecter un saignement occulte :
- asthénie croissante
- essoufflement ou dyspnée à l’effort
- pâleur inhabituelle
- céphalées résistantes aux antalgiques classiques
- malaise inexpliqué

Tableau 3. os (n = 26) ou sous-cutané (n = 25) [15]. Il a été montré que la


Conduite à tenir en cas d’international normalized ratio (INR) trop voie orale sublinguale est plus efficace que la voie sous-cutanée
élevé [14]. avec une correction rapide de l’INR le jour même de la substi-
INR compris entre 5 et 9 tution vitaminique.
Suspendre le traitement Dans une autre étude, il apparaît que les recommandations
des conférences de consensus nord-américaines concernant
Reprendre le traitement AVK avec une posologie inférieure lorsque l’INR
atteint la fourchette thérapeutique ou
l’utilisation de la vitamine K orale en cas de surdosage en AVK
et les modalités de prise en charge des patients à risque
Sauter une prise et administrer de la vitamine K orale (1 à 2,5 mg) en cas
de risque hémorragique accru
hémorragique élevé ne sont pas suivies en pratique par près de
la moitié des centres interrogés [16]. Cela souligne l’hétérogénéité
Évaluation renforcée de l’INR
encore importante de la prise en charge des patients dans ce
INR supérieur à 9
contexte, liée en partie au grade peu élevé (2C) des recomman-
Suspendre le traitement dations des conférences d’experts [14].
Administrer de la vitamine K orale (3 à 5 mg) En cas d’INR particulièrement élevé et de difficultés pour le
Évaluation renforcée de l’INR patient d’appliquer les recommandations thérapeutiques,
AVK : antivitamines K. l’hospitalisation est nécessaire.
En cas de risque vital, la correction par l’apport de concen-
Tableau 4. trés en facteurs vitamine K-dépendants est préconisée
Conduite pratique en cas de surdosage en Coumadine®. (Prothrombine, Proconvertine, facteur Stuart, facteur antihé-
mophilique B : PPSB, Kaskadil® 20 à 30 UI/kg) [8]. La perfusion
INR > 6 sans saignement. Arrêt Coumadine® et administration de 2 mg de plasma frais congelé sécurisé (150 ml/10 kg) ou de facteur
de vitamine K par voie orale. Reprise à dose moindre dès que l’INR
VII activé (NovoSeven®) a été aussi rapportée dans certains
est < 3,5
cas [1].
INR > 5 avec saignement mineur. Arrêt Coumadine® et administration
En contexte chirurgical, l’attitude pratique à recommander
de 2 mg de vitamine K par voie orale. Reprise à dose moindre dès que
doit prendre en compte à la fois le risque thrombotique
l’INR est < 3,5
inhérent à l’acte et/ou lié au terrain et le risque hémorragique
INR > 4 sans saignement. Arrêt Coumadine® et reprise à dose moindre
per- et postopératoire [14] (Tableau 5) :
dès que l’INR est < 3,5
• maintien de l’INR entre 2 et 3 et assurance de l’hémostase
Saignement mineur avec INR dans la zone thérapeutique. Recher-
locale sous contrôle de la vue pour des interventions du type
cher une cause locale
extraction dentaire, biopsie cutanéomuqueuse, ponction
Saignement majeur (SNC, digestif, rétropéritonéal, hématomes et hé-
sternale... ;
moptysie...). Arrêt Coumadine®, administration de 10 mg de vitamine K
par voie i.v. lente, Kaskadil® (concentrés de facteurs vitamino-K-
• arrêt du traitement AVK 2 ou 3 jours pour assurer un INR
dépendants) 20 à 30 UI/kg ou PFC (150 ml pour 10 kg de poids) sécurisé inférieur à 1,5 et relais possible sous couvert d’une héparino-
thérapie pour la prophylaxie antithrombotique en postopéra-
INR : international normalized ratio ; PFC : plasma frais congelé ; SNC : système
toire immédiat en cas de chirurgie abdominale ou
nerveux central ; IV : intraveineux.
orthopédique ;
• arrêt du traitement AVK avec un relais par héparine arrêté en
randomisée a comparé l’efficacité de ces deux voies d’adminis- préopératoire (12 à 24 heures) mais repris en postopératoire
tration chez des patients asymptomatiques ayant un INR en cas de chirurgie lourde associée à des antécédents throm-
compris entre 4,5 et 10 recevant alors 1 mg de vitamine K per botiques récents.

Médecine d’urgence 3
25-190-B-10 ¶ Accidents des traitements anticoagulants oraux

Tableau 5. Tableau 6.
Arrêt des antivitamines K (AVK) en cas de geste invasif [14]. International normalized ratio (INR) cibles des antivitamines K (AVK) :
recommandations actuelles[14, 17].
Faible risque thromboembolique (ATE > 3 mois, AC par FA sans AVC)
- arrêt Coumadine® 4 jours avant chirurgie Indications INR
- chirurgie lorsque l’INR est inférieur à 1,5 Prévention primaire des thromboses Cible : 2,5 (intervalle toléré :
- prévention postopératoire des ATE si chirurgie à risque élevé par HNF veineuses (chirurgie à haut risque 2-3)
ou HBPM grade 2C thrombotique)
Traitement des thromboses veineuses
Risque thromboembolique intermédiaire et embolies pulmonaires
- arrêt Coumadine® 4 jours avant chirurgie Prévention des embolies systémiques
- prévention préopératoire (2 jours avant) par HNF ou HBPM en cas de :
- prévention postopératoire des ATE si chirurgie à risque élevé par HNF - prothèses valvulaires tissulaires
ou HBPM grade 2C - fibrillation auriculaire
- infarctus aigu du myocarde
Risque thromboembolique élevé (ATE < 3 mois, prothèse mécanique - cardiopathie valvulaire
en position mitrale, prothèse ancienne)
Prothèses valvulaires mécaniques Cible : 3 (intervalle toléré
- arrêt Coumadine® 4 jours avant chirurgie
2,5 à 3,5)
- HNF ou HBPM en préopératoire (2 jours avant) à doses « curatives »
pour les valves récentes aorti-
- arrêt de l’héparine i.v. 5 heures avant la chirurgie, arrêt de l’HNF sous- ques à faible thrombogénicité
cutanée ou HBPM 12 à 24 heures avant
Cible : 3,7 (intervalle toléré
Faible risque hémorragique : diminution des doses d’AVK pour obtenir 3 à 4,5)
un INR 1,3-1,5 permettant chirurgie gynécologique ou orthopédique, pour les valves à plus forte
associée à des doses préventives d’HNF ou HBPM thrombogénicité
Extractions dentaires possibles sans arrêt des AVK si faible risque en particulier valves ancien-
hémorragique-gestes d’hémostase locale nes mitrales...
- addition d’antifibrinolytiques en bain de bouche
Embolies systémiques récidivantes Cible : 3,7 (intervalle toléré 3
Situations d’urgences à 4,5)
- urgence < 4-6 heures : concentrés de facteurs vitamino-K-dépendants
Kaskadil® (PPSB)
- urgence > 4-6 heures : administration de vitamine K 1 à 5 mg, i.v.,
risques dus à un surdosage ou à un traitement insuffisant, 60 %
sous-cutanée, per os
ne connaissent pas les signes de surdosage et 11 % des patients
AC : arythmie complète ; FA : fibrillation auriculaire ; AVC : accident vasculaire interrogés savent qu’il faut signaler leur traitement au médecin,
cérébral ; INR : international normalized ratio ; ATE : accident thromboembolique ; au dentiste ou à leur biologiste. Alors que 48 % des biologistes
HNF : héparine non fractionnée : HBPM : héparine de bas poids moléculaire ; i.v. :
intraveineux.
ignorent l’indication des AVK pour leurs patients, il apparaît
que près de la moitié des patients sont en dehors de la zone
thérapeutique.
Surveillance des traitements
par les antivitamines K
■ Nécrose cutanée
Pour la surveillance adéquate d’un traitement par AVK, il
importe de bien connaître les modalités thérapeutiques (poso- La nécrose cutanée est une complication rare des AVK avec
logie, nombre de prises, observance, prise médicamenteuse une fréquence d’environ 0,1 %. Elle survient chez des patients
associée...). La surveillance biologique du traitement doit se faire entre le troisième et le septième jour de traitement et elle est
à l’aide de l’INR, rapport du temps de coagulation du malade généralement localisée dans les régions graisseuses (seins,
sur le temps du témoin élevé à la puissance de l’indice de cuisses, fesses). Ces lésions sont dues à un état d’hypercoagula-
sensibilité international du réactif (ISI). Une hiérarchisation des bilité provoquée par la diminution plus rapide des taux de
zones thérapeutiques en fonction du contexte clinique a été protéines C et S, les autres facteurs vitamines K-dépendants à
adoptée de façon consensuelle [14]. L’hypocoagulabilité souhai- demi-vie plus longue (facteurs IX, X et II) étant moins abaissés.
tée se définit maintenant selon un schéma simple (Tableau 6). Cet accident est donc à redouter en cas de déficit homozygote
Le développement de cliniques des traitements anticoagulants en ces inhibiteurs physiologiques de la coagulation. Il peut
dans les pays européens (Hollande, Italie, Espagne, Grande- survenir également chez les sujets déficitaires en antithrombine,
Bretagne) et aux États-Unis, assurant la prise en charge complète présentant un lupus érythémateux disséminé ou en dehors de
du traitement, du prélèvement au rendu d’INR et au conseil tout contexte clinique reconnu. Il convient donc, chez ces
thérapeutique, devrait autoriser la diminution d’un facteur 3 à patients, d’utiliser un AVK de longue durée d’action à doses
4 de la morbidité et de la mortalité liées à l’utilisation des progressivement croissantes et de prolonger le relais de l’hépa-
traitements par AVK et une économie de 1 600 dollars/année/ rinothérapie pendant 10 jours jusqu’à l’obtention d’une hypo-
patient [18]. Bien que cela représente une économie potentielle coagulation stable en rapport avec l’indication établie [17].
de 1 milliard d’euros par an en France, ce système est difficile-
ment applicable. Il s’agit en fait d’un véritable partenariat avec
le médecin traitant, avec une structure de conseil pour l’ajuste- ■ Fœtopathies
ment des posologies par exemple. Ces cliniques constituent
surtout une structure d’éducation pour le patient, d’expertise Un risque d’embryopathie associée aux AVK, capables de
pour les traitements antithrombotiques, permettant la réalisa- traverser le placenta, est maximum à la 6-12 e semaine de
tion d’enquêtes épidémiologiques. L’éducation du patient reste grossesse, contre-indiquant ainsi leur usage au début de gros-
en effet un objectif primordial. Trois études épidémiologiques sesse. Différentes malformations sont décrites : agénésie nasale,
mises en place par l’AFSSAPS en 2000 auprès de 195 pharmacies atteinte des épiphyses, encéphalopathie, hémorragie fœtale... Ce
d’officine et de 436 laboratoires d’analyses biologiques ont risque tératogène diminue avec le terme de la grossesse,
permis de révéler la méconnaissance du traitement par les pouvant autoriser dans de rares cas l’usage des AVK de la 16e à
patients [2]. Ainsi, 98 % des patients connaissent la nécessité de la 30 e semaine de grossesse. Les doses utilisées sont alors
la surveillance biologique et 76 % des patients ont lu la notice généralement plus faibles. Du fait du risque hémorragique en
du médicament utilisé. Mais seulement 52 % connaissent les fin de grossesse, ce traitement reste aussi proscrit au moins

4 Médecine d’urgence
Accidents des traitements anticoagulants oraux ¶ 25-190-B-10

6 semaines avant l’accouchement. Un relais par une héparine [4] Palareti G, Leali N, Coccheri S, Poggi M, Manotti C, D’Angelo A, et al.
standard ou une HBPM est généralement pratiqué dans ce Bleeding complications of oral anticoagulant treatment: an inception-
contexte [19]. cohort, prospective collaborative study (ISCOAST). Italian study on
complications of oral anticoagulant therapy. Lancet 1996;348:423-8.
[5] Fitzmaurice DA, Blann AD, Lip GY. Bleeding risks of antithrombotic
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[6] American geriatrics society clinical practice committee. The use of oral
Des accidents immunoallergiques (rash cutané, leucopénie, anticoagulants (warfarin) in older people. American geriatrics Society
agranulocytose, hépatite cytolytique, insuffisance rénale aiguë) guideline. J Am Geriatr Soc 2002;50:1439-45.
sont parfois observés avec la phénylindanedione et la fluin- [7] Wehinger C, Stollberger C, Langer T, Schneider B, Finsterer J. Evalua-
dione. La survenue entre la quatrième et la sixième semaine tion of risk factors for stroke/embolism and of complications due to
d’un épisode fébrile associé à une éruption cutanée prurigineuse anticoagulant therapy in atrial fibrillation. Stroke 2001;32:2246-52.
et extensive impose l’arrêt immédiat du traitement et un bilan [8] Levine MN, Raskob G, Landefeld S, Kearon C. Hemorrhagic compli-
hépato-hémato-rénal complet [14] . De rares cas de troubles cations of anticoagulant treatment. Chest 2001;119(suppl1):108S-
digestifs (nausées, vomissements) ont été décrits avec les dérivés 121S.
coumariniques. [9] Gorter JW. Major bleeding during anticoagulation after cerebral
ischemia: patterns and risk factors. Stroke Prevention In Reversible
■ Conclusion Ischemia Trial (SPIRIT). European Atrial Fibrillation Trial (EAFT)
study groups. Neurology 1999;53:1319-27.
[10] Smith EE, Rosand J, Knudsen BA, Hylek EM, Greenberg SM.
L’utilisation actuelle des AVK montre la nécessité de l’adap-
Leukoaraiosis is associated with warfarin-related hemorrhage
tation du traitement au cas par cas. De plus, le respect des
following ischemic stroke. Neurology 2002;59:193-7.
indications, indissociable d’une véritable éducation du patient
[11] Rosand J, Hylek EM, O’Donnell HC, Greenberg SM. Warfarin-
(carnet de surveillance), permet une optimisation du rapport
associated hemorrhage and cerebral amyloid angiopathy: a genetic and
bénéfice/risque. Il semblerait que cette meilleure prise en charge
pathologic study. Neurology 2000;55:947-51.
de la surveillance des traitements par AVK réduise significative-
[12] Sarasin FP, Bounameaux H. Duration of anticoagulant therapy after
ment la mortalité imputable à ce traitement avec des données
proximal deep vein thrombosis: a decision analysis. Thromb Haemost
plus récentes de l’ordre de 0,2 % et non de 1 % [5]. L’avenir
1994;71:286-91.
d’un contrôle de la coagulation par le patient lui-même à l’aide
[13] Landefeld CS, Anderson PA, Goodnough LT, Moir TW, Hom DL,
d’appareils automatiques (home-tests) utilisant le sang capillaire
Rosenblatt MW, et al. The bleeding severity index: validation and
ou veineux reste encore incertain. Dans cette attente, il faut
comparison to other methods for classifying bleeding complications of
organiser une surveillance biologique d’accès facile aux patients
medical therapy. J Clin Epidemiol 1989;42:711-8.
en évitant la nécessité de rendez-vous et les attentes prolongées [14] Ansell J, Hirsh J, Poller L, Bussey H, Jacobson A, Hylek E, et al. The
lors du prélèvement sanguin. Cette simplification a été réalisée pharmacology and management of the vitamin K antagonists. Chest
dans les centres spécialisés. Elle existe pratiquement de fait dans 2004;126(suppl 3):2045-335.
les grandes villes, en médecine libérale et dans de rares centres [15] Crowther MA, Julian J, McCarty D, Douketis J, Kovacs M, Biagoni L,
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.

K: a randomised controlled trial. Lancet 2000;356:1551-3.

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I. Elalamy, Maître de conférences des universités praticien hospitalier.


Service d’hématologie biologique, hôpital Tenon, 4 rue de la Chine, 75020 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Elalamy I. Accidents des traitements anticoagulants oraux. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Médecine
d’urgence, 25-190-B-10, 2007.

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Médecine d’urgence 5
¶ 25-190-B-20

Accidents iatrogènes
liés à l’héparinothérapie
I. Elalamy

Les héparines, véritables standards dans la prophylaxie et le traitement antithrombotique, sont très
largement utilisées en pratique clinique depuis plus de 50 ans. Les accidents iatrogènes liés aux héparines
sont de nature différente, immune ou pharmacologique, aux conséquences cliniques diverses. Ils ne
doivent pas être ignorés car l’évolution peut être péjorative avec une très grande sévérité, mettant en jeu
le pronostic vital. La déclaration plus régulière à la pharmacovigilance devrait permettre un recensement
plus fidèle et une meilleure connaissance de ces effets adverses.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Héparine ; HBPM ; Effets secondaires des héparines ; Résistance à l’héparine ; TIH ;
Allergie aux héparines

Plan antithrombotique, sont très largement utilisées en pratique


clinique depuis plus de 50 ans. Les accidents iatrogènes liés aux
héparines sont de nature différente, immune ou pharmacologi-
¶ Introduction 1
que, aux conséquences cliniques diverses. Ils ne doivent pas être
¶ Rappels sur l’héparine et sa surveillance biologique 1 ignorés. Nous passons en revue les plus importants.
¶ Résistance à l’héparine (RH) 2
Résistance à l’héparine dépendante de l’antithrombine 2
Résistance à l’héparine indépendante de l’antithrombine
Pseudorésistances à l’héparine
2
2
■ Rappels sur l’héparine
Causes plus rares 3 et sa surveillance biologique
Traitement de la résistance à l’héparine 3
L’héparine non fractionnée (HNF) ou héparine standard est
¶ Thrombopénies induites par les héparines 3
un mélange hétérogène de polysaccharides sulfatés et de charge
Épidémiologie et mécanismes pathogéniques 3
négative composés de résidus d’acide glucuronique et d’acide
Expression clinique 3
uronique. [1] D’origine biologique, elle est extraite de muqueuses
Diagnostic biologique 4 intestinales porcines et pulmonaires bovines. Leur poids
Traitement 5 moléculaire (PM) varie de 3 à 30 kDa avec un PM moyen de
¶ Accidents hémorragiques 7 15 kDa. L’HNF exerce son effet anticoagulant via son cofacteur
¶ Priapisme 7 l’antithrombine (AT) qui est l’inhibiteur physiologique naturel
de la plupart des sérines-protéases telles que la thrombine
¶ Hyperkaliémie 7
(facteur IIa) et le facteur Stuart (facteur Xa). Cette liaison est
¶ Autres complications 7 assurée par une séquence pentasaccharidique particulière
Influence du métabolisme lipidique 7 retrouvée sur près de 30 % de chaînes polysaccharidiques et
Ostéoporose 7 répartie au hasard. Le rapport d’activité antiXa/anti-IIa est
Atteinte thyroïdienne 8 voisin de 1. Malgré une importante variabilité interindividuelle
Effet thrombopoïétique 8 pour une dose fixe d’HNF et la difficulté de déterminer la
Hyperéosinophilie 9 posologie optimale, sa demi-vie courte (90 min) et sa neutrali-
Réactions cutanées 9 sation possible par le sulfate de protamine font d’elle l’anticoa-
Alopécie 9 gulant de référence de la circulation extracorporelle (CEC). Les
¶ Conclusion 9 héparines de bas poids moléculaires (HBPM) sont obtenues par
procédé chimique. Elles se distinguent de l’HNF par une taille
réduite, avec un PM moyen aux environs de 5 kDa, une demi-
vie plus longue, un rapport activité anti-Xa/activité anti-IIa
supérieur à 1, une meilleure biodisponibilité, une réduction des
■ Introduction nécessités de surveillance biologique et une meilleure tolérance
avec un risque nettement moindre de thrombopénie immu-
La découverte de l’héparine date de près d’un siècle par le noallergique. Les HBPM ayant une efficacité égale, voire
jeune MacLean, [1] et les propriétés biologiques de cet anti- supérieure à l’HNF, sont de plus en plus largement utilisées avec
thrombotique ne sont pas encore toutes élucidées. Les hépari- une simplification des schémas thérapeutiques et des indica-
nes, véritables standards dans la prophylaxie et le traitement tions élargies.

Médecine d’urgence 1
25-190-B-20 ¶ Accidents iatrogènes liés à l’héparinothérapie

En dehors de la numération plaquettaire bihebdomadaire, Tableau 1.


l’évaluation ex vivo de l’effet biologique de l’HNF passe par la Probabilité de survenue d’une résistance à l’héparine (RH) en fonction de
mesure communément admise de son action anticoagulante par l’anamnèse.
le temps de céphaline activé (TCA). Ainsi, il est classiquement Facteur prédictif Probabilité de RH (%)
recommandé que le ratio TCA patient/TCA témoin soit de
l’ordre de 2 à 4 en contexte curatif et de l’ordre de 1 à 1,5 en Aucun 10
contexte prophylactique. [1] Il existe une grande variabilité Âge > 65 ans 20
interindividuelle de l’effet selon la dose fixe utilisée et il existe Plaquettes > 300 G/l 31
une grande hétérogénéité des résultats selon les réactifs. L’autre HNF intraveineuse 32
test classique pour surveiller l’héparinothérapie au cours des HNF sous-cutanée 37
CEC est l’activated clotting time ou temps de coagulation activé AT < 60 % (activité) 57
(ACT). [2] Ce monitorage est réalisé de manière automatisée au
Tous 99
bloc opératoire sur un échantillon de sang total en présence
d’un activateur de la phase contact de la coagulation (kaolin ou HNF : héparine non fractionnée ; AT : antithrombine.
célite). Les valeurs-cibles restent débattues compte tenu des
automates différents, des types de cartouches variables et des
protocoles opératoires des diverses équipes. dont elle est le cofacteur. L’activité inhibitrice de l’AT lente et
Un troisième test classique est disponible pour déterminer progressive devient alors immédiate. Le déficit en AT est
l’activité anti-Xa plasmatique de l’héparine et qui est mal rarement congénital et bien plus fréquemment acquis. Cette
nommé « héparinémie ». En revanche, compte tenu de la diminution est classiquement en rapport avec l’hémodilution et
nécessité du délai court pour l’obtention du résultat, des la clairance des complexes héparine-AT et AT-sérine-protéases. [1]
automates de proximité permettent d’évaluer l’héparinémie en Elle peut être responsable de près de 70 % des RH. L’utilisation
sang total par la mesure de l’activité anti-IIa par une méthode de l’héparine en préopératoire réduit de 20 à 35 % les taux d’AT
de titration à la protamine. [3] Les valeurs-cibles sont là encore et semble constituer paradoxalement la cause la plus fréquente
liées aux modes d’analyse et à la mesure de l’hématocrite.
de RH lors des CEC. Ainsi, il a été montré qu’en post-CEC, les
taux d’AT étaient réduits de moitié par rapport aux valeurs
initiales. [10] Ceci reste toutefois discuté. [11] Après l’analyse
■ Résistance à l’héparine (RH) d’une courbe ROC, le seuil de 70 % d’activité d’AT apparaît le
plus pertinent pour déterminer les sujets à haut risque de RH [9]
La notion de résistance aux traitements tels que les antibio- (Tableau 1).
tiques ou les anticancéreux est largement documentée. Il est
question de pharmacogénomique et de polymorphisme généti-
que responsable d’un phénotype particulier chez les patients qui
seraient alors plus ou moins sensibles. En revanche, la RH Résistance à l’héparine indépendante
fréquemment retrouvée en contexte de CEC est moins bien de l’antithrombine
connue. [4] Cette résistance d’origine multifactorielle peut
s’exprimer à différents niveaux : une résistance biologique avec Il existe en fait des RH indépendantes de l’AT qui représen-
un effet pharmacologique jugé insuffisant et/ou une résistance tent près d’un tiers des cas. [9] Divers mécanismes limitant
clinique avec la notion d’échec du traitement bien conduit l’efficacité de l’héparine sont alors proposés.
combinée à une récidive thrombotique. • Le facteur 4 plaquettaire (F4P) est une protéine cationique
La RH est essentiellement décrite avec l’HNF. Elle est définie d’origine alphagranulaire qui est relarguée en grandes quan-
ex vivo par l’inefficacité de l’HNF délivrée à la dose de tités lors de l’activation plaquettaire. Il est un inhibiteur
500 UI/kg à prolonger l’ACT à plus de 400 secondes [5] ou un naturel de l’héparine. Lors de l’intervention et dans le circuit
ACT inférieur à 600 secondes après un bolus de 600 UI/kg [6] ou de CEC, les plaquettes activées sécrètent leur contenu granu-
la nécessité d’une posologie supérieure à 35 000 U/j pour laire et ceci pourrait expliquer le caractère prédictif de la
obtenir un allongement du TCA dans la fourchette thérapeuti- numération plaquettaire dans la survenue de RH. En cas de
que. Elle est fréquente (10 à 25 %) au cours des CEC. [7] Les thrombocytose, la quantité de F4P libérée est donc potentiel-
causes de ce phénomène sont encore débattues et plusieurs lement plus importante.
mécanismes sont proposés. [8] • La fixation de l’HNF sur la membrane plasmique des cellules
Différents facteurs prédictifs ou associés à un risque élevé de du compartiment vasculaire (endothélium, monocytes,
RH sont identifiés : [7] numération plaquettaire supérieure à plaquettes) peut aussi expliquer l’incidence accrue de RH.
300 G/l (RR : 2,6), traitement héparinique préopératoire (RR : • Le détournement de l’héparine par d’autres protéines du
3,2) et déficit en AT (< 60 %). Ainsi il apparaît que la combi- compartiment vasculaire est un autre mécanisme pouvant
naison d’un traitement héparinique préopératoire et d’un déficit conduire à une RH. Ainsi, l’héparine se fixe à la vitronectine,
en AT est responsable d’une RH dans près de 85 % des cas. Dans à la protéine S, à la fibronectine, au kininogène de haut PM.
une récente étude prospective sur 500 patients consécutifs ayant Par ailleurs, la génération de fibrinopeptides A, lors de la
une CEC, ces mêmes auteurs ont précisé l’importance des taux fibrinoformation, gênerait l’action catalysatrice de l’héparine
d’AT dans la survenue d’une RH et le profil des patients de l’inhibition de la thrombine par l’AT.
développant une RH indépendamment ou non de l’AT. [9] Un • La survenue d’une thrombopénie induite par l’héparine (TIH)
index de sensibilité à l’héparine (ISH) est même proposé pour peut être évoquée dans ce contexte. En effet, la synthèse
définir la RH : ISH = ACT posthéparine – ACT de base/dose de d’autoanticorps activateurs plaquettaires et dépendants de
charge d’héparine (UI/kg). La RH, observée dans près de 21 % l’héparine apparaît 5 à 21 jours après l’initiation du traite-
des cas, est définie par un ACT inférieur à 480 secondes après ment. La TIH est responsable paradoxalement d’une hyper-
un bolus d’héparine de 300 UI/kg ou un ISH inférieur à 1,0. coagulabilité systémique avec survenue de thromboses dans
L’âge avancé ou le sexe ne semblent pas être des facteurs plus de la moitié des cas.
favorisants. • Il existe une clairance accrue de l’héparine par la formation
de complexes héparine-AT.

Résistance à l’héparine dépendante


de l’antithrombine Pseudorésistances à l’héparine
L’effet anticoagulant de l’héparine est lié à l’inhibition de la Elles correspondent à un défaut d’allongement du TCA
thrombine (facteur IIa) et du facteur Stuart (Facteur Xa) par l’AT malgré l’héparinothérapie assurant une activité anti-Xa spécifi-

2 Médecine d’urgence
Accidents iatrogènes liés à l’héparinothérapie ¶ 25-190-B-20

que à un niveau efficace. Il s’agit le plus souvent d’une aug- redoutable de ce traitement. [19] La difficulté est triple : sa
mentation en facteur antihémophilique A (FVIII) comme cela reconnaissance, sa prise en charge et sa confirmation doivent
est observé dans les contextes inflammatoires (sepsis, endocar- être les plus précoces possibles pour éviter la survenue de
dites) ou au cours de la grossesse. [12] Dans ces circonstances, les complications compromettant le pronostic vital. Il s’agit d’un
taux plasmatiques de FVIII peuvent atteindre 250 à 500 %, voire syndrome complexe aux incidences vitales et dont la prise en
même davantage. Récemment, une résistance clinique et charge doit être basée sur un diagnostic le plus précoce possible,
biologique à l’héparine a été rapportée chez un patient présen- la coopération clinique et biologique assurée avec le concours
tant des brûlures importantes avec une extension thrombotique de services spécialisés. Il est important d’y penser après une
veineuse dont les taux de FVIII atteignaient 460 % et les taux évaluation anamnestique rigoureuse pour ne pas retarder la
prise en charge adéquate du patient. Il faut aussi insister sur le
d’AT étaient à la limite inférieure de la normale (76 % en
fait d’une sensibilisation accrue des cliniciens face à ce pro-
activité). [13] En période gravide, la RH est en fait la résultante
blème toujours d’actualité et les dangers d’une orientation
d’une clairance accrue, d’une élévation des taux de FVIII, d’une
diagnostique abusive retardant le diagnostic d’autres étiologies
séquestration de l’héparine par les protéines plasmatiques potentielles responsables d’une thrombose veineuse extensive
augmentées et d’une modification du volume de distribution. résistante au traitement anticoagulant bien mené : les cancers et
le célèbre syndrome de Trousseau.

Causes plus rares


Épidémiologie et mécanismes
Une interférence médicamenteuse peut aussi être à l’origine pathogéniques
de la RH. Ainsi, les fortes doses de nitroglycérine peuvent
raccourcir le TCA en perturbant l’activité biologique de l’AT. [14] Thrombopénies de type I induites
Ce dysfonctionnement induit est rapporté lors de la perfusion par les héparines
concomitante des deux agents thérapeutiques. L’aprotinine est
aussi incriminée. Sa fréquence (10 à 20 %) reste mal connue. Elle apparaît à
Récemment, il a été rapporté trois cas de maladie de Marfan l’induction du traitement avec une diminution relative de la
présentant une RH lors de la cure chirurgicale d’anévrisme sous numération plaquettaire inférieure à 20 %. Bénigne et asymp-
tomatique, elle se corrige spontanément malgré la poursuite de
CEC. [15] Ces auteurs suggèrent l’existence d’un variant d’AT
l’héparinothérapie. Elle serait liée à l’interaction directe des
présentant un defect du site de liaison à l’héparine en faisant
plaquettes avec l’héparine provoquant une augmentation de la
l’hypothèse d’un lien entre les anomalies génétiques de ces
liaison du fibrinogène et facilitant leur élimination par le
deux maladies constitutionnelles. Cela mérite certainement des système réticuloendothélial. Elle serait plutôt observée chez les
études complémentaires. patients recevant de fortes doses d’HNF et ayant déjà une
hyperréactivité plaquettaire (artériopathie des membres infé-
rieurs, insuffisance coronaire...).
Traitement de la résistance à l’héparine
Thrombopénies de type II induites
L’augmentation des doses d’héparine n’est pas raisonnable par les héparines
sans s’être assuré de l’absence de déficit éventuel en AT. Faut-il
garder ces notions pour des urgentistes qui ne feront jamais une Son incidence difficile à évaluer serait de 1 à 5 % des
CEC ? L’ACT est ainsi bien allongé après supplémentation par traitements prolongés (7 à 14 j) par HNF et moins de 0,5 % par
HBPM. Elle apparaît, généralement, entre le 5e et le 21e jour. En
AT recombinante en cas de RH. [16, 17] Mais quelle attitude
cas de présensibilisation lors d’un traitement héparinique
faut-il préconiser en cas de RH indépendante de l’AT ? L’esca-
récent, ce délai de survenue peut être plus court (24 à 48 h). Il
lade progressive des doses d’héparine est bien entendu logique
s’agit d’une diminution brutale de la numération plaquettaire
mais le risque hémorragique est alors accru, et le risque d’effets avec une réduction de plus de 40 % de la valeur initiale. Les
adverses imputables à la quantité de protamine nécessaire pour héparines d’origine bovine seraient plus souvent incriminées
la neutralisation est par conséquent plus grand. La surveillance que celles d’origine porcine. La posologie d’héparine influence
biologique, dans ce contexte, reste donc fondamentale. En peu cette incidence car même des doses infimes destinées à
dehors des cas rares de déficits acquis ou congénitaux en AT et maintenir la perméabilité des cathéters suffisent à générer une
chaque fois que le contexte clinique le permet, il reste donc TIH. [20]
préférable d’opter pour une HBPM dont la biodisponibilité est Il est établi que la TIH de type II est une thrombopénie
meilleure avec une moindre séquestration et l’effet biologique périphérique due essentiellement à l’apparition d’anticorps
plus régulier en termes d’activité antithrombotique. La sur- dirigés contre le F4P modifié par l’héparine. Ces anticorps
veillance par l’activité anti-Xa reste l’alternative la plus fiable participent à la formation de complexes immuns et entraînent
dans ces contextes fragiles et où la comorbidité aggrave le une activation plaquettaire directe par l’interaction du fragment
mésusage éventuel des anticoagulants. [18] Dans le cadre des Fc des immunoglobulines (Ig) G avec les récepteurs FccRII
CEC, pour éviter l’écueil de l’AT, l’utilisation d’agents anti- membranaires (CD32). Ils peuvent aussi activer directement
thrombiniques directs tels que l’hirudine recombinante ou d’autres cellules (lymphocytes, monocytes, neutrophiles, cellules
l’argatroban reste possible à condition de disposer là encore endothéliales). La TIH associée à une telle activation cellulaire
d’une surveillance adaptée. Ces alternatives thérapeutiques systémique induit une véritable hypercoagulabilité généralisée
comme l’intérêt de la substitution par de l’AT recombinante avec une génération accrue de thrombine (Fig. 1). Dans de plus
doivent être validées dans le cadre de protocoles bien établis et rares cas, la TIH de type II peut être liée à des anticorps dirigés
confortés par des études prospectives et élargies. contre des chémokines différentes comme le neutrophil-activating
peptide (NAP-2) et l’interleukine (IL) 8. La grande hétérogénéité
des anticorps générés et ces profils immunologiques « atypi-
ques » pourraient expliquer en partie les discordances existant
■ Thrombopénies induites entre les tableaux cliniques indiscutables de TIH et les examens
biologiques.
par les héparines
Deux types de thrombopénies survenant dans le cadre d’une
héparinothérapie sont décrits : les thrombopénies de type I et
Expression clinique
de type II. La TIH de type II, de nature immune et poten- La TIH de type II peut être asymptomatique et de découverte
tiellement thrombosante, constitue la complication la plus fortuite lors de la surveillance systématique de la numération

Médecine d’urgence 3
25-190-B-20 ¶ Accidents iatrogènes liés à l’héparinothérapie

Figure 1. Mécanismes des thrombopé-


Thromboses Libération du facteur
tissulaire Paroi vasculaire nies induites par les héparines. F4P : fac-
teur 4 plaquettaire ; Ig : immunoglobuli-
Activation nes ; GAG : glycosaminoglycanes.
6 5 Atteinte
monocytaire endothéliale
Héparine

F4P
Formation de
1 complexes F4P- GAG
héparine

IgG Libération
4 du F4P

Formation de Plaquette Microparticules


2 complexes activée procoagulantes
immuns
Activation
3 plaquettaire
Plaquette
Thromboses
CD32

Tableau 2.
plaquettaire. Malgré une thrombopénie sévère, les complica- Symptomatologie clinique associée à la thrombopénie de type II induite
tions hémorragiques sont exceptionnelles. Les manifestations par les héparines.
les plus fréquentes (> 50 % des cas) sont des complications
thromboemboliques veineuses. Différentes localisations sont Extension d’une thrombose veineuse en cours de traitement
décrites : veines profondes proximales des membres, embolies Récidive thrombotique insolite ou dans un territoire différent
pulmonaires, veines mésentériques ou portes, sinus veineux Thrombose artérielle : lésions athéroscléreuses +++
cérébraux... La localisation multifocale ou l’extension d’une Siège inhabituel :
thrombose sous héparinothérapie efficace doivent être évoca- • infarctus hémorragique des surrénales
trices. Des accidents artériels ont été aussi observés, surtout en • gangrène veineuse lors du relais antivitamines K
cas d’atteinte vasculaire athéroscléreuse. Des lésions cutanées • thrombose sur cathéter central
aux points de ponction, des plaques érythémateuses ou des • accident vasculaire cérébral, ictus mnésique
lésions nécrotiques, peuvent aussi être révélatrices. D’autres • détresse respiratoire
accidents particulièrement insolites sont décrits tels que la
Autres manifestations fonctionnelles :
nécrose hémorragique des surrénales ou une gangrène des
• fièvre
membres d’origine veineuse. Ils seraient favorisés par cet état
• flush
prothrombotique et précipités par un relais anticoagulant oral
• érythème cutané ou nécrose aux points de ponction
trop rapide ou d’intensité excessive (international normalized
ratio [INR] > 3) en raison de la diminution précoce des taux de
protéine C et de protéine S, deux inhibiteurs physiologiques de
la coagulation plasmatique. Le déséquilibre accru de la balance Tests fonctionnels
hémostatique lié à une surconsommation de ces inhibiteurs
dans ce contexte d’activation généralisée de la coagulation est Ils détectent l’existence d’un facteur plasmatique activateur
incriminé. Une coagulation intravasculaire disséminée (CIVD) plaquettaire et dépendant de l’héparine.
est retrouvée dans près de 20 % des cas. Elle pose le difficile
problème du diagnostic différentiel d’une thrombopénie liée à Technique agrégométrique
une CIVD ou d’une CIVD compliquant une authentique TIH de
C’est la plus communément utilisée par les laboratoires
type II (Tableau 2).
spécialisés : test d’agrégation plaquettaire ou TAP. Sa spécificité
est supérieure à 70 %. Sa sensibilité, jugée insuffisante par
certains, est variable selon les conditions de réalisation et
Diagnostic biologique notamment le choix des plaquettes-témoins.

Il n’existe pas de test diagnostique biologique idéal corres- Test de libération de la sérotonine radiomarquée
pondant au gold standard anglo-saxon pour la confirmation de
Il est considéré comme le test de référence. Il mesure la
la TIH. Affirmer une TIH reste délicat car généralement, les
sécrétion de la 14C-sérotonine par des plaquettes-témoins
patients, au cours d’un traitement par l’héparine, ont une
lavées exposées au mélange d’héparine et de plasma du
comorbidité complexe et présentent des associations cliniques et
patient. Du fait de la variabilité fonctionnelle plaquettaire, il
thérapeutiques potentiellement responsables de thrombopénie
serait à peine plus sensible que le TAP réalisé dans de bonnes
(état septique, antibiotiques, transfusions, hémopathies, hypers-
conditions alors que sa spécificité apparaît excellente. De
plénisme...). Il faut avant tout s’assurer de la réalité de la
réalisation longue et contraignante, il est réservé à de rares
thrombopénie : exclusion d’une pseudothrombopénie par
centres spécialisés.
thromboagglutination sur acide éthylène diamine tétra-acétique
(EDTA), vérification sur un nouveau prélèvement, observation Autres tests fonctionnels
du frottis sur lame au microscope optique à la recherche d’amas
plaquettaires, réalisation éventuelle d’une numération plaquet- Ils ont été plus récemment décrits et requièrent une valida-
taire sur tube citraté ou prélèvement capillaire sur Uno- tion par des études plus larges : la bioluminescence (libération
pette®. [21] Deux variétés de tests sont disponibles. [20] d’adénosine diphosphate [ADP] ou d’adénosine triphosphate

4 Médecine d’urgence
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Tableau 3. • exclusion des autres causes possibles de thrombopénie ;


Limites et complémentarité des tests biologiques. • a posteriori, normalisation de la numération plaquettaire
Complexes TAP Elisa après interruption de l’héparine ;
• tests biologiques positifs permettant de confirmer l’hypothèse
IgG/F4P-héparine + +
diagnostique.
IgA ou IgM/F4P-héparine - +
À partir de ces critères et compte tenu de la limite des tests
IgG/*-héparine + -
disponibles, un score clinicobiologique d’imputabilité diagnos-
IgA ou IgM/*-héparine - -
tique (Tableau 4) a été proposé. [19, 20] La confrontation des tests
Ig : immunoglobulines ; F4P : facteur 4 plaquettaire ; TAP : test d’agrégation biologiques et du score d’imputabilité après une analyse
plaquettaire ; Elisa : enzyme-linked immunosorbent assay. soigneuse et rétrospective de l’anamnèse devrait donc permettre
* : autre cible (I 48 ou NAP-2).
de poser le diagnostic difficile de TIH avec une approche plus
fiable.
[ATP]) et la cytométrie en flux (expression de P-sélectine [CD62]
à la surface plaquettaire ou de microparticules procoagulantes). Traitement
Tests immunologiques Traitement préventif
Il s’agit d’un test enzyme-linked immunosorbent assay (Elisa)
pour mettre en évidence et quantifier, en phase solide, les La prévention primaire des TIH de type II consisterait à
anticorps anti-F4P modifiés par l’héparine : heparin platelet limiter les indications de l’héparinothérapie non fractionnée et
induced antibodies (HPIA®, Stago) ou HAT® (Diagast). Il permet d’éviter une prescription prolongée en réalisant autant que
d’identifier les trois isotypes G, A, M des Ig. Ce test d’exécution possible un relais précoce par les antivitamines K. Néanmoins,
facile a l’avantage d’être standardisé et accessible à tous les toutes les situations cliniques n’autorisent pas un raccourcisse-
laboratoires. Le degré de concordance est de l’ordre de 80 % ment du traitement héparinique (femmes enceintes porteuses de
avec les tests fonctionnels. À l’inverse, de nombreux patients prothèses valvulaires, difficultés à obtenir un INR dans la zone
(10 à 30 %), notamment en chirurgie cardiaque post-CEC, mais thérapeutique, etc.). La seule option reste alors la surveillance
aussi dans diverses situations cliniques (grossesse, diabète, etc.) régulière de la numération plaquettaire.
présentent des anticorps anti-F4P sans critère de TIH associé. La Il est capital de disposer d’une numération plaquettaire à
spécificité d’un test positif n’est donc élevée que dans un l’instauration du traitement par HNF ou HBPM. En France, le
contexte clinique évocateur de TIH et la recherche isolée de ces Groupe d’études sur l’hémostase et la thrombose (GEHT)
anticorps n’est pas recommandée en routine. Il apparaît que préconise une surveillance bihebdomadaire de la numération
dans près de 20 % des cas, ce test soit mis en défaut. [22] plaquettaire. Ces recommandations sont à considérer comme un
Compte tenu des limites de chacun des tests disponibles, ces minimum et certains auteurs prônent même une surveillance
deux méthodes, fonctionnelle et immunologique, doivent être quotidienne dans certains contextes aigus (Tableau 5). [21]
considérées comme complémentaires dans la démarche dia-
gnostique [23] (Tableau 3). Traitement curatif
En pratique, plusieurs critères s’associent pour concourir à
l’établissement du diagnostic de TIH : Le traitement d’une TIH confirmée et symptomatique néces-
• chronologie de survenue de la thrombopénie sous héparine site souvent une approche multidisciplinaire au sein d’une
avec les nuances liées à une préexposition à l’héparine ; équipe spécialisée associant le clinicien et le biologiste. [21]
• thrombopénie relative ou vraie nécessitant impérativement
Arrêt immédiat de toute héparinothérapie
une numération plaquettaire à l’initiation du traitement ;
• survenue d’un accident thrombotique paradoxal ou d’un Cela s’impose sur des arguments cliniques de présomption
signe clinique suspect ; sans attendre une confirmation biologique de la TIH de type II.

Tableau 4.
Score rétrospectif d’imputabilité de thrombopénie induite par les héparines (TIH).
Critères cliniques et numération plaquettaire Score
Chute relative de la numération plaquettaire ≥ 40 %
Évolution de la numération plaquettaire
• augmentation > à 50 G/l en moins de 48 heures ou > à 100 G/l avant les 10 jours suivant l’arrêt de l’héparine +2
• récidive de la thrombopénie en cas de nouvelle héparinisation +6
• normalisation entre 10 et 21 jours +1
• persistance de la thrombopénie à l’arrêt de l’héparine (10 j) -2
• récidive de la thrombopénie après l’arrêt de l’héparine -2
• normalisation en cas de relais par HBPM 0
• issue inconnue (perdu de vue, décès) 0
• normalisation malgré persistance de l’héparinothérapie -6
Autres causes de thrombopénies
• exclues +2
• possibles (septicémie, cancer, hémorragie, hémopathie, pathologie auto-immune, etc.) -2
• administration simultanée de médicaments thrombopéniants 0
Survenue de thrombose
• artérielle sans lésion préalable athéroscléreuse +4
• artérielle avec lésion préalable athéroscléreuse +3
• veineuse sous héparinothérapie +2
• nécrose cutanée au point d‘injection +1
Probabilité d’imputabilité de TIH improbable possible probable très vraisemblable
score ≤1 =2 ≥ 3 et < 6 ≥6
HBPM : héparines de bas poids moléculaire.

Médecine d’urgence 5
25-190-B-20 ¶ Accidents iatrogènes liés à l’héparinothérapie

Tableau 5. La posologie recommandée, par voie sous-cutanée, est géné-


Principaux schémas thérapeutiques des thrombopénies induites par les ralement de 750 unités anti-Xa 3 fois/j en prophylaxie. Pour le
héparines. traitement curatif, des abaques de posologies existent selon les
Interruption de tout traitement héparinique indications retenues. La surveillance du traitement se fait par
sans attendre les résultats des test biologiques l’évaluation de l’activité anti-Xa calibrée pour ce produit
associée à la numération régulière des plaquettes. [21]
Prophylaxie antithrombotique nécessaire
Hirudine. L’hirudine (lépirudine, Refludan®), primitivement
• risque vasculaire accru (artéritique, lésions athéroscléreuses, stent,
etc.) : relais éventuel jusqu’à normalisation de la numération plaquet- extraite de la salive de sangsue, est actuellement obtenue par
taire génie génétique. Il s’agit d’une AT directe puissante n’ayant
Nécessité d’un traitement anticoagulant substitutif aucune analogie avec l’héparine et donc dénuée de risque de
réaction croisée. Elle inhibe directement la thrombine circulante
• prophylactique (absence de thrombose) : Orgaran®
et liée au caillot sans problème d’inactivation par le F4P. Elle
• curatif (thrombose extensive) : Orgaran® , Refludan®
n’induit pas d’activation plaquettaire. Deux essais cliniques
• réaction croisée avec Orgaran® : Refludan®
ouverts ont permis de comparer près de 200 patients atteints de
puis relais (prolongé) par antivitamines K TIH traités par lépirudine à des témoins historiques. [24] La
Traitement associé dans des circonstances particulières fréquence cumulée d’accidents graves (décès, amputations,
• antiagrégants : aspirine, ticlopidine, clopidogrel, iloprost, abciximab nouvelles thromboses) était de 10,6 % dans le groupe traité par
• thrombolytiques lépirudine contre 24,9 % à j7 dans le groupe témoin historique
• veinoglobulines intraveineuses mais avec un taux de complications hémorragiques significati-
• plasmaphérèse vement supérieur. Une AMM européenne a donc été délivrée à
Pas de transfusion de plaquettes (inutile et dangereux) ce produit en 1997 dans les TIH associées à un accident
Thérapeutique de substitution en cours de développement thromboembolique évolutif ou aggravé. On recommande une
posologie de 0,10 mg/kg/h en perfusion intraveineuse continue
• argatroban (Novastan®)
et une surveillance du temps de céphaline activé (TCA), évalué
• pentasaccharide (Arixtra®)
4 heures après le début du traitement, qui doit être compris
• ximélagatran (Exanta®)
entre 1,5 et 2 fois le TCA témoin. Compte tenu de la grande
variabilité interindividuelle des allongements du TCA, la mesure
de l’activité circulante de la lépirudine par le temps d’écarine ou
Il faut notamment penser à proscrire toute trace d’héparine par un test chromogénique est proposée pour une meilleure
apportée par certaines procédures : « rinçure » héparinée des évaluation de l’effet biologique du traitement. [21] En fait, la
cathéters ou dispositifs implantables. surveillance biologique reste délicate et elle doit être réalisée par
des laboratoires spécialisés après un étalonnage rigoureux. Il n’y
Traitement antithrombotique de substitution a pas de possibilité de neutralisation en cas d’accident hémor-
La TIH est responsable d’un véritable état d’hypercoagulabilité ragique mais la demi-vie est courte, de l’ordre de 1,5 heure. Il
et l’arrêt simple de l’héparinothérapie ne supprime pas le risque existe une altération des paramètres pharmacocinétiques chez
secondaire d’accident thrombotique. Un traitement antithrom- les sujets âgés ou en cas d’insuffisance rénale, et il est nécessaire
botique reste donc le plus souvent nécessaire, d’autant que d’adapter les doses dans ces circonstances.
certaines alternatives thérapeutiques ont démontré leur effica- L’utilisation reste contre-indiquée chez la femme enceinte ou
cité dans cette indication. Cependant, aucune étude prospective en cas d’allaitement, à la différence de l’Orgaran®.
rigoureuse n’a confirmé, avec un niveau d’évidence élevé, le L’apparition d’anticorps antihirudine a été rapportée chez 40
bien-fondé d’une alternative anticoagulante à l’héparine à 70 % des patients sans aucune incidence clinique particulière
systématique dans les TIH non compliquées. ni de résistance au traitement itératif.
La fréquence des réactions croisées avec les HBPM (75 % à La lépirudine a reçu au niveau européen une AMM dans
100 % des cas) ne laisse actuellement aucune place à leur l’indication : « TIH de type II associée à une maladie throm-
utilisation en relais de l’héparine standard. [21] L’attitude boembolique nécessitant un traitement par voie parentérale et
consistant à effectuer rapidement et uniquement le relais par un dont le diagnostic est confirmé par un test d’activation plaquet-
traitement anticoagulant oral doit également être proscrite car taire ou équivalent ». Une étude de pharmacosurveillance
non seulement elle n’assure pas une protection immédiate, mais assurant le suivi des malades au cours des premières années de
surtout, elle peut exposer à des accidents thrombotiques sévères commercialisation est en cours et elle devrait permettre de
de nécrose cutanée ou de gangrène veineuse des membres. [21] mieux évaluer, en pratique courante, l’efficacité, la tolérance et
Deux thérapeutiques bénéficient d’une large expérience et la bonne utilisation du traitement.
ont, en France, une autorisation de mise sur le marché (AMM)
dans la prise en charge des TIH : le danaparoïde (Orgaran®) et Relais par anticoagulant oral
l’hirudine recombinante, la lépirudine (Refludan®).
Le relais par anticoagulant oral sera entrepris dès que possible
Danaparoïde. Le danaparoïde (Orgaran®) est un héparinoïde en insistant sur la nécessité d’obtenir un INR adapté à l’indica-
naturel formé par le mélange de glycosaminoglycanes d’un PM
tion et une hypocoagulation stable après une prolongation
moyen de 5 500 Da. Il comporte de l’héparane sulfate (84 %),
suffisante de ce relais. Il faut en effet éviter la dose de charge
du dermatane sulfate (12 %) et de la chondroïtine sulfate. [23, 24]
qui est en fait inutile et dangereuse et les traitements assurant
Il possède un rapport activité anti-Xa/activité anti-IIa élevé
un INR trop élevé (> 3). Les patients ayant une TIH développent
(> 20) et il a, pour l’essentiel, l’action de l’héparine (action AT
un véritable état d’hypercoagulabilité avec un déséquilibre
indirecte via l’AT). Sa demi-vie est de l’ordre de 20 heures (anti-
Xa). L’inconvénient du danaparoïde provient de la possibilité de particulièrement marqué du système de la protéine C. Il est
réactivité croisée avec les anticorps de TIH. Ce taux de réaction donc conseillé de maintenir le contrôle de la génération accrue
croisée, jugé par les tests fonctionnels, est faible, de l’ordre de de thrombine pendant ce relais et d’arrêter le traitement
5 %. [19] La pertinence clinique d’une réaction croisée in vitro parentéral anticoagulant qu’après un chevauchement suffisam-
reste discutée : certains patients ont été traités avec succès alors ment long associé à la correction de la numération plaquet-
qu’il s’est avéré, a posteriori, qu’ils présentaient d’emblée une taire. [21] D’autres molécules sont en cours d’étude et ne sont
réactivité croisée, objectivée par des tests fonctionnels. [19] En pas actuellement disponibles dans cette indication. Parmi les
pratique, si l’on envisage un relais par le danaparoïde, il est molécules de synthèse ayant une action AT indirecte (via l’AT),
souhaitable de réaliser un test d’agrégation en présence de ce le pentasaccharide (Arixtra®) semble être un candidat intéres-
produit ; si le test révèle une réactivité croisée, il faut recourir à sant car il est dépourvu de réactivité croisée in vitro avec
l’hirudine. l’héparine. [25]

6 Médecine d’urgence
Accidents iatrogènes liés à l’héparinothérapie ¶ 25-190-B-20

L’argatroban (Novastan®) est une AT directe utilisée au Japon et cas. [29] Il s’agit généralement de psychotropes ou d’antihyper-
en Amérique du Nord. [26] Le ximélagatran (Exanta®), AT directe tenseurs. Un priapisme est aussi rapporté sous héparinothérapie
active par voie orale, est aussi un traitement antithrombotique et une cinquantaine de cas environ sont ainsi publiés dans la
prometteur. [27] littérature. Il s’agit régulièrement d’HNF, et très récemment une
HBPM a été incriminée. [30] Il n’est jamais fait mention de
thrombose caverneuse et le mécanisme serait probablement lié
■ Accidents hémorragiques à un effet proactivateur de l’héparine sur les plaquettes. Le
terrain est généralement à risque vasculaire (tabagisme, athéro-
Le risque hémorragique accru est le corollaire inévitable de sclérose) avec une viscosité sanguine accrue. La prescription
tout traitement antithrombotique. Plusieurs facteurs influencent d’alphabloquants et la cessation de l’héparinothérapie sont
ce risque : la posologie, la réponse biologique du patient indispensables. La ponction-drainage chirurgicale des corps
(allongement du TCA), la voie et la dose d’administration, le caverneux permet la détumescence rapide pour éviter les
terrain et l’association éventuelle à d’autres agents antithrom- séquelles fonctionnelles ultérieures. En effet, le risque d’impuis-
botiques. Ainsi, le risque lié à l’héparinothérapie curative est de sance secondaire à ce type d’accident est estimé à 40 %. [31] Cet
l’ordre de 5 % et inférieur à 1 % en cas de traitement préventif. accident doit aussi faire éliminer l’éventualité d’une TIH
En chirurgie orthopédique, l’HNF augmente l’incidence des associée. [23]
saignements mineurs et des pertes totales de sang postopératoi-
res. [28] Le mode d’administration semble important car la
survenue d’hémorragies majeures est deux fois plus faible ■ Hyperkaliémie
lorsque l’HNF est administrée en intraveineuse continue que
lorsqu’elle est utilisée en discontinu. L’influence du sexe et de Les effets de l’héparine sur l’aldostérone et le métabolisme des
l’âge est discutée. L’association à d’autres agents tels que les électrolytes sont bien moins connus en pratique clinique. Il a
antiplaquettaires majore les risques hémorragiques mineurs. toutefois été rapporté un effet antialdostéronémique et natriu-
Rapidement, divers travaux ont prouvé que l’utilisation des rétique de l’héparine par inhibition de la 18-hydroxylase. [32]
HBPM expose à un risque hémorragique inférieur à celui de Ainsi, l’héparinothérapie peut entraîner une hyperkaliémie, une
l’HNF. Un certain consensus s’est alors établi selon lequel la hyponatrémie et même une acidose métabolique. Cela a été
surveillance du traitement par les HBPM est réservée à certains rapporté avec des posologies aussi banales que 5 000 unités
groupes de patients particuliers : patients insuffisants rénaux, deux fois par jour. [33] À court terme, l’administration intravei-
sujets âgés, sujets de poids écarté des normes, traitement neuse d’héparine peut induire une augmentation du potassium
prolongé, pédiatrie, hémorragies ou, au contraire, inefficacité urinaire et/ou une diminution du sodium urinaire. À plus long
thérapeutique. terme, après 3 à 5 jours de traitement, on observe une excrétion
La surveillance de l’activité anti-Xa doit être mesurée au pic accrue de sodium et une rétention potassique qui peut conduire
d’activité, soit 3 à 4 heures après l’injection pour la plupart des à une balance sodique négative. Cela se corrige généralement en
HBPM (Lovenox®, Fragmine®, Fraxiparine®, Clivarine®), sauf 2 à 3 jours après l’arrêt de l’héparinothérapie. L’inhibition de la
pour Innohep® et Fraxodi®, préparations à une injection par production d’aldostérone par l’héparine intensifie la réduction
jour, pour lesquelles le prélèvement doit être réalisé 4 à 6 heures de l’excrétion rénale de potassium et finit par provoquer une
après l’injection. hyperkaliémie. L’héparine diminue le nombre et l’affinité des
Grâce à leur facilité d’emploi, les HBPM ont supplanté dans récepteurs de l’angiotensine II dans la zone glomérulaire des
un bon nombre d’indications l’HNF. La surveillance des traite- surrénales, réduisant ainsi le principal stimulus de la synthèse
ments est limitée à l’évaluation de la numération des plaquettes. d’aldostérone. L’héparine pourrait aussi inhiber les étapes
Toutefois, pour certains groupes de patients considérés comme ultimes de la synthèse d’aldostérone (18-hydroxylation).
à risque (sujets insuffisants rénaux, âgés, de poids écarté des L’héparinisation prolongée chez des rats a même provoqué une
normes, femme enceinte, contexte pédiatrique, survenue atrophie de cette zone glomérulaire. Par ailleurs, un surdosage
d’hémorragies ou constatation d’inefficacité thérapeutique, geste peut aussi induire localement un accident hémorragique avec
invasif, etc.), la mesure de l’activité anti-Xa est nécessaire et une insuffisance surrénalienne secondaire. Ce type d’accident
dans certains cas, l’utilisation de l’HNF de demi-vie plus courte est néanmoins décrit au cours des TIH diagnostiquées tardive-
reste le traitement de choix. Une recommandation récente de ment ou d’un syndrome malin des antiphospholipides avec un
l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé infarctus hémorragique des surrénales engageant le pronostic
(AFSSAPS) a limité l’usage des HBPM aux patients dont la vital. L’hyperkaliémie induite par l’héparinothérapie est d’autant
clairance de la créatinine, évaluée selon la formule de Cockroft, plus fréquente que le patient a préalablement des troubles du
est au-dessus de 30 ml/min. En cas d’insuffisance rénale métabolisme hydroélectrolytique avec une incidence voisine de
modérée (clairance comprise entre 30 et 60 ml/min), la mesure 10 à 20 % : atteinte rénale, traitement par inhibiteur de
répétée de l’activité anti-Xa permet de s’assurer de l’absence l’enzyme de conversion. [33]
d’accumulation. Le risque hémorragique est aussi accru par la
présence d’une anomalie de l’hémostase ou d’une lésion
organique susceptible de saigner. (Tableau 6) ■ Autres complications
Influence du métabolisme lipidique
■ Priapisme L’héparine active la lipoprotéine lipase, enzyme modulant la
Les médicaments sont une cause non négligeable de lipémie postprandiale en stimulant la conversion des chylomi-
priapisme puisqu’ils sont responsables dans près de 30 % des crons et des low density lipoproteins (LDL) en acides gras libres et
en high density lipoproteins (HDL). [34] L’effet lipolytique des
HBPM est significativement plus faible que celui de l’HNF.
L’effet à plus long terme de l’héparinothérapie sur le métabo-

“ Point fort
lisme lipidique peut être positif ou négatif, pouvant d’une part
protéger les patients de l’athérosclérose, [35] ou par l’augmenta-
tion des acides gras libres, accroître l’adhésivité plaquettaire et
par là le risque vasculaire. [36]
Calcul de la clairance de la créatinine selon la
formule de Cockcroft chez l’homme.
Clairance de la créatinine = (140 – âge [ans]) × poids
Ostéoporose
(kg)/0,814 × créatinine sérique (µmol/l) La prescription de fortes posologies (15 à 30 000 UI/j) au long
(pour les femmes : multiplier le résultat par 0,85) cours (> 6 mois) d’HNF peut induire des lésions ostéoporoti-
ques. [37] Le mécanisme physiopathogénique reste discuté :

Médecine d’urgence 7
25-190-B-20 ¶ Accidents iatrogènes liés à l’héparinothérapie

Tableau 6.
Indications, posologie et valeurs d’activité anti-Xa attendues pour les héparines de bas poids moléculaire (HBPM) disponibles en France.
Nom commercial (DCI) Indication Dose Activité anti-Xa attendue
(UI anti-Xa/ml)
Lovenox ® (énoxaparine) Prévention risque modéré en chirurgie 2 000 UI/24 h
(20 mg/24 h) 0,18 ± 0,04
(1 injection/24 h)
Lovenox ® (énoxaparine) Prévention risque élevé en chirurgie ou prévention 4 000 UI/24 h
en médecine (40 mg/24 h) 0,43 ± 0,11
(1 injection/24 h)
Lovenox® (énoxaparine) Traitement curatif des thromboses veineuses profondes 100 UI/kg/12 h
constituées (1 mg/kg/12 h)
1,20 ± 0,17 après la 2e injection
Angor instable (2 injections/24 h)
Infarctus du myocarde sans onde Q
Fragmine® (daltéparine) Prévention risque modéré en chirurgie 2 500 UI/24 h 0,15 à 0,25
(1 injection/24 h)
Fragmine® (daltéparine) Prévention risque élevé en chirurgie 5 000 UI/24 heures 0,30 à 0,45
(1 injection/24 h)
Fragmine® (daltéparine) Traitement curatif des thromboses 100 UI/kg/12 h 0,59 à 0,69 ± 0,25
veineuses profondes constituées (2 injections/24 h) valeurs moyennes de j2 à
j10 de traitement
Fragmine® (daltéparine) Angor instable 120 UI/kg/12 h 0,6 à 1,2
Infarctus du myocarde sans onde Q (dose maximale : 10 000
UI/injection)
Fraxiparine® (nadroparine) Prévention risque modéré en chirurgie 2 850 UI/24 h 0,25 à 0,35
(1 injection/24 h)
Fraxiparine® (nadroparine) Prévention risque élevé en chirurgie 38 UI/kg/24 h × 3 jours puis 0,25 à 0,35
57 UI/kg/24 h
(1 injection/24 h)
Fraxiparine® (nadroparine) Traitement curatif des thromboses 85 UI/kg/12 h 1,01 ± 0,18
veineuses profondes constituées (2 injections/24 h)
Fraxiparine® (nadroparine) Angor instable 86 UI/kg/12 h 1,01 ± 0,18
Infarctus du myocarde sans onde Q (2 injections/24 h)
Clivarine® (réviparine) Prévention risque modéré en chirurgie 1 432 UI/24 h 0,10 à 0,20
(1 injection/24 h)
Clivarine® (réviparine) Prévention risque élevé en chirurgie 3 436 UI/24 h 0,25 à 0,35
(1 injection/24 h)
Clivarine® (réviparine) Traitement curatif des thromboses 71 UI/kg/24 h 0,50 à 1
veineuses constituées (2 injections/24 h)
Innohep® (tinzaparine) Prévention risque modéré en chirurgie 2 500 UI/24 h 0,10 à 0,15
(1 injection/24 h)
Innohep® (tinzaparine) Prévention risque modéré majoré en chirurgie 3 500 UI/24 h 0,15 à 0,20
(1 injection/24 h)
Innohep® (tinzaparine) Prévention risque élevé en chirurgie 4 500 UI/24 h 0,35 à 0,45
(1 injection/24 h)
Innohep® (tinzaparine) Traitement curatif des thromboses veineuses constituées 175 UI/kg/24 h 0,87 ± 0,15
Traitement de l’embolie pulmonaire (1 injection/24 h)
Fraxodi® (nadroparine) Traitement curatif des thromboses 171 UI/kg/24 h 1,34 ± 0,15
veineuses constituées (1 injection/24 h) (pour 166 UI/kg/24 h)

augmentation de l’activité collagénolytique, diminution de la (T4) libre et de tri-iodo-thyronine (T3) sans perturbation de la
stabilité lysosomiale ou liaison au calcium avec trouble de la thyroid stimulating hormone (TSH). [40] En fait, le déplacement des
calcification. Il semble aussi que l’héparine sensibilise le hormones thyroïdiennes de leurs sites de liaison protéique
squelette à la résorption osseuse par la parathormone sans plasmatique serait imputable aux modifications lipidiques
accroître la libération hormonale. Il a été récemment démontré induites par l’héparine (activation de la lipoprotéine lipase et
que l’héparine influence le remodelage osseux en modifiant le des augmentations des acides gras libres). [41] Ce phénomène est
volume de l’os trabéculaire par réduction de la construction en fait inconstant et ne serait pas observé chez les patients dont
osseuse et augmentation de la résorption osseuse. La taille et le le rapport acides gras libres/albumine plasmatique reste supé-
degré de sulfatation semblent déterminants puisque les HBPM rieur à 5 : 1.
ne sont pas incriminées dans ce type de complication. [38] Les
complications à type de tassement vertébral ou de fracture sont Effet thrombopoïétique
en fait exceptionnellement rapportées avec une utilisation de
Il a été rapporté que les glycosaminoglycanes stimulent la
plus en plus large des HBPM. [39]
mégacaryopoïèse in vitro et in vivo. [42, 43] La neutralisation
d’inhibiteurs tels que le F4P ou le transforming growth factor
Atteinte thyroïdienne (TGF)b et la potentialisation de facteurs de croissance tels que
Des troubles des tests thyroïdiens ont été rapportés en cas la thrombopoïétine par l’héparine sont des mécanismes recon-
d’héparinothérapie avec une élévation des taux de thyroxine nus. Dans une étude prospective sur un nombre limité de

8 Médecine d’urgence
Accidents iatrogènes liés à l’héparinothérapie ¶ 25-190-B-20

patients ayant un purpura thrombopénique auto-immun cheveux ne semblent pas pathologiques et les lésions sont
réfractaire à la corticothérapie (n = 20), les auteurs ont montré totalement régressives à l’arrêt du traitement. Le mécanisme
que de faibles doses d’héparine (1 250 UI × 2/j en sous-cutané) n’est pas encore connu. Contrairement aux autres alopécies
provoquaient, chez 80 % des sujets, une augmentation signifi- induites par les chimiothérapies par exemple, avec une chute
cative du nombre de plaquettes sans modification du nombre des cheveux dystrophiques suite à un arrêt brutal de la phase de
ou de la taille des mégacaryocytes médullaires par rapport au croissance (efflux anagène), il pourrait en fait s’agir d’un passage
groupe contrôle. [44] Une action synergique de l’héparine avec prématuré des cheveux de la phase de croissance à la phase de
l’IL6 serait ainsi responsable de l’effet sur la maturation repos (efflux télogène). [50]
mégacaryocytaire. Le bénéfice observé disparaît 4 à 8 semaines
après l’arrêt de l’héparinothérapie.
■ Conclusion
Hyperéosinophilie Quoique rares, les effets indésirables des traitements hépari-
Une hyperéosinophilie transitoire associée ou non à une niques doivent être connus afin de ne pas différer leur prise en
réaction cutanée de type rash allergique prurigineux est rappor- charge effective et mettre en jeu le pronostic vital. L’exemple le
tée sous héparinothérapie par voie sous-cutanée. [45] Ainsi, plus flagrant est certes celui des TIH qui constituent une
quelques cas sont publiés dans la littérature avec des élévations urgence thérapeutique. Mais les autres complications telles que
notables et isolées de la lignée éosinophile qui peuvent attein- le priapisme avec mise en jeu du pronostic fonctionnel ou
dre 9 G/l. Il convient donc de suspendre le traitement et de l’hypoaldostéronisme peuvent en effet être fatales si elles sont
s’assurer de la correction progressive de cette hyperleucocytose. ignorées. Manifestations régressives à l’arrêt du traitement
Cet incident doit aussi faire éliminer l’éventualité peu probable héparinique, leur pronostic sera d’autant meilleur que leur prise
d’une TIH associée. [23] Le mécanisme de ces hyperéosinophilies en charge aura été précoce, adaptée et avisée. Il est aussi
induites par l’héparine n’est pas élucidé : mobilisation des fondamental de déclarer ces effets au centre régional de la
éosinophiles via l’IL5 ou allergie localisée liée aux injections pharmacovigilance afin de mieux connaître leur incidence, les
itératives avec retard d’absorption de l’héparine calcique. En circonstances de leur existence et leurs conséquences en
effet, il faut souligner que l’héparinate sodique ne semble pas fonction de l’arrêt et de la substitution de l’héparinothérapie.
engendrer ce type d’hyperéosinophilie majeure. .

Réactions cutanées ■ Références


[1] Hirsh J, Warkentin TE, Shaughnessy SG, Anand SS, Halperin JL,
Il a été décrit des manifestations cutanées très diverses de Raschke R, et al. Heparin and low-molecular-weight heparin:
type hypersensibilité immédiate (type I) avec une urticaire mechanisms of action, pharmacokinetics, dosing, monitoring, efficacy,
étendue ou même un œdème de Quincke suite à l’administra- and safety. Chest 2001;119(suppl1):64S-94S.
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puleux, des érythèmes généralisés ou des plaques infiltrées during cardiac surgery: a review of current and emerging techniques.
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réponse peut être reproduit par des tests cutanés et la provoca- application of disposable heparin sensors. Blood heparin measurements
tion d’une réaction eczématiforme. Ces tests cutanés (intrader- during open heart surgery. ASAIO J 1995;41:M661-M664.
moréaction, prick-test) doivent être réalisés par des équipes [4] Staples MH, Dunton RF, Karlson KJ, Leonardi HK, Berger RL. Heparin
spécialisées. Ainsi, certains sujets toléreront la substitution resistance after preoperative heparin therapy or intraaortic balloon
simplement par une autre HBPM mais pas d’autres, devant faire pumping. Ann Thorac Surg 1994;57:1211-6.
alors prescrire un héparinoïde (danaparoïde sodique). Parfois, [5] Kanbak M. The treatment of heparin resistance with antithrombin III in
cette réaction cutanée sera aussi provoquée par la prise d’hépa- cardiac surgery. Can J Anaesth 1999;46:581-5.
rinoïde et il faudra alors envisager la prescription d’une autre [6] Lemmer Jr. JH, Despotis GJ. Antithrombin III concentrate to treat
famille d’antithrombotiques telle que les AT directes comme heparin resistance in patients undergoing cardiac surgery. J Thorac
l’hirudine (lépirudine ou désirudine). Il convient d’éliminer un Cardiovasc Surg 2002;123:213-7.
[7] Ranucci M, Isgro G, Cazzaniga A, Soro G, Menicanti L, Frigiola A.
problème d’intolérance locale lié à un non-respect de la
Predictors for heparin resistance in patients undergoing coronary artery
technique d’injection (piqûre perpendiculaire, sur toute la
bypass grafting. Perfusion 1999;14:437-42.
longueur de l’aiguille, maintien du pli cutané durant toute la [8] Anderson JA, Saenko EL. Heparin resistance. Br J Anaesth 2002;88:
durée de l’injection, volume injecté adéquat, absence de purge 467-9.
préalable et utilisation d’aiguilles de très fin calibre) avec un [9] Ranucci M, Isgro G, Cazzaniga A, Ditta A, Boncilli A, Cotza M, et al.
dépôt d’héparine dans les couches superficielles du derme. Different patterns of heparin resistance: therapeutic implications. Per-
Enfin, il est important d’éliminer une éventuelle TIH devant fusion 2002;17:199-204.
toute réaction cutanée insolite avec une recherche de thrombo- [10] Levy JH, Montes F, Szlam F, Hillyer CD. The in vitro effects of
pénie relative et la réalisation de tests spécifiques, car l’attitude antithrombin III on the activated coagulation time in patients on heparin
thérapeutique sera différente. Il est donc fondamental de therapy. Anesth Analg 2000;90:1076-9.
documenter ce type de réaction adverse avant de conclure à [11] Nicholson SC, Keeling DM, Sinclair ME, Evans RD. Heparin
l’éviction définitive de ce type de traitement chez le patient. [46] pretreatment does not alter heparin requirements during
De rares cas de dépôts calciques dans le derme (calcinosis cardiopulmonary bypass. Br J Anaesth 2001;87:844-7.
cutis) ont été rapportés après administration sous-cutanée [12] Raschke RA, Guidry JR, Foley MR. Apparent heparin resistance from
d’HBPM, surtout chez les sujets insuffisants rénaux ou ayant elevated factor VIII during pregnancy. Obstet Gynecol 2000;96(5Pt2):
une hyperphosphatémie. [47] Il est donc conseillé d’utiliser des 804-6.
héparines non calciques dans ce cas. D’authentiques nécroses [13] Ellis RJ, Cunningham MT, Cook JD. Laboratory heparin resistance in
cutanées au point de ponction sont aussi décrites dans le cadre burn injury complicated by venous thrombosis. Burns 1999;25:749-52.
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de TIH. L’analyse histologique révèle l’existence de micro-
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Alopécie [15] Choudhury M, Kiran U, Saxena N, Saxena R. Heparin resistance and
Marfan syndrome: is there any correlation? J Cardiothorac Vasc Anesth
Des cas d’alopécie sont décrits sous héparinothérapie, que ce 2002;16:75-9.
soit une HNF ou plus récemment une HBPM. [48, 49] Après 3 à [16] Levy JH, Despotis GJ, Szlam F, Olson P, Meeker D, Weisinger A.
12 semaines de traitement, une chute importante, par paquets, Recombinant human transgenic antithrombin in cardiac surgery: a
des cheveux est notée avec des zones alopéciques éparses. Les dose-finding study. Anesthesiology 2002;96:1095-102.

Médecine d’urgence 9
25-190-B-20 ¶ Accidents iatrogènes liés à l’héparinothérapie

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I. Elalamy (ismail.elalamy@htd.ap-hop-paris.fr).
Service d’hématologie biologique, Hôtel-Dieu, 1, place du Parvis-Notre-Dame, 75181 Paris cedex 04, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Elalamy I. Accidents iatrogènes liés à l’héparinothérapie. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Médecine
d’urgence, 25-190-B-20, 2007.

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10 Médecine d’urgence
¶ 24-038-C-10

Prise en charge en urgence d’un patient


en ischémie aiguë des membres
inférieurs
V. Piriou, M. Closon, P. Feugier

L’ischémie des membres inférieurs est une urgence médicochirurgicale. Les signes cliniques d’ischémie
aiguë associent pâleur cutanée, absence de pouls, diminution de la température du membre et douleurs.
L’apparition de signes neurologiques périphériques est un critère de gravité. Le pronostic dépend de la
circulation collatérale préexistante, de la nature de l’occlusion (embole versus thrombose), de la durée de
l’ischémie, de la topographie des lésions (gravité des occlusions proximales telles que les occlusions
aortiques aiguës) et des comorbidités associées. En cas d’occlusion aiguë d’un membre inférieur, l’avis
d’un chirurgien vasculaire est demandé en urgence. Le patient est montré à l’anesthésiste dès l’indication
opératoire posée. Le bilan préopératoire doit, dans un premier temps, se restreindre à l’indispensable :
bilan biologique et, selon les disponibilités, réalisation d’un échodoppler des vaisseaux. L’opportunité
d’une artériographie est discutée car rien ne doit retarder la désobstruction artérielle, notamment en cas
d’étiologie embolique. En l’absence de contre-indication, le premier traitement à mettre en route est une
héparinothérapie. Le traitement chirurgical de revascularisation (embolectomie par sonde de Fogarty ou
pontage) peut être associé à des techniques complémentaires de lavage de membre ou d’aponévrotomie
de décharge dans le cas de syndrome des loges.
© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Ischémie aiguë des membres inférieurs ; Urgence médicochirurgicale ; Rhabdomyolyse ;
Hyperkaliémie ; Syndrome des loges

Plan ■ Introduction
¶ Introduction 1 Loin devant les complications des anévrysmes et les compli-
cations veineuses, l’ischémie aiguë des membres inférieurs est
¶ Physiopathologie 2
Ischémie 2 l’entité clinique la plus fréquente des urgences vasculaires.
Reperfusion 3 Autant la prévalence et l’incidence de la claudication intermit-
tente et de l’ischémie critique des membres inférieurs est bien
¶ Diagnostic 3
documentée [1, 2], autant les données chiffrées sur la fréquence
Diagnostic clinique 3
de consultation aux urgences pour ischémie aiguë sont rares. Il
Diagnostic différentiel 5
Diagnostic paraclinique 5 s’agit d’une urgence médicochirurgicale. Sa morbi-mortalité est
importante, selon la gravité de l’ischémie : elle peut atteindre
¶ Étiologies 6
jusqu’à 30 % pour les occlusions aortiques aiguës [3] . Ses
Étiologie embolique 6
étiologies sont multiples : thrombotique dans 60 % des cas,
Thromboses aiguës 7
embolique dans 40 % des cas, parfois traumatique ou iatrogé-
Autres étiologies 7
Orientation étiologique 7 nique [4]. L’ischémie aiguë d’un membre inférieur se définit par
une réduction ou un arrêt du flux artériel entraînant une
¶ Évolution 7
privation en oxygène des tissus sous jacents et pouvant aboutir
Complications locales 8
à une nécrose tissulaire. Le diagnostic clinique, en règle aisé, et
Complications générales 8
le traitement doivent être effectués le plus rapidement possible.
¶ Traitement 8 Le pronostic dépend essentiellement de la collatéralité vasculaire
Traitement spécifique 8 préexistante, du temps d’ischémie et de la masse musculaire
Traitement des complications 9
ischémiée. Les examens complémentaires diagnostiques ou
Orientation thérapeutique 10
préopératoires ont une place précise. Ils ne doivent pas retarder
¶ Prise en charge anesthésique 11 le geste de restauration artérielle. Le monitorage hémodynami-
Conditionnement 11 que et biologique est indispensable, surtout lors de la phase de
Technique anesthésique 11 reperfusion où le pronostic vital est mis en jeu, chez des
Prise en charge postopératoire 11 patients à l’état général souvent déjà altéré.
¶ Prévention 11 La prise en charge de ces patients est multidisciplinaire. Elle
¶ Conclusion 12 implique les urgentistes, les chirurgiens vasculaires, les radiolo-
gues et les anesthésistes-réanimateurs.

Urgences 1
24-038-C-10 ¶ Prise en charge en urgence d’un patient en ischémie aiguë des membres inférieurs

La difficulté de prise en charge de cette urgence vraie résulte p < 0,01


dans la planification de l’arbre décisionnel. En peu de temps, et 100 p < 0,01
en suivant un ordre logique et rigoureux, le médecin urgentiste,
aidé du chirurgien et du médecin anesthésiste-réanimateur, va
devoir : 80
• faire le diagnostic d’un état d’ischémie aiguë (diagnostic

% nécrose
essentiellement clinique) ; 60
• en apprécier la sévérité et le risque d’effets secondaires lors de
la revascularisation (syndrome de revascularisation), ce qui
conditionne l’urgence du geste chirurgical ; 40
• en déterminer l’étiologie (embolie, thrombose...), ce qui
conditionne la stratégie opératoire ; 20
• en déterminer le niveau d’obstruction. ;
• apprécier l’état général et cardiovasculaire du patient, souvent
0
âgé, pour orienter au mieux la décision thérapeutique
médicochirurgicale.
Temps d'ischémie 4 heures 5 heures

■ Physiopathologie Température 20 ° C 37 ° C 20 ° C 37 ° C

L’ischémie aiguë des membres inférieurs entraîne des lésions Flux résiduel Haut Bas Haut Bas
sévères, voire irréversibles, aggravées lors de la phase de
reperfusion (Fig. 1). Les données de la littérature s’accordent
pour dire que le tissu le plus vulnérable lors d’une ischémie est Figure 2. Déterminants de la nécrose du muscle squelettique (d’après
le tissu nerveux, plus précisément la jonction neuromuscu- Petrasek et al. [7]). Ce protocole réalisé sur un modèle expérimental
laire [5]. Les dégâts musculaires deviennent importants après six d’ischémie aiguë du membre inférieur chez le lapin montre l’importance
heures d’ischémie [6]. Les principaux déterminants de la gravité respective des différents déterminants de la nécrose que sont la durée
des lésions ischémiques sont la présence d’une collatéralité d’ischémie, la température et le flux résiduel.
préexistante, la durée de l’ischémie et la température du
membre (l’hypothermie ralentissant le métabolisme [7]) (Fig. 2). accumulation de métabolites tels que les ions H+ et l’acide
Les lésions de reperfusion provoquent des dégâts locaux et lactique produits par les voies du métabolisme anaérobi. On
systémiques. observe alors une diminution initiale du glycogène et de la
créatine phosphate suivie d’une diminution secondaire des
Ischémie stocks en adénosine triphosphate (ATP) concomitante de
L’ischémie entraîne une privation des apports de substrats l’apparition d’une nécrose tissulaire survenant vers la 4e-6e
exogènes tels que l’oxygène et les acides gras libres et une heure [8] . La déplétion des stocks énergétiques inhibe les

Oblitération artérielle

Anoxie tissulaire Anaérobiose cellulaire

Lyse cellulaire Vasodilatation Relarguage de


capillaire métabolites acides

Lavage de membre

Trouble de la perméabilité
PaO2

Radicaux Œdème intra- et


libres extracellulaire

Aponévrotomie

P interstitielle

Arrêt circulatoire local Stase veineuse et


lymphatique
Figure 1. Mécanismes physiopathologiques de l’ischémie aiguë. Reperfusion des membres inférieurs, création d’un cercle vicieux.

2 Urgences
Prise en charge en urgence d’un patient en ischémie aiguë des membres inférieurs ¶ 24-038-C-10

Revascularisation = P capillaire
Figure 3. Physiopatho-
logie de la reperfusion.
■ Diagnostic
Diagnostic clinique
Fuite extracellulaire Présentation du patient
Dans la plupart des cas, le patient est adressé par son méde-
cin traitant ou le médecin appelé en urgence à son domicile, au
Service d’urgences médicales et/ou chirurgicales, que le dia-
Œdème interstitiel gnostic ait été établi ou non. Parfois, conscient de présenter une
complication thrombotique, le patient qui a déjà été pris en
Aponévrotomie charge pour une ischémie similaire se présente de lui-même. Il
est toujours préférable que le service d’urgence où va être
Anoxie + hyper-K orienté le patient soit informé du diagnostic possible et de sa
gravité, soit par un courrier précis, soit par un appel téléphoni-
que préalable, afin d’alerter immédiatement le service des
pompes Na-K ATPase, Ca 2+ ATPase, ce qui provoque une urgences et le chirurgien de garde et de rendre prioritaire la
augmentation de sodium intracellulaire et de calcium cytoso- prise en charge du patient à son arrivée.
lique provenant des mitochondries, notamment à la phase de En effet, les motifs de consultation en urgence sont multiples.
reperfusion. La reperfusion va alors permettre la formation de Cependant, la douleur brutale du membre et l’installation
radicaux libres (anion superoxyde et radical hydroxyl) progressive d’une anesthésie complète sont les deux symptômes
responsables des altérations membranaires. Cette augmenta- qui incitent le plus souvent à consulter.
tion de calcium est responsable de la contracture musculaire L’ischémie aiguë des membres inférieurs doit être systémati-
observée cliniquement. quement évoquée et recherchée lors d’une admission pour un
tableau d’ischémie mésentérique, d’accident vasculaire ischémi-
que transitoire ou constitué ou d’ischémie d’un membre
Reperfusion supérieur d’origine embolique. En effet, l’évidence de la
C’est durant la reperfusion que la majorité des complications symptomatologie abdominale ou la gravité de l’atteinte neuro-
apparaissent. Lors de cette phase, on observe une accumulation logique ont caractère à masquer la symptomatologie ischémique
de polynucléaires neutrophiles (maximale après une heure de périphérique qui se trouve souvent reléguée au second plan.
reperfusion) liée à la production de cytokines pro- Les horaires de l’admission hospitalière, du début de la
inflammatoires et à l’activation du complément. Les récepteurs symptomatologie et de la demande de l’avis chirurgical, sont
d’adhésion des neutrophiles (CD11, CD18 et b2 intégrines) sont consciencieusement notés dans le dossier médical.
activés et se fixent sur les molécules d’adhésion endothéliales
(ICAM-1 et E-sélectine), ce qui facilite leur migration dans le Diagnostic clinique de l’ischémie
tissu reperfusé et participe aux dommages membranaires par la Le diagnostic d’ischémie aiguë des membres d’origine arté-
production d’élastase, de protéases et de radicaux libres [9]. Ces rielle est avant tout clinique. Les signes pathognomoniques
altérations endothéliales et la formation de radicaux libres [10] sont : la douleur, l’absence de pouls, la pâleur cutanée, la
entraînent une augmentation de la perméabilité membranaire froideur cutanée et la paralysie.
des protéines plasmatiques, proportionnelle à la durée de Le symptôme principal est l’apparition d’une douleur violente
l’ischémie [11]. La reperfusion entraîne ainsi la formation d’un du membre, parfois remplacée par des dysesthésies secondaires
œdème tissulaire [12] pouvant aboutir à un syndrome des loges à une neuropathie ischémique. Cette douleur à type de broie-
aggravant l’ischémie tissulaire (Fig. 3). ment se localise le plus souvent au niveau de la jambe entière,
On assiste ainsi à une libération locale et systémique de touchant les loges musculaires postérieures et antéroexterne.
cytokines pro-inflammatoires (IL-1, TNFa, IL-6) promotrices Cependant, elle peut se localiser uniquement sur le pied ou
d’un syndrome inflammatoire généralisé. Expérimentalement, remonter sur la cuisse. Dans ce dernier cas, le niveau de
des lésions intestinales ont été observées après ischémie- l’obstruction artérielle est proximal. En cas de début brutal, il
reperfusion des membres inférieurs [13]. est important d’évaluer lors de la prise en charge du patient
On comprend alors que, lors de la reperfusion, un relargage l’horaire d’apparition de la symptomatologie.
de substances de dégradation musculaire : enzymes musculaires La pâleur cutanée surprend immédiatement lors de l’inspec-
(aspartate aminotransférase [ASAT], lactodéshydrogénase [LDH], tion comparative des membres. La lividité des extrémités (pâleur
créatine-phosphokinase [CPK]), myoglobine, lactates, potassium, cadavérique) est associée à des veines vides et collabées. On
ions H + ), peut induire une acidose métabolique sévère et peut mettre en évidence des marbrures des genoux avec un
entraîner des défaillances multiviscérales avec l’apparition d’une liseré de délimitation au niveau de la cuisse en relation avec
insuffisance rénale, d’une détresse respiratoire, voire d’un arrêt une ischémie artérielle proximale et/ou un état de choc.
cardiaque. L’hyperkaliémie observée après ischémie-reperfusion L’abolition des pouls distaux est la règle. Les pulsations juste
trouve son origine dans la lyse cellulaire qui provoque une en amont de l’oblitération artérielle peuvent être anormalement
augmentation du potassium dans le milieu extracellulaire, puis fortes (pouls de butée). Dans certains cas d’embolie périphéri-
un relargage dans la circulation (phénomène de wash-out). Elle que, les pouls d’aval peuvent être retrouvés, affaiblis, au début
semble également liée en partie à l’activation de canaux de l’évolution. Le pouls capillaire est inexistant. Le médecin
potassiques calcium dépendants (KCa2+) [14], et elle est aggravée urgentiste peut s’aider d’un examen doppler en utilisant un
par l’acidose métabolique. Il est à signaler que les phénomènes appareil doppler portatif, qui lui confirmera la disparition d’un
de préconditionnement interorganes décrits pour le myocarde flux au niveau des principales localisations anatomiques.
semblent aussi valables pour les membres inférieurs [15] : ainsi, Les signes neurologiques sont inconstants, mais témoignent
l’ischémie-reperfusion d’un membre protège le membre contro- toujours de la gravité de l’ischémie. Les paresthésies sont les
latéral [16], mais aussi le cœur [17] des lésions sus-décrites. premiers signes neurologiques qui apparaissent avec un délai
variant de quelques heures à plus de 24 heures. On note une
diminution de la sensibilité au tact fin et de la sensibilité
proprioceptive (les fibres nerveuses sont les plus sensibles à

“ Point fort
l’ischémie), puis la perte de la sensibilité à la douleur s’installe
progressivement. L’atteinte des fibres nociceptives, plus résis-
tantes, est un signe tardif lors de la prise en charge.
La phase de reperfusion est la période la plus à risque. On peut noter une parésie des muscles les plus distaux, qui
gardent une certaine souplesse pour devenir fermes, durs et très

Urgences 3
24-038-C-10 ¶ Prise en charge en urgence d’un patient en ischémie aiguë des membres inférieurs

Tableau 1.
Classification des stades d’ischémie aiguë des membres inférieurs (d’après Blaidswell [18] et Rutherford [19]).

Classification/Stade Faible (I) Modérée (II) Sévère (III)


Signification Membre viable Ischémie réversible en cas de reperfusion Ischémie irréversible
Clinique Membre pâle Membre douloureux Rigidité musculaire
Froid Froid Peau bleutée et marbrée
Non douloureux Ferme Douleur importante ou anesthésie
Absence de trouble sensitivomoteur Sans rigidité Paralysie du sciatique poplité externe
Absence de remplissage capillaire
2 stades :
II-a : ischémie discrètement menaçante
- dysesthésie limitée aux orteils
- pas de troubles moteurs
II-b : ischémie immédiatement menaçante
- douleur de repos
- dysesthésie au dessus des orteils et/ou trouble
moteur (parésie ou paralysie)
Doppler Flux artériel audible Flux artériel inaudible Absence de flux artériel
Présence d’un flux veineux Absence de flux veineux
Traitement Revascularisation Revascularisation urgente Amputation dans la plupart des cas
Décoagulation Décoagulation

douloureux (contracture musculaire). Ce sont les muscles de la acquièrent un caractère irréversible classiquement après six
loge antéroexterne de jambe (muscles jambier antérieur et heures de dévascularisation complète, avec l’apparition secon-
péroniers latéraux) qui souffrent en premier. La douleur à la daire d’un syndrome compartimental. Le risque d’amputation
pression de la loge antéroexterne est alors exquise. La paralysie est alors très important, motivant une indication de revascula-
complète ainsi que la disparition des réflexes ostéotendineux risation chirurgicale en urgence.
sont des signes tardifs.
État cutané et remplissage veineux
L’examen clinique se doit d’être complet. L’interrogatoire doit
faire préciser les facteurs de risque cardiovasculaire ainsi que les Un pied livide, présentant une pâleur dite cadavérique, sans
antécédents vasculaires artérioveineux du patient. Rapidement, pouls capillaire à la pression des orteils et un collapsus veineux
le médecin urgentiste doit : des veines superficielles du dos du pied, sont aussi des signes de
• évaluer le niveau d’oblitération : c’est en règle facile par la gravité impliquant une tentative de revascularisation.
disparition des pouls à partir du niveau supérieur de l’oblité- La présence d’un pied cyanosé, avec des marbrures ou un
ration, par la réapparition d’une recoloration, d’une chaleur livedo très prononcé est un signe très péjoratif orientant vers
cutanée au-dessus de l’oblitération artérielle ; une extension artériolocapillaire puis veinulaire de la throm-
• évaluer le degré d’ischémie (cf. chapitre « signes de gravité ») ; bose. À terme, on peut noter la présence de phlyctènes et de
• déterminer la cause probable de l’oblitération artérielle. plages de nécrose cutanée, caractérisant une souffrance tissulaire
extrême. Ces critères d’ischémie dépassée surviennent lorsque le
Diagnostic clinique des signes de gravité délai de prise en charge a été long (souvent supérieur à
12/20 heures). Le pronostic séquellaire et la viabilité des tissus
Certains auteurs ont différencié trois stades d’ischémie [18, 19] : sont alors très défavorables et doivent conduire à proposer
faible (stade I), modérée (stades IIa et IIb), et sévère (stade III) d’emblée un geste radical d’amputation.
(Tableau 1), permettant d’envisager d’emblée un facteur
pronostique. Topographie de l’occlusion artérielle
Les signes de gravité conditionnent en effet l’urgence et la Plus l’occlusion artérielle est proximale et plus l’atteinte
nature du traitement, et doivent nécessiter une réévaluation neurologique est sévère. Le risque de complications générales à
systématique au cours de la prise en charge. Il est donc impor- la levée de l’ischémie est aussi d’autant plus important. Le cas
tant que le clinicien stratifie la gravité clinique dès la prise en le plus extrême est représenté par l’occlusion aortique aiguë par
charge (Fig. 4). embolie du carrefour aortique, pouvant conduire à une paraplé-
Ischémie neurologique gie immédiate.

Les signes cliniques de gravité sont essentiellement représen- Nature de l’occlusion artérielle
tés par la composante neurologique de l’atteinte ischémique : la Les cas d’ischémie aiguë par embolie sont à traiter le plus
paralysie sensitivomotrice (l’hypoesthésie distale ainsi que les souvent précocement car survenant sur des artères saines.
paresthésies sont des signes d’alarme à prendre en considération L’embole s’enclave généralement au niveau des carrefours
après l’instauration du traitement médical par une surveillance artériels fondamentaux sans qu’aucune suppléance artérielle
stricte). Elle débute le plus souvent dans le territoire du nerf n’ait eu le temps de se développer. Par ailleurs, la revascularisa-
sciatique poplité externe. tion est le plus souvent simple (embolectomie à la sonde de
Fogarty) lorsqu’elle est réalisée précocement. À distance, les
Atteinte musculaire
adhérences entre le thrombus et l’endothélium artériel rendent
En l’absence de signe neurologique, d’autres arguments en effet plus hypothétique le résultat du traitement.
cliniques doivent être pris en compte.
• l’existence d’une douleur musculaire à type de broiement non État général et cardiaque du patient
calmée par les antalgiques de type morphinique ; Enfin, il est important de prendre en compte l’existence
• la présence d’une rigidité de la cheville fixée en talus, le d’une pathologie incurable ou fortement handicapante, et
mollet étant dur et tendu (rigidité cadavérique). d’évaluer rapidement la fonction cardiaque et les comorbidités
Ces signes cliniques témoignent de l’ischémie, voire d’un du patient. L’existence d’une cardiopathie préexistante ou
infarctus musculaire grave. Les signes de rhabdomyolyse induite par l’état d’ischémie (myocardique gauche le plus

4 Urgences
Prise en charge en urgence d’un patient en ischémie aiguë des membres inférieurs ¶ 24-038-C-10

Service médicalisé d'urgence

Consultation par
un médecin urgentiste

Diagnostic d'ischémie aiguë = Urgence médico-


de membre chirurgicale

Évaluation clinique :
- signes de gravité
- étiologie
- état général et cardiovasculaire
du patient (comorbidités)

Appel du chirurgien vasculaire

- Patient moribond
- Pathologie incurable à Ischémie aiguë grave Ischémie subaiguë
pronostic imminent (stade III) (stades I et II)
- Patient inopérable

Prise en charge - Bilan préopératoire Hospitalisation dans le


palliative dans complet service de chirurgie
l'institution ou dans - Laisser à jeun vasculaire pour :
le centre gériatrique - Appel de l'équipe - bilan vasculaire
chirurgicale et anesthésique - mise en route d'un
- Conditionnement traitement médicochirurgical
du patient - surveillance

Figure 4. Arbre décisionnel. Algorithme de prise en charge selon les stades de gravité.

souvent) impose un traitement adapté, avec pour objectif la Diagnostic différentiel


récupération d’une hémodynamique ventriculaire gauche
correcte. Le traitement chirurgical de l’ischémie aiguë doit alors Le plus souvent, le diagnostic ne fait pas de doute. Cepen-
être relayé au second plan jusqu’à ce que l’état général permette dant, il est important de retenir le diagnostic de principe devant
au patient de supporter une intervention parfois complexe. Il tout syndrome douloureux d’un membre à début brutal.
est à noter que la récupération d’une bonne hémodynamique Les diagnostics de névralgie, de sciatique tronquée, de crise de
peut parfois suffire à lever une ischémie périphérique par bas goutte de localisation atypique, de douleur rhumatismale ou de
débit en aval d’une sténose préexistante. fracture de fatigue, peuvent être retenus par erreur en l’absence
d’un examen clinique précis. De même, une présentation
clinique évocatrice d’une thrombophlébite surale ou fémorale
ne doit pas faire éliminer trop rapidement une ischémie aiguë
sous-jacente au stade de début.

“ Points forts L’erreur diagnostic inverse est aussi vraie : si toutes les
ischémies aiguës présentent comme signe clinique une abolition
de pouls, toute abolition des pouls périphériques associée à une
Toute ischémie aiguë doit être initialement considérée douleur n’est pas a contrario une ischémie aiguë.
comme une urgence médicochirurgicale.
Un avis chirurgical doit être demandé le plus rapidement Diagnostic paraclinique
possible.
À l’arrivée du patient, l’ischémie doit être classée selon les De l’ischémie
3 stades de gravité, afin de décider de l’urgence et de
Le diagnostic d’ischémie aiguë des membres inférieurs reste
l’orientation thérapeutique. un diagnostic clinique. L’équipe chirurgicale doit être alertée dès
Les facteurs de gravité sont : l’arrivée du patient et aucune exploration ne doit retarder
• un délai de prise en charge long ; l’intervention.
• une collatéralité vasculaire faible ; Un examen doppler au lit du patient (doppler portatif) peut
• un volume musculaire important (gravité des ischémies être réalisé par tout médecin, sans compétence particulière
proximales) ; requise. Il aide au diagnostic clinique d’abolition de pouls, et à
• un déficit sensitivomoteur ou une rétraction musculaire. la localisation de l’ischémie.
L’artériographie n’est pas systématique, et ne doit pas Une échographie-doppler peut être réalisée sans perte de
retarder la prise en charge. temps si les conditions locales et la sévérité du tableau clinique
le permettent. Cet examen doit être réalisé, en revanche, par un

Urgences 5
24-038-C-10 ¶ Prise en charge en urgence d’un patient en ischémie aiguë des membres inférieurs

Figure 5. Exemples d’occlusion de l’artère


fémorale superficielle.
A. Occlusion d’origine embolique : le stop est
net sans collatéralité.
B. Occlusion d’origine thrombotique : on note
la collatéralité préexistante témoignant d’un
passé artéritique et d’une moindre gravité de
l’ischémie.

médecin formé au maniement des appareils d’échographie- bilan biologique. La réalisation de ces examens n’est cependant
doppler, et compétent en analyse artérioveineuse périphérique. en aucun cas un motif pour retarder l’intervention de revascu-
Non invasif et peu coûteux, il permet d’orienter le diagnostic larisation vasculaire.
étiologique en association avec l’examen clinique (dissection Le bilan sanguin comprend un ionogramme avec glycémie,
artérielle, anévrysme poplité, embolie fibrinocruorique) et un dosage de l’urée et de la créatinine, une numération formule
d’apprécier l’état de l’arbre artériel controlatéral. plaquettaire, un bilan de coagulation avec héparinémie afin
D’autres examens peuvent être discutés en estimant toujours d’ajuster les doses d’héparine, un dosage des enzymes muscu-
le bénéfice des résultats escomptés, par rapport au délai néces- laires (myoglobinémie, transaminases, CPK), un dosage de
saire à leur réalisation, qui pourrait être fatal. C’est le cas pour troponine I, un groupage sanguin avec la recherche d’anticorps
l’artériographie, le scanner, l’angioscanner, et l’angio-IRM, dont irréguliers. En cas d’ischémie sévère, une gazométrie artérielle
la réalisation ne doit en aucun cas compromettre le pronostic associée à un dosage de lactacidémie recherche l’existence d’une
du patient. acidose métabolique. Ces examens complémentaires doivent
Ces examens permettent de localiser l’oblitération artérielle, être demandés au sein de l’unité médicale d’urgence dès que le
de caractériser l’aspect de cette occlusion (athérome, anévrysme, diagnostic d’ischémie aiguë est retenu.
dissection...), d’apprécier le réseau artériel d’aval. Ces renseigne-
ments seront utiles à la prise en charge chirurgicale, notamment
en cas de thrombose et de réalisation de pontage vasculaire. ■ Étiologies (Tableau 2)
Dans le cas d’une origine embolique, ils permettent de mettre
en évidence d’autres emboles (homo- et/ou controlatéraux) Étiologie embolique
asymptomatiques. Ce bilan participe à l’évaluation du pronostic
de l’ischémie aiguë et des possibilités de restauration artérielle. Les étiologies emboliques, longtemps les plus fréquentes, sont
Leurs indications restent cependant controversées, notam- actuellement en diminution. Elles restent cependant la cause la
ment dans les cas d’ischémie aiguë avec des signes de gravité. plus fréquente des ischémies graves. Elles représentent environ
En effet, le bilan artériel peut être fait directement au bloc 40 % du total des cas d’ischémie aiguë [4]. Les membres sont
opératoire par une artériographie réalisée sur table après l’abord atteints dans 70 à 80 % des épisodes emboliques, avec une
chirurgical artériel. Par exemple, une artériographie préopéra- prédominance pour les membres inférieurs (cinq fois plus que
toire ne présente que peu d’intérêt dans les tableaux emboliques les membres supérieurs). Les bifurcations artérielles sont le plus
typiques sur artères saines ou dans les cas d’une ischémie généralement en cause. Les sites les plus atteints sont par ordre
gravissime bilatérale par embolie du carrefour aortique compli- de décroissance : la bifurcation fémorale (30-50 %), les artères
quant une cardiopathie. Par contre, le bilan radiologique est fémorale ou poplitée, le carrefour aortique [20] (Fig. 6) ou les
utile et nécessaire dans les cas d’ischémie subaiguë, qui tradui- vaisseaux iliaques [21].
sent le plus souvent une thrombose artérielle sur artère patho- Ces emboles ont une origine majoritairement cardiaque
logique. Par ailleurs, l’artériographie demeure indispensable en (55 % [22] à 75 % [4] des cas). Dans les autres cas, la cause n’est
cas de traumatisme vasculaire (en l’absence d’ischémie avancée souvent pas retrouvée. Une valvulopathie mitrale ou une
et d’hémorragie importante) (Fig. 5). fibrillation auriculaire sont généralement en cause. Un
Les examens à visée étiologique (échographie cardiaque électrocardiogramme est systématiquement réalisé à la
transthoracique ou transœsophagienne, tomodensitométrie recherche d’une fibrillation auriculaire, ainsi qu’une échocar-
aortique, holter rythmique, échographie abdominale, bilan diographie transthoracique, voire transœsophagienne peropé-
d’hémostase...) sont organisés après le traitement de l’ischémie ratoire ou à distance. En l’absence de thrombus auriculaire,
aiguë. on recherche un thrombus ventriculaire séquellaire d’une
nécrose myocardique. L’échocardiographie recherche d’autres
Des complications étiologies, telles qu’une thrombose de prothèse valvulaire,
Les autres examens paracliniques préopératoires comprennent une endocardite infectieuse, une tumeur cardiaque ou un
un électrocardiogramme, une radiographie pulmonaire et un anévrysme ventriculaire. Les autres causes non cardiaques

6 Urgences
Prise en charge en urgence d’un patient en ischémie aiguë des membres inférieurs ¶ 24-038-C-10

Tableau 2.
Principales étiologies de l’ischémie aiguë des membres inférieurs.
Embolie Thrombose
À point de départ cardiaque À point de départ artériel Sur artère pathologique Sur artère saine
Troubles du rythme : Plaque athéromateuse ulcérée Maladie athéromateuse : Traumatisme artériel :
- fibrillation auriculaire Anévrysme de l’aorte, artériel - athérome - accidentel
- autres troubles du rythme - thrombose anévrismale (poplitée) - iatrogène
- cardioversion - thrombose de pontage
Cardiopathie ischémique : Artère poplitée piégée Artériopathie inflammatoire : Syndromes d’hypercoagubilité
- infarctus du myocarde - maladie de Takayashu - déficit en AT3
- anévrysme ventriculaire - maladie de Buerger - déficit en protéine S
- dyskinésie ventriculaire gauche - déficit en protéine C
- hyperfibrininémie
- polyglobulie
- hyperplaquettose
Valvulopathie : Maladie de système : Accidents médicamenteux :
- endocardite infectieuse - lupus systémique - ergotisme
- prothèse valvulaire - PAN - œstroprogestatif
- sclérodermie - produits sclérosants
Myxome de l’oreillette Dissection artérielle Thrombopénie à l’héparine
Embolie paradoxale Artère poplitée piégée Phlegmentia cerulae
Compression extrinsèque (tumeur) Ischémie terminale
Kyste adventiciel - insuffisance cardiaque décompensée
Artère radique - hypovolémie

Thromboses aiguës
Les thromboses artérielles aiguës représentent 60 % des cas [4].
Elles apparaissent généralement sur des artères présentant une
pathologie athéromateuse préexistante. Elles se présentent sous
la forme d’une symptomatologie moins aiguë en raison d’une
collatéralité développée, ce qui sous-estime leur incidence. Les
autres étiologies sont les thromboses d’anévrysme, les thrombo-
ses de pontage, les maladies systémiques (Takayasu, Buerger). Il
faut citer à part les thromboses apparaissant dans le cadre d’une
thrombopénie à l’héparine, qui ont un pronostic
catastrophique.

Autres étiologies
Parmi les autres étiologies, on peut citer les traumatismes et
les dissections aortiques. Certaines formes rares de thrombose
veineuse extensive bloquent le flux artériel et sont responsables
d’une ischémie aiguë (phlegmatia caerula alba dolens) par
œdème musculaire à forte pression et arrêt de la circulation
artériolaire.

Orientation étiologique (Tableau 3)


Le diagnostic étiologique repose sur l’examen clinique,
l’anamnèse et éventuellement les examens paracliniques.
Le diagnostic d’ischémie aiguë requiert ainsi un examen
Figure 6. Artériographie d’un patient avec embole du carrefour clinique soigneux avec prise de tous les pouls périphériques. Il
aortique. peut être étayé en pré- ou en postopératoire immédiat par une
artériographie, un scanner ou un échodoppler abdominal en cas
d’embole viscéral associé.
Il faut cependant rappeler que le temps représente un facteur
(5-10 %) comportent, entre autres, les emboles dont le point pronostique important et que la réalisation d’examens complé-
de départ est un anévrysme artériel, les emboles veineux mentaires à visée étiologique ne doit pas retarder le geste de
paradoxaux (association thrombose veineuse et foramen ovale revascularisation.
perméable), les aortites emboligènes, etc.
Un embole est ainsi suspecté en l’absence de passé vasculaire,
en cas de douleur intense et brutale, ou en présence d’une
fibrillation auriculaire, notamment lorsque la décoagulation
■ Évolution
n’est pas efficace. La reperfusion d’un membre inférieur en ischémie aiguë
Par ailleurs, il faut savoir évoquer l’existence d’emboles représente une urgence vitale. Elle doit avoir lieu dans les quatre
multiples viscéraux malgré une symptomatologie semblant à six heures, en l’absence de circulation collatérale préexistante,
unique. pour espérer sauver le membre.

Urgences 7
24-038-C-10 ¶ Prise en charge en urgence d’un patient en ischémie aiguë des membres inférieurs

Tableau 3. insuffisance rénale. Les mécanismes physiopathologiques


Diagnostic étiologique des ischémies aiguës des membres inférieurs. responsables de l’insuffisance rénale associent une vasoconstric-
Embolie Thrombose
tion, des lésions de nécrose tubulaire par peroxydation lipidi-
que, et une obstruction tubulaire [27] . Une néphropathie
Fréquence + +++ préexistante ou une hypovolémie surajoutée aggravent le
Gravité clinique +++ + pronostic rénal. La prévention de l’insuffisance rénale est basée
sur la correction précoce de l’hypovolémie [28] associée à une
Origine Cardiaque Artère athéromateuse
diurèse alcaline (pHu > 7,0) [27]. Une hémodialyse postopératoire
Artériopathie 0 +++ est parfois nécessaire, d’autant plus que l’insuffisance rénale
préexistante aggrave l’acidose et le risque d’hyperkaliémie. La surveillance de
Douleur +++ + la calcémie est souhaitable dans ce contexte.
Aspect Stop net Aspect d’artériopathie
Risque cardiaque
artériographique Absence de collatéralité Collatéralité
Il est maximal lors du déclampage artériel en raison de
Urgence +++ + l’association d’une hyperkaliémie provenant des masses muscu-
Traitement Embolectomie Thrombectomie laires ischémiques et d’une hypovolémie liée à la revascularisa-
Reconstruction tion du membre exclu.
artérielle
Atteinte pulmonaire
Elle peut parfois se voir, en raison d’un syndrome inflamma-
toire généralisé. Elle peut être aggravée par des transfusions ou

“ Point fort
par la migration d’un thrombus ou de microemboles veineux
lors du déclampage du membre inférieur. La libération de ces
médiateurs peut contribuer à la constitution d’un SDRA (syn-
Les étiologies emboliques sont moins fréquentes mais plus drome de détresse respiratoire aiguë).
graves que les étiologies thrombotiques (collatéralité
moins développée). ■ Traitement
En cas d’étiologie embolique, le traitement repose sur
l’embolectomie en urgence [29]. En cas de thrombose sans signe
Complications locales de gravité avec artériopathie préexistante, il est possible de
Lors de l’ischémie-reperfusion, l’augmentation de la perméa- différer l’intervention chirurgicale, qui sera alors une thrombec-
bilité vasculaire entraîne une augmentation de la pression tomie ou une reconstruction artérielle.
tissulaire à l’intérieur de la loge ostéoaponévrotique, pouvant
aboutir à un syndrome des loges et compromettre la vasculari- Traitement spécifique (Fig. 7)
sation nerveuse et vasculaire. Ce phénomène est aggravé par un
bas débit cardiaque ou par une pression artérielle excessivement Traitement médical
basse (cf. Fig. 1). La prise des pressions tissulaires peut aider à
la décision d’aponévrotomie. Il n’y a cependant pas de valeur Héparinothérapie
seuil. Une pression tissulaire supérieure à 5 mmHg [23] ou une L’héparinothérapie à dose décoagulante doit être systémati-
différence avec la pression artérielle diastolique supérieure que pour prévenir le développement des processus thromboti-
à 20 ou 30 mmHg [24] doivent pousser à réaliser une aponévro- ques au niveau de la microcirculation et de la circulation
tomie de décharge dont les indications doivent de toutes façons veineuse [30], en l’absence de contre-indication pouvant faire
rester larges. Il ne faut surtout pas attendre la disparition du discuter son utilisation (thrombopénie induite par l’héparine,
pouls capillaire pour porter l’indication d’incision de décharge, antécédent récent d’hémorragie digestive ou d’hémoptysie
car si l’hyperpression intracompartimentale est suffisante pour grave, accident vasculaire hémorragique récent...).
entraîner une ischémie capillaire, elle n’est en général pas assez De plus, l’héparine diminuerait les phénomènes œdémateux
élevée pour occlure les axes artériels. lors de la reperfusion [31]. Ce traitement doit être débuté dès le
diagnostic d’ischémie aiguë porté, et continué en per- et en
Complications générales postopératoire. Il est monitoré par l’héparinémie (cible entre
0,2 et 0,5 U/ml) et/ou le temps de céphaline activée (TCA).
Désordres métaboliques
Agents vasodilatateurs
Certaines anomalies pré- ou peropératoires doivent inciter à
Ils sont souvent perfusés, surtout en cas de passé artéritique
des précautions particulières. Une hyperkaliémie supérieure à
(papavérine, buflomédil...). La pentoxifylline (Torental ® )
6 mmol/l est traitée par les moyens symptomatiques [25] .
pourrait avoir un effet bénéfique lorsqu’elle est administrée
L’association hyperkaliémie et insuffisance rénale (pré- ou
précocement avant la reperfusion [32]. Leur utilisation n’est
peropératoires) représente un signe de gravité, car elles risquent
cependant pas validée.
d’être majorées lors de la reperfusion. Cet élément est un
argument supplémentaire pour pratiquer un lavage de membre
Traitement chirurgical
avant le déclampage artériel et pour prévoir une hémodialyse
précoce en postopératoire. .
Embolectomie
Les autres anomalies métaboliques associent une hyperuricé- Le traitement des embolies sur artères saines repose sur
mie, une hyperphosphatémie, une hypocalcémie ou une hyper- l’embolectomie par cathéter de Fogarty.
calcémie et une acidose métabolique avec hyperlactacidémie. Ce traitement simple et rapide fut introduit en 1963. Il a
révolutionné la prise en charge de cette pathologie. Il s’agit d’un
Rhabdomyolyse et insuffisance rénale cathéter rigide de 80 cm en polyvinyle dont l’extrémité est
Le relargage des produits de dégradation musculaire (aug- munie d’un ballonnet, gonflé au sérum physiologique hépariné
mentation sanguine des CPK, des LDH, des ASAT et de la lors du retrait. Ce cathéter est introduit par une courte artério-
myoglobine), associé à une hypovolémie par séquestration de tomie chirurgicale. Les voies d’abord sont habituellement
liquide au niveau du membre ischémique, favorise l’apparition fémorales en cas d’ischémie iliaque ou fémorale, ou poplitée en
d’une insuffisance rénale. Le taux de CPK est proportionnel aux cas d’embole poplité bas. L’abord fémoral est bilatéral en cas
lésions musculaires [26] et serait prédictif de l’apparition d’une d’embole du carrefour aortique. Le chirurgien prépare un champ

8 Urgences
Prise en charge en urgence d’un patient en ischémie aiguë des membres inférieurs ¶ 24-038-C-10

Tableau d'ischémie aiguë du membre inférieur


(douleur, absence de pouls)

Recherche des signes de gravité


• Délai
• Territoire ischémique
• Comorbidités
• Recherche de signes sensitivomoteurs,
d'une contracture musculaire
Classification I/II/III

Suspicion d'embolie Suspicion de thrombose Traumatologie

Héparinothérapie Héparinothérapie Avis chirurgical urgent

• Avis chirurgical • Avis chirurgical


• Bilan opératoire minimal et anesthésique Artériographie
• Bilan opératoire

+/- doppler

Désobstruction chirurgicale Discussion Bloc opératoire


et/ou radiologique d'une artériographie Chirurgie
urgente de revascularisation

Bilan étiologique Revascularisation


secondaire chirurgicale
et/ou radiologique

Figure 7. Arbre décisionnel. Algorithme de prise en charge selon les étiologies.

étendu en raison d’une modification possible de son approche. équipe (par exemple urokinase 2 500 UI/kg/h en intra-artériel
Ce geste peut être réalisé sous anesthésie locale. Une angiogra- ou altéplase [rt-PA] 20 à 30 mg). L’objectif est d’augmenter la
phie peropératoire est généralement réalisée après la désobstruc- concentration locale de l’agent thrombolytique et de diminuer
tion artérielle afin de confirmer le succès du geste et de vérifier la fibrinolyse systémique. Les principales indications sont les
l’opportunité d’un geste vasculaire complémentaire. Une thromboses de pontages (notamment sus-inguinaux), certaines
analyse bactériologique et anatomopathologique du thrombus thromboses poplitées bien tolérées, et les embolies multiples. La
ou de l’embole est systématiquement réalisée. Après revascula- . fibrinolyse in situ peut être indiquée en complément d’un geste
risation, les pouls périphériques (pris manuellement ou au de revascularisation chirurgicale en cas d’embolie jambière
doppler) sont notés par une croix sur le membre afin de distale ou d’emboles dans des artères de petit diamètre [33].
permettre la surveillance postopératoire. Ce traitement peut provoquer des hémorragies postopératoi-
Cette technique est réalisée par les équipes de chirurgie res de la jambe ischémique pouvant nécessiter des transfusions
vasculaire. Le geste doit être prudent, car il peut être la cause de sanguines. À ces posologies (10 000 à 200 000 UI d’urokinase
lésions intimales sévères et thrombogènes. peropératoire), le risque de fibrinolyse ou d’hémorragie systémi-
Chirurgie restauratrice ques est exceptionnel [34].
Compte tenu de l’importance de la surveillance et de la
En cas de thrombose sur artère pathologique avec un bon lit
spécificité de ce traitement, il ne doit être instauré que si le
d’aval, des pontages artériels peuvent être effectués en première
patient est hospitalisé dans une unité rompue à ce type de
intention. La réalisation de ces pontages nécessite un axe
traitement (service de chirurgie vasculaire ou unité de
artériel donneur, un axe receveur ainsi qu’un greffon de nature
diverse (veine saphène, Dacron®, PTFE, allogreffe veineuse ou réanimation).
artérielle).
Un traitement par voie endoluminale peut être associé pour Traitement des complications
les sténoses ou occlusions courtes. Ces techniques endovascu-
laires utilisent l’angioplastie endoluminale associée ou non à la Traitement médical
pose de stent, la thromboaspiration ou la fibrinolyse in situ. Traitement de l’hyperkaliémie
Fibrinolyse in situ Il consiste en la perfusion de sérum glucose-insuline (500 ml
.
La fibrinolyse intra-artérielle in situ est réalisée après ponc- de sérum glucosé à 10 % et dix unités d’insuline ordinaire) et
tion artérielle fémorale controlatérale au décours d’une artério- l’alcalinisation. L’injection prudente de gluconate de calcium
graphie diagnostique pour ischémie subaiguë. (10 à 20 ml de gluconate de calcium 10 %) permet de prévenir
L’agent fibrinolytique (urokinase ou rt-PA) est alors injecté au les complications cardiaques de l’hyperkaliémie. Une hémodia-
contact de la thrombose, selon des protocoles propres à chaque lyse n’est généralement pas possible en préopératoire du fait des

Urgences 9
24-038-C-10 ¶ Prise en charge en urgence d’un patient en ischémie aiguë des membres inférieurs

délais et de l’instabilité tensionnelle engendrée, mais peut être la présence d’une collatéralité, permettant une cicatrisation et la
nécessaire en postopératoire. possibilité d’envisager un appareillage de marche.
Remplissage vasculaire
Il est optimisé pour parer à toute hypovolémie, majorée au
Orientation thérapeutique
déclampage. L’acidose métabolique est corrigée par la perfusion Parfois, malgré l’insuffisance de vascularisation artérielle, le
de bicarbonate de sodium [35]. En cas de rhabdomyolyse, une geste de revascularisation peut être différé de quelques heures.
diurèse alcaline est réalisée. L’utilisation du mannitol est Cette décision résulte essentiellement de l’évaluation de la
débattue. Bien que prescrit de façon systématique par certains gravité de l’ischémie aiguë et/ou de l’état général ou cardiaque
auteurs [36], il peut être utilisé en cas de syndrome des loges du patient.
pour participer à la réduction de la pression tissulaire [27]. Les Dans l’ischémie de stade I, le membre peut être sauvé sans
diurétiques de la famille de l’amiloride pourraient trouver une séquelles si une revascularisation est possible. Dans le cas
place en diminuant le sodium intracellulaire et en bloquant les contraire, une ischémie chronique périphérique se met en place
échanges calcium-sodium, protégeant ainsi de la surcharge avec l’apparition plus ou moins rapide de signes d’ischémie
calcique intracellulaire [37]. Cependant, l’utilisation précoce de critique.
ce diurétique ne doit pas aggraver une hypovolémie éventuelle. Dans le stade II, la nécrose et ses conséquences sont propor-
tionnelles à la masse musculaire (d’autant plus grave que
Traitement chirurgical l’ischémie est proximale) et à la durée de l’ischémie. Les
Lavage de membre séquelles nerveuses sont possibles.
Dans le stade III, les risques sont majeurs, tant sur le plan
En cas d’ischémie prolongée ou étendue (par exemple carre- local que systémique. Une amputation d’emblée peut même être
four aortique avec risque vital lors de la reperfusion), le décidée s’il existe des signes objectifs d’ischémie dépassée. Selon
chirurgien peut laver le membre ischémique en peropératoire le délai de revascularisation, les patients conserveront des
avant le déclampage par un soluté de lavage via une canule séquelles nerveuses telles que des paralysies définitives, ou des
artérielle fémorale avec un recueil de l’effluent par une canule névrites postischémiques douloureuses pouvant durer plusieurs
veineuse. mois.
En fonction des auteurs, différents types de solutés sont
utilisés. Ils comportent généralement du sérum physiologique Urgence à traitement immédiat
hépariné enrichi en substrats nutritifs (glucose, glutamate,
aspartate), en substance tampon (bicarbonate), en vasodilata- L’ischémie sévère résulte d’une souffrance tissulaire prolongée
teurs, et pauvres en calcium et en potassium. Ces solutés en l’absence totale de collatéralité.
hyperosmolaires peuvent être mélangés à du sang pour assurer Une ischémie aiguë dont les signes cliniques sont d’emblée
un apport en oxygène [38]. Un ou plusieurs litres de ce perfusat ou rapidement complets doit faire évoquer des circonstances
à 37 °C sont généralement injectés sous contrôle de la pression particulières. Les étiologies sont généralement d’origine
de perfusion artérielle qui doit rester entre 50 et 70 mmHg [39]. embolique, traumatique sur un réseau artériel sain, ou la
Selon les équipes, il peut être réinjecté pendant une trentaine thrombose d’un pontage ou d’un anévrisme poplité.
de minutes par une pompe à galet ou perfusé sans réinjection. L’atteinte d’une bifurcation artérielle fondamentale sur le plan
Une partie de l’effluent est systématiquement adressé pour hémodynamique (bifurcation aortique, bifurcation fémorale
examen anatomopathologique et bactériologique. Les lavages de commune, artère poplitée basse et bifurcations jambières)
membres provoquent des anémies corrigées par transfusion. entraîne l’apparition immédiate d’un tableau ischémique
Après embolectomie proximale, cette technique pourrait grave pour le membre.
réduire l’incidence des amputations et diminuer les complica- Ce tableau clinique sévère peut apparaître secondairement
tions générales de l’ischémie-reperfusion [40]. Ceci a été démon- lors de la prise en charge d’une ischémie subaiguë, par exten-
tré expérimentalement sur un modèle de porc en ischémie aiguë sion de la thrombose à ces carrefours artériels. De même, la
infrarénale. Les animaux dont la reperfusion était « contrôlée » thrombose aiguë d’un pontage artériel implanté sans avoir
présentaient des lésions moins sévères (contenu en eau, rigidité respecté la collatéralité (par exemple, thrombose d’un pontage
musculaire, acidose métabolique tissulaire, hyperkaliémie, fémoropoplité sans collatéralité de l’artère fémorale profonde
libération de CPK) que ceux reperfusés avec du sang [41]. Les elle-même sténosée ou thrombosée à son origine) conduit à un
effets bénéfiques de la reperfusion contrôlée ont également été tableau ischémique d’emblée sévère. En l’absence d’une revas-
montrés chez l’homme [40]. cularisation rapide, ce tableau conduit inéluctablement à des
séquelles neurologiques et/ou musculaires majeures, voire à la
Aponévrotomie de décharge perte du membre ou le décès du patient.
Ce geste permet de diminuer les complications ischémiques
liées à l’œdème, majoré lors de la reperfusion. Les indications, Urgence à traitement différé
bien que controversées [42], sont généralement larges et souvent Une ischémie subaiguë est définie comme un tableau d’obli-
. prophylactiques [43], surtout en cas d’ischémie prolongée ou de tération artérielle d’aggravation récente et brutale sans facteur
déficit neurologique. Les principales complications des fascioto- de gravité clinique et/ou biologique. Il est alors possible de
mies sont d’ordre septique. différer le traitement de revascularisation de quelques heures.
Cependant ces complications restent insignifiantes par Néanmoins, il apparaît comme souhaitable d’instaurer immé-
rapport au risque vital ou d’amputation [44]. Les indications diatement un traitement anticoagulant efficace et d’hospitaliser
reposent ainsi sur une ischémie prolongée, un état de choc avec le patient dans une unité de chirurgie vasculaire où il pourra
hypotension, l’existence d’un traumatisme artérioveineux, la bénéficier d’une surveillance horaire du membre ischémique.
quantité de tissu ischémique (cas des occlusions proximales) ou Une héparinothérapie par voie veineuse est le plus souvent
l’importance de l’œdème tissulaire à la palpation. instaurée, précédée par une dose de charge. Parallèlement, il est
prescrit un traitement vasodilatateur ainsi que des antalgiques.
Amputation d’emblée
Le membre est enveloppé dans une botte cotonneuse limitant
Elle peut parfois être proposée dans les cas d’ischémie très les points d’appui et préservant la chaleur cutanée. Le patient
avancée. En effet, le pronostic vital du patient peut être mis en est laissé à jeun pendant la surveillance et un bilan préopéra-
jeu, notamment lors d’anomalies métaboliques préopératoires toire est prescrit dès le service des urgences. En effet, en cas
sévères associées, contre-indiquant tout geste de reperfusion en d’aggravation, le recours à une chirurgie immédiate est indis-
raison d’un pronostic fonctionnel péjoratif [45] . Le niveau pensable et en aucun cas il ne devra être retenu un hypothéti-
d’amputation est guidé par le niveau de l’occlusion artérielle et que spasme artériel aggravant.

10 Urgences
Prise en charge en urgence d’un patient en ischémie aiguë des membres inférieurs ¶ 24-038-C-10

Les avantages de différer l’intervention sont multiples et patient doit être montré au plus tôt à un médecin anesthésiste-
doivent être consciencieusement discutés entre le médecin réanimateur afin d’optimiser sa prise en charge et de program-
urgentiste, le chirurgien et le médecin anesthésiste-réanimateur mer, avec le chirurgien, l’intervention chirurgicale.
lors de la prise en charge : Le choix de la technique anesthésique ne repose pas sur des
• ceci permettra d’entreprendre en urgence un bilan artériel règles strictes. Une anesthésie générale est généralement préférée
devant une situation pouvant être complexe (patient multi- en cas d’inexpérience des autres types d’anesthésie locorégio-
opéré) par un examen échodoppler, mais surtout par un bilan nale, d’intervention prévisiblement longue, d’abords abdomi-
morphologique (artériographie, angioscanner ou angio- naux ou multiples (prothèse vasculaire), ou en cas de lésions
IRM) ; ischémiques sévères nécessitant des lavages de membres ou
• il sera possible de réaliser une évaluation cardiologique mettant en jeu le pronostic vital. Une induction en séquence
(recueil des antécédents, échocardiographie...), la préparation rapide est choisie lors d’une suspicion d’estomac plein. Le choix
médicale d’une myocardiopathie préexistante (afin de per- des agents anesthésiques se fait en fonction de leur bonne
mettre d’optimiser l’état cardiaque préopératoire) ; tolérance cardiovasculaire.
• un bilan étiologique précis de l’ischémie aiguë évitera les
récidives thrombotiques dans d’autres territoires ou l’appari-
tion des phénomènes de rethrombose (plaque aortique
Prise en charge postopératoire
emboligène, atteintes calcifiées périphériques...) ; À l’issue de l’intervention, les patients au terrain fragilisé ou
• enfin, dans le cas de l’utilisation de blocs opératoires présentant une ischémie grave sont dirigés vers un service de
d’urgence multidiciplinaires, le fait de différer le geste de réanimation. Une surveillance clinique rapprochée est alors
restauration artérielle pourra permettre la réalisation de la nécessaire. Elle inclut la prise des pouls périphériques (manuelle
chirurgie dans l’ambiance d’un bloc opératoire vasculaire et doppler), la vérification de la coloration, la chaleur cutanée
spécifique équipé de l’ensemble des dispositifs médicaux et le remplissage veineux du membre. Une artériographie est
nécessaires (par exemple biomatériaux pour les techniques réalisée si elle n’a pu l’être en peropératoire. La surveillance des
endovasculaires, table radiotransparente...), améliorant paramètres biologiques est régulièrement poursuivie (iono-
considérablement les conditions de prise en charge et les gramme kaliémie, myoglobinémie et myoglobinurie, CPK,
possibilités thérapeutiques. fonction rénale). En cas de doute sur une rhabdomyolyse, la
Les urgences différées représentent près de 40 % de l’activité diurèse horaire et le pH urinaire sont également colligés. La
chirurgicale d’urgence en chirurgie vasculaire. Plus que toute surveillance de l’évolution d’une acidose ou d’une hyperlactaci-
autre urgence, elle implique une surveillance infirmière rigou- démie préopératoire est requise. Le dosage de troponine I est
reuse et stricte (pas d’admission d’antalgique à l’aveugle, gestion systématiquement effectué en cas de risque coronarien. La
efficace du traitement anticoagulant, horaires de surveillance...) pression artérielle est monitorée de façon continue ou rappro-
et a pour corollaire des prescriptions de soins infirmiers claires chée, avec comme objectif le maintien d’une pression artérielle
et précises. suprasystémique (c’est-à-dire à des valeurs légèrement supérieu-
res aux valeurs habituelles du patient) afin de garantir une
pression de perfusion élevée. On traite toute hypovolémie
■ Prise en charge anesthésique pouvant aggraver l’insuffisance rénale.
Après la phase aiguë, l’étiologie doit être rapidement précisée,
et un traitement spécifique entrepris afin d’éviter toute récidive.
Conditionnement Dans ce cadre, une échocardiographie transthoracique, voire
Si les embolectomies par cathéter de Fogarty se déroulent transœsophagienne, est nécessaire. Selon l’étiologie et les
parfois sous anesthésie locale, tout le matériel pour réaliser une protocoles, le relais de l’héparinothérapie par antivitamine K
anesthésie générale en urgence doit être prêt, ainsi que les peut être envisagé. Un traitement antiarythmique, une cardio-
drogues de réanimation cardiovasculaire. La pose d’un cathéter version, ou éventuellement une chirurgie cardiaque à distance
artériel est conseillé dans les cas sévères : comorbibités impor- peuvent être envisagés.
tantes (âge, insuffisance cardiaque, coronaropathie, insuffisance
respiratoire chronique...) ou ischémie grave (sévère ou proxi-
male) laissant craindre des complications per- ou postopératoi- ■ Prévention
res lors de la reperfusion. Cela permet la surveillance en continu
de la pression artérielle (notion de pression de perfusion du La prévention de l’ischémie des membres inférieurs sur
membre) et la réalisation de prélèvements sanguins itératifs thrombose rentre pour partie dans le cadre de la pathologie
(recherche d’une acidose métabolique ou d’une hyperkaliémie athéromateuse. À ce titre, la prévention est fondamentale, en
peropératoire). Des voies veineuses de bon calibre (mises en prenant en charge à la fois le risque cardiovasculaire et les
place dès l’admission dans le service des urgences) sont indis- facteurs de risque présents, selon les recommandations de la
pensables, afin de permettre un remplissage vasculaire, notam- Haute Autorité de santé [46, 47].
ment avant la phase de reperfusion. Une voie veineuse centrale Les objectifs de contrôle des facteurs de risque cardio-
peut être mise en place. La température est systématiquement vasculaire sont les suivants :
monitorée et le patient est réchauffé par une couverture à air • arrêt du tabac ;
pulsé (la durée de l’intervention chirurgicale étant fréquemment • limitation de la surcharge pondérale ;
imprévisible). Parmi les autres paramètres, on insistera sur le • traitement du diabète et de la dyslipidémie ;
monitorage continu du segment ST et de la diurèse. Des • un exercice physique quotidien modéré est également préco-
systèmes d’épargne sanguine tels que la récupération de sang nisé (30 minutes de marche rapide par jour).
peropératoire doivent être disponibles en cas de polytrauma- Au plan pharmacologique, trois types de traitements médica-
tisme ou de chirurgie aortique. menteux au long cours ont montré une efficacité : les antiagré-
Les embolies du carrefour aortique nécessitent des précau- gants plaquettaires (aspirine 75 à 160 mg/j ou clopidogrel
tions maximales en raison des pertes sanguines possibles, de la 75 mg/j), les statines, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion
masse musculaire ischémique importante, et de l’éventualité (en introduction progressive par paliers).
d’un abord trans- ou rétropéritonéal lors d’un échec de la Il importe de réaliser systématiquement à distance de l’épi-
thrombectomie ou d’un doute sur l’existence d’un embole rénal sode aigu un bilan de la diffusion des lésions athéromateuses
ou mésentérique. (symptômes cérébrovasculaires ou coronariens, échographie de
l’aorte abdominale à la recherche d’un anévrysme, écho-
doppler cervical à la recherche d’une sténose serrée asymptoma-
Technique anesthésique tique de la carotide).
Dans le cadre de l’urgence, la consultation anesthésique est Par ailleurs, la prévention des ischémies aiguës d’étiologie
inutile. Cependant, dès que l’indication opératoire est portée, le embolique repose sur la gestion de l’efficacité du traitement

Urgences 11
24-038-C-10 ¶ Prise en charge en urgence d’un patient en ischémie aiguë des membres inférieurs

anticoagulant au long cours (prescrit dans le cadre d’une [19] Rutherford RB, Baker JD, Ernst C, Johnston KW, Porter JM, Ahn S,
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La prise en charge d’un patient en ischémie aiguë des [22] Becquemin JP, Kovarsky S.Arterial emboli of the lower limbs: analysis
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doit être demandé. Le traitement est basé sur une héparinothé- [23] Matsen 3rd FA, Winquist RA, Krugmire Jr. RB. Diagnosis and mana-
rapie efficace et une revascularisation vasculaire rapide. Les gement of compartmental syndromes. J Bone Joint Surg Am 1980;62:
incisions de décharge ont des indications larges. Les patients les 286-91.
plus sévères sont pris en charge en réanimation pour la phase [24] Whitesides TE, Heckman MM. Acute compartment syndrome: update
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12 Urgences
Prise en charge en urgence d’un patient en ischémie aiguë des membres inférieurs ¶ 24-038-C-10

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threatening reperfusion injury in skeletal muscle: a simple technique to Société de chirurgie vasculaire de langue française : http://www.vasculaire.com/.
control critical hyperkalemia. J Cardiovasc Surg (Torino) 1998;39: Société française d’angéiologie : http://www.angeiologie.fr/SFA-presentation
651-4. .html.

V. Piriou, Professeur d’anesthésie-réanimation (vincent.piriou@chu-lyon.fr).


M. Closon.
Service d’anesthésie-réanimation, Université Claude Bernard Lyon-1, Centre hospitalier Lyon Sud, 69495 Pierre-Bénite, France.
P. Feugier, Professeur de chirurgie vasculaire.
Service de chirurgie vasculaire, Hôpital Édouard Herriot, 5 place d’Arsonval, 69 437 Lyon cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Piriou V., Closon M., Feugier P. Prise en charge en urgence d’un patient en ischémie aiguë des membres
inférieurs. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Urgences, 24-038-C-10, 2008.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos / Documents Information Informations Auto-
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

Urgences 13
¶ 25-190-A-10

Thrombose veineuse :
diagnostic et traitement
D. Delsart, G. Girard, N. Moulin, K. Rivron-Guillot, H. Décousus

La thrombose veineuse profonde est une maladie fréquente dont la gravité est liée à la survenue d’une
embolie pulmonaire qui peut être mortelle. Les complications tardives ne sont pas négligeables
puisqu’elles sont représentées par le risque de récidive et la survenue du syndrome post-thrombotique. Le
diagnostic de thrombose veineuse profonde est un diagnostic difficile qui doit prendre en compte les
signes cliniques mais également le contexte clinique et la présence de facteurs de risque éventuellement
réversibles. Un dosage des D-dimères réalisé en urgence permet d’établir une stratégie diagnostique où
l’échodoppler veineux n’est réalisé qu’en cas de positivité de ces derniers. La principale complication de la
thrombose veineuse profonde est l’embolie pulmonaire car elle met en jeu le pronostic vital à court terme
et l’évolution possible vers un cœur pulmonaire chronique à moyen et long terme. Il est donc nécessaire de
mettre en route un traitement adapté et précoce. Depuis quelques années, le traitement de première
intention est représenté par les héparines de bas poids moléculaire. Depuis janvier 2006 le fondaparinux
(Arixtra®), pentasaccharide ayant une activité anti-Xa pure, a l’autorisation de mise sur le marché
(AMM) dans le traitement de la thrombose veineuse profonde et de l’embolie pulmonaire. Pour ces deux
molécules, il persiste une contre-indication en cas de clairance de la créatinine inférieure à 30 ml/min. Ce
traitement est ensuite rapidement relayé par un anticoagulant oral, les antivitamines K. La durée de ce
traitement reste encore controversée, mais il existe actuellement un consensus prenant en compte le
contexte de survenue de la thrombose veineuse profonde, la présence de facteurs de risque réversibles, la
notion de thrombose veineuse familiale ou personnelle récidivante, l’existence d’une thrombophilie. Au
traitement médicamenteux, il ne faut pas négliger d’associer : la contention élastique, seule mesure
réellement efficace dans la prévention du syndrome post-thrombotique ; les mesures préventives sur les
facteurs de risque réversibles et l’éducation du patient concernant le traitement anticoagulant oral.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Thrombose veineuse ; Embolie pulmonaire ; Syndrome post-thrombotique ; Échodoppler ;


D-dimères ; Antivitamine K ; Héparine de bas poids moléculaire ; Fondaparinux

Plan ¶ Traitement 7
Traitement en phase aiguë 7
¶ Introduction 1 Traitement d’entretien 10
Cas particuliers 11
¶ Diagnostic positif 2
Signes cliniques locaux 2 ¶ Perspectives thérapeutiques d’avenir 11
Douleur spontanée 2 Nouveaux anticoagulants 11
Examen clinique 2
Signes cliniques généraux 2
Formes cliniques 2
Examens paracliniques 3 ■ Introduction
¶ Diagnostics différentiels 4
La maladie veineuse thromboembolique est une maladie qui
¶ Diagnostic évolutif 5 reste fréquente et grave. L’incidence annuelle de la thrombose
Embolie pulmonaire 5 veineuse profonde (TVP) est estimée à 120 pour 100 000 [1, 2],
Récidives 5 mais elle est difficilement estimable compte tenu du nombre
Syndrome post-thrombotique 5 d’épisodes thrombotiques passés inaperçus, le diagnostic
¶ Diagnostic étiologique 6 clinique manquant souvent de sensibilité et de spécificité.
Recherche d’un ou plusieurs facteurs de risque 6 Sa gravité est liée à la survenue d’une embolie pulmonaire
Anomalies de l’hémostase : thrombophilies 6 (EP), principale complication en phase aiguë de la TVP, qui est
Recherche d’une maladie de système 7 responsable chaque année de 3 500 à 6 000 décès en France [2,
Recherche d’un cancer 7 3]. En dehors de cette complication aiguë, le pronostic à moyen

et long terme de la TVP est également étroitement lié au risque

Médecine d’urgence 1
25-190-A-10 ¶ Thrombose veineuse : diagnostic et traitement

de récidive et à la survenue d’un syndrome post-thrombotique Tableau 1.


Score de Wells de probabilité de thrombose veineuse profonde [11].
qui représente un coût élevé de santé publique.
Le diagnostic de la TVP et/ou de l’EP reste un exercice Cancer en évolution +1
difficile. Il a longtemps été purement clinique mais depuis le
Paralysie, immobilisation plâtrée récente au niveau des membres + 1
développement d’outils biologiques ou morphologiques, des
inférieurs
stratégies diagnostiques ont été évaluées.
Le diagnostic clinique repose sur un interrogatoire, un Alitement récent de plus de 3 jours et/ou chirurgie dans les 4 se- +1
maines
examen clinique soigneux et la reconnaissance de situations à
risque. Ce diagnostic peut être écarté en cas de négativité des Douleur localisée sur trajet veineux +1
D-dimères. Dans le cas contraire, l’échodoppler vient confirmer Augmentation du volume du mollet de plus de 3 cm par rapport +1
ou non la suspicion clinique [4, 5]. au côté asymptomatique
Le traitement anticoagulant initial, héparine non fractionnée Gonflement de la cuisse ou du mollet +1
(HNF) ou héparine de bas poids moléculaire (HBPM), doit être Œdème localisé au niveau de la jambe symptomatique +1
poursuivi par un anticoagulant oral débuté de façon concomi- Dilatation des veines superficielles non variqueuses au niveau de + 1
tante. La durée du traitement anticoagulant n’est pas encore la jambe symptomatique
résolue, mais peut être guidée par la présence de facteurs de Alternative diagnostique possible -2
risque persistants ou réversibles, ou la notion d’épisodes
thrombotiques récidivants. Il ne faut pas oublier les traitements Une forte probabilité est définie par un score ≥ 3 (probabilité d’environ 70 %) ; une
probabilité intermédiaire par un score de 1 ou 2 (de l’ordre de 25 %) ; et une
non médicamenteux, notamment la contention élastique qui probabilité faible par un score < 0 (probabilité inférieure à 10 %).
permet de diminuer de moitié la survenue du syndrome
post-thrombotique [6].
Le bilan étiologique ne doit pas être négligé tout en évitant Augmentation de la chaleur cutanée
les excès. Il doit être complet, à la recherche d’une thrombo-
philie ou d’un cancer en cas d’antécédents personnels ou Elle s’apprécie avec le dos de la main. Son caractère localisé
familiaux de thrombose ou en cas de récidive précoce après est très évocateur d’une thrombose veineuse.
l’arrêt du traitement, voire, a fortiori, sous traitement anticoa-
gulant bien conduit.
Dilatation des veines superficielles et cyanose
L’hypertension veineuse superficielle secondaire à l’obstruc-
tion du réseau veineux profond par la thrombose est responsa-
■ Diagnostic positif ble d’une dilatation du réseau veineux superficiel. Elle peut
toutefois être difficile d’interprétation chez les patients présen-
tant une insuffisance veineuse avec varices.
Signes cliniques locaux La cyanose peut apparaître en position déclive en raison de
Le diagnostic clinique de la TVP est souvent pris en défaut. la stase veineuse.
Il permet cependant d’établir un diagnostic de présomption
qu’il faut ensuite confirmer par des examens paracliniques. Ces Signes cliniques généraux
signes sont à intégrer dans un contexte clinique permettant
l’estimation d’une probabilité clinique (forte, intermédiaire, ou Une hyperthermie aux environs de 38 °C, une sensation
faible). En effet, leur signification ne sera pas la même suivant d’angoisse, une accélération du rythme cardiaque (pouls
qu’ils surviennent sur un terrain ou un patient à risque tel que grimpant de Mahler) sont fréquemment observées.
le patient cancéreux, le patient paralysé ou porteur d’une Wells [11] a regroupé des données issues du contexte et de la
immobilisation plâtrée, le patient alité, le patient aux antécé- symptomatologie clinique afin d’établir un score de risque de
dents thromboemboliques, ou le patient revenant d’un voyage TVP (Tableau 1).
prolongé. Chacun de ces signes cliniques peut être isolé, mais
s’ils sont associés, leur valeur diagnostique est majorée. Formes cliniques
L’absence d’un diagnostic de rechange est également un
élément important en faveur du diagnostic de TVP [7-10]. Thrombose veineuse des membres inférieurs
Toute jambe douloureuse peut être une TVP. La douleur
Douleur spontanée spontanée ou provoquée par la palpation peut être d’intensité
variable. Il faut rechercher les autres signes cliniques qui sont
Elle représente souvent le premier signe d’appel. Elle n’a pas
parfois absents (œdème, augmentation de la température
de caractère spécifique et son intensité est variable. Elle peut
cutanée, dilatation veineuse superficielle...). L’examen doit être
aller d’une simple sensation de pesanteur à une véritable
comparatif, ces signes étant fortement évocateurs quand ils sont
impotence fonctionnelle. Elle est plus évocatrice lorsqu’elle siège
asymétriques. Le contexte clinique de survenue de ces symptô-
sur un trajet veineux ou au niveau du mollet, mais elle peut se
mes est important.
situer également au niveau de l’aine ou de la cuisse.
Thrombose veineuse des membres supérieurs
Examen clinique Elles n’ont rien de spécifique, mais on retrouve fréquemment
Œdème une thrombose veineuse superficielle ou une lymphangite,
notamment à proximité d’un abord veineux. Les circonstances
Son siège est dépendant de celui de la thrombose. Il est dur d’apparition de cette thrombose veineuse sont souvent évoca-
et ne « prend pas le godet ». Son importance est appréciée par trices (pose d’un cathéter ou d’une chambre implantable, voire
la mesure comparative des deux membres. Cette mesure sert de d’un pacemaker). L’œdème de l’avant-bras ou du bras est associé
référence pour le suivi évolutif. à une douleur à type de pesanteur ou névralgie.
Une circulation collatérale peut se développer rapidement et
Douleur provoquée un syndrome cave supérieur peut apparaître en cas d’extension
Il s’agit du classique signe de Homans qui correspond à une à la veine cave supérieure. Si aucune voie d’abord n’a été
douleur apparaissant à la dorsiflexion du pied. Le patient est réalisée, il faut alors rechercher une pathologie médiastinale
examiné en décubitus dorsal, les jambes fléchies à 90°. souvent tumorale ou un syndrome du défilé thoracique.
La douleur peut également être provoquée par la compression
du mollet dans le sens antéropostérieur.
Thrombose pelvienne
Parfois, la palpation permet de retrouver un cordon veineux Elles surviennent dans un contexte particulier de chirurgie
induré et douloureux. pelvienne, de grossesse ou de post-partum. Chez la femme, il

2 Médecine d’urgence
Thrombose veineuse : diagnostic et traitement ¶ 25-190-A-10

s’agit de thromboses des veines ovariennes détectables par Échodoppler veineux


certains examens paracliniques tels que l’angioscanner ou
l’imagerie par résonance magnétique (IRM). Cet examen s’est largement développé au cours de ces
Le tableau clinique est représenté par des douleurs abdomi- dernières années en raison de son caractère non invasif et de sa
nales, des troubles urinaires ou digestifs. Parfois, la seule bonne accessibilité pour la plupart des praticiens. Il associe la
manifestation clinique est celle d’une migration embolique technique du doppler complétée par l’exploration échographi-
pulmonaire. que bidimensionnelle. Le doppler couleur peut faciliter l’exa-
men dans des zones anatomiquement difficiles.
Phlébite bleue Il fournit des informations morphologiques, les critères
diagnostiques étant l’incompressibilité veineuse à l’appui de la
Il s’agit d’une urgence thérapeutique, car au tableau de TVP
sonde ou la visualisation d’une zone échogène endoveineuse
se surajoute celui d’une ischémie aiguë du membre inférieur
représentant un thrombus [15].
atteint.
La douleur est constante, étendue, aiguë, siégeant le plus En prenant la phlébographie comme « étalon or », cette
souvent au niveau inguinal. Elle est agonisante à type d’explo- technique a une très bonne sensibilité (97 %) et une très bonne
sion. L’œdème est de constitution rapide ne gardant pas le spécificité (97 %) pour la détection des thromboses veineuses
godet, il est dit de bois ou caoutchouteux avec une peau proximales (veine poplitée et veine fémorale) [10, 16]. La sensibi-
luisante. Les loges musculaires sont tendues. Parfois il existe des lité serait en revanche moins bonne (# 50 %) pour la détection
anomalies dermatologiques avec des pétéchies, voire des bulles des thromboses surales, mais ceci dépend de la technique
hémorragiques. utilisée [17]. La technique habituellement utilisée en France
La cyanose est de développement rapide, d’abord distale puis permet d’améliorer grandement cette sensibilité pour les
membre inférieur entier avec température locale diminuée et thromboses surales [18].
hypoesthésie. Les pouls périphériques sont diminués, voire Certains auteurs [17, 19-21] proposent la réalisation d’un
abolis. Le diagnostic différentiel clinique est un spasme artériel doppler de contrôle à 1 semaine en cas de forte suspicion
ou une embolie artérielle, situations dans lesquelles il n’y a pas clinique et de négativité de l’examen, afin de détecter l’exten-
d’œdème, les veines superficielles sont aplaties, les pouls sont sion proximale d’une éventuelle thrombose surale passée
abolis précocement. inaperçue.
Les complications de la phlébite bleue font le pronostic de la Même si cet examen comporte certaines limites liées à
maladie. En l’absence de traitement très rapide, elle peut se l’expérience de l’opérateur, et parfois aux mauvaises conditions
compliquer d’une gangrène. L’évolution vers un syndrome post- d’examen ou d’échogénicité chez certains patients, il a totale-
phlébitique est fréquent. ment supplanté la phlébographie comme examen de première
intention pour le diagnostic de TVP.
Thrombose veineuse superficielle
Elle est le plus souvent considérée comme une pathologie Phlébographie
bénigne survenant sur un terrain d’insuffisance veineuse avec Du fait de son caractère invasif, la phlébographie n’est plus
varices. Elle touche le plus souvent le sexe féminin et la utilisée en première intention dans le diagnostic de TVP. Cette
saphène interne. Quand elle survient sur veines saines, il faut technique présente également certaines limites [22]. En raison de
rester prudent sur l’étiologie et faire un bilan similaire à celui la dilution du produit de contraste, les veines iliaques et
d’une thrombose veineuse profonde distale. La TVS peut se pelviennes sont mal visualisées, et contrairement à l’échodop-
compliquer de TVP et parfois même d’embolie pulmonaire. En pler, les veines musculaires (notamment soléaires) et la veine
cas de signe clinique faisant suspecter une TVS, il est nécessaire fémorale profonde ne sont pas explorées [18] . La qualité et
de réaliser un échodoppler pour confirmer le diagnostic et l’interprétation de l’examen sont également opérateur dépen-
vérifier l’absence d’extension au réseau veineux profond [12-14]. dantes. Enfin, pour des raisons inhérentes au patient, la
réalisation de cet examen est parfois impossible (insuffisance
Thrombose veineuse cérébrale rénale, infections locales ou absence de voie d’abord veineuse).
Les manifestations cliniques sont variées. L’âge moyen des
thromboses veineuses cérébrales se situe aux environs de 40 ans. D-dimères [23-25]
Le mode d’installation des symptômes peut être aigu ou subaigu
entre 48 heures et 1 mois. Les céphalées sont précoces et quasi Les D-dimères sont des produits de dégradation de la fibrine.
constantes, les symptômes peuvent également être représentés Ce sont des témoins de l’activation de la coagulation. Les
par un déficit neurologique ou une crise d’épilepsie. Le diagnos- D-dimères sont dosés à partir de techniques immunologiques
tic de certitude repose alors sur une angio-IRM veineuse. dont la méthode de référence est la technique immunoenzyma-
tique Elisa avec un seuil de positivité à 500 µg/l [26]. Des dérivés
Thrombose veineuse digestive de la technique Elisa ont été mis au point, il s’agit de la
technique VIDAS D-dimères qui permet une mesure quantitative
La thrombose veineuse de la veine porte est rare. Le symp-
équivalente à la méthode de référence. D’autres techniques
tôme évocateur est une douleur abdominale aiguë ou parfois un
existent permettant des mesures semi-quantitatives.
tableau occlusif. L’échographie avec doppler des vaisseaux
Le problème de ces techniques est l’absence d’évaluation
digestifs peut donner des arguments indirects mais le plus
standardisée et des performances diagnostiques imprécises. Il est
souvent c’est la réalisation d’un angioscanner abdominal qui
absolument nécessaire pour le clinicien de bien connaître les
donne le diagnostic de certitude.
caractéristiques de la technique utilisée dans son centre hospi-
L’étiologie est souvent liée à un facteur local septique intra-
talier et la qualité de l’information qu’elle peut apporter.
abdominal ou un état néoplasique locorégional (hépatique,
La démarche diagnostique d’une maladie veineuse throm-
pancréatique). En l’absence d’étiologie régionale, il faut évoquer
boembolique nécessite un faisceau d’arguments dont les
un syndrome myéloprolifératif parfois débutant. Une sur-
D-dimères peuvent faire partie [4, 5]. Ceux-ci ont surtout une
veillance régulière de la numération formule est alors justifiée
valeur prédictive négative, de nombreuses situations étant
et la réalisation d’un myélogramme avec culture de précurseurs
responsables de faux positifs (infection, coagulation intravascu-
médullaires permet de faire le diagnostic.
laire disséminée [CIVD], néoplasie...). Il est également inutile de
réaliser ce dosage dans les situations pour lesquelles même un
Examens paracliniques test négatif justifierait la poursuite des investigations cliniques.
Si la clinique permet d’orienter le diagnostic, les examens En pratique, si la probabilité clinique est forte, aucun test de
paracliniques restent cependant indispensables pour confirmer D-dimères ne permet d’exclure le diagnostic et il est de toute
le diagnostic. Suivant l’importance de la probabilité clinique, on manière nécessaire de poursuivre les investigations paracliniques
débute ou non un traitement anticoagulant en attendant cette (Fig. 1 et 2). En cas de probabilité faible ou intermédiaire, des
confirmation paraclinique. D-dimères négatifs permettent d’exclure de façon fiable un

Médecine d’urgence 3
25-190-A-10 ¶ Thrombose veineuse : diagnostic et traitement

Suspicion de TVP

D-dimères Elisa

Positive > 500 µg/l Négative < 500 µg/l

Échodoppler Diagnostic éliminé

Positif Négatif

Traitement de la TVP Probabilité clinique

Faible/intermédiaire Haute

Diagnostic éliminé Phlébographie ou échodoppler répété

Négatif Positif

Diagnostic éliminé Traitement de la TVP

Figure 1. Arbre décisionnel. Stratégie diagnostique de la thrombose veineuse profonde (TVP).

Le diagnostic d’embolie pulmonaire est particulièrement


Probabilité clinique difficile chez la personne âgée et les D-dimères perdent surtout
en spécificité. Si les D-dimères permettent d’éliminer le dia-
gnostic dans 58 % des cas avant 40 ans, c’est le cas chez
seulement chez 5 % des patients de plus de 80 ans. Certains
Faible ou intermédiaire Forte auteurs ont évalué l’augmentation du seuil à 750 µg/l chez les
sujets de plus de 75 ans [27]. Cette attitude est très discutée car
elle augmente de façon importante le nombre de faux négatifs.
On se retrouve donc dans une situation où la décision du
D-dimères Échodoppler
dosage doit se faire au cas par cas. En effet, si on exclut les
patients âgés qui n’ont pas d’autre cause d’augmentation des
D-dimères que l’âge, ce dosage peut avoir un intérêt
≤ 500 µg/l > 500 µg/l
diagnostique.
pas de TTT Échodoppler

■ Diagnostics différentiels
Pas de TVP TVP Pas de TVP TVP
Il faut rechercher toutes les affections pouvant avoir une
Angioscanner TTT Angioscanner TTT
symptomatologie faisant évoquer une phlébite. Une jambe
douloureuse peut évoquer un problème musculaire (hématome,
déchirure musculaire), une tendinite ou des douleurs neurolo-
Pas d'EP EP Pas d'EP EP
Pas de TTT TTT Angiographie TTT giques (sciatique tronquée).
Une poussée d’insuffisance veineuse chronique, un lym-
Figure 2. Arbre décisionnel. Stratégie diagnostique de l’embolie pul- phœdème, une compression extrinsèque peuvent être respon-
monaire. EP : embolie pulmonaire ; TTT : traitement de la thrombose ; sables d’un œdème. Un lymphœdème ou un érysipèle peuvent
TVP : thrombose veineuse profonde. évoquer un syndrome inflammatoire local sans TVP
(Tableau 1).
épisode thromboembolique veineux. Ce dosage ne doit donc en L’élimination de ces différents diagnostics accroît la valeur
aucun cas être systématique. diagnostique des signes cliniques observés.

4 Médecine d’urgence
Thrombose veineuse : diagnostic et traitement ¶ 25-190-A-10

■ Diagnostic évolutif référence en cas de suspicion de récidive embolique sous


traitement anticoagulant et permettre ainsi d’exclure bon
nombre de fausses récidives. Cette attitude pose cependant un
Embolie pulmonaire [28, 29]
problème en termes de santé publique du fait du coût qu’elle
L’embolie pulmonaire (EP) et la thrombose veineuse sont les induit.
deux manifestations d’une seule et même maladie. La présence
d’une embolie pulmonaire représente un élément de gravité. Le Angioscanner spiralé thoracique
diagnostic de l’EP reste difficile car les signes cliniques sont peu Il permet, à la différence de la scintigraphie, de visualiser les
spécifiques et inconstants. En associant les éléments cliniques, caillots dans les artères pulmonaires. L’angioscanner spiralé
le contexte de survenue des symptômes, les antécédents, et les permet également de montrer des anomalies parenchymateuses
facteurs de risque, il est possible de classer les patients suspects compatibles avec le diagnostic d’EP ou sert au diagnostic
d’EP en probabilité clinique correspondant à un risque croissant différentiel en l’absence d’embolie pulmonaire. Son accès
de la maladie. Les deux scores de probabilité clinique les mieux relativement facile et son caractère faiblement invasif font qu’il
évalués sont les scores de Wells et celui du groupe de est souvent utilisé en routine dans de nombreux centres, la
Genève [30, 31] (Tableau 2). scintigraphie pulmonaire n’étant pas toujours disponible en
Les stratégies diagnostiques développées à partir de la proba- urgence.
bilité clinique sont détaillées dans la Figure 2. Elles comportent Pour apprécier la valeur diagnostique du scanner spiralé,
le dosage des D-dimères, l’échodoppler veineux, le scanner plusieurs études ont été menées, en comparaison avec l’angio-
spiralé et en dernier recours l’angiographie pulmonaire. En cas graphie pulmonaire, montrant une bonne sensibilité et spécifi-
de forte probabilité clinique d’EP, la négativité de l’échodoppler cité (respectivement 86 à 95 % et 92 à 97 %) dans le diagnostic
veineux et des D-dimères ne doit pas faire retarder la réalisation des EP proximales [35-38]. Dans les thrombus sous-segmentaires,
d’autres examens permettant d’éliminer formellement le le scanner spiralé trouve ses limites et ne permet pas d’exclure
diagnostic. le diagnostic d’EP. Toutefois, le risque de récidive d’EP à 3 mois
chez un patient ayant un scanner spiralé normal, un échodop-
Scintigraphie pulmonaire pler veineux négatif et une probabilité clinique faible ou
Il s’agit d’un examen simple non invasif et peu irradiant. Elle intermédiaire, est inférieur à 2 % [39, 40].
a longtemps été l’examen principal permettant le diagnostic Cependant l’angioscanner garde des limites qui sont repré-
d’EP. Elle est dorénavant supplantée par le scanner spiralé. Elle sentées par :
garde néanmoins son intérêt en cas d’insuffisance rénale, • des difficultés techniques, en rapport avec la qualité du
d’allergie à l’iode, situation où le scanner spiralé ne peut pas remplissage vasculaire, nécessitant un opérateur expérimenté ;
être réalisé en urgence. La sensibilité de la scintigraphie de • les artefacts liés aux mouvements respiratoires, le patient
perfusion pour le diagnostic d’EP est de 100 %, ainsi une étant dans l’impossibilité de maintenir une apnée
scintigraphie négative élimine le diagnostic d’EP. Un dépistage satisfaisante.
systématique même en l’absence de signes cliniques peut se Dans la situation d’un thrombus isolé sous-segmentaire ou de
discuter en cas de TVP proximale. En effet, dans cette situation difficulté technique de réalisation du scanner spiralé, la scinti-
il existe environ 50 % d’EP asymptomatiques [32-34]. La mise en graphie pulmonaire doit alors être réalisée, si l’échodoppler
évidence d’une embolie scintigraphique, si elle ne modifie pas veineux est négatif, avant de prendre la décision d’instaurer un
l’attitude thérapeutique, peut en effet servir d’examen de traitement anticoagulant.

Angiographie pulmonaire
Tableau 2.
[30, 31]. Examen invasif, il reste un examen de référence mais qui
Score de la probabilité clinique d’EP
n’est plus proposé qu’en dernier recours dans les stratégies
Score de Genève modifié diagnostiques depuis l’avènement de l’angioscanner. Elle ne
Âge => 60-79 ans +1 constitue plus l’examen de première intention.
Antécédent de TVP ou EP +3
Chirurgie ou fracture dans le mois précédent +2 Récidives
Cancer évolutif +2 La maladie veineuse est une maladie chronique dont l’évolu-
Hémoptysie +2 tion à moyen terme est marquée par le risque de récidive. La
Fréquence cardiaque entre 75 et 94 +3 fréquence de récidive de TVP après 1 an de suivi chez les
Fréquence cardiaque > 95 +5 patients ayant eu un premier épisode varie de 6 à 13 % [41].
Douleur du membre inférieur unilatéral +3 Cette variation vient du fait que ce risque est étroitement lié à
la présence d’un facteur de risque réversible (chirurgie, trauma-
Douleur à la palpation d’une veine profonde et œdème + 4
unilatéral
tisme) où la récidive est moins fréquente (5 %). Au contraire, en
l’absence de facteur de risque réversible (thrombophilie, cancer,
Score de probabilité immobilisation prolongée), ou lorsque la TVP semble idiopathi-
Faible 0-3 (8% EP) que, le risque de récidive est beaucoup plus élevé (25 %) [42, 43].
Intermédiaire 4-10 (29% EP) La localisation initiale de l’épisode thromboembolique est
Forte ≥ 11 (74% EP) importante à prendre en compte puisqu’il est maintenant
démontré que les malades qui ont fait une EP ont beaucoup
Score de Wells
plus de risques de récidiver à court terme [39] ou à long
Antécédent de TVP ou EP + 1,5 terme [44, 45] sous forme d’une EP, notamment mortelle, compa-
Pouls > 100 + 1,5 rativement aux patients qui n’ont fait qu’une TVP isolée.
Chirurgie récente ou immobilisation récente + 1,5 La qualité et la durée de l’anticoagulation sont des détermi-
Signes de TVP +3 nants essentiels du risque de récidive. Même si la durée du
Diagnostic alternatif moins probable que l’EP +3 traitement anticoagulant reste controversée, il a été montré
Hémoptysie +1 qu’un traitement anticoagulant oral d’une durée de 6 mois par
rapport à un traitement de 6 semaines permet de diminuer les
Cancer +1
récidives de 50 % après un premier épisode de TVP [43].
Score de probabilité
Faible 0-1 Syndrome post-thrombotique
Intermédiaire 2-6
C’est une complication chronique de la TVP qui est causée
Forte 7
par la combinaison d’une hypertension veineuse secondaire à

Médecine d’urgence 5
25-190-A-10 ¶ Thrombose veineuse : diagnostic et traitement

l’obstruction veineuse et l’altération des valvules, et à une Tableau 4.


anomalie de la microcirculation. Risques relatif de faire un premier épisode thrombotique veineux.
L’incidence varie selon les études entre 20 et 100 % en raison Déficit en antithrombine 8-10
de l’absence de définition précise, mais ce syndrome concerne
Protéine C 7-10
plus de la moitié des TVP proximales et un tiers des TVP
distales [15]. Ces séquelles sont la cause majeure de l’insuffisance Protéine S 8-10
veineuse chronique sévère qui représente un coût de santé Facteur V de Leiden :
publique important. Il survient dans les 2 ans après le début de - hétérozygote 5
la TVP. - homozygote 50
Les différentes stratégies thérapeutiques pour prévenir ce Mutation du facteur II 3
syndrome, notamment la thrombolyse, montreraient une Facteur VIII > 150 UI/dl 3
diminution du syndrome post-thrombotique mais au prix de
Facteur IX > 129 UI/dl 3
complications hémorragiques notables ; ce résultat est contesté.
À l’heure actuelle, le seul traitement efficace du syndrome post- Facteur XI > 121 UI/dl 3
thrombotique est sa prévention, reposant sur une meilleure
prise en charge de la TVP à la phase aiguë, et surtout sur le port
épisode thrombotique. Leur mise en évidence, dans certains cas,
de la contention élastique qui diminuerait jusqu’à 50 %
doit permettre de les supprimer (pilule contraceptive, hormo-
l’apparition d’un syndrome post-thrombotique [6].
nothérapie substitutive de la ménopause), ou de les éviter
(voyages prolongés) pour limiter le risque de récidive
■ Diagnostic étiologique thrombotique.
Les situations à risque sont représentées par : une immobili-
Il est important à réaliser car il permet d’aider à la décision sation plâtrée, un traumatisme, un alitement de plus de 4 jours,
de la durée du traitement anticoagulant oral. Il faut savoir que la grossesse ou le post-partum, un acte chirurgical, en particulier
l’âge est en soi un facteur de risque important, risque qui une chirurgie orthopédique, carcinologique, ou pelvienne [8, 21].
augmente exponentiellement après 40 ans [3]. La contraception orale, le traitement substitutif de la méno-
Il peut également permettre de détecter une éventuelle pause, le traitement hormonal des cancers augmentent le risque
pathologie sous-jacente justifiant un traitement spécifique et relatif de TVP. Cela est également vrai en cas d’obésité, d’insuf-
d’envisager (en cas d’anomalie constitutionnelle de l’hémostase) fisance veineuse, d’insuffisance cardiaque ou respiratoire,
une enquête familiale pouvant permettre de prévoir d’éventuel- d’antécédents personnels ou familiaux de thrombose [3, 41].
les mesures préventives. Les voyages prolongés en avion, en car, ou en voiture
représentent également un facteur de risque [46].
Certains médicaments comme le Tégrétol® augmentent le
Recherche d’un ou plusieurs facteurs risque de thrombose veineuse, surtout s’il est associé à d’autres
de risque (Tableau 3) facteurs de risque [47].
En cas de suspicion clinique de TVP, la présence d’un ou
Chez un patient ayant présenté une TVP, il est important de plusieurs facteurs de risque renforce la probabilité diagnostique.
rechercher le ou les facteurs de risque qui ont pu favoriser cet
Anomalies de l’hémostase : thrombophilies
Tableau 3. (Tableau 4)
Facteurs de risques de TVP [2].
Anomalies acquises
Âge avancé
Obésité
L’anomalie la plus fréquemment rencontrée est la présence
d’un anticoagulant circulant et/ou d’un anticorps anticardioli-
Antécédent de maladie thromboembolique veineuse
pine. La recherche d’un anticoagulant circulant se fait par la
Chirurgie mise en évidence d’un temps de céphaline activé (TCA) allongé
Trauma par rapport au témoin en dehors de toute héparinothérapie (en
Cancer en évolution pratique à réaliser avant l’héparinothérapie ou sous traitement
Pathologie médicale aiguë (ex. infarctus du myocarde) anticoagulant oral). Le dosage des anticorps anticardiolipines
immunoglobulines G (IgG) doit toujours être associé à la
Rhumatisme inflammatoire recherche d’un anticoagulant circulant.
Syndrome des antiphospholipides L’existence d’un anticoagulant circulant fortement positif et
Syndrome néphrotique confirmé à plusieurs reprises justifie la prescription d’un
Rhumatisme inflammatoire traitement anticoagulant oral au long cours. Dans cette situa-
Syndrome myéloprolifératif tion, la cible de l’INR a longtemps été supérieure à 3 bien
Maladie de Behçet
qu’aucune étude prospective n’ait été réalisée pour valider cette
hypothèse. En 2003, les résultats d’une étude randomisée en
Varices double aveugle sur 100 patients ont montré qu’un niveau d’INR
Thrombose veineuse superficielle entre 2 et 3 était aussi efficace qu’un INR supérieur à 3 pour
Malformation congénitale prévenir les récidives thrombotiques [48].
Trajet prolongé
La découverte d’un anticoagulant circulant justifie la recher-
che systématique d’une maladie auto-immune sous-jacente (et
Alitement prolongé
avant tout d’un lupus). Il faut également rechercher une
Immobilisation pathologie maligne ou une pathologie iatrogène (notamment
Paralysie après neuroleptiques), mais ce syndrome reste le plus souvent
Grossesse, post-partum idiopathique.
Contraception orale œstroprogestative
Anomalies constitutionnelles
Traitement hormonal substitutif de la ménopause
Environ 25 % des TVP sont dues à une anomalie de l’hémos-
Thrombopénie induite à l’héparine tase. Le bilan d’hémostase peut être réalisé avant la mise en
Chimiothérapie, tamoxifène, thalidomide, antipsychotique route du traitement anticoagulant, pendant celui-ci mais sous
Voie veineuse centrale certaines conditions, ou enfin à l’arrêt de ce traitement.
Les dosages de l’antithrombine (AT) et de la résistance à la
Filtre cave
protéine C activée (RPCa) sont modifiés par l’héparine (et

6 Médecine d’urgence
Thrombose veineuse : diagnostic et traitement ¶ 25-190-A-10

peuvent être réalisés sous antivitamines K [AVK]), ceux des maladie de Buerger. Le bilan immunologique ne doit pas être
protéines C et S sont modifiés par les AVK (et peuvent donc être systématique mais doit être guidé par la clinique qui recherche
réalisés sous héparine seule). la possibilité d’une pathologie de ce type.
Les déficits en AT, protéine C et protéine S sont retrouvés
chez 10 % des patients ayant présenté une TVP, mais sont Recherche d’un cancer
responsables d’un risque de récidive élevé. Les premières
manifestations thromboemboliques surviennent en général chez L’association entre maladie veineuse thromboembolique et
les sujets jeunes [49]. Leur recherche ne doit donc pas faire partie cancer est connue depuis longtemps puisqu’elle a été décrite par
du bilan systématique d’une thrombose veineuse mais doit être Trousseau en 1864 [59] . L’épisode thrombotique peut être
discutée en fonction du contexte. La mise en évidence de l’un révélateur ou annonciateur, le cancer lui succédant alors dans
de ces déficits nécessite a priori la poursuite du traitement des délais variables, la majorité des cancers survenant en général
anticoagulant au long cours, bien que cette attitude soit au cours des 6 premiers mois suivant la thrombose [60-62].
discutée, notamment s’il existe un facteur déclenchant évident Les localisations le plus fréquemment retrouvées sont : le
(chirurgie, voyage...). pancréas, les ovaires, les tumeurs primitives hépatiques [62]. La
La RPCa est due à une mutation du gène du facteur V majorité des cancers est dépistée lors du bilan systématique.
induisant le remplacement d’une arginine par une glutamine en L’enquête étiologique doit donc comporter avant tout un
position 305 de la protéine (mutation du facteur V de interrogatoire et un examen clinique soigneux comprenant
Leiden) [50]. notamment les touchers pelviens. Une radiographie du thorax,
Elle se transmet sur le mode autosomique dominant. C’est la une échographie abdominopelvienne, une numération formule
cause la plus fréquente des thrombophilies puisqu’elle est sanguine, une vitesse de sédimentation et un bilan hépatique
retrouvée chez 20 % des patients ayant présenté une thrombose viennent les compléter, mais ne doivent pas se substituer à cet
veineuse. Contrairement aux autres déficits, le premier épisode examen clinique qui reste l’élément majeur du dépistage initial.
de thrombose peut survenir chez des sujets âgés [51], mais le Le dosage de l’ensemble des marqueurs tumoraux n’est pas
risque de récidive semble moins élevé que dans les précédents justifié. Une surveillance clinique est nécessaire durant les
déficits. Sauf en cas de déficit à l’état homozygote, situation 6 premiers mois, en particulier lorsque la thrombose est
relativement rare, la découverte d’un déficit hétérozygote ne survenue sans facteur déclenchant.
justifie donc très probablement pas un traitement anticoagulant La recherche minutieuse d’un cancer est en revanche justifiée
au long cours après un premier épisode thrombotique. Il est en si une récidive survient peu de temps après l’arrêt des AVK
revanche nécessaire de réaliser des mesures préventives renfor- (récidive précoce), ou surtout si elle se produit malgré un
cées en cas de situation à risque. traitement AVK bien conduit.
En 1996, un nouveau facteur de risque de maladie veineuse
thromboembolique a été mis en évidence. Il s’agit d’une
mutation du gène de la prothrombine (transition G à A en ■ Traitement
position 20210) [52]. Cette mutation serait plus fréquemment
retrouvée en cas de thrombophlébite cérébrale. Le risque Traitement en phase aiguë
thrombotique de ce déficit est encore mal évalué [21]. Cette
anomalie est assez souvent associée à la mutation du facteur V L’héparine constitue le traitement d’urgence de l’épisode
de Leiden. thromboembolique. Les héparines de bas poids moléculaires
Des études récentes suggèrent une relation forte entre (HBPM) ont supplanté l’héparine non fractionnée (HNF) dans le
l’hyperhomocystéinémie et la thrombose veineuse [53-55] . traitement de la TVP et plus récemment dans celui de l’EP non
L’hyperhomocystéinémie peut être causée par des facteurs grave [63].
héréditaires ou être liée à l’environnement. Les carences en Avant la mise en route du traitement, il faut contrôler : le
vitamine B12, en B6 et en folates peuvent être à l’origine de taux de prothrombine, le TCA afin de dépister d’éventuelles
l’hyperhomocystéinémie que l’on peut corriger par supplémen- anomalies de l’hémostase et la numération formule des pla-
tation vitaminique. On ne sait pas encore si le fait de corriger quettes pour disposer d’un chiffre plaquettaire de référence.
cette hyperhomocystéinémie permet de réduire le risque
thrombotique. Il semble par ailleurs exister une interaction Héparine non fractionnée (HNF)
entre le facteur V de Leiden et l’hyperhomocystéinémie, L’héparine non fractionnée (HNF) est le traitement initial de
l’association de ces deux facteurs augmentant le risque de la maladie thromboembolique veineuse [64, 65]. Il est débuté dès
thromboses veineuses [56, 57]. la suspicion clinique et en l’absence de contre-indication au
Enfin, il existerait une relation entre un taux élevé du traitement anticoagulant. Son action anticoagulante s’effectue
facteur VIII et la thrombose veineuse [58]. Des études complé- en potentialisant l’antithrombine qui inhibe alors de façon
mentaires sont nécessaires pour connaître le lien exact. immédiate l’activité des facteurs Xa et IIa.
Pour des raisons d’économie de santé, un bilan d’hémostase Son élimination n’est pas modifiée en cas d’insuffisance
complet n’est donc réalisé qu’après avoir recueilli l’histoire rénale contrairement aux héparines de bas poids moléculaires.
personnelle et familiale du patient. Schématiquement, l’enquête L’administration d’un bolus à la dose de 80 UI/kg est proposée
concerne les patients jeunes, les patients ayant récidivé, ceux dans les recommandations nord-américaines de la dernière
ayant une histoire familiale thromboembolique, et enfin les conférence de consensus [66]. Ce bolus est ensuite poursuivi par
patients présentant une TVP de siège inhabituel (thrombose l’administration intraveineuse continue à la dose initiale de
cérébrale ou digestive). 18 UI/kg/h. Le contrôle de l’efficacité s’effectue 6 heures après
En ce qui concerne la recherche d’une RPCa, les attitudes la mise en route de la perfusion et est vérifié 6 heures après
sont plus controversées et certaines équipes la réalisent de chaque changement de posologie afin de maintenir un TCA
manière systématique, notamment chez les sujets âgés. entre 2 et 3 fois le témoin ou une héparinémie entre 0,3 et
En cas de découverte d’une anomalie constitutionnelle, une 0,6 U antiXa/ml.
enquête familiale est réalisée afin de prévenir une maladie La sensibilité des réactifs utilisés pour effectuer la mesure du
veineuse thromboembolique chez les membres de la famille TCA varie cependant de façon très importante d’un laboratoire
encore asymptomatiques. L’intérêt de ce dépistage est malgré à un autre, ce qui constitue un problème majeur, source
tout controversé en cas de RPCa. d’accidents thérapeutiques potentiellement graves par sur- ou
sous-dosage. Des niveaux très différents d’héparinémie peuvent
Recherche d’une maladie de système en effet correspondre à une même valeur de TCA suivant le
En dehors de l’existence d’un anticoagulant circulant et/ou réactif utilisé. Il est donc plutôt conseillé de surveiller si possible
d’un anticorps anticardiolipine, les maladies de système peuvent le traitement par la mesure de l’héparinémie. Ce dosage n’est
en effet induire une TVP. Il s’agit essentiellement du lupus pas réalisé partout, il est nécessaire de demander au laboratoire
érythémateux disséminé, de la maladie de Behçet et de la les zones thérapeutiques pour le réactif du TCA utilisé, zones

Médecine d’urgence 7
25-190-A-10 ¶ Thrombose veineuse : diagnostic et traitement

Tableau 5. minimale requise, l’HNF reste également utilisée chez les


Posologies des HBPM. malades à haut risque hémorragique, en particulier en cas d’EP
Énoxaparine (Lovenox®) 10 mg/10 kg x 2/j sévère en association avec une thrombolyse ou en cas de
nécessité d’un geste invasif (chirurgie, endoscopies...).
Daltéparine (Fragmine®) 100 UI/kg x 2/j
La seule surveillance biologique préconisée est celle de la
Nadroparine (Fraxiparine®) 0,1 ml/10 kg x 2/j
numération plaquettaire. Elle est toujours nécessaire deux fois
Nadroparine (Fraxodi®) 0,1 ml/10 kg/j a
par semaine, même si le risque de thrombopénie est inférieur
Tinzaparine (Innohep®) 175 UI/kg/j a
sous HBPM par rapport à l’HNF. Il pourrait même être discuté
a
1 seule injection/j, produit concentré. de renforcer la surveillance pendant la période à risque [75].

qui doivent correspondre à une héparinémie entre 0,3 et 0,6 U/ Thrombopénies induites par l’héparine
ml. L’administration intraveineuse continue d’HNF nécessite La thrombopénie induite par l’héparine (TIH) de type II ou
l’hospitalisation en service de médecine. Le transfert dans une immunologique est sévère. Elle associe une thrombopénie et des
unité de soins intensifs ou de réanimation se justifie en thromboses artérielles ou veineuses dans un cas sur deux, et
fonction de l’état clinique du patient. s’accompagne, dans ces cas-là, d’un taux de mortalité proche de
L’HNF en 2 ou 3 injections sous-cutanées par jour peut être 20 %.
proposée en alternative au traitement intraveineux continu. La Elle survient dans 80 % des cas entre le 5e et le 20e jour
surveillance biologique s’effectue avec les mêmes tests en d’héparinothérapie, plus précocement en cas d’héparinothérapie
réalisant le prélèvement à mi-temps entre deux injections. antérieure. En cas de traitement par HBPM il a même été décrit
L’héparinothérapie est poursuivie au moins 5 jours et n’est des TIH jusqu’à 30 jours. Elle est définie par un taux de
interrompue que lorsque le traitement AVK prescrit simultané- plaquettes inférieur à 100 × 109/l, mais toute baisse du chiffre
ment est efficace, c’est-à-dire que l’INR est dans la zone
plaquettaire supérieure ou égale à 30 % par rapport au chiffre
thérapeutique à deux reprises.
initial est évocatrice [75]. Tout épisode thrombotique survenant
Héparines de bas poids moléculaire (HBPM) sous HNF ou sous HBPM à doses curatives ou préventives doit
faire absolument évoquer l’hypothèse d’une TIH.
(Tableau 5)
Le diagnostic de TIH est un diagnostic clinique qui peut être
De nombreuses études ont montré que l’administration d’une confirmé par des tests biologiques. En cas de suspicion clinique
HBPM par voie sous-cutanée (sc), à dose uniquement adaptée au forte, quel que soit le résultat des tests biologiques, l’héparino-
poids et sans surveillance biologique, était au moins aussi thérapie doit être immédiatement interrompue et être remplacée
efficace et aussi sûre que l’HNF en perfusion intraveineuse par un autre traitement antithrombotique, soit pour traiter une
continue avec adaptation posologique, dans le traitement des thrombose précessive ou compliquant une TIH, soit pour
TVP [67-70] . Comme les HBPM sont d’un maniement plus prévenir la survenue d’une thrombose.
pratique (injection sc/j), elles constituent maintenant le Il existe actuellement principalement deux thérapeutiques à
traitement initial de choix d’autant qu’elles présentent un notre disposition : le danaparoïde (Orgaran®) et une hirudine
risque thrombopénique moindre [71, 72]. Autre élément majeur, (lépirudine : Refludan®).
leur facilité d’utilisation autorise un traitement à domicile de la Le danaparoïde (qui est un héparinoïde) se rapproche par son
TVP [67, 70] , stratégie thérapeutique validée par des essais
mode d’action de l’héparine mais il expose à un risque de
cliniques. Toutes les HBPM commercialisées ont une AMM pour
réaction croisée de l’ordre de 5 % qui justifie une surveillance
le traitement de la TVP. Pour certaines HBPM, on peut même
plaquettaire quotidienne, voire biquotidienne. C’est la mesure
réaliser un traitement par une seule injection sous-cutanée par
de l’activité anti-Xa qui permet d’apprécier son efficacité et de
jour [73, 74]. Une méta-analyse [63] récente conforte dorénavant
dépister un risque hémorragique. Il s’administre en perfusion
leur utilisation dans l’EP. Une extension d’indication a été faite
continue ou par voie sous-cutanée.
pour le traitement de l’embolie pulmonaire en ce qui concerne
l’énoxaparine (Lovenox®) et la tinzaparine (Innohep®). L’hirudine est une protéine inhibant spécifiquement la
Aucune adaptation biologique n’est nécessaire pour les HBPM thrombine. Sa surveillance s’effectue par le TCA avec une zone
dont la posologie s’adapte en fonction du poids du patient. La thérapeutique se situant entre 1,5 et 2,5 par rapport au témoin.
mesure de l’activité anti-Xa peut toutefois s’avérer utile pour Il existe néanmoins un risque hémorragique important lié en
dépister un surdosage ou un risque hémorragique dans certaines partie à la difficulté de surveillance, du fait de la grande
situations (insuffisance rénale, sujet âgé, femme enceinte). La variabilité des TCA et à l’apparition dans 50 % des cas d’anti-
zone thérapeutique, qui n’est cependant pas bien validée est corps antihirudine responsables d’une augmentation inattendue
variable en fonction des différentes molécules (Tableau 6). Le de l’effet anticoagulant.
prélèvement doit être effectué entre la troisième et la quatrième L’introduction des AVK en remplacement de l’héparinothéra-
heure après l’injection, 2 jours après le début des injections. pie ne constitue pas une bonne alternative dans cette situation
Les HBPM sont éliminées par voie rénale et sont contre- de thrombose en raison de leur délai d’action et de leur risque
indiquées en cas d’insuffisance rénale sévère (Cockroft < 30 ml/ d’hypercoagulabilité initiale susceptible d’induire des
min). Étant moins éliminée par le rein que les HBPM, l’HNF complications [76].
reste indiquée en cas d’insuffisance rénale sévère. De plus, en La prévention des TIH passe par une réduction de la durée du
raison de sa demi-vie plus courte et de l’existence de tests traitement héparinique (en introduisant les AVK de façon
biologiques validés qui permettent d’ajuster au mieux la dose précoce) et par une surveillance plaquettaire.

Tableau 6.
Activités anti-Xa des HBPM.
Héparine de bas poids moléculaire Activités aXa observées en moyenne 4 heures après injection s.c. de dose curative :
2e-3e jour de traitement
Daltéparine : Fragmine® a 0,60 ± 0,21 UI/ml
® a
Énoxaparine : Lovenox 1,20 ± 0,17 UI/ml
Nadroparine : Fraxiparine® a 1,01 ± 0,18 UI/ml
Fraxodi® b 1,34 ± 0,15 UI/ml
Tinzaparine : Innohep® b 0,87 ± 0,15 UI/ml
a
Traitement en 2 injections sc/j.
b
Traitement en 1 injection sc/j.

8 Médecine d’urgence
Thrombose veineuse : diagnostic et traitement ¶ 25-190-A-10

Tableau 7. Tableau 9.
Posologie d’Arixtra®. Modalités du relais AVK.
Poids < 50 kg Poids entre 50 et 100 kg Poids > 100 kg INR Sintrom® Préviscan® Coumadine®
5 mg/0,4 ml/24 h 7,5 mg/0,6 ml/24 h 10 mg/0,8 ml/24 h < 70 ans > 70 ans < 70 ans > 70 ans
j0 < 1,2 1 cp 3/4 1 cp 6 mg 4 mg
j1 --- 1cp 3/4 1 cp 6 mg 4 mg
Tableau 8.
Les différents AVK. j2 < 1,3 1 cp 1cp 1 cp + 1/4 8 mg 6 mg
+ 1/4
Médicament Demi-vie (heures) Dose / cp (mg)
1,3 à 1,7 1 cp 3/4 1 cp 6 mg 4 mg
Demi-vie courte 1,7 à 2 3/4 cp 1/2 3/4 cp 4 mg 2 mg
Acénocoumarol : >2 1/2 cp 1/2 1/2 cp 2mg 0
Sintrom® (sécable) 8,7 4
j3 Idem j2
Mini-Sintrom® (non sécable) 1
j4 < 1,6 + 1/2 cp + 1/2 cp Modifier les poso-
®
Phénindione : Pindione 5 à 10 50 logies par 0,5 mg
1,6 à 2,5 idem idem
Demi-vie longue > 2,5 - 1/4 cp - 1/4 cp
Warfarine : Coumadine® 6 à 42 2 et 10 >3 - 1/2 cp - 1/2 cp
(sécable)
Tioclomarol : Apegmone® 24 4
Fluindione : Préviscan® 31 20 Le Sintrom® (acénocoumarol) a l’avantage d’exercer un effet
(sécable) anticoagulant plus rapide et peut être utilisé en cas de TVP ne
justifiant pas d’un traitement au long cours. En raison de sa
demi-vie plus courte, l’administration du Sintrom® se faisait
Fondaparinux (Arixtra®) avec deux prises par jour [79] ; une étude a montré qu’il n’y a
Cette molécule est un pentasaccharide synthétique qui pas d’argument pour ce mode d’administration et que la prise
représente la structure active des chaînes d’HBPM. Elle inhibe unique par jour est possible [80].
d’une façon indirecte mais sélective le facteur anti-Xa par sa Surveillance du traitement AVK
liaison à l’antithrombine.
Sa demi-vie est de 17 heures, et son élimination est essentiel- La surveillance du traitement AVK se fait par l’INR [81] qui
lement rénale. Les patients présentant une insuffisance rénale doit se situer dans une zone thérapeutique comprise entre 2 et
ont donc un risque d’accumulation. Aussi cette molécule est- 3. L’obtention de cet objectif est absolument fondamental car
elle contre-indiquée, pour des clairances de la créatinine ≤ à elle permet de limiter considérablement les risques hémorragi-
20 ml/min en cas de traitement prophylactique, et ≤ à 30 ml/ ques du traitement sans diminuer son efficacité [82].
min en cas de traitement curatif. Des adaptations posologiques Pendant la période de relais, le traitement par héparine (HNF
sont nécessaires en cas d’insuffisance rénale sévère. ou HBPM) doit être poursuivi pendant une durée de 5 à
L’AMM a déjà été donnée pour ce produit en préventif à la 7 jours [66] et ne peut être interrompu qu’après obtention d’un
dose de 2,5 mg en une injection sc/j pour la chirurgie orthopé- INR supérieur à 2 sur deux contrôles successifs. Les modalités du
dique majeure et pour la fracture du col fémoral. Les deux essais relais héparine-AVK sont proposées dans le Tableau 9. Au-delà
réalisés, l’un dans la TVP et l’autre dans l’EP [77, 78], montrent de 70 ans, on propose de diminuer la dose initiale d’un quart.
une équivalence en termes d’efficacité et de tolérance avec les De nombreux médicaments ont une activité inhibitrice ou
traitements de référence (HBPM et HNF). L’AMM vient d’être potentialisatrice sur les AVK. L’attitude la plus sage est donc de
donnée pour le traitement de la thrombose veineuse profonde renforcer la surveillance de l’INR chaque fois que l’on est amené
et de l’embolie pulmonaire non grave en phase aiguë. Il n’y a à modifier les thérapeutiques associées.
pas de réaction croisée avec les héparines en cas de thrombopé-
Éducation du patient
nie induite par l’héparine. À ce jour, il n’a pas été notifié de
thrombopénie immunoallergique induite et il n’y a pas lieu de Afin de prévenir les complications du traitement anticoagu-
faire une surveillance systématique de la numération sous lant oral, il est nécessaire d’expliquer clairement au patient
traitement. l’objectif ainsi que le mécanisme d’action du traitement
Son effet thérapeutique est prédictible et stable, ce qui rend anticoagulant, les risques encourus en distinguant les accidents
la surveillance biologique non nécessaire, la dose est déterminée mineurs et majeurs nécessitant une prise en charge médicale
en fonction du poids (Tableau 7). urgente. Le patient doit être averti qu’il ne doit pas prendre de
nouveau médicament sans en parler au préalable à son médecin
Traitement anticoagulant oral : antivitamines K .
traitant. Et qu’en ce qui concerne l’alimentation, il est impor-
Utilisables par voie orale mais sans effet antithrombotique tant qu’elle soit équilibrée. Ces explications sont notées sur une
immédiat les AVK sont tout naturellement la thérapeutique de fiche que le patient peut conserver.
relais des héparines. L’introduction des AVK se fait habituelle- Un carnet de surveillance permettant de noter les résultats
ment dès le premier jour du traitement héparinique pour des INR et les doses prises à domicile doit également être remis
permettre un relais suffisamment long (4 à 5 jours). Cette au patient. Enfin, le patient doit garder sur lui une carte
introduction est cependant retardée de quelques jours en cas de signalant qu’il est sous traitement anticoagulant oral.
maladie thromboembolique très évolutive et en cas de procédu- La prise en charge du suivi et de l’adaptation posologique par
res invasives. La notion de dose de charge est abandonnée. des unités spécialisées permet d’améliorer le rapport bénéfice/
risque du traitement anticoagulant oral.
Choix du type d’AVK
Il faut distinguer les AVK à demi-vie courte (inférieure à 12 h) Thrombolyse
telles que Sintrom® (acénocoumarol) et ceux à demi-vie longue Il existe de nombreuses controverses dans la littérature
comme la Coumadine® (warfarine) et le Préviscan® (fluindione) concernant le traitement thrombolytique des TVP. En effet, ce
(Tableau 8). traitement coûteux présente un risque hémorragique trois fois
La Coumadine ® (warfarine), du fait de sa demi-vie plus supérieur par rapport au traitement par héparine pour un
longue, constitue le médicament de choix pour les traitements bénéfice qui n’est pas évident [83, 84]. Le rapport bénéfice/risque
au long cours (fibrillation auriculaire, prothèse valvulaire, est beaucoup plus favorable dans la phlébite bleue [85].
traitement au long cours d’une maladie veineuse Ce bénéfice consisterait en une diminution du syndrome
thromboembolique). post-thrombotique, diminution qui n’est pas retrouvée par tous

Médecine d’urgence 9
25-190-A-10 ¶ Thrombose veineuse : diagnostic et traitement

les auteurs [66]. La possibilité d’un risque embolique induit par Ces filtres peuvent être laissés en place de façon définitive ou
le traitement thrombolytique n’est pas clairement établie [66]. retirés au bout de quelques jours, semaines, jusqu’à 12 mois
Quoi qu’il en soit, les quelques indications pouvant être pour certains. Ces filtres peuvent être utilisés en cas de chirurgie
envisagées concernent des patients jeunes, sans aucun facteur nécessitant l’arrêt du traitement anticoagulant au décours d’un
de risque hémorragique et présentant une TVP proximale sévère épisode thromboembolique sévère récent. Ces filtres pourraient
non occlusive et datant de moins de 8 jours. peut-être s’avérer bénéfiques chez les patients présentant une
Le traitement habituellement utilisé est, soit la streptokinase TVP proximale et à haut risque d’EP au cours des 3 premiers
administrée à la dose de 100 000 U/h après une dose de charge mois. Des études afin d’identifier ces patients à risque sont
de 250 000 U sur 30 minutes, soit l’urokinase administrée à la nécessaires.
dose de 2 200 à 4 400 U/kg/h. La durée du traitement est
habituellement de 48 à 72 heures, l’héparine n’étant reprise Traitement non médicamenteux
qu’après la fibrinolyse [66]. Le traitement médicamenteux doit obligatoirement s’accom-
pagner d’autres procédures thérapeutiques.
Interruption cave La contention élastique doit être réalisée par bandes de
Les barrages caves définitifs (clips ou filtres caves) s’avèrent contention pendant la phase d’œdème avec un relais par collant
utiles dans certaines situations bien précises et relativement ou bas jarrets de contention en fonction du niveau de la
rares. Les clips caves, qui nécessitent une anesthésie générale, thrombose, sauf s’il existe une contre-indication liée à une
tendent à être abandonnés. artériopathie des membres inférieurs. Cette contention doit être
Les indications généralement admises concernent : parfaitement adaptée à la morphologie du patient afin d’éviter
• une contre-indication absolue au traitement anticoagulant au les phénomènes de garrot, source de récidive. Elle doit être de
cours d’une thrombose veineuse proximale. En cas de throm- classe II ou III. Sa prescription est fondamentale car elle réduit
bose surale, une simple surveillance par échodoppler répétée de moitié le risque de syndrome post-thrombotique [6]. La durée
paraît suffisante, et on n’envisage la pose d’un filtre qu’en cas de prescription devrait être au minimum de 1 an en cas de TVP
d’extension proximale. Le problème est souvent de définir ce proximale. Celle-ci sera plus ou moins prolongée ultérieurement
qui représente réellement une contre-indication absolue au en fonction de l’évolution clinique et échographique.
traitement anticoagulant. Il peut s’agir d’une contre-
indication d’emblée ou d’un accident hémorragique surve- Drainages lymphatiques
nant au cours du traitement imposant l’arrêt de celui-ci. Les drainages lymphatiques selon la méthode de Leduc sont
L’arrêt des anticoagulants induit un risque important de nécessaires en cas d’œdème et de douleurs importantes. Ils
thrombose du filtre, ce qui nécessite la reprise du traitement présentent un effet très spectaculaire sur ces symptômes.
anticoagulant dès que la situation du malade le permet ;
• une inefficacité du traitement anticoagulant ; la survenue Surélévation des pieds du lit
d’une EP sous traitement anticoagulant est une indication Elle doit être systématique en l’absence d’artériopathie
licite, bien que très rare. Encore faut-il que cette récidive soit associée.
parfaitement documentée et que le traitement anticoagulant
ait été adapté et suivi de façon correcte. La réalisation Lever précoce
systématique d’une scintigraphie pulmonaire en cas de Il est actuellement préconisé. Ce lever peut être réalisé
thrombose veineuse proximale permet de servir d’examen de d’emblée en cas de TVP surale et au bout de 24 à 48 heures de
référence. Si une EP sous traitement est suspectée, cet examen traitement héparinique en cas de TVP proximale. En cas d’EP
est répété et comparé à l’examen initial. Cette procédure associée ou d’œdème très important du membre inférieur, ce
permet d’éliminer un grand nombre de fausses récidives mais délai peut être rallongé [89].
pose bien sûr un problème de coût. En cas de doute, le
recours à l’angiographie pulmonaire est indispensable ; Quels patients faut-il hospitaliser ?
• une extension de la TVP initiale malgré le traitement anti- La simplification du traitement liée à l’utilisation des HBPM
coagulant, le risque embolique étant mal connu, l’indication ou du fondaparinux, a permis le traitement ambulatoire de la
du filtre cave est plus discutable ; TVP chez de nombreux patients. En l’absence d’essais cliniques,
• les suites d’embolectomies, situation dans laquelle la mise en il reste préférable de continuer à hospitaliser les malades
œuvre d’un traitement anticoagulant à doses efficaces est présentant une EP ou une thrombose très proximale à haut
difficilement réalisable et le risque de récidive embolique risque embolique [32, 45].
menaçant ; Avant de décider d’un traitement ambulatoire, il faut déter-
• le cœur pulmonaire chronique postembolique non opérable, miner si le patient présente un risque hémorragique ou throm-
car la moindre récidive peut être fatale. botique faible ou élevé. Si ce risque s’avère élevé, il faut alors
Compte tenu de l’étude PREPIC [32], les autres indications préférer une hospitalisation.
sont très discutables et ne doivent être envisagées que de façon L’hospitalisation reste nécessaire quand l’utilisation des
exceptionnelle au cas par cas : HBPM ou du fondaparinux n’est pas possible. Soit le patient est
• le caractère flottant du thrombus proximal a souvent été pris âgé avec une insuffisance rénale contre-indiquant les HBPM ou
en compte, mais le caractère emboligène de ces caillots le fondaparinux, soit il existe un risque hémorragique nécessi-
flottants (dont la définition elle-même est sujette à caution) tant le recours à l’HNF avec une surveillance étroite de
vient d’être remis en question par une étude récente [86] ; l’héparinémie.
• en fonction du terrain sur lequel survient la maladie veineuse
thromboembolique ; en cas d’état cardiorespiratoire déficient
(du fait d’une insuffisance cardiorespiratoire préalable ou Traitement d’entretien
d’une EP sévère associée), la pose de filtre cave pourrait alors
à la rigueur se justifier, une nouvelle EP risquant d’être fatale,
AVK
mais ceci nécessite des études complémentaires. Deux questions se posent une fois le relais terminé le patient
Malgré une efficacité indiscutable sur le risque embolique à étant sous AVK seul : la durée du traitement et le niveau d’INR
court terme (3 mois), les filtres caves définitifs majorent le requis.
risque de récidive de thrombose veineuse à long terme [45], et En ce qui concerne la durée du traitement, celle-ci reste
ceci sans effet sur la mortalité [32]. encore très controversée. Des recommandations sont malgré
Les filtres temporaires de courte durée (15-21 jours) ont été tout proposées (Tableau 10) [77].
développés mais abandonnés du fait de leur risque infectieux et Pour un premier épisode de TVP, elle pourrait être de 3 mois
la nécessité de maintenir un abord vasculaire pour le retrait. Les s’il y a un facteur déclenchant réversible (chirurgie, trauma-
filtres caves permanents avec option de retrait ou filtres tisme, voyage...), et de 6 mois à 12 mois en l’absence de facteur
« optionnels » constituent une alternative intéressante [87, 88]. déclenchant évident. Une durée d’au moins 1 an, voire au long

10 Médecine d’urgence
Thrombose veineuse : diagnostic et traitement ¶ 25-190-A-10

Tableau 10.
Durée de traitement [66].

1er épisode de TVP/EP Facteur déclenchant réversible AVK 3 mois


Idiopathique AVK 6 à 12 mois
Cancer HBPM pendant 3 à 6 mois puis AVK long cours INR 2-3
Récidive de TVP /EP AVK 12 mois ou long cours INR 2-3 ?
Déficit en antithrombine, présence d’un anticoagulant circulant, AVK long cours INR 2-3
syndrome des antiphospholipides

cours, est généralement préconisée en cas de cancer évolutif, de Les HBPM, comme l’HNF, ne traversent pas la barrière
récidives thromboemboliques rapprochées ou de déficit de la placentaire. Il est à ce jour rapporté plusieurs cas de femmes
coagulation particulièrement thrombogène (syndrome des enceintes traitées par HBPM en deux injections qui se sont
antiphospholipides et déficit en antithrombine). Enfin, il est montrées aussi sûres et efficaces que l’HNF [94]. En l’absence
préconisé, en cas de thrombose surale isolée, une durée de d’étude prospective, il n’existe pas d’AMM pour les HBPM chez
traitement de 6 à 12 semaines. L’existence d’une EP, non citée la femme enceinte, mais elles sont de plus en plus utilisées en
dans ces recommandations, pousse à traiter 6 mois plutôt que cas d’épisode thromboembolique veineux. Il n’en est pas de
3 mois mais aucune donnée ne permet actuellement de prouver même en cas de prothèse valvulaire. Il faut cependant prescrire
le bien-fondé d’une telle approche [90-92]. celles pour lesquelles nous avons le plus de recul ; la nadropa-
Au total la décision de poursuite ou d’arrêt d’un traitement rine (Fraxiparine®) et l’énoxaparine (Lovenox®).
AVK peut être parfois particulièrement difficile et affaire de
spécialiste. Certains paramètres prédictifs tels que les D-dimères Cancer évolutif
et le facteur VIII n’ont pas fait l’objet d’étude prospective.
Plusieurs essais ont donc été menés comparant HBPM et AVK
L’approche au cas par cas est souvent indispensable, en essayant
dans le traitement au long cours d’une maladie thromboembo-
de peser pour chaque malade le rapport bénéfice/risque de la
lique chez le cancéreux. Une première étude française [95] a
décision envisagée. Devront être pris en compte, outre le risque
montré sous HBPM (énoxaparine) une diminution du risque
thromboembolique déjà envisagé, le risque hémorragique et le
hémorragique par rapport aux AVK. D’autres études sont en
point de vue du malade. Dans tous les cas, si une décision de
cours de réalisation ou viennent d’être publiées. L’étude
traitement au long cours est posée, il est capital d’insister auprès
CLOT [96] comparant une autre HBPM (daltéparine, prescrite
du malade sur le fait que cette décision n’est pas forcément
initialement à doses curatives soit 200 UI/kg en 1 sc/j pendant
irrévocable. Dans ce même esprit, il est également essentiel de
1 mois puis à doses légèrement inférieures soit 150 UI/kg en
revoir régulièrement en consultation ces patients (par exemple
1 sc/j pendant 5 mois) aux AVK montre à 6 mois une diminu-
tous les 2 ans) pour réévaluer avec eux la justification de
tion de moitié du nombre de récidives sous HBPM. On retrouve
poursuivre ou non un tel traitement.
en outre dans cet essai une réduction de la mortalité dans le
Concernant le niveau d’INR requis pendant ce traitement
sous-groupe de malades ayant une histoire néoplasique non
AVK d’entretien, il a depuis fort longtemps été défini comme
métastatique faisant évoquer un effet positif des HBPM sur la
devant être entre 2 et 3. Très récemment un essai contrôlé [87] a
diffusion du cancer, possiblement en raison d’une action
comparé, sur une période de 4 ans chez des malades ayant
d’inhibition de l’angiogenèse.
présenté une maladie thromboembolique idiopathique, un
traitement AVK avec un INR cible entre 1,5 et 2 avec un
placebo. Les résultats sont extrêmement intéressants puisqu’ils Sujet âgé
montrent que, sous AVK adaptées selon cet INR, le risque de La maladie thromboembolique touche en grande majorité
récidives thromboemboliques symptomatiques est très nette- une population âgée avec un risque de complications des TVP
ment diminué sans augmentation nette du risque d’hémorragies plus important. Peu de données concernant les HBPM sont
majeures. Un deuxième essai [91] est venu d’ailleurs contrecarrer disponibles chez les sujets âgés. En raison de leur élimination
les résultats du premier. Dans cet essai en effet, toujours dans rénale, ces sujets ayant une fonction rénale altérée ont été
une population de malades ayant une maladie thromboemboli- exclus des études, ce qui a conduit à des restrictions d’utilisa-
que idiopathique, deux groupes sous AVK avec deux niveaux tion. Malgré ces restrictions, les HBPM, du fait de leur confort
d’INR différents (1,5 à 2 et 2 à 3) ont été comparés là encore d’utilisation, restent prescrites chez les sujets âgés conduisant
sur une période de 4 ans. Les résultats montrent que, pour un parfois à des accidents hémorragiques.
INR entre 2 et 3, le risque de récidive thromboembolique a été Un essai est actuellement en cours pour évaluer l’utilisation
significativement diminué et sans augmentation du risque de la tinzaparine (Innohep®) chez le sujet âgé présentant une
hémorragique. insuffisance rénale.
Il paraît en effet logique de continuer à préconiser la stratégie
classique (INR entre 2 et 3) aux cas où l’on est sûr de sa
décision de poursuivre un traitement AVK au long cours et de
proposer la stratégie alternative (INR entre 1,5 et 2) pour les cas
■ Perspectives thérapeutiques
limites. d’avenir
En ce qui concerne les modalités d’arrêt du traitement AVK,
il semble bien qu’un arrêt brutal n’entraîne pas d’effet rebond Nouveaux anticoagulants
et puisse être réalisé sans risque [93] . On peut cependant
proposer une diminution progressive sur une quinzaine de jours Anti-Xa
lorsque le traitement préalable a été prescrit au long cours et
lorsque les patients sont anxieux à l’idée de l’arrêt de ce Idraparinux
traitement. Il s’agit de la molécule de fondaparinux modifiée, ce qui
entraîne une demi-vie beaucoup plus longue de 130 heures
Cas particuliers permettant une seule injection sous-cutanée par semaine.
Dans la maladie thromboembolique veineuse, un programme
Grossesse de phase III (études Van Gogh) a été réalisé comprenant des
Les AVK traversent la barrière placentaire, sont tératogènes et études dans le traitement à la phase aiguë de la TVP et de l’EP,
responsables d’hémorragies chez le fœtus. Ils sont formellement ainsi que dans la prévention secondaire. L’ensemble de ces
contre-indiqués entre la 6e et la 12e semaine d’aménorrhée et au études est terminé et les résultats devraient être publiés au cours
3e trimestre de la grossesse en raison du risque hémorragique. de l’année à venir.

Médecine d’urgence 11
25-190-A-10 ¶ Thrombose veineuse : diagnostic et traitement

Antithrombines directes [19] Cogo A, Lensing AW, Koopman MM, Piovella F, Siragusa S, Wells PS,
et al. Compression ultrasonography for diagnostic management of
Le ximelagatran, utilisable par voie orale et à effet immédiat, patients with clinically suspected deep vein thrombosis: prospective
qui semblait très prometteur ne sera finalement pas commercia- cohort study. BMJ 1998;316:17-20.
lisé en raison des effets secondaires hépatiques graves. [20] Kraaijenhagen RA, Lensing AW, Lijmer JG, Prandoni P, Prins MH,
D’autres produits de ce type, également utilisables par voie Ginsberg JS, et al. Diagnostic strategies for the management of patients
orale sont en cours d’évaluation dans le traitement préventif et with clinically suspected deep vein thrombosis. Curr Opin Med 1997;
curatif de la maladie thromboembolique veineuse. 3:268-74.
Plusieurs médicaments sont en cours de développement dans [21] Lensing AW, Prandoni P, Prins MH, Büller HR. Deep vein thrombosis.
le traitement préventif et curatif de la maladie thromboemboli- Lancet 1999;353:479-85.
que veineuse, et des études sont envisagées également dans le [22] Wheeler HB, Anderson FA. Diagnostic methods for deep-vein
traitement de la fibrillation auriculaire. Ils pourraient représen- thrombosis. Haemostasis 1995;25:6-26.
[23] Bernardi E, Prandoni P, Lensing AW, Agnelli G, Guazzaloca G,
ter les molécules d’avenir pouvant remplacer à la fois les
Scannapieco G, et al. D-dimer testing as an adjunct to ultrasonography
héparines et les AVK.
in patients with clinically suspected deep vein thrombosis: prospective
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D. Delsart, Praticien hospitalier (daphne.delsart@chu-st-etienne.fr).


G. Girard, Praticien hospitalier contractuel.
N. Moulin, Praticien hospitalier attaché.
K. Rivron-Guillot, Praticien hospitalier attaché.
H. Décousus, Professeur.
Service de médecine interne et de thérapeutique, Groupe de recherche sur la thrombose EA 3065, hôpital Bellevue, centre hospitalier universitaire de
Saint-Étienne, 25, boulevard Pasteur, 42055 Saint-Étienne cedex 2, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Delsart D., Girard G., Moulin N., Rivron-Guillot K., Décousus H. Thrombose veineuse : diagnostic et
traitement. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Médecine d’urgence, 25-190-A-10, 2007.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


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14 Médecine d’urgence
24-039-B-10
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 24-039-B-10

Diagnostic des douleurs abdominales aiguës


JL Berrod
P Lebourgeois
X Marcos
Résumé. – Les douleurs abdominales aiguës sont très fréquentes et bien souvent les patients ne sont pas
hospitalisés. Quatre-vingt-dix pour cent de celles-ci sont dues à dix affections. L’interrogatoire et l’examen
clinique permettent souvent d’approcher le diagnostic avant tout examen complémentaire et de dépister les
affections nécessitant un geste chirurgical d’urgence qui représentent environ 15 % des cas. Dans les cas
difficiles, le scanner prend actuellement une grande place.
L’aide au diagnostic par ordinateur peut être précieuse. Les étiologies sont très nombreuses mais plus de 90 %
correspondent à quelques affections bien connues. Un grand nombre de ces douleurs s’amendent sans qu’une
étiologie soit clairement reconnue et il est essentiel de suivre ces patients.
© 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Définition Tableau I. – Dix premières causes de douleurs


recherche en chirurgie que sont mieux
connues l’épidémiologie et la sémiologie des
abdominales aiguës.
douleurs abdominales aiguës.
Les douleurs abdominales aiguës sont
DANS 34,0 %
d é fi n i e s p a r l e u r d u r é e ( m o i n s d e En 2 ans ont été recueillies prospectivement
1 semaine). Les causes sont multiples, Appendicite aiguë 28,1 %
les données de 7 000 patients hospitalisés en
certaines nécessitant une prise en charge très Cholécystite aiguë 9,7 % c h i r u r g i e s o u ff r a n t d ’ u n e d o u l e u r
rapide étant donné le risque vital. Quatre-
Occlusion aiguë du grêle 4,1 % abdominale persistant depuis moins de
vingt-dix pour cent des douleurs
8 jours.
abdominales aiguës sont dues à dix Affection aiguë gynécologique 4,0 %
affections (tableau I). Beaucoup de douleurs Pancréatite aiguë 2,9 % Il est difficile de connaître le nombre exact
abdominales sont non spécifiques et aucun de douleurs abdominales aiguës qui sont
diagnostic précis n’est porté à terme, les Colique néphrétique 2,9 %
traitées à domicile. Les causes sont
douleurs s’amendant spontanément ou par Ulcère perforé 2,5 % innombrables.
un traitement. On évoque alors souvent une
Pathologie néoplasique 1,5 %
colopathie fonctionnelle ou une dyspepsie. En revanche, on tire des renseignements
Le suivi est fondamental dans ces situations. Diverticulose sigmoïdienne 1,5 %
précieux des données statistiques précises et
DANS : douleur abdominale non spécifique. on peut connaître la prévalence des
affections les plus fréquentes pour chaque
La douleur des viscères survient lors d’un
Physiopathologie stimulus important (distension, traction) car
sexe :
les fibres nerveuses constituent un réseau à
La cavité abdominale présente une double larges mailles et il faut un stimulus – prédominance masculine nette : colique
innervation sensitive. Les influx nerveux du important pour l’activer. Mais le seuil néphrétique, ulcère gastroduodénal,
péritoine pariétal empruntent les voies du diminue nettement lorsque survient un pancréatite, anévrisme ;
système nerveux central et ceux du péritoine phénomène pathologique : inflammation,
viscéral les voies parasympathiques du agression chimique, ulcération, ischémie. – prédominance féminine : cholécystite,
système nerveux autonome. infection urinaire, hernie étranglée ;
L e s i n fl u x re j o i g n e n t , p a r l e s r a m i
La douleur de la séreuse péritonéale survient communicants, les racines et les cornes – en fonction de l’âge : l’appendicite et les
lorsque celle-ci est irritée par l’inflammation postérieures de la moelle, retrouvant ainsi
douleurs non spécifiques présentent une
ou l’irritation (liquide pathologique). Elle les afférences d’un dermatome cutané.
s’accompagne d’une contracture réflexe de nette prédominance chez le sujet jeune et
Ceci explique les douleurs projetées jusqu’à 50 ans, la cholécystite et l’occlusion
la paroi, elle est proche de l’organe atteint. superficielles sur un métamère cutané à
à partir de 60 ans, et la hernie étranglée
distance de l’organe atteint.
devient la troisième urgence douloureuse à
partir de 70 ans.
Jean-Louis Berrod : Chef de service.
Xavier Marcos : Assistant. Épidémiologie
Service de chirurgie viscérale. Un travail identique devrait être réalisé en
Philippe Lebourgeois : Chef d’unité, département de pathologie
digestive.
C’est grâce à une grande banque de données gastroentérologie, médecine, gynécologie et
Hôpital Saint-Michel, 33, rue Olivier-de-Serres, 75015 Paris, France. nationale constituée par les associations de pédiatrie.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Berrod JL, Lebourgeois P et Marcos X. Diagnostic des douleurs abdominales aiguës. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés),
Urgences, 24-039-B-10, 2000, 24 p.
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Examen d’un patient inflammatoires pelviennes, infection E n fi n , i l f a u t c o n n a î t r e l ’ a c t i v i t é


urinaire), la toux (hernie étranglée, professionnelle, avoir la notion de voyage
présentant des douleurs sigmoïdite, appendicite, salpingite, ou de séjour en pays tropical, s’enquérir
abdominales aiguës perforation d’ulcère) ; l’inspiration profonde d’une intoxication alcoolotabagique ou
(cholécystite, perforation d’ulcère, d’une toxicomanie.
pancréatite aiguë) ; l’alimentation (occlusion,
INTERROGATOIRE pancréatite et gastrite).
EXAMEN CLINIQUE
Il est absolument capital. Il doit être précis,
rigoureux, répété, planifié. Type
¶ Appréciation de l’état général
Il peut être évocateur : crampe de l’ulcère, et aspect du malade
¶ Caractère de la douleur brûlure du reflux. Les coliques évoluent par
paroxysmes entrecoupés de périodes Des données essentielles peuvent être
Siège d’accalmie. Ils traduisent la lutte d’un immédiatement recueillies :
L’abdomen peut être séparé en divers viscère creux contre un obstacle. – la pâleur extrême évoque une spoliation
secteurs (tableau II). sanguine ;
Il convient d’étudier les irradiations, les
¶ Facteurs déclenchants
– la cyanose oriente vers une étiologie
m o d i fi c a t i o n s d a n s l e t e m p s e t l e s – Position (penché en avant dans le reflux). cardiopulmonaire, surtout si le patient
éventuelles migrations donnant souvent plus préfère la position assise, s’il est anxieux ou
– Ingestion d’alcool (pancréatite).
de renseignements : douleur épigastrique ou dyspnéique ; elle se voit aussi en cas de
périombilicale de l’appendicite secon- – Restriction hydrique et voyage (colique péritonite grave ;
dairement localisée en fosse iliaque droite, néphrétique).
douleur épigastrique plus diffuse à tout – l’agitation extrême évoque un obstacle
– Intoxication tabagique. urétéral ou biliaire ;
l’abdomen de la perforation ulcéreuse,
irradiation à l’épaule droite en cas de – Voyage en pays tropical. – la fièvre (au-delà de 38,5 °C) oriente vers
cholécystite, aux organes génitaux externes – Prise d’anti-inflammatoires. un foyer suppuré ; si elle est oscillante avec
en cas de colite néphrétique, dans la région pics et frissons, une septicémie est évoquée ;
– Toxicomanie.
dorsale en cas de pancréatite, ou dans la – un pouls rapide et bien frappé n’est pas
région rétrosternale en cas de reflux – Prise d’anticoagulants, de corticoïdes ou
spécifique ; s’il est petit et filant, il s’agit
gastro-œsophagien. d’aspirine.
d’un collapsus. Il est alors associé à une
Certains facteurs atténuent les douleurs : tension artérielle basse, voire imprenable et
Mode de début vomissement dans la sténose gastrique, pincée. Il ne faut pas méconnaître un
Brutale en quelques secondes, rapide en émission de gaz et de selles dans les collapsus chez un hypertendu qui aura alors
quelques minutes ou progressive. Une obstacles coliques, antéflexion dans la une pression normale. Le choc est plutôt
douleur de début très brutal dont le patient pancréatite, psoïtis dans les affections hypovolémique lorsqu’il s’y associe sueurs
peut préciser l’horaire est souvent en rétropéritonéales. et sensation de soif, septique si l’on observe
rapport avec une lésion organique sévère. des marbrures et un état fébrile ;
¶ Recherche de signes associés
– u n i c t è re o r i e n t e v e r s u n e c a u s e
Évolution dans le temps – Amaigrissement. hépatobiliaire.
La douleur est-elle permanente ou – Anorexie.
intermittente ? ¶ Inspection de l’abdomen
– Nausées.
Si la douleur est intermittente, il convient de Elle permet de déceler une asymétrie de
préciser la durée des crises douloureuses, – Vomissements, précédés par la douleur
respiration ou de distension, de découvrir
l’horaire de survenue dans la journée et son dans la plupart des affections chirurgicales.
une cicatrice, d’observer des ondulations
éventuelle répétition dans l’année. – Lipothymie. péristaltiques.
L’existence de douleurs de ce type dans le
– Troubles du transit.
passé peut orienter. ¶ Palpation
– Sang dans les selles, signes fonctionnels
Elle est réalisée, les mains réchauffées, bien
Intensité et facteurs d’exacerbation urinaires.
à plat, en commençant par les zones les
Ce facteur est assez subjectif. Le type et les – Métrorragies. moins douloureuses. Il est utile, avant, de
doses d’antalgiques sont un moyen direct Il est très important de relever les demander au patient de creuser et gonfler
pour l’apprécier. Les douleurs les plus antécédents (cicatrice de laparotomie), les l’abdomen, de tousser, ce qui oriente sur le
intenses et permanentes correspondent pathologies connues (ulcère, diverticulose, site et l’importance de la lésion.
habituellement à des lésions graves carcinome, affection vasculaire). On recherche avant tout le siège de la
(péritonite, pancréatite, infarctus du Les thérapeutiques suivies sont essentielles douleur provoquée et l’importance de la
mésentère). à connaître : anticoagulants, corticoïdes, anti- réaction pariétale. Elle peut être une défense
Les facteurs d’exacerbation peuvent être : les i n fl a m m a t o i r e s , d i u r é t i q u e s , a n t i - (la paroi se raidit par contracture musculaire
mouvements, la marche (douleurs parkinsoniens, neuroleptiques. à la pression) ou une vraie contracture
(rigidité invincible des grands droits
Tableau II. – Différents sièges de douleurs abdominales. spontanée et généralisée) traduisant
l’irritation permanente du péritoine par une
- Basithoracique droit - Lombaire droit - Fosse iliaque droite collection diffuse hémorragique ou septique.
- Rétrosternal - Flanc droit - Sus-pubien En relâchant la pression abdominale du côté
opposé à la douleur spontanée, on réveille
- Basithoracique gauche - Périombilical - Fosse iliaque gauche
une douleur s’il existe un foyer profond.
- Hypocondre droit - Flanc gauche - Inguinal droit

- Épigastrique - Lombaire gauche - Inguinal gauche


¶ Percussion
Elle permet de distinguer météorisme et
- Hypocondre gauche
épanchement. On apprécie l’importance et

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la répartition du météorisme ; on recherche syndrome abdominal aigu. Si l’hyperamyla- médecins et chirurgiens, à venir les consulter
une matité déclive des flancs, la matité d’un sémie est exceptionnellement absente en pour décider en commun des explorations à
globe vésical ou la disparition de la matité c a s d e p a n c r é a t i t e a i g u ë n é c ro t i c o - envisager.
préhépatique. hémorragique (PANH), elle peut se
rencontrer dans tout syndrome abdominal
¶ Auscultation aigu. Les dosages de la lipasémie et de ABDOMEN SANS PRÉPARATION
ET RADIOGRAPHIE DU THORAX
Elle renseigne sur le péristaltisme (silence l’amylase urinaire sont précieux. Le dosage
traduisant un iléus paralytique, bruits des enzymes hépatiques (transaminases Les radiographies de l’abdomen sans
hydroaériques intenses de l’obstruction) ; aspartate aminotransférase [ASAT] ; alanine- préparation prescrites devant un tableau
elle recherche un souffle vasculaire (masse aminotransférase [ALAT], phosphatases douloureux abdominal doivent comporter
compressive, sténose, anévrisme). alcalines), de la créatine phosphokinase quatre clichés :
(CPK) et de la lacticodéshydrogénase (LDH)
¶ Touchers pelviens – radiographie du thorax de face ;
permet d’orienter vers une étiologie
Le toucher rectal vérifie la présence de selles, médicale, notamment cardiaque ou une – radiographie des coupoles diaphragma-
palpe la prostate, recherche une sténose ou affection hépatique. tiques de face debout ;
une masse prolabée et une douleur en – D’autres examens sont utiles en fonction – radiographie de l’abdomen de face
palpant le cul-de-sac de Douglas. du contexte : hémocultures, coproculture, debout ;
Le toucher vaginal apprécie le col, l’utérus, examen cytobactériologique des urines, – radiographie de l’abdomen de face
les culs-de-sac latéraux et postérieurs et hématies-leucocytes-minute (HLM), dosage couché.
recherche une douleur à la mobilisation des bêta-hCG (human chorionic gonado-
utérine ou une masse annexielle. trophin) sans oublier l’électrocardiogramme À défaut, il faut demander au minimum :
Il ne faut pas oublier de palper les orifices (ECG). Des anomalies de repolarisation – une radiographie du thorax de face
herniaires, ce qui permet de découvrir peuvent cependant apparaître, associées à prenant les coupoles diaphragmatiques ;
parfois difficilement chez la femme obèse certaines pancréatites par exemple.
– une radiographie de l’abdomen de face
une hernie étranglée et de sentir un péritoine
debout.
tendu et douloureux.
Imagerie Ces clichés simples de l’abdomen ont peu
¶ Téguments et muqueuses de valeur devant des douleurs diffuses ou
Il est rare en pratique, dans le cadre des non spécifiques, en particulier en ce qui
Enfin, on aura inspecté les téguments et concerne les pathologies biliaires et
muqueuses (pâleur, ictère, éruptions, douleurs abdominales aiguës non
traumatiques, que le tableau clinique d’un génito-urinaires.
marbrures), palpé les aires ganglionnaires,
les organes génitaux externes, ausculté le patient nécessite une conduite thérapeutique Un travail colligeant 1 780 abdomens sans
cœur et les poumons et réalisé un examen si urgente qu’un bilan radiologique, même préparation réalisés pour douleurs
neurologique. limité, ne puisse être réalisé. abdominales n’a relevé qu’environ 10 %
Dans certains cas, le bilan clinique parfois d’anomalies significatives.
complété par des examens de laboratoire, Cependant, lorsque l’on suspecte une
EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
permet d’avoir une quasi-certitude perforation d’organe creux, une ischémie, un
– On peut aisément rechercher, par diagnostique. Il est exceptionnel de pouvoir infarctus intestinal ou une occlusion, cet
bandelettes urinaires, la présence de sang, se passer d’un examen simple, ayant alors examen prend une place primordiale.
d’une glycosurie, de nitrites, d’acétone, de valeur de confirmation, avant d’opérer un La radiographie de thorax permet de mettre
sels et pigments biliaires. patient (cliché des coupoles diaphragma- en évidence une atélectasie ou un foyer
– La numération formule sanguine : elle tiques en cas de perforation ulcéreuse, infectieux des lobes pulmonaires inférieurs,
peut confirmer la spoliation sanguine déjà échographie des voies biliaires en cas de un pneumothorax, un emphysème sous-
décelée cliniquement ou dépister un cholécystite). cutané ou un épanchement pleural qui
saignement plus modéré. Une microcytose Le plus souvent, les données cliniques et peuvent se manifester par une symptomato-
peut être en faveur d’un saignement biologiques seules s’avèrent insuffisantes et logie douloureuse essentiellement
chronique. L’hématocrite élevé est signe de doivent être complétées par celles de abdominale. On doit également rechercher
déshydratation. l’imagerie. sur ce cliché un pneumomédiastin, une autre
Un chiffre normal de leucocytes ne peut L’exploration radiologique des douleurs anomalie médiastinale ou encore un corps
éliminer aucun diagnostic ; certaines abdominales aiguës débute par les clichés étranger intraœsophagien. D’autre part, le
péritonites peuvent s’accompagner d’une de l’abdomen sans préparation. Cet examen cliché de thorax peut être utile dans le cadre
leucopénie ; tout syndrome douloureux est ainsi devenu systématique et ne semble du bilan anesthésique.
abdominal peut s’accompagner d’une pas prêt à abandonner sa place.
élévation du nombre des leucocytes Dans certains cas, les données de ¶ Coupoles diaphragmatiques
(démargination). Cependant, l’élévation l’interrogatoire et de l’examen clinique
franche au-delà de 15 000 traduit souvent un Elles doivent être soigneusement étudiées :
orientent vers une pathologie pour laquelle
phénomène suppuré, en général hernie diaphragmatique plus ou moins
l’exploration échographique semble plus
cliniquement parlant, mais 8 % des douleurs complète, hernie antérieure de Morgagni,
particulièrement indiquée (pathologie
anorganiques s’accompagnent d’une postérieure de Bochdalek ou hernie
biliaire ou des organes pleins). L’examen
leucocytose supérieure à 15 000. Chez un paraœsophagienne avec parfois un estomac
tomodensitométrique de l’abdomen reste
patient sous corticoïdes ou sous intrathoracique se projetant derrière la
encore, dans l’esprit de trop nombreux
chimiothérapie, celle-ci a peu de valeur. silhouette cardiaque. Une déformation des
praticiens, un examen trop coûteux et mal
– Le dosage des électrolytes, de l’urée, de la coupoles peut s’observer en cas d’abcès
adapté aux situations d’urgence.
créatinine est essentiel pour guider la sous-phrénique, de masse hépatique ou plus
Le choix des examens d’imagerie et l’ordre rarement de splénomégalie.
réanimation, de même que le groupe avec de leur prescription doivent être fondés sur
recherche d’agglutinines et les tests de les données de l’interrogatoire et d’un
coagulation. ¶ Images gazeuses
examen clinique bien conduits, parfois aidés
– Les dosages enzymatiques sont essentiels. par les résultats de la biologie. Les Leur aspect, leur taille, leur répartition et
L’amylase doit être dosée dans tout radiologues encouragent les praticiens, leur origine sont étudiés systématiquement.

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On doit pouvoir préciser si cet air est à Nous verrons, dans un chapitre consacré abdominales, il faut savoir la prescrire après
l’intérieur ou à l’extérieur de la lumière exclusivement aux syndromes occlusifs, les l’examen échographique et non avant car de
digestive, s’il est libre dans la cavité signes radiologiques observés et leur valeur nombreux gaz, induits par l’endoscopie,
péritonéale ou localisé, s’il correspond à une sémiologique respective. pourraient gêner cette dernière.
occlusion, à un abcès, à de l’air dans les L’abdomen sans préparation doit également Un autre avantage de cet examen est la
voies biliaires ou dans la veine porte. étudier le squelette, l’ombre des psoas, le possibilité d’y associer un geste pouvant non
contour des reins, rechercher des seulement améliorer les résultats
¶ Pneumopéritoine calcifications anormales, apprécier le volume diagnostiques mais aussi participer à la
des organes pleins (foie, rate), la réplétion démarche thérapeutique. C’est le cas de la
L’examen attentif des coupoles diaphragma-
vésicale, rechercher d’autres images ponction échoguidée en cas de collection
tiques sur un cliché pris debout doit
intestinales (stase stercorale, stercolithe intra-abdominale qui est facilement
rechercher l’existence d’un pneumopéritoine
appendiculaire, fécalome) et d’autres images réalisable et peu dangereuse si l’hémostase
traduisant le passage de gaz digestifs dans
hydroaériques (grosse tubérosité, bulbe est normale.
la grande cavité péritonéale en dehors d’une
duodénal). Lorsque la suspicion clinique d’une urgence
intervention récente ayant ouvert cette
cavité. On doit pouvoir dépister une c h i r u rg i c a l e e s t f a i b l e , u n e x a m e n
quantité minime de gaz puisqu’un seul ÉCHOGRAPHIE échographique normal confirme cette
centimètre cube peut être vu sous la forme L’intérêt de l’examen ultrasonographique impression. En revanche, si les douleurs
d’un fin croissant gazeux sous la coupole. dans le bilan étiologique des douleurs abdominales persistent, et d’autant plus
I l f a u t s a v o i r re c o n n a î t re l e s f a u x abdominales aiguës n’est plus à démontrer qu’existent des anomalies biologiques, il faut
pneumopéritoines dus à un diaphragme et au cours de ces vingt dernières années, sa demander une nouvelle échographie (au
proéminent (dans ce cas l’image n’est pas place est devenue telle que de nombreuses plus tôt une douzaine d’heures plus tard)
modifiée par les changements de position équipes font appel à lui de façon car il peut n’exister aucun signe au début de
du patient) ou à une interposition de gaz systématique et en première intention, certaines affections : pancréatite aiguë,
coliques entre le foie et la coupole droite couplé aux radiographies simples de infarctus mésentérique.
(recherche attentive des haustrations). l’abdomen.
Le plus souvent, l’existence d’un L’échographie est un examen non invasif,
TOMODENSITOMÉTRIE
pneumopéritoine traduit une perforation rapide, dynamique, facilement accessible,
reproductible et peu onéreux ; cependant, il L’intérêt de la tomodensitométrie dans le
d’organe creux et 70 % des perforations
est de peu de rendement en cas d’obésité, diagnostic des douleurs abdominales aiguës
s’accompagnent de pneumopéritoine. Dans
les ultrasons ne traversent ni les gaz ni les est rapporté dans la littérature depuis plus
certains cas, cette image apparaît sans qu’il
structures osseuses et surtout, il est de 15 ans. Nombreux sont encore les
n’existe de solution de continuité de la paroi
opérateur-dépendant et nécessite une praticiens réfractaires à cette notion alors
du tube digestif : c’est le cas de certaines
certaine expérience. que cet examen s’affine progressivement,
poussées de maladies inflammatoires de
Pour obtenir un rendement maximal de cette diminuant les pièges diagnostiques et gagne
l’intestin, de mégacôlons toxiques,
exploration, il est fondamental, non à la fois en sensibilité et en spécificité.
d’occlusions, d’ischémies ou d’iléus
prolongés. Parfois même, il n’existe aucune seulement que l’examinateur soit informé de La réalisation d’un scanner s’est
pathologie et on peut trouver un l’anamnèse, mais qu’il participe lui-même à considérablement simplifiée en pratique et
pneumopéritoine après un examen ou une l’interrogatoire et à l’examen physique de on ne peut plus considérer cet examen
toilette gynécologique, une coloscopie. l’abdomen en les couplant au déroulement comme une perte de temps. Il est faux
de l’examen échographique. également de penser que le scanner ne
S’il est impossible de mettre le patient
Ainsi, le radiologue peut-il examiner avec permet pas d’étudier correctement les
debout, on recherche ce signe radiologique
encore plus d’attention la zone la plus organes creux. Il analyse très bien la paroi
sur un cliché réalisé en décubitus latéral
tendue, la plus douloureuse et rechercher les du tube digestif, les mésos et les vaisseaux.
gauche.
signes indirects les plus fréquents en De plus, certains signes indirects (infiltration
D’autres signes que ce croissant gazeux de la graisse, épanchement liquidien) ont
fonction de la pathologie recherchée. Par
sous-diaphragmatique peuvent traduire la une grande valeur diagnostique et
exemple, on cherche du liquide dans le cul-
présence d’air intrapéritonéal : air entre les pronostique.
de-sac de Douglas en cas de perforation
anses digestives, soulignant le ligament
d’un ulcère duodénal. Ces signes à distance L’examen scanographique est par ailleurs
falciforme, ou dans les espaces sous-
de l’organe causal expliquent la nécessité réputé coûteux mais le gain apporté en
hépatiques, hépatorénaux et périduodénaux.
d’examiner la totalité de l’abdomen. rapidité diagnostique se traduit bien souvent
Si les gaz digestifs gênent l’exploration, il par une économie non négligeable. Pour le
¶ Autres gaz extradigestifs
faut placer la sonde en postérolatéral dans diagnostic d’appendicite aiguë, par exemple,
Une image gazeuse fine, ramifiée, se les flancs. Un pneumopéritoine doit être le scanner a une sensibilité qui dépasse
projetant à la périphérie de l’aire hépatique recherché en plaçant le patient en décubitus 90 % ; la diminution du retard thérapeutique
correspond à la présence de gaz dans la latéral gauche, l’air libre se localise alors et du nombre des appendicites abusives qui
veine porte. On observe ces images, en entre la paroi abdominale latérale et le foie. en découle peut aboutir à un gain financier.
dehors de tout traumatisme et de pose d’un L’échographiste peut également utiliser la Le caractère systématique de la prescription
cathéter central, lorsqu’il existe un infarctus compression pour diminuer la distance d’un scanner devant toute douleur
intestinal. sonde-organe ou pour chasser des gaz abdominale est cependant certainement
Une image gazeuse non ramifiée, centrale gênants. exagéré. Cependant, le gain de sensibilité
cette fois dans l’hypocondre droit, traduit Il est important d’essayer de réaliser passant de 76 % pour la clinique seule à
une aérobilie qui, en l’absence d’anastomose l’examen au moment des douleurs car 90 % pour l’exploration tomodensitomé-
biliodigestive, correspond à une certains signes peuvent disparaître entre les trique s’ajoute à la possibilité de modifier
communication entre l’arbre biliaire et le crises ; c’est le cas des signes en rapport avec une attitude thérapeutique dans près de
tube digestif (iléus biliaire par exemple). une distension sur obstacle ; les signes en 25 % des cas.
Un abcès intra-abdominal donne typi- rapport avec l’inflammation, eux, restent L’exploration de la totalité de la cavité
quement une image gazeuse extra- constants et évolutifs dans le temps. abdominale peut être obtenue par un
digestive mais il est souvent difficile à Si une fibroscopie œso-gastro-duodénale est scanner en mode spiralé avec des coupes de
différencier d’un gaz intestinal normal. envisagée dans l’exploration de douleurs 5 à 7 mm, ou plus fines pour des zones

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Urgences Diagnostic des douleurs abdominales aiguës 24-039-B-10

suspectes, au mieux associé à une questionnaire, obtenir une bonne précision haute, brutale, s’associe à une dyspnée. On
opacification du tube digestif par de la diagnostique. Cela impose un rigoureux retrouve fréquemment un emphysème sous-
Gastrografinet ainsi que des vaisseaux par recueil des données et améliore déjà par ce cutané. Des signes de choc apparaissent
injection intraveineuse de produit de fait la performance de l’examinateur. rapidement. Le cliché thoracique peut
contraste, parfois en bolus. Un point essentiel est la qualité du fichier. montrer en plus de l’emphysème, un
Les données françaises disparates et la pneumomédiastin et un épanchement
difficulté d’adapter les données anglo- pleural aérique ou liquidien. L’abdomen
AUTRES EXAMENS sans préparation recherche un pneumopéri-
saxonnes ont conduit les associations
– Les endoscopies hautes et basses françaises de recherche en chirurgie à toine. L’opacification aux hydrosolubles
(fibroscopie, coloscopie, entéroscopie) sont réaliser une étude prospective permettant de montre la fuite le plus souvent. Elle peut
indiquées en cas de lésion gastrique ou chiffrer la fréquence des signes dans une être couplée au scanner dans les cas
colique si une perforation est éliminée. maladie et la fréquence de la maladie dans difficiles. Un traitement chirurgical précoce
la population en général. est le meilleur garant de succès.
– Les opacifications digestives par produit
hydrosoluble recherchent un obstacle ou une L e c h i r u rg i e n a a l o r s c o m p a r é s e s
¶ Dissection œsophagienne
fistule. performances à celles de l’ordinateur.
intramurale spontanée sans
– L’échoendoscopie et la cholangiopancréa- Le clinicien averti est plus performant mais
rupture totale
tographie rétrograde endoscopie (CPRE), il est intéressant de concevoir cette aide
complétées par une éventuelle sphinctéro- comme un examen complémentaire : dans Elle réalise un tableau clinique similaire
tomie, sont précieuses en pathologie 50 % des cas, l’ordinateur confirme le mais les signes de perforation sont absents.
biliopancréatique. diagnostic du clinicien et alors la chance que Le diagnostic repose sur l’opacification et le
le diagnostic soit exact est de 80 %, ce qui scanner.
– La ponction-lavage du péritoine est améliore de 14 % la performance du
parfois utilisée mais elle est volontiers clinicien. À l’inverse, lorsque l’ordinateur ne
remplacée par la cœloscopie. confirme pas le diagnostic, celui-ci n’a plus AFFECTIONS GASTRODUODÉNALES
– Cœlioscopie : l’essor de la cœlioscopie a qu’une chance sur trois d’être exact et doit
¶ Ulcères gastroduodénaux
été considérable et elle a donc trouvé tout être remis en question. Rappelons-nous que
naturellement sa place dans l’exploration et souvent le thérapeute a un a priori pour tel La crise douloureuse ulcéreuse aiguë est
le traitement des douleurs abdominales diagnostic, ce qui le rend parfois moins classiquement de siège épigastrique,
aiguës. Comme 20 % de ces douleurs sont perspicace. irradiant souvent vers l’arrière, survenant
indéterminées et comme elles disparaissent Une application intéressante de ce type de 1 à 4 heures après les repas, à type de
sans étiologie dans un tiers des cas, certains démarche est l’utilisation de scores réalisant c r a m p e o u d e b r û l u re , c a l m é e p a r
ont proposé la cœlioscopie quasi une aide décisionnelle. Par exemple, après l’alimentation ou les antiacides. La douleur
systématique à titre diagnostique. analyse de 1 715 patients appendicectomisés, est quotidienne pendant 2 à 4 semaines puis
C h a m p a u l t a é t u d i é 6 5 s y n d ro m e s les associations de recherche ont pu établir disparaît. La douleur peut être moins
douloureux randomisés en deux groupes : qu’aucun patient ayant une température typique dans son siège et ses irradiations.
les patients sont cœlioscopés ou explorés de égale ou inférieure à 38 °C, un abdomen Des vomissements peuvent être associés.
façon conventionnelle. Le diagnostic a été souple et une leucocytose inférieure à L’endoscopie, réalisée après s’être assuré de
porté dans 97 % des cas par cœlioscopie et 10 000 globules blancs/mL n’avait de l’absence de perforation, précise les lésions
dans 20 % des cas par les autres examens. perforation appendiculaire. mais sa réalisation doit être complète et
Parmi les 80 % de patients du deuxième soigneuse.
groupe, un tiers n’ont plus souffert et ont Les complications sont souvent révélatrices
refusé d’autres examens. Chez les autres, la Causes des douleurs depuis l’usage large des antisécrétoires.
poursuite des examens a permis d’établir un
diagnostic précis dans 40 % des cas et une abdominales aiguës Perforation
cœlioscopie secondaire a été réalisée dans par appareil Le diagnostic est facile lorsque la douleur
les autres cas montrant des lésions
épigastrique est de début très brutal, reste
appendiculaires ou gynécologiques minimes.
AFFECTIONS ŒSOPHAGIENNES intense et continue, diffuse à tout l’abdomen.
Donc, pour les auteurs, cet examen est
La palpation retrouve une contracture ; le
invasif et paraît plus indiqué devant une
¶ Pyrosis de l’œsophagite par reflux toucher rectal est douloureux. On retrouve à
douleur qui s’aggrave ou se reproduit.
l’interrogatoire des antécédents ulcéreux et
La conduite à tenir vis-à-vis de l’appendice, Il peut rarement simuler une douleur aiguë la prise de médicaments gastrotoxiques.
s’il paraît peu pathologique lors de la pseudochirurgicale. Le pyrosis est plutôt Dans 80 % des cas, l’abdomen sans
cœlioscopie, n’est pas tranchée. postprandial, majoré par l’antéflexion, calmé préparation montre un pneumopéritoine.
L’usage large de la cœlioscopie a montré la par les antiacides. L’hyperleucocytose s’associe souvent à une
fréquence de lésions telles les torsions
hyperamylasémie. On apprécie le
épiploïques, les ruptures de kystes
¶ Achalasie re t e n t i s s e m e n t , o n m e t e n ro u t e l a
hématiques ovariens. Elle permet de traiter
réanimation (sonde gastrique, rééquili-
efficacement, sans plus de risque qu’une Parfois, par son cardiospasme, elle déclenche
bration hydroélectrolytique, antisécrétoires
laparotomie, appendicite aiguë, cholécystite, des douleurs épigastriques paroxystiques et
et antibiothérapie) et on apprécie les
occlusion sur bride, perforation d’ulcère en des crampes douloureuses rétrosternales
éléments pronostiques qui sont le délai, la
sachant convertir si nécessaire. précèdent parfois la dysphagie. La
vacuité gastrique lors de la perforation, afin
fibroscopie gastrique peut orienter. La
de juger si le traitement non opératoire est
manométrie est en général caractéristique.
licite.
Diagnostic assisté Le diagnostic peut être beaucoup plus
¶ Perforation œsophagienne
par informatique difficile en fonction du terrain (sujet âgé,
Elle peut être due à un traumatisme immunodéprimé, patient cirrhotique ou sous
À partir de fichiers mis à jour concernant de instrumental ou à une plaie accidentelle. Elle corticoïdes), du type de la perforation
nombreux dossiers de douleurs peut aussi être spontanée après efforts de (bouchée, intrapancréatique, au sein
abdominales, on peut, après réponse à un vomissements. La douleur épigastrique d’adhérences d’interventions anciennes). La

5
24-039-B-10 Diagnostic des douleurs abdominales aiguës Urgences

douleur est moins aiguë, le tableau volvulus gastrique peut se manifester de fréquents. La mise en tension des voies
« bâtard » est celui d’une suppuration façon aiguë souvent après un repas copieux. biliaires en est la cause. À l’examen,
profonde ou d’une occlusion fébrile. L’association douleur épigastrique intense, l’hypocondre droit respire mal ; la palpation
L’échographie retrouve une collection, efforts de vomissements infructueux et pose est douloureuse. Au décours on retrouve le
l’opacification par produit de contraste difficile de sonde gastrique est très signe de Murphy : la palpation profonde de
hydrosoluble et le scanner peuvent redresser é v o c a t r i c e . L e t h o r a x f a c e - p ro fi l e t l’hypocondre droit et de l’épigastre réveille,
le diagnostic et réaliser un geste de drainage. l’abdomen sans préparation montrent un ou au cours de l’inspiration, la même douleur
plusieurs niveaux hydroaériques qui bloque cette même inspiration. On
Sténose rétrocardiaques. Un état de choc, des signes recherche des signes infectieux, des
de péritonite ou thoraciques aigus (dyspnée, antécédents douloureux identiques, des
Elle se manifeste par une distension
cyanose, douleurs thoraciques) font évoquer antécédents d’ictère et on demande un bilan
progressive de l’estomac qui entraîne des
une nécrose avec gangrène. La décom- biologique hépatique et une échographie.
douleurs tenaces sourdes associées à des
pression gastrique par sonde précède un
vomissements postprandiaux tardifs.
geste chirurgical de fixation et parfois Cholécystite aiguë
L’examen retrouve souvent une voussure
d’exérèse en cas de nécrose.
épigastrique qui clapote à jeun. L’abdomen L’association douleur persistante, fièvre et
sans préparation montre un niveau gazeux défense de l’hypocondre droit évoque une
au-dessus d’une opacité granitée. S’y associe ¶ Dilatation aiguë gastrique
atteinte inflammatoire de la paroi pouvant
souvent une alcalose avec hypokaliémie. Survenant après traumatismes, chirurgie, aller jusqu’à la gangrène. La vésicule est
Après évacuation gastrique, la fibroscopie d’origine médicamenteuse ou métabolique, souvent palpée sous forme d’une
précise le siège et la nature bénigne ou la dilatation gastrique aiguë se révèle tuméfaction douloureuse. La cause la plus
maligne de l’obstacle. Un scanner est utile brutalement par des vomissements et un état commune est l’enclavement d’un calcul dans
en cas de doute avec un obstacle tumoral. de choc avec parfois hoquet et dyspnée. le cystique mais les cholécystites
Perforation et nécrose doivent être évoquées alithiasiques (septicémie, salmonellose, sida
¶ Gastrites et duodénites aiguës devant l’aggravation du choc, l’apparition [syndrome de l’immunodéficience acquise]),
d’une défense épigastrique, un pneumopéri- qui représentent environ 5 %, semblent plus
Les douleurs sont à type de crampe ou de
toine. L’aspiration gastrique est le premier fréquentes. Biologiquement, il existe une
brûlure, de siège épigastrique et de survenue
geste à réaliser. hyperleucocytose et une cholestase en cas
brutale. Elles s’associent à des vomissements
de lithiase cholédocienne associée ou de
très volontiers hémorragiques précédant ou
¶ Diverticules duodénaux masse inflammatoire compressive due à un
succédant aux douleurs.
calcul enclavé du cystique (syndrome de
L’interrogatoire doit rechercher une Ils se compliquent très rarement (1 %) : Mirizzi). L’échographie est le maître examen
consommation alcoolique récente et/ou la diverticulite, perforation, fistulisation, montrant la lithiase et l’épaississement de la
prise de médicaments gastroagressifs : anti- occlusion et hémorragie digestive. La paroi. La douleur au passage de la sonde et
inflammatoires non stéroïdiens et aspirine perforation est grave ; le diagnostic peut être l’épanchement vésiculaire sont de bons
dont la toxicité varie avec la dose et la durée. difficile lorsqu’elle est rétropéritonéale signes.
L’examen peut montrer une sensibilité donnant un tableau septique atypique. Les
Les complications sont la péritonite localisée
épigastrique rarement à irradiations diverticules de D2 peuvent favoriser la
ou généralisée, l’iléus biliaire et le collapsus
dorsales. L’évolution favorable, soit lithiase biliaire et provoquer des
en cas de gangrène.
spontanément, soit grâce à des pansements angiocholites ou une pancréatite par
gastriques, en quelques jours, oriente le compression de la voie biliaire principale.
Angiocholite aiguë
diagnostic avec l’interrogatoire.
La fibroscopie gastrique, lorsqu’elle est ¶ Tumeurs gastroduodénales L’infection aiguë des voies biliaires se
pratiquée, élimine une lésion ulcérée, une présente habituellement sous un masque
Lymphomes : une complication chirurgicale clinique connu : douleur biliaire, fièvre
œsophagite, et peut montrer une muqueuse
est souvent révélatrice (hémorragie, oscillante avec frissons et ictère le
fragile, pétéchiale, érosive, hémorragique.
perforation). Des crises douloureuses lendemain. Les formes sans ictère sont
L’érythème endoscopique volontiers
épigastriques révèlent souvent le lymphome trompeuses. Biologiquement, l’hyperleuco-
dénommé gastrite n’a qu’une valeur relative
gastrique. L’extension et l’histologie sont cytose est majeure, la cholestase est variable
et sa relation avec les douleurs est incertaine.
essentielles pour le pronostic. (élévation des phosphatases alcalines, des
L’infiltration muqueuse par des poly-
nucléaires et/ou des lymphocytes n’a aucune Les adénocarcinomes peuvent se surinfecter, gammaglutamyl-transpeptidases [gamma-
relation avec les manifestations se perforer, provoquer une angiocholite GT], de la bilirubine conjuguée), la cytolyse
douloureuses. (ampullome). prédomine sur les alanine-aminotransférases
Les caustiques (acides, bases fortes), les Les tumeurs bénignes sont rarement révélées (ALAT) le plus souvent. L’hyperamylasémie
radiations ionisantes sont responsables de de façon aiguë. fait rechercher une réaction pancréatique.
gastrites aiguës parfois très douloureuses. L’insuffisance rénale est un élément
pronostique essentiel (urée, créatinine).
La gastrite varioliforme a des manifestations AFFECTIONS HÉPATOBILIAIRES L’échographie ne montre pas toujours une
chroniques, pseudo-ulcéreuses, avec parfois lithiase vésiculaire et la dilatation du
altération de l’état général. L’endoscopie ¶ Affections biliaires cholédoque n’est pas constante. Des
retrouve des gros plis érodés en « ventouse microabcès hépatiques peuvent être notés et
de poulpe ». La biopsie peut montrer une Colique biliaire l’obstacle peut être vu : cône d’ombre d’une
infiltration du chorion par des mastocytes et lithiase, tumeur, parasitose, sténose fibreuse.
des lymphocytes. La responsabilité de cette Le début est brutal, habituellement chez une
femme de 60 ans. La douleur de Le scanner peut mieux visualiser une
gastrite varioliforme dans les douleurs est tumeur. L’échoendoscopie voit très bien le
toujours difficile à affirmer. l’hypocondre droit ou épigastrique est très
intense, à type de broiement ou de torsion, bas cholédoque mais l’opacification par la
permanente avec des paroxysmes. Elle papille, ou par voie transhépatique, si la
¶ Volvulus gastrique lésion est haute permet un geste de drainage
irradie en arrière vers l’omoplate et l’épaule
Fréquemment associé à une hernie hiatale droites, augmentant à l’inspiration profonde salvateur.
volontiers par roulement ou à une hernie ou et bloquant la respiration. Elle cède aussi En dehors de la lithiase, les étiologies sont
à une éventration diaphragmatique, le brutalement. Nausées et vomissements sont les tumeurs bénignes ou malignes de la tête

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Urgences Diagnostic des douleurs abdominales aiguës 24-039-B-10

pancréatique et de la voie biliaire, certaines – la constitution d’une ascite ; périhépatite secondaire à une infection
parasitoses, la cholangite sclérosante, des – l’infection spontanée d’une ascite génitale, le plus souvent à Chlamydia
anomalies des voies biliaires. reconnue par la présence de polynucléaires trachomatis. Chez une femme jeune souffrant
(supérieurs à 300/mm3) et éventuellement la d’une infection génitale latente, la
Volvulus de la vésicule périhépatite peut prendre deux aspects :
présence d’un germe ;
Favorisé par une absence d’accolement, il se – forme aiguë pseudochirurgicale associant
– la thrombose portale, diagnostiquée par
traduit par un tableau de cholécystite aiguë douleurs de l’hypocondre droit et fièvre ; le
l’échographie-doppler abdominale ou le
ou de péritonite biliaire. bilan hépatique est normal et l’échographie
scanner ;
ne montre pas de lithiase vésiculaire.
– le carcinome hépatocellulaire, en cas de L’infection est affirmée sur les prélèvements
AFFECTIONS HÉPATIQUES
rupture, de nécrose ou d’envahissement (col, cœlioscopie) et les sérologies. Un
¶ Hépatites vasculaire avec thrombose ; traitement antibiotique bien conduit évite
– l’infarctus splénique compliquant une cœlioscopie qui montrerait des
Les hépatites virales aiguës, en particulier A adhérences fines, « cordes de violon », entre
l’hypertension portale.
et B, à la phase préictérique ou lors de la face supérieure du foie et la paroi
l’apparition de l’ictère, sont parfois
¶ Tumeurs hépatiques abdominale ;
responsables de douleurs abdominales
siégeant préférentiellement à l’épigastre ou Bénignes ou malignes, elles sont – forme chronique avec pesanteurs de
à l’hypocondre droit. Le diagnostic est douloureuses lorsqu’elles compriment la l’hypocondre droit et de la fosse iliaque
parfois évoqué par la notion de contage, un capsule de Glisson ou lorsqu’elles se droite.
tableau pseudogrippal, des arthralgies, une compliquent : hémorragie avec ou sans
urticaire ou un ictère et confirmé par rupture, nécrose, surinfection, fissuration ¶ Syndrome de Budd-Chiari aigu
l’élévation importante des transaminases dans la voie biliaire. Parmi les tumeurs D û à l ’ o b s t ru c t i o n d e s v e i n e s s u s -
(supérieures à 1 000 UI/L) et les sérologies malignes, certaines métastases s’accroissent hépatiques, ce syndrome peut revêtir un
spécifiques : anticorps antihépatite A en rapidement (mélanome), le carcinome masque aigu. L’obstruction brutale conduit
immunoglobulinesM (IgM), antigène HBs et primitif se complique volontiers de nécrose en effet à une hypertension portale et à une
anticorps anti-HBc en IgM. ou d’hémorragie ; le contexte, l’imagerie, les nécrose hémorragique du foie. Le tableau
Au cours de la mononucléose infectieuse, dosages biologiques (alphafœtoprotéine, clinique associe ascite aiguë, hépatomégalie
suspectée par la présence d’une angine, marqueurs) orientent. Parmi les tumeurs douloureuse, insuffisance hépatique et
d’adénopathies périphériques et d’un bénignes, l’adénome chez une femme sous élévation des transaminases. L’étiologie est
syndrome mononucléosique à la numération contraceptifs devient très douloureux le plus souvent une thrombose au cours
formule sanguine, la survenue de douleurs lorsqu’il saigne ou se nécrose. C’est plus d’un syndrome myéloprolifératif, d’une
abdominales doit faire redouter rarement le cas de l’hyperplasie nodulaire, invasion néoplasique, au décours d’une
l’exceptionnelle rupture de rate parfois des angiomes et des kystes biliaires très grossesse, sous traitement œstroprogestatif,
inaugurale. volumineux. L’échographie et le scanner ou par compression. Il s’agit plus rarement
L’hépatite alcoolique aiguë survient après sont essentiels, tant pour le diagnostic positif d’une anomalie congénitale (membrane
une intoxication importante et prolongée, que pour celui de la complication. Une cave). Une thrombose de la veine cave
p a r f o i s s u r c i r rh o s e . L e s d o u l e u r s imagerie par résonance magnétique (IRM) inférieure est souvent associée.
s’accompagnent de fièvre, d’un ictère, et est parfois un complément utile. L’échographie et le doppler peuvent orienter
peuvent orienter vers une angiocholite. Le Les kystes hydatiques peuvent se révéler de le diagnostic qui est confirmé par le scanner
terrain, l’interrogatoire, la présence façon aiguë lorsqu’ils se compliquent : et surtout l’angiographie. C’est une urgence
éventuelle d’une ascite, l’élévation des compression, fissuration dans les voies thérapeutique.
transaminases prédominant sur les biliaires, rupture intrapéritonéale. L’imagerie
aspartate-aminotransférases (ASAT), une et la sérologie font le diagnostic. ¶ Thrombose portale et pyléphlébite
insuffisance hépatique et l’échographie Les abcès hépatiques surviennent souvent
redressent le diagnostic. La certitude dans un contexte particulier (immunodé- La thrombose portale survient chez un
d i a g n o s t i q u e re p o s e s u r l a b i o p s i e pression, diabète, suite de chirurgie ou de cirrhotique à un stade évolué souvent
hépatique. traumatisme, infection biliaire) ; le tableau porteur d’un hépatocarcinome. Elle peut se
clinique associe douleur spontanée et à la traduire par un syndrome douloureux aigu
Les hépatites aiguës médicamenteuses,
percussion, fièvre, altération de l’état avec ascite et souvent défaillance hépatique.
notamment dans leur forme cholestatique,
sont susceptibles d’entraîner des douleurs général, hyperleucocytose et anomalies La pyléphlébite survient dans un contexte
abdominales aiguës. L’association d’un enzymatiques. L’échographie et le scanner septique (suppuration appendiculaire ou
prurit, d’un ictère, parfois d’une fièvre, peut montrent une ou plusieurs zones sigmoïdienne). L’abdomen sans préparation
évoquer une angiocholite. L’interrogatoire hypoéchogènes et hypodenses pouvant peut montrer une image gazeuse dans la
doit orienter le diagnostic en recherchant la contenir des débris ou des bulles aériques. veine porte.
prise d’antibiotiques : macrolides, La ponction guidée permet de confirmer le Dans les deux cas, l’échographie et
association ampicilline-acide clavulanique, diagnostic, d’obtenir un germe et de drainer. l’angioscanner confirment le diagnostic.
neuroleptiques, antituberculeux. Chez les voyageurs et les migrants, l’abcès
Les hépatites chroniques, virales (B, C ou amibien peut revêtir un masque atypique. ¶ Obstruction de l’artère hépatique
BD), auto-immunes ou médicamenteuses La sérologie est très fiable. Le traitement
Les causes sont :
sont rarement révélées par des douleurs médical (métronidazole) et les ponctions-
abdominales. Le tableau est alors celui d’une drainages ramenant le pus « chocolat » – un athérome ;
cirrhose plus ou moins décompensée avec aseptique permettent d’éviter la chirurgie.
– une embolie cardiaque ou anévrismale ;
ascite.
Au cours d’une cirrhose, la survenue de ¶ Périhépatite – post-traumatiques ;
douleurs abdominales doit orienter vers – les contraceptifs oraux.
Il faut distinguer ici la périhépatite
certaines étiologies :
encapsulante, affection rare qui engaine le La survenue d’un infarctus hépatique est
– la colique hépatique ou l’angiocholite foie et entraîne une hypertension portale et responsable de douleurs et d’une
lithiasique ; le syndrome de Fitz-Hugh-Curtis, insuffisance hépatocellulaire plus ou moins

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24-039-B-10 Diagnostic des douleurs abdominales aiguës Urgences

marquée avec élévation importante des


transaminases. L’angioscanner peut être Tableau III. – Score bioclinique de Ranson et score de Ranson adapté aux pancréatites aiguës
d’origine biliaire.
confirmé par l’artériographie.
Score de Ranson adapté aux
Score de Ranson
¶ Cholestase au cours des maladies pancréatites aiguës biliaires
infectieuses À l’admission
Toute infection aiguë, en particulier Âge > 55 ans > 70 ans
bactérienne, quelqu’en soit l’étiologie peut Leucocytes > 16 000/mm3 > 18 000/mm3
s’accompagner d’une élévation des Lacticodéshydrogénase > 1,5 × N(1) > 1,7 × N(1)
phosphates alcalines, voire d’un ictère de Aspartate-aminotransférase > 6 × N(1) > 9 × N(1)
pathogénie discutée mais pouvant égarer le Entre l’admission et la 48e heure
diagnostic vers une affection hépatique ou
Chute de l’hématocrite > 10 points > 10 points
biliaire. Les plus souvent en cause sont les Élévation de l’urée sanguine > 1,8 mmol/L > 0,7 mmol/L
septicémies, les pneumopathies à Calcémie < 2 mmol/L < 2 mmol/L
pneumocoques et les pyélonéphrites PaO2 < 60 mmHg
abcédées ou non. Chute des bicarbonates > 4 mEq/L > 5 mEq/L
Séquestration liquidienne >6L >4L

AFFECTIONS PANCRÉATIQUES (1) y x N : y fois la normale.

¶ Pancréatite aiguë crises douloureuses aiguës. Le diagnostic est


Tableau IV. – Étiologie des pancréatites. porté devant des crises répétées, une
Les signes cliniques n’étant pas spécifiques,
Lithiase biliaire insuffisance pancréatique exocrine (diarrhée,
le diagnostic repose sur l’association d’une
Alcool amaigrissement) ou endocrine (diabète),
crise douloureuse abdominale violente, Postopératoire l’apparition de calcifications. Lorsque la
d’une augmentation importante de l’amylase Hyperlipémie
pancréatite chronique est connue, il faut
sanguine et d’anomalies tomodensitomé- Hypercalcémie
rechercher une complication (faux kyste). Le
triques caractéristiques. Poussée de pancréatite chronique
Carcinome pancréatique scanner et l’échoendoscopie précisent
– L a do uleur déb ute classiq uemen t Viroses (oreillons, virus VIH) l’importance de la dilatation du canal de
brutalement après un repas copieux. Son Parasites Wirsung et recherchent une petite tumeur
siège est épigastrique, irradiant en arrière, Médicaments ou un faux kyste.
transfixiant. Elle est calmée par l’antéflexion Allergie
Anomalies anatomiques (pancréas divisum)
du tronc ou le décubitus latéral gauche. Elle ¶ Tumeurs du pancréas
reste très intense plusieurs heures et se VIH : virus de l’immunodéficience humaine.
généralise à tout l’abdomen. Les signes Tumeurs malignes
des mésos et des fascias. Si l’examen est
associés sont liés à l’iléus et à la diffusion
normal dans environ 30 % des pancréatites L’adénocarcinome excrétopancréatique peut
enzymatique : vomissements, ballonne-
œdémateuses, il est toujours pathologique se révéler par une angiocholite, une
ments, fièvre, état de choc. La discordance
en cas de pancréatite nécrosante et il permet pancréatite aiguë ou une thrombose portale.
connue entre la pauvreté de l’examen
de quantifier la maladie en montrant la Les douleurs sont souvent dorsales. Les
clinique et la gravité des signes généraux
n é c ro s e h y p o d e n s e h é t é ro g è n e n o n explorations complémentaires (imagerie,
(marbrures, polypnée, pouls petit et filant,
rehaussée par le contraste. Il visualise les dosage des marqueurs ACE [antigène
tension artérielle basse et pincée) est
épanchements liquidiens, l’importance des carcinoembryonnaire] et CA 19.9) ou
caractéristique mais il n’y a pas toujours un
coulées de nécrose à distance de la glande ; l’intervention redressent le diagnostic.
retentissement hémodynamique. Dans les
surtout, il suit l’évolution vers l’infection, la
formes graves, on peut noter des troubles
fistulisation digestive, la kystisation. Tumeurs bénignes
psychiques et une cyanose des flancs. On
L’évaluation du pronostic est faite sur des
note souvent un épanchement pleural Les cystadénomes, surtout mucineux,
critères précis (tableau III). Les formes
gauche. peuvent se révéler de façon aiguë par une
mineures les plus fréquentes correspondent
– L’hyperamylasémie peut parfois être masse palpable douloureuse épigastrique. Le
à des lésions purement œdémateuses sans
absente car la clairance de l’amylase est diagnostic de ces tumeurs qui peuvent
nécrose. Les douleurs cèdent rapidement
rapide. On note alors une élévation de dégénérer est difficile avec un faux kyste de
sous traitement symptomatique. Les formes
l’amylasurie. Il est intéressant d’associer un pancréatite chronique. Les meilleurs
sévères s’associent à de graves désordres
dosage de lipase qui peut en outre éliminer examens sont l’échographie et le scanner.
métaboliques, des complications
une affection salivaire ou paranéoplasique. respiratoires et cardiaques. Lorsque la
L’abdomen sans préparation montre une ¶ Pancréas divisum/Pancréas
réanimation a bien contrôlé cette phase,
g r i s a i l l e d e s fl a n c s t é m o i g n a n t d e peuvent survenir les complications septiques annulaire
l’épanchement péritonéal et un iléus au et l’évolution vers le faux kyste ou l’abcès Ces anomalies embryologiques peuvent
contact de la glande (anses sentinelles). du pancréas. p ro v o q u e r d e s p a n c r é a t i t e s a i g u ë s .
– L’échographie montre une augmentation – L’étiologie (tableau IV) est biliaire dans L’échoendoscopie et la wirsungographie font
de volume et une échostructure 40 % des cas et alcoolique dans 40 % des le diagnostic.
hypoéchogène ; elle peut découvrir des cas. Il est important de savoir dépister une
zones de nécrose ou d’hémorragie ; elle lithiase biliaire car la désobstruction d’une
visualise la lithiase vésiculaire et moins bien AFFECTIONS APPENDICULAIRES
voie biliaire obstruée par sphinctérotomie
celle de la voie biliaire principale. endoscopique pourrait améliorer le pronostic
Cependant, on repère souvent mal le de la pancréatite en supprimant
¶ Appendicites
pancréas et certaines pancréatites l’hyperpression canalaire. L’appendicite aiguë est toujours l’urgence
œdémateuses ne sont pas visibles à abdominale la plus fréquente. En dépit des
l’échographie. ¶ Pancréatite chronique progrès de l’imagerie, le diagnostic repose
– La tomodensitométrie montre La pancréatite chronique calcifiante d’origine toujours sur l’interrogatoire et un examen
l’hypertrophie de la glande, l’épaississement surtout alcoolique peut se révéler par des clinique très rigoureux.

8
Urgences Diagnostic des douleurs abdominales aiguës 24-039-B-10

Dans la forme typique, la douleur à type de rectal retrouve un bombement rénitent et AFFECTIONS INTESTINALES
brûlure ou de colique d’abord périombilicale douloureux du cul-de-sac de Douglas.
se localise dans la fosse iliaque droite. ¶ Lésions de l’intestin grêle
Dans la forme rétrocæcale, la douleur est
Anorexie et nausées sont fréquentes. Les haute, postérieure, parfois lombaire. La Elles se manifestent en général par une
vomissements se voient dans 25 % des cas ; palpation la retrouve au-dessus et en arrière complication : obstruction plus ou moins
d e s t ro u b l e s d u t r a n s i t à t y p e d e de l’aile iliaque. S’y associe souvent un complète, hémorragie, perforation,
constipation ou de diarrhée sont souvent psoïtis. invagination. L’occlusion du grêle est la
associés. La fièvre ne dépasse guère 38,5 °C quatrième cause de douleurs abdominales
mais est toujours retrouvée. La langue est La localisation mésocœliaque se manifeste a ig u ë s . C e s lé s ion s s on t lon g t e m p s
saburrale. La palpation douce débutant par par une occlusion fébrile et la localisation asymptomatiques ou provoquent des
les zones les moins douloureuses de sous-hépatique par un tableau clinique de douleurs vagues, notamment par épisodes
l’abdomen retrouve la douleur provoquée cholécystite. d’invagination. Ces douleurs sont centrales,
constante et souvent une défense. Les Terrain : l’appendicite toxique est rare chez périombilicales ou localisées à la partie
touchers pelviens souvent négligés l’adulte. Les signes généraux sont majeurs inférieure de l’abdomen. L’évolution par
retrouvent, sauf au début, une douleur et les signes locaux très discrets. Cette crises paroxystiques à type de coliques est
latérorectale ou vaginale. L’hyperleucocytose discordance doit alerter. Cette forme toxique très évocatrice. Elles s’accompagnent de
avec polynucléose entre 10 000 et 15 000 leu- peut se présenter chez des patients nausées et vomissements et de signes
cocytes peut manquer dans 10 à 30 % des immunodéprimés diabétiques ou sous obstructifs. L’abdomen est plus ou moins
cas. L’abdomen sans préparation peut être corticoïdes. météorisé à l’examen. Le diagnostic repose
utile en montrant un stercolithe de grande L’appendicite du vieillard prend souvent un sur le transit du grêle et l’entéroscopie qui
valeur, un niveau hydroaérique cæcal ou de masque occlusif ou tumoral. visualisent la plus grande partie du grêle, et
la dernière anse. L’échographie améliore ses parfois sur l’échographie et le scanner.
performances et sa spécificité (90 % pour Les étiologies sont nombreuses :
¶ Tumeurs appendiculaires
certains). Elle peut montrer des signes
– tumeurs du grêle : elles peuvent être
directs qui sont l’épaississement de Il s’agit de carcinoïdes parfois de découverte bénignes ou malignes ;
l’appendice dont la lumière est distendue, anatomopathologique ou d’adénocarcinomes
un stercolithe, des modifications de qui peuvent se révéler de façon aiguë. Si la – tumeurs malignes : adénocarcinome,
l’échogénicité de la graisse péricæcale et lésion n’est découverte qu’à l’histologie, se carcinoïde, lymphome, léiomyosarcome ;
périappendiculaire, un épanchement, un discute une réintervention à froid en cas – tumeurs bénignes : adénomes et
abcès. d’exérèse limite. tumeurs villeuses, polypose hamartoma-
Le scanner, réservé aux cas difficiles, montre Une tumeur particulière est la mucocèle teuse (syndrome de Peutz-Jeghers), autres
l’appendice pathologique, l’infiltration de la polyposes entrant dans le cadre de
appendiculaire qui se présente comme une
graisse périappendiculaire, un stercolithe, polyposes souvent familiales, léiomyomes,
tumeur kystique tendue, pleine de mucus,
parfois un épanchement péritonéal ou un lipomes, fibromes, tumeurs neurogènes
dont la rupture entraîne une maladie
abcès. Il méconnaît cependant, comme (neurinomes, schwannomes, ganglioneu-
gélatineuse du péritoine.
l’échographie, une appendicite distale. romes de la maladie de Recklinghausen),
tumeurs vasculaires (angiomes), tumeurs
L’indication chirurgicale est alors posée. Diagnostic différentiel
inflammatoires, endométriose, tumeurs
Cependant, le diagnostic est souvent Il convient de différencier les affections malformatives ;
difficile. Les symptômes varient en fonction chirurgicales (diverticulite du côlon droit, – sténoses du grêle, inflammatoires ou
de l’évolutivité, du terrain, du siège de infection d’un diverticule de Meckel, iléite cicatricielles : entérite de Crohn, postradique,
l’appendice. de Crohn compliquée, tumeur infectée), de tuberculeuse, ischémique, ulcéreuse
Évolutivité : les complications peuvent celles qui ne le sont pas a priori (infarctus (médicamenteuse), post-traumatique,
survenir précocement ou après un retard segmentaire du grand épiploon, cæco-iléite postopératoire, hématome sous
diagnostic dû à une régression des signes à Yersinia, Campylobacter, salmonelle, anticoagulants ;
volontiers favorisée par une antibiothérapie Actinomyces). L’adénolymphite mésentérique
– maladie de Crohn : maladie inflammatoire
aveugle. La péritonite aiguë généralisée est et d’autres diagnostics sont toujours à
de toute la paroi, elle peut évoluer vers la
rare (2 %). La douleur de la fosse iliaque est évoquer (cholécystite, affection génitale,
sténose, la fistulisation, la suppuration, la
très brutale, s’étend rapidement à tout colique néphrétique) et sont parfois
perforation, de façon variable et souvent
l’abdomen. La contracture est généralisée ; trompeurs (pancréatite, perforation d’ulcère).
imprévue, brutalement ou après une longue
le toucher pelvien très douloureux. C’est une L’échographie et le scanner, dans les cas
évolution ;
indication opératoire d’urgence. difficiles, sont maintenant très performants.
Ils peuvent visualiser un appendice normal : – diverticules du grêle ; le plus souvent
La péritonite localisée survenant après muets, ils peuvent se compliquer :
quelques jours constitue un plastron ou un structure tubulaire à paroi fine, borgne, de
diamètre total inférieur à 6 mm, à lumière diverticulite, perforation, occlusion par
abcès. On retrouve une masse empâtée bride, ulcération, hémorragie ;
douloureuse de la fosse iliaque droite ; la collabée, sans contraction péristaltique, avec
fièvre oscillante, l’accélération du pouls et la une graisse périappendiculaire normale. Le – entérite nécrosante.
nette hyperleucocytose signent l’abcès qui taux de mise en évidence est de 60 %. Ils
peut se rompre dans la grande cavité, peuvent montrer un aspect évocateur LÉSIONS COLIQUES
réalisant la forme en trois temps gravissime. d’iléite : épaississement de l’iléon terminal
associé à des adénopathies hypoéchogènes ¶ Syndrome de l’intestin irritable
D’autres complications sont plus rares : et hypodenses ; un aspect de maladie de ou colopathie fonctionnelle ou côlon
abcès hépatique par contiguïté ou Crohn : épaississement circonférentiel de irritable
hématogène, thrombose de la veine porte, l’iléon terminal avec remaniements de la
abcès chronique à paroi épaisse atteignant la graisse, phlegmon, abcès ou fistule ; une Sa physiopathologie est complexe et fait
paroi. diverticulite du côlon droit : lésion intervenir :
Localisation : dans l’appendicite pelvienne, hypoéchogène, hétérogène paracolique avec – des troubles de la motricité et de la
les signes sont plus bas situés, associés à des image de stercolithe ou de bulle d’air sensibilité digestive, objectivés par une
troubles urinaires (dysurie, rétention) ou associée à un remaniement de la graisse de hypersensibilité à l’hyperpression (étude à
rectaux (ténesme, faux besoins). Le toucher voisinage. l’aide de ballonnets gonflés) ;

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24-039-B-10 Diagnostic des douleurs abdominales aiguës Urgences

– une augmentation de la production des


gaz intestinaux, en particulier coliques ; Tableau V. – Colites.

– u n e i n t o l é r a n c e a l i m e n t a i re . U n e Étiologie Symptômes évocateurs Diagnostic


consommation excessive de lait doit
Colites inflammatoires
systématiquement être recherchée,
responsable en cas de déficit en lactase d’une Rectocolite hémorragique rectorragies radiologie
fermentation du lactose par les bactéries syndrome dysentérique endoscopie
mégacôlon toxique histologie
coliques, source d’une hyperproduction de
gaz intestinaux ; Maladie de Crohn atteinte du grêle endoscopie
atteinte anale radiologie
– des perturbations psychologiques variées,
dominées par une anxiété. Colites inclassables

Il s’agit de la plus fréquente des maladies Colites ischémiques rectorragies lavement baryté
du tube digestif. Son diagnostic est difficile, atteinte du côlon gauche endoscopie
orienté par un faisceau d’arguments, il est antécédents endoscopie
Colites radiques
souvent fait par élimination d’une autre rectorragies lavement baryté
cause organique.
Diverticulite fièvre lavement Gastrografinet
Les douleurs abdominales, parfois aiguës,
douleur FIG
pseudochirurgicales, s’associent de façon
variable à des troubles du transit : diarrhée, Entérocolites bactériennes
constipation, ou alternance diarrhée- Salmonelles fièvre, diarrhée coproculture
constipation, des ballonnements, contamination alimentaire
borborygmes, flatulences, une hypersé-
Shigelles fièvre
crétion intestinale avec glaires dans les
syndrome dysentérique coproculture
selles, des troubles dyspeptiques et une
asthénie. Les éléments du diagnostic sont : Campylobacter jejuni fièvre coproculture
rectorragies
– l’évolution des troubles étalée sur de
nombreuses années, parfois depuis l’enfance Escherichia coli invasif rectorragies
ou l’adolescence de façon permanente ou Escherichia coli entérotoxinogène contamination alimentaire
par poussées continues ou discontinues ;
Vibrio cholerae diarrhée majeure coproculture
– la survenue plutôt diurne des douleurs, vomissements
rarement nocturne ; zone d’endémie

– la variabilité des symptômes, crampes, Yersinia enterocolitica fièvre coproculture


nausées, pesanteur ; douleurs FID
diarrhée prolongée
– le siège fixe ou mobile des douleurs,
d’intensité variable mais pouvant déborder Clostridium perfringens diarrhée hydrique coproculture
l’abdomen et intéresser le pelvis, le thorax, entérocolite nécrosante
les épaules ; Staphylocoque doré diarrhée hydrique
contamination alimentaire
– l’amélioration des douleurs après émission
de gaz ou de selles ; Tuberculose masse FID coloscopie
amaigrissement
– la pauvreté de l’examen clinique
contrastant avec la richesse des symptômes : Entérocolites virales
cadre colique sensible, abdomen distendu Virus type Norwalk épidémie Elisa dans les selles
mais souple ; fièvre
syndrome grippal
– les examens complémentaires toujours
rassurants. Les radiographies, les Rotavirus atteinte ORL Elisa dans les selles
endoscopies, les examens de selles ou les enfants
examens biologiques à la recherche d’une Colites parasitaires
malabsorption, d’une parasitose, ne sont
justifiés qu’en cas de doute diagnostique ou Amibiase syndrome dysentérique coloscopie
rectorragies histologie
de circonstances particulières qui doivent
Bilharziose syndrome dysentérique parasitologie
faire rechercher une lésion organique :
r e c t o r r a g i e s , m o d i fi c a t i o n s d e l a Colites postantibiotiques
symptomatologie douloureuse, survenue Colite pseudomembraneuse fièvre toxine de Clostridium difficile
récente de troubles chez un sujet de plus de fausses membranes endoscopie
40 ans, présence de signes généraux (fièvre,
amaigrissement, asthénie), antécédents Diarrhée simple
familiaux de cancers qui doivent être un Colite hémorragique pénicillines Klebsiella oxytoca
prétexte à la réalisation d’une coloscopie.
FIG : fosse iliaque gauche ; FID : fosse iliaque droite ; Elisa : enzyme-linked immunosorbent assay.
¶ Colites
Elles se traduisent par une douleur Le tableau clinique des colites aiguës graves faire craindre une dilatation toxique du
d’intensité variable qui suit le trajet du cadre est caractéristique associant : plus de dix côlon qui aboutit souvent à une perforation
colique, prédominant dans la fosse iliaque selles par jour, température supérieure à de pronostic très grave. L’abdomen sans
droite, souvent soulagée par l’émission de 38,5 °C, pouls supérieur à 120, albuminémie préparation recherche une complication
gaz et de selles. Les causes sont multiples i n f é r i e u re à 3 0 g/L . L ’ a b d o m e n e s t grave (colectasie, pneumopéritoine), un
(tableau V). douloureux et ballonné. Le météorisme doit double contour aérique signe le décollement

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Urgences Diagnostic des douleurs abdominales aiguës 24-039-B-10

sous-muqueux de mauvais pronostic comme tableau d’abcès pelvien ou de péritonite. Le brutale irradiant vers l’épaule, fièvre et
la dilatation de plusieurs anses intestinales. diagnostic repose sur l’opacification en polynucléose chez un patient porteur d’une
L’opacification aux hydrosolubles peut urgence et la coloscopie en l’absence de splénomégalie (hémopathie), d’une
montrer des ulcérations et spicules, un perforation. cardiopathie emboligène, d’une
décollement sous-muqueux. Le scanner drépanocytose, d’une lésion de l’artère
recherche une perforation, une abcédation et ¶ Volvulus coliques splénique. L’échographie et le scanner
apprécie l’épaississement colique. Cette Torsion du côlon pelvien ou du côlon droit montrent des images hypoéchogènes
forme grave peut révéler une rectocolite sur son axe, le volvulus colique est une triangulaires et périphériques.
hémorragique, une maladie de Crohn ou occlusion par strangulation.
d’autres lésions (colite pseudomembraneuse, ¶ Volvulus splénique
Le volvulus pelvien, le plus fréquent, est
ischémique, infectieuse, maladie de Behçet). favorisé par une disposition anatomique Il est exceptionnel, dû à une mobilité
D’autres complications des colites peuvent particulière (boucle sigmoïdienne longue et anormale de l’axe vasculaire. Le tableau est
survenir : abcès, fistules, sténoses, tumeurs mobile, méso au pied étroit) et survient très brutal chez un sujet jeune.
inflammatoires. volontiers chez un sujet âgé constipé L’échographie montre une loge splénique
chronique. L’examen clinique chez ce patient déshabitée.
¶ Maladie diverticulaire
occlus qui, parfois, souffre peu, montre un
Elle est fréquente dans les pays occidentaux météorisme très important asymétrique, ¶ Hématome
et atteint un sujet âgé sur deux. Hernies de immobile, rénitent, tympanique, dont l’axe
L’hématome sous-capsulaire ou
la muqueuse à travers une musculeuse va de la fosse iliaque droite à l’hypocondre
intrasplénique peut survenir sans
amincie, les diverticules, surtout gauche. Le rectum est vide. L’abdomen sans
traumatisme sur rate pathologique
sigmoïdiens, mais aussi coliques droits ou préparation est caractéristique, montrant une
(paludisme, typhoïde, mononucléose
du grêle, s’enflamment et provoquent une clarté gazeuse occupant tout l’abdomen,
infectieuse, hémopathie). Une douleur à
perforation colmatée ou non ou une fistule convexe en haut, avec deux niveaux liquides
irradiation scapulaire gauche, une anémie
vers un organe voisin. Deux tableaux aigus à la partie basse de l’abdomen. Parfois,
avec fièvre et subictère font pratiquer une
peuvent se rencontrer : la poussée aiguë et l’image est moins typique et le cliché de
échographie confirmant le diagnostic.
la complication, soit septique (abcès, profil est plus parlant car l’image peut être
péritonite), soit inflammatoire (pseudotu- sagittale.
¶ Anévrismes
meur sténosante donnant un tableau Le volvulus du côlon droit est beaucoup
d’occlusion). La fistule et l’hémorragie plus rare. Il survient sur une anomalie Les anévrismes, rares mais représentant les
sortent de ce cadre. d’accolement cæcal. Le début est brutal, les deux tiers des anévrismes splanchniques, se
douleurs iliaques droites ou périombilicales voient surtout chez une femme après 40 ans.
Poussée aiguë sont intenses, les vomissements sont La rupture est souvent révélatrice.
Le tableau associe douleurs abdominales fréquents. L’examen clinique retrouve un
météorisme asymétrique dépendant de la ¶ Divers
brutales de la fosse iliaque gauche et de
l’hypogastre, fièvre élevée (39 °C), arrêt du position du cæcum. L’abdomen sans Au cours d’hémopathies chroniques
transit, signes urinaires (dysurie, pollakiurie, p r ép ar at i o n mo n t re u n e i mp o r t an t e (leucémie lymphoïde, splénomégalie
brûlures mictionnelles). La palpation distension hydroaérique du grêle associée à myéloïde, lymphome), la splénomégalie
retrouve une défense de la fosse iliaque un niveau hydroaérique unique dans peut être source de douleurs abdominales
gauche, le reste de l’abdomen est souple. Le l’hypocondre droit. parfois rapportées à un infarctus.
toucher rectal recherche une douleur Le volvulus peut être plus rarement Les tumeurs spléniques douloureuses,
provoquée ou une masse sensible prolabée. transverse ou angulaire gauche. parfois évoquées à la palpation (bord
Le diagnostic, évoqué d’autant plus qu’on antérieur crénelé), sont analysées par
retrouve des douleurs identiques dans les ¶ Hernie diaphragmatique
l’imagerie.
antécédents, est confirmé par le lavement Le côlon transverse peut être hernié dans
opaque aux hydrosolubles et le scanner. Le plusieurs orifices : fente postérieure de
lavement opaque montre une sténose Bochdalek, antérieure de Morgagni, ou LÉSIONS MÉSENTÉRIQUES
régulière, des diverticules, un aspect orifice traumatique. Le tableau peut être
spasmodique du côlon et parfois un trajet chronique ou très aigu (strangulation avec
¶ Mésentère commun et anomalies
fistuleux. Le scanner montre les diverticules risque de nécrose). Le cliché thoracique de de rotation
et surtout l’infiltration de la graisse face et de profil, l’opacification, le scanner Les anomalies de rotation et d’accolement
périsigmoïdienne, l’épaississement de la font le diagnostic. de l’anse intestinale primitive sont en
paroi colique, un éventuel abcès, une fistule. général asymptomatiques après l’enfance.
Un traitement par antibiothérapie AFFECTIONS SPLÉNIQUES Les volvulus peuvent cependant survenir et
parentérale est mis en route. En cas d’abcès, le risque est surtout celui d’un volvulus aigu
un drainage sous scanner est indiqué. ¶ Abcès splénique total du grêle (possibilité de résection
Les diverticules du côlon droit sont en Un tableau douloureux fébrile de étendue du grêle).
général peu nombreux mais se compliquent. l’hypocondre gauche chez un patient
Le tableau peut ici égarer et l’on évoque une immunodéprimé, diabétique ou alcoolique ¶ Tumeurs du mésentère
appendicite, une pseudotumeur présentant une grosse rate fait évoquer Elles sont rares et peuvent se révéler par un
inflammatoire d’autre origine. l’abcès confirmé par échographie et scanner syndrome abdominal aigu et souvent
qui peuvent permettre un drainage occlusif (invagination). Elles peuvent être
¶ Carcinomes coliques percutané. Ces abcès peuvent être petits et bénignes (lipome, hémangiome,
Ce sont surtout des adénocarcinomes multiples évoquant un lymphome ou un schwannome, léiomyome) ou malignes
développés à partir d’un adénome ; plus infarctus splénique. La rupture est rare et (liposarcome, fibrosarcome, léiomyosarcome,
rarement des lymphomes. Ils peuvent être grave. lymphome). Certaines sont de bénignité
vus au stade de complication : occlusion par i n c e r t a i n e ( t u m e u r s fi b r o m a t e u s e s ,
obstruction plus fréquente sur le côlon
¶ Infarctus splénique desmoïdes, composites, certains
gauche ou par invagination plus rare, Parfois peu symptomatique, il doit être léiomyomes). C’est une découverte
suppuration ou perforation donnant un évoqué devant un tableau associant douleur d’imagerie ou de laparotomie.

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24-039-B-10 Diagnostic des douleurs abdominales aiguës Urgences

Le syndrome de Gardner associe une associe ascite, altération de l’état général, intervention. Dans le premier cas, le
polypose rectocolique familiale et des douleurs et syndrome occlusif. Si l’occlusion traitement de la maladie causale s’associe à
tumeurs des tissus mous (tumeurs persiste malgré corticothérapie et une éventuelle résection. Dans le second cas,
desmoïdes mésentériques). Ces tumeurs chimiothérapie, une dérivation interne peut l’évolution vers la régression, l’abcédation
histologiquement bénignes ont une parfois être tentée. ou l’épiploïte chronique guident la conduite
évolution locorégionale très défavorable à tenir.
malgré des exérèses souvent périlleuses. ¶ Pseudotumeurs et corps étrangers L’épiploïte chronique est en général
Ce sont en général des découvertes postopératoire ou infectieuse. L’évolution se
¶ Pseudotumeurs
opératoires lors d’une laparotomie pour fait le plus souvent vers une sclérose avec
Les pseudotumeurs kystiques sont le occlusion. risque de brides et adhérences.
lymphangiome kystique et des lésions rares
(duplication, kyste dysembryoplasique). Le ¶ Maladie adhérentielle ¶ Tumeurs
lymphangiome kystique se révèle par des
Elles se révèlent en général au stade de
douleurs abdominales et des complications Brides spontanées et postopératoires
complications (hémorragie, rupture, torsion).
(occlusion, hémorragie, infection). Il est Leur origine est chirurgicale dans 80 % des Elles peuvent être inflammatoires ou
découvert chez l’adulte jeune par la cas, mais elles peuvent être inflammatoires dystrophiques, kystiques (lymphangiomes,
palpation et l’imagerie. (après infection péritonéale), traumatiques kystes dermoïdes), malignes primitives
Les pseudotumeurs non kystiques sont très ou congénitales (à partir de résidus (sarcomes) ou plus souvent secondaires
rares. Citons certaines tumeurs embryonnaires, canal omphalomésentérique, (ovaire, tube digestif).
i n fl a m m a t o i r e s e t l a p a n n i c u l i t e ouraque, diverticule de Meckel). Elles
mésentérique nécrosante reconnue à ventre constituent des cylindres fibreux fermes
ouvert. tendus entre l’épiploon, les viscères et la LÉSIONS LYMPHATIQUES
paroi. Elles peuvent être asymptomatiques
¶ Lymphome ganglionnaire
LÉSIONS PÉRITONÉALES ou se révéler par des douleurs atypiques,
des accidents subocclusifs ou une occlusion rétropéritonéal
¶ Péritonite encapsulante vraie par strangulation. C’est la cœlioscopie Il peut se révéler bruyamment par un
Elle entre dans le cadre des périviscérites ou la laparotomie qui établit le diagnostic. tableau douloureux très aigu. Le scanner est
comme la périhépatite à Chlamydia. Les ici très précieux et permet souvent d’avoir
étiologies sont la tuberculose, les Hernies internes une histologie par ponction.
traumatismes, notamment chirurgicaux, les Résultant d’un défaut d’accolement du
foyers infectieux ou inflammatoires, la duodénum ou du côlon, des poches ¶ Ascite chyleuse
dialyse ou les shunts de dérivation d’ascite herniaires recouvertes de péritoine se C’est souvent une découverte de ponction
(valve de Le Veen). Le péritoine est développent ou peuvent étrangler des anses. devant une ascite aiguë douloureuse et riche
transformé en un tissu fibreux, épais, qui Elles peuvent être paraduodénales (53 %) en triglycérides. L’étiologie est souvent
enserre tout ou partie des viscères gauches et droites, transmésentériques, néoplasique, notamment pancréatique, par
abdominaux. La lésion est souvent transmésocoliques, au travers du hiatus de obstruction lymphatique. Il peut s’agir aussi
découverte lors d’une laparotomie pour Winslow, transépiploïques, paracæcales ou de traumatismes des gros troncs
occlusion. Il faut alors réaliser l’ablation de sigmoïdiennes. lymphatiques, d’obstruction intestinale, de
la membrane qui peut aboutir à des Des hernies internes acquises créées par un certaines cirrhoses, d’une filariose ou de
sacrifices intestinaux. montage chirurgical sont, comme les brides, lymphangiectasies congénitales.
une grande cause d’occlusions postopéra-
¶ Tuberculose péritonéale
toires tardives. ¶ Adénolymphite mésentérique
Elle associe habituellement altération de
l’état général, ascite et douleurs abdominales P r i n c i p a l d i a g n o s t i c d iff é re n t i e l d e
LÉSIONS ÉPIPLOÏQUES l’appendicite, due le plus souvent à une
mais elle peut se révéler par une occlusion.
La laparotomie découvre des masses et des yersiniose, elle associe une adénite
¶ Hernie épiploïque m é s e n t é r i q u e a i g u ë à u n e aff e c t i o n
granulations qui ressemblent à une carcinose
péritonéale, d’où l’importance des biopsies. Les hernies contiennent souvent du grand rhinopharyngée ou une maladie éruptive,
épiploon. Cette épiplocèle peut s’étrangler une lymphocytose sur la numération.
¶ Tumeurs péritonéales surtout au niveau ombilical ou épigastrique. L’échographie et le scanner sont ici
L’absence de signes d’occlusion est en intéressants pour éviter une appendicec-
Tumeurs primitives bénignes faveur de cette étiologie. L’évolution se fait tomie inutile. Elle est parfois révélée par une
Le pseudomyxome péritonéal est une vers la nécrose, parfois à bas bruit. invagination ou une masse tumorale qui
tumeur rare qui correspond à la rupture évoque un carcinome, une maladie de Crohn
d’une mucocèle appendiculaire ou d’un ¶ Infarctus épiploïque spontané ou un lymphome.
kyste mucoïde de l’ovaire. L’abdomen est C’est une nécrose spontanée ischémique de
re m p l i d e m a s s e s g é l a t i n e u s e s q u i ¶ Masses ganglionnaires
cause inconnue survenant chez un homme
deviennent compressives. C’est souvent une jeune. Le tableau est celui d’une appendicite Des masses ganglionnaires cœliaques ou
découverte opératoire en urgence. L’exérèse ou d’une cholécystite. L’intervention rétropéritonéales peuvent être révélées par
complète, lorsqu’elle est possible, peut redresse le diagnostic. des crises abdominales aiguës dues à une
amener la guérison mais bien souvent compression, à une nécrose ou une
l’évolution à long terme est défavorable. Très ¶ Torsion inflammation péritumorale. Il s’agit le plus
ressemblante anatomiquement est la souvent de lymphomes dont le diagnostic et
dissémination péritonéale d’un carcinome E l l e e s t f a v o r i s é e p a r u n e fi x a t i o n
le typage peuvent être faits par cytologie.
colloïde gastrique ou colique. épiploïque ; elle n’est pas toujours complète.
Le tableau est identique.
Tumeurs malignes DIVERTICULE DE MECKEL
¶ Épiploïtes
À part le mésothéliome associé à l’asbestose, Reliquat embryonnaire de siège iléal, il
le cancer péritonéal est secondaire gastrique, Les épiploïtes aiguës sont secondaires à un correspond à la persistance partielle du
pancréatique, ovarien ou colique. Le tableau foyer septique intra-abdominal ou à une canal vitellin qui peut encore être relié à

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Urgences Diagnostic des douleurs abdominales aiguës 24-039-B-10

l’ombilic par une bride. Il siège Dissection aortique L’abdomen est ballonné, se défend ; il est
habituellement sur le bord antimésentérique Elle est plus fréquente que la rupture silencieux et on note une matité déclive.
du grêle, sur le dernier mètre d’iléon, au d’anévrisme. Le diagnostic est souvent Biologiquement, on constate souvent une
point de terminaison de l’artère difficile et la mortalité est très lourde. La acidose sévère et une élévation des LDH.
mésentérique supérieure. Sa fréquence est de dissection débute le plus souvent au niveau L’abdomen sans préparation montre une
0,3 à 2 %. Il se révèle par une complication : de l’aorte ascendante mais la symptomato- grisaille diffuse sans niveaux hydroaériques,
logie abdominale est due à l’hématome un épaississement des parois des anses,
– l’hémorragie et la perforation sont dues à
rétropéritonéal et à l’extension de la rarement la présence d’air dans la veine
une ulcération par présence d’îlots
dissection aux branches viscérales. Si porte. L’échographie, idéalement
hétérotopiques de muqueuse gastrique. Cet
classiquement la douleur, d’une rare échodoppler, doit permettre d’orienter vers
ulcère peut, comme l’ulcère gastroduodénal,
violence, est d’abord thoracique postérieure le diagnostic et de réaliser rapidement un
être très douloureux (et le diagnostic est
puis abdominale postérieure, elle est parfois scanner.
difficile), saigner ou se perforer, provoquant
une péritonite aiguë. La scintigraphie au réduite à des irradiations atypiques et peut L’angioscanner, surtout en mode spiralé,
pertechnétate ou l’entéroscopie peuvent faire s’associer à des signes abdominaux non m o n t re a u t e m p s a r t é r i e l l ’ a b s e n c e
le diagnostic si celui-ci est évoqué ; spécifiques. Le choc n’est pas constant au d’opacification de l’artère mésentérique
d é b u t . O n re c h e rc h e u n e i n é g a l i t é supérieure. Une artériographie, geste peu
– l’occlusion est rarement due à une agressif par voie veineuse, est alors réalisée.
tensionnelle, une asymétrie des pouls, un
invagination ; le plus souvent, il s’agit d’un C’est la seule attitude permettant de réaliser,
déficit neurologique. Le cliché thoracique
volvulus du grêle sur bride unique ou lorsque cela est possible, une désobstruction,
montre un élargissement du médiastin. Le
multiple ; voire une revascularisation.
scanner spiralé et l’artériographie s’imposent
– l’infection du diverticule ou diverticulite en milieu spécialisé.
donne un tableau occlusif septique, de Thromboses veineuses
diagnostic difficile, conduisant en général à Dissection des artères viscérales
Elles se manifestent par un tableau souvent
l’intervention. Une dissection peut atteindre les artères moins aigu précédé d’une longue phase
digestives et donner un tableau ischémique. prodromique. Le scanner est ici très
PATHOLOGIE DE L’OMBILIC Le scanner et l’artériographie font le précieux, montrant un caillot veineux
diagnostic. hypodense cerclé par la paroi veineuse
Un syndrome douloureux abdominal
rehaussée après bolus. En l’absence de choc
périombilical associé à des signes locaux Anévrismes des artères digestives ou de signes pariétaux faisant évoquer une
(ombilic boursouflé, inflammatoire) doit
Ils sont rares et sont souvent dysplasiques, nécrose, le traitement est médical (héparine).
faire évoquer, en dehors de la hernie
athéromateux ou infectieux. Ils intéressent La prise de contraceptifs et des anomalies
étranglée, un kyste épidermoïde surinfecté,
l’artère splénique dans 60 % des cas (souvent de la coagulation sont à rechercher.
une surinfection d’un kyste de l’ouraque, un
canal omphalomésentérique persistant. rupture dysplasique lors d’une grossesse),
L’échographie est très précieuse pour l’artère hépatique dans 20 % des cas et plus ¶ Vascularites
apprécier le type et l’étendue des lésions rarement l’artère mésentérique et ses
Elles sont responsables de douleurs
avant l’exploration chirurgicale le plus branches, les arcades pancréaticoduodénales
abdominales par le biais de lésions
souvent nécessaire. et l’artère mésentérique inférieure. La
vasculaires, inflammatoires (vascularites) ou
rupture dans le péritoine ou un viscère creux
thrombotiques : ischémie, infarctus artériel
avec hémorragie digestive, la thrombose et
ou veineux.
AFFECTIONS VASCULAIRES l’embolie, sont souvent révélatrices.
Le contexte clinique est le plus souvent celui La toxicité du traitement de ces affections
¶ Anévrismes d’un hémopéritoine massif imposant (anti-inflammatoires non stéroïdiens surtout)
l’intervention d’urgence. Lorsque cela est est également responsable de manifestations
Anévrisme de l’aorte abdominale possible, un scanner et une artériographie digestives.
Sa rupture chez un homme athéromateux précisent le diagnostic et permettent dans Lorsque celles-ci sont révélatrices, la
dont l’anévrisme est parfois connu se traduit certains cas une embolisation. présence de signes généraux (fièvre,
par la survenue très brutale d’une douleur Le contexte clinique peut faire parfois amaigrissement, asthénie), une atteinte
abdominale extrêmement violente, diffuse, suspecter une lésion de pancréatite connue multiviscérale (cutanée, rénale ou
transfixiante, associée à des signes de choc récente qui peut éroder les vaisseaux articulaire), un syndrome inflammatoire ou
et de spoliation sanguine majeure ; l’examen adjacents le plus souvent dans un faux kyste une hyperéosinophilie peuvent orienter le
trouve une masse profonde, battante. Le (pseudoanévrisme). diagnostic et faire rechercher des signes
patient doit être opéré en urgence. spécifiques.
Mais l’anévrisme peut être petit, et le patient ¶ Ischémie mésentérique Si la vascularite est connue, le problème est
obèse ; les douleurs peuvent égarer vers de rapporter les douleurs à une poussée de
d’autres diagnostics lorsqu’elles irradient Ischémies artérielles la maladie, réversible sous traitement, ou à
dans les lombes, la région inguinale, La thrombose ou l’embolie de l’artère une de ses complications. Il peut s’agir de
s’associent à des sciatalgies. Les signes de mésentérique supérieure et de ses branches pancréatite, d’occlusion du grêle, de
c h o c p e u v e n t ê t re a b s e n t s l o r s q u e se traduit par un tableau aigu. Le diagnostic perforation du grêle ou du côlon, d’infarctus
l’hématome est contenu, le choc initial est difficile, même dans la forme typique de mésentérique, d’appendicite ou de
compensé ou lorsque l’anévrisme est très l’infarctus du mésentère à la phase aiguë. cholécystite.
douloureux, inflammatoire mais non encore La douleur est violente, diffuse, continue, Toutes les collagénoses peuvent être en
rompu. associée à des vomissements et à un arrêt cause : lupus érythémateux disséminé
L’abdomen sans préparation montre des du transit ou une diarrhée. L’hémorragie (anticorps antinucléaires et anti-acide
calcifications arciformes et la disparition de digestive est inconstante et tardive, la fièvre désoxyribonucléique [ADN]), périartérite
l’ombre des psoas. Une échographie ou un également. Un état de choc est fréquent : noueuse (hyperéosinophilie, anévrismes
scanner en urgence précisent la taille et extrémités froides, membres inférieurs viscéraux), embolies de cholestérol (atteinte
l’extension de l’anévrisme, l’importance de marbrés, pouls petit et filant souvent cutanée), myxome de l’oreillette gauche,
l’hématome. C’est une urgence chirurgicale arythmique, tension artérielle basse et angéite allergique de Churg et Strauss,
précédée parfois d’une artériographie. pincée. maladie de Kawasaki (hydrocholécyste),

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24-039-B-10 Diagnostic des douleurs abdominales aiguës Urgences

maladie de Horton (biopsie de l’artère C’est l’examen clinique qui conduit au à l’abdomen sans préparation orientent.
temporale), maladie de Behçet (atteinte diagnostic, retrouvant une douleur élective L’échographie est très utile car elle montre
oculaire et génitale), cryoglobulinémie, en un point précis du rebord costal. La une dilatation des voies excrétrices. Une
maladie de Still de l’adulte, pression réveille la douleur spontanément urographie intraveineuse est alors indiquée.
dermatopolymyosite. ressentie. La traction vers le haut du rebord Elle visualise le calcul et montre
Citons à part les embolies cholestéroliques costal déclenche la douleur. l’importance de la distension. Parfois, elle
provoquant par pluie d’emboles des La cause est un traumatisme du rebord met en évidence une rupture de la voie
syndromes abdominaux parfois trompeurs. costal direct ou indirect qui est souvent excrétrice sur calcul nécessitant un geste de
passé inaperçu. Le traitement par décompression d’urgence.
Thrombose cave et phlébites pelviennes infiltrations évite le plus souvent le recours
à la chirurgie (résection de l’extrémité du ¶ Infections urinaires du haut
Elles sont en général révélées par leur cause appareil
cartilage costal).
mais peuvent avoir au début comme seuls
signes des douleurs pelviennes et une fièvre. Pyélonéphrite aiguë
L’échodoppler est l’examen performant de ¶ Syndrome de Tietze, xiphodynie
première intention. La douleur siège au niveau de l’articulation Elle peut être primitive ou secondaire
sternoclaviculaire ou de la xiphoïde. (obstacle lithiasique ou tumoral, reflux).
Ils correspondent à des lésions du même Le tableau de la forme typique associe des
LÉSIONS PARIÉTALES signes généraux nets : fièvre élevée, frissons ;
type.
De nombreuses atteintes pariétales peuvent des signes fonctionnels francs : douleurs
provoquer des douleurs abdominales parfois lombaires et du flanc, dysurie, pollakiurie,
¶ Éventration diaphragmatique
très violentes. brûlures mictionnelles ; une douleur
À part la hernie embryonnaire par agénésie provoquée avec parfois défense. La présence
¶ Hernies inguinales et éventrations partielle ou totale d’une coupole qui est très d’une infection urinaire (leucocyturie et
rarement diagnostiquée chez l’adulte, on bactériurie à Escherichia coli le plus souvent)
Le diagnostic est en général aisé car la peut rencontrer la hernie rétro-costo- permet d’écarter d’autres diagnostics
douleur apparaît à la toux ou à l’effort. Un xiphoïdienne et les éventrations (cholécystite, appendicite, infection génitale).
gonflement apparaît au niveau de l’orifice traumatiques. Il faut alors traiter par antibiothérapie
pathologique. L’étranglement est caractérisé intraveineuse et rechercher, par des examens
par l’irréductibilité et l’absence d’expansion. La hernie de la fente de Larrey ou rétro-
costo-xiphoïdienne est rare mais le côlon complémentaires, l’existence d’un obstacle et
La douleur au collet peut se voir sans son retentissement et une complication
étranglement. Cependant, souvent le transverse ou l’estomac peuvent s’incarcérer,
donnant un tableau d’occlusion colique très (abcès rénal et périrénal).
diagnostic est plus difficile, qu’il s’agisse
d’une petite hernie crurale étranglée chez atypique. L’image médiastinale antérieure
sur le cliché de thorax doit alerter. Abcès rénal
une femme obèse, d’une éventration
p o s t o p é r a t o i re d é j à c o n n u e c o m m e Les hernies traumatiques sont parfois Il peut être d’origine hématogène ou
irréductible ou d’une hernie atypique méconnues initialement et se révèlent après canalaire ascendante. Le tableau est celui
obturatrice ou de Spiegel (bord externe du le traumatisme par la torsion d’un viscère. d’une pyélonéphrite sévère. Les urines
grand droit). Un segment intestinal peut être Ce risque de complication (torsion de peuvent être stériles. C’est l’imagerie qui
incarcéré sans signes d’occlusion, surtout au l’organe hernié) impose une chirurgie révèle l’abcès : zone hypoéchogène
début. C’est souvent le scanner ou préventive. échographique à paroi hyperéchogène, zone
l’intervention exploratrice qui corrige le hypodense à contenu hétérogène au scanner,
diagnostic. ¶ Tumeurs de la paroi abdominale s y n d ro m e d e m a s s e à l ’ u ro g r a p h i e
intraveineuse. Un traitement anti-infectieux
Les petites hernies de la ligne blanche Elles sont rares (tumeur desmoïde, fibrome, à large spectre doit être longtemps
peuvent être très douloureuses lorsqu’un sarcome). Elles peuvent saigner, se nécroser poursuivi. La persistance d’un abcès collecté
segment épiploïque est incarcéré. et donner un tableau de contracture. impose un drainage le plus souvent
L’examen soigneux et l’imagerie corrigent le percutané.
¶ Autres lésions diagnostic.
Certaines lésions pariétales font évoquer une Pyonéphrose et phlegmon périnéphrétique
atteinte plus profonde : hématome du grand LÉSIONS UROLOGIQUES Dans la pyonéphrose, il y a suppuration du
droit spontané chez un patient sous parenchyme et des cavités rénales. Dans le
anticoagulants. Une fausse contracture et ¶ Colique néphrétique phlegmon périnéphrétique, la suppuration
une masse empâtée peuvent égarer. siège surtout dans l’atmosphère celluleuse
Les douleurs abdominales pariétales sans Le tableau typique est bien connu. La périrénale.
lésion identifiable peuvent être dues à des douleur siège dans le flanc, à type de colique
Le tableau d’infection urinaire haute est ici
névromes en cas d’antécédent de et de torsion, violente, impossible à calmer
majeur. C’est l’imagerie qui diagnostique la
laparotomie ou à un zona ou des lésions par une position antalgique. Elle irradie en
pyonéphrose ; le phlegmon est évoqué
radiculaires. arrière et en bas vers les organes génitaux
cliniquement devant des signes pariétaux
externes. Le patient n’est pas fébrile mais
lombaires avec défense, voire contracture, et
¶ Syndrome de Cyriax pâle et couvert de sueur. La palpation est
des urines stériles. Sous traitement
douloureuse mais ne retrouve pas de
antibiotique efficace, un drainage percutané
Il correspond à la subluxation traumatique défense. Des antécédents de ce type sont
ou chirurgical doit souvent être envisagé.
des articulations chondrocostales des fausses fréquemment retrouvés chez le patient,
côtes. Les huitième, neuvième et dixième souvent un homme jeune. La douleur peut
Infarctus rénal
nerfs intercostaux sont irrités et cette cependant être atypique, réduite à une
irritation provoque des douleurs irradiation antérieure ou inguinale, associée L’embolie cruorique dans une artère rénale
abdominales hautes très trompeuses à des vomissements et à un météorisme ou la thrombose sur dissection ou anévrisme
pouvant faire porter le diagnostic de a b d o m i n a l . L a re c h e rc h e d e s i g n e s provoque un infarctus rénal en quelques
cholécystite, d’ulcère gastroduodénal, de fonctionnels urinaires, d’une hématurie, heures. La symptomatologie aiguë lombaire
pancréatite, de colique néphrétique. d’une opacité sur le trajet des voies urinaires à irradiations vers le bas peut faire évoquer

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Urgences Diagnostic des douleurs abdominales aiguës 24-039-B-10

une colique néphrétique ou une ¶ Salpingite Au terme de ces investigations sont éliminés
pyélonéphrite aiguë. Le diagnostic doit être un kyste ovarien, une appendicite et une
Elle constitue un problème majeur de Santé
très vite porté par le scanner et salpingite lorsque les hCG sont élevées et
publique. Sa fréquence reste très élevée et
l’artériographie afin de réaliser une l’échographie évocatrice (utérus vide, sac
l’enjeu est de la différencier d’une affection
désobstruction en urgence. tubaire, épanchement du cul-de-sac de
chirurgicale aiguë et de ne pas l’éliminer car
Douglas). Il faut éliminer alors avant la
l’absence ou le retard du traitement sont
¶ Infections urinaires du bas cœlioscopie une grossesse intra-utérine
lourds de conséquences.
appareil débutante ou une interruption de grossesse
Le tableau peut être typique, associant cliniquement atypique.
Cystite douleurs hypogastriques violentes, fièvre et
leucorrhées abondantes et malodorantes. Le traitement est idéalement cœlioscopique
Fréquente chez la femme, la cystite associe L’examen retrouve une douleur provoquée et parfois médical dans les cas très précoces.
douleurs hypogastriques, pollakiurie, en mobilisant le col et des culs-de-sac
brûlures mictionnelles, parfois pyurie ou empâtés et douloureux. L’échographie peut ¶ Kystes ovariens
hématurie, sans fièvre ni frissons. Le germe être normale ou montrer des signes Les ruptures de kystes sont le plus souvent
est en général un colibacille d’origine d’endométrite et des trompes distendues, des ruptures postovulatoires. Le tableau
intestinale. L’examen cytobactériologique hétérogènes. clinique évoque une appendicite à droite.
des urines confirme le diagnostic. S’il y a Malheureusement, bien souvent l’affection L’échographie évite nombre d’explorations
récidive après traitement antibiotique, il faut prend un masque trompeur simulant une chirurgicales inutiles. Il peut s’agir d’une
pousser les investigations. appendicite pelvienne, une grossesse extra- rupture de corps jaune en cours de
utérine, une pyélonéphrite, voire une grossesse.
Rétention urinaire cholécystite dans le cadre du syndrome de Après traitement par inducteurs de
C’est un piège diagnostique classique. Le Fitz-Hugh et Curtis. l’ovulation peuvent survenir des ruptures de
tableau peut être très algique et une urgence Certaines formes sont graves d’emblée avec volumineuses masses ovariennes stimulées
chirurgicale est évoquée. Le test du sondage péritonite généralisée. avec un risque d’hémopéritoine et
avec la prudence et les précautions Correctement traitées, les salpingites d’épanchement ascitique difficiles à
nécessaires doit être effectué au moindre guérissent sans séquelles. Sinon vont contrôler.
doute. apparaître des complications : pyosalpynx, Les torsions sont fréquentes et peuvent être
abcès de l’ovaire ou du cul-de-sac de plus ou moins complètes. Le risque de
Prostatite Douglas et des séquelles : stérilité, grossesse nécrose est majeur, surtout dans les formes
Associant classiquement fièvre élevée, extra-utérine, algies pelviennes rebelles. cliniquement bâtardes.
douleurs pelviennes et signes fonctionnels Les difficultés du diagnostic et l’importance Le tableau typique associe douleur brutale
urinaires, elle est confirmée par le toucher de la bactériologie conduisent à proposer hypogastrique, vomissements, parfois signes
rectal qui palpe une prostate grosse, très très largement la cœlioscopie qui est à la de choc. L’examen retrouve une douleur et
douloureuse. fois diagnostique, pronostique et parfois une défense sus-pubienne et une
thérapeutique. Les germes sont le plus masse douloureuse. Le toucher vaginal peut
Atteintes des organes génitaux externes souvent le gonocoque et les Chlamydiae. percevoir une masse tendue très
L’orchiépididymite aiguë et la torsion douloureuse ou une douleur du cul-de-sac.
¶ Autres infections
testiculaire se manifestent parfois par une L’échographie en urgence confirme le
symptomatologie algique abdominale basse Endométrites diagnostic et conduit à la cœlioscopie en
pouvant égarer lorsque la bourse est peu urgence.
Survenant notamment après accouchement,
douloureuse. La palpation soigneuse et L e s s i g n e s p e u v e n t c e p e n d a n t ê t re
avortement spontané ou provoqué, elles se
l’échographie en cas de doute corrigent le trompeurs et la torsion méconnue va évoluer
traduisent par des douleurs pelviennes
diagnostic. vers une masse plus ou moins nécrotique,
aiguës, des métrorragies et leucorrhées, une
fièvre élevée, un utérus douloureux et mou infectée, faisant évoquer d’autres diagnostics
au toucher vaginal. Le risque de thrombose avant la laparotomie. L’étude histologique
LÉSIONS DES SURRÉNALES
ET RÉTROPÉRITONÉALES pelvienne est majeur. L’antibiothérapie est de l’ovaire peut méconnaître une tumeur
débutée très vite après prélèvements. maligne du fait de la nécrose.
Certains syndromes abdominaux aigus sont
dus à des lésions rétropéritonéales qui se ¶ Grossesse extra-utérine ¶ Endométriose
compliquent : l’hémorragie, la nécrose,
l’infection, la compression provoquent un C’est un diagnostic qu’il ne faut éliminer Elle se manifeste assez rarement par un
syndrome douloureux, parfois fébrile, qu’avec certitude chez une femme en syndrome douloureux aigu dû en général à
occlusif ou péritonéal. L’abdomen sans période d’activité génitale. la c om p lic a t ion d ’ u n k y s t e ov a r ie n
préparation évoque la lésion du Il est facile en cas de rupture cataclysmique. endométriosique. C’est souvent une
rétropéritoine (disparition de l’ombre du Après une douleur syncopale survient un cœlioscopie réalisée en urgence qui découvre
psoas) ; le scanner est essentiel. Les état de choc avec hémopéritoine. L’urgence les lésions et les traite.
principales étiologies sont les tumeurs chirurgicale est absolue.
surrénales ou les tumeurs de l’espace Dans la forme typique, sont associés un ¶ Avortements spontanés
rétropéritonéal. retard de règles, des métrorragies, une
Des douleurs hypogastriques aiguës peuvent
douleur pelvienne souvent unilatérale.
Fibrose rétropéritonéale précéder l’hémorragie génitale. Le dosage
L’examen retrouve un abdomen douloureux
des hCG et l’échographie permettent surtout
Cette maladie rare peut se révéler de façon et le toucher sent une masse douloureuse
d’éliminer d’autres diagnostics.
aiguë, notamment par une compression d’un cul-de-sac. Cependant, aucun de ces
pyélocalicielle. signes n’est constant ni spécifique et c’est le
¶ Fibromes
dosage de l’hCG qui est décisif avec
l’échographie. La torsion d’un fibrome sous-séreux
AFFECTIONS GYNÉCOLOGIQUES L’hématocèle enkystée est une forme plus pédiculé réalise le même tableau que la
Elles représentent environ un cinquième des rare associant douleurs, métrorragies, pâleur, torsion de kyste ovarien. Souvent, la
urgences abdominales chirurgicales. subictère, masse latéro-utérine. cœlioscopie redresse le diagnostic.

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24-039-B-10 Diagnostic des douleurs abdominales aiguës Urgences

¶ Nécrobiose aseptique
Tableau VI. – Causes parasitaires des douleurs abdominales.
Ischémie favorisée par une grossesse ou un
Parasites en cause Symptômes éventuellement associés aux douleurs
traitement progestatif, elle se traduit
abdominales (inconstantes)
cliniquement par trois signes : fièvre à
38,5 °C, douleurs pelviennes aiguës associées Nématodes
à des signes occlusifs ou péritonéaux, utérus - anguillulose Douleurs épigastriques, diarrhée
augmenté de volume, ramolli et très Péritonite si immunodépression
- ankylostomiase Anémie hypochrome microcytaire
douloureux. Le traitement est avant tout
- ascaridiose Occlusion ou volvulus du grêle
médical, sauf en cas de doute diagnostique Migration viscérale, responsable de pancréatite, d’angio-
imposant la cœlioscopie. cholite ou d’appendicite
Perforation du grêle
- oxyurose Douleurs abdominales
Prurit anal (scotch-test)
Causes médicales - trichinose Douleurs abdominales, fièvre
Œdème de la face, myalgies (sérologie)
- trochocéphalose Troubles digestifs, nausées, diarrhée
CAUSES PARASITAIRES
Cestodes
Les parasites susceptibles d’entraîner des - échinococcose alvéolaire - Ictère, hépatomégalie, examen d’imagerie et sérologie
douleurs abdominales sont parfois suspectés - hydatidose Cf kyste hydatique
- tænia saginata ou solium - Irritabilité, élimination d’anneaux et d’embryons par
par une hyperéosinophilie (nématodes, l’anus (scotch-test)
cestodes, bilharzioses, dystomatoses) ou un Bilharziose Troubles digestifs, diarrhée, hypertension portale, périto-
contexte clinique évocateur : séjour en pays Schistosoma mansoni nite subaiguë (sérologie, biopsie rectale ou hépatique)
d’endémie, contamination alimentaire. Schistosoma intercalatum
Schistosoma japonicum
Elles sont reconnues par un isolement du Distomatose
parasite ou des œufs dans les selles ou le - grande douve Période d’invasion : douleur de l’hypocondre droit irra-
sang (paludisme), parfois par une sérologie diant à l’épaule
spécifique (bilharziose, dystomatoses, larva Syndrome allergique avec hyperéosinophilie (sérologie)
migrans), la biopsie du foie ou du rectum Phase d’état : angiocholite avec présence d’œufs dans les
selles
(bilharziose). Le détail est exposé dans le
Larva migrans viscérale
tableau VI. - toxocarose Troubles digestifs, signes pulmonaires
Signes allergiques avec hyperéosinophilie (sérologie)
- anisakiase Consommation de poissons crus, signes allergiques, syn-
DOULEURS ABDOMINALES drome occlusif, péritonite
D’ORIGINE PARIÉTALE Intérêt de la fibroscopie diagnostique qui visualise le
parasite dans la paroi gastrique
¶ Zona Paludisme Primo-invasion : embarras gastrique, vomissements, diar-
rhée, fièvre à 40 °C
Il est lié à une activation du virus du groupe Intérêt du frottis sanguin
herpès responsable de la varicelle et resté Giardiase Syndrome appendiculaire, diarrhée
latent dans les ganglions sensitifs des nerfs Amibiase Dysenterie aiguë : épreintes, ténesmes, diarrhée fécale
avec glaires et sang
rachidiens. L’éruption érythématovésicu-
Amibiase colique maligne : dysenterie sévère, émission
laire, de siège métamérique, est précédée de fragments de muqueuse colique, état de choc toxi-
pendant 5 à 7 jours de douleurs unilatérales, infectieux évoluant vers la péritonite
de topographie radiculaire avec Amœbome : tumeur inflammatoire du cæcum révélée
par des douleurs et un syndrome subocclusif
hyperesthésie cutanée et éventuel discret
Appendicite amibienne, perforation colique, abcès périco-
syndrome infectieux. lique
L’apparition d’un érythème puis de Intérêt de la rectoscopie et de l’examen de selles
vésicules, à rechercher très attentivement, Amibiase hépatique : douleurs de l’hypocondre droit,
fièvre, hépatomégalie douloureuse irradiant à l’épaule
parfois réduit à un élément, vient corriger Hyperleucocytose, vitesse de sédimentation accélérée,
un diagnostic hésitant. sérodiagnostic, échographie ou scanner
La racine D7 correspond à l’épigastre, la
racine D10 à l’ombilic et la racine D12 à la
région sus-pubienne. pathologie rachidienne sur les radiographies inflammatoires des séreuses, durant
Après dessiccation des vésicules puis standards, parfois sur la simple radiographie quelques jours, de survenue aléatoire.
guérison, les douleurs peuvent persister pulmonaire face et profil, peuvent orienter La fièvre est constante, d’élévation brutale
plusieurs semaines ou mois. le diagnostic. Celui-ci est confirmé par un entre 38 et 40 °C, parfois accompagnée de
scanner rachidien ou mieux une IRM. frissons et s’atténuant généralement en 24 à
¶ Compression radiculaire 48 heures.
DOULEURS ABDOMINALES LIÉES
Les crises douloureuses abdominales
Elle complique une lésion rachidienne
À DES AFFECTIONS MÉTABOLIQUES, constituent le mode de révélation le plus
sensitive de la région dorsale secondaire à
GÉNÉTIQUES OU ENDOCRINIENNES fréquent (55 % des cas) et sont pratiquement
des causes variées : affections rhumatismales
constantes au cours de l’évolution. Les
chroniques, hernies discales, tumeurs de la
¶ Maladie périodique ou fièvre douleurs, brutales et intenses, débutent dans
moelle bénignes ou métastatiques,
familiale méditerranéenne la région sus-ombilicale et diffusent
subluxations postérieures traumatiques,
rapidement à tout l’abdomen, accompagnées
fractures... Il s’agit d’une maladie héréditaire d’étiologie de fièvre, de vomissements et d’un arrêt du
La douleur a une topographie métamérique inconnue intéressant les sujets du pourtour transit. L’examen retrouve un abdomen
en hémiceinture, généralement unilatérale. méditerranéen, préférentiellement les t e n d u a v e c u n e d é f e n s e , v o i re u n e
La survenue de la douleur à l’effort, à la Arméniens et les Juifs séfarades. contracture simulant une urgence
mobilisation du rachis, lors de certains Elle est caractérisée par la survenue dès chirurgicale. La radiographie d’abdomen
mouvements, la découverte d’une l’enfance d’épisodes fébriles et d’accès peut montrer des niveaux liquides et la

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Urgences Diagnostic des douleurs abdominales aiguës 24-039-B-10

numération formule sanguine une l’humeur (dépression, anxiété, délire, autosomique récessive rencontrée
hyperleucocytose à polynucléaires qui confusion mentale) égarent le diagnostic préférentiellement en Afrique noire, aux
égarent le diagnostic et conduisent vers un sepsis abdominal. L’évolution peut Antilles, en Amérique du Sud et du Nord,
volontiers, notamment lors de la première être grave, en particulier sur le plan mais également au Maghreb ou en France
crise, à une laparotomie. Celle-ci découvre neurologique : coma, tétraplégie, paralysie chez les migrants.
un péritoine congestif, avec un exsudat respiratoire. Le plus souvent elle est La forme hétérozygote est le plus souvent
modéré. favorable en quelques jours sans séquelles, asymptomatique. Elle expose aux infarctus
L’évolution des crises douloureuses est en particulier grâce à un traitement spléniques dans les situations d’hypoxémie
spontanément favorable en 2 à 3 jours. (hydrates de carbone et hématine). sévère (altitude, voyages en avion).
Le diagnostic de la maladie repose sur le La survenue du tableau abdominal chez une La forme homozygote se révèle chez l’enfant
contexte familial et ethnique, la répétition femme jeune en période prémenstruelle ou (anémie, splénomégalie). Elle expose aux
des crises douloureuses abdominales et leur à la suite de la prise de certains crises douloureuses drépanocytaires,
évolution spontanément favorable en médicaments (contraceptifs oraux, alcool, dominées par une fièvre et des douleurs. On
quelques heures, l’association avec d’autres anesthésiques, benzodiazépines) ou surtout peut retrouver un facteur déclenchant :
manifestations cliniques : crises la constatation de la classique coloration fièvre, exposition au froid, hypoxémie. Le
douloureuses thoraciques par atteinte rouge porto des urines observée 1 à 2 heures malade est en règle familier de ces crises
pleurale ou péricardique, manifestations après la miction doivent orienter le aiguës.
articulaires : arthrites des grosses diagnostic. Le dosage des porphyrines (acide Au niveau abdominal, la baisse du débit
articulations des membres inférieurs, delta-amino-lévulinique et porphobili- circulatoire est responsable d’une ischémie,
érythème des dos des jambes et du pied, nogène) dans les urines et les selles confirme source d’angor intestinal, d’infarctus
méningite périodique. le diagnostic et précise la variété de la splénique ou du mésentère. L’association
Le problème est difficile lors de la première porphyrie. En France, la porphyrie aiguë d’une anémie à un iléus paralytique avec
crise abdominale chez un sujet jeune, faisant intermittente est la plus fréquente. météorisme et vomissements peut orienter
d i s c u t e r u n e u rg e n c e c h i r u rg i c a l e : L’intoxication par le plomb ou l’hexachloro- le diagnostic lors d’une première crise.
appendicite aiguë, cholécystite... benzène est responsable d’une porphyrie L’origine géographique du sujet fait
Les critères du diagnostic génétique à acquise. demander une électrophorèse de
l’intérieur des familles atteintes sont en l’hémoglobine qui objective la présence
cours d’identification. ¶ Œdème angioneurotique d’hémoglobine S. Il n’y a pas d’hémoglobine
L’efficacité remarquable de la colchicine (1 à
héréditaire A normale. Le test de falciformation des
hématies en hypoxie est indispensable au
2 mg/j) dans la prévention des accès (90 % Il s’agit d’une affection héréditaire à
diagnostic.
des cas) est un gros argument diagnostique. transmission autosomique dominante liée à
Elle est inefficace pour traiter une crise un déficit en inhibiteur de la C1 estérase Dans la drépanocytose, la lithiase biliaire
aiguë. synthétisée par le foie. Elle se révèle dans secondaire à l’hémolyse est particulièrement
75 % des cas avant 13 ans et évolue par fréquente, exposant à ses complications
¶ Maladie sérique crises d’intensité et de fréquence variables. propres, source de difficultés diagnostiques
compte tenu de l’ictère sous-jacent et de la
Elle complique une injection de protéines L’atteinte digestive est faite de douleurs possibilité d’hyperbilirubinémie importante
étrangères et en particulier un vaccin abdominales avec nausées, vomissements et correspondant à des épisodes de cholestase
(anatoxine). Les douleurs abdominales, diarrhée sans fièvre, mais pouvant orienter intrahépatique.
parfois très violentes, s’accompagnent de vers une urgence chirurgicale et conduire à
diarrhées, de vomissements et de signes une laparotomie exploratrice d’autant que
allergiques : œdème labial ou oral. Dans les l’abdomen sans préparation peut objectiver DOULEURS ABDOMINALES
un syndrome occlusif. À l’intervention, on D’ORIGINE ENDOCRINIENNE
formes tardives, des douleurs éventuelles ET MÉTABOLIQUE
s’associent à de la fièvre, des myalgies, des découvre un œdème diffus des muqueuses
arthralgies et des adénopathies. et une ascite. ¶ Insuffisance surrénalienne aiguë
Ces manifestations digestives s’accompa-
¶ Porphyries gnent d’œdème touchant les extrémités, le Elle met en jeu le pronostic vital. Il peut
visage, parfois d’une éruption cutanée : rash, s’agir de la décompensation d’une
Il s’agit de maladies autosomiques insuffisance surrénale chronique connue ou
érythème polymorphe. L’œdème laryngé
dominantes à pénétrance variable (environ non à l’occasion d’un stress (infection,
peut engager le pronostic vital.
deux tiers des porteurs du gène n’ont traumatisme, chirurgie), de la prise d’un
aucune anomalie clinique ou biologique). L’interrogatoire recherche des circonstances
diurétique ou de l’arrêt d’un traitement
déclenchantes : traumatismes, activité
Elles sont caractérisées par un déficit d’une substitutif, ou bien il s’agit d’une
sportive, période menstruelle.
enzyme de la synthèse de l’hème i n s u ffi s a n c e s u r r é n a l i e n n e a i g u ë
responsable de l’accumulation de produits Le diagnostic biologique est fait par le compliquant une hémorragie bilatérale des
intermédiaires de cette synthèse : les dosage du complément et de ses fractions : surrénales (traitement anticoagulant,
porphyrines. baisse de l’inhibiteur de la C1 estérase, du méningite fulminante) ou un infarctus
Les porphyries hépatiques (porphyrie aiguë C4 avec C3 normal. Les crises douloureuses hypothalamopituitaire.
intermittente, coproporphyrie héréditaire, abdominales sont prévenues par les
Les douleurs abdominales sont diffuses,
porphyrie variegata et porphyrie de Doss) stéroïdes anabolisants permettant une
pseudochirurgicales, associées à des nausées,
peuvent entraîner des crises aiguës reprise de la synthèse hépatique de la C1
des vomissements et une diarrhée. Il s’ajoute
dominées par un syndrome abdominal. estérase.
une asthénie majeure, une hypotension, une
Celui-ci comporte des douleurs diffuses, fièvre et dans les formes chroniques, une
intenses, des vomissements abondants et ¶ Drépanocytose mélanodermie.
répétés, une constipation opiniâtre. Ce La drépanocytose est liée à une hémoglobine Le ionogramme sanguin peut orienter le
tableau contraste avec la normalité de anormale provoquant une polymérisation diagnostic en retrouvant une hyponatrémie
l’examen clinique et des radiographies de des globules rouges déformés en « faucille » avec hyperkaliémie, une hypoglycémie. La
l’abdomen. (anémie falciforme ou sickle cell anemia des natriurèse est élevée avec kaliurèse basse. Il
Dans 20 à 30 % des cas, une insomnie, une Anglo-Saxons) responsable d’ischémie et existe une insuffisance rénale fonctionnelle
fébricule, des sueurs et des troubles de d’i n f arct u s. I l s’agi t d’u n e mal ad ie avec acidose métabolique.

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24-039-B-10 Diagnostic des douleurs abdominales aiguës Urgences

Le dosage du cortisol vient confirmer le cardiaque, agitation, déshydratation et – une anémie modérée avec classiquement
diagnostic, pratiquement certain si manifestations abdominales compatibles hématies ponctuées ;
l’évolution est favorable en quelques heures avec une urgence chirurgicale : – la plombémie, la plomburie, ainsi que les
sous réanimation : réhydratation, vomissements, douleurs, diarrhées. Un coproporphyrines urinaires sont très élevées
hémisuccinate d’hydrocortisone intraveineux goitre, une exophtalmie peuvent être (inhibition de la synthèse de l’hème par le
et minéralocorticoïdes (acétate de présents. Le résultat des dosages hormonaux plomb).
désoxycorticostérone). confirme le diagnostic après la mise en route
du traitement substitutif en urgence.
¶ Mercure
¶ Hypertriglycéridémies
¶ Hypothyroïdie Sous forme de chlorure, il provoque une
Les hypertriglycéridémies, surtout de types
néphropathie grave précédée de signes
1 et 5, sont des causes rares de douleurs Elle peut entraîner des douleurs digestifs : brûlures épigastriques,
abdominales aiguës. Celles-ci peuvent être abdominales essentiellement par la vomissements et diarrhée.
dues à la survenue d’une pancréatite aiguë constipation qu’elle provoque, pouvant
mais de façon inconstante. Elles sont de confiner à l’iléus paralytique. ¶ Intoxication alcoolique aiguë
siège épigastrique, accompagnées de
troubles du transit, d’anorexie et de ¶ Purpura rhumatoïde Elle entraîne une gastrite aiguë, source de
vomissements. Les triglycérides sont en (purpura de Henoch-Schoenlein) douleurs et de vomissements volontiers
règle supérieurs à 10 g/L et souvent à 30 g/L. hémorragiques, associée à une dépression
Les douleurs disparaissent avec la correction Il s’accompagne de douleurs abdominales du système nerveux central.
de l’hypertriglycéridémie. dans 60 % des cas environ. Elles peuvent
Le terrain, l’interrogatoire et les dosages
évoquer une appendicite ou une cholécystite
biologiques peuvent orienter le diagnostic.
¶ Hypercalcémie aiguë et régressent en quelques heures ou
quelques jours, parfois associées à des
Quelle que soit sa cause (hypercalcémie ¶ Intoxication aiguë par le fer
hémorragies digestives (méléna avec
maligne des métastases osseuses, purpura muqueux en endoscopie). Volontiers dans un but d’autolyse, elle
hyperparathyroïdie, sarcoïdose, intoxication L’invagination intestinale aiguë, la s’accompagne d’une gastrite aiguë avec
médicamenteuse), l’hypercalcémie est une perforation, la pancréatite aiguë ou la hémorragie massive et parfois perforation
source de douleurs abdominales parfois sténose duodénale ont été décrites. viscérale.
pseudochirurgicales.
L’association des douleurs à un purpura
Les symptômes associent nausées, cutané, pratiquement constant, dominant ¶ Syndrome de sevrage aux opiacés
vomissements, constipation, anorexie, aux membres inférieurs, à des arthralgies
polyurie et douleurs abdominales diffuses. Il complique électivement l’utilisation
touchant les grosses articulations des
Celles-ci peuvent être dues aux effets du d’héroïne par voie intraveineuse, mais
membres et à une atteinte rénale (hématurie,
calcium sur la musculature lisse de l’intestin également les produits de substitution :
protéinurie) dominant le pronostic doit
mais aussi à une lithiase rénale, à une sulfate de morphine, buprénorphine.
évoquer le diagnostic.
pancréatite chronique en poussée aiguë ou à Le syndrome de sevrage survient dans les
un ulcère gastroduodénal. 24 heures suivant la dernière injection :
L’évolution doit être rapidement favorable DOULEURS ABDOMINALES crampes abdominales, contractions
après correction de l’hypercalcémie. D’ORIGINE TOXIQUE musculaires, insomnie, anxiété ; puis
s’installent des vomissements, une diarrhée,
¶ Hypokaliémie ¶ Plomb une tachycardie.
L’intoxication au plomb est la plus bruyante. Le diagnostic est facile si la toxicomanie est
Elle est responsable d’une distension
connue et le sevrage programmé. Dans le
gastrique, d’une constipation, voire d’un – Il peut s’agir d’une intoxication aiguë lors cas contraire, la recherche de points de
iléus (étiologie éventuelle d’un syndrome d’un accident du travail. Les troubles piqûres, les autres manifestations du sevrage
d’Ogilvie) par atteinte des fibres musculaires digestifs sont révélateurs : vomissements, (rhinorrhée, larmoiement, mydriase) ou le
lisses. douleurs abdominales paroxystiques, terrain peuvent orienter le diagnostic.
violentes, suivies d’agitation et de Chez les sujets présentant des douleurs
¶ Diabète insulinodépendant convulsions, d’atteinte rénale. L’évolution chroniques, notamment dans les cancers
Un diabète, connu ou non, est susceptible est parfois mortelle. évolués, surtout digestifs et traités par la
de provoquer des douleurs abdominales – Intoxication chronique : saturnisme. Elle morphine, la survenue de douleurs
aiguës en cas d’acidocétose. Les douleurs est beaucoup plus fréquente. Le plomb est a b d o m i n a l e s d o i t f a i re é v o q u e r u n
sont rapportées à une distension digestive. ingéré ou manipulé par certains employés surdosage morphinique responsable d’une
Elles sont diffuses, sans fièvre, mais avec de l’industrie. Les intoxications domestiques constipation et d’un iléus. Ces manifesta-
hyperleucocytose fréquente, et doivent surviennent volontiers chez l’enfant : tions douloureuses entraînent une escalade
régresser avec la correction de l’hypergly- ustensiles ménagers, jouets, débris de thérapeutique qui ne fait qu’accentuer les
cémie. La mesure digitale de la glycémie, la peinture. douleurs volontiers rapportées à tort à une
dyspnée de Kussmaul, l’acidose métabolique extension de la maladie initiale.
Les troubles digestifs sont chroniques :
et la recherche de corps cétoniques urinaires
douleurs abdominales banales et surtout
orientent le diagnostic. ¶ Intoxication par les métaux
coliques de plomb (violentes douleurs
En l’absence d’acidocétose, le diabète peut abdominales paroxystiques avec
être source de douleurs abdominales aiguës L’intoxication aiguë par l’arsenic
vomissements et constipation contrastant (insecticides, acétoarséniate de cuivre) ou
et/ou chroniques s’il complique un cancer avec un examen clinique normal).
du pancréas ou simplement par la l’antimoine (drogue antiparasitaire, aliments
constipation habituellement associée. Le diagnostic peut être orienté par : acides conservés dans de la faïence émaillée)
sont responsables de douleurs abdominales
– un liseré grisâtre gingival près du collet
¶ Hyperthyroïdie intenses associées à des vomissements, une
des dents (liseré de Burton) ;
diarrhée puis un collapsus circulatoire. Le
La crise aiguë thyrotoxique associe – des atteintes nerveuses centrales et diagnostic est difficile, orienté par les
hyperthermie, tachycardie, insuffisance périphériques (paralysie radiale) ; dosages spécifiques.

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Urgences Diagnostic des douleurs abdominales aiguës 24-039-B-10

¶ Ingestions de caustiques La permanence des douleurs, sauf la nuit, Il est parfois plus difficile de préciser la
Elles surviennent en règle dans un contexte leur évolution et la négativité des multiples nature des images.
suicidaire ou accidentellement chez l’enfant. examens sont les meilleurs éléments pour L’échographie et surtout le scanner sont
On distingue les produits alcalins (soude conforter le diagnostic qui reste d’autant alors très utiles. Dans certaines séries
caustique) et les acides. Les produits alcalins plus difficile à porter que la prise en charge récentes, la sensibilité et la spécificité
lèsent préférentiellement l’œsophage, les et le soulagement des malades est difficile. dépassent 90 %.
acides plus volontiers l’estomac. Le transit du grêle par entéroclyse (infusion
¶ Migraine abdominale
Des manifestations oropharyngées ou régulière et progressive de produit de
pulmonaires peuvent accompagner les La migraine peut être précédée ou contraste dans une sonde duodénale) et
signes œsogastriques : hémorragie gastro- accompagnée de symptômes annonciateurs : l’opacification colique aux hydrosolubles
i n t e s t i n a l e , n é c ro s e p a r i é t a l e , v o i re nausées, vomissements, douleurs fournissent des images directes du siège et
perforations digestives. abdominales. La céphalée est constante et la du type de l’obstacle.
L’endoscopie digestive, pratiquée tôt, peut crise, parfois déclenchée par des facteurs
confirmer le diagnostic et surtout préciser alimentaires, peut être à symptomatologie ¶ Diagnostic différentiel
l’étendue des lésions. digestive prédominante.
Il faut éliminer avant tout une affection
¶ Intoxication par les plantes médicale : colique néphrétique, colique
et les champignons Diagnostic en fonction hépatique, acidocétose diabétique, nécrose
myocardique, affection pleuropulmonaire.
De multiples substances peuvent être en du syndrome
cause, soit en raison de la quantité ingérée, O n é v o q u e e n s u i t e l e s a ff e c t i o n s
soit de leur toxicité propre. chirurgicales :
SIGNES D’OCCLUSION INTESTINALE
Les signes digestifs sont souvent au premier – la hernie étranglée dont le diagnostic n’est
plan et inaugurent l’intoxication : douleurs L’occlusion est un syndrome défini par
pas toujours évident car une occlusion met
abdominales, vomissements, diarrhée. l’arrêt du transit intestinal par obstacle ou
en tension une hernie déjà connue mais il
blocage du péristaltisme. C’est une cause
Des manifestations spécifiques peuvent n’y a pas de douleur au collet ;
très fréquente d’admission en urgence. La
accompagner ces signes digestifs fonction – les suppurations abdominales qui
démarche diagnostique comprend quatre
des propriétés pharmacologiques éventuelles provoquent un iléus réflexe ;
temps : diagnostic positif et différentiel, de
des substances ingérées ou de leur toxicité
siège, du mécanisme et enfin étiologie. – la pancréatite aiguë ;
propre : cardiovasculaire, hépatique
(champignons)... ¶ Diagnostic positif – l’ischémie mésentérique aiguë.
On en rapproche les intoxications
alimentaires compliquant des aliments Il repose sur une triade fonctionnelle ¶ Diagnostic du siège
infectés, avariés ou contaminés par des associant douleurs, vomissements, arrêt des
additifs. Ils sont responsables de tableaux matières et des gaz. On oppose classiquement les occlusions
abdominaux variés, souvent bruyants, mais Les douleurs brutales ou progressives hautes et basses.
en règle facilement reconnus par naissent dans la région ombilicale ou le Dans l’occlusion haute, les douleurs sont
l’interrogatoire. flanc, diffusent rapidement, à type de brutales, les vomissements précoces, la
crampe avec paroxysmes rythmiques. Les déshydratation rapide. Les niveaux
CAUSES NEUROLOGIQUES vomissements surviennent en même temps hydroaériques sont multiples, plus larges
et ne soulagent pas la douleur. Ils sont que hauts, centraux.
¶ Syphilis
d’abord alimentaires puis bilieux et enfin Dans l’occlusion basse, le début est
Au stade de tabès, après une incubation de fécaloïdes. L’arrêt des matières et des gaz progressif, l’arrêt du transit précoce, les
10 à 20 ans, la syphilis est source de est parfois tardif et plus ou moins net. vomissements tardifs. Le météorisme est très
douleurs abdominales fulgurantes (90 % des Des signes généraux sont recherchés : fièvre net. Les niveaux sont peu nombreux,
cas) associées à une ataxie, une aréflexie et signes de choc, tachycardie, pli cutané, périphériques, en « cadre », plus hauts que
ostéotendineuse. Le diagnostic est d’autant oligurie traduisant une déshydratation larges.
plus difficile que les réactions syphilitiques extracellulaire.
peuvent être négatives dans le sang et le ¶ Diagnostic du mécanisme
L’examen retrouve un météorisme variable
liquide céphalorachidien.
selon l’étiologie et le type d’occlusion.
Il est essentiel de différencier, d’une part les
¶ Épilepsie abdominale L’abdomen sans préparation montre des occlusions mécaniques et fonctionnelles, et
Elle est une cause exceptionnelle de images hydroaériques caractéristiques. On d’autre part les occlusions mécaniques par
douleurs abdominales paroxystiques, en réalise des clichés debout de face, couché de obstruction ou strangulation.
règle diffuses et dont l’étiologie reste face, centrés sur les coupoles et,
indéterminée après de multiples éventuellement, de face en décubitus latéral Occlusions fonctionnelles
explorations. et de profil couché si le malade ne peut être
debout. Elles correspondent à une paralysie du
Les douleurs abdominales sont à début péristaltisme et représentent à peu près 10 %
brutal, de durée brève. Il s’agit d’un La distension de l’intestin en amont de
des syndromes occlusifs.
diagnostic d’exclusion, sauf si l’élec- l’obstacle est gazeuse sur les clichés en
troencéphalogramme (EEG) révèle la position couchée et hydroaérique sur les Il s’agit le plus souvent d’un iléus
présence de signes d’activité (pointes ondes) clichés debout se traduisant par des niveaux paralytique réflexe à une lithiase urétérale,
dans le lobe temporal et que les liquides qui ne sont pas constants, surtout un hématome rétropéritonéal ou au contact
antiépileptiques préviennent la survenue de au début. Il n’y a pas de gaz en aval de d’un foyer inflammatoire, voire septique de
nouvelles douleurs tout en corrigeant l’obstacle. Les niveaux hydroaériques voisinage (appendicite, cholécystite,
d’éventuelles anomalies de l’EEG. diffèrent selon le siège de l’occlusion : petits, salpingite, épanchement de bile, de liquide
centraux, plus larges que hauts, à paroi gastrique, pancréatique).
¶ Hystérie et simulation mince, marqués d’anneaux concentriques du Il peut s’agir aussi d’une ischémie
Il s’agit de causes éventuelles de douleurs grêle, images plus grosses, périphériques, mésentérique aiguë ou d’une atteinte
abdominales, de diagnostic d’exclusion sur plus hautes que larges avec haustrations du inflammatoire de la paroi (mégacôlon
certains terrains. côlon. toxique).

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24-039-B-10 Diagnostic des douleurs abdominales aiguës Urgences

– Mettons à part la pseudo-obstruction ¶ Diagnostic étiologique


intestinale. Elle peut être métabolique Tableau VII. – Signes radiologiques d’occlu-
sion.
(hypokaliémie, hypercalcémie, acidose), Occlusions du grêle
médicamenteuse (opiacés, neuroleptiques, Abdomen sans préparation
– Occlusions sur brides et adhérences
anticholinergiques, sympathomimétiques). Il
postopératoires. Occlusion du grêle : images gazeuses multiples, plus
peut s’agir aussi d’une maladie générale larges que hautes, de siège central, à contours minces,
(diabète, hypothyroïdie...). – Occlusions sur bride congénitale avec plis circulaires d’un bord à l’autre
Des atteintes neurologiques et motrices de (diverticule de Meckel, mésentère commun Occlusion colique : images gazeuses peu nombreuses,
la paroi provoquent des occlusions entrant à 180°). périphériques, plus hautes que larges ; incisures trans-
versale sur une moitié de circonférence
dans le cadre du syndrome de pseudo- – Hernies étranglées externes et internes. Strangulation : image de l’anse volvulée : arceau
obstruction intestinale idiopathique gazeux en « U » renversé à niveau horizontal. Cette
c h ro n i q u e , s y n d ro m e i n d i v i d u a l i s é – Invagination (adénopathie mésentérique, image est vite noyée
cliniquement : épisodes de subocclusion sans diverticule de Meckel, duplication du grêle, Obstruction : images gazeuses qui s’arrêtent brutale-
tumeur). ment sur un obstacle, mieux visibles sur un cliché
obstacle lésionnel, séparés par des périodes couché
de diarrhée avec altération de l’état général. – Tumeurs du grêle bénignes ou malignes. Occlusion fonctionnelle : air dans le grêle et le côlon
On la distingue de la maladie de Images gazeuses plus qu’hydroaériques
Hirschsprung (aganglionose distale du côlon – Compression extrinsèque : carcinose
et du rectum), des pseudo-obstructions péritonéale, tumeur du mésentère). Scanner

s e c o n d a i re s ( c o l l a g é n o s e s , m a l a d i e s – Diverticules du grêle. Grêle ou côlon sus-lésionnel dilaté, plein de liquide ;


intestin sous-lésionnel collabé
endocriniennes, neurologiques, médica- – Sténoses du grêle inflammatoires et Souffrance pariétale, œdème du mésentère, anse étran-
ments, syndromes paranéoplasiques). cicatricielles. glée (closed loop)
– Pseudo-occlusion colique aiguë : le Visualisation de l’étiologie : invagination, hernie
– Autres causes : corps étrangers, iléus interne, hernie étranglée, iléus, masse extrinsèque,
syndrome d’Ogilvie est une dilatation hématome de la paroi duodénale, tumeur
biliaire, bézoards, parasitoses (ascaris),
colique sans obstruction mécanique touchant
hématomes intramuraux.
un côlon sain, se présentant comme une
colectasie aiguë sans obstacle. Il s’agit le plus Occlusions coliques contractures rencontrées parfois chez un
souvent d’un homme après 60 ans dans un patient atteint de pneumonie, dans certaines
contexte médical ou chirurgical : chirurgie – Cancers. hystéries, devant un hématome volumineux
urologique ou de la hanche, affection grave – Sigmoïdite. des droits. Le contexte est ici essentiel ainsi
respiratoire, cardiaque ou neurologique. La que la qualité de la palpation, mains
coloscopie de décompression a transformé – Volvulus.
réchauffées, à plat, chez un patient apaisé,
le pronostic. – Hernie interne. en confiance.
Occlusions mécaniques – Hernie diaphragmatique. Ces signes peuvent malheureusement
Elles sont dues à un obstacle organique. – Sténose inflammatoire, radique, isché- manquer là où ils seraient particulièrement
mique, postanastomotique, endométriosique, précieux : patient ventilé en réanimation,
– Occlusion par strangulation : c’est une
tuberculeuse, médicamenteuse. sujet âgé, fatigué, immunodéprimé. Des
grande urgence du fait de l’ischémie
– Pseudo-obstruction et syndrome signes pariétaux discrets doivent alors
tissulaire.
d’Ogilvie. alerter. Le toucher rectal est une aide
Il s’agit en général d’un volvulus du grêle
ou plus rarement du côlon, surtout droit. précieuse lorsqu’il retrouve un cul-de-sac de
– Fécalome. Douglas bombant et douloureux.
Une douleur de début brutal, continue,
associée à une défense localisée, à une Cas particuliers L’interrogatoire et l’examen clinique
tachycardie et à une fièvre modérée doit permettent bien souvent d’approcher
rendre vigilant. Classiquement, on retrouve – Occlusions fébriles : il s’agit ici, soit d’une
l’étiologie (tableau VIII). L’essentiel est de
le météorisme immobile, rénitent et strangulation avec ischémie, soit d’une
savoir poser l’indication opératoire et de
tympanique de l’anse volvulée mais ce signe suppuration abdominale (appendicite
débuter la réanimation après contrôle de
est loin d’être constant. L’abdomen sans mésocœliaque, sigmoïdite, cholécystite,
suppuration génitale, diverticule de Meckel). l’état hémodynamique.
préparation montre l’arceau gazeux de l’anse
volvulée rapidement noyé dans l’aéro-iléite – Antécédents néoplasiques et antécédents Pour mieux préciser l’indication
généralisée. radiques : la cause peut être une récidive thérapeutique, l’imagerie est très précieuse.
– Occlusion par obstruction : ici, les tumorale locorégionale, une carcinose L’existence d’un pneumopéritoine signe la
douleurs surviennent par crises, atteignant péritonéale, une lésion intestinale radique, perforation d’un organe creux. Son absence
un paroxysme en quelques minutes, puis une simple bride chirurgicale. Le scanner ne saurait l’éliminer (perforation bouchée).
décroissant lentement jusqu’à une période complète très utilement l’abdomen sans Évident lorsqu’il se traduit par un
d’accalmie. Durant les crises sont souvent préparation. v o l u m i n e u x c ro i s s a n t g a z e u x i n t e r-
visibles des ondulations péristaltiques sous – Occlusion et anticoagulants : on évoque hépatodiaphragmatique droit sur un cliché
la paroi. avant tout l’hématome intramural du grêle de coupoles debout, il peut être plus difficile
– Invagination intestinale aiguë : elle associe ou un hématome intra- ou rétropéritonéal à déceler lorsqu’il est discret sous forme
à la fois une obstruction et une ischémie par diagnostiqué à l’échographie et au scanner d’une petite image gazeuse extradigestive
gêne au retour veineux. Elle est rare chez (tableau VII). parfois seulement vue sur un cliché en
l’adulte (de 5 à 15 % des cas) et survient sur décubitus latéral gauche.
un obstacle (tumeur, diverticule de Meckel,
hyperplasie lymphoïde ou lymphome). Elle SIGNES DE PÉRITONITE Le scanner, plus largement utilisé, découvre
n’est pas spontanée comme chez l’enfant. L’irritation péritonéale provoque, par arc les pneumopéritoines discrets et apporte des
Elle peut être iléo-iléale, iléocæcale ou réflexe, la défense et la contracture éléments importants en cas de doute
colocolique uniquement en cas de défaut ab do mi n al es q u i so n t l o cal i sées o u diagnostique et lorsque l’on suspecte une
d’accolement du côlon. Cliniquement, un généralisées. Leur présence, et surtout celle collection localisée pouvant être drainée
début très brutal et la palpation d’un boudin de la contracture, est un signe majeur de électivement ou un plastron qui peut être
sont évocateurs. péritonite. Il faut se méfier des fausses traité médicalement.

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Urgences Diagnostic des douleurs abdominales aiguës 24-039-B-10

Tableau VIII. – Étiologie des péritonites. Tableau IX. – Douleurs abdominales et état Diagnostic d’une douleur
de choc. abdominale aiguë en
Péritonites primitives
Déshydratation extracellulaire : pancréatite aiguë, fonction de son siège
Pneumocoque occlusion évoluée, péritonite évoluée, infarctus mésen-
Steptocoque térique, colite aiguë grave
Tuberculose
Cette classification aide le clinicien, même si
Infection d’ascite chez le cirrhotique Anémie aiguë : ruptures splénique de grossesse extra- elle est fort schématique et d’une précision
utérine, d’anévrisme aortique, d’anévrisme d’un tronc insuffisante.
Péritonites secondaires artériel digestif, d’une tumeur hépatique, d’une
tumeur abdominale ou rétropéritonéale
Perforation gastroduodénale : ulcère, cancer, vol-
vulus Hémorragie digestive-anémie aiguë-douleur abdomi- DOULEURS
nale aiguë : fistule aortodigestive, tumeur pancréa- DE L’HYPOCONDRE DROIT
Péritonite biliaire : cholécystite, volvulus
tique (wirsungorragie), faux kyste pancréatique rompu
Foie : rupture d’abcès ou de kyste hépatique
Rate et pancréas : rupture de pseudokyste, abcès ¶ Causes extra-abdominales
splénique
(pneumopathies de la base droite)
Perforation du grêle : volvulus sur bride, maladie ¶ Masse de l’hypocondre droit
de Crohn, infarctus mésentérique, entérite nécro- Embolie pulmonaire.
sante, diverticule, ulcère, tumeur, typhoïde, tubercu- La grosse vésicule de cholécystite sur
lose, iatrogènes (chimiothérapie, corticothérapie), Pleurésie.
Meckel laquelle s’accole l’épiploon pouvant former
un plastron est une tuméfaction arrondie, Pneumothorax.
Péritonite appendiculaire par perforation ou diffu-
sion mobile avec le foie. Foie cardiaque.
Perforation colique (in situ ou diastatique) : sigmoï-
dite, cancer, colite inflammatoire (rectocolite hémor- L’hépatomégalie tumorale présente un bord Arthrite chondrocostale.
ragique, maladie de Crohn), colite ischémique, inférieur irrégulier et dur ; celle du foie Zona.
parasitaire, volvulus, érosion sur fécalome cardiaque est homogène et douloureuse.
Péritonite génitale : salpingite, abcès ovarien, nécro-
biose utérine Une masse empâtée, mal limitée, ¶ Causes biliaires
Péritonite urinaire : rupture vésicale ou de la voie douloureuse, évoque un plastron qui peut
excrétrice Radiculalgie.
ê t re v é s i c u l a i re , a p p e n d i c u l a i re o u
néoplasique (carcinome colique droit). Colique hépatique.
SIGNES DE CHOC Une tumeur rénale ou surrénale peut se Cholécystite.
Ils peuvent être discrets au début et leur révéler brutalement par thrombose veineuse, Angiocholite.
recherche est essentielle : pouls petit, rapide, hémorragie ou nécrose. On retrouve alors Cancer.
filant ; tension artérielle basse et pincée, un contact lombaire net. Volvulus.
vasoconstriction avec marbrures et oligurie. Parasitose.
Le choc ici est septique ou hypovolémique ¶ Masse épigastrique
par hémorragie (hématocrite basse) ou ¶ Causes hépatiques
déshydratation extracellulaire (hématocrite Une masse dure évoque un gros foie gauche
élevé). Il ne peut être cardiogénique que si tumoral ou cirrhotique ou une tumeur Tumeur maligne.
s’y associe une défaillance cardiaque. gastrique.
Tumeur bénigne.
Le choc hypovolémique par déshydratation Si elle est battante et surtout expansive (se
Abcès du foie.
extracellulaire associé à un syndrome méfier des battements transmis), c’est un
anévrisme de l’aorte nécessitant une prise Kyste hydatique et autres parasites.
abdominal aigu évoque avant tout la
pancréatite aiguë hémorragique et l’ischémie en charge immédiate spécialisée. Syndrome de Budd-Chiari.
mésentérique sévère. Une masse rénitente évoque un faux kyste Hépatites.
Le choc hémorragique associe les signes pancréatique (contexte clinique de
d’anémie (pâleur, dyspnée) aux signes pancréatite chronique ou pancréatite aiguë ¶ Autres causes
d’hémopéritoine (douleurs à irradiations récente) ou une lésion plus rare
Périhépatite.
scapulaires, abdomen ballonné avec (lymphangiome).
Abcès sous-phrénique ou sous-hépatique.
défense). L’essentiel est de vite
diagnostiquer une rupture d’anévrisme ou ¶ Masse sous-ombilicale Ulcère perforé bouché.
une dissection aortique. Pyélonéphrite, abcès du rein, phlegmon
Une masse médiane évoque un kyste
Le choc septique associé le plus souvent au périnéphrétique.
ovarien ou du mésentère si elle est rénitente
choc hypovolémique traduit un foyer parfois et mobile ; une tumeur maligne (carcinose
peu important, surtout chez un patient âgé, ou sarcome) si elle est dure et fixe. Deux étiologies médicales doivent être
fragile, immunodéprimé. La fièvre peut être évoquées : les affections de la base droite et
Une masse droite évoque une appendicite
remplacée par une hypothermie. Après le foie cardiaque.
pseudotumorale, une tumeur appendiculaire
prélèvements et hémocultures, on débute le
ou du cæcum ; une masse gauche évoque – Une pneumopathie ou une pleurésie
t r a i t e m e n t m é d i c a l e t o n re c h e rc h e
une sigmoïdite pseudotumorale ou un peuvent ne pas être évoquées si les signes
activement l’étiologie (tableau IX).
cancer du sigmoïde. respiratoires sont très discrets (toux,
Une masse sus-pubienne peut être un globe dyspnée). L’auscultation peut orienter mais
MASSE ABDOMINALE vésical, voussure sus-pubienne mate à la souvent, c’est le cliché thoracique qui montre
Lorsqu’on palpe une masse, il convient de percussion. Le diagnostic peut être difficile la lésion. L’échographie, à la recherche d’une
bien étudier cliniquement ce signe si le patient est âgé, obèse et présente des lithiase, peut révéler la pleurésie. Les signes
important : la masse était-elle déjà connue, mictions par regorgement. L’échographie et thoraciques peuvent cependant être dus à
est-elle le siège de la douleur la plus le sondage prudent rectifient le diagnostic une lésion sous-phrénique.
intense ? On apprécie sa position sous- d’urgence chirurgicale ou de tumeur – Le volumineux foie cardiaque de stase
cutanée, intrapariétale ou profonde intra- ou pelvienne. peut être le signe prédominant d’une
r é t ro p é r i t o n é a l e , d e m ê m e q u e s e s Chez une femme, on évoque avant tout une insuffisance cardiaque droite en poussée. Il
caractères : taille, consistance, fixité, torsion d’annexe ou une nécrobiose de donne cliniquement un tableau de
pulsatilité, réaction inflammatoire cutanée. fibrome. cholécystite. La découverte d’un reflux

21
24-039-B-10 Diagnostic des douleurs abdominales aiguës Urgences

hépatojugulaire, d’un gros foie douloureux, Anévrisme aortique ou splénique Salpingite.


de signes d’insuffisance cardiaque (cliniques, compliqué. Grossesse extra-utérine.
radiologiques et électriques) et l’échographie Hernie de la ligne blanche. Kyste ovarien.
(gros foie congestif avec dilatation veineuse,
absence de lithiase, paroi vésiculaire fine)
orientent mais une lithiase peut être DOULEURS DOULEURS LOMBAIRES
présente, la paroi vésiculaire peut être DE L’HYPOCONDRE GAUCHE
Affections rénales : colique néphrétique,
épaissie par l’œdème.
Le danger est surtout de méconnaître une ¶ Causes médicales pyélonéphrite, tumeur rénale.
affection abdominale aiguë (cholécystite Affections de la base pulmonaire : embolie, Anévrisme aortique ou dissection.
gangreneuse, ulcère perforé). pneumopathie, pleurésie, pneumothorax. Tumeur, abcès ou hématome rétropéritonéal.
– Parmi les autres étiologies, citons le Tumeur rachidienne. Affection rachidienne.
carcinome de l’angle colique droit qui donne Fractures de côtes.
un tableau de cholécystite lorsqu’il est Zona. DOULEURS HYPOGASTRIQUES
infecté. La palpation d’une masse
indépendante du foie et l’échographie Lésions urologiques : infection urinaire,
¶ Autres causes
peuvent orienter, mais au moindre doute, rétention, lithiase, prostatite.
o n r é a l i s e u n e o p a c i fi c a t i o n a u x Lésion rétropéritonéale. Lésions gynécologiques : salpingite,
hydrosolubles plutôt qu’une coloscopie. Rein : abcès, hématome, tumeur. grossesse extra-utérine, fibrome, masse
– L’appendicite sous-hépatique est de S p l é n o m é g a l i e , i n f a rc t u s s p l é n i q u e , annexielle.
diagnostic difficile ; lorsqu’elle est évoquée, anévrisme splénique, hématome Lésions digestives : appendicite pelvienne,
l’échographie et le scanner font souvent le sous-capsulaire. l ési o n c oliqu e bé n ig n e ou m a lig n e ,
diagnostic avant la cœlioscopie. Pancréatite caudale, tumeur ou faux kyste. diverticule de Meckel.
Abcès sous-phrénique gauche.
Colite.
DOULEURS ÉPIGASTRIQUES
Tumeur colique.
Diagnostic selon
¶ Causes médicales Gastrite, ulcère peptique. le terrain
Angor. Autres tumeurs de l’hypocondre gauche.
FEMME ENCEINTE
Infarctus du myocarde.
Péricardite. DOULEURS DE LA FOSSE Toute douleur abdominale est suspecte chez
ILIAQUE DROITE la femme enceinte. Le diagnostic et la
L’angor d’effort atypique et l’infarctus du conduite à tenir dépendent de l’âge de la
myocarde doivent toujours être évoqués en Appendicite (se méfier des appendicec-
tomies incomplètes). grossesse.
premier.
Adénolymphite.
¶ En début de grossesse
Infarctus du myocarde Iléite terminale.
Maladie de Crohn. Des pesanteurs pelviennes associées à des
Dans sa forme postérieure, les manifesta-
Diverticule de Meckel. vomissements peuvent évoquer une
tions abdominales sont parfois au premier
affection digestive. Il faut toujours chercher
plan : douleurs épigastriques, nausées, Carcinome du cæcum. un retard de règles, des signes sympathiques
vomissements. En l’absence de complica- Diverticulite du côlon droit. de grossesse, et doser les bêta-hCG. Une
tions cardiovasculaires (choc, troubles du
Ischémie du côlon droit. grossesse extra-utérine doit toujours être
rythme...) et si la douleur reste modérée et
Entérite. évoquée ainsi qu’un avortement spontané en
brève, le diagnostic d’infarctus peut être
se méfiant d’une forme pseudoabortive de
méconnu, d’où l’importance d’un ECG Hématome du muscle droit.
grossesse extra-utérine.
systématique et des dosages hormonaux Abcès du psoas.
( A S AT, C P K ) d e v a n t u n e d o u l e u r Anévrisme iliaque. ¶ Après le premier trimestre
épigastrique. Parfois, le dosage des
Infection urinaire.
transaminases, révélant une élévation des On évoque les causes extragynécologiques
ASAT supérieure aux ALAT, permet un Lithiase rénale. et obstétricales.
diagnostic a posteriori confirmé par l’ECG. Cystite.
Chez l’angineux connu, le diagnostic est en Torsion ou rupture d’un kyste ovarien. Causes extragynécologiques
règle facile. Abcès ovarien. L’infection urinaire est très fréquente et doit
En revanche, l’angor atypique peut être Grossesse extra-utérine. être toujours évoquée devant des signes
méconnu et il ne faut pas hésiter à vésicaux ou une douleur lombaire. L’examen
Salpingite.
demander dans le doute une épreuve cytobactériologique des urines affirme
d’effort. Hernie discale.
l ’ i n f e c t i o n e t i d e n t i fi e l e g e r m e . S i
Zona.
l’amélioration n’est pas rapide, il faut
¶ Autres causes évoquer une lithiase obstructive ou une
DOULEURS DE LA FOSSE pyélonéphrite plus fréquentes chez la femme
Gastroduodénite.
ILIAQUE GAUCHE e n c e i n t e d u f a i t d e s m o d i fi c a t i o n s
Ulcère gastroduodénal. anatomiques. L’échographie est le premier
Diverticulite.
Perforation d’ulcère. examen à demander.
Abcès diverticulaire.
Pancréatite aiguë. L ’ a p p e n d i c i t e a i g u ë e s t d i ffi c i l e à
Tumeur colique bénigne (maladie de Crohn) diagnostiquer car la région iléocæcale est
Tumeur pancréatique. ou maligne. plus profonde et plus haute. La douleur
Faux kyste pancréatique. Fécalome. siège dans l’hypocondre droit. Il est
Colique hépatique, cholécystite. Lithiase rénale. intéressant d’examiner la patiente en

22
Urgences Diagnostic des douleurs abdominales aiguës 24-039-B-10

décubitus latéral gauche pour refouler du p an cr éas) et i l f au t p en ser au x Hématomes digestifs intramuraux : survenant
l’utérus et rechercher des signes pariétaux complications vasculaires (infarctus du au cours d’un traitement par les
qui sont souvent moins nets en raison des mésentère, anévrisme). antivitamines K, ils se développent dans la
modifications hormonales. L’éloignement de – L’échographie abdominale est difficile paroi duodénale ou jéjunale. Les signes
l’épiploon et des anses grêles rend le chez les sujets âgés, soulignant l’intérêt du d’occlusion haute s’associent à une anémie.
cloisonnement difficile et les péritonites sont scanner abdominal d’indication large. C’est l’opacification et le scanner qui font le
plus fréquentes et plus graves. L’imagerie et diagnostic. Le traitement est médical.
la cœlioscopie au moindre doute évitent de – Le lavement baryté ou le lavement aux
Des précautions sont à prendre en cas
trop temporiser. hydrosolubles est parfois préféré à la
d’intervention d’urgence.
coloscopie si une indication est posée en
La lithiase biliaire peut être favorisée par la
urgence.
grossesse ; les occlusions sur brides après
laparotomie sont favorisées par la croissance ÉTHYLIQUE CHRONIQUE
PATIENT SOUS ANTICOAGULANTS
de l’utérus. Diagnostics à évoquer :
Les accidents sont favorisés par un
Signalons des complications rares mais – ulcère gastroduodénal aigu ou perforé ;
surdosage (selon les cas : temps de céphaline
graves (tableau de collapsus hémorragique) :
supérieur à quatre fois le témoin, anti-Xa – ascite de début brutal ou infectée ;
rupture d’un anévrisme, ou d’une dysplasie
supérieur à 2 UI/mL, taux de prothrombine
artérielle splénique ou rénale, d’une tumeur – hépatite alcoolique aiguë ;
inférieur à 15 %) et notamment par les
hépatique.
polymédications : anti-inflammatoires non – pancréatite aiguë ou chronique ;
stéroïdiens ou hypocholestérolémiants qui
Causes obstétricales – hépatocarcinome ;
potentialisent les effets des antivitamines K.
Les contractions utérines font évoquer Même en l’absence de surdosage, il faut – thrombose portale ;
l’avortement spontané avant la 28e semaine, évoquer un hématome des parties molles, – traumatisme de l’abdomen (rupture de
la menace d’accouchement prématuré entre de la gaine des droits ou du psoas, rate).
la 28e et la fin de la 38e semaine, le début de intramural du grêle ou du côlon, L’interrogatoire et l’examen sont souvent
travail après la 38e semaine. rétropéritonéal. difficiles. Les pièges les plus fréquents sont :
L’hématome rétroplacentaire survient chez L’h é m a t o m e r é t ro p é r i t o n é a l se révèle
une multipare au troisième trimestre. Le brutalement par une violente douleur de la – l’hépatite alcoolique aiguë qui peut
tableau aigu associe douleurs abdominales fosse iliaque irradiant vers la fosse lombaire, simuler une urgence chirurgicale
violentes, vomissements, état de choc, associée à un météorisme et des (cholécystite aiguë) ;
métrorragies. L’interrogatoire recherche une vomissements. L’examen retrouve un – la poussée d’ascite avec iléus et tension
hypertension artérielle, une prise de poids, empâtement et un contact de la fosse pariétale douloureuse ;
des œdèmes ; l’examen clinique retrouve une lombaire. L’anémie est importante et une
contracture utérine permanente. Les bruits – l’hématome sous-capsulaire du foie ou de
instabilité hémodynamique peut survenir
du cœur sont le plus souvent absents. Au la rate par trouble de coagulation ou
vite. L’échographie et le scanner font le
toucher vaginal, le segment inférieur est traumatisme méconnu ;
diagnostic et recherchent une tumeur rénale,
tendu, le col est rigide, plus ou moins dilaté, surrénale ou rétropéritonéale à l’origine du – le diagnostic entre infection spontanée
les membranes sont tendues. Le diagnostic saignement. d’ascite et péritonite.
est vite évoqué mais le tableau peut être L’hématome de la gaine du psoas se révèle par
moins typique. une douleur iliaque ou inguinale irradiant
INSUFFISANT RÉNAL
La rupture utérine survient plus souvent lors vers la face interne de cuisse, la hanche et la
du travail mais pendant la grossesse, il faut fosse lombaire. On note un psoïtis, une Les douleurs abdominales qui sont
l’évoquer devant des douleurs avec signes masse ilio-inguinale, des signes d’atteinte fréquentes sont liées à la cause, l’insuffisance
de choc, disparition des bruits du cœur et crurale : troubles moteurs (paralysie du rénale elle-même, le type d’épuration, les
changement de forme de l’utérus. quadriceps, abolition du réflexe rotulien, thérapeutiques, tout cela sur un terrain
Dans les suites de couches, les douleurs troubles sensitifs). C’est une urgence fragile (anémie, troubles de la coagulation,
pelviennes accompagnées de métrorragies thérapeutique (décompression). immunodépression).
doivent inquiéter si elles persistent et Hématome de la gaine des droits : sa survenue Citons d’abord les complications rénales :
s’accompagnent de fièvre. Il faut alors rapide peut évoquer un tableau hémorragie ou infection d’un kyste, colique
évoquer infection ou rétention placentaire. pseudochirurgical. L’hématome siège néphrétique par lithiase, caillot ou nécrose
préférentiellement entre l’ombilic et la papillaire, pyélonéphrite, phlegmon
symphyse pubienne. Il complique périnéphrétique, pyonéphrose.
SUJET ÂGÉ
électivement les troubles de la crase Complications de la dialyse : chez le dialysé,
L’erreur et le retard diagnostiques sont bien sanguine et les traitements anticoagulants au les troubles métaboliques, les gastrites et le
sûr préjudiciables mais des difficultés long cours, surtout en cas de surdosage en re fl u x g a s t ro - œ s o p h a g i e n f r é q u e n t s
spécifiques aux sujets âgés rendent la tâche antivitamines K. Cependant, il peut expliquent bon nombre de douleurs
difficile. Cela est dû à cinq raisons : l’étendue compliquer un traumatisme abdominal ou abdominales. Peuvent également survenir
des pathologies possibles, l’importance des d e s e ff o r t s r é p é t é s d e t o u x o u d e des pancréatites, des ulcères coliques, des
antécédents souvent chargés et des vomissements. perforations digestives.
thérapeutiques souvent lourdes, le délai L’examen clinique trouve une douleur Des péritonites encapsulantes ont été
entre le début des troubles et la consultation, élective à la palpation des droits pouvant décrites après dialyse péritonéale.
la difficulté de l’interrogatoire et le caractère simuler une défense. C’est surtout la
atypique des signes cliniques. palpation d’une masse ferme, inchangée par
La pathologie biliaire est très fréquente la contraction volontaire, qui oriente le SYNDROME D’IMMUNODÉFICIENCE
(20 %). L’appendicite revêt une forme diagnostic. L’échographie peut être très ACQUISE
volontiers occlusive ou tumorale ; une évocatrice. Le scanner fait le diagnostic en Le tube digestif est fréquemment atteint. Les
tumeur colique droite peut souvent se montrant une masse hyperdense en arrière lésions sont infectieuses ou tumorales. Les
révéler ainsi. Des douleurs non spécifiques des muscles droits. L’IRM est parfois infections sont mycotiques (œsophagite à
doivent être soigneusement explorées car la nécessaire dans les formes chroniques où Candida) ou virales (herpès, cytomégalo-
pathologie néoplasique est fréquente (cancer l’hématome est en voie de résorption. virus) provoquant œsophagite,

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24-039-B-10 Diagnostic des douleurs abdominales aiguës Urgences

gastroduodénite, pancréatite, hépatite, ANTI-INFLAMMATOIRES


NON STÉROÏDIENS
Références
cholécystite, entérocolite nécrosante.
Les tumeurs sont soit des lymphomes La survenue de douleurs épigastriques ou
provoquant occlusions et perforations, soit abdominales parfois associées à des troubles [1] Abdominal emergencies. Surg Clin North Am 1994 ; 77
(n° 6)
des sarcomes de Kaposi qui se compliquent du transit doit orienter vers :
[2] Accarino A, Azpiroz F, Malagelada JR. Selective dysfunction
souvent d’hémopéritoines. – une gastroduodénite aiguë ; of mechanosensitive intestinal afferents in irritable bowel
syndrome. Gastroenterology 1995 ; 108 : 636-643
Chez ces patients immunodéprimés, des – un ulcère gastroduodénal ou une [3] ARC-AURC. Les syndromes douloureux aigus de l’abdo-
tableaux pseudochirurgicaux doivent être perforation d’ulcère ; men. Étude prospective multicentrique. Nouv Presse Méd
étroitement surveillés avant toute décision 1981 ; 10 : 3771-3773
chirurgicale hâtive. – une sigmoïdite diverticulaire ; [4] Bouree P. Parasitoses. In : Godeau P, éd. Traité de méde-
cine. Paris : Flammarion, 1996 : 1655-1696
– des complications intestinales : ulcère
colique, diaphragme ou sténose dans les [5] Bruel JM, Taourel P, Pradel J, Mattei-Gazagne M, Lopez FM,
Fabre JM. Urgences abdominales non traumatiques de
PATIENT SOUS TRAITEMENT traitements chroniques. l’adulte. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Radiodiagnostic-
PARTICULIER Appareil digestif, 33-705-A-10, 1995 : 1-26
[6] Champault G, Lauroy J. La laparoscopie dans les urgences
¶ Chimiothérapie DIABÉTIQUE abdominales non traumatiques : 343 cas. J Cœlio Chir
1995 : 14 : 32-38
Nous avons déjà évoqué l’acidocétose.
Des épisodes de vomissements fréquents [7] Champault G, Lauroy J. Que deviennent les syndromes
provoquent des œsophagites parfois sévères. Des atteintes neurologiques polyradiculaires douloureux abdominaux d’origine inexpliquée ? Ann Chir
peuvent se traduire par un syndrome sensitif 1996 ; 50 : 258-262
Certains produits comme l’adriamycine
algique mimant un zona ou une urgence [8] Coffin B, Bouhassira D, Jian R. Sensibilité viscérale et trou-
provoquent des réactions pancréatiques bles fonctionnels digestifs. Gastroentérol Clin Biol 1998 ; 22 :
variables. Les complications les plus graves chirurgicale. B109-B117

sont surtout les perforations intestinales sous La cholécystite et la pyélonéphrite [9] De Dombal FT. Diagnosis of acute abdominal pain.
Edinburgh : Churchill Livingstone, 1991 ; 1-259
chimiothérapie et les problèmes septiques ou emphysémateuse à Clostridium sont assez
spécifiques du diabétique. [10] Fagniez PL, Houssin D. Pathologie chirurgicale. Chirurgie
hémorragiques chez des patients aplasiques. digestive et thoracique. Paris : Masson, 1991
[11] Flamant Y. Douleurs abdominales aiguës de l’adulte. Encycl
¶ Corticothérapie Méd Chir (Elsevier, Paris), Gastroentérologie, 9-001-B-10,
Conclusion 1995 : 1-10
Chez les patients sous corticoïdes peuvent [12] Flamant Y, Lacaine F, Hay JM, Maillard JN. Syndromes dou-
se compliquer des affections latentes telles L’interrogatoire et l’examen clinique menés loureux aigus de l’abdomen. Aide au diagnostic par ordi-
nateur. Nouv Presse Méd 1981 ; 10 : 3767-3769
une cholécystite, une sigmoïdite, dont le par un praticien expérimenté sont essentiels et
permettent très souvent un diagnostic avant [13] Gastrointestinal emergencies. Med Clin North Am 1993 ; 77
tableau abâtardi risque d’égarer. L’ulcère (n° 5)
gastroduodénal doit être prévenu mais la tout examen complémentaire. Quinze pour [14] Klein KE, Mellinkoff SM. Approach to the patient with
perforation de diagnostic difficile est un cent des patients hospitalisés en urgence abdominal pain. In : Yamada T ed. Textbook of gastroen-
nécessitent un geste chirurgical. Ce sont eux terology. Philadelphia : JB Lippincott, 1991 : 660-681
risque réel.
qu’il faut vite explorer pour éviter tout retard [15] Lamkosa A. Disorders of the rectus abdominis muscle and
sheath. Am J Gastroenterol 1995 ; 90 : 1313-1317
¶ Antiretrovirus aggravant le pronostic. Dans les cas difficiles,
[16] Malchow-Moller A, Bjerregaard B, Hilden J. Computer-
l’imagerie, notamment le scanner, prend une assisted diagnosis in gastroenterology. Scand J Gastroente-
Tous les traitements sont potentiellement plus grande place. rol [suppl] 1996 ; 216 : 225-233
responsables de douleurs abdominales. Les Une grande partie de ces syndromes sont [17] Peppercorn MA, Herzog AG. The spectrum of abdominal
epilepsy in adults. Am J Gastroenterol 1989 ; 84 : 1294-1296
inhibiteurs de la reverse transcriptase peuvent spontanément résolutifs et plus de 90 % sont
[18] Sultan S, Bellaïche G. Douleurs abdominales d’origine
se compliquer de pancréatite aiguë, parfois dus à des affections peu nombreuses et bien métabolique et systémique. Gastroentérol Clin Biol 1998 ;
mortelle. connues. 22 : B118-B125

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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 24-040-A-10

24-040-A-10

Diarrhées aiguës infectieuses


D Carre
JC Chapalain Résumé. – Les diarrhées aiguës infectieuses constituent, de par leur grande fréquence, un problème
JM Debonne important de santé publique. Elles sont responsables de 5 à 10 millions/an de morts dans les pays en voie de
F Klotz développement, dont une majorité d’enfants. Dans les pays développés, elles constituent un motif fréquent de
consultation et la mortalité est beaucoup plus faible, estimée aux États-Unis à 500 enfants/an. Les progrès
importants effectués au cours des deux dernières décennies dans leur prise en charge thérapeutique,
notamment en matière de réhydratation, ont entraîné une nette diminution de la mortalité dans les pays en
voie de développement. Celle-ci, en revanche, est restée relativement stable dans les pays développés. La prise
en charge d’une diarrhée aiguë doit en pratique prendre en compte divers facteurs, dont sa fréquence et le
coût économique potentiellement élevé d’explorations paracliniques pour une affection d’évolution le plus
souvent spontanément favorable. Ces données imposent au clinicien une démarche raisonnée qui va
s’appuyer sur de « véritables poteaux indicateurs » : les données épidémiologiques, anamnestiques et
cliniques. Ces éléments vont permettre d’approcher le mécanisme physiopathologique, de choisir les
éventuelles explorations complémentaires jugées nécessaires car susceptibles d’influencer le traitement ou la
prévention de la récidive. Dans les autres cas, le traitement est purement symptomatique.
© 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : diarrhées aiguës, diarrhées infectieuses, toxi-infections alimentaires, diarrhées du voyageur,


diarrhées des antibiotiques, homosexuel, virus de l’immunodéficience humaine, sida,
réhydratation.

Introduction Étiopathogénie
[25]
La diarrhée se définit comme l’apparition brutale de selles trop FLORE INTESTINALE
nombreuses (dépassant trois exonérations non moulées/j) et trop Le tube digestif humain est colonisé par une population de 1014
abondantes (dépassant en théorie 300 g/j). Son caractère aigu est micro-organismes (cent mille milliards). Elle est représentée par plus
affirmé par le début brutal, un volume de selles important, son de 400 espèces et peut être subdivisée en flore normale ou résidente,
évolution le plus souvent favorable en quelques jours (spontanément et en flore de passage ou de transit. La flore résidente est souvent
ou sous traitement), l’épisode ayant duré moins de 14 jours en divisée en flore dominante et sous-dominante.
général. La flore dominante regroupe une vingtaine d’espèces anaérobies
(1010 ufc/g de selles) (ufc : unités formant colonies) et est constituée
Au-delà, elle est considérée comme diarrhée persistante [32]. Cette
essentiellement de bacilles à Gram négatif non sporulés où le genre
notion de durée des diarrhées aiguës est encore débattue, certains
Bacteroides prédomine. Des bacilles à Gram positif (Eubacterium,
auteurs retenant un délai maximal de 1 mois [1].
Clostridium perfringens...) et des coccis à Gram positif
Dans la majorité des cas, elles sont d’origine infectieuse, (Peptostreptococcus...) sont également retrouvés.
principalement bactériennes et virales. Les autres étiologies, La flore sous-dominante est constituée de bactéries aéro-anaérobies
parasitaires et fungiques, sont plus rares. Le nombre de germes facultatives (10 7 ufc/g de selles), incluant entérobactéries et
impliqués ne cesse d’augmenter au fil des années (tableau I). streptocoques. À côté de cette flore résidente, la flore de transit,
d’une densité bien inférieure (105 -106 ufc/g de selles) à l’état
Nous nous limitons à la conduite à tenir pratique face à une diarrhée
normal, regroupe des espèces variées : entérobactéries (Citrobacter,
aiguë infectieuse, sans détailler les germes incriminés qui ont fait
Proteus, Klebsiella...), Pseudomonas, Staphylococcus aureus et
l’objet de mises au point détaillées dans ce traité de maladies epidermidis, Candida albicans. En dehors de tout phénomène
infectieuses. pathologique, cette flore n’exprime pas de pouvoir pathogène.
La flore commensale représente un véritable écosystème où
coexistent des interactions entre les micro-organismes et entre les
Dominique Carre : Spécialiste des hôpitaux des Armées. micro-organismes et l’hôte qui les héberge.
Jean-Marc Debonne : Professeur agrégé du Val-de-Grâce, chef de service.
Service de pathologie digestive, hôpital d’instruction des Armées A Laveran, 13998 Marseille, France. Cet écosystème intestinal, outre de nombreuses fonctions, possède
Jean-Claude Chapalain : Spécialiste des hôpitaux des Armées, service de biologie médicale. la capacité de s’opposer à l’implantation et à la multiplication des
Francis Klotz : Professeur agrégé du Val-de-Grâce, chef du service de pathologie digestive.
Hôpital d’instruction des Armées Clermont-Tonnerre, rue du Colonel-Fonferrier, BP 41, 29240 Brest-Naval, bactéries exogènes à l’origine du concept d’effet barrière ou de
France. résistance à la colonisation [4]. En effet, au sein de cette flore, de

Toute référence à cet article doit porter la mention : Carre D, Chapalain JC, Debonne JM et Klotz F. Diarrhées aiguës infectieuses. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés),
Maladies infectieuses, 8-003-V-10, Urgences, 24-040-A-10, 2001, 16 p.
24-040-A-10 Diarrhées aiguës infectieuses Urgences

Tableau I. – Germes responsables de diarrhées aiguës (d’après [1] modifié).

Bactéries Virus Parasites

Salmonella Rotavirus Giardia lamblia


Shigella Norwalk virus Entamoeba histolytica
Campylobacter Norwalk-like virus Cryptosporidium
Escherichia coli entérotoxinogène Adénovirus entérique Cyclospora
Escherichia coli entéropathogène Calicivirus Schistosoma (phase d’invasion)
Escherichia coli entérohémorragique Astrovirus Isospora belli
Escherichia coli entéro-invasif Petits virus ronds
Yersinia Coronavirus
Clostridium difficile Herpès simplex virus
Clostridium perfringens Cytomégalovirus
Staphylococcus aureus
Bacillus cereus
Vibrio
Chlamydia
Treponema pallidum
Neisseria gonorrhoeae
Aeromonas
Plesiomonas shigelloides

nombreux phénomènes synergiques et inhibiteurs coexistent : Les bactéries peuvent adhérer aux entérocytes au moyen de
compétition pour les substrats et les sites d’attachements, production structures ou adhésines sous forme de fimbriae (appendice
de bactériocines, de métabolites toxiques, d’acides gras volatils par filamenteux rigide), de fibrillae (appendice filamenteux non rigide)
les anaérobies pouvant inhiber d’autres bactéries, synergie par ou d’adhésines non filamenteuses. Elles sont très nombreuses,
l’échange de métabolites et de facteurs de croissance. Il convient de particulièrement étudiées chez Escherichia coli, et peuvent être
ne pas restreindre ce rôle de barrière microbiologique par rapport désignées sous différentes appellations : colonization factor antigen
au rôle des autres barrières et de leur interactivité : barrière (CFA), coli surface antigen (CSA). Elles sont codées et régulées par
physicochimique et barrière immunologique (immunoglobulines [Ig] des gènes organisés en opéron et le plus souvent portés par un
sécrétoires et cellules immunocompétentes regroupées en tissu plasmide. Hétérogènes, elles peuvent être distinguées
lymphoïde). morphologiquement, sérologiquement, et par la spécificité du
récepteur. Si certaines fimbriae sont ubiquitaires, d’autres sont
MÉCANISME spécifiques à certains tissus. Les fimbriae sont constituées de la
répétition de plusieurs sous-unités protidiques dont certaines sont
Schématiquement, pour qu’un micro-organisme puisse exercer un des composants structuraux majeurs alors que d’autres, en minorité,
pouvoir pathogène, il est nécessaire qu’un inoculum minimum interviennent dans la reconnaissance du récepteur cellulaire. Au
infectant de l’agent soit ingéré. Pour parvenir au niveau de la cellule niveau de la cellule cible, les ligands reconnus par les adhésines
cible, cet agent pathogène doit ensuite vaincre la flore de barrière, fimbriaires sont des oses ou des osamines (résidus contenant du
franchir le film de mucus et posséder l’information nécessaire pour D-mannose) impliquées dans la structure de glycopeptides ou de
ensuite adhérer aux entérocytes. L’adhérence, outre des phénomènes glycolipides de la membrane cytoplasmique.
physiques, se matérialise par la fixation de fimbriae, codées par des
gènes le plus souvent plasmidiques, sur des récepteurs adéquats. Pour les E. coli entéropathogènes (EPEC), l’adhésion aux cellules
Cette étape franchie, la muqueuse épithéliale peut être colonisée, et épithéliales se fait par le biais d’un enchevêtrement de pili flexibles,
l’agent pathogène a la possibilité d’exprimer ses facteurs de les bundle forming pili (BFP), suivi d’une destruction des
pathogénicité spécifiques. Les agents entéropathogènes, en fonction microvillosités (phénomène d’attachement-effacement A/E).
de l’information génétique dont ils disposent, vont interférer dans Un des intérêts de la connaissance de la structure des adhésines
les mécanismes physiologiquement normaux de régulation des bactériennes est leur rôle potentiel d’antigènes capables d’induire
mouvements d’eau et d’électrolytes, en prenant le contrôle une immunité protectrice.
intracelullaire de la régulation de la concentration en adénosine
monophosphate cyclique (AMPc), de la guanosine monophosphate ¶ Toxinogenèse
cyclique (GMPc), de la concentration intracellulaire en ions Ca++, ou Les mécanismes de pathogénicité de certaines bactéries adhérentes
en modifiant l’architecture du cytosquelette de l’entérocyte [19]. aux entérocytes impliquent la sécrétion de toxines de différents
Les manifestations cliniques sont liées soit à un phénomène types.
purement invasif avec envahissement des cellules intestinales,
multiplication in situ et destruction de celles-ci, et/ou production Entérotoxines
de toxines cytotoniques altérant temporairement les cellules et ayant Celles qui sont directement impliquées dans les diarrhées aqueuses
un effet sécrétoire ou de toxines cytotoxiques altérant ou tuant la dues aux E. coli entérotoxinogènes (ETEC) appartiennent à deux
cellule. catégories : les entérotoxines thermolabiles (LT) ou thermostables
¶ Phénomène d’intoxination (ST).
Les entérotoxines LT (LT I et LT II) des ETEC sont des entérotoxines
Il correspond au phénomène d’absorption d’une toxine cytotoxiques voisines de la toxine produite par Vibrio cholerae et de
préalablement formée dans l’aliment avant son ingestion. celles produites par d’autres bactéries comme Aeromonas hydrophila,
Campylobacter jejuni, Salmonella typhimurium. Ces toxines agissent
¶ Facteurs d’adhésion
au niveau de la cellule cible en augmentant la production d’AMPc.
L’adhésion est un mécanisme général qui permet aux micro- Les entérotoxines LT des ETEC sont des protéines formées d’un
organismes, dans un biotope donné, de survivre et d’utiliser de polypeptide A, portant l’activité enzymatique et lié de façon non
manière optimale les nutriments, mais aussi d’exprimer leurs covalente à un pentamère de sous-unités B responsable de la fixation
facteurs de virulence. de la toxine avec le récepteur membranaire. Le récepteur

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Urgences Diarrhées aiguës infectieuses 24-040-A-10

membranaire est le monosialoganglioside GM1 (comme pour la composants de la jonction intercellulaire permet le passage d’une
toxine cholérique) qui est exprimé sur de nombreux tissus, mais en cellule à une autre [20]. Cette multiplication intracellulaire rapide et
particulier à la surface des entérocytes. Après pénétration, la sous- l’accès aux cellules adjacentes entraînent la mort de la cellule hôte.
unité A est clivée et la libération d’un fragment A1 va catalyser Il s’ensuit une importante inflammation de la muqueuse,
l’acide adénosine diphosphate (ADP), ribosylation NAD-dépendante accompagnée d’une diarrhée sanglante et mucopurulente.
de la cible cellulaire. L’activation du système adénylcyclase a pour Dans la shigellose, l’inflammation débute très précocement. Dès que
corollaire la transformation d’acide adénosine triphosphate (ATP) en Shigella est phagocytée par les macrophages, la bactérie déclenche
AMPc, avec pour conséquence une augmentation de la sécrétion chez ceux-ci la libération d’interleukine (IL) 1b qui altère
d’ions Cl− et une absence de résorption d’ions Na+ et Cl− à l’origine l’imperméabilité de la barrière intestinale et provoque la mort des
d’une fuite passive d’eau vers la lumière intestinale. Les gènes macrophages par phénomène d’apoptose.
codant pour les toxines LT sont situés sur des plasmides.
Les entérotoxines ST (ST I et ST II) des ETEC, dont les gènes codants Invasion cellulaire sans destruction
sont situés sur des plasmides, sont des polypeptides riches en Après adhésion sur les entérocytes et les épithéliums associés aux
cystéine et en pont disulfure. En se fixant au niveau de la bordure follicules lymphoïdes, en particulier les cellules M, certaines
en « brosse » des cellules épithéliales du jéjunum et de l’iléon, elles bactéries comme les salmonelles sont internalisées par un système
stimulent une guanylate cyclase cellulaire, avec pour conséquence actine-dépendant. Elles se multiplient peu dans le cytoplasme, ne
une augmentation de la sécrétion des ions Cl− et une inhibition de lysent pas leur vacuole de phagocytose, et accèdent à la lamina
l’absorption des ions Na+ se traduisant par une fuite hydrique propria. À ce niveau, elles sont phagocytées par les macrophages
importante. Contrairement aux entérotoxines LT, elles sont peu dans lesquels elles survivent, se multiplient et rejoignent les
immunogènes. Des entérotoxines ST ont été également décrites pour ganglions mésentériques.
V. cholerae non O1, Yersinia enterocolitica et Citrobacter freundii et Selon certains auteurs, S. typhimurium induirait une production d’IL,
pour certaines souches d’E. coli entéroagrégatifs (toxines EAST-1). ainsi qu’un phénomène d’apoptose chez les macrophages qu’elle
infecte. Une des conséquences pourrait être l’altération de la barrière
Cytotoxines intestinale favorisant ainsi le processus invasif.
Les E. coli entérohémorragiques (EHEC) synthétisent deux toxines Yersinia enterocolitica traverse de même les cellules M par
ayant un support génétique d’origine phagique (contrairement à la endocytose, mais résiste à la phagocytose et permet la multiplication
toxine Shiga). En raison de leur homologie avec la toxine de Shiga de la bactérie dans les tissus grâce à la présence d’un plasmide de
dysenteriae, elles sont appelées Shiga-like toxin I et II (SLT I, SLT II), virulence pYV. Sur ce plasmide, les gènes (gènes yop) sont un des
mais aussi vérotoxines car elles sont cytotoxiques in vitro pour les supports de la pathogénicité de la bactérie (résistance au
cellules Véro. complément, inhibition de la phagocytose et cytotoxicité).
Elles sont formées d’une sous-unité A et d’une sous-unité B, cette
dernière étant responsable de la fixation de la toxine sur un
récepteur de la membrane cellulaire, le dimère Galb1-4Glc-céramide,
Physiopathologie
rentrant dans la composition du glycolipide Gb3. Après fixation de Les diarrhées aiguës témoignent d’une infection du tube digestif par
la sous-unité B, les toxines sont endocytées et la sous-unité A est divers modes : soit par une contamination directe féco-orale (par
clivée, libérant un fragment A1 dans le cytoplasme cellule cible ; il manuportage) à partir de selles (animales ou humaines selon les
en résulte une inhibition de la synthèse des protéines de la cellule germes en cause) qui constituent le réservoir habituel de germes
cible par une N-glycosidase qui va hydrolyser l’acide ribonucléique pathogènes ; soit par l’ingestion de denrées alimentaires et/ou d’eau
(ARN) ribosomal 28S. contenant des micro-organismes (ou leur toxine). Sous les tropiques,
Le glycolipide Gb3 est non seulement présent sur les entérocytes, les mouches constituent un facteur de contamination de
mais également sur d’autres cellules endothéliales rénales, l’alimentation considéré comme secondaire. L’homme contaminé ne
vasculaires, pancréatiques, ainsi qu’au niveau du système nerveux va pas systématiquement présenter une diarrhée. L’expression
central, expliquant les différents signes cliniques. clinique va dépendre en pratique de deux facteurs :
Clostridium difficile produit une entérotoxine A mais aussi une – d’une part, de la virulence du germe et donc de la dose
cytotoxine B. Après pénétration intracellulaire, elles vont provoquer infestante [43]. Certains germes, tels que les shigelles, très virulentes,
une désorganisation du cytosquelette et modifier le fonctionnement provoquent une infection du tube digestif avec quelques centaines
de la jonction intercellulaire. de germes seulement, tandis qu’il faut un inoculum moyen de 109
salmonelles pour entraîner une infection du tube digestif dans près
¶ Invasion des cellules de l’hôte de 100 % des cas. Pour d’autres germes, notamment E. coli,
Elle représente un moyen d’accès à l’organisme et d’échappement à l’inoculum est variable ;
ses défenses. Certains micro-organismes ont le potentiel d’envahir – d’autre part, de l’organisme qui dispose de moyens de défense,
les cellules et de les détruire (Shigella), d’autres n’utilisent la cellule notamment la flore de barrière, l’acidité gastrique, la motricité
que comme moyen de transport pour être pris éventuellement en intestinale qui s’oppose à l’adhésion des germes, le système
charge ensuite par les macrophages (Salmonella, Yersinia). lymphoïde. Pour un même inoculum, la présentation clinique et
l’évolution sont très variables selon le terrain (tableau II). Le jeune
Invasion cellulaire suivie d’une destruction enfant est donc particulièrement sensible aux infections du tube
Shigella possède un grand plasmide de virulence qui code pour un digestif, particulièrement entre 6 et 11 mois, soit après la période où
phénotype de type invasif. Après adhésion aux cellules épithéliales il est protégé par les anticorps maternels. La fréquence des diarrhées
coliques, l’activation du système Mxi/Spa permet la libération de diminue ensuite au fur et à mesure qu’il grandit, par maturation du
plusieurs protéines, et particulièrement des protéines IpaB et IpaC système immunitaire. La personne âgée (de plus de 75 ans) est
qui sont à l’origine d’une réorganisation massive du cytosquelette. particulièrement vulnérable à l’infection, du fait à la fois des
modifications physiologiques induites par le vieillissement et des
Cette réorganisation est à l’origine de l’entrée de la bactérie dans la maladies fréquentes à cet âge.
cellule par pinocytose. Dans la cellule, la bactérie lyse la vacuole
d’endocytose et est libérée dans le cytoplasme. À ce stade, De nombreux germes sont responsables de diarrhées aiguës par des
l’expression à un pôle de la bactérie d’une protéine de membrane mécanismes variables permettant ainsi de distinguer
externe (IcsA), permet de provoquer la polymérisation de l’actine, schématiquement deux formes anatomocliniques :
ce qui se traduit par une colonisation du cytoplasme de la cellule – les diarrhées dites « invasives » entraînent des lésions muqueuses
épithéliale. L’utilisation ensuite comme transporteurs des (ulcérations superficielles, œdèmes et hémorragies). Le mode

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24-040-A-10 Diarrhées aiguës infectieuses Urgences

Tableau II. – Facteurs liés à l’hôte susceptibles d’engager le pronostic en cas de diarrhée infectieuse sévère.

Fragilité - Liée à l’âge ou à l’état physiologique : enfants (6 ans), sujet âgé, femme enceinte
- Liée à une hypochlorydrie : gastrectomisé ou prise d’antisécrétoires
- Liée à un traitement inhibant le péristaltisme intestinal : opiacés, neuroleptiques

Tares viscérales - Diabète, insuffisance cardiaque ou rénale, cirrhose, colite inflammatoire, prothèse valvulaire cardiaque
- Déficit immunitaire : hypogammaglobulinémie, déficit en IgA, sida
- Traitement pour lequel tout trouble ionique est potentiellement grave : digitalique, antiarythmique, lithium

Ig : immunoglobulines ; sida : syndrome d’immunodéficience acquise.

Tableau III. – Principales caractéristiques cliniques et étiologiques des diarrhées aiguës hydroélectrolytiques pures ou invasives.

Diarrhées hydroélectrolytiques pures Diarrhées invasives

Mécanisme Diarrhées sécrétoires Invasion muqueuse


Glaires, sang 0 0 à +++
Fièvre 0à+ + à +++
Déshydratation + à +++ ±

Agents infectieux en cause


• Bactéries
Salmonelles, shigelles, Yersinia sp., Campylobacter + +++
Escherichia coli + +++
entérohémorragique (EHEC) + +++
entéro-invasif (EIEC) + +++
entéropathogène (EPEC) +++ 0
entérotoxinogène (ETEC) +++ 0
Clostridium perfringens +++ 0
Bacillus cereus +++ 0
Aeromonas hydrophyla +++ +
Staphylococcus +++ 0
• Virus
rotavirus, adénovirus, virus Norwalk, calicivirus, astrovirus +++ 0
• Parasites
Entamoeba histolytica ++ ++
Cryptosporidium sp. +++ 0
Giardia intestinalis +++ 0
Isospora belli ++ 0
Schistosoma mansoni (phase d’invasion) +++ ++

d’action est soit direct (la bactérie envahit la muqueuse et la détruit, phénomène observé avec les virus (rotavirus, virus Norwalk) ou les
par exemple au cours d’infections à shigelles ou à E. Coli entéro- parasites (Giardia, cryptosporidies) [27].
invasif [EIEC]), soit indirect par le biais de toxines (infections par Dans ce cas, les virus infectent les entérocytes matures qui vont être
exemple à EHEC ou à C. difficile). L’évolution locale dépend ensuite détruits et peu à peu remplacés par des entérocytes jeunes n’ayant
de sa virulence et de la réponse de l’hôte qui, si elle est insuffisante, pas terminé leur processus de maturation. Ceux-ci ont alors une
permet le franchissement de la lamina propria et l’atteinte pariétale. capacité d’absorption moindre, ce qui tend à entretenir la diarrhée
La nécrose cellulaire conduit à la formation d’abcès de parois et donc et donc la déshydratation. En effet, il existe normalement une
à des ulcérations responsables de diarrhées sanglantes, avec parfois sécrétion et une absorption de plus de 10 L/j à partir des villosités
fausses membranes. Ces formes affectent principalement le côlon. de l’intestin grêle. Seuls 100 mL environ sont perdus par jour dans
Certains germes, notamment les salmonelles, peuvent avoir un les selles.
passage systémique (salmonelloses mineures-typhoïde) par Les diarrhées sécrétoires témoignent d’un profond déséquilibre entre
phénomène d’invasion cellulaire et gagnent la circulation générale. ces deux mécanismes, responsable d’une sécrétion très importante,
Ces diarrhées sont typiquement responsables d’émissions dépassant les mécanismes d’absorption, expliquant des pertes
glairosanglantes avec des selles peu nombreuses et comportent liquidiennes supérieures à 200 g/j (en pratique dépassant souvent
presque toujours un syndrome fébrile. Elles peuvent être précédées 1 L/j). Les selles sont ainsi riches en électrolytes (la concentration de
de diarrhées fécales sans émission anormale mais comportant des sodium est de 60 à 120 mEq/L et au maximum proche de la
leucocytes et des hématies à l’examen microbiologique dès lors qu’il concentration plasmatique). Les diarrhées par malabsorption sont
existe suffisamment de lésions muqueuses. Les principales bactéries liées à des lésions de l’entérocyte (au niveau des villosités). La non-
en cause sont Shigella sp., Salmonella, Campylobacter sp. et Yersinia. absorption de nutriments est à l’origine de la concentration en
D’autres germes peuvent provoquer des diarrhées invasives, mais sodium plus faible (environ 30 à 40 mEq/L) et de l’osmolalité plus
par le biais de toxines (notamment Shigella, E. coli avec SLT, C. élevée de la selle. Ces formes se traduisent cliniquement par des
difficile par libération de toxines A et B) ; diarrhées hydriques sans fièvre, avec parfois des vomissements, des
– les diarrhées dites « hydriques » sont dans la majorité des cas de douleurs abdominales (liées à l’« inondation » brutale de l’intestin
type sécrétoire, toxinogènes, plus rarement exclusivement de type grêle, particulièrement visible chez l’enfant). Elles exposent à un
osmotique (chez l’enfant) et souvent mixtes [32]. Elles traduisent dans risque de déshydratation, d’acidose (par perte des bicarbonates),
les deux cas un mode d’action essentiellement sur la partie avec parallèlement une hypokaliémie.
proximale du grêle, notamment le jéjunum. Elles résultent soit de Cette distinction très théorique n’est pas utilisable en pratique, car
l’adhésion du micro-organisme sur l’entérocyte, permettant l’action non spécifique du mécanisme. En effet, des diarrhées invasives
de sa toxine (V. cholerae, ETEC, infections à S. aureus ou à Bacillus peuvent prendre parfois le « masque » de diarrhées hydriques
cereus), soit de l’envahissement de l’entérocyte par le germe, (tableau III), avec quelquefois des co-infections. Enfin, certains

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Urgences Diarrhées aiguës infectieuses 24-040-A-10

germes ont un mode d’action « mixte », tel que les shigelloses qui APPROCHE CLINIQUE
peuvent provoquer dans un premier temps une diarrhée de type L’aspect des selles est variable selon le type de diarrhée : hydrique,
sécrétoire au niveau du jéjunum, et dans un second temps de type sous forme de selles liquides fécales ou aqueuses, ou bien glaireuse
invasif par effet cytopathogène direct sur la muqueuse colique. et/ou sanglante, avec parfois présence de pus témoignant d’un
Enfin, la recherche de leucocytes à l’examen microscopique des selles mécanisme invasif. Leur abondance est estimée par le nombre de
au cours de diarrhées invasives peut être négative, quelquefois selles par jour (élevé à partir schématiquement de six émissions) [17].
lorsque ceux-ci sont détruits dans la lumière intestinale [27]. Elle est surtout utile pour apprécier le risque de déshydratation.
Ce phénomène a été observé avec certains germes, notamment les Enfin, il faut préciser la date de début qui permet d’estimer sa durée
shigelles et C. difficile, ainsi qu’au cours d’amibiases coliques et son lien éventuel avec un repas.
(Entamoeba histolytica histolytica). La symptomatologie associée définit la forme clinique de diarrhée.
– Les vomissements sont observés dans les gastroentérites aiguës
Épidémiologie virales et les diarrhées par phénomène toxinique (diarrhées à
staphylocoques ou à B. cereus). Ils augmentent considérablement le
Les caractéristiques épidémiologiques des diarrhées infectieuses sont risque de déshydratation.
mieux connues dans les pays développés où la fréquence des – Les douleurs abdominales, lorsqu’elles sont localisées, constituent
diarrhées est faible et les moyens épidémiologiques importants, que un élément d’orientation. Ainsi, celles qui prédominent à la fosse
dans les pays en voie de développement où leur grande fréquence iliaque droite orientent plutôt vers une infection à Y. enterocolitica
et l’absence de moyens amènent souvent à des estimations. ou à S. typhi.
En pratique, beaucoup de facteurs vont influencer les résultats des – La présence d’émissions glaireuses et/ou sanglantes avec parfois
études, notamment le niveau d’hygiène et d’éducation sanitaire de du pus, accompagnées de douleurs abdominales, d’épreintes et de
la population, le type de climat, la saison au cours de laquelle l’étude ténesme, définit le syndrome dysentérique. Il est fréquemment observé
est effectuée, le type d’alimentation, la tranche d’âge étudiée et au cours d’infections à Shigella sp., à Campylobacter et sous les
surtout la périodicité du recueil des informations (bihebdomadaire, tropiques en cas d’amibiase colique.
hebdomadaire) [9].
– La présence de fièvre, bien que non spécifique du type de
Les deux principaux facteurs sont le niveau d’hygiène de la
mécanisme, est plus volontiers observée dans les diarrhées
population étudiée et le type de climat. Ils expliquent la grande
invasives. Elle apporte un élément supplémentaire en faveur de la
fréquence des diarrhées dans les pays chauds au sein d’une
sévérité de l’infection et aggrave la déshydratation. Elle est observée
population souvent polyparasitée, leur répartition différente (50 %
dans divers type de diarrhées, qu’elles soient bactériennes
sont d’origine bactérienne dans les pays en voie de développement
(notamment à shigelles, salmonelles ou à Campylobacter) ou virales
contre un tiers dans les pays développés), leur expression parfois
(notamment virus Norwalk).
modifiée du fait de l’endémie. Les shigelloses provoquent des
diarrhées aiguës, quelquefois sévères, pour un inoculum assez faible.
Dans les pays de haute endémicité, elles peuvent être totalement Ces éléments permettent ainsi d’individualiser les trois grands
asymptomatiques chez l’enfant (après l’âge de 2 ans) [37]. La cible cadres à partir des données cliniques :
principale des diarrhées aiguës infectieuses est la personne fragilisée, – les diarrhées hydriques, afécales, sans émissions anormales, avec
donc particulièrement le jeune enfant de moins de 5 ans et les sujets peu de douleurs abdominales, correspondant à une toxi-
âgés.
infection digestive sans lésion de la muqueuse intestinale : elles
Globalement, l’incidence des diarrhées est particulièrement élevée ne justifient pas d’explorations complémentaires ;
chez le jeune enfant, maximale entre 6 et 11 mois, atteignant dans – les diarrhées liquides et fécales, avec souvent fièvre,
les pays développés cinq épisodes par an, et décroît ensuite avec
vomissements et douleurs abdominales, traduisent une
l’âge (pour une moyenne de un à deux épisodes par an). Celle-ci est
gastroentérite aiguë dont le mécanisme peut être invasif mais
beaucoup plus importante dans les pays en voie de développement,
sans destruction muqueuse. Des explorations microbiologiques
voisine de plus de dix épisodes par an chez l’enfant de moins de 2
ans (et jusqu’à cinq fois supérieure dans certaines zone rurales du peuvent être nécessaires.
Brésil) [9]. – les diarrhées dysentériformes qui imposent des explorations
microbiologiques des selles, voire une rectoscopie.
L’ensemble de ces données explique les importantes différences de
mortalité observées entre pays développés et en voie de
développement, surtout au cours de la première année de la vie, L’environnement dans lequel survient cette diarrhée est un élément
atteignant respectivement des chiffres moyens de 3,9 décès pour déterminant dans la prise en charge. La présence d’un contexte
100 000 aux États-Unis contre 8 à 50 décès pour 1 000, soit un rapport particulier tel qu’un séjour outre-mer récent, la prise d’antibiotiques,
de plus de 1 000 [15]. la notion de toxi-infection alimentaire (TIA), l’homosexualité, la
L’analyse des données de plusieurs séries dans la décennie 1980- présence d’un déficit immunitaire, conduisent à proposer des
1990 montre une décroissance progressive de la mortalité moyenne explorations complémentaires, notamment microbiologiques. Leur
depuis 20 ans, essentiellement chez les enfants de moins de 5 ans, rentabilité est meilleure et surtout leurs résultats sont susceptibles
en Afrique, en Amérique du Sud en en Asie du Sud-Est [9]. Le taux de modifier l’attitude thérapeutique. Certaines tares viscérales
reste toutefois stable dans certains pays tels que le sud du Soudan. peuvent favoriser certaines infections digestives qu’il faut alors
Cette mortalité a considérablement diminué grâce au traitement privilégier : déficit en IgA et lambliase, achlorydrie et salmonellose,
précoce de la déshydratation de l’enfant, facteur essentiel de patient transplanté et infection à cytomégalovirus (CMV), syndrome
mortalité infantile, démontrée au Brésil. La mortalité dans les pays d’immunodéficience acquise (sida) et cryptosporidies,
développés est à l’inverse relativement stable. drépanocytose et salmonelloses.
Dès cette étape, certains diagnostics doivent être écartés, de par leur
fréquence ou leur urgence, avant de retenir le diagnostic de
Démarche diagnostique diarrhées infectieuses aiguës par infection entérale :

L’approche d’une diarrhée aiguë impose dans un premier temps – chez le jeune enfant ou le nourrisson, une méningite, une otite ou
d’affirmer le diagnostic par l’interrogatoire, puis de rechercher les une infection urinaire ;
signes de gravité avant d’envisager l’approche de son étiologie [1, 12, – chez le voyageur au retour des tropiques, l’accès palustre, même
17, 32, 35]
. si une chimioprophylaxie a été correctement suivie ;

5
24-040-A-10 Diarrhées aiguës infectieuses Urgences

– chez le sujet âgé, beaucoup d’affections peuvent prendre le cet épisode infectieux (tableau II). Elle impose une adaptation de la
« masque » d’une diarrhée aiguë infectieuse, notamment la colite surveillance et l’élargissement éventuel des explorations biologiques
ischémique, responsable de plus de douleurs abdominales avec (contrôle de la glycémie...).
rectorragies, les « ventres chirurgicaux » trompeurs du sujet âgé
(péritonite) avec « pseudodiarrhées » ;
DEUX GRANDS CADRES NOSOLOGIQUES
– enfin, les causes médicamenteuses, très fréquentes, notamment les – La diarrhée de type hydrique (incluant ici la gastroentérite aiguë),
médicaments à visée cardiaque (digitaliques, quinidiniques), isolée, sans signe de gravité et bien tolérée, est la plus fréquente.
vasculaire (ticlopidine, Cyclo 3t), digestive (cisapride), Son évolution est presque toujours favorable et ne justifie en
rhumatologiques (anti-inflammatoires non stéroïdiens, diacerhéine). pratique qu’un traitement symptomatique. S’ils étaient demandés,
les résultats des prélèvements microbiologiques des selles
parviendraient au clinicien alors que l’épisode diarrhéique a
SIGNES DE GRAVITÉ
totalement régressé. Les explorations microbiologiques ne sont
La gravité de la diarrhée dépend de sa forme clinique et du terrain justifiées que si cette diarrhée persiste plus de 3 jours.
sur laquelle elle survient.
– La diarrhée de type invasif (ou survenant sur terrain fragile ou dans
Les diarrhées hydriques abondantes exposent à un risque de un contexte particulier) nécessite des explorations notamment
déshydratation, surtout aux extrêmes de la vie. Elles comportent en microbiologiques car susceptibles de modifier l’attitude
général peu ou pas de fièvre, des douleurs abdominales modérées, thérapeutique (cf infra).
parfois des vomissements, inconstants, qui aggravent la
déshydratation. Celle-ci est essentiellement extracellulaire. Elle
associe une hypotonie bilatérale et inconstante des globes occulaires, Modalités et place des examens
une fontanelle déprimée (chez le nourrisson), un pli cutané (région complémentaires
sous-claviculaire, face interne des cuisses, région sous-orbitaire) et
une oligurie (davantage liée à la déshydratation qu’à une
insuffisance rénale vraie). Les formes sévères comportent une EXPLORATIONS DE LABORATOIRE
tachycardie et une hypotension artérielle, témoignant de La qualité du résultat final passe dans tous les cas par des modalités
l’hypovolémie. Elle peut s’associer à une déshydratation de prélèvement et de transport adéquates.
intracellulaire (sensation de soif, sécheresse de la langue et dans les Les échantillons sont recueillis dans un pot stérile et acheminés
formes sévères, troubles de conscience jusqu’au coma). L’évaluation rapidement au laboratoire. Idéalement, les ensemencements doivent
de la perte pondérale est capitale chez l’enfant car elle constitue un être réalisés dans les 2 heures ; à défaut, ils peuvent être conservés à
repère important pour le traitement. Une perte pondérale de 0 à 5 % + 4 °C au maximum durant 12 heures. Un délai dans la réalisation
traduit une déshydratation modérée, autorisant une réhydratation des ensemencements et une conservation à température ambiante
orale. Entre 5 et 10 %, la réhydratation orale est urgente (parentérale favorisent une acidification nocive à de nombreux micro-organismes
en cas de vomissements), et enfin, au-delà de 10 %, la réhydratation ou peuvent entraîner la prolifération de certains agents de la flore
parentérale est urgente. Ces données doivent en pratique suffire commensale. Dans certains cas (suspicion d’amibiase intestinale
pour débuter une réhydratation. Les examens complémentaires, aiguë), il est préférable que la selle soit recueillie directement au
lorsqu’ils sont possibles, montrent une hémoconcentration avec laboratoire. Si une recherche particulière est envisagée à l’aide
insuffisance rénale fonctionnelle, et dans les formes plus sévères une d’outils de biologie moléculaire, il convient de prendre
acidose avec hypokaliémie. Ces examens ne doivent pas retarder le préalablement contact avec le laboratoire spécialisé afin de connaître
début de la réhydratation, notamment en cas de diarrhée sécrétoire les modalités de conservation et de transport. Dans tous les cas, les
(choléra) où la déshydratation est rapide. L’évolution peut être éléments cliniques et/ou épidémiologiques doivent être précisés afin
émaillée, malgré une réhydratation, d’une hypoprotidémie et d’une d’orienter utilement les recherches.
malabsorption transitoire. Par ailleurs, le coût est un autre élément qui doit être pris en compte,
Les diarrhées dysentériformes sont d’autant plus sévères qu’il existe en sachant que depuis le 1er juillet 1999, la valeur du B est de 1,76 F.
un contexte fébrile. Elles sont secondaires dans la majorité des cas à
des bactéries entéro-invasives. Malgré une évolution souvent ¶ Diagnostic bactériologique des diarrhées infectieuses
bénigne, elles peuvent se compliquer de sepsis infectieux avec aiguës
bactériémie, voire à un choc toxi-infectieux ou à une hémorragie
digestive. Le syndrome hémolytique et urémique est observé au Coproculture
cours des shigelloses et surtout des infections à E. coli O157-H7. Ces – Coproculture standard (B180). Elle comprend de manière
diarrhées justifient en pratique des explorations microbiologiques systématique la réalisation d’un état frais, d’une coloration de Gram
(coproculture-hémocultures en cas de fièvre), un hémogramme, et et/ou au bleu de méthylène. Ils permettent de visualiser l’absence
une rectoscopie qui montre des ulcérations dans plus de 60 % des ou la présence de leucocytes, traduisant dans ce dernier cas une
cas en cas d’émissions glairosanglantes [39]. infection liée à des germes invasifs ou à des germes non invasifs
Ces deux formes peuvent se compliquer d’une colite aiguë sévère altérant la muqueuse par le biais de toxines, la présence d’une flore
associant des diarrhées fébriles souvent sanglantes, des douleurs déséquilibrée (à l’état normal, la flore est constituée par un quart de
abdominales, une altération importante de l’état général, un bactéries à Gram négatif et trois quarts de bactéries à Gram positif).
météorisme douloureux. Elles imposent la réalisation en urgence Par ailleurs, la présence de certains germes ayant une mobilité ou
d’un cliché d’abdomen sans préparation, à la recherche d’une une morphologie évocatrice peut orienter la coproculture. En
colectasie (distension du côlon transverse ou du côlon droit l’absence de renseignements clinicoépidémiologiques particuliers,
dépassant 6 cm), d’explorations microbiologiques des selles, des un ensemencement systématique est réalisé sur milieux sélectifs
examens biologiques dont un hémogramme (polynucléose pour rechercher les bactéries suivantes : Salmonella sp., Shigella sp.,
fréquente), des hémocultures, une rectoscopie en urgence. La prise Campylobacter sp. et Yersinia sp.
en charge thérapeutique doit être précoce (comportant en outre une – Coproculture orientée (B60 par bactérie supplémentaire). En
antibiothérapie large, associée ou non selon contexte à des fonction du contexte clinique et/ou épidémiologique, des cultures
amoebicides). spécifiques peuvent être demandées : recherche de E. coli O157-H7,
La gravité des diarrhées aiguës est liée enfin à la présence d’un de C. difficile, de Klebsiella oxytoca, de V. cholerae...
terrain fragilisé, notamment aux extrêmes de la vie ou bien en raison Si la coproculture ne pose pas de problème technique particulier,
de tares viscérales susceptibles d’être décompensées à l’occasion de elle peut se révéler faussement négative car l’agent pathogène n’est

6
Urgences Diarrhées aiguës infectieuses 24-040-A-10

plus présent dans la flore fécale ou est sous-dominant, et qu’il coloration lors de la recherche de formes kystiques. Cet examen est
n’existe pas de méthodes d’enrichissement disponibles. Par ailleurs, à même de mettre en évidence une majorité de protozoaires ou
nos connaissances en matière de bactéries entéropathogènes sont d’helminthes agents de maladies diarrhéiques. Si les examens
certainement partielles et certaines bactéries réputées commensales, parasitologiques des selles ont une excellente valeur diagnostique,
donc non retenues sur une coproculture, peuvent être incriminées un examen négatif doit pouvoir être rapporté au caractère
(C. freundii producteur de toxines STa [23] , Enterobacter cloacae intermittent des éliminations parasitaires et faire renouveler
producteurs de cytotoxines SLT II [36]). De même, la coproculture ne l’examen.
représente pas la méthode la plus adaptée pour faire le diagnostic La recherche de certains agents parasitaires relève de méthodes ou
des différents pathovars d’EPEC. de colorations particulières ou nécessite un examinateur averti
(microsporidies), et leur réalisation demande une orientation
Recherche d’antigènes bactériens clinicoépidémiologique de la part du clinicien : méthode d’extraction
Elle peut être réalisée dans certains cas (C. difficile) à l’aide de de Baermann (B25) pour les larves d’anguillules, recherche de
méthodes immunoenzymatiques (B70) directement au niveau des Cryptosporidium sp. après coloration par la technique d’Henriksen
selles, mais la présence d’un antigène n’est pas nécessairement (B60) ou immunofluorescence.
corrélée avec la pathogénicité de la souche. Des tests enzyme-linked
Autres méthodes
immunosorbent assay (Elisa) sont commercialisés pour détecter au
niveau des selles l’antigène O157 des EHEC. Pour d’autres E. coli, la Des tests immunologiques (immunofluorescence, méthodes
recherche des antigènes O et H ne doit pas être utilisée comme immunoenzymatiques) ont été commercialisés pour la recherche des
marqueur isolé d’identification, car si la présence de certains de ces cryptosporidies et de Giardia lamblia. Par technique Elisa, il est
antigènes est parfois corrélée avec certaines symptomatologies possible de porter directement sur les selles un diagnostic
cliniques, ils ne signent pas un processus de virulence. D’autre part, d’amibiase et de différencier E. histolytica et Entamoeba dispar.
l’extrême variabilité de certains sérotypes (ETEC), et l’instabilité de Les techniques de biologie moléculaire ont pu être développées, en
certains plasmides portant les gènes de pathogénicité ont été à particulier chez les sujets immunodéprimés dans le cadre de
l’origine du développement d’autres méthodes de diagnostic. pauciparasitémie : méthode d’amplification génique par PCR pour
la détection de Cryptosporidium, de E. histolytica, des microsporidies
Recherche des facteurs de virulence [21, 31] (Enterocytozoon sp., Encephalitozoon sp.). Ces méthodes de détection
L’utilisation des anticorps monoclonaux, l’essor des techniques de basées sur la PCR ne sont pas encore standardisées et n’ont pas
biologie moléculaire, ont permis des avancées rapides au niveau du souvent fait l’objet d’études comparatives.
diagnostic par la recherche des facteurs de virulence. Certaines Examens sérologiques
techniques sont directement applicables sur les selles, d’autres
passent par un isolement bactérien préalable. Ils sont d’un intérêt limité en particulier pour les parasites localisés
dans la lumière intestinale. Parmi les helminthiases, ces méthodes
– Détection de toxine : diverses toxines peuvent être recherchées, concernent les trichinoses et les bilharzioses.
toxine A (voire A et B) de C. difficile par méthode
immunoenzymatique, toxines STa et LT-1 des ETEC par ¶ Diagnostic virologique des diarrhées infectieuses
agglutination sur billes de latex ou Elisa, toxines Stx1 et 2 des EHEC aiguës
par Elisa, entérotoxine de C. perfringens, entérotoxines
Culture cellulaire
staphylococciques A, B, C et D, toxines de B. cereus par agglutination
passive reverse de particules de latex. La culture (B150) n’est pas une méthode utilisable pour le diagnostic
en routine car de nombreuses souches sont difficilement cultivables
– Détection de plasmides de virulence comme le plasmide EAF des
(adénovirus entériques, astrovirus), ou non cultivables sur systèmes
EPEC.
cellulaires (calicivirus).
– Détection de gènes codant pour les toxines : polymerase chain
reaction (PCR) et hybridation pour recherche des gènes codant pour Microscopie électronique
les toxines STa et LT-1 des ETEC, PCR pour les gènes stx et du eae L’utilisation de la microscopie électronique (B200) ou de
des EHEC. l’immunomicroscopie électronique (B250) nécessite un matériel
– Détection de gènes codant pour des invasines par PCR : gènes ipa coûteux et reste l’apanage de centres spécialisés. Outre les
des EIEC. contraintes techniques, elle nécessite que le virus soit présent dans
les selles en quantité suffisante (supérieure à 105 particules/mL).
D’autres techniques peuvent être utilisées pour mettre en évidence
Cette technique n’est pas envisageable dans le cadre d’un diagnostic
des facteurs de virulence : recherche de l’activité cytotoxique sur
de routine.
culture cellulaire Véro ou HeLa et séroneutralisation (E. coli
producteurs de SLT, C. difficile), mais ces techniques sont lourdes à Méthodes immunologiques
mettre en œuvre. L’utilisation des anticorps monoclonaux ou polyclonaux représente
certainement la méthode la plus abordable en pratique courante.
Sérologie
Différentes techniques commercialisées permettent la recherche
Si les sérologies sont le plus souvent inutiles dans le diagnostic des directe d’antigènes viraux dans les selles : test d’agglutination à
diarrhées aiguës, dans certains cas de diarrhée infectieuse aiguë, la l’aide de particules de latex sensibilisées (B20) pour les rotavirus et
responsabilité d’un agent pathogène peut être obtenue de manière les adénovirus ; réactions immunoenzymatiques (Elisa) pour les
indirecte par la recherche d’IgA, d’IgM ou d’IgG. Dans le cadre du rotavirus, adénovirus, astrovirus et calicivirus ; techniques
diagnostic du syndrome hémolytique et urémique chez l’enfant, une d’immunofluorescence. D’une manière générale, les tests
réponse significative en anticorps dirigés contre les sérogroupes d’E. d’agglutination sur particules de latex possèdent une sensibilité
coli producteurs de vérotoxines (VTEC) peut être mise en évidence. moins élevée que celle obtenue à l’aide des tests
immunoenzymatiques. Certains latex, en particulier pour la
¶ Diagnostic parasitologique des diarrhées infectieuses recherche des antigènes des adénovirus, ne sont pas spécifiques des
aiguës adénovirus entériques de sérotypes 40 et 41.
Examen parasitologique des selles Biologie moléculaire
L’examen parasitologique standard (B60 à B145) est fondé Les techniques d’hybridation sont peu développées et restent moins
principalement sur l’examen direct des selles à l’état frais, suivi sensibles que les tests. Elisa. L’amplification du génome viral par
d’une méthode de concentration, et complété d’une méthode de PCR ou par rétrotranscription avant amplification pour les virus à

7
24-040-A-10 Diarrhées aiguës infectieuses Urgences

Tableau IV. – Valeur des signes histologiques dans les colites [14].

Lésions histologiques Colites infectieuses RCH Crohn

Inflammation
PN intraépithéliaux + +++ +
PN dans le chorion +++ ± -
Lymphoplasmocytes ± +++ ++

Œdème ++ ± ±

Glandes
Désorganisation architecturale - +++ ±
Déplétion en mucus + +++ ±
Abcès cryptiques ++ (superficiels) +++ (à tous niveaux) - à ++

Granulomes
Épithélioïdes - - ++
Microgranulomes ± - ++

PN : polynucléaires neutrophiles ; RCH : rectocolite hémorragique.

ARN (RT-PCR) reste possible à des fins diagnostiques (rotavirus, ENDOSCOPIE ET PRÉLÈVEMENTS
adénovirus, astrovirus, calicivirus, coronavirus), mais ne relève pas La rectosigmoïdoscopie au tube souple est un geste simple, peu
encore de la pratique courante (les PCR ou RT-PCR pour les virus invasif, qui permet l’exploration du rectum et du sigmoïde, la
entéropathogènes sont hors nomenclature). progression au-delà étant souvent douloureuse. Elle est indiquée en
cas de diarrhées glairosanglantes ou en cas de suspicion de diarrhées
¶ Indications des antibiotiques. Au cours des diarrhées fébriles, elle est utile
lorsque les prélèvements microbiologiques sont négatifs. Cet examen
Si une recherche étiologique était faite dans tous les cas de diarrhées
méconnaît par conséquent toutes les atteintes du côlon droit
aiguës, il en résulterait une dépense d’environ 2 milliards de francs
observées au cours de colites à K. oxytoca, à EHEC, à Y. enterocolitica,
par an, avec un rendement diagnostic inférieur à 1 % [6]. D’autre part,
et enfin à C. jejuni. Dix pour cent des colites pseudomenbraneuses
de nombreuses diarrhées sont spontanément résolutives, d’autres ne
(CPM) sont localisées au côlon droit. La coloscopie est un examen
relèvent que d’un traitement symptomatique, d’où la nécessité de
nécessitant une préparation colique préalable, réalisé dans la
prescrire un examen de selles sur des bases rationnelles.
majorité des cas sous anesthésie générale et non dénué de risques
Les indications sont les suivantes : (notamment de perforation). Elle est donc proposée en seconde
intention (en l’absence de mégacôlon toxique), lorsque les premiers
– sujet ayant des signes cliniques évocateurs de diarrhée invasive
examens ne sont pas contributifs et/ou qu’il existe un doute sur une
(syndrome dysentérique, émissions sanglantes), diarrhée
colite inflammatoire à son début.
accompagnée d’une fièvre élevée (supérieure à 38,5 °C) ;
Les aspects endoscopiques sont très variables, allant de la muqueuse
– diarrhée survenant dans un contexte particulier : diarrhée du normale, érythémateuse, purpurique, jusqu’aux ulcérations plus ou
voyageur, diarrhée après prise d’antibiotiques, diarrhée de moins confluentes (de tout type, avec même quelquefois des aspects
l’homosexuel ; aphtoïdes), avec ou sans fausses membranes. La rentabilité de la
– diarrhées dans un contexte épidémique ou anadémique dans rectosigmoïdoscopie et de la coloscopie est variable. Des ulcérations
lesquelles des mesures correctives peuvent résulter : diarrhées sont notées chez 65 % des malades présentant des émissions
nosocomiales, diarrhées communautaires (crèches..), toxi-infection glairosanglantes et dans 30 % des diarrhées fébriles [38]. Toutefois,
alimentaire collective (TIAC) ; l’isolement d’une entérobactérie dans les selles n’est pas corrélé à la
présence de lésions muqueuses. Ces lésions ne sont pas spécifiques
– diarrhée chez des patients fragiles (grand âge, baisse des défenses d’une étiologie, sauf en cas de CPM qui atteste d’une infection à C.
telles que l’achlorhydrie) ou de tares viscérales sous-jacentes difficile, ou dans de rares cas d’ulcérations en « coup d’ongle »
évoluées (tableau II) ; évocatrices d’amibiase colique. Enfin, certains aspects endoscopiques
– terrain d’immunodépression (sida, hémopathies, corticothérapie observés au cours de colites infectieuses peuvent simuler une
générale, traitements immunosuppresseurs) ; entérocolite inflammatoire à son début : maladie de Crohn iléale et
infection à Y. enterocolitica, ou bien rectocolite hémorragique et
– diarrhée hydrique persistant plus de 3 jours malgré un traitement
infection, notamment à Shigella.
symptomatique bien conduit.
Divers types de prélèvements sont possibles lors de l’endoscopie,
imposant d’une part d’orienter l’endoscopiste et d’autre part de
¶ En pratique
prévenir le laboratoire afin que les prélèvements soient exploités dès
Si de nombreuses techniques ont été actuellement développées leur arrivée en biologie.
(méthodes immunologiques, PCR), les méthodes traditionnelles Les biopsies destinées à une étude histologique sont mises dans du
(coproculture standard et/ou orientée, examen parasitologique des liquide de Bouin (ou dans le formol neutre) ; celles pour enquête
selles) restent encore les méthodes « piliers » du diagnostic. Depuis bactériologique et donc pour mise en culture, dans un flacon stérile ;
quelques années, des tests immunologiques viennent celles destinées à une étude parasitologique dans du sérum
progressivement s’intégrer parmi les méthodes du diagnostic en physiologique. La rectoscopie au tube rigide permet un
routine. D’autres méthodes, surtout les méthodes de biologie écouvillonnage rectal utile à la recherche d’amibes.
moléculaire, restent encore d’utilisation confidentielle, même si elles Les données histologiques sont surtout utiles pour différencier une
commencent à se démocratiser, dans le diagnostic des agents colite infectieuse d’une colite inflammatoire (tableau IV). Parmi
entéropathogènes, et demeurent pour le moment l’apanage des celles-ci, l’infiltrat à polynucléaires du chorion et l’absence de
centres de recherche ou des centres spécialisés. désorganisation architecturale constituent les éléments les plus
Peu de trousses diagnostiques sont actuellement commercialisées et caractéristiques d’une colite infectieuse par des germes entéro-
il reste encore des mises au point à faire pour déterminer les amorces invasifs. L’atteinte du collet des glandes est évocatrice. Les autres
et les conditions optimales d’utilisation. aspects histologiques sont moins spécifiques. Les lésions épithéliales

8
Urgences Diarrhées aiguës infectieuses 24-040-A-10

1 Prise en charge clinique d’une diarrhée aiguë.


Diarrhée aiguë NFS : numération formule sanguine.

Diarrhée hydroélectrolytique Diarrhée liquide fécale Syndrome dysentérique

Coproculture
Examen parasitologique
Bilan hydroélectrolytique
NFS
Rectosigmoïdoscopie
(histologie, culture,
recherche de parasites)
Durée < 72 heures Durée > 72 heures
Absence de fièvre Température > 39 °C
Absence de déshydratation Terrain fragile
Déshydratation

Guérison
sans bilan étiologique

associant une « cryptite » (présence de polynucléaires entre les DIARRHÉE AIGUË DANS UN CONTEXTE ÉPIDÉMIQUE
cellules sans destruction de la crypte) et des abcès cryptiques sont Une coproculture est dans ce cas toujours nécessaire afin d’essayer
plus rares qu’au cours de la rectocolite hémorragique et d’en limiter l’extension, principalement dans les collectivités.
prédominent dans la moitié supérieure de la muqueuse.
Bien souvent, l’histologie est moins évocatrice, se résumant à ¶ Épidémies dans les petites collectivités
l’extrême à un aspect inflammatoire non spécifique. Les
prélèvements doivent donc être multipliés, les lésions étant Des épidémies de gastroentérites sont plus fréquemment observées
inégalement réparties. L’importance des lésions histologiques n’est dans les petites collectivités. Chez l’enfant, elles sont fréquentes dans
pas corrélée à la présence de germes à la coproculture. Dans les cas les écoles, les crèches, les services de pédiatrie. Elles sont
douteux avec une colite inflammatoire, c’est le suivi endoscopique essentiellement d’origine virale (rotavirus). Le diagnostic est posé
qui apporte des arguments en faveur d’une origine infectieuse, les par l’utilisation de trousses de détection immunoenzymatiques
lésions disparaissant alors en général en moins de 3 semaines (et (Elisa). Chez les sujets âgés, environ 34 à 40 % des épidémies
toujours en moins de 3 mois). seraient d’origine virale, principalement à rotavirus et virus
Lorsqu’une infection à CMV est suspectée, il faut rechercher les Norwalk.
inclusions cytomégaliques intranucléaires caractéristiques en
histologie. ¶ Toxi-infections alimentaires
Sur le plan microbiologique, l’écouvillonage rectal et le prélèvement Les TIA témoignent d’une infection du tube digestif par des aliments
de sérosité au fond d’une ulcération permettent la mise en évidence contaminés. Le diagnostic est le plus souvent posé devant la
d’E. histolytica histolytica, seule forme pathogène d’amibiase. Ils survenue de plusieurs cas définissant les TIAC (apparition d’au
imposent leur acheminement rapide au laboratoire pour pouvoir moins deux cas groupés, similaires, d’une symptomatologie
observer des formes vivantes. Concernant les prélèvements à visée digestive dont on peut rapporter la cause à une même origine
bactériologique, la culture de biopsies est surtout rentable pour alimentaire). La fréquence des TIA est très probablement sous-
rechercher des germes rarement mis en évidence par coproculture estimée en France. En 1992, 732 foyers ont déclaré une TIAC, ce qui
tels que K. oxytoca et les germes intracellulaires [38]. Ces prélèvements représentait une population de 12 020 personnes [42]. Les aliments le
permettent aussi la mise en évidence d’entérobactéries avec un bon plus souvent en cause sont classiquement les aliments crus, le lait,
rendement diagnostique. les volailles, les œufs, les crudités. Certaines modes culinaires
L’endoscopie haute n’est pas indiquée dans l’exploration courante expliquent l’émergence de cas de TIA à partir de lait non pasteurisé,
des diarrhées infectieuses aiguës et a un rendement faible. Elle est de coquillages ou de crustacés, de poissons crus ou peu cuits.
utile à la recherche de parasites, notamment de lamblia, Les tableaux cliniques observés relèvent des deux mécanismes
d’anguillules et de cryptosporidies (par des biopsies duodénales). précédemment décrits, avec dans ces formes une prédominance de
formes toxiniques. L’enquête étiologique repose sur l’analyse de la
Ambiance dans laquelle survient forme clinique, du délai de survenue entre la diarrhée et le repas
supposé contaminant (tableau V), les denrées consommées. En cas
la diarrhée et bilan étiologique [29]
de diarrhées avec vomissements survenant dans un délai de 6
heures après le repas, il faut suspecter une ingestion de la toxine de
DIARRHÉE SPORADIQUE S. aureus ou de B. cereus [18].
Le cheminement diagnostique est résumé sur la figure 1. Les Le même tableau survenant 8 à 14 heures après le repas évoque une
diarrhées hydriques sont en majorité d’origine virale (rotavirus chez infection à C. perfringens. Lorsque la symptomatologie survient dans
l’enfant et virus Norwalk chez l’adulte), ou bactérienne, sécrétant un délai dépassant 14 heures, avec vomissements au premier plan,
une entérotoxine. Ces diarrhées peuvent être fébriles et évoluent le il s’agit plutôt d’une entérite virale (essentiellement à rotavirus).
plus souvent favorablement en quelques jours. Elles ne justifient Enfin, la présence de fièvre ou de diarrhées sanglantes impose la
donc initialement aucune exploration microbiologique. En cas de recherche en priorité d’une diarrhée à germes invasifs tels que
diarrhée fébrile de plus de 3 jours, de syndrome dysentérique, une Shigella, Salmonella ou Campylobacter sp. Les infections à EHEC
coproculture est indiquée à la recherche de salmonelles, shigelles, entraînent des diarrhées sanglantes mais en général sans fièvre.
Yersinia, Campylobacter. En cas de diarrhée sévère, une coproculture Dans les grandes collectivités, l’analyse bactériologique des produits
peut être discutée, son rendement étant dans ce cas toutefois utilisés permet une documentation bactériologique qu’il faut ensuite
médiocre. confronter à la présentation clinique. Dans 66 % des cas en

9
24-040-A-10 Diarrhées aiguës infectieuses Urgences

Tableau V. – Caractéristiques des principales diarrhées aiguës bactériennes et virales [12, 42, 43].

Diarrhées bactériennes aiguës de type hydroélectrolytique

Germes Distribution géogra- Transmission Réservoir Délai d’incubation Symptomatologie Complications


phique
(1) Cosmopolite (Extrême- Eaux (coquillages, pois- Poissons, homme Quelques heures à quel- Fièvre, douleurs abdo- Septicémie, mégacôlon
Aeromonas
Orient) sons) ques jours minales, diarrhées
Contact direct
(2) Cosmopolite Cuisine chinoise (riz frit) - 2 à 3 heures Nausées, vomissements
Bacillus cereus
Bouillons (viandes, 8 à 16 heures Diarrhées, douleurs
légumes) abdominales

Clostridium perfringens
(2)

• type A Cosmopolite Viande, abats, plats cui- Sol 8 à 22 heures Diarrhées, douleurs Rare
sinés abdominales, fièvre et
vomissements rares
• type C Porc mal cuit Sol 24 heures Douleurs abdominales 40 % de décès ++
++ et fièvre

Escherichia coli
• Entérotoxinogène Cosmopolite Salades, eaux Homme, animaux 1 à 2 jours Douleurs abdominales,
fièvre (30 %)
• Entéropathogène Cosmopolite Aliments, eaux Homme, animaux 1 à 2 jours Diarrhées, douleurs Fièvre prolongée
abdominales, vomisse-
ments
(2) Cosmopolite Jambon, charcuterie, Homme 2 à 6 heures Vomissements, douleurs
Staphyloccocus aureus
pâtisseries, laitages abdominales, diarrhées

Vibrio cholerae (2) Asie (delta du Gange) Eaux, aliments, porcs Homme 1 à 3 jours Vomissements, douleurs Vibrio cholerae non 0 : 1
sains abdominales, diarrhées
Diarrhées sanglantes
(25 %)

Vibrio parahaemolyticus Japon, États-Unis, tiers- Fruits de mer Poissons 2 à 48 heures Diarrhées, fièvre, vomis-
(1, 2) monde sements, douleurs abdo-
minales

Diarrhées aiguës virales

Type de virus Répartition Incubation Tableau clinique Durée

Rotavirus (virus à ARN) Première cause de diarrhée aiguë virale chez l’enfant. 1 à 3 jours Diarrhée profuse, vomissements, fièvre fréquente, 4 à 7 jours
Adultes moins souvent atteints (transmission de symptomatologie respiratoire inconstante
l’enfant à l’entourage adulte). Diarrhées du voya-
geur. Contamination possible par eau. Transmission
nosocomiale possible. Expression hivernale sous les
pays tempérés

Virus Norwalk, Surtout les adultes et les grands enfants, épidémies 1 à 3 jours Diarrhée hydrique, vomissements parfois au pre- 1 à 2 jours
Norwalk-like et fréquentes dans les collectivités, contamination ali- mier plan, fièvre (ou syndrome pseudogrippal)
mentaire possible par les fruits de mer
calicivirus (virus à ARN)

Adénovirus entériques Distribution mondiale, deuxième cause de diarrhée 8 à 10 jours Diarrhées, vomissements, fièvre peu élevée durant 2 5 jours à plus de
(virus à ADN) aiguë virale chez l’enfant, atteinte plus rare chez à 3 jours, possibles signes respiratoires 2 semaines
l’adulte

Astrovirus (virus à Atteinte surtout des nourrissons et des enfants 1 à 4 jours Diarrhées surtout, vomissements et fièvre incons- 2 à 4 jours
ARN) jusqu’à l’âge de 7 ans, petites épidémies dans les tants
collectivités de personnes âgées

Diarrhées bactériennes aiguës avec atteinte iléocolique droite et/ou rectocolique


Salmonelles non Pays industrialisés Volailles, œufs, produits Animaux domestiques 8 à 48 heures 1 à 8 jours (voire plus) Septicémie, mégacôlon
typhiques (2) laitiers

Shigelles Pays tropicaux, zones Aliments, Homme 1 à 3 jours 7 jours Syndrome hémolytique
tempérées contacts directs et urémique, hémorra-
gies intestinales et perfo-
rations, mégacôlon,
rechutes

Yersinia enterocolitica Europe du Nord, États- Lait, glace, porc Animaux 5 à 10 jours Quelques jours à 3 Manifestations extradi-
Unis, Australie semaines gestives, formes prolon-
gées

Campylobacter jejuni Europe, États-Unis, Aus- Volailles, lait non pas- Animaux domestiques 1 à 10 jours 7 jours Mégacôlon, colite pseu-
tralie, Japon teurisé et sauvages domembraneuse, adénite
mésentérique, polyradi-
culonévrite, méningite

Escherichia coli

- entérohémorragique Cosmopolite Viande mal cuite, lait, Homme, animaux 3 à 4 jours 7 à 9 jours Syndrome hémolytique
eaux et urémique, colite
hémorragique

- entéro-invasif Fromages Homme, animaux 1 à 3 jours 7 jours Diagnostic difficile avec


Shigella sp.

ADN : acide désoxyribonucléique ; ARN : acide ribonucléique.


(1) Principales bactéries responsables de syndrome dysentérique.
(2) Bactéries principalement responsables de toxi-infection alimentaire.

moyenne [24], l’origine est bactérienne. Plus rarement, il s’agit de TIA En cas de TIAC, une déclaration aux autorités sanitaires est
d’origine parasitaire (lamblia, cryptosporidies). obligatoire, soit par téléphone en cas d’urgence, soit par courrier

10
Urgences Diarrhées aiguës infectieuses 24-040-A-10

(envoi d’un formulaire anonyme) adressé à la direction dysentérique fébrile, des dépôts beaucoup plus étendus en
départementale de l’action sanitaire et sociale (DDASS). Cette endoscopie (par coalescence des fausses membranes), et expose au
déclaration fournit des renseignements cliniques concernant les risque de colectasie.
patients affectés, leur nombre, les symptômes présentés, les examens La colite hémorragique à K. oxytoca est observée 2 à 7 jours après un
biologiques réalisés et les données concernant le ou les modes traitement par ampicilline ou l’un de ses dérivés. Son mécanisme
possibles de contamination. pathogène est encore discuté. Il s’agit d’un germe saprophyte
Enfin, des diarrhées aiguës peuvent être observées à la phase retrouvé dans 30 à 40 % des selles de sujets sains. Cette forme
d’invasion d’une trichinose. Elles surviennent environ 7 jours après comporte la survenue brutale d’une diarrhée rapidement sanglante
l’ingestion de porc cru ou mal cuit. Elles s’accompagnent de nausées, avec des douleurs abdominales, parfois de la fièvre et une
de vomissements, de fièvre, et d’une importante hyperéosinophilie. polynucléose. L’atteinte en endoscopie prédomine au niveau du
Le diagnostic repose la sérologie qui se positive à partir de la côlon droit ou du côlon transverse et se traduit par la présence de
deuxième semaine. La recherche de parasites dans les selles est suffusions hémorragiques et des érosions sans fausses membranes.
exceptionnellement positive. Les prélèvements de selles sont peu contributifs. Le germe peut être
isolé par culture de biopsies. La symptomatologie rétrocède en
moyenne en 1 à 3 jours après l’arrêt de l’antibiothérapie.
DIARRHÉES AU COURS OU AU DÉCOURS D’UNE
ANTIBIOTHÉRAPIE [1, 5, 34, 35] DIARRHÉE DU VOYAGEUR ET AU RETOUR D’UN SÉJOUR
SOUS LES TROPIQUES [11, 13]
Elles constituent la première cause de diarrhées aiguës d’origine
médicamenteuse. Elles sont secondaires à C. difficile et plus rarement Chaque année, 20 millions de voyageurs passent d’un pays à haut
K. oxytoca. Elles sont observées dans 5 à 30 % des cas au cours ou au niveau d’hygiène à un pays de niveau d’hygiène inférieur. Parmi
décours d’une antibiothérapie dont le spectre inclut les ceux-ci, environ 50 % présenteront une diarrhée appelée « diarrhée
entérobactéries et les germes anaérobies et dont les concentrations des voyageurs » ou souvent « tourista ». Ces diarrhées n’ont pas
dans la lumière intestinale sont élevées. d’expression clinique particulière et régressent le plus souvent en 2
à 4 jours. Elles sont liées à un défaut relatif d’immunité du voyageur
Les diarrhées à C. difficile sont de loin les plus fréquentes. face aux multiples germes (parfois nouveaux) auxquels il est exposé,
Cette bactérie a pour propriétés une survie prolongée dans aux conditions d’alimentation. Elles sont principalement liées à une
l’environnement, une résistance à la plupart des désinfectants contamination des aliments et de l’eau par les matières fécales de
hospitaliers et donc un risque élevé de transmission notamment à personnes infectées. Le rôle du contact direct par les mains, ou celui
l’hôpital (par voie manuportée ou par du matériel souillé). indirect des mouches apparaît secondaire. La qualité de l’hôtellerie
L’infection est en général acquise à l’hôpital. Le portage ne semble pas un élément protecteur.
asymptomatique est fréquent, estimé de 50 à 70 % des nourrissons Leur pronostic est essentiellement fonction du terrain sur lequel elles
(colonisation néonatale), 1 à 3 % de adultes, et environ 10 à 25 % des surviennent (tableau II). Leur étiologie est essentiellement
adultes sous antibiotiques. Les diarrhées surviennent dès que infectieuse, dominée par les causes bactériennes, notamment EPEC
s’associent un déséquilibre de la flore intestinale (par une et Shigella sp. En pratique, une exploration microbiologique des
antibiothérapie par exemple qui va sélectionner le germe) et la diarrhées est indiquée en cas de diarrhée aqueuse dépassant six
production des deux toxines A et B par des souches pathogènes de selles par jour avec déshydratation, de diarrhée survenant sur un
C. difficile. La toxine A est une entérotoxine qui agit en se liant à un terrain fragilisé (tableau II), de diarrhée fébrile et en cas de syndrome
récepteur sur la bordure en « brosse » des entérocytes et provoque dysentérique. Dans ces formes, le traitement de première intention
ainsi des lésions inflammatoires. La toxine B exerce en synergie une comporte une antibiothérapie (le plus souvent une fluoroquinolone
activité cytotoxique qui va amplifier les lésions muqueuses. Les durant 3 jours), associée à la réhydratation.
antibiotiques en cause sont, par ordre de fréquence : les Le traitement antidiarrhéique (notamment par lopéramide) est
bêtalactamines, principalement (ampicilline/amoxicilline et contre-indiqué en cas de syndrome dysentérique. Un avis médical
céphalosporines) ; la clindamycine (assez rarement utilisée en est recommandé en cas de syndrome dysentérique ou d’inefficacité
France) ; moins souvent les autres pénicillines et les macrolides du traitement.
(29 %) ; rarement les quinolones, les sulfamides et les tétracyclines. Toutefois, il faut toujours penser à une éventuelle primo-infection
Les manifestations cliniques surviennent dans un délai moyen de 4 palustre (pendant ou bien après séjour en zone impaludée) qui peut
à 9 jours après le début de l’antibiothérapie, mais peuvent être prendre le masque trompeur d’une diarrhée aiguë
retardées de plusieurs semaines. hydroélectrolytique avec fébricule et céphalées : la symptomatologie
La forme typique (mais la moins fréquente) est la CPM, observée est souvent abâtardie par une chimioprophylaxie antipalustre. Au
classiquement chez le sujet âgé hospitalisé en réanimation, en moindre doute, un frottis sanguin permet le diagnostic, aidé au
chirurgie ou en long séjour, où elle constitue d’ailleurs la première besoin par un test à l’acridine orange en cas de négativité. Le
cause de diarrhées. Elle se traduit par une diarrhée liquide, parfois voyageur est rarement confronté au choléra, même en zone
verdâtre, non sanglante, associée à des douleurs abdominales, une d’endémie. Outre la forme typique avec diarrhée aqueuse, non
fièvre modérée (proche de 38 °C), une hyperleucocytose modérée et fébrile et abondante, il existe des formes atténuées, fréquentes, se
quelquefois une hypoalbuminémie. La rectosigmoïdoscopie montre résumant à une diarrhée ou à une gastroentérite banale non fébrile
typiquement, au niveau du rectum et du sigmoïde, des dépôts et d’évolution en général spontanément favorable. La contamination
blanchâtres adhérents, de 2 à 10 mm, reposant sur une muqueuse s’effectue le plus souvent soit par de l’eau de boisson contaminée
congestive et parfois purpurique. Ces lésions endoscopiques très par les matière fécales, soit par des porteurs sains, nombreux en
évocatrices suffisent pour évoquer le diagnostic. Il est confirmé par zone d’endémie, ou au contact des malades par des déjections très
la mise en évidence des toxines dans les selles. Divers tests existent, riches en vibrions. Le traitement repose principalement sur la
parmi lesquels les tests Elisa qui peuvent déceler l’une des deux réhydratation orale (ou intraveineuse dans les formes sévères).
toxines ou les deux en moins de 2 heures, avec une sensibilité de 80 Enfin, l’amibiase colique est une cause classique de diarrhées aiguës
à 90 % et une spécificité de 98 à 99 %. Ce test a surtout une valeur lors d’un séjour sous les tropiques : selon la topographie
prédictive négative de 99 %. L’analyse de l’effet cytotoxique de la prédominante des lésions, elle peut se traduire par une diarrhée non
toxine B par culture cellulaire, test de référence, est peu utilisée en fébrile ou bien des émissions glairosanglantes. Le diagnostic repose
pratique car délicate, coûteuse, et nécessitant un délai de 48 heures. sur la mise en évidence d’E. histolytica histolytica sur des selles
Il existe de nombreuses autres formes cliniques, dont la forme fraîchement émises ou sur l’écouvillonnage rectal. La rectoscopie
modérée, se traduisant simplement par : une diarrhée isolée sans montre rarement des ulcérations en « coup d’ongle ».
colite, la colite associée aux antibiotiques sans pseudomembranes Les bilharzioses peuvent être à l’origine de diarrhées aiguës à la
en endoscopie, et enfin la forme sévère qui comporte un syndrome phase d’invasion, sous forme de diarrhée aiguë fébrile accompagnée

11
24-040-A-10 Diarrhées aiguës infectieuses Urgences
[10]
d’un cortège clinique très riche (manifestations urticariennes, signes DIARRHÉES DES ÉTATS D’IMMUNODÉPRESSION
pulmonaires, etc). Il existe une hyperéosinophilie et le diagnostic L’altération de l’immunité explique une grande diversité des germes
repose sur la sérologie. observés. Leur étiologie dépend de l’importance et de la durée de
l’immunodépression. Les diarrhées sont en règle de courte durée en
[44]
cas d’immunodépression transitoire (par exemple au décours d’une
DIARRHÉES CHEZ L’HOMOSEXUEL
aplasie après greffe de moelle), et d’évolution subaiguë, récidivante,
Elles sont principalement liées à une contamination orofécale, voire chronique en cas d’immunodépression prolongée. L’atteinte de
responsable d’infections plurimicrobiennes auxquelles il faut ajouter l’immunité humorale est à l’origine d’infections plus fréquemment
les fréquentes infections vénériennes, et parfois un terrain bactériennnes, tandis qu’un déficit portant sur l’immunité cellulaire
immunocompromis pouvant modifier la présentation clinique. Nous est plutôt à l’origine d’infections bactériennes à germes
ne détaillons pas les maladies sexuellement transmissibles (MST) intracellulaires, virales (CMV, adénovirus) ou parasitaires
anorectales, ces dernières ayant fait l’objet d’une récente mise au (cryptosporidies, giardiases).
point dans ce même traité. Il faut distinguer en pratique les Le sida constituait il y a quelques années le modèle le plus accompli
diarrhées de l’homosexuel masculin en dehors du sida et en cas de de cette dernière forme. L’arrivée des bi- ou trithérapies
sida, cette situation rejoignant, pour les diarrhées aiguës, la situation antirétrovirales, très efficaces, a modifié le « visage » du sida, et par
des diarrhées de l’immunodéprimé. Dans tous les cas, le recours aux voie de conséquence, les circonstances au cours desquelles des
examens de laboratoire, notamment microbiologiques, est diarrhées (aiguës et chroniques) sont observées – diarrhées
indispensable chez l’homosexuel, du fait du caractère plurimicrobien observées lors d’un phénomène d’échappement du traitement, ou
de ces infections et de la fréquence élevée de formes révélatrices d’une affection opportuniste –, l’origine infectieuse ne
asymptomatiques. La prise en charge thérapeutique doit, dans la représentant actuellement que 50 à 85 % des cas.
mesure du possible, être élargie aussi aux sujets contacts, avec en Concernant le sida, le taux de lymphocytes CD4 et la charge virale
outre une enquête sérologique (virus de l’immunodéficience constituent des paramètres assez fiables de la sévérité de la maladie
humaine [VIH], virus B, treponema pallidum hemagglutination et donc de l’importance du déficit immunitaire. L’enquête
[TPHA], venereal disease research laboratory [VDRL] principalement). étiologique face à une diarrhée aiguë (de moins de 4 semaines) [44]
Le risque d’infection digestive chez l’homosexuel masculin (en est guidée par le taux de CD4.
dehors du sida), est d’autant plus important qu’il y a plusieurs Lorsqu’il est supérieur à 200/mm3, les affections opportunistes sont
partenaires (avec souvent des liaisons éphémères), et qu’au sein de rares et les diarrhées sont en règle secondaires aux germes retrouvés
petits groupes il existe fréquemment une banalisation de rapports chez l’immunocompétent (entérobactéries ou virus). Elles sont
anorectaux (non protégés) et de la fellation après coït. Une infection souvent aiguës, mais peuvent être prolongées et récidivantes [7].
entérale doit être suspectée lorsque s’associe à la diarrhée aiguë ou Lorsque ce taux est inférieur à 200/mm3, il faut rechercher une
au syndrome dysentérique une symptomatologie digestive infection opportuniste à cryptosporidies et quand il est inférieur à
(douleurs abdominales, météorisme) ou générale (fièvre 100/mm3, une infection à microsporidies ou à CMV. Dans ce cas,
notamment). ces diarrhées sont en règle chroniques. Il existe une co-infection par
La rectosigmoïdoscopie montre des lésions non spécifiques, pouvant deux ou plusieurs germes opportunistes dans 10 à 11 % des cas,
parfois simuler une colite inflammatoire (type rectocolite rendant plus difficile l’isolement du germe responsable [45].
ulcérohémorragique [RCH] ou maladie de Crohn). Le diagnostic La démarche doit dans ce cas être très pragmatique, en raison des
repose sur les données microbiologiques (coproculture, recherche de contraintes importantes liées à la maladie VIH. Les prélèvements de
parasites dans les selles) qu’il faut confronter à la présentation selles doivent être systématiques, comportant une coproculture et
clinique et endoscopique. trois recherches successives de parasites dans les selles, en
Les trois principales infections bactériennes observées chez mentionnant au laboratoire la recherche en outre de protozoaires
l’homosexuel sont les salmonelloses, les shigelloses et les opportunistes (microsporidies, cryptosporidies, I. belli). Certains
campylobactérioses. Les infections à salmonelles sont très auteurs ne recommandent qu’un seul prélèvement à la recherche de
fréquentes, allant du portage asymptomatique aux formes sévères à parasites, à répéter deux fois seulement en cas de négativité [40]. La
type de septicémie ou de colectasie. Les shigelloses sont une cause recherche de toxine de C. difficile est indispensable en cas
fréquente de diarrhées aiguës. Aux États-Unis, une étude d’antibiothérapie récente ou de prophylaxie contre un germe
relativement ancienne notait que 30 à 70 % des malades ayant une opportuniste. Lorsque les prélèvements sont négatifs chez le patient
shigellose étaient des homosexuels [41]. La présentation clinique est très immunodéprimé (CD4 inférieure à 100/mm3) ou en cas de
volontiers bruyante, sous forme d’une diarrhée sanglante, parfois suspicion de diarrhée à CMV, la rectosigmoïdoscopie apporte un
fébrile, avec en endoscopie une muqueuse congestive, voire ulcérée, complément d’information utile à la démarche par l’analyse de la
nécessitant toujours une antibiothérapie. Les infections à muqueuse et les données histologiques. Les biopsies permettent la
Campylobacter sont assez fréquentes, mais sans particularité chez mise évidence d’inclusions intranucléaires typiques d’une colite à
l’homosexuel. CMV dans environ 50 % des cas. Sur le plan étiologique, de
nombreux agents pathogènes peuvent être isolés, parmi lesquels le
Les infections à CMV constituent les infections virales le plus CMV. Il témoigne en fait d’une réactivation virale chez des patients
fréquemment observées, favorisées par la transmission par voie très immunodéprimés. Il est à l’origine de diverses formes cliniques
sexuelle. Elles entraînent une rectocolite avec, en endoscopie, la dont les entérites et colites associant une diarrhée souvent non
présence d’ulcérations de taille variable (lésions punctiformes sanglante, des douleurs abdominales, une fièvre inconstante.
jusqu’aux ulcérations larges atteignant jusqu’à 20 mm et souvent
Le diagnostic repose sur l’endoscopie avec prélèvements biopsiques.
profondes, jusqu’à la sous-muqueuse). Contrairement aux malades Les lésions endoscopiques sont variables, allant de l’érythème aux
au stade de sida, ces formes ne sont pas graves. La prévalence élevée ulcérations creusantes, atteignant exclusivement le côlon droit dans
d’anticorps anti-CMV chez l’homosexuel (dépassant 94 %) impose 10 à 40 % des cas [7] . La rectosigmoïdoscopie est l’examen en
une preuve histologique (mise en évidence d’inclusions virales sur première intention, la coloscopie étant réservée en cas d’examen
les biopsies rectales ou coliques). normal ou peu contributif. Le diagnostic repose sur l’histologie
L’amibiase et la lambliase sont les deux parasitoses le plus (lésions typiques dans 40 à 60 % des cas seulement), complétée en
fréquemment observées, celles-ci étant d’ailleurs souvent associées. cas de négativité par un immunomarquage par des anticorps anti-
La lambliase peut provoquer une diarrhée aiguë lors de la phase CMV. La recherche d’acide désoxyribonucléique (ADN)
d’invasion. Les amibes sont le plus souvent non pathogènes. Elles cytomégalique sur les biopsies semble la technique d’avenir la plus
sont mises en évidence par examen des selles à l’état frais ou sur les prometteuse avec une sensibilité et une spécificité de plus de
biopsies rectales. Leur éradication est toutefois recommandée. 90 % [16]. Les infections parasitaires (notamment Cryptosporidium sp.,

12
Urgences Diarrhées aiguës infectieuses 24-040-A-10

Microsporidium) occasionnent en règle des diarrhées chroniques. Un présentation clinique identique à celle du grand enfant. La décision
tableau de diarrhée aiguë peut être observé en cas d’infection aiguë de traitement antibiotique en cas de salmonellose mineure ne fait
à lamblia ou très rarement à un protozoaire récemment décrit du pas l’objet de consensus chez l’enfant. Toutefois, le très jeune âge ou
genre Cyclospora (germe habituellement observé chez les la présence d’une tare viscérale (principalement drépanocytose et
voyageurs) [16]. Dans les autres cas, le diagnostic peut se poser immunodépression) sont des éléments décisifs de traitement. Les
devant une diarrhée récente, en règle hydroélectrolytique, pouvant yersinioses réalisent à cet âge un tableau de diarrhée aiguë fébrile
être en rapport avec une infection à Cryptosporidium, à avec douleurs abdominales et vomissements. La forme
microsporidies, ou à I. belli. Les levures enfin (C. albicans, pseudoappendiculaire est habituellement observée chez l’enfant plus
Histoplasma capsulatum), n’entraînent en règle pas de diarrhées âgé. Il faut ajouter à cette liste les diarrhées à EPEC, fréquentes dans
aiguës. les pays en voie de développement. Leur diagnostic est difficile, ce
Enfin, les infections bactériennes, observées à tous les stades germe étant un germe commensal du tube digestif. Enfin, chez le
d’immunodépression (notamment à salmonelles, shigelles, nourrisson, la colonisation des selles par C. difficile, parfois sécréteur
Campylobacter, Y. enterocolitica et aeromonas), sont cinq à 20 fois plus de toxines, est très fréquente, contrastant avec la rareté des
fréquentes que dans la population générale. Elles sont à l’origine symptômes. La CPM étant exceptionnelle à cet âge, le diagnostic
d’un tableau de gastroentérite fébrile, avec souvent une bactériémie impose l’association d’un contexte clinique, des données
et une évolution souvent récidivante. Ces germes peuvent entraîner microbiologiques et endoscopiques [ 3 7 ] . Certaines infections
des lésions muqueuses assez importantes. parasitaires peuvent enfin entraîner un tableau de diarrhée aiguë :
lambliase, Cryptosporidium (sans déficit immunitaire), sans
expression clinique propre au jeune âge.
DIARRHÉES DU JEUNE ENFANT ET DU NOURRISSON Sous les tropiques, le risque de choléra apparaît surtout après 2 ans.
Les diarrhées aiguës sont en règle plus sévères que chez l’adulte car Avant cet âge, l’allaitement maternel protège le nourrisson grâce aux
elles affectent un organisme en pleine croissance, sensible à la anticorps maternels, alors qu’un portage digestif du germe est
déshydratation et présentant un système immunitaire en plein toutefois possible. Concernant l’amibiase colique (E. histolytica
développement au cours des 5 premières années. Les diarrhées histolytica), la présentation clinique est superposable à celle de
aiguës constituent l’une des premières causes de mortalité avant 3 l’adulte.
ans. Le risque de déshydratation est beaucoup plus élevé que chez
l’adulte, imposant une estimation clinique précoce des pertes. Le DIARRHÉES DU SUJET ÂGÉ [28]

contrôle du poids est l’un des moyens les plus fiables de la sévérité de la Le sujet âgé est particulièrement sensible aux diarrhées aiguës. Le
déshydratation, appréciée différemment en France ou aux États-Unis. taux de décès est d’ailleurs particulièrement élevé dans cette tranche
En France, la sévérité de la déshydratation est appréciée en trois d’âge, dépassant la mortalité observée chez l’enfant de 1 à 11 mois.
catégories : inférieure à 5 %, de 5 à 10 %, et dépassant 15 %. Les Cette susceptibilité est due à plusieurs facteurs :
auteurs américains distinguent quatre groupes : moins de 3 %, de 3 – baisse des barrières naturelles anti-infectieuses (notamment
à 6 %, de 6 à 9 %, et au-delà) [26]. diminution de la sécrétion acide gastrique, baisse du péristaltisme
Globalement, la conduite thérapeutique est la même, l’utilisation de intestinal, souvent favorisées par les morphiniques ou les
la voie parentérale étant indispensable à partir d’une perte de poids neuroleptiques). L’immunité à cet âge est relativement conservée,
de 9 à 10 %. Récemment, certains auteurs ont utilisé le temps de sauf en cas de dénutrition dite « protéinoénergétique », observée
recoloration capillaire comme autre moyen d’estimer cette chez un patient sur deux en institution, qui entraîne un déficit de
déshydratation [33]. Il consiste à mesurer le délai de recoloration du l’immunité à médiation cellulaire ;
lit de l’ongle après une pression suffisante pour qu’il devienne blanc.
– existence de tares viscérales susceptibles d’être décompensées lors
Un temps de recoloration capillaire supérieur à 3 secondes
d’un épisode infectieux (diabète, cardiopathie..), avec fréquente
correspond à une déshydratation de l’ordre de 10 %, tandis qu’un
polymédication ;
temps inférieur à 1,5 seconde traduit une déshydratation inférieure
à 5 %. – fréquents séjours hospitaliers où une contamination (même
asymptomatique) est possible par C. difficile. L’hébergement en insti-
Ces éléments vont guider la réhydratation, principal traitement des
tution augmente le risque de contamination interhumaine ;
diarrhées aiguës de l’enfant et du nourrisson. Une hypoglycémie
peut survenir dans tous les types de diarrhées, chez l’enfant jeune – présence de troubles sévères des fonctions supérieures qui expose
autour de 36 mois [8]. Elle survient préférentiellement au cours de à un risque accru de transmission orofécale.
diarrhées abondantes de survenue brutale, inconstamment fébriles, Cette fragilité explique la survenue d’épisodes parfois sévères
et ne semble pas corrélée à l’état nutritionnel préalable de l’enfant. évoluant vers une colectasie ou une perforation. Le pic de mortalité
L’analyse des selles montre inconstamment des leucocytes et survient souvent avec un retard moyen de 8 à 10 jours par rapport à
souvent l’isolement de shigelles. Cette complication potentielle l’épisode initial : il est attribué en fait à la défaillance d’organes
impose de maintenir chez l’enfant un apport de glucides vitaux victimes d’une hypoperfusion à la phase aiguë de la diarrhée.
parallèlement à la réhydratation. La sévérité de la diarrhée peut être sous-estimée, les critères
cliniques et biologiques étant pris en défaut. La présence d’un pli
¶ Étiologie cutané est possible sans déshydratation, simplement lié à la perte
d’élasticité de la peau avec l’âge. La sécheresse de la langue peut
Sur le plan étiologique, les infections virales sont de loin la première s’expliquer par une respiration la bouche ouverte (il faut alors
cause de diarrhées aiguës, particulièrement avant 2 ans. Les rechercher cette sécheresse anormale sur la face latérale de langue).
infections à rotavirus sont les plus fréquentes, observées en hiver et L’hématocrite peut enfin paraître normal chez un patient déshydraté
au printemps, principalement dans les petites collectivités (crèches, mais antérieurement anémié. La coproculture doit en pratique être
services de pédiatrie) [37]. effectuée plus tôt que chez le jeune adulte, dès lors que la diarrhée
La contagiosité est extrême, la transmission étant orofécale et est abondante et/ou fébrile, ou si elle survient sur un terrain
manuportée. Ces diarrhées sont abondantes, parfois massives, avec particulièrement fragile.
douleurs abdominales (par stagnation liquidienne dans les anses
grêles qui, de plus, sous-estime la déshydratation).
Le diagnostic repose sur l’isolement du virus dans les selles par
Traitement
technique immunoenzymatique (Elisa). La prise en charge thérapeutique d’une diarrhée aiguë infectieuse
Concernant les infections bactériennes, les germes le plus souvent repose principalement sur les mesures hygiénodiététiques, le respect
observés sont les salmonelles mineures et les Campylobacters de des règles d’hygiène (lavage des mains en cas de contact avec le

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24-040-A-10 Diarrhées aiguës infectieuses Urgences

Tableau VI. – Nom et composition des différents solutés de réhydratation orale [1, 2, 14, 37].
Composition par litre Soluté OMS Adiarilt (Jacque- Alhydratet GES 45t (Milupa) Lytrent (Mead- Coca Jus d’orange
reconstitué maire) (Nestlé) Johnson)

Sodium (Na) (mmol) 90 49 60 49 50 2 <1

Potassium (K) (mmol) 20 25 20 25 25 0,1 50

Chlore (Cl) (mmol) 80 25 60 25 40 2

Glucose (g) 20 20 (saccharose) 19,7 9 100 120

Anions
- bicarbonates (mmol) 24 23 10
- citrates (mmol) 10 6 9 15 13 50
- gluconates (mmol) 25

Calories (cal) 80 160 320 158 205

Osmolalité 310 290 750 730

Osmolarité (mOsm/L) 301 326 240 298 240

OMS : Organisation mondiale de la santé.

sujet atteint). Le traitement étiologique, notamment l’antibiothérapie, réalisation dans les pays en voie de développement, associant pour
n’est pas détaillé car abordé dans d’autres chapitres de ce traité en deux tasses d’eau, une demi-tasse de riz et une demi-cuillère à café
fonction du germe en cause. de sel (ou huit cuillères à café de sucre, trois quarts de cuillère de sel
de table, une cuillère de bicarbonate de sodium cuit, une tasse de
jus d’orange et un litre d’eau) [26]. Ces préparations imposent de plus
MESURES HYGIÉNODIÉTÉTIQUES une stricte observance des quantités recommandées, sous peine
d’entraîner des troubles ioniques ou bien une mauvaise acceptabilité
¶ Réhydratation
du produit. Une préparation commerciale a été proposée récemment
La réhydratation constitue le principal traitement des diarrhées aux États-Unis. Son acceptabilité serait très médiocre, inférieure aux
aiguës, surtout hydroélectrolytiques. Elle a permis une diminution solutés classiques de réhydratation qui sont actuellement préférés
très significative de la mortalité infantile dans les pays en voie de en pays développés.
développement (de 30 à 3 % au cours d’épidémies de choléra au Cette réhydratation orale doit être débutée le plus tôt possible afin
Bangladesh en 1971) [33]. Son efficacité est liée à l’utilisation de de limiter la déshydratation. Elle reste possible en cas de
solutés de réhydratation par voie orale depuis maintenant deux vomissements chez le petit enfant, en proposant une cuillère à café
décennies, adaptés aux pertes liquidiennes. En effet, les diarrhées (5 mL) toutes les 1 à 2 minutes, permettant un apport de 150 à
hydroélectrolytiques entraînent une perte de d’eau, de sodium, de 300 mL/heure. Malgré les contraintes apportées par cette méthode,
potassium et de bases (cf supra). Le mécanisme d’absorption reste elle reste efficace, sous surveillance étroite de l’évolution du poids.
parallèlement conservé, expliquant le recours aux solutés oraux de Elle est contre-indiquée en cas de choc, de troubles de conscience
réhydratation. L’administration d’eau et de sodium par voie orale obligeant à un apport parentéral. La réhydratation orale permet
est d’autant plus efficace qu’elle est associée à du glucose. Leur d’éviter le recours à la voie parentérale dans 96,4 % des cas en
absorption dépend en effet d’un mécanisme couplé et actif au niveau moyenne [22].
du pôle apical de l’entérocyte. L’absorption de sodium est ainsi
La prise en charge d’une diarrhée aiguë du petit enfant ou du
maximale à des concentrations de 100 à 120 mEq/L et à des
nourrisson impose dans un premier temps une hydratation « à
concentrations de glucose de 110 mmol/L (soit 2 %), soit un rapport
volonté » tant que l’enfant réclame ; dans un second temps, elle doit
proche de 1 [33]. Il faut enfin apporter du potassium, du chlore et des
être maintenue sur la base théorique de l’apport de 150 mL/kg/j, en
bases (sous forme de citrates ou de bicarbonates) avec une
ajoutant 10 mL/kg et par selle diarrhéique, et 2 mL/kg et par
osmolalité définie [2]. Le soluté de l’Organisation mondiale de la
vomissement. La reprise de la diurèse constitue un critère simple
santé (OMS) a un rapport sodium-glucose voisin de 4/1. Il comporte
pour apprécier l’efficacité de la réhydratation.
90 mmol/L de sodium (tableau VI). Il est particulièrement efficace
dans les diarrhées sévères, notamment le choléra, et les diarrhées
secondaires à une toxine de type cholérique [17]. Dans les autres cas, ¶ Régime alimentaire
un apport complémentaire d’eau ou de soluté pauvre en sodium est L’alimentation doit être reprise très tôt, dès que l’état le permet (soit
recommandé pour prévenir le risque d’hypernatrémie – risque en dès la quatrième heure après hydratation orale chez le petit enfant
fait rare, peu documenté mais redouté –, expliquant la mise au point en cas de diarrhée modérée) [22]. Elle a pour but de limiter la
de solutés plus pauvres en sodium dans les pays développés [22], dénutrition, très fréquente en cas de diarrhée aiguë. Les régimes
avec un rapport sodium/glucose de 2/1 en moyenne [2]. Ceux-ci classiquement recommandés (notamment riz, bananes, jus de
comportent en moyenne 60 à 75 mmol/L de sodium et 75 à pomme, carottes, pâtes) n’ont pas fait la preuve de leur efficacité
100 mmol/L de glucose et s’avèrent très efficaces dans les diarrhées chez l’enfant, mais restent encore conseillés par certains auteurs
aiguës survenant dans les pays développés [22]. Des solutés encore [17, 33]
. Certaines denrées doivent être privilégiées car elles réduisent
moins riches en sodium (45 à 60 mmol/L) ont été récemment utilisés la durée de la diarrhée (notamment pâtes, pain et plats à base de
et sont avérés efficaces pour des diarrhées faibles à modérées aux farine de froment). Concernant la suspension de l’alimentation
États-Unis [26]. lactée, les études récentes n’ont pas montré de bénéfice chez le
La reprise de l’alimentation étant souvent retardée, des préparations nourrisson, l’enfant ou l’adulte [2]. La poursuite d’un régime normal
ont récemment été proposées dans le but de prévenir la dénutrition. chez des sujets de 3 à 70 ans ne modifie pas la durée de la
Elles associent le soluté de réhydratation et l’utilisation de 50 à 80 g diarrhée [30]. L’alimentation lactée (y compris l’allaitement) doit être
de poudre de riz (ou bien d’autres céréales) [33]. Le volume ainsi poursuivie sans dilution des produits. Elle entraîne une
proposé est plus important pour garder une osmolalité proche du augmentation non significative de la diarrhée, ce phénomène
soluté classique de réhydratation. L’absorption intestinale est bonne disparaissant en cas d’alimentation variée. Le risque d’intolérance
et l’efficacité identique. Leur préparation est simple, permettant leur au lactose et surtout d’atrophie muqueuse par phénomène d’allergie

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Urgences Diarrhées aiguës infectieuses 24-040-A-10

est faible. La suspension de cet apport lacté n’est donc indiquée risque de mégacôlon toxique. De plus, il accroît le risque de
qu’en cas d’aggravation, de diarrhées persistant 3 à 4 jours après diffusion bactérienne systémique chez les sujets fragiles. Il est dénué
leur début, ou bien de selles devenant acides [22]. En cas de déficit en d’effet sur le système nerveux central. L’oxyde de lopéramide
lactase, des yaourts peuvent être proposés comme substituts du lait, (Arestalt) est faiblement absorbé au niveau de la partie proximale
en raison des bactéries qu’ils contiennent (Lactobacillus notamment). de l’intestin, ce qui explique sa plus grande efficacité en aval, à la
Dans les pays en voie de développement, la supplémentation en fois antipéristaltique et antisécrétoire. Il se présente en comprimés à
zinc (20 mg/j) diminuerait la durée des diarrhées chez les enfants 1 mg et est administré à la dose d’un comprimé après chaque selle
dénutris [22]. liquide, sans dépasser huit comprimés par jour. Sa tolérance est
bonne.
¶ Mesures d’hygiène
Antidiarrhéiques antisécrétoires purs
Elles comportent d’une part l’isolement du malade, et d’autre part
le lavage des mains. À l’hôpital et dans les institutions de personnes Ils se répartissent en deux groupes : les inhibiteurs de
âgées, il faut recommander de plus l’usage de gants et de tabliers à l’enképhalinase (ou acétorphan) et le maléate de zaldaride (non
usage unique pour la toilette et les changes des malades infectés. commercialisé en France). Ces antidiarrhéiques s’avèrent en pratique
Dans les pays en voie de développement, une éducation sanitaire très efficaces et n’exposent pas au risque de mégacôlon toxique du
est indispensable auprès des populations, comportant en outre lopéramide. Leur tolérance est excellente. La posologie de
l’aménagement du terrain permettant de séparer les excreta de la l’acétorphan est de trois gélules par jour chez l’adulte, et celle du
chaîne de l’alimentation et de l’eau. méléate de zaldaride de quatre gélules de 20 mg par jour. Ils sont
tous deux déconseillés chez la femme enceinte. Le sous-salicylate de
bismuth, non disponible en France, réduit de 50 % le nombre de
TRAITEMENTS MÉDICAUX selles au cours des diarrhées aiguës. Il présente de plus un effet
antibactérien.
¶ Antibiotiques
L’évolution des diarrhées aiguës étant le plus souvent favorable, leur ¶ Antiseptiques
prescription systématique n’est pas justifiée. Les antibiotiques ont Le plus utilisé en France est le nitrofuroxazide, qui réduirait de 24
pour but de réduire le risque de diffusion extracolique donc de heures la durée des diarrhées aiguës. Son action est essentiellement
bactériémie, de diminuer la contagiosité des selles (salmonelloses, bactériostatique sur les bactéries à Gram positif (staphylocoques et
shigelloses, infections à E. coli, à C. difficile ou choléra), et enfin de streptocoques) et surtout sur les bactéries à Gram négatif
limiter la durée de la diarrhée sur des terrains fragilisés. Ils sont (salmonelles, shigelles, Yersinia, Campylobacter, vibrions). En
donc indiqués, après prélèvements, en cas de diarrhées invasives pratique, leur place est discutée car d’efficacité modeste. Les dérivés
avec symptômes sévères, de terrain fragile et de persistance (ou de la quinoléine (Intétrixt principalement) sont utilisés aussi comme
d’aggravation) de la diarrhée après 3 jours d’évolution spontanée. amœbicide de contact.
L’apparition de résistances bactériennes aux antibiotiques conduit à
privilégier les fluoroquinolones en traitement de première intention ¶ Pansements adsorbants
chez l’adulte. L’azithromycine s’avère efficace sur les diarrhées à
Campylobacter ou à shigelles. Le cotrimoxazole est l’antibiotique Les argiles tels que la smectite et dérivés, entraînent chez l’enfant
utilisé habituellement chez l’enfant, les fluoroquinolones étant une amélioration de la consistance des selles. Ils sont contre-indiqués
déconseillées. Enfin, seule l’ampicilline peut être utilisée sans risque en cas de mégacôlon toxique et de troubles du péristaltisme.
chez la femme enceinte. L’antibiothérapie est ensuite adaptée en
fonction des résultats des coprocultures et de l’antibiogramme. ¶ Probiotiques
Concernant les diarrhées parasitaires, l’amibiase et la giardiase sont
Ils ne sont pas efficaces en cas de diarrhées aiguës [ 2 2 ] .
sensibles au métronidazole, l’isosporose au cotrimoxazole et les
L’administration de Saccharomyces boulardii a un rôle préventif. Au
schistosomiases au praziquantel.
cours de la diarrhée des antibiotiques, elle est utile pour prévenir la
Concernant la diarrhée du voyageur, l’antibiothérapie récidive de la diarrhée après traitement curatif par vancomycine ou
(fluoroquinolone en général) est le plus souvent empirique. Elle métronidazole. Elle est indiquée en cas de rechute après un premier
s’adresse au même type de diarrhée que précédemment. Cependant, traitement curatif : son administration, commencée pendant le
elle est de plus en plus utilisée au cours de déplacements à caractère traitement et poursuivie 2 mois, permet une réduction significative
professionnel (où aucun absentéisme n’est possible) sous forme de du risque de rechute.
traitement « minute », dès les premières selles liquides, et s’avère
La prophylaxie de la diarrhée des antibiotiques s’adresse aux
efficace. Cette attitude ne doit pas être systématique car elle expose
patients fragiles (souvent sujets âgés). Elle consiste en
à terme aux effets secondaires de ces traitements.
l’administration de 200 mg/j chez le patient ambulatoire et de 1 g/j
chez les malades hospitalisés, dès que l’antibiothérapie a été
¶ Antidiarrhéiques
débutée. Elle réduit ainsi significativement le risque de diarrhée [5].
Il existe deux grandes classes d’antidiarrhéiques : le lopéramide (et
ses dérivés) et les antisécrétoires purs.
Conclusion
Lopéramide
Il possède à la fois un effet antisécrétoire et un effet antipéristaltique Problème de santé publique, les diarrhées infectieuses aiguës exigent
en augmentant les contractions segmentaires coliques qui permettent une prise en charge bien codifiée. Le bon sens clinique permet de
alors l’augmentation de l’absorption. Ce mode d’action explique sa rechercher les signes de gravité et de compenser une éventuelle
remarquable efficacité (réduction de 80 % du nombre de selles et de déshydratation. La connaissance du caractère invasif de la diarrhée ou
la durée des diarrhées par rapport au placebo). Il est de fait contre- d’un terrain fragile grâce à l’interrogatoire induit la prescription
indiqué devant tout syndrome dysentérique, de météorisme d’examens paracliniques pour mettre en évidence l’agent pathogène
abdominal important au cours de diarrhées aiguës, car expose à un responsable et appliquer éventuellement un traitement curatif adapté.

Références ➤
15
24-040-A-10 Diarrhées aiguës infectieuses Urgences

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16
¶ 25-050-B-20

Hémorragies digestives
non traumatiques de l’adulte
D. Pateron, J.-L. Pourriat, N. Carbonell

L’hémorragie digestive aiguë non traumatique est l’une des principales urgences digestives. Des progrès
thérapeutiques récents concernant la prise en charge initiale du malade ainsi que les progrès de
l’hémostase endoscopique ont amélioré le pronostic de cette pathologie dont la mortalité est de l’ordre de
5 à 10 %. La pathologie ulcéreuse gastroduodénale et l’hypertension portale sont les deux principales
causes d’hémorragie digestive aiguë. Au terme de la prise en charge aux urgences, l’orientation se fait en
tenant compte de l’histoire naturelle de l’hémorragie et des facteurs pronostiques propres à chaque
cause.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Hémorragie digestive ; Endoscopie ; Ulcère gastroduodénal ; Hypertension portale ; Cirrhose ;
Urgences

Plan L’individualisation de critères pronostiques cliniques et


endoscopiques regroupés sous forme de score a modifié la prise
en charge des malades [2] . Ils permettent la définition de
¶ Introduction 1
groupes de malades à haut risque de récidive, nécessitant une
¶ Épidémiologie 1 surveillance étroite, ou à l’opposé de groupes de malades à
Fréquence 1 faible risque, dont la durée d’hospitalisation peut être réduite.
Étiologies 2 La comorbidité en cas d’hémorragie ulcéreuse et les complica-
Pronostic 2 tions liées à l’insuffisance hépatique en cas de cirrhose sont des
¶ Physiopathologie 2 éléments pronostiques essentiels [3, 4].
Maladie ulcéreuse 2 Les hémorragies digestives basses posent des problèmes
Autres lésions œso-gastro-duodénales 3 diagnostiques souvent plus complexes. En cas d’hémorragie
Hémorragies digestives basses 3 abondante, il est impératif d’éliminer une origine haute avant
Hémorragies du cirrhotique 4 de poursuivre les investigations ; la stratégie diagnostique
¶ Diagnostic 4 endoscopique et radiologique dépend étroitement du caractère
Diagnostic positif : reconnaître l’hémorragie 4 actif ou non de l’hémorragie.
Diagnostic de gravité 4 Le développement de thérapeutiques non chirurgicales a
Diagnostic étiologique 4 transformé le traitement en urgence des hémorragies digestives.
Ainsi, l’hémostase endoscopique est devenue le traitement de
¶ Traitement 6
première ligne des ulcères, diminuant le nombre de transfusions
Règles générales 6
et le recours à la chirurgie d’urgence [5] . Les traitements
Traitements étiologiques 6
vasopresseurs font partie intégrante de la stratégie thérapeutique
¶ Conclusion 9 dans les hémorragies chez le malade atteint de cirrhose et
doivent être débutés très précocement [6]. Ils sont complétés par
l’hémostase endoscopique en urgence des varices œsogastriques
par sclérothérapie ou par ligature, qui tend à être privilégiée.
■ Introduction L’ensemble de ces progrès dans la prise en charge thérapeutique
a amélioré le pronostic des hémorragies et repose sur la colla-
L’hémorragie digestive aiguë non traumatique de l’adulte est boration indispensable entre les équipes des urgences, de
une des principales urgences digestives, et demeure une cause réanimation, de gastroentérologie, de radiologie et de chirurgie
importante de morbidité et de mortalité [1] . L’hémorragie dans la prise en charge des hémorragies digestives aiguës non
digestive est un symptôme, motif de recours aux urgences, dont traumatiques de l’adulte.
les causes les plus fréquentes sont les ulcères et ulcérations, et
l’hypertension portale. L’utilisation des anti-inflammatoires non
stéroïdiens (AINS) et le vieillissement de la population expli- ■ Épidémiologie
quent l’absence apparente d’amélioration du pronostic, bien
que la stratégie diagnostique et thérapeutique ait beaucoup
évolué ces dernières années. La prise en charge initiale doit
Fréquence
permettre une évaluation précoce de la gravité. Les examens L’incidence annuelle des hémorragies digestives aiguës de
endoscopiques ont permis d’améliorer sensiblement la perfor- l’adulte est difficile à préciser. Les études épidémiologiques
mance diagnostique et thérapeutique. anglo-saxonnes l’évaluent de 100 à 150 épisodes pour

Médecine d’urgence 1
25-050-B-20 ¶ Hémorragies digestives non traumatiques de l’adulte

100 000 habitants [7]. Les données épidémiologiques en France qu’une cardiopathie ischémique, une insuffisance rénale, une
sont peu précises du fait de l’absence de registre national et du hépatopathie ou une insuffisance respiratoire chronique. La
fait que l’hémorragie digestive n’est pas une maladie, mais un récidive hémorragique est un facteur de gravité indépendant et
symptôme. La principale étude française réalisée en région un des buts de la prise en charge est de l’éviter.
Ouest montre une incidence annuelle de 146 pour L’étude des facteurs pronostiques de l’hémorragie par ulcère
100 000 habitants [1]. L’hémorragie digestive motive l’hospitali- gastroduodénal montre que la récidive est liée à l’importance du
sation dans 79 % des cas et elle survient à l’hôpital dans 20 % saignement initial, en particulier s’il a été marqué par un état
des cas. L’âge médian de survenue des hémorragies varie de 61 à de choc, l’âge élevé des malades et les critères endoscopiques de
71 ans selon les études et le sex-ratio varie de 1,35 à 1,79, le l’ulcère [3, 12]. La présence d’Helicobacter pylori et la prise d’AINS
risque étant plus élevé chez l’homme. ne semblent pas impliquées. En ce qui concerne le décès, les
facteurs de risque sont l’âge, l’existence d’un collapsus cardio-
Étiologies vasculaire initial, une pathologie associée et les critères endo-
scopiques de récidive hémorragique de l’ulcère.
L’origine de la plupart des hémorragies digestives aiguës non L’étude du devenir des malades atteints de cirrhose dans les
traumatiques de l’adulte se situe dans le tractus digestif supé- mois qui suivent un épisode d’hémorragie digestive démontre la
rieur. Plus des trois quarts des hémorragies digestives provien- relation qui existe entre la gravité de l’hémorragie et celle de la
nent d’une lésion située au-dessus de l’angle de Treitz, ce qui maladie hépatique au moment du saignement [4]. La mortalité
définit les hémorragies digestives hautes. Trois quarts de ces globale des hémorragies chez les malades atteints de cirrhose est
hémorragies se révèlent par une hématémèse et 20 % par un de 15 %. Parmi les malades appartenant au groupe C de la
méléna isolé. Dans moins de 5 % des cas, il s’agit d’une classification de Child, le taux atteint 30 %. La mortalité des
rectorragie qui témoigne d’un saignement postpylorique très hémorragies liées à l’hypertension portale a diminué ces
actif. Dans 10 % des cas d’hémorragie digestive haute, il n’y a dernières années. Cette amélioration, qui s’observe quelle que
pas d’hématémèse ni de sang dans le liquide gastrique. La soit la gravité de la cirrhose, est probablement due à une
performance diagnostique de l’endoscopie, proche globalement meilleure prise en charge [13]. La perte sanguine est rarement
de 85 %, augmente avec la précocité de l’examen et il est directement responsable du décès, mais elle s’accompagne de
recommandé de le réaliser dans les 12 premières heures [8]. La complications parfois fatales telles que les infections,
cause principale d’hémorragie digestive aiguë en France est la l’encéphalopathie, l’insuffisance hépatique et rénale. Le risque
maladie ulcéreuse gastrique et duodénale, et les ulcérations de décès est accru pendant le mois qui suit l’épisode hémorra-
aiguës gastroduodénales [7, 9, 10]. La prise d’AINS favorise la gique. Au-delà du troisième mois, la courbe de survie rejoint
survenue des hémorragies digestives, notamment gastriques. La celle des malades atteints de cirrhose qui n’ont pas saigné [14].
maladie ulcéreuse gastroduodénale est à l’origine de 35 à 40 % La récidive hémorragique est fréquente et constitue un élément
de ces hémorragies. La moitié des ulcères se situent dans pronostique important. Cependant, la gravité de l’atteinte
l’estomac et l’autre moitié dans le duodénum. L’hémorragie hépatique est le facteur pronostique majeur de la survie à court
digestive est la complication la plus fréquente de l’ulcère terme et de la survenue des complications liées aux traite-
gastrique, qu’elle complique dans 20 à 30 % des cas. L’hémor- ments [15] . L’âge et la fonction rénale auraient une valeur
ragie digestive aiguë révèle la maladie ulcéreuse gastroduodénale pronostique propre. Les antécédents hémorragiques, le nombre
dans un tiers des cas et peut n’avoir été précédée ni accompa- de culots transfusés et la cause de la cirrhose ne paraissent pas
gnée d’aucune symptomatologie douloureuse. La récidive être des facteurs pronostiques indépendants. Enfin, une méta-
hémorragique après un premier épisode hémorragique s’observe analyse a montré que l’infection était un facteur pronostique
dans 10 à 30 % des cas. Les gastroduodénites sont à l’origine de indépendant pour le décès en cas d’hémorragie chez le malade
15 % des hémorragies digestives hautes. atteint de cirrhose [16].
La rupture de varices œsophagiennes est la deuxième cause
d’hémorragie digestive haute. Elle représente de 5 à 25 % de
l’ensemble des hémorragies selon les pays. La prévalence est
plus élevée en France que dans les autres pays occidentaux et
■ Physiopathologie
est liée à la prévalence élevée de la cirrhose. L’œsophagite, le Quatre-vingts pour-cent des hémorragies digestives provien-
syndrome de Mallory-Weiss, représentent chacun 5 % environ nent du tractus digestif supérieur et les étiologies retrouvées
des causes d’hémorragie. Les hémorragies digestives d’origine dans les principales études épidémiologiques sont indiquées
basse représentent environ 20 % de l’ensemble des hémorragies. dans le Tableau 1.
La détermination de la cause est plus difficile en cas d’hémor-
ragie digestive basse et elle n’est retrouvée que dans 60 à 70 %
des cas [11]. Maladie ulcéreuse
Dans la maladie ulcéreuse gastroduodénale, l’hémorragie est
Pronostic la conséquence d’une rupture artérielle ou artériolaire au fond
du cratère ulcéreux ou d’un saignement de la muqueuse dans la
Le taux de mortalité des hémorragies digestives est compris
zone de l’ulcère. Lorsque la maladie gastroduodénale est
entre 5 et 10 %, mais le décès n’est directement imputable à la
ancienne, en particulier chez le sujet âgé, la rupture artérielle est
spoliation sanguine que dans le quart des cas. Ce taux demeure
le plus souvent en cause et l’arrêt spontané de l’hémorragie est
stable depuis plusieurs décennies. Les trois quarts des hémorra-
peu fréquent. En revanche, le saignement muqueux est le plus
gies s’arrêtent spontanément. En revanche, le taux de mortalité
souvent en cause dans les ulcères récents. L’hémorragie est
des malades qui continuent à saigner est élevé, de l’ordre de
révélatrice de la maladie ulcéreuse dans 30 % des cas. L’arrêt
40 %. L’incidence des hospitalisations liées à l’hémorragie
spontané de l’hémorragie s’observe dans 80 % des cas, mais la
digestive aiguë reste relativement stable et n’a pas été influencée
par les progrès thérapeutiques récents de la maladie ulcéreuse,
contrairement à ce qui s’est passé pour l’hospitalisation des Tableau 1.
poussées de maladie ulcéreuse gastroduodénale sans hémorragie, Étiologies retrouvées dans les principales études épidémiologiques sur
qui a quasiment disparu depuis 20 ans. Ce fait s’explique l’hémorragie digestive aiguë haute.
probablement par le vieillissement de la population et l’utilisa-
tion plus importante des AINS qui ont accru l’incidence et la Ulcères/gastrites 40-70 %
morbidité de ces hémorragies [7]. La mortalité varie en fonction Ruptures de varices 5-25 %
de la cause. Les hémorragies liées à l’hypertension portale ont Œsophagites 5-15 %
une mortalité de l’ordre de 20 %, tandis que la mortalité de Syndrome de Mallory-Weiss 5-10 %
l’hémorragie ulcéreuse est de l’ordre de 5 %. La mortalité ne Autres lésions 5-20 %
s’explique généralement pas par la perte sanguine elle-même,
Pas de diagnostic 5-20 %
mais par la décompensation de pathologies préexistantes telles

2 Médecine d’urgence
Hémorragies digestives non traumatiques de l’adulte ¶ 25-050-B-20

récidive ultérieure est fréquente, de l’ordre de 30 % en l’absence Tableau 2.


de traitement. Les facteurs favorisant les hémorragies digestives Causes des hémorragies digestives basses abondantes.
chez un patient ayant une maladie ulcéreuse sont la prise Anus Hémorroïde
d’aspirine avec un risque relatif compris entre 2 et 15, la prise
Fissure
d’AINS non salicylés avec un risque relatif compris entre 3 et 9,
les traitements antithrombotiques et l’intoxication alcoolique Rectum Ulcération traumatique (thermomètre, lavement)
aiguë [17]. Certains facteurs de risque des hémorragies digestives Rectite radique, ischémique, inflammatoire
aiguës d’origine ulcéreuse associés à la prise d’AINS ont été mis Polype ou cancer
en évidence : il s’agit de l’âge supérieur à 60 ans, du sexe
Côlon Diverticulose colique
féminin dans certaines études, des antécédents d’ulcère duodé-
nal ou d’une hémorragie ulcéreuse antérieure, de l’association Angiodysplasie
de deux AINS, d’une dose élevée d’AINS, d’un début récent du Polype ou cancer
traitement AINS (4 premières semaines de traitement), d’un Polypectomie endoscopique
stress physique ou psychique récent [18]. La présence d’Helico- Entérite inflammatoires (rectocolite hémorragique)
bacter pylori ne semble pas influencer le risque hémorragique en Colite ischémique, médicamenteuse, radique
cas de prise d’AINS. La présence d’Helicobacter pylori en elle- Ulcère colique aigu
même constitue un facteur de risque reconnu de complication
Endométriose
ulcéreuse hémorragique, avec un risque de 3 pour l’ulcère
duodénal et de 4 pour l’ulcère gastrique. Les corticostéroïdes ne Ulcère infectieux (amibien, à cytomégalovirus)
semblent pas augmenter le risque de saignement ulcéreux, sauf Varices (hypertension portale)
s’ils sont utilisés en association avec des AINS. La prise d’AINS Grêle Diverticule de Meckel
favorise l’hémorragie de la maladie ulcéreuse, ainsi que l’appa- Ulcère du grêle (médicamenteux, infectieux)
rition d’ulcérations hémorragiques [19]. La mortalité globale de
Angiodysplasie
l’hémorragie digestive d’origine ulcéreuse est proche de 5 % et
Tumeur bénigne ou maligne (lymphome)
est relativement stable depuis 30 ans malgré les progrès
thérapeutiques. Entérites inflammatoire (maladie de Crohn), radique

Autres lésions œso-gastro-duodénales


que d’une hémorragie d’origine gastroduodénale [21]. L’hémo-
Le syndrome de Mallory-Weiss est une déchirure de la stase endoscopique par électrocoagulation au plasma argon est
muqueuse gastrique et/ou œsophagienne au cardia consécutive le traitement de choix.
à des vomissements itératifs. Elle mesure de quelques millimè- L’hémobilie est une cause rare associant des douleurs biliaires,
tres à quelques centimètres de long et de 2 à 3 mm de large. un ictère et une déglobulisation. Plusieurs causes peuvent être
Orientée dans l’axe longitudinal de l’œsophage, elle est généra- à son origine : lésion traumatique du foie ; anévrisme de l’artère
lement unique. Dans 80 % des cas, la déchirure siège dans hépatique rompu dans les voies biliaires ; tumeurs hépatiques
l’estomac et dans 20 % des cas dans la muqueuse œsopha- ou des voies biliaires. Elle peut être iatrogène après une
gienne [20]. Elle peut être à cheval sur les deux muqueuses. Le ponction-biopsie hépatique [22]. Les wirsungorragies sont rares et
syndrome est favorisé par la prise d’alcool et d’AINS. Le compliquent essentiellement les pancréatites chroniques. Elles
pronostic global de ces hémorragies est bon. Seules les hémor- sont liées à une rupture d’un pseudoanévrisme artériel dans le
ragies actives ou persistantes nécessitent un traitement canal de Wirsung ou dans un pseudokyste communiquant avec
d’hémostase endoscopique. le canal pancréatique. L’hémorragie papillaire est une complica-
L’œsophagite peptique peut être à l’origine d’une hémorragie tion fréquente de la sphinctérotomie endoscopique (de 3 à
digestive lorsqu’elle est sévère (grade III) ou chez les sujets 5 %).
présentant un ulcère du bas œsophage (ulcère de Barrett). Les Les fistules aortoduodénales sont responsables d’hémorragies
hernies hiatales peuvent être responsables d’hémorragie diges- digestives souvent massives évoluant en deux temps et compli-
tive aiguë lorsqu’il existe un ulcère du collet herniaire, un ulcère quent de 2 à 4 % des prothèses aortiques. Elles surviennent en
du bas œsophage ou lorsqu’elles sont compliquées d’œsopha- moyenne de 2 à 5 ans après le geste chirurgical vasculaire.
gite. Les saignements sont favorisés également par la prise
d’AINS et sont en règle de faible abondance.
Les tumeurs malignes ou bénignes gastriques constituent une
Hémorragies digestives basses
cause relativement rare d’hémorragie digestive. Elles justifient la Les hémorragies digestives basses sont plus fréquentes chez le
pratique systématique de biopsies des berges d’un ulcère sujet de plus de 60 ans et chez l’homme. Leur incidence
gastrique, lorsque l’hémorragie aiguë est contrôlée. L’intensité annuelle a été évaluée à 20 épisodes pour 100 000 habitants
des hémorragies digestives des tumeurs sous-muqueuses, y (Tableau 2).
compris bénignes, contraste avec la petite taille de l’ulcération Les causes anales sont les plus fréquentes si l’on considère
de la muqueuse visible en endoscopie. L’examen de choix dans l’ensemble des hémorragies digestives basses, en particulier la
le contexte de l’urgence est le scanner dès qu’une compression pathologie hémorroïdaire et les fissures anales. Elles sont
extrinsèque est évoquée en endoscopie. rapidement reconnues par l’examen clinique et sont rarement à
L’ulcération simplex de Dieulafoy est responsable d’hémorra- l’origine d’hémorragies abondantes.
gies de grande abondance [19]. Il s’agit d’une lésion superficielle La diverticulose colique est la cause la plus fréquente des
de petite taille érodant une artériole cheminant anormalement hémorragies digestives basses abondantes. L’hémorragie compli-
dans la sous-muqueuse, difficile à diagnostiquer puisqu’elle n’est que 5 % des diverticuloses coliques. Elle révèle la diverticulose
reconnue lors de la première endoscopie qu’une fois sur deux. dans 15 à 20 % des cas. Bien que 80 % des diverticules soient
Elle siège le plus souvent dans la partie haute de l’estomac. situés dans le côlon gauche, les diverticules du côlon droit sont
L’âge moyen de survenue est de 50 ans, avec un sex-ratio de responsables de 50 % des hémorragies d’origine diverticu-
deux hommes pour une femme. La possibilité de saignement laire [23]. Le saignement des diverticules peut être favorisé par la
abondant et de récidive sévère justifie une surveillance étroite prise d’AINS.
des malades. Les angiodysplasies sont des anomalies vasculaires dégénéra-
Les gastrites et duodénites aiguës représentent de 2 à 3 % des tives apparaissant le plus souvent chez le sujet âgé, touchant
hémorragies digestives aiguës. Elles comportent habituellement préférentiellement le côlon droit et le cæcum. Elles sont, avec
des érosions multiples souvent favorisées par la prise d’AINS ou les diverticules, la première cause d’hémorragie digestive basse
d’alcool. et sont plus fréquemment observées chez les sujets ayant un
Les anomalies vasculaires dans le cadre d’une maladie rétrécissement aortique ou une insuffisance rénale, et en cas de
angiomateuse de Rendu-Osler et/ou d’angiodysplasie isolée sont maladie de Willebrand. Les lésions sont souvent multiples et se
plus souvent responsables d’une hémorragie d’origine colique situent dans une même portion du côlon.

Médecine d’urgence 3
25-050-B-20 ¶ Hémorragies digestives non traumatiques de l’adulte

Tableau 3.
Fréquence des lésions responsables d’hémorragies digestives en cas
■ Diagnostic
d’hypertension portale.
Diagnostic positif : reconnaître l’hémorragie
Rupture de varices œsophagiennes 60%
Rupture de varices sous-cardiales 10% L’hémorragie digestive aiguë est une urgence thérapeutique.
Gastropathie 10% Elle s’extériorise par une hématémèse, un méléna, une hémato-
chézie (émission de sang rouge et noir par l’anus avec la
Ulcères 15%
présence de caillot) ou une rectorragie. L’hémorragie peut
Œsophagites et syndrome de Mallory-Weiss 5%
également se présenter par un état de choc ou un malaise
Varices ectopiques <1% inexpliqué. En l’absence d’évidence, la pose d’une sonde
gastrique en urgence permet de résoudre le problème dans près
de 80 % des cas des hémorragies digestives hautes [25]. Les
limites de ce geste sont le siège postbulbaire du saignement car
Les ulcérations thermométriques peuvent être à l’origine
le reflux gastrique de sang n’est pas constant. Un examen de la
d’hémorragies digestives basses abondantes. Elles sont liées à
bouche et de la paroi postérieure du pharynx permet d’éliminer
une dilacération longitudinale de la muqueuse antérieure du
une hémorragie buccopharyngée ou une épistaxis déglutie.
rectum. Il s’agit d’une pathologie presque exclusivement
française en voie de disparition, actuellement remplacée par les
lésions traumatiques liées aux canules rectales. Diagnostic de gravité
Les colites ischémiques s’observent dans 5 à 10 % des
Il convient de déterminer d’emblée l’abondance de l’hémor-
hémorragies digestives basses, parfois dans un contexte de bas
ragie, le caractère actif du saignement et les pathologies
débit cardiaque, de prise médicamenteuse ou au décours d’une
associées, qui sont les trois paramètres essentiels qui définissent
intervention chirurgicale sur l’aorte abdominale. Elles survien-
la gravité d’une hémorragie. L’abondance de l’hémorragie se
nent habituellement chez le malade de plus de 60 ans ayant des
détermine sur des paramètres cliniques. La pression artérielle et
antécédents cardiovasculaires. Le plus souvent, elles surviennent
le pouls, la fréquence respiratoire, l’état des extrémités et l’état
spontanément. Elles s’accompagnent fréquemment de douleurs
neurologique sont appréciés d’emblée. S’il n’y a pas d’état de
abdominales. Elles atteignent préférentiellement le côlon
choc, la pression artérielle et le pouls sont déterminés en
gauche, en particulier le sigmoïde et l’angle gauche.
décubitus, puis si possible en positions assise et debout. La
Lors des colites inflammatoires, l’hémorragie digestive est
chute de la pression artérielle avec une pression systolique
rarement abondante. Dans ce cas, les lésions touchent plutôt le
inférieure à 90 mmHg en position debout correspond à une
côlon que le grêle.
perte sanguine de 25 à 50 %. L’intensité des signes cliniques est
Les colites infectieuses liées à Klebsiella oxytoca se compli- étroitement liée à la rapidité avec laquelle cette perte sanguine
quent de rectorragies parfois abondantes. Elles surviennent en se constitue et elle permet de classer l’abondance de l’hémorra-
général après une prise d’antibiotique et cèdent spontanément. gie, qui guide le remplissage vasculaire à entreprendre. Chez le
Les tumeurs rectocoliques peuvent être responsables sujet atteint de cirrhose, le pouls doit être interprété en fonction
d’hémorragies digestives basses, en général chroniques ou de de la prise de bêtabloquants, de la présence d’un syndrome de
faible abondance. Elles représentent de 10 à 15 % des hémorra- sevrage et d’une infection associée.
gies digestives basses abondantes. Le caractère actif de l’hémorragie est un élément pronostique
Les causes plus rares d’hémorragies basses sont les ulcérations important qu’il n’est pas toujours facile de déterminer. La pose
simplex du côlon, les polypectomies endoscopiques qui se d’une sonde gastrique peut renseigner sur le caractère actif de
compliquent d’hémorragie dans 1 % des cas. Le diverticule de l’hémorragie. Des lavages gastriques répétés permettent de
Meckel est rarement en cause chez l’adulte. suivre l’évolution du saignement et de préparer l’estomac pour
l’examen endoscopique. De plus, un lavage gastrique, même
Hémorragies du cirrhotique abondant, est souvent insuffisant pour obtenir une bonne
vacuité gastrique. L’hématocrite initial n’est pas souvent un bon
Il s’agit de la deuxième cause d’hémorragies en France dont reflet de la perte sanguine, car l’hémodilution nécessite quel-
l’incidence, de l’ordre de 20 %, est plus élevée que dans les ques heures. L’appréciation du terrain est essentielle, notam-
autres pays occidentaux du fait d’une prévalence plus élevée de ment la reconnaissance précoce d’une cirrhose, qui nécessite des
la cirrhose. Le risque de survenue d’une hémorragie digestive mesures thérapeutiques spécifiques, et d’une coronaropathie
chez le malade atteint de cirrhose est de l’ordre de 10 à 50 % justifiant un électrocardiogramme systématique.
et dépend de la gravité de la cirrhose, avec laquelle il augmente.
L’hémorragie digestive est plus fréquente chez l’homme. La
cause la plus fréquente d’hémorragie est la rupture de varices
Diagnostic étiologique
œsophagiennes (de 70 à 80 % des cas). Les autres causes liées à
Orientation clinique
l’hypertension portale sont les ruptures de varices gastriques et
la gastropathie d’hypertension portale (Tableau 3). L’hémorragie Certains antécédents doivent être précisés : pathologie œso-
digestive par rupture de varices œsophagiennes survient dans gastro-duodénale peptique, pathologie colique ou proctologique,
un délai moyen de 2 ans après la découverte de la maladie du prise d’AINS, existence de vomissements récents, prise répétée
foie. Quinze pour-cent des malades saignent à nouveau dans les de la température rectale, manœuvres traumatiques endoanales.
10 premiers jours qui suivent l’hémorragie initiale, ce qui Il est essentiel de préciser l’existence d’une hépatopathie
souligne l’intérêt du traitement hémostatique initial. Le risque chronique sous-jacente. Celle-ci peut être diagnostiquée sur des
de récidive est également lié au degré d’insuffisance hépatique. critères cliniques simples, dont la spécificité est excellente et la
La récidive hémorragique à 5 jours serait de 10 % pour les sensibilité supérieure à 50 % dans le contexte de l’urgence : il
malades appartenant à la classe A de Pugh, de 15 % pour les s’agit d’un foie ferme, d’angiomes stellaires, de la présence
malades de la classe B et de 20 % pour les malades de la classe d’une circulation veineuse collatérale, d’un ictère, d’un astérixis
C. La rupture de varices peut s’observer dès que le gradient de ou la notion d’une cirrhose à l’interrogatoire. On précise
pression portale dépasse 10 mmHg, mais il n’y a pas de relation également les pathologies associées, insuffisance cardiaque,
linéaire entre le gradient de pression portale et la taille des coronaropathie, chirurgie aortique, insuffisance rénale, insuffi-
varices [24]. La rupture de la varice œsophagienne dépend de sa sance pulmonaire en particulier.
taille, de la finesse de la paroi et de l’importance de la pression Au terme de l’examen clinique, trois situations peuvent être
intravariqueuse. L’augmentation importante du flux azygos est envisagées qui guident la prise en charge thérapeutique :
également associée à la sévérité des hémorragies. Enfin, le • une hémorragie digestive haute en dehors de la cirrhose ;
gradient de pression portale mesuré 15 jours après l’épisode • une hémorragie digestive basse ;
hémorragique pourrait être un facteur pronostique de survie. • une hémorragie chez un malade atteint de cirrhose.

4 Médecine d’urgence
Hémorragies digestives non traumatiques de l’adulte ¶ 25-050-B-20

Figure 1.
A. Ulcère à cratère propre.
B. Ulcère avec taches hémorragiques.
C. Ulcère avec caillots adhérents.

Tableau 4. spontanément, une coloscopie avec exploration du grêle


Fréquence des lésions constatées en endoscopie en cas d’hémorragie terminal est réalisée après une bonne préparation colique.
ulcéreuse et influence de ces lésions sur le risque de récidive Lorsque la coloscopie est négative, l’intestin grêle est exploré
hémorragique (score de Forrest). par un transit baryté éventuellement complété par un scanner
Fréquence % Récidive % Mortalité % abdominal. Lorsque l’hémorragie demeure active, la colosco-
pie en urgence et l’artériographie doivent être discutées en
Ulcère à cratère propre 40 <5 <5
fonction de l’activité de l’hémorragie et des possibilités
Taches hémorragiques 20 10 0-10
locales. La coloscopie doit être précédée d’une préparation par
Caillot adhérent 15 20 5-10
voie haute ou à défaut par lavement. La rentabilité diagnos-
Vaisseau visible 15 45 10 tique dans ces conditions difficiles est globalement de 75 %.
Saignement actif 15 55 10 Outre le diagnostic lésionnel, la coloscopie peut permettre de
repérer une limite supérieure à la présence de sang. L’artério-
graphie nécessite un débit hémorragique minimal de
Diagnostic endoscopique et morphologique 1 ml.m –1 . L’exploration artériographique commence par
l’artère mésentérique supérieure, puis l’artère mésentérique
Devant une hémorragie digestive haute, l’endoscopie
inférieure. En l’absence de diagnostic, l’exploration peut être
œsogastroduodénale doit être pratiquée le plus précocement
possible dès que l’état hémodynamique l’autorise, au mieux complétée par une opacification du tronc cœliaque. Le site
dans les 12 heures qui suivent l’arrivée du malade [26]. Cet hémorragique est marqué par une extravasation de produit de
examen a pour but de diagnostiquer et de localiser la lésion contraste et on peut visualiser une lésion (angiodysplasie,
responsable du saignement, d’établir pour les ulcères un diverticule, tumeur) dans 30 % des cas. La rentabilité dia-
pronostic propre aux constatations endoscopiques et éven- gnostique globale de cet examen dans l’exploration d’une
tuellement de réaliser un geste d’hémostase [27]. L’aspect de hémorragie digestive basse a été évaluée à 70 %.
l’ulcère donne des informations pronostiques essentielles. Les Lorsque l’abondance de l’hémorragie et l’absence de diagnos-
aspects qui ont été individualisés ont été regroupés dans la tic précis font poser l’indication d’une laparotomie exploratrice,
classification de Forrest, qui associe à l’aspect de l’ulcère un l’endoscopie peropératoire peut aider au diagnostic.
risque de récidive hémorragique et de mortalité (Fig. 1)
(Tableau 4). Lorsqu’il existe un caillot adhérent, un vaisseau Autres examens
visible ou un saignement actif, une surveillance étroite est
souhaitable. Le risque maximal de récidive hémorragique se Ils sont envisagés lorsque l’endoscopie digestive haute n’a pas
situe dans les 3 premiers jours. Le délai durant lequel le malade permis d’identifier la cause de l’hémorragie. La scintigraphie aux
doit rester à jeun dépend également des constatations endosco- hématies marquées par le technétium 99 peut compléter
piques. Certaines études ont conclu à l’intérêt de réalimenter l’exploration d’une hémorragie digestive basse lorsque la
précocement les malades [28]. En cas de risque faible de récidive coloscopie et l’artériographie n’ont pas permis de porter un
hémorragique, ulcère à base claire ou taches hémorragiques diagnostic et que l’activité de l’hémorragie ne justifie pas une
punctiformes, la réalimentation précoce (à la vingt-quatrième laparotomie exploratrice. Elle nécessite un débit supérieur à
heure) peut être préconisée. En cas de caillot adhérent, de 0,1 ml.m–1 de l’hémorragie. La sensibilité diagnostique est de
vaisseau visible ou de saignement actif, la réalimentation l’ordre de 50 % et sa valeur prédictive positive de 90 %. Elle
s’effectue au troisième jour afin de permettre un geste endosco- donne des informations souvent imprécises sur la topographie
pique ou chirurgical en urgence en cas de récidive
du saignement, qui n’est établie correctement que dans 15 %
hémorragique.
des cas.
Dans les hémorragies digestives basses, la stratégie des
examens endoscopiques commence par la réalisation d’une La tomodensitométrie à la recherche d’une anomalie hépati-
anuscopie et d’un examen de la marge anale précédant une que, pancréatique ou d’un faux kyste, ou l’échoendoscopie du
rectosigmoïdoscopie. Lorsque ces examens n’apportent pas carrefour biliopancréatique, complètent la recherche des
d’explication à l’hémorragie, il faut pratiquer une endoscopie hémorragies non diagnostiquées par les examens
digestive haute qui permet de poser un diagnostic dans 10 % conventionnels.
des hémorragies apparemment basses [29]. Lorsque l’origine Lorsque l’hémorragie reste de cause indéterminée, l’explora-
basse de l’hémorragie est confirmée, la suite des examens tion du grêle se fait au mieux par vidéocapsule et/ou par
dépend de l’activité de l’hémorragie. Lorsque celle-ci cesse entéroscopie double ballon.

Médecine d’urgence 5
25-050-B-20 ¶ Hémorragies digestives non traumatiques de l’adulte

■ Traitement repérer des groupes à risque de récidive hémorragique précoce et


de mortalité afin de proposer une surveillance initiale étroite aux
groupes à risque élevé et un retour au domicile précoce aux
Règles générales groupes à risque faible. Le score le mieux validé est celui de
Rockall qui a été établi sur plus de 4 000 malades [35]. Il prend en
La prise en charge des hémorragies digestives aiguës nécessite
compte l’âge, l’état hémodynamique initial, la cause de l’hémor-
la collaboration multidisciplinaire qui concerne les urgentistes
ragie, une comorbidité associée et les données de l’endoscopie.
préhospitaliers, hospitaliers, les gastroentérologues, les radiolo-
On a montré qu’un score de Rockall inférieur à 2 était associé à
gues et les chirurgiens. Elle comprend :
• un traitement symptomatique dont le but essentiel est la une mortalité inférieure à 1 % et certains proposent pour ces
restauration de la volémie ; malades une sortie précoce (Tableau 5). D’autres scores tels que
• un traitement hémostatique qui dépend de la lésion à le score de Baylor ont été proposés pour les hémorragies qui ne
l’origine de l’hémorragie. sont pas liées à l’hypertension portale. Le score de Blatchford
semble avoir une bonne valeur prédictive, mais il nécessite la
Mise en condition prise en compte de paramètres plus complexes peu utilisables en
urgence. Aucun score n’est cependant suffisant en lui-même et
La première phase de la prise en charge thérapeutique est ils doivent toujours être associés à la prise en compte des
d’assurer ou de restaurer un état hémodynamique satisfaisant. données de l’anamnèse, des facteurs de comorbidité et de
La perte sanguine brutale est responsable d’une baisse de la l’examen clinique. Il paraît licite de tenir compte des données
perfusion tissulaire en oxygène qui doit être corrigée sans délai. endoscopiques pour l’évaluation d’un risque individuel. L’exis-
Le geste le plus urgent est la pose d’une voie veineuse afin de tence d’une comorbidité, d’une hypertension portale, nécessite
permettre un remplissage vasculaire et de restaurer une pression une surveillance étroite. L’hospitalisation en réanimation est
artérielle systolique supérieure à 90 mmHg. Elle s’effectue par recommandée en cas de maladie associée décompensée, de
une voie périphérique de bon calibre, supérieur ou égal à 16 G. saignement actif, d’âge élevé, d’ulcère de grande taille avec
La pose d’une sonde gastrique est habituelle, bien qu’il s’agisse
signes endoscopiques de saignement récent.
d’un des gestes considérés comme les plus désagréables. Il n’y a
pas d’argument en faveur d’un effet délétère de la pose d’une
sonde gastrique sur les varices œsophagiennes. Cependant, Traitements étiologiques
certaines équipes ne posent plus de sonde gastrique jusqu’à
l’endoscopie. Des travaux récents ont montré l’intérêt potentiel Maladie ulcéreuse
de l’administration d’érythromycine intraveineuse à la dose de Traitement médical
250 mg en 30 minutes, 1 demi-heure avant l’endoscopie, pour
entraîner une vidange gastrique et assurer une bonne visibilité Quatre-vingt % des hémorragies d’origine ulcéreuse s’arrêtent
de la cavité gastrique. Deux études ont montré la supériorité de spontanément. Cependant, les hémorragies d’origine artériolaire
l’érythromycine par rapport au placebo et une étude récente a persistent ou récidivent dans plus de 90 % des cas et nécessitent
montré la supériorité de l’érythromycine par rapport au lavage donc un geste d’hémostase. Le lavage gastrique n’a pas de vertu
gastrique [30-32]. Outre la numération globulaire, la détermina- hémostatique mais permet de réaliser une endoscopie dans de
tion du groupe sanguin et du Rhésus, de la coagulation et de la meilleures conditions techniques. Il tend à être remplacé ou
fonction rénale doit être effectuée sans délai. Le remplissage complété par l’utilisation d’érythromycine en perfusion intra-
vasculaire dépend de l’abondance de l’hémorragie. Il est assuré veineuse 1 demi-heure avant l’endoscopie [32].
par des cristalloïdes dans la majorité des cas [33]. L’utilisation des Bien que les antisécrétoires n’aient pas fait la preuve de leur
colloïdes n’est justifiée qu’en cas de saignement abondant, dans efficacité dans la prévention de la récidive précoce de
l’attente d’une transfusion. Une oxygénothérapie par voie l’hémorragie, plusieurs travaux s’accordent pour proposer
nasale favorise l’oxygénation tissulaire et est entreprise rapide- d’instituer rapidement un traitement par inhibiteur de la
ment chez le sujet âgé, en cas d’hémorragie sévère ou chez le pompe à protons à forte dose (exemple : oméprazole, 8 mg/h
coronarien.
en continu pendant 72 heures) en cas d’hémorragie ulcéreuse
active ou lorsqu’il existe un caillot adhérent [36, 37]. La base
Critères d’orientation aux urgences physiopathologique de ce traitement repose sur le fait qu’un
La décision d’orientation au sortir des urgences repose sur la pH gastrique neutre est une condition pour la réalisation de
connaissance des facteurs pronostiques à court terme des diffé- l’hémostase primaire.
rents types d’hémorragies et de leur histoire naturelle [34]. De Les substances vasoconstrictives (dérivés de la vasopressine,
nombreux scores, utilisant les facteurs pronostiques identifiés, ont somatostatine ou ses dérivés) ne sont pas utiles dans l’hémor-
été proposés et testés dans la littérature. Ils ont pour but de ragie ulcéreuse [38].

Tableau 5.
Score de Rockall pour l’orientation des malades. Lorsque le score est inférieur à 2, le malade peut bénéficier d’une sortie précoce [35].

Score 0 1 2 3
Âge (ans) < 60 60-79 ≥ 80
Choc Pas de choc Tachycardie Hypotension
Fréquence cardiaque (bpm) ≤ 100 > 100 > 100
Pression artérielle ≥ 100 ≥ 100 < 100
systolique (mmHg)
Comorbidité Absence Insuffisance coronaire Insuffisance rénale
Insuffisance cardiaque Insuffisance hépatique
Autre comorbidité majeure Cancer disséminé
Diagnostic Syndrome de Mallory-Weiss Autres diagnostics Lésions malignes du tube digestif
Pas de lésion observée supérieur
Pas de signe d’hémorragie récente
Signe endoscopique d’hémorragie Absence ou taches hémorragiques Sang dans l’estomac, caillot adhé-
récente rent, vaisseau visible

6 Médecine d’urgence
Hémorragies digestives non traumatiques de l’adulte ¶ 25-050-B-20

Traitement endoscopique hémostatique


Le traitement endoscopique a pris une place prépondérante Hémorragie digestive
ces dernières années [39]. Les techniques d’hémostase utilisent
les injections, les méthodes thermiques et la pose de clips [40].
La méthode la plus utilisée est l’injection en plusieurs points du Remplissage prudent
cratère ulcéreux d’un vasoconstricteur (adrénaline diluée à Terlipressine ou
1/10 000). Le mécanisme d’action associe une vasoconstriction, somatostatine ou ses dérivés
une compression mécanique du vaisseau et une agrégation Sauvetage : tamponnement
plaquettaire. Il peut être éventuellement associé à un produit
sclérosant (polidocanol 1/100). La supériorité de cette associa-
tion n’est pas démontrée. Les autres produits utilisés sont Endoscopie
l’alcool absolu, le sérum salé hypotonique et la thrombine. dans les 12 heures
Aucun de ces produits n’a fait la preuve de sa supériorité.
D’autres méthodes thermiques (laser, électrocoagulation) ont été
utilisées [41]. Le laser est une technique adaptée aux vaisseaux de
gros calibre. Les méta-analyses les plus récentes ont montré une Ulcère
Varices Varices
efficacité de l’ensemble de ces techniques, qui réduisent la œsophagiennes sous-cardiales
récidive hémorragique. Ces essais ont montré une tendance à
réduire le recours à la chirurgie. Une réduction de la mortalité
n’a été démontrée que dans un seul essai. Il existe actuellement
un consensus pour proposer l’hémostase endoscopique en Sclérose
Sclérose
ou Colle
première intention dans l’ulcère hémorragique [42]. Le nombre adrénaline
ligature élastique
de séances avant le recours à la chirurgie n’est pas déterminé de
façon précise et il dépend du terrain, de la taille de l’ulcère et
de l’état hémodynamique. Un choc à l’admission ou un ulcère
de plus de 2 cm de diamètre sont des facteurs prédictifs d’échec
d’un second traitement endoscopique et doivent faire poser Si inefficacité
l’indication chirurgicale en cas de récidive hémorragique [43].
Traitement chirurgical
Le recours à la chirurgie pour le traitement de l’hémorragie Shunt portosystémique
ulcéreuse a nettement diminué au cours des 10 dernières années ou chirurgie ?
avec l’avènement de l’hémostase endoscopique dans l’urgence
et avec l’utilisation des antisécrétoires en ce qui concerne la Figure 2. Arbre décisionnel. Prise en charge d’une hémorragie digestive
chirurgie réglée [43]. La mortalité opératoire dans les situations haute chez le malade atteint de cirrhose.
d’urgence est de l’ordre de 10 %, ce qui s’explique par la
sélection de patients à haut risque [44]. Le traitement chirurgical
de l’ulcère gastroduodénal hémorragique est indiscutable en cas Tableau 6.
d’hémorragie massive. Il est en règle requis lorsque l’endoscopie Utilisation des substances vasoactives en cas d’hémorragie digestive chez
n’a pas permis d’obtenir un arrêt de l’hémorragie. Bien qu’il ne le malade atteint de cirrhose.
soit pas possible de prédire les récidives hémorragiques après la
réalisation d’une hémostase endoscopique, la chirurgie peut être Substance Dose Bolus initial Voie
proposée dans certaines situations : les ulcères larges, notam- Terlipressine 1 mg si < 50 kg - Une injection
ment de la face postérieure du bulbe, les ulcères avec un 1,5 mg si 50 kg - i.v. stricte toutes
saignement initialement actif ou un vaisseau visible, surtout si 70 kg les 4 heures
le sujet est âgé. L’hémostase endoscopique est alors considérée 2 mg si > 70 kg
comme un traitement d’attente permettant d’amener le malade Somatostatine 250 µg/h 0,250 mg i.v. continue
à l’intervention dans les meilleures conditions possibles.
Octréotide 25 µg/h Non i.v. continue
Deux types de traitement chirurgical peuvent être proposés
en urgence : une intervention associant la suture de l’ulcère et i.v. : voie intraveineuse.
la vagotomie ; un traitement plus radical associant une gastrec-
tomie partielle emportant l’ulcère. Ce dernier obtient de des cas. À l’inverse, l’expansion de la volémie par le remplissage
meilleurs résultats en termes d’hémostase, mais il a des consé- vasculaire et la transfusion sanguine entraîne une augmentation
quences fonctionnelles à long terme plus importantes. Une de la pression portale. Il faut donc éviter une correction
étude sur l’ulcère duodénal n’a pas démontré de différence de excessive de l’hypovolémie. Le remplissage vasculaire et les
mortalité entre ces deux attitudes et elle notait un taux de transfusions sanguines doivent avoir pour but de maintenir un
récidive hémorragique plus faible avec le traitement radical. équilibre hémodynamique avec une pression artérielle moyenne
Cependant, la suture associée à la vagotomie doit être envisagée de 80 mmHg et l’hématocrite au-dessus de 25 % [46]. L’abord
pour les malades jeunes. La suture simple de l’ulcère est veineux central doit être évité chez ces malades. La tachycardie
insuffisante car elle expose au risque de récidive hémorragique doit être interprétée en fonction de la prise de bêtabloquants.
postopératoire. En cas d’ulcère gastrique, la gastrectomie La pose d’une sonde gastrique permet une vidange de l’esto-
emportant l’ulcère est privilégiée. mac, un lavage gastrique et une surveillance de l’hémorragie.
Elle n’est pas contre-indiquée par la présence de varices œso-
Hypertension portale phagiennes, mais son intérêt n’est cependant pas démontré.
Le traitement des hémorragies digestives hautes du sujet Traitements hémostatiques. Deux traitements sont possibles
atteint de cirrhose repose sur des mesures symptomatiques, pendant la période préhospitalière.
dont certaines sont spécifiques, et sur le traitement hémostati- L’utilisation d’un traitement pharmacologique représente une
que [45] (Fig. 2). mesure thérapeutique essentielle dans la prise en charge de ces
malades [47]. Deux types de produits ont prouvé leur intérêt
Traitement médical clinique dans cette situation et peuvent ainsi être utilisés : les
Maintien de l’état hémodynamique par remplissage dérivés de la vasopressine, en particulier la terlipressine, et la
vasculaire. La pression portale est corrélée à la volémie et somatostatine et ses dérivés synthétiques, en particulier
diminue lorsque celle-ci baisse. Cette relation pourrait expliquer l’octréotide (Tableau 6). L’analyse de la littérature suggère
l’arrêt spontané de l’hémorragie, qui est observé dans deux tiers l’intérêt de l’utilisation du traitement pharmacologique dès la

Médecine d’urgence 7
25-050-B-20 ¶ Hémorragies digestives non traumatiques de l’adulte

Figure 3.
A. Varice œsophagienne non hémorragique.
B. Varice œsophagienne avec caillot adhérent.
C. Varice œsophagienne avec saignement en jet.

phase de prise en charge préhospitalière [48]. Les dérivés de la Les anomalies de la fonction rénale chez le malade cirrhoti-
vasopressine employés actuellement, comme la terlipressine, ont que, aggravées lors d’une hémorragie digestive, contre-indiquent
une durée d’action plus longue et moins d’effets secondaires les aminosides, et font éviter les opacifications vasculaires et les
systémiques que la vasopressine. Elle doit toujours être utilisée diurétiques [51].
après la réalisation d’un électrocardiogramme car l’ischémie L’encéphalopathie hépatique posthémorragique s’observe
coronarienne aiguë est une contre-indication. La somatostatine, chez 30 % des malades, mais cette proportion est supérieure
hormone peptidique, ou ses dérivés comme l’octréotide à demi- chez les malades ayant une cirrhose grave. L’évacuation rapide
vie plasmatique prolongée, augmentent les résistances artério- du sang du tube digestif est souhaitable au mieux avec du
laires splanchniques et sont également employés pour le lactulose. Le traitement de l’encéphalopathie passe par la
contrôle de l’hémorragie d’origine variqueuse [49, 50]. Ils n’ont prévention des autres complications telles que les infections.
pas d’effets secondaires importants. Les substances vasoactives
Endoscopie
doivent être utilisées le plus précocement, dès que la cirrhose
est reconnue, et maintenues jusqu’à la réalisation de l’endosco- L’endoscopie digestive haute doit être réalisée lorsque l’état
pie. Elles assurent une hémostase primaire dans 80 % des cas et hémodynamique est stable, au mieux dans les 12 premières
améliorent la qualité du transport préhospitalier ainsi que de heures qui suivent le début de l’hémorragie. La rupture de
l’endoscopie initiale. L’autorisation de mise sur le marché varices œsophagiennes est la principale cause d’hémorragie
(AMM) permet l’utilisation de la terlipressine pendant 5 jours et digestive chez le malade atteint de cirrhose. La présence d’une
de la somatostatine pendant 48 heures. Les dernières recom- hémorragie active ou des stigmates d’hémorragie récente et les
mandations incitent à utiliser les agents vasoactifs jusqu’au varices de grande taille sont associées à un risque de récidive de
cinquième jour [6]. Le relais par les bêtabloquants tend à être de l’hémorragie. Les signes de la série rouge (zébrures, taches
plus en plus précoce. En cas de gastropathie congestive hémor- rouges) dans les varices ne témoignent pas d’un saignement
ragique, les traitements vasoactifs peuvent être proposés et le récent, mais sont prédictifs du risque de saignement à venir [52].
propranolol pourrait avoir un intérêt à distance de l’hémorragie Le site de prédilection de la rupture de la varice se situe dans
active. les 5 derniers centimètres de l’œsophage. La rupture de varices
La sonde de tamponnement la plus couramment utilisée est sous-cardiales est à l’origine de moins de 10 % des hémorragies.
celle de Sengstaken-Blakemore, constituée de deux ballonnets Leur pronostic est moins bon, car l’hémostase est souvent
difficile et les récidives plus fréquentes [53]. La gastropathie
gastrique et œsophagien qui doivent être gonflés à l’air. En cas
congestive d’hypertension portale peut être à l’origine de lésions
d’encéphalopathie hépatique, une intubation trachéale est
gastriques hémorragiques ; elle est surtout responsable d’une
préalablement effectuée. La fréquence des complications
anémie. Les varices ectopiques colorectales sont responsables de
pulmonaires et œsophagiennes est de 10 à 40 %. De ce fait,
1 % des hémorragies digestives par hypertension portale. Ces
l’utilisation de la sonde de tamponnement doit être limitée aux
varices sont favorisées par des adhérences chirurgicales, notam-
situations où l’hémorragie non contrôlée est immédiatement ment en cas de stomie du fait du drainage cave de la paroi
menaçante. abdominale (Fig. 3).
Prévention des complications Actuellement, la sclérose endoscopique et surtout la ligature
élastique sont les traitements de choix pour contrôler une
Vingt-cinq à 50 % des malades atteints de cirrhose ont une hémorragie active par rupture de varices œsophagiennes [54].
infection en période d’hémorragie digestive aiguë. Les infections Lorsque la ligature n’est pas réalisable, la sclérothérapie est
bactériennes graves, notamment les septicémies, les pneumopa- réalisée lors de la première endoscopie. L’efficacité de la
thies et les infections du liquide d’ascite sont fréquentes et de sclérothérapie hémostatique dans les essais contrôlés est de
mauvais pronostic. La plupart de ces infections ont pour origine 80 %. L’action du produit sclérosant est triple. Il provoque une
des germes du tube digestif. Le risque infectieux est aggravé par compression mécanique de la varice par le produit injecté, et
les gestes endoscopiques et de réanimation. La décontamination entraîne une thrombose de la varice et la constitution d’une
digestive par voie orale semble prévenir les infections à bacilles réaction inflammatoire locale intense d’apparition retardée.
à Gram négatif. Une antibiothérapie systémique par quinolone, L’agent sclérosant le plus utilisé en Europe est le polidocanol
simple à utiliser en période hémorragique, prévient également (Aetoxisclérol®). La sclérothérapie permet d’obtenir l’hémostase
efficacement les infections bactériennes [16]. Son utilisation est dans plus de 90 % des cas en période d’hémorragie active.
recommandée pour une durée de 1 semaine [6]. L’incidence des complications liées à la sclérothérapie est

8 Médecine d’urgence
Hémorragies digestives non traumatiques de l’adulte ¶ 25-050-B-20

■ Références
.

évaluée entre 10 et 30 %, avec un taux de mortalité de 0,5 à


2 %. Les complications sont réduites par l’administration de
sucralfate ou un inhibiteur de la pompe à protons. La ligature [1] Czernichow P, Hochain P, Nousbaum JB. Epidemiology and course of
élastique par voie endoscopique a été proposée pour le traite- acute upper gastrointestinal haemorrhage in four French geographical
ment des varices œsophagiennes et gastriques. Les premières areas. Eur J Gastroenterol Hepatol 2000;12:175-81.
.
études ont montré que la ligature élastique permettait égale- [2] Menn AM, de Min V, Bleichner G. In: Orientation du malade au sortir
ment l’hémostase en urgence des varices œsophagiennes dans du service des urgences après une hémorragie digestive. In: Prise en
près de 90 % des cas. Le taux de récidive hémorragique de 30 % charge des hémorragies digestives. Paris: Masson; 2002.
.
observé dans ces études est faible, et les résultats de la ligature [3] Bourienne A, Pagenault M, Heresbach D. Étude prospective
et de la sclérothérapie semblent comparables. Elle paraît multicentrique des facteurs pronostiques des hémorragies ulcéreuses
particulièrement intéressante pour les varices de grande taille gastroduodénales. Gastroenterol Clin Biol 2000;24:193-200.
.
qui s’observent chez les patients les plus graves. Les complica- [4] Poynard T, Chaput JC, Mary JY, Scolaro M, Buffet C, Etienne JP.
tions observées avec cette technique sont plus rares, mais son Analyse critique des facteurs liés à la mortalité au trentième jour dans
utilisation en période hémorragique est plus difficile. les hémorragies digestives hautes du cirrhotique. Gastroenterol Clin
L’injection endoscopique de colle biologique paraît intéres- Biol 1980;4:655-65.
sante dans les varices sous-cardiales dont l’hémostase par [5] Amouretti M, Czernichow P, Kerjean A, Hochain P, Nousbaum JB,
sclérothérapie classique est souvent un échec. Dans cette Rudelli A, et al. Prise en charge des hémorragies digestives hautes
indication, les études, dont aucune n’était contrôlée, ont communautaires. Gastroenterol Clin Biol 2000;24:1003-11.
montré une hémostase efficace dans 90 % des cas avec un taux [6] De Franchis R. Evolving consensus in portal hypertension: report of
de récidive proche de la sclérose classique pour les varices Baveno IV consensus workshop on methodology of diagnosis and
œsophagiennes. therapy in portal hypertension. J Hepatol 2005;43:167-76.
Le traitement endoscopique en urgence de l’ulcère gastroduo- [7] Hochain P. In: Épidémiologie des hémorragies digestives aiguës. In:
Prise en charge des hémorragies digestives. Paris: Masson; 2002.
dénal chez le malade atteint de cirrhose ne présente pas de
[8] Cook DJ, Guyatt GH, Salena BJ, Laine LA. Endoscopic therapy for
particularité par rapport à celui des malades qui n’ont pas
acute nonvariceal upper GI haemorrhage: a meta-analysis.
d’hépatopathie. Les troubles de l’hémostase et les risques
Gastroenterology 1992;102:139-48.
opératoires chez les malades cirrhotiques incitent à utiliser
[9] Chassaignon C, Letoumelin P, Pateron D. The HD 2000 group. Upper
largement cette méthode.
gastrointestinal haemorrhage in Emergency Departments in France:
Radiologie interventionnelle causes and management. Eur J Emerg Med 2003;10:290-5.
[10] Fleischer D. Etiology and prevalence of severe persistent upper
L’embolisation transhépatique ou transjugulaire est efficace gastrointestinal bleeding. Gastroenterology 1983;84:538-43.
pour obtenir l’hémostase précoce, mais le geste est difficile à [11] Raoul JL. Hémorragies digestives basses abondantes. Approche dia-
réaliser et la récidive hémorragique précoce est fréquente. Le gnostique et thérapeutique. Gastroenterol Clin Biol 1995;19(5Pt2):
shunt portosystémique intrahépatique utilise des prothèses B41-B46.
expansibles afin de créer et de maintenir le chenal entre la [12] Branicki FJ, Coleman SY, Fok PJ. Bleeding peptic ulcer: a prospective
veine sus-hépatique et la veine porte. L’implantation s’effectue evaluation of risk factors for rebleeding and mortality. World J Surg
par voie transjugulaire. Son indication en cas d’échec du 1990;14:262-70.
traitement endoscopique paraît intéressante. Cette technique a [13] Carbonell N, PauwelsA, Serfaty L, Fourdan O, Lévy VG, Poupon R. La
également été proposée dans l’attente d’une transplantation mortalité des hémorragies digestives des cirrhoses a été réduite de plus
hépatique lorsque le problème hémorragique est au premier de moitié en 15 ans. Hepatology 2004;40:652-9.
plan [55]. [14] Sorensen TI. Definitions of death in relation to variceal bleeding. In:
Burroughs AK, editor. Methodology and reviews of clinical trials in
Traitement chirurgical
portal hypertension. Amsterdam: Experta Medica; 1987. p. 23-6.
Le traitement chirurgical de l’hypertension portale est très [15] Graham DY, Smith JL. The course of patients after variceal
efficace pour assurer l’hémostase en cas d’hémorragie digestive hemorrhage. Gastroenterology 1981;80:800-9.
par rupture de varices. Cependant, la morbidité et la mortalité [16] Bernard B, Grange JD, Khac EN, Amiot X, Opolon P, Poynard T.
de ces interventions en ont réduit les indications. L’anastomose Antibiotic prophylaxis for the prevention of bacterial infections in
portocave en urgence est contre-indiquée dans le cas des cirrhotic patients with gastrointestinal bleeding: a meta-analysis.
hémorragies survenant chez les malades ayant une insuffisance Hepatology 1999;29:1655-61.
hépatique sévère, appartenant à la classe C de Child-Pugh. La [17] Hochain P, Colin R. Complications intestinales des anti-inflammatoires
transplantation hépatique présente l’avantage de traiter l’insuf- non stéroïdiens. Gastroenterol Clin Biol 1995;19(5Pt2):B79-B83.
fisance hépatique et l’hypertension portale. Cependant, les [18] Cook DJ, Fuller HD, Gordon MB. Risk factors of gastrointestinal
exigences de la transplantation ne permettent pas de faire de bleeding in critically ill patients. N Engl J Med 1994;330:377-81.
cette technique un traitement en urgence de l’hémorragie grave [19] Lin HJ, Lee FY, Tsai YT. Therapeutic endoscopy for Dieulafoy’s
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[20] Sugawa C, Benishek D, Walt AJ. Mallory Weiss syndrome. Am J Surg
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■ Conclusion [21] Clouse RE, Costigan DJ, Mills BA. Angiodysplasia as a cause of upper
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[22] Yoshida J, Donahue PE, Nyhus LM. Hemobilia: review of recent
D’importants progrès ont été récemment réalisés dans le
experience with a worldwide problem. Am J Gastroenterol 1987;82:
traitement des hémorragies digestives, en particulier dans
448-53.
l’hémostase endoscopique. L’application de ces mesures a [23] Wagner HE, Stain SC, Gilg M, Gertsch P. Systematic assessment of
amélioré le pronostic de cette urgence digestive. La stratégie massive bleeding of the lower part of the gastrointestinal tract. Surg
thérapeutique peut être mise en œuvre lorsque la prise en Gynecol Obstet 1992;175:445-9.
charge initiale a permis d’assurer ou de restaurer un état [24] Lebrec D, De Fleury P, Rueff B, Nahum H, Benhamou JP. Portal hyper-
hémodynamique satisfaisant et d’apprécier les facteurs de tension, size of oesophageal varices, and risk of gastrointestinal
comorbidité et l’existence d’une pathologie hépatique chroni- bleeding in alcoholic cirrhosis. Gastroenterology 1980;79:1139-44.
que qui influencent fortement la prise en charge des malades. [25] Cuellar RE, Gavaler JS, Alexander JA. Gastrointestinal tract
Elle dépend de l’individualisation de plus en plus précise de hemorrhage. Arch Intern Med 1990;150:1381-4.
critères pronostiques cliniques et endoscopiques qui permettent [26] Cooper GS, Chak A, Way LE, Hammar LE, Harper DL, Rosenthal GE.
d’effectuer les choix thérapeutiques et de définir le type et la Early endoscopy in upper gastrointestinal hemorrhage: association
durée d’hospitalisation. Cette prise en charge des malades with recurrent bleeding, surgery, and length of hospital stay.
présentant une hémorragie digestive aiguë passe par une Gastrointest Endosc 1999;49:145-52.
collaboration étroite entre les urgentistes, les réanimateurs, les [27] Gilbert DA. Epidemiology of upper gastrointestinal bleeding.
gastroentérologues, les radiologues et les chirurgiens. Gastrointest Endosc 1990;36(Suppl. 5):S8-S13.

Médecine d’urgence 9
25-050-B-20 ¶ Hémorragies digestives non traumatiques de l’adulte

[28] Laine L, Cohen H, Brohead J, Candor D, Garcia F, Mosquera M. [43] Lau JY, Sung JJ, Lam YH, Chan AC, Ng EK, Lee DW, et al. Endoscopic
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D. Pateron, Professeur (dominique.pateron@sat.ap-hop-paris.fr).


Service des urgences, Centre hospitalier universitaire Saint-Antoine, 184, rue du Faubourg Saint-Antoine, 75571 Paris cedex 12, France.
J.-L. Pourriat, Professeur.
Service des urgences, Centre hospitalier universitaire Hôtel Dieu, 1, place du Parvis-Notre-Dame, 75004 Paris, France.
N. Carbonell, Docteur.
Service d’hépato-gastro-entérologie, centre hospitalier universitaire Saint-Antoine, 184, rue du Faubourg Saint-Antoine, 75571 Paris cedex 12, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Pateron D., Pourriat J.-L., Carbonell N. Hémorragies digestives non traumatiques de l’adulte. EMC
(Elsevier Masson SAS, Paris), Médecine d’urgence, 25-050-B-20, 2007.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos / Documents Information Informations Auto-
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

10 Médecine d’urgence
¶ 25-050-A-25

Imagerie des urgences abdominales


non traumatiques de l’adulte
E. Danse

La douleur abdominale est une cause fréquente d’admission en urgence. La radiologie moderne est
devenue incontournable dans ces types de situations. Dans ce chapitre, nous abordons quelques notions
de radiologie conventionnelle et nous développerons la contribution de l’imagerie en coupes dans la mise
au point diagnostique des affections abdominales aiguës de l’adulte. Un diagnostic adapté est fondé sur
un usage rationnel de l’échographie et de la tomodensitométrie, ce qui permet de réduire le nombre de
laparotomies inutiles. Le diagnostic d’affections fréquentes ou inhabituelles est posé plus précocement,
souvent avant la survenue de complications dramatiques comme la perforation.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Abdomen ; Affections aiguës ; Radiographie ; Échographie ; Radiologie d’urgence ;


Tomographie computérisée

Plan ¶ Urgences urinaires 25


Infection urinaire basse 25
¶ Généralités 1 Infection urinaire haute 25
Symptômes 2 Causes habituelles de l’obstruction urinaire 25
Techniques radiologiques d’urgence et leurs indications 3 Anomalies vasculaires rénales 26
Hémorragies rénales et périrénales 26
¶ Urgences vasculaires aortiques 4
Rein greffé et ses complications 27
Affections aiguës de l’aorte abdominale 4
Affections aiguës des branches de division de l’aorte abdominale 5 ¶ Urgences gynécologiques 28
Rupture de grossesse extra-utérine 28
¶ Perforations digestives 6
Kyste du corps jaune hémorragique rompu 28
Généralités 6
Torsion d’annexe 28
Pneumopéritoine 7
Kyste dermoïde 28
Rétropneumopéritoine 7
Abcès tubo-ovarien 30
¶ Affections aiguës hépato-bilio-pancréatiques 8
¶ Urgences spléniques 30
Généralités 8
Affections vasculaires 30
Obstacle des voies biliaires 8
Rupture spontanée de la rate 30
Inflammation des voies biliaires 9
Cholécystite 9
Pancréatite aiguë 10
Affections du parenchyme hépatique 12
Complications du shunt intrahépatique portosystémique :
thrombose et sténose 15
Foie greffé et ses complications 15
¶ Occlusion intestinale mécanique 16 ■ Généralités
Occlusion haute 17
L’image stéréotypée du radiologue focalisé sur son procédé
Occlusion du grêle 17
technique et distant de la réalité clinique est de plus en plus
Occlusion colique 18
dépassée, et en particulier dans le domaine de l’urgence
¶ Entérocolites infectieuses et inflammatoires 19 abdominale. Il est demandé au radiologue de contribuer à la
Bases sémiologiques des entérocolites en échographie démarche diagnostique avec les outils performants dont il
et en tomodensitométrie 19 dispose, en en faisant un usage raisonnable, pour à la fois
Appendicite aiguë 20 respecter l’intégrité du patient qui lui est confié et dépenser en
Diverticulite colique aiguë 22 bon père de famille les ressources mises à sa disposition. Dans
Entérocolites d’origine bactérienne 23 ce chapitre illustrant la pratique de radiologie consacrée à
Maladies inflammatoires du tube digestif et leurs complications 23 l’urgence, nous nous attardons pendant quelques lignes sur les
¶ Affections ischémiques de l’intestin 24 éléments cliniques importants, les données techniques mini-
Ischémie du grêle 24 males à envisager, pour ensuite développer les grandes entités
Ischémie colique 25 abdominales aiguës vues sous l’angle des deux techniques
Appendagite 25 principales appliquées aux affections abdominales aiguës que
Infarctus omental 25 sont l’échographie et la tomodensitométrie.

Médecine d’urgence 1
25-050-A-25 ¶ Imagerie des urgences abdominales non traumatiques de l’adulte

Tableau 1. Tableau 3.
Diagnostics à envisager en cas de douleur de l’hypocondre et de la fosse Synthèse des causes potentielles de douleur abdominale aiguë de
iliaque droites. localisation épigastrique ou diffuse.
Douleur de l’hypocondre Colique vésiculaire, cholécystite Douleur épigastrique Ulcère gastrique (éventuellement perforé)
droit Colique néphrétique, pyélonéphrite Pancréatite aiguë
Infarctus rénal Anévrisme aortique rompu
Colite aiguë (diverticulaire) Dissection d’une artère splanchnique
Appendicite rétrocæcale Douleur diffuse Occlusion intestinale
Douleur de la fosse iliaque Appendicite Infarctus mésentérique
droite Iléocæcite infectieuse ou inflammatoire Perforation en péritoine libre
Corps jaune hémorragique
Abcès tubo-ovarien
Rupture de grossesse extra-utérine Tableau 4.
Torsion d’ovaire Urgences abdominales et choc hémorragique.
Colite ischémique Hémorragie rétropéritonéale
Diverticulite cæcale diverticulite sigmoï- – aorte ou une de ses branches
dienne – tumeur (rénale)
Appendagite Hémorragie intrapéritonéale
Néoplasie cæcale – femmes : grossesse extra-utérine, kyste corps jaune, adénome hépati-
Pneumopathie de la base pulmonaire que
– femmes et hommes : rupture spontanée d’un anévrisme ou d’une tu-
meur viscérale
Tableau 2. Ischémie digestive aiguë
Diagnostics à évoquer en cas de douleur de l’hypocondre ou de la fosse – infarctus mésentérique
iliaque gauche. – strangulation au décours d’une occlusion mécanique
Douleur de l’hypocondre Colique néphrétique Colique néphrétique
gauche Pyélonéphrite
Infarctus splénique
Abcès splénique
l’appendicite pour la douleur aiguë de la fosse iliaque droite et
Rupture d’un kyste ou d’un anévrisme la diverticulite pour la douleur aiguë de la fosse iliaque gauche.
splénique La douleur pelvienne basse survenant chez une femme en
Rupture spontanée de la rate période d’activité génitale doit faire exclure une affection
Infarctus rénal gynécologique, d’allure inflammatoire ou infectieuse. En cas de
Colite aiguë (diverticulaire) choc hypovolémique, on suspecte la rupture d’un kyste du
Pancréatite caudale corps jaune ou une grossesse extra-utérine (GEU) rompue.
La tentative de sédation de la douleur ne contribue pas à
Douleur de la fosse iliaque Diverticulite sigmoïdienne
améliorer la qualité de l’examen radiologique (échographique),
gauche Abcès tubo-ovarien
comme cela a été démontré en cas d’appendicite aiguë [1]. Le
Corps jaune hémorragique radiologue peut affiner son exploration grâce à la localisation de
Torsion d’annexe la douleur par le patient lui-même (qui dirige la sonde sur le
Rupture de grossesse extra-utérine point le plus douloureux) et réduire le temps de l’examen [2].
Colite ischémique
Appendagite État de choc hypovolémique
Pneumopathie de la base Il se définit par une hypotension, associée à une tachycardie,
une tachypnée et éventuellement une froideur des extrémités [3].
Il peut être dû à une hémorragie abdominale active intrapérito-
néale ou rétropéritonéale (Tableau 4). Le type de douleur peut
Symptômes aider à préciser la topographie de l’hémorragie, qui sera
confirmée par l’imagerie en coupe. La douleur dorsale ou
Deux informations sont importantes à connaître avant de
lombaire oriente vers la localisation rétropéritonéale, de même
procéder au bilan radiologique d’affections abdominales aiguës :
que l’apparition d’un œdème scrotal.
la douleur, ainsi que sa localisation, et la présence d’un état de
Les symptômes dominants influent grandement la façon de
choc hypovolémique.
réaliser les examens tomodensitométriques actuels sur les
équipements porteurs de plusieurs rangées de détecteurs : les
Douleur coupes ultrafines, sans injection de contraste intraveineux, sont
Elle constitue le point de base qui contribue au diagnostic la règle en cas d’affection lithiasique urinaire ; elles montrent
également leur utilité lorsqu’un obstacle lithiasique biliaire est
d’une affection abdominale aiguë. On distingue ainsi les
recherché. Les coupes sans contraste sont effectuées dans le
douleurs de l’hypocondre droit, de l’hypocondre gauche, de la
premier temps de l’examen en cas de contexte hémorragique.
fosse iliaque droite et de la fosse iliaque gauche et la douleur
Les coupes tardives sur les reins sont utilisées dans le bilan
abdominale diffuse. Plusieurs manuels de médecine et de d’une pyélonéphrite. L’examen comporte trois phases (à blanc,
radiologie d’urgence sont basés au départ sur les différents types temps artériel et temps portal) si une ischémie est suspectée.
de douleur plutôt que sur les grandes entités cliniques Les résultats des examens radiologiques doivent être pondérés
habituelles. par les paramètres biologiques et les éléments cliniques, quand
Un tableau synoptique reprend les différents types de dia- ils n’offrent pas de diagnostic formel. Ainsi, en cas de suspicion
gnostic à considérer en fonction de la topographie de la douleur d’appendicite, une leucocytose normale doit faire relativiser un
(Tableaux 1–3). En fonction de la topographie de la douleur, les bilan tomodensitométrique ne montrant que des signes aspéci-
diagnostics les plus probables sont celui d’une affection aiguë fiques d’inflammation de la graisse péridigestive de la fosse
des voies biliaires ou de la vésicule pour l’hypocondre droit, iliaque droite [4].

2 Médecine d’urgence
Imagerie des urgences abdominales non traumatiques de l’adulte ¶ 25-050-A-25

Techniques radiologiques d’urgence posséder à temps le cliché préopératoire du thorax, certaines


affections cardiothoraciques peuvent générer une douleur
et leurs indications abdominale (pneumonie, péricardite, pathologie du bas œso-
Radiographie simple phage). Il faut également noter que les petits pneumopéritoines
se voient facilement dans cette incidence d’autant mieux sur un
Jusqu’à ce jour, la radiographie simple de l’abdomen, plus
cliché fait en expiration.
communément intitulée « abdomen sans préparation » ou
Des incidences complémentaires étaient recommandées dans
« abdomen à vide », reste l’examen de base prescrit en cas de
le passé. Les informations apportées par la tomodensitométrie,
douleur abdominale. Nous en abordons les points qui restent
même sans injection de contraste, ont rendu ces clichés inutiles.
encore utiles, sans ignorer que cette technique vit probablement
ses dernières heures, au moment des progrès technologiques de Interprétation
la tomodensitométrie rapide, à faible dose [5-7]. Les avantages de L’analyse des clichés proposée par l’équipe canadienne de
la tomodensitométrie par rapport à la radiographie simple en Flak et Rowley [7] se fonde sur une étude systématique de trois
cas d’urgence abdominale ont été récemment évalués : la systèmes et de trois points à contrôler. Les trois systèmes sont
spécificité de la tomodensitométrie est de 80 % alors que celle les éléments osseux, les tissus « mous » (foie, rate, reins, muscles
de l’abdomen sans préparation se limite à 10 % [8]. psoas, vessie, utérus et effets de masse) et l’air (en particulier la
Indications répartition de l’air dans le côlon, le calibre des structures
digestives, la localisation de l’air, l’aspect de la muqueuse
Les bonnes indications actuelles de la radiographie simple
digestive, les niveaux hydroaériques).
sont la recherche d’une perforation digestive et d’une occlusion
Les trois points à contrôler sont l’existence d’air libre dans
intestinale chez des patients mobilisables et coopérants. L’abdo-
l’abdomen (« rigler sign »), la recherche de liquide libre (élargis-
men sans préparation garde une place dans le bilan d’une
sement des gouttières paracoliques ou de l’espace interanses) et
lithiase urinaire symptomatique et la recherche de corps
la recherche de calcifications anormales (intérêt plus particulier,
étrangers [9].
mais peu fréquent de la détection des appendicolites, et en cas
Les indications relatives ou discutables sont la suspicion
d’iléus biliaire).
d’ischémie digestive, de cholécystite emphysémateuse, de
mégacôlon toxique, d’hernie diaphragmatique traumatique, le Échographie et doppler couleur
bilan d’un état septique, d’une appendicite non compliquée ou
d’un traumatisme. On peut classer dans ce sous-groupe la L’usage optimal de l’échographie appliquée à l’abdomen aigu
recherche d’un pneumopéritoine ou la reconnaissance d’une repose sur une expérience clinique et radiologique, en particu-
occlusion chez un patient âgé difficilement mobilisable et peu lier pour intégrer les constatations échographiques avec les
compliant [9]. données de la tomodensitométrie. Il est en effet préférable de ne
Les mauvaises indications sont le dépistage tous azimuts, un pas opposer ces deux techniques mais de les considérer comme
bilan abdominal sans notion de douleur abdominale, les complémentaires. Souvent utile en première intention, l’écho-
hémorragies digestives, la recherche d’ascite et la pancréatite graphie peut se présenter comme le « stéthoscope doré » du
aiguë. futur [11, 12].
L’examen échographique pratiqué en cas de douleur abdomi-
Technique nale aiguë comporte une évaluation globale de l’abdomen en
La technique de base suppose la réalisation de deux clichés de utilisant des sondes de basse fréquence afin d’exclure une
face, l’un en décubitus et l’autre en station. Pour qu’un cliché anomalie du foie, de la vésicule, du petit bassin, des reins et du
d’abdomen sans préparation soit correctement analysable, il système vasculaire aortique et portomésentérique [13] . Les
doit comprendre une vue d’ensemble de l’abdomen qui s’étend éventuels abcès ou épanchements liquidiens sont décelés lors de
des coupoles diaphragmatiques jusqu’au pubis (y compris le ce balayage abdominal. La réplétion vésicale améliore la
territoire des orifices inguinaux). Le nom, la date de naissance, recherche de telles collections mais elle n’est pas toujours
la date de l’examen et idéalement l’heure du cliché doivent être nécessaire pour permettre un examen optimal des structures
indiqués. La position du cliché doit également être indiquée. intestinales. La plupart des appareils actuels permettent d’effec-
L’analyse des données de la littérature radiologique se tuer, sans difficulté majeure, une analyse en mode couleur de la
rapportant à l’abdomen à blanc en situation d’urgence nous perméabilité de l’axe veineux portomésentérique, tout comme
montre qu’il est préférable de prévoir trois clichés : un cliché de de l’aorte abdominale et de l’artère mésentérique supérieure.
l’abdomen vu de face en position couchée, un cliché de face de Une fois ce tour d’horizon réalisé, on procède à l’évaluation
l’abdomen en station et un cliché de thorax de face, debout. Le du tube digestif, avec un intérêt particulier pour l’appendice et
cliché de face de l’abdomen en position couchée est une le carrefour iléocæcal, et ensuite de l’ensemble du cadre colique,
incidence initiale pour permettre une analyse radiologique plus précisément pour le sigmoïde. Cette partie de l’examen se
correcte. Sur cette seule incidence, une occlusion intestinale, fait avec des sondes linéaires, de plus haute fréquence, en
voire une perforation, peut être éventuellement évoquée. Les utilisant la méthode de la compression dosée développée par
éléments plus subtils tels que les effets de masse intra- Puylaert, [14] qui consiste à appliquer une compression douce et
abdominaux ou l’air extradigestif dans la paroi digestive ou les progressive de la paroi abdominale, en particulier dans la
voies biliaires se recherchent plus facilement sur cette incidence direction du site de douleur maximale. Appliquée à l’appendice,
de face en position couchée. cette méthode de la compression dosée peut être complétée par
L’incidence abdominale en station doit être faite avec un une manœuvre additionnelle de compression postérieure,
rayon incident strictement horizontal pour pouvoir détecter les augmentant le score de visibilité de l’appendice [15]. La perfu-
niveaux hydroaériques. sion pariétale est analysée en mode doppler couleur, en utilisant
Quand la position en station n’est pas réalisable au vu de des paramètres de réglage sensibles, identiques à ceux utilisés
l’état critique du malade, en particulier chez le patient en salle pour évaluer le système veineux périphérique [16].
de réanimation, le cliché en décubitus latéral gauche doit être
réalisé, en ayant pris soin de laisser le patient dans cette Tomodensitométrie
position pendant au moins 10 minutes. C’est un moyen aisé L’examen classique repose sur la réalisation d’une évaluation
pour détecter un petit pneumopéritoine et des niveaux hydro- globale de la cavité abdominale, des coupoles à la symphyse
aériques. Idéalement, le cliché en décubitus latéral gauche sera pubienne, avec une injection intraveineuse de produit de
fait en fin d’expiration. contraste d’emblée (Tableaux 5, 6). En dehors d’une suspicion
Un bilan radiologique d’une urgence abdominale pourrait se de perforation ou d’examen réalisé dans les suites opératoires
limiter au cliché d’abdomen à blanc en position couchée et au récentes d’une chirurgie digestive, une opacification colique est
thorax de face en station, en éliminant du bilan de routine le à prévoir. L’examen réalisé sur des appareils hélicoïdaux est fait
cliché d’abdomen en station [10]. L’intérêt de l’association du à l’aide de coupes de 7 mm d’épaisseur, du dôme hépatique aux
cliché de thorax en station est multiple : outre l’intérêt de crêtes iliaques avec un pitch de 1,3-1,4 : 1, et des coupes de

Médecine d’urgence 3
25-050-A-25 ¶ Imagerie des urgences abdominales non traumatiques de l’adulte

Tableau 5. des diagnostics alternatifs dont le pourcentage peut dépasser


Principes de base des examens tomodensitométriques (TDM) des plus de 60 % [17, 18].
urgences abdominales les plus fréquentes. Les techniques d’opacifications, hautes ou basses, sont aussi
Technique TDM Coupes sans contraste
discutées. Les auteurs qui pratiquent l’ingestion orale ne font
intraveineux que peu d’opacification rectale [17] ; 800 à 1 000 ml de diatri-
zoate de méglumine (Gastrografine®) dilués à 2, 3 ou 5 % sont
Examen de base Non ingérés 45 minutes à 1 heure et demie avant l’examen tomo-
Lithiase urinaire Toujours densitométrique [17, 18, 20]. L’opacification colique est pratiquée
Ischémie mésentérique Toujours avec une quantité de 40 ml de méglumine diluée dans 1 l
Pancréatite En cas de premier examen et si l’origine biliaire d’eau [21] . L’approche tomodensitométrique la plus efficace
est possible suppose l’injection intraveineuse de produit de contraste, [17, 22]
Hémorragie active Si possible parce que l’appendice est idéalement visualisé dans la plupart
des situations ; 100 à 150 ml de produit de contraste iodé sont
Technique TDM Coupes avec contraste Caractéristiques
injectés, à une concentration de 60 % avec un débit habituel de
intraveineux
3 ml/s, les coupes étant effectuées à un délai de 70 secondes
Examen de base Toujours pour l’abdomen supérieur. Les coupes pelviennes sont réalisées
Lithiase urinaire Si examen sans 50 ml + série en procu- après 3 minutes [18].
contraste négatif ou bitus
incomplet Opacifications digestives et angiographie
Ischémie mésentérique Examen triphasique Coupes fines
La place des opacifications digestives, hautes ou basses, s’est
Pancréatite Si possible
sensiblement réduite au fil des années. Le site d’une perforation
Hémorragie active Triphasique digestive peut éventuellement être documenté, secondairement
à un examen tomodensitométrique insuffisant, l’inverse n’étant
pas performant (la concentration du produit de contraste est
Tableau 6. plus élevée lors des opacifications conventionnelles par rapport
Paramètres de base des examens tomodensitométriques (TDM) usuels en aux doses utilisées en tomodensitométrie). Le volvulus du côlon
cas d’urgence abdominale. sigmoïde et du cæcum reste encore du domaine de l’opacifica-
tion, mais plus volontiers dans les cas douteux, après un bilan
Technique TDM Temps d’acquisition Débit d’injection
après injection de
radiographique et tomodensitométrique conventionnel
contraste intraveineux incertain.
L’angiographie diagnostique a également pris une place de
Examen de base Dose totale : 150 ml seconde intention, bien qu’elle ait pris une place de choix dans
Abdomen supérieur : 70 s 120 ml – 2,5 ml/s le bilan des hémorragies actives, en particulier du tube digestif,
Abdomen inférieur : 270 s 30 ml – 2 ml/s lorsque l’endoscopie est en difficulté.
Examen triphasique 3-4 ml/s – 120 ml
Temps artériel Détection automati-
que du bolus ■ Urgences vasculaires aortiques
Temps portal 70 s
Affections aiguës de l’aorte abdominale
5 mm avec un pitch de 1,5 : 1, des crêtes aux ischions. Le L’échographie pratiquée en première intention permet la
protocole standardisé sur un appareil équipé de détecteurs détection de l’anévrisme de l’aorte abdominale. Les caractéristi-
multiples (quatre) se fait à l’aide de coupes de 3,2 mm, avec un ques de l’anévrisme à risque de rupture sont un diamètre
incrément de 1,6 mm, un pitch de 1,25 et un temps de rotation transversal de l’aorte supérieur à 5 cm, une augmentation de
de 0,75 seconde. Les autres paramètres utilisés sont variables taille par rapport à des données antérieures et une dilatation
d’une publication à l’autre : les mAs oscillent entre 200, 220, rénale aiguë. Dans le cadre de l’urgence, chez un patient
240, 320, et les kVp de 120 à 140 [17, 18]. L’utilité des recons- hypotendu mais dont l’état est stable, l’échographiste ne doit
tructions multiplanaires n’a pas fait l’objet de publications poursuivre qu’un seul but : confirmer l’existence de l’anévrisme
jusqu’ici. Dans notre pratique, nous n’y recourons qu’excep- suspecté par le clinicien [23] (Fig. 1). Ce bilan doit être effectué
tionnellement, sans y percevoir un bénéfice décisionnel dans les plus brefs délais et ne doit pas durer plus de 2 minutes.
significatif. Il ne faut donc pas perdre du temps précieux à rechercher les
Le bilan d’une colique néphrétique débute par un examen signes d’hématome rétropéritonéal parce que ceux-ci sont
sans injection de produit de contraste, en coupes fines. Si difficiles à identifier. Cependant, l’hématome rétropéritonéal,
l’examen n’offre pas de solution, il est alors poursuivi par un quand il est visible, se présente sous l’aspect d’une plage
examen avec injection de contraste. tissulaire mal délimitée, hétérogène, en avant des psoas et
Si une pancréatite biliaire est suspectée, ou que l’état clinique déplaçant les reins vers l’avant.
plaide pour une éventuelle migration lithiasique biliaire, un Les limites de l’échographie aortique en urgence sont la
balayage sans contraste est à faire, au niveau du territoire difficulté de repérage de l’atteinte des artères rénales en raison
présumé des voies biliaires, avec des coupes fines. de l’iléus et de l’obésité. En cas de doute diagnostique et si l’état
Une ischémie intestinale aiguë est idéalement évaluée par un du patient l’autorise, un complément tomodensitométrique de
premier passage sans contraste, suivi d’un temps artériel et d’un l’abdomen a sa place. Si l’examen est pratiqué sans contraste, il
temps portal, pour autant que le patient, souvent fragile sur le permet la détection du diagnostic alternatif le plus fréquent
plan général, soit capable de supporter l’injection. qu’est la colique néphrétique sur enclavement lithiasique.
Une hémorragie active est idéalement documentée par un Effectué éventuellement avec contraste et sous le mode spiralé,
passage sans contraste, suivi d’un temps de passage artériel et il offre au chirurgien le moyen de localiser les artères rénales par
portal [19]. Le temps artériel a la vertu de permettre la visualisa- rapport au collet de l’anévrisme. De même, des signes d’extra-
tion de l’artère responsable de l’hémorragie. vasation active et récente sont visibles sous la forme de plages
Le bilan d’une appendicite aiguë fait l’objet de nombreuses tissulaires spontanément denses (Fig. 2).
publications, avec des approches minimalistes (bilan limité au En dehors d’une situation d’urgence extrême, le bilan d’un
pelvis) et maximalistes (examen global de l’abdomen dans tous anévrisme aortique se fait habituellement par la tomodensito-
les cas). Les vertus de l’examen globalisé sont de rendre inutiles métrie spiralée et très rarement par angiographie afin de
l’adjonction de coupes quand l’appendice n’est pas compris déterminer l’extension exacte de l’anévrisme et sa localisation
dans le champ d’investigation initial et surtout de conduire à par rapport aux artères rénales.

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Figure 1. Rupture d’un anévrisme de l’aorte abdominale.


A. Échographie montrant l’élargissement aortique anormal (> 5 cm).
B. Tomodensitométrie avec injection de contraste, réalisée chez le même patient, hémodynamiquement stable, avec mise en évidence d’une extravasation
active de produit de contraste (flèche).

est traité par endoprothèse, peut, dans de rares cas, augmenter


de taille, en raison de fuites au départ de la prothèse endoaor-
tique (Fig. 3). Moins fréquemment, une extravasation au départ
de l’anastomose chirurgicale peut causer une hémorragie
rétropéritonéale active, à bas bruit. Ce type de complication est
diagnostiqué par tomodensitométrie ou par échographie en
mode doppler couleur [24].
Rarement isolée à l’aorte abdominale, la dissection aortique
prend habituellement naissance au niveau de la crosse aortique.
Dans ce cas, le diagnostic précoce repose sur l’échographie
transœsophagienne. L’extension abdominale du faux chenal est
parfois découverte par hasard en échographie doppler couleur
ou en tomodensitométrie, au cours d’examens demandés dans
le cadre du bilan d’une douleur abdominale aiguë aspécifique
(Fig. 4) ; une fois celle-ci repérée, le bilan radiologique d’une
dissection aortique à composante abdominale repose essentiel-
lement sur une évaluation tomodensitométrique thoracoabdo-
minale détaillée (Fig. 5).

Figure 2. Hématome rétropéritonéal frais en tomodensitométrie : dé-


placement antérieur du rein et collection spontanément hyperdense
Affections aiguës des branches de division
(flèche). de l’aorte abdominale
Dans de rares cas, une atteinte disséquante ou anévrismale
Les complications des traitements des anévrismes de l’aorte entreprend isolément une branche splanchnique de l’aorte
(endoprothèses ou traitements chirurgicaux classiques) sont à abdominale telle que l’artère mésentérique supérieure, le tronc
envisager dans le contexte de l’urgence : l’anévrisme, quand il cœliaque, l’artère splénique, une artère rénale ou une branche

Figure 3. Anévrisme traité par endoprothèse : douleurs abdominales aiguës s’expliquant par la majoration de l’anévrisme, suite à une large fuite de
l’endoprothèse.
A. Examen de départ, après mise en place de la prothèse, sans évidence de fuite.
B. Examen effectué en urgence, montrant l’augmentation de la taille de l’anévrisme et la large fuite antérieure (flèche), dans la partie caillotée de l’anévrisme.

Médecine d’urgence 5
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Figure 4. Échographie abdominale effectuée à la recherche d’un ané-


vrisme de l’aorte abdominale : détection d’une dissection de la lumière
aortique (flap intimal) (flèches). Figure 7. Tomodensitométrie montrant une dissection segmentaire
(flèche) de l’artère mésentérique supérieure découverte lors d’un examen
pour bilan de douleur aspécifique.

Figure 5. Tomodensitométrie montrant une dissection de l’aorte abdo-


minale (flap de dissection) (flèche).

Figure 8. Tomodensitométrie avec contraste, effectuée avec un temps


de passage artériel : large hématome rétropéritonéal avec mise en évi-
dence du petit anévrisme qui s’est rompu spontanément (flèche).

Les anévrismes de ces branches de division artérielles peuvent


se rompre spontanément et occasionner une hémorragie intra-
et/ou rétropéritonéale. L’échographie permet quelquefois de
visualiser l’anévrisme et l’hématome intra-abdominal (mésenté-
rique) ou rétropéritonéal. Le diagnostic positif est posé précoce-
ment sur la base d’un bilan tomodensitométrique réalisé
d’abord sans injection intraveineuse de contraste pour visualiser
l’hématome frais (Fig. 8). Les coupes avec contraste permettent
de déceler le petit anévrisme. Une fois le diagnostic évoqué,
l’angiographie est réalisée en urgence, pour permettre une
thérapie rapide et salvatrice d’une condition jusqu’ici létale [25].

■ Perforations digestives
Figure 6. Échographie abdominale effectuée pour bilan d’une douleur
épigastrique aiguë : mise en évidence d’un anévrisme de l’artère hépati- Généralités
que propre, partiellement thrombosé (flèches). Les perforations digestives sont une des causes fréquentes
d’admission en urgence. Elles sont évoquées par la mise en
évidence d’un pneumopéritoine ou d’un rétropneumopéri-
de division de celles-ci (Fig. 6, 7). La présentation clinique en toine [5, 6, 26]. Les causes habituelles de perforation en péritoine
cas de dissection spontanée est aspécifique mais peut être celle libre sont l’ulcère gastrique perforé, l’appendicite, la diverticulite
d’une ischémie viscérale aiguë due à la thrombose, compliquant perforée et la perforation colique droite sur obstacle mécanique.
elle-même la dissection du vaisseau concerné. La reconnaissance Le rétropneumopéritoine est, quant à lui, indicateur d’une
de ces flaps de dissection repose sur la tomodensitométrie, perforation de topographie duodénale, ou du rectosigmoïde, sur
idéalement avec réalisation de coupes au temps artériel. manœuvres endoscopiques ou sur brèche diverticulaire.

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Figure 9. Pneumopéritoine.
A. Cliché conventionnel en incidence de face : large croissant aérique sous
la coupole diaphragmatique droite.
B. Pneumopéritoine extensif sur un cliché en décubitus latéral gauche
avec visualisation des parois digestives (signe de Rigler : flèches).

Un petit pneumopéritoine découvert en situation postopéra-


toire abdominale n’est pas exceptionnel et est sans caractère
péjoratif si la quantité d’air est faible (moins de 6 ml) et quand
elle est vue dans les 3 à 6 jours au-delà de l’intervention [27].
Dans ces cas, il se localise fréquemment sous les muscles grands
droits. Figure 10.
A. Rétropneumopéritoine suspecté sur le cliché d’abdomen sans prépa-
Pneumopéritoine ration, de face (flèches horizontales).
B. Confirmation du rétropneumopéritoine en tomodensitométrie (flèche
Le diagnostic radiologique d’un pneumopéritoine (présence horizontale), au cours duquel des diverticules duodénaux sont visualisés
de gaz dans la cavité péritonéale) repose sur la mise en évidence (flèche verticale).
d’air libre sur les clichés radiographiques conventionnels faits en
station ou en décubitus latéral gauche [28, 29] (Fig. 9). Un bilan
radiologique négatif gagne à être complété par l’examen • des signes inflammatoires périsigmoïdiens sont en faveur
tomodensitométrique, sans qu’une injection de contraste d’une diverticulite perforée.
intraveineuse ne soit nécessaire. Cet examen doit être lu avec
des fenêtrages pulmonaires pour identifier efficacement de très Rétropneumopéritoine
faibles quantités d’air extradigestif [26]. L’échographie permet
quelquefois au radiologue de suspecter une perforation diges- La présence d’air dans le rétropéritoine en cas d’abdomen
tive, mais l’identification d’un pneumopéritoine grâce à l’écho- aigu doit d’abord faire exclure les causes extra-abdominales
graphie reste anecdotique [30, 31]. comme le pneumomédiastin, isolé ou en association avec le
Le recours à l’opacification digestive conventionnelle pour pneumothorax ou l’état postopératoire récent d’une chirurgie en
rechercher une perforation d’un viscère creux ne se fait plus contact avec le rétropéritoine, comme les actes posés sur le
qu’en deuxième intention, en cas d’incertitude tomodensitomé- rachis. Sur des clichés conventionnels, la perforation rétropéri-
trique. La cause de la perforation digestive est en effet souvent tonéale est suspectée lorsqu’on visualise du gaz le long des
suspectée en tomodensitométrie : la topographie des bulles d’air gaines des psoas ou en dehors et au contact des piliers
ou les signes associés peuvent aider à identifier l’origine du diaphragmatiques (Fig. 10). Le diagnostic de précision et
pneumopéritoine : l’identification éventuelle de la source de la perforation sont
• la localisation périduodénale et vésiculaire plaide pour une idéalement reconnus grâce à la tomodensitométrie. Parmi les
origine gastroduodénale ; causes les plus fréquentes, on retient la perforation duodénale,
• la présence d’aéroportie, associée à une pneumatose digestive, habituellement au-delà du troisième duodénum, et les lésions
est en faveur d’une ischémie grêle ou colique ; perforées du rectosigmoïde, survenant dans ces deux sites, soit
• une infiltration du carrefour iléocæcal et de l’appendice sur perforation spontanée d’une lésion organique telle qu’une
plaide pour une source appendiculaire ; diverticulite, sur enclavement d’un corps étranger ou suite à une

Médecine d’urgence 7
25-050-A-25 ¶ Imagerie des urgences abdominales non traumatiques de l’adulte

manœuvre endoscopique. Les segments coliques ascendants et migration lithiasique. Les tumeurs des voies biliaires et du
descendants accolés au rétropéritoine sont également des sites pancréas sont également à l’origine de la dilatation biliaire. La
potentiels de rétropneumopéritoine. douleur aiguë de l’hypocondre droit ou de l’épigastre, suivie de
température et d’un ictère, fait évoquer l’obstacle lithiasique en
■ Affections aiguës premier lieu. Un tableau clinique de fièvre et d’ictère sans
douleur plaide davantage pour un obstacle tumoral. Sur la base
hépato-bilio-pancréatiques d’études animales, il a été noté qu’une dilatation qui se limite
à la voie biliaire principale suppose un obstacle « frais » datant
Généralités de 48 à 72 heures, alors qu’il faut 1 semaine pour assister à une
dilatation combinée des voies biliaires intra- et
Les affections aiguës des voies biliaires sont initialement à extrahépatiques [33].
préciser par échographie, et secondairement par tomodensito- Le calcul obstructif est identifié à l’échographie (ultrasons
métrie, cette séquence d’imagerie simple ayant montré son [US]) dans 50 à 90 % des cas (Fig. 12). La tomodensitométrie,
efficacité dans la pratique quotidienne [32]. effectuée sans puis avec injection de produit de contraste
Trop souvent, des diagnostics erronés de dilatation des voies intraveineux, et sur des appareils à détecteurs multiples, permet
biliaires ou de cholécystite sont posés de manière abusive. Il de préciser en urgence les situations échographiques incertaines
nous est donc apparu utile de débuter ce paragraphe biliaire par (Fig. 13, 14) ; 75 % des calculs peuvent être identifiés en
quelques rappels des normes essentielles [33]. tomodensitométrie, si l’on prend la peine de réaliser des coupes
Le critère de normalité de la voie biliaire principale est un fines et sans contraste [34]. Dans de rares cas, un calcul cholé-
diamètre transverse inférieur ou égal à 6-7 mm en échographie docien peut être identifié dans une voie biliaire non dilatée. En
pour 8 à 10 mm en tomodensitométrie. La norme en cas de cas de doute ou si le bilan mérite d’être précisé, l’échoendosco-
cholécystectomie est de l’ordre de 9 mm. Les voies biliaires pie a acquis une place cardinale conjointement à la cholangio-
intrahépatiques ne peuvent dépasser 1-2 mm ; pour certains graphie par imagerie par résonance magnétique. Un obstacle
auteurs, elles ne peuvent dépasser 40 % du diamètre de la tumoral distal est recherché en cas de distension des voies
branche veineuse portale correspondante. Dans les deux biliaires intra- et extrahépatiques et de la vésicule, réalisant ainsi
techniques, les parois doivent rester millimétriques (Fig. 11). En le signe de Courvoisier-Terrier radiologique (Fig. 15). Un
tomodensitométrie, elles ne présentent pas de rehaussement obstacle tumoral proximal, touchant les structures du hile
identifiable. hépatique, est suspecté en cas de dilatation des voies biliaires
La vésicule normale a un diamètre transverse inférieur à intrahépatiques éventuellement étendue au canal hépatique
4-4,5 cm et un grand axe inférieur à 9-9,5 cm. Les parois commun, sans dilatation cholédocienne. Une situation bénigne
vésiculaires normales mesurent moins de 3 mm chez un patient peut donner le change : le syndrome de Mirizzi, lié à des
à jeun et moins de 20 mm en l’absence de jeûne. modifications inflammatoires infundibulocystiques sur obstacle
lithiasique, causant une distension à partir de l’abouchement du
Obstacle des voies biliaires canal hépatique commun, sans atteindre le bas cholédoque.
L’obstacle cholédocien responsable de la crise de colique L’iléus biliaire est une complication sévère, mais actuellement
hépatique a plusieurs causes dont la plus fréquente est la rare, de la lithiase biliaire. Un volumineux calcul érode la paroi

Figure 11. Voies biliaires en échographie.


A. Parois normales et fines.
B. Discret épaississement des parois du cholédoque en cas d’angiocholite sur migration lithiasique (flèches).

Figure 12. Lithiase cholédocienne en échographie.


A. Échographie abdominale faisant suspecter un calcul du bas cholédoque.
B. Échoendoscopie du même patient montrant deux calculs.

8 Médecine d’urgence
Imagerie des urgences abdominales non traumatiques de l’adulte ¶ 25-050-A-25

Figure 13.
A. Examen tomodensitométrique sans contraste montrant une lithiase vésiculaire multiple.
B. Chez le même patient, détection d’un petit calcul enclavé dans le bas cholédoque (flèche), les autres calcifications étant de nature vasculaire.

Figure 14. Tomodensitométrie sans et avec produit de contraste montrant du matériel enclavé dans le bas cholédoque (hyperdense sur les coupes sans
contraste) (flèches).

de la vésicule, migre dans le tube digestif en passant dans le ne faut pas confondre cet épaississement pariétal avec celui
duodénum tout proche et s’enclave dans une anse grêle, observé au niveau des parois de la veine porte toute proche, qui
causant alors une véritable occlusion mécanique. Ce type de signe un envahissement de la paroi vasculaire (Fig. 16). Celui-ci
complication peut être suggéré à la lecture d’un cliché d’abdo- s’observe dans des formes graves de pancréatite ou lors d’une
men sans préparation : le calcul est identifiable dans un extension tumorale de voisinage.
segment d’intestin grêle dilaté, en association avec une aérobi-
lie. Celle-ci n’est visible sur un abdomen sans préparation que Cholangite sclérosante
dans 50 % des cas. L’échographie peut montrer un lit vésiculaire
rempli de gaz, une distension des anses grêles et un saut Elle est parfois observée en situation d’urgence, lorsqu’une
d’obstacle en regard d’une large formation endoluminale surinfection survient par impaction de matériel dans les voies
causant un artefact hyperéchogène de réverbération. Actuelle- biliaires remaniées. L’échographie, pratiquée en première
ment, la tomodensitométrie s’impose comme la meilleure intention, montre des dilatations segmentaires des voies
approche radiologique : l’occlusion mécanique est de diagnostic biliaires, dont les parois sont épaissies et dans lesquelles on
plus simple qu’en échographie, la détection de calculs peu visualise du matériel, constitué de sludge et/ou de pus [33].
radio-opaques en radiographie conventionnelle est plus aisée en
tomodensitométrie. De même, l’aérobilie est repérable aisément Cholécystite
en tomodensitométrie [35]. Une forme particulière d’iléus biliaire
est le syndrome de Bouveret, dû à l’enclavement du calcul dans Cholécystite aiguë lithiasique
le duodénum et produisant alors une occlusion gastrique [36].
Le diagnostic positif de cholécystite aiguë lithiasique est
initialement posé par l’échographie [37]. Les critères initiaux sont
Inflammation des voies biliaires une vésicule distendue (diamètre longitudinal > 10 cm, diamè-
tre transversal > 4-5 cm), lithiasique, avec manœuvre de
Angiocholite Murphy échographique. L’hydrops (vésicule sous tension) laisse
Elle peut être visualisée en imagerie en coupes, en particulier ensuite la place à la vraie cholécystite avec épaississement
au décours d’une obstruction des voies biliaires. En échographie, pariétal (> 3 mm) (Fig. 17). Rarement, l’inflammation progresse
elle se traduit par un épaississement des parois des voies pour transgresser la paroi vésiculaire et atteindre les structures
biliaires, tandis qu’en tomodensitométrie, on peut visualiser un de voisinage, avec une infiltration inflammatoire du paren-
rehaussement prononcé des parois (Fig. 11). Cet épaississement chyme hépatique (Fig. 18). Dans ce cas, le diagnostic à exclure
est régulier en cas d’atteinte inflammatoire ; l’aspect irrégulier est le cancer vésiculaire, qui se distingue par une présentation
est indicateur d’un envahissement tumoral. En échographie, il clinique moins bruyante, et une mauvaise visualisation de la

Médecine d’urgence 9
25-050-A-25 ¶ Imagerie des urgences abdominales non traumatiques de l’adulte

Figure 15. Échographie en cas de tumeur du pancréas.


A. Dilatation des voies biliaires intrahépatiques.
B. Distension de la vésicule.
C. Dilatation de la voie biliaire principale.
D. Masse tumorale de la tête du pancréas (flèche).

Cholécystite aiguë alithiasique


Elle est de diagnostic difficile. C’est une affection volontiers
observée aux soins intensifs. Elle peut être évoquée devant des
anomalies échographiques vésiculaires évoluant au cours
d’examens successifs dans un contexte clinique typique tel que
le status postopératoire ou une alimentation parentérale
prolongée.

Pancréatite aiguë
Elle est due habituellement à la consommation d’alcool, à
une migration lithiasique biliaire, plus rarement à des facteurs
médicamenteux, métaboliques (hypertriglycéridémie) ou iatro-
gènes (lors de cholangiographies rétrogrades).
La pancréatite aiguë peut être initialement évaluée par l’US,
prescrite alors pour trouver la cause d’une douleur épigastrique
aiguë (Fig. 20). Le diagnostic positif, outre les modifications
enzymologiques nécessaires, repose sur la tomodensitométrie
Figure 16. Échographie dans le cadre d’une pancréatite nécrotico- (Fig. 21). L’US permet cependant de faire un état des lieux en
hémorragique : mise en évidence d’un épaississement des parois de attendant la tomodensitométrie, de repérer l’éventuelle lithiase
la veine porte (flèche verticale) ; engainement duodénal (astérisque) par biliaire responsable de la pancréatite ou d’évoquer un terrain
le processus inflammatoire (flèche horizontale). sous-jacent de stéatofibrose, voire de cirrhose. La mise en
évidence d’ascite constitue un facteur de gravité dont la
vésicule. La cholécystite emphysémateuse, une forme compli- détection est fondamentale au stade initial. Les coulées inflam-
quée de cholécystite, n’est pas identifiable en échographie. Son matoires pararénales et les pseudokystes sont parfois identifiés
diagnostic repose sur l’abdomen sans préparation ou la tomo- à l’US mais souvent sous-estimés (Fig. 22, 23). Le rôle de
densitométrie à blanc qui permettent la mise en évidence de gaz l’abdomen sans préparation est limité, voire inutile. Prescrit
dans la paroi vésiculaire et sa diffusion locorégionale. dans le bilan d’une douleur abdominale aiguë pour exclure une
La cholécystite gangréneuse est une forme sévère de cholé- occlusion ou une perforation, il permet de montrer des calcifi-
cystite, au cours de laquelle la paroi vésiculaire présente des cations de l’aire pancréatique en cas de pancréatite chronique.
signes d’ischémie. Elle est évoquée en échographie lorsque des Dans les cas aigus, la mise en évidence d’une augmentation de
membranes flottent dans la lumière vésiculaire, suite au l’espace gastrocolique, le signe de l’anse sentinelle et le colon cut
décollement des couches de la paroi vésiculaire [38]. En tomo- off sign sont indicateurs des coulées péripancréatiques.
densitométrie, on constate un défaut de rehaussement de la La stadification de la pancréatite repose donc sur la tomo-
paroi vésiculaire (Fig. 19). densitométrie, faite avec injection intraveineuse de produit de

10 Médecine d’urgence
Imagerie des urgences abdominales non traumatiques de l’adulte ¶ 25-050-A-25

Figure 17. Échographie d’une cholécystite


aiguë lithiasique avec dédoublement de la paroi
de la vésicule, sludge et lithiase vésiculaire en-
clavée (flèche).

Figure 18. Bilan échographique dans une


cholécystite compliquée.
A. Infiltration du parenchyme hépatique au
contact de la vésicule.
B. Perforation inflammatoire de la paroi vésicu-
laire (flèche).

Figure 19. Cholécystite gangréneuse.


A. Échographie avec doppler couleur montrant
une absence de rehaussement de la paroi d’une
vésicule remplie de sludge et sous tension.
B. Tomodensitométrie confirmant la distension
vésiculaire et l’ischémie de la paroi vésiculaire.

Ranson, [39] deux types d’anomalies tomodensitométriques


interviennent dans la stadification de la pancréatite aiguë :
d’une part l’inflammation glandulaire et les modifications
périglandulaires telles que les collections liquidiennes et l’ascite,
d’autre part la détermination du pourcentage de glande non
rehaussante, dite dès lors en « nécrose », ce qui suppose dans
tous les cas une injection intraveineuse de contraste. Ce
pourcentage est apprécié de manière visuelle, et réparti entre
une absence de défaut de rehaussement, un défaut de rehausse-
ment de l’ordre de moins d’un tiers de la glande, un manque
de rehaussement de la moitié, ou de plus de la moitié de la
glande. Ainsi, la gradation de l’inflammation glandulaire du
stade A à E et la quantification de la nécrose glandulaire (moins
de 30 %, entre 30 et 50 %, et plus de 50 % de la glande
sans rehaussement) [37, 40] permettent de définir un indice
pronostique en relation avec l’évolution clinique attendue
(Tableaux 7–9).
Figure 20. Pancréatite œdémateuse en échographie : élargissement
global de la glande, sans modification locorégionale.
L’envahissement des structures péripancréatiques de voisinage
est important à reconnaître : une colite ischémique, voire une
nécrose colique survient quelquefois. Dans les formes de
contraste. En combinaison avec les données cliniques et pancréatite sans nécrose glandulaire, cette atteinte colique est
biologiques telles que la C reactive protein (CRP) et le score de un facteur de pronostic indéniable [41].

Médecine d’urgence 11
25-050-A-25 ¶ Imagerie des urgences abdominales non traumatiques de l’adulte

Figure 21. Pancréatite aiguë avec infiltration


périglandulaire, en particulier de l’espace para-
rénal antérieur gauche.

Figure 22. Échographie dans le cadre d’une


pancréatite nécroticohémorragique.
A. Coulée inflammatoire dans l’espace pararé-
nal antérieur droit.
B. Effraction du fascia périrénal antérieur droit
(tête de flèche) et infiltration périduodénale
(flèches indiquant la coulée, astérisque indi-
quant la lumière duodénale).

Tableau 7.
Stadification tomodensitométrique de la pancréatite aiguë suivant
Balthazar, 1990.
Grade A Pancréas normal Pas de point
Grade B Pancréas tuméfié 1 point
Grade C Infiltration péripancréatique 2 points
Grade D Présence d’une coulée inflammatoire 3 points
Grade E Au moins deux coulées inflammatoires 4 points
dans des espaces anatomiques différents
Ou surinfection d’une coulée 4 points

Tableau 8.
Stadification tomodensitométrique (avec injection intraveineuse de
produit de contraste) de la nécrose pancréatique suivant Balthazar, 1990.
Pas de défaut de rehaussement de la glande Pas de point
Défaut de rehaussement < 30 % de la glande 2 points
Figure 23. Même patient qu’en figure 22. Tuméfaction majeure de la
loge pancréatique dans laquelle la glande n’est pas individualisée : né- Défaut de rehaussement supérieur à 30 % de la glande et 4 points
de moins de 50 %
crose glandulaire de plus de 75 %. Coulées dans les espaces pararénaux
antérieurs droit et gauche, avec extension dans la loge rénale droite Défaut de rehaussement de plus de 50 % de la glande 6 points
(flèche verticale). Compression extrinsèque du duodénum (flèche hori-
zontale).
Abcès hépatiques à pyogènes. Ils sont mis en évidence dans
Affections du parenchyme hépatique 90 % des cas par l’échographie et la tomodensitométrie. La
tomodensitométrie est toutefois supérieure à l’US pour effectuer
Affections inflammatoires leur diagnostic précis. On distingue deux types d’abcès pyogé-
Hépatite niques : les microabcès (moins de 2 cm) se présentent sous la
L’échographie et la tomodensitométrie ne sont habituelle- forme de multiples petits nodules hypoéchogènes coalescents ou
ment pas requises dans ce contexte sauf pour exclure un par une plage mal délimitée de modification de l’échostructure
envahissement tumoral ou un obstacle mécanique. Dans les hépatique (suggérant une métastase). Les « macroabcès » (plus
hépatites simples évaluées en échographie, on peut constater un de 2 cm) ont une morphologie variable. Leur échogénicité est
épaississement des parois vésiculaires sans distension de celles- hypoéchogène (avec un renforcement postérieur évoquant le
ci, et un aspect trop échogène des manchons périportaux sur caractère liquidien de la lésion) ou hyperéchogène. La lésion
œdème. Dans certaines formes d’hépatite fulminante, le réani- peut être uniloculaire et aux contours bien limités ou aux bords
mateur souhaite un bilan échographique ou tomodensitométri- mal définis avec de multiples septums internes. De l’air peut
que pour exclure une thrombose portale. être décelé par la présence de lignes hyperéchogènes suivies

12 Médecine d’urgence
Imagerie des urgences abdominales non traumatiques de l’adulte ¶ 25-050-A-25

Tableau 9. L’aspect tomodensitométrique des abcès amibiens est identi-


Pronostic de la pancréatite aiguë sur la base des données de la que à celui des abcès à pyogènes (Fig. 25).
tomodensitométrie, associant le grade de la pancréatite et la nécrose, Abcès fongiques. Ils surviennent chez des patients à faible
suivant Balthazar, 1990. immunité. Ils ont un aspect en cible, hypoéchogènes ou
Score % de mortalité
hypodenses et sont de petite taille. On a rapporté un aspect en
forme d’œil de buffle. Des localisations combinées, spléniques
0-3 3 et rénales, sont fréquentes [43].
4-6 6 Kystes hydatiques (échinococcose). Ils se présentent sous
7-10 17 des formes variables, dépendantes de leur degré de maturation
(Fig. 26). Cinq stades sont communément admis, [44] que l’on
retrouve aussi bien en échographie qu’en tomodensitométrie.
Le stade 1 se manifeste par un kyste à parois épaisses et
parfois un discret sédiment interne. Le stade 2 montre une paroi
dédoublée, tandis que, dans le type 3, de petites vésicules
liquidiennes sont vues dans le centre de la lésion principale.
Dans le type 4, on visualise une masse hétérogène, d’allure
tumorale. Le type 5 correspond à la forme complètement
calcifiée de la lésion. En tomodensitométrie, les lésions peuvent
se manifester sous la forme d’une formation bien délimitée
hypodense avec de fines calcifications pariétales.

Affections tumorales
Une échographie ou un bilan tomodensitométrique, prescrits
pour bilan d’une douleur de l’hypocondre droit, peuvent mettre
en évidence un processus tumoral ignoré. Les lésions multiples
font évoquer une dissémination métastatique, qui peut être
primitivement hépatique si l’on découvre un remaniement
fibrotique du foie, en faveur d’une cirrhose. Dans un contexte
septique, le diagnostic d’abcès peut être envisagé et l’on
recherche alors la pyléphlébite compliquant un processus
inflammatoire pelvien tel qu’une diverticulite ou une
appendicite.
En présence d’un hémopéritoine ou d’un hématome sous-
capsulaire, la rupture spontanée d’une tumeur hépatocytaire
Figure 24. Tomodensitométrie en cas d’abcès hépatique, dans un bénigne de la femme jeune est un diagnostic potentiel. Chez le
contexte postopératoire d’hépatectomie gauche : large masse hypodense patient âgé, l’hépatocarcinome peut se présenter de manière
localisée dans le foie droit et présentant une paroi dédoublée. initiale par une rupture spontanée. Dans ce cas, on recherche
une thrombose portale, qui peut être constituée de matériel
tumoral (Fig. 27).
d’artefact de réverbération. En tomodensitométrie, les lésions
sont hypodenses, avec une paroi épaissie (Fig. 24). Affections vasculaires du foie
Abcès amibiens. L’échographie est en général la méthode de
Hypertension portale
diagnostic initial et la technique habituelle de suivi des patients.
Le diagnostic échographique repose sur la mise en évidence C’est une cause fréquente d’admission en urgence. Quand elle
d’un processus occupant le foie et rencontrant cinq critères est observée chez des patients cirrhotiques, elle se complique
ultrasonographiques : d’une hémorragie digestive haute ou basse ou d’une distension
• absence d’échos de parois ; abdominale progressive. Elle peut se traduire par des modifica-
• aspect arrondi ou ovale de la lésion ; tions du flux portal (ralentissement ou inversion) ou par une
• lésion hypoéchogène avec de multiples échos internes de thrombose portale, associées à de l’ascite et à une
faible amplitude ; splénomégalie.
• localisation périphérique ; Modifications du flux portal. Observées en urgence, elles
• renforcement acoustique postérieur [42]. sont détectées par l’échographie-doppler couleur. Au cours de

Figure 25. Abcès amibien.


A. Échographie montrant une lésion avec un contenu discrètement hyperéchogène.
B. Imagerie par résonance magnétique avec contraste : collection hypo-intense avec paroi épaisse.

Médecine d’urgence 13
25-050-A-25 ¶ Imagerie des urgences abdominales non traumatiques de l’adulte

Figure 26. Kystes hydatiques.


A. Lésion calcifiée, du stade V selon Gharbi.
B. Dans cet autre cas, on observe également
des calcifications pariétales et un dédouble-
ment de la paroi du kyste.

Figure 27. Échographie dans un contexte de


cirrhose.
A. Lésion tumorale du segment VII du foie
droit.
B. Association d’une thrombose portale tumo-
rale (flèche) (vascularisée).

cet examen, on évalue les modifications circulatoires dans le intrahépatique, cette vascularisation s’observant tant en
système portomésentérique (vitesses circulatoires et direction du échographie-doppler couleur qu’en tomodensitométrie (Fig. 27).
flux). Dans le tronc porte et dans les branches de division Cavernome. Il remplace progressivement le lit portal occlus.
principales, les flux normaux mesurent de 10 à 20 cm/s de Il se manifeste soit par un magma tissulaire vascularisé et
vitesse maximale. Le flux est dirigé vers le foie (flux hépato- hyperéchogène engainant la voie biliaire principale, soit par un
pète). En cas d’hypertension portale, le flux diminue, s’annule lacis de petites veines variqueuses disposées en peloton vascu-
ou s’inverse. On peut observer une ou plusieurs voies de laire dans le pédicule porte [46]. Dans de rares cas, le thrombus
dérivation du flux porte telles que la reperméabilisation d’une se calcifie.
veine paraombilicale, de la veine coronaire stomachique,
l’ouverture d’un shunt splénorénal, l’apparition de varices Thrombose sus-hépatique (syndrome de Budd-Chiari)
périvésiculaires, cardiotubérositaires ou dans les deux gouttières
La thrombose isolée ou diffuse des veines sus-hépatiques
paracoliques [45]. L’orientation préférentielle du flux portal dans
réalise le syndrome de Budd-Chiari. Cette entité regroupe les
une large veine paraombilicale peut provoquer une dérivation
affections caractérisées par une occlusion ou une sténose serrée
du flux porte des branches droites vers la gauche, ainsi qu’une
d’une ou plusieurs veines sus-hépatiques. En échographie
inversion localisée du flux des branches périphériques des
couplée au mode doppler couleur, on observe l’absence d’une
segments II et III. En dehors de l’hypertension portale sur
veine sus-hépatique, une sténose, une dilatation, un aspect
cirrhose, un obstacle mécanique comme une thrombose seg-
mentaire d’une veine sus-hépatique, ou un processus expansif irrégulier d’une de ces veines ou du matériel échogène dans la
comprimant une veine sus-hépatique ralentit la circulation lumière vasculaire occluse ; le doppler couleur montre une
porte au point de l’inverser focalement. absence de flux dans le segment occlus, une inversion du flux
Thrombose portale. Observée au stade initial, elle se traduit dans le segment qui reste perméable, et l’apparition de collaté-
échographiquement par un défaut de remplissage du vaisseau rales de dérivation intrahépatiques [47] (Fig. 28). On peut aussi
étudié, en dépit d’une optimisation des réglages à la recherche assister à une hypertrophie du lobe caudé et à une visualisation
des flux lents. En tomodensitométrie, le diagnostic est posé en marquée des veines sus-hépatiques de ce segment, celles-ci étant
l’absence de rehaussement de la veine porte, au cours du temps habituellement préservées par la thrombose.
portal de l’évaluation du foie. Sur des coupes sans contraste, la Maladie veino-occlusive
thrombose est suspectée en présence d’un matériel spontané-
ment hyperdense dans la lumière vasculaire. La thrombose La maladie veino-occlusive est une affection due à la throm-
survient le plus souvent au niveau du pédicule porte, de la bose infraradiologique des veines centrolobulaires, rencontrée
confluence splénomésaraïque, ou encore dans la terminaison de chez les patients hématologiques (greffés médullaires). Elle se
la branche portale gauche quand celle-ci est large. Quand elle manifeste par une hypertension portale et une hépatomégalie,
est due à un hépatocarcinome, on note une vascularisation du signes qui disparaissent lorsque l’affection est traitée
thrombus, celui-ci étant en continuité avec le processus expansif efficacement.

14 Médecine d’urgence
Imagerie des urgences abdominales non traumatiques de l’adulte ¶ 25-050-A-25

Figure 28. Thrombose d’une veine sus-


hépatique droite dans un contexte de trouble
de la crase sanguine.
A. Échographie montrant du matériel hyper-
échogène (flèche) dans la lumière d’une
branche de division sus-hépatique.
B. Confirmation tomodensitométrique de la
thrombose veineuse (flèche).

Complications du shunt intrahépatique


portosystémique : thrombose et sténose
Les patients porteurs de shunt intrahépatique portosystémi-
que (TIPS) mis par voie percutanée doivent souvent être
examinés en urgence, soit parce qu’il s’agit de contrôler la
perméabilité de la prothèse mise pour traiter une hémorragie
digestive récurrente ou un syndrome de Budd-Chiari, soit parce
que le patient présente des signes cliniques faisant suspecter une
complication due au mauvais fonctionnement du TIPS. Les
sténoses de TIPS sont loin d’être rares, puisqu’elles ont été
observées dans plus de 40 % des cas [52]. L’examen, réalisé dans
les conditions techniques identiques, se pratique en tenant
compte du cycle respiratoire, lors d’une respiration calme et
douce [53]. Les signes directs de bon fonctionnement du shunt
sont la mise en évidence d’un signal couleur homogène dans la
lumière de la prothèse et des vitesses maximales qui dépassent
50 cm/s (de l’ordre de 90 à 190 cm/s). Le flux portal est inversé
dans les branches périphériques situées au-delà de l’ostium
Figure 29. Échographie dans le cadre d’un haemolysis, elevated liver
portal du TIPS, dans plus de 70 % des cas dans les branches
enzyme, low platelet count (HELLP) syndrome : foie hétérogène avec col-
gauches, dans 50 % à droite et plus rarement dans les deux
lection sous-phrénique hématique (flèche).
branches. Les branches artérielles segmentaires de l’artère
hépatique sont proéminentes, de la même manière qu’en cas
d’hypertension portale, en réponse à la diminution du flux
Foie cardiaque portal dérivé dans le TIPS. Les signes directs de mauvais
Un tableau de décompensation cardiaque droite peut être la fonctionnement du TIPS sont un ralentissement des vitesses
cause d’une hypertension portale. Elle est observée volontiers circulatoires dans le stent en dessous de 40 cm/s. Une accéléra-
chez des patients hospitalisés en réanimation cardiaque et tion focale du flux est un signe d’hyperplasie intimale causant
présentant une insuffisance hépatique. Lors d’un bilan échogra- une sténose, voire une thrombose du matériel [54]. Les signes
indirects de mauvais fonctionnement d’un TIPS sont une
phique prescrit pour vérifier l’intégrité du foie et des voies
réduction des vitesses circulatoires dans le tronc porte par
biliaires, on note une congestion des veines sus-hépatiques et de
rapport à un examen précédent, une disparition de l’inversion
la veine cave et une ondulation anormale systolodiastolique
du flux dans une des branches portes situées au-delà de l’ostium
d’allure pulsatile dans le tronc porte. Une fois l’insuffisance
du TIPS. L’apparition d’ascite, la réouverture de réseaux collaté-
cardiaque traitée, l’anomalie disparaît [48, 49].
raux et la splénomégalie sont des signes secondaires de dys-
fonctionnement du matériel prothétique.
Atteintes hépatiques aiguës en cas de grossesse
La douleur aiguë de l’hypocondre droit survenant au cours de Foie greffé et ses complications
la grossesse est à l’origine de nombreuses demandes d’échogra- Les progrès technologiques, les avancées dans l’immunosup-
phie hépatobiliaire. L’échographie doit faire rechercher une pression et l’amélioration des procédures chirurgicales ont
affection biliaire d’origine lithiasique, puisque la grossesse est sensiblement modifié le devenir des patients greffés, qu’il
un facteur favorisant l’apparition de calculs ou de boue biliaire. s’agisse de l’évolution postopératoire aiguë ou à distance.
Une fois ces anomalies exclues, l’examinateur s’intéresse au Néanmoins, il est nécessaire d’évoquer les complications
parenchyme hépatique et à ses vaisseaux principaux, en ayant principales que le radiologue peut être amené à identifier dans
à l’esprit le haemolysis, elevated liver enzyme, low platelet count le cadre de l’activité d’urgence. Il s’agit principalement de
(HELLP) syndrome. Cette atteinte hépatique se traduit par des complications vasculaires, à savoir les thromboses portales,
hématomes parenchymateux spontanés et des lésions ischémi- artérielles et sus-hépatiques. Le suivi de ces patients est classi-
ques du parenchyme, en tant que complication de la toxémie quement assuré par l’échographie couplée au doppler couleur.
gravidique, d’une prééclampsie ou d’une éclampsie, au cours du Quelquefois, les bilans sont complétés par tomodensitométrie.
dernier trimestre de la grossesse (Fig. 29). Elle peut survenir, Les anomalies vasculaires suspectées sont documentées et
dans 25 % des cas, dans le post-partum immédiat [50]. traitées en angiographie interventionnelle. La thrombose
La stéatose gravidique aiguë est également identifiable en artérielle est une complication à détecter habituellement dans le
échographie, sous la forme d’une hyperéchogénicité du paren- décours immédiat de la greffe, les thromboses portales et sus-
chyme hépatique, associée à des signes cliniques d’insuffisance hépatiques étant plus rares. Il en résulte des modifications
hépatocellulaire aiguë [51]. ischémiques des voies biliaires, ayant comme résultat à moyen

Médecine d’urgence 15
25-050-A-25 ¶ Imagerie des urgences abdominales non traumatiques de l’adulte

vaisseau est de petit calibre. Soit le flux y est présent, avec ou


sans diastole positive, soit il est absent (après avoir effectué un
examen attentif, au besoin avec deux opérateurs successifs,
pendant une dizaine de minutes) et une thrombose ou une
sténose serrées sont suspectées. Un faux positif de thrombose
artérielle est le vol vasculaire via une large artère splénique.
La présentation d’une thrombose artérielle se fait quelquefois
sur un mode subaigu. Le diagnostic est identique mais peut être
faussement négatif, parce que le radiologue croit que l’occlusion
s’est levée spontanément quand il est enfin parvenu à retrouver
un flux artériel dans les branches segmentaires. Cependant, ces
artères émanent alors, soit d’un réseau collatéral, soit du tissu
inflammatoire de la fistule biliaire, qui est la conséquence
directe de la thrombose artérielle segmentaire ou tronculaire [58].
La sténose est suspectée quand on identifie des turbulences
circulatoires marquées dans le pédicule quand l’échantillon est
effectué au niveau même de la sténose. La sténose est dite
significative si le pic systolique (la vitesse maximale) dépasse
2 m/s. Quelquefois, on ne voit pas la sténose mais on en
Figure 30. Échographie dans le cadre d’une greffe du foie compliquée constate les conséquences sur le signal spectral des artères
d’une nécrose des voies biliaires sur thrombose de l’artère hépatique : flux segmentaires qui se traduit par une morphologie du signal
artériel à distance de l’occlusion, avec un indice de résistance bas et une doppler du type « tardus parvus », identique à celui observé
vitesse maximale basse. dans les reins en cas de sténose artérielle tronculaire. Dans ce
cas, il est difficile, voire impossible, de faire la distinction entre
une sténose anastomotique et une occlusion compensée par des
terme une dilatation des voies biliaires, compliquée d’une
collatérales.
angiocholite, voire d’abcès hépatiques (Fig. 30, 31).
La thrombose porte est rare. Elle peut intéresser le tronc
Lésions sus-hépatiques et de l’anastomose cave
porte, ou une de ses branches. De la même manière, une
occlusion d’une veine sus-hépatique peut être rencontrée, L’analyse des veines sus-hépatiques fait partie du bilan
isolément ou comme conséquence d’une thrombose de l’anas- standardisé du patient greffé du foie. Chez le patient normal, le
tomose cave. Lors des examens de routine, il est important de flux n’est pas toujours modulé. Une lésion anastomotique est
s’assurer de l’intégrité du moignon cave, celui-ci étant anasto- suspectée quand le flux est lent (≤ 10 cm/s). Une sténose sus-
mosé à la veine cave du receveur. hépatique génère soit un ralentissement du flux, soit une
D’autres anomalies sont observées, telles que des collections inversion ou une accélération focale. Les thromboses se mani-
périhépatiques ou de l’ascite. Elles sont fréquemment notées festent par la présence de matériel dans le vaisseau, accompa-
dans les premiers jours postopératoires. Une collection sans gnée d’un signe indirect qu’est la réduction du flux porte dans
gravité n’est pas à ignorer : lors de la greffe, on procède à la la branche porte, correspondant au territoire de la veine occluse.
cholécystectomie de la vésicule du greffon. Le site est fréquem- Le site même de l’anastomose est analysé, à la recherche de
ment comblé par du liquide, qui peut être erronément considéré matériel échogène dans le site opératoire ou d’un défaut de
comme un résidu de vésicule. remplissage en doppler couleur.

Lésions portales
La thrombose se manifeste par une absence de signal en ■ Occlusion intestinale mécanique
doppler et en couleur. Une sténose serrée de la veine porte est L’occlusion intestinale mécanique est constituée de l’arrêt des
suspectée quand une différence de vitesse d’un coefficient de matières et des gaz digestifs, suite à un obstacle organique. Il
plus de trois à quatre fois existe entre deux niveaux d’échan- faut distinguer cette entité clinique de l’iléus, parfois qualifiée
tillon ; elle s’associe à un flux en forme d’hélice dans la veine d’occlusion fonctionnelle ou d’iléus adynamique, qui est dû à
porte [55]. la sidération ou à l’arrêt de la motilité digestive, sans qu’un
obstacle n’ait été identifié, et qui concerne une partie ou
Lésions artérielles l’ensemble du tube digestif [59].
Il s’agit de la complication à rechercher au cours des examens L’occlusion mécanique concerne plus souvent le grêle et le
effectués dans le contexte postopératoire immédiat [56, 57]. Le côlon, les occlusions hautes (gastroduodénales) étant plus rares.

Figure 31. Échographie montrant les consé-


quences de la nécrose des voies biliaires sous la
forme de dilatations segmentaires, pseudokys-
tiques (flèches), des voies biliaires.

16 Médecine d’urgence
Imagerie des urgences abdominales non traumatiques de l’adulte ¶ 25-050-A-25

Figure 32. Signes radiologiques dans le ca-


dre d’une occlusion mécanique de l’intestin
grêle.
A. Distension des anses grêles avec relief diges-
tif typique de valvules conniventes.
B. Niveaux hydroaériques plus larges que
hauts.

L’occlusion grêle est plus fréquente que l’occlusion colique ; consécutive à l’augmentation de la pression intragastrique, au
60 % des occlusions grêles sont dues à des adhérences ou brides, décours de vomissements, d’un obstacle mécanique ou de
les hernies, externes ou internes et les lésions néoplasiques étant manipulations endoscopiques, ou de conditions responsables de
les autres étiologies, par ordre de fréquence décroissante [60, 61]. lésions de la muqueuse gastrique (ischémie postopératoire,
L’iléus biliaire est responsable de 2 à 5 % des occlusions infections virales, bactériennes ou fongiques, radiothérapie,
mécaniques de l’intestin grêle avec une prépondérance pour les collagénoses, traitements par stéroïdes, chimiothérapie, ou
patients de plus de 65 ans [36, 62]. Une cause plus rare d’occlu- réaction du greffon contre l’hôte) [66]. Le diagnostic est suspecté
sion grêle se trouve dans la présence de parasites. Les ascaris sur la base de clichés conventionnels, montrant de petites
sont visibles quelquefois sur des clichés simples ou lors de collections de gaz intramural. Les autres causes mimant la
transits du grêle ; l’échographie permet de les identifier pneumatose gastrique sont l’air intradigestif, l’air dans l’arrière-
aisément. cavité des épiploons, et le pneumopéritoine localisé. La tomo-
Les complications des occlusions sont la strangulation densitométrie permet un diagnostic optimal de cette affection,
responsable d’une ischémie de la paroi digestive, d’abord qui se complique parfois d’une diffusion des bulles de gaz dans
réversible et puis irréversible [59-61]. Celle-ci peut se compliquer le système porte, la cavité abdominale, le rétropéritoine, voire
d’une nécrose de la paroi souffrante suivie d’une perforation le médiastin [66].
digestive. Cette complication, redoutée par le clinicien, est de
reconnaissance difficile, sur la base des éléments cliniques et
biologiques [60, 61, 63, 64]. Occlusion du grêle
L’occlusion colique trouve sa cause dans les affections
La mise au point radiologique initiale d’un syndrome occlusif
malignes, soit primitives (adénocarcinome colique), soit secon-
mécanique grêle repose d’abord sur l’abdomen sans prépara-
daires dans plus de 90 % des cas ; le volvulus est la deuxième
tion [59, 67]. Les critères d’occlusion du grêle comportent la
cause d’occlusion colique (5 %) [63]. La complication immédiate
visualisation d’anses intestinales dilatées (diamètre transversal
d’une occlusion colique non traitée est la perforation liée à
de plus de 3 cm) de topographie plutôt centrale, possédant un
l’hyperdistension colique, en particulier lorsque la valvule de
relief de valvules conniventes et associées à des niveaux
Bauhin est continente [61, 63]. Le site de perforation est fré-
quemment le cæcum, sur la base de la loi de Laplace. Cette loi hydroaériques sur les clichés en station, plus larges que hauts
exprime le lien entre l’importance de la tension pariétale et le (Fig. 32). La présence d’une aération colique peut être associée,
diamètre de la structure tubulaire concernée. La tension est mais il existe une disproportion nette de calibre entre le grêle
maximale dans la paroi de la structure dont le diamètre est le distendu et le côlon aéré. Les avancées de la tomodensitométrie
plus élevé. Le cæcum est le segment colique dont la capacité de en ont fait l’examen de seconde intention en cas de suspicion
distension est maximale. En cas d’occlusion colique, même très ou de bilan d’une occlusion du grêle, tandis que l’échographie
distale, la tension est alors maximale au niveau du cæcum et le ne se pratique que dans la population plus sensible aux rayons
risque de perforation y est majeur. La durée de l’obstruction est ionisants que sont les enfants et la femme jeune.
également un facteur de risque de perforation du cæcum [61, 63, En échographie, on reconnaît l’occlusion du grêle par la mise
64] . Le rôle de l’imagerie est multiple : il s’agit d’identifier en évidence de segments de grêle dilatés (diamètre transverse de
l’occlusion, de localiser sa topographie (haute, grêle ou colique), l’ordre de 2,5 à 3 cm) par du liquide [68, 69]. Le site de transition
de reconnaître sa cause et de repérer les signes de gravité. est reconnu en suivant progressivement les anses distendues, au
sein desquelles le péristaltisme est accéléré. De l’ascite est
visualisée entre les anses distendues. Elle n’a pas de signe de
Occlusion haute gravité sauf quand elle est inhomogène. L’épaississement
L’occlusion digestive haute, gastroduodénale, est rare. Le pariétal et l’absence de perfusion du segment épaissi sont des
bilan tomodensitométrique permet bien souvent d’en identifier signes de souffrance, tout comme on peut les observer en
la raison. L’obstruction haute peut trouver sa cause dans une tomodensitométrie. L’enroulement des vaisseaux mésentériques,
sténose pylorique ou suite à une compression extrinsèque de la indicateur de volvulus, est à rechercher en échographie comme
sortie gastrique, les deux sources de compression pouvant être en tomodensitométrie.
de nature inflammatoire (au décours d’un ulcère ou d’une L’examen tomodensitométrique montre la dilatation des
pancréatite), tumorale ou locorégionale. Une cause d’obstacle anses grêles jusqu’à un niveau localisé de changement de calibre
proximal se trouve dans le syndrome de Bouveret, lié à l’encla- (Fig. 33) [70, 71]. L’absence de lésion organique ou de hernie
vement duodénal d’un calcul vésiculaire, constituant une digestive dans la paroi, en regard du site transitionnel, plaide en
variante d’iléus biliaire par sa localisation haute [65]. La disten- faveur d’une occlusion sur bride. Celles-ci ne sont en effet pas
sion gastrique peut s’accompagner de pneumatose. Celle-ci est décelables de manière directe. Des signes de souffrance sont

Médecine d’urgence 17
25-050-A-25 ¶ Imagerie des urgences abdominales non traumatiques de l’adulte

Figure 34. Occlusion mécanique du grêle compliquée d’une strangu-


lation : en tomodensitométrie, défaut de rehaussement des anses dilatées
(flèche blanche), par opposition aux anses grêles normales (flèche noire).

Figure 35. Tomodensitométrie en cas d’occlusion grêle compliquée


d’un volvulus : whirlpool sign (flèche).

(ombilicales, inguinales, obturatrices), les lésions inflammatoires


du tube digestif, ou les lésions tumorales. Parmi les causes rares,
il faut rappeler l’iléus biliaire, véritable occlusion sur enclave-
ment d’un calcul vésiculaire ayant migré dans l’intestin grêle.
En l’absence d’aérobilie et de remaniement de la vésicule,
l’occlusion sur matériel « calculeux » peut être secondaire à des
entérolithes s’étant développés dans des diverticules
jéjunaux [76].

Occlusion colique
Compliquée ou non d’une occlusion du grêle quand la
valvule de Bauhin est franchie, elle se traduit par une dilatation
du côlon visible sur l’abdomen sans préparation sous la forme
de tuyaux d’orgues, les segments digestifs ayant une topogra-
Figure 33. Même patient qu’en figure 32. Confirmation de l’occlusion phie périphérique et réalisant des niveaux plus hauts que larges
mécanique grêle (A) causée par un abcès péricolique pelvien (flèche) (B) (Fig. 36).
survenu dans le décours d’un adénocarcinome colique perforé localement Le volvulus colique est reconnu en radiographie convention-
(flèche) (C). nelle. L’abdomen sans préparation permet de poser le diagnostic
de volvulus sigmoïdien sur la base de l’image en « grain de
café » (Fig. 37). Le volvulus cæcal est plus difficile à reconnaî-
visibles, sous la forme d’un épaississement des parois intestina- tre : il se traduit par une distension d’un segment colique de
les et d’une absence de rehaussement de la paroi, éventuelle- localisation centrale ou dans l’hémiabdomen gauche, éventuel-
ment associée à une pneumatose. L’absence de rehaussement est lement compliqué d’une occlusion du grêle et avec une dispa-
un bon signe de sévérité. En revanche, la présence d’ascite et de rition du granité cæcal (Fig. 38).
la congestion du mésentère ne l’est pas (Fig. 34) [72]. En échographie, on peut identifier des signes d’occlusion
Le signe de l’enroulement (whirlpool) est causé par le mouve- colique sous la forme d’une distension aérique du cadre colique,
ment circulaire de la veine mésentérique supérieure autour de s’interrompant au niveau d’un site de transition, le plus souvent
l’artère correspondante, dans le sens horaire et sur un axe de un épaississement irrégulier, hypoéchogène, des parois du côlon,
360° au moins. Ce signe de l’enroulement vasculaire est en raison de la tumeur en cause [67, 69, 77, 78].
pathognomonique du volvulus primitif survenant volontiers En tomodensitométrie, on recherche le saut de calibre,
chez l’enfant (Fig. 35) [73-75]. habituellement sous la forme d’un processus expansif, les
Les causes d’occlusion du grêle, visibles en tomodensitométrie tumeurs étant les causes les plus fréquentes d’occlusion colique
plus facilement qu’en échographie, sont les hernies externes (Fig. 39). Les signes de souffrance pariétale sont la pneumatose

18 Médecine d’urgence
Imagerie des urgences abdominales non traumatiques de l’adulte ¶ 25-050-A-25

Figure 38. Bilan radiologique conventionnel dans le cadre d’un volvu-


Figure 36. Abdomen sans préparation montrant des signes en faveur lus cæcal.
d’une occlusion colique : distension de segments digestifs de topographie A. Cliché simple montrant une disparition du granité cæcal et un segment
périphérique, avec des niveaux plus hauts que larges. L’aération de colique dilaté dans le flanc gauche (le cæcum).
l’ampoule rectale est secondaire à un toucher rectal fait avant le cliché B. Côlon par lavement montrant une image en bec de flûte (flèche) et une
conventionnel. absence de remplissage du cæcum par le contraste.

signe de l’enroulement, tel que rapporté en cas de volvulus du


grêle ; sa topographie est plus basse qu’en cas de volvulus du
mésentère (Fig. 40) [79]. En échographie comme en tomodensi-
tométrie, l’invagination iléocolique ou colocolique est visualisée
sous la forme d’un « pseudorein ». La tumeur génératrice de
l’invagination peut être reconnue, en particulier en cas de
lipome.

■ Entérocolites infectieuses
et inflammatoires
Dans ce paragraphe sont envisagées les infections appendicu-
laires et diverticulaires, les entérocolites infectieuses, les
maladies inflammatoires (maladie de Crohn et rectocolite
ulcérohémorragique). La contribution de l’échographie et de la
tomodensitométrie repose sur la mise en évidence d’un épais-
sissement des parois intestinales, sur la présence d’une atteinte
privilégiée du grêle ou du côlon et sur l’existence d’anomalies
associées.
Figure 37. Abdomen sans préparation : signe du grain de café (coffee
bean sign) typique d’un volvulus sigmoïdien.
Bases sémiologiques des entérocolites
en échographie et en tomodensitométrie
pariétale et l’épaississement colique mimant celui observé en cas La plupart des atteintes inflammatoires du grêle et du côlon
de colite ischémique. Le volvulus colique est reconnu grâce au se manifestent par un épaississement pariétal visible tant en

Médecine d’urgence 19
25-050-A-25 ¶ Imagerie des urgences abdominales non traumatiques de l’adulte

Figure 39. Bilan tomodensitométrique d’une oc-


clusion colique.
A. Distension du côlon droit et du côlon transverse.
B. Niveau transitionnel causé par une virole tumo-
rale (flèche).

L’atteinte combinée du grêle et du côlon s’observe en cas de


maladie de Crohn. Une atteinte du carrefour iléocæcal s’observe
également dans les entérocolites infectieuses et les lésions
ischémiques [81, 83, 84].
La mise en évidence d’ascite est notée dans les différentes
formes de colite, et moins souvent absente en cas de néoplasie
colique [81, 83]. Les fistules sont la particularité des maladies de
Crohn compliquées. Les abcès sont vus en cas d’appendicite ou
de diverticulite compliquée, de même qu’en cas de maladie de
Crohn [81, 83].

Appendicite aiguë
La suspicion d’appendicite aiguë est une des causes les plus
Figure 40. Tomodensitométrie montrant un signe de l’enroulement
fréquentes d’admission en urgence [22]. L’imagerie s’est imposée
(whirlpool) dans le cadre d’un volvulus cæcal intermittent.
dans la démarche diagnostique, en montrant que son usage
permettait la réduction d’appendicectomies inutiles, la mise en
échographie qu’en tomodensitométrie. La paroi du grêle est dite évidence de diagnostics alternatifs et la réduction des formes
anormale quand elle est de l’ordre d’au moins 3 mm, tandis que graves d’appendicite aiguë [85-89].
la paroi colique est épaissie quand elle mesure au moins L’échographie est utilisée en première intention, la tomoden-
5 mm [80, 81]. L’appendice normal mesure moins de 6 mm de sitométrie étant préférée dans les situations échographiques
diamètre transverse en échographie (Fig. 41). L’appendice incertaines et les patients difficiles (les obèses en particulier).
normal en tomodensitométrie est rempli complètement de
matériel opacifiant, d’air ou des deux ; sa paroi est inférieure à Diagnostic échographique
2 mm, quel que soit le diamètre transverse maximal. Un
appendice inférieur à 6 mm est également vu comme nor- Il repose sur la détection d’une structure tubulaire à bout
mal [21, 82]. En tomodensitométrie, l’épaisseur de la paroi colique borgne, sans péristaltisme, s’implantant au bas-fond cæcal de
normale dépend du diamètre transverse du côlon : elle mesure manière harmonieuse, présentant un diamètre transversal de
2 mm ou moins quand le diamètre colique est supérieur à 4 cm, plus de 6 mm, et douloureuse au passage de la sonde (Fig. 42).
tandis que la paroi normale mesure entre 0,5 et 5 mm quand Le diagnostic est d’autant plus probable quand l’examen
le diamètre du côlon est situé entre 1 et 2 cm. L’étendue de échographique visualise l’appendice malade d’une part et l’iléon
l’épaississement oriente vers une atteinte inflammatoire plutôt terminal d’autre part. La graisse périappendiculaire est souvent
que tumorale quand l’atteinte pariétale porte sur plus de très échogène, en raison de la réaction inflammatoire locale
10 cm [81]. (Fig. 43). L’échographie précise l’existence de liquide dans le

Figure 41. Appendice normal.


A. Échographie montrant une structure diges-
tive boudinée (flèche) dont le diamètre trans-
verse est inférieur à 6 mm.
B. En tomodensitométrie, structure digestive
remplie de gaz et de matière (flèche), dont le
diamètre est inférieur à 6 mm, et dont l’envi-
ronnement graisseux est normal.

20 Médecine d’urgence
Imagerie des urgences abdominales non traumatiques de l’adulte ¶ 25-050-A-25

évalué la sensibilité à 80,5 % en cas d’appendicite non compli-


quée et à 28,5 % en cas d’appendicite perforée.
L’échographie, utile pour poser le diagnostic d’appendicite
aiguë non compliquée, apparaît moins efficace que la tomoden-
sitométrie pour détecter les formes compliquées.

Diagnostic tomodensitométrique
Il peut se faire à deux stades, la situation précoce, la plus
fréquente, et la forme avancée, compliquée, rare [88, 90].
L’appendicite est détectée en tomodensitométrie sur la base de
deux critères : la présence d’une tuméfaction appendiculaire
dont le diamètre est supérieur à 6 mm, sans ou avec un
rehaussement de la paroi avec infiltration de la graisse de
voisinage et/ou la visualisation d’un appendicolithe concomi-
tamment avec une infiltration de la graisse péricæcale
(Fig. 43) [18, 90, 91]. On rapporte des signes secondaires non
spécifiques d’appendicite tels que la présence d’un appendicoli-
the, l’absence de remplissage de la lumière appendiculaire par
du produit de contraste, du gaz extradigestif autour du cæcum,
une collection liquidienne ou des ganglions, un épaississement
Figure 42. Échographie d’une atteinte inflammatoire de l’appendice : localisé des parois cæcales [18, 20, 21, 92]. La paroi cæcale peut
boudin digestif élargi, avec paroi épaissie et interruption focale de la s’épaissir de manière focalisée, réalisant une image en « flèche »
sous-muqueuse suggestive d’une nécrose pariétale. en regard de l’implantation de l’appendice enflammé (arrowhead
sign) [92]. Ce signe observé en cas d’appendicite a une spécificité
de 100 % et une sensibilité de 30 %.
pelvis, dans la gouttière pariétocolique droite ou permet de L’appendicite avancée, ou compliquée, est de diagnostic plus
déceler une collection adjacente à l’appendice. Des adénoméga- difficile en raison des modifications de l’environnement de la
lies locorégionales sont parfois visibles. fosse iliaque droite [90] . Si quelquefois l’appendice devient
La rupture de l’appendice inflammatoire peut être prudem- méconnaissable, la tomodensitométrie permet de visualiser un
ment évoquée au moyen de l’échographie lorsqu’il existe une segment d’appendice résiduel en regard du magma inflamma-
disparition de la stratification pariétale de l’appendice ou une toire péricæcal. Des collections péricæcales sont vues, la graisse
collection juxta-appendiculaire hypoéchogène contenant des environnante est infiltrée, de même que les organes de voisi-
plages hyperéchogènes (générées par de l’air ou du matériel nage, comme le grêle distal (Fig. 44). Il s’ensuit quelquefois une
purulent). véritable occlusion mécanique, en particulier chez le sujet
Dans leur étude portant sur l’apport de l’échographie dans le âgé [89]. Les lésions abcédées peuvent donner lieu à une pylé-
diagnostic de l’appendicite aiguë, Puylaert et al. [14] en ont phlébite, causée par la diffusion du matériel purulent dans le

Figure 43. Appendicite aiguë.


A. Échographie montrant un boudin appendicu-
laire élargi (flèche), avec infiltration de la graisse
périappendiculaire.
B. Infiltration de la graisse en arrière du cæcum,
en regard de l’appendice enflammé (flèche).

Figure 44. Appendicite compliquée d’une collection périappendiculaire.


A. Collection en dedans des vaisseaux iliaques droits (flèche).
B. Tuméfaction de l’appendice (flèche) et remaniement de la graisse pelvienne.

Médecine d’urgence 21
25-050-A-25 ¶ Imagerie des urgences abdominales non traumatiques de l’adulte

Diverticulite colique aiguë


Elle est constituée par l’inflammation d’au moins une
expansion diverticulaire habituellement colique, plus rarement
du grêle. Elle est évaluée initialement par échographie ou
tomodensitométrie. La diverticulite colique touche en majorité
le côlon sigmoïde, et moins fréquemment les autres segments
coliques. Les diverticulites cæcales ne sont pas rares. Leur
présentation clinique donne le change pour une appendicite. Le
diagnostic échographique d’une diverticulite aiguë du côlon est
fondé sur la présence d’un épaississement de la paroi colique
portant sur la couche musculaire (hypoéchogène), la détection
de diverticules enflammés (images sacculaires hypoéchogènes en
périphérie et au centre hyperéchogène) ainsi que sur l’infiltra-
tion hyperéchogène du tissu graisseux entourant le segment
colique atteint (Fig. 46). Une abcédation peut être visualisée
sous la forme d’une masse hypoéchogène (Fig. 47). L’échogra-
phie apparaît comme une méthode utile pour poser le diagnos-
Figure 45. Échographie doppler couleur dans le cadre d’une appendi- tic positif de diverticulite. Ainsi, dans leur étude prospective,
cite compliquée d’un abcès : pyléphlébite avec thrombus hypoéchogène Schwerk et al. [94] ont montré que l’échographie avait une
comblant partiellement la lumière de la veine mésentérique supérieure fiabilité diagnostique de 97,7 %, une sensibilité de 98,1 % et
(flèche). une spécificité de 97,5 %. L’efficacité de l’échographie est
nettement moins bonne quand il s’agit de reconnaître les
complications telles que l’abcédation ou la perforation. Dans ces
conditions, le complément radiologique idéal est la
système portomésentérique (Fig. 45). Un abcès hépatique tomodensitométrie.
survient également dans ce type de contexte. De l’air extradi- La tomodensitométrie a une excellente sensibilité dans ce
gestif localisé près du cæcum signe la perforation localisée, qui type d’affection fréquemment rencontrée en urgence [95]. Elle
peut ensuite se compliquer d’un véritable pneumopéritoine permet en outre d’aider à distinguer la péridiverticulite de la
libre [13]. néoplasie colique. Les signes les plus fréquemment observés en
L’abdomen sans préparation a une place réduite dans le bilan cas de diverticulite sont la visualisation d’au moins un diverti-
de l’appendicite aiguë ; la mise en évidence d’un appendicolithe cule, associé à une infiltration locale de la graisse péricolique,
sur l’abdomen sans préparation est peu fréquente et peu utile [8, complétée d’un épaississement focal de la paroi colique en
22, 93]. regard, de plus de 4 mm, sur une distance de plus de 10 mm,

Figure 46. Péridiverticulite sigmoïdienne proximale.


A. Échographie montrant des éléments hypoéchogènes accolés à la paroi colique, correspondant aux diverticules enflammés (flèches), au sein d’une
infiltration de la graisse péricolique.
B. Tomodensitométrie du même patient montrant une infiltration inflammatoire majeure de la graisse péricolique, autour d’un diverticule enflammé (flèche).

Figure 47. Collection intramurale dans une diverticulite sigmoïdienne.


A. Échographie montrant une masse hypoéchogène (flèche) bordée d’une infiltration de la graisse péricolique.
B. Même patient en tomodensitométrie : collection hypodense (flèche) enclavée dans la paroi enflammée du côlon.

22 Médecine d’urgence
Imagerie des urgences abdominales non traumatiques de l’adulte ¶ 25-050-A-25

Figure 48. Tomodensitométrie en cas d’en-


térocolite infectieuse aiguë.
A. Atteinte limitée au grêle : épaississement
iléal avec signe du halo, lié à un œdème de la
sous-muqueuse.
B. Colite neutropénique avec atteinte globale
du cadre colique et préservation de l’appendice
(flèche).

Figure 49. Tomodensitométrie en cas d’entérocolite infectieuse avec


rehaussement marqué de la couche muqueuse.

d’une collection intramurale, de l’ascite et d’un abcès de


voisinage [13, 95, 96] (Fig. 46, 47). Un épaississement pariétal
localisé de moins de 10 cm de long, avec une expansion
intraluminale marquée et des ganglions locorégionaux doivent
faire évoquer une néoplasie colique [96].

Entérocolites d’origine bactérienne


Elles touchent le côlon en tout ou en partie avec une éven-
tuelle atteinte du grêle, souvent iléale. Les pancolites sont
observées en cas de colite pseudomembraneuse ou de colite à
Campylobacter. L’épaississement pariétal est marqué en cas de
colite pseudomembraneuse, comme dans les colites ischémiques
sévères et les affections tumorales. Une fois la rectoscopie
pratiquée, il n’y a pas lieu de recourir à l’imagerie en dehors de
l’abdomen sans préparation à la recherche d’éventuelles com-
Figure 50. Bilan tomodensitométrique d’une entérocolite avec occlu-
plications (côlon toxique, occlusion ou perforation). La tomo- sion grêle en amont de l’iléocolite.
densitométrie et l’échographie sont toutefois des techniques A. Épaississement du côlon transverse droit.
permettant d’identifier des anomalies de la paroi digestive et de B. Dilatation des anses grêles contenant des résidus.
conduire ainsi à l’évocation d’une pathologie intestinale non
suspectée au moment de la demande de l’examen (Fig. 48–50).
Une hyperhémie pariétale peut être détectée en doppler couleur Maladies inflammatoires du tube digestif
ou par tomodensitométrie. L’atteinte iléale doit être différenciée et leurs complications
de l’appendicite par la visualisation d’une structure tubulaire Le bilan radiologique d’une colite inflammatoire aiguë
dont le bout distal n’est pas borgne et au sein de laquelle on comporte idéalement un abdomen sans préparation à la recher-
identifie des ondes péristaltiques. Elle s’accompagne d’adéno- che de complications telles que le mégacôlon toxique, l’occlu-
mégalies mésentériques en particulier en cas de yersiniose. sion ou la perforation. L’échographie permet l’évaluation et le
L’atteinte du cæcum, ou typhlite, se rencontre chez les patients suivi des anomalies pariétales et extrapariétales rencontrées dans
immunodéprimés, suite à une infection à cytomégalovirus ou à les maladies inflammatoires du tube digestif (Fig. 51). Dans le
Cryptosporidium. L’atteinte concomitante du cæcum et de l’iléon cadre des colites granulomateuses et de la rectocolite ulcérohé-
est rencontrée plus volontiers en cas de salmonellose et de morragique, elle intervient en complément de l’examen endo-
yersiniose. scopique effectué en urgence et habituellement limité à une

Médecine d’urgence 23
25-050-A-25 ¶ Imagerie des urgences abdominales non traumatiques de l’adulte

Figure 51. Échographie en mode doppler couleur d’une atteinte jéju- Figure 52. Échographie en cas de poussée de maladie de Crohn iléale,
nale aiguë d’une maladie de Crohn. se traduisant par un épaississement pariétal, une infiltration de la graisse
péricolique et une fistule (flèche).

rectosigmoïdoscopie. Les complications aiguës de la maladie de


Crohn sont initialement recherchées par échographie : fistules
et abcès (Fig. 52). Une fois détectées, ces anomalies sont éventuellement thérapeutique doit être prescrite sans délai, à
précisées par tomodensitométrie. L’opacification n’intervient moins que la situation trop avancée n’impose un geste chirur-
qu’exceptionnellement au moment de l’admission en urgence, gical rapide. En dehors de cette situation précise, la reconnais-
pour préciser le trajet fistuleux ou identifier une perforation. sance de cette affection trop souvent ignorée à son début doit
imposer au radiologue la démonstration de la perméabilité des
gros troncs splanchniques (artère et veine mésentérique supé-
■ Affections ischémiques rieure proximales) lorsqu’ils pratiquent une analyse US de
l’abdomen avec doppler couleur ou un bilan tomodensito-
de l’intestin métrique avec contraste [67, 97]. Il est évident que la reconnais-
sance de ces lésions thromboemboliques est le domaine privilé-
gié de la tomodensitométrie. Dans les deux types d’examen, la
Ischémie du grêle thrombose artérielle ou veineuse est visible. En cas de throm-
En radiologie conventionnelle, l’ischémie aiguë du grêle se bose veineuse fraîche, on constate une hyperdensité spontanée
traduit par des anomalies peu spécifiques au stade débutant, en du caillotage vasculaire (Fig. 54). En cas d’atteinte artérielle, les
dehors de la pneumatose pariétale, de l’aéroportie ou de lésions des parois digestives sont variables et oscillent entre une
l’épaississement pariétal (Fig. 53). Une attitude agressive doit absence d’anomalie, un iléus à parois fines avec un éventuel
retenir toute notre attention de manière à réduire le pronostic défaut de rehaussement des parois et une pneumatose [97]. En
létal de cette affection (70 à 90 % de décès). En cas d’arguments cas d’atteinte veineuse, un épaississement pariétal digestif est
cliniques et biologiques clairs, l’angiographie diagnostique et visualisé, avec préservation de la stratification pariétale.

Figure 53. Infarctus intestinal du grêle distal


et du côlon droit, vu en tomodensitométrie.
A. Pneumatose pariétale.
B. Aéroportie.

Figure 54.
A. Thrombose veineuse mésentérique supé-
rieure avec défaut de rehaussement de la lu-
mière veineuse, au temps portal (flèche).
B. Thrombose artérielle mésentérique supé-
rieure (flèche), associée à une pneumatose
grêle (têtes de flèche).

24 Médecine d’urgence
Imagerie des urgences abdominales non traumatiques de l’adulte ¶ 25-050-A-25

Figure 55. Tomodensitométrie en cas de colite ischémique : épaissis- Figure 56. Appendagite en tomodensitométrie, en regard du côlon
sement hypodense des parois du côlon descendant (têtes de flèche), avec transverse : masse graisseuse délimitée par un halo hyperdense (têtes de
discrète réaction ascitique dans la gouttière paracolique gauche. flèche).

Ischémie colique épiploïque, particulièrement mobiles, peuvent se tordre et se


Le diagnostic de colite ischémique repose sur la convergence nécroser. Cette affection survient volontiers aux dépens des
d’éléments cliniques (diarrhées sanglantes chez un patient versants latéraux et inférieurs du tablier épiploïque, dans les
polyvasculaire), de données endoscopiques et des informations fosses iliaques. La clinique mime une appendicite ou une
radiologiques telles qu’un épaississement des parois coliques diverticulite. En échographie, on note une formation ovoïde,
suggestif d’ischémie colique par la localisation de l’atteinte du hyperéchogène, plus volumineuse que celle vue en cas d’appen-
côlon dans un segment évocateur (le côlon gauche y compris le dagite [102, 103] . L’examen tomodensitométrique permet de
segment gauche du côlon transverse) [84, 98]. La mise en évi- confirmer la topographie péritonéale de l’affection et montre les
dence d’un épaississement colique gauche au décours d’une signes de nécrose du tissu graisseux, à condition de recourir à
rupture d’anévrisme ou du traitement chirurgical d’un ané- l’injection intraveineuse de produit de contraste.
vrisme aortique est suggestive d’une colite ischémique. L’isché-
mie survient alors suite à l’occlusion ou à la ligature de l’artère
mésentérique inférieure, sans qu’une suppléance efficace via les ■ Urgences urinaires
arcades de Rioland ou de Drummond n’ait permis de conserver
une perfusion colique suffisante. Anciennement évaluée avec un Infection urinaire basse
abdomen sans préparation et un côlon par lavement, la colite
ischémique peut être suspectée en échographie et en tomoden- Elle ne nécessite pas un bilan d’imagerie d’urgence sauf s’il
sitométrie [81, 84, 99] . En outre, ces techniques permettent s’agit de détecter une cause favorisante telle qu’un processus
d’apprécier l’extension de l’affection à son stade aigu. La colite expansif comme une hypertrophie de la prostate, une lithiase
ischémique se traduit par un épaississement pariétal et une ou encore pour vérifier l’intégrité du haut appareil urinaire.
absence ou la diminution de la perfusion pariétale au doppler
couleur ou en tomodensitométrie [16, 100] (Fig. 55). L’épaississe- Infection urinaire haute
ment est de l’ordre de 8 mm, jusqu’à 20 mm, sous une forme
homogène ou inhomogène et est éventuellement compliqué Elle est souvent d’origine ascendante ; l’échographie doit
d’ascite. La pneumatose est rare (moins de 6 %) et est un facteur répondre à deux questions : existe-t-il un obstacle ? Y-a-t-il un
de pronostic défavorable. abcès ?
Dans la pyélonéphrite aiguë, l’US permet parfois de visualiser
Appendagite un épaississement des parois pyéliques, voire une ou plusieurs
zones parenchymateuses hypoéchogènes ou hyperéchogènes
L’appendagite primitive est une affection abdominale aiguë
témoins de foyers inflammatoires (Fig. 57). Cependant, l’US est
causée par la torsion d’un appendice graisseux, épiploïque,
souvent mise en défaut dans le bilan des pyélonéphrites aiguës.
accolé aux bandelettes coliques. Cette lésion peut survenir à
C’est la tomodensitométrie qui s’avère la plus performante pour
tout niveau du cadre colique. Cette lésion ischémique provoque
montrer les zones inflammatoires (hypodenses) et l’abcès
une douleur identique à celle observée dans les situations
éventuel (Fig. 58).
cliniques liées à des entités cliniques plus habituelles telles
qu’une appendicite, une cholécystite, une diverticulite, un
infarctus rénal ou splénique. L’imagerie prescrite pour expliquer Causes habituelles de l’obstruction urinaire
les symptômes douloureux aigus permet de reconnaître ce Les causes habituelles sont un calcul, un caillot, une tumeur,
diagnostic, en échographie comme en tomodensitométrie [83]. et plus rarement une nécrose papillaire, une atteinte fongique
L’aspect est celui d’une zone graisseuse inflammatoire apparais- (fungus ball). Chez l’adulte de sexe masculin, la tomodensitomé-
sant hyperéchogène en échographie, bordée d’une fine bande trie sans contraste s’est imposée comme la méthode de choix,
hypoéchogène. Au centre de la masse graisseuse, on visualise parce que sa sensibilité et sa spécificité sont élevées, de l’ordre
parfois un petit élément hypoéchogène infracentimétrique (il de 100 % [104]. Les signes qui conduisent au diagnostic correct
peut être considéré comme le pédicule de l’appendice) [101]. En de colique néphrétique lithiasique sont la visualisation directe
tomodensitométrie, la formation graisseuse est bien démarquée ; du calcul obstructif, l’urétérohydronéphrose, l’œdème périrénal
elle est accolée au côlon, et présente une densité Hounsfield un et périurétéral (Fig. 59, 60). Dans 16 à 45 % des dossiers, un
peu plus élevée que le tissu graisseux normal adjacent (– 60 au diagnostic alternatif est reconnu lors de la tomodensitométrie
lieu de – 120) (Fig. 56). effectuée sans contraste. Il s’agit le plus souvent d’une entéro-
colite aiguë, d’une diverticulite, d’une appendicite, d’une
Infarctus omental cholécystite ou d’une affection gynécologique [104, 105]. L’écho-
De la même façon que les appendices épiploïques se mobili- graphie est plutôt réservée à la population pédiatrique et la
sent et peuvent se tordre, certaines parties du grand tablier femme jeune, sans faire risquer des errements diagnostiques

Médecine d’urgence 25
25-050-A-25 ¶ Imagerie des urgences abdominales non traumatiques de l’adulte

Figure 57. Échographie en cas de pyélonéphrite.


A. Épaississement des parois pyélo-urétérales (flèches).
B. Plage tissulaire parenchymateuse inflammatoire hyperéchogène (petites flèches).

des cavités, on peut évaluer le phénomène du jet urétéral dans


la mise au point d’une crise de colique néphrétique. L’arrivée
d’urine dans la vessie est à l’origine d’un signal de couleur
perceptible en regard du méat urétéral. Quand une obstruction
urétérale survient, ce jet se modifie. Il peut disparaître complè-
tement ou perdre son aspect parabolique : son absence évoque
un obstacle sévère [107].

Anomalies vasculaires rénales


Les thromboses artérielles surviennent habituellement chez
des patients polyvasculaires, dans le cadre d’emboles artériels
multiples, au décours d’une dissection de l’aorte abdominale ou
d’une artère rénale [108]. Les thromboses veineuses peuvent être
dues à un état d’hypercoagulabilité, à une déshydratation, à un
Figure 58. Tomodensitométrie en cas de pyélonéphrite. syndrome néphrotique ou être d’origine septique ou
A. Plage tissulaire parenchymateuse inflammatoire hypodense (flèche). tumorale [109-111].
B. Épaississement des parois pyélo-urétérales (flèche). La thrombose de la veine rénale ou de l’artère rénale est
idéalement diagnostiquée par tomodensitométrie mais l’écho-
graphie peut aider à suspecter de telles situations [112]. Ainsi, la
thrombose veineuse peut être évoquée lors de l’US, par la
visualisation d’une néphromégalie et par l’absence de signal
doppler couleur dans la lumière veineuse ; ce vaisseau est
habituellement élargi et comblé par un matériel plus échogène
que le sang circulant [113] (Fig. 61). En mode doppler couleur, on
observe un signal typique dans les artères interlobaires, qui se
manifeste par un reflux diastolique et l’absence de diastole
positive. La thrombose veineuse est parfois secondaire à une
lésion tumorale rénale, que l’échographie permettra de déceler.
La thrombose artérielle ou l’embolie avec infarctus segmentaire
sont des diagnostics plus difficiles pour l’US. Dans ces cas, on
peut recourir à l’étude en doppler couleur ou en mode angio-
graphique du parenchyme rénal [114] (Fig. 62). En couleur, le
segment infarci ne présente pas de signal couleur. L’infarctus
comme l’infarcissement rénal sont mieux précisés en tomoden-
sitométrie. L’infarctus doit être distingué de la pyélonéphrite,
par l’élément sémiologique du cortical rim sign, dû au rehausse-
ment de la capsule en regard du site hypodense de l’infarctus,
ce signe n’étant pas présent en cas de pyélonéphrite [108]
(Fig. 63). La thrombose veineuse récente se traduit par une
hyperdensité spontanée de la lumière veineuse sur des coupes
sans injection (Fig. 61).

Hémorragies rénales et périrénales


Les hémorragies rénales ou périrénales sont observées au
décours de procédures percutanées ou en cas de ruptures
spontanées de tumeurs rénales. Dans le domaine tumoral,
Figure 59. Échographie en cas de colique néphrétique.
l’angiomyolipome est souvent la cause d’une hémorragie
A. Hydronéphrose en amont d’un calcul enclavé dans le bassinet (flèche).
spontanée, quand la lésion dépasse 4 cm. L’hémorragie sponta-
B. Calcul dans l’uretère distal droit (flèche), à quelques centimètres du
née provoque une hémorragie avec un état de choc dans 20 %
méat.
des cas [19]. La tomodensitométrie aide à l’identification de ces
complications plus efficacement que l’échographie. Sur des
importants [106]. L’échographie permet de montrer des signes coupes sans injection de contraste, on visualise une infiltration
d’hydronéphrose et le calcul, surtout lorsqu’il est proximal ou périrénale spontanément dense. L’injection de contraste est faite
dans le bas uretère. Outre l’appréciation de l’état de réplétion avec un temps de passage artériel, pour visualiser l’éventuel

26 Médecine d’urgence
Imagerie des urgences abdominales non traumatiques de l’adulte ¶ 25-050-A-25

Figure 60. Tomodensitométrie en cas de co-


lique néphrétique.
A. Dilatation des cavités (flèche) et infiltration
de la graisse périrénale.
B. Calcul enclavé dans l’uretère lombaire haut
(flèche).

Figure 61. Thrombose de la veine rénale


droite.
A. En tomodensitométrie, néphromégalie, infil-
tration périrénale et matériel hyperdense dans
la lumière veineuse.
B. En échographie, rein hyperéchogène et ma-
tériel dans le site présumé de la veine rénale
droite.

Figure 62. Échographie en mode doppler


couleur en cas d’infarctus rénal droit.
A. Rein droit sans aucun signal de vascularisa-
tion parenchymateuse.
B. Rein gauche présentant une vascularisation
normale.

saignement actif. En cas d’angiomyolipome, la tomodensitomé- diamètre transverse du bassinet dépasse 10 mm, il est considéré
trie permet de visualiser le composant graisseux de la tumeur comme théoriquement anormal. L’obstruction aiguë peut
hémorragique. trouver sa cause dans un caillotage urétéral ou vésical ; une
compression extrinsèque par une collection ou une lymphocèle
Rein greffé et ses complications est également possible. Le segment distal de l’uretère du greffon
est à risque de lésions ischémiques, responsables de stricture et
Les patients greffés sont à la merci de complications multi-
de dilatation en amont.
ples. Sont à envisager l’hydronéphrose du greffon, les collec-
tions périrénales, les affections du parenchyme, les lésions L’épaississement des parois pyéliques est observé en cas de
vasculaires du pédicule artériel ou veineux, et les fistules rejet, d’inflammation ou de retour à la norme après une période
artérioveineuses postbiopsiques (Fig. 64). L’approche radiologi- de dilatation des cavités.
que d’un patient greffé rénal suspect d’une complication Le rein « trop beau », voire augmenté de taille, plaide en
suppose donc une évaluation du rein en mode conventionnel faveur d’une pathologie du parenchyme : dans ce cas, la récidive
(analyse morphologique) et en mode doppler couleur. L’examen de la maladie initiale sur le greffon est à évoquer, en particulier
morphologique doit conduire à la recherche de collections, en cas d’amyloïdose.
d’une dilatation, ou d’un épaississement des parois pyéliques. En mode doppler couleur, on recherche des anomalies
L’hydronéphrose est physiologique dans les premiers jours de parenchymateuses et du pédicule artériel. La thrombose de la
la greffe, en raison de l’œdème postopératoire. Quand le veine ou de l’artère du greffon est aisément reconnue, par

Médecine d’urgence 27
25-050-A-25 ¶ Imagerie des urgences abdominales non traumatiques de l’adulte

habituellement d’une moindre rentabilité diagnostique par


rapport à l’approche endovaginale [116]. La place de l’abdomen
sans préparation est très limitée ; elle permet éventuellement
d’évoquer le kyste dermoïde. Une fois le bilan échographique
réalisé, un complément tomodensitométrique peut s’envisager à
condition de disposer d’un test de grossesse négatif.

Rupture de grossesse extra-utérine


Elle se manifeste en US par la visualisation d’un embryon
ectopique, dans un contexte biologique de grossesse avec un
utérus vide ou présentant un faux sac (pas de paroi dédoublée).
Un épanchement péritonéal est visible au niveau du pelvis, des
gouttières paracoliques ou dans l’espace de Morrison. Le liquide
péritonéal échogène plaide pour du sang frais cailloté [117].

Kyste du corps jaune hémorragique rompu


Cette affection mime l’état clinique de la GEU rompue. Ce
Figure 63. Tomodensitométrie en cas d’infarctus rénal partiel (gau- diagnostic peut aisément être évoqué lors d’une échographie
che) : signe du rehaussement de la capsule, cortical rim sign (flèche). abdominale prescrite pour préciser des symptômes atypiques.
Une formation kystique unilatérale de taille variable, à paroi
l’absence de signal couleur du vaisseau correspondant dans le bien visible, est associée à du liquide péritonéal de même
pédicule principal du greffon. En cas de lésion artérielle, aucun répartition que dans la GEU rompue. Des zones hétérogènes
signal n’est perçu dans le parenchyme. Une thrombose veineuse sont vues au sein de l’épanchement liquidien, et plus particu-
se manifeste par un indice de résistance majoré, avec reflux lièrement à proximité de l’annexe anormale [118]. En tomoden-
diastolique, comme en cas de thrombose veineuse d’un rein sitométrie, le liquide a une densité spontanément élevée (45-
natif. En cas de bonne perméabilité des troncs vasculaires 62 unités Hounsfield [HU]) ; des niveaux liquidiens sont
principaux, on peut constater une augmentation de l’indice de observés dans l’annexe anormale. L’injection de produit de
résistance (IR) (> 0,7) qui plaide en faveur d’une nécrose contraste peut aider à montrer une extravasation active, signant
tubulaire aiguë, ou d’un rejet. Dans les deux cas, l’examen en l’hémorragie encore active [118] (Fig. 66).
mode doppler est similaire ; cependant, en cas de rejet, on
observe un IR proche de 1 (Fig. 65) [115]. Les biopsies du greffon Torsion d’annexe
se compliquent, soit d’un hématome, soit d’une fistule artério-
Elle survient habituellement secondairement à un kyste ou
veineuse intraparenchymateuse. Celle-ci se manifeste par une
une tumeur. La sémiologie échographique associe du liquide
masse vascularisée, au sein de laquelle un flux veineux et
péritonéal, un élargissement de la taille de l’ovaire, une
artériel intense est enregistré. Rarement, le vol sanguin est tel
disposition des follicules en couronne et en périphérie de
qu’il provoque une diminution du flux dans le parenchyme
l’ovaire et un signal doppler couleur absent dans l’annexe [119]
rénal restant.
(Fig. 67, 68).

■ Urgences gynécologiques Kyste dermoïde


Dans le cadre des anomalies gynécologiques, l’échographie Il a une présentation typique sur l’abdomen sans préparation,
abdominale conventionnelle, réalisée par abord sus-pubien, est sous la forme d’une masse graisseuse au sein de laquelle on

Figure 64. Complications de la greffe rénale en échographie bidimen-


sionnelle.
A. Hydronéphrose sur stricture de l’uretère du greffon.
B. Récidive de la maladie rénale primitive sur le greffon.
C. Infection urinaire ascendante avec épaississement des parois du bassinet.

28 Médecine d’urgence
Imagerie des urgences abdominales non traumatiques de l’adulte ¶ 25-050-A-25

Figure 65. Échographie en mode doppler d’un greffon rénal chez le même patient que sur la figure 64.
A. Lors d’un contrôle de routine, les index de résistance enregistrés dans les artères lobaires sont normaux.
B. Lors d’un épisode de rejet, ces indices se majorent très fortement.

Figure 66. Aspect tomodensitométrique des affections gynécologiques aiguës.


A. Corps jaune hémorragique au niveau de l’annexe gauche (flèche), se traduisant par une lésion ovoïde, avec niveau horizontal et sédiment spontanément
hyperdense (tête de flèche).
B. Salpingite droite, masse liquidienne dans le territoire présumé de l’annexe droite (flèche).

Figure 67. Échographie pelvienne en cas de torsion d’ovaire.


A. Ovaire droit élargi, avec follicules périphériques (tête de flèche).
B. Ovaire gauche normal (flèche).

identifie des structures dentaires. Son aspect échographique est masquant les échos (due aux éléments pileux). Sa reconnais-
également typique et se traduit par une masse échogène (causée sance est utile parce que cette affection est un facteur favorisant
par le composant graisseux) et une plage hyperéchogène d’une torsion d’annexe.

Médecine d’urgence 29
25-050-A-25 ¶ Imagerie des urgences abdominales non traumatiques de l’adulte

Figure 68. Même cas qu’en figure 67.


A. Flux monophasique sans diastole, dans l’ovaire tordu.
B. Signal artériel normal dans l’annexe gauche.

Figure 69. Infarctus splénique quasi complet en cas de thrombose de la veine splénique.
A. En échographie doppler couleur, absence de vascularisation parenchymateuse.
B. En tomodensitométrie, défaut de rehaussement quasi complet de la rate.

Abcès tubo-ovarien Anévrismes et pseudoanévrismes


Il se traduit, en échographie comme en tomodensitométrie, Les anévrismes et les pseudoanévrismes sont identifiables lors
par une formation annexielle le plus souvent bilatérale ovoïde, d’examens tomodensitométriques de routine, chez des patients
liquidienne, avec une paroi plus épaisse que celle d’un simple asymptomatiques ; l’échographie en mode doppler couleur
kyste (Fig. 66). Du liquide péritonéal est fréquemment observé. permet également la reconnaissance de telles lésions, quand
elles sont de taille suffisante [42] (Fig. 70). La douleur spontanée
■ Urgences spléniques est présente dans 20 % des cas. L’étiologie des anévrismes est
habituellement l’athérosclérose. Les pseudoanévrismes s’obser-
vent plus volontiers au décours des pancréatites, plus rarement
Affections vasculaires de vasculite, de traumatismes spléniques ou d’emboles septi-
Infarctus et infarcissement splénique ques. Certains auteurs mettent en exergue l’hypertension
portale et la grossesse. Cette condition est liée à un taux élevé
Lors du bilan d’une douleur aiguë de l’hypocondre gauche, le de rupture spontanée de 40 à 70 %, en fonction de la taille de
diagnostic d’une lésion ischémique de la rate doit être évoqué. la lésion (au-delà de 2 cm). Quelquefois, l’hémorragie diffuse
Un infarctus trouve sa cause dans une embolie artérielle, dans le canal de Wirsung, occasionnant un « hemosuccus
responsable d’une dévascularisation de la rate, plus ou moins
pancreaticus » [120].
étendue. Un infarcissement est une lésion ischémique secon-
daire à une thrombose veineuse. Ces affections sont suspectées
en échographie doppler couleur, lorsqu’un secteur de la rate Rupture spontanée de la rate
présente une modification zonale de son échostructure, qui
devient volontiers plus hypoéchogène. La vascularisation Elle s’observe en cas de splénomégalie notée au décours
étudiée en mode doppler couleur y est alors moindre. L’étendue d’infections d’origines variées avec une prépondérance pour la
précise de la lésion est évaluée par tomodensitométrie avec mononucléose infectieuse [121]. La malaria, la fièvre typhoïde et
contraste, montrant clairement la zone ischémiée du paren- certaines infections bactériennes (streptocoques, Pseudomonas,
chyme splénique (Fig. 69). Clostridium) sont également à citer [122]. L’anticoagulothérapie et

30 Médecine d’urgence
Imagerie des urgences abdominales non traumatiques de l’adulte ¶ 25-050-A-25

Figure 70. Échographie en cas d’anévrisme artériel intrasplénique.


A. En échographie conventionnelle : masse transsonore ovoïde intrasplénique (flèche).
B. En mode doppler couleur, vascularisation artérielle typique.

les tumeurs malignes sont parfois à l’origine d’une rupture [15] Lee JH, Jeong YK, Hwang JC, Ham SY, Yang SO. Graded compression
spontanée de la rate [123, 124]. Le diagnostic positif d’une rupture sonography with adjuvant use of a posterior manual compression tech-
de rate est plus aisément posé sur la base d’un bilan tomoden- nique in the sonographic diagnosis of acute appendicitis. AJR Am
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E. Danse (danse@rdgn.ucl.ac.be).
Service de radiologie, cliniques universitaires Saint-Luc, université catholique de Louvain, avenue Hippocrate 10, B 1200 Bruxelles, Belgique.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Danse E. Imagerie des urgences abdominales non traumatiques de l’adulte. EMC (Elsevier Masson SAS,
Paris), Radiodiagnostic - Appareil digestif, 33-705-A-10, 2004, Médecine d’urgence, 25-050-A-25, 2007.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


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décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

Médecine d’urgence 33
¶ 25-030-B-30

Intoxication alimentaire
par les phycotoxines marines
S. La Vieille, S. Krys

Les implications sanitaires de certaines proliférations microalgales responsables de la production de


toxines en milieu marin (phycotoxines) ne sont appréhendées en France que depuis une vingtaine
d’années. Les effets de ces toxines chez l’homme, survenant après consommation le plus souvent de
coquillages mais aussi de poissons tropicaux ayant accumulé les toxines mais restant indemnes, sont
observés dans le cadre d’intoxications aiguës car les effets chroniques potentiels restent peu documentés.
Si la symptomatologie clinique se manifeste le plus souvent sous la forme d’une gastroentérite ayant une
évolution favorable, certains syndromes peuvent être à l’origine de manifestations graves, voire mortelles,
principalement en raison du tropisme de certaines de ces toxines pour le système nerveux central et/ou
périphérique. Depuis 10 ans, la multiplication des efflorescences microalgales toxiques et leur expansion à
l’échelle planétaire a eu pour conséquence un renforcement des mesures réglementaires concernant les
produits de la mer, mesures de protection de santé publique basées sur une interdiction de l’exploitation
des zones de production en période de contamination. Cependant, les intoxications alimentaires par
phycotoxines marines restent mal connues des cliniciens et il en ressort une difficulté à connaître leur
incidence annuelle réelle en France. La plus célèbre est probablement la ciguatera responsable de
plusieurs dizaines de milliers d’intoxications par an dans les trois zones géographiques endémiques que
sont les Caraïbes, les océans Indien et Pacifique. Il n’est pas à exclure que des cas puissent aussi affecter
les autres pays du globe en raison de l’augmentation de la consommation d’espèces de poissons d’origine
exotique.
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Mots clés : Microalgues ; Phycotoxines ; Manifestations diarrhéiques ; Neurotoxicité cellulaire ; Coquillage ;


Poisson tropical ; Ciguatera ; Surveillance épidémiologique

Plan ■ Introduction
¶ Introduction 1 Les produits de la mer, en milieu tempéré ou tropical, sont
généralement porteurs d’une image de qualité favorable.
¶ Espèces marines productrices de phycotoxines 2
Cependant, la présence de contaminants dans le milieu marin,
¶ Réglementation et bases du dispositif français même à l’état de traces, peut aboutir à leur accumulation dans
de surveillance 3 différents coquillages et poissons et présenter un risque pour la
¶ Méthodes d’identification du phytoplancton toxique santé publique. Cette contamination peut être liée à des
dans l’eau 3 pollutions industrielles (métaux lourds, dioxines, pesticides etc.)
¶ Méthodes d’analyse des phycotoxines dans les coquillages 3 ou à des contaminations d’origine naturelle comme c’est le cas
pour les phycotoxines marines qui représentent un risque
¶ Aspects toxicologiques des phycotoxines marines 3
potentiel d’intoxication alimentaire en France pour le consom-
Différences structurales 3
mateur sans qu’il soit actuellement possible de fournir une
Classification toxicologique 3
estimation précise de l’incidence annuelle réelle des affections
¶ Aspects cliniques et épidémiologiques des intoxications qui leur sont associées.
humaines par phycotoxines marines 4 Les phycotoxines marines sont des métabolites secondaires
Classification syndromique des phycotoxines 4 produits lors de la prolifération de quelques dizaines d’espèces
Données épidémiologiques disponibles 5 phytoplanctoniques (plancton végétal). Elles ont longtemps été
Formes cliniques et diagnostic 5 classées en plusieurs familles dont le déterminant est le tableau
Traitement 7 clinique qu’elles induisent chez l’homme, mais un nouveau
¶ Conclusion 7 classement selon leur nature chimique et toxicologique est
actuellement en cours d’évaluation au niveau international
(Commission de l’océan Indien [IOC]/Organisation des nations
unies pour l’alimentation et l’agriculture [FAO]/Organisation

Médecine d’urgence 1
25-030-B-30 ¶ Intoxication alimentaire par les phycotoxines marines

Figure 1.
A, B, C, D, E. Principales microalgues toxi-
ques responsables d’intoxications alimen-
taires. D’après la Commission de l’Océan
Indien/Pacifique Ouest/Unesco.

mondiale de la santé [WHO]). Elles possèdent principalement, • Les Dinophycées sont des microalgues mobiles définies par
suivant leurs caractéristiques biochimiques, soit un tropisme leurs deux flagelles dissemblables insérés dans deux sillons
digestif cliniquement réversible, soit un tropisme neurologique perpendiculaires à la cellule. Les espèces toxiques sont
pouvant conduire dans certains cas au décès. Cependant, toute majoritairement côtières, capables de provoquer des efflores-
toxine peut avoir des effets à d’autres niveaux que celui des cences, voire une coloration des eaux. On distingue quatre
cellules cibles considérées comme responsables du symptôme groupes de dinoflagellés (Gymnodiniales, Gonyaulacales,
spécifique décrit. Dinophysiales et Prorocentrales), chacun d’eux renfermant
des producteurs de toxines polyéthers. Sur les 2 000 espèces
environ de dinoflagellés recensées actuellement, seul un petit
■ Espèces marines productrices nombre est toxique mais la liste n’est pas close ; ainsi, depuis
de phycotoxines 2000, après plusieurs intoxications alimentaires de type
diarrhéique, un nouveau syndrome baptisé azaspiracid poiso-
Les espèces marines productrices de phycotoxines susceptibles ning (AZP) ainsi qu’une nouvelle espèce de dinoflagellé ont
de se retrouver dans les fruits de mer et les poissons consommés été caractérisés en Europe.
par l’homme sont limitées à deux classes de microalgues • Les Diatomophycées sont, à l’inverse des Dinophycées, des
eucaryotes : les Dinophycées (nom courant : dinoflagellés) et les algues unicellulaires jamais flagellées pendant leur phase
Diatomophycées (nom courant : diatomées), les deux groupes végétative. On estime environ à 1 300 le nombre d’espèces
renfermant également des organismes toxiques pour la faune [1] recensées. [2] Cependant, moins d’une dizaine d’espèces est
(Fig. 1). toxique, toutes appartenant au groupe des Pennées (environ

2 Médecine d’urgence
Intoxication alimentaire par les phycotoxines marines ¶ 25-030-B-30

espèces toxiques est délicate et nécessite une grande technicité,


Dispositif français de surveillance des coquillages surtout pour l’identification d’espèces morphologiquement
proches. Pour aider à la détection d’espèces toxiques, l’utilisa-
Direction des pêches maritimes Direction générale tion de la biologie moléculaire a permis de développer le
et de l'aquaculture de l'alimentation marquage fluorescent de cellules à l’aide de sondes permettant
de révéler la présence d’une espèce particulière. Une alternative
à l’utilisation de sondes est la recherche des espèces par une
Laboratoire Services analyse rapide de réaction de polymérisation en chaîne (techni-
Ifremer national référence vétérinaires
AFSSA que PCR), basée sur la reconnaissance de l’acide désoxyribonu-
cléique (ADN) ribosomique des dinoflagellés permettant la
détection d’une faible quantité de cellules dans l’échantillon par
amplification du signal à partir d’une amorce spécifique de
Laboratoires côtiers Réseau de LVD l’ADN. Cependant, si ces techniques d’identification ont
Zones de production Coquillages (denrées) progressé rapidement ces dernières années, elles ne sont pas
actuellement utilisées en routine. [1]
Figure 2. Dispositif français de surveillance des coquillages. La sur-
veillance des zones de production est effectuée par l’Institut français de
recherche et d’exploitation de la mer (Ifremer) ; la surveillance et le ■ Méthodes d’analyse
contrôle des denrées sont assurés par la Direction générale de l’alimenta-
tion. LVD : Laboratoires vétérinaires départementaux ; Afssa : Agence
des phycotoxines
française de sécurité sanitaire des aliments. dans les coquillages
300 espèces) qui ne produisent qu’une seule famille de La disponibilité de moyens et outils analytiques fiables est
toxines dont l’acide domoïque est le représentant majeur. La une condition indispensable à l’efficacité de toute surveillance.
symptomatologie associée est plutôt digestive mais il existe Dès la mise en évidence de la présence éventuelle de phycotoxi-
un risque d’évolution vers des troubles neurologiques nes dans les produits de la mer, des tests de détection ont été
(cf. infra). mis au point faisant appel au test biologique sur animaux pour
les toxines paralysantes [3] comme pour les toxines diarrhéi-
■ Réglementation et bases ques. [4] À ce jour, les contrôles officiels, aussi bien communau-
taires qu’internationaux, sont basés sur ces tests optimisés et/ou
du dispositif français normalisés.
Au fil des années, pour la plupart des toxines connues à ce
de surveillance jour, d’autres types de méthodes ont été mis au point, basés sur
Les processus naturels d’efflorescence et de toxinogenèse d’autres principes, tels que les tests biologiques sur cellules, les
étant liés à de nombreux facteurs environnementaux, il n’existe tests enzymatiques, des méthodes immunologiques, physicochi-
pas de moyens de prévenir la contamination des fruits de mer. miques (chromatographie liquide) couplées à la spectrométrie
La réglementation en vigueur (directives 91/492/CEE et 91/493/ en fluorescence ou de masse. Là encore, il serait fastidieux d’en
CEE) s’appuie donc sur un dispositif qui puisse prévenir la mise dresser la liste et de les hiérarchiser. Citons à titre d’exemple de
sur le marché de tout produit de la mer contaminé, en assurant récentes synthèses effectuées sur ce sujet. [1, 5] Tous ces types de
en premier niveau une surveillance des zones de production méthodes présentent des avantages et des inconvénients,
(phytoplancton toxique dans l’eau et biotoxines accumulées délivrent des informations différentes et complémentaires et
dans les produits de la mer) et en second niveau complémen- forment un panel permettant la détection rapide, ou l’investi-
taire une surveillance des produits sur le marché. gation précise, ou encore la confirmation poussée de contami-
En France, le dispositif de surveillance est sous la responsabi- nations. Néanmoins, l’outil idéal alliant rapidité, faible coût,
lité du ministère de l’Agriculture, de l’alimentation, de la pêche fiabilité et précision n’existe pas encore.
et de la ruralité. La Direction des pêches maritimes et de La surveillance des zones de production est hebdomadaire
l’aquaculture a pour mission de contrôler le milieu marin, de pendant les périodes à risque (elles-mêmes variables selon les
production et de pêche de coquillages. La surveillance des zones zones de production) et dans les zones à risque déjà affectées.
de production est réalisée par les laboratoires côtiers de l’Institut En dehors de ces situations, la surveillance est effectuée tous les
français de recherche et d’exploitation de la mer (Ifremer) : 15 jours par l’Ifremer (Réseau Réphy). [6]
recherche du phytoplancton réputé toxique dans l’eau et des
toxines dans les coquillages, avec une fréquence hebdomadaire
pour les zones et périodes à risques, des résultats défavorables ■ Aspects toxicologiques
entraînant la fermeture de la zone par le préfet du département.
En complément, le réseau de laboratoires départementaux
des phycotoxines marines
effectue des contrôles des produits sur le marché et des produits
importés sous la responsabilité de la Direction générale de Différences structurales
l’alimentation (DGAl) qui est en charge du contrôle sanitaire On distingue deux classes de toxines identifiables grâce à
des établissements de purification et d’expédition, du transport leurs propriétés physicochimiques :
et des coquillages mis sur le marché. L’équipe des toxines • les toxines hydrosolubles dont la molécule contient à la fois
naturelles l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments du carbone et de l’azote, parmi lesquelles on distingue les
(Afssa), nommée Laboratoire national de référence (LNR) pour saxitoxines et leurs dérivés (produites par les dinoflagellés) et
les biotoxines marines, apporte un appui scientifique et techni- l’acide domoïque (produit par les diatomées) ;
que au ministère et coordonne les activités de contrôle de • les toxines liposolubles de type polyéthers (produites princi-
l’ensemble des laboratoires départementaux engagés dans cette palement par les dinoflagellés), parmi lesquelles on distingue
surveillance (Fig. 2). l’acide okadaïque et ses analogues (dinophysistoxines), les
azaspiracides, les brévétoxines et les toxines ciguatériques. Les
■ Méthodes d’identification pecténotoxines, les yessotoxines appartiennent également à
cette catégorie mais ne seront pas développées ici. [7]
du phytoplancton toxique
dans l’eau Classification toxicologique
Le système de surveillance des espèces d’algues est lourd à Sur le plan toxicologique, à la fois pour rejoindre la classifi-
mettre en œuvre car la reconnaissance par microscopie des cation syndromique développée (cf. infra) et pour gagner en

Médecine d’urgence 3
25-030-B-30 ¶ Intoxication alimentaire par les phycotoxines marines

simplicité, il apparaît plus aisé de classer les intoxications non effet pourrait passer par l’induction d’un promoteur endo-
pas en fonction de leur différence de structure moléculaire mais gène, le tumor necrosis factor (TNF)a ; l’acide okadaïque
en deux catégories : celle où les symptômes relèvent de la n’affecte pas l’internalisation des récepteurs au TNFa mais il
neurotoxicité et celle où le tropisme est principalement digestif. conduit à une perte de ceux-ci à la surface cellulaire. [9]
D’autres études ont montré également que l’acide okadaïque
Principales toxines possédant une neurotoxicité et certaines dinophysistoxines induisent l’expression d’onco-
cellulaire [8] gènes précoces à l’origine de certaines aberrations
• La saxitoxine et ses dérivés (toxines hydrosolubles) sont chromosomiques. [10-12] Par ailleurs, certaines protéines
responsables d’intoxication paralysante par fruits de mer (cf. (comme les protéines Rb et P53) issues de gènes suppresseurs
infra). Leurs cibles moléculaires sont le site récepteur 1 des de tumeurs sont hyperphosphorylées par traitement à l’acide
canaux sodium membranaires sensibles au potentiel de okadaïque et sont inactives sous cette forme. [13, 14] Enfin,
membrane qu’elles bloquent en se fixant sur un des six sites l’activité télomérase n’est généralement pas détectée dans les
récepteurs identifiés, interférant ainsi avec la signalisation cellules somatiques normales mais s’observe dans les cellules
électrique cellulaire au niveau de la membrane plasmique des cancéreuses ; dans une lignée cellulaire cancéreuse, l’acide
cellules nerveuses. okadaïque empêche l’activité télomérase de certaines pro-
• Les ciguatoxines (responsables de la « ciguatera », toxines téines phosphatases. [15]
polyéthers) et les brévétoxines (toxines responsables de la
mort massive de poissons et d’intoxications humaines dites
neurologiques, toxines polyéthers) partagent le même site de
fixation sur les canaux sodium sensibles au potentiel de
membrane. Leur cible moléculaire est le site récepteur 5 des
canaux sodium et leur mode d’action consiste en une aug-
“ À retenir
mentation de la perméabilité membranaire au sodium. Ces
Les phycotoxines, via les produits de la mer, présentent un
toxines (plusieurs dizaines de ciguatoxines distinctes ont été
individualisées) produisent également une dépolarisation de danger potentiel pour la santé humaine. Elles constituent
la membrane des cellules nerveuses et des fibres musculaires un ensemble de molécules très variées dont le mode
squelettiques ainsi que des altérations de la libération des d’action moléculaire est généralement déterminé mais de
neurotransmetteurs, en particulier au niveau de la jonction manière encore insuffisamment précise. L’importance des
neuromusculaire squelettique. On constate également une observations cliniques relayées par les professionnels de
augmentation du volume cellulaire au niveau des fibres santé doit donc aider à mieux comprendre certains
nerveuses myélinisées et des terminaisons nerveuses motrices mécanismes physiopathologiques chez l’homme.
innervant le muscle squelettique mais également au niveau
des cellules de Schwann non myélinisantes périsynaptiques.
• L’acide domoïque (toxine hydrosoluble), responsable initiale-
ment d’une symptomatologie d’ordre digestif, peut entraîner
dans un second temps des troubles à caractère de désorienta- ■ Aspects cliniques
tion, confusion, troubles mnésiques, voire convulsions et
coma. Le degré de toxicité de l’acide domoïque dépend de la et épidémiologiques
quantité ingérée par l’homme. L’acide domoïque est norma-
lement absorbé par la muqueuse gastro-intestinale et atteint
des intoxications humaines
sa cible progressivement au niveau du système nerveux par phycotoxines marines
central où il active des récepteurs glutamatergiques compre-
nant plusieurs types de récepteurs dont les récepteurs kaïnate. Le récit de Vancouver décrit dès la fin du XVIIIe siècle plu-
L’acide domoïque est un agoniste des récepteurs kaïnate sieurs cas d’intoxications de navigateurs par des coquillages
entraînant une dépolarisation membranaire et une entrée contaminés. [16] Cependant, les phycotoxines marines ne sont
d’ions sodium et calcium dont les conséquences intracellulai- connues des cliniciens que depuis une trentaine d’années
res sont nombreuses au niveau du système nerveux central. seulement mais sont, depuis lors, un sujet d’intérêt significatif
pour la santé publique. En effet, ces années ont vu l’extension
Toxines associées principalement à des zones littorales touchées à l’ensemble du globe et l’augmen-
des manifestations diarrhéiques [8] tation du nombre d’efflorescences de microalgues toxiques,
Bien qu’elles appartiennent au même groupe, le mécanisme conduisant à l’identification d’un nombre croissant de familles
d’action de l’acide okadaïque (toxines polyéthers) est mieux de phycotoxines [17] (Fig. 3).
connu sur le plan scientifique que celui de ses analogues (les
dinophysistoxines) dont les données de la littérature sont Classification syndromique des phycotoxines
actuellement très parcellaires.
• L’acide okadaïque et les dinophysistoxines se fixent après Celles-ci sont actuellement classées en plusieurs familles dont
ingestion à des protéines phosphatases (à sérine/thréonine le déterminant est le syndrome spécifique aigu qu’elles indui-
intracellulaire) et provoquent une inhibition de leur activité. sent chez l’homme. La classification syndromique se rapproche
L’inhibition de ces protéines phosphatases par l’acide okadaï- donc de la classification toxicologique (cf. supra) mais est plus
que résulte en une augmentation de protéines phosphorylées précise sur le plan symptomatologique.
rapportée expérimentalement dans de nombreux types de Actuellement, on distingue six syndromes alimentaires dus à
cellules (hépatocytes, adipocytes, fibroblastes etc.). Cette des phycotoxines : cinq liés à la consommation de coquillages
hyperphosphorylation protéique entraîne des modifications et un lié à la consommation de poissons vivant dans les massifs
morphologiques des cellules (blebs, arrondissement et déta- coralliens des Caraïbes, de l’océan Indien et de l’océan
chement du substrat) et agit sur le cycle cellulaire en provo- Pacifique.
quant en particulier l’entrée en phase de mitose. Suivant les On compte ainsi cinq familles contaminant les coquillages :
concentrations de toxines, certaines cellules échappent au • les phycotoxines diarrhéiques et associées (phycotoxines
blocage pour donner naissance à des cellules multinucléées DSP) ;
tandis que pour d’autres, la progression du cycle se termine • les phycotoxines paralysantes (phycotoxines PSP) ;
par un processus d’apoptose. La contamination du coquillage • les phycotoxines amnésiantes (phycotoxines ASP) ;
par ce type de toxines n’est pas uniforme puisque c’est • les phycotoxines neurologiques (phycotoxines NSP) ;
surtout l’hépatopancréas qui constitue l’organe-cible. • depuis 2000, un autre syndrome a été caractérisé, l’intoxica-
• Certaines études de cancérogenèse réalisées chez la souris ont tion par les azaspiracides (toxines polyéthers). Ce syndrome,
démontré un potentiel promoteur de l’acide okadaïque. Cet également de nature diarrhéique, a volontairement été isolé,

4 Médecine d’urgence
Intoxication alimentaire par les phycotoxines marines ¶ 25-030-B-30

Figure 3. Principales distributions mondiales des intoxications aux poissons et fruits de mer par phycotoxines marines. [18]

car à la différence des autres toxines diarrhéiques, la détoxi- sans qu’il soit possible de confirmer la nature et l’origine de la
cation des produits de la mer est très longue (plusieurs mois) contamination.
et la toxine est présente de façon uniforme dans l’ensemble Malgré ces difficultés, une étude française signale, dès 1976,
du corps du coquillage et pas uniquement dans l’hépatopan- des cas d’intoxications par phycotoxines paralysantes à la suite
créas. Leur contrôle est obligatoire en France depuis 2002. de la consommation de moules en provenance d’Espagne. [21]
On compte principalement une famille contaminant les Plusieurs milliers d’intoxications par phycotoxines diarrhéiques
poissons coralliens : les phycotoxines ciguatériques. ont été également décrites dans le sud de la Bretagne en
1983 puis en 1984 et 1986 à la suite de consommation de
Données épidémiologiques disponibles moules. [21]
C’est seulement à partir d’épisodes de toxi-infections alimen-
Contaminations des denrées alimentaires taires collectives (TIAC) survenus en 1998 et 2000 en France que
l’on a pu cependant conclure précisément à la mise en cause de
Les pays de l’Union européenne ont tous été confrontés à des
moules produites dans un autre État membre qui se sont avérées
contaminations de leur production conchylicole par au moins
contaminées en toxines de type diarrhéique (acide okadaïque et
l’une des familles de phycotoxines, hormis par les phycotoxines
dérivés, azaspiracides).
neurologiques pour l’instant uniquement localisées dans le
Pour ce qui concerne la consommation de poissons, le
Golfe du Mexique et en Nouvelle-Zélande. En ce qui concerne
recensement est plus précis : les intoxications ciguatériques, les
la France métropolitaine, les premiers contrôles effectués sur des
plus fréquentes des intoxications d’origine marine, surviennent
coquillages en Bretagne au début des années 1980 ont permis
essentiellement dans les régions où la consommation de
de confirmer la cause d’intoxications diarrhéiques par les
poissons coralliens est importante (Caraïbes, Pacifique Sud etc.).
phycotoxines. Ceci a déclenché la mise en place de plans
L’incidence annuelle dans le Pacifique Sud a été estimée entre
permanents de surveillance par des laboratoires de terrain
400 et 700 cas/100 000 habitants. [22] On estime entre 20 000 à
organisés en réseau. Par la suite, des zones de production ont
50 000 le nombre de cas annuels de ciguatera dans les trois
été régulièrement fermées en raison de la présence des phyco-
zones géographiques endémiques, Caraïbes, océans Indien et
toxines diarrhéiques depuis 1984, paralysantes depuis 1988 et
Pacifique. Aux États-Unis, 50 000 cas de gravité variable
génératrices du syndrome amnésique depuis 2000, les phyco-
surviennent par an selon Pohland, mais ce chiffre est probable-
toxines diarrhéiques restant la première cause des
ment sous-estimé. [23] En France, dans le cadre particulier des
fermetures. [19]
TIAC rapportées par la Déclaration obligatoire, tous les épisodes
En 2003, en France métropolitaine, dix zones de production
sont survenus aux Antilles après consommation locale familiale
ont ainsi été temporairement fermées en raison de la présence
de poissons coralliens. De 1995 à 1999, l’Institut de veille
de phycotoxines diarrhéiques sur le site et deux autres zones en
sanitaire (InVS) recense ainsi 23 TIAC (dont 22 en Guadeloupe)
raison de la présence de phycotoxines paralysantes.
à l’origine de 98 cas. [24]
Données disponibles en santé humaine
Jusqu’à présent en France, les cas groupés de personnes
Formes cliniques et diagnostic
présentant des symptômes en rapport avec des intoxications La gravité d’une intoxication, toujours aiguë, par des fruits de
phycotoxiniques se sont avérés difficiles à recenser avec mer est liée à trois principaux paramètres : la famille de toxines,
précision car le contexte clinique de ces épisodes est souvent les quantités ingérées et la sensibilité individuelle.
mal documenté et parce qu’il n’existe de système de sur- La consommation de coquillages ou de poissons cuits ne
veillance épidémiologique pouvant identifier ce type de patho- modifie pas le risque dû aux phycotoxines, la quasi-totalité
logie souvent peu spécifique (Tableau 1) que depuis quelques d’entre elles étant thermorésistantes.
années en France. Les symptômes digestifs très fréquents et leur Quelle que soit la nature des toxines, les symptômes digestifs
caractère relativement fugace ne permettent pas en effet sont très fréquemment retrouvés et sont très peu spécifiques
d’écarter l’éventualité de cas cliniques non déclarés. Les services (Tableau 1). Ils apparaissent cependant généralement très
de l’État (Direction départementale de l’action sanitaire et rapidement, environ 30 minutes à 4 heures après l’ingestion, ce
sociale [DDASS] et Direction départementale des services qui constitue un des éléments du diagnostic différentiel en
vétérinaires [DDSV] principalement) ont parfois connaissance de défaveur d’une infection bactérienne ou virale, où l’incubation
cas signalés par des consommateurs ou des professionnels est en général plus longue. [20]
pouvant évoquer une intoxication d’origine phycotoxinique,

Médecine d’urgence 5
25-030-B-30 ¶ Intoxication alimentaire par les phycotoxines marines

Tableau 1.
Formes cliniques des intoxications par phycotoxines marines. [20]

Syndromes Délais d’apparition Principaux symptômes Signes de gravité Évolution


Syndrome Phycotoxines Court Diarrhée Pas de séquelles
diarrhéique diarrhéiques Moyenne : 4 h Nausées Non létal
(30 min–12 h) Vomissements Rétablissement en 3 j
Douleurs abdominales
(50 % des cas)
Frissons (10 % des cas)

Azaspiracides Variable, de 2,5 à 18 h Nausées Pas de séquelles


Vomissements Non létal
Diarrhées importantes Rétablissement en 2 à 5 j
Douleurs épigastriques
Céphalées
Fièvre modérée

Syndrome Très court, de 5 à 30 min • Symptômes gastro-intestinaux : Céphalées Décès possible par para-
paralysant - nausées, vomissements Vertiges lysie respiratoire (entre
2 et 12 h après ingestion)
• Symptômes nerveux : Troubles de la parole
Rétablissement
- paresthésie buccale pouvant Ataxie
en 2 à 3 j, sans séquelles
s’étendre au visage, cou, doigts, Difficultés respiratoires
orteils, membres

Syndrome Variable, de 15 min à 36 h • Symptômes gastro-intestinaux Aggravation du Décès possible


amnésique (dans les premières 24 h) : syndrome Rétablissement lent,
- nausées, vomissements, confusionnel entre quelques jours et
céphalées, diarrhées, douleurs Coma plusieurs mois
abdominales Séquelles définitives
• Symptômes nerveux possibles
(dans les premières 48 h) :
- syndrome confusionnel,
troubles mnésiques

Syndrome Court, de 1 à 3 h • Symptômes gastro-intestinaux : Bradycardie et hypoten- Pas de séquelles


neurologique - nausées, diarrhée, douleurs sion artérielle Non létal
abdominales Rétablissement en 2 j
• Symptômes neurologiques :
- paresthésie buccale pouvant
s’étendre au visage, cou, membres
- dysesthésie : trouble de la
sensibilité thermique (inversion
chaud/froid)
- dilatation pupillaire
• Symptômes cardiovasculaires :
- bradycardie

Syndrome Court • Symptômes gastro-intestinaux : - Symptômes nerveux : Décès possible mais rare
« ciguatérique » Généralement, de 3 à 8 h - diarrhées (70 %) convulsions, coma Rétablissement lent
(50 % des patients en 6 h) - nausées, vomissements (40 %) - Symptômes entre 8 j et plusieurs
cardiovasculaires : semaines
- douleurs abdominales (40 %)
bradycardie et collapsus
• Symptômes nerveux :
- paresthésie (90 %) buccale
pouvant s’étendre au visage, cou,
membres ;
- dysesthésie (90 %) : sensation de
décharge électrique, trouble de la
sensibilité thermique (inversion
chaud/froid) ;
- ataxie des membres inférieurs
Prurit tenace caractéristique 24 à
48 h après l’ingestion

6 Médecine d’urgence
Intoxication alimentaire par les phycotoxines marines ¶ 25-030-B-30

Phycotoxines diarrhéiques et associées Les troubles digestifs peuvent être dans un premier temps
traités par des antispasmodiques et des antidiarrhéiques ; si ces
Les symptômes sont de type gastro-intestinal : nausées, troubles ne s’améliorent pas dans les 24 heures, une rééquilibra-
vomissements, douleurs abdominales. Ces intoxications ne tion hydroélectrique peut s’avérer nécessaire.
nécessitent pas d’intervention médicale particulière, la personne Des antihistaminiques pourront être utilisés pour lutter
se rétablit généralement rapidement en 2 ou 3 jours. contre le prurit de la ciguatera.
En cas de signes cardiovasculaires (bradycardie < 60/min,
Phycotoxines paralysantes hypotension artérielle), il convient d’hospitaliser le patient. Des
Ce sont des symptômes gastro-intestinaux associés ou non corticoïdes peuvent alors être prescrits en prévention d’un
à des symptômes neurologiques de type paresthésies péribuc- choc cardiovasculaire ; du sulfate d’atropine est indiqué en cas
cales, du visage et du cou, pouvant aller jusqu’à la paralysie de bradycardie mal tolérée (0,5 mg/7 h en intraveineuse ou
musculaire et à l’arrêt respiratoire. Il a été recensé des cas de intramusculaire). [25]
décès dans différentes régions du globe, mais jamais en Dans les formes paralysantes avec difficultés respiratoires,
France. l’hospitalisation, parfois en urgence, est également nécessaire
pour permettre une éventuelle assistance ventilatoire. La
Phycotoxines amnésiantes dépression respiratoire est une des principales causes de morta-
Premier épisode toxique en 1987 au Canada : 145 personnes lité due aux phycotoxines (phycotoxines paralysantes et formes
atteintes, trois décès immédiats et un décès postérieur de graves de ciguatera).
personnes de plus de 60 ans, d’où l’hypothèse d’une sensibilité Une combinaison de gluconate de calcium et de vitamines
accrue avec l’âge. B1, B6, B12 peut être un complément utile pour des atteintes
Le tableau clinique associe un syndrome confusionnel avec modérées de ciguatera tandis que l’injection intraveineuse de
parfois des troubles mnésiques. mannitol (Mannitol ® 20 % en perfusion à la vitesse de
500 ml/h et à la dose maximale de 1g/kg de poids) a permis
Phycotoxines neurologiques de traiter avec succès certaines formes neurologiques
graves. [25, 26]
On recense quelques cas d’intoxication humaine par ces Face à une intoxication dont une cause phycotoxinique
toxines, localisées uniquement dans le Golfe du Mexique et en peut être suspectée, aucun examen complémentaire de
Nouvelle-Zélande. Ces toxines produisant des mortalités de certitude n’est disponible actuellement pour confirmer
poissons, leur présence dans le milieu marin est aisément l’hypothèse diagnostique. En revanche, l’évocation de cette
détectée. De plus, n’étant pas retrouvées en Europe, ces toxines cause doit être associée à une démarche standardisée reposant
ne sont pas réglementées au niveau communautaire. sur deux éléments principaux. Il importe, d’une part de
réaliser une définition précise des cas observés : tableau
Azaspiracides clinique ; consommation précise (type de coquillage ou
Ils entraînent un syndrome gastro-intestinal qui ne se poisson, quantité ingérée) ; terrain (Fig. 4) ; d’autre part, au
différencie pas de la pathologie diarrhéique provoquée par les moindre doute, il est nécessaire d’informer le plus rapidement
phycotoxines diarrhéiques connues. En revanche, ces toxines possible la DDASS concernée, qui fera diligenter une enquête en
ont un mode d’action différent comme le montrent les études partenariat avec les services vétérinaires. [20]
toxicologiques menées sur modèles cellulaires et sur animal.
Ainsi, outre l’intestin, les azaspiracides affectent d’autres organes
et le système immunitaire, ce qui constituerait un risque plus
important pour l’homme.

Toxines ciguatériques
“ À retenir
Retrouvées chez certaines espèces de poisson des Caraïbes, de Conseils pratiques en zones endémiques
l’océan Indien et de l’océan Pacifique, elles provoquent la (Caraïbes, océans Indien et Pacifique) vis-à-vis des
maladie appelée ciguatera. Pathologie endémique dans les intoxications par consommation d’animaux
régions concernées où la population consomme beaucoup de marins. [18, 27]
poisson, elle provoque des symptômes de type gastro-intestinal • Faire confiance aux pêcheurs locaux quand ils signalent
associés à des symptômes neurologiques, notamment des
qu’un animal présente des risques.
paresthésies, l’inversion des sensations de chaud et de froid, et
• Éviter de consommer les plus gros spécimens de
de fortes démangeaisons. Cette maladie est d’ailleurs communé-
ment surnommée « maladie de la gratte ». Enfin, des problèmes poissons de récif.
cardiovasculaires peuvent aussi survenir : hypotension artérielle • Vider les poissons aussitôt après la pêche.
et troubles du rythme cardiaque ; les décès sont toutefois très • Préférer la chair à la tête et aux viscères qui contiennent
rares. davantage de toxines.
• Éviter de consommer du poisson et de l’alcool pendant
quelques semaines après un épisode d’intoxication par
consommation d’animaux marins.

“ À retenir
La présence de toxine n’altère pas la saveur, l’odeur et la
couleur de l’animal ou du coquillage.
■ Conclusion
Les toxines ne sont pas détruites par les modes de Il existe, en France et en Europe, des dispositifs de surveillance
conservation, de préparation et de cuisson. de la salubrité des coquillages reposant à la fois sur la surveillance
des zones de production et sur la surveillance des produits au
stade de la mise sur le marché. Pour les poissons, la France
interdit l’importation de certaines espèces coralliennes, vecteurs
potentiels de ciguatoxines. Ce type de dispositif a plusieurs fois
Traitement prouvé son efficacité comme lors de la fermeture de zone de
Le traitement est symptomatique. Il faut éliminer l’aliment pêche de coquilles Saint-Jacques dans la Manche (présence de
responsable par lavage d’estomac ou par administration de phycotoxines paralysantes) puis dans le Finistère (présence de
charbon activé. phycotoxines amnésiantes) en décembre 2004. Cependant, en

Médecine d’urgence 7
25-030-B-30 ¶ Intoxication alimentaire par les phycotoxines marines

Figure 4. Arbre décisionnel. Conduite à te-


Consommation de produits de la mer nir devant une suspicion d’intoxication alimen-
+ taire par phycotoxines marines.
signes digestifs :
nausées, vomissements
diarrhées, douleurs abdominales
+/- prurit (Ciguatera)
Incubation courte (généralement < 4 h)

Signes digestifs isolés


Signes digestifs associés à

Traitement symptomatique par : Symptômes nerveux :


- antispasmodiques - syndrome confusionnel
- antidiarrhéiques - troubles mnésiques
- antihistaminiques si prurit
surveillance à domicile Symptômes neurologiques : Hospitalisation
si aggravation dans les 24-48 h - paresthésies buccales, pour surveillance
➠ hospitalisation des extrémités de l'évolution
- dysesthésies clinique

Symptômes cardiovasculaires :
- hypotension artérielle
- bradycardie

Facteurs de gravité
Hospitalisation en urgence
Ataxie, céphalées, vertiges, troubles de la parole,
pour éventuelle assistance
convulsions
respiratoire et/ou traitement
Difficultés respiratoires
d'un collapsus cardiovasculaire
Bradycardie (< 60/min), hypotension artérielle

raison de l’intensification et de la diversification des échanges [10] Schonthal A, Tsukitani Y, Feramisco JR. Transcriptional and post-
internationaux, le risque principal est lié aux coquillages et transcriptional regulation of c-fos expression by the tumor promoter
poissons importés, en particulier lorsque ceux-ci se trouvent okadaic acid. Oncogene 1991;6:423-30.
transformés. Ce risque pourrait s’accroître en raison de la [11] Adunyah SE, Unlap TM, Franklin CC, Kraft AS. Induction of
consommation de plus en plus courante de poissons exotiques. differentiation and c-jun expression in human leukemic cells by okadaic
Le risque d’intoxication par les phycotoxines est donc acid, an inhibitor of protein phosphatases. J Cell Physiol 1992;151:
potentiellement présent en France, notamment par la consom- 415-26.
mation de produits de la mer importés. Si certaines formes [12] Guy GR, Cao X, Chua SP, Tan YH. Okadaic acid mimics multiple
courantes sont bénignes, d’autres peuvent être graves. Pour changes in early protein phosphorylation and gene expression induced
évaluer de manière fiable les mesures réglementaires de protec- by tumor necrosis factor or interleukin-1. J Biol Chem 1992;267:
tion de la santé publique, il apparaît nécessaire de pouvoir 1846-52.
évaluer l’incidence réelle de ces pathologies chez le consomma- [13] Yatsunami J, Komori A, Ohta T, Suganuma M, Fujiki H.
teur. Il importe donc que le corps médical puisse en faire le Hyperphosphorylation of retinoblastoma protein and p53 by okadaic
diagnostic, en ville comme en milieu hospitalier. acid, a tumor promoter. Cancer Res 1993;53:239-41.
.
[14] Afshari CA, Barrett JC. Disruption of G0-G1 arrest in quiescent and
senescent cells treated with phosphatase inhibitors. Cancer Res 1994;
■ Références 54:2317-21.
[15] Li H, Zhao LL, Funder JW, Liu JP. Protein phosphatase 2A inhibits
[1] Fremy J, Amzil Z, Puech L. Techniques d’analyse basées sur la struc-
nuclear telomerase activity in human breast cancer cells. J Biol Chem
ture moléculaire. In: Fremy J, Lassus P, editors. Toxines d’algues dans
l’alimentation. Paris: Ifremer; 2001. p. 483-509. 1997;272:16729-32.
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tumor promoter, phorbol ester. J Biol Chem 1993;268:5624-31. voyage. Bull Épidémiol Hebd 2001;38.

8 Médecine d’urgence
Intoxication alimentaire par les phycotoxines marines ¶ 25-030-B-30

[25] Bonnat C. Données actuelles des ichtyosarcotoxismes à la Réunion. Pour en savoir plus
Revue de 153 observations. Kremlin-Bicêtre: Faculté de Médecine-
Paris-Sud, Paris XI; 1995. Site internet Ifremer: Réseau REPHY - espèces toxiques et toxines, synthèse
[26] Bagnis R. Ciguatera fish poisoning. In: Algal toxins in seafood and sur 10 ans: http://www.ifremer.fr/envlit/documentation/dossiers
drinking water. London: Academic Press; 1993. p. 105-15. /toxines10ans/toxines10.htm.
[27] COI. Les intoxications par consommation d’animaux marins dans Site internet Commission de l’Océan Indien: http: //www.coi-
l’Océan Indien. Île Maurice: Coopération Commission de l’Océan info.org/francais/pub01.asp.
Indien/Union européenne; 2000. Site internet de l’Afssa: http://www.afssa.fr.

S. La Vieille (s.lavieille@afssa.fr).
Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa). Direction de l’évaluation des risques nutritionnels et sanitaires, 27-31, avenue du Général-Leclerc,
94701 Maisons-Alfort cedex, France.
S. Krys.
Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa). Laboratoire d’études et de recherches sur la qualité des aliments et les procédés agroalimentaires,
23, avenue du Général-De-Gaulle, 94706 Maisons-Alfort cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : La Vieille S., Krys S. Intoxication alimentaire par les phycotoxines marines. EMC (Elsevier Masson SAS,
Paris), Médecine d’urgence, 25-030-B-30, 2007.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos / Documents Information Informations Auto-
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

Médecine d’urgence 9
¶ 25-050-B-30

Pancréatites aiguës
P. Montravers, A. Benbara, H. Chemchick, N. Rkaiby

Les pancréatites aiguës (PA) sont définies comme une inflammation aiguë pancréatique. Les formes
aiguës sévères sont caractérisées par l’existence d’une ou plusieurs défaillances d’organes ou d’une
complication locale comme une nécrose, un abcès ou un pseudokyste. La lithiase biliaire et l’intoxication
alcoolique sont les deux causes les plus fréquentes de PA, mais de très nombreuses autres étiologies sont
décrites. Il ne paraît pas y avoir de lien entre l’étiologie et la sévérité de la maladie. Une douleur
abdominale typique, des signes systémiques et l’élévation de la lipasémie à plus de trois fois la normale
suffisent pour établir le diagnostic. Le bilan radiologique initial n’est nécessaire qu’en cas de doute
diagnostique, pour établir la sévérité et l’étiologie de la maladie. La tomodensitométrie avec injection de
contraste et temps vasculaire précoce, examen de choix pour évaluer la gravité et rechercher des
complications, doit être réalisée 48-72 heures après le début des signes cliniques. La sévérité initiale
s’apprécie par les signes cliniques, la présence de défaillance d’organe, un score de Ranson ou d’Imrie
élevé, un score de gravité APACHE II ou IGS II élevé et un score tomodensitométrique élevé qui permettent
de décider un transfert en réanimation. Aucun examen biologique isolé ne permet d’identifier une forme
sévère de PA. Le traitement initial comprend une surveillance clinique et biologique rapprochée, un
remplissage vasculaire adapté à l’hypovolémie, la correction des troubles hydroélectrolytiques, une
oxygénothérapie, une analgésie, la mise au repos du tube digestif et pas d’antibiotique. Les complications
précoces sont la conséquence de la phase inflammatoire précoce de la pancréatite, fréquemment à
l’origine de défaillances viscérales. À une phase plus tardive, la surinfection est la complication la plus
sévère, prouvée par la ponction sous scanner à l’aiguille fine et culture des zones nécrotiques et des
collections intra-abdominales.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Pancréatite aiguë ; Lipasémie ; Lithiase biliaire ; Alcoolisme ; Nécrose pancréatique ;
Défaillances viscérales ; Surinfection de nécrose

Plan Scores biocliniques spécifiques 6


Scores généralistes 6
Scores radiologiques 7
¶ Introduction 2
¶ Stratégie diagnostique et orientation des patients 7
¶ Définitions 2
Pancréatite aiguë 2 ¶ Prise en charge thérapeutique initiale 8
Pancréatite aiguë sévère 2 Monitorage 8
Pancréatite aiguë bénigne 2 Remplissage et correction électrolytique 8
Nécrose pancréatique 2 Oxygénation 8
Pseudokystes 2 Analgésie 8
¶ Épidémiologie 2 Nutrition 8
Données générales 2 Antibiothérapie préventive 8
Épidémiologies des pancréatites aiguës sévères 2 Traitements physiopathologiques 8
Chirurgie de la PA 9
¶ Étiologies 2
¶ Complications 9
¶ Diagnostic d’une pancréatite aiguë 3
Défaillances multiviscérales 9
Présentation clinique 3
Complications chirurgicales précoces 9
Diagnostic biologique 3
Place de l’imagerie dans le diagnostic 4 ¶ Cas particuliers 9
PA biliaires 9
¶ Diagnostic différentiel 5
PA et hyperlipidémies 10
¶ Évaluation de la gravité 5
Objectifs de l’évaluation de la sévérité de l’affection 5 ¶ Pronostic 10
Critères cliniques 6 ¶ Conclusion 10
Critères biologiques 6

Médecine d’urgence 1
25-050-B-30 ¶ Pancréatites aiguës

■ Introduction Nécrose pancréatique


Malgré les progrès réalisés dans leur prise en charge, les La nécrose se définit par la présence de tissu pancréatique
pancréatites restent une affection potentiellement sévère, non viable et dévascularisé. Son étendue est plus ou moins bien
marquées par une mortalité importante dans les formes compli- corrélée à la sévérité de la pancréatite. Son diagnostic est établi
quées. La prise en charge multidisciplinaire moderne fait par la présence de zones focales ou diffuses ne prenant pas le
intervenir le médecin urgentiste, le chirurgien, le radiologue, contraste au temps artériel d’une tomodensitométrie avec
l’anesthésiste-réanimateur et le microbiologiste. injection de produit de contraste [7]. L’examen anatomopatho-
logique retrouve un tissu pancréatique dévitalisé avec des
Les lésions observées et la gravité des pancréatites aiguës (PA)
lésions de cytostéatonécrose plus ou moins étendues, profondes
sont très variables d’un sujet à l’autre, depuis des formes
et confluentes, des lésions des tissus exocrines et endocrines et
minimes de guérison spontanée jusqu’aux formes gravissimes
des canaux pancréatiques. La présence de lésions hémorragiques
compliquées de défaillances viscérales. Cette variabilité de la
dans le pancréas ou les tissus avoisinants est possible.
présentation et de l’évolution a induit une certaine confusion
chez les cliniciens et conduit à des attitudes thérapeutiques
parfois dangereuses. Ceci explique probablement en partie la Pseudokystes
multiplication des conférences et recommandations au cours de Un pseudokyste est une collection de liquide pancréatique,
ces dernières années (conférences de consensus française [1], de circonscrite par une paroi faite d’un tissu de granulation plus ou
la Société japonaise d’urgence médicale abdominale [2], de la moins inflammatoire et fibreux, sans épithélium. Le liquide, le
World Association of Gastroenterology [3], conférence interna- plus souvent de nature inflammatoire riche en enzymes pan-
tionale de réanimation [4], consensus britannique [5]...). Ces créatiques et en débris tissulaires et nécrotiques, peut se
dernières ont permis de préciser les éléments du diagnostic et de surinfecter. La formation des pseudokystes nécessite plusieurs
gravité, et les modalités de prise en charge de ces patients. Nous semaines, ce qui explique qu’ils sont une complication en
nous concentrerons dans cette mise au point sur la prise en général tardive observée au cours de l’évolution d’une PA, d’une
charge précoce de la maladie dans la première semaine après pancréatite chronique ou dans les suites d’un traumatisme
l’admission, période pour laquelle les recommandations sont les pancréatique.
plus précises et les plus utiles pour les praticiens urgentistes.

■ Définitions
De multiples définitions ont été utilisées pour identifier les
“ Point important
affections inflammatoires pancréatiques. Une des classifications Une pancréatite aiguë est définie comme une
les plus utilisées est la classification d’Atlanta [6]. inflammation aiguë pancréatique. Les formes aiguës
sévères sont caractérisées par l’existence d’une ou
Pancréatite aiguë plusieurs défaillances d’organes ou d’une complication
Une pancréatite aiguë (PA) est définie comme une inflamma- locale comme une nécrose, un abcès ou un pseudokyste.
tion aiguë pancréatique qui touche plus ou moins les organes
de voisinage ou à distance. Les lésions histologiques de la PA
sont constituées par l’association à des degrés divers d’un
œdème interstitiel, de cytostéatonécrose, de nécrose du paren-
■ Épidémiologie
chyme pancréatique ou des tissus avoisinants. Des lésions
hémorragiques peuvent être présentes dans le pancréas ou dans Données générales
les organes adjacents. L’éventail des lésions est très large, depuis Les données internationales montreraient soit une incidence
des lésions minimes, voire microscopiques jusqu’à une nécrose stable depuis quelques années, soit au contraire une augmenta-
étendue et confluente. Une PA peut être une manifestation tion de la fréquence des PA, comme par exemple en Écosse et
d’une pancréatite chronique généralement intitulée poussée dans le Sud de l’Angleterre [5]. L’incidence des PA s’établit dans
aiguë de pancréatite chronique. la littérature entre 15,6 et 79,8 cas pour 100 000 habitants par
an [3]. Dans une étude suédoise réalisée entre 1980 et 1990,
Pancréatite aiguë sévère l’incidence était évaluée entre 27 et 35 cas pour 100 000 habi-
tants [8]. Au Royaume-Uni, l’incidence serait située entre 15 et
Elle est définie par l’existence d’une ou plusieurs défaillances
42 cas pour 100 000 habitants [5], mais atteindrait 48,4 cas pour
d’organes (selon les classifications de réanimation) ou d’une
les femmes et 75 cas pour les hommes en Écosse [9] . Les
complication locale comme une nécrose, un abcès ou un
données françaises récentes retrouvent une incidence des
pseudokyste [1] . Une défaillance d’organe est définie par le
pancréatites de 22 pour 100 000 habitants chez des sujets
consensus français par un état de choc cardiovasculaire (pres-
majoritairement masculins (60 %), de 54 ans d’âge médian
sion artérielle systolique < 90 mmHg), une insuffisance respira-
atteints d’une première poussée de PA dans 72 % des cas. Les
toire aiguë (PaO2 ≤ 60 mmHg), une défaillance rénale
pancréatites chroniques représentent 15 % du collectif, et dans
(créatininémie > 170 µmol/l après réhydratation), un score de
90 % des cas une poussée antérieure de PA est signalée [10].
Glasgow < 13, une thrombopénie < 80 G/l ou une hémorragie
digestive significative (> 500 ml/j) [1]. La présence de signes de
pancréatite aiguë sévère est généralement associée à des lésions Épidémiologies des pancréatites aiguës
de nécrose histologique ou macroscopique. Par assimilation, de sévères
nombreux praticiens parlent de pancréatite « nécrosante ». Les formes aiguës sévères des pancréatites représentent, selon
Cependant ce terme est trop restrictif car des formes aiguës les séries, de 10 à 30 % des pancréatites [6, 11, 12], sauf dans
sévères sont rapportées sans lésion histologique ou macroscopi- l’étude française où elles atteignent 41 % des cas [10]. Aux États-
que de nécrose. Unis, elles représenteraient environ 185 000 nouveaux cas par
an [12]. Ces chiffres pourraient être sous-estimés puisque près de
Pancréatite aiguë bénigne 42 % des PA fatales ne seraient identifiées qu’à l’autopsie [13].
Cette forme était souvent qualifiée autrefois de forme œdé-
mateuse. Elle se définit en fait comme une PA n’ayant pas les
caractéristiques d’une PA sévère. Il n’y a pas de défaillance
■ Étiologies
d’organe et l’évolution n’est pas marquée par des complications Près d’une centaine d’étiologies a été proposée pour les PA
locales ou générales. Les signes cliniques et biologiques s’amen- (Tableau 1). Dans plus de 85 % des cas, une étiologie est
dent rapidement et la tomodensitométrie montre un pancréas retrouvée [10], tandis qu’environ 10 à 23 % des pancréatites sont
subnormal. qualifiées d’idiopathiques dans toutes les séries [3]. Il ne paraît

2 Médecine d’urgence
Pancréatites aiguës ¶ 25-050-B-30

Tableau 1.
Étiologies des pancréatites aiguës d’après [3, 12, 14, 15].

Obstruction des voies biliaires Lithiase du cholédoque, ampulome, tumeurs pancréatiques primitives ou secondaires, corps étrangers obstruant la papille,
pancréas divisum avec obstruction du canal pancréatique accessoire, diverticule duodénal périampulaire, hypertonie du
sphincter d’Oddi
Toxines ou médicaments Alcool éthylique, alcool méthylique, venin de scorpion, insecticides organophosphorés, azathioprine, mercaptopurine,
acide valproïque, œstrogènes, tétracyclines, métronidazole, nitrofurantoïne, pentamidine, furosémide, sulfonamides, mé-
thyldopa, cimétidine, ranitidine, sulindac, didanoside, acétaminophène, érythromycine, salicylés...
Traumatisme Traumatisme fermé de l’abdomen, postopératoire , cathétérisme rétrograde endoscopique de la papille, sphinctérotomie
endoscopique, manométrie du sphincter d’Oddi
Anomalies métaboliques Hyperlipidémie (type I, IV et V), hypercalcémie (hyperparathyroïdie, myélome)
Infections Parasites : ascaridiase, douve de Chine
Virus : oreillons, rubéole, hépatite A, B, non A-non B, virus coxsackie B, échovirus, adénovirus, CMV, varicelle, Epstein-
Barr, VIH
Bactéries : mycoplasmes, Campylobacter jejuni, Mycobacterium tuberculosis, Mycobacterium avium, legionelloses, leptospiroses
Anomalie vasculaire Ischémie, hypoperfusion tissulaire, emboles de cholestérol, maladies vasculaires et auto-immunes (lupus érythémateux
disséminé, syndrome de Sjögren, périartérite noueuse, hypertension artérielle maligne)
Divers Ulcère perforé, maladie de Crohn, syndrome de Reye, mucoviscidose, déficit en alpha-1 antitrypsine, hypothermie
Formes familiales
Forme idiopathique

pas y avoir de liens entre la sévérité de la PA et l’étiologie de la


maladie [16, 17] , bien que pour Lankisch et al. les formes Tableau 2.
alcooliques soient les plus graves [18]. Fréquence des principaux symptômes observés au cours de la PA (%)
La lithiase biliaire est, avec l’intoxication alcoolique, la cause d’après [14].
la plus fréquente de pancréatite, observée dans 35 à 45 % des Douleurs abdominales > 90%
cas pour chacune de ces deux étiologies [8, 17]. Il existe une Fièvre 80%
variabilité importante dans la fréquence des étiologies selon le
Défense abdominale 80 %
pays d’origine et la population étudiée. En France, l’alcool serait
l’étiologie retrouvée dans 36 % des cas et la lithiase dans 37 % Nausées/vomissements > 70 %
des cas [10]. En Europe, un gradient Nord-Sud est observé avec Flatulence > 60 %
une prédominance de la responsabilité de l’alcool dans les pays Iléus > 50 %
du Nord (38 à 60 %) et de la lithiase dans les pays du Sud (60 Ictère > 30 %
à 71 %) [17]. Choc 20-30 %
Les étiologies médicamenteuses et toxiques sont très nom-
Désorientation/confusion 10-20 %
breuses. Plus de 250 médicaments ont un potentiel toxique, soit
purement biologique ou clinique. Une base de pharmacovigi-
lance intitulée Pancréatox® liste les médicaments pour lesquels constitué par une douleur abdominale et des signes généraux.
une toxicité pancréatique a été rapportée [14, 19, 20]. Cependant, La douleur caractéristique est épigastrique, d’intensité majeure,
un médicament connu pour sa toxicité pancréatique n’est pas transfixiante ou irradiant vers les deux hypocondres, s’installant
forcément responsable de la PA observée chez un malade donné. de façon rapide pour devenir maximale en quelques heures et
De même, un médicament absent des bases de données peut se prolongeant au-delà de 24 heures soulagée par la position en
fort bien être responsable d’une atteinte pancréatique. chien de fusil. D’autres signes digestifs sont fréquents mais non
L’incidence des PA au cours des infections à virus de l’immu- spécifiques (Tableau 2). Un tableau douloureux moins typique
nodéficience humaine (VIH) est supérieure à celle de la popula- ou l’existence d’une défense habituellement absente à la phase
tion générale, le plus souvent dues à des infections initiale font discuter d’autres urgences abdominales (Fig. 1).
opportunistes (virus, parasites, mycobactéries, ou champignons) D’autres signes cliniques peuvent avoir une valeur étiologique
ou aux traitements antirétroviraux [21]. Une fois éliminées les tels que l’ictère, évocateur d’une PA biliaire [1] . Les autres
.
causes de PA, la responsabilité directe du VIH peut être excep- arguments cliniques en faveur d’une cause lithiasique sont l’âge
tionnellement rapportée au moment d’une primo-infection supérieur à 50 ans et le sexe féminin (deux fois plus fré-
massive [22]. quent) [1]. Chez des patients comateux, en état de choc, en
postopératoire ou après administration d’antalgiques
majeurs [23] , la sémiologie classique peut être absente, le

“ Point important
diagnostic ne reposant que sur la biologie.
Un riche cortège de signes généraux accompagne générale-
ment la PA, marqué par une fièvre quasi constante, une tachy-
La lithiase biliaire et l’intoxication alcoolique sont les deux cardie et souvent une hypotension, reflet de la réponse
causes les plus fréquentes de PA mais près d’une centaine inflammatoire face à l’agression abdominale.
d’étiologies ont été retrouvées. Il ne paraît pas y avoir de
lien entre l’étiologie et la sévérité de la maladie.
Diagnostic biologique
Dosage de l’amylase
L’augmentation de la concentration des enzymes pancréati-
■ Diagnostic d’une pancréatite ques permet de confirmer le diagnostic (Fig. 1). Le dosage de
l’amylasémie a longtemps été considéré comme l’examen de
aiguë référence pour le diagnostic de pancréatite. Cependant, de
nombreux organes contiennent de l’amylase et l’amylase
Présentation clinique pancréatique ne représente que 40 à 50 % de l’amylase sérique.
Le diagnostic peut être évoqué devant l’existence d’antécé- L’hyperamylasémie n’est pas très sensible (83 %) et sa spécificité
dents de poussées de PA, la notion d’une lithiase biliaire ou est médiocre (86 %) [1]. Un taux supérieur à trois fois la normale
d’un alcoolisme chronique. Le tableau clinique typique est est considéré comme ayant une valeur-seuil significative. Toute

Médecine d’urgence 3
25-050-B-30 ¶ Pancréatites aiguës

Figure 1. Arbre décisionnel.


Stratégie diagnostique et orienta-
Antécédents : Signes cliniques : tion initiale des patients
pancréatite, alcoolisme, obésité, douleur abdominale épigastrique, d’après [1-5].
lithiase biliaire, hyperlipidémie ... fièvre, troubles du transit ...

Bilan biologique Bilan radiologique


• Lipasémie • Radiographie thorax
• Trypsinogène urine • ASP
• Bilan hépatique • Échographie abdominale
• NFS • TDM abdominale (si doute)
• Troponine, ECG • IRM

Diagnostics différentiels (douleur abdominale ± fièvre) Bilan étiologique spécifique


• Pneumopathie aiguë, pleurésie • Lithiase biliaire
• Infarctus du myocarde, péricardite • Hyperlipidémie
• Anévrisme aorte fissuré, pyélonéphrite • Hypercalcémie
• Cholécystite, angiocholite
• Péritonite, occlusion, infarctus mésentérique, appendicite
• Sigmoïdite diverticulaire
• Salpingite aiguë
• Porphyrie, maladie périodique

ischémie, même transitoire, du pancréas peut s’accompagner Place de l’imagerie dans le diagnostic
d’une élévation de l’amylasémie. En cas de pancréatite, l’amy-
lasémie s’élève rapidement après le début des symptômes, est Lorsque le diagnostic de PA est porté sur des signes cliniques
maximale en quelques heures et se normalise 24 heures après et biologiques, il n’y a pas lieu de réaliser un examen d’imagerie
l’arrêt du processus inflammatoire. L’amylasurie qui se norma- pour le confirmer. En pratique, un bilan radiologique en
lise de façon plus tardive permet parfois de faire un diagnostic urgence est nécessaire en cas de doute diagnostique et est
tardif ou rétrospectif. obligatoire (de façon plus ou moins retardée) dans le cadre de
la recherche d’une étiologie, pour évaluer la gravité et en cas
Dosage de la lipase .

d’aggravation secondaire.
Le dosage de la lipasémie (≥ 3 fois la normale), plus sensible Radiographie thoracique
(94 %) et plus spécifique (96 %) que celui de l’amylasémie, est
l’examen de référence à utiliser [1, 5]. L’élévation de la lipasémie Elle serait anormale dans près de 20 % des cas [27] . Les
est un peu retardée par rapport à l’amylasémie, mais sa norma- épanchements pleuraux sont rapportés dans 14 à 20 % des cas
lisation est plus lente (généralement 48 heures de plus que et sont un reflet de la sévérité de l’affection [27, 28] . Plus
l’amylasémie). La concentration de ces enzymes pourrait être rarement (5 à 6 % des cas) des condensations alvéolaires
normale dans 10 à 20 % des cas [24]. peuvent être observées [27], évocatrices d’une inhalation au
cours d’efforts de vomissements, voire d’œdème pulmonaire
Place des autres dosages .

lésionnel débutant [29].


De multiples autres techniques de dosages à visée diagnosti- Radiographie d’abdomen sans préparation
que ont été développées telles que les dosages des isoenzymes
pancréatiques de l’amylase, de l’amylasurie, la mesure du Le cliché n’est généralement d’aucun secours sauf pour le
rapport clairance de l’amylase/clairance de la créatinine, les diagnostic différentiel d’une autre affection chirurgicale (ulcère
dosages plasmatiques du trypsinogène de type 1 ou 2, l’élastase, perforé, occlusion...). On peut retrouver une distension des
la phospholipase A2, la procarboxypeptidase B, ou la pancreas anses grêles et souvent la présence d’une anse sentinelle. On
specific protein. Aucun de ces dosages ne présente de supériorité peut également retrouver la présence de calcifications dans l’aire
sur le dosage de la lipasémie pour un coût et des contraintes
.

pancréatique, stigmate de pancréatite chronique.


techniques généralement supérieurs [1]. Enfin, la protéine C
réactive (CRP) n’a pas de valeur diagnostique [1]. .
Tomodensitométrie abdominale (TDM)
La mesure du trypsinogène de type 2 sur bandelette urinaire L’examen TDM initial est au mieux réalisé 48 à 72 heures
est utilisée pour éliminer l’hypothèse d’une PA, en raison de sa après le début des signes cliniques [1, 4]. Réalisé plus tôt, il peut
forte valeur prédictive négative [1]. Son dosage qualitatif a en .
sous-estimer l’importance des lésions. L’examen de référence est
effet une valeur prédictive négative proche de 99 % [25], tandis la TDM hélicoïdale avec injection de produit de contraste iodé
que sa valeur prédictive positive reste plus faible (60 %), tout avec des coupes minces et des images précoces.
particulièrement au-delà des 2 premiers jours d’évolution de la .
Elle permet de faire la différence entre les PA sévères et
PA [26]. bénignes. La TDM permet d’identifier des signes d’inflammation
Les transaminases plasmatiques sont un élément d’orienta- pancréatique et péripancréatique, et des signes de nécrose
tion vers une étiologie biliaire et doivent être dosées précoce- pancréatique (Tableau 3) [7]. La présence de zones ne prenant
ment. Au seuil de trois fois la normale, leur valeur prédictive est pas le contraste correspond aux territoires nécrosés ou à risque
de 95 %. L’élévation de la bilirubine témoigne plus d’un .
de nécrose par altération de la microcirculation [12]. La TDM
obstacle cholédocien persistant que de l’origine biliaire d’une identifie l’extension extrapancréatique d’éventuelles coulées de
PA [1]. nécrose mésentériques et rétropéritonéales.

4 Médecine d’urgence
Pancréatites aiguës ¶ 25-050-B-30

Tableau 3.
Signes TDM de gravité et index de sévérité TDM obtenu par addition des scores d’inflammation pancréatique et de nécrose (d’après [7, 30, 31]).

Inflammation pancréatique et péripancréatique Nécrose pancréatique


Grade A : Pas de nécrose* (0 pt)
pancréas normal (0 pt)
Grade B : Nécrose < 30 % (2 pts)
élargissement focal ou diffus du pancréas (1 pt)
Grade C : Nécrose 30-50 % (4 pts)
pancréas hétérogène associé à une densification de la graisse péripancréatique (2 pts)
Grade D : Nécrose > 50 % (6 pts)
coulée péripancréatique unique (3 pts)
Grade E :
coulées multiples ou présence de bulles de gaz au sein d’une coulée (4 pts)
Index de sévérité Morbidité % Mortalité %
<3 8 3
4-6 35 6
7 - 10 92 17
*défaut de rehaussement du parenchyme pancréatique.

La valeur prédictive positive de la TDM pour le diagnostic de Autres examens d’imagerie


nécrose est de 92 %, si la nécrose intéresse plus de 30 % de la L’échoendoscopie est proposée en cas de négativité des
glande [7]. La TDM peut objectiver une lithiase vésiculaire ou explorations précédentes. Sa sensibilité et sa spécificité sont
cholédocienne, mais sa valeur prédictive négative est faible [1]. proches de 100 % pour le diagnostic de lithiase de la voie
Les indications de la TDM à visée diagnostique concernent les biliaire principale (y compris pour des calculs millimétriques) et
situations cliniques difficiles, particulièrement les patients vus supérieures à 96 % pour détecter des calculs vésiculaires de
tardivement au moment où les concentrations enzymatiques petite taille [1].
sériques sont normalisées. Dans les formes sévères, la TDM est La cholangio-IRM est une méthode non invasive. Elle a une
utilisée pour dépister et éventuellement traiter les complications spécificité et une sensibilité > 90 % pour le diagnostic de calcul
locorégionales (Fig. 1) [1, 4, 5]. L’interprétation de l’examen est cholédocien > 3 mm de diamètre. Cependant, elle n’a pas été
peu dépendante de l’opérateur. Parmi les inconvénients de évaluée spécifiquement dans la PA et son efficacité pour la
l’examen, il faut noter l’injection de contraste potentiellement détection des petits calculs vésiculaires n’est pas validée [1].
néphrotoxique chez des patients déshydratés ou
hypovolémiques.
Échographie abdominale
L’échographie abdominale a pour principaux avantages sa
facilité, son coût modeste, sa disponibilité et sa sensibilité pour
“ Point important
évaluer les voies biliaires. L’échographie est un examen intéres- La douleur abdominale et l’élévation de la lipasémie à plus
sant entre les mains d’un praticien entraîné. Cependant,
de trois fois la normale suffisent pour établir le diagnostic.
l’examen est très opérateur-dépendant et ne permet d’explorer
le pancréas que dans 55 à 60 % des cas, du fait de la fréquence Le bilan radiologique initial n’est nécessaire qu’en cas de
des gaz digestifs. L’échographie est l’examen le plus sensible doute diagnostique. La TDM avec injection de contraste et
pour évaluer les voies biliaires à la recherche d’une lithiase temps vasculaire précoce est l’examen de choix.
vésiculaire, éventuellement associée à une dilatation de la voie
biliaire principale. Elle permet de faire le diagnostic de PA avec
une spécificité de l’ordre de 90 %, mais une sensibilité variable
de 60 à 90 % [1, 4, 5]. Sa sensibilité dans le diagnostic d’une
■ Diagnostic différentiel
lithiase de cholédoque est faible, surtout si les voies biliaires ne Les causes de douleurs abdominales fébriles ne manquent pas.
sont pas dilatées, et la présence d’un « sludge » vésiculaire est La Figure 1 résume les étiologies les plus fréquentes à discuter.
difficile à interpréter chez un patient à jeun depuis plusieurs C’est surtout en cas d’arrivée retardée à l’hôpital que le diagnos-
jours. Une échographie vésiculaire normale n’exclut pas l’ori- tic est discuté ou en cas de présentation clinique atypique.
gine biliaire d’une PA. Une échographie vésiculaire normale ne L’amylase est très majoritairement, mais non exclusivement,
permet donc pas d’éliminer totalement une étiologie biliaire, ce synthétisée par le pancréas. De multiples causes d’hyperamyla-
qui conduit à la répétition de l’examen [1, 32]. sémie ont été rapportées dans la littérature sans véritable PA qui
ont conduit à rejeter le dosage de cette enzyme pour le diagnos-
Imagerie par résonance magnétique (IRM)
tic de PA (parotidite, myélome multiple et cancers, insuffisance
L’IRM semble avoir une fiabilité diagnostique identique, voire rénale, maladie cœliaque, envenimation scorpionique, intoxica-
supérieure, à la TDM à tous les stades de la maladie [33]. L’IRM tions...) [1, 14].
peut orienter le diagnostic étiologique par les séquences de
cholangio-pancréatographie-IRM en identifiant des calculs
cholédociens de petite taille (< 2 mm) avec une sensibilité de ■ Évaluation de la gravité
93 % [34]. Les renseignements morphologiques sont supérieurs à
ceux fournis par la TDM avec une sensibilité de 83 % pour le Objectifs de l’évaluation de la sévérité
diagnostic de PA (78 % pour la TDM) et une spécificité de 91 %
(86 % pour la TDM) [35]. Seule l’IRM permet la détection de de l’affection
l’inflammation péripancréatique et de l’hémorragie au sein de la L’évaluation de la sévérité des patients repose sur le concept
nécrose [36] ou une fistule pancréatique [35]. Un autre avantage d’une surveillance adaptée à l’évolution prédite de la maladie,
de l’IRM est l’absence de toxicité rénale ou pancréatique du d’autant plus que la sensibilité de l’évaluation clinique est
produit de contraste utilisé, le gadolinium. Malgré toutes ces médiocre et évolutive au cours des premières heures. Les
qualités, l’IRM est difficilement utilisable pour les patients de patients dont la sévérité initiale est modeste ont une probabilité
réanimation, mal adaptée aux gestes interventionnels, d’un coût de s’aggraver plus faible que les patients qui ont plusieurs
élevé, et d’une accessibilité très variable en fonction des centres. critères de gravité. L’orientation initiale des patients est définie

Médecine d’urgence 5
25-050-B-30 ¶ Pancréatites aiguës

en fonction de plusieurs critères précisés ci-dessous. Un patient Tableau 4.


[51, 52].
« à risque élevé de complications » devrait être orienté dans une Scores de gravité spécifiques de la PA d’après
structure où la surveillance médicale et infirmière serait plus
Score de Ranson Score d’Imrie
importante, même si sa présentation clinique au moment du (1 point par item) (1 point par item)
diagnostic est rassurante.
Un second objectif de l’évaluation de la sévérité est de À l’admission ou au moment - Âge > 55 ans
pouvoir réaliser une stratification des PA avec des groupes du diagnostic - Globules blancs > 15 G/l
homogènes de patients de manière à pouvoir comparer les séries - Âge > 55 ans - Glycémie > 10 mmol/l (sauf diabète)
de la littérature. - Globules blancs > 16 G/l - LDH > 600 U/l (3,5 N)
- Glycémie > 11 mmol/l - Urée sanguine > 16 mmol/l
Critères cliniques (sauf diabète)
- Calcémie < 2 mmol/l
Un âge avancé (> 70-80 ans) et la présence de maladies sous- - LDH > 350 U/l (1,5 N)
- PaO2 < 60 mmHg
jacentes sont des facteurs de gravité [1]. L’existence d’ecchymo- - ASAT > 250 U/l (6N)
ses pariétales (périombilicale [signe de Cullen] et des flancs - Albuminémie < 32 g/l
Durant les 48 premières
[signe de Grey Turner]), d’une distension abdominale majeure, - ASAT > 100 U/l (2N)
heures
d’une séquestration liquidienne de plus de 2 l/j pendant plus de
2 jours est respectivement associée à une mortalité de 37 % [37], - Baisse hématocrite > 10%
75 % [38] et 86 % [39]. La présence d’une ascite et d’épanche- - Ascension urée sanguine
ments pleuraux confirmés par échographie est associée à un > 1,8 mmol/l
risque de décès multiplié par 5,9 et 8,6 respectivement [28]. Des - Calcémie < 2 mmol/l
épanchements pleuraux bilatéraux sont associés à une mortalité - PaO2 < 60 mmHg
accrue (10 % contre 1 et 3 % de décès en cas d’épanchement - Déficit en bases > 4 mmol/l
pleural uniquement droit ou gauche) [27].
- Séquestration liquidienne
L’obésité est un facteur de risque de PA grave. Par rapport à estimée > 6 l
des patients non obèses (indice de masse corporelle [IMC]
< 25 kg/m2) atteints de PA où une forme sévère était observée
dans 20 % des cas, Suazo-Barahona et al. rapportent un risque La mesure des concentrations d’interleukine 8 (IL 8) a
de PA sévère multiplié par 2,1 en cas d’IMC entre 25 et également été proposée. En cas d’infection de la nécrose, une
29,9 kg/m2 et multiplié par 3,6 en cas d’IMC ≥ 30 kg/m2 [40]. concentration maximale d’IL 8 > 100 pg/ml a été proposée
Dans une série de 99 patients présentant une PA, la proportion comme reflet d’une forme sévère [42, 47].
de décès n’est que de 6 % pour 80 patients non obèses, alors La production d’interleukine 10 (IL 10), cytokine anti-
que 66 % des 19 patients atteints d’obésité développent une inflammatoire, est importante au cours des 2 premiers jours
forme grave, avec une mortalité de 36 % [41]. d’une PA et pendant au moins 5 jours [49]. L’évolution des
La prévalence faible des signes cliniques de mauvais pronostic concentrations d’IL 10 dans les formes sévères paraît contradic-
et leur interprétation subjective rendent peu pertinents ces toire [49, 50].
paramètres dans l’évaluation de la gravité d’une PA. Des critères Bien qu’intéressantes, les mesures de ces différents paramètres
objectifs sont indispensables pour évaluer la sévérité et décider ne sont pour l’instant pas diffusées en routine et ne peuvent
l’admission en réanimation. donc pas faire l’objet de recommandations.
Les signes cliniques (fièvre, tachycardie, hypotension, ...) sont
pris en compte par les scores de gravité décrits ci-dessous. Pris Scores biocliniques spécifiques
isolément, ces éléments n’ont que peu de valeur car directement Le manque de valeur prédictive des critères cliniques et/ou
liés à la réponse inflammatoire. biologiques pris isolément a conduit les auteurs à développer
des scores biocliniques spécifiques de la PA.
Critères biologiques Le score de Ranson et le score de Blamey et Imrie (également
Bien que de très nombreux examens aient été évalués, en intitulé de Glasgow) sont les plus couramment utilisés
routine, peu de marqueurs sont réellement utilisables ou même (Tableau 4) [51, 52]. Le score de Ranson utilise cinq paramètres
recommandés [1, 4]. mesurés à l’admission et six à la 48e heure, chacun pondéré de
0 ou 1 point. La somme arithmétique de la note de chaque
Protéine C réactive paramètre donne le score. La pancréatite est jugée à risque
Le dosage sérique de la CRP, protéine induite par l’IL 6 et d’être sévère au-delà de 3 points. La morbidité et la mortalité
reflet de l’inflammation, est de pratique courante [5]. Il n’y a pas augmentent parallèlement au nombre de points. Un score de
de seuil de CRP formellement admis pour définir une PA grave, Ranson inférieur à 3 est associé à une mortalité inférieure à 3 %,
mais une concentration < 150 mg/l à la 48 e heure après un score de 3 à 5 à une mortalité de 15 %, enfin, les patients
l’admission permet d’éliminer une forme grave. L’augmentation avec un score ≥ 6 ont une mortalité ≥ 50 %. Plusieurs critiques
de la CRP au cours de l’évolution doit faire chercher une ont été formulées concernant ce score : l’évaluation tardive de
complication locale, surtout de type infectieux [42]. la gravité, l’interférence des thérapeutiques avec le calcul du
Procalcitonine score, l’exclusion des patients opérés précocement, une utilisa-
tion impossible en cas de données manquantes, une utilisation
La procalcitonine ne paraît pas avoir d’intérêt pour évaluer la rétrospective impossible.
sévérité de la PA [43]. En revanche, elle aurait une bonne valeur Le score de Blamey et Imrie, dérivé du score de Ranson,
prédictive négative. Des concentrations de procalcitonine permet une évaluation immédiate du pronostic. Les auteurs
inférieures à 2 ng/l permettraient d’éliminer une PA sévère [44]. trouvent une augmentation de la mortalité et du risque de
Enfin, les études n’ont pu conclure sur sa valeur prédictive de complications pour une valeur > 2 points [53, 54].
surinfection de nécrose en raison de résultats contradictoires [42, Ces deux scores ont des performances proches. Pour la
44, 45].
prédiction de défaillance d’organe au seuil d’un score > 2, les
Cytokines scores de Ranson et Blamey-Imrie ont respectivement une
L’interleukine 6 (IL 6) est la cytokine pro-inflammatoire dont sensibilité de 82 et 64 %, une spécificité de 74 et 91 %, un
les concentrations mesurées dans les premiers jours d’évolution pourcentage de patients bien classés de 75 et 88 % [54].
paraissent les mieux corrélées à l’évolution de la PA. Ses
Scores généralistes
.

concentrations sont élevées dès l’admission dans les formes


sévères alors qu’elle reste fréquemment non dosable dans les .
Les scores de gravité utilisés pour les patients de réanimation,
formes modérées. Des concentrations d’IL 6 inférieures à IGS [55], IGS II [56] et APACHE II [57] présentent l’avantage de leur
400 pg/l permettraient d’éliminer une PA sévère [44]. L’IL 6 est simplicité d’utilisation, car calculés avec des données de routine,
difficile à utiliser en clinique du fait d’une variation des seuils sur des paramètres recueillis durant les 24 premières heures
décrits par les différents auteurs [44, 46-48]. d’hospitalisation et sans tenir compte des thérapeutiques mises

6 Médecine d’urgence
Pancréatites aiguës ¶ 25-050-B-30

Signes cliniques Situations à risque accru Indications chirurgicales potentielles


• Choc • Terrain à risque • Hémorragie
• Dyspnée • Âge > 80 ans • Abdomen chirurgical
• Troubles de conscience • BMI > 30 kg/m2
• Oligurie • Insuffisance rénale chronique
Aggravation • Maladies de fond

Défaillances d'organe
• Créatininémie > 170 µmol/l Scores spécifiques de gravité
• PAS < 90 mmHg • Ranson/Imrie > 3
• PaO2 < 60 mmHg • TDM > 4
• Glasgow coma score < 13
• Thrombopénie < 80 G/l

Score de sévérité
• Apache II > 8 à 13
• IGS II
• Sofa

Transfert en réanimation Surveillance renforcée Avis chirurgical

Figure 2. Arbre décisionnel. Orientation initiale des patients d’après [1-5].

en œuvre. Ils peuvent être répétés au cours de l’évolution [58]. Tableau 5.


Ces scores ont été validés dans l’évaluation de la gravité des Critères de gravité conduisant à la prise en charge en milieu de
PA [53, 54]. Les études qui ont comparé le score APACHE II aux réanimation.
scores spécifiques n’ont pas mis en évidence de différence pour D’après les recommandations D’après les recommandations
l’évaluation du pronostic. britanniques [5] françaises [1]
.
Les scores de défaillances viscérales (SOFA [59] , LOD [60] ,
MOD [61]) ont également été validés dans les PA sans montrer À l’admission
de supériorité d’un score par rapport à un autre [62]. Impression clinique de gravité Survenue de défaillance d’organe *
L’usage de ces scores est recommandé par les consensus pour IMC > 30
l’évaluation initiale des patients et leur hospitalisation éven-
Épanchement pleural
tuelle en réanimation [1, 3-5].
à la radiographie
APACHE II > 8
Scores radiologiques
24 heures après l’admission
Les signes TDM de gravité sont représentés par l’inflamma-
tion pancréatique et l’extension péripancréatique est cotée en Impression clinique de gravité Survenue de défaillance d’organe *
cinq grades de A à E [30, 31]. L’importance de la nécrose de la APACHE II > 8
glande pancréatique est classée en quatre catégories selon son Score d’Imrie ≥ 3
extension [7] . La quantification de l’inflammation et de la Défaillance d’organe persistante
nécrose par l’addition de ces deux éléments permet d’établir un
CRP > 150 mg/l
« index de sévérité TDM », bien corrélé à la morbidité et la
mortalité (Tableau 3) [7]. 48 heures après l’admission
Le site initial de la nécrose pourrait être un meilleur indica- Impression clinique de gravité Survenue de défaillance d’organe *
teur prédictif que son étendue. En effet, les nécroses caudales
Score d’Imrie ≥ 3 Terrain particulier
entraîneraient moins de complications que les nécroses cépha-
liques ou les nécroses diffuses [63] . Les auteurs proposent Défaillance d’organe persistante Score de Ranson ou d’Imrie > 3
> 48 h ou polyviscérale Index TDM > 4
d’intégrer la localisation de la nécrose au score pronostique.
À côté des signes pancréatiques et péripancréatiques, les CRP >150 mg/l CRP > 150 mg/l
auteurs ont également souligné la valeur pronostique des * selon les définitions du jury [1].
épanchements pleuraux et péritonéaux, reflets d’une réaction
inflammatoire sévère [27, 28, 64].
des informations supplémentaires et d’avoir un reflet direct
biologique et iconographique de la sévérité de la PA. Les

“ Point important
techniques d’imagerie sont intéressantes pour établir la gravité
de la PA et orienter le diagnostic étiologique. La Figure 1 illustre
la stratégie diagnostique à appliquer aux patients suspects de
La sévérité initiale s’apprécie par les signes cliniques, la PA.
présence de défaillance d’organe, un score de Ranson ou La présence de signes de défaillances viscérales, un score de
d’Imrie élevé, un score de gravité IGS II élevé, un score sévérité élevé ou l’absence d’amélioration des défaillances après
24-48 heures de prise en charge justifient le transfert en milieu
tomodensitométrique élevé.
de réanimation, sinon une hospitalisation classique sera
effectuée (Fig. 2). Quelques consensus ont donné une valeur-
seuil pour un transfert en réanimation (Tableau 5) [1, 3, 5]. La
■ Stratégie diagnostique conférence internationale recommande une prudence toute
particulière pour les sujets âgés, les obèses, les patients nécessi-
et orientation des patients tant de gros volumes de réhydratation et les formes avec
Le premier objectif est d’éliminer les diagnostics différentiels nécrose pancréatique étendue [4]. Les auteurs japonais recom-
(Fig. 1). Les examens complémentaires permettent de collecter mandent ce transfert pour un score APACHE II ≥ 13 [2].

Médecine d’urgence 7
25-050-B-30 ¶ Pancréatites aiguës

■ Prise en charge thérapeutique La PA sévère est responsable d’un état hypercatabolique


justifiant un support nutritionnel pour répondre à la demande
initiale métabolique et prévenir la dénutrition. Dans les PA graves, la
nutrition entérale doit être privilégiée et débutée rapidement
L’expérience acquise au cours des 40 dernières années montre (dès 48 heures) [1]. Elle se fait préférentiellement à l’aide d’une
qu’une surveillance étroite et des traitements conservateurs sont sonde nasojéjunale du fait du reflux gastrique fréquent à ce
les meilleures garanties d’une évolution simple. Bien qu’une stade. La mise en place d’une jéjunostomie doit être évitée et ne
majorité des patients aient une évolution simple, les experts constitue pas une indication chirurgicale, sauf si le malade doit
recommandent un traitement actif pour tous les patients
être opéré pour une autre raison. La nutrition débute avec un
jusqu’à ce que leur degré de sévérité soit établi [3].
volume de l’ordre de 30 ml/h qui peut être accru à 100 ml/h en
36 à 48 heures en cas de tolérance correcte [3]. L’alimentation
Monitorage est débutée par un mélange semi-élémentaire puis remplacée
Dans tous les cas, un bilan clinique (pouls, pression artérielle, progressivement par une nutrition polymérique en cas de bonne
diurèse, température, échelle de douleur, saturation percutanée tolérance [3]. Les lipides ne sont pas contre-indiqués sauf en cas
en oxygène), biologique (ionogramme sanguin, numération d’hypertriglycéridémie importante. Les besoins azotés sont
formule sanguine, gaz du sang artériel) et au besoin radiologi- élevés, de l’ordre de 0,25 à 0,30 g/kg/j. Une supplémentation en
que (radiographie thoracique et abdominale en cas de doute micronutriments, en particulier à visée antioxydante (vitami-
diagnostique) est indispensable à l’admission [3]. Une réévalua- nes A, C, E, sélénium) et en zinc, est indiquée. L’efficacité d’une
tion régulière clinique (frissons, marbrures, examen abdominal) supplémentation en glutamine (dont le pool est diminué dans
et biologique est nécessaire pour évaluer l’effet de la prise en les formes sévères de PA), des solutions de nutrition entérale à
charge initiale [1-4]. visée immunomodulatrice et des nouvelles émulsions lipidiques
à base d’huile d’olive ou de poisson, n’est pas établie [1]. La
Remplissage et correction électrolytique bonne tolérance de la nutrition entérale, son moindre coût, sa
moindre morbidité et son efficacité équivalente la font préférer
La compensation des pertes hydroélectrolytiques et le réta- à la nutrition parentérale [1, 2, 4]. La nutrition parentérale ne
blissement d’une volémie correcte doivent être effectués le plus reste indiquée qu’en cas d’intolérance de la voie entérale et
rapidement possible [1-4]. L’apport de cristalloïdes est générale- selon les mêmes schémas caloricoazotés [1].
ment suffisant pour traiter les pertes en eau et en NaCl, guidé
par la surveillance hémodynamique de la diurèse (sondage
urinaire selon la sévérité du tableau), de l’hématocrite et de la Antibiothérapie préventive
protidémie. Les macromolécules ne sont nécessaires qu’en cas La surinfection de la nécrose est une des complications les
d’état de choc. Chez un adulte sans antécédents, un volume de plus fréquentes et les plus graves des formes sévères de PA (Cf.
35 ml/kg/j de cristalloïdes sert de base pour la réhydratation et infra). Pour prévenir ce risque, de multiples travaux ont tenté
sera à adapter en fonction des bilans entrée-sortie et des un traitement antibiotique préventif. Un nombre très limité de
ionogrammes sanguins et des numérations effectués de manière
molécules pénètre dans la nécrose pancréatique ou les tissus
au moins quotidienne. Les apports en potassium, magnésium et
ischémiques [65-68]. Les seuls agents qui pourraient être efficaces
calcium doivent être effectués selon les déficits rencontrés. Une
du fait d’une pharmacocinétique et d’un spectre antibactérien
hyperglycémie ≥ 13,9 mmol/l nécessite un apport d’insuline [3].
satisfaisants sont des molécules à large spectre : imipénème et
Les transfusions sanguines sont indiquées en cas d’hématocrite
méropenème, fluoroquinolones, imidazolés [68]. Une première
inférieur à 25 %. Une surveillance régulière des gaz du sang à
série d’essais thérapeutiques a été réalisée dans les années
la recherche d’une acidose est recommandée comme premier
1990 [69-74] (Tableau 6). Ces travaux sont très discutables au plan
signe d’une hypovolémie ou d’une nécrose [3].
méthodologique [68]. Un seul de ces travaux a rapporté une
amélioration de la mortalité des PA recevant un traitement
Oxygénation préventif sans véritablement emporter la conviction [70]. Après
Des altérations de la fonction respiratoire sont observées chez ces travaux pionniers qui ont suscité un vaste engouement, les
près de 40 % des patients avec une amélioration spontanée publications suivantes ont rapporté l’émergence de germes
pour la majorité [3] . Une surveillance de l’oxygénation par résistants aux prophylaxies, des surinfections à levures et ont
oxymétrie pulsée doit être envisagée en cas d’hypoxémie sur les confirmé l’absence d’amélioration du pronostic [75-80]. Seuls les
gaz du sang à l’admission, et a fortiori si le patient nécessite une premiers travaux ont été réalisés en comparaison avec un
administration d’oxygène pour maintenir une saturation placebo, rapportant dans les groupes placebo une mortalité
percutanée en oxygène > 95 %. Tout signe d’aggravation moyenne de 37,5 % [69-72, 74]. Toutes les publications suivantes
respiratoire impose la réalisation d’une radiographie thoracique ont comparé des prophylaxies entre elles. Un seul travail récent
à la recherche d’une complication respiratoire (œdème pulmo- a été publié en comparant une prophylaxie contre un placebo
naire, atélectasie, inhalation, infection, syndrome de détresse qui n’a pas retrouvé de différence significative et a rapporté une
respiratoire aiguë...) [3]. mortalité de 10 % dans le groupe placebo [77]. L’évolution de la
mortalité dans ce travail, comparée à la mortalité moyenne
Analgésie constatée dans les séries précédentes témoigne de l’amélioration
de la prise en charge de ces patients et fait discuter de l’utilité
Une analgésie efficace doit être débutée rapidement. Le
d’une prophylaxie dans ce contexte [81].
paracétamol doit être utilisé avec prudence chez les patients
Sur la base des études disponibles, les conférences de consen-
alcooliques. La morphine et ses agonistes purs sont des antalgi-
sus française et internationale n’ont pas recommandé l’antibio-
ques de choix pour les douleurs importantes qui permettent une
thérapie préventive systématique ni par voie systémique ni sous
analgésie suffisante [1]. L’aspirine et les anti-inflammatoires non
forme de décontamination digestive sélective [1, 4]. L’antibiothé-
stéroïdiens sont contre-indiqués en raison de leurs effets
rapie n’est justifiée qu’en cas d’infection documentée, devant
secondaires (rénaux, hémostase). La lidocaïne® intraveineuse
un choc septique, une angiocholite, une infection nosoco-
n’est pas recommandée. L’analgésie péridurale n’a pas sa place
chez ces patients potentiellement hypovolémiques [1]. miale [1]. Enfin, une antibioprophylaxie doit encadrer les gestes
invasifs selon les recommandations en vigueur [1].
Nutrition
La pose d’une sonde nasogastrique d’aspiration ne s’impose
Traitements physiopathologiques
pas en routine [3]. Elle est justifiée lors de vomissements répétés. De multiples traitements à visée physiopathologique ont été
Le jeûne s’impose en raison des douleurs et de l’intolérance proposés (antisécrétoires gastriques, extraits pancréatiques,
digestive. Dans les PA peu sévères, l’alimentation orale peut être atropine, acétazolamide, isoprotérénol, glucagon, somatostatine
reprise progressivement après une période de 48 heures sans ou octréotide, aprotinine, gabexate, antagonistes des cytokines
douleurs et une normalisation de la lipasémie. ou des anti-platelet activating factors [PAF]...) mais aucun n’a fait

8 Médecine d’urgence
Pancréatites aiguës ¶ 25-050-B-30

Tableau 6.
Incidence des infections et pronostic des essais contrôlés avec administration d’une antibiothérapie préventive.
Auteurs Antibiotiques Nbre Infection Pancréatique (%) Mortalité (%)
de patients
Contrôles Cas Contrôles Cas
Pederzoli [69] Placebo/imipénème 74 30 12 (p < 0,01) 12 7
Luiten [74] Placebo/SDD 102 38 18 (p = 0,03) 35 22
Sainio [70] Placebo/céfuroxime 60 40 30 23 3 (p = 0,028)
Delcenserie [72] Placebo/ceftazidime,amikacine, 23 58 0 (p = 0,03) 25 9
métronidazole
Schwarz [71] Placebo/ofloxacine,métronidazole 26 53 61 15 0
Bassi [73] Péfloxacine/imipénème 60 34 (Pef) 10 (p = 0,03) 24 (Pef) 10
Maravi-Poma [75] Imipénème (14 jours) /imipénème 92 28 30 20 17
(> 14 jours)
Manes [76] Méropénème/imipénème 176 11 (Mer) 14 14 (Mer) 11
Isenmann [77] Placebo/ciprofloxacine,métronidazole 114 9 12 7 5

la preuve complète et convaincante de son efficacité. Les Tableau 7.


conférences de consensus ne recommandent aucun traitement Fréquence des défaillances cardiovasculaires, respiratoires et rénales au
physiopathologique [1, 3, 4]. cours des PA sévères (en %).

Chirurgie de la PA Auteurs Défaillance Défaillance Défaillance


cardiovasculaire respiratoire rénale
Mis à part une perforation d’organe creux, un choc hémorra-
gique ou une lithiase biliaire (Cf. infra), il n’y a aucune Halonen et al. [82] 42,6 50,4 17,8
indication opératoire dans la prise en charge initiale des PA. La Kong et al. [83] 22,3 14,9 19,1
chirurgie pourra être décidée secondairement en cas de surin- Johnson et al. [84] 1 38 8
fection de la nécrose [1, 2, 4, 5]. Tenner et al. [85] 18 45 9

“ Point important
viscérale correcte pour prévenir les défaillances, en particulier
hépatiques ou rénales [1]. L’atteinte hépatique est souvent liée à
une défaillance circulatoire sévère. L’insuffisance rénale est
Le traitement initial comprend une surveillance étroite, un souvent de nature fonctionnelle, mais peut être liée à une
nécrose tubulaire ou à une autre atteinte organique. La nécessité
remplissage vasculaire adapté à l’hypovolémie, la
d’une hémodialyse est de pronostic péjoratif. Aucune technique
correction des troubles hydroélectrolytiques, une d’épuration extrarénale n’a fait la preuve de sa supériorité. Les
oxygénothérapie, une analgésie, la mise au repos du tube troubles de l’hémostase, en particulier la coagulation intravas-
digestif et pas d’antibiotique. culaire disséminée, sont fréquents [1].
L’augmentation de la pression abdominale, observée lors d’un
syndrome compartimental abdominal, peut contribuer à la
■ Complications survenue ou à l’aggravation de ces différentes défaillances et
justifier la surveillance de la pression abdominale, voire d’une
Les complications liées à la pancréatite peuvent artificielle- laparotomie de décompression [87].
ment être différenciées en complications précoces et tardives
selon leur survenue dans les premiers jours, la première semaine
de la maladie ou les semaines suivantes. Les complications
Complications chirurgicales précoces
médicales et chirurgicales précoces peuvent être intriquées. Par Les complications chirurgicales précoces sont liées à la gravité
conséquent, la survenue d’une ou de plusieurs défaillances de l’agression locale ou régionale. Les organes les plus directe-
viscérales impose de rechercher systématiquement une compli- ment touchés sont situés à proximité du pancréas. Les lésions
cation chirurgicale. sont de type hémorragique ou perforatif et touchent générale-
ment le côlon, les artères spléniques ou mésentériques. Le
Défaillances multiviscérales tableau est alors celui d’une urgence chirurgicale ou d’un choc
La PA peut se compliquer de défaillances viscérales dont la hémorragique chez un patient atteint d’un syndrome doulou-
fréquence augmente parallèlement à la sévérité de la maladie, .
reux abdominal évoluant depuis quelques heures ou quelques
mais sans lien avec l’étendue de la nécrose. Ces défaillances jours. La révélation de la pancréatite par un tableau chirurgical
présentent peu de caractéristiques particulières et ne sont pas aigu inaugural n’est pas exceptionnelle.
traitées différemment de celles observées au cours de toute
agression [1]. Les plus fréquentes sont respiratoires, rénales,
hémodynamiques et hématologiques. Il existe une grande
variabilité dans la fréquence de ces défaillances du fait de
définitions différentes et de types de patients différents
“ Point important
(Tableau 7) [82-85]. Les complications précoces sont la conséquence de la
Le syndrome de détresse respiratoire de l’adulte est la forme
la plus sévère de l’atteinte respiratoire [29, 86]. Celle-ci peut aussi
phase inflammatoire précoce de la pancréatite. Les
être secondaire aux épanchements pleuraux ou à une altération défaillances viscérales précoces sont fréquentes.
spécifique de la cinétique diaphragmatique, responsable d’até-
lectasies des bases. Les épanchements pleuraux ou abdominaux
symptomatiques doivent être drainés [1].
Les défaillances circulatoires comportent le plus souvent une
■ Cas particuliers
hypovolémie en rapport notamment avec l’iléus intestinal, les
épanchements intrapéritonéaux et les troubles de la perméabi- PA biliaires
lité capillaire. Un choc hyperkinétique est fréquent. Un rem- La recherche de l’origine biliaire d’une PA doit être effectuée
plissage vasculaire important permet de maintenir une perfusion même en l’absence de critères clinicobiologiques évocateurs. Elle

Médecine d’urgence 9
25-050-B-30 ¶ Pancréatites aiguës

■ Références
.

peut s’envisager dans deux situations : en urgence si l’on


envisage de traiter une éventuelle lithiase cholédocienne, à
distance pour rechercher une lithiase vésiculaire et poser [1] Société Nationale Française de Gastroentérologie. Conférence de
l’indication d’une cholécystectomie. consensus : pancréatite aiguë. Conclusion et recommandations du jury
La chirurgie de désobstruction canalaire, pratiquée en - Textes long et court. Gastroenterol Clin Biol 2001;25:177-92.
[2] Mayumi T, Ura H, Arata S, Kitamura N, Kiriyama I, Shibuya K, et al.
urgence, surtout dans les PA graves, génère une surmortalité par
Evidence-based clinical practice guidelines for acute pancreatitis:
rapport à l’intervention différée. La sphinctérotomie endoscopi- proposals. J Hepatobiliary Pancreat Surg 2002;9:413-22.
que (SE) a été proposée dans le but de traiter l’angiocholite, de [3] Toouli J, Brooke-Smith M, Bassi C, Carr-Locke D, Telford J, Freeny P,
prévenir la constitution de la nécrose ou sa surinfection [1]. En et al. Guidelines for the management of acute pancreatitis.
cas d’angiocholite et/ou d’ictère obstructif, la SE est indiquée J Gastroenterol Hepatol 2002;17(suppl):S15-S39.
quels que soient la durée d’évolution et le degré de gravité. [4] Nathens AB, Curtis JR, Beale RJ, Cook DJ, Moreno RP, Romand JA,
Dans les PA graves, une SE ne pourrait être envisagée en et al. Management of the critically ill patient with severe acute
urgence qu’au cours des 72 premières heures d’évolution sous pancreatitis. Crit Care Med 2004;32:2524-36.
réserve d’une équipe endoscopique et anesthésique entraînée et [5] Working Party of the British Society of Gastroenterology. Association
d’un plateau technique adapté [1]. Dans les PA bénignes d’évo- of Surgeons of Great Britain and Ireland, Pancreatic Society of Great
Britain and Ireland, Association of Upper GI Surgeons of Great Britain
lution favorable, il n’y a pas d’indication à réaliser une SE en
and Ireland. UK guidelines for the management of acute pancreatitis.
urgence. Dans les PA vues à un stade précoce (12 premières Gut 2005;54(suppl3):1-9.
heures), il est difficile de prédire la gravité de l’évolution et [6] Bradley 3rd EL. A clinically based classification system for acute
aucune recommandation ne peut être faite. Dans tous les cas où pancreatitis. Summary of the International Symposium on Acute
une SE est envisagée en urgence, elle doit être réalisée le plus Pancreatitis, Atlanta, Ga, September 11 through 13, 1992. Arch Surg
précocement possible [1]. 1993;128:586-90.
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Ces étiologies représentent environ 3 % des causes de PA. [8] Appelros S, Borgstrom A. Incidence, aetiology and mortality rate of
Elles peuvent être primaires (familiale ou sans cause retrouvée) acute pancreatitis over 10 years in a defined urban population in
Sweden. Br J Surg 1999;86:465-70.
ou secondaires à l’alcoolisme, au diabète, aux médicaments
[9] Wilson C, Imrie CW. Changing patterns of incidence and mortality
dotés d’effets hyperlipémiants, à une hypothyroïdie ou une from acute pancreatitis in Scotland, 1961-1985. Br J Surg 1990;77:
insuffisance rénale chronique [88]. Les PA sont observées selon la 731-4.
classification de Frederickson dans des hyperlipidémies de type I [10] Ruszniewski P. Pancréatite aiguë : le temps du consensus. Conférence
(excès de chylomicrons), de type IV (augmentation des very low de consensus. Pancréatite aiguë. Gastroenterol Clin Biol 2001;
density lipoproteins [VLDL] et des triglycérides sériques) pléthoro- 25(suppl1):S1-S2.
alcoolo-dépendante, et de type V (excès de chylomicrons, de [11] Steinberg W, Tenner S. Acute pancreatitis. N Engl J Med 1994;330:
VLDL et des triglycérides sériques). Le plus souvent, une 1198-210.
normalisation de la concentration plasmatique des triglycérides [12] Baron TH, Morgan DE. Acute necrotizing pancreatitis. N Engl J Med
est obtenue par la mise à jeun et le contrôle glycémique. Dans 1999;340:1412-7.
les formes graves d’hypertriglycéridémie avec défaillances [13] Wilson C, Imrie CW, Carter DC. Fatal acute pancreatitis. Gut 1988;29:
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polyviscérales, certains auteurs ont proposé des échanges [14] Lévy P, Ruszniewski P, Sauvanet A. Traité de pancréatologie clinique.
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[15] Geokas MC, Baltaxe HA, Banks PA, Silva Jr. J, Frey CF. Acute
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■ Pronostic [16] Hentic O, Levy P, Hammel P, O’Toole D, Ruszniewski P. Les
pancréatites aiguës et bénignes ont-elles les mêmes causes?
La mortalité de toutes les formes confondues de PA est de Gastroenterol Clin Biol 2003;27:403-6.
l’ordre de 5 à 10 % [11, 91], tandis que celle des PA sévères est [17] Gullo L, Migliori M, Olah A, Farkas G, Levy P, Arvanitakis C, et al.
beaucoup plus importante, variant selon les séries de 20 à Acute pancreatitis in five European countries: etiology and mortality.
70 % [41, 69]. La grande variabilité du recrutement et du type de Pancreas 2002;24:223-7.
patients dans les séries nuit à une vision claire du pronostic de [18] Lankisch PG, Assmus C, Pflichthofer D, Struckmann K, Lehnick D.
Which etiology causes the most severe acute pancreatitis? Int
ces patients. Les séries récentes dans des essais contrôlés
J Pancreatol 1999;26:55-7.
rapportent une mortalité faible de l’ordre de 10 à 20 % [75-77], [19] Biour M, Delcenserie R, Grangé JD, Weissenburger J. Comment faire
plus élevée dans les études ouvertes [83, 85],98. le diagnostic positif et étiologique de pancréatite aiguë ?
Soixante pour cent des décès surviennent dans la première Pancréatoxicité des médicaments. Gastroentérol Clin Biol 2001;
semaine et sont le fait d’une détresse respiratoire et/ou de 25(suppl1):1S22-1S27.
défaillances polyviscérales, alors que les décès plus tardifs sont [20] Mitchell RM, Byrne MF, Baillie J. Pancreatitis. Lancet 2003;361:
le plus souvent liés à une surinfection de nécrose, qui dans la 1447-55.
globalité représente la cause principale de décès [12, 15]. Pour la [21] Schindzielorz A, Pike I, Daniels M, Pacelli L, Smaldone L. Rates and
plupart des auteurs, la présence de défaillances polyviscérales et risk factors for adverse events associated with didanosine in the
expanded access program. Clin Infect Dis 1994;19:1076-83.
une insuffisance respiratoire aiguë sont des signes de mauvais
[22] Rizzardi GP, Tambussi G, Lazzarin A. Acute pancreatitis during
pronostic, de même qu’une aggravation croissante de la situa- primary HIV-1 infection. N Engl J Med 1997;336:1836-7.
tion [15, 58, 83, 92]. [23] Lankisch PG, Schirren CA, Kunze E. Undetected fatal acute
pancreatitis: why is the disease so frequently overlooked? Am
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■ Conclusion [24] Ventrucci M. Update on laboratory diagnosis and prognosis of acute
pancreatitis. Dig Dis 1993;11:189-96.
La PA apparaît comme une pathologie difficile à cerner tant [25] Kylanpaa-Back ML, Kemppainen E, Puolakkainen P, Hedstrom J,
par sa présentation que par son pronostic. La meilleure appro- Haapiainen R, Korvuo A, et al. Comparison of urine trypsinogen-2 test
che est donc d’évoquer facilement cette hypothèse diagnostique strip with serum lipase in the diagnosis of acute pancreatitis.
et de rechercher soigneusement les facteurs de gravité cliniques Hepatogastroenterology 2002;49:1130-4.
[26] Chen YT, Chen CC, Wang SS, Chang FY, Lee SD. Rapid urinary
et paracliniques pour permettre une prise en charge précoce trypsinogen-2 test strip in the diagnosis of acute pancreatitis. Pancreas
avec un transfert en milieu de réanimation pour les formes les 2005;30:243-7.
plus sévères. Les traitements sont purement symptomatiques en [27] Talamini G, Uomo G, Pezzilli R, Rabitti PG, Billi P, Bassi C, et al.
essayant de limiter les causes d’infection nosocomiale et les Serum creatinine and chest radiographs in the early assessment of acute
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10 Médecine d’urgence
Pancréatites aiguës ¶ 25-050-B-30

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P. Montravers (philippe.montravers@bch.aphp.fr).
A. Benbara.
H. Chemchick.
N. Rkaiby.
Département d’Anesthésie-Réanimation, CHU Bichat Claude Bernard, Université Paris VII, 46, rue Henri-Huchard, 75018 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Montravers P., Benbara A., Chemchick H., Rkaiby N. Pancréatites aiguës. EMC (Elsevier Masson SAS,
Paris), Médecine d’urgence, 25-050-B-30, 2007.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


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12 Médecine d’urgence
¶ 25-050-B-40

Pathologie anale : hémorroïdes, fissure


anale et suppurations
N. Lemarchand, K. Fellous

En proctologie, les motifs de consultation en urgence sont dominés par la douleur. Celle-ci est
essentiellement secondaire à un accident de thrombose hémorroïdaire, à une fissure ou un abcès. Les
rectorragies sont une source plus rare d’urgence proctologique. Le diagnostic repose sur l’examen clinique
et l’anuscopie. Les examens complémentaires sont inutiles. En cas de maladie hémorroïdaire, l’excision
d’une thrombose hémorroïdaire externe peut rapidement soulager le patient. Le traitement médical de la
maladie hémorroïdaire n’existe pas, sa seule indication est la polythrombose hémorroïdaire interne
extériorisée et œdémateuse et repose alors, per os, sur les anti-inflammatoires non stéroïdiens, les
veinotoniques ou phlébotoniques, les antalgiques, et localement sur des pommades et suppositoires à
base d’héparine-hydrocortisone. En cas d’échec de ce traitement, il ne faut pas hésiter à avoir recours à la
chirurgie. Les autres manifestations (rectorragies et prolapsus peu important) peuvent bénéficier des
différentes techniques instrumentales (sclérose, infrarouge et ligature élastique) qui ont des résultats
comparables. Il faut cependant préciser que, en cas de prolapsus hémorroïdaire à l’effort ou permanent,
la seule solution efficace reste l’hémorroïdectomie. Le traitement médical de la fissure anale (pommade et
suppositoire sans corticoïdes, laxatifs et antalgiques) permet la cicatrisation dans l’immense majorité des
cas. Cependant, il faut savoir qu’il existe une véritable maladie fissuraire avec des crises fréquentes. Dans
ce cas, la meilleure solution est chirurgicale. Notre préférence va à l’anoplastie sans léiomyotomie plutôt
qu’à la sphinctérotomie latérale dont le retentissement sur la continence anale est loin d’être négligeable.
En cas de suppurations anales, le traitement est toujours chirurgical ; cependant, à la phase d’abcès,
quand celui-ci est collecté, une incision en consultation soulage rapidement le patient. Ce traitement
dépend de l’étiologie ; la classification repose sur leurs rapports avec le rectum et le canal anal. Le
traitement des suppurations indépendantes de l’anorectum (sinus pilonidal et maladie de Verneuil) est la
dissection-exérèse en bloc des lésions. Les suppurations dont l’origine est au niveau du canal anal sont
dominées par les fistules anales (71 %), cause la plus fréquente des suppurations anopérinéales. La
classification des fistules est fonction de leur rapport avec l’appareil sphinctérien. Le traitement d’une
fistule anale a essentiellement deux objectifs : d’une part tarir la suppuration et éviter la récidive en
traitant la crypte responsable, et d’autre part respecter la continence anale qui est liée à l’appareil
sphinctérien mais aussi à l’architecture anorectale, ce qui conduit parfois à segmenter les temps
opératoires. Ainsi, les fistules trans-sphinctériennes supérieures ou suprasphinctériennes nécessitent deux
temps opératoires.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Hémorroïdes ; Fissures annales ; Suppurations anales

Plan ¶ Suppurations 5
Suppurations indépendantes de l’anorectum 5
¶ Introduction 1 Suppurations dont l’origine est au niveau du canal anal 6

¶ Interrogatoire 2 ¶ Conclusion 8

¶ Examen clinique 2
¶ Hémorroïdes 2
Thromboses 2 ■ Introduction
Autres manifestations de la maladie hémorroïdaire 3
Sur 500 patients consultant en urgence dans le service de
¶ Fissure anale 4 coloproctologie à l’hôpital Léopold Bellan (Paris), la douleur est
Différents types 4 le premier motif de consultation (85,60 %). Celle-ci peut
Traitement 5 être secondaire à un accident de thrombose hémorroïdaire

Médecine d’urgence 1
25-050-B-40 ¶ Pathologie anale : hémorroïdes, fissure anale et suppurations

(41,80 %), à une fissure anale (19,30 %), à une suppuration


anopérinéale (18,20 %), les autres étiologies étant beaucoup
moins fréquentes et très variées ; pour information, nous
citerons les infections sexuellement transmissibles (7,80 %), le
fécalome (2,80 %), les algies anales essentielles (2,70 %),
l’eczéma fissuré de la marge anale (2,20 %), les plaies traumati-
ques et corps étrangers (0,80 %), etc. Les rectorragies sont une
cause moins fréquente de consultation (10,20 %).

■ Interrogatoire
Il précise :
• l’existence d’une douleur : son caractère permanent ou non,
parfois pulsatif qui oriente vers un abcès ; ses facteurs
déclenchants, en particulier le rôle de la défécation qui
évoque une fissure anale ;
• l’existence d’une tuméfaction de la marge anale et sa date de
survenue ;
• l’existence de rectorragie et ses particularités, qui peut faire
suspecter :
C une origine marginale devant une rectorragie minime
tachant le papier hygiénique ;
C la responsabilité d’hémorroïdes lorsque le sang éclabousse
la cuvette en fin de selle ;
C devant une rectorragie, même d’allure terminale, il faut
toujours éliminer une lésion sus-jacente et selon les
recommandations de l’Agence nationale d’accréditation et
d’évaluation en santé (Anaes) (avril 2004 endoscopie basse
en dehors du dépistage en population), en cas de rectorra-
gie chronique isolée rouge vif, une coloscopie totale est
recommandée après 50 ans (grade B) ; avant 50 ans, il est
recommandé d’explorer le côlon mais le groupe de travail
ne peut se prononcer sur le choix entre une rectosigmoï-
doscopie souple ou une coloscopie totale de première
Figure 1. Excision de la thrombose hémorroïdaire externe.
intention (accord professionnel) ;
A. Thrombose externe.
• l’existence d’une modification récente du transit ou d’un
B. Injection de lidocaïne non adrénalinée à 2 %.
écoulement et les antécédents personnels et familiaux de C. Sens de l’excision.
lésion colorectale. D. Excision.
E. Plaie de l’excision.
■ Examen clinique
Il doit être effectué avec douceur et minutie, sous un bon coagulation extravasculaire : la rupture d’une veine superfi-
éclairage, au mieux en position genupectorale. Il comprend cielle des plexus hémorroïdaires entraîne la constitution d’un
l’inspection de la marge anale, en écartant avec douceur les plis hématome sous tension ; le terme de « thrombose hémorroï-
radiés de l’anus, un toucher anal à l’aide de la pulpe du doigt, daire » est donc inadéquat, il vaudrait mieux l’appeler
puis un toucher rectal et enfin une anuscopie. Cependant, « hématome hémorroïdaire ».
l’examen endoanal est parfois difficile en raison de la douleur Certains facteurs déclenchants sont classiquement décrits :
et il faut savoir ne pas insister, en particulier devant une fissure repas trop riches ou trop épicés, épisodes de la vie génitale, prise
anale. de médicaments, efforts de poussée. Leur rôle réel n’est pas
Dans la très grande majorité des cas, ce simple examen clairement démontré.
permet de faire le diagnostic. La proctologie est une discipline Leur symptomatologie diffère en fonction de leur localisation
simple, les examens complémentaires sont inutiles sauf dans sur les plexus hémorroïdaires externes et/ou internes.
d’exceptionnels cas et le plus souvent alors dans un but de bilan
lésionnel. De même, l’histologie n’a d’intérêt que pour éliminer Thrombose hémorroïdaire externe
une néoplasie, ce qui n’est d’ailleurs pas le sujet de cet article.
C’est un accident aigu banal survenant au niveau du plexus
hémorroïdaire externe qui est habituellement invisible sous la
■ Hémorroïdes [1] zone cutanée lisse. Cet épisode ne traduit pas un stade évolutif
de la maladie hémorroïdaire. Il peut rester unique ou se répéter.
La thrombose hémorroïdaire externe se manifeste par l’appa-
Thromboses rition brutale d’une douleur et d’une tuméfaction de la marge
Il faut souligner en préambule que : anale. La palpation montre une masse de consistance inégale
• l’existence d’une douleur anale n’est en aucun cas synonyme avec des zones souples d’œdème et d’autres plus dures, bleuâ-
« d’hémorroïdes » ; en effet, celles-ci ne se manifestent par des tres, de thrombi multiples. L’évolution spontanée, parfois lente,
douleurs que lorsqu’elles sont thrombosées ; seuls 15 % des est le plus souvent favorable. La douleur s’atténue en même
« hémorroïdaires » ont des thromboses, ce qui représente temps que le caillot s’organise et que l’œdème éventuel dispa-
moins de la moitié des causes de douleur anale... ; raît. Parfois, la surface de revêtement cutané s’érode avec
• il n’existe aucun parallélisme entre l’importance des hémor- apparition d’un suintement sérosanglant traduisant l’énucléa-
roïdes et leur symptomatologie ; même en cas de volumineu- tion du caillot. À distance, il y a restitutio ad integrum ou
ses hémorroïdes, il faut alors éliminer une fissure anale, un formation d’une marisque, appelée souvent à tort « hémorroïde
abcès ou une névralgie anale ; externe ».
• les thromboses ne sont pas liées à une coagulation intravas- Le traitement de cette thrombose externe (Fig. 1A) est
culaire, comme l’est une thrombophlébite, mais à une l’excision après une anesthésie locale.

2 Médecine d’urgence
Pathologie anale : hémorroïdes, fissure anale et suppurations ¶ 25-050-B-40

thrombosées s’extériorisent et ne peuvent plus se réintégrer


dans le canal anal, ce qui gêne la circulation de retour, mais pas
la circulation artérielle, et aggrave l’œdème. La douleur est très
vive, associée à une tuméfaction tendue, violacée en son centre,
plus rose et œdémateuse à sa périphérie. Cette thrombose peut
être localisée à un quadrant ou à une hémicirconférence, ou être
circulaire. Son évolution spontanée se fait généralement vers la
résorption qui est accélérée par le traitement. La douleur
s’atténue en quelques jours ; la tuméfaction diminue progressi-
vement, laissant parfois en séquelle une marisque ou une
papille hypertrophique. Mais l’évolution peut se faire vers le
sphacèle, pouvant nécessiter un geste chirurgical d’urgence.
Le traitement est d’abord médical.
• Le traitement médical, dans tous les cas prescrit, associe per
os des phlébotoniques fortement dosés à raison de deux
Figure 2. Polythrombose interne extériorisée et œdémateuse. comprimés à chaque repas (type ginkgo biloba [Ginkor® fort],
flavonoïdes [Daflon® 500 mg], ruscosides [Cirkan®], etc.), un
anti-inflammatoire non stéroïdien (type kétoprofène, acide
Le premier temps est l’injection sous le plancher de la tiaprofénique [Surgam®], diclofénac [Voltarène® 50], etc.) et
thrombose de 1 à 2 ml de lidocaïne (Xylocaïne®) à 2 % des antalgiques à la demande (paracétamol associé à de la
(Fig. 1B). Ensuite, on saisit le sommet de la thrombose à l’aide codéine [Dafalgan codéiné® ou mieux Efferalgan-codéiné®,
d’une pince de Chaput (Fig. 1C), puis on en assure l’exérèse à Codoliprane ® , etc.] ou à du dextropropoxyphène
l’aide d’une paire de ciseaux (Fig. 1D) afin d’obtenir une plaie [Di-Antalvic®], tramadol [Topalgic®], etc.). Localement, on
plane et l’évacuation complète du caillot (Fig. 1E). Cette utilise des dermocorticoïdes (mousse Colofoam®, Betnéval®,
excision se fait perpendiculairement aux plis radiés de l’anus Dermoval®, etc.) matin, midi et soir et des suppositoires à
afin d’éviter la survenue d’une fissure anale iatrogène. base d’héparine-hydrocortisone (Cirkan®) matin et soir.
L’excision de la thrombose hémorroïdaire est à préférer à la • En cas d’échec de ce traitement médical ou d’emblée devant
simple incision. En cas d’exérèse, compte tenu de la largeur de une polythrombose en voie de nécrose, il ne faut pas hésiter
la plaie, il n’y a pas de risque de récidive par accolement des à opérer le patient en urgence. En effet, contrairement à une
bords, ce qui est le plus souvent le cas lorsqu’on se contente notion ancienne, cet accident n’est pas une contre-indication,
d’une simple incision. car il n’existe aucune difficulté opératoire particulière dans ce
Des soins locaux biquotidiens associant un antiseptique local type d’accident, les suites sont souvent même plus faciles, le
dilué (type Cyteal® ou Bétadine® solution dermique à 10 %) et patient étant rapidement soulagé par l’intervention. Il s’agit
une pommade dite « cicatrisante » (type Proctolog® ou Biafine®) alors d’une hémorroïdectomie classique de type Milligan et
permettent une cicatrisation sans marisque en une huitaine de Morgan simple ou associée à une anoplastie au pôle posté-
jours. rieur type Bellan [2]. La chirurgie est également indiquée en
Cette petite intervention doit être faite le plus rapidement cas de thrombose externe ou interne récidivante et invali-
possible ; en effet, elle n’a plus d’intérêt lorsque la douleur a dante. Il n’existe en effet aucun traitement préventif pour ce
disparu, sauf si l’on craint la formation d’une marisque inesthé- type d’accident hémorroïdaire.
tique ou inconfortable dont on peut d’ailleurs assurer l’exérèse
sous anesthésie locale. Autres manifestations de la maladie
Thrombose hémorroïdaire interne hémorroïdaire
Il s’agit d’une thrombose au niveau du plexus hémorroïdaire Elles sont liées au plexus hémorroïdaire interne.
interne pouvant être ou non extériorisée.
Rectorragies
Thrombose interne intracanalaire non extériorisée
Typiquement, il s’agit de sang rouge rutilant survenant en fin
Elle est exceptionnelle. Elle se manifeste par une douleur vive de selle de façon intermittente, en quantité variable, éclabous-
intracanalaire pouvant faire suspecter une fissure ou un abcès sant la cuvette ou tachant simplement le papier. Très exception-
intramural, avec au toucher une ou plusieurs tuméfactions nellement, l’hémorragie est très importante, pouvant refluer
rondes, indurées, douloureuses, visibles à l’anuscopie sous forme dans le côlon terminal et être évacuée en dehors des selles.
de petites lésions bleutées. Elle peut s’énucléer spontanément et Les facteurs favorisants jouent un rôle accessoire (sédentarité,
alors être responsable de rectorragies parfois abondantes. Elle constipation, usage de laxatifs irritants et de suppositoires,
peut évoluer vers la constitution d’un reliquat fibreux, une alcool, épices) en augmentant la pression anale, ce qui favorise
papille hypertrophique, improprement appelée polype l’effraction hors des artérioles.
hémorroïdaire. L’hémorragie hémorroïdaire est souvent compensée malgré sa
Insistons cependant sur le fait que si ces thromboses internes répétition, cependant elle peut être responsable d’une anémie
sont indolores à l’examen, elles ne peuvent être retenues, alors, ferriprive. Dans ce cas, il faut proposer d’emblée une solution
comme responsables d’une douleur anale. L’anite bleue, si elle chirurgicale quel que soit le volume des hémorroïdes, ce qui
existe, n’est qu’un aspect endoscopique sans aucune manifesta- représente, à l’hôpital Léopold Bellan, 1 % des
tion clinique et qui ne nécessite donc aucun traitement. hémorroïdectomies.
Le traitement est le plus souvent médical par des suppositoi- Le traitement repose (en l’absence de prolapsus associé)
res à base d’héparine-hydrocortisone (Cirkan®) et des dermo- (Fig. 3) sur plusieurs techniques instrumentales qui ont des
corticoïdes et des antalgiques per os. Exceptionnellement, on résultats comparables.
peut faire une incision au bistouri à lame fine qui libère le • La sclérose hémorroïdaire est une technique simple et peu
caillot, mais cette technique est assez difficile à réaliser sous coûteuse. Son mécanisme d’action reste mal connu, passant
anuscopie. probablement par une diminution de l’élasticité de la
muqueuse et du flux sanguin. Le geste consiste à injecter 0,5
Polythrombose hémorroïdaire interne extériorisée
à 1 ml de chlorhydrate de quinine-urée (Kinuréa H®) en
et œdémateuse différents sites de l’espace sous-muqueux sus-hémorroïdaire.
Ce terme est plus adapté que prolapsus thrombosé ou encore Plusieurs séances sont nécessaires à 15 jours d’intervalle. Les
étranglement hémorroïdaire (Fig. 2). injections sclérosantes peuvent être utilisées avec prudence
C’est une véritable urgence proctologique en raison de la chez les sujets sous anticoagulants. Les effets secondaires sont
douleur et du risque de nécrose. Les hémorroïdes internes l’allergie, la syncope dite « du métro » (malaise d’allure vagale

Médecine d’urgence 3
25-050-B-40 ¶ Pathologie anale : hémorroïdes, fissure anale et suppurations

zone sus-pectinéale insensible. Le paquet hémorroïdaire en


lui-même n’est donc pas étranglé. Le geste est d’autant plus
facile qu’il existe une laxité de la muqueuse rectale associée.
Le tissu va progressivement se nécroser et la chute d’escarre
se fait en 2 à 10 jours. Le mode d’action de la ligature est
donc comparable à celui des injections sclérosantes ou de la
photocoagulation par infrarouge. Une ou plusieurs séances
peuvent être nécessaires. Les effets secondaires sont : douleur,
syndrome fissuraire (ligature placée trop bas), rectorragie à la
chute d’escarre (contre-indication chez le patient sous
anticoagulants), bactériémie, gangrène gazeuse (exception-
nelle).
Figure 3. Hémorroïdes internes. • La cryothérapie associée à une ligature élastique a été
proposée en France par Parnaud et Brulé. L’intérêt est de
circonscrire, par l’anneau élastique, le volume à congeler et
de contrôler ainsi le processus de destruction. Les suites sont
souvent moins douloureuses qu’avec une ligature élastique
seule, par effet antalgique du froid, mais il existe parfois un
œdème et des suintements par cytolyse. Cependant, l’associa-
tion d’une congélation à la ligature élastique n’a pas fait la
preuve scientifique de son intérêt à notre connaissance.
En conclusion, les hémorroïdes volumineuses mais asympto-
matiques ne doivent pas être traitées, le traitement médical de
la maladie hémorroïdaire n’existe pas. Il est uniquement
indiqué dans certains accidents de thromboses (cf. supra). Les
autres manifestations relèvent du traitement instrumental ou
chirurgical.
Pour illustrer ceci, nous rapportons les résultats d’une étude
portant sur 855 patients ayant consulté pour la première fois
dans le service entre octobre 1993 et janvier 1994. Sur les
Figure 4. Prolapsus hémorroïdaire. 310 patients (36,25 %) ayant une maladie hémorroïdaire,
24,20 % avaient une thrombose, dans 11 % des cas, une
hémorroïdectomie a été proposée, parfois en urgence.
survenant un quart d’heure après l’injection), les rectorragies L’attitude thérapeutique proposée pour les autres manifesta-
à la chute d’escarre (rares), les injections trop profondes tions hémorroïdaires a été :
pouvant causer des douleurs, une spermaturie, une prostatite • dans 41 % des cas, une hémorroïdectomie d’emblée ; dans
(éviter les injections trop antérieures). 53 % des cas, les patients étaient adressés pour cette inter-
• La photocoagulation infrarouge réalise une coagulation vascu- vention ; en revanche, pour les patients consultant directe-
laire au niveau de la muqueuse sus-hémorroïdaire de façon à ment dans le service, l’hémorroïdectomie a été proposée dans
créer une sclérose secondaire à la nécrose. Plusieurs impacts 31 % des cas ;
de 1 seconde sont effectués par séance au sommet d’un • dans 34,80 % des cas, un traitement instrumental : photocoa-
paquet hémorroïdaire, en zone sus-pectinéale. Deux à trois gulation (66,70 %), sclérose (23,10 %) et ligature élastique
séances espacées de 15 jours sont nécessaires. Les effets (10,20 %).
secondaires sont la douleur et la rectorragie à la chute
d’escarre parfois importante, contre-indiquant ce traitement
chez les patients sous anticoagulants. ■ Fissure anale
• L’électrocoagulation est assez peu utilisée en France. Elle est
bipolaire (Bicap®) ou monopolaire à courant direct (Ultroid®). L’interrogatoire évoque fortement le diagnostic devant une
La technique est comparable à la photocoagulation. douleur provoquée par la selle, parfois accompagnée d’une
• La ligature élastique, dont l’indication de choix est le prolapsus rectorragie.
hémorroïdaire (dont nous décrirons la technique plus loin),
peut aussi être proposée en cas de rectorragies. Différents types
Prolapsus hémorroïdaire (Fig. 4) Fissure « jeune » (Fig. 5)
Les hémorroïdes s’extériorisent à travers l’anneau sphincté- Elle apparaît comme une ulcération triangulaire à base
rien, du fait d’une laxité pathologique de l’appareil conjoncti- externe, à bords nets à peine surélevés, à fond rouge, le plus
vomusculaire de soutien. souvent située au pôle postérieur, parfois au pôle antérieur,
La procidence est parfois circulaire, plus souvent localisée à surtout chez la femme. Une ulcération non commissurale doit
une hémicirconférence ou à un quadrant (classique paquet de faire suspecter une autre affection : eczéma fissuré de la marge
5 heures chez la femme). Elle apparaît à la selle, à l’effort ou est
permanente, sa réintégration se faisant spontanément ou de
façon manuelle. Lorsqu’elle est permanente, elle peut entraîner
un suintement sérosanglant, source de prurit. Il faut éliminer un
prolapsus rectal vrai en faisant pousser le malade en position
accroupie.
Le traitement dépend évidemment de l’importance du
prolapsus ; en cas de prolapsus modéré et limité à un quadrant,
on peut essayer une ligature élastique associée ou non à la
cryothérapie. Il faut cependant savoir que cette ligature ne peut
en aucun cas remplacer la chirurgie en cas de prolapsus circu-
laire survenant à l’effort, et a fortiori en cas de prolapsus
permanent.
• La ligature élastique consiste à placer, par aspiration, un
anneau élastique au sommet des paquets hémorroïdaires, en Figure 5. Fissure anale jeune.

4 Médecine d’urgence
Pathologie anale : hémorroïdes, fissure anale et suppurations ¶ 25-050-B-40

rectale qui est suturée au sphincter interne. Elle est réalisée


avec ou sans sphinctérotomie.
• Les lambeaux d’avancement sont assez peu utilisés.
• La dissection-exérèse en bloc de la fissure et ses annexes au
bistouri électrique, avec ou sans sphinctérotomie, peut être
réalisée.
• La sphinctérotomie latérale interne [6, 7] peut être faite à « ciel
ouvert » selon la technique de Parks, ou à l’aveugle, par voie
sous-cutanée selon la technique de Notaras. Le geste est
éventuellement couplé à l’exérèse des annexes. Cette techni-
que est la méthode de référence du traitement chirurgical ;
elle peut avoir, comme toute sphinctérotomie, un retentisse-
Figure 6. Fissure « vieillie » avec marisque. ment non négligeable sur la continence anale [8].

Indications
anale, fissurations vénériennes (herpès, ulcérations syphilitiques, Elles varient en fonction du stade d’évolution de la fissure :
maladie de Nicolas et Favre, donovanose), maladie de Crohn, • devant une fissure « jeune », il faut proposer en premier lieu
cancer anal à forme fissuraire... Cette ulcération s’accompagne un traitement médical associant une régularisation du transit
d’un spasme sphinctérien. intestinal, des topiques locaux et des antalgiques ; en cas
d’échec de ce traitement ou de fissure hyperalgique, la
Fissure « vieillie » (Fig. 6) chirurgie s’impose et plutôt, à notre avis, l’anoplastie sans
Elle est précédée ou non d’épisodes douloureux de fissure léiomyotomie ; en effet, même s’il est exact que le délai de
aiguë. Les douleurs et le spasme sphinctérien sont moins cicatrisation est long (un mois et demi en moyenne), son
intenses. L’aspect se modifie : ses bords s’épaississent, son fond retentissement sur la continence anale est quasiment nul à la
devient blanchâtre, mettant à nu les fibres transversales du différence de la sphinctérotomie latérale ;
sphincter interne, et elle s’accompagne parfois d’annexes : • devant une fissure « vieillie », il faut d’emblée proposer
marisque à l’extérieur et/ou papille hypertrophique ou « pseu- l’anoplastie au patient, tout en sachant que cette intervention
dopolype » dans le canal anal. La marisque est souvent impro- ne présente aucun caractère d’urgence ; si le patient ne peut
prement appelée « hémorroïde externe » et la papille ou ne veut pas se faire opérer, le traitement médical est alors
hypertrophique ne doit pas être confondue avec un polype prescrit ;
pédiculé vrai (polyadénome, hyperplasique ou juvénile), dont la • devant une fissure « infectée », la meilleure solution est la
base d’implantation est toujours rectale et non anale. dissection-exérèse en bloc de la fissure au bistouri électrique ;
en cas d’impossibilité ou de refus, il est possible d’ajouter au
Fissure « infectée » traitement médical un ovule gynécologique de métronidazole
(Flagyl®), utilisé comme un suppositoire le soir au coucher.
C’est le stade compliqué de la fissure anale. L’infection peut
être superficielle et se manifester par un suintement responsable
d’un prurit, ou plus profonde avec constitution d’un trajet ■ Suppurations
fistuleux sous-fissuraire, voire d’un abcès.
Elles peuvent se voir, soit au stade d’abcès, associant douleur,
Traitement tuméfaction et signes généraux d’intensité variable, soit au stade
de fistule avec un écoulement séropurulent.
Le traitement reste controversé, il existe en effet de nombreu- L’examen clinique permet le diagnostic étiologique dans
ses méthodes et il faut bien reconnaître qu’aucune d’entre elles l’immense majorité des cas. Les examens complémentaires, en
n’a prouvé sa supériorité. particulier l’imagerie par résonance magnétique et l’échoendo-
scopie, sont sans intérêt dans les suppurations indépendantes de
Méthodes l’anorectum ; en revanche, ces examens complémentaires sont
Méthodes médicales particulièrement utiles pour faire le bilan des lésions dans la
maladie de Crohn anopérinéale et parfois en cas de fistules
• Le traitement médical peut être utilisé dans tous les cas : anales complexes.
régularisation du transit intestinal, utilisation de suppositoires Le traitement en phase aiguë repose sur l’incision de l’abcès,
et pommade sans corticoïde pour faciliter l’exonération, voire ce qui permet d’attendre le traitement étiologique qui est
la cicatrisation, et enfin antalgiques per os. chirurgical. Les antibiotiques utilisés seuls peuvent favoriser une
• L’injection sous-fissuraire de quinine-urée ne peut être évolution torpide et ne traitent pas la cause sous-jacente. Nous
proposée qu’en cas de fissure jeune non infectée. On injecte ne parlerons que des techniques chirurgicales utilisées dans le
1 ml de chlorhydrate de quinine-urée à 5 % (Kinuréa H®) service.
sous le plancher de la fissure après anesthésie sphinctérienne La classification des suppurations anopérinéales repose sur
par lidocaïne (Xylocaïne®) à 2 %. Cette injection peut se leurs rapports avec le rectum et le canal anal : ainsi on peut
compliquer d’un abcès au point d’injection qui nécessitera le distinguer les suppurations indépendantes de l’anorectum
plus souvent une exérèse sous anesthésie générale. (22 %) et les suppurations dont l’origine est au niveau du canal
• Les autres traitements proposés (injection de toxine botuli- anal (76 %).
que [3], application de dérivés nitrés [4] [Rectogesic® labora-
toire Prostrakan] et inhibiteurs calciques) n’ont en fait pas, du
moins dans les études françaises, confirmé les espoirs Suppurations indépendantes de l’anorectum
soulevés.
Il faut savoir qu’il existe une vraie maladie fissuraire faite de
Sinus pilonidal (15 %) (Fig. 7)
récidives fréquentes, que le traitement médical ne traite que la Il s’agit d’une cavité pseudokystique, parfois occupée par des
poussée fissuraire et qu’il peut donc être renouvelé fréquem- poils, le plus souvent située dans le tissu cellulaire précoccygien
ment, voire être permanent lorsque le patient refuse l’opération et présacré, communiquant avec la peau par des orifices
ou ne peut être opéré. médians ou parfois latéralisés appelés les fossettes. Les localisa-
tions antérieures sont plus rares.
Méthodes chirurgicales
En phase aiguë d’abcès, il existe une induration rouge,
• L’anoplastie [4, 5] au pôle postérieur est l’exérèse d’un triangle chaude et douloureuse dans le sillon interfessier avec des signes
cutanéomuqueux jusqu’à la muqueuse rectale, emportant la généraux variables. L’évolution spontanée se fait vers la régres-
fissure et ses annexes, avec abaissement de la muqueuse sion ou l’ouverture à la peau. Dans la forme chronique, la

Médecine d’urgence 5
25-050-B-40 ¶ Pathologie anale : hémorroïdes, fissure anale et suppurations

Figure 9. Fistule anale au stade d’abcès.


A. Abcès.
Figure 7. Sinus pilonidal. B. Issue de pus après incision.

l’oreille. Un sinus pilonidal associé est relativement fréquent, de


même qu’une acné ou une folliculite du cuir chevelu. Il n’est
pas rare de voir une maladie de Verneuil au cours d’une maladie
de Crohn sans que l’on sache si cela est fortuit ou non.
Le traitement est chirurgical et repose sur l’exérèse en bloc, à
« ciel ouvert », des lésions cutanées apparentes, en les décollant
du plan profond « comme on pèlerait une orange ». La cicatri-
sation est longue. Il n’y a pas de récidive au niveau des lésions
excisées, mais d’autres localisations peuvent apparaître, proches
ou à distance.

Autres suppurations
Nous ne ferons que citer les kystes dont l’étiologie est parfois
difficile à établir sur le plan histologique, mais dont le traite-
ment repose sur l’incision ou la dissection-exérèse.
Plus rares sont les suppurations d’origine osseuse, prostatique
ou en rapport avec une maladie de système qui sont évoquées
devant un orifice externe isolé sans rapport avec le canal anal et
confirmées par une fistulographie. Leur traitement est complexe,
lié d’une part à la fistule mais aussi à l’affection causale.

Suppurations dont l’origine est au niveau


du canal anal
Fistules anales (71 %) (Fig. 9)
Définition
Figure 8. Maladie de Verneuil.
Elles sont secondaires à l’infection d’une glande d’Hermann-
Desfosses. Ces glandes sont situées sur la ligne des cryptes du
sécrétion séropurulente est plus ou moins abondante, s’extério- canal anal. Une fistule comprend toujours un orifice interne (ou
risant par les fossettes ou par un orifice externe situé à distance primaire) qui est cryptique et un trajet qui chemine soit vers la
du sillon interfessier. peau, après avoir traversé le sphincter anal, soit vers l’ampoule
Le traitement est toujours chirurgical : la meilleure techni- rectale, dans l’espace intersphinctérien, et qui peut s’y aboucher
que [9] reste l’exérèse de l’ensemble de la cavité à « ciel ouvert », par un orifice secondaire (ou externe en cas d’ouverture à la
c’est-à-dire sans refermer la plaie. La cicatrisation est lente (2 à peau). Il n’y a donc pas de fistule borgne externe, et inverse-
3 mois) et se fait de la profondeur vers la surface et des bords ment toute suppuration qui n’a pas une origine cryptique n’est
vers le centre, laissant une cicatrice linéaire longitudinale dans pas une fistule anale.
le sillon interfessier. Le taux de récidive avec cette technique est Classification des fistules anales [10]
faible (moins de 3 %).
Elle repose sur les rapports du trajet avec l’appareil sphincté-
Maladie de Verneuil (4 %) (Fig. 8) rien. Ainsi, on peut distinguer :
• les fistules transsphinctériennes que l’on classe selon la
C’est une affection cutanée dont le point de départ serait hauteur du trajet fistuleux dans l’appareil sphinctérien :
classiquement les glandes sudoripares apocrines. Plus récem- C les fistules transsphinctériennes inférieures (61 %) où seules
ment, on a incriminé une infection des sinus pilaires. Clinique- les fibres les plus basses du faisceau profond du sphincter
ment, la lésion fondamentale est le nodule hypodermique. Il est externe sont comprises dans la fistule ;
enchâssé dans le derme, recouvert d’un épiderme violacé,
C les fistules transsphinctériennes supérieures (19 %) qui
mobile sur le plan profond, indolore spontanément et peu
englobent plus de la moitié du sphincter externe ;
douloureux à la palpation, sauf dans les périodes de rétention.
• les fistules suprasphinctériennes (6 %) qui intéressent tout
Ce nodule finit par s’ouvrir à la peau, ce qui permet d’évacuer
un liquide séropurulent qui ne vide pas totalement l’abcès et l’appareil sphinctérien, dont tout ou partie du faisceau
laisse persister une induration qui donne ultérieurement un puborectal du releveur ;
nouvel abcès. Il existe à distance de cette lésion fondamentale • les fistules intersphinctériennes (ou intramurales) (14 %), qui
d’autres éléments du même âge ou plus anciens, avec des se développent exclusivement dans l’espace d’Eisenhammer, au
cicatrices volontiers chéloïdes, communiquant entre eux par des niveau de la couche longitudinale complexe, et peuvent
galeries qui sillonnent la peau réalisant, au stade ultime, un remonter très haut dans le rectum et s’y ouvrir parfois sponta-
aspect de « terrier de lapin ». D’autres localisations peuvent nément, réalisant alors une fistule anorectale ; le trajet peut
exister sur la région inguino-scroto-pubienne, les aisselles (abcès être simple, parallèle à l’axe du rectum, ou complexe (en
tubéreux), la nuque, le mamelon ou derrière le lobule de spirale, en Y, en V).

6 Médecine d’urgence
Pathologie anale : hémorroïdes, fissure anale et suppurations ¶ 25-050-B-40

Diverticules C en cas de fistule transsphinctérienne supérieure ou supra-


Ils peuvent se greffer sur le trajet principal et se développer : sphinctérienne [11], il faut dans un premier temps mettre
• vers le côté opposé, réalisant ainsi une fistule en « fer à en place une anse de drainage souple dans le trajet ; le
cheval » (2,75 %) ; le passage controlatéral est habituellement deuxième temps opératoire a lieu après 2 ou 3 mois. Deux
postérieur et se fait le plus souvent par l’espace sous- techniques sont envisageables : soit section en un temps du
sphinctérien postérieur (70 %), plus rarement par la couche trajet ; soit le trajet sera progressivement mis à plat en
longitudinale, et exceptionnellement par l’espace postérieur effectuant plusieurs opérations de section successives
du releveur ; il peut être antérieur, au niveau du noyau (traitement par section en plusieurs temps) ou « section
fibreux central du périnée (15 %) ; lente » du sphincter réalisée par la mise en tension du fil
• dans l’espace intersphinctérien, réalisant un diverticule élastique lors des consultations postopératoires. L’injection
intramural ; de colle biologique dans le trajet fistuleux est une nouvelle
• entre le releveur et l’aponévrose pelvienne supérieure,
alternative [12]. Elle préserve la continence anale mais le
réalisant un diverticule sus-lévatorial respectant cette aponé-
taux de récidive est important, de l’ordre de 30 % à 50 %
vrose ;
• dans l’espace pelvirectal supérieur, traversant l’aponévrose selon les études. Cette technique sera privilégiée en cas de
pelvienne supérieure, presque toujours iatrogène ; on peut fistule complexe chez les patients multiopérés ou présen-
alors observer, à l’extrême, une perforation rectale réalisant tant déjà des troubles de la continence anale.
une fistule rectale extrasphinctérienne. • Les éventuels diverticules sont mis à plat sur pince de Leriche
lors du premier temps opératoire. S’il est associé à une fistule
Manifestations cliniques haute (transsphinctérienne supérieure ou suprasphincté-
Elles dépendent du stade de la fistule anale. rienne), le diverticule intramural est schématiquement mis à
Au stade d’abcès, la douleur est vive, permanente, souvent plat vers l’intérieur s’il intéresse la partie « interne » de la
pulsative, non rythmée par la selle. Le syndrome infectieux est couche longitudinale, ou vers l’extérieur s’il intéresse la partie
variable, habituellement modéré. À l’examen de la marge anale,
« externe » de la couche.
l’abcès peut être évident devant une masse rouge, tendue,
Il reste à évoquer quelques cas particuliers :
luisante, mais en cas d’abcès intersphinctérien, la marge anale
apparaît normale. La palpation douce réveille la douleur mais • les fistules intersphinctériennes sont traitées par une mise à
apprécie l’importance de la lésion. Le toucher anal permet de plat vers l’ampoule rectale ou par la technique du lambeau
localiser l’orifice interne : point du canal exquisement douloureux tracteur en cas de trajet fibreux (cette technique consiste à
avec un bombement ou au contraire une dépression. Le toucher assurer l’exérèse de l’abcès intramural par une dissection
recherche également un diverticule intramural sous la forme d’un jusqu’au plancher intersphinctérien de la fistule) ;
bombement douloureux dans l’ampoule rectale. L’anuscopie • trois temps opératoires sont nécessaires pour le traitement
visualise parfois l’orifice interne d’où sourd une goutte de pus. d’une fistule en « fer à cheval », espacés de 2 ou 3 mois ; le
Lors de la phase chronique, qui peut succéder à une phase premier temps consiste en l’exérèse du trajet jusqu’au plan
d’abcès ou s’installer d’emblée, l’inspection découvre un orifice musculaire avec mise en drainage souple du trajet principal
externe d’où s’écoule un liquide séropurulent. Parfois, il y a et du passage controlatéral qui est mis à plat lors d’un
plusieurs orifices externes : s’ils sont homolatéraux, ils corres- deuxième temps ; le dernier temps met à plat le trajet
pondent presque toujours à un même orifice interne (fistule en principal.
Y) ; s’ils sont bilatéraux, il faut suspecter une fistule en « fer à
cheval », les fistules anales doubles (deux orifices externes et
deux orifices internes) ou triples étant rares. La palpation
permet parfois, en cas de fistule basse, de sentir un cordon
induré, correspondant au trajet se dirigeant vers l’orifice
primaire. Comme en phase d’abcès, le toucher et l’anuscopie
permettent de suspecter l’orifice interne et de dépister un
“ À retenir (Fig. 10)

diverticule intramural.
• Une douleur anale n’est en aucun cas synonyme de
Traitement maladie hémorroïdaire.
Le traitement d’une fistule anale a essentiellement deux • L’examen proctologique est facile et permet dans la
objectifs : d’une part tarir la suppuration et éviter la récidive en grande majorité des cas de faire le diagnostic.
traitant la crypte responsable, d’autre part respecter la conti- • Le traitement de la maladie hémorroïdaire n’existe pas.
nence anale qui est liée à l’appareil sphinctérien mais aussi à
l’architecture anorectale, ce qui conduit parfois à segmenter les
• L’excision d’une thrombose hémorroïdaire (EGFA007*)
temps opératoires. Quel que soit le stade de la fistule, le est un geste simple. Elle est indiquée uniquement en cas
traitement est exclusivement chirurgical. L’intervention est de thrombose hémorroïdaire externe douloureuse.
parfois urgente pour évacuer l’abcès lorsqu’une incision sous • Le traitement de la polythrombose hémorroïdaire
anesthésie locale ne peut être réalisée en raison d’un abcès mal interne extériorisée et œdémateuse est médical.
collecté ou profond. Le traitement de la fistule en elle-même • L’incision des thrombus est inutile. L’hémorroïdectomie
comprend plusieurs étapes.
en urgence est indiquée en cas d’échec du traitement
• La recherche de l’orifice interne est la première étape capitale.
Elle repose sur l’examen clinique et l’injection d’air et surtout
médical ou devant une polythrombose en voie de
de bleu de méthylène par l’orifice externe qui permet de nécrose.
colorer le trajet, les diverticules et l’orifice interne. • Le traitement de la fissure anale est d’abord médical et
• La deuxième étape est la dissection-exérèse du trajet jusqu’au comprend des topiques locaux, des laxatifs et des
plan musculaire et le cathétérisme rétrograde du trajet à partir antalgiques.
de l’orifice interne. Il ne faut jamais créer de faux trajet, en • L’incision d’une suppuration anale (HKPA006*)
particulier par un cathétérisme « forcé », par l’orifice externe.
collectée peut soulager rapidement le patient.
• Le dernier temps est le traitement du trajet principal trans-
sphinctérien et il dépend de la quantité de muscle intéressée • Le traitement des suppurations anales est toujours
par la fistule : chirurgical.
C en cas de fistule transsphinctérienne inférieure, la mise à • La classification des suppurations repose sur leurs
plat se fait en un temps, fistulectomie par dissection- rapports avec le rectum et le canal anal.
exérèse jusqu’à la crypte responsable ou fistulotomie par * codification CCAM.
section du trajet sur un stylet ;

Médecine d’urgence 7
25-050-B-40 ¶ Pathologie anale : hémorroïdes, fissure anale et suppurations

Figure 10. Arbre décisionnel.

Traitement
Douleur Fissure anale
médical

Poussées Échec
Hyperalgique
fréquentes du traitement

Tuméfaction anale Anoplastie


douloureuse

Thrombose hémorroïdaire Suppurations

Interne extériorisée Abcès Abcès


Externe non collecté
et œdémateuse collecté

Traitement Recherche
Excision Incision
médical Étiologie

Poussées Échec En voie Traitement


fréquentes du traitement de nécrose chirurgical

Hémorroïdectomie

Fissure infectée Nous ne ferons que citer, pour mémoire, les suppurations
d’origine sus-anale qui sont traitées ailleurs. Il s’agit des
C’est la deuxième cause (4 %) des suppurations prenant localisations anopérinéales de la maladie de Crohn, des fistules
naissance dans le canal anal. rectovaginales d’origine obstétricale ou iatrogène, de cancer à
La douleur est déclenchée par les selles et est souvent forme fistuleuse et d’abcès à corps étranger ou survenant après
modérée, sauf en cas d’abcès. Il peut s’y associer un prurit sclérose hémorroïdaire.
secondaire à l’écoulement.
L’examen découvre une ulcération habituellement posté-
rieure, souvent associée, à l’extérieur, à un capuchon mariscal
et, dans le canal anal, à une papille hypertrophique, réalisant au
■ Conclusion
maximum un aspect de pseudopolype hémorroïdaire. Cette Dans cet article, nous avons exposé rapidement les manifes-
ulcération laisse sourdre une goutte de pus au déplissement des tations proctologiques les plus fréquentes, dont le diagnostic, le
plis radiés. Il peut exister un abcès rectal sous-muqueux ou un plus souvent facile, repose sur un examen clinique avec anu-
trajet fistuleux sous-fissuraire superficiel prenant naissance au . scopie, ce qui reste à la portée de tout omnipraticien un peu
sein de la fissure et s’extériorisant par un orifice externe cutané. exercé. Le traitement permet souvent de soulager rapidement le
La surinfection contre-indique une anesthésie sphinctérienne ou patient.
une injection sous-fissuraire.
Le traitement est chirurgical et consiste en la dissection- .

exérèse en bloc de la lésion au bistouri électrique.


■ Références
Glandes sous-pectinéales
[1] Fellous K. La maladie hémorroïdaire. Actual Angiol 1997;220:1991-3.
Elles sont mal connues et la fréquence des suppurations [2] Denis J, Dubois N, Du Puy-Montbrun T, Ganansia R, Lemarchand N.
(0,7 %) est certainement sous-estimée. Elles sont presque Hemorroidectomy: hospital Leopold Bellan procedure. Int Surg 1989;
exclusivement situées au niveau de la marge antérieure et 74:152-3.
s’ouvrent par un micro-orifice endocanalaire situé nettement en [3] Siproudhis L, Reymann JM, Pigot F, Hemery P, Juguet F, Soudan D,
dessous de la ligne pectinée. Il existe parfois un prolongement et al. Toxine botulique et fissure anale chronique : progrès ou intox?
de cette suppuration vers l’espace intersphinctérien. Gastroenterol Clin Biol 2000;24:A85 [abstract].

8 Médecine d’urgence
Pathologie anale : hémorroïdes, fissure anale et suppurations ¶ 25-050-B-40

[4] Flourié B, Marin Lafleche JP, Halphen M, Atienza P, Bourguignon J, [8] De Parades V, Parisot C. Fissure anale. Encycl Méd Chir (Elsevier,
Sultan S, et al. Fissure anale : un gel de trinite appliqué localement SAS, Paris), Gastroentérologie, 9-087-A-10, 2002 : 6p.
n’apporte pas de bénéfice supplémentaire au traitement classique asso- [9] Arnous J, Denis J, Dubois N. L’exérèse à ciel ouvert des sinus
ciant mucilages et antalgiques. Gastroenterol Clin Biol 2002;26(HS1): pilonidaux. Gastroenterol Clin Biol 1977;1:945-9.
399-8320 [abstract]. [10] Denis J, Dubois N, Du Puy-Montbrun T, Ganansia R, Lemarchand N.
[5] Sultan S. L’anoplastie muqueuse. Actual Méd Int Gastroenterologie Une classification des fistules anales. Ann Gastroenterol Hepatol
1998;12:1992-9. (Paris) 1983;19:393-7.
[6] Abramowitz L, Godeberge P, Staumont G, Soudan D. Recommanda- [11] Denis J, Lemarchand N, Dubois N, Du Puy-Montbrun T, Ganansia R.
tions pour la pratique clinique sur le traitement de la maladie Les fistules supra-sphinctériennes. Ann Gastroenterol Hepatol (Paris)
hémorroïdaire. Gastroenterol Clin Biol 2001;25:674-702. 1983;19:399-404.
[7] Hananel N, Gordon PH. Lateral internal sphincterotomy for fissure [12] Hammond TM, Grahn MF, Lunniss PJ. Fibrin glue in the management
in-ano-revisited. Dis Colon Rectum 1997;40:597-602. of anal fistulae. Colorectal Dis 2004;6:308-19.

N. Lemarchand, Ancien interne des hôpitaux privés de Paris, chef de service (nicolas.lemarchand@bellan.fr).
K. Fellous, Ancien interne des hôpitaux de Paris, médecin adjoint.
Service de coloproctologie, hôpital Léopold Bellan, 19-21, rue Vercingétorix, 75014 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Lemarchand N., Fellous K. Pathologie anale : hémorroïdes, fissure anale et suppurations. EMC (Elsevier
Masson SAS, Paris), Médecine d’urgence, 25-050-B-40, 2007.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


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décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

Médecine d’urgence 9
¶ 25-050-A-20

Stratégie des explorations des douleurs


abdominales
P. Wind, G. Malamut, C.-A. Cuénod, J. Bénichou

Les douleurs abdominales aiguës sont parmi les motifs les plus fréquents de consultation dans un service
d’urgence. Les causes sont variées et il est fondamental, au cours de cette première consultation, de
distinguer les pathologies nécessitant un traitement chirurgical urgent, de celles pour lesquelles une
intervention n’est pas nécessaire ou même contre-indiquée. Pour une majorité de patients, l’examen
clinique et les examens simples de laboratoires suffisent à établir ou évoquer un diagnostic. Néanmoins,
en raison du tableau clinique similaire que peuvent prendre nombre de maladies, des examens
complémentaires d’imagerie sont souvent nécessaires pour confirmer le diagnostic évoqué cliniquement.
Dans tous les cas, les stratégies diagnostiques ont d’autant plus de chances d’être adaptées qu’il existe
une bonne collaboration entre cliniciens et radiologues. À côté des examens radiologiques
conventionnels, le développement de l’échographie et surtout de la tomodensitométrie a largement
amélioré l’efficacité du bilan diagnostique. Cette évolution de l’efficacité diagnostique va de pair avec les
modifications des attitudes thérapeutiques qui s’orientent vers des techniques mini-invasives
(cœlioscopie, radiologie interventionnelle, endoscopie). La recherche constante d’une meilleure efficacité
et la nécessité de diminuer les délais, associées aux besoins d’une maîtrise des ressources hospitalières,
ont entraîné une évolution de nos attitudes vis-à-vis des patients vus pour une pathologie abdominale
aiguë.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Douleur abdominale ; Péritonites ; Occlusion digestive ; Ischémie intestinale ; Pancréatite aiguë ;
Stratégie diagnostique

Plan motifs les plus fréquents de consultation des services d’urgences


hospitaliers [2]. L’hospitalisation est jugée nécessaire chez 18 à
¶ Introduction 1 42 % des adultes et peut atteindre 75 % chez les patients
âgés [3]. Seulement une minorité de patients (environ 15 %)
¶ Stratégie clinique 2
présentant des douleurs abdominales nécessite un traitement
¶ Biologie 3 chirurgical. Pour une majorité de patients, l’examen clinique et
¶ Stratégie d’imagerie 3 les examens simples de laboratoires suffisent à établir ou à
Radiographies d’abdomen sans préparation 4 évoquer un diagnostic [4]. Cependant, compte tenu de l’impor-
Opacifications digestives 4 tante variété des causes de douleurs abdominales et du tableau
Examen de l’abdomen en échographie et en tomodensitométrie 4 clinique similaire que peuvent prendre nombre de maladies, le
¶ Pathologie 5 diagnostic reste indéterminé chez environ 40 % des
Pathologie hépatobiliaire 5 patients [5]. Dans ces situations, des examens complémentaires,
Pancréatites aiguës 6 le plus souvent d’imagerie, sont nécessaires pour confirmer le
Péritonite par perforation digestive 6 diagnostic suspecté cliniquement.
Occlusions intestinales 6 Les erreurs diagnostiques les plus fréquentes en pathologie
Appendicite aiguë 8 abdominale aiguë [6, 7] concernent les gastroentérites, les
Ischémies intestinales 8 infections urinaires, les infections pelviennes chez la femme, et
Maladie diverticulaire colique compliquée 9 la constipation. Parmi les pathologies mettant en jeu le pronos-
Pathologies urinaire et pelvienne 9 tic vital, les erreurs les plus fréquentes concernent les diagnos-
¶ Conclusion 9 tics de rupture d’anévrisme de l’aorte abdominale,
d’appendicite, de grossesse extra-utérine, de sigmoïdite diverti-
culaire, de perforation digestive, d’infarctus mésentérique et
d’occlusion du grêle. Dans tous les cas, le problème essentiel en
■ Introduction urgence consiste à identifier les patients qui doivent être opérés
rapidement ou ceux qui réclament une hospitalisation pour
Les douleurs abdominales sont l’une des causes les plus bilan et surveillance, et non pas tant de faire le diagnostic exact.
fréquentes de consultation médicale représentant 4 à 8 % des À côté des examens radiologiques courants, le développement
visites médicales de l’adulte [1]. Elles sont également parmi les de l’échographie et surtout de la tomodensitométrie (TDM) a

Médecine d’urgence 1
25-050-A-20 ¶ Stratégie des explorations des douleurs abdominales

largement amélioré l’efficacité du bilan diagnostique. Cette Tableau 2.


Étiologie des douleurs abdominales en fonction de l’âge. Adapté de [5].
évolution de l’efficacité diagnostique va de pair avec les
modifications des attitudes thérapeutiques qui s’orientent vers Cause des douleurs abdominales Âge < 50 ans Âge > 50 ans
des techniques mini-invasives (cœlioscopie, radiologie interven-
tionnelle, endoscopie). La recherche constante d’une meilleure Douleur abdominale non spécifique 40% 16%
efficacité et la nécessité de diminuer les délais, associées aux Cholécystite 6% 21%
besoins d’une maîtrise des ressources hospitalières, ont entraîné Appendicite 32% 15%
une évolution de nos attitudes vis-à-vis des patients vus pour Occlusion intestinale 2% 12%
une pathologie abdominale aiguë. Pancréatite 2% 7%
Maladie diverticulaire compliquée < 0,1 % 6%

■ Stratégie clinique
Cancer < 0,1 % 4%
Hernie < 0,1 % 3%
L’examen clinique, notamment l’interrogatoire, reste en Cause vasculaire < 0,1 % 2%
pathologie abdominale aiguë un des éléments clés de la démar-
che diagnostique. Cependant, la performance de l’examen
clinique pour le diagnostic précis de la cause ne dépasse pas Tableau 3.
50 % [8]. L’interrogatoire et l’examen physique doivent être Localisation de la douleur abdominale et orientation diagnostique.
effectués sur un patient détendu. La crainte de l’utilisation des
Hypocondre droit Maladie hépatobiliaire
morphiniques, sous le prétexte qu’ils peuvent masquer une
urgence chirurgicale, est injustifiée [9]. Néanmoins, la disparition
de la douleur sous antalgiques ne doit pas être un argument Douleur biliaire
pour ne pas hospitaliser le patient. -Cholécystite
Le Tableau 1 montre la répartition des diagnostics et des -Angiocholite
motifs d’intervention chirurgicale en urgence pour douleurs -Abcès du foie
abdominales [1, 10]. Le diagnostic de douleurs abdominales non -Hépatite aiguë
spécifiques ou indéterminées est le plus fréquemment porté, et
-Syndrome de Budd-Chiari
parmi celles-ci le syndrome de l’intestin irritable représente
-Tumeur
37 % des diagnostics chez la femme et 19 % chez l’homme [11].
L’orientation diagnostique doit tenir compte de l’âge
(Tableau 2), de la localisation de la douleur (Tableau 3) et des Perforation d’ulcère
éventuels signes d’accompagnement (Tableau 4). Ces éléments Pancréatite aiguë
ne sont pas formels et notamment il est fondamental de ne pas Appendicite
limiter ses hypothèses diagnostiques en ne tenant compte que Herpès, zona
de la localisation de la douleur [12, 13]. Certaines caractéristiques Infarctus du myocarde
sont plus fréquemment notées dans les pathologies graves ou
Pneumopathie (lobe inférieur droit)
chirurgicales. La probabilité qu’une douleur soit liée à une
pathologie chirurgicale est d’autant plus grande que la douleur
est violente, récente (moins de 48 h) ou constante, qu’elle se Hypocondre gauche Gastrite
localise en un point précis, qu’elle est le premier signe et Pancréatite aiguë
notamment qu’elle survient avant les vomissements, que l’âge Splénomégalie
est avancé, qu’il existe des antécédents d’intervention ou des Infarctus du myocarde
signes péritonéaux à l’examen physique [1] . Le Tableau 5
Pneumopathie (lobe inférieur gauche)
rappelle les questions les plus pertinentes à poser systématique-
ment lors de l’interrogatoire d’un syndrome abdominal aigu.
Fosse iliaque droite Appendicite
Maladie de Crohn
Tableau 1. Diverticule de Meckel
Répartition des causes les plus fréquentes de consultation et Diverticule cæcal
d’intervention chirurgicale en urgence pour douleurs abdominales. Anévrisme aortique rompu
D’après [1, 10]. Grossesse extra-utérine
Pathologies en % Intervention en % Torsion kyste de l’ovaire
Gastroentérite 6,9 - Endométriose
Pathologie inflammatoire pelvienne 6,7 1,5 Calcul urétéral
Infection génito-urinaire 5,2 - Adénite mésentérique
Colique néphrétique 4,3 - Hernie inguinale étranglée
Appendicite 4,3 36,9 Salpingite
Cholécystite 3,7 6,2
Occlusion intestinale 2,5 35,2 Fosse iliaque gauche Sigmoïdite diverticulaire
Constipation 2,3 - Anévrisme aortique rompu
Ulcère 2,0 8 Grossesse extra-utérine
Dysménorrhée, grossesse, GEU, 1-2 - Torsion kyste de l’ovaire
kyste de l’ovaire Endométriose
Pancréatite aiguë <1 2,1 Calcul urétéral
Anévrisme de l’aorte <1 - Adénite mésentérique
Abcès - 4,4 Salpingite
Perforation colique - 1,1
Autre 20 -
Indéterminée 40 - La température, la numération leucocytaire et les radiogra-
Ces valeurs sont indicatives, elles varient en fonction du recrutement locorégional phies d’abdomen sans préparation (ASP) ne sont pas discrimi-
et des modes de prise en charge des patients. GEU : grossesse extra-utérine. nantes. Si une fièvre est fréquemment associée aux infections

2 Médecine d’urgence
Stratégie des explorations des douleurs abdominales ¶ 25-050-A-20

Tableau 4. Les signes péritonéaux incluent la présence d’une défense ou


Caractéristiques de la douleur et orientation diagnostique. d’une contracture, d’une douleur à la décompression brusque de
Douleur aggravée par Péritonite
la paroi abdominale ou d’une exacerbation de la douleur lors de
la toux ou les mouvements Appendicite la toux et des mouvements. Le caractère pathognomonique
classique de ces signes pour le diagnostic d’une pathologie
chirurgicale en particulier appendiculaire ou péritonéale doit
Irradiation vers les épaules être remis en question par les données de la littérature. La
-épaule gauche Hémopéritoine douleur à la décompression a une sensibilité de 81 % et une
-épaule droite Pathologie hépatobiliaire spécificité de 50 % pour le diagnostic de péritonite [18], une
sensibilité de 63 % à 76 % et une spécificité de 56 % à 69 %
Irradiation vers les organes Pathologie rénale : colique néphrétique pour le diagnostic d’appendicite [19, 20]. L’exacerbation de la
génitaux et pyélonéphrite douleur à la toux a une sensibilité de 77 % et une spécificité de
80 % pour le diagnostic de péritonite [21].
Irradiation vers les fosses Pathologie urologique Lors de l’exploration d’un syndrome douloureux abdominal,
lombaires Appendicite rétrocæcale le toucher rectal est surtout utile pour les diagnostics de
Pathologie annexielle chez la femme prostatite ou de pathologie rectale notamment tumorale, pour
la recherche d’un fécalome, d’un corps étranger intrarectal ou
Irradiation dorsale Pathologie pancréatique de sang dans les selles. Pour le diagnostic positif d’appendicite
transfixiante aiguë, le toucher rectal n’apporte aucun renseignement supplé-
mentaire par rapport à ceux déjà fournis par l’examen
Douleur soulagée par les gaz Anévrisme de l’aorte abdominale abdominal [22].
Pathologie colique
Enfin, en fonction du contexte, le caractère répété des
(syndrome de l’intestin irritable) douleurs abdominales doit faire évoquer les crises douloureuses
abdominales de la drépanocytose, de la maladie périodique ou
de la porphyrie.
Douleur soulagée par Pathologie gastrique (gastrite, ulcère)
l’alimentation
■ Biologie
Douleur avec agitation Colique néphrétique
La numération sanguine leucocytaire est probablement
Occlusion du grêle par strangulation
l’examen biologique le plus demandé en cas de syndrome
Torsion d’annexe abdominal aigu. Cependant, cet examen ne permet pas de
différencier les pathologies chirurgicales des autres causes de
Douleur avec choc d’emblée Pancréatite aiguë grave douleurs abdominales. La C-reactive protein a peu d’intérêt dans
Infarctus mésentérique la stratégie d’exploration des douleurs abdominales aiguës en
Rupture anévrisme aorte abdominale pratique courante. Elle a surtout été étudiée comme aide au
diagnostic d’appendicite. Son principal intérêt semble être sa
valeur prédictive négative si son taux reste normal, surtout sur
Tableau 5.
des dosages répétés au cours de la surveillance [23-25] . La
Indications des radiographies d’abdomen sans préparation en pathologie
bandelette urinaire, l’examen cytobactériologique des urines, le
abdominale d’origine digestive (traumatismes exclus). D’après [14].
dosage des bêta-human chorionic gonadotrophin (HCG) et celui de
l’amylasémie et de la lipasémie permettent une orientation
Indications non discutables diagnostique. Cependant, des anomalies sur les examens d’urine
- perforation digestive peuvent être présentes en l’absence de pathologie urinaire [26].
- occlusion digestive Vingt à 30 % des patients ayant une appendicite ont une
- douleur abdominale sévère hématurie ou une leucocyturie et 17 % peuvent avoir des
germes dans les urines [27]. Ces anomalies sont d’autant plus
- ischémie intestinale
fréquentes que la durée d’évolution de l’appendicite est longue,
Indications discutables
que l’appendice est pathologique, qu’il est proche du tractus
- sepsis urinaire et qu’il s’agit d’une femme. De la même façon, 20 %
Indications inadéquates des anévrismes rompus peuvent faire évoquer à tort une colique
- clichés pour s’assurer de la normalité néphrétique en raison de la présence d’une hématurie [28]. Une
- douleur abdominale de faible intensité hyperamylasémie est notée dans 80 % des cas de pancréatite
- hémorragie gastro-intestinale aiguë. La spécificité de l’amylasémie est inférieure à 70 % pour
toute élévation au-dessus de sa valeur normale. Sa sensibilité et
- pathologie hépatobiliaire
sa spécificité atteignent 80 % lorsque l’amylasémie est supé-
- pancréatite aiguë
rieure à trois fois la normale [29]. L’amylasémie n’a aucune
- masses valeur pronostique. Une hyperlipasémie à plus de trois fois la
- ascite normale est le test le plus spécifique pour le diagnostic de
pancréatite aiguë avec une spécificité proche de 100 [30].

intra-abdominales, sa signification chez un patient ayant une


douleur abdominale n’est pas claire et sa présence ne permet
■ Stratégie d’imagerie
pas de distinguer les pathologies chirurgicales des non chirurgi- Lors de l’exploration d’un syndrome douloureux de l’abdo-
cales [15]. Cependant, l’association d’une fièvre à une douleur men, le diagnostic reste incertain chez de nombreux patients,
abdominale nécessite un avis chirurgical. malgré l’efficacité combinée de l’examen clinique et de l’exa-
Le signe de Murphy, qui est une douleur de l’hypocondre men radiologique initial [31]. Dans ces situations, un examen
droit avec inhibition douloureuse de l’inspiration est très échographique ou une TDM doivent être demandés. Ces
fréquemment noté en cas de pathologie biliaire lithiasique. Un examens sont plus efficaces que la classique période d’observa-
signe de Murphy a une sensibilité de 97,2 % et une valeur tion et permettent d’éviter des retards parfois fatals aux patients.
prédictive positive de 93,3 % pour le diagnostic de cholécystite Le choix de l’une ou l’autre de ces techniques est basé sur leur
aiguë [16]. Chez les patients âgés, la présence d’un signe de performance, fonction de la pathologie suspectée, de la mor-
Murphy reste assez spécifique d’une cholécystite aiguë, mais sa phologie du patient et bien entendu dépend de la disponibilité
présence n’est notée que chez la moitié des patients [17]. des équipes et des appareils.

Médecine d’urgence 3
25-050-A-20 ¶ Stratégie des explorations des douleurs abdominales

Tableau 6. douleurs de faible intensité, ou pour rassurer le médecin, ou


Interrogatoire des patients présentant des douleurs abdominales aiguës : encore pour suggérer un diagnostic non suspecté
les 13 questions clés. cliniquement [34].
1. Quel âge avez-vous ? Pathologie grave plus fréquente si
Classiquement, deux clichés d’ASP sont nécessaires : un cliché
âge > 50 ans de face debout et un en décubitus dorsal ; ces deux radiogra-
phies devant couvrir la totalité de la cavité abdominopelvienne,
2. Quel est le premier signe : Gravité si la douleur est le premier
du sommet du diaphragme en haut jusqu’aux trous obturés en
la douleur ou les vomissements ? signe
bas. Enfin, une radiographie de thorax de face est importante,
3. Depuis quand souffrez-vous ? Gravité si durée > 48 h
car d’une part il existe des anomalies sur 10 à 15 % des
4. Avez-vous eu une chirurgie Pensez à l’occlusion du grêle sur radiographies de thorax faites pour abdomen aigu, et d’autre
abdominale ? bride part des pathologies purement thoraciques telles qu’une
5. Est-ce que la douleur est Gravité si douleur constante pneumopathie, un épanchement pleural liquidien ou gazeux,
constante ou intermittente ? un infarctus ou une embolie pulmonaire, une péricardite,
6. Avez-vous déjà eu des douleurs Gravité si premier épisode peuvent se révéler par des douleurs abdominales sus-ombilicales.
identiques ? Un électrocardiogramme est indiqué dans ces situations. Enfin,
7. Avez-vous des antécédents Critères d’orientation diagnostique la radiographie de thorax ou mieux le cliché centré sur les
de cancer, de diverticulite, coupoles, par un temps d’exposition très court et des rayons
de pancréatite, d’insuffisance plus tangentiels au diaphragme, permet de diagnostiquer de
rénale, de lithiase ou de maladies petits pneumopéritoines [35]. En pratique, les deux clichés les
inflammatoires du tube digestif ? plus utiles en urgence sont le cliché de thorax debout ou assis
8. Êtes-vous VIH positif ? Critères d’orientation diagnostique et celui d’abdomen couché. Le cliché d’abdomen debout est
9. Quelle est votre consommation Critères d’orientation diagnostique plus discuté. Il apporte peu de renseignements supplémentaires
quotidienne d’alcool ? et ne contribue pas à modifier l’attitude thérapeutique [32].
10. Êtes-vous ou pouvez-vous être Critères d’orientation diagnostique
enceinte ? Opacifications digestives
11. Prenez-vous des antibiotiques Critères d’orientation diagnostique
ou des corticoïdes ? Les opacifications digestives courantes sont moins utilisées
12. La douleur était-elle épigastri- Appendicite aiguë
actuellement en raison du développement de la TDM avec
que avant de migrer vers la fosse opacification digestive concomitante. Elles peuvent être utilisées
iliaque droite ? en seconde intention pour la détection des perforations gastro-
13. Avez-vous des antécédents Anévrisme de l’aorte abdominale
duodénales [36], dans la pathologie occlusive du grêle ou du
de pathologie vasculaire ou Infarctus mésentérique côlon [37] et les colites ischémiques [38]. En urgence, la baryte est
cardiaque, d’hypertension peu employée en raison du risque de nécrose péritonéale s’il
artérielle ou de fibrillation existe une perforation ou un risque de perforation digestive. Ce
auriculaire ? sont surtout les produits hydrosolubles comme la Gastrogra-
fine® qui sont utilisés, bien que les images soient de moins
VIH : virus de l’immunodéficience humaine.
bonne qualité.

Examen de l’abdomen en échographie


Radiographies d’abdomen sans préparation et en tomodensitométrie
En raison de leur facilité d’exécution et de leur faible coût, les L’échographie est le premier examen à réaliser lorsqu’une
ASP sont demandés quasi systématiquement dans les services pathologie hépatobiliaire ou gynécologique est suspectée. Chez
d’urgences hospitaliers pour syndrome douloureux de l’abdo- la femme, un examen du pelvis vessie pleine est réalisé en
men. Leur but est théoriquement de permettre une présélection raison de la fréquence des pathologies obstétricales ou gynéco-
rapide des patients en identifiant, notamment, ceux qui ont un logiques. Si besoin, l’étude du pelvis est complétée par voie
pneumopéritoine ou des signes d’occlusion digestive. Cepen- endovaginale.
dant, leur absence de spécificité, alors que d’autres explorations La TDM permet une analyse complète de l’ensemble de
plus performantes sont disponibles, donne l’impression que ces l’abdomen et du pelvis sans que la lecture soit gênée par la
examens sont souvent inutiles. Il semble, néanmoins, que la présence de gaz, d’os ou de graisse, qui limitent l’efficacité de
plupart du temps, ces examens sont prescrits pour de mauvaises l’échographie. La TDM est réputée moins sensible que l’écho-
indications [14]. graphie pour la pathologie biliaire lithiasique. Elle est supérieure
Si l’on étudie la répartition des causes des douleurs abdomi- pour analyser les espaces périrénaux, le pancréas, le tube digestif
nales dans un service d’urgence d’un hôpital urbain, la nature et l’appendice. Elle est moins sensible pour détecter une petite
même des pathologies rencontrées indique que les ASP ne lame liquidienne intrapéritonéale, mais permet de mettre en
seraient d’aucune utilité dans plus de la moitié des cas [14]. Des évidence un minime pneumopéritoine. Enfin, elle permet de
anomalies sont détectées sur 20 à 38 % des ASP [1, 32]. Seule- détecter de façon remarquable les infiltrations locales de la
ment un tiers de ces anomalies sont spécifiques, et les informa- graisse, signant la présence de phénomènes inflammatoires ou
vasculaires. Cet indice a fréquemment une importance capitale
tions obtenues semblent peu modifier le diagnostic établi
lors de l’exploration d’un syndrome abdominal. L’injection, sauf
cliniquement [1]. Les deux seules pathologies pour lesquelles la
contre-indication, permet de mieux analyser les parois digestives
sensibilité et la spécificité des ASP sont élevées sont les périto-
rehaussées, d’opacifier les vaisseaux, de différencier les phleg-
nites avec pneumopéritoine et à un moindre degré les occlu- mons des collections liquidiennes et de mettre en évidence les
sions intestinales. Dans une étude [33] évaluant l’intérêt des ASP réactions inflammatoires. Éventuellement, le côlon est distendu
dans les douleurs abdominales, ceux-ci étaient non spécifiques par un lavement opaque, de l’eau ou une insufflation d’air afin
dans 68 % des cas, normaux dans 23 % et anormaux dans de mieux analyser la paroi colique. Le Tableau 7 rappelle les
seulement 10 % des cas. La plus grande sensibilité était notée critères de choix entre examens échographique ou TDM. Le
pour la recherche de corps étrangers (90 %) et pour le diagnos- Tableau 8 résume la stratégie des examens d’imagerie en
tic d’occlusion du grêle (49 %). Ils n’avaient aucun intérêt pour fonction de l’orientation diagnostique.
le diagnostic d’appendicite, de pyélonéphrite, de pancréatite et Dans un travail [31], la TDM abdominale avait une sensibilité
de diverticulite. En pratique clinique, une demande d’ASP est diagnostique de 90 % contre 76 % pour l’évaluation clinique,
justifiée (Tableau 6) si les douleurs abdominales sont importan- dans un groupe de patients ayant un syndrome douloureux
tes ou si le tableau clinique évoque une péritonite ou une abdominal aigu. Les données de la TDM entraînaient une
occlusion digestive. Ces examens semblent inutiles en cas de modification de l’attitude thérapeutique décidée initialement

4 Médecine d’urgence
Stratégie des explorations des douleurs abdominales ¶ 25-050-A-20

Tableau 7. chez 27 % des patients. Cependant, dans le sous-groupe des


Critères d’orientation entre examen échographique ou patients ayant des antécédents de pathologie abdominale,
tomodensitométrique pour l’exploration des abdomens aigus. l’examen clinique restait aussi performant que la TDM. Dans un
Échographie Tomodensitométrie
autre travail plus récent [39] incluant des patients ayant une
douleur abdominale aiguë de cause indéterminée, une TDM
Enfant Patient âgé précoce entraînait une réduction de la mortalité et de la durée
Femme jeune Homme d’hospitalisation.
Patient maigre Patient obèse
Matité abdominale Tympanisme abdominal
■ Pathologie
Pathologie focale Pathologie diffuse
Patient immunocompétent Patient immunodéprimé Pathologie hépatobiliaire
Pathologie unique Pathologies
L’échographie est l’examen de première intention à réaliser
multiples complexes
en cas de douleur biliaire. Une douleur biliaire (colique hépati-
Échographiste entraîné Appareil disponible que) est une douleur de l’hypocondre droit ou de l’épigastre
Le choix de la technique utilisée en première intention dépend essentiellement inhibant l’inspiration profonde et irradiant en hémiceinture
du profil du patient mais également de la pathologie recherchée. vers la droite et/ou vers l’épaule droite. La douleur biliaire est

Tableau 8.
Douleur abdominale : stratégie des explorations d’imagerie en fonction de l’orientation diagnostique clinique.
Douleur de l’hypocondre droit : ASP trois clichés Non indiqué
suspicion de pathologie biliaire ? Échographie <4h
TDM < 24 h en complément Si échographie non contributive ou doute sur une
complication locale ou anomalie hépatique (abcès)

Douleur de l’hypocondre gauche : suspicion abcès ASP trois clichés Non indiquée
splénique ou sous-phrénique ? Échographie <4h
TDM < 24 h en complément Si échographie non contributive ou doute sur une
complication locale

Douleur de la fosse iliaque droite : suspicion ASP trois clichés Non indiquée Si tableau typique
d’appendicite ? Échographie À discuter Si doute sur pathologie gynécologique chez la femme
TDM <4h Si doute, si masse à la palpation ou empâtement

Douleur de la fosse iliaque gauche : suspicion ASP trois clichés Non indiquée
de sigmoïdite ? Échographie À discuter Si doute sur pathologie gynécologique chez la femme
TDM <4h Si TDM non contributive, faire un lavement
aux hydrosolubles

Douleur épigastrique ; suspicion de perforation ASP trois clichés <1h Suffisant si diagnostic de pneumopéritoine
TDM < 4 h en complément

Péritonite par perforation digestive ASP trois clichés <1h Suffisant si diagnostic de pneumopéritoine
TDM < 4 h en complément

Suspicion de pancréatite aiguë ASP trois clichés <1h En cas de doute diagnostique
TDM <4h Sinon dans les 48-72 heures suivant le début
de la douleur
Échographie Recherche d’une lithiase biliaire

Occlusion non fébrile ASP trois clichés <1h


TDM <4h
Lavement < 4 h à discuter Si besoin

Suspicion de complications des anticoagulants : TDM <4h


hématome ? Échographie Non indiquée Sensibilité insuffisante

Colique néphrétique TDM sans injection <1h Si tableau compliqué (fièvre, oligoanurie)
<4h Si doute diagnostique
< 24 h Si persistance douleur malgré traitement
ASP + échographie < 24 h si TDM non Risque de faux négatif par absence de dilatation
possible des cavités

Douleur pelvienne Échographie À compléter par voie endovaginale si besoin

Suspicion GEU Échographie Échographie sus-pubienne et endovaginale


TDM : tomodensitométrie ; ASP : abdomen sans préparation ; GEU : grossesse extra-utérine.

Médecine d’urgence 5
25-050-A-20 ¶ Stratégie des explorations des douleurs abdominales

le plus souvent due à une lithiase biliaire compliquée, qu’il en première intention. Elle permet de détecter les pneumopéri-
s’agisse d’une douleur biliaire simple, d’une cholécystite ou toines non vus sur les ASP [50]. En cas d’ulcère perforé bouché
d’une angiocholite. La sensibilité et la spécificité de l’échogra- dans le pancréas, une petite collection intrapancréatique peut
phie pour le diagnostic de lithiase vésiculaire sont de plus de être visualisée et orienter à tort vers un diagnostic de pancréa-
90 % dans la littérature [40, 41] mais probablement plus faibles tite aiguë, surtout si une hyperamylasémie est associée [51].
en pratique courante ; les calculs de petite taille pouvant ne pas L’opacification, concomitante à la TDM, de l’estomac par voie
être vus. Les signes échographiques de cholécystite sont la haute permet parfois de visualiser directement la fuite extradi-
présence d’un signe de Murphy au passage de la sonde sur le gestive. Une perforation colique doit être suspectée (mis à part
fond vésiculaire, l’épaississement de la paroi supérieur à 3 mm, les arguments cliniques) si le pneumopéritoine coexiste avec des
une distension vésiculaire et la mise en évidence de calculs ou signes d’obstruction colique ou de mégacôlon toxique. Un
d’un sludge. La TDM n’est pas indiquée dans les cas habituels, pneumopéritoine par perforation d’un diverticule en péritoine
mais est utile si les données de l’échographie sont insuffisantes libre est plus inhabituel ; il est exceptionnel dans les perfora-
ou pour rechercher un abcès hépatique ou périvésiculaire [42]. tions appendiculaires. Les perforations de diverticules coliques
L’imagerie est normale dans les périhépatites à Chlamydia chez ou d’appendice produisent en général une inflammation avec
la femme, où il faut rechercher une salpingite par l’examen infiltration de la graisse locale avec parfois présence d’un abcès.
gynécologique systématique. Dans les situations de diagnostic difficile et si un examen TDM
La détection de calculs de la voie biliaire principale en est impossible, une échographie peut être réalisée. Celle-ci est
échographie est plus difficile et reste opérateur-dépendante. Le peu performante pour détecter un pneumopéritoine, mais reste
diagnostic est suspecté sur les perturbations du bilan hépatique l’examen de choix pour mettre en évidence un épanchement
alors que celui-ci est normal lors d’une douleur biliaire simple liquidien intrapéritonéal dont la présence est habituelle dans les
ou lors d’une cholécystite. La caractéristique la plus importante péritonites. Les épanchements sont recherchés dans les sites
du bilan hépatique au cours de la lithiase de la voie biliaire classiques (régions sous-phréniques, espace de Morrisson,
principale est l’extrême variabilité des perturbations, d’un jour gouttières pariétocoliques, cul-de-sac de Douglas). Dans ces
à l’autre ou même entre deux bilans séparés de quelques heures. mêmes situations, il est possible de réaliser des clichés après
Cet élément est utile pour différencier les modifications du absorption de produit de contraste hydrosoluble. Cette techni-
bilan hépatique dues à une pathologie néoplasique hépatobi- que aurait une sensibilité proche de 100 % pour la détection
liaire ou pancréatique, ou à une hépatopathie aiguë (hépatite d’une perforation gastroduodénale [52].
virale par exemple) ou chronique. La TDM a une sensibilité de
80 % avec une spécificité proche de 100 % pour le diagnostic
de calcul de la voie biliaire principale. Bien que sortant du cadre Occlusions intestinales
de l’urgence, l’échoendoscopie biliaire et la cholangiopancréa-
tographie par imagerie par résonance magnétique (bili-IRM) Les occlusions intestinales font partie des urgences chirurgi-
sont les examens les plus sensibles pour la détection des calculs cales les plus fréquentes et peuvent représenter jusqu’à 20 % des
de la voie biliaire principale. La bili-IRM a une sensibilité de admissions d’urgence dans un service de chirurgie. Les causes
90 % pour les calculs cholédociens de plus de 3 mm [43] . sont variées, mais les occlusions du grêle sur bride sont de loin
L’échoendoscopie est l’examen le plus performant [44] mais majoritaires. La définition d’une occlusion est clinique, c’est un
nécessite une anesthésie générale. arrêt du transit, et classiquement le diagnostic repose sur
l’interrogatoire, l’examen clinique et les radiographies d’ASP.

Pancréatites aiguës Occlusions du grêle


Les pancréatites aiguës sont alcooliques ou biliaires dans 80 % Dans les occlusions du grêle sur bride, trois mécanismes sont
des cas. Lorsqu’elle est biliaire, la pancréatite est la conséquence possibles : la plicature, la striction ou le volvulus. Dans une
de la migration d’un calcul au travers du sphincter d’Oddi. Dans occlusion par plicature, l’occlusion peut être complète ou non,
l’exploration d’une pancréatite aiguë, l’échographie a essentiel- il n’y a pas de souffrance intestinale, le risque de gangrène
lement un intérêt étiologique pour rechercher une lithiase pariétale est faible et la possibilité de guérison sous aspiration
biliaire. La TDM est l’examen de choix pour le diagnostic et le digestive est élevée. Les occlusions du grêle par strangulation
bilan d’une pancréatite aiguë quelle que soit son étiologie. La représentent 30 % des occlusions du grêle sur bride et compor-
TDM peut être normale dans environ 20 % des pancréatites tent deux mécanismes différents. Il peut s’agir d’une striction
aiguës. Elle permet de classer la pancréatite selon les critères de serrée, ou d’un volvulus si la torsion de l’axe mésentérique de
Balthazar mais également selon la présence et l’importance l’anse est supérieure à 180°. Dans ces deux cas de strangulation,
d’une éventuelle nécrose glandulaire [45, 46]. Un examen TDM l’occlusion est souvent complète, a peu de chances de céder
trop précoce peut sous-estimer les lésions et doit être au mieux sous aspiration et le risque de gangrène pariétale est élevé,
réalisé 2 à 3 jours après le début des signes cliniques. surtout dans les volvulus. C’est cette éventualité qui a conduit
au dogme de l’intervention en urgence pour toutes les occlu-
sions aiguës du grêle sur bride diagnostiquées. Dans une
Péritonite par perforation digestive occlusion complète, la probabilité d’une strangulation est de
Le cliché standard le plus sensible pour détecter un pneumo- 20 à 40 % et la mortalité des strangulations est de 14,6 % [53,
54] . Dans tous les cas, la palpation des orifices herniaires et
péritoine est celui du thorax, ou mieux, celui centré sur les
coupoles en position debout ou assise, après avoir laissé le d’une ou des éventuelles cicatrices abdominales est fondamen-
patient 5 à 10 minutes dans cette position pour laisser le temps tale devant tout syndrome occlusif pour éliminer tout simple-
à l’air de s’accumuler sous le diaphragme [35]. Si la position ment une hernie ou une éventration étranglée. Cette attitude
debout ou assise ne peut être obtenue, un cliché en décubitus systématique est d’autant plus importante que le patient est
latéral gauche permet de détecter de l’air entre le foie et le obèse car la tuméfaction pariétale n’est pas forcément visible à
diaphragme avec une sensibilité estimée à 38 % [47]. Là encore, la simple inspection.
ce cliché n’est utile que si le patient est laissé dans cette Sur les clichés d’ASP, le diagnostic d’occlusion du grêle repose
position 10 minutes avant l’examen. Si l’on ne dispose que du sur la présence d’anses grêles dilatées (supérieures à 3 cm pour
cliché couché, un pneumopéritoine doit être recherché dans le jéjunum et 2,5 cm pour l’iléon) et de niveaux liquides. Le
l’hypocondre droit, autour du foie (sensibilité de 41 %), ou sous grêle est identifié sur le cliché couché par la visualisation des
la forme d’un surlignement des parois du tube digestif (sensibi- valvules conniventes qui sont complètes allant d’un bord à
lité de 32 %) [48, 49]. l’autre de l’intestin, et sur le cliché debout par les caractéristi-
En pratique, dans les ulcères perforés, un pneumopéritoine ques des niveaux hydroaériques, nombreux, centraux et plus
n’est visible que dans 75 % des cas environ. Lorsque les larges que hauts. Le cliché couché est plus utile que le cliché
données de l’examen clinique sont insuffisantes ou que le debout pour juger de l’importance de la distension ainsi que de
pneumopéritoine est absent, la TDM est l’examen à demander la nature (grêle ou côlon) de l’intestin distendu. Les ASP ont

6 Médecine d’urgence
Stratégie des explorations des douleurs abdominales ¶ 25-050-A-20

une sensibilité de 69 % et une spécificité de 57 % pour le pariétale. Une pneumatose pariétale ou une aéroportie sont
diagnostic d’occlusion du grêle, et sont équivoques dans 20 à considérées comme des signes tardifs d’occlusion du grêle, avec
50 % des cas [55-57]. déjà un stade de gangrène.
Les renseignements fournis par l’examen clinique et les ASP Cependant, malgré les renseignements supplémentaires
peuvent être insuffisants pour prendre une décision thérapeuti- obtenus par la TDM, les ASP restent, à l’heure actuelle, les
que. Le diagnostic d’occlusion du grêle est d’autant plus difficile examens de première intention à réaliser devant une suspicion
que le patient est vu tôt, que l’occlusion est haut située et d’occlusion digestive [61]. Dans une étude récente, la TDM ne
qu’elle est incomplète. Par exemple, une occlusion haute du s’est pas révélée significativement supérieure aux ASP pour le
grêle vue tôt peut masquer son caractère complet par la pré- diagnostic d’occlusion du grêle [62]. Sa capacité à identifier la
sence d’air dans le segment digestif d’aval. La distension cause de l’occlusion la rend surtout utile lorsqu’un traitement
hydroaérique de l’intestin peut être absente, au début d’une spécifique est nécessaire, ou en cas de doute diagnostique.
occlusion haute du grêle, si les vomissements sont importants.
Occlusions coliques
Lors d’une occlusion du grêle par strangulation, l’anse strangu-
lée peut être complètement opaque radiologiquement par Les occlusions coliques sont cinq fois moins fréquentes que
accumulation dans l’anse de sang et de liquide digestif. Il a été celles du grêle [63]. La détermination précise du siège et de la
aussi montré que le diagnostic d’occlusion mécanique du grêle cause de l’occlusion est indispensable au traitement adéquat. Le
par strangulation, par un chirurgien expérimenté, était correct diagnostic repose sur l’analyse des ASP, qui montrent une
dans seulement 48 % des cas [54]. De la même façon, les signes distension colique reconnaissable aux haustrations incomplètes
habituellement utilisés (fièvre, hyperleucocytose, tachycardie, visibles surtout sur le cliché couché. Les niveaux hydroaériques
défense localisée), pour prédire une souffrance pariétale, sont plus hauts que larges et périphériques sont visibles sur le cliché
souvent trop tardifs, car ils témoignent déjà d’une réponse debout. Si la valve iléocæcale est compétente, le cæcum se
inflammatoire à une ischémie qui peut être irréversible [58]. distend et il existe un risque de perforation. Si la valve est
incompétente, le côlon peut se décomprimer dans le grêle
Dans une occlusion du grêle, le but des autres examens
rendant alors le diagnostic d’occlusion colique plus difficile. Un
d’imagerie (transit du grêle, TDM) est d’aider à :
obstacle situé sur la partie toute proximale du côlon (cæcum ou
• authentifier une occlusion du grêle dont la présentation
valve iléocæcale) est responsable d’une distension du grêle et
clinique ou radiologique (ASP) est atypique ; donne donc un tableau d’occlusion du grêle. Les ASP, outre le
• différencier les occlusions complètes des incomplètes ; diagnostic positif, permettent parfois de situer l’endroit de
• juger du mécanisme ; l’occlusion ainsi que le mécanisme. Cependant, un lavement
• juger du degré de souffrance intestinale. opaque ou une TDM abdominale avec opacification concomi-
Environ 46 % des occlusions du grêle vont s’améliorer sous tante du côlon est nécessaire pour différencier formellement le
traitement médical seul dans les 24 premières heures [53]. Dans caractère mécanique ou non de l’occlusion et pour préciser le
la mesure où une occlusion incomplète est rarement une mécanisme et le siège. La localisation précise de l’obstacle et la
strangulation et qu’une occlusion incomplète a une probabilité morphologie générale du côlon sont d’autant plus indispensables
d’amélioration sans intervention dans les 72 heures de 88 %, le à obtenir qu’une colostomie d’amont, par voie élective, est
caractère complet ou non de l’occlusion est un paramètre envisagée comme traitement initial. Le lavement opaque est
essentiel à déterminer. Ce caractère est identifié par la présence actuellement considéré par de nombreuses équipes de radiologie
ou surtout la persistance d’air dans les segments digestifs d’aval comme un examen de deuxième intention dans cette pathologie,
sur des ASP répétés, en l’absence d’indication opératoire car il est pénible pour le patient et difficile à réaliser, notamment
urgente. Certaines équipes proposent d’effectuer un transit du pour les radiologues récemment formés et peu entraînés à
grêle, en général aux hydrosolubles et après clampage de la l’exécuter. De plus, il empêche la réalisation d’une TDM dans un
sonde gastrique, suivi sur des ASP successifs, permettant deuxième temps, alors que la TDM peut être suivie immédiate-
d’affirmer le caractère incomplet de l’occlusion si le produit ment par un lavement en cas de doute. Néanmoins, le lavement
atteint le côlon [59]. La Gastrografine®, par son action péristal- opaque reste l’examen recommandé si l’équipe de radiologie a
tique, peut aggraver les douleurs abdominales mais également peu d’expérience de la TDM dans cette pathologie [60].
faire céder une occlusion incomplète. Par son caractère hype- Pseudo-obstruction colique
rosmolaire, elle peut engendrer des lésions pulmonaires en cas
d’inhalation et aggraver la déshydratation par l’accentuation du La première étape devant une occlusion colique est de
troisième secteur. Enfin, sa dilution dans le liquide de stase différencier une occlusion mécanique d’une pseudo-obstruction.
Dans une pseudo-obstruction, le côlon est globalement distendu
intestinal rend compte de la mauvaise qualité des clichés
sur les ASP, mais fréquemment, l’angle gauche, l’angle droit et
lorsque l’occlusion est loin de l’angle duodénojéjunal.
le rectosigmoïde sont moins intéressés par la dilatation, pouvant
Un examen TDM est actuellement de plus en plus demandé
orienter le diagnostic vers une cause mécanique [64]. Dans la
chez les patients ayant une forme atypique d’occlusion diges- mesure où les occlusions mécaniques et les pseudo-obstructions
tive [60]. Il tend à remplacer le transit du grêle de première du côlon peuvent avoir le même tableau radiologique, d’autres
intention et ne gêne pas sa réalisation ultérieure si besoin, alors explorations sont nécessaires [65]. Un lavement opaque ou une
que l’inverse n’est pas vrai. Le diagnostic d’occlusion du grêle, TDM, avec opacification concomitante du côlon, confirment
sur une TDM, repose sur la présence d’anses grêles dilatées de alors la perméabilité du cadre colique.
plus de 3 cm pour le jéjunum et de 2,5 cm pour l’iléon. Le
diagnostic, de par son caractère mécanique, repose sur le signe Occlusions mécaniques du côlon
cardinal représenté par l’association d’anses plates et d’anses Les occlusions mécaniques du côlon nécessitent en général
dilatées. La TDM a une sensibilité de 90 % à 94 % et une un traitement chirurgical. Les ASP ont une sensibilité de 84 %
spécificité de 96 % pour le diagnostic d’occlusion mécanique du et une spécificité de 72 % pour le diagnostic d’occlusion
grêle. Une occlusion fonctionnelle est évoquée devant une mécanique du côlon, alors que le lavement opaque a une
dilatation diffuse du grêle. Cependant, le diagnostic différentiel sensibilité et une spécificité respectivement de 96 % et 98 % [66]
avec une occlusion mécanique du grêle bas située, par exemple et la TDM de 96 % et 93 % [67]. Le lavement opaque permet de
au niveau de la jonction iléocæcale, doit être évoqué. La TDM déterminer le niveau de l’obstacle dans 100 % des cas et le
permet également d’identifier la cause de l’occlusion dans 73 % diagnostic définitif dans 68 % [37] . La TDM permettrait de
des cas [60] ; celle-ci devant être recherchée au niveau de la zone déterminer le site exact de l’occlusion dans 96 % des cas et la
de transition. S’il existe une zone transitionnelle, mais aucune maladie causale dans 89 % [67, 68]. La TDM est peu performante
masse ou cause d’obstruction, le diagnostic le plus probable est pour le diagnostic d’occlusion incomplète, lorsqu’il n’y a pas de
alors celui d’occlusion du grêle sur bride. Dans ce cas, le second contraste net de distension entre l’amont et l’aval de l’obstruc-
objectif de la TDM est de rechercher des arguments évoquant tion, d’où la règle de toujours distendre le côlon lors de la
une strangulation et d’identifier une ischémie ou une nécrose réalisation d’une TDM pour syndrome occlusif.

Médecine d’urgence 7
25-050-A-20 ¶ Stratégie des explorations des douleurs abdominales

Mis à part les fécalomes, les causes principales d’occlusion abcès périappendiculaire. La TDM est alors supérieure à l’écho-
mécanique du côlon sont les sténoses tumorales et les volvulus. graphie pour mettre en évidence ces complications périappen-
La sémiologie des sténoses coliques malignes ou bénignes sur diculaires [76, 81].
une TDM est identique à celle du lavement. Sur une TDM, un Chez environ un tiers des patients suspects d’appendicite, un
épaississement asymétrique de la paroi colique supérieur à autre diagnostic sera finalement posé. La présence de ganglions
15 mm, étendu sur moins de 15 cm, une zone de transition inflammatoires périappendiculaires et l’absence de signes
brutale, une infiltration de la graisse très localisée et des d’appendicite peuvent faire évoquer le diagnostic d’adénolym-
ganglions, sont évocateurs d’une sténose maligne [68] . Le phite mésentérique. Un épaississement de l’iléon terminal doit
volvulus du côlon est une cause fréquente d’occlusion surtout faire suspecter une iléite de Crohn ou une iléite infectieuse,
chez les patients âgés. Un volvulus colique est une torsion du surtout si des ganglions sont retrouvés. D’autres pathologies de
côlon sur son axe mésocolique de plus de 180°. Le côlon la région iléocæcale doivent être évoquées en fonction du
sigmoïde est intéressé dans 76,2 % des cas, le cæcum dans contexte clinique : colite infectieuse, tuberculose iléocæcale,
21,7 %, le côlon transverse dans 1,9 % et l’angle gauche dans carcinome cæcal perforé, greffe endométriosique.
0,2 % [69].
Ischémies intestinales
Appendicite aiguë Les ischémies intestinales recouvrent plusieurs cadres clini-
ques. On distingue les ischémies mésentériques aiguës, évoluant
L’appendicectomie représente en France 40 % des interven-
le plus souvent vers un infarctus mésentérique, les ischémies
tions de l’abdomen [19] . Pour la majorité des patients, le
mésentériques chroniques, responsables du tableau d’angor
diagnostic ne pose pas de difficulté. Néanmoins, 20 à 30 % des
intestinal et les ischémies coliques, réalisant le plus souvent le
patients ont une présentation clinique atypique [70, 71] , et
tableau de la colite ischémique aiguë. Les deux grands mécanis-
environ 15 à 45 % des patients opérés pour appendicite ne
mes responsables d’ischémie digestive sont les occlusions
présentent pas histologiquement d’inflammation appendicu-
vasculaires et les bas débits mésentériques. L’ischémie entraîne
laire. Un nombre important d’appendicites est diagnostiqué au
une perte de la contractilité digestive, une extravasation
stade de complications (perforation dans 20 % des cas, plastron
liquidienne dans la muqueuse et la sous-muqueuse responsable
ou abcès appendiculaire dans 5 % des cas) [72], entraînant de ce
d’un épaississement de la paroi digestive et des ulcérations
fait une surmorbidité postopératoire. L’ASP ne permet pas le
disséquantes de la muqueuse avec apparition de bulles dans la
diagnostic d’appendicite, sauf lorsqu’un stercolithe calcifié est
sous-muqueuse. Les explorations radiologiques utilisées tradi-
visible. L’échographie [73] s’est imposée ces dernières années
tionnellement dans les ischémies intestinales sont les ASP, le
pour le diagnostic d’appendicite aiguë. Cependant, si la sensi-
lavement opaque et plus rarement l’artériographie mésentéri-
bilité et la spécificité annoncées de cet examen sont respective-
que. Échographie et TDM sont maintenant largement utilisées
ment de 84,7 % et 92,1 % [74], son utilité en pratique courante,
dans cette pathologie.
dans la prise en charge des adultes suspects d’appendicite, reste
controversée. L’échographie ne paraît pas avoir été à l’origine Ischémie de l’intestin grêle
d’une diminution franche du nombre des appendicectomies
inutiles et du délai d’observation préopératoire [75]. Néanmoins, Les ischémies de l’intestin grêle sont difficiles à diagnostiquer
du fait de l’absence d’irradiation, l’échographie reste recom- cliniquement et la mortalité par infarctus augmente rapidement
mandée comme modalité initiale d’imagerie chez les enfants et avec le délai diagnostique. La TDM est la méthode d’imagerie de
chez les femmes jeunes en période d’activité génitale, surtout choix chez les patients suspects d’ischémie de l’intestin
pendant le premier trimestre de la grossesse [76]. grêle [82]. La sémiologie est variable et dépend de l’étiologie, de
L’échographie nécessite une importante expérience. la sévérité et du caractère aigu ou chronique [83]. Les signes
L’appendice normal peut être visualisé dans 80 % des cas, par TDM, devant faire évoquer une ischémie aiguë du grêle, sont
des échographistes très entraînés [77]. L’appendice inflamma- une dilatation diffuse des anses associée à un épaississement
toire ne se comprime pas, alors que le tube digestif normal se plurifocal de leur paroi. Les signes plus spécifiques sont la
laisse déprimer, sa paroi est épaissie de façon circonférentielle visualisation directe d’un vaisseau thrombosé, ou la présence
et son diamètre mesure plus de 6 mm. L’échographie est plus d’air dans le réseau veineux portal [84]. Néanmoins, ces signes ne
sensible que l’ASP pour détecter un stercolithe appendiculaire, sont pas spécifiques. Les causes d’épaississement focal du grêle
qui est toujours le témoin d’une appendicite aiguë, quelle que sont multiples : hémorragie intramurale, tumeurs, pathologies
soit la taille de l’appendice. L’échographie est moins perfor- inflammatoires digestives. Un épaississement diffus de la paroi
mante lorsque l’appendicite est compliquée. La présence de l’intestin grêle peut se rencontrer en cas d’hyponatrémie
d’une masse hypoéchogène périappendiculaire suggère une sévère ou de toute autre cause d’œdème diffus. Des sténoses, ou
perforation avec constitution d’un abcès ou d’un phlegmon des thromboses subaiguës ou chroniques, des artères ou des
périappendiculaire. veines mésentériques, peuvent ne pas entraîner d’infarctus du
Les limites de l’échographie laissent une large place pour la grêle si un réseau collatéral a pu se développer.
TDM dans les cas cliniquement douteux, en particulier chez les
patients âgés ou obèses [76]. Le diagnostic TDM est basé sur la Colite ischémique
visualisation d’un appendice dilaté (> 6 mm), se rehaussant de Contrairement à l’ischémie du grêle, l’ischémie colique n’est
façon très intense après injection de produit de contraste ou sur généralement pas due à une pathologie vaso-occlusive et
la présence d’un stercolithe appendiculaire, ainsi que sur une entraîne rarement un infarctus transmural [85]. Les atteintes sont
infiltration de la graisse périappendiculaire. Bien qu’ayant une généralement segmentaires (5 à 40 cm) et peuvent intéresser
sensibilité et une spécificité respectivement de 87 % à 100 % et toutes les parties du côlon ; le site le plus fréquemment atteint
de 89 % à 97 %, ainsi qu’une valeur prédictive positive et étant la portion distale du côlon gauche dans le territoire de
négative, respectivement de 94 % à 97 % et de 93 % à l’artère mésentérique inférieure [86]. Chez les patients dialysés,
100 % [76, 78, 79], la place de la TDM dans la prise en charge des l’atteinte est préférentiellement colique droite [87, 88] . Si la
patients suspects d’appendicite reste à définir [80]. Une étude [79] coloscopie reste la meilleure technique pour diagnostiquer une
montrait que la réalisation systématique d’une TDM, pour tout ischémie colique, la TDM est souvent demandée en urgence
syndrome appendiculaire, permettrait d’importantes économies pour des patients chez lesquels le diagnostic n’a pas été évoqué.
de santé (45 000 $ par patient aux États-Unis), en évitant une Dans la majorité des institutions, la TDM a remplacé le lave-
appendicectomie dans 13 % des cas et une observation de ment à la Gastrografine® en urgence.
1 jour dans 39 % des cas, ainsi que le traitement immédiat Les ASP des patients atteints de colite ischémique sont en
d’une autre pathologie dans 11 % des cas. général non spécifiques, montrant simplement une distension
Lorsque l’appendicite a été négligée, une perforation peut aérique du côlon [89] . Le signe le plus spécifique de colite
apparaître avec présence d’une masse inflammatoire palpable ischémique est la présence d’image en « empreintes de pouce »
dans la fosse iliaque droite [73] témoin d’un phlegmon ou d’un sur les bords du côlon. Ces images sont dues à l’œdème et

8 Médecine d’urgence
Stratégie des explorations des douleurs abdominales ¶ 25-050-A-20

l’hémorragie sous-muqueuse, réalisant des empreintes arrondies d’une dilatation pyélo-urétérale, d’une démodulation des jets
de densité tissulaire, qui s’opposent à la lumière du côlon, qui urétéraux et d’une asymétrie des index de résistance vasculaire
elle est remplie d’air. Ce signe n’est présent que chez 21 % des intrarénaux.
patients atteints de colite ischémique et souvent seulement Chez les femmes en période d’activité génitale, l’échographie
pendant les trois premiers jours de la maladie [38]. Un autre pelvienne doit être complétée par une exploration endovagi-
signe dû à l’œdème pariétal et au spasme est un aspect rigide nale. L’échographie endovaginale est l’examen de choix pour
du côlon, rétréci et sans haustration. De l’air dans la paroi confirmer le diagnostic de grossesse extra-utérine chez une
colique ou dans la veine porte indique un infarctus colique. femme ayant un test de grossesse positif. Dans une étude [98],
Une colectasie est possible dans les formes sévères de colite cet examen avait une sensibilité de 100 %, une spécificité de
ischémique aiguë. Sur un lavement opaque, les images en 98,2 %, une valeur prédictive positive de 98 % et négative de
« empreintes de pouce » sont visibles chez 75 % des patients 100 %. Le diagnostic repose sur la mise en évidence d’une
dans la semaine qui suit le début de la maladie [90]. La TDM masse paraovarienne kystique à paroi épaissie. La présence d’un
évoque le diagnostic de colite ischémique en montrant un épanchement libre est moins sensible (84 %). L’embryon extra-
épaississement pariétal segmentaire circonférenciel et symétri- utérin n’est que rarement identifié. Si le test de grossesse est
que de la paroi du côlon, avec un épaississement des plis négatif, un kyste ovarien compliqué de rupture ou de tor-
d’aspect pseudonodulaire, correspondant aux « empreintes de sion [99], ou une salpingite [100] doivent être évoqués.
pouce » [91]. Il peut s’y associer un aspect en double-contour, dû
à l’œdème sous-muqueux, ou un rétrécissement de la lumière.
L’épaississement de la paroi du côlon n’est pas spécifique, il ■ Conclusion
peut se voir dans la sigmoïdite, la maladie de Crohn, les L’examen clinique reste, en pathologie abdominale aiguë, un
lymphomes ou les cancers. L’infarcissement transmural est rare des éléments clés de la démarche diagnostique. Cependant,
en cas d’ischémie colique. Lorsqu’il est présent, il est évoqué sur lorsque la symptomatologie est peu claire ou que le diagnostic
la TDM en présence d’une pneumatose pariétale ou d’une est incertain, des examens complémentaires doivent être réalisés
aéroportie. et leurs résultats confrontés avec les données cliniques. Après
l’ASP, qui est peu informatif s’il est prescrit en dehors d’indica-
Maladie diverticulaire colique compliquée tions bien précises, le développement de l’échographie et de la
TDM, dans les situations d’urgence, a entraîné une modification
L’inflammation d’un diverticule, en général sigmoïdien, par très importante de l’approche des abdomens aigus. D’autres
enclavement d’un stercolithe provoque une microperforation, examens (coloscopie, fibroscopie, transit du grêle, lavement aux
responsable d’une inflammation péridiverticulaire, produisant hydrosolubles, voire artériographie), parfois plus spécifiques,
un épaississement de la paroi du côlon et de la graisse péricoli- mais souvent plus invasifs, ne sont alors utilisés qu’en deuxième
que. Cette perforation peut également être responsable d’un intention. L’emploi facilité de l’imagerie en coupe permet de
abcès péricolique ou d’une péritonite. Les ASP ont peu d’intérêt redresser de nombreux diagnostics, d’éviter une cœlioscopie ou
dans la prise en charge de patients ayant une suspicion de une laparotomie exploratrice, et de prendre plus rapidement en
maladie diverticulaire compliquée, sauf s’ils montrent un charge les patients, réduisant ainsi la morbidité des retards
pneumopéritoine ou des signes d’obstruction digestive (iléus du diagnostiques et les coûts des traitements.
grêle par accolement sur le côlon inflammatoire, obstruction .

colique par sténose diverticulaire). Ils peuvent montrer une


masse tissulaire, des bulles d’air extracoliques ou en cas d’abcès,
un niveau hydroaérique. Le lavement opaque, en général aux
■ Références
hydrosolubles, est un examen très utile pour le diagnostic de [1] Brewer RJ, Golden GT, Hitch DC, Rudolf LE, Wangensteen SL. Abdo-
diverticulite lorsqu’il est associé à la clinique. En authentifiant minal pain: an analysis of 1 000 consecutive cases in a university
des diverticules dans un contexte évocateur de douleur fébrile hospital emergency room. Am J Surg 1976;131:219-23.
de la fosse iliaque gauche, il permet le diagnostic de sigmoï- [2] Sturman MF. Medical imaging in acute abdominal pain. Compr Ther
dite [92]. La TDM est actuellement un examen clé de la prise en 1991;17:15-21.
charge de la pathologie diverticulaire compliquée, car elle [3] Sanson TG, O’Keefe KP. Evaluation of abdominal pain in the elderly.
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graisse péricolique. La sensibilité de la TDM pour le diagnostic [6] Karcz A, Holbrook J, Auerbach BS, Blau ML, Bulat PI, Davidson A,
de diverticulite est de 97 % [93] . La présence d’une graisse et al. Preventability of malpractice claims in emergency medicine: a
péricolique anormale est le signe le plus sensible et le plus closed claims study. Ann Emerg Med 1990;19:865-73.
spécifique [68]. Une fistule colovésicale est identifiée devant la [7] Physicians AcoE. Clinical policy; critical issues for the initial
présence d’air dans la vessie associée à un accolement du evaluation and management of patients presenting with a chief
sigmoïde pathologique contre la paroi vésicale [94]. L’échogra- complaint of nontraumatic acute abdominal pain. Ann Emerg Med
phie aurait une sensibilité de 98,1 % et une spécificité de 2000;36:406-15.
97,5 % pour le diagnostic de diverticulite, mais elle nécessite un [8] Lawrence PC, Clifford PC, Taylor IF. Acute abdominal pain: computer-
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néphrétique et de pyélonéphrite [96] . Pour le diagnostic de
[12] de Dombal FT. Diagnosis of acute abdominal pain. New York:
colique néphrétique, cet examen a une sensibilité, une spécifi- Churchill Livingstone; 1991.
cité et une valeur prédictive positive respectivement de 97 %, [13] Yamamoto W, Kono H, Maekawa M, Fukui T. The relationship between
94 % et 90 % [97]. L’échographie est une technique beaucoup abdominal pain regions and specific diseases: an epidemiologic
moins sensible pour détecter une obstruction urétérale. En effet, approach to clinical practice. J Epidemiol 1997;7:27-32.
l’uretère est inaccessible à l’échographie sur la plus grande partie [14] Flack B, Rowley VA. Acute abdomen: plain film utilization and
de son trajet et seuls les calculs situés à ses extrémités, pyélo- analysis. Can Assoc Radiol J 1993;44:423-8.
urétérale ou urétérovésicale, peuvent être identifiés. Les signes [15] Parker JS, Vukov LF, Wollan PC. Abdominal pain in the elderly: use of
indirects d’obstruction pyélocalicielle ne sont présents qu’après temperature and laboratory testing to screen for surgical disease. Fam
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Médecine d’urgence 9
25-050-A-20 ¶ Stratégie des explorations des douleurs abdominales

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Stratégie des explorations des douleurs abdominales ¶ 25-050-A-20

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P. Wind.
Service de chirurgie digestive et générale, Hôpital Avicenne,125, route de Stalingrad, 93009 Bobigny, France.
G. Malamut.
Service de gastro-entérologie, Hôpital Européen Georges Pompidou, 20, rue Leblanc, 75908 Paris cedex 15, France.
C.-A. Cuénod.
Service de radiologie, Hôpital Européen Georges Pompidou, 20, rue Leblanc, 75908 Paris cedex 15, France.
J. Bénichou.
Service de chirurgie digestive et générale, Hôpital Avicenne,125, route de Stalingrad, 93009 Bobigny, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Wind P., Malamut G., Cuénod C.-A., Bénichou J. Stratégie des explorations des douleurs abdominales.
EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Médecine d’urgence, 25-050-A-20, 2007.

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Médecine d’urgence 11
¶ 25-050-A-30

Syndromes occlusifs
L. Chiche, G. Lebreton, V. Le Pennec

Les syndromes occlusifs, définis par l’arrêt complet du transit intestinal, regroupent quatre signes
cliniques élémentaires : l’arrêt des matières et des gaz, les vomissements, la douleur et le météorisme
abdominal, d’expression variable selon l’étiologie. Il s’agit d’un des tableaux d’urgence abdominale les
plus fréquents, requérant une prise en charge médicochirurgicale rapide et adaptée. On distingue les
occlusions fonctionnelles (paralysie) des occlusions mécaniques (obstruction, strangulation) dont le
risque est la nécrose et la perforation, complications possiblement létales. L’objectif principal devant un
syndrome occlusif est de distinguer celui qui nécessite un geste chirurgical urgent, ce qui consiste à
reconnaître les occlusions mécaniques et à en rechercher les signes de gravité. L’examen clinique et la
radiographie d’abdomen sans préparation, parfois suffisants pour prendre une décision chirurgicale,
permettent, sinon, d’orienter vers d’éventuels examens complémentaires, dont principalement
aujourd’hui le scanner multibarrettes, qui peut effectuer un diagnostic étiologique précis. Les causes
d’occlusion du grêle sont nombreuses, brides et hernies en tête. Le problème est moins dans le geste que
dans la décision opératoire (opportunité et délai). Les occlusions coliques sont le plus souvent dues à une
obstruction (cancers, sténoses inflammatoires), et aux volvulus. Leur traitement va de la colostomie à la
colectomie partielle ou totale, selon le terrain, les caractéristiques de l’occlusion et le stade de la maladie
sous-jacente. Les occlusions fonctionnelles imposent la recherche d’une cause médicale ou chirurgicale
car leur prise en charge repose sur le traitement de celle-ci.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Occlusion du grêle ; Occlusion du côlon ; Iléus ; Douleur abdominale ; Volvulus ; Colostomie ;
Scanner

Plan étiologies, ce qui en fait la troisième cause de douleur abdomi-


nale aiguë après l’appendicite et la cholécystite. Cette propor-
¶ Introduction 1
tion augmente avec l’âge (jusqu’à 20 %), sachant que si les
occlusions du grêle s’observent à tout âge, les occlusions
¶ Physiopathologie 1 coliques sont plus fréquentes à partir de 50 ans avec un pic
Mécanismes et causes de l’occlusion 1 dans la 7e décennie [1]. Sa prise en charge requiert la connais-
Conséquences de l’occlusion 2 sance des mécanismes physiopathologiques impliqués dans la
¶ Diagnostic 3 survenue et les conséquences d’une occlusion. L’approche
Étapes diagnostiques 3 diagnostique doit être rapide, pragmatique et la prise en charge
Moyens diagnostiques 3 médicochirurgicale.
Stratégie diagnostique 7
¶ Traitement 7
Principes généraux
Traitements spécifiques de l’occlusion du grêle
7
8
■ Physiopathologie
Traitements spécifiques de l’occlusion du côlon 10
¶ Conclusion 11 Mécanismes et causes de l’occlusion
Les trois grands mécanismes de l’occlusion sont l’obstruction,
l’étranglement et la paralysie, mais, de façon plus pratique, on
distingue deux entités distinctes.
■ Introduction
Occlusion fonctionnelle
Le syndrome occlusif correspond à une interruption patholo-
gique du transit intestinal. Il est défini par l’arrêt complet des L’occlusion fonctionnelle est en rapport avec une anomalie
matières et des gaz. Il peut s’agir d’un tableau aigu et brutal ou de contractilité de l’intestin sans atteinte anatomique vraie, liée
d’installation plus progressive, intéresser le grêle ou le côlon. Ses à un trouble métabolique (hypokaliémie), à une cause médica-
mécanismes et ses causes sont multiples. Au sein des « abdo- menteuse (morphiniques, neuroleptiques) ou à un phénomène
mens aigus » de l’adulte, l’occlusion correspond à 10 % des aigu inflammatoire ou infectieux, en général intra-abdominal

Médecine d’urgence 1
25-050-A-30 ¶ Syndromes occlusifs

Tableau 1.
Classification des causes des occlusions selon le mécanisme.
Mécanisme Causes d’occlusion du grêle Causes d’occlusion du côlon
Mécanique Bride, hernie, éventration Sténose tumorale (cancer du côlon) ou inflammatoire (pseudotu-
Sténose (tumeur, carcinose) meur ou sténose, maladie de Crohn, RCH)
Invagination
Corps étranger (iléus biliaire, phytobézoard, parasites)
Vasculaire Ischémie artérielle Ischémie ou nécrose colique
Ischémie veineuse
Mixte Volvulus du grêle sur bride Colite aiguë
Volvulus du côlon
Fonctionnelle Inflammatoire (colique néphrétique, pancréatite, postopératoire) Syndrome d’Ogilvie (métabolique, médicamenteux ...)
Infectieuse (appendicite, sigmoïdite)
Métabolique (hypokaliémie) médicamenteuse
RCH : rectocolite hémorragique.

Ischémie artérielle
Bride, hernie
Thrombose veineuse

Volvulus

Obstacle

Souffrance vasculaire
Distension Ischémie artérielle
/stase veineuse

Troisième secteur
Hypersécrétion réflexe
Accumulation liquide digestif,
fermentation, gaz
Translocation bactérienne

Troubles de la
perméabilité Hypoxie
capillaire

Figure 1. Physiopathologie de l’occlusion du grêle.

mais qui peut être extra-abdominal. Ce type d’occlusion est dû les capillaires pariétaux, ce qui a pour effet d’entraîner une stase
à la mise en action du système autonome digestif (sympathique veineuse, un œdème pariétal et rapidement une hypoxie à
et parasympathique). l’échelon cellulaire, qui, elle-même, entraîne des troubles de la
perméabilité capillaire, d’où une hypersécrétion réflexe avec
Occlusion mécanique fermentation, ce qui majore la distension.

L’occlusion mécanique est en rapport avec un obstacle ou


une souffrance intestinale localisée.
Conséquences de l’occlusion
Les causes sont multiples, de la bride à la hernie étranglée en
passant par l’obstacle endoluminal, grêle ou colique (Tableau 1). Conséquences intestinales
Les deux mécanismes physiopathologiques sont parfois En cas de phénomène vasculaire premier (strangulation,
d’emblée intriqués, l’un mécanique (obstruction de la lumière) embolie vasculaire), le risque majeur est la souffrance ischémi-
et l’autre vasculaire (souffrance anoxique pariétale ou d’origine que rapide du segment concerné aboutissant à une nécrose
vasculaire). Le cas le plus démonstratif est le volvulus qui intestinale. Parfois, cette nécrose intéresse un fragment court
correspond à la torsion d’une anse digestive sur son axe comme l’anneau de striction dans une hernie, parfois, il s’agit
vasculaire. Il en résulte un obstacle luminal et surtout un arrêt de plusieurs anses intestinales dans les volvulus [2]. La nécrose
de la vascularisation du segment volvulé, appelé strangulation. est alors la cause immédiate d’une perforation, parfois au début
Le trouble vasculaire peut aussi être le primum movens, comme « bouchée » par des accolements inflammatoires. En cas de
dans l’infarctus mésentérique. phénomène obstructif simple du grêle, la distension en amont
Cependant, tôt ou tard, dans un obstacle mécanique, la s’aggrave et se propage mais les vomissements constituent une
souffrance vasculaire survient, entraînant un cercle vicieux soupape, évitant une perforation en amont. À l’inverse, dans
représenté dans la Figure 1. l’occlusion colique, en cas de valvule de Bauhin continente, les
La distension intestinale, due à l’accumulation de liquides liquides, les matières et les gaz de fermentation ne peuvent
digestifs et de gaz, entraîne un hyperpéristaltisme réflexe s’évacuer et le risque majeur devient la perforation diastatique.
d’amont dans un premier temps puis rapidement une atonie Cette perforation survient souvent au niveau de zones de
avec hyperpression intraluminale. Cette tension pariétale aplatit nécrose pariétale.

2 Médecine d’urgence
Syndromes occlusifs ¶ 25-050-A-30

La perforation intestinale d’une occlusion est une complica- Les occlusions fonctionnelles concernent en général le grêle
tion gravissime car il y a issue, sous pression, du contenu de mais peuvent aussi concerner le côlon : c’est le cas du syndrome
l’intestin occlus, fait de liquide intestinal en stase, fermenté, d’Ogilvie.
hautement septique. L’occlusion mécanique est en général cliniquement et radio-
logiquement plus franche.
Conséquences générales
En cas d’occlusion, la première conséquence est la douleur : le Quelle est sa gravité ?
mécanisme de cette douleur est complexe, en relation avec le L’occlusion est une urgence thérapeutique, le plus souvent
système nociceptif et autonome [3]. La distension aiguë d’un chirurgicale. Un retard diagnostique et de prise en charge peut
viscère entraîne une douleur intense, souvent diffuse, et cette être lourd de conséquences voire mortel, soit en raison d’une
douleur est soulagée par tout processus diminuant cette disten- nécrose intestinale étendue qui obligera à réaliser une résection
sion (vomissement et sonde gastrique). Cependant, une partie importante de grêle, soit en raison d’une perforation transfor-
de la douleur vient également de la souffrance ischémique qui mant l’occlusion en une péritonite stercorale grave. Il faut donc
est, elle, tenace, intense et peu sensible au traitement médical. d’emblée rechercher les éléments de gravité qui imposent une
Cela explique que les occlusions les plus douloureuses soient intervention en urgence. Ces éléments sont cliniques (début
celles des ischémies mésentériques. brutal et douleur intense, constante, vomissements fécaloïdes,
Le deuxième phénomène constant est la déshydratation due aux défense, fièvre), biologiques (acidose) et radiologiques (niveaux
vomissements (plus ou moins précoces) et surtout à la constitu- francs, degré de dilatation, aéroportie).
tion d’un troisième secteur (hypersécrétion hydrosodée trappée
dans le tube digestif avec incapacité de réabsorption du fait des Quel est son siège : grêle ou colon ?
troubles circulatoires). Deux mécanismes peuvent être ensuite à Cette distinction, première étape de l’enquête étiologique, est
l’origine d’un choc en dehors d’une hypovolémie profonde : la importante pour décider des mesures thérapeutiques. Certains
fermentation du contenu digestif avec production de toxines par la éléments cliniques peuvent orienter (tympanisme et distension
pullulation microbienne, toxines qui passent dans la circulation abdominale plus francs dans l’occlusion colique, précocité et
générale (translocation bactérienne) et/ou la survenue d’une abondances des vomissements dans l’occlusion haute), mais
ischémie viscérale puis d’une nécrose, avec mise en route des c’est la radiologie qui tranchera.
voies anaérobies, ce qui explique la survenue d’une aéroportie [2,
4]. Sur le plan général, apparaît alors une acidose métabolique
Quelle est sa cause ?
dont le premier signe biologique est la baisse de la réserve
Le simple examen clinique peut résoudre le problème dans
alcaline, parfois masquée par l’importance des vomissements.
certains cas (cicatrice ou hernie étranglée) sinon le scanner
L’état de choc vient alors majorer l’ischémie splanchnique.
et/ou l’intervention chirurgicale donneront la solution.

■ Diagnostic
Étapes diagnostiques “ Conduite à tenir
Le diagnostic d’un syndrome occlusif comprend le diagnostic
positif, le diagnostic de gravité et le diagnostic étiologique. Il se Les étapes du raisonnement diagnostique sont :
décompose en cinq étapes, chacune devant répondre à une • faire le diagnostic de syndrome occlusif ;
question. • distinguer une cause fonctionnelle d’une cause
mécanique ;
S’agit-il bien d’un syndrome occlusif ?
• rechercher des signes de gravité de l’occlusion ;
Pour parler d’un syndrome occlusif, il est impératif d’avoir un • déterminer le siège (grêle ou côlon) ;
arrêt des gaz : celui-ci peut être net et noté par le patient qui • rechercher la cause.
sent que l’émission de gaz le soulagerait. Il peut être plus
difficile à mettre en évidence en cas de patient difficilement
interrogeable ou en état de choc. L’absence des selles n’est pas
suffisante pour parler de syndrome occlusif et il peut même y Moyens diagnostiques
avoir une persistance trompeuse de selles due à la vidange du
segment d’aval. Clinique
En général, la douleur est un élément constant sauf, parfois, Elle est fondamentale, indispensable dans tous les cas et
dans certaines occlusions d’installation progressive colique ou parfois suffisante.
du grêle (carcinose). Le syndrome occlusif est une définition clinique : arrêt du
transit, douleur, météorisme et vomissements sont les quatre
L’occlusion est-elle mécanique ou fonctionnelle ? mots clés mais les différents signes sont plus ou moins marqués
L’occlusion fonctionnelle est en générale reconnaissable car selon le mécanisme de l’occlusion : obstruction, étranglement,
elle s’intègre dans un contexte clinique particulier (sepsis, paralysie (Tableau 2). Par ailleurs, les tableaux sont parfois
pancréatite, iléus postopératoire). Plusieurs caractéristiques tronqués et l’absence d’un ou de plusieurs signes peut être
cliniques et radiologiques permettent d’orienter le diagnostic. trompeuse.

Tableau 2.
Caractéristiques sémiologiques des occlusions.
Obstruction Étranglement Paralysie
Arrêt transit Précoce (côlon) Attention au faux transit Net
Plus tardif (grêle)
Vomissements ± Tardifs, abondants, fécaloïdes Clairs, précoces Inconstants, clairs
Douleur Spasmes, pas de défense Douleur aiguë, brutale constante, signes locaux Douleur aiguë en rapport avec la cause
Météorisme Dépend du niveau Idem Minime
Absent (jéjunum)
Monstrueux (côlon)

Médecine d’urgence 3
25-050-A-30 ¶ Syndromes occlusifs

Tableau 3.
Apport de la clinique dans l’approche diagnostique.
Diagnostic Positif De gravité Étiologique
Terrain Épisodes similaires antérieurs Vieillard Terrain vasculaire
Immunodéprimé Chirurgie abdominale
Interrogatoire Arrêt des gaz Début brutal ATCD chirurgicaux
Délai long/douleur Médicaments
Intensité douleur Troubles récents du transit, méléna
Inspection Météorisme Déshydratation, signes de choc Cicatrice
Fièvre Hernie étranglée
Vomissements fécaloïdes Asymétrie abdominale (volvulus colique)
Percussion Tympanisme – Tympanisme localisé
Auscultation Bruits de lutte Silence Bruits de lutte (obstruction)
Silence
Palpation Hernie étranglée Défense, contracture (signe de perforation) Orifices herniaires
Sang au TR (ischémie) Boudin d’invagination
Tumeur, sang au TR
ATCD : antécédents chirurgicaux ; TR : toucher rectal.

Tableau 4.
Sémiologie radiologique comparative.
Positif Signe de gravité Étiologique
Grêle Distension estomac, jéjunum et iléon, niveaux Œdème pariétal Cause vasculaire (thrombose artérielle ou veineuse)
Signe de souffrance Zone de transition (bride), torsion du mésentère
Pneumatose Hernie interne
Aéroportie Corps étranger
Pneumopéritoine Image d’invagination
Côlon Distension et niveaux coliques Mesure du cæcum Visualisation du volvulus du côlon
Étude des parois coliques Signe direct du cancer du côlon
Pneumopéritoine

L’arrêt du transit peut être difficile à apprécier par défaut Biologie


d’interrogatoire ou dans les occlusions hautes car il y a vidange
Elle permet d’évaluer le retentissement de l’occlusion en
du segment d’aval.
montrant :
La douleur est quasi constante en cas d’occlusion mécanique. • des signes de déshydratation extracellulaire (hémoconcentra-
Il faut analyser : tion, insuffisance rénale fonctionnelle) ;
• son début (brutal : volvulus, ischémie, ou progressif : obstruc- • des signes de gravité (nécrose) : hyperleucocytose (à interpré-
tion) ; ter en tenant compte de la déshydratation) et acidose
• son mode évolutif : évolution par spasmes puis mode cons- métabolique.
tant ; Elle apporte parfois quelques éléments étiologiques (anémie
d’un cancer du côlon).
• son intensité, qui doit être cotée par une échelle analogique :
une douleur très intense devant faire craindre un phénomène Radiologie (Tableau 4)
ischémique ;
Radiographie conventionnelle de l’abdomen (abdomen sans
• sa localisation initiale car rapidement elle évolue de façon préparation)
diffuse ou, dans les occlusions coliques, se localise à l’endroit
de la distension maximale (cæcum). L’idéal est d’avoir un cliché couché et debout incluant les
coupoles diaphragmatiques. Si le patient ne peut supporter la
Toutefois, la douleur peut manquer chez les personnes âgées, position debout, on réalisera un cliché en position couchée avec
non interrogeables, les patients neurologiques ou sous immu- rayon directeur vertical couplé à un cliché en décubitus dorsal
nosuppresseurs ou dans les occlusions d’installation très gauche avec rayon directeur horizontal. Classiquement, les
progressive. occlusions de l’intestin grêle se manifestent par des niveaux
Les vomissements sont, en cas d’occlusions du grêle précoce, centraux, plus larges que hauts mais le meilleur signe distinctif
abondants et secondairement fécaloïdes ; en cas d’occlusion est le plissement lié aux valvules conniventes (bandes radio-
colique, ils peuvent être absents ou survenir tardivement si la opaques occupant toute la largeur de l’anse) (Fig. 2). Un cliché
valvule de Bauhin est forcée. Un autre piège est le patient opéré uniformément opaque peut être faussement rassurant, en
de l’estomac (reflux, gastrectomie) car il ne pourra vomir. rapport avec une distension essentiellement liquidienne.
Les occlusions du côlon se manifestent soit par une anse
La distension abdominale est un signe classique et précieux
unique en arceau (volvulus), soit par des niveaux hydroaériques,
dans les occlusions coliques, son aspect asymétrique pouvant périphériques en cadre, plus hauts que larges où l’on reconnaît
faire évoquer un volvulus colique. Cependant, cette distension facilement les haustrations coliques, ne traversant pas toute la
peut être minime en cas de volvulus du grêle, surtout en cas largeur de la clarté (Fig. 3).
d’atteinte du jéjunum ou dans les cas de volvulus complet sur Une occlusion fonctionnelle est reconnaissable par une
mésentère commun. distension grêle et/ou colique avec présence d’air dans le
Le Tableau 3 synthétise l’apport de l’examen clinique. rectum.

4 Médecine d’urgence
Syndromes occlusifs ¶ 25-050-A-30

Figure 2. Occlusion aiguë du grêle. Abdomen sans préparation face


debout : niveaux hydroaériques centraux plus larges que hauts. Notez
l’aspect des valvules conniventes qui traversent les anses dans leur largeur.

Figure 4. Occlusion aiguë du grêle. Tomodensitométrie, reconstruc-


tion coronale. Distension liquidienne du grêle.

Figure 3. Occlusion colique aiguë. Abdomen sans préparation face


debout : niveaux hydroaériques périphériques plus hauts que larges,
haustrations coliques (bandes radio-opaques incomplètes). Figure 5. Occlusion aiguë du grêle sur bride. Tomodensitométrie injec-
tée, reconstruction coronale oblique. La zone transitionnelle correspond à
la jonction entre grêle plat et grêle distendu.
Tomodensitométrie abdominopelvienne
Grâce aux évolutions techniques et informatiques récentes du
scanner hélicoïdal multidétecteurs, combinant rapidité d’acqui- On peut décomposer cette acquisition en un balayage « arté-
sition, suivi de bolus de contraste iodé et imagerie isotropique riel » 30-40 secondes après le début de l’injection, puis en un
avec reconstructions multiplanaires [5], le scanner a pris une balayage à 70-90 secondes afin d’obtenir un rehaussement
place importante dans le diagnostic et le bilan de gravité d’un tissulaire maximal, de mettre en évidence une occlusion
syndrome occlusif aigu. L’imagerie conventionnelle garde vasculaire artérielle ou veineuse.
encore une valeur d’orientation devant un tableau abdominal Résultats. L’examen tomodensitométrique fait le diagnostic
aigu. positif du syndrome occlusif, permet de déterminer son siège,
Technique du scanner. Une première acquisition abdomino- donne des arguments déterminants sur sa cause et peut montrer
pelvienne sans injection de contraste iodé est systématique afin des signes de gravité [5-10].
d’orienter le diagnostic, de situer le niveau d’occlusion, de Le diagnostic positif d’occlusion intestinale aiguë au scanner
rechercher certaines étiologies (hématome) et détecter de l’air repose sur la mise en évidence d’une distension digestive avec
extradigestif. Une seconde acquisition sera réalisée après des diamètres de plus de 25 mm pour l’intestin grêle (Fig. 4) et
injection de 90 à 120 ml de produit de contraste iodé par une de plus de 60 mm pour le côlon [7].
bonne voie d’abord veineuse (cathlon 20G). Avant de faire cette Le siège de l’occlusion correspond à la « zone transition-
injection iodée, il convient de s’assurer de l’absence d’allergie nelle » : elle se manifeste par une alternance entre une anse
prouvée à l’iode et de contrôler la fonction rénale. Une insuffi- plate et une anse distendue. Elle est recherchée de façon
sance rénale modérée due à la déshydratation ne constitue pas systématique en visualisant le cadre rectocolique de l’anus
une contre-indication mais il est nécessaire de bien hydrater le jusqu’à la dernière anse grêle, puis le cadre duodénal, le
patient avant de pratiquer l’injection iodée. En revanche, en cas jéjunum et l’iléon, en s’aidant éventuellement des reconstruc-
d’insuffisance rénale marquée et/ou organique, l’injection d’iode tions tridimensionnelles (Fig. 5).
doit être évitée mais peut être discutée entre clinicien et Un certain nombre de causes d’occlusion sont de diagnostic
radiologue afin d’évaluer le rapport risque/bénéfice de l’examen aisé grâce à la mise en évidence des causes endoluminales
scanographique. (image du boudin d’invagination, sténose en relation avec un

Médecine d’urgence 5
25-050-A-30 ¶ Syndromes occlusifs

Figure 8. Occlusion fonctionnelle du grêle. Tomodensitométrie injec-


tée, reconstruction axiale oblique. Distension grêle aiguë au contact d’une
sigmoïdite diverticulaire abcédée (flèches : anses avec double contour et
abcès périsigmoïdien).

Figure 6. Occlusion aiguë du grêle sur bride. Tomodensitométrie injec-


tée, reconstruction sagittale. Anses grêles distendues, aspect radiaire du
mésentère et de ses vaisseaux à proximité de la zone d’étranglement.

Figure 9. Occlusion aiguë du grêle par ischémie artérielle. Tomodensi-


tométrie injectée, coupe axiale. Anses grêles distendues à parois virtuelles
non rehaussées par le produit de contraste.

du mésentère avec aspect flou et dilatation des veines


mésentériques, un épanchement intrapéritonéal transsuda-
Figure 7. Volvulus du grêle sur bride. Tomodensitométrie injectée, tif abondant ;
coupes axiale et coronale oblique. Enroulement des vaisseaux mésentéri-
C la nécrose transmurale par ischémie artérielle avec un
ques : signe du « tourbillon ».
amincissement pariétal digestif, un retard ou une absence
de rehaussement après injection, une infiltration hydrique
du mésentère, un épanchement intrapéritonéal, une
cancer du côlon), des causes pariétales (hématome), et des pneumatose pariétale, un pneumopéritoine, une aéroportie,
causes exoluminales (compression, carcinose). Une disposition une aéromésentérie inconstante (Fig. 9, 10).
en C ou en U des anses distendues, un aspect radiaire des
vaisseaux mésentériques vers les anses grêles dilatées (Fig. 6), un Opacifications
« signe du bec » sont en faveur d’un étranglement. Le « signe du Opacifications par ingestion de produit radio-opaque.
tourbillon » correspond à un enroulement des structures Dans certaines occlusions du grêle dues à des brides ou dans des
vasculaires du mésentère convergeant vers le site de torsion. Il occlusions postopératoires, lorsque l’aspiration est efficace sur la
est caractéristique du volvulus intestinal [8] (Fig. 7). Le scanner douleur, qu’il n’existe aucun facteur de gravité mais que
est particulièrement utile dans le diagnostic des hernies inter- l’occlusion ne se lève pas, l’ingestion de gastrograffine peut se
nes, des pathologies vasculaires [9] et permet également de révéler utile, à la fois sur un plan diagnostique mais également
redresser le diagnostic dans une occlusion du grêle en réalité thérapeutique. En effet, cette opacification peut montrer un
fonctionnelle en mettant en évidence le foyer infectieux obstacle complet et ainsi faire porter l’indication opératoire. Elle
peut également démontrer le caractère incomplet de l’occlusion
(Fig. 8).
quand le côlon s’opacifie dans les 24 heures et accélérer la
Enfin on recherchera des signes de gravité :
résolution du syndrome occlusif (effet d’hyperosmolarité).
• l’importance de la distension : une distension cæcale de plus Plusieurs études prospectives, dont certaines randomisées, ont
de 9 cm doit faire craindre une perforation ; montré que cette procédure permettait d’éviter la chirurgie dans
• la souffrance pariétale [10] : on distingue : un pourcentage de cas non négligeable et réduisait le temps
C la congestion veineuse intestinomésentérique associant un d’hospitalisation [11-13].
épaississement pariétal circonférentiel en « cible » par Opacifications par lavement. Elles peuvent être demandées
œdème sous-muqueux des anses, une perte de transparence dans les occlusions coliques pour déterminer l’existence d’un

6 Médecine d’urgence
Syndromes occlusifs ¶ 25-050-A-30

Pour le diagnostic étiologique, parfois l’ASP sera suffisant


(volvulus), mais pour déterminer la nature de l’obstacle, là
encore, le scanner sera le plus informatif. Cependant, pour la
prise en charge thérapeutique, le niveau de l’obstacle est la
donnée la plus importante et certains ont encore recours à un
lavement aux hydrosolubles.

“ Point important
L’occlusion mécanique du grêle se définit par les
éléments cliniques suivants :
• la douleur est constante et aiguë ;
• les vomissements sont précoces, abondants,
éventuellement fécaloïdes ;
• l’arrêt du transit peut être retardé ;
• le météorisme peut manquer ;
• la recherche d’une cicatrice abdominale et l’examen
Figure 10. Occlusion aiguë du grêle par ischémie artérielle. Tomoden-
des orifices herniaires sont essentiels ;
sitométrie injectée, coupe axiale. Aéroportie.
• à l’ASP, les niveaux, plus larges que hauts, sont centraux
et comportent des stries continues.
obstacle et son niveau. Elles ont un peu perdu de leur utilité
avec le développement du scanner. Le lavement, s’il est
demandé, doit être réalisé prudemment, aux hydrosolubles, sans
hyperpression, et sans essayer de forcer l’obstacle. Son but est de
confirmer l’obstacle, d’estimer son caractère complet, et surtout
son siège, ce qui oriente l’acte chirurgical. Dans de rares cas, il “ Point important
peut être thérapeutique (réduction d’un volvulus incomplet,
d’une invagination). L’occlusion mécanique du côlon se définit par les
éléments cliniques suivants :
Échographie
• les vomissements sont absents ou retardés ;
Sa place, dans le syndrome occlusif, est très restreinte, elle • l’arrêt du transit est précoce et net ;
peut néanmoins se révéler utile chez l’enfant (invagination), • le météorisme est franc ;
voire l’adulte maigre.
• il faut penser au cancer en premier lieu ;
Elle peut mettre en évidence des anses intestinales distendues
(plus de 25 mm de diamètre pour le grêle), à contenu liquidien. • à l’ASP les niveaux, plus hauts que larges, sont
Elle est très sensible pour la détection d’un épanchement périphériques et comportent des haustrations
intrapéritonéal et peut parfois mettre en évidence la cause de incomplètes.
l’occlusion comme une tumeur, une invagination, un héma-
tome pariétal ou un corps étranger. Une absence de péristal-
tisme et un épaississement pariétal hypoéchogène sont des
signes de souffrance intestinale [14]. ■ Traitement
Stratégie diagnostique Principes généraux
La clinique est à la base de la démarche thérapeutique : elle Comme il a été dit, le prérequis de l’approche thérapeutique
permet d’apprécier la gravité du tableau. L’abdomen sans est la distinction entre une occlusion fonctionnelle et mécani-
préparation (ASP) reste l’examen de première intention. que, la première orientant vers le traitement de la pathologie
Les occlusions graves (aiguës avec signes de choc ou signes responsable. En cas d’occlusion mécanique, la première étape
péritonéaux nets) ou les occlusions par hernie étranglée doivent est d’évaluer le degré d’urgence, c’est-à-dire l’existence d’une
être prises en charge par l’équipe médicochirurgicale sans autre ischémie aiguë, ou d’une nécrose installée compliquée ou non
examen (après réanimation, l’intervention sera diagnostique et de perforation.
thérapeutique). Le traitement de l’occlusion est toujours médical et peut être
Les occlusions sans signes de gravité généraux, à orifice chirurgical, la question étant de décider de l’opportunité et du
herniaire libre, doivent être explorées car un certain nombre moment de l’intervention.
d’entre elles ne seront pas chirurgicales ou nécessiteront une
intervention différée et préparée. Première phase médicale du traitement
En cas d’occlusion du grêle Elle comporte :
• la correction de la déshydratation, souvent sous-estimée, voire
Si le patient a un antécédent chirurgical abdominal, par du choc éventuel qui impose la mise en place immédiate
argument de fréquence, le premier diagnostic à évoquer est une d’une bonne voie d’abord veineuse et un remplissage adapté ;
bride ou un volvulus et le scanner ne se discute qu’en cas de • la pose d’une sonde gastrique avec prise d’air qui est un
doute. élément clé du traitement de l’occlusion du grêle. Elle fait
En cas contraire, les diagnostics sont multiples et le scanner partie du traitement symptomatique et étiologique et elle
est l’examen le plus performant. Le transit aux hydrosolubles ne s’avère parfois suffisante (occlusions itératives sur adhéren-
se discuterait encore que pour certaines occlusions du grêle avec ces). Elle est indispensable avant une anesthésie générale
aspiration efficace cliniquement mais sans reprise nette du (risque d’inhalation). Il faut vérifier qu’elle est bien posée
transit. (vérification éventuelle radiologique), en aspiration douce et
surveillée. L’aspect, la quantité du liquide gastrique, ainsi que
En cas d’occlusion colique l’efficacité de l’aspiration sur la douleur seront des éléments
L’ASP est en général suffisant pour le diagnostic positif. décisionnels importants ;

Médecine d’urgence 7
25-050-A-30 ¶ Syndromes occlusifs

Le rétablissement de la continuité digestive dépend des

“ Point important
conditions locales (péritonites ou non), de la cause (obstructive
ou vasculaire), et de l’état du tube digestif (distendu,
ischémique).
Les critères de gravité d’une occlusion (arguments Modalités : place de la cœlioscopie
pour intervenir en urgence) sont :
• cliniques : Plusieurs séries de traitement cœlioscopique d’occlusion du
• état de choc ; grêle ont été publiées dans la littérature montrant sa faisabilité
et ses résultats : la visualisation de la cause de l’occlusion n’est
• fièvre ;
pas toujours aisée et surtout le risque de perforation iatrogène
• douleur : installation très brutale, intense, peu de
intestinale n’est pas négligeable. La morbidité peut atteindre
réponse à l’aspiration et aux antalgiques ; 42 % et le taux de récidives après traitement cœlioscopique
• vomissements fécaloïdes ; semble plus important qu’en laparotomie. Ces données amè-
• défense abdominale localisée ou généralisée, nent à ne pas recommander la cœlioscopie dans ce type
contracture ; d’urgences [15] ou tout au moins de ne l’utiliser qu’avec une
• biologiques : acidose métabolique ; grande prudence et dans des indications très sélectionnées (pas
• radiologique : de dilatation importante, pas de signes péritonéaux, suspicion
• ASP : niveaux grêle francs, distension colique de bride unique ou d’obstacle simple, pas d’antécédents de
(cæcum+++) majeure, pneumopéritoine ; lapatomies multiples) [16].
• scanner : souffrance digestive, pneumopéritoine,
aéroportie. Traitements spécifiques de l’occlusion
du grêle
• le traitement de la douleur : dans ce contexte d’urgence, la
douleur doit être évaluée rapidement et le plus objectivement Bride
possible. L’aspiration gastrique fait partie du traitement Il s’agit d’une cause fréquente, responsable soit d’un blocage
antalgique et doit donc être posée au plus tôt. Après l’examen d’une anse, soit de son volvulus. Le défi est de repérer les
initial et la pose éventuelle de la sonde gastrique, la douleur patients à opérer sans attendre pour éviter la nécrose intestinale
est mesurée sur une échelle analogique. En cas de douleur et, à l’inverse, de donner une chance à d’autres de répondre au
inférieure à 4, la prescription d’antispasmodiques et d’antal- traitement médical, d’éviter une laparotomie, elle-même
giques de palier I est en général suffisante (paracétamol). Si la
génératrice d’adhérences malgré les récents procédés de préven-
douleur est plus importante, la prescription de morphiniques
tion en évaluation [17].
est licite, en accord avec l’équipe chirurgicale, surtout si le
Le début très brutal, l’absence d’antécédents occlusifs anté-
diagnostic est évident et la décision chirurgicale prise.
rieurs, la douleur intense non soulagée par la sonde, la défense
L’injection de morphine doit suivre des règles de prescription
et les signes de choc sont des critères d’intervention en urgence,
et de surveillance strictes et protocolées. La demi-vie de la
car ils signent la souffrance viscérale.
morphine permet une antalgie de 4 h, celle-ci ne masquera
pas un syndrome péritonéal et permettra au patient d’atten- En cas de début progressif, d’efficacité rapide de la sonde et
dre plus sereinement son intervention [3]. des antalgiques sur la douleur, l’absence de signes cliniques et
biologiques de gravité et l’existence d’antécédents identiques
Principes chirurgicaux plaident pour un traitement médical. Ce n’est qu’en cas
d’inefficacité qu’on envisagera la chirurgie.
Indication chirurgicale Dans cette difficile prise de décision, le scanner s’est révélé
La chirurgie est souvent nécessaire mais peut être dans être d’une aide considérable (sensibilité 100 %, spécificité
certains cas inutile ou délétère (occlusions itératives, occlusions . 92 %) [18].
fonctionnelles, ischémie veineuse...). Elle peut être réalisée en L’opération comporte la section de la bride, la dévolvulation
urgence mais peut parfois être différée pour améliorer ou et l’évaluation de la viabilité de l’anse ou de l’anneau de
faciliter l’acte thérapeutique. Le problème est donc de savoir s’il .
striction qui permettent de décider ou non la résection. Cette
faut opérer et à quel moment. évaluation de la viabilité se fait moins sur la couleur que sur
l’épaisseur de la paroi digestive et sa contractilité.
Objectifs
La chirurgie a pour objectif d’éviter la nécrose et la perfora-
Hernies et éventration
tion diastatique et de rétablir le transit intestinal : les moyens
sont donc : soit de lever l’obstacle (libération ou/et exérèse d’un Les hernies susceptibles de s’étrangler sont les hernies
segment intestinal), soit de décomprimer en amont (stomie). En crurales, ombilicales et inguinales, et certaines éventrations, de
pratique, il existe deux types de situations en urgence : l’occlu- par leur collet étroit (Fig. 11). Il faut aussi citer les hernies
sion sans complication perforative où le problème sera de internes dont le diagnostic est fait soit au scanner, soit en
décider de l’opportunité et des modalités d’une résection peropératoire. Le diagnostic des hernies de paroi est simple, sauf
intestinale, ou l’occlusion avec perforation où le problème chez le grand obèse. Le traitement repose sur un abord direct,
premier sera de gérer la péritonite stercorale puis secondaire- la libération du segment piégé, sa réintégration/ou résection et
ment de traiter l’occlusion. .
la réparation pariétale avec ou sans mise en place de prothèse,
On distingue cinq types de procédures : ce dernier point dépendant de la qualité de la paroi abdominale
• celles qui ne nécessitent pas d’ouverture intestinale (libération et surtout de la nécessité ou non d’un geste de résection.
d’adhérence, réduction d’une invagination) ;
• les entérotomies, pour extraction de corps étrangers ; Invagination
• les résections intestinales ;
• les dérivations internes, court-circuitant un obstacle non L’invagination, le plus souvent iléocæcale, est soit spontanée
résécable (tumeur, carcinose) ; (enfant), soit favorisée par une tumeur bénigne ou maligne [19].
• les stomies iléales et coliques de décompression ou de Le diagnostic, parfois suspecté par la clinique (palpation d’une
protection d’une résection-anastomose. masse), est confirmée par le scanner.
En cas de résection intestinale, celle-ci doit être adaptée à la Chez l’enfant, la réduction radiologique est le plus souvent
pathologie, économe en cas de lésion bénigne, suivant les règles efficace, en revanche, chez l’adulte, l’intervention est générale-
carcinologiques en cas de malignité, à la demande en cas de ment nécessaire et doit rechercher et traiter la cause de cette
nécrose. intussuception souvent aisément réductible.

8 Médecine d’urgence
Syndromes occlusifs ¶ 25-050-A-30

Figure 11. Éventration étranglée. Tomodensitométrie injectée, coupe


axiale. Anse grêle distendue, signe du « chapelet » correspondant à des
bulles de gaz incarcérées entre les valvules conniventes.

Ischémie vasculaire
Ischémie artérielle
L’infarctus mésentérique est un diagnostic malheureusement
tardif et le pronostic est très souvent défavorable [20]. Il peut être
en relation avec un thrombus proximal de la mésentérique ou
des microemboles distaux, donnant des plaques diffuses de
nécrose. Le terrain vasculaire, la gravité du tableau orientent le
diagnostic et le scanner peut être demandé pour le confirmer
s’il ne retarde pas l’intervention. Celle-ci consiste souvent en la
constatation d’une nécrose intestinale très étendue au-dessus de
tout geste raisonnable. Parfois, la nécrose est limitée, accessible
à un geste moins délabrant, mais on peut rarement intervenir à
temps, au stade d’ischémie où un geste possible de revasculari-
sation mésentérique est possible (désobstruction à la Fogarty). Figure 12. Occlusion aiguë du grêle par ischémie veineuse. Tomoden-
Dans ces conditions, on peut être amené à faire une résection à sitométrie injectée, coupe axiale et reconstruction vasculaire.
la demande, à mettre en stomie, les deux segments digestifs A. Thrombose aiguë de la veine mésentérique supérieure, épanchement
étant ainsi surveillés de visu, en postopératoire, chez un patient intrapéritonéal abondant.
mis sous anticoagulants à doses curatives. Selon l’état du patient B. Reconstruction sagittale montrant le thrombus mésentérique.
et l’aspect des muqueuses digestives, une réintervention est
parfois nécessaire.
Iléus biliaire et corps étranger
Ischémie veineuse
L’iléus biliaire est une cause classique mais fort rare d’occlu-
Il est important de faire le diagnostic d’ischémie veineuse car
sion par obstruction endoluminale. L’association aérobilie,
le traitement est médical et repose sur la mise en route rapide
occlusion et opacité calcique abdominale permet parfois le
d’une anticoagulation efficace.
diagnostic (Fig. 13). L’intervention consiste à enlever le gros
Il est également important, en cas de découverte peropéra-
calcul obstructif par une entérotomie, classiquement en faisant
toire, de reconnaître cette pathologie qui doit, à moins de
l’impasse sur la pathologie biliaire. Cependant, selon le contexte
complications perforatives, ne susciter aucun geste (Fig. 12). Le
et si les conditions s’y prêtent, il n’est pas illogique de réaliser
bilan à la recherche d’une anomalie de la coagulation doit être,
la cholécystectomie et de fermer la fistule cholécysto-
si possible, prélevé avant la mise en route des anticoagulants
duodénale [24].
(recherche de déficit en protéine S, C, facteur V Leiden,
hémopathie...) [21].

Causes obstructives
Sténose, tumeur et carcinose “ Point important
Les sténoses inflammatoires sont surtout le fait de la maladie
de Crohn, les tumeurs du grêle (carcinoïdes, adénocarcinomes et Traitements des occlusions du grêle
sarcomes ou GIST) sont rares. Elles sont souvent responsables de La mise en place de la sonde gastrique et la réhydratation
tableaux d’installation progressive. Le traitement comporte une sont les premières mesures.
résection de grêle adaptée à la pathologie (économe dans la La décision repose sur la clinique mais le scanner est d’une
maladie Crohn et carcinologique pour le reste). Parfois, en cas grande aide décisionnelle.
de tumeur inextirpable, on aura recours à une dérivation
En cas de volvulus, de hernies étranglées ou de signes de
interne.
L’occlusion en rapport avec la carcinose est souvent de gravité générale ou locale : intervention en urgence.
diagnostic aisé car le contexte carcinologique est connu, mais Les gestes chirurgicaux vont de la simple libération d’une
elle peut être révélatrice. Il s’agit de tableau progressif, peu anse à la résection intestinale en passant par l’entérotomie
douloureux, avec souvent une grosse dilatation du grêle. Le et la dérivation interne.
scanner permet de faire le diagnostic et le traitement doit être Le rétablissement de la continuité est en général possible
d’abord médical (aspiration, corticoïdes, éventuellement analo- sauf péritonite sévère ou pathologie vasculaire ou
gue de l’octréotide) [22]. Une gastrostomie est parfois à discuter inflammatoire.
pour éviter le maintien de la sonde gastrique [23].

Médecine d’urgence 9
25-050-A-30 ¶ Syndromes occlusifs

Figure 14. Occlusion colique aiguë sur néoplasie de la charnière recto-


sigmoïdienne. Tomodensitométrie injectée, coupe axiale. Épaississement
pariétal tumoral obstructif de la charnière rectosigmoïdienne ; distension
cæcale majeure avec pneumatose pariétale témoignant d’un état préper-
foratif.

Figure 13. Iléus biliaire. Abdomen sans préparation face debout. Ni-
En revanche, les sténoses gauches sont de prise en charge
veaux hydroaériques grêles, aérobilie.
plus complexe avec trois gestes possibles (Tableau 5) :
• la colostomie d’amont, geste simple, rapide, réalisable le plus
souvent par voie élective, qui permet de gérer l’urgence et de
Traitements spécifiques de l’occlusion pouvoir programmer une intervention dans de bonnes
du côlon conditions sur un côlon préparé et après exploration ;
• la résection de la zone sténosée, avec anastomose protégée, ce
Sténoses coliques qui suppose un lavage peropératoire, ou sans anastomose
(intervention de Hartmann) avec à la clé une réintervention
La gestion chirurgicale de l’occlusion colique pose un pro- 2 à 3 mois plus tard pour rétablissement de la continuité ;
blème technique et un problème de stratégie. • une colectomie totale avec anastomose iléocolique ou rectale
parfois de nécessité (côlon d’amont non conservable) ou de
Technique
principe (choix d’une seule intervention).
Le côlon est distendu, plein de selles liquides et souvent
fragilisé. La mobilisation et la dissection de ce côlon sont donc Indications
difficiles et dangereuses, et il est parfois incontournable de Les sténoses coliques sont essentiellement en rapport avec le
réaliser une bourse afin de vider au moins partiellement le cancer du côlon. Il est aujourd’hui recommandable de faire un
segment occlus. Ce geste doit être fait avec le maximum de scanner qui permettra de choisir la meilleure tactique opéra-
précaution pour protéger le champ opératoire, il reste moins toire. Il permet en effet non seulement de montrer l’occlusion
délétère qu’une perforation iatrogène diastatique non prévue. et son stade mais également de visualiser la tumeur (virole ou
masse), sa localisation mais également de faire le bilan d’exten-
Stratégie
sion de la maladie (locorégional, statut métastatique) (Fig. 14).
Il faut en effet réfléchir au geste à faire en urgence, ce qui Le type de geste dépend en effet du terrain (âge, pathologies
déterminera la stratégie thérapeutique. Cette réflexion doit être associées), de la localisation de la sténose sur le cadre colique
faite en préopératoire et se prolonge en peropératoire selon les (dont dépend le geste d’exérèse), des signes de gravité (souf-
constatations. Les éléments de décision sont l’état du patient, la france en amont) et enfin du stade métastatique. Si la résection
localisation de la sténose, sa nature et le stade de la pathologie est choisie, elle doit respecter les règles carcinologiques.
sous-jacente, et la viabilité du côlon en amont de la sténose.
Cas particulier du cancer du rectum
Gestes chirurgicaux
Il existe des avantages à choisir en urgence la colostomie de
Les sténoses situées à droite ou au niveau du transverse sont proche amont : en dehors de lever de l’occlusion, elle permet
traitées en général par une iléocolectomie car l’anastomose peut, l’exploration du cadre colique et de la lésion rectale (échoen-
en général, être réalisée sur des tissus corrects. doscopie ou imagerie par résonance magnétique [IRM] pour

Tableau 5.
Avantages et inconvénients des différentes options chirurgicales dans l’occlusion du côlon gauche.
Colostomie Résection/Stomie Colectomie totale
Avantage Rapide, voie élective Traitement de la maladie immédiate Une seule opération
Permet de réintervenir après préparation Traitement de la cause et des conséquences
et exploration coliques
Inconvénients Impasse sur l’état du côlon en amont Nature de la sténose parfois inconnue Difficulté opératoire
Nécessité de réintervenir (deux ou trois temps) (adaptation du geste) Morbidité
Morbidité cumulée de ces interventions Parfois difficile en cas de grosse Conséquences fonctionnelles
distension
Nécessité d’un second temps
Morbidité

10 Médecine d’urgence
Syndromes occlusifs ¶ 25-050-A-30

détermination du statut us T et usN) et autorise la mise en route Dans le cadre de maladies inflammatoires, le traitement médical
rapide d’un éventuel traitement néoadjuvant, notamment prime avec une prise en charge médicochirurgicale maintenant
radiothérapique. assez codifiée [29]. La chirurgie ne sera discutée qu’en cas d’échec
Les sténoses inflammatoires (diverticuloses, rectocolite du traitement médical ou dans le cadre particulier du mégacô-
hémorragique [RCH]) sont de diagnostic difficile et, dans le lon toxique qui constitue un choc septique sur colectasie en
doute, l’approche est comparable à celle des sténoses malignes. dehors de toute perforation. Le geste sera alors une colectomie
subtotale avec mise en double stomie (iléostomie en fosse
Alternative à la chirurgie : stent colique [25-27] iliaque droite et sigmoïdostomie en fosse iliaque gauche). Le
D’introduction récente, il trouve sa place dans deux indica- rétablissement sera discuté ultérieurement.
tions : la levée de l’obstacle avant une chirurgie secondaire (il Dans le cas d’une origine vasculaire, la forme gangréneuse
fait alors office de « colostomie première ») ou comme seul (10 %) réalise un tableau sévère évoluant rapidement vers le
traitement dans le cadre d’une prise en charge palliative. choc, imposant une sanction chirurgicale rapide (colectomie
La prothèse est mise en place sous contrôle radiologique totale adaptée à l’étendue des lésions, le plus souvent sans
(86 %) [25]. L’échec est dû essentiellement à l’importance de la rétablissement chez des patients fragiles, souvent polyvasculai-
sténose ou à sa longueur. Le risque immédiat est la perforation res, hypotendus et qui nécessiteront de la réanimation). Le
(4 à 6 %) et secondairement la migration (10 %) et l’obstruction pronostic est grave : 80 % de décès. Moins sévère, la colite
(6 à 10 %). Le stent trouve tout son intérêt en cas de cancer .
ischémique non gangréneuse (90 %) peut répondre au traite-
métastatique avancé, évitant ainsi l’intervention [26]. ment médical. En cas d’échec, le geste le plus souvent réalisé est
l’intervention de Hartmann.
Volvulus
Volvulus du côlon pelvien
Il est favorisé par un côlon pelvien long (dolichocôlon) ayant
un mésocôlon flottant. La constipation, l’alitement, les laxatifs, “ Point important
les neuroleptiques, les antiparkinsoniens peuvent être des
facteurs aggravants. Le lavement radio-opaque, montrant le Traitement des occlusions mécaniques du côlon
« bec d’oiseau » est diagnostique et parfois thérapeutique (5 %). Principes : éviter la nécrose et la perforation diastatique et
Il est contre-indiqué en cas de suspicion de sphacèle et doit être rétablir le transit.
réalisé aux hydrosolubles et à faible pression. Le traitement chirurgical peut être fait en un ou (plus
Le traitement de première intention est endoscopique. La fréquemment) deux temps.
rectosigmoïdoscopie, prudente, montre le tour de spire et ne
Moyens : colostomie d’amont, résection et mise en
doit pas être prolongée si la muqueuse est nécrotique. Dans le
cas contraire, l’intubation permet de dévolvuler et se traduit par stomie, colectomie totale.
une débâcle diarrhéique (80 à 96 % de succès). Il est alors Critères de choix : ils sont cliniques et scanographiques,
nécessaire de laisser en place une sonde rectale poussée le plus en fonction de l’état du patient, du degré de souffrance
haut possible sous contrôle coloscopique de façon à éviter la intestinale et de la pathologie sous-jacente.
récidive précoce du volvulus. On peut alors proposer, dans un
délai de quelques semaines, une résection-anastomose sur un
côlon plat.
Syndrome d’Ogilvie
La chirurgie est indiquée dans trois situations : contre-
indications au traitement médical (sphacèle ou perforation), Il s’agit d’une distension gazeuse du côlon sans obstacle
échec d’une détorsion endoscopique ou récidive après celle-ci réalisant une pseudo-occlusion. Il est souvent associé à un
(11 à 60 %). Le principe est celui d’une résection segmentaire contexte pathologique : suite de chirurgie (thoracique, vascu-
sans rétablissement immédiat en urgence (côlon distendu et à laire), infections, contexte de réanimation, traumatismes extra-
contenu hyperseptique). Les deux segments digestifs sont mis abdominaux, infarctus du myocarde (IDM), troubles
en double stomie dite en « canon de fusil » dans un même site métaboliques et désordres hydroélectrolytiques, neuroleptiques,
en fosse iliaque gauche : intervention de Bouilly-Volkmann. etc. L’opacification n’est pas inutile pour prouver l’absence
Cette intervention sera réalisée par incision médiane le plus d’obstacle.
souvent en raison du volume monstrueux du côlon. Le rétablis- Le diagnostic posé, la prise en charge est en priorité médi-
sement par voie élective se fera dans un délai de 2 à 3 mois. cale : aspiration digestive, correction des troubles métaboliques,
L’intervention de Hartmann peut avoir sa place mais complique utilisation de néostigmine agissant par un effet parasympatho-
le rétablissement ultérieur. mimétique. Un essai contre placebo a montré son efficacité à la
posologie de 4 à 5 ampoules intraveineuses (i.v.) sur 24 heures.
Volvulus du cæcum [28] Les effets secondaires principaux sont cardiaques avec risque de
Il est beaucoup plus rare (25 % des volvulus). Il est facilité par bradycardie et même d’arrêt cardiaque imposant une sur-
un défaut d’accolement du côlon droit et est plus fréquent chez veillance scopique. L’utilisation doit donc être prudente en cas
la femme. Le traitement est chirurgical : si le cæcum est viable, d’insuffisance coronarienne ou d’hypotension artérielle. En cas
on peut proposer une cæcopexie mais le risque de récidive est d’échec (2 à 3 jours de traitement médical) ou en cas de contre-
de 20 %. Dans les autres cas, la résection s’impose : exérèse indication, la coloscopie décompressive trouve son indication :
iléocæcale et anastomose iléocolique droite dans le même colo-exsufflation et mise en place d’un tube de Faucher pour 2
temps. à 3 jours. Le taux de succès immédiat est de 80 à 100 %. Le
taux de récidives varie de 15 à 24 % [30].
Colites aiguës (vasculaires ou inflammatoires) La chirurgie n’est indiquée qu’en cas d’échec de ces précé-
dents traitements ou en cas de souffrance ischémique, voire de
Le tableau est celui d’une distension colique le plus souvent
perforation diastatique. Le geste réalisé peut être une cæcosto-
diffuse s’inscrivant dans un contexte d’altération de l’état
mie, une colostomie de décompression ou une résection colique
général, souvent fébrile, voire de choc.
droite.
L’arrêt des matières et des gaz peut être remplacé par des
diarrhées plus ou moins importantes qui peuvent dominer le
tableau. Le diagnostic, suspecté à l’ASP, est confirmé au scanner. ■ Conclusion
Une rectosigmoïdoscopie prudente, discutée au cas par cas et
réalisée par un opérateur entraîné peut aider au diagnostic et à La gestion des syndromes occlusifs est un défi diagnostique et
l’évaluation de la gravité en montrant l’aspect de la muqueuse : thérapeutique. Si la prise en charge a bénéficié de l’apport
nombre et caractéristiques des ulcérations, aspect de la récent du scanner multibarrettes, elle reste fondée sur l’évalua-
muqueuse et étendue éventuelle de la nécrose. tion clinique. Il faut rappeler que le risque majeur d’une

Médecine d’urgence 11
25-050-A-30 ¶ Syndromes occlusifs

occlusion est la nécrose et la perforation intestinale, complica- [18] Donckier V, Closset J, Van Gansbeke D, Zalcman M, Sy M, Houben JJ,
tions gravissimes, voire mortelles. Il faut donc, par une prise en et al. Contribution of computed tomography to decision making in the
charge médicochirurgicale rapide et efficace, détecter les management of adhesive small bowel obstruction. Br J Surg 1998;85:
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L. Chiche (chiche-l@chu-caen.fr).
G. Lebreton.
Service de chirurgie digestive, CHU Caen Côte de Nacre, Caen, France.
V. Le Pennec.
Département de radiologie, CHU Caen Côte de Nacre, Caen, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Chiche L., Lebreton G., Le Pennec V. Syndromes occlusifs. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Médecine
d’urgence, 25-050-A-30, 2007.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos / Documents Information Informations Auto-
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

12 Médecine d’urgence
¶ 25-160-A-10

Sciatique
B. De Bie, P. Janklewicz

La douleur sciatique témoigne d’une souffrance radiculaire, tronculaire parfois médullaire. Ses étiologies
sont multiples. L’origine radiculaire est de loin la plus fréquente en pratique, elle est l’expression dans 90
à 95 % des cas d’un conflit discoradiculaire constitué par une hernie discale le plus souvent
postérolatérale : c’est la sciatique vertébrale commune. Dans le cadre de ces lombosciatiques
dégénératives d’autres mécanismes sont possibles : compressions radiculaires par une arthrose
zygapophysaire (articulaire postérieure), conflits dans le cadre des canaux rachidiens rétrécis ou encore
d’un spondylolisthésis. À ces étiologies « mécaniques » s’opposent les sciatiques symptomatiques de
nature infectieuse, inflammatoire ou tumorale, heureusement plus rares dont l’exploration, le traitement
et le pronostic sont très différents.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Lombosciatique ; Sciatique paralysante ; Sciatique hyperalgique ; Sciatique tronquée ;


Hernie discale ; Mesures préventives

Plan Diagnostic positif


Interrogatoire
¶ Diagnostic d’une lombosciatalgie 1
Lombosciatique commune typique 1 C’est un temps essentiel de l’examen du patient. Il établit les
Aspects symptomatiques de la lombosciatique commune 3 éléments du diagnostic positif, évoque au besoin un diagnostic
différentiel et permet une meilleure adaptation de la
¶ Examens complémentaires 4
thérapeutique.
¶ Autres lombosciatiques mécaniques 4 Il précise ainsi :
¶ Diagnostics différentiels 4 • le contexte de survenue :
¶ Indications thérapeutiques 5 C l’âge : rare avant 16 ans, plus fréquente entre 30 et 50 ans,
Repos 5 elle peut s’observer chez des sujets plus âgés [1] ;
Anti-inflammatoires non stéroïdiens 5 C la profession en précisant les conditions de travail : nature
Antalgiques 5 et importance des contraintes physiques, condition des
« Décontracturants » 5 transports vers ou durant le travail, lien avec l’épisode
Infiltration épidurale 5 actuel (accident de travail en particulier) ;
Mesures préventives 5 C les antécédents de lombalgies et de lombosciatiques :
nombre et fréquence des crises, traitements reçus durant ou
après ces épisodes ;
• les caractères de l’épisode en cours :
C date d’apparition de la douleur ;
■ Diagnostic d’une lombosciatalgie C circonstances déclenchantes : effort de soulèvement, faux
La démarche diagnostique devant une douleur « d’allure mouvement, traumatisme direct ;
sciatique » doit être rigoureuse et systématique. C’est l’examen C mode de début : brutal ou progressif, immédiat après le
clinique initial qui doit établir le diagnostic positif et différen- facteur déclenchant ou après un intervalle libre de quel-
cier les sciatiques mécaniques des radiculalgies symptomatiques. ques jours ou quelques semaines, parfois comblé par des
En raison de sa fréquence, la lombosciatique commune dans lombalgies aiguës ou subaiguës ;
sa forme typique et ses variantes sémiologiques servira de C le siège de la lombalgie et le trajet caractéristique de la
description. douleur sciatique sont précisés, le patient désigne à l’aide
d’un doigt les territoires douloureux. Il s’agit d’une douleur
monoradiculaire de topographie S1 (fesse, face postérieure
Lombosciatique commune typique de la cuisse et du mollet, talon ou gouttière rétromalléo-
L’association des circonstances de survenue et des signes laire externe, plante ou bord externe du pied, trois derniers
cliniques confortée au besoin par la radiologie, est le plus orteils) ou L5 (fesse, partie postéroexterne de la cuisse, face
souvent évocatrice et rend le diagnostic positif aisé. externe de la jambe, dos du pied, premier et parfois

Médecine d’urgence 1
25-160-A-10 ¶ Sciatique

deuxième orteils). Souvent le trajet douloureux est incom- Tableau 1.


plet mais des dysesthésies plus distales complètent la Bilan musculaire analytique.
douleur proprement dite ; On teste habituellement les différents groupes musculaires par mobilisa-
C l’intensité de la douleur est variable d’un sujet à l’autre tion contre résistance manuelle. Leur force est étudiée comparativement
mais habituellement augmentée par la toux, l’éternuement à l’autre côté, considéré comme sain, de façon à déceler des déficits
et la défécation ; même peu importants et évaluée, selon la cotation internationale,
C le rythme de la douleur est typiquement mécanique : de 0 à 5 :
diurne, déclenchée ou majorée par la marche, la station 0 = paralysie totale
debout ou assise, les efforts, mais diminuée par le décubi- 1 = contraction minime sans possibilité de mouvement
tus ; 2 = amplitude complète du mouvement sans l’élément de la gravité
C son évolution peut être stable ou au contraire régressive 3 = amplitude complète du mouvement contre la gravité, mais sans
spontanément ou sous l’effet du traitement. résistance supplémentaire ajoutée
La recherche avec tact et précision de troubles génitosphinc- 4 = amplitude complète du mouvement contre la gravité, avec une résis-
tériens ne doit jamais être négligée. tance supplémentaire ajoutée
L’interrogatoire précise en outre l’absence de signes généraux 5 = force musculaire normale
(fièvre, amaigrissement), les antécédents généraux et les traite- Cette cotation est importante à connaître et à savoir pratiquer car elle
ments habituels du patient car ils pourront influencer les est un élément majeur pour évaluer l’importance et, par là même, le pro-
explorations complémentaires et les traitements à venir. nostic et ses conséquences thérapeutiques d’un déficit musculaire au
À son terme l’interrogatoire a mis en évidence dans cette cours d’une lombosciatique.
forme typique une douleur monoradiculaire de topographie
sciatique L5 ou S1, mécanique, impulsive, survenant chez un
patient d’âge moyen en bon état général ayant connu des
Ensuite l’examen clinique est pratiqué en position couchée
antécédents de même type.
d’abord en décubitus dorsal puis ventral. Il individualise deux
Examen clinique éléments importants du diagnostic : le syndrome dure-mérien et
le syndrome radiculaire.
Il doit être mené de façon systématique chez un patient Syndrome dure-mérien. La manœuvre de Lasègue cherche à
dévêtu. Il est adapté dans son déroulement à l’intensité de la provoquer la douleur spontanément ressentie. Sa signification
douleur ressentie. est importante, ce test doit être effectué avec la plus grande
Dans un premier temps, l’examen est pratiqué debout l’exa- rigueur de façon comparative en débutant du côté sain. Après
minateur appréciant ainsi : avoir apprécié la mobilité des hanches et la souplesse des
• la statique spontanée du bassin en prenant pour repères les ischiojambiers on élève progressivement le membre inférieur
épines iliaques antérosupérieures et les crêtes iliaques ; maintenu en extension. La douleur ainsi provoquée peut être
• l’équilibre rachidien dans le plan sagittal (appréciation de la lombaire, lombofessière ou radiculaire. On note si ce réveil
cyphose thoracique et de la lordose lombaire) mais surtout douloureux est controlatéral, homolatéral ou bilatéral ainsi que
dans le plan frontal, recherche d’une attitude antalgique l’angle d’apparition de la douleur (au-delà de 80° le test perd
spontanée directe (du côté douloureux) ou indirecte avec toute sa valeur). Cette manœuvre peut être sensibilisée par la
déformation en baïonnette du rachis. Parfois l’attitude flexion passive concomitante du cou ou par la dorsiflexion
antalgique se révèle par une perte de la lordose lombaire ; passive du pied. On apprécie ainsi la sévérité du conflit puis son
• les mobilités actives, en sachant qu’il existe de nombreuses évolution.
variations individuelles surtout fonction de l’âge. La souplesse La flexion du cou (manœuvre de Brudzinski) peut également
antérieure du rachis est mesurée par l’indice de Schober qui provoquer une douleur lombaire ou radiculaire.
mesure lors de la flexion antérieure l’accroissement de la Syndrome radiculaire. Deux ordres de signes sont recher-
distance entre deux points situés respectivement à la hauteur chés : les signes neurologiques déficitaires utiles au diagnostic
des épines iliaques postérosupérieures et 10 cm plus haut. En (en vérifiant leur cohérence avec les données de l’interrogatoire)
pratique, le patient se penche vers l’avant pour tenter de et les signes révélant une complication éventuelle (paralysie
toucher ses pieds avec les doigts (on s’assure de l’absence de radiculaire vraie ou souffrance de la queue de cheval).
flexion des genoux). Normalement lors de la flexion, la L’examen neurologique étudie la force musculaire segmen-
lordose lombaire disparaît et l’indice de Schober passe de 10 taire, la sensibilité, les réflexes ostéotendineux. Il doit toujours
à 15 cm. Une attitude antalgique si elle n’est pas spontanée être comparatif avec le côté opposé car les signes déficitaires
peut être révélée lors de cette manœuvre. Cet indice est plus sont habituellement discrets.
rigoureux que la mesure de la distance doigt/sol qui fait Sur le plan moteur, l’étude se fait de façon analytique en
intervenir la souplesse des hanches et des ischiojambiers. suivant les cotations habituelles du testing (Tableau 1). On
L’extension du rachis est appréciée de la même façon par la commence habituellement par le segment distal en étudiant
mesure de l’indice de Schober inversé : normalement la distance successivement :
entre les deux repères passe de 10 à 8,5 cm. • au pied : l’extenseur commun des orteils (L5), l’extenseur
Les mobilités en inflexion latérale et en rétropulsion sont propre du gros orteil (L5), les péroniers latéraux (L5 et S1), le
étudiées en appréciant l’harmonie des mouvements et en triceps (S1), le jambier antérieur (L4 et L5) ;
recherchant l’apparition d’une « cassure ». • au genou : le quadriceps (L3 et L4), les ischiojambiers (S1) ;
Au cours de ces manœuvres, l’examinateur note si une • à la hanche : le moyen fessier (L5), le grand fessier (L5 et S1),
douleur lombaire, lomboradiculaire ou parfois radiculaire seule le psoas (L2 et L3).
est réveillée. Sur le plan sensitif, on recherche une hypoesthésie à tous les
Une appréciation sommaire de la force musculaire est effec- modes (plus fréquente qu’une anesthésie vraie) dans les territoi-
tuée dès ce stade en demandant au sujet de se mettre sur les res de L1 à S5. Elle est parfois remplacée par une hyperesthésie.
talons (déficit de la loge antéroexterne par atteinte de L5) puis Une hypoesthésie de la face antéroexterne de la cheville, du dos
sur la pointe d’un pied puis de l’autre (déficit du triceps sural du pied et surtout du premier espace interdigital signe une
d’origine S1), enfin de s’accroupir sur les deux membres puis un souffrance L5 alors que l’atteinte de S1 intéresse la moitié
seul pour déceler une parésie du quadriceps (atteinte crurale externe de la plante et le bord externe du pied.
associée). L’étude des réflexes ostéotendineux est également compara-
Enfin, la recherche attentive d’une anomalie cutanée (fistule tive : réflexe rotulien (L3.L4) et réflexe achilléen (S1). Il n’existe
borgne médiane, touffe de poils, tuméfaction angiomateuse ou pas de réflexe ostéotendineux sous la dépendance de L5.
lipomateuse, taches café-au-lait ou molluscums) peut révéler Le bilan neurologique sera complété, surtout si l’on craint
une malformation neurovertébrale ou une maladie de une lésion médullaire, par l’étude des réflexes cutanéoplantaires,
Recklinghausen. cutanéoabdominaux, crémastériens.

2 Médecine d’urgence
Sciatique ¶ 25-160-A-10

L’examen en décubitus ventral permet essentiellement la On en rapproche le syndrome de la queue de cheval. Les
recherche d’un syndrome focal constitué par la présence de troubles sphinctériens urinaires le plus souvent, anaux parfois,
points douloureux osseux (épineuses), articulaires (articulations surviennent dans le cadre d’une sciatique monoradiculaire ou
zygapophysaires), ligamentaires (ligaments interépineux, bilatérale, leur installation peut être brusque et complète ou
ligaments iliolombaires, etc.), musculaires ou nerveux (branches plus progressive et précédée de manifestations variées. La
postérieures des nerfs rachidiens en particulier de l’étage rétention urinaire si elle est complète est indolore, les autres
dorsolombaire). Parfois la palpation paravertébrale réveille la patients ont des mictions perturbées demandant un effort de
douleur radiculaire : c’est le signe de la sonnette. poussée abdominale. Dans trois cas sur cinq il existe un trouble
Enfin, dans tous les cas un examen clinique général doit être de l’érection chez l’homme. L’examen retrouve une hypoesthé-
entrepris. sie périnéale, une hypotonie du sphincter anal et, fréquemment
Au terme de l’examen physique, dans cette forme typique de associés, des signes déficitaires des membres inférieurs.
conflit discoradiculaire, un tableau clinique caractéristique doit L’indication opératoire en urgence n’est pas discutée lors d’un
se dessiner. Il associe les signes d’irritation dure-mérienne (signe syndrome de la queue de cheval mais est plus nuancée devant
de Lasègue) aux signes déficitaires monoradiculaires. une sciatique paralysante. Les facteurs pronostiques sont utiles
Ces éléments associés de façon cohérente aux données de à la décision : ce sont l’âge, la persistance des douleurs, la
l’interrogatoire permettent alors d’affirmer l’existence du conflit topographie du déficit, le délai d’apparition. Ainsi, une bonne
discoradiculaire, sa topographie, d’apprécier la gravité de récupération postchirurgicale peut être attendue si l’âge du
l’atteinte, de définir ainsi les examens complémentaires qui patient est au-dessous de 60 ans, si une douleur persiste après
seront effectués et d’appliquer la thérapeutique la mieux l’installation du déficit et que son installation est tardive selon
adaptée. une topographie monoradiculaire. Cependant une récupération
d’un déficit reste possible hors de ces conditions [2].
Aspects symptomatiques Quelles que soient les décisions thérapeutiques immédiates,
de la lombosciatique commune un diagnostic topographique précis de la lésion causale est
indispensable. La radiographie standard (limitée à un grand
Ces aspects réalisent suivant les cas de simples nuances cliché de face et de profil) est systématique pour écarter une
sémiologiques ou de véritables formes cliniques. tumeur ou une infection ostéoarticulaires et identifier une
possible anomalie transitionnelle. Une sciatique paralysante
Nuances sémiologiques rend nécessaire et suffisante la pratique d’une TDM, le niveau
Dans 25 à 50 % des cas manquent soit le traumatisme du conflit étant prévisible cliniquement, dans les cas rares
déclenchant soit des antécédents plus ou moins lointains du d’examen négatif une sacco-radiculo-myélographie (SRM) ou
même ordre (lumbago, lombalgies chroniques ou encore des une résonance magnétique (IRM) sont réalisées selon la dispo-
poussées de lombosciatique). nibilité de ces examens éventuellement après la réalisation d’un
Sur le plan de la clinique, l’absence de toute note lombalgi- électromyogramme (EMG) s’il existe un doute sur l’organicité
que associée à la douleur radiculaire est possible mais peu ou la nature radiculaire du déficit. Le syndrome de la queue de
habituelle. Le rythme typiquement mécanique de la douleur cheval fait préférer soit la réalisation d’une SRM avec basculage
peut faire défaut dans 20 % des cas environ avec une recrudes- permettant l’examen de la partie basse de la moelle, soit d’une
cence des douleurs lors du décubitus et parfois une recrudes- IRM.
cence nocturne surtout si la douleur est intense. L’attitude
antalgique qui n’est parfois révélée que lors de la flexion Sciatiques à topographie dépassée
antérieure du rachis peut être absente. Le signe de Lasègue n’est Il faut distinguer les sciatiques à bascule représentant une
que très exceptionnellement absent, de même qu’une diminu- simple variante de la radiculalgie commune de la sciatique
tion ou une abolition du réflexe achilléen dans les sciatiques S1. bilatérale qui doit faire rechercher un syndrome de la queue de
Une grande prudence s’impose alors et une analyse sémiolo- cheval et craindre une sciatique symptomatique. Quatre pour
gique poussée est nécessaire avant d’affirmer le caractère discal cent des sciatiques communes se présentent ainsi comme
de la douleur. conséquence d’une hernie bilatérale ou d’une volumineuse
hernie médiane ; la douleur prédomine souvent d’un côté avec
Formes cliniques un signe de Lasègue bilatéral et une attitude antalgique vers le
Sciatiques paralysantes et sciatiques hyperalgiques : côté le moins douloureux.
deux urgences thérapeutiques La crurosciatique est une éventualité relativement fréquente
et se traduit par une irradiation concomitante de la douleur à
Les sciatiques hyperalgiques se définissent par des douleurs
la face antérieure de la cuisse parfois associée à une diminution
intenses qui ne peuvent être soulagées par les antalgiques
ou une abolition du réflexe rotulien. Elle est expliquée par la
majeurs. Le malade est confiné au lit, l’examen est presque
présence d’une hernie discale à l’étage L3-L4 ou par une hernie
impossible. Elles font craindre une sciatique symptomatique.
foraminale L4-L5 [3].
Elles obligent lorsque la douleur ne cède pas rapidement en
quelques jours à poser une indication chirurgicale rapide après Sciatiques tronquées
la recherche du conflit par un examen tomodensitométrique
(TDM). Au cours des lombosciatiques hautes la douleur ne descend
Les sciatiques paralysantes représentent une autre urgence pas au-dessous du genou, en l’absence de signe déficitaire le
thérapeutique. diagnostic topographique n’est pas possible. Il faut éliminer une
Une lombosciatique est paralysante si le déficit musculaire est pathologie régionale, en particulier de la hanche, ou un
coté entre 3 et 0 (Tableau 1). Cette forme compliquée est rare syndrome des facettes articulaires postérieures dont la sémiolo-
(1 à 3 % de l’ensemble des sciatiques vertébrales communes) et gie est en général bien différente [4].
doit être distinguée d’une simple parésie notamment du Les sciatiques basses où la douleur reste localisée à la jambe
releveur du gros orteil dont la signification péjorative n’est pas ou au pied sont bien moins fréquentes mais posent des problè-
la même. L’épisode débute en règle générale comme une mes de diagnostic positif ardus. La recherche d’une double
lombosciatique banale (parfois hyperalgique) et après quelques compression (rachidienne et col du péroné) doit être faite au
heures parfois plusieurs jours apparaît brutalement ou de façon moindre doute par un EMG.
plus progressive un déficit moteur. Une amélioration brusque de La claudication radiculaire intermittente est une forme
la douleur peut être constatée dans la moitié des cas : c’est la clinique particulière. La douleur se résume à une radiculalgie
surveillance clinique régulière d’un patient prévenu de cette survenant à la marche avec un périmètre de marche souvent
possible évolution qui permet un diagnostic rapide. constant, cédant au repos et récidivant lors de la reprise de la
La topographie du déficit est le plus souvent L5, plus rare- marche. Les signes rachidiens sont habituellement au second
ment S1, les formes biradiculaires ne sont pas rares. plan, voire absents.

Médecine d’urgence 3
25-160-A-10 ¶ Sciatique

Formes suivant le terrain • un cliché de face centré sur L5-S1 en antéropostérieur le


[5] rayon oblique ascendant dans l’axe du disque « enfilant » le
Sciatique du sujet jeune disque intervertébral.
Elle est exceptionnelle avant l’âge de 16 ans. Le traumatisme Ces trois clichés suffisent pour explorer une sciatique discale
initial est souvent important mais manque dans près de la commune dont l’examen radiologique est le plus souvent
moitié des cas (le rôle d’une dystrophie vertébrale de croissance normal. Dans certains cas, les radiographies peuvent mettre en
est alors évoqué). Le tableau clinique peut être identique à celui évidence la diminution de hauteur d’un ou plusieurs disques
rencontré chez l’adulte mais certaines particularités sont à intervertébraux avec parfois associé un bâillement ou un
l’origine de formes trompeuses : la douleur radiculaire est pincement localisé de l’espace intersomatique. Elles permettent
souvent atténuée contrastant avec l’importance des troubles en outre de préciser des conditions anatomiques associées
statiques (raideur majeure, grosse attitude antalgique, disparition particulières : anomalie transitionnelle, scoliose, hyperlordose,
ou inversion de la lordose physiologique) alors que les signes pédicules courts, spondylolisthésis ou arthrose zygapophysaire
d’examen restent évocateurs. Les radiographies standards sont, associée.
en dehors des troubles statiques, le plus souvent normales. Lorsqu’il existe un doute clinique sur le niveau de l’atteinte,
Enfin, le traitement médical est moins efficace, le recours à la l’existence sur la radio d’un seul espace de hauteur diminué
chirurgie étant nécessaire plus fréquemment. peut orienter le diagnostic.
À ce stade initial, les autres examens radiologiques n’ont pas
Sciatique commune après 60 ans [6]
leur place. Cependant, deux circonstances différentes peuvent
Elle ne semble pas rare (entre 6 et 16 % des lombosciatiques imposer la poursuite des explorations.
opérées). Un traumatisme déclenchant et un début brutal sont • Dès la période d’évolution initiale, si l’on soupçonne un
assez souvent retrouvés bien que moins fréquemment que chez diagnostic différentiel de la lombosciatique commune suggéré
les malades plus jeunes. L’atteinte de la racine L5 semble plus par des atypies clinique, biologique ou radiologique. Le choix
fréquente mais le trajet est souvent atypique ou mal précisé. des explorations complémentaires (TDM, examens de
L’impulsion à la toux est plus rare. Les signes rachidiens et la contraste, IRM) dépend alors des diagnostics évoqués.
manœuvre de Lasègue sont plus inconstants alors que les signes Sont à classer à part, les urgences neurochirurgicales : sciati-
moteurs sont plus souvent présents. La plupart du temps une que paralysante et syndrome de la queue de cheval qui
discarthrose étagée est visible sur les clichés standards. nécessitent des explorations neuroradiologiques rapides
(TDM, IRM).
Formes anatomiques
• L’échec du traitement médical après un délai de 8 semaines
La localisation et le type anatomique de la hernie discale impose un bilan lésionnel précis pour déterminer les diffé-
peuvent avoir une influence sur la présentation clinique. Ces rentes stratégies thérapeutiques possibles (chirurgie).
particularités doivent être connues afin de ne pas égarer le
diagnostic.
Hernie discale exclue [7]
■ Autres lombosciatiques
Elle se définit anatomiquement par la perte de contact entre mécaniques
le fragment hernié et le disque. S’il n’existe aucun signe clinique
de certitude, des signes de forte présomption, bien qu’incons- La lombosciatique dégénérative d’origine articulaire posté-
tants, peuvent être retrouvés : caractère hyperalgique de la rieure est volontiers chronique bien différente par rapport à la
lombosciatique, son aggravation en cyphose lombaire, atténua- lombosciatique commune. Dans ce cadre, le canal lombaire
tion des signes lombaires alors que la radiculalgie est inchangée rétréci est responsable dans les trois quarts des cas d’une
ou aggravée, disparition de l’impulsivité à la toux, diminution claudication intermittente de la queue de cheval avec parfois la
brutale du signe de Lasègue et apparition récente de signes prépondérance d’une racine ; le syndrome du récessus latéral [10]
déficitaires sensitivomoteurs. Cependant, dans la plupart des cas se traduit par une claudication monoradiculaire. Dans ces deux
le tableau clinique est celui d’une lombosciatique commune cas le tableau clinique est très pauvre, voire normal. L’interro-
banale. gatoire (douleur intermittente déclenchée à la marche ou à la
station debout prolongée), la notion de terrain (patient de la
Hernies discales foraminale et extraforaminale [8, 9] cinquantaine au passé lombalgique) prennent alors tout leur
Ce sont des hernies latérales siégeant dans le canal de intérêt. Un peu à part la survenue d’un kyste articulaire
conjugaison (hernie foraminale) ou à l’extérieur de celui-ci postérieur [11] développé à partir d’une articulation dégénérative
(hernie extraforaminale). Comme pour les hernies exclues, il n’y est responsable d’une radiculalgie d’apparition progressive
a pas à proprement parler de tableau clinique propre, cependant prenant parfois un caractère claudicant, la TDM (si les troubles
certaines particularités cliniques peuvent les faire soupçonner : persistent) découvre une image arrondie parfois finement
l’atteinte peut être biradiculaire, la douleur souvent intense à cerclée appendue à l’articulation. Enfin, le spondylolisthésis par
recrudescence nocturne, les signes lombaires peuvent être lyse isthmique congénitale ou plus fréquemment secondaire à
absents ou modestes, le signe de Lasègue est variable en une arthrose zygapophysaire (pseudospondylolisthésis) [12]
intensité. Surtout, il existe une discordance d’étage : c’est la responsable d’un tableau de radiculalgie chronique parfois à
racine sus-jacente à l’étage discal incriminé qui souffre. bascule sans signe déficitaire dans la plupart des cas, les clichés
standards de profil et les obliques en double obliquité montrent
la solution de continuité de l’isthme articulaire ou l’arthrose
■ Examens complémentaires zygapophysaire.

Un tableau de lombosciatique commune typique n’impose


dans un premier temps aucun examen complémentaire. ■ Diagnostics différentiels
L’examen radiologique standard et les examens biologiques
de routine (numération formule sanguine [NFS] et vitesse de L’expression clinique de la radiculalgie conditionne en grande
sédimentation [VS]) sont cependant nécessaires après quelques partie le champ des diagnostics différentiels.
jours ou quelques semaines si la douleur ne cède pas avec un En présence d’une lomboradiculalgie à révélation aiguë on
traitement médical bien conduit. Le bilan radiologique com- discute :
prend dans ces cas : • une cause tumorale par métastase rachidienne d’un cancer
• un cliché de face dorso-lombo-pelvi-fémoral centré sur ostéophile (rein, bronches, thyroïde, sein, prostate...) parfois
L4-L5 en incidence postéroantérieure pratiqué debout, les révélatrice avec des lomboradiculalgies inflammatoires, VS
membres inférieurs en rectitude en légère rotation interne (De augmentée, hypercalcémie et marqueurs tumoraux parfois
Sèze) ; présents, lyse osseuse ou tassement vertébral sur les radiogra-
• un cliché de profil debout ; phies standards, hyperfixation à la scintigraphie osseuse par

4 Médecine d’urgence
Sciatique ¶ 25-160-A-10

hémopathie maligne (myélome) ou plus rarement une codéine est le plus souvent prescrit. Une lombosciatique
tumeur osseuse primitive. Parfois, il s’agit d’une tumeur hyperalgique conduit à la prescription d’opiacés au moins les
intrarachidienne (neurinome, méningiome, épendymome) premiers jours.
recherchée de principe devant une radiculalgie à recrudes-
cence nocturne avec VS normale. Les explorations neurora-
diologiques (myélographie, TDM, IRM) seront effectuées au « Décontracturants »
moindre doute ; On regroupe sous cette dénomination les myorelaxants qui
• une spondylodiscite : la lombalgie inflammatoire est prépon- dépriment la conduction synaptique (chlormézanone, thiocol-
dérante sur la sciatique, il existe une importante raideur chicoside) et les produits d’action centrale principalement de la
rachidienne. Les examens biologiques révèlent un syndrome famille des benzodiazépines.
inflammatoire. Si un pincement discal avec érosions des En agissant sur la contracture musculaire ils améliorent la
plateaux n’est pas encore visible sur les radiographies stan- rigidité rachidienne mais imposent alors un repos strict pour
dards, la scintigraphie montre une hyperfixation localisée ; éviter toute aggravation favorisée par la levée du verrouillage
• un tassement vertébral post-traumatique ou plus souvent lombaire.
dans le cadre d’une ostéoporose (trauma minime). Habituellement la douleur cède en une dizaine de jours.
Devant une lomboradiculalgie chronique peuvent être évo- L’échec du traitement de première intention (absence d’amélio-
qués en outre : ration ou douleurs résiduelles invalidantes) conduit à la pratique
• une douleur projetée d’origine extrarachidienne (douleur d’infiltrations.
ayant pour origine l’articulation coxofémorale, sacro-iliite,
manifestation d’une artériopathie...) mais surtout d’origine
articulaire postérieure [4] ;
Infiltration épidurale
• une lombosciatique « fonctionnelle » qui ne pourra être La réalisation d’infiltration épidurale nécessite un minimum
retenue qu’après élimination des autres étiologies. de pratique [8, 15] , mais est possible en consultation. Deux
techniques sont utilisées : infiltration épidurale par voie haute
interépineuse ou par le premier trou sacré. Les produits
■ Indications thérapeutiques [13, 14]
employés sont exclusivement ceux ayant l’autorisation de mise
sur le marché (AMM) pour la voie sous-arachnoïdienne [16] (une
Une fois le diagnostic de lombosciatique commune établi et brèche durale étant toujours possible) : cinq spécialités sont
qu’une indication chirurgicale urgente est éliminée (sciatique répertoriées dans le dictionnaire Vidal. Parmi ceux-ci l’acétate de
paralysante ou hyperalgique) un traitement médical est prednisolone (Hydrocortancyl®) et l’acétate de dexaméthasone
entrepris. (Dectancyl®) sont les plus employés. Deux ou trois infiltrations
peuvent être réalisées à un intervalle de 8 à 10 jours, l’échec de
celles-ci pouvant faire discuter l’indication d’une éventuelle
Repos infiltration intradurale au cours d’une hospitalisation.
Le repos sur un plan dur en position antalgique doit être
impérativement obtenu. Sa durée et son caractère strict ou non
sont fonction de l’intensité et de l’évolution de la douleur, le
Mesures préventives
plus souvent de quelques jours à parfois 2 à 3 semaines. Le L’évolution favorable après traitement fait débuter des
traitement médical est débuté dans le même temps en associant mesures préventives : mise en place d’une immobilisation par
anti-inflammatoires non stéroïdiens, antalgiques et lombostat rigide pendant 4 semaines lorsque persistent des
myorelaxants. lomboradiculalgies en position debout, reprise progressive des
activités en particulier professionnelles (aménagement de poste),
prise en charge kinésithérapique à distance de l’épisode aigu.
Anti-inflammatoires non stéroïdiens La persistance des douleurs après 2 à 3 mois d’un traitement
La liste de ces produits est longue, les AINS étant divisés en médical bien conduit, ou leur réapparition dans un délai court
plusieurs familles : pyrazolés, indoliques, dérivés arylcarboliques, conduit à discuter de l’opportunité d’un traitement chirurgical
oxicams et divers. Aucune étude n’a permis de mettre en selon les données des explorations neuroradiologiques.
évidence dans cette indication la supériorité d’une molécule sur Le diagnostic de lomboradiculalgie est le plus souvent aisé si
une autre, le choix se fait en fonction des habitudes du pres- l’on connaît sa forme typique mais également les multiples
cripteur qui utilise les molécules qu’il maîtrise le mieux à . variantes sémiologiques et évolutives. Un traitement médical
l’exception cependant de la phénylbutazone dont les indica- simple mais rigoureux dans sa mise en place et sa conduite
tions sont restreintes (spondylarthrite ankylosante). permet dans la plupart des cas une guérison complète et stable.
La plupart des effets indésirables sont communs à l’ensemble
de ces produits : irritation des muqueuses digestives, broncho-
spasmes, allergies cutanées, insuffisance rénale chez les sujets Cet article a été publié pour la première fois en 1997 dans le traité d’Urgences.
âgés déshydratés ou en coprescription avec les diurétiques et les
.

inhibiteurs de l’enzyme de conversion, aggravation d’une


insuffisance hépatocellulaire ou rénale. Ils sont contre-indiqués
■ Références
en cas de grossesse ou d’allaitement. L’association avec les [1] Berney J, Jeanpretre M, Kostli A. Facteurs épidémiologiques de la
anticoagulants, le lithium doit être évitée. hernie discale lombaire. Neurochirurgie 1990;36:354-65.
Les voies d’administration (per os, suppositoire, intramuscu- [2] Perrigot M, Courcier E, Held JP. Éléments cliniques du pronostic des
laire) sont équivalentes en efficacité et tolérance, la voie sciatiques paralysantes opérées et non opérées. In: La sciatique et le
injectable si elle est choisie, doit cependant être limitée aux tout nerf sciatique. Paris: Masson; 1980. p. 211-7.
premiers jours de traitement. [3] Kunnert JE, Vautravers PH, Martin JC, Kieffer D, Lecocq J. Les hernies
discales lombaires foraminales : particularités cliniques,
électrologiques et thérapeutiques. In: La hernie discale lombaire. Paris:
Antalgiques Masson; 1990. p. 125-32.
[4] Mooney V, Robertson J. The facet syndrome. Clin Orthop Relat Res
Ils sont systématiquement prescrits en association avec les 1976;115:149-56.
AINS car renforçant leur action sur la douleur mais ils peuvent [5] Roucoules J, Cazalis P. Diagnostic et traitement des herniesdiscales du
être utilisés seuls si ces derniers sont contre-indiqués. Le sujet jeune. In: Actualités rhumatologiques. Paris: Expansion Scienti-
paracétamol seul, associé au dextropropoxyphène ou à la fique Française; 1992. p. 151-9.

Médecine d’urgence 5
25-160-A-10 ¶ Sciatique

[6] Ziegler G, Bosque-Oliva A, Euller L. La sciatique commune après 60 [12] Edelson JG, Nathan H. Nerve root compression in spondylolysis and
ans. In: La sciatique et le nerf sciatique. Paris: Masson; 1980. p. 76-80. spondylolisthesis. J Bone Joint Surg Br 1986;68:596-9.
[7] Deburge A, Benoist M, Boyer D. Diagnostic des hernies discales [13] Renier JC, 12. Roucoules J, Cazalis P. Diagnostic et traitement des
exclues. Rev Rhum Mal Osteoartic 1982;49:677-81. hernies Bontoux-Carré E. Sciatiques ou lombosciatiques discales.
[8] Maigne JY, Gourjon A, Maigne R. Taux de réussite des trois techniques Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris), Appareil locomoteur, 15-840-
d’injection épidurale. Rev Rhum Mal Osteoartic 1990;57:575-8. C-10. 1984 : 12p.
[9] Van Den Bergh R, Van Calenbergh F. Diagnosis of foraminal and [14] Treves R. Les médicaments dans le traitement des hernies discales. In:
extraforaminal lumbar disc herniation. Acta Neurol Belg 1990;90: La hernie discale lombaire. Paris: Masson; 1990. p. 153-8.
140-8. [15] Vautravers PH, Vautravers MJ, Meyer JE. Prévention du risque septi-
[10] Cirik Y, Mikhael M, Tartington JA, Vick NA. The lateral recess syn- que dans les infiltrations péri- et intradurales. Rhumatologie 1993;45:
drome. J Neurosurg 1980;53:433-43. 123-8.
[11] Hubault A, Bard M. Kystes articulaires vertébraux postérieurs. In: [16] Jarrier I, Auvinet B, Ntsiba H. Infiltration péridurale par voie
Actualités rhumatologiques. Paris: Expansion Scientifique Française; interépineuse et complications neurologiques aseptiques : à propos
1989. p. 149-62. d’un cas. Rachis 1993;5:29-34.

B. De Bie, Attaché en premier, service de rhumatologie.


P. Janklewicz, Praticien hospitalier, service de radiologie.
Hôpital Robert-Ballanger, 93602 Aulnay-sous-Bois cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : De Bie B., Janklewicz P. Sciatique. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Médecine d’urgence, 25-160-A-10,
2007.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos / Documents Information Informations Auto-
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

6 Médecine d’urgence
¶ 25-200-D-30

Contusions et plaies de l’abdomen


D. Mutter, C. Schmidt-Mutter, J. Marescaux

Les contusions et plaies de l’abdomen sont classiquement regroupées dans la même entité car les grands
principes de leur traitement se superposent. Ils visent à restaurer un état hémodynamique satisfaisant, à
réaliser un bilan lésionnel aussi rapide et précis que possible, et enfin à traiter de façon optimale chaque
lésion. La prise en charge de ces traumatisés débute par leur « ramassage » et leur transfert en unité
spécialisée. Là, une étroite collaboration entre plusieurs spécialistes (anesthésiste, réanimateur,
chirurgien, radiologue) est nécessaire pour assurer le diagnostic et le traitement des lésions. La prise en
charge de ces blessés est en constante évolution, prenant en compte les apports les plus récents de la
technique : échographie, scanners et angiographies diagnostiques et interventionnelles facilement
disponibles dans les centres les mieux équipés ; laparoscopie diagnostique et thérapeutique pour les
praticiens les mieux formés. Il s’y ajoute une modification de certains concepts, en particulier la chirurgie
« écourtée » où le pronostic immédiat prime sur le traitement définitif des lésions et l’approche mini-
invasive et conservatrice face à de nombreux traumatismes hémorragiques. Cette mutation améliore la
survie des patients tout en diminuant les complications et séquelles liées au traitement des lésions.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Contusions de l’abdomen ; Plaies de l’abdomen ; Chirurgie de l’abdomen ;


Radiologie de l’abdomen

Plan entraînés à l’accueil des urgences, et une équipe multidiscipli-


naire incluant toutes les spécialités qui jouent un rôle prépon-
¶ Introduction 1 dérant dans le traitement urgent des lésions vitales :
réanimation, radiologie interventionnelle, chirurgie spécialisée
¶ Définition 2 par organe. Les technologies les plus récentes et en particulier
¶ Épidémiologie 2 l’imagerie, ainsi que l’application des concepts novateurs en
¶ Accueil du traumatisé 2 termes d’approche mini-invasive, de traitement en plusieurs
Réanimation 2 temps ou différé de l’urgence ont considérablement diminué les
Topographie lésionnelle 4 effets délétères d’une approche autrefois certainement trop
Aspects spécifiques selon le terrain 4 agressive des patients traumatisés.
Aspects selon le mécanisme 5 La prise en charge des patients traumatisés implique le
Examens complémentaires 5 respect de principes « conservateurs » qui ont comme objectif de
¶ Intervention chirurgicale 8 limiter l’agressivité thérapeutique initiale en privilégiant la
Indications opératoires formelles 9 réanimation. Le premier principe a été élaboré en situations de
Indications opératoires relatives 9 guerre : il s’agit de la chirurgie « écourtée » ou de « contrôle
Laparoscopie 9 aigu ». Le patient atteint de défaillance multiviscérale ou de
Minilaparotomie 10 choc hémorragique bénéficie dans un premier temps du simple
Laparotomie 10 contrôle de l’hémorragie et de la prévention d’une contamina-
Principes du traitement chirurgical 10 tion digestive, avec une fermeture de l’abdomen sans tension.
Complications 14 Après une réanimation de 24 à 96 heures, une seconde inter-
vention est programmée à la recherche des lésions méconnues
¶ Conclusion 15
et reconstructions anatomiques dans des conditions plus
favorables. [1, 2] Le second principe vient de l’évolution de la
radiologie. La performance et l’accessibilité de l’imagerie et en
■ Introduction particulier du scanner, ainsi que les possibilités de la radiologie
interventionnelle ont mis cette discipline au premier plan de
En Europe et hors des zones de guerres, les traumatismes l’accueil des urgences, en particulier pour le contrôle aigu de
abdominaux surviennent dans plus de 60 % des cas au cours nombreuses hémorragies. [2-5] Enfin, la laparoscopie a
d’accidents sur la voie publique. L’accueil de ces urgences a aujourd’hui sa place dans le contexte de l’urgence traumatique
considérablement évolué au cours de ces dernières années et est abdominale, offrant à la fois un intérêt diagnostique et un
de plus en plus dévolu à des structures spécialisées dans leur intérêt thérapeutique dans de nombreux cas. [6-9] Les plaies et
prise en charge. Elles permettent un accès à des praticiens les contusions de l’abdomen sont classiquement regroupées,

Médecine d’urgence 1
25-200-D-30 ¶ Contusions et plaies de l’abdomen

pour des raisons didactiques, dans un même chapitre. Cepen- « d’arrachement » des organes est proportionnelle à leur masse
dant, plusieurs éléments les différencient : le mécanisme et au carré de la vitesse. Les dégâts viscéraux les plus graves sont
lésionnel, la stratégie diagnostique et thérapeutique, et souvent liés aux arrachements vasculaires de l’aorte, de la veine cave par
le pronostic. D’autres éléments doivent également être pris en traction du foie, et des vaisseaux mésentériques par la traction
compte lors de l’évaluation des lésions du patient : l’état des anses intestinales. Les lésions par arme blanche et surtout
général, du fait des pathologies associées ou du mécanisme du par arme à feu sont moins fréquentes dans nos contrées. Les
traumatisme (en particulier l’état de choc), l’unicité ou la armes blanches provoquent des lésions directes des organes
multiplicité des lésions (la distinction en urgence entre les deux touchés. Le pronostic lésionnel ne dépend pas tant de l’arme
étant souvent difficile, voire impossible) et bien entendu utilisée que de la façon dont elle est utilisée. Les lésions par
l’expérience et les moyens pouvant être mis en œuvre pour la arme à feu sont particulières. Elles entraînent des dégâts sur le
prise en charge du polytraumatisme par l’équipe d’accueil trajet du projectile mais également à distance en fonction de
(anesthésistes-réanimateurs, radiologues, chirurgiens...). leur cinétique. Ainsi, les armes civiles à cinétique lente provo-
Pour ces différentes raisons, notre travail esquisse une quent moins de lésions d’onde de choc que les armes de guerre
stratégie diagnostique et thérapeutique adaptée aux différentes à cinétique rapide. Enfin, les plaies faisant suite à des explosions
situations cliniques rencontrées. Sans avoir la prétention de associent les lésions par contusion (effet de l’onde de choc) et
donner des « recettes miracles » sur un sujet loin d’être consen- les traumatismes directs par projection d’éclats ou de corps
suel, le but de cette démarche est d’éviter une perte de chance étrangers. Les autres étiologies regroupent les accidents sportifs,
pour des patients souvent jeunes. les accidents du travail, les tentatives d’autolyse, les catastrophes
naturelles et les attentats.
La répartition en âge et en sexe des traumatisés de l’abdomen
■ Définition reflète l’origine accidentelle des traumatismes. La moitié des
blessés a moins de 45 ans, et il s’agit de sujets masculins dans
Le traumatisme abdominal se définit comme un traumatisme 78 % des cas. [12, 13] Aux États-Unis, l’étiologie des traumatismes
intéressant la région comprise entre le diaphragme en haut et abdominaux est plus fréquemment violente, par arme à feu ou
le plancher pelvien en bas, quel que soit le point d’impact. par arme blanche (60 % des cas dans certains trauma centers de
Celui-ci peut être direct, par traumatisme pénétrant alors associé grandes villes). En zone de guerre, les plaies par armes à feu,
à une effraction du péritoine, ou indirect, par choc ou onde de plus fréquentes que les contusions, sont responsables de dégâts
choc. Sur le plan anatomique, l’abdomen remonte très haut, majeurs.
jusqu’à une ligne se projetant au niveau du cinquième espace
intercostal en avant. Le traumatisme peut être une simple
atteinte de la paroi de l’abdomen, ou avoir pour conséquence ■ Accueil du traumatisé
des lésions viscérales localisées à proximité ou à distance du
point d’entrée. L’atteinte abdominale peut se faire lors d’une Selon les circonstances et le lieu du traumatisme, le ramas-
plaie thoracique par une brèche diaphragmatique, réalisant une sage, le transport et le triage des patients traumatisés sont
plaie thoracoabdominale. Toute plaie en apparence thoracique effectués par des équipes différentes (Samu, pompiers, militai-
peut s’accompagner d’une lésion intra-abdominale. La mécon- res...). Nous situerons délibérément dans cet article la prise en
naissance de cette atteinte abdominale est fréquente car les charge des patients au-delà de l’étape préhospitalière.
plaies thoraciques isolées nécessitent rarement une exploration Une première évaluation rapide et globale du patient trauma-
chirurgicale et il existe un réel risque de méconnaître une tisé peut être effectuée à l’aide de scores prenant en compte des
brèche diaphragmatique et une lésion viscérale sous-jacente. Un données anatomiques et physiologiques. Ceux-ci permettent
traumatisme par accident sur la voie publique peut être à une évaluation approximative du type d’hospitalisation néces-
l’origine de lésions dont le point d’impact se situe au niveau du saire (Trauma Index), de la probabilité de survie (Trauma Score)
pelvis. Un impact pelvien peut se rencontrer lors de tir par arme .
ou du risque de décès (Injury Severity Score) en fonction de
à feu ou après un empalement. Ces lésions sont graves car elles critères d’alerte traumatique (Tableau 1). Enfin, un arbre
s’accompagnent d’une importante attrition musculaire, de décisionnel simple peut être proposé (Fig. 1).
lésions osseuses et d’hématomes conséquents, ainsi que de
blessures vésicale, urétrale ou rectale se compliquant de gan-
grène gazeuse. Les lésions vasculonerveuses associées sont Réanimation
spectaculaires : atteinte du nerf sciatique, lésion de l’artère
fessière dont l’hémostase est difficile. La réanimation entreprise dès la prise en charge sur les lieux
Lorsqu’il existe un impact postérieur, l’abdomen est atteint de l’accident est poursuivie à l’accueil du patient et a pour
après traversée de l’espace rétropéritonéal. Ces lésions sont donc objectif le traitement d’un état de choc ou la prévention d’un
transfixiantes et atteignent l’appareil urinaire, les glandes choc latent. Elle vise à contrôler les fonctions vitales, puis
surrénales, les gros vaisseaux et le rachis. Dans ce cas, des cherche des lésions méconnues ou des complications.
lésions intrapéritonéales par contiguïté doivent systématique- Le maintien de la fonction respiratoire peut nécessiter une
ment être recherchées. ventilation assistée. Celle-ci s’impose face à une détresse
respiratoire et doit être envisagée si le patient n’est pas capable

■ Épidémiologie Tableau 1.
En Europe, les accidents sur la voie publique constituent Critères d’alerte traumatique (d’après American College of
l’étiologie principale des traumatismes de l’abdomen. Ces Surgeon [30]).
accidents sont à l’origine de 60 % des lésions et responsables de 1. Pression artérielle systolique < à 90 mmHg
10 à 30 % des décès observés. [10] Le port obligatoire de la 2. Score de Glasgow ≤ 12
ceinture de sécurité et, plus récemment, la présence de coussins
3. Fréquence respiratoire < 10 ou > 29
gonflables frontaux et latéraux ont permis de diminuer la
fréquence et la gravité des lésions chez les passagers des 4. Plaie pénétrante de la tête, du cou, du thorax ou de l’abdomen
véhicules automobiles. En cas de choc direct, les mécanismes 5. Brûlure > 15 % de la surface corporelle
lésionnels rencontrés sont les écrasements de l’abdomen sur le 6. Déficit neurologique ou paralysie
volant ou sur le tableau de bord. Ils déterminent des lésions 7. Éjection d’un véhicule automobile
directes comme l’écrasement du pancréas sur le billot verté- 8. Patient nécessitant une désincarcération
bral. [11] En dehors des traumatismes directs, les lésions secon- 9. Chute d’une hauteur supérieure à 6 m
daires à une décélération brutale, en cas d’impact du véhicule
10. Choc piéton-véhicule à plus de 35 km/h
sur un obstacle fixe, peuvent être spectaculaires. L’énergie

2 Médecine d’urgence
Contusions et plaies de l’abdomen ¶ 25-200-D-30

Figure 1. Arbre décisionnel devant


un traumatisme abdominal. PLP :
Traumatisme abdominal ponction-lavage du péritoine.
plaie ou contusion

Choc hémorragique État hémodynamique stable : bilan lésionnel clinique


plaie pénétrante Échographie - PLP - scanner

Pathologique Doute Normal(e)

Suspicion perforation Hémopéritoine


organe creux foie/rate

Exploration
chirurgicale Dégradation Surveillance

Laparoscopie
±
Laparotomie

En pratique, deux tableaux doivent être distingués selon l’état

“ Points forts
hémodynamique du patient.

État de choc hypovolémique


• Fonction respiratoire : éventuellement ventilation Le diagnostic d’un état de choc hypovolémique peut être
assistée. orienté par la clinique (pâleur, agitation, sueurs, vasoconstric-
• Fonction cardiocirculatoire : remplissage vasculaire. tion périphérique, tachypnée superficielle, tachycardie avec
• Pantalon antichoc. pouls faible et filant, pression artérielle pincée, abaissée, voire
• Lutte contre l’hypothermie : élément clé, fondamental, effondrée), mais les paramètres hémodynamiques d’un blessé à
souvent négligé. l’arrivée sont souvent perturbés par le stress, le transport ou les
lésions associées. Un état de choc hypovolémique (pression
artérielle systolique < 80 mmHg) ou une instabilité hémodyna-
mique ne sont confirmés qu’après avoir perfusé rapidement
d’exécuter un ordre simple, avec un état hémodynamique 1 000 à 1 500 ml de soluté de remplissage (macromolécules,
instable et/ou une fréquence respiratoire supérieure à cristalloïdes...) sans obtenir de gain sur la pression artérielle ou
30 cycles/min. la fréquence cardiaque.
Le maintien de la fonction cardiocirculatoire passe par la Une réanimation ayant pour objectif la restauration, au
correction d’un état de choc hypovolémique ou d’une hypovo- moins partielle, d’un état hémodynamique satisfaisant s’impose
lémie persistante. L’utilisation d’un pantalon antichoc permet, dans les plus brefs délais. Selon les pays et les choix techniques,
par une augmentation des résistances du système vasculaire cette étape peut être débutée lors de la phase préhospitalière de
périphérique, de conserver une tension suffisante pour tenter prise en charge du blessé. Lors du ramassage ou du transport, il
d’amener un patient vivant au bloc opératoire. [10] La sur- est mis en place une ou plusieurs voies veineuses de gros
veillance clinique (pression artérielle [PA], fréquence cardiaque calibre, perfusé des solutés cristalloïdes ou des macromolécules.
[FC], pression veineuse centrale [PVC], diurèse) et la transmis- Le patient peut être intubé pour ventilation assistée dès le
sion précise des données de réanimation (volumes et types de ramassage ou pendant le transport. Dans les autres cas, le
solutés perfusés, transfusions) permettent d’adapter le remplis- ramassage a pour but le transfert le plus rapide possible du
sage vasculaire. blessé vers un centre spécialisé où est mise en œuvre la phase
La lutte contre l’hypothermie, définie comme une température de réanimation.
centrale inférieure à 35 °C, est fondamentale. [14] L’hypothermie En cas d’intervention chirurgicale d’hémostase urgente, un
est liée aux conditions de l’accident et au délai de transfert, recueil sanguin précoce pour autotransfusion doit être envi-
mais également secondaire aux examens répétés, aux remplissa- sagé. [15] Toutefois, les risques infectieux pouvant être liés à une
ges et transfusions massifs et aux interventions. Elle diminue la contamination bactérienne d’un hémopéritoine en limitent
pression artérielle, la fréquence cardiaque et est responsable de l’utilisation. [16]
troubles du rythme en dessous de 32-30 °C. Elle diminue le
niveau fonctionnel du système nerveux et perturbe l’hémostase.
État hémodynamique stable
Sa correction est un objectif constant du réanimateur, et sera un Le bilan lésionnel d’un patient présentant un état hémody-
des facteurs incitant à limiter les gestes chirurgicaux à leur strict namique stable doit être réalisé sans retard. Il est le plus
nécessaire dans un premier temps, quitte à programmer complet possible pour orienter la prescription des examens
d’emblée une réintervention à distance de la phase critique. complémentaires. Dans ce cas, le patient bénéficie d’une

Médecine d’urgence 3
25-200-D-30 ¶ Contusions et plaies de l’abdomen

surveillance neurologique basée sur l’état de vigilance, l’orien- d’un tympanisme, de même que la diminution des bruits
tation temporospatiale, la réflexivité pupillaire, la recherche de hydroaériques à l’auscultation, ont peu d’intérêt car la présence
signes de latéralisation, et elle est plus ou moins standardisée d’un iléus fonctionnel est fréquente après un traumatisme
par les scores d’évaluation neurologique (Glasgow Coma Scale abdominal.
ou Echelle de Coma de Glasgow).
Cet examen est impératif avant une sédation. Certains Touchers pelviens
éléments de thérapeutique doivent être systématiquement
envisagés et adaptés en fonction de la situation : antibiopro- Les touchers pelviens sont de réalisation systématique face à
phylaxie, prophylaxie antitétanique, prévention de l’hémorragie tout traumatisme abdominal. Un bombement du cul-de-sac de
digestive de stress, prophylaxie antithrombotique, drogues Douglas, une douleur élective à sa palpation orientent vers une
vasoactives et diurétiques avec maintien d’une diurèse abon- irritation péritonéale aiguë.
dante (100 ml/h), sédation. Les indications de cette dernière
sont multiples (confort du patient, analgésie, état d’agitation,
hypertension intracrânienne, hypothermie, adaptation au Topographie lésionnelle
ventilateur), mais ses complications potentielles doivent être Le point d’impact lésionnel permettra de suspecter les
connues (problème de la surveillance neurologique, modifica- organes potentiellement traumatisés : ceci est vrai pour les
tion du tableau clinique, effet dépresseur circulatoire et plaies et chocs directs, mais peu informatif pour les lésions par
ventilatoire). décélération ou par effet de souffle.
• La localisation d’une lésion au niveau de l’hypocondre gauche
Bilan clinique initial permet difficilement de distinguer un traumatisme isolé de
L’examen clinique initial est fondamental et a un double l’abdomen d’un traumatisme thoracique, d’autant que
intérêt : servir d’examen de référence et définir le degré l’inhibition respiratoire est souvent au premier plan et que
d’urgence. [17] Il doit être considéré avec la plus grande pru- l’association des deux types de lésions est fréquente. L’organe
dence s’il existe des lésions cérébrales ou médullaires associées le plus fréquemment atteint dans cette région est la rate.
ou si le patient est sédaté. D’autres organes peuvent être lésés : le rein gauche, la glande
surrénale gauche, l’angle colique gauche, le pancréas, la
Interrogatoire coupole diaphragmatique gauche ou des gros vaisseaux
L’interrogatoire d’un patient conscient est orienté dans trois pédiculaires : rénal, splénique ou colique.
directions : • En cas d’atteinte gastrique, un traumatisme épigastrique
• tester rapidement l’orientation temporospatiale du blessé ; entraîne une contracture d’emblée mais des nausées ou des
• définir le plus précisément les circonstances et le mécanisme vomissements sont inconstants. Un traumatisme médian peut
du traumatisme (où, quand et comment s’est-il produit en se compliquer d’une rupture duodénale, ou d’atteintes du
interrogeant au besoin les témoins et l’équipe de « ramas- côlon transverse, du bas œsophage, du thorax, du foie, du
sage ») ; pancréas et des gros vaisseaux.
• connaître les antécédents médicochirurgicaux, les éventuels • Lorsque le traumatisme est localisé au niveau de l’hypocondre
traitements en cours (antiagrégants, anticoagulants, antidia- droit, le foie est fréquemment lésé. On distinguera les lésions
bétiques...), et une éventuelle grossesse. Si le patient est dues à un traumatisme fermé de l’abdomen et celles liées à
inconscient, confus ou sédaté, les seuls renseignements une plaie. De véritables ruptures hépatiques peuvent se
utilisables sont ceux fournis par l’équipe de ramassage, rencontrer au cours de traumatismes fermés de l’abdomen
l’entourage et les témoins. (Fig. 2). Les lésions les plus graves sont celles qui touchent les
veines hépatiques (plaie ou arrachement). Si le patient ne
Examen clinique décède pas immédiatement, ces plaies sont difficiles à traiter.
D’autres organes peuvent être lésés : vésicule biliaire, angle
L’examen clinique doit être pratiqué chez un patient dévêtu
colique droit, duodénum ou pancréas.
et si possible réchauffé. Il nécessite rigueur et méthode et ne
• Localisé dans le flanc gauche, le traumatisme peut entraîner
doit jamais se limiter exclusivement à la région qui « semble
une lésion rénale, surrénalienne, splénique, colique gauche,
lésée ». Selon l’habitude de l’examinateur, il sera pratiqué par
des voies excrétrices gauches ou de l’intestin grêle.
région topographique (crâne, thorax, abdomen...) ou par
fonction (circulatoire, respiratoire, motrice...). • Un traumatisme ombilical orientera vers une lésion de
l’intestin grêle, du mésentère, des gros vaisseaux ou de
Inspection l’épiploon.
• Au niveau du flanc droit, un traumatisme peut léser le rein
L’inspection recherche des points d’impact (ecchymose, droit, la surrénale, le foie, le côlon droit, les voies excrétrices
hématome, plaie...). La constatation d’ecchymoses comme une droites, l’intestin grêle et le duodénopancréas.
marque de ceinture de sécurité au niveau thoracoabdominal • En fosse iliaque gauche, les principaux organes concernés sont
indique un mécanisme de décélération important faisant le côlon sigmoïde et son méso, l’annexe gauche chez la
craindre des lésions internes d’arrachement. En cas de plaie, sa femme et les vaisseaux iliaques gauches.
topographie, son degré de souillure sont notés ainsi que tout • En fosse iliaque droite, ce seront le cæcum, les annexes droites
élément anatomique (épiploon, intestin...), liquide (sang, urine, et les vaisseaux iliaques droits.
matières...) ou gaz (plaie gastrique, colique, diaphragmatique ou • Au niveau hypogastrique, l’organe principalement atteint est la
pulmonaire) éventuellement extériorisé. Une plaie provoquée vessie. Les autres organes potentiellement traumatisés dans
par projectile implique l’exploration de son orifice d’entrée et cette région anatomique sont le rectum, l’utérus et le vagin
fait chercher un orifice de sortie le cas échéant. chez la femme.
Palpation
La palpation, réalisée progressivement, cherche un point
Aspects spécifiques selon le terrain
douloureux, une défense ou une contracture, mais l’examen est
difficile en urgence. La distinction entre une douleur d’origine Femme enceinte
pariétale ou profonde n’est pas évidente. L’atteinte des dernières Un traumatisme survenant chez la femme enceinte entraîne
côtes peut orienter vers un traumatisme thoracique associé, une un risque pour la grossesse. Deux types de complications sont à
lésion splénique à gauche et une lésion hépatique à droite. redouter : celles liées au traumatisme initial, parmi lesquelles
l’interruption de grossesse (au cours des deux premiers trimes-
Percussion tres) et l’hématome rétroplacentaire. L’interruption de grossesse
La percussion peut montrer une matité, signe d’un épanche- peut se manifester immédiatement ou après un délai variable.
ment intrapéritonéal abondant. En revanche, la constatation Les symptômes les plus fréquents sont les métrorragies et les

4 Médecine d’urgence
Contusions et plaies de l’abdomen ¶ 25-200-D-30

Aspects selon le mécanisme


Traumatismes fermés de l’abdomen
Les lésions consécutives à un traumatisme fermé dépendent
du mécanisme lésionnel. Il faut différencier les contusions
directes des lésions liées à un phénomène de décélération.
Lors des contusions directes, il existe le plus souvent une
notion anamnestique ou des signes évocateurs d’un impact
(ecchymose ou hématome). Les chocs basithoraciques peuvent
être responsables de lésions intrathoraciques mais ils se compli-
quent fréquemment d’une lésion du foie à droite ou de la rate
à gauche.
Les lésions de décélération sont torpides, intrapéritonéales,
souvent majeures et multiples. Elles peuvent se situer à tout
endroit dans l’abdomen. Ces lésions sont essentiellement
rencontrées au cours des accidents de la circulation ou des
chutes d’une hauteur élevée.

Plaies de l’abdomen
Les plaies non pénétrantes posent le problème de leur
diagnostic en cas de réaction péritonéale intense. Une explora-
tion laparoscopique permet de confirmer ou d’infirmer le
caractère pénétrant, et permet de réaliser un bilan lésionnel
précis.
Les plaies pénétrantes sont, en pratique civile, essentiellement
le fait d’armes blanches ou d’armes à feu. Elles peuvent être
dangereuses par l’importance de l’hémorragie en cas de lésions
vasculaires. Il n’existe généralement pas de dévitalisation
parenchymateuse sauf en cas d’atteinte pédiculaire d’un organe :
c’est en particulier le cas des plaies lombaires avec section du
pédicule rénal.
En présence d’une plaie par arme à feu, il faut différencier les
atteintes en fonction des projectiles en cause. Pour les projecti-
Figure 2. Fracture hépatique par traumatisme direct par coup de sabot
les classiques, le danger vient essentiellement des atteintes
de cheval.
viscérales multiples.
A. Fracture transfixiante du parenchyme hépatique.
En cas d’atteinte par des projectiles à haute vélocité (armes de
B. La fracture préserve la bifurcation porte, ce qui a permis un traitement
guerre ou certaines armes de chasse), il faut rechercher des
exclusivement conservateur avec des suites simples.
lésions vasculaires ou tissulaires parfois importantes, à distance
du trajet du projectile. Dans les deux cas, il faut s’efforcer de
trouver les points d’entrée et de sortie du projectile. S’il s’agit
contractions utérines. Le risque vital pour le fœtus est d’autant d’un projectile à haute vélocité, voire à fragmentation, il faut
plus grand que la grossesse est avancée. Bien qu’une rupture chercher d’éventuelles lésions d’autres territoires ou régions
utérine soit exceptionnelle, elle peut se rencontrer, associée dans anatomiques. Enfin, le retrait du projectile, s’il peut être
ce cas à une mort fœtale. L’hématome rétroplacentaire est intéressant en particulier en matière criminelle, n’est pas
souvent consécutif à un traumatisme direct sur l’abdomen au impératif s’il nécessite une aggravation des délabrements
cours du troisième trimestre de grossesse. Il se manifeste tissulaires pour son extraction.
cliniquement par une douleur très intense avec contracture
utérine et des signes d’hypovolémie, une diminution ou la Examens complémentaires
disparition des mouvements fœtaux et une accélération du
rythme cardiaque fœtal. C’est une indication de césarienne en Examens biologiques
urgence. L’association à des lésions intrapéritonéales n’est pas
Le bilan biologique initial doit être réalisé le plus rapidement
rare.
possible. Cependant l’absence des résultats ne doit pas retarder
Certaines complications iatrogènes sont également spécifiques un geste chirurgical de sauvetage dans les cas « désespérés ». Un
de la grossesse. En cas de traumatisme abdominal, une irradia- échantillon de sang du blessé est, au mieux, prélevé dès le
tion pour examens complémentaires doit être évitée, sauf s’il ramassage et le transport, avant la perfusion de quantités
existe un risque vital immédiat pour la mère, ou si la région importantes de solutés macromoléculaires.
incriminée est éloignée de l’utérus et que celui-ci peut être
protégé efficacement. Par ailleurs, beaucoup de médicaments Groupe sanguin et anticorps irréguliers
présentent un risque tératogène et l’opportunité de tout geste
invasif doit être envisagée à la lumière des risques encourus par La détermination du groupe et la recherche des anticorps
la mère et l’enfant. irréguliers est fondamentale en vue d’une transfusion sanguine.
Cependant en cas de réelle urgence, si les solutés de remplissage
macromoléculaires ne suffisent pas à maintenir la volémie et
Polytraumatisé l’oxygénation tissulaire du traumatisé, dans l’attente d’un geste
Le cas particulier du polytraumatisé ne sera pas abordé dans d’hémostase en urgence, le centre de transfusion sanguine peut
cet article. En effet, sa prise en charge, la hiérarchisation des délivrer sur prescription médicale (réanimatoire) des concentrés
lésions et leur traitement spécifique doivent faire l’objet d’une globulaires O négatifs. Le sang délivré par la suite sera adapté
prise en charge globale incluant les réanimateurs, les orthopé- en fonction de la détermination post-transfusionnelle du
distes et les neurochirurgiens. groupe, du Rhésus et d’éventuelles agglutinines irrégulières.
La contusion de l’abdomen n’est qu’un élément du polytrau-
matisme : seule l’hémorragie doit alors faire l’objet d’une prise Numération-formule sanguine
en charge en extrême urgence et prime sur toute autre lésion L’hémoglobine et l’hématocrite sont en urgence de mauvais
dès lors que le risque vital est en jeu. reflets d’un choc hémorragique. Une microcytose dans un

Médecine d’urgence 5
25-200-D-30 ¶ Contusions et plaies de l’abdomen

contexte ethnique particulier (pourtour méditerranéen), doit Imagerie des traumatismes abdominaux
faire évoquer une hémoglobinopathie, potentiellement associée
à une augmentation de volume et à une fragilité de la rate. L’imagerie a aujourd’hui une place prépondérante dans la
Après un traumatisme, il existe de manière quasi constante prise en charge précoce des traumatismes de l’abdomen. Elle
une élévation des polynucléaires neutrophiles liée à un phéno- répond à deux objectifs essentiels : détecter et localiser, voire
mène de démargination. En cas de traumatisme abdominal plus traiter par embolisation un saignement, dépister les lésions
ancien, la constatation d’une neutropénie est un élément de viscérales nécessitant une prise en charge chirurgicale.
pronostic très défavorable. Chez un traumatisé abdominal, l’indication des examens
Le taux de plaquettes n’est pas à lui seul un bon reflet de d’imagerie doit toujours être pondérée par l’état général du
l’importance du risque de saignements diffus. Les transfusions patient. La réalisation de ces examens ne se conçoit que chez
massives sont aujourd’hui constituées de concentrés érythrocy- un patient hémodynamiquement stable car leur durée est
taires déleucocytés et déplaquettés. Elles induisent une throm- souvent longue et un retard à l’acte chirurgical ne doit pas être
bocytopénie. Sous la limite de 100 000/mm3 atteinte après justifié par la réalisation d’une imagerie. Lorsque l’état général
6-8 unités de sang, elle nécessite l’administration de 1 à 2 unités du patient le permet, les examens radiologiques sont orientés
de concentrés plaquettaires [18] et de plasma frais congelé. par les données anamnestiques et l’examen clinique du patient.
Il convient de ne pas se focaliser exclusivement sur la région
abdominale.
Hémostase
Même si les examens standards gardent une place dans le
Les perturbations de l’hémostase, classées en coagulopathies cadre de l’urgence (radiographie d’abdomen sans préparation,
de dilution, de consommation et de lyse sont fréquentes chez clichés centrés sur les coupoles diaphragmatiques, radiographie
le traumatisé. [18] Un allongement significatif du temps de thoracique, radiographies osseuses [colonne, bassin et côtes]), il
céphaline (TCA ou TCK) en urgence peut être le témoin d’un faut reconnaître que l’échographie abdominale et la tomoden-
traitement héparinique préalable au traumatisme. Une diminu- sitométrie (TDM) ont considérablement modifié les données du
tion patente du taux de prothrombine (TP < 60 %) ou mieux, problème : la disponibilité de ces examens en urgence est
une élévation de l’international normalized ratio (INR) > 2,5 peut aujourd’hui impérative dans les centres d’accueil d’urgence.
être liée à une prise régulière d’antivitamine K, mais peut
également faire partie d’un trouble majeur de la coagulation Abdomen sans préparation
type coagulation intravasculaire disséminée (CIVD) qui est un
Il comprend classiquement trois incidences : deux clichés de
facteur péjoratif. Ces deux tests ne permettent qu’une approche
face, debout et couché, et un cliché centré sur les coupoles
de l’hémostase secondaire, et un taux de thrombocytes normal
diaphragmatiques. Si l’état du patient ne permet pas sa vertica-
n’élimine pas un trouble de l’hémostase primaire. Enfin, en cas
lisation, le cliché de face debout peut être remplacé par un
de transfusion massive, supérieure à la moitié de la masse
cliché couché de profil. Le but de ces radiographies est de
sanguine ou d’hypothermie sévère, il faut compenser la
dépister un épanchement gazeux intra- ou rétropéritonéal. La
consommation des facteurs de coagulation par la transfusion de
sensibilité de cet examen est faible : elle permet le diagnostic de
plasma frais et de facteurs stables. Les troubles majeurs de
rupture d’un organe creux dans moins de 50 % des cas (69 %
l’hémostase rencontrés chez des patients opérés en urgence de
pour les ruptures gastriques ou duodénales, mais 30 % pour les
traumatismes abdominaux graves sont en partie à l’origine de
ruptures de l’intestin grêle). Ainsi, l’absence d’épanchement
l’évolution de la chirurgie en plusieurs temps. Ceci permet une
gazeux n’est pas le garant de l’absence de perforation d’un
correction des troubles secondaires aux transfusions et à
organe creux. La présence d’un tel épanchement peut en outre
l’hypothermie dans l’attente d’un geste chirurgical majeur.
signifier l’existence d’un pneumothorax ou d’une rupture
vésicale après sondage. Ces clichés « de débrouillage », permet-
Biochimie
tent la localisation d’un éventuel projectile abdominal et la
L’ionogramme sanguin est souvent normal à l’admission. Il constatation de signes indirects d’épanchement intrapéritonéal
peut ensuite se modifier avec apparition d’une hypokaliémie et (grisaille diffuse, espacement interanse...). Toutefois, en présence
d’une hypernatrémie en cas de troisième secteur intestinal par d’un traumatisme abdominal grave ou d’un polytraumatisme,
iléus réflexe. ces clichés ne seront pas réalisés, remplacés par un examen
Lors d’un traumatisme majeur, on peut observer une hyper- TDM.
kaliémie dans le cadre d’une rhabdomyolyse avec une élévation
concomitante de créatine phosphokinases (CPK) et de la Radiographie thoracique
myoglobine.
La radiographie thoracique, dans le cadre d’un traumatisme
L’élévation précoce de l’urée et de la créatinine sanguine
abdominal, recherche essentiellement une rupture diaphragma-
témoigne d’une insuffisance rénale préexistante, alors que leur
tique et des fractures des dernières côtes. Une rupture diaphrag-
augmentation secondaire signe une insuffisance rénale aiguë,
matique survient dans 1 à 7 % des traumatismes abdominaux
facteur de gravité supplémentaire. Celle-ci est d’étiologie
graves et passe inaperçue dans 66 % des cas. [20] La radiographie
multiple : choc, rhabdomyolyse, iatrogène...
thoracique recherche en outre, un pneumothorax et/ou un
L’interprétation de l’amylasémie et de la lipasémie est difficile
hémothorax, une surélévation des coupoles diaphragmatiques,
en urgence. Bien qu’il n’existe pas de corrélation entre les taux
un corps étranger intrathoracique ou une fracture des arcs
de ces enzymes et une pancréatite aiguë traumatique, des
costaux, notamment inférieurs. Là encore, la valeur de cet
valeurs supérieures à 5 fois la normale dès l’admission doivent
examen est faible par rapport à l’examen TDM
faire évoquer ce diagnostic. Les traumatismes abdominaux sont
thoracoabdominal.
fréquemment associés à une élévation modérée et transitoire de
ces enzymes.
Le dosage des enzymes hépatiques est réalisé afin de détecter
Radiographies osseuses
une hépatopathie préexistante et de servir d’examen de réfé- Elles sont orientées par l’examen clinique. En cas de troubles
rence en cas de traumatisme hépatique. de la conscience, certaines équipes pratiquent systématiquement
La classique recherche d’une hématurie à la bandelette a peu un bilan « complet » du rachis, du bassin et des membres. Dans
d’intérêt dans ce contexte car les lésions urologiques graves se le cas des traumatismes de l’abdomen, ces radiographies
manifestent soit par une hématurie macroscopique, soit par une recherchent des traumatismes costaux bas, de la colonne ou du
anurie. Une hématurie microscopique est présente dans la bassin. Elles peuvent révéler ou confirmer la gravité du trauma-
plupart des traumatismes abdominaux, sans pour autant signer tisme. La topographie des lésions peut parfois orienter vers une
une atteinte urologique significative. lésion abdominale : le foie ou la rate atteints par des fractures
Le dosage d’autres marqueurs, en particulier les marqueurs de des dernières côtes respectivement à droite et à gauche ; des
l’inflammation tissulaire (interleukine IL6, IL8...) n’ont pas fait lésions de la moelle épinière, des lésions nerveuses ou des
la preuve de leur intérêt en urgence. [19] fractures rénales parfois liées à des fractures des dernières

6 Médecine d’urgence
Contusions et plaies de l’abdomen ¶ 25-200-D-30

vertèbres dorsales ou des premières vertèbres lombaires. Enfin, La qualité et la rapidité de réalisation de l’examen TDM,
la vessie ou l’urètre postérieur peuvent être lésés par une lorsqu’il est réalisé sur des machines modernes et performantes,
fracture ou disjonction pubienne. en ont fait l’examen de référence. Il doit être systématique, et
au moindre doute « corps entier ». Un examen TDM doit être
Échographie abdominopelvienne réalisé systématiquement chez des patients admis pour poly-
C’est actuellement l’examen de première ligne après l’examen traumatisme, et être en particulier centré sur la région céphali-
clinique. Elle est recommandée dans l’examen initial de tout que. Il permet de détecter jusqu’à 38 % de lésions non
traumatisé abdominal, en particulier lors de traumatisme fermé. suspectées initialement et modifie l’attitude de la prise en
L’échographie est non invasive, ne nécessite aucune préparation charge dans 25 % des cas. [27] Cet examen est moins opérateur-
ni injection et peut être réalisée au lit du blessé alors que les dépendant que l’échographie et offre une représentation des
premiers soins sont apportés au patient. Sa sensibilité pour la images interprétable par un médecin qui n’a pas réalisé lui-
décision d’une intervention est de 88 à 93 % et sa spécificité de même l’examen. Il permet de visualiser la cavité péritonéale et
90 à 99 %. [21, 22] les espaces anatomiques contigus (thorax, rétropéritoine, paroi,
Les limites de cet examen en urgence sont liées au matériel petit bassin et pelvis).
disponible ou accessible en urgence, dont la qualité n’est pas Cet examen est plus performant que l’échographie pour la
toujours optimale, à l’opérateur souvent peu aguerri à la recherche d’un pneumopéritoine, d’un hématome intramural
réalisation d’examens en conditions difficiles, en urgence chez d’une portion du tube digestif, d’une lésion pancréatique, de
des malades parfois agités, et enfin au malade lui-même : certaines lésions vasculaires.
hémopéritoine, iléus réflexe, emphysème sous-cutané et obésité La TDM peut toutefois être prise en défaut pour le diagnostic
peuvent gêner la réalisation et l’interprétation de l’examen. De de certaines lésions duodénopancréatiques et grêles. Si la
plus, pour des raisons de densité tissulaire, certaines lésions spécificité et la sensibilité de cet examen, quels que soient
« hémorragiques » peuvent être difficiles à déceler au cours l’opérateur et la machine, n’atteignent jamais 100 %, une TDM
d’une échographie réalisée précocement après le traumatisme « normale » constitue un argument important en faveur de
(jusqu’à la 24e heure). Le rôle essentiel de cet examen est la l’absence de lésion significative.
recherche d’un épanchement intrapéritonéal dont l’origine est
d’abord hémorragique. De petite abondance, cet épanchement Imagerie par résonance magnétique (IRM)
est le plus souvent retrouvé dans les zones déclives (cul-de-sac La réalisation de cet examen ne fait pas partie de l’arsenal
de Douglas, récessus de Morrison, gouttières pariétocoliques), [23] conventionnel utilisé en urgence devant un traumatisme
mais il peut également se concentrer autour des organes lésés. abdominal. Son bénéfice par rapport à l’examen TDM est faible.
Toutefois, la localisation de l’épanchement à l’échographie n’a Sa principale indication est la recherche d’une rupture
pas valeur d’orientation topographique. L’échographie participe diaphragmatique lorsque la radiographie thoracique est équivo-
également à l’inventaire des lésions parenchymateuses : lésion que. Il permet alors de mettre en évidence la poche et le
hépatique, splénique ou rénale. Le bloc duodénopancréatique contenu herniaire. L’IRM sera, en revanche, un examen de
(hématome sous-capsulaire, hématome interne, contusion, seconde intention en cas de doute concernant des lésions
rupture) et le mésentère sont mal explorés. Les lésions d’organes viscérales ou vasculaires.
creux tels que la vésicule biliaire, le duodénum, l’intestin grêle
ou le côlon sont imparfaitement décelées : [24] l’échographie ne Artériographie
détecte pas de façon fiable le pneumopéritoine. L’échographie Si son rôle diagnostique exclusif tend à diminuer, l’artério-
couplée au doppler, pulsé et/ou couleur, permet un examen graphie prend aujourd’hui une place de plus en plus importante
vasculaire de qualité, en particulier à la recherche de lésions dans le cadre de l’urgence en raison de son potentiel thérapeu-
vasculaires rénales et mésentériques. tique. Les progrès de la radiologie interventionnelle ainsi que la
Outre son intérêt immédiat (dont la fiabilité doit toujours disponibilité du matériel et des opérateurs dans les centres
être relativisée en fonction de l’état clinique du blessé et de d’accueil des urgences ont permis de multiplier les indications
l’expérience de l’opérateur), l’échographie a un intérêt indénia- de cette technique. Les injections artérielles sélectives sont de
ble dans le suivi évolutif. Cependant, une échographie réalisée plus en plus réalisées, parfois afin d’établir un diagnostic précis,
très précocement, même par un opérateur entraîné, peut être complétées par des embolisations sélectives afin d’obtenir une
prise en défaut et il faut savoir répéter l’examen à distance, stabilité tensionnelle avant un geste chirurgical. Comme
voire réaliser une TDM rapidement s’il existe une discordance exemples, on citera des embolisations spléniques dans un but
entre la clinique et l’imagerie. de conservation d’une rate traumatique avec 88 % de succès, [5]
hépatiques et mésentériques dans un but hémostatique.
Tomodensitométrie abdominopelvienne Dans certains cas, l’embolisation est volontairement à
La TDM abdominopelvienne est aujourd’hui la méthode l’origine d’une ischémie (intestinale par exemple), mais elle
d’imagerie de choix pour l’exploration de l’abdomen en contrôle une hémorragie aiguë et permet d’obtenir une stabili-
urgence. [25] Elle est utilisée aussi bien pour les abdomens aigus sation hémodynamique du patient afin de le réanimer et de
non pénétrants que pour certains traumatismes ouverts, et compléter le bilan lésionnel avant d’intervenir dans des condi-
détecte la plupart des lésions intra- et extrapéritonéales. tions idéales.
L’exploration, si possible réalisée sans et avec injection de La mise en place de prothèses expansives endovasculaires
produit de contraste intraveineux (en l’absence d’insuffisance (stents) pour ponter une rupture artérielle [2] est une voie en
rénale, d’allergie et de la prise de certains antidiabétiques oraux) cours d’évaluation. Le traitement conservateur d’une lésion
couvre toute la cavité abdominale, des coupoles au pelvis. Ainsi, hépatique grave avec embolisation artérielle et stent en regard
la perfusion des organes peut être contrôlée et l’excrétion rénale d’une plaie de la veine cave ont également été réalisés avec
est objectivée par un urogramme. L’administration d’un produit succès.
de contraste hydrosoluble dilué à 1-2,5 % est réalisée par
ingestion ou par une sonde nasogastrique en cas de patient Autres examens
comateux ou non coopérant, alors après intubation trachéale : En fonction du contexte clinique, d’autres examens peuvent
elle facilite l’interprétation des clichés et peut identifier un être exceptionnellement demandés. Le bilan urologique com-
hématome ou retrouver une brèche touchant l’estomac, le prend parfois une urographie intraveineuse (UIV) ou une
duodénum ou l’intestin grêle. [26] Un lavement rectal opaque cystographie rétrograde selon la localisation du traumatisme. Il
recherche une éventuelle plaie du rectum ou du côlon gauche. s’agit alors d’examens de seconde intention envisageables chez
Enfin, un remplissage vésical par un produit de contraste dilué des patients hémodynamiquement stables.
à 2 % permet de préciser le siège, sous- ou intrapéritonéal d’une Les examens endoscopiques n’ont que peu de place dans le
rupture vésicale. La réalisation de coupes avec une « fenêtre bilan lésionnel des traumatismes de l’abdomen. On citera de
osseuse » permet un bilan lésionnel de la colonne vertébrale rares indications comme une opacification rétrograde du
dans le même temps. Wirsung à la recherche d’une rupture canalaire (Fig. 3).

Médecine d’urgence 7
25-200-D-30 ¶ Contusions et plaies de l’abdomen

apportent le plus souvent un nombre d’informations supérieur


à la PLP. Cependant, en l’absence de plateau technique adéquat
ou disponible, la PLP reste un examen relativement performant
en urgence pour les traumatismes abdominaux. Elle garde alors,
dans ce contexte de dénuement clinique, la valeur qu’elle avait
à son origine.
La PLP se pratique chez un blessé en décubitus dorsal dont la
vessie a été si possible préalablement vidée. Sous anesthésie
locale, une courte incision médiane sous-ombilicale est prati-
quée de manière aseptique.
Une extravasation sanguine signe immédiatement une lésion
vasculaire abdominale grave imposant une exploration chirur-
gicale. Sinon, un cathéter est introduit dans la cavité péritonéale
et dirigé vers le cul-de-sac de Douglas ; 500 à 1 000 ml de sérum
physiologique ou de solution de Ringer sont perfusés. Ce liquide
est ensuite recueilli par simple déclivité. Un minimum de
500 ml de liquide est nécessaire pour le comptage des globules
rouges et blancs. En cas d’épanchement abdominal, du liquide
est recueilli avant instillation. Les critères de positivité de la PLP
ont été définis en 1970 et sont toujours d’actualité : [28, 29]
aspiration initiale de plus de 5 ml de sang, compte de globules
rouges supérieur à 100 000/mm3, compte de globules blancs
supérieur à 500/mm 3 , présence d’autres produits (matières
fécales, germes ou pus, bile, urine...). L’opérateur peut ainsi
évaluer l’existence d’une complication. Des prélèvements
peuvent également être réalisés pour dosage de l’amylase ou
examen bactériologique. Bien réalisée, la PLP a une sensibilité
de 90 à 99 % et une spécificité supérieure à 85 %. [21, 30, 31] Ses
complications propres sont exceptionnelles.
Le risque de faux positif est important en cas d’hématome
sous-péritonéal ou de fracture du bassin. [32] Le principal
reproche de la technique est de ne donner aucune information
sur l’organe lésé et le volume de l’hémopéritoine. Elle entraîne
donc un nombre non négligeable de laparotomies inutiles,
d’autant que le traitement conservateur des lésions hépatiques
et spléniques, souvent à l’origine de l’hémopéritoine, est de plus
en plus souvent proposé. Elle détecte rapidement les hémorra-
gies, mais doit être répétée car une lésion d’organe creux peut
se traduire par une infection péritonéale après un délai de
quelques heures. Trois à cinq heures sont nécessaires pour
qu’une élévation significative des leucocytes permette de
suspecter une plaie d’organe creux.
L’utilisation de la PLP dépend donc de l’environnement
médical et technique. On lui préférera dans la majorité des cas
un examen ultrasonographique, rapidement complété par un
examen TDM ou une laparoscopie exploratrice en cas de doute.

Cœlioscopie diagnostique exclusive


La cœlioscopie diagnostique ne doit pas se substituer aux
examens d’imagerie habituels. Elle implique un acte chirurgical
susceptible de faire décompenser un patient pouvant bénéficier
du traitement conservateur de ses lésions. Toutefois, en cas de
doute, elle permet une exploration complète de la cavité
péritonéale, à la recherche de lésions viscérales ou parenchyma-
teuses. Dans certains centres, elle est proposée au lit du patient
en réanimation. Cela ne correspond pas à la pratique euro-
Figure 3. Fracture du pancréas par choc direct de l’abdomen sur le péenne pour laquelle elle est réservée au bloc opératoire. Sa
guidon d’un deux-roues. meilleure indication réside dans l’exploration des plaies par
A. Visualisation de l’isthme du pancréas fracturé au niveau de la tête. arme blanche.
B. Visualisation de la fracture de l’isthme du pancréas.
C. Mise en évidence d’une rupture complète du canal de Wirsung avec
extravasation lors d’une cholangiowirsungographie rétrograde. ■ Intervention chirurgicale
La solution de l’exploration chirurgicale de tout patient
traumatisé de l’abdomen présentant un syndrome abdominal
Ponction-lavage du péritoine (PLP)
douloureux et un choc hypovolémique est une règle encore
La pratique de la PLP est actuellement remise en cause dans souvent rencontrée. Toutefois, le « triage » de ces patients,
de nombreux centres. [21] L’intérêt de cet examen est diverse- effectué à la lumière du premier bilan clinique et d’imagerie, est
ment apprécié en fonction des équipes car il est grandement de plus en plus fréquent, tant pour des raisons de coûts que
dépendant du plateau technique disponible en urgence et de pour éviter les complications liées à des laparotomies inuti-
l’habitude des équipes. [17] Depuis l’avènement de l’échographie les. [33] Enfin, dans certains centres, le nombre de patients
et du scanner, les équipes bénéficiant en urgence du matériel et présentant un traumatisme abdominal ne permettrait pas de les
du concours de radiologues entraînés ont peu recours à la PLP : explorer chirurgicalement d’une façon systématique. Pour ces
les renseignements fournis par ces deux examens d’imagerie raisons, la fréquence des interventions chirurgicales pour

8 Médecine d’urgence
Contusions et plaies de l’abdomen ¶ 25-200-D-30

traumatisme abdominal diminue ces dernières années et imagerie éventuellement « interventionnelle » (scanner, artério-
l’évolution se fait vers une attitude conservatrice. Bien entendu, graphie) de ceux nécessitant une laparotomie d’emblée. Dans ce
la chirurgie en urgence reste la règle chez le traumatisé abdo- cas, il n’y a pas de place pour la laparoscopie.
minal dont l’hémodynamique est instable malgré une réanima-
tion bien menée, ou en cas de lésion évidente d’organe creux. Péritonite
Enfin, le problème se pose différemment selon qu’il s’agit d’une Dans le cadre d’un traumatisme abdominal, en l’absence
contusion abdominale ou d’une plaie abdominale. Il y a encore d’hémorragie évidente et de contexte ascitique, tout épanche-
peu de temps, face à une plaie pénétrante abdominale, le ment intrapéritonéal abondant doit faire suspecter une perfora-
« dogme » était celui de l’exploration chirurgicale systématique. tion d’organe creux. Le diagnostic est évident si un pneumo-
Cette attitude, considérée comme classique pour de nombreuses péritoine est associé, mais plus difficile si le patient présente des
équipes européennes, tend à être battue en brèche par la signes cliniques de péritonite (défense généralisée ou contrac-
pratique des trauma-centers américains. Ces équipes intervenant ture abdominale). Dans ce contexte, il est possible de retarder
en urgence ont une attitude de moins en moins intervention- quelque peu la chirurgie afin de conditionner le blessé en vue
niste et bénéficient en particulier de l’amélioration de l’image- de l’intervention : réanimation hydroélectrolytique, aspiration
rie. Leurs résultats sont satisfaisants en termes de mortalité et de gastrique, sondage vésical, administration d’antibiotiques.
morbidité. [33-35] En effet, 10 % des plaies pénétrantes de
l’abdomen ne s’accompagnent d’aucune lésion viscérale. Dans Plaies avec extériorisation
certains cas, le résultat du traitement chirurgical en urgence de
certaines lésions n’apporte pas de bénéfice significatif. Une plaie Qu’il s’agisse d’une éviscération (épiploon, intestin grêle...) ou
hépatique isolée est au mieux traitée dans un premier temps de de l’extériorisation de liquide digestif, l’indication opératoire est
façon conservatoire. formelle. Comme dans le cas précédent, un court délai peut être
La décision opératoire sera prise après avis de tous les mis à profit pour le conditionnement optimal du blessé.
membres de l’équipe intervenante : le réanimateur, le chirurgien
et le radiologue. Cependant, le chirurgien reste seul juge de Indications opératoires relatives
l’attitude pratique à adopter qui dépend de son expérience et
La notion de relativité dans l’indication opératoire est plus le
des moyens techniques à sa disposition.
fait de l’évolution des tendances dans la prise en charge des
L’exploration locale de l’orifice de pénétration et du trajet
traumatismes abdominaux que de la pathologie rencontrée.
d’une plaie abdominale est impérative. La laparotomie explora-
Cette évolution est liée à la moindre agressivité recherchée dans
trice n’est plus systématiquement réalisée et la laparoscopie peut
tous les domaines de la chirurgie. Elle dépend de l’équipe
aujourd’hui en être une alternative. [8] En fait, de plus en plus
médicochirurgicale qui accueille le patient. Un chirurgien
de lésions sont l’objet d’une « surveillance chirurgicale armée »,
exerçant seul dans un centre où les moyens disponibles sont
au besoin en réanimation. C’est le cas pour certaines lésions
limités sera amené à avoir une conduite plus agressive et
hépatiques, spléniques, rénales, pancréatiques ou certains
réalisera une laparotomie exploratrice chez un patient dont
hématomes, et ce d’autant plus qu’ils sont rétropéritonéaux. En
l’examen n’élimine pas de façon formelle une lésion viscérale.
cas de contusion abdominale, il faut savoir ne pas passer à côté
Il ne peut se permettre une surveillance rapprochée qui se
d’une indication chirurgicale. Les moyens diagnostiques actuels
prolongera éventuellement plusieurs jours. À l’inverse, un centre
d’imagerie permettent une bonne évaluation lésionnelle et
disposant de plusieurs équipes à même de prendre en charge un
évitent le recours à l’exploration chirurgicale de principe.
traumatisé pourra voir plusieurs membres de chaque spécialité
En pratique, dans la plupart des centres européens, les
(anesthésiste-réanimateur, chirurgien, radiologue) se relayer et
indications de laparotomie exploratrice en urgence restent de
assurer un suivi attentif du patient.
mise en cas de doute diagnostique, et le taux de laparotomie
Ainsi, une plaie potentiellement non pénétrante pourra faire
exploratrice « blanche » (laparotomie ne révélant aucune lésion
l’objet d’une surveillance rigoureuse avec examen clinique et
abdominale) avoisine les 30 %.
radiologique répété. Un épanchement intrapéritonéal de faible
abondance et/ou de nature indéterminée, une lésion rétropéri-
Indications opératoires formelles tonéale, certaines lésions d’organes pleins, une incertitude
diagnostique associée à un « abdomen chirurgical » pourront
parfois être surveillés en milieu de soins intensifs.

Laparoscopie
“ Points forts La laparoscopie exploratrice de l’abdomen est réalisée depuis
plusieurs décennies, [36, 37] même au lit du patient traumatisé
• Choc hypovolémique ou persistance d’un état dans certains cas, [38] et son intérêt en urgence pour une équipe
hémodynamique instable. entraînée est certain. Cependant, il faut attendre le développe-
• Péritonite. ment de la chirurgie laparoscopique viscérale et son évolution
• Plaie avec extériorisation du contenu abdominal. technologique (caméras tri-CCD, lumières froides, instrumenta-
tion) pour voir la laparoscopie d’urgence prendre son essor.
Depuis 1992, de nombreuses équipes font état de leur expé-
rience tant pour l’exploration [39] et le triage [40] que le traite-
ment des traumatismes abdominaux en urgence : plaies par
Choc hypovolémique
arme blanche [8] ou par arme à feu, [31] lésions spléniques [41] ou
Un choc hypovolémique ou la persistance d’un état hémody- diaphragmatiques. [42]
namique instable chez un patient ayant subi un traumatisme Cette nouvelle approche n’est pas encore consensuelle, mais
abdominal et qui est correctement réanimé, en dehors d’une elle est inéluctable et doit aujourd’hui faire partie des gestes
autre cause de spoliation sanguine, doit inciter à une interven- envisagés dans la prise en charge des traumatismes abdominaux.
tion chirurgicale en urgence. Dans ce cas précis, les examens La laparoscopie doit être considérée comme un moyen et non
complémentaires sont le plus souvent synonymes de perte de comme une fin en soi. Il faut cependant reconnaître qu’une
temps et donc de chance pour le patient. Seul un inventaire exploration abdominale laparoscopique dans le but de juger du
lésionnel extra-abdominal rapide, thoracique et neurologique, caractère pénétrant ou non d’une plaie est moins agressive
éliminera une autre étiologie au choc chez le polytraumatisé. qu’une laparotomie. Pour les équipes les plus entraînées à cette
L’exploration consistera en une laparotomie permettant l’explo- chirurgie laparoscopique, disposant de matériel de qualité pour
ration de toute la cavité péritonéale à la recherche d’une lésion la pratique de l’urgence, certains gestes thérapeutiques peuvent
qui est le plus souvent parenchymateuse ou vasculaire. La être réalisés : suture de plaie viscérale, splénectomie ou mise en
difficulté consiste à trier les patients devant bénéficier d’une place de filet périsplénique, hémostase, toilette péritonéale. [8, 41]

Médecine d’urgence 9
25-200-D-30 ¶ Contusions et plaies de l’abdomen

Les contre-indications de laparoscopie exploratrice sont potentielle des lésions. Dans le même ordre d’idées, les lésions
aujourd’hui bien cernées : ce sont tout d’abord l’instabilité multiples (crâne, rachis, membres...) et/ou les lésions des régions
hémodynamique ou le choc cardiocirculatoire. En effet, l’hyper- anatomiques voisines (thorax, périnée, rétropéritoine...) doivent
pression intra-abdominale diminue le retour veineux central en être systématiquement recherchées. Certains auteurs proposent
augmentant les résistances périphériques, et fait chuter l’index des critères d’alerte traumatique orientant vers un traitement
cardiaque. [43] Ensuite, les troubles de l’hémostase non corrigés, chirurgical (Tableau 1). [30]
l’hypertension intracrânienne ou la présence d’une valve de Il est plus difficile de poser une « bonne » indication chirurgi-
Leveen sont les plus classiques. Un trouble de conscience non cale, que de décider de la voie d’abord (laparotomie médiane ou
étiqueté ou la suspicion d’un hématome intracérébral seront autre, laparoscopie). Ce point technique dépendant de l’expé-
également considérés comme des contre-indications. Toutefois, le rience de l’opérateur et de ses habitudes sera envisagé organe par
contexte de l’urgence en lui-même n’est pas une contre-indication. organe. Lors de l’exploration chirurgicale de la cavité péritonéale,
Les indications opératoires de la laparoscopie recouvrent tous une méthodologie doit être respectée : la priorité est le contrôle
les champs d’application de la chirurgie exploratrice devant un d’une hémorragie, puis un examen visuel systématique de tous les
traumatisme. Ainsi, elle évaluera l’étiologie et la gravité d’un organes est réalisé en y associant la palpation et en se méfiant
hémopéritoine, recherchera l’origine d’un syndrome septique et d’une lésion de la « face cachée » difficile à mettre en évidence.
jugera de la nécessité d’un geste opératoire complémentaire. En Enfin tout liquide intrapéritonéal anormal sera prélevé pour
cas de doute lors de l’exploration par laparoscopie sur une examen microbiologique afin de permettre une étude bactério-
lésion ou un organe, ou en cas d’impossibilité d’explorer de logique et mycologique (Candida et levures souvent présents
façon satisfaisante une partie de la cavité abdominale en raison dans les lésions du tube digestif).
de l’hématome ou de l’occlusion réflexe, la démarche diagnos- Les grands principes de traitement des lésions viscérales, rappelés
tique doit être poursuivie jusqu’à son terme et une conversion organe par organe, n’ont pas pour but de préciser le détail du bilan
en laparotomie est de mise. et du traitement de chaque lésion rencontrée. Notre intention est
Les limites de la technique peuvent être liées au matériel. de rappeler les grandes lignes de leur prise en charge en tenant
Pour permettre une exploration de bonne qualité, un matériel compte de l’évolution récente des lignes de conduite.
adéquat est requis : caméra tri-CCD, seule à même de faire la
distinction entre des couleurs proches (intestin viable ou Lésions vasculaires
nécrosé, aspect de caillots), lumière de forte puissance pour Les plaies des mésos (mésentère, mésocôlon et mésorectum)
pallier la perte de lumière liée à la présence de sang dans le doivent être recherchées systématiquement. Certaines dilacéra-
champ opératoire (par absorption et non-réflexion de l’onde tions ou plaies avec arrachement vasculaire peuvent nécessiter
lumineuse par l’hème de l’hémoglobine) et optiques de bonne des résections intestinales, coliques ou grêles étendues.
qualité. Le personnel médical doit également avoir une bonne Les atteintes des vaisseaux pelviens provoquent le plus
expérience de cette chirurgie qui nécessite une parfaite collabo- souvent un hématome rétropéritonéal qui, en l’absence de
ration entre le chirurgien et l’anesthésiste. Dans ces conditions, signes hémodynamiques alarmants, doit être traité par sur-
la laparoscopie apporte un bénéfice certain au patient en veillance simple. Si toutefois un geste s’avère nécessaire, il faut
limitant les conséquences pariétales et souvent les complications préférer une embolisation sous contrôle angiographique, lorsque
respiratoires ou septiques d’une laparotomie inutile. cela est possible, à une hémostase par abord chirurgical direct
dont la morbimortalité n’est pas négligeable.
Minilaparotomie Les plaies de l’aorte ou de ses collatérales nécessitent un
clampage en urgence, plus rarement la mise en place d’une
La minilaparotomie représente l’alternative entre l’exploration sonde à ballonnet occlusive. [10] Les plaies de la veine cave ou
par une laparotomie classique et la laparoscopie. Elle n’est plus de ses branches, comme toutes les plaies veineuses, sont de
de mise si cette dernière peut être réalisée. Elle est souvent réparation difficile. Une compression hémostatique doit être
complémentaire de la PLP en permettant une exploration réalisée en urgence. La réparation de ces gros troncs, d’indica-
restreinte de la cavité abdominale mais elle est un geste tion et de réalisation compliquées, doit être confiée à un
chirurgical à part entière. La minilaparotomie n’est pas indiquée chirurgien entraîné à ce type de chirurgie. Leur pronostic est
si le patient présente des signes imposant une exploration gravissime, associé à une lourde mortalité.
abdominale : celle-ci doit être de bonne qualité et complète, par
laparoscopie ou par laparotomie. Un examen négatif risquerait Lésions de la rate
de faussement rassurer l’équipe médicochirurgicale et de La prise en charge des traumatismes spléniques a considérable-
retarder la prise en charge d’une lésion majeure. ment évolué ces dernières années. Le dogme de la résection
splénique systématique devant un traumatisme a évolué et les
Laparotomie conservations, avec ou sans mise en place de filet, les résections
partielles et les embolisations font partie des choix thérapeutiques
La laparotomie par voie médiane est préférable en urgence à la disposition des opérateurs. Ici encore, l’habitude et la disponi-
aux autres voies d’abord. L’incision est orientée par le diagnostic bilité des équipes sont des éléments importants de ce choix.
lésionnel préopératoire. En cas d’exploration systématique, Du fait d’infections potentiellement mortelles après splénec-
l’incision est périombilicale, sur environ 10 cm. Elle permet une tomie, les indications d’un geste radical ont été revues à la
exploration systématique de l’ensemble de la cavité abdominale. baisse, tout particulièrement chez l’enfant. Avant l’âge de 4 ans,
Elle pourra être élargie vers le haut ou vers le bas selon les le risque d’infection gravissime est tel qu’une splénectomie ne
résultats de l’exploration, ou vers le thorax en cas de nécessité. doit être envisagée qu’en dernier recours. Le traitement est bien
Elle permet le traitement des lésions rencontrées et de lésions entendu conditionné par la gravité des lésions et l’état général
associées méconnues en préopératoire. du patient. Les traumatismes spléniques peuvent être classés en
Elle est indiquée de première intention, avant tout examen fonction de leur lésion anatomique ou échographique. [44] Le
complémentaire risquant de retarder la chirurgie en cas de geste chirurgical dépend de la clinique. Des tableaux de gravité
syndrome hémorragique persistant malgré une réanimation bien variable peuvent être rencontrés : ce seront une vague gêne, une
conduite. L’état hémodynamique du blessé est donc le premier douleur de l’hypocondre gauche ou une douleur irradiant à
argument de décision du geste chirurgical. Une laparotomie est l’épaule homolatérale. Un état de choc d’emblée, ou des signes
indiquée en cas de positivité de la PLP ou d’échec ou d’insuffi- généraux apparaissant de manière retardée après un intervalle
sance de la laparoscopie. libre de quelques heures ou quelques jours, signent générale-
ment la rupture d’un hématome sous-capsulaire. En cas
Principes du traitement chirurgical d’hémopéritoine massif avec collapsus cardiovasculaire, véritable
urgence vitale, il y a souvent une nécessité de splénectomie
Le premier principe de prise en charge d’un traumatisé d’hémostase. La voie d’abord la plus classique reste l’incision
abdominal est avant tout de ne pas sous-estimer la gravité abdominale médiane plutôt sus-ombilicale. Certaines équipes

10 Médecine d’urgence
Contusions et plaies de l’abdomen ¶ 25-200-D-30

préfèrent la voie sous-costale qui, si elle n’est réalisée que sur la Tableau 2.
Classification des lésions hépatiques. [46]
partie gauche de l’abdomen, expose à une difficulté majeure
pour l’exploration et le traitement d’éventuelles lésions asso- Grade I Hématome sous-capsulaire non expansif, inférieur à 10 %
ciées. Devant un tableau d’hémopéritoine nécessitant une de la surface
transfusion sanguine, l’abstention chirurgicale n’est pas appro-
Fracture capsulaire, non hémorragique, < 1 cm de profon-
priée. Différentes options sont possibles. Si le patient est stable
deur
hémodynamiquement, une laparoscopie peut être envisagée. Les
Grade II Hématome sous-capsulaire non expansif, 10 à 50 %
options thérapeutiques dépendent des lésions observées, de
de la surface
l’expérience et des habitudes des équipes : simple décaillotage,
avec ou sans drainage, filets résorbables périspléniques, spléno- Hématome profond, non expansif, < 2 cm de diamètre
raphies, produits hémostatiques locaux (collagènes, celluloses) et Fracture capsulaire hémorragique
colles biologiques ou splénectomie, totale ou partielle. Fracture parenchymateuse < 10 cm de longueur
Un traitement conservateur est actuellement possible dans Fracture parenchymateuse de 1 à 3 cm de profondeur
plus de 50 % des cas avec un faible taux de récidive hémorra- Grade III Hématome sous-capsulaire > 50 % de la surface
gique (2 % pour Feliciano et al.). [45] En cas de contusion simple Hématome sous-capsulaire rompu hémorragique
et d’hémopéritoine ne nécessitant pas de transfusion, l’attitude
Hématome sous-capsulaire expansif
actuelle est la surveillance « armée » et constante, en milieu
Hématome intraparenchymateux, expansif ou > 2 cm
chirurgical ou de réanimation (unité de soins intensifs). Cette
w de diamètre
surveillance est classiquement d’une durée de 21 jours.
Les critères de contre-indication du geste chirurgical différé Fracture parenchymateuse > 3 cm de profondeur
sont : Grade IV Hématome intraparenchymateux hémorragique
• patient hémodynamiquement instable (pression artérielle Fracture parenchymateuse de 25 à 50 % unilobaire
systolique < 90 mmHg, pouls > 110/min) après remplissage Grade V Fracture parenchymateuse > 50 % uni- ou bilobaire
vasculaire > 2 l ; Lésion veineuse cave ou sus-hépatique
• âge supérieur à 55 ans ; Grade VI Avulsion hépatique
• traumatisme crânien associé (sauf enfant de moins de
15 ans) ;
• importance des lésions à l’examen ultrasonographique [44] ou
TDM ;
• apparition de signes péritonéaux (lésions associées) ;
• chute du taux d’hémoglobine nécessitant une transfusion
sanguine.
La présence ou l’apparition de l’un de ces éléments conduit
le plus souvent à une option chirurgicale.
Le risque de rupture splénique en deux temps doit rester à
l’esprit : il n’est pas négligeable, 1 à 20 % selon les séries, et
responsable d’une importante mortalité (5 à 15 %).
Les suites opératoires après splénectomie totale nécessitent
une surveillance de la numération plaquettaire qui s’élève
classiquement dans les 10 jours suivant l’intervention, pouvant
dépasser 800 000 à 1 million d’éléments/mm3, et imposant,
pour certains, un traitement antiagrégant. Le risque d’infection
postopératoire précoce et tardif, essentiellement à pneumoco-
que, justifie une vaccination antipneumococcique et, chez
l’enfant, une antibioprophylaxie.

Lésions du foie
Les traumatismes hépatiques restent graves, bien que leur Figure 4. Diagnostic scanographique d’une plaie pénétrante du foie
pronostic se soit largement amélioré. Leur traitement est par arme blanche. L’imagerie confirme le trajet intrahépatique exclusif de
aujourd’hui dans la majorité des cas conservateur. La classifica- la plaie et a permis un traitement conservateur.
tion de Moore [46] permet de décrire les différents types de
lésions (Tableau 2). Les hématomes sous-capsulaires du foie
nécessitent exceptionnellement une intervention chirurgicale. Il
s’agit d’un tamponnement périhépatique (et non intrahépati-
en est de même des hémopéritoines chez un patient hémody-
que) qui permet de contrôler la grande majorité des hémorragies
namiquement stable (Fig. 4).
d’origine hépatique en tassant autour du foie des champs
Cette notion de stabilité hémodynamique est le principal
abdominaux et/ou de grandes compresses. Ceci comprime le
argument permettant de surseoir à un abord chirurgical en cas
de lésion hépatique. Lorsque ces lésions sont de découverte foie en haut et en arrière, permettant ainsi une hémostase
peropératoire, il n’y a pas de traitement codifié : [47] l’évolution transitoire des plaies. La fermeture abdominale se fait champs
de la prise en charge tend à limiter les gestes à effectuer en en place et le patient est réanimé. Une artériographie et un
urgence. Aucun geste doit être réalisé en présence d’une lésion geste endovasculaire (embolisation ou stent vasculaire) permet-
qui ne saigne plus, les éraillures et petites fractures du paren- tent un contrôle des lésions hémorragiques. [2] Une seconde
chyme hépatique sont traitées par électrocoagulation, tampon- intervention est réalisée de manière semi-réglée entre la 24e et
nement, colles biologiques... la 72e heure afin d’ôter ces champs et de réaliser un geste
Les sutures, traumatiques, sont évitées. Les résections hépati- d’hémostase complémentaire si cela s’avère nécessaire. Ce
ques à la demande sont exceptionnelles, réservées aux trauma- principe de chirurgie « de guerre » a permis de modifier consi-
tismes majeurs et associées à une mortalité importante. dérablement le pronostic des traumatismes graves du foie. Il a
Dans les faits, il n’existe pratiquement aucune indication de l’avantage d’être rapide, de limiter les risques d’hypothermie et
résection hépatique anatomique dans le cadre de l’urgence du les conséquences de l’enchaînement transfusion-hypothermie-
fait de la très lourde morbidité et mortalité dans ce contexte. De acidose-troubles de l’hémostase rapidement à l’origine de
la même façon, la réalisation de gros points de rapprochement complications vitales chez ces patients. Un geste chirurgical a
hépatiques, source d’hématome et d’infection, ne doit plus être minima permet en outre le transfert du patient, si besoin, vers
faite. On lui préfère, en urgence, le « packing hépatique ». [48] Il un centre spécialisé.

Médecine d’urgence 11
25-200-D-30 ¶ Contusions et plaies de l’abdomen

Tableau 3. Tableau 4.
Classification des lésions pancréatiques. Classification des lésions rénales.
Classe I Contusion - Lacération périphérique Type I Contusions mineures
Canal de Wirsung indemne Type II Contusions et plaies sans atteinte de l’arbre excréteur
Classe II Lacération distale, du corps ou de la queue - rupture Type III Plaies importantes et/ou fragmentation, avec ou sans extravasa-
du parenchyme - Suspicion de section du canal de tion urinaire
Wirsung Type IV Atteinte du pédicule rénal
-Pas de lésion duodénale associée
Classe III Lacération proximale, de la tête - Transsection
de la glande - Rupture du parenchyme - Suspicion
de section du canal de Wirsung - Pas de lésion duodé-
La seule indication chirurgicale urgente concerne l’atteinte du
nale associée pédicule rénal. Il peut s’agir d’une rupture ou d’une thrombose
artérielle. Le diagnostic est scanographique, avec injection, ou
Classe IV Rupture combinée grave duodénopancréatique
artériographique. Le pronostic pour le rein est grave et la
D’après Lucas. [49] L’existence d’une ou de plusieurs des atteintes citées dans ce néphrectomie en urgence souvent requise. Une thrombose
tableau implique la classification des lésions dans la classe correspondante. La
bilatérale entraîne le plus souvent la perte des reins. [53]
classification intègre les lésions duodénales associées car leur réparation sera
concomitante à celle du pancréas.
Lésions des organes creux
Lésions (duodéno-) pancréatiques Les traumatismes de l’intestin grêle et du côlon arrivent
respectivement en 3 e et 4 e position des lésions viscérales
Les traumatismes (duodéno-) pancréatiques sont, dans la observées lors des traumatismes abdominaux, après les lésions
plupart des cas, secondaires à des accidents de la circulation. Ils de la rate et du foie. [54] Un pneumopéritoine radiologique
peuvent être classés en fonction de l’atteinte concomitante du visible sur les clichés standards d’abdomen sans préparation est
duodénum et du pancréas (Tableau 3). [49] Ici encore, le traite- présent dans moins de 25 % de ces perforations. Il est tardif,
ment est essentiellement conservateur, associant une mise au accompagnant les signes péritonéaux. La TDM est plus perfor-
repos de la glande pancréatique par aspiration gastrique et mante dans ce contexte avec environ 50 % à 70 % de ruptures
éventuellement traitement médical par somatostatine. intestinales diagnostiquées. [17, 55]
L’exploration de l’ensemble du pancréas et du duodénum Le traitement chirurgical fait appel à une toilette péritonéale,
impose un décollement splénopancréatique et un décollement un drainage (classiquement des quatre quadrants) et au traite-
duodénopancréatique. La chirurgie sera « minimaliste », dans la ment du segment lésé. Une antibiothérapie à spectre large
mesure du possible, avec excision simple des foyers d’attrition (germes à Gram négatif et anaérobies essentiellement) secondai-
pancréatique et drainage de contact. Une atteinte duodénale est rement adaptée en fonction des résultats bactériologiques des
rarement isolée et une dérivation sur une anse rarement prélèvements peropératoires sera administrée.
indiquée en urgence. Une plaie duodénale doit être traitée par On insistera sur la nécessité d’explorer la vascularisation des
exclusion duodénale (suture du pylore, vagotomie et gastroen- organes digestifs, en particulier le côlon et l’intestin grêle, afin
téroanastomose) et drainage de la plaie duodénale avec ou sans de ne pas méconnaître une lésion ischémique par désinsertion
suture de celle-ci. [50] Un geste d’exérèse pancréatique est mésentérique.
nécessaire lorsqu’il existe une section du canal de Wirsung, en En cas de doute, le geste chirurgical sera complété par une
général par rupture de l’isthme de la glande (Fig. 3A, B, C). Un artériographie afin de s’assurer de la vascularisation de la totalité
geste de suture simple expose à un risque majeur de fistule des organes abdominaux si cela n’a pas été effectué lors d’un
pancréatique. Une plaie isthmique ou caudale du pancréas doit examen TDM préopératoire.
être traitée par splénopancréatectomie caudale, sans céder ici à
la tentation d’un geste conservateur. [51] Un traumatisme Lésions de l’intestin grêle
profond de la tête du pancréas, ou son éclatement, impose une
L’exploration de tout l’intestin grêle avec contrôle de toutes
duodénopancréatectomie céphalique en urgence. Ce geste, rare,
ses faces est impérative. Si une brèche minime peut éventuelle-
est grevé d’une lourde mortalité et morbidité. Un drainage
ment être suturée sans résection lorsque les tissus avoisinants
abdominal large est recommandé par tous les auteurs. Il doit
sont sains, la règle impose une résection de la partie traumatisée
être déclive et proche des sutures digestives. Une jéjunostomie
et une suture terminoterminale, non protégée. Il est exception-
d’alimentation est très largement recommandée dans ce
nel, même en contexte de péritonite, d’avoir recours à une
contexte, permettant une hyperalimentation entérale précoce
jéjunostomie ou une iléostomie.
du patient en l’absence de lésions digestives d’aval.
Lésions du côlon et du rectum
Lésions épiploïques
À l’inverse des lésions du grêle, il est exceptionnel de réaliser,
Les lésions épiploïques sont le plus souvent hémorragiques dans un contexte d’urgence (donc à côlon non préparé), la suture
par arrachement, responsables de volumineux hématomes simple d’une plaie colique. Les rares cas où ce geste peut être
disséquants rendant le bilan lésionnel difficile. Leur traitement envisagé sont les plaies minimes, datant de moins de 6 heures,
est une résection permettant d’obtenir une hémostase rapide et et non souillées, chez un patient jeune. Lorsque la plaie se situe
complète. Elles s’associent dans certains cas à une désinsertion sur un segment mobile du côlon, celui-ci peut être monté à la
mésentérique, responsable d’une ischémie intestinale souvent peau sur baguette avec extériorisation de la plaie, réalisant une
étendue. colostomie temporaire de dérivation. Ce cas idéal se rencontre
rarement. Habituellement, on est en face d’un délabrement plus
Lésions rénales important par éclatement de l’organe avec une contamination
La découverte d’un hématome rétropéritonéal, en l’absence péritonéale. Une colectomie segmentaire est appropriée (sigmoï-
de saignement évolutif, ne doit pas entraîner son exploration dectomie, colectomie gauche, colectomie droite).
systématique. En effet, un tel hématome est souvent contrôlé En l’absence de lésion vasculaire associée, le rétablissement de
spontanément. L’exploration des reins n’est, de ce fait, pas la continuité est effectué d’emblée, par anastomose terminoter-
systématique non plus. Les lésions rénales sont habituellement minale, ou latérolatérale, manuelle ou mécanique (agrafeuse
classées en quatre types (Tableau 4). Si les lésions de types I et linéaire de type GIA®). Cette anastomose est protégée par une
II ne nécessitent pas de traitement, il est aujourd’hui admis que colostomie d’amont sur baguette en cas de péritonite associée. En
les lésions de type III peuvent, elles aussi, bénéficier d’un cas de doute sur l’intégrité du mésentère, ou en cas de choc, ainsi
traitement différé, [52] ce qui permettrait de sauver le rein dans qu’en présence d’une lésion sigmoïdienne importante ou d’une
un nombre non négligeable de cas. Les décès observés sont le lésion du haut rectum, une colostomie terminale temporaire avec
plus souvent liés aux lésions associées. fermeture du segment d’aval selon Hartmann est indiquée. En cas

12 Médecine d’urgence
Contusions et plaies de l’abdomen ¶ 25-200-D-30

Tableau 5.
Lésions rencontrées dans les traumatismes abdominaux opérés (en %). [39]

Organe % atteinte Répartition % atteinte


Rate 43
Foie 35
Hématome rétropéritonéal 15
Mésentère 13
Génito-urinaire 7 Rein 39
Vessie 46
Ovaires 15
Diaphragme 5 Gauche 93
Droit 4,5
Bilatéral 2,5
Intestin 5 Grêle 73
Côlon 27
Vaisseaux 3 Mésentère 63
Veine cave 29
Aorte 0,01
Duodénum-pancréas 0,03
Estomac 0,02

de colectomie droite, l’attitude la plus classique est le rétablisse- contraste. Il s’y associe fréquemment un important hématome
ment d’emblée, iléocolique transverse, non protégé. pelvien. Le traitement est ici un drainage vésical. Une sonde
Les lésions rectales basses, sous-douglassiennes, sont de vésicale est laissée en place pour une durée de 10 à 15 jours.
traitement plus difficile : une anastomose en urgence n’est pas
envisageable et le traitement consiste en une colostomie iliaque Lésions pariétales
gauche de dérivation associée à un drainage.
Diaphragme
Dans tous les cas, une toilette avec drainage de la cavité
péritonéale est réalisée. Les traumatismes abdominaux par choc direct sont à l’origine
d’une hyperpression intrapéritonéale pouvant être à l’origine
Lésions gastriques d’une rupture diaphragmatique. Ces ruptures surviennent dans
Les plaies, perforations ou dilacérations gastriques sont 1 à 2 % des traumatismes thoracoabdominaux sévères, à gauche
traitées par avivement des berges et sutures muqueuses puis dans 90 % des cas (Tableau 5). Elles sont souvent méconnues.
séreuses en deux plans, protégées par une aspiration gastrique à En cas de plaie par arme blanche ou arme à feu, tous les types
double courant (liquide/air). Dans de très rares cas, si l’atteinte de lésion peuvent se rencontrer et sont méconnus dans 7 % des
gastrique est trop importante, une gastrectomie partielle, voire cas. [56] Les lésions diaphragmatiques sont parfois d’expression
totale, est nécessaire. Il faut noter qu’une perforation gastrique retardée, de quelques heures à quelques jours, car le diagnostic
sur une face de l’estomac (le plus souvent antérieure) doit n’en est pas effectué en urgence. Le diagnostic est évoqué
toujours faire rechercher une lésion sur le versant opposé de devant une détresse respiratoire avec anomalies auscultatoires de
l’organe (plaie transfixiante ou écrasement gastrique avec la base pulmonaire et en particulier la présence de bruits
répercussion antérieure et postérieure). Une lésion postérieure hydroaériques. La radiographie simple du thorax évoque le
est souvent associée à une lésion pancréatique. diagnostic en ne retrouvant pas le contour normal de la coupole
diaphragmatique, mais la présence de clartés digestives dans le
Lésions vésicales thorax, en particulier gastrique. Le diagnostic différentiel doit
Deux tableaux cliniques peuvent marquer une rupture être fait avec un pneumothorax ; c’est l’une des raisons pour
vésicale. La rupture intrapéritonéale de vessie est une rupture du lesquelles il est conseillé en urgence de ne drainer un pneumo-
dôme vésical par traumatisme sur vessie pleine. Cliniquement, thorax (sauf pneumothorax suffocant) qu’après avoir mis en
le patient présente des douleurs abdominales progressivement place une sonde nasogastrique. Idéalement, le diagnostic est fait
croissantes, sans miction ni sensation de réplétion vésicale et par l’examen TDM, mais là encore, la lecture de l’imagerie est
surtout sans globe vésical. parfois trompeuse et la rupture diaphragmatique doit être
Un sondage vésical doit être effectué de façon atraumatique systématiquement recherchée. Les ruptures diaphragmatiques
afin de ne pas aggraver une possible lésion urétrale associée. Il sont parfois diagnostiquées de manière « fortuite » à distance du
ne ramène pas ou très peu d’urine. L’échographie et le scanner traumatisme causal. Les lésions qui sont des ruptures de
abdominopelvien peuvent orienter le diagnostic, mais le coupole, des désinsertions ou des ruptures centrales paraverté-
meilleur examen dans ce cas est la cystographie rétrograde. brales doivent faire l’objet d’une réparation anatomique en
Cette dernière permet dans le même temps le bilan d’une urgence. Celle-ci est réalisée au fil non résorbable à points
éventuelle lésion urétrale associée. Une rupture intrapéritonéale séparés sans prothèse, par voie abdominale ou thoracique,
impose un contrôle de l’intégrité du trigone vésical, puis une éventuellement par laparoscopie ou par thoracoscopie. [56] La
suture en deux plans de la plaie, par voie laparoscopique ou par mise en place de prothèse est réservée aux ruptures traitées
laparotomie. Le second tableau observé est celui d’une rupture tardivement lorsque l’étoffe s’est rétractée et ne permet plus de
sous-péritonéale de vessie : le mécanisme le plus fréquent est le réparation idéale. Enfin, la fermeture d’une brèche diaphragma-
cisaillement ou l’embrochage vésical ou cours d’une fracture du tique doit toujours être associée à un drainage pleural. La
bassin et/ou d’une disjonction pubienne. La douleur hypogas- mortalité des lésions diaphragmatiques est élevée, de l’ordre de
trique prédomine. 20 à 30 %, souvent due aux lésions associées.
Cette dernière n’est généralement pas associée à des signes
Paroi abdominale
péritonéaux. La miction est conservée avec hématurie associée.
Au toucher rectal il existe une sensation d’empâtement pelvien. La paroi abdominale peut être lésée par un traumatisme
Comme pour la rupture intrapéritonéale, le meilleur examen est direct ou présenter une perte de substance. Le plus souvent, cela
la cystographie rétrograde qui permet le bilan d’une éventuelle impliquera une fermeture pariétale éventuellement associée à
lésion urétrale associée et montre l’extravasation du produit de une cicatrisation dirigée. La prise en charge d’un syndrome du

Médecine d’urgence 13
25-200-D-30 ¶ Contusions et plaies de l’abdomen

compartiment abdominal pose d’autres problèmes et en parti- l’hypoxémie. Ce sont également les complications cardiocircula-
culier celui de la réintégration des anses, lié à l’œdème trauma- toires, secondaires à un choc hypovolémique, une rhabdomyolyse,
tique et à l’iléus réflexe. un choc toxi-infectieux, ou des ischémies prolongées.
Lors de la prise en charge d’une plaie, il est nécessaire Ces complications non spécifiques sont encore infectieuses,
d’exciser les berges, en particulier en cas de plaie par arme à feu. imposant la recherche d’une porte d’entrée méconnue, ou
Le parage doit être complet, incluant les muscles et le péritoine. rénales. Une insuffisance rénale apparaît dans les suites d’une
La peau est grossièrement rapprochée et drainée. Habituellement, hypovolémie. L’insuffisance peut être mécanique par obstacle,
la paroi est refermée après une laparotomie. Exceptionnellement, ou fonctionnelle, entrant dans le cadre des défaillances polyvis-
la fermeture pariétale ne peut être réalisée de première intention cérales. Des complications métaboliques, liées à la réanimation,
et certains auteurs proposent alors la mise en place de sacs de ne sont pas rares. Enfin les complications abdominales chirur-
protection irrigués [57, 58] avec fermeture secondaire, après gicales doivent être recherchées systématiquement, hémorragi-
disparition de l’œdème lié à la réanimation et à l’ischémie. ques, septiques et pariétales.
Certains auteurs proposent l’utilisation de filets, mais ceux-ci sont
responsables de fistules digestives postopératoires. [59] Complications hémorragiques
Traitement de cas particuliers L’hémorragie postopératoire peut poser un problème majeur
dans la détermination de son étiologie et de la conduite à tenir.
Polytraumatisé En effet, si une hémorragie brutale, avec ou sans extériorisation
La contusion abdominale est un élément fréquemment de sang, se produit au décours d’une splénectomie et s’accom-
associé à un polytraumatisme. Dans ce contexte, le pronostic de pagne d’une distension abdominale et d’un collapsus cardiovas-
chaque lésion prise isolément n’est pas significatif du pronostic culaire, la reprise chirurgicale s’impose. Aucun bilan complé-
global du patient. Le diagnostic d’une lésion abdominale est mentaire, biologique ou d’imagerie n’est nécessaire. À l’inverse,
difficile, notamment lorsqu’il existe des troubles de conscience une déglobulisation progressive et constante avec chute de
dès le ramassage du patient. De surcroît, la survenue de compli- l’hématocrite et éventuellement extériorisation progressive mais
cations postopératoires est fréquente chez ces patients, résul- lente de sang chez un traumatisé grave, pose le problème de
tante combinée des gestes chirurgicaux et de la réanimation. l’indication de reprise chirurgicale. L’association des zones de
Une laparotomie reste indiquée chez tout polytraumatisé en suffusion hémorragique dans le foyer lésionnel à des troubles de
état de choc non contrôlé et sans facteur hémorragique identifié. la crase secondaires au remplissage massif, aux transfusions
abondantes et à une hypothermie, ne permet pas toujours de
Place de la laparotomie « écourtée » ou « abrégée » trancher en faveur de la reprise ou de l’abstention. Une concer-
Le principe de la laparotomie écourtée est une application des tation rapprochée entre les différentes équipes médicales et
principes de la chirurgie de guerre. Son but est de pouvoir chirurgicales assurant la prise en charge du patient et l’expé-
assurer un geste de sauvetage, souvent hémostatique, chez un rience de ces traumatismes permettent seuls de trancher. Les
blessé initialement intransportable, afin de permettre son examens complémentaires, radiologie et TDM plus que l’écho-
transfert rapide vers une base arrière moins exposée et mieux graphie, apporteront leur contribution à cette discussion. En
équipée. Cette technique a été particulièrement utilisée par les outre, il faut toujours rechercher une hémorragie liée au stress,
Américains lors de la guerre du Vietnam. Il a été constaté que, se manifestant par des ulcères gastroduodénaux, en réalisant
contre toute attente, la mortalité et la morbidité des patients une gastroduodénoscopie.
traités de la sorte étaient inférieures à celles des patients pour Les critères de reprise chirurgicale sont la mauvaise tolérance de
lesquels un traitement « radical » était tenté d’emblée. l’hémorragie en l’absence de troubles majeurs de la crase et l’origine
L’intérêt principal de la laparotomie écourtée est, après avoir des lésions susceptibles de saigner (rate, foie, gros vaisseaux).
réalisé en extrême urgence un geste d’hémostase indispensable, Il ne faut pas oublier qu’une hémorragie minime est aggravée
l’agrafage d’une perforation digestive, le drainage de la cavité par les troubles de la crase, qu’un caillot peut être responsable
péritonéale... et un très rapide bilan lésionnel, de pouvoir de troubles de la crase par fibrinolyse locale, mais à l’inverse
bénéficier d’une prise en charge réanimatoire immédiate visant qu’une laparotomie inutile peut aggraver l’état d’un patient en
à corriger les troubles hydroélectrolytiques, les troubles de la situation précaire.
crase, les déficits de thermorégulation, ces derniers jouant un
rôle délétère majeur pour le patient. Une intervention réglée, Complications septiques
éventuellement après transfert, permettra d’effectuer dans un
Le risque septique majeur chez le traumatisé abdominal est la
deuxième temps un geste « radical » chez un patient déchoqué,
gangrène gazeuse qui risque de se développer sur un terrain
dans des conditions opératoires et réanimatoires optimales. Ce
altéré. Sa mise en évidence repose sur une surveillance rigou-
traitement ne s’adresse évidemment qu’aux patients les plus
reuse des pansements et de l’état général du patient. Son
atteints ne pouvant supporter, dans de bonnes conditions, un
traitement fait appel à un débridement chirurgical large et à
geste chirurgical immédiat de longue durée. Il faut noter que
l’oxygénothérapie hyperbare.
l’indication d’une laparotomie écourtée est difficile à poser et
Des complications septiques classiques peuvent apparaître au
doit être décidée avant l’installation des troubles précités.
décours de l’intervention : infection péritonéale liée à un
D’autre part, elle peut parfois apparaître comme contraire à la
épanchement mal drainé ou à un hématome postopératoire ou
« logique » classique de l’urgence. Son indication n’est souvent
à une perforation d’organes creux méconnue initialement.
correctement envisagée que par des équipes chirurgicales
L’examen du patient (altération de l’état général), la biologie
rompues à la prise en charge des polytraumatisés. Elle constitue
(syndrome inflammatoire) et une hyperthermie amènent
un des plus grands progrès thérapeutiques en terme de chirurgie
l’équipe médicochirurgicale à rechercher un foyer septique.
d’urgence, en particulier hépatique. Dans un contexte d’écono-
Outre l’examen des téguments et cicatrices à la recherche d’un
mie de santé, elle trouve sa place en permettant la prise en
abcès pariétal, un examen TDM recherche une collection
charge des urgences vitales dans un centre d’accueil général
profonde. Bien limitée, elle est le plus souvent traitée de façon
avant transfert des patients vers un centre spécialisé.
conservatoire par ponction et drainage percutané sous contrôle
échographique ou TDM. En cas de péritonite diffuse, une
Complications exploration chirurgicale s’impose. Une péritonite sans fistule
Les complications de la chirurgie des traumatismes abdominaux impose une toilette et un drainage de la cavité péritonéale avec
sont liées à l’évolution spontanée du traumatisme ou à sa prise en éventuelle exérèse de débris nécrotiques résiduels. La prise en
charge chirurgicale. Certaines de ces complications ne sont pas charge d’une fistule digestive est plus compliquée. Responsable
spécifiques. Ce sont les complications respiratoires, secondaires à un d’une péritonite, elle impose son extériorisation. Lorsqu’elle est
pneumothorax, un hémothorax, une surinfection pulmonaire, un d’origine sus-mésocolique, la fistule est dirigée à la peau.
syndrome de détresse respiratoire aigu de l’adulte (SDRA), une Lorsque la fistule est sous-mésocolique, la réalisation d’une
embolie pulmonaire avec ses conséquences cérébrales liées à stomie doit être privilégiée. Une fois extériorisée, la fistule sera

14 Médecine d’urgence
Contusions et plaies de l’abdomen ¶ 25-200-D-30

appareillée et traitée dans un deuxième temps. Les péritonites


postopératoires sont toutefois grevées d’une mortalité avoisinant
les 50 %. [60] “ Ne pas oublier
Complications pariétales Recherche systématique des lésions fréquemment
Des complications pariétales peuvent survenir à la suite de méconnues en urgence :
contusions majeures responsables d’ischémie et de nécrose • rupture du diaphragme ;
tissulaire. Cela impose un débridement et une cicatrisation • rupture du pancréas ;
dirigée. Elles peuvent être la conséquence d’un problème • rupture de la vessie ;
septique secondaire à une intervention réalisée en urgence en
• rupture de l’urètre.
milieu de péritonite, ou à un geste de sauvetage dans de
mauvaises conditions d’asepsie peropératoire. Ces gestes,
effectués dans des conditions difficiles et d’urgence vitale, sont
à l’origine d’abcès pariétaux. Ils sont traités par une mise à plat
et des soins locaux qui permettent leur guérison. Parfois, ils
■ Références
imposent une reprise chirurgicale. À distance, ces complications [1] Chosidow D, Lesurtel M, Sauvat F, Paugam C, Johanet H, Marmuse JP,
évoluent vers une éventration secondaire dans 5 à 15 % des et al. Interest in several surgeries for serious abdominal trauma. Ann
cas. [61, 62] Dans les cas les moins favorables, en particulier en Chir 2000;125:62-5.
cas de dénutrition et de troubles métaboliques associés liés à un [2] Burch JM. New concepts in trauma. Am J Surg 1997;173:44-6.
séjour prolongé en réanimation, un abcès pariétal peut se [3] Lisenmaier U, Krotz M, Hauser H, Rock C, Rieger J, Bohndorf K, et al.
compliquer d’une éviscération imposant une reprise chirurgicale Whole-body computed tomography in polytrauma: techniques and
en urgence. Il existe alors en outre un risque accru de fistule management. Eur Radiol 2002;12:1728-40.
digestive, en particulier du grêle ou du côlon. [4] Dinc H, Simsek A, Ozyavuz R, Ozgur GK, Gumele HR. Endovascular
treatment of massive retroperitoneal haemorrhage due to inferior
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■ Conclusion [5] Baron BJ, Scalea TM, Clafani SJA, Duncan AO, Trooskin SZ,
Shapiro GM, et al. Nonoperative management of blunt abdominal
La prise en charge des traumatisés de l’abdomen doit être trauma: the role of sequenced diagnostic peritoneal lavage, computed
pluridisciplinaire associant des équipes médicales, chirurgicales tomography, and angiography. Ann Emerg Med 1993;22:55-61.
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et radiologiques disposant d’un maximum de moyens. Le
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plateau technique est de haut niveau, complet et accessible en
negative laparotomy rates after penetrating trauma. J Trauma 2002;53:
permanence aux équipes dédiées à la prise en charge des 297-302.
urgences. Il associe l’imagerie, échographie, TDM, artériogra- [8] Mutter D, Nord M, Vix M, Evrard S, Marescaux J. Laparoscopic
phies diagnostiques et interventionnelles, la réanimation, evaluation of abdominal stab wounds. Dig Surg 1997;14:39-42.
l’anesthésie et la chirurgie. Ceci permet une prise en charge [9] Sosa JL, Baker M, Puente I, Sims D, Sleeman D, Ginzburg E, et al.
optimale de ces patients. En cas de moyens limités, l’équipe Negative laparotomy in abdominal gunshot wounds: potential impact
d’accueil doit prendre la décision d’une intervention de sauve- of laparoscopy. J Trauma 1995;38:194-7.
tage pour assurer le transfert secondaire du patient dans les [10] Orliaguet G, Cohen S. Traumatismes abdominaux. In: Carli P, Riou B,
meilleures conditions. Le geste réalisé tient compte de l’évolu- editors. Urgences médico-chirugicales de l’adulte. Paris: Arnette;
tion des possibilités thérapeutiques et est limité à la prise en 1991. p. 496-503.
charge palliative des lésions les plus urgentes. Le packing [11] Mutter D, Marescaux J. Traumatismes du pancréas. Encycl Méd Chir
périhépatique contrôlant une hémorragie et permettant le (Elsevier SAS, Paris), Hépatologie, 7-106-A-60, 1995.
transfert du patient et son traitement dans les meilleures [12] Laborde Y, Champetier J, Letoublon C, Aubert M, Gabelle P, Dyon J,
conditions en est un bon exemple. et al. Les traumatismes du pancréas : à propos de 42 observations. J Chir
Le but du traitement initial est de ne pas induire de « perte (Paris) 1982;119:47-54.
de chances » pour le patient, en se réservant la possibilité [13] Wilson RH, Moorehaed RJ. Current management of trauma to the
d’actes médicaux et chirurgicaux ultérieurs. Dans les centres pancreas. Br J Surg 1991;78:1196-202.
équipés et préparés à l’accueil de ces blessés, le traitement [14] Galani M, Thomas F. Répercussion du traumatisme sur l’équilibre ther-
mique. In: Otteni JC, editor. Le polytraumatisé. Paris: Masson; 1986.
« définitif » en un temps des lésions n’est plus un impératif. Il
p. 130-4.
faut lui préférer le traitement pas à pas des lésions en fonction
[15] Jancovici R, Diraison Y, Pons F, Jeanbourquin D, Dumurgier C,
de leur urgence : contrôle de l’hémorragie et réanimation étant Brinquin L. Chirurgie d’hémostase des plaies et traumatismes du
les seules urgences absolues. L’aspect de plus en plus conserva- thorax. In: Barriot P, Riou B, editors. Le choc hemorragique. Paris:
teur et mini-invasif de la prise en charge de ces traumatisés Masson; 1991. p. 125-33.
associant surveillance armée, radiologie interventionnelle et [16] Barriot P, Riou B. Autotransfusion preopératoire. In: Barriot P, Riou B,
laparoscopie représente la plus importante évolution de ces editors. Le choc hémorragique. Paris: Masson; 1991. p. 39-41.
dernières années. [17] Lenriot JP. Stratégie diagnostique dans les contusions abdominales de
l’adulte. Ann Chir 1994;48:126-39.
[18] Boyer C, Schmitt M. Répercussions du traumatisme sur l’hémostase.
In: Otteni JC, editor. Le polytraumatisé. Paris: Masson; 1986. p. 122-6.

“ Points forts
[19] Strecker W, Gebhard F, Perl M, Rager J, Buttenschön R, Kinzl L, et al.
Biochemical characterization of individual injury pattern and injury
severity. Injury 2003;34:879-87.
[20] Murray JG, Caoili E, Gruden JF, Evans SJJ, Halvorsen RA,
• La qualité de l’imagerie dans le bilan étiologique des Mackersie RC. Acute rupture of the diaphragm due to blunt trauma:
traumatismes, les possibilités de la réanimation ainsi que la diagnostic sensitivity and specificity of CT. AJR Am J Roentgenol 1996;
qualité et les possibilités de la radiologie interventionnelle 166:1035-9.
restreignent les indications d’un acte chirurgical agressif [21] MacKenney M, Lantz K, Nunez D, Sosa JL, Sleeman D, Axelrad A.
d’emblée. Les exemples les plus typiques en sont le Can ultrasound replace diagnostic peritoneal lavage in the assessment
contrôle des hémorragies hépatiques par packing premier of blunt trauma? J Trauma 1994;37:439-41.
[22] Porter RS, Nester BA, Dalsey WC, O’Mara M, Gleeson T, Pennell R,
pour réanimation avant prise en charge secondaire d’une
et al. Use of ultrasound to determine need for laparotomy in trauma
lésion grave. patients. Ann Emerg Med 1997;29:323-30.
• L’artériographie interventionnelle avec contrôle de [23] Kimura A, Otsuka T. Emergency center ultrasonography in the
lésions hémorragiques. evaluation of hemoperitoneum: a prospective study. J Trauma 1991;
31:20-3.

Médecine d’urgence 15
25-200-D-30 ¶ Contusions et plaies de l’abdomen

[24] Pearl WS, Todd KH. Ultrasonography for the initial evaluation of blunt [43] Stuart Wolf J, Stoller ML. The physiology of laparoscopy: basic
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D. Mutter, Professeur des Universités (didier.mutter@chru-strasbourg.fr).


Chirurgie digestive et endocrinienne, Clinique chirurgicale A, Hôpital Civil, 1, place de l’Hôpital, 67091 Strasbourg cedex, France.
C. Schmidt-Mutter, Praticien hospitalier.
Département d’anesthésie-réanimation, Hôpital Civil, 1, place de l’Hôpital, 67091 Strasbourg cedex, France.
J. Marescaux, Professeur des Universités.
Chirurgie digestive et endocrinienne, Clinique chirurgicale A, Hôpital Civil, 1, place de l’Hôpital, 67091 Strasbourg cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Mutter D., Schmidt-Mutter C., Marescaux J. Contusions et plaies de l’abdomen. EMC (Elsevier Masson
SAS, Paris), Médecine d’urgence, 25-200-D-30, 2007.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


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décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

16 Médecine d’urgence
¶ 25-200-G-10

Fractures du bassin
P. Paparel, J.-L. Caillot, E.-J. Voiglio, M.-H. Fessy

Les fractures du bassin sont potentiellement graves et associées alors à une mortalité élevée. Les accidents
de la voie publique sont responsables de la majorité des cas. Il s’agit le plus souvent de polytraumatisés
qui doivent bénéficier d’un bilan lésionnel complet en urgence avec au minimum un bilan radiologique
traditionnel, une échographie abdominale et, si possible, une tomodensitométrie précoce. L’imagerie
permet en général d’identifier les mécanismes lésionnels élémentaires, qu’il s’agisse de la rotation
externe, de la rotation interne ou de la disjonction verticale du bassin. Les complications hémorragiques
font toute la gravité de ces fractures à la phase aiguë et orientent la prise en charge initiale. La
méconnaissance d’une plaie anorectale expose le blessé à des complications septiques graves, voire
mortelles. La prise en charge de ces traumatisés doit être multidisciplinaire associant chirurgiens
orthopédistes et viscéraux, réanimateurs et radiologues.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Bassin ; Traumatisme ; Hématome rétropéritonéal ; Hémorragie ; Fracture instable ;


Artériographie

Plan accidents industriels étaient responsables de la majorité des


fractures du bassin. Depuis 1950, ce sont les accidents de la route
¶ Introduction 1 qui sont devenus la première cause de traumatisme du bassin. La
mortalité est importante avec 8 à 20 % pour les traumatismes
¶ Rappel anatomique 1 fermés jusqu’à à 50 % pour les traumatismes ouverts [1]. Il s’agit
Articulations du bassin 2 le plus souvent de polytraumatisés avec de nombreuses compli-
Articulations sacro-iliaques 2
cations viscérales potentielles associées qu’il convient de recher-
Plancher pelvien 2
cher. Les complications hémorragiques menacent le pronostic
Éléments vasculonerveux 3
vital à court terme et font la gravité des fractures du bassin à la
Viscères pelviens 3
phase aiguë. La prise en charge doit être multidisciplinaire et fait
¶ Étiologies 4 intervenir les anesthésistes-réanimateurs, les radiologues, les
¶ Mécanismes lésionnels 4 chirurgiens-orthopédistes et viscéraux. La gestion de ces polytrau-
Forces de rotation externe 4 matisés est souvent difficile car elle doit tenir compte de
Forces de compression latérale 5 l’urgence vitale, des complications viscérales associées et du
Forces de cisaillement vertical 5 plateau technique à disposition de l’équipe.
Mécanismes combinés 5
¶ Classification des fractures du bassin 5
■ Rappel anatomique
¶ Complications précoces associées 6
Complications hémorragiques rétropéritonéales 6 Le bassin osseux est constitué en arrière par le sacrum
Complications urologiques 7 (prolongé par le coccyx), et latéralement et en avant par les
Complications anorectales et sigmoïdiennes 8 deux os coxaux (ou os iliaques). Chaque os coxal est uni en
Complications nerveuses 8 avant avec son homologue controlatéral par la symphyse
Complications thromboemboliques 8 pubienne et en arrière avec le sacrum par l’articulation sacro-
Autres complications associées 8 iliaque. Le sacrum et les deux os coxaux constituent ainsi un
¶ Principes thérapeutiques 9 anneau susceptible de se rompre lors d’une déformation
Méthodes de traitement 9 excessive. Les points de faiblesse de cet anneau sont : la
Stratégie de prise en charge 11 symphyse pubienne, les branches ilio- et ischiopubiennes qui
¶ Conclusion 11
délimitent le foramen obturé, l’aile iliaque, l’articulation sacro-
iliaque et l’alignement des trous sacrés antérieurs et postérieurs.
La cohésion et la solidité de cet anneau osseux sont assurées par
des ligaments puissants, situés pour certains au contact, et pour
■ Introduction d’autres à distance des articulations. Ainsi, le simple arrache-
ment d’un petit fragment osseux, siège d’insertion d’un des
Le bassin est un anneau osseux extrêmement solide et sa ligaments, peut être le signe d’un traumatisme grave, avec
rupture implique un violent traumatisme. Au début du siècle, les déformation majeure du bassin (Fig. 1).

Médecine d’urgence 1
25-200-G-10 ¶ Fractures du bassin

5 1
1

6 2
2
3
3
4

7 5
4

Figure 1. Coupe horizontale du bassin. 1 : Membrane obturatrice ; Figure 2. Bassin de face. 1 : Ligament iliolombaire ; 2 : ligament sacro-
2 : ligament sacroépineux ; 3 : ligament sacrotubéral ; 4 : ligament sacro- iliaque ventral ; 3 : ligament sacroépineux (ancien petit ligament sacro-
iliaque interosseux ; 5 : ligament antérieur de la symphyse pubienne. sciatique) ; 4 : ligament sacrotubéral (ancien grand ligament sacrosciati-
que) ; 5 : foramen obturé ; 6 : symphyse pubienne ; 7 : trous sacrés
antérieurs.
Le bassin constitue un entonnoir dont l’extrémité inférieure
est fermée par un plancher musculoaponévrotique qui s’insère
sur le pubis, l’ischion et le coccyx, et qui est traversé par
• le ligament sacro-iliaque interosseux, très puissant, qui est
l’urètre, le vagin chez la femme, et le canal anal. Il est impos-
tendu entre les tubérosités iliaques et le sacrum ;
sible de dissocier ces structures du plancher pelvien. Toute
• le ligament sacro-iliaque postérieur, situé en arrière du
déformation de l’anneau osseux peut ainsi conduire à une
déchirure du plancher pelvien, et donc à une lésion de l’urètre, précédent, qui s’étend en quatre faisceaux de l’épine iliaque
du vagin et du canal anal. postérosupérieure et de la tubérosité iliaque vers les tubercules
Au contact des parois internes de l’entonnoir pelvien se de la crête sacrée latérale.
trouvent les vaisseaux pelviens qui peuvent être lésés par
étirement ou embrochage par une esquille osseuse lors d’une
Ligaments extrinsèques
fracture du bassin. Les racines sacrées sortent du sacrum par les
trous sacrés et peuvent donc être lésées lors d’une fracture du Ce sont :
sacrum. Au centre de l’entonnoir pelvien sont disposés d’avant • le ligament iliolombaire, qui est tendu entre la crête iliaque
en arrière la vessie, la partie haute du vagin et l’utérus chez la
et l’apophyse costiforme de L5 (dont l’arrachement témoigne
femme, les vésicules séminales chez l’homme, et le rectum.
d’une lésion postérieure) ;
Vessie et rectum peuvent être embrochés par des esquilles
• le ligament sacroépineux (ancien petit ligament sacrosciati-
osseuses lors d’une fracture du bassin.
que), qui est tendu du bord latéral du sacrum à l’épine
sciatique (dont l’arrachement signe une déformation majeure
Articulations du bassin de l’anneau pelvien) ;
• le ligament sacrotubéral (ancien grand ligament sacrosciati-
Symphyse pubienne que) qui s’étend du bord latéral du sacrum à la tubérosité
ischiatique.
L’espace interpubien est comblé par un disque fibrocartilagi-
neux. La cohésion de cette amphiarthrose est assurée par quatre
ligaments pubiens (supérieur, antérieur, postérieur et inférieur Plancher pelvien (Fig. 3)
ou arqué) qui constituent un véritable manchon fibreux. On
considère que l’espace interpubien normal n’excède pas 15 mm. Il est constitué du diaphragme pelvien et du diaphragme
Toutefois, cette distance peut varier avec l’âge, l’imprégnation urogénital qui ferment en bas l’entonnoir pelvien.
hormonale et la parité. La symphyse pubienne chez un sujet Le diaphragme pelvien est formé de deux muscles :
allongé travaille en traction, et la section de la symphyse
• le muscle releveur de l’anus : c’est une sangle musculaire
pubienne (expérience de Farabeuf) aboutit à un écartement
formée d’une partie externe superficielle ou sphinctérienne
spontané des deux pubis de l’ordre de 25 à 30 mm [2].
dont les fibres s’entrecroisent en arrière de l’anus (muscles
pubo- et iliococcygiens) et d’une partie interne, profonde ou
Articulations sacro-iliaques (Fig. 2) élévatrice (muscle puborectal). Les fibres du muscle puborec-
tal se terminent pour certaines dans le sphincter externe de
Il s’agit d’amphiarthroses, qui possèdent une pseudocavité l’anus, alors que d’autres forment une sangle rétrorectale et
articulaire. Les surfaces articulaires ont une forme d’équerre une sangle prérectale qui sépare le canal anal du tractus
dont la bissectrice de l’angle est orientée en haut et en arrière.
urogénital ;
Le relief sur l’os coxal (rail plein) s’emboîte dans le sacrum (rail
• le muscle ischiococcygien : il naît de l’épine sciatique et se
creux). La cohésion de l’articulation sacro-iliaque est assurée par
termine sur le coccyx.
trois ligaments intrinsèques et trois ligaments extrinsèques.
Le diaphragme urogénital est constitué essentiellement du
muscle transverse profond du périnée (tendu de la branche
Ligaments intrinsèques
ischiopubienne à l’hiatus urogénital), renforcé en arrière par le
Ce sont : muscle transverse superficiel (reliant la tubérosité ischiatique au
• le ligament sacro-iliaque antérieur, peu important sur le plan centre tendineux du périnée) et complété en avant par le
biomécanique, qui tapisse la face antérieure de l’articulation ; ligament transverse du bassin.

2 Médecine d’urgence
Fractures du bassin ¶ 25-200-G-10

1
2
3

2
9 4 10
5 3
9
8 6 4
8
7
5

6
Figure 3. Vue inférieure du plancher pelvien chez la femme. 1 : Liga-
ment transverse du bassin ; 2 : muscle transverse profond du périnée ; 7
3 : muscle transverse superficiel du périnée ; 4 : fibres prérectales du
muscle puborectal ; 5 : muscle puborectal (faisceau élévateur) ; 6 : muscle Figure 5. Coupe sagittale du bassin de l’homme. 1 : Vessie ; 2 : pros-
pubococcygien (faisceau sphinctérien) ; 7 : muscle iliococcygien ; 5, 6, 7 : tate ; 3 : rectum ; 4 : ligament et muscle anococcygien ; 5 : sphincter strié
muscle releveur de l’anus ; 8 : ligament anococcygien ; 9 : ligament de l’anus ; 6 : noyau fibreux central du périnée ; 7 : urètre membraneux ;
sacrotubéral. 8 : urètre pénien ; 9 : sphincter strié de l’urètre ; 10 : ligament suspenseur
de la verge.

se termine au niveau de l’arcade crurale. Son trajet est oblique


en avant et en dehors suivant la ligne innominée. L’artère
iliaque interne naît en dedans de l’articulation sacro-iliaque et
se termine au niveau du bord supérieur de la grande échancrure
1 sciatique en un tronc postérieur (donnant des branches à
destinée pariétale) et un tronc antérieur (donnant des branches
à destinée viscérale). Le plan veineux est satellite du plan
2 artériel dans un plan plus postérieur.

11
Nerfs
3
Le plexus nerveux sacré est formé du tronc lombosacré et des
4 branches des trois premières paires sacrées. Sa branche terminale
est le nerf grand sciatique. Le plexus honteux est formé par la
12 5 branche antérieure de S4, il est anastomosé aux branches de
13 S2 et S3 du plexus sacré. Les branches terminales sont consti-
6
14 tuées par le nerf honteux interne, le nerf périnéal, le nerf dorsal
de la verge chez l’homme et le nerf dorsal du clitoris chez la
7 femme. Les branches collatérales sont notamment constituées
8 par les nerfs érecteurs. Cette disposition anatomique permet de
comprendre la possibilité de dysfonction érectile en cas de
9 traumatisme du bassin.
15

10 Viscères pelviens
Vessie
Figure 4. Artères du pelvis. 1 : Artère gonadique ; 2 : artère mésentéri- Le dôme vésical (ou face postérosupérieure de la vessie) est
que inférieure ; 3 : artère hémorroïdale supérieure ; 4 : artère iliaque tapissé par le péritoine pariétal. C’est le siège des ruptures
primitive gauche ; 5 : artère sacrée moyenne ; 6 : artère fessière supé- intrapéritonéales de la vessie. Il s’agit d’une zone de faible
rieure ; 7 : artère fessière inférieure ; 8 : artère génitovésicale ; 9 : artère résistance. Les perforations des faces antéro-inférieures et
vésicale inférieure ; 10 : artère pudendale (ancienne honteuse interne) ; postéro-inférieures sont extrapéritonéales. La vascularisation de
11 : artère circonflexe iliaque profonde ; 12 : artère iliaque interne ; la vessie est assurée par les branches de l’artère hypogastrique.
13 : artère iliaque externe ; 14 : artère épigastrique inférieure ; 15 : artère
obturatrice. Urètre chez l’homme (Fig. 5)
Il s’étend du col de la vessie à l’extrémité de la verge. L’urètre
Éléments vasculonerveux peut être subdivisé en deux portions : l’urètre postérieur qui
comprend l’urètre prostatique et l’urètre membranobulbaire ;
Vaisseaux (Fig. 4) l’urètre antérieur ou urètre pénien est rarement traumatisé car
mobile. L’urètre membraneux a des rapports intimes avec
Le bassin renferme des vaisseaux de gros calibre qui peuvent l’aponévrose pelvienne, ce qui explique sa possibilité de lésion
être lésés en cas de traumatisme ostéoarticulaire. La bifurcation par cisaillement en cas de fractures déplacées du bassin. Le
aortique en L4-L5 donne naissance aux deux artères iliaques sphincter strié est directement en rapport avec cette portion de
communes. Chaque artère iliaque primitive donne une artère l’urètre qu’il entoure. Cette proximité anatomique explique la
iliaque interne ou hypogastrique et une artère iliaque externe. possibilité d’incontinence urinaire après un traumatisme de
L’artère iliaque externe naît à hauteur du disque lombosacré et l’urètre.

Médecine d’urgence 3
25-200-G-10 ¶ Fractures du bassin

1 3

4
8
5
9
6
7

Figure 6. Coupe sagittale du bassin de la femme. 1 : Vessie ; 2 : utérus ; Figure 7. Radiographie du bassin de face. Rotation externe de l’hémi-
3 : rectum ; 4 : ligament et muscle anococcygien ; 5 : sphincter strié de bassin droit par impact antéropostérieur. Type B1.2. de Tile.
l’anus ; 6 : noyau fibreux central du périnée ; 7 : vagin ; 8 : urètre et
sphincter strié ; 9 : clitoris et ligament suspenseur.

Tableau 1.
Étiologie des fractures du bassin d’après Dalal [3].

Nombre Pourcentage (%)


Automobilistes 197 57,4
Piétons 61 17,8
Motocyclistes 32 9,3
Chute 32 9,3
Écrasement 13 3,8
Mixte 8 2,3
Total 343 100

Figure 8. Tomodensitométrie osseuse du bassin avec reconstruction


Filière urogénitale féminine (Fig. 6) tridimensionnelle. Rotation externe de l’hémibassin droit par impact
antéropostérieur. Type B1.2. de Tile.
L’urètre féminin comprend deux portions : une portion
intrapelvienne et une portion périnéale qui s’abouche à la
vulve. Le vagin est un conduit qui s’étend du col utérin à la
vulve. Sa vascularisation est assurée par l’artère vaginale qui est ■ Mécanismes lésionnels
une branche de l’artère hypogastrique et par des rameaux qui
proviennent de l’utérine, de la vésicale inférieure et de l’hémor- Trois mécanismes élémentaires peuvent contribuer à la
roïdale moyenne. rupture de l’anneau pelvien :
• la rotation externe ;
• la compression latérale ou rotation interne ;
Rectum et canal anal • les forces verticales de cisaillement.

C’est la portion terminale du tube digestif. Le rectum com-


mence au niveau de la 3e vertèbre sacrée et se continue par le Forces de rotation externe (Fig. 7, 8)
canal anal. Il comprend une portion intrapéritonéale et une
portion sous-péritonéale. Le rectum est vascularisé par les artères Elles peuvent s’appliquer au bassin selon trois modalités :
• par impact sur les épines iliaques postérosupérieures ;
hémorroïdales supérieures et moyennes. La face postérieure du
• par impact sur les épines iliaques antérosupérieures ;
rectum se moule sur la face antérieure du sacrum. Le bas-
• par l’intermédiaire du fémur.
rectum et le canal anal peuvent être dilacérés en cas de rupture
Les impacts postérieurs sur les épines iliaques postérosupé-
des muscles du plancher pelvien.
rieures peuvent ouvrir la symphyse pubienne (diastasis ou
disjonction symphysaire) et, si la force continue son action, il
peut y avoir rupture des ligaments sacro-iliaques antérieurs et
■ Étiologies des structures extrinsèques, avec disjonction des articulations
sacro-iliaques.
Les impacts antérieurs sur l’épine iliaque antérosupérieure ont
Les accidents de la voie publique sont à l’origine de la plupart le même effet tendant à ouvrir la ceinture pelvienne par l’avant.
des fractures du bassin, et en premier lieu, les accidents Les écrasements prolongés par charge lourde ou les compres-
impliquant les passagers de véhicules à moteur. sions contre un obstacle rigide sont à l’origine de ces impacts
Les piétons et les motocyclistes sont également très exposés, antérieurs ou postérieurs, ainsi que les chocs frontaux subis par
qu’ils soient percutés, projetés ou écrasés. les piétons ou les motocyclistes en cas d’accident de la
Les accidents professionnels comme les chutes d’un lieu élevé circulation.
ou les écrasements sont également responsables de fractures du Les impacts par l’intermédiaire du fémur ont les mêmes
bassin. Dalal a analysé la fréquence de ces étiologies sur une conséquences. L’exemple classique est celui du motard dont la
série de 343 blessés [3] (Tableau 1). hanche est en abduction et rotation externe et qui heurte un

4 Médecine d’urgence
Fractures du bassin ¶ 25-200-G-10

obstacle du genou : la force ainsi appliquée par l’intermédiaire


du fémur sur le cotyle va ouvrir le bassin par l’avant, provo-
quant souvent une fracture concomitante de l’acétabulum [4]
(voir encadré ci-dessous [4] ) ainsi qu’une possible luxation
intrapelvienne de la tête fémorale.

“ Point fort
Lésions acétabulaires élémentaires
• Fractures de la paroi postérieure pure : elles intéressent
au minimum le sourcil/associées à un tassement de la
partie postéro-interne du croissant
• Fractures de la colonne postérieure ou colonne ilio-
ischiatique : elles emportent la partie postérieure du Figure 9. Radiographie du bassin de face. Disjonction fracture de
croissant articulaire l’articulation sacro-iliaque gauche associée à une fracture du cadre obtu-
• Fractures de la colonne antérieure ou colonne rateur gauche. Type C1.3. de Tile.
iliopubienne : elles intéressent la partie antérieure du
croissant articulaire
• Fractures transversales pures à niveau variable : le trait
peut être oblique en haut et en dedans ou horizontal

Forces de compression latérale


Le traumatisme est appliqué latéralement sur le bassin avec
un risque élevé de fracture de la région sacro-iliaque, de l’aile
iliaque, des branches ilio- ou ischiopubiennes. À l’inverse du
mécanisme par rotation externe, ces traumatismes ont tendance
à fermer la ceinture pelvienne. L’impaction latérale – comme on
peut la voir en cas de choc après refus de priorité à droite
– entraîne une compression de l’hémibassin correspondant avec
fermeture de l’articulation sacro-iliaque postérieure et éventuelle
conjonction symphysaire, voire fracture autour du cadre
obturateur. Figure 10. Tomodensitométrie osseuse du bassin montrant la disjonc-
Cette impaction latérale peut avoir des conséquences sur tion sacro-iliaque gauche. Type C1.3 de Tile.
l’hémibassin controlatéral :
• si l’hémibassin est fixé, on observe une compression de
l’articulation sacro-iliaque controlatérale et une aggravation Tableau 2.
de la conjonction symphysaire ; Fréquence relative des différents mécanismes dans les fractures du bassin
• si l’hémibassin controlatéral est libre, on assiste à une d’après Dalal [3].
ouverture de l’articulation sacro-iliaque controlatérale. Mécanisme Nombre Pourcentage (%)
Ce sont les accidents de la circulation qui sont le plus
Compression latérale 142 41,4
fréquemment en cause dans ce mécanisme.
Compression 88 25,7
antéropostérieure
Forces de cisaillement vertical (Fig. 9, 10) Disjonction verticale 16 4,7
Mécanismes combinés 34 9,9
Elles concernent essentiellement des blessés qui chutent
Fractures acétabulaires 63 18,4
d’une certaine hauteur. Il y a ascension d’une partie du bassin
par rapport à l’autre avec disjonction verticale des articulations Total 343 100
sacro-iliaques et de la symphyse pubienne.
Ces forces violentes rompent toutes les formations postérieu-
les épines iliaques antérosupérieures. L’appréciation du degré
res et antérieures, dilacèrent le plancher pelvien et sont
d’instabilité du bassin fracturé doit être prudente, tout particu-
finalement responsables d’une instabilité totale de l’hémibassin.
lièrement chez un blessé instable sur le plan hémodynamique.
Il faut rechercher délicatement un tiroir antéropostérieur ou une
Mécanismes combinés mobilité verticale ou rotatoire du bassin.
Le bilan radiologique comporte au minimum une radiogra-
Ils associent de façon plus ou moins complexe ces trois
phie du bassin de face à la recherche de fractures. Devant une
mécanismes principaux (Tableau 2).
rupture de l’anneau pelvien, le bilan est complété en urgence
par les deux incidences de Pennal [5] : il s’agit d’incidences à
■ Classification des fractures 45 °, soit descendante (ou inlet ou « bassin fermé »), soit
ascendante (ou outlet ou « bassin ouvert ») ; l’incidence « bassin
du bassin ouvert » donne une vue axiale du sacrum ; l’incidence « bassin
fermé » donne une vue de face du sacrum. Ces incidences
Les différentes classifications proposées reposent sur l’examen permettent d’analyser avec plus de précision les lésions posté-
clinique et l’analyse des radiographies du bassin. rieures tant sur le plan anatomique que physiopathologique.
L’examen clinique doit apprécier la longueur des membres, la Une tomodensitométrie est réalisée secondairement pour faire
symétrie des repères osseux que sont la symphyse pubienne et un bilan lésionnel complet.

Médecine d’urgence 5
25-200-G-10 ¶ Fractures du bassin

Tableau 3.
Classification de Tile modifiée AO 95 [11].
1
Type A : Fractures Type B : Instabilité Type C : Instabilité
2 ne touchant pas rotatoire verticale
l’anneau pelvien
A1 : fractures avulsions B1 : lésion unilatérale C1 : la lésion verticale
postérieure est unilaté-
rale
- A.1.1. de l’épine ilia- - B.1.1. disjonction - C.1.1. le trait de frac-
que antérosupérieure symphysaire < 25 mm ture postérieur passe
3
dans l’aile iliaque
- A.1.2. de l’épine ilia- - B.1.2. disjonction - C.1.2. le trait de frac-
que antéro-inférieure symphysaire > 25 mm. ture passe dans la
4 sacro-iliaque
- A.1.3. de l’épine du - C.1.3. le trait de frac-
5 pubis ture passe dans le sa-
crum
A2 B2 : unilatérale C2 : déplacement verti-
cal d’un côté et instabi-
Figure 11. Classification de Letournel. lité rotatoire de l’autre
- A.2.1. fracture de la - B.2.1. les lésions anté- - C.2.1. le trait vertical
crête iliaque rieures et postérieures passe en transiliaque
sont homolatérales
Les classifications proposées sont nombreuses, preuve
- A.2.2. fracture des - B.2.2. la lésion posté- - C.2.2. le trait vertical
qu’aucune n’est totalement satisfaisante :
deux branches ilio- rieure est controlatérale passe en trans-sacro-
• classification de Letournel [6] (Fig. 11) ;
ischio-pubiennes d’un à la lésion antérieure iliaque
• classification de Bucholz [7] ; cadre obturateur
• classification de Young et Burgess [8, 9] ;
- A.2.3. fracture des - B.2.3. double lésion - C.2.3. le trait vertical
• classification de Tile modifiée AO [10, 11].
quatre ilio-ischio- antérieure. passe dans le sacrum
La classification de Letournel est fondée sur la description pubiennes.
anatomique des lésions : il existe au niveau de l’anneau pelvien
cinq points de faiblesse, deux en arrière – le sacrum (aileron A3 B3 : bilatérale C3 : ascension verticale
sacré, trous sacrés) et l’aile iliaque – et trois en avant – le cadre des deux hémibassins
obturateur, le corps du pubis et la symphyse pubienne. Selon - A.3.1. fractures du - B.3.1. ouverture des - C.3.1. les traits verti-
Letournel, « tout traumatisme du bassin, du plus simple au plus coccyx ou disjonction deux hémibassins caux sont extrasacrés
complexe, compte la présence d’une ou plusieurs de ces cinq sacrococcygienne T
lésions élémentaires » [6]. - A.3.2. fractures trans- - B.3.2. fermeture d’un - C.3.2. un trait vertical
La classification de Tile modifiée AO constitue aujourd’hui la verses du sacrum non côté et ouverture de est extrasacré, l’autre
classification internationale. Elle décrit trois types de fractures déplacées l’autre intrasacré
(A, B, C) corrélés à la gravité lésionnelle croissante, elle-même - A.3.3. fractures trans- - B.3.3. fermeture des - C.3.3. les traits verti-
fonction du degré d’instabilité des lésions postérieures. Cette verses du sacrum dé- deux hémibassins caux sont transsacrés
classification ne peut être utilisée qu’après une lecture radiolo- placées
gique anatomolésionnelle décrivant le siège du trait suivie d’une
interprétation physiopathologique à la recherche du méca-
nisme :
• le groupe A regroupe les lésions n’induisant aucune instabilité L’HRP est le reflet de ces complications hémorragiques avec
postérieure ; schématiquement trois degrés de gravité :
• le groupe B est celui des lésions postérieures à instabilité • le premier degré est celui de l’hématome postfracturaire
postérieure partielle rotatoire ; rétropéritonéal, quasi constant car lié à la dilacération des
• le groupe C enfin comprend toutes les lésions à instabilité petites veines périfracturaires, mais toujours limité et modéré ;
postérieure complète, qu’elle soit rotatoire et/ou verticale [11] • le deuxième degré correspond à un HRP plus important mais
(Tableau 3). rapidement autocontrôlé et non extensif ; il peut correspon-
dre à un hématome fracturaire plus important, mais répond
plus souvent à l’arrachement d’une petite branche artérielle
■ Complications précoces associées ou veineuse du pédicule hypogastrique. Chaumoitre a montré
que la progression de l’hématome s’arrêtait quand sa pression
égalait la pression systémique à condition que la barrière
Complications hémorragiques péritonéale soit intacte [16] ;
rétropéritonéales • le troisième degré correspond à la présence d’un HRP exten-
sif : dans ce cas, un gros tronc artériel ou veineux est atteint.
Épidémiologie et physiopathologie La diffusion de ce type d’hématome est majeure, pouvant
s’étendre de la racine des cuisses au diaphragme ; elle
Les complications hémorragiques font toute la gravité des
s’accompagne d’une suffusion intrapéritonéale modérée
traumatismes du bassin [12]. Il s’agit d’un des éléments pronos-
tiques les plus importants. Pour Selianov, la mortalité de (hémopéritoine réactionnel), et peut se compliquer, selon
l’hématome rétropéritonéal (HRP) associé à une fracture du Riou, de troubles veineux compressifs iliocaves évoluant vers
bassin est de 19 % [13]. Rothenberger souligne que 66 % des un désamorçage cardiaque gravissime [1].
blessés décédés de fractures du bassin meurent d’hémorragie [14]. Les traumatismes antéropostérieurs du bassin déclenchent
Les hémorragies peuvent être parfois dramatiques avec des volontiers des hématomes extensifs du fait de l’ouverture de
plaies des gros vaisseaux (iliaques ou fémoraux), et Smejkal l’anneau pelvien, alors que les fractures acétabulaires et les
rapporte que, dans ces situations d’extrême urgence, la mortalité impactions latérales donnent lieu à des hématomes en général
peut atteindre jusqu’à 83 % [15]. plus circonscrits.

6 Médecine d’urgence
Fractures du bassin ¶ 25-200-G-10

Biologie complet de la lésion par opacification des segments proximaux


et distaux de l’urètre est réalisé à distance du traumatisme.
La numération-formule sanguine et le dosage de l’hémoglo-
binémie évaluent l’importance de l’anémie à la prise en charge Traumatismes de la filière urogénitale féminine
du blessé. Ertel souligne l’intérêt du dosage des lactates sanguins
pour apprécier de manière précoce le retentissement métaboli- Ils sont rares en raison du caractère court de l’urètre féminin
que de l’hémorragie [17]. Par ailleurs, les hématomes rétropérito- et de la situation anatomique relativement protégée du tractus
néaux peuvent évoluer vers une fibrinolyse ou une génital. Niemi évalue les plaies du vagin à 3,5 % sur une série
coagulopathie de consommation [1]. Un bilan sanguin prétrans- de 114 fractures du bassin chez la femme et souligne l’intérêt
fusionnel doit être demandé en urgence. de les diagnostiquer précocement pour éviter l’évolution vers la
formation d’un abcès pelvien [19] . Le vagin et l’urètre sont
Examens complémentaires intimement liés et sont donc souvent traumatisés simultané-
ment. Les lésions urétrales peuvent aller de la simple contusion
L’échographie est l’examen le plus rapidement accessible en à la rupture circonférentielle complète de l’urètre. Les lésions
urgence. Elle recherche la présence d’un hémopéritoine ou d’un vaginales sont le plus souvent en rapport avec une déchirure
HRP. Il ne faut pas hésiter à la refaire en cas d’instabilité plus ou moins profonde des parois du vagin. Cliniquement, la
hémodynamique précoce, à la recherche d’une progression blessée peut présenter une urétrorragie associée ou non à un
rapide de l’hématome, tout en sachant qu’il est parfois difficile saignement d’origine vaginale. Le toucher vaginal apprécie l’état
de visualiser un hématome pelvien modéré chez un des parois vaginales à la recherche d’un saignement ou d’un
polytraumatisé. defect pariétal. L’examen au spéculum permet de bien visualiser
C’est la tomodensitométrie abdominale qui précise le mieux la muqueuse vaginale et l’urètre.
la localisation et la taille de l’HRP [16] , en sachant qu’un
saignement actif apparaît sous la forme d’une hyperdensité Ruptures de vessie
localisée au temps artériel, à condition que son débit soit
supérieur à 0,5 ml/min. Les ruptures de vessie peuvent être extrapéritonéales, intrapé-
L’artériographie reste le meilleur examen pour mettre en ritonéales ou mixtes. Les ruptures intrapéritonéales sont souvent
évidence un saignement actif. consécutives à un traumatisme fermé sur vessie pleine. Le dôme
En cas de doute, la découverte par cystographie rétrograde vésical se rompt de manière préférentielle, car il s’agit d’une
d’une « vessie en montgolfière » (ou « tear drop lesion » pour les zone de moindre résistance à la pression. Les ruptures sous-
Anglo-Saxons [18]) traduit la présence d’une collection pelvienne péritonéales sont en général secondaires à des phénomènes de
comprimant la base vésicale et étirant la vessie en goutte. cisaillement au niveau du bassin ou à un embrochage de la
vessie par des esquilles osseuses des branches pubiennes.

Complications urologiques Signes cliniques

Dans sa série de 343 traumatismes du bassin, Dalal rapporte L’hématurie est le principal signe à rechercher en cas de
un faible taux (7 %) de complications urologiques [3]. Cepen- rupture de vessie. Elle est présente dans 87 à 98 % des cas selon
dant, l’existence d’une lésion de la vessie ou de l’urètre doit être les séries [20, 21]. Elle peut être abondante, minime, transitoire ou
systématiquement évoquée devant tout traumatisme du bassin, même absente. L’examen clinique est souvent peu contributif
surtout si la direction de celui-ci est antéropostérieure. Il faut en raison des douleurs du blessé et de l’empâtement sus-pubien
savoir y penser quel que soit le type lésionnel, quel que soit le fréquent. Les ruptures intrapéritonéales de vessie peuvent
terrain ou quelles que soient les lésions associées. Une urétror- donner des signes trompeurs sous forme de douleurs abdomi-
ragie, une hématurie micro- ou macroscopique, un globe vésical nales mal systématisées qui traduisent l’irritation du péritoine
sont des signes à rechercher qui orientent vers un traumatisme par l’urine. Ces ruptures intrapéritonéales peuvent être mécon-
de l’appareil urinaire. nues si la brèche vésicale est rapidement comblée par les
viscères abdominaux ; le sondage urinaire est alors faussement
rassurant car il ramène des urines claires.
Traumatismes de l’urètre masculin
Les fractures du bassin s’accompagnent essentiellement de Examens complémentaires
rupture de l’urètre postérieur (ou membraneux) en raison des L’échographie abdominopelvienne est l’examen le plus rapide
rapports anatomiques étroits qu’entretient l’urètre avec l’aponé- à obtenir en salle de déchoquage. Elle recherche un épanche-
vrose pelvienne. L’urètre pénien (ou antérieur) est exception- ment liquidien intra- ou sous-péritonéal pouvant traduire la
nellement atteint car situé dans une portion mobile de la verge. présence d’un urinome. La découverte d’un globe vésical
infirme a priori le diagnostic de rupture vésicale.
Signes cliniques La tomodensitométrie pelvienne avec injection permet
Une urétrorragie doit être systématiquement recherchée chez d’opacifier la vessie après clampage de la sonde urinaire ;
un traumatisé du bassin car elle est hautement évocatrice d’une l’injection directe d’environ 350 ml de produit de contraste
lésion urétrale. L’examen clinique doit rechercher un globe dans la vessie suivie de quelques coupes tomodensitométriques
vésical et un éventuel hématome périnéal, la région péri- précise parfaitement d’éventuelles lésions vésicales. La sensibilité
urétrale pouvant être le siège d’un hématome. Le sondage et la spécificité de la tomodensitométrie pour diagnostiquer une
urinaire est absolument contre-indiqué devant l’association d’un rupture vésicale sont excellentes, respectivement de 95 et
globe vésical et d’une urétrorragie. 100 % [22]. Couplée à une tomodensitométrie thoracoabdomi-
nale et cérébrale, elle permet un bilan lésionnel complet chez
Examens complémentaires le polytraumatisé.
La cystographie rétrograde reste l’examen de référence
L’échographie pelvienne comme la tomodensitométrie permettant de retrouver, avec une sensibilité proche de 100 %,
recherche un globe vésical pouvant être le témoin indirect une rupture vésicale en visualisant une fuite du produit de
d’une rupture de l’urètre. L’examen indispensable à réaliser en contraste en dehors de la vessie [23].
cas de suspicion de lésion urétrale est une urétrocystographie :
cette opacification rétrograde de la filière urinaire montre Traumatismes de l’uretère iliopelvien
parfaitement l’anatomie de l’urètre sur les clichés de remplissage
et permet de préciser le siège et le caractère complet ou non de Rares après un traumatisme du bassin, ils peuvent rester
la rupture, le produit de contraste diffusant dans les espaces asymptomatiques pendant les premières heures. La rupture
péri-urétraux en cas de rupture ; un bilan radiologique plus urétérale peut être partielle ou complète. Un urinome va

Médecine d’urgence 7
25-200-G-10 ¶ Fractures du bassin

progressivement se développer, d’abord dans le rétropéritoine canal sacré [33] entraînent volontiers une atteinte du plexus
avant de diffuser dans le péritoine. L’uropéritoine peut entraîner sacré se traduisant par une anesthésie en selle et une incon-
un syndrome subocclusif par iléus réflexe, avant de se surinfec- tinence du sphincter anal [34] . Un examen neurologique
ter et de déclencher une uropéritonite fébrile. L’hématurie n’est complet est donc indispensable chez ces blessés dont les
pas constante [1]. La morphologie des uretères est bien visualisée fractures sont parfois difficiles à mettre en évidence sur des
par une urographie intraveineuse ou mieux, par des clichés radiographies standards : une tomodensitométrie [35, 36]
d’abdomen sans préparation réalisés après une tomodensitomé- permet de faire un bilan lésionnel précis et de poser au mieux
trie abdominale avec injection : les clichés peuvent mettre en les indications thérapeutiques. À distance, un électromyo-
évidence une fuite du produit de contraste par une brèche gramme précise l’atteinte respective de chaque nerf.
urétérale, ce qui permet de préciser le siège de la lésion et
l’importance de l’urinome péri-urétéral. Complications thromboemboliques
Le risque de développer une complication thromboemboli-
Complications anorectales et sigmoïdiennes que est très élevé chez les blessés victimes d’un traumatisme
du bassin du fait de l’immobilisation prolongée et de fré-
Généralités quentes compressions veineuses [37] . Dans une série de
100 blessés avec une fracture du pelvis, Geerts montre qu’une
Les lésions anorectales après fracture du bassin sont rares
thrombose veineuse profonde est retrouvée dans 61 % des
mais graves et il est indispensable de les dépister précoce-
cas, mais les blessés ne bénéficiaient pas d’une prophylaxie
ment, surtout si une plaie périnéale pénétrante est associée.
anticoagulante [38] . White rapporte un taux de 15 % de
Le risque majeur est le développement d’une infection
thromboses veineuses profondes lors d’un écho-doppler
pelvipérinéale. La mortalité de ces lésions atteint plus de
veineux systématiquement pratiqué 7 jours après la fracture
50 % [24], chiffre qui s’élève encore dès que le diagnostic est
initiale [39]. Le taux d’embolies pulmonaires est de 9 % pour
retardé de plus de 48 heures [25]. Brunner rapporte une série
Mac Murtry [40] et de 2 % pour Buerger [41] ; ce même auteur
de 16 traumatismes rectaux admis en urgence après fracture
souligne l’importance de considérer les traumatisés du bassin
du bassin. Le seul décès rapporté est celui d’un blessé dont le
à part dans la prophylaxie anticoagulante [41]. Sur le plan
diagnostic de plaie rectale a été fait trop tardivement [26].
diagnostique, Rubel vient récemment de démontrer l’intérêt
Losanoff rapporte le cas d’un blessé de 28 ans hospitalisé pour
de l’imagerie par résonance magnétique nucléaire pour
un violent traumatisme du bassin et qui a développé au 4e
dépister les thromboses veineuses profondes chez les trauma-
jour une myonécrose à germes anaérobies due à une plaie
tisés du bassin ou de la hanche [42].
rectale passée inaperçue [27].

Signes cliniques Autres complications associées


Les fractures du bassin s’accompagnent aussi de lésions
La rectorragie est le signe à rechercher. Elle est le plus souvent
viscérales extrapelviennes qu’il faut rechercher.
minime, sous forme de filets de sang rouge mêlés à des matiè-
Les viscères pleins – essentiellement la rate, le foie ou les reins
res. Il faut préciser son origine. L’examen clinique doit compor-
– sont souvent atteints dans les fractures du bassin, avec une
ter un examen soigneux du périnée et rechercher une plaie
fréquence voisine de 60 % [30]. Les lésions rénales sont variables,
évocatrice d’une atteinte du canal anal ou du rectum. Le
allant de la simple contusion parenchymateuse à la plaie du
toucher rectal [28] authentifie la rectorragie, recherche une
pédicule rénal avec HRP rapidement extensif. Les traumatismes
éventuelle ascension de la prostate signant une rupture de
du pancréas sont plus rares. Il peut s’agir d’une contusion
l’urètre, apprécie l’intégrité de la paroi rectale et le tonus du
simple ou au maximum d’une rupture complète du pancréas.
sphincter anal.
Pour Dalal, ce sont les traumatismes antéropostérieurs et
Les contusions du rectum sus-péritonéal ou du sigmoïde sont
verticaux du bassin qui occasionnent le plus souvent des lésions
exceptionnelles en dehors des grands délabrements pelvipéri-
intrapéritonéales, alors que les fractures acétabulaires s’accom-
néaux ouverts et d’emblée gravissimes.
pagnent rarement de lésions viscérales [3]. Dépister en urgence
un éventuel hémopéritoine est donc prioritaire chez tout
Examens complémentaires traumatisé du bassin pour identifier au plus vite l’atteinte
viscérale sous-jacente. Le diagnostic peut être suspecté d’emblée
Le cliché d’abdomen sans préparation (en position couchée
chez un blessé instable sur le plan hémodynamique, mais
du fait de la fracture) recherche un pneumopéritoine témoi-
parfois le tableau est plus confus. On sait combien la palpation
gnant de la rupture d’un organe creux et imposant une laparo-
abdominale d’un polytraumatisé peut être trompeuse, un
tomie. En l’absence de pneumopéritoine, les lésions du canal
traumatisme lombaire avec irradiation antérieure ou le froid
anal, du rectum, voire du côlon sigmoïde peuvent être recher-
mimant par exemple de fausses contractures abdominales ou, à
chées en semi-urgence par un lavement aux hydrosolubles
l’inverse, un état comateux faisant disparaître toute douleur à la
couplé à une tomodensitométrie.
palpation. L’échographie abdominale doit donc être demandée
En cas de rectorragie, une rectosigmoïdoscopie prudente
en urgence, dès l’arrivée du blessé en salle de déchoquage. Elle
réalisée par le chirurgien recherche une plaie ou une perforation
recherche un épanchement intrapéritonéal, une rupture ou un
de la muqueuse. Dans certains centres [29], et en dehors de
hématome splénique, une atteinte du foie ou des reins. Il est
l’urgence, une échographie endorectale complète ce bilan en
parfois difficile chez un polytraumatisé à l’hémodynamique
précisant la topographie et la profondeur des lésions.
instable de faire la part de ce qui revient à l’hémopéritoine ou
à l’ARP.
Complications nerveuses Les perforations de l’intestin grêle ou du côlon s’observent le
plus souvent dans les traumatismes latéraux avec une fréquence
Le pourcentage de complications nerveuses après fractures de 20 % dans la série de Dalal [3].
du bassin est voisin de 20 % : 25,6 % dans la série de Sieg- Les complications pulmonaires [3] à type de contusion,
meth [30], 21 % pour Reilly [31] et 10 % pour Conway [32]. hémothorax, pneumothorax ou œdème aigu du poumon par
Différents éléments nerveux peuvent être atteints en fonction mécanisme lésionnel sont parfois responsables de syndrome de
du siège de la fracture. Les luxations sacro-iliaques se compli- détresse respiratoire aigu. L’évolution peut être péjorative
quent parfois d’une atteinte du plexus lombosacré responsa- surtout s’il s’ajoute une pneumopathie d’inhalation fréquente
ble secondairement de troubles de l’érection et de vessie chez les blessés inconscients. Des ruptures du diaphragme ou
neurologique. Les fractures intéressant les trous sacrés en des fracas de la paroi thoracique peuvent être associés aux
S1 peuvent léser le nerf sciatique. Les fractures traversant le fractures du bassin.

8 Médecine d’urgence
Fractures du bassin ¶ 25-200-G-10

Les complications cérébrales font généralement le pronostic et de fixer les lésions postérieures, tout en participant au
de ces polytraumatisés. Siegmeth note que plus de 33 % de traitement du choc hémorragique. Deux fiches sont plantées en
fracturés du bassin présentent simultanément un traumatisme percutané sur l’os coxal en regard des sacro-iliaques. Un cadre
crânien sévère (score de Glasgow inférieur à 8) [30]. Les trauma- rectangulaire permet d’assurer la compression. Ce cadre a
tismes pelviens antéropostérieurs et verticaux, les plus violents, l’avantage d’être radiotransparent et de pouvoir être mobilisé en
fournissent le plus de lésions cérébrales, et la gravité des lésions rotation, laissant le champ libre pour une laparotomie ou pour
observées est proportionnelle à l’intensité du choc [3]. Si l’état une ostéosynthèse fémorale secondaire. Ce clamp est souvent
hémodynamique le permet, une tomodensitométrie cérébrale et utilisé transitoirement avant une prise en charge chirurgicale
thoraco-abdomino-pelvienne est réalisée sans retard pour faire plus raisonnée. Le clamp de Browner [51] est une variante du
un bilan lésionnel précis. clamp de Ganz.
Enfin, il peut exister des fractures associées des membres Schaw [52] , Dabezies [53] et Goldstein [54] ont proposé la
supérieurs ou inférieurs, quand il y a chute d’un lieu élevé, le fixation des lésions postérieures à l’aide de barres de compres-
blessé se réceptionnant sur les membres inférieurs [3] . Les sion fixées entre les deux épines iliaques postérosupérieures. Ces
fractures varient, allant d’une simple fracture du calcanéum à barres de compression sont mises en place par deux voies
une fracture complexe du cotyle avec disjonction verticale du d’abord postérieures en regard des articulations sacro-iliaques
bassin [11]. sur un blessé en décubitus ventral. Cette chirurgie expose à un
Les fractures du rachis sont à rechercher de principe [3]. risque infectieux de l’ordre de 20 % [54]. Tile propose la fixation
des disjonctions sacro-iliaques par un abord direct antérieur de
l’articulation sacro-iliaque, abord qui expose toutefois à une
■ Principes thérapeutiques lésion du tronc lombosacré et plus particulièrement de la racine
L5 [11].
Méthodes de traitement Enfin, il existe différentes méthodes de vissage sacro-
iliaque. Letournel propose un vissage qui s’appuie sur la
Elles dépendent du type de la fracture, de la sévérité et du corticale antérieure du sacrum, mais qui expose à un risque
nombre de complications associées. Nous analyserons d’abord le vasculaire [6]. Ce geste peut être réalisé en percutané [55], mais
traitement des lésions ostéoligamentaires avant d’envisager la ne doit pas être proposé en cas de fracture transforaminale
prise en charge des diverses complications viscérales. sacrée car la compression du foyer de fracture par le vissage
peut engendrer, voire aggraver des lésions de la queue de
Traitement des lésions ostéoligamentaires cheval.
Il faut opposer les méthodes dites orthopédiques aux métho-
des chirurgicales (ostéosynthèse à ciel ouvert, ostéosynthèse à Prise en charge des complications viscérales
foyer fermé, fixation externe). associées
Méthodes orthopédiques Elle dépend de la gravité du traumatisme. La réanimation du
Elles visent à « fermer les ouvertures » et à « redescendre les blessé est le premier impératif ; elle s’associe au traitement des
ascensions ». La traction transcondylienne permet la réduction complications hémorragiques, avant la prise en charge des
de l’ascension verticale, mais parfois au prix d’un poids de plus complications urologiques ou anorectales.
de 20 kg ; elle est maintenue 6 semaines. Le hamac de Rieunau,
Mesures de réanimation
placé à hauteur des grands trochanters, réduit les ouvertures
externes du bassin [43] ; il est laissé en place 6 semaines et pose Correction de l’hypovolémie. L’hémorragie est la principale
le problème du nursing associé. Le décubitus isolé est souvent cause de mortalité chez les traumatisés du bassin [56].
le seul traitement des fractures pas ou peu déplacées mais L’hématome rétropéritonéal associé à la fracture ou un
potentiellement instables. hémopéritoine secondaire à une rupture de la rate ou du foie
peuvent entraîner un choc hypovolémique ; il doit être traité
Méthodes chirurgicales rapidement par remplissage vasculaire, transfusions sanguines
Elles vont stabiliser les lésions antérieures (symphyse et cadre isogroupes isorhésus et oxygénothérapie. En urgence, certaines
obturateur) ou les lésions postérieures. équipes ont montré l’intérêt de l’utilisation du pantalon
Fixation antérieure. Elle fait appel à la fixation externe ou à antichoc pour diminuer le saignement des fractures du bassin et
l’ostéosynthèse à foyer ouvert. Les fixateurs externes sont contrôler le choc hémorragique [57, 58]. Le réanimateur se doit
utilisés soit en implantant les fiches sur la crête de l’os coxal, d’anticiper en permanence les pertes sanguines du blessé, car
en arrière de l’épine iliaque antérosupérieure [44, 45], soit en l’hémoglobine et l’hématocrite se modifient avec un certain
implantant les fiches au-dessus du toit du cotyle entre l’épine retard et sont des indicateurs médiocres ; Ertel propose de doser
iliaque antérosupérieure et l’épine iliaque antéro-inférieure [46, les lactates pour préciser précocement le retentissement de
47]. L’introduction des fiches est facilitée, notamment en cas de l’anémie sur l’organisme [17] . Il semble licite de transfuser
grand déplacement, par l’utilisation de l’amplificateur de rapidement le blessé dès qu’une fracture instable du bassin est
brillance. Ces fixateurs externes sont exposés à des risques associée à une instabilité hémodynamique. Cette transfusion est
d’infection et d’instabilité des fiches, notamment au niveau de faite si possible avec un appareil de transfusion pneumatique à
l’aile iliaque. grande vitesse, et en communication rapprochée avec le centre
L’ostéosynthèse à foyer ouvert aborde la symphyse pubienne de transfusion sanguine qui doit permettre un approvisionne-
par voie de Pfannenstiel ou par voie médiane. Le cadre obtura- ment constant, plusieurs dizaines de concentrés globulaires
teur est abordé par voie ilio-inguinale. Cet abord permet une étant souvent nécessaires. La diurèse doit être surveillée grâce à
réduction du foyer de fracture qui est fixé à l’aide d’une plaque une sonde à demeure ou un cathéter sus-pubien s’il y a une
DCP 2 trous [48], ou d’une plaque DCP 4 trous [49] ou par deux rupture de l’urètre.
plaques DCP 4 trous [11]. Letournel utilisait une plaque anato- Correction des troubles de l’hémostase. Les troubles de
mique à 6 trous [6]. Cette ostéosynthèse à foyer ouvert expose à coagulation doivent être corrigés sans retard. Comme pour les
des risques d’infection et d’instabilité du montage, cela étant transfusions sanguines, il est nécessaire d’anticiper ces troubles
souvent dû à une instabilité postérieure méconnue qui fragilise par transfusion de plasma frais congelé. L’hématome rétropéri-
l’ostéosynthèse antérieure. tonéal peut être responsable d’une coagulopathie de consom-
Fixation postérieure. Les modalités sont également très mation avec évolution vers une thrombopénie et une
nombreuses. fibrinolyse ; dans ces fibrinolyses, Riou rapporte l’utilisation
Ganz [50] a proposé l’antishock pelvic clamp : il s’agit d’un avec succès dans trois cas d’aprotinine associée au plasma frais
fixateur très simple, à poser en urgence, qui permet de réduire congelé et au fibrinogène [1].

Médecine d’urgence 9
25-200-G-10 ¶ Fractures du bassin

Correction de l’hypothermie. La température corporelle doit ou par pontage, non prothétique si possible. Des ligatures
être surveillée par une sonde thermique. Les blessés doivent être chirurgicales électives de l’artère hypogastrique ont été
recouverts d’une couverture isotherme. Les produits de transfu- décrites mais sans véritable efficacité sur le contrôle de
sion doivent être réchauffés. l’hémorragie [62, 63]. À un stade ultime, et exceptionnelle-
Restauration de l’équilibre acidobasique. Les blessés en état ment, une amputation ou une hémipelvectomie de sauve-
de choc peuvent présenter une acidose métabolique qu’il faut
tage peuvent être indiquées en cas de dévascularisation
corriger par administration de bicarbonate de sodium. La
irréparable [64] ;
gazométrie artérielle doit être régulièrement surveillée.
Prévention de la maladie thromboembolique. Buerger C soit, et c’est le cas le plus fréquent, l’HRP est de degré 2,
précise que les traumatisés du bassin ont un haut risque de lentement extensif ; là encore, le bon sens et l’expérience
développer une maladie thromboembolique [41] et qu’ils doivent du chirurgien l’aident dans sa décision. Il semble prudent
être considérés à part dans la prophylaxie anticoagulante ; cette de ne pas ouvrir le rétropéritoine, de refermer la laparoto-
prophylaxie se fait par injection sous-cutanée d’héparine de bas mie et d’opter pour une stabilisation orthopédique du foyer
poids moléculaire, port de bas de contention et mobilisation de fracture puis, si elle s’avère insuffisante, pour une
précoce si les lésions orthopédiques le permettent. artériographie avec embolisation éventuelle [50] ;
Prophylaxie et traitement du sepsis. Le sepsis doit être • la présence d’un HRP important avec hémopéritoine modéré
redouté dans les traumatismes du bassin, principalement en cas et hémodynamique stabilisée sous remplissage est difficile à
de fracture ouverte. Exceptionnellement précoce, il est lié à la gérer :
surinfection d’un HRP ou d’un urohématome, ou encore à la
C intervenir par laparotomie est licite, car cela permet au
méconnaissance d’une plaie vaginale ou rectale. Les prélève-
chirurgien de s’assurer de l’absence de lésion associée
ments bactériologiques aérobies et anaérobies (hémocultures,
prélèvement peropératoire d’un épanchement pelvien ou intrapéritonéale et d’apprécier exactement le degré de
intrapéritonéal) doivent être réalisés. En cas d’infection des gravité de l’HRP ;
parties molles du bassin, un traitement chirurgical est indispen- C stabiliser orthopédiquement le foyer de fracture et poursui-
sable pour parer les tissus dévascularisés, nécrosés ou infectés. vre la surveillance est l’option que nous préconisons
Faringer souligne l’intérêt préventif de la colostomie en cas de actuellement. Une tomodensitométrie avec injection
plaie rectale ou lorsqu’il existe un risque important de prouve l’intégrité de la rate ou du foie et montre un
nécrose [59]. La survenue d’un sepsis après fracture du bassin est éventuel saignement actif au sein de l’HRP ; si tel est le cas,
grave et s’accompagne d’une lourde mortalité, la surveillance de l’artériographie précise le siège du saignement : il s’agit le
tels blessés ne se concevant plus qu’en réanimation. Une plus souvent de branches collatérales de l’artère hypogas-
double, voire une triple antibiothérapie est débutée, associée à trique qui peuvent être embolisées sélectivement. Panetta
un remplissage vasculaire et à l’injection au pousse-seringue
rapporte un taux de succès de 87,1 % [65] ; parfois, c’est
électrique d’amines vasopressives.
l’artère hypogastrique elle-même qui est embolisée [65].
Traitement des complications hémorragiques
Traitement des complications urologiques
Trois situations schématiques sont classiques :
• la présence d’un HRP, sans hémopéritoine, associée à un état Traitement des traumatismes de l’urètre masculin. Une
hémodynamique stable autorise une simple surveillance urétrorragie contre-indique en principe toute tentative de
échographique ou tomodensitométrique de l’HRP. La stabili- sondage vésical aveugle ; celui-ci risquerait d’aggraver une lésion
sation précoce des fractures du bassin par des fixateurs urétrale encore incomplète et de créer une « fausse route »
externes permet de limiter le saignement par compression de majeure. Si le blessé est en rétention aiguë d’urine, une cysto-
l’hématome pelvien. Les fractures instables du bassin sont stomie doit être réalisée rapidement à l’aide d’un cystocathéter
réduites et fixées, le but de la réduction étant de rétrécir sus-pubien. Le bilan de la lésion urétrale sera complété
l’espace de diffusion de l’HRP afin que son hémostase secondairement.
spontanée soit plus rapide ; il faut savoir qu’un diastasis de En cas de rupture complète authentifiée, l’anastomose
3 cm de la symphyse pubienne double le volume de diffusion terminoterminale est à éviter en urgence car elle expose à un
potentielle de l’hématome pelvien [46]. La réduction de la risque hémorragique important lors de l’abord rétrosymphy-
fracture limite le saignement d’origine osseuse et permet saire ; seule la présence d’une plaie associée du rectum pousse
l’hémostase des petites veines périfracturaires [60, 61] ; certaines équipes à pratiquer cette suture précocement sous
• la présence échographique d’un hémopéritoine avec état couvert d’une colostomie [66-68]. Le réalignement urétral endo-
hémodynamique instable ou difficile à stabiliser sous rem-
scopique est préconisé par certaines équipes à condition que le
plissage correct impose une laparotomie en urgence pour
décalage entre les deux extrémités urétrales ne soit pas supérieur
identifier la cause de l’hémorragie et la traiter. S’il s’agit d’une
à 3 cm, mais cette technique se complique d’un taux non
lésion associée d’un viscère plein (rate, foie), on la traite de
négligeable de sténoses urétrales [69] . La date optimale de
la façon la plus radicale possible, avant d’apprécier le degré
de gravité de l’HRP associé à la fracture du bassin : réparation de l’urètre après traumatisme est controversée,
C soit l’HRP est de degré 1, autocontrôlé, et il est conseillé de oscillant entre le 5e jour et le 6e mois [66]. Quelle que soit la
ne pas ouvrir le péritoine pariétal postérieur, de refermer la technique de reconstruction utilisée, il y a un risque d’inconti-
laparotomie et de laisser l’hémostase spontanée se consoli- nence urinaire, d’impuissance et de sténose urétrale.
der ; Traitement des traumatismes de la filière urogénitale
C soit l’HRP est de degré 3, avec une hémorragie active sous- féminine. La rareté de ces lésions explique qu’il n’y a pas
jacente, et il faut alors ouvrir le rétropéritoine pour faire d’attitude thérapeutique univoque. La cystostomie sus-pubienne
l’hémostase. L’origine du saignement n’est parfois pas constitue le plus souvent la première étape du traitement et
évidente à détecter, et le chirurgien peut être confronté à reste la solution idéale pour le chirurgien de garde non spécia-
un saignement diffus en nappe incontrôlable où le packing liste. Certaines équipes [70-72] réalisent une réparation urétrale et
est le dernier recours : on place de nombreuses compresses vaginale en urgence car les lésions urétrales non traitées
abdominales et on les comprime fortement au niveau de la rapidement peuvent évoluer vers une sténose urétrale complète,
zone de saignement ; ce procédé expose au risque de une possible fistule urétrovaginale ou un certain degré de
syndrome compartimental qu’il faut surveiller ; l’HRP sténose du vagin. D’autres chirurgiens [73, 74] diffèrent la
extensif peut aussi être lié à une plaie veineuse des gros réparation urétrale sous couvert d’une cystostomie. Les plaies
troncs iliaques ou fémoraux. Les plaies artérielles doivent hémorragiques du vagin doivent être suturées en urgence du fait
bénéficier d’une réparation chirurgicale, par suture simple de l’importance de la spoliation sanguine.

10 Médecine d’urgence
Fractures du bassin ¶ 25-200-G-10

Traitement des complications urétérovésicales Lésions colorectales intrapéritonéales. La voie d’abord


Traitement des ruptures vésicales. Le but est de permettre la conseillée est une laparotomie médiane. Après avoir traité toute
cicatrisation de la vessie en évitant la surinfection de l’urohé- autre lésion viscérale urgente (plaie de rate, rupture vésicale), un
matome pelvien. bilan des lésions colorectales est réalisé : il faut être conservateur
Les ruptures intrapéritonéales de vessie doivent être opé- dans la mesure du possible, et une plaie linéaire du sigmoïde ou
rées [75] : la brèche vésicale est repérée et extrapéritonisée, la du rectum est suturée au fil résorbable. Dans certaines situa-
vessie est suturée en deux plans (muqueux, musculaire) par un tions, les tissus paraissent dévascularisés ou trop endommagés
fil à résorption lente, l’étanchéité de la vessie est vérifiée en pour bénéficier d’une simple suture : il faut alors pratiquer une
injectant du sérum physiologique dans la vessie par la sonde à résection colique ou rectale sans rétablissement de la continuité
demeure et le péritoine pariétal pelvien est alors refermé à digestive ; l’espace présacré doit être abondamment lavé au
points séparés de fil résorbable ; le drainage de la cavité sérum physiologique, puis drainé par une lame et un drain
péritonéale n’est pas obligatoire, mais conseillé. aspiratif pour prévenir la formation des abcès pelviens [85].
Le traitement des ruptures sous-péritonéales de vessie reste L’hémostase du pelvis est soigneuse. Nous réalisons de préfé-
controversé, entre les tenants d’une attitude conservatrice [20, 76] rence une colostomie terminale pour finir l’intervention,
et les partisans d’une solution chirurgicale [77-80]. colostomie qui a l’avantage, par rapport à une colostomie
Le traitement conservateur consiste à réaliser un simple latérale, d’être totalement excluante. En postopératoire, Maull
drainage des urines par une sonde vésicale de bon calibre souligne l’intérêt de réaliser des irrigations du moignon rectal
pendant 15 jours sous antibioprophylaxie. À cette date, une distal avec de la polyvidone iodée pour prévenir les complica-
cystographie permet de s’assurer de l’étanchéité de la vessie tions infectieuses [86]. Une antibiothérapie à large spectre doit
avant d’ôter la sonde urinaire. Si l’examen montre une persis- accompagner la chirurgie.
tance de la fuite vésicale, il est conseillé de garder la sonde
vésicale 10 jours de plus [81]. L’inconvénient de ce traitement est Traitement des complications nerveuses
qu’il ne permet pas de faire un bilan précis des lésions vésicales
et trigonales [82], qu’il n’empêche pas l’infection de l’urohéma- La seule véritable urgence est la paralysie sciatique secondaire
tome, et qu’il est irréalisable en cas d’hématurie massive ou à une luxation postérieure de la hanche avec fracture du cotyle.
quand un lavage vésical est nécessaire. Corrière ne rapporte Un traitement chirurgical urgent à visée décompressive est
aucune complication infectieuse chez 39 blessés traités de cette nécessaire pour réduire la luxation et, si besoin de façon,
manière [81]. Ce traitement doit toutefois être réservé aux blessés sanglante. Fountain rapporte l’utilité d’une laminectomie sacrée
ne présentant ni lésions associées ni risque septique important postérieure de décompression en cas de déficit neurologique
(fracture ouverte du bassin ou perforation de viscères) [20]. secondaire à une fracture- enfoncement du sacrum [87].
Le traitement chirurgical propose de réparer la brèche vésicale
puisqu’elle est responsable de l’hémorragie et que seule sa
réparation fait l’hémostase sans pérenniser la fuite en cas de Stratégie de prise en charge
lavage vésical à haut débit [83]. La voie d’abord est une laparo-
tomie médiane sous-ombilicale qui permet d’aborder directe- Le traitement des fractures isolées et non compliquées du
ment la vessie en évitant de libérer les faces latérales de la vessie bassin répond en général à une prise en charge orthopédique
pour limiter les espaces de diffusion de l’infection et de pure que nous avons décrite.
l’hématome. Il faut pratiquer un prélèvement des liquides Le plus souvent, la fracture du bassin n’est qu’un des élé-
pelviens pour examen bactériologique. Par la brèche vésicale, on ments du polytraumatisme et la stratégie thérapeutique est alors
repère les orifices urétéraux, la muqueuse et le col de la vessie. dictée par l’urgence vitale, la fracture passant au second plan
La vessie est suturée en deux plans de fil résorbable (ou en un des préoccupations. C’est cette situation que nous retenons
seul plan si les conditions locales ne le permettent pas). Les pour décrire un processus de prise en charge que nous avons
urines sont drainées par une sonde vésicale de bon calibre voulu le plus complet possible. On doit d’abord évacuer un
pendant 15 jours. Certaines équipes [81, 82] conseillent d’y éventuel hémothorax et/ou pneumothorax compressif en
associer une cystostomie sus-pubienne par une sonde de plaçant un drain thoracique sur la ligne axillaire moyenne dans
Malecot ou de Foley. Le drainage de l’espace sous-péritonéal est le 5e espace intercostal. S’il n’existe pas d’autres lésions intra-
l’objet de controverses, mais nous en sommes personnellement thoraciques qui nécessiteraient une prise en charge immédiate,
partisans. nous proposons un arbre décisionnel basé sur l’état hémodyna-
Traitement des traumatismes de l’uretère. Les ruptures urétérales mique du blessé. L’urgence est le contrôle de l’hémorragie par
doivent être suturées [84] chirurgicalement sans tarder : la tous les moyens à disposition, qu’ils soient orthopédiques
réparation se fait si possible par une anastomose urétéro- (stabilisation temporaire d’une fracture pelvienne instable),
urétérale terminoterminale à points séparés de fil monobrin qu’ils soient radiologiques (embolisation sélective d’une plaie
résorbable et fin. Une sonde de drainage urétérale de type artérielle), ou qu’ils soient chirurgicaux (contrôle direct de
double J doit être montée dans le rein pendant l’intervention l’hémostase par laparotomie exploratrice).
pour drainer les urines et laissée en place pour environ L’arbre décisionnel ci-joint détaille cette stratégie (Fig. 12).
3 semaines.

Traitement des complications anorectales et sigmoïdiennes


La présence d’une plaie anorectale transforme une fracture du ■ Conclusion
bassin apparemment anodine en une fracture ouverte à risque
septique majeur. Deux situations sont classiques. La prise en charge des fractures du bassin est donc complexe
Lésions anorectales sous-péritonéales. Ce sont toutes les en raison des nombreuses complications viscérales potentielle-
lésions du canal anal ou du bas rectum secondaires à des ment associées. Le bilan lésionnel initial est fondamental car il
dilacérations du plancher pelvien et accessibles à un traitement va guider la prise en charge ultérieure. La méconnaissance de
par voie basse. La réparation rectale se fait par voie transanale certaines complications, anorectales par exemple, expose le
si la lésion est bas située. Une application toute particulière doit polytraumatisé à de graves complications septiques secondaires.
être accordée à la réparation du sphincter anal pour éviter les L’éventail des traitements possibles est important avec des
complications ultérieures, et il est de règle de terminer l’inter- indications qui doivent être posées le plus souvent dans
vention par une colostomie latérale pour protéger la suture qui, l’urgence. Une prise en charge multidisciplinaire au sein d’un
si le blessé ne nécessite pas de laparotomie, est réalisée par voie plateau technique adapté doit permettre d’offrir aux traumatisés
élective (iliaque gauche ou transverse droite). du bassin les meilleures chances de survie.

Médecine d’urgence 11
25-200-G-10 ¶ Fractures du bassin

Pas d'hémothorax

FRACTURE DU BASSIN

Hémodynamique

Stable Instable

Miction
Réduire la fracture du bassin
Pas de miction stabilisation provisoire
Urines claires Urétrorragie
Hématurie

Échographie
Urétro- « FAST »
cystographie
rétrograde Pas
Hémopéritoine
d'hémopéritoine

Pas de lésion Lésion


LAPAROTOMIE
DE SAUVETAGE
Scanner damage control
Sondage abdominopelvien packing
urinaire
possible
si
nécessaire

Examen rectal Hématome Hématome Hématome


TR, rectoscopie rétropéritonéal rétropéritonéal rétropéritonéal
MINEUR MAJEUR EXTENSIF

Pas de lésion Plaie du


rectum
Chercher une autre HÉMOSTASE
cause d'instabilité CHIRURGICALE
Scanner abdominopelvien hémodynamique Artériographie DU
RÉTROPÉRITOINE
ligatures, packing
Pas de Lésion
lésion intra-
intra- péritonéale Pas d'hémorragie Hémorragie
péritonéale

Laparotomie EMBOLISATION

Réparation
Colostomie

POURSUITE DE LA RÉANIMATION

STABILISATION
Cystostomie chirurgicale,
DÉFINITIVE
+/- réparation de vessie
DU
ou avis spécialisé
BASSIN

Figure 12. Arbre décisionnel. Stratégie de prise en charge des fractures du bassin.

12 Médecine d’urgence
Fractures du bassin ¶ 25-200-G-10

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.

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P. Paparel, Praticien hospitalo-universitaire (philippe.paparel@chu-lyon.fr).


J.-L. Caillot, Professeur des Universités, praticien hospitalier, chef de service.
E.-J. Voiglio, Maître de conférences des Universités, praticien hospitalier.
Urgences chirurgicales, centre hospitalier Lyon Sud, chemin du Grand-Revoyet, 69495 Pierre-Bénite cedex, France.
M.-H. Fessy, Professeur des Universités, praticien hospitalier, chef de service.
Service de chirurgie orthopédique et traumatologique, hôpital Nord, avenue Albert-Raimond, Saint-Priest-en-Jarez, 42055 Saint-Étienne cedex 2, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Paparel P., Caillot J.-L., Voiglio E.-J., Fessy M.-H. Fractures du bassin. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),
Médecine d’urgence, 25-200-G-10, 2007.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


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14 Médecine d’urgence
¶ 25-200-D-20

Lésions des gros vaisseaux thoraciques


par décélération
B. Vivien, B. Riou

Les ruptures traumatiques aortiques (RTA) sont les lésions les plus fréquentes des gros vaisseaux
médiastinaux. La décélération brutale joue un rôle majeur, responsable d’une projection antérieure du
bloc cœur-aorte ascendante alors que la partie descendante fixe de l’aorte est retenue dans le médiastin
postérieur. La RTA est le plus souvent suspectée sur l’anamnèse (décélération brutale) et la radiographie
pulmonaire de face (élargissement médiastinal). L’aortographie, l’angioscanner et l’échocardiographie
transœsophagienne (ETO) sont équivalents en termes de sensibilité et de spécificité pour le diagnostic des
RTA. En pratique, le dépistage repose actuellement sur l’angioscanner. Le dogme de l’intervention
chirurgicale systématique et précoce lors des RTA est de plus en plus souvent remis en question, au profit
d’une intervention différée. En présence d’une RTA, deux techniques chirurgicales peuvent être
proposées : le clampage avec suture simple et l’intervention sous circulation extracorporelle. Seule l’ETO
est susceptible de diagnostiquer les lésions minimes de l’aorte, non chirurgicales, mais justifiant une
surveillance étroite en raison du recul insuffisant pour connaître leur évolution naturelle à distance du
traumatisme.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Traumatisme aortique ; Rupture de l’isthme aortique ; Traumatisme artériel ;


Échocardiographie ; Polytraumatismes ; Décélération

Plan modifiée ces dernières années [2]. Ainsi, le dogme de l’interven-


tion chirurgicale systématique et précoce est-il remis en ques-
tion, au profit d’une intervention différée lorsque cela est
¶ Introduction 1
possible. Par ailleurs, des lésions traumatiques minimes de
¶ Description des lésions 1 l’aorte, ne justifiant pas d’un traitement chirurgical, sont
¶ Diagnostic 2 maintenant diagnostiquées grâce à l’échocardiographie transœ-
Clinique 2 sophagienne (ETO), alors qu’elles passaient auparavant inaper-
Radiographie thoracique 2 çues [3]. Il est important que les médecins des urgences dépistent
Aortographie 2 ces lésions traumatiques peu fréquentes mais non exceptionnel-
Tomodensitométrie (TDM) 2 les, afin d’éviter des complications volontiers redoutables à
Échocardiographie transœsophagienne 3 court et long termes.
Imagerie par résonance magnétique (IRM) 3

■ Description des lésions


Stratégie des examens 3
¶ Traitement 3
Traitement chirurgical 3 Les RTA sont une cause fréquente de décès au cours des
Traitement médical 4 accidents de la voie publique (10 à 20 % des décès) [2, 4] .
Traitement par endoprothèses 4 L’amélioration des transports médicalisés et les possibilités de
Lésions limitées de l’aorte 4 diagnostic précoce expliquent qu’il ne s’agit plus actuellement
¶ Autres vaisseaux thoraciques 4 d’un diagnostic d’exception. Les accidents de la voie publique
Troncs supra-aortiques 4 constituent la principale cause de RTA (80-90 %), les chutes
Autres vaisseaux 4 d’une grande hauteur la deuxième [4]. Dans les accidents de la
voie publique, les RTA s’observent chez les passagers d’un
¶ Conclusion 5
véhicule évoluant à grande vitesse, mais les piétons renversés
sont également concernés. Un choc frontal est souvent incri-
miné, mais un choc latéral est retrouvé dans 42 % des cas [5].
Dans 90 à 98 % des cas, les RTA touchent l’isthme aortique [6,
■ Introduction 7], plus rarement l’aorte ascendante (0 à 3 %), la crosse aortique

(1 à 2 %), ou l’aorte descendante (0 à 3 %). Toutefois, on


Les ruptures traumatiques de l’aorte (RTA) sont les plus retrouve à l’autopsie une proportion plus importante de lésions
fréquentes des lésions des gros vaisseaux médiastinaux [1] . de l’aorte sus-sigmoïdienne et de l’arc aortique (8 et 2 %
D’importants progrès ont été réalisés dans le diagnostic et le respectivement) [5], car ces lésions entraînent plus volontiers un
traitement de ces lésions, et leur prise en charge s’est beaucoup décès rapide. Les localisations multiples sont possibles. Le

Médecine d’urgence 1
25-200-D-20 ¶ Lésions des gros vaisseaux thoraciques par décélération

mécanisme principal des RTA est la décélération brutale du bloc peut être présente, mais sa valeur diagnostique est faible. Il avait
cœur-aorte ascendante alors que la portion descendante de été suggéré qu’une fracture des premières côtes était un signe en
l’aorte reste fixée dans le médiastin postérieur. La déchirure faveur d’une RTA [10], mais il n’y a pas de corrélation entre la
pariétale se produit au niveau de la zone la plus fragile, survenue d’une RTA et les lésions pariétales thoraciques [7]. En
isthmique, là où s’insère le ligament artériel. fait, soit il s’agit effectivement d’un traumatisme dont la
Le pronostic des RTA est lié au site et à la gravité de l’atteinte violence fait suspecter une RTA, soit il s’agit d’un traumatisme
de la paroi aortique. Toutefois, des RTA complètes englobant les direct (ceinture de sécurité) et une RTA n’est pas forcément
trois tuniques aortiques (intima, média, et adventice) peuvent associée. Une paraplégie sans fracture rachidienne ou d’appari-
survivre jusqu’à l’intervention, le saignement étant plus ou tion secondaire fait également suspecter une RTA avec atteinte
moins contenu par l’hématome médiastinal et la plèvre viscé- de l’artère d’Adamkiewicz. Enfin, le syndrome de pseudocoarc-
rale. Que la rupture soit complète ou partielle, cet hématome tation est généralement associé à une hémodynamique insta-
médiastinal constitue un risque d’hémorragie brutale et de ble : un pouls simplement conservé aux membres supérieurs et
décès. Parmley et al. [8] avaient rapporté une incidence de décès non retrouvé aux membres inférieurs doit faire suspecter une
de 30 % dans les premières heures mais la cause réelle du décès RTA.
n’était pas précisée. Dans la grande série prospective nord-
américaine [6] , les patients in extremis (8 %) ou opérés en
urgence pour une rupture étaient minoritaires (9 %). Prêtre et
Radiographie thoracique
Chilcott [9] ont réévalué ce risque dans les premières heures La radiographie thoracique fait partie du bilan initial [11, 12] et
entre 8 et 13 % des patients admis à l’hôpital. En fait, il faut plusieurs signes radiologiques permettent d’évoquer la RTA
distinguer trois stades de gravité différente [3] . Le stade I (Fig. 1). L’élargissement médiastinal est un signe très sensible
correspond à des lésions limitées qui ne nécessitent pas d’inter- (95 %) mais peu spécifique (artefact dû au décubitus, hémomé-
vention chirurgicale mais une surveillance prolongée en raison diastin dû à d’autres lésions traumatiques : fracture du rachis ou
de l’évolution possible vers un anévrisme. Le stade III corres- du sternum). La déviation de la sonde nasogastrique ou l’abais-
pond à la nécessité d’une intervention chirurgicale immédiate sement de la bronche souche gauche sont des signes peu
en raison d’un saignement actif, d’une instabilité hémodynami- sensibles mais assez spécifiques. La présence d’un hématome
que, ou d’une complication majeure (syndrome de pseudo- pleural en coiffe ou surtout d’un hémothorax gauche consti-
coarctation avec ischémie viscérale). Dans les stades II, la tuent des signes de gravité de la RTA. Malheureusement, la
chirurgie est nécessaire mais elle peut être éventuellement radiographie est normale dans 5 à 7 % des cas [6, 13].
retardée car le risque de rupture est faible.
Les traumatismes des troncs supra-aortiques (TSA) sont plus
rares que les RTA mais relèvent des mêmes mécanismes. Il peut Aortographie
s’agir d’une désinsertion complète siégeant préférentiellement à L’aortographie a longtemps été considérée comme l’examen
l’origine des artères sous-clavières, de lésions partielles avec faux de référence. Les faux négatifs sont rares mais ne concernent
anévrisme du tronc artériel brachiocéphalique, ou de dissection que les lésions intimales ou les hématomes intramuraux, non
des artères carotides ou vertébrales. D’autres lésions vasculaires chirurgicaux. Son principal avantage est de permettre l’explora-
ont été plus exceptionnellement décrites : ruptures des veines tion des TSA, mais elle n’est pas dénuée de risque : l’augmenta-
pulmonaires ou d’une veine cave. tion de la pression intraluminale lors de l’injection de produit
de contraste peut induire une rupture secondaire. Surtout, elle
■ Diagnostic nécessite un transport supplémentaire du patient et du temps,
tous deux potentiellement délétères chez un polytraumatisé.
L’aortographie n’est donc plus considérée comme une techni-
Clinique que de référence actuellement [2].
L’anamnèse des témoins et des équipes de secours permet
d’apprécier l’importance de la décélération et donc de suspecter Tomodensitométrie (TDM)
une RTA. La vitesse estimée d’un véhicule au moment de
l’impact, la notion de décès sur place d’une autre victime, la L’examen TDM a pris une place essentielle dans le bilan
hauteur de la chute et la nature du sol de réception, sont autant lésionnel d’un polytraumatisé. La plupart des équipes proposent
d’éléments permettant d’apprécier l’importance de la décéléra- de réaliser un angioscanner thoraco-abdomino-pelvien [12, 14]
tion. Les signes fonctionnels sont rares. Une douleur thoracique qui permet l’examen complet de l’aorte. La TDM permet

Figure 1.
A. Radiographie thoracique très évocatrice de rupture traumatique de l’aorte.
B. Signes radiologiques permettant de suspecter un traumatisme de l’aorte. Classiquement, on recherche des signes d’hémomédiastin. 1. Un élargissement
du médiastin supérieur (85 %) ; 2. un effacement du bouton aortique au niveau de l’ombre cardiaque (24 %) ; 3. un hématome extrapleural du dôme (19 %) ;
4. un hémothorax gauche (19 %) ; 5. une déviation vers la droite de la trachée (12 %) ; 6. une déviation vers la droite de la sonde nasogastrique (11 %) ; 7.
un abaissement de la bronche souche gauche (5 %). La radiographie thoracique est normale dans 7 % des cas. L’incidence des différents signes correspond
à celle rapportée par Fabian et al. [6] chez 274 patients ayant une rupture traumatique de l’aorte.

2 Médecine d’urgence
Lésions des gros vaisseaux thoraciques par décélération ¶ 25-200-D-20

Figure 2. Tomodensitométrie hélicoïdale après injection de produit de


contraste montrant une rupture isthmique de l’aorte (flèche).
Figure 4. Lésion minime de l’aorte limitée à un flap intimal (flèche) en
coupe transversale. Ces lésions ne sont pas chirurgicales mais requièrent
une surveillance à distance du traumatisme.

incluant 30 centres, l’ETO n’a été utilisée que chez 11 % des


patients. Ceci explique probablement les résultats parfois
médiocres de l’ETO dans certains centres américains [20]. En
revanche, l’ETO permet de diagnostiquer les lésions minimes
(Fig. 4) qui échappent le plus souvent à l’aortographie et à la
TDM [3].

Imagerie par résonance magnétique (IRM)


L’IRM est un outil diagnostique très performant, à la fois
sensible et spécifique. Malheureusement, sa disponibilité et ses
Figure 3. Échographie transœsophagienne montrant une rupture isth-
contraintes font qu’elle n’est jamais utilisée en urgence [2, 6].
mique de l’aorte. Ao : lumière aortique ; FA : faux anévrisme.

Stratégie des examens


également d’effectuer le diagnostic des autres lésions traumati-
ques intrathoraciques. Dans les études anciennes, les perfor- Dans le cadre du dépistage des lésions traumatiques de
mances diagnostiques de la TDM étaient inférieures à celles de l’aorte, il faut actuellement considérer que l’aortographie,
l’aortographie [15, 16]. L’arrivée de la TDM hélicoïdale et plus l’angioscanner et l’ETO sont équivalents en termes de sensibilité
récemment des TDM multibarrettes a considérablement modifié et de spécificité [3, 21]. Le choix est en fait déterminé par la
la situation. Dans une série récente de 1 104 traumatisés, la situation clinique et le bilan lésionnel nécessaire chez le
TDM hélicoïdale (Fig. 2) est à la fois très sensible (100 %) et très polytraumatisé. L’ETO est l’examen de choix pour un patient
spécifique (99,7 %) pour le diagnostic des RTA [17]. Les caracté- instable hémodynamiquement puisqu’elle permet à la fois un
ristiques de la TDM multibarrettes laissent espérer une perfor- diagnostic hémodynamique et celui de la RTA, autorisant la
mance diagnostique encore supérieure, notamment pour les prise d’une décision de chirurgie d’urgence. La TDM fait partie
traumatismes minimes de l’aorte et les lésions des TSA. intégrante du bilan du patient polytraumatisé [12] et elle est plus
accessible que l’ETO. L’aortographie a l’inconvénient de néces-
Échocardiographie transœsophagienne siter un transport supplémentaire. Seule l’ETO est actuellement
susceptible de diagnostiquer les lésions minimes de l’aorte, non
La sensibilité et la spécificité de l’ETO en font probablement chirurgicales, mais il ne s’agit pas d’un diagnostic urgent. En
l’examen de référence à l’heure actuelle (Fig. 3) [3]. La RTA peut pratique donc, l’angioscanner doit être considéré comme
se traduire par une dilatation fusiforme, un anévrisme sacculaire l’examen de dépistage des RTA. En revanche, une ETO est
avec collet, ou une simple modification de la forme normale- probablement indiquée à distance, effectuée par un échogra-
ment parfaitement circulaire de l’aorte descendante, voire la phiste expérimenté, pour les patients ayant subi une décéléra-
présence de lambeaux de paroi à l’intérieur de la lumière tion importante.
aortique traduisant une lacération des tuniques pariétales [18].
Ces lambeaux de paroi sont limités en hauteur sur une courte
portion de l’aorte. De fines encoches pariétales ou de fins ■ Traitement
lambeaux avec un bord libre très mobile traduisent une atteinte
limitée à l’intima. Un thrombus est parfois visible. De véritables
occlusions aortiques peuvent être observées (pseudocoarctation).
Traitement chirurgical
L’existence d’un hémomédiastin, dont le diagnostic est bien La thoracotomie de sauvetage pour clampage aortique réalisée
validé en ETO [19], constitue un élément important pour juger en salle d’urgence a été préconisée en cas d’arrêt cardiaque. Les
du caractère transmural de la lésion. résultats sont tellement décevants que cette technique est
Il existe toutefois des limitations à l’ETO. La première est actuellement abandonnée par une majorité d’équipes chirurgi-
d’ordre anatomique : la jonction aorte ascendante-horizontale cales. Ivatury et al. [22] ont ainsi rapporté une série de 29 cas
est une zone aveugle, mais heureusement les lésions à ce niveau consécutifs opérés sans survie.
sont rares. La seconde est d’ordre technique : la fiabilité du Le principe d’une intervention précoce reste valable dans la
diagnostic suppose une certaine expérience de l’examinateur majorité des cas, soit que l’état hémodynamique du patient ne
pouvant rendre ce diagnostic opérateur-dépendant [2] . Une souffre aucun délai, soit qu’il n’existe aucun obstacle médical à
bonne connaissance de la sémiologie échographique spécifique la réalisation d’un clampage aortique et/ou d’une circulation
limite cet inconvénient [18]. Dans la série de Fabian et al. [6] extracorporelle (CEC) en urgence. En effet, en l’absence d’une

Médecine d’urgence 3
25-200-D-20 ¶ Lésions des gros vaisseaux thoraciques par décélération

contre-indication à la chirurgie sous CEC, même si le risque de l’incidence des lésions limitées est de 12 % des lésions trauma-
rupture secondaire est faible, il n’y a aucune raison de faire tiques de l’aorte, et sur neuf patients suivis à distance, l’évalua-
courir un tel risque à un patient. Le problème de l’intervention tion montre l’aggravation ou la persistance des lésions dans six
précoce se pose en cas de lésion grave associée (traumatisme cas et leur guérison, apparemment sans séquelles, dans trois des
craniocérébral grave, contusion pulmonaire, hématome rétropé- cas [3, 41].
ritonéal) où les conséquences de la CEC sont redoutées. Dans
ces cas et lorsque l’état hémodynamique du patient le permet,
l’intervention peut être différée [23, 24]. La décision est plus facile ■ Autres vaisseaux thoraciques
à prendre lorsque le diagnostic de RTA est porté au-delà des
premières 24 heures, la période durant laquelle le risque de Troncs supra-aortiques
rupture secondaire est le plus élevé étant alors dépassée [25]. Une
revue de la littérature récente [24, 26-36] permet déjà une première Les traumatismes des TSA sont plus exceptionnels que les
évaluation de cette attitude : une décision d’intervention traumatismes aortiques. Ils sont également causés par une
différée a été prise dans 206 cas sur 646, soit 32 %, et une décélération brutale, et concernent le plus souvent des patients
rupture secondaire n’est survenue que dans huit cas, soit 4 %. polytraumatisés graves dont les lésions associées mettent
La temporisation a permis également à certaines équipes de également en jeu le pronostic vital. Il peut s’agir d’une désin-
proposer un traitement à distance par endoprothèse [37]. sertion complète siégeant préférentiellement au niveau des
Deux techniques chirurgicales peuvent être proposées, le artères sous-clavières, de lésions partielles avec faux anévrisme
clampage avec suture simple et l’intervention sous CEC. du tronc artériel brachiocéphalique, ou de dissection des artères
L’intervention sous CEC est actuellement préconisée car elle carotides ou des artères vertébrales [42]. Ces dernières lésions
diminue le risque de paraplégie postopératoire (9 % des cas) [6]. siègent préférentiellement au niveau de leur portion extratho-
Par ailleurs, l’utilisation de circuits de CEC préhéparinés racique, et sont donc particulièrement difficiles à diagnostiquer
pourrait diminuer le risque lié à une héparinisation généralisée précocement. En effet, ces dissections traumatiques tendent à
chez le traumatisé crânien. Dans la série de Fabian et al. [6], la s’exprimer secondairement, par le biais d’une thrombose in situ
CEC a été utilisée dans 75 % des cas (héparinisation systémique et/ou d’une embolie, se traduisant alors généralement par un
79 %, circuits préhéparinés 26 %). Pour le traitement de la tableau d’accident vasculaire cérébral.
lésion proprement dite, une suture simple est préférée à Le diagnostic est souvent plus facile à évoquer devant
l’interposition d’une prothèse en raison du risque d’infection l’existence d’un déficit neurologique focalisé, d’une abolition ou
secondaire. La technique de clampage et suture est simple et d’une asymétrie des pouls au niveau des membres supérieurs, ou
rapide à mettre en œuvre devant une hémorragie non contrô- devant la présence d’un hématome palpable au niveau des
lable ou lorsque l’héparinisation est jugée trop dangereuse. creux axillaires ou sus-claviculaires. L’ETO ou la TDM ne
Cependant, elle n’est pas toujours techniquement réalisable et permettent généralement que le diagnostic d’hématomes
présente l’inconvénient d’être compliquée d’un taux plus élevé localisés ou d’un hémomédiastin. L’ETO peut toutefois identifier
de paraplégie postopératoire, surtout lorsque le temps de un certain nombre de lésions (faux anévrisme ou dissection) de
clampage dépasse 30 minutes [6, 38]. Dans la série de Fabian et la racine de la sous-clavière gauche ou de la carotide primitive
al. [6], cette technique a été utilisée dans 35 % des cas (extrêmes gauche. En revanche, le tronc artériel brachiocéphalique n’est
urgences exclues). pratiquement jamais visualisé correctement en ETO. Seule
l’angiographie peut précisément diagnostiquer une lésion des
TSA, quelles que soient sa localisation et sa gravité. Toutefois,
Traitement médical l’arrivée des TDM de dernière génération modifie les possibilités
Le traitement médical s’adresse aux patients stables sur le diagnostiques et devrait encore limiter les indications résiduelles
plan hémodynamique et dont l’intervention est différée en de l’aortographie.
raison de lésions graves associées. Il repose en priorité sur les L’intervention chirurgicale est rarement réalisée en urgence :
bêtabloquants pour diminuer la contrainte systolique sur la en effet, soit la désinsertion vasculaire est complète et conduit
paroi aortique [38]. La place des vasodilatateurs est plus acces- rapidement au décès du patient avant toute tentative chirurgi-
soire, ceux-ci devant toujours être institués après le ralentisse- cale, soit la lésion est partielle et l’intervention peut générale-
ment de la fréquence cardiaque par les bêtabloquants, afin ment être différée. Il est souhaitable avant d’envisager une
d’éviter l’accélération de la vitesse circulatoire dans l’aorte par intervention d’apprécier la gravité des autres lésions associées,
baisse de la postcharge. notamment cérébrales, et d’élaborer une stratégie chirurgicale.
L’intervention est réalisée, soit par sternocervicotomie pour le
Traitement par endoprothèses tronc artériel brachiocéphalique et la carotide primitive gauche,
soit par thoracotomie latérale pour la sous-clavière gauche. Le
Depuis la publication princeps de l’équipe de Toulouse [37], clampage complet de l’axe vasculaire étant le plus souvent
d’autres études ont rapporté le traitement des RTA par mise en nécessaire, l’intervention nécessite habituellement la mise en
place d’une endoprothèse [34, 39, 40]. Il s’agit d’un traitement place d’un système de protection contre l’ischémie cérébrale :
prometteur, particulièrement lorsqu’il existe une contre- shunt dirigé, CEC avec perfusion distale des axes carotidiens,
indication à la chirurgie sous CEC. Toutefois, il convient d’être voire arrêt cardiocirculatoire complet en hypothermie profonde.
prudent car le rapport bénéfice/risque à long terme par rapport Le traitement médical concerne essentiellement les dissec-
à la chirurgie conventionnelle n’est pas encore connu alors qu’il tions localisées dominées par le risque de thrombose ou
s’agit de patients jeunes ayant donc une espérance de vie d’embolie. Il consiste en une héparinisation à dose efficace avec
longue. Surtout, l’utilisation du traitement endoprothétique a ou sans antiagrégants plaquettaires. À distance du traumatisme,
été très peu rapportée en urgence [39], période pendant laquelle les indications respectives de la chirurgie ou de la radiologie
le risque de rupture au moment de l’insertion de l’endoprothèse interventionnelle restent encore mal définies à l’heure actuelle.
n’est pas encore évalué. Les études futures permettront sans
doute de mieux définir les indications du traitement endovas- Autres vaisseaux
culaire des RTA, y compris en urgence.
Différentes lésions vasculaires ont été décrites dans la littéra-
ture de manière exceptionnelle, ne faisant guère l’objet que de
Lésions limitées de l’aorte publication de rares cas cliniques. Les ruptures des veines
Ces lésions limitées (flap intimal, hématomes intramuraux) pulmonaires sont généralement dues à des mécanismes de
ne nécessitent pas de traitement chirurgical. Toutefois, une décélération brutale avec une composante de rotation (patients
surveillance étroite de ces patients s’impose (ETO, IRM) afin de éjectés, non ceinturés). Les rares survivants sont des patients qui
vérifier qu’ils ne développent pas secondairement des anévris- présentaient des lésions dont le saignement a été limité par le
mes aortiques [3]. Bien qu’elle soit encore limitée, une revue de péricarde occasionnant alors une tamponnade [43, 44]. Quelques
la littérature permet déjà de cerner l’importance du problème : cas se traduisant par des hémoptysies graves [43] ou des fistules

4 Médecine d’urgence
Lésions des gros vaisseaux thoraciques par décélération ¶ 25-200-D-20

artérioveineuses pulmonaires [45], de moindre gravité et le plus [13] Vignon P, Lagrange P, Boncoeur MP, François B, Gastinne H,
souvent diagnostiquées tardivement, ont été rapportés. Lorsque Lang RM. Routine transesophageal echocardiography for the diagnosis
la lésion se traduit par une hémorragie dans l’espace pleural of aortic disruption in trauma patients without enlarged mediastinum.
directement ou par l’intermédiaire d’une rupture péricardique, J Trauma 1996;40:422-7.
le décès survient généralement avant l’arrivée à l’hôpital [46]. De [14] Leidner B, Adiels M, Aspelin P, Gullstrand P, Wallen S. Standardized
même, l’atteinte d’une veine cave est rapidement mortelle par CT examination of the multitraumatized patient. Eur Radiol 1998;8:
hémorragie aiguë ou par tamponnade [47]. L’atteinte isolée d’une 1630-8.
artère coronaire est également exceptionnelle et de diagnostic [15] Durham RM, Zuckerman D, Wolverson M, Heiberg E, Luchtefeld WB,
difficile. Elle peut se manifester par une simple ischémie Herr DJ, et al. Computed tomography as a screening exam in patients
myocardique, un infarctus du myocarde ou un décès brutal, with suspected blunt aortic injury. Ann Surg 1994;220:699-704.
parfois retardés par rapport à l’accident initial [48]. Il est donc [16] McLean TR, Olinger GN, Thorsen MK. Computed tomography in the
recommandé, lors de la réalisation d’une ETO, de bien examiner evaluation of the aorta in patients sustaining blunt chest trauma.
la racine de l’aorte et les ostia coronaires. J Trauma 1991;31:254-6.
[17] Mirvis SE, Shanmuganathan K, Buell J, Rodriguez A. Use of spiral
computed tomography for the assessment of blunt trauma patients with
■ Conclusion potential aortic injury. J Trauma 1998;45:922-30.
[18] Goarin JP, Catoire P, Jacquens Y, Saada M, Riou B, Bonnet F, et al. Use
Une lésion des gros vaisseaux thoraciques doit être suspectée of transesophageal echocardiography for diagnosis of traumatic aortic
devant tout traumatisme violent, a fortiori lorsque la radiogra- injury. Chest 1997;112:71-80.
phie thoracique montre des signes en faveur d’un hémomédias- [19] Le Bret F, Ruel P, Rosier H, Goarin JP, Riou B, Viars P. Diagnosis of
tin. L’angioscanner est l’examen essentiel du diagnostic en traumatic mediastinal hematoma with transesophageal echocardio-
routine. Toutefois, l’ETO permet un diagnostic immédiat des graphy. Chest 1994;105:373-6.
formes graves, autorisant la réalisation d’une chirurgie urgente, [20] Minard G, Schurr MJ, Croce MA, Gavant ML, Kudsk KA, Taylor MJ,
et permet également le diagnostic de lésions minimes dont on et al. A prospective analysis of transesophageal echocardiography in
ne connaît pas actuellement l’évolution à long terme. Si la the diagnosis of traumatic disruption of the aorta. J Trauma 1996;40:
chirurgie urgente est indiquée dans la plupart des cas, une 225-30.
temporisation peut être proposée en cas de lésion traumatique [21] Vignon P, Boncoeur MP, François B, Rambaud G, Maubon A,
associée contre-indiquant celle-ci. Enfin, la chirurgie sous CEC Gastinne H. Comparison of multiplane transesophageal echocardio-
doit être préférée car elle s’accompagne d’un moindre risque de graphy and contrast-enhanced helical CT in the diagnosis of blunt
paraplégie postopératoire. traumatic cardiovascular injuries. Anesthesiology 2001;94:615-22.
[22] Ivatury RR, Kazigo J, Rohman M, Gaudino J, Simon R, Stahl WM.
Directed″ emergency room thoracotomy: a prognostic prerequisite for
Cet article a été publié pour la première fois en 2003 dans le traité d’Urgences. survival. J Trauma 1991;31:1076-81.
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Médecine d’urgence 5
25-200-D-20 ¶ Lésions des gros vaisseaux thoraciques par décélération

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gnostic techniques. J Trauma 2001;51:1042-8. Anesthesiology 2001;95:544-8.

B. Vivien, Praticien hospitalier.


Département d’anesthésie-réanimation, Centre hospitalier universitaire Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France.
B. Riou, Professeur des Universités, praticien hospitalier, chef de service.
Service d’accueil des urgences, Centre hospitalier universitaire Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Vivien B., Riou B. Lésions des gros vaisseaux thoraciques par décélération. EMC (Elsevier Masson SAS,
Paris), Médecine d’urgence, 25-200-D-20, 2007.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos / Documents Information Informations Auto-
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

6 Médecine d’urgence
¶ 25-200-C-40

Plaie cervicale
J.-F. Quinot, E. Kaiser

Les plaies pénétrantes cervicales sont aussi souvent « sèches » que cause d’hémorragies ou de lésions des
zones adjacentes. Le diagnostic lésionnel repose sur l’état des fonctions vitales, la région du cou
concernée, l’examen clinique et la tomodensitométrie du cou. L’artériographie des quatre axes cervicaux
et l’œsophagoscopie ne sont pas systématiques, mais décidées en fonction de la clinique ou de
l’angioscanner. Laryngoscopie et fibroscopie trachéobronchique dépendent de la clinique. Les risques
vitaux sont l’obstruction des voies aériennes supérieures (VAS), l’hémorragie brutale, l’ischémie cérébrale
ou médullaire et l’infection. Une hémorragie franche, un hématome pulsatile en expansion, une lésion
manifeste des VAS doivent conduire le malade au bloc sans délai et sans intermédiaire. L’hémorragie et
l’obstruction des VAS sont possibles à tout moment, sous l’effet du remplissage, de l’agitation ou du
retrait d’un corps étranger fiché dans la plaie. L’intubation orotrachéale est souvent réalisable ; la
cricothyroïdotomie est la meilleure alternative. À l’hôpital, ce contrôle des VAS est plus sûr en salle
d’opération, chirurgien présent. Dès qu’un malade est ventilé, on doit craindre la décompensation d’un
éventuel pneumothorax. Les lésions carotidiennes minimes sans conséquences cérébrales n’imposent pas
une réparation systématique. Les lésions carotidiennes compliquées de déficit neurologique central
doivent être réparées, sauf coma profond sans autre origine. Les lésions artérielles vertébrales sont plus
accessibles par voie endovasculaire.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Plaie cervicale ; Plaie par arme à feu ; Plaie par arme blanche ; Plaie de carotide ; Plaie vertébrale ;
Plaie œsophagienne ; Plaie trachéale ; Cricothyroïdotomie ; Angioscanner hélicoïdal ; Œsophagoscopie

Plan une arme à feu de poing ou de faible énergie (« 22 long rifle »)


et, au maximum, une arme de guerre ou un fusil de chasse à
faible distance ou de fort calibre [2, 3]. La mortalité, en milieu
¶ Introduction 1
civil ou militaire, oscille entre 3 et 6 %, et semble surtout due
¶ Caractéristiques anatomofonctionnelles du cou 1 aux lésions vasculaires [4]. Ces chiffres concernent les victimes
¶ Principes du diagnostic lésionnel 2 parvenant à l’hôpital ; mais, alors que 70 cas par an sont admis
Examen clinique 2 au centre de traumatologie de Johannesburg, 215 ne l’atteignent
Imagerie 2 jamais, décédant sur place ou dans l’ambulance [5] ! L’expérience
¶ Prise en charge pratique 3 montre que le diagnostic lésionnel le plus efficace repose sur
deux faits d’observation simple : l’état des fonctions vitales et la
¶ Plaie cervicale associée à une difficulté respiratoire 4
région du cou concernée [6].
¶ Problèmes chirurgicaux 5
¶ Conclusion 5
■ Caractéristiques
anatomofonctionnelles du cou
■ Introduction Le cou se divise en trois zones (Fig. 1).
Les plaies pénétrantes cervicales sont définies par l’effraction La zone I, du creux sus-claviculaire au cartilage cricoïde,
du muscle peaucier du cou [1]. Elles entraînent des hémorragies contient les structures émergeant du thorax, en particulier
une fois sur trois, des lésions directes des voies aériennes vasculaires ; les lésions sont volontiers intriquées avec celles du
supérieures, parfois associées à une atteinte de l’œsophage, une thorax.
fois sur dix et des lésions neurologiques directes une fois sur La zone II, du cartilage cricoïde à l’angle de la mâchoire, est
trente. Une fois sur trois, elles s’associent à des lésions cranio- facile à examiner et à explorer ; elle est cliniquement expressive.
faciales, thoraciques ou abdominales. Mais, une fois sur trois En fait, la portion antérieure est la plus fragile puisqu’elle
également, il n’existe aucune lésion majeure [2]. Leur gravité comporte la plupart des structures nobles, vasculaires, respira-
potentielle s’accroît selon que leur cause est une arme blanche, toires, digestives et nerveuses.

Médecine d’urgence 1
25-200-C-40 ¶ Plaie cervicale

l’investigation lésionnelle puisque les lésions peuvent se révéler


ou s’aggraver à tout moment. Les zones frontières sont scrutées,
à la recherche d’un impact, de déformation, de douleur d’orifi-
ce(s) de sortie ...

Imagerie
1
Zone III Elle se réalise dans un ordre précis. Dès l’arrivée, la radiogra-
phie thoracique de face et l’échographie abdominale sont
systématiques : il faut toujours envisager une urgence vitale
Zone II absolue d’origine thoracique ou abdominale, tant les projectiles
et même une longue lame peuvent créer à distance une lésion
2 imprévue. Aussitôt après, sans aucun retard, une tomodensito-
C6 métrie du cou (scoutview de C1 à D1, puis coupe tous les 20 mm
Zone I sans injection) localise les éclats, reconstitue un trajet, révèle les
fractures et prépare le diagnostic des lésions laryngées. Une série
de coupes rapides du crâne et du thorax évite de méconnaître
3 d’éventuelles lésions de ces zones frontières.
L’angiographie des quatre axes par abord fémoral est classi-
quement impérative si la plaie se situe en zone I antérieure
riche en gros vaisseaux [7]. Toutefois, il est établi qu’elle est
Figure 1. Repères des trois zones anatomofonctionnelles cervicales. 1. inutile si l’examen clinique est rigoureusement normal et qu’il
Angle de la mandibule ; 2. cartilage cricoïde ; 3. clavicule. le reste au cours des heures suivantes [8]. L’angiographie est
également recommandée si la plaie est en zone III, tant l’explo-
ration chirurgicale s’avère difficile ou imprévisible [9]. En zone II,
La zone III, étroite, concerne les faces latérales du cou, en certains proposent de se passer de l’artériographie systématique
arrière de la mâchoire inférieure, jusqu’à la base du crâne. puisque l’exploration chirurgicale est facile et la clinique assez
D’accès chirurgical difficile, elle contient les vaisseaux essentiels nette [10] . Toutefois, lorsque la plaie intéresse le triangle
pour le cerveau, carotide interne et artère vertébrale. postérieur de la zone II, il est sage de la discuter pour apprécier
Une plaie du cou fait courir quatre grands risques. l’état des artères vertébrales, toute exploration chirurgicale
Les voies aériennes supérieures, vitales (pharynx, larynx, aveugle pouvant déboucher sur une hémorragie torrentielle,
trachée ...), sont exposées sur toute la hauteur du cou. alors qu’une intervention endovasculaire est plus simple et
Les vaisseaux sont nombreux, avec des veines à fort potentiel moins risquée [11] . Demetriades [12] conteste le principe de
hémorragique comme les jugulaires internes, des artères à l’angiographie systématique selon le siège de la plaie lorsque
destinée fonctionnelle cérébrale comme les carotides internes et l’examen clinique est rassurant : il a observé de façon prospec-
des artères dépendant de l’intégrité du rachis que sont les tive 223 patients en 20 mois, en confrontant systématiquement
vertébrales. L’hémorragie extériorisée est donc souvent massive l’angiographie ou l’échodoppler couleur pulsé à l’examen
et brutale ; les hématomes, se développant dans des loges clinique standardisé ; il a conclu à l’inutilité de l’imagerie
aponévrotiques peu expansibles, peuvent comprimer les voies vasculaire s’il n’existe ni hématome, ni saignement visible, ni
aériennes. L’interruption des flux à destinée cérébrale peut être souffle vasculaire et que les pouls radiaux sont conservés. Il ne
la cause d’une ischémie cérébrale dévastatrice, par thrombose, relève d’ailleurs que 25 interventions vasculaires malgré la mise
dissection, section ou spasme. Il existe ici un paradoxe redou- en évidence de lésions chez 45 blessés. Thal [12] affaiblit la
table : la chute de la pression artérielle favorise l’ischémie, alors portée de ces résultats en notant le défaut de suivi à long terme,
que sa restauration exacerbe le saignement... Ces risques risquant de méconnaître des complications liées à des blessures
vasculaires sont évolutifs, pouvant s’aggraver à tout moment, en vasculaires mal évaluées (missing injuries). Demetriades utilise
particulier sous l’effet d’une agitation. cette même étude pour confirmer [13] l’intérêt de l’échodoppler
Il existe une exposition lésionnelle médullaire manifeste, par couleur pulsé, dont il établit la valeur prédictive positive à
compression (hématome épidural, éclats osseux ou projectilai- 100 % et la valeur prédictive négative à 98 % ; il reconnaît
res), par contusion ou par section. Là encore, la situation est cependant que le rendement de cet examen est entaché par sa
évolutive au cours des premières heures. longueur et la disponibilité incertaine d’un opérateur fiable.
Le quatrième risque est infectieux et très élevé : les voies Munera [14], fort d’une expérience de près de 30 cas par mois,
aérodigestives, contaminées, peuvent être mises au contact du propose une alternative séduisante : l’angioscanner hélicoïdal.
liquide céphalorachidien, du médiastin ou de l’os rachidien ; Dans la mesure où l’exploration tomodensitométrique paraît
tous sont désarmés contre l’infection, dont la gravité est difficilement contestable pour apprécier les dégâts des parties
précoce. molles, de l’os et du tissu nerveux, il propose un angioscanner
dans toutes les indications déjà retenues par Demetriades
■ Principes du diagnostic lésionnel évoquant une lésion artérielle, mais aussi lorsque la plaie est très
proche d’un trajet vasculaire. Il obtient en 10 à 15 minutes une
(Fig. 2) exploration de bonne qualité, éventuellement exploitée en trois
dimensions, exceptionnellement complétée par une artériogra-
phie conventionnelle si un artefact métallique est trop gênant
Examen clinique (1,1 % dans sa série) ou quand une thérapeutique endovascu-
Il recherche les signes d’un hématome en voie d’expansion, laire est indiquée.
comme la déviation du tractus aérodigestif ; il note la présence L’opacification de l’œsophage est systématiquement proposée
ou la disparition d’un pouls carotidien et recherche un souffle ensuite, car il est exceptionnel de faire cliniquement le diagnos-
ou un thrill carotidiens ; il repère un éventuel emphysème sous- tic de plaie œsophagienne, et il semble indispensable de
cutané, signe probable d’une plaie trachéale ou bronchique ; il l’éliminer avant la vingt-quatrième heure pour prévenir le risque
cherche à mettre en évidence un déficit neurologique et à en de médiastinite [15]. Ici, la série de Demetriades montre claire-
définir l’origine centrale (hémiplégie franche) ou médullaire ment que cette attitude doit être révisée : 30 % des blessés
(paraplégie, tétraplégie, priapisme, hypotonie anale) ; l’atteinte présentent des signes évoquant une lésion aérodigestive ; mais,
de nerfs crâniens donne un déficit focal alors qu’une lésion du à l’issue de 98 explorations de l’œsophage, deux vraies perfora-
plexus brachial entraîne un déficit sensorimoteur unilatéral du tions seulement sont démontrées !
membre supérieur. L’examen doit être répété régulièrement tant À l’inverse, aucun des patients asymptomatiques n’a nécessité
que l’imagerie ou l’exploration chirurgicale n’ont pas clos un geste chirurgical. On peut en retenir que l’œsophage ne doit

2 Médecine d’urgence
Plaie cervicale ¶ 25-200-C-40

Figure 2. Arbre décisionnel. Conduite du


Hémorragie franche extériorisée ? diagnostic lésionnel. TDM : tomodensitomé-
trie.
Hématome pulsatile en expansion ?
Section ou avulsion du larynx ou de la trachée ?

OUI NON

Collapsus ?
Symptomatique Asymptomatique
Dyspnée ?

Hémothorax > 0,5 l/h ? Observation 24 h

Bloc opératoire
immédiat
Échographie
abdominale > 0

TDM cervicale
TDM thoracique

Clinique artérielle Clinique aérodigestive


>0 >0

Angioscanner hélicoïdal
Fibroscopie larynx
±
Fibroscopie trachée
angiographie
Fibroscopie œsophage
si geste endovasculaire

simplifié : l’œsophagoscopie souple est fiable (spécifi-

“ Points essentiels
cité de 100 %, sensibilité de 92 %), comme le démontre l’étude
rétrospective de Srinivasan chez 55 malades [16]. Demetriades
montre d’ailleurs que le risque de médiastinite est faible lorsque
Clinique évoquant une lésion artérielle la lésion œsophagienne est strictement cervicale [17]. S’il existe
• Hématome pulsatile et/ou en expansion un bullage sourdant de la plaie, quelquefois seulement visible à
la toux, un emphysème sous-cutané, des crachats sanglants ou
• Disparition d’un pouls carotidien
un enrouement, une laryngoscopie puis une fibroscopie bron-
• Disparition d’un pouls radial
chique sont indispensables [1, 17, 18]. Elles se réalisent au mieux
• Souffle ou thrill carotidien chez un patient anesthésié dont les voies aériennes supérieures
sont contrôlées.

■ Prise en charge pratique


“ Points essentiels
Une hémorragie franche, extériorisée, un choc sans autre
Clinique évoquant une lésion aérodigestive origine évidente que la plaie cervicale, un hématome pulsatile
en expansion, une lésion franche des voies aériennes, doivent
• Issue de bulles d’air par la plaie
conduire le malade au bloc sans aucun délai ; dans l’attente, le
• Douleur à la déglutition doigt est éventuellement pressé avec précision sur la plaie et on
• Hémoptysie provoquée par la toux se rend le plus vite possible à l’hôpital, directement au bloc,
• Enrouement croissant sans passer par la case urgence.
• Dyspnée inspiratoire (stridor) Pour le réanimateur, le corollaire immédiat est le problème
• Emphysème sous-cutané du cou posé par les voies aériennes supérieures : en effet, soit elles font
partie intégrante de la plaie, soit elles sont menacées par
l’hématome ou par le sang qui les envahit (« noyade dans un
verre de sang »), soit elles imposent l’intubation chez un choqué
être exploré que chez un sujet non interrogeable ou symptoma- à l’estomac plein dont l’intégrité du rachis est suspecte.
tique. Le débat sur la méthode d’exploration s’est également Quelques règles de bon sens doivent être observées.

Médecine d’urgence 3
25-200-C-40 ¶ Plaie cervicale

Il faut surveiller la préparation du champ opératoire : le

▲ Attention nettoyage doit être mené avec douceur pour éviter une hémor-
ragie brutale ; le champ va du menton à l’ombilic car une
extension thoracique est toujours possible ; il faut garder libre
Chirurgie immédiate un site donneur de veine saphène.
• Hémorragie active extériorisée
• Choc insensible au remplissage rapide ■ Plaie cervicale associée
• Hématome pulsatile en expansion
• Lésion franche des voies aériennes à une difficulté respiratoire
Sur le terrain, deux actions simples permettent de faire
On ne doit jamais extraire hors du bloc une arme blanche ou aussitôt la part des choses : la mise en position latérale de
un corps étranger fiché dans la plaie, au risque de déclencher sécurité ou en position ventrale confirme ou élimine l’obstruc-
une hémorragie incontrôlable. Pour la même raison, on ne doit tion pharyngolaryngée par le sang, les débris osseux ou les
jamais installer de sonde gastrique, ni tenter de clamper un vomissements ; si la ventilation n’est pas améliorée, une
vaisseau, ni perdre de temps à tamponner un saignement ponction pleurale au deuxième espace intercostal d’un côté puis
oropharyngé, tant que les voies aériennes supérieures ne sont de l’autre met en évidence ou élimine un pneumothorax
pas contrôlées [6]. Chez un sujet en collapsus, la persistance de compressif.
l’hypotension malgré un remplissage appréciable (2 l de Ringer Dans certains cas, une avulsion pharyngolaryngée ou tra-
lactate ou 0,5 l d’hydroxyéthylamidon) doit évoquer une lésion chéale invite à l’intubation directe au travers de la plaie.
médullaire ou une hémorragie intrathoracique. Il faut éviter En dehors de ces situations caricaturales, la décision de
autant que possible la ventilation au masque (ou alors la faire contrôler les voies aériennes et le choix de la méthode sont
avec douceur) pour ne pas favoriser la pénétration d’air dans le imposés par l’état de la conscience et les signes vitaux
médiastin ou dans un gros vaisseau [19]. observés [22].
Si le malade est inconscient ou en état de mort apparente,
l’intubation orale doit être immédiate ; en cas d’échec, la
cricothyroïdotomie est aussitôt entreprise (Fig. 3, 4). On ne se
▲ Mise en garde préoccupe pas outre mesure d’une lésion médullaire ou rachi-
dienne : lorsqu’elle n’est que potentielle, le simple maintien de
la tête en position neutre par un aide suffit ; lorsqu’une
Ce qu’il ne faut jamais faire quadriplégie est déjà manifeste, elle sera malheureusement
• Extraire une arme blanche hors du bloc définitive ...
• Clamper un vaisseau hors du bloc Si le malade est agité, hypoxique ou collapsique, l’intubation
• Tenter une intubation hors du bloc (sauf asphyxie orotrachéale s’impose aussitôt ; elle peut cependant être gênée
par un trismus ou un saignement très abondant : on ne doit
aiguë !)
alors surtout pas tenter une intubation nasale, excellent moyen
• Rétablir la pression artérielle avant d’atteindre le bloc
pour aggraver l’agitation et le saignement ... Il ne faut pas non
opératoire plus tenter un cathétérisme transtrachéal au risque de favoriser
• Mettre en place une sonde gastrique l’aspiration de sang et souvent de rater la ponction. Il vaut
• Ventiler au masque mieux décider une cricothyroïdotomie immédiate. Une fois la
• Injecter de fortes doses de corticoïdes situation stabilisée, une trachéotomie chirurgicale est réalisée
classiquement avec une sonde d’un calibre suffisant pour
permettre une fibroscopie trachéobronchique.
Dès qu’un malade est intubé puis ventilé artificiellement, il Si le malade est conscient, encore coopératif, mais avec un
faut craindre par principe la décompensation d’un hématome cervical important, un saignement oropharyngé et
pneumothorax. un stridor ou un enrouement, le risque d’obstruction aiguë
Il est utile d’évaluer le rôle d’une intoxication associée existe à tout moment. On ne doit plus le laisser seul, même
éventuelle pour apprécier l’origine organique d’une détériora- quelques minutes ; on ne doit pas tenter de régler ce problème
tion neurologique. Lorsqu’une compression médullaire est
prouvée par l’imagerie, alors que l’évolution clinique est plutôt
favorable, il n’est pas conseillé d’intervenir [20].
Un tableau paucisymptomatique impose, quant à lui, une
conduite pratique rigoureuse. On doit d’abord admettre par
principe que l’hémorragie soudaine ou l’obstruction des voies
aériennes sont possibles à tout moment, les lésions étant
considérées a priori comme instables : le remplissage trop
généreux, la tentative d’installer une sonde gastrique, l’explora-
tion d’une plaie d’apparence sèche peuvent entraîner une
hémorragie soudaine ; il est interdit de tenter de clamper un
vaisseau en dehors du bloc, même pour un chirurgien, sous
peine d’aggraver la situation [6].
Il faut se méfier d’une fausse bonne idée, l’administration de
corticoïdes à forte dose en cas de lésion médullaire : probable-
ment assez peu efficace, ce traitement risque surtout d’être
dangereux dans ce contexte infectieux potentiel majeur, avec la
conjonction de corps étrangers, de fractures ouvertes, de fascia
en communication directe avec le médiastin, de plaies aérodi-
gestives contaminantes et de liquide céphalorachidien à leur
voisinage étroit [21] ! Au contraire, dès que possible, on injecte
une forte dose d’antibiotiques actifs sur la flore commensale des
voies aérodigestives supérieures et sur la flore tellurique. Figure 3. Cricothyroïdotomie : premier et deuxième temps. Pouce et
Il faut réfuter vigoureusement une autre fausse bonne idée, majeur gauches enserrent le cartilage thyroïde. L’index gauche repère la
celle de rétablir la pression artérielle avant de prendre le chemin membrane thyroïdienne. Le scalpel, tenu de la main droite, incise la
de l’hôpital ou l’ascenseur pour le bloc. membrane sur une largeur de 1 cm.

4 Médecine d’urgence
Plaie cervicale ¶ 25-200-C-40

l’opérateur expose la glotte de la main gauche au laryngoscope


et guide de la main droite l’extrémité distale du fibroscope, en
visualisant glotte et trachée sur un moniteur couleur ; l’extré-
mité proximale du fibroscope, sur laquelle est enfilée la sonde
d’intubation, est maintenue par un aide ; un second effectue la
manœuvre de Sellick et un troisième assure la rectitude cervi-
cale ; cette méthode permet d’identifier d’éventuelles lésions sur
grand écran, de les montrer au chirurgien et de placer le
ballonnet de la sonde en aval de celles-ci ; le fibroscope choisi
doit avoir un important canal opérateur (5 mm), capable
d’aspirer une hémorragie éventuelle. La sophistication de la
méthode n’est qu’apparente : réalisée en routine en chirurgie
réglée, elle est donc facile à utiliser en urgence ! Séduisante pour
un centre traumatologique, elle s’applique cependant mal au
praticien occasionnellement confronté à cette pathologie très
spécifique, pour laquelle la méthode développée plus haut est
encore la plus sûre.

■ Problèmes chirurgicaux
Figure 4. Cricothyroïdotomie : troisième temps. Main gauche toujours Toute lésion carotidienne identifiée sans conséquence neuro-
en place, on agrandit l’incision au doigt ou à la pince de Kelly. On introduit logique est classiquement réparée. Demetriades est moins
une sonde d’intubation à ballonnet n° 5 ou 6. affirmatif [12] : il s’est contenté de surveiller, sous anticoagulants,
une occlusion de la carotide interne intracrânienne, deux petits
dans le service des urgences ; on doit encore moins le laisser anévrismes et deux lésions intimales minimes de la carotide
s’éloigner pour réaliser une imagerie, même accompagné par un commune. Le vrai problème se pose en fait lorsque les lésions
réanimateur ! Il faut au contraire le garder assis ou demi-assis si carotidiennes accompagnent une altération de la conscience ; il
la pression artérielle le permet, avec de l’oxygène pur au n’est pas toujours simple d’apprécier la part d’une intoxication
masque ; on pratique un simple cliché antéropostérieur et associée, des effets de l’insuffisance circulatoire ou des consé-
latéral du cou pour apprécier la déformation laryngotrachéale ; quences ischémiques cérébrales. Dans ce dernier cas, la restau-
on donne au blessé une canule pour aspirer lui-même sa cavité ration du flux pourrait être la cause d’un ramollissement
buccale et on le conduit au bloc opératoire : le malade reçoit hémorragique pire que l’ischémie initiale. Cependant, les
des sédatifs à dose suffisante pour réduire l’anxiété, la douleur expériences de plusieurs auteurs concordent [26, 27] pour obser-
et l’agitation, mais en prenant garde à ne pas provoquer ver un pronostic fonctionnel et vital bien plus mauvais après
d’apnée ni de vraie perte de conscience : par exemple, du ligature simple de la carotide. Il est plutôt recommandé de
midazolam, 2 mg par 2 mg, est associé au sufentanil, 5 µg par réaliser la réparation vasculaire carotidienne malgré la présence
5 µg, jusqu’à ce que le malade supporte l’introduction du d’un déficit, sauf en cas de coma profond (Glasgow coma
laryngoscope. Une laryngoscopie directe ou une fibroscopie oro- scale inférieur à 9). Si la lésion est inaccessible (base du crâne,
pharyngo-laryngée s’assurent d’un passage possible pour une portion intrapétreuse), D’Alise puis Rostomily ont montré la
sonde trachéale ; si l’obstacle paraît important, aucune tentative faisabilité et la perméabilité à long terme d’une dérivation par
« en force » n’est réalisée ; la solution de repli préférentielle est greffon veineux à destination de l’artère cérébrale moyenne [28,
la cricothyroïdotomie de préférence à la trachéotomie chirurgi- 29]. Les lésions sous-clavières sont également d’accès difficile : il

cale : celle-ci risque en effet de décompenser la « tamponnade » faut ajouter à l’abord supraclaviculaire une sternotomie médiane
cervicale qui limitait l’importance de l’hémorragie [23]. pour contrôler le vaisseau en amont. Cependant, le traitement
Si le malade est conscient, avec un hématome important et de pseudoanévrismes ou de fistules artérioveineuses sous-
un stridor ou un enrouement, mais sans hémorragie des voies clavières est également réalisable par voie endovasculaire [30], de
aériennes supérieures, l’intubation selon la méthode à séquence même que celui des lésions des artères vertébrales [11].
rapide par voie orale est facilement réalisée. L’alternative serait Sauf exploration chirurgicale urgente par ailleurs, il n’est pas
une intubation sous fibroscope. Dans les deux cas, il est prudent indispensable de fixer les fractures du rachis le plus tôt possible
que le chirurgien soit présent pour une trachéotomie éventuelle. dans l’espoir d’améliorer le pourcentage de récupération
Le piège est le cas du malade conscient sans signes de gravité fonctionnelle médullaire ; en l’absence d’esquilles, d’éclats ou
locaux concernant les voies aériennes : il ne faut pas l’intuber d’hématomes comprimant la moelle, les dégâts osseux peuvent
pour « protéger les voies aériennes supérieures » ; on prend alors être réparés « à froid » dans les 72 heures [31].
le risque de faire saigner alors qu’on n’est pas au bloc ! Il vaut La réparation des plaies aérodigestives est habituellement
mieux réaliser le circuit d’imagerie éventuel sous surveillance, réalisée par l’abord classique le long du bord antérieur du
puis pratiquer l’intubation au bloc, chirurgien présent. sterno-cléido-mastoïdien ; cependant, les atteintes basses de la
Dans la réalité, la littérature montre que le contrôle des voies trachée sont mieux contrôlées par sternotomie médiane. La
aériennes est souvent obtenu sans difficultés excessives : Eggen plupart des lésions sont accessibles à une réparation directe sans
relève 28 intubations urgentes dans une série de 114 plaies trachéotomie ; celle-ci reste indispensable en cas de perte de
cervicales : l’intubation par voie orotrachéale est facile une fois
substance importante, nécessitant une plastie protégée par un
sur deux, se réalise au travers de la plaie une fois sur quatre et
enrobage musculaire. À la fin de toutes ces interventions sur les
la cricothyroïdotomie est nécessaire une fois sur quatre [24] ;
voies aérodigestives, il est opportun de réaliser une fibroscopie
chez 58 patients, Mandavia note deux trachéotomies de sauve-
de toilette bronchique, tant est constante l’inhalation d’un
tage, mais 44 intubations faciles par voie orotrachéale, alors que
volume notable de sang [17].
sur 12 tentatives par fibroscopie, trois échecs sont résolus par
l’intubation orotrachéale conventionnelle [23] ! Toutefois,
Desjardins, au Ryder Trauma Center de Miami, propose une
approche différente [25] : estimant qu’il est difficile de prédire ■ Conclusion
chez les blessés les plus urgents si les voies aériennes sont
intactes, il craint qu’une intubation classique ou une cricothy- Toute plaie cervicale n’est pas une indication opératoire
rotomie n’aggravent les lésions ; son équipe réalise l’intubation formelle ... Toute plaie cervicale non opérée ne requiert pas un
orotrachéale sous laryngoscopie et fibroscopie laryngée : traitement actif ... Mais toute plaie peu symptomatique à

Médecine d’urgence 5
25-200-C-40 ¶ Plaie cervicale

l’arrivée doit faire l’objet d’un protocole d’évaluation lésion- [16] Srinivasan R, Haywood T, Horwitz B, Buckman RF, Fisher RS,
nelle, explorant, dans l’ordre, les vaisseaux, puis le rachis et la Krevsky B. Role of flexible endoscopy in the evaluation of possible
moelle, ensuite l’œsophage et les voies aériennes. esophageal trauma after penetrating injuries. Am J Gastroenterol 2000;
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289-96. 851-8.

J.-F. Quinot, Professeur agrégé du Val-de-Grâce (jfq@club-internet.fr).


E. Kaiser, Spécialiste des hôpitaux des Armées.
Département anesthésie-réanimation-urgences, Hôpital d’instruction des Armées Sainte-Anne, 83800 Toulon Naval, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Quinot J.-F., Kaiser E. Plaie cervicale. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Médecine d’urgence,
25-200-C-40, 2007.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos / Documents Information Informations Auto-
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

6 Médecine d’urgence
¶ 25-200-A-10

Plaies aux urgences, prise en charge


E. Hinglais, M. Prével, B. Coudert

La prise en charge par le médecin urgentiste des blessés porteurs d’une plaie ne se limite pas à l’acte
technique du rapprochement cutané par une suture. Tout traumatisme requiert une démarche
diagnostique qui s’appuie sur l’anamnèse et le terrain du patient afin de dégager des hypothèses
lésionnelles. L’examen clinique et les examens complémentaires permettent, d’une part d’écarter ou
d’affirmer ces hypothèses et, d’autre part, d’aider au choix thérapeutique. Dans le cadre des plaies, le
choix thérapeutique se fait entre plusieurs techniques, réalisables, pour partie, aux urgences. Le
raisonnement médical s’appuie sur des bases théoriques afin de s’adapter à chaque situation. Il est alors
possible, pas à pas, de décrire la prise en charge, en introduisant au moment opportun les éléments
techniques indispensables.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Plaies ; Urgences ; Cicatrisation cutanée ; Suture

Plan L’apprentissage de l’exploration et de la suture d’une plaie est


un enseignement pratique et est un des exemples encore vivaces
du compagnonnage dans les études de médecine où l’écrit a
¶ Introduction 1
supplanté la tradition orale. Par ailleurs, la cicatrisation cutanée
¶ De la théorie aux principes de prise en charge 1 est spontanée, quelle que soit l’intervention médicale. Enfin,
Physiologie cutanée 1 depuis l’énoncé des principes guidant la cicatrisation par Vilain
Mécanismes lésionnels 2 dans les années 1970 et le regain d’intérêt qu’ils avaient
Cicatrisation cutanée 2 entraîné, il n’y a pas eu d’avancée thérapeutique majeure. Pour
Facteurs de gravité 3 ces trois raisons, on comprend que la revue de la littérature soit
¶ Démarche diagnostique 4 pauvre.
Abord du patient 4 Si le jeune interne de chirurgie a des cours de sutures, le
Recherche d’une lésion profonde 4 monde naissant de l’urgence n’est pas encore structuré pour
Abord de la plaie 4 proposer un tel enseignement. Il apparaissait ainsi important de
Anesthésie 5 colliger ces connaissances transmises oralement.
Exploration 6 Une synthèse est le choix entre plusieurs écoles, choix
¶ Réparation cutanée 6 subjectif mais raisonné. Plutôt qu’un livre de recettes, cet article,
Objectifs thérapeutiques 6
qui suit les étapes de la prise en charge d’un patient porteur
Méthodes utilisables aux urgences 6
d’une plaie, cherche à donner le corpus de connaissance
nécessaire au raisonnement médical qui aboutit à un choix
Indications thérapeutiques 10
thérapeutique. Ensuite, il décrit des éléments techniques
Cas particulier de l’ongle 10
utilisables dans un service d’urgences.
Traitements adjuvants 11
¶ Suivi et surveillance 12
Initial
À distance
12
12
■ De la théorie aux principes
de prise en charge

Physiologie cutanée
■ Introduction
Le revêtement cutané est une frontière entre l’organisme et le
L’évolution des services d’urgences fait que les chirurgiens ont milieu extérieur. Ainsi, il a un rôle actif dans l’homéothermie,
transféré certaines de leurs compétences aux médecins urgentis- est une barrière hydroélectrolytique et antibactérienne, mais
tes. Ainsi, la prise en charge initiale des plaies incombe aussi un protecteur mécanique, et le support du sens tactile...
aujourd’hui au médecin urgentiste. Cependant, il doit savoir De plus, il doit s’adapter aux mouvements de l’organisme et est
alerter le chirurgien et préparer le geste opératoire lorsque les un élément important de l’expression de la personnalité.
conséquences de l’effraction cutanée justifient une réparation au La peau comprend trois plans :
bloc opératoire. Dans les autres cas, il doit savoir faire la • l’épiderme, formé d’une membrane basale vivante qui
réparation et orienter le patient pour le suivi de ce traumatisme. régénère la couche cornée ;

Médecine d’urgence 1
25-200-A-10 ¶ Plaies aux urgences, prise en charge

Figure 1. Lors d’une coupure, la peau se plie à


la contrainte avant de céder (A, B).

• le derme, comprenant une couche papillaire et une couche cinétique du traumatisme causal. Celle-ci est également liée à la
réticulaire ; cette dernière contient le tissu conjonctif dense et résistance cutanée, qui dépend du terrain et de la localisation
élastique ainsi que les éléments vasculonerveux ; anatomique du traumatisme.
• l’hypoderme, dont les limites avec la couche réticulaire et les En revanche, l’atteinte éventuelle des éléments sous-cutanés
tissus profonds sont floues. (axe vasculonerveux, par exemple) est conditionnée exclusive-
L’épaisseur du tissu sous-cutané et de la couche adipeuse est ment par la localisation anatomique du traumatisme.
très variable selon la localisation anatomique et le terrain.
La vascularisation cutanée est complexe, associant des artères Écrasement
cutanées directes et indirectes, ces dernières provenant de la L’objet contondant a, ici, une surface large et la peau n’est
vascularisation musculaire. Cet ensemble crée de nombreuses pas franchie. En revanche, elle se retrouve écrasée entre l’objet
anastomoses au sein des tissus profonds. Ceci explique que dans vulnérant et un plan dur, osseux le plus souvent, créant une
la peau il n’y ait pas de territoire vasculaire autonome. Enfin, il ischémie aiguë de la peau et des tissus sous-cutanés.
faut comprendre que, dans le derme, cette vascularisation est Si cet écrasement perdure, il s’ensuit une nécrose ischémique
terminale. La peau est tributaire de l’état hémodynamique et cutanée (escarre).
nutritionnel. Si la cinétique associe une composante rotatoire, tordant et
Selon le terrain, la physiologie cutanée change. déchirant la peau déjà ischémiée, cela entraîne un phénomène
Chez l’enfant, la surface cutanée augmente au fur et à mesure de cisaillement entre la peau et les structures profondes de
que l’enfant grandit. Le derme et la couche vivante de l’épi- l’hypoderme, engendrant des plaies vasculaires. Celles-ci sont
derme sont ainsi le siège d’un métabolisme accru. La répartition responsables d’une ischémie dont les conséquences sur les tissus
graisseuse sous-cutanée est différente de celle de l’adulte. Enfin, cutané et sous-cutané dépendent du terrain et de l’étendue des
la peau n’a pas encore la « mémoire du geste » qui entraîne des lésions.
zones de surplus et des lignes de forces. La gravité de ce type de lésion est conditionnée par la
À l’autre extrême de la vie, les caractéristiques sont inversées. présence d’une atteinte osseuse concomitante, surtout lorsqu’il
Le pouvoir de régénération tissulaire est appauvri, les travées existe une plaie puisqu’il s’agit alors d’une fracture ouverte.
élastiques sont moins denses. Les lignes naturelles, liées aux
mouvements de l’organisme, sont marquées et il y a de nom- Abrasion
breux surplus cutanés.
Certaines situations pathologiques engendrent une diminu- La composante principale, en termes de contraintes, n’est pas
tion du métabolisme cutané. Il s’agit des patients présentant ici verticale, mais tangentielle. Ainsi, la peau, en plus d’être
une artériopathie, des troubles nerveux sensitifs ou des cortico- écrasée, est abrasée sur une surface plus ou moins grande.
thérapies au long cours. La peau perd alors de sa tonicité et de Outre l’étendue et la localisation anatomique, la gravité est
son épaisseur. conditionnée par la profondeur et donc par l’atteinte du derme.
La surface de la peau est le domicile de nombreux germes
saprophytes qui sont principalement Staphylococcus epidermidis Cicatrisation cutanée
et aureus, Propionibacterium acnes, les corynébactéries aérobies Lors d’une effraction cutanée, la réparation est spontanée.
ainsi que des Candida. L’équilibre de leurs populations respec- Schématiquement trois phases se succèdent et s’interpénè-
tives empêche le développement de colonies pathogènes en trent. [1] La première permet la détersion de la plaie et la
excès. préparation de la seconde lors de laquelle les phénomènes
Les muqueuses sont des épithéliums malpighiens non kérati- prolifératifs rétablissent la continuité de la peau. Enfin, la phase
nisés. Elles siègent dans un environnement plus acide et de remodelage a pour but d’insérer la cicatrice au sein du
humide, comportant de nombreux germes potentiellement revêtement afin de restaurer les fonctions cutanées.
pathogènes aérobies et anaérobies. Ainsi, l’agression muqueuse L’intervention médicale ne fait que prévenir les complications
est intense, impliquant un renouvellement plus rapide de la et réduire, si nécessaire, la surface à cicatriser.
couche superficielle. Lors d’une plaie, la cicatrisation est donc
plus rapide que pour le revêtement cutané. Première phase
Elle est vasculaire et inflammatoire, et débute dès l’effraction
Mécanismes lésionnels cutanée pour une durée de 2 à 4 jours.
L’effraction cutanée traumatique, en dehors des brûlures, peut Elle est le fait de l’extravasation sanguine avec la colonisation
se faire, selon l’agent vulnérant, la cinétique et l’orientation de de la plaie par les plaquettes, qui vont libérer différents facteurs
l’impact, de trois manières pouvant se combiner. de croissance intervenant dans la cicatrisation, et les polynu-
cléaires, qui colonisent la plaie dès la sixième heure. Leur
Coupure fonction est détersive et antibactérienne.
L’agent vulnérant est tranchant, c’est-à-dire avec une surface Plus tardivement, les macrophages prédominent entre les
de contact faible. Le coefficient de pénétration est inversement troisième et sixième jours. En plus de leur rôle détersif, ils
proportionnel à la surface de contact. libèrent des facteurs de croissance.
La peau se plie à la contrainte avant de céder (Fig. 1). L’objet Les lymphocytes, entre le sixième et le huitième jour, aident
contondant se retrouve alors libre de pénétrer plus avant. à la prolifération fibroblastique.
L’effraction cutanée est nette. La profondeur de la lésion Enfin, les bactéries ont aussi un rôle détersif. De nombreux
dépend de l’orientation (verticale ou tangentielle) et de la germes vont s’ordonner en un bactériocycle. Au départ, les

2 Médecine d’urgence
Plaies aux urgences, prise en charge ¶ 25-200-A-10

germes sont à Gram positif (staphylocoque, streptocoque), puis Figure 2. Zones des membres
des germes à Gram négatif colonisent la plaie. L’équilibre entre où les axes vasculonerveux ou les
une colonisation bactérienne « utile » et une surinfection est tendons sont sous-cutanés.
précaire. Il est régi, d’une part par les capacités immunitaires et
vasculaires du patient et, d’autre part, par le type des germes
présents. Ceux-ci dépendent de la localisation de la plaie, de
l’agent contondant, mais aussi de l’absence de contamination
lors des soins. Enfin, l’antibiothérapie peut faire disparaître les
colonies saprophytes, laissant alors la place à des germes à Gram
négatif virulents (Proteus, pyocyaniques). Une nouvelle antibio-
thérapie, adaptée à cette infection, peut alors faire observer
l’arrivée des levures et des champignons.

Seconde phase
Elle est proliférative et dure de 10 à 15 jours.
Au sein du derme, on observe une prolifération de fibroblas-
tes qui permet la détersion et la production de collagène de
type I et III. De plus, il est le siège d’une néoangiogenèse. Enfin
apparaissent aussi des myofibroblastes responsables de la
contraction de la plaie.
Dans l’épiderme, il y a prolifération de kératinocytes qui, par
migration dès la douzième heure, recouvrent la plaie. L’appari-
tion des mélanocytes et des îlots de Langerhans est plus tardive.

Troisième phase
Elle est dite de remodelage et dure de 6 à 12 mois.
À la phase initiale, les fibropectines aident au remodelage,
surtout sur les bords de la plaie, assurant l’organisation de la
trame collagénique.
À la phase finale, les collagènes et protéoglycanes remplacent
la fibropectine et permettent une meilleure résistance à la
traction.
Les durées énoncées sont variables selon le terrain, la taille et
la profondeur de la plaie. Ainsi, par exemple, la phase de
remodelage est plus longue lors d’une plaie profonde et un
enfant cicatrise plus vite qu’un adulte.
Par ailleurs, la qualité de la cicatrisation dépend aussi de la
susceptibilité individuelle. On peut alors voir des cicatrices
hypertrophiques ou chéloïdes.
L’existence de corps étrangers au sein de la plaie va générer Pour le membre supérieur (Fig. 2) : le creux axillaire, la face
une réaction inflammatoire autour de ce corps étranger, l’isolant médiale du tiers distal du bras, les faces antérieure et postérieure
dans un granulome. Du fait des germes amenés par ce corps du coude, le tiers distal de l’avant-bras, avec les axes vasculo-
étranger, l’évolution vers l’infection est fréquente. nerveux ; le poignet, la main et les doigts, avec les axes
vasculonerveux et les tendons.
Facteurs de gravité Pour le membre inférieur (Fig. 2) : le triangle de Scarpa, le tiers
distal de la face médiale de la cuisse, le creux poplité, avec les
Lésions associées axes vasculaires.
Elles incluent les lésions des structures anatomiques situées à La zone sous-rotulienne, la face antérieure de la cheville, le
distance de l’atteinte cutanée. dos du pied, la zone du tendon d’Achille et les orteils, avec les
Un traumatisme est une énergie cinétique absorbée par un tendons.
corps humain. Si une atteinte cutanée est la conséquence la plus Enfin, les organes génitaux externes avec les atteintes des
visible, il ne faut pas méconnaître d’autres lésions engendrées organes reproducteurs.
par ce traumatisme, dont la prise en charge peut primer sur
l’atteinte cutanée. À ce propos, le « dogme » stipulant que toute plaie en regard
L’exemple le plus démonstratif est celui d’une chute engen- d’un axe artériel est une plaie artérielle doit guider la décision
drant un traumatisme crânien. À l’inspection, la plaie du scalp du praticien, qu’elle soit sèche (sans saignement actif) ou sans
en est la conséquence visible mais il faut savoir ne pas s’arrêter signe d’aval initial.
là.
Localisation de l’atteinte cutanée
Lésions concomitantes à l’effraction cutanée
Certaines zones cutanées sont, à elles seules, un facteur de
Les lésions d’un axe vasculonerveux, d’un tendon ou d’un
gravité potentielle. Le scalp, du fait d’un réseau artériel dense,
viscère, dépendent du mécanisme lésionnel mais aussi de la
localisation anatomique. expose à des phénomènes hémorragiques importants. Le
On peut définir des zones à risques où des structures nobles périnée, du fait de l’ambiance septique et de l’importance de la
sont sous-cutanées. graisse sous-cutanée, expose à un risque septique majeur.
Le visage : les joues avec le passage de l’artère et du nerf facial,
ainsi que le canal de Sténon ; les paupières avec le globe Facteurs déterminants
oculaire et le canal lacrymal.
La région cervicale : dans ses parties antérieure et latérales, avec Certains autres facteurs ne sont pas des facteurs de gravité à
la trachée en avant et les axes vasculaires sur les côtés. eux seuls, mais sont des éléments potentialisant un facteur de
Les plaies du tronc sont suspectes d’atteinte pleurale ou gravité et sont, souvent, des déterminants pour une décision
péritonéale. thérapeutique.

Médecine d’urgence 3
25-200-A-10 ¶ Plaies aux urgences, prise en charge

précise l’anamnèse du traumatisme et le terrain du patient, et


Inspection de l’inspection de la plaie qui permet de préciser la localisation
Examen clinique anatomique, son aspect et la trophicité du revêtement cutané
adjacent.
Ces deux temps simultanés permettent de repérer, dès
l’accueil :
Exploration de la plaie* • une situation immédiatement chirurgicale lors d’une plaie
c'est- à-dire NON d’un gros vaisseau ou d’une atteinte viscérale ; le rôle de
Lésion profonde
visualisation de l’urgentiste est alors de contrôler le saignement, d’alerter et
concomitante ?
l'ensemble de préparer le geste chirurgical par des mesures de réanima-
de la cavité
tion adaptées, notamment en prélevant le bilan prétransfu-
OUI sionnel ;
• les sites lésionnels associés potentiels ; l’interrogatoire et
l’inspection doivent permettre d’orienter vers les éventuelles
lésions associées suspectées par l’anamnèse ; il faut alors
Lésion profonde OUI hiérarchiser l’ordre de prise en charge des différentes atteintes
concomitante ? selon le pronostic engagé par chacune.
Prise en charge Ils permettent aussi d’identifier, en dehors de ces situations :
chirurgicale • le mécanisme lésionnel de l’atteinte cutanée, de préciser
NON
l’objet vulnérant et sa cinétique, ainsi que la direction de
OUI l’impact ;
Terrain à risque • les structures profondes manifestement atteintes sur l’exis-
Réparation complexe tence de signes fonctionnels (diminution de la mobilité d’un
doigt, paresthésies ou anesthésie d’un territoire nerveux...) ;
NON • le degré de souillure ou de contusion cutanée ; le délai entre
le traumatisme et la prise en charge est à connaître afin d’y
corréler l’aspect de la plaie (inflammatoire, surinfecté ou cica-
trisation déjà entamée).
Réparation
aux Recherche d’une lésion profonde
urgences Le temps suivant de l’examen clinique est la recherche des
lésions profondes potentielles.
Par exemple, pour une plaie thoracique, les examens clinique
et radiologique pulmonaire priment. Pour une plaie du poignet,
Figure 3. Algorithme décisionnel d’une prise en charge chirurgicale les tests tendineux et vasculonerveux d’aval sont réalisés. Lors
devant une plaie aux urgences. *Attention aux éléments anatomiques d’un écrasement, des radiographies à la recherche des lésions
sous-jacents dans les zones à risque. osseuses sont prescrites.
À ce stade, deux situations sont possibles :
• soit il existe une lésion avérée et la prise en charge est
Ces éléments sont : chirurgicale ; le rôle de l’urgentiste est l’alerte et la prépara-
• la superficie de la plaie et l’importance de la perte de tion du patient à ce geste ;
substance ; • soit il n’y a pas d’atteinte avérée et il s’agit alors d’aborder la
• le terrain du patient ; il s’agit de rechercher les troubles plaie afin de compléter le bilan lésionnel.
trophiques de la peau, que ceux-ci soient liés à un métabo-
lisme cutané particulier (antécédent de cicatrice hypertrophi- Abord de la plaie
que ou chéloïde) ou diminué (personne âgée, patient porteur
d’une neuropathie sensitive, ayant des troubles artériels ou Pour établir ce bilan nécessaire aux choix thérapeutiques, il
veineux, une malnutrition ou prenant une corticothérapie au est impératif de visualiser le fond, l’ensemble des contours, les
long cours) ; on doit rechercher également une immunodé- différents plans atteints, c’est-à-dire l’ensemble de la plaie.
pression (néoplasie, chimiothérapie, corticothérapie ou Le premier temps comprend un lavage à l’eau et au savon de
immunodépression acquise) ou des troubles de l’hémostase la zone lésée et l’installation du patient. Pour ce faire, quelle
pathologique ou iatrogène (prise d’antivitamine K, d’aspi- que soit la localisation de la plaie, le patient doit être dans une
rine...) ; situation confortable et dans une pièce permettant l’ensemble
• la nature de l’agent vulnérant en termes de souillure poten- de l’exploration et de la réparation cutanée. Les poils et les
tielle de la plaie, soit par de nombreux corps étrangers (éclats cheveux, à l’exception des sourcils, doivent être tondus (et non
de verre), soit par une colonisation initiale par des germes rasés).
pathogènes (morsures) ; L’étape suivante est la décontamination de la zone lésée et
• le mécanisme lésionnel ou l’association de plusieurs, surtout avant tout celle de la peau saine de voisinage, de manière
lors d’un écrasement avec dilacération cutanée. centrifuge.
Deux familles d’antiseptiques sont utilisées dans la pratique
courante, les dérivés iodés et les ammoniums quaternaires. Il est
■ Démarche diagnostique préférable que la même famille soit utilisée du début à la fin de
la prise en charge. Le choix entre les deux est affaire d’habitudes
Une plaie n’est simple qu’a posteriori. En effet, une plaie car les spectres couverts sont équivalents. Les ammoniums
minime et banale d’aspect peut masquer une lésion tendineuse quaternaires sont contre-indiqués en cas d’allergie et ne peuvent
ou vasculaire. Cet adage justifie que la démarche diagnostique être utilisés en cas de plaie profonde ou des muqueuses. Les
soit systématique, respectant un ordre chronologique que suit dérivés iodés sont contre-indiqués en cas d’allergie et leurs trois
ce chapitre. Ainsi, au fur et à mesure, l’urgentiste peut dégager formes galéniques permettent une utilisation dans les différents
les indications chirurgicales (Fig. 3). cas de figures. En revanche, ils colorent la plaie et leur usage
doit être en faible quantité en cas de troubles thyroïdiens ou
chez la femme enceinte.
Abord du patient Il faut garder à l’esprit que les complications infectieuses sont
Fort des éléments précédents, l’abord premier d’un patient majoritairement le fait de la contamination par les soins
présentant une plaie est la combinaison de l’interrogatoire qui prodigués et non par la flore du patient lui-même. Ainsi, la

4 Médecine d’urgence
Plaies aux urgences, prise en charge ¶ 25-200-A-10

Figure 5. Repères du bloc ulnaire du poignet. 1. Point d’injection ;


2. tendon du fléchisseur ulnaire du carpe.
Figure 4. Visualisation du fond de la plaie par écartement à distance
avant l’installation.

bavette protège le patient et les lunettes le praticien. La


décontamination des mains doit être soigneuse, et le déballage
instrumental et la pose des champs doivent respecter les règles
de l’art. Cela justifie la présence d’un aide durant la totalité des
phases d’installation et d’exploration.
Lors de plaies visiblement hémorragiques des membres, on
peut installer un garrot pneumatique. Le membre est mis en
position verticale puis le garrot est gonflé après 1 à 2 minutes,
pour être maintenu à une pression supérieure à la pression
systolique du patient.
Une fois l’installation faite, on procède au nettoyage de la
plaie pour poursuivre l’ablation des corps étrangers, éliminer les Figure 6. Repères du bloc médian du poignet. 1. Point d’injection ;
dépôts de sang coagulé et les parties nécrosées non adhérentes. 2, 3. tendons des fléchisseurs du carpe.
Ce nettoyage permet aussi de diminuer la colonisation bacté-
rienne (rappelons qu’à ce stade la plaie n’est, en règle, pas
infectée et l’on ne peut donc pas « désinfecter » une plaie). Le point de ponction se situe à deux ou trois travers de doigt
L’emploi d’eau stérile sous une pression faible est le meilleur de la ligne circulaire passant par la stiloïde, sous le tendon du
moyen. On peut la réaliser par instillation avec une seringue, fléchisseur ulnaire du carpe. L’aiguille a une direction perpen-
par versement direct du flacon dans la plaie, ou par instillation diculaire à l’axe du tendon et est enfoncée de 5 à 15 mm. On
d’un flacon de perfusion muni d’une tubulure. L’utilisation de injecte 5 ml de lidocaïne à 2 %.
compresses complète ce lavage mais, n’ayant pas encore
pratiqué d’anesthésie, son efficacité reste limitée par la douleur. Bloc médian (Fig. 6)
Par traction du revêtement cutané permettant l’écartement Comme le précédent, il est facile à utiliser, donne de bons
des berges de la plaie, une première visualisation du fond de la résultats, sans complication spécifique.
plaie est réalisée (Fig. 4). Si elle n’est pas suffisante, une Le point de ponction se situe à deux ou trois travers de doigt
exploration plus complète est nécessaire, imposant la réalisation au-dessus du premier pli palmaire de flexion, entre les tendons
d’une anesthésie locale ou locorégionale selon la localisation de du fléchisseur radial du carpe et du long palmaire. La main doit
la plaie et des compétences du praticien. être installée en supination, poing serré et en légère flexion
ulnaire. L’aiguille a une direction distale, avec un angle de 15°
Anesthésie à 30° par rapport à la peau, jusqu’à une profondeur de 5 mm.
On injecte de 3 à 4 ml de lidocaïne à 2 %.
Anesthésie locale Bloc radial (Fig. 7)
Celle-ci doit être réalisée avec de la lidocaïne à 1 %, non Les résultats sont plus inconstants et la complication spécifi-
adrénalinée (pour éviter toute ischémie des berges de la plaie). que est la ponction de l’artère radiale.
Elle se réalise avec une seringue de 10 ou de 20 ml permettant L’aiguille est insérée perpendiculairement à l’axe de l’avant-
un meilleur contrôle de l’injection qu’avec une seringue plus bras, réalisant une infiltration sous-cutanée des rameaux
petite. L’aiguille doit être la plus fine possible, de 23 ou sensitifs du nerf radial sur une ligne transversale passant par
25 Gauge (aiguille intradermique ou sous-cutanée). Un test l’angle proximal de la tabatière anatomique. On injecte 5 ml de
d’aspiration doit être fait avant chacune des injections, qui se lidocaïne à 2 %.
font de proche en proche, afin d’éviter un passage vasculaire.
Bloc métacarpien ou digital intrathécal (Fig. 8)
Anesthésie locorégionale De technique facile et sans complication spécifique, il peut
Les contre-indications générales et locales à ce type d’anes- être utilisé pour les quatre derniers doigts. Pour le cinquième
thésie doivent être respectées. On doit disposer un matériel doigt, la gaine est ouverte et les résultats sont plus inconstants,
adapté, en particulier des aiguilles à biseau court. Elle demande lui faisant préférer le bloc ulnaire.
enfin un apprentissage préalable spécifique. Il doit être préféré aux blocs digitaux dits en « bague », dont
De nombreux blocs sont réalisables aux urgences, y compris la complication possible est l’ischémie ou la nécrose digitale. En
pour la face. Nous ne citerons que les blocs du poignet qui sont revanche, les conditions d’asepsie doivent être rigoureuses et
les plus utilisés. l’injection est douloureuse.
Le point de repère est la tête du métacarpien du doigt
Bloc ulnaire (Fig. 5)
concerné. Le point de ponction est la projection du centre de
Il s’agit d’un bloc simple à réaliser, dont la seule complication la tête du métacarpien, à la face palmaire de la main, en ayant
spécifique est la ponction de l’artère ulnaire. préalablement repéré le trajet tendineux. L’aiguille va jusqu’au

Médecine d’urgence 5
25-200-A-10 ¶ Plaies aux urgences, prise en charge

“ Recommandation
• De manière générale, il faut savoir attendre quelques
instants pour une anesthésie locale et jusqu’à 10 à
15 minutes pour une anesthésie locorégionale. On teste
la qualité d’anesthésie obtenue avant de débuter
l’exploration. Ce temps est mis à profit afin de préparer
le matériel nécessaire, à savoir : une pince à disséquer
fine, deux pinces à hémostase de type Halsteadt, une
paire de ciseaux à peau fins, un bistouri de lame 23 ou
25.
• On peut aussi proposer, à la place ou en association à
l’anesthésie locale, une analgésie par mélange équimo-
laire de protoxyde d’azote et de dioxygène.

lésion tendineuse lorsque, lors du traumatisme, la main était


Figure 7. Repères du bloc radial du poignet. dans une position différente de celle nécessaire à l’installation
1. Point d’injection ; 2. ligne transversale. pour l’exploration.
À ce stade, la constatation d’une lésion profonde, même
partielle, impose une prise en charge au bloc opératoire et le
rôle de l’urgentiste est d’organiser cette réparation chirurgicale.
Sinon, on obtient une plaie propre, non hémorragique, dont
on prend soin de décoller les plans successifs les uns par rapport
aux autres, afinx d’en faciliter la réparation.

■ Réparation cutanée
Objectifs thérapeutiques
Une effraction cutanée cicatrise spontanément, soit « ad
integrum », soit en laissant un pont fibreux entre deux zones
saines.
La prise en charge médicale cherche à aider cette cicatrisation
et à prévenir les complications infectieuses ainsi que les
séquelles fonctionnelles et esthétiques.
Aux urgences, elle consiste donc en :
• une détersion et une décontamination ;
• une exploration afin d’établir un bilan lésionnel ;
• une aide à la cicatrisation, soit par rapprochement des berges,
soit, a contrario, par une aide au bourgeonnement à partir du
fond de la plaie.
Selon la plaie, le terrain du patient et le contexte local
hospitalier, le bloc opératoire permet :
Figure 8. Repères des blocs métacarpien ou digital intrathécal. • de compléter une détersion ou une exploration ;
1, 2, 3, 4. Points d’injection. • la réparation d’une atteinte profonde concomitante ;
• une couverture de la zone et un rapprochement des berges
par un lambeau en cas de perte de substances.
contact tendineux. L’aiguille est alors très légèrement retirée
tout en poussant sur le piston de la seringue. On injecte de 3 à Méthodes utilisables aux urgences
4 ml dès la levée de la résistance.
Suture
Exploration Principes généraux
Le premier temps de l’exploration est l’hémostase lorsque Elle permet de maintenir le rapprochement des deux berges
celle-ci est justifiée. Pour les doigts, on peut, lorsque le saigne- d’une plaie pour faciliter la cicatrisation.
ment est diffus, provenant du revêtement cutané, poser un Elle justifie de rapprocher chaque plan de la profondeur à
garrot de doigt à la racine de celui-ci, qui permet une explora- l’épiderme, sous peine de laisser une cavité hématique fermée
tion plus confortable. dont la colonisation bactérienne est alors facilitée. Lorsque cette
On reprend alors le lavage et, cette fois, le brossage de la fermeture ne peut être complète, il est nécessaire d’installer un
lésion doit être effectué. Enfin, le parage des tissus nécrosés ou drainage par des crins de Florence. Il s’agit de fils monobrins
menaçant de le devenir est finalisé. Il faut garder à l’esprit que non résorbables de gros diamètre et peu flexibles. Trois à quatre
le tissu adipeux exposé à l’air nécrose très facilement. Ainsi, le d’entre eux sont installés au fond de la plaie, dans son grand
parage doit être large sur le tissu adipeux et économe sur la axe. Une fois la suture terminée, les extrémités des crins sont
peau. nouées avec les brins restants. Sous couvert d’un pansement
Il est alors possible de visualiser les structures profondes, légèrement compressif, ce drainage est laissé en place de 3 à
comme un tendon lors d’une plaie de main. Ce contrôle visuel 4 jours.
doit être réalisé en mobilisant les doigts afin de faire mobiliser Les phénomènes de cicatrisation aboutissent à une coulée
en particulier les tendons, dans la totalité de leur course visible. inflammatoire le long des berges de la plaie, rendant le rappro-
En effet, l’effraction cutanée peut être décalée par rapport à la chement inopérant au-delà d’un délai de 12 heures. Par ailleurs,

6 Médecine d’urgence
Plaies aux urgences, prise en charge ¶ 25-200-A-10

Figure 10. Règle des carrés. Chaque distance représentée est équiva-
lente : espace entre deux points, profondeur et largeur du point séparé.

Figure 9. Excision des bords de la plaie. Figure 11. Point inversé.


A. Au bistouri pour la peau.
B. Aux ciseaux pour les tissus sous-cutanés.
C. Résultat final. Ils sont soit « résorbables », soit « non résorbables ». Les fils
résorbables se divisent en « rapides », avec une durée de
maintien de 10 à 15 jours, et en « résorbables », la durée étant
dès la sixième heure, le nombre de germes ayant colonisé la alors de 4 à 5 semaines.
plaie est devenu trop important pour prendre le risque de les
Les fils sont soit « monobrins », soit « tressés ». Les « mono-
enfermer. De ces faits, il est classique de dire qu’une plaie ne
brins » ont les avantages d’être plus coulissants, sans phéno-
peut être suturée lorsqu’elle est vue tardivement, sans un parage
complet. Ainsi, une plaie vue avant la sixième heure ne pose mène de capillarité, non adhérents aux tissus et bien tolérés
pas de problème particulier. Si ce délai est compris entre 6 et (peu de rejet). Ils ont les inconvénients d’être moins solides,
12 heures, la décision dépend de l’aspect de la plaie et de son moins souples et de justifier, du fait de leur pouvoir coulissant,
degré de souillure. Lorsque la plaie est vue après un délai de d’être attentif à la confection des nœuds. Les fils « tressés »
12 heures, une fermeture ne peut être envisagée qu’après un présentent les avantages et les inconvénients inverses des
parage complet (Fig. 9) et sous couvert d’un drainage des plans précédents.
profonds.
Points utilisés aux urgences
Par définition, un fil de suture est un corps étranger laissé en
place, avec les inconvénients que cela provoque sur les plans Point séparé ou simple. Il charge l’ensemble du derme et de
tant inflammatoire que septique. Par ailleurs, le rapprochement l’épiderme. La distance entre le point d’entrée et la berge est
implique une tension sur les berges de la plaie. Ces deux équivalente à la profondeur du point. L’espacement entre deux
phénomènes (tension et inflammation) concourent à l’ischémie points doit respecter la règle des carrés, c’est-à-dire que la
sur le passage des fils du derme et surtout de l’épiderme. Cette distance entre deux points est identique à celle située entre les
ischémie engendre des risques de nécrose ou septiques, et des deux orifices d’entrée du point (Fig. 10). Le nœud est descendu
séquelles esthétiques. sur la plaie pour une tension symétrique, puis est coulissé sur
Ainsi, la suture, c’est-à-dire le type de point, le choix du fil un côté (toujours le même).
et de sa durée avant ablation, doit tenir compte de deux
Il est utilisable dans toutes les situations et avec toutes les
phénomènes contradictoires :
sortes de fils.
• une mise en tension, afin de maintenir le rapprochement, ce
d’autant que la plaie a tendance à se rétracter ; Point inversé (Fig. 11). Il s’agit d’un point simple dont le
• l’absence de mise en tension, afin de ne pas risquer la nécrose départ et le retour sont sur la face profonde, le nœud se
cutanée, diminuer le risque septique et éviter les séquelles retrouvant sur cette face. Il se réalise au fil résorbable, est
esthétiques. utilisable aussi sur la peau en ne chargeant que le derme. Cela
a l’avantage de laisser l’épiderme sans contrainte mécanique.
Matériel Pour la fermeture de celui-ci, on privilégie alors une technique
Une suture simple se fait à l’aide d’un porte-aiguille, d’une « esthétique ».
pince sans griffe et d’une paire de ciseaux. Point de Blair-Donati (Fig. 12). Il s’agit d’un double passage
L’installation, l’anesthésie locale ou locorégionale sont les sur une même ligne perpendiculaire à la plaie. Un premier
mêmes que décrites précédemment. passage se fait à distance, puis, après une sortie et une réentrée
Les fils utilisés aux urgences sont tous synthétiques. sur l’autre berge, le fil est sorti entre le point d’entrée et la

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Figure 12. Point de Blair-Donati. Figure 15. Point en croix.

Figure 13. Point d’angle.


Figure 16. Surjet simple.

Figure 17. Surjet intradermique.

Surjet simple (Fig. 16). Il s’agit de points séparés mais sans


nœud et en gardant le même fil. La règle des carrés s’applique
également.
Figure 14. Plaie pour plaie en T.
En pratique, il s’utilise pour les plans profonds car les
résultats esthétiques en sont médiocres.
berge. Les deux passages prennent le derme et l’épiderme. Il faut Surjet intradermique (Fig. 17). L’aiguille est rentrée à la
être symétrique sur les deux passages, et la distance entre pointe de la plaie puis le fil est passé dans le derme comme un
l’entrée et la sortie ne doit pas être grande sous peine de plisser surjet simple, mais en ne ressortant que sur l’autre pointe. La
la peau. tension symétrique sur les deux fils permet l’affrontement des
Ils sont solides et permettent de lutter contre une tension berges. Cette tension est maintenue notamment par bouclette,
importante. Ils sont, de ce fait, ischémiants et ne doivent pas par un nœud en pont au-dessus de la plaie ou par application
être utilisés lorsque le pronostic esthétique prédomine (visage).
de suture adhésive.
Une variante est le point en U où le double passage ne se fait
pas de loin puis de près mais en U sur une même distance. Là Seul le fil monobrin non résorbable doit être utilisé.
encore, le U ne doit pas être large au risque de faire plisser la
Réalisation pratique
peau.
Point d’angle (Fig. 13). L’entrée se fait légèrement décalée de Comme nous l’avons vu, l’exploration a permis de décoller
la position finale de la pointe sur le bord opposé, puis le fil est chaque plan lésé. Il faut aussi repérer l’«anatomie » de la plaie
passé dans le derme de la partie libre, au même niveau que dans afin d’imaginer le résultat final. On peut être amené à
la berge initiale, sans ressortir puis revient pour être symétrique compléter le parage pour que les berges soient nettes, permet-
au fil de départ par rapport à la position finale. Ainsi, la pointe tant un affrontement correct. Le parage des plans sous-
vient se loger dans sa position, laissant deux plaies linéaires. La
cutanés se fait au ciseau à disséquer et la peau au bistouri, en
distance entre l’entrée et la sortie du fil ne doit pas être trop
étant le plus économe possible quant à la quantité d’épiderme
importante pour éviter tout plissement cutané.
à enlever.
La même technique peut être utilisée pour plusieurs pointes
comme les plaies en T (Fig. 14). La pince prend le tissu à suturer et le présente dans un
Point en croix (Fig. 15). Il revient à faire un X par un double mouvement d’élévation et de traction (Fig. 18). L’aiguille est
passage croisé. positionnée dans sa convexité et le mouvement de pénétration
C’est un point d’hémostase très utile sur le cuir chevelu mais consiste en une rotation à 180 ° de l’aiguille. Une fois reposi-
aussi sur une veine sous-épidermique. tionnée sur le porte-aiguille, la même manœuvre est pratiquée

8 Médecine d’urgence
Plaies aux urgences, prise en charge ¶ 25-200-A-10

Figure 18. La peau est soulevée et mise en tension. L’aiguille est posée
concave vers la plaie et traverse la peau par simple mouvement de
rotation.
Figure 20. Pose d’une suture adhésive avec une double embase, des
barreaux d’échelle, puis un doublage des embases.

Suture adhésive
Elle rapproche l’épiderme et vient en complément d’une
suture, ou est utilisée seule lors d’une plaie superficielle.
La peau doit être saine et sèche. On pose, parallèlement au
grand axe de la plaie, une suture adhésive de chaque côté qui
sert d’embase pour soit des croix, soit des barreaux d’échelle
posés en prenant soin de rapprocher manuellement les bords de
la plaie. Le montage est complété par deux nouvelles embases
qui viennent prendre en sandwich les parties « actives »
(Fig. 20). Ce dispositif est laissé en place plusieurs jours.
Figure 19. Pour éverser les bords de la plaie, le passage profond doit
être plus large que le passage superficiel.
Colle
Cette méthode est indiquée à la place de la suture adhésive
ou lors d’une plaie linéaire, dermoépidermique, propre et sans
sur la berge opposée. Ainsi est parfaitement maîtrisé le trajet de tension. En effet, la colle occlut complètement la plaie et les
l’aiguille, y compris sur les autres plans, évitant tout complications infectieuses sont fréquentes. Par ailleurs, le point
« accident ». d’appui n’étant qu’épidermique, le résultat sur une plaie tendue
Les nœuds sont faits au porte-aiguille ou à la main. Il s’agit n’est pas probant.
de nœuds plats, c’est-à-dire de deux nœuds simples inversés, L’application, réalisée après décontamination, nécessite une
seuls garants d’un blocage efficace. Il est donc important de parfaite hémostase des berges et se fait tout en maintenant le
respecter cette alternance au fur et à mesure, plus que d’addi- rapprochement des berges pendant 30 secondes.
tionner un grand nombre de nœuds. Ceux-ci sont au moins au Elle présente l’avantage d’une pose indolore et de la facilité
nombre de cinq, mais une tension importante ou un fil mono- du suivi, surtout chez les enfants. La colle s’élimine
brin incitent à faire plus de nœuds. d’elle-même.
La suture se fait du fond vers la superficie, le muscle nécessi-
tant des points simples peu serrés, les aponévroses un surjet Cicatrisation dirigée [2]
simple lâche. Les premiers points cutanés doivent permettre de
« caler » la plaie en termes anatomiques. Il s’agit de suivre la cicatrisation spontanée du patient. Cette
Ils sont donc effectués sur les irrégularités de la plaie, repérées technique est indiquée lors d’une perte de substance. Elle a
à l’avance ou, lorsque celle-ci est linéaire, en partant du centre. l’avantage, par rapport à un lambeau, de garder l’innervation
Dans tous les cas, les points cutanés cherchent à éverser les sensitive.
bords de la plaie. En effet, le parage réalisé et la phase de Lors de la phase inflammatoire, il s’agit d’aider à la détersion
remodelage laissent un tissu sous-cutané moins épais et le risque en pratiquant un parage le plus complet possible (y compris au
est alors d’invaginer la cicatrice. Pour ce faire, le passage bloc opératoire), puis en réalisant des pansements gras incom-
profond doit être plus large que le passage superficiel (Fig. 19). plètement occlusifs (en pratique, il ne faut mettre qu’une
Le choix des fils dépend de la tension des berges et de la couche de maillage gras et pratiquer un pansement sec).
structure à rapprocher. Pour les points profonds, plus la tension Pendant la seconde phase, apparaît un bourgeon charnu qu’il
est forte, plus le fil doit être gros. Pour le plan cutané, chaque faut « jardiner » entre lavage, séchage et, surtout, maintien à
décision doit être pesée entre la contrainte mécanique et le l’air. Progressivement, l’épithélialisation apparaît et la cicatrisa-
préjudice esthétique. Dans tous les cas, les points sous-cutanés tion est complète dans un délai de 3 semaines.
doivent être privilégiés, permettant de diminuer la tension de Les limites de la cicatrisation dirigée sont les infections
l’épiderme qui conditionne le pronostic esthétique. locales, surtout à streptocoque b-hémolytique qui entraîne des
Ce même raisonnement s’applique pour la durée des fils phénomènes vasculaires ou à staphylocoque multirésistant.
avant ablation. La fermeture cutanée est obtenue en 15 à Par ailleurs, l’état vasculaire, immunitaire et énergétique du
21 jours, mais plus les fils sont laissés longtemps, plus les patient doit être satisfaisant pour espérer une cicatrisation. En
marques qu’ils laisseront seront importantes. Les deux extrêmes pratique, les patients dénutris, anémiques ou présentant une
sont de 3 semaines lors d’une tension forte (cicatrice chirurgi- neuropathie périphérique ne sont pas de bons candidats pour
cale par exemple) et de 4 jours sur un visage. Sinon, la médiane une cicatrisation dirigée car ses résultats seront décevants.
est de 8 jours. Le suivi des patients est attentif à l’état du bourgeon charnu
En pratique il faut, pour chaque cas, savoir adapter la qui peut devenir hypertrophique et œdémateux, surtout
technique, le fil et sa durée de maintien afin de répondre aux lorsqu’il est resté enfermé dans une ambiance grasse trop
deux notions contradictoires qui régissent la suture. longtemps. Il saille des bords de la plaie et l’application d’un

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25-200-A-10 ¶ Plaies aux urgences, prise en charge

maillage imprégné de corticoïdes pendant 24 heures suffit


souvent. Par ailleurs, le bourgeon charnu peut s’infecter,
comportant des plages violacées et de nombreux exsudats.
Enfin, il peut être trop plat, ce qui, si cela persiste malgré le
renfort des pansements gras pendant 48 heures, signe l’échec de
la cicatrisation.

Indications thérapeutiques
La suture est la méthode de choix pour la réparation d’une
effraction cutanée post-traumatique.
Néanmoins, elle a ses limites. D’une part, elle n’a d’intérêt
que lorsque le derme est atteint. D’autre part, comme la colle,
elle occlut la plaie qui, si elle n’a pas été complètement
nettoyée et décontaminée, sera le siège d’une infection. Enfin,
si la tension est trop importante ou qu’il existe une perte de
substance, il faut savoir discuter une cicatrisation dirigée ou un
lambeau.
Souvent, dans les plaies contuses, le choix thérapeutique n’est
pas uniciste. Ainsi, on peut mélanger suture et cicatrisation Figure 21. Technique de maintien par deux fils lors de la repose d’un
dirigée, ou suture et colle, au sein d’une même plaie. ongle.
Plus qu’un catalogue d’indications, il faut comprendre que
toute décision thérapeutique doit tenir compte de trois princi- puisse s’évacuer et ne pas stagner entre l’ongle et le lit
paux facteurs. unguéal dans une zone fermée où il entraînerait une collec-
La lésion : elle peut être, à elle seule, une indication d’un bloc tion potentiellement septique ;
opératoire lorsqu’il existe une atteinte profonde. La superficie et • l’ongle doit ensuite être soigneusement lavé et décontaminé,
la localisation anatomique sont aussi des critères intervenant ainsi que le lit unguéal ; ce dernier doit bénéficier d’une
dans la décision. En effet, l’exploration d’une plaie cervicale suture en cas de fracture, surtout lorsque les deux bords sont
justifie souvent une cervicotomie au bloc opératoire. en marche d’escalier ; l’ongle est ensuite repositionné à
Le contexte des urgences : le service des urgences est un lieu l’intérieur de la matrice en l’enfonçant dans sa position
septique, ne disposant pas toujours du matériel, des compéten- naturelle initiale ;
ces et du nombre de soignants nécessaires à l’anesthésie et au • afin de le maintenir appliqué contre le lit unguéal, deux
geste lui-même. points prenant appui de part et d’autre de l’ongle dans les
Le patient : le stress du patient, son terrain (conditions parties molles latérales des doigts sont effectués aux jonctions
d’asepsie chez un patient immunodéprimé, par exemple) sont des tiers distal et moyen, et des tiers proximal et moyen
aussi des critères guidant la décision. (Fig. 21) ; les fils sont enlevés entre le huitième et le dixième
jour, mais le pansement est revu à la quarante-huitième
heure.
Cas particulier de l’ongle Lorsque l’ongle est perdu ou non utilisable, certains ont
Les ongles ont un rôle protecteur des extrémités des doigts proposé un remplacement de celui-ci soit par une radiographie,
mais aussi permettent un appui, après la phalangette, pour la soit par un « faux ongle ».
finesse de la sensation tactile. Dans tous les cas, les appareils de remplacement doivent être
Poussant en permanence au sein de la matrice unguéale, ils taillés de manière arrondie afin, en particulier, que la partie qui
reposent sur une surface plane faite d’un revêtement non pénètre dans la lunule ne soit pas traumatisante pour la
kératinisé, le lit de l’ongle. Lors d’une atteinte unguéale matrice. De plus, il est aussi nécessaire d’y effectuer un forage
traumatique, l’intégrité de ces deux structures est le garant du central pour drainer les sécrétions. Spécifiquement pour les
pronostic esthétique et fonctionnel. radiographies, celles-ci doivent être préalablement développées
Il y a deux situations traumatiques. afin d’en ôter la pellicule argentique qui se comporte comme un
corps étranger à l’intérieur de la plaie.
Lorsque existent des plaies associées latérales ou pulpaires,
Désinsertions unguéales celles-ci doivent être parées et suturées préalablement à la
Lorsque les plaies siègent sur le bout des doigts, elles peuvent repose unguéale afin d’éviter des déplacements secondaires de
entraîner des lésions des ongles. Celles-ci posent plusieurs l’ongle après sa fixation.
problèmes : La présence d’une lésion osseuse sous-jacente justifie une
• la présence ou non d’une fracture associée de la phalangette antibiothérapie.
transforme la lésion cutanée en une fracture ouverte et doit Lorsque cette lésion est articulaire, le parage et une éventuelle
donc être systématiquement recherchée par des clichés du fixation du foyer imposent une réparation de l’ongle dans un
doigt de face et de profil ; milieu chirurgical.
• la désinsertion unguéale, lorsqu’elle est isolée, pose le
problème de la cicatrisation unguéale d’une manière la plus Hématome sous-unguéal
plane possible ; Il est consécutif à un traumatisme vertical sur l’ongle ayant
• l’association de plaies latérales, pulpaires, du lit unguéal ou de entraîné un saignement sous-unguéal avec la formation d’une
la matrice, à une désinsertion unguéale entraîne une com- néocavité sous tension.
plexité accrue de la réparation de l’ensemble des lésions, Il est ici aussi licite d’effectuer une radiographie de face et de
pouvant nécessiter un recours chirurgical. profil préalable à l’évacuation de cet hématome par un trom-
En pratique, après avoir adressé le patient en radiologie afin bone chauffé au rouge. En effet, s’il existe une lésion osseuse
de visualiser une éventuelle fracture de la troisième phalange, la sous-jacente, une antibiothérapie préventive est habituellement
prise en charge initiale reste identique à celle de toutes plaies. mise en place afin d’éviter une infection osseuse secondaire.
Toutefois, certaines spécificités doivent ici être décrites : Dans toutes les lésions unguéales ayant nécessité un geste
• l’ongle doit être complètement extrait de la plaie ; thérapeutique, il est nécessaire d’effectuer un pansement
• avant d’être repositionné, il doit être « nettoyé » de tous les compressif afin de permettre à la matrice de se repositionner
débris cutanés adhérents et percé en un point situé en avant contre l’ongle. Il doit être enlevé environ à la quarante-
de la lunule afin qu’un éventuel saignement, même modéré, huitième heure pour laisser la place à un pansement classique.

10 Médecine d’urgence
Plaies aux urgences, prise en charge ¶ 25-200-A-10

Traitements adjuvants Dans tous les cas, les antibiotiques préconisés sont l’amoxi-
cilline associée à l’acide clavulanique et, en cas d’allergie aux
pénicillines, la pristinamycine. En effet, si la plaie est vue
Immobilisation
précocement, les germes cibles lors des morsures sont les
Lors d’une tension forte, il peut être utile d’immobiliser Pasteurella et les anaérobies.
quelques jours le mouvement responsable de cette tension. La durée de cette antibiothérapie est de 15 jours. [3, 4]
Ainsi, lors d’une suture, cela évite une possible nécrose de la
peau et, dans tous les cas, diminue les phénomènes algiques, Anti-inflammatoires
surtout à la phase de rétraction de la plaie. Ils sont contre-indiqués du fait de leur action propre intera-
Cela doit être mis en balance avec l’enraidissement articu- gissant avec les phénomènes de la cicatrisation et qui, de plus,
laire. Schématiquement, les personnes âgées ont un surplus favorise la colonisation bactérienne.
cutané ne justifiant pas une immobilisation, ce d’autant que
l’enraidissement articulaire est délétère sur ce terrain. À Prévention du tétanos
l’inverse, chez l’enfant, cela peut être une bonne technique C’est une maladie systémique d’inoculation du Clostridium
d’appoint. tetani, produisant une endotoxine dans la plaie, responsable des
La durée de cette immobilisation est fixée par la balance entre manifestations cliniques à distance. Le réservoir naturel est la
ces deux contraintes. terre et le germe ne se développe pas au contact des tissus
vivants mais au sein de la nécrose, des hématomes et des
Antalgiques souillures de la plaie.
Le risque ne se pose pas lors d’une plaie propre et sans
La suture est douloureuse, surtout en cas de tension forte et contact tellurique, vue précocement et correctement
quand le patient mobilise ce secteur. Puis, toute plaie est décontaminée.
douloureuse du fait des phénomènes de rétraction cutanée. Dans les autres cas, le problème revient alors à connaître le
En revanche, il faut être attentif à ce que ces phénomènes statut vaccinal du patient pour décider de l’injection de
algiques ne soient pas le fait d’une surinfection. gammaglobulines antitétaniques. Or, l’interrogatoire des
En pratique, le geste de nettoyage et d’exploration, prolongé patients n’est pas fiable quant à leur couverture antitétanique et
souvent par une suture, justifie des antalgiques de classe 1 ou 2 l’on estime qu’une personne sur quatre se présentant aux
pour les 24 premières heures. Seules les plaies profondes ou urgences n’est pas protégée. On peut être aidé par un test de
dans des secteurs de fortes contraintes mécaniques justifient dépistage rapide afin de prendre cette décision.
d’un traitement antalgique prolongé. En 2000 et 2001, 29 et 26 cas ont été déclarés en France,
affectant en grande majorité des personnes de plus de 70 ans.
Antibiothérapie Ainsi, une prévention secondaire par un rappel d’anatoxine se
justifie selon les recommandations de la Direction générale de
Il faut se rappeler qu’une plaie récente n’est pas infectée mais la santé (Tableau 1).
contaminée par une flore saprophyte utile à la cicatrisation.
Une antibiothérapie peut casser le bactériocycle nécessaire à la Prévention de la rage [5]
cicatrisation, sélectionnant, de plus, des germes pathogènes et C’est une encéphalomyélite virale, due à un rhabdovirus. Il
résistants. n’existe aucun traitement curatif, mais le délai d’incubation (de
L’objectif est donc de décontaminer et de suivre l’évolution 10 à 15 jours) autorise un traitement préventif.
plutôt que de prescrire une antibiothérapie systématique. Outre Il faut savoir qu’aucun animal terrestre n’a été diagnostiqué
le lavage et la décontamination qui sont à réaliser à chaque atteint de la rage en France depuis 1998 (un arrêté ayant, de ce
pansement, il faut laisser le plus possible la plaie à l’air qui, de fait, déclaré le territoire libre de rage en avril 2000). Les seuls cas
par son humidité et la présence d’oxygène, autorise le dévelop- de rage humaine sur le territoire français ont fait suite à des
pement de certaines colonies bactériennes saprophytes et freine morsures dans des pays où sévit la rage canine. Ainsi, sa
les phénomènes inflammatoires. Cette attitude doit être mise en prévention ne se discute pas lors d’une morsure, mais les
balance avec le risque de contamination secondaire, en particu- mesures vis-à-vis de l’animal restent valides. En pratique,
lier sous les vêtements ou chez l’enfant. Elle est donc préféren- lorsque l’animal ne peut être mis en surveillance vétérinaire
tiellement utilisée dans des zones découvertes. (certificats à j0, j7 et j14), un avis auprès d’un centre anti-
En revanche, l’apparition de stigmates régionaux ou généraux rabique semble toujours pertinent.
d’infection, comme une lymphangite, des adénopathies ou de
la fièvre, doit faire pratiquer un prélèvement et faire débuter Trithérapie antirétrovirale [6]
une antibiothérapie. Lors d’une plaie par du matériel souillé par du sang d’une
Pour le cas particulier de l’inoculation par morsure, l’antibio- personne porteuse du virus de l’immunodéficience humaine, ou
thérapie préventive se justifie si le patient est immunodéprimé, d’un liquide biologique potentiellement contaminant, la prise
que le mammifère mordeur est un humain, que la morsure d’une trithérapie préventive pendant 4 semaines s’impose.
atteint le derme profond et qu’elle siège sur le cou, les mains, Celle-ci doit être débutée le plus précocement possible, idéale-
le visage ou le périnée. Cette antibiothérapie est de 5 jours si la ment dans les 4 premières heures suivant la blessure, et au plus
plaie est propre, 15 jours si elle paraît déjà infectée. [3] tard 48 heures après.

Tableau 1.
Conduite à tenir en cas de blessure (extrait du Guide des vaccinations, octobre 2003).
Type de blessure Patient non immunisé, vaccination Patient totalement immunisé
incomplète Délai depuis le dernier rappel
5 à 10 ans Plus de 10 ans
Mineure, propre Commencer ou compléter la vaccination Pas d’injection Une dose de vaccin
Majeure, propre ou tétanigène Dans un bras, 250 UI de gammatétanos une dose de vaccin Dans un bras, 250 UI de gammatétanos
Dans l’autre, une dose de vaccin Dans l’autre, une dose de vaccin
Tétanigène, débridement retardé Dans un bras, 500 UI de gammatétanos une dose de vaccin Dans un bras, 500 UI de gammatétanos
ou incomplet Dans l’autre, une dose de vaccin Dans l’autre, une dose de vaccin

Médecine d’urgence 11
25-200-A-10 ¶ Plaies aux urgences, prise en charge

Cette trithérapie doit comporter deux inhibiteurs nucléosidi- régulièrement pendant cette phase de bourgeon charnu afin de
ques de la transcriptase inverse et une antiprotéase. Pour des s’assurer de sa bonne évolution et du début de l’épidermisation.
raisons de tolérance, les molécules suivantes ne doivent pas être La cicatrisation complète est obtenue en 3 semaines.
utilisées. Il s’agit de l’abacavir (hypersensibilité), la névirapine L’apparition d’une nécrose cutanée doit faire retirer les
(hépatite et toxidermie), l’efavirenz (troubles psychiatriques matériels en place (fils, colle, suture adhésive). Ainsi, il est facile
aigus), l’indicavir (colique néphrétique) et l’association d4T-ddi de voir l’état sous-jacent, avec soit un hématome faisant
(acidose lactique). bomber la plaie, soit un abcès débutant qui, l’un comme l’autre,
Souvent, le statut sérologique de la personne source est justifient un parage complet réalisé aux urgences ou au bloc
inconnu et il est utile, avec son accord, de lui prélever une opératoire en fonction des trois critères que sont la lésion, le
sérologie rapide afin d’aider à la décision. contexte des urgences et le terrain du patient.
Sinon, le suivi est double, d’une part pour la tolérance et la Lorsque la plaie n’est pas bombante, sans signe inflammatoire
survenue des complications du traitement et, d’autre part, pour et que la nécrose est très localisée, le parage de la seule nécrose
le suivi sérologique jusqu’à 4 mois, en associant le suivi est suffisant.
sérologique des hépatites B et C. Cette attitude permet de L’infection se manifeste par une inflammation locale, une
dépister précocement les infections par le virus de l’hépatite C douleur qui va aller en s’accroissant jusqu’à devenir insom-
et de démarrer une vaccination préventive contre l’hépatite B si niante. Parallèlement, les signes inflammatoires peuvent devenir
nécessaire. régionaux et généraux.
Au stade initial de l’inflammation, une désinfection est
entreprise, la plaie est laissée à l’air, la colle ou la suture
adhésive est retirée. Si les signes ne diminuent pas dans les
■ Suivi et surveillance 24 heures, les fils doivent être retirés.
Lorsque la plaie est bombante, l’ouverture de celle-ci doit être
immédiate.
Initial L’antibiothérapie ne se justifie que lorsqu’il existe des signes
régionaux ou généraux d’inflammation, ou lorsque la plaie siège
Les complications des plaies sont la nécrose, l’infection et la à proximité d’une gaine tendineuse qui est douloureuse à la
désunion d’une suture. Ces trois phénomènes sont souvent mobilisation et à la palpation, faisant craindre le début d’un
intriqués. phlegmon. Dans ce dernier cas, une prise en charge chirurgicale
La nécrose est le fait d’un parage insuffisant. Elle peut doit être organisée.
également survenir secondairement sur des points trop serrés ou La désunion se fait souvent sur un fil ou deux, rarement sur
lorsque l’état cutané est déjà médiocre. l’ensemble du travail. Même lorsqu’il semble qu’elle soit
L’infection survient volontiers lorsqu’il existe des facteurs simplement le fait d’une tension trop grande, il faut se méfier
favorisants. [7] Ceux-ci sont soit locaux, c’est-à-dire l’ischémie d’une nécrose de la berge en regard du fil, ou d’une complica-
(par compression, œdème ou vasoconstriction), la nécrose, les tion sous-jacente, hématique ou infectieuse ayant provoqué ce
hématomes, les espaces « exclus » et les corps étrangers, soit regain de tension.
généraux comme l’hypoxie ou l’hypovolémie (favorisant Lorsqu’elle est consécutive à une ablation trop précoce, il faut
l’ischémie tissulaire), d’autres infections associées, le diabète et choisir entre la cicatrisation dirigée ou un parage complet pour
l’immunodépression (néoplasie, corticothérapie, chimiothérapie une nouvelle suture. C’est dire l’importance du délai de retrait
ou syndrome d’immunodépression acquise). des fils, car un délai trop long grève le pronostic esthétique.
La désunion est le fait soit d’une ablation trop précoce d’un Ainsi, sur les plaies où le pronostic esthétique prédomine,
fil, soit d’une nécrose cutanée à l’endroit du fil, soit d’un l’ablation des fils doit être décidée lors d’une consultation, au
hématome ou d’un abcès sous-jacent. vu de la plaie. Les fils peuvent être retirés par moitié ou
Lorsque la plaie a été suturée, son nettoyage doit être complètement, sous couvert d’une fermeture par une suture
soigneux pour éliminer tout débris sanguin. Une compresse adhésive relayant l’ablation des fils.
humide est alors posée, puis un pansement légèrement com-
pressif complète les soins.
Le patient est informé, au mieux par écrit, des signes qu’il À distance
doit surveiller, c’est-à-dire l’apparition d’une inflammation
Les deux premières phases de la cicatrisation étant passées, la
locale, d’une douleur aiguë, de pus, de nécrose sur les berges,
fermeture cutanée est obtenue. Pendant la phase de remodelage,
pour une consultation rapide s’ils apparaissent.
plusieurs complications peuvent survenir. [8] Celles-ci sont dues
Ce premier pansement doit être changé au bout de 24 à au terrain du patient ou à la plaie elle-même.
48 heures, la plaie décontaminée à l’eau et au savon avant le
tamponnement par un désinfectant, et un pansement sec suffit Cicatrisation pathologique
alors, servant de protection. Jusqu’à l’ablation des fils, la
décontamination doit être quotidienne. Cicatrices hypertrophiques
Lorsque des crins de Florence ont été posés, les soins sont La cicatrice prend un aspect inflammatoire, s’épaissit avec
identiques, mais il faut garder un pansement compressif 2 à une coloration rougeâtre et est souvent prurigineuse. L’évolu-
3 jours. tion se fait sur 6 mois, puis l’inflammation régresse pour laisser
Si la plaie a été collée, aucun soin, en dehors d’un pansement un cordon élargi et blanchâtre.
protecteur, n’est nécessaire, mais l’autosurveillance est la même
que pour les plaie suturées. Cicatrices chéloïdes
Si une suture adhésive a été posée, elle doit être laissé en Elles atteignent plus fréquemment les gens de race noire et
place quelques jours, rendant difficile le nettoyage de la plaie. les enfants. L’évolution initiale est celle des cicatrices hypertro-
Ainsi, une consultation est souvent nécessaire à 48 ou 72 heures phiques et, après le sixième mois, l’évolution se maintient et la
pour surveiller l’état de la plaie et changer la suture adhésive en cicatrice prend un aspect de masse régulière, parfois polylobée,
faisant attention de garder les bords de plaie bien serrés sous indolore et souvent prurigineuse. Cette masse peut déborder la
peine de voir la plaie se désunir. cicatrice initiale en prenant sur la peau saine de voisinage.
Enfin, si la cicatrisation dirigée a été débutée, le patient doit Certaines régions anatomiques sont un siège préférentiel,
être revu dans les 48 heures afin de vérifier l’absence d’infection comme le pavillon de l’oreille ou la région sternale. L’évolution
et de surveiller le début du bourgeonnement qui doit faire peut se faire sur plusieurs années.
arrêter les pansements gras occlusifs, justifiant alors d’un En zones esthétiques, ces complications justifient d’une
douchage suivi d’un séchage au sèche-cheveux en posi- consultation auprès d’un plasticien, afin d’optimiser la prise en
tion « froid » de manière biquotidienne. Le patient est revu charge et d’en limiter les conséquences esthétiques.

12 Médecine d’urgence
Plaies aux urgences, prise en charge ¶ 25-200-A-10

Complications de la cicatrisation le long de fils laissés trop longtemps. L’évolution spontanée est,
en règle, favorable, mais peut nécessiter une mise à plat
Cicatrices rétractiles chirurgicale.
Elles sont soit le fait d’une perte de substance trop impor- Il ne s’agit pas, ici, de détailler les traitements de ces compli-
tante que l’on a voulu suturer, soit d’une cicatrice perpendicu- cations tardives. Il faut simplement savoir que les résultats ne
laire à un pli de flexion ou à des lignes naturelles de la peau. sont pas probants et que, de toute façon, les traitements en sont
La rétraction se fait alors dans l’axe de la cicatrice qui devient longs.
sèche. Si cela se produit à proximité d’un orifice, il se crée une C’est dire l’importance d’une prise en charge initiale opti-
déformation par traction (ectropion aux paupières par exemple). male, seule prévention de ces complications. En effet, pour le
Cicatrices dyschromiques patient, il n’y a pas de « petite plaie ».
Plus fréquemment lors des abrasions, des troubles de la
pigmentation peuvent apparaître, qu’ils soient une hypopig-
mentation ou une hyperpigmentation. Dans ce dernier cas, la ■ Références
prévention passe par l’absence d’exposition solaire durant
[1] Ortonne JP, Clévy JP. Physiologie de la cicatrisation cutanée. Rev Prat
environ une année.
1994;44:1733-7.
Cicatrices élargies [2] Mitz V. La cicatrisation dirigée. Rev Prat 1994;44:1743-50.
[3] Breeling JL, Weinstein L. Infections liées aux morsures, aux griffures,
Lorsque la tension cutanée était trop importante, l’élargisse- aux brûlures et aux germes de l’environnement. In: McGraw-Hill Libri
ment de la cicatrice peut se produire, laissant une peau fine, Italia ed. In: Harrison médecine interne, Milan 1995. Paris: Arnette
dépigmentée, reposant sur un tissu sous-cutané aminci. Les Blackwell; 1995. p. 569-72.
reprises chirurgicales sont souvent décevantes, aboutissant à la [4] Association des professeurs de pathologie infectieuse et tropicale. In:
récidive. Infections par inoculation. Paris: Le POPI; 1999. p. 88-91.
Cicatrices tatouées [5] Streiff R, Viennet C, Gonthier Y. Risques infectieux particuliers : la
rage. In: http://.creuf.com/publications/metz2001/Streiff.htm.
Un parage initial insuffisant peut laisser des corps étrangers [6] Vittecoq P. Prise en charge des accidents d’exposition au VIH. In: Prise
pigmentés, recouverts secondairement par la cicatrice. À ce en charge des personnes infectées par le VIH. Paris: Flammarion; 2002.
stade, les traitements sont décevants. p. 383-4.
[7] Stein A, Maurin M, Raoult D. Infections des plaies cutanées. Rev Prat
Kystes d’inclusion dermique
1994;44:1786-91.
Il s’agit de kystes inflammatoires consécutifs à un morceau [8] Bardot J. Les cicatrices cutanées : évolution naturelle, anomalie et leur
d’épiderme laissé en profondeur ou à une coulée épidermique prévention. Rev Prat 1994;44:1763-8.

E. Hinglais, Praticien hospitalier (etienne.hinglais@htd.ap-hop-paris.fr).


Service des urgences, hôpital de l’Hôtel-Dieu, 1, place du parvis-Notre-Dame, 75004 Paris, France.
M. Prével, Praticien hospitalier.
Service des urgences, hôpital Stell, 1, rue Charles-Drot, BP 194, 92501 Rueil-Malmaison cedex, France.
B. Coudert, Praticien hospitalier.
Service des urgences, hôpital André Mignot, centre hospitalier de Versailles, 177, rue de Versailles, 78157 Le Chesnay cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Hinglais E., Prével M., Coudert B. Plaies aux urgences, prise en charge. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),
Médecine d’urgence, 25-200-A-10, 2007.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


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Médecine d’urgence 13
Plaies thoraciques

Louis Cador : Professeur agrégé du service de santé des Armées, chirurgien des Hôpitaux
Thierry Lonjon : Chirurgien des hôpitaux des Armées
Service de chirurgie viscérale, hôpital Laveran, BP 50, 13998 Marseille Armées cedex France

Résumé
Qu'elles soient par armes blanches, par armes à feu, ou par éclats, les plaies thoraciques peuvent
intéresser les tissus de recouvrement du thorax et/ou son contenu, avec possibilité d'extension
cervicale ou abdominale.

La richesse des lésions de pronostic vital en fait toute la gravité immédiate et retardée. La contusion
pulmonaire « secondairement parlante » et le risque septique majorent encore les risques.

Avant l'échelon hospitalier, le médecin devra : évaluer cliniquement les lésions et leur retentissement
cardiorespiratoire, adapter son geste à l'urgence, prévoir la thérapeutique ultérieure selon la réponse
clinique.

A l'échelon hospitalier, l'esprit est le même mais les examens complémentaires radiologiques et
endoscopiques sont utilisables chez les blessés stables et bien compensés. Ils préciseront les lésions et
permettront d'adapter le traitement en sachant que :

dans 80 % des cas, les moyens de réanimation usuels : oxygénation, remplissage


associés à un drainage thoracique ou thoracostomie sur tube en cas de
pneumothorax et/ou d'hémothorax sont suffisants. Ils doivent être parfaitement
connus ;
dans les autres cas, l'abord chirurgical sera nécessaire, immédiatement en salle de
déchocage (thoracotomie de ressuscitation), en urgence (tamponnade,
hémothorax massif productif) ou secondairement.

© 1997 Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS - Tous droits réservés

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INTRODUCTION

La plaie thoracique se définit comme une solution de continuité de l'un des tissus de revêtement du
thorax. Elle est dite pénétrante si elle dépasse la plèvre pariétale de l'une ou l'autre des deux cavités
pleurales ou si elle atteint l'un quelconque des tissus médiastinaux.

Sa fréquence est en relation directe avec la surface d'exposition du thorax.

Les difficultés de la prise en charge thérapeutique sont liées, d'abord, aux lésions des organes vitaux
intrathoraciques, mais aussi à la conjonction fréquente d'éléments défavorables tels que l'extension
cervicale et/ou abdominale de la plaie, l'existence de lésions à distance (crâne, membres) ou d'une
polyagression (thermique, chimique...). Par construction, une plaie est septique dans son évolution
spontanée, enfin une contusion pulmonaire associée peut être déterminante dans le pronostic.

Quelle que soit l'intrication de ces éléments, les désordres engendrés peuvent être résumés en tableaux
physiopathologiques élémentaires. Les gestes thérapeutiques (dont le drainage pleural) doivent être
parfaitement connus, car de la précocité de leur mise en oeuvre et de la qualité de leur surveillance,
souvent très simples, dépend l'évolution. Sous cette réserve, près de 80 % des plaies thoraciques de
pratique quotidienne pourront être traitées avec succès sans recours au bloc opératoire ni à la
réanimation lourde.

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GÉ NÉ RALITÉ S

Anatomie, physiologie et lésions

Cage thoracique

La cage thoracique est un « contenant » semi-rigide.

Il est constitué d'un cadre osseux (rachis dorsal en arrière, 12 arcs costaux latéralement et sternum en
avant) et d'une enveloppe cutanéomusculaire. Les muscles de la ceinture scapulaire, de l'articulation
scapulohumérale, du rachis ont un rôle respiratoire accessoire cliniquement évident dans la dyspnée
(tirage) ; ils représentent surtout, pour ce qui nous intéresse, une couverture protectrice pouvant jouer
un rôle de stabilisation dynamique ou d'occultation spontanée d'une plaie. Les muscles intercostaux, en
trois couches, contiennent le pédicule vasculonerveux intercostal, courant toujours sous le rebord de la
côte supérieure (« sous l'abri côtier ») (fig 1). On s'en souviendra lors des différents abords de la
plèvre.

Cet ensemble, à la fois rigide et déformable, se comporte schématiquement, lors de l'inspiration,


comme le corps d'une seringue résistant à la dépression créée par son piston.

Les dégâts peuvent être majeurs : thorax « ouvert » (thorax soufflant), instabilité du cadre osseux,
conséquence de fractures multiples (respiration paradoxale) ou minimes : thorax « fermé », même
après une plaie. L'entrée d'air par la plaie pariétale représente l'une des étiologies du pneumothorax ; la
lésion d'un vaisseau pariétal, parfois à l'origine d'une hémorragie extériorisée, est une étiologie
fréquente de l'hémothorax. L'atteinte médullaire est souvent difficile à estimer d'emblée ; rare, elle doit
surtout ne pas être méconnue.

Le thorax a une limite supérieure, l'orifice cervical : étroit, il livre passage aux
voies digestives et aériennes supérieures ainsi qu'aux gros vaisseaux à destinée
céphalique et des membres supérieurs : ceci explique la gravité des impacts en
regard des deux premières côtes ou des plaies cheminant par cet orifice.
Une limite inférieure, le diaphragme : ses fibres périphériques verticales s'insèrent
sur le rachis lombaire de L1 à L3 et le bord inférieur de la cage thoracique, elles se
rejoignent sur les trois folioles du centre phrénique fibreux, horizontal. Lors des
contractions musculaires, le diaphragme joue le rôle du piston . En fin d'expiration,
ses coupoles montent jusqu'en regard du quatrième espace intercostal antérieur à
droite (mamelon chez l'homme), et du cinquième espace à gauche ; ceci explique
la fréquence des lésions thoracoabdominales.

Contenu

Il se distribue en zones bien différentes.

Latéralement, les deux blocs bronchopulmonaires, dont l'atteinte est d'autant plus
grave qu'elle est proche du hile ou que le volume de parenchyme pulmonaire
intéressé est important. Hémo- et/ou pneumothorax sont la conséquence de leur
lésion.
Les plèvres viscérale et pariétale recouvrent la paroi interne de la cage thoracique,
les faces latérales du médiastin et le poumon. La dépression qui rend virtuelle leur
séparation joue le rôle de l'étanchéité « piston-seringue ». L'effraction pleurale
explique la constitution des épanchements aériens ou liquides. à l'inverse,
l'existence de brides pathologiques ou d'accolements, facteurs limitants de
l'épanchement, expliquera les lésions iatrogènes lors de drainages imprudents.
Au centre, le coeur et les gros vaisseaux, la trachée, les bronches souches,
l'oesophage, le canal thoracique, des nerfs occupent le médiastin.
La plaie du coeur est rapidement mortelle, sauf si un péricarde étanche contient
temporairement l'hémorragie au prix d'une tamponnade. Les plaies des gros
vaisseaux ont la même évolution ; au mieux, elles sont responsables d'hémothorax
et/ou d'hémomédiastin massif. Les lésions trachéobronchiques sont responsables
de pneumothorax parfois compressif (clapet), de pneumomédiastin, à l'origine
d'emphysème cervical extensif. L'orifice n'est pas toujours visible, même en
fibroscopie. La lésion, rare, de l'oesophage se signalera par pneumomédiastin et
médiastinite ou pleurésie secondaire. Les lésions nerveuses sont exceptionnelles :
une dysphonie suppose la lésion du pneumogastrique ou du récurrent gauche, au-
dessus de la crosse de l'aorte ; une élévation de la coupole suppose celle du
phrénique homolatéral. Une plaie du canal thoracique, enfin, provoquera un
chylothorax.

Deux fonctions vitales et une zone d'échange

Contenu et contenant se doivent d'assurer une fonction circulatoire qui n'est possible qu'en l'absence de
syndrome hémorragique évolutif et tant qu'est assuré le libre jeu du muscle cardiaque dans un
péricarde vide, ne contraignant pas le remplissage diastolique.

La fonction ventilatoire suppose trois conditions conjointes : liberté des voies aériennes, rigidité
pariétale associée à la mobilité diaphragmatique (« piston-seringue »), solidarité poumon-paroi (vide
pleural).

Ils doivent aussi posséder un échangeur compétent : l'alvéole et sa membrane. Le souligner, c'est
insister sur le facteur pronostique essentiel que représente la contusion dans les traumas thoraciques,
qu'ils soient ouverts ou fermés.

Epidémiologie et mécanismes lésionnels

Plaies par armes blanches

Elles comprennent, au sens le plus large, les accidents de la vie courante par objet coupant ou pointu.
Leur fréquence relative, rapportée à l'ensemble des plaies thoraciques, est en recul en Europe et aux
Etats-Unis [1], alors qu'elle reste largement prédominante en Afrique noire avec 80 % des cas. Elles
donnent, classiquement, des plaies nettes, peu contuses, peu souillées. La principale inconnue réside
dans la profondeur de pénétration et dans la direction du trajet vulnérant.

Plaies par arme à feu

Elles sont en progression dans toutes les statistiques actuelles, rançon de la criminalité, du terrorisme
urbain, des suicides . Dans les statistiques « de guerre », elles concernent globalement 20 % des
blessés répertoriés, toutes situations confondues .

Sur un plan théorique, le pouvoir vulnérant des projectiles est, maintenant, bien connu : les études
portant sur les balles de guerre aérodynamiques, pointues et blindées (full metal jacket) type « balle
humanitaire des conventions de La Haye » tirées sur cible inerte homogène (par exemple la gélatine)
mettent en évidence des dégâts caractéristiques dont le type et l'importance sont prévisibles car
corrélés au poids de la balle, son calibre, sa vitesse...

Les lésions élémentaires comprennent une zone d'attrition définitive (crushing) à l'origine de la cavité
résiduelle ou cavité permanente (c'est le classique trajet de la balle) et une zone d'attrition temporaire
correspondant à un refoulement tissulaire (stretching) court et d'intensité variable dû à un transfert
d'énergie d'autant plus important que la balle est plus rapidement freinée (déformation de la balle, du
trajet, bascule...).

On définit dans des conditions expérimentales reproductibles, le profil comportemental d'une munition
donnée (wound profile de Fackler) [4] en milieu homogène : il comprend un tunnel transfixiant
rectiligne ou neck qui est la distance, dans la gélatine, entre l'impact et la zone de déstabilisation du
projectile, puis une zone de cavitation temporaire qui lui fait suite.

Les balles qui échappent aux conventions (ce sont les plus nombreuses), visent à transférer le plus
complètement possible au milieu traversé l'énergie qu'elles véhiculent. Le champignonnage des balles
non blindées ou leur fragmentation sont deux possibilités largement utilisées (fig 2).
[11]
L'éclat, tranchant, ajoute à ces lésions élémentaires des lésions de coupure le long de son trajet .

Ces observations, rappelons-le, sont faites en milieu homogène ; la rencontre d'un obstacle avant
pénétration (ricochet) sur, ou dans l'obstacle (gilet pare-balle, cage thoracique, rachis) va modifier le «
profil projectilaire » (raccourcissement du neck), envoyer des projectiles secondaires (esquilles
osseuses...) sous forme d'éclats, déstabiliser le projectile, aggraver l'importance de la contusion.

En pratique, en cas de plaies par balles, il n'existe aucune corrélation entre la taille des orifices d'entrée
et/ou de sortie et la gravité des lésions internes. Il ne faudra pas oublier de rechercher ces points
d'entrée, parfois très à distance, contre toute logique apparente. Les plaies par éclats sont à l'origine de
80 % des lésions lors des conflits, du terrorisme, des accidents de la vie moderne, échappant à tout
type de description lésionnelle (polycriblage à trajets erratiques). L'inventaire étiologique n'en est pas
fait : bombes, mines, grenades, roquettes en pratique de guerre, bonbonnes de gaz, cuves
d'hydrocarbures, fragments de meuleuse, débroussailleuse, tondeuse dans le travail, freins de deux
roues, tôles, matières plastiques sur la voie publique, etc.

Contusion ou écrasement

Ils peuvent s'associer ou être seuls responsables de plaies thoraciques complexes (accident du tableau
de bord, corps projeté par une explosion).

L'importance pronostique de la contusion pulmonaire a été soulignée, d'abord, par les chirurgiens du
Walter Read Army Institute of Research : le syndrome de détresse respiratoire aigu (SDRA) est la
principale cause de décès secondaire chez les traumatisés thoraciques hospitalisés. La gravité est
corrélée à l'intensité du choc et au volume de parenchyme concerné [21]. Asymptomatique et
radiologiquement non visible pendant les premières heures, contrairement à l'hématome, la contusion
pulmonaire entraîne une congestion progressive des capillaires par agrégation des polynucléaires
neutrophiles et des plaquettes. L'atteinte du tissu interstitiel comportant oedème et hémorragie réalise
une inondation alvéolaire. La fibrose interstitielle secondaire conduit macroscopiquement à l'hépatisation
pulmonaire, fonctionnellement à une diminution de la capacité résiduelle fonctionnelle, une
augmentation de l'espace mort et donc à un déséquilibre du rapport ventilation-perfusion comportant
un effet shunt ; s'y ajoute une surinfection précoce par défaillance des mécanismes de défense des
voies aériennes (toux). Ceci justifie de bien connaître le syndrome contusionnel pour le différencier
d'une pneumopathie par inhalation, d'une atélectasie, d'un oedème pulmonaire, d'une embolie
graisseuse, et pour le traiter par ventilation contrôlée prolongée en pression expiratoire positive .

Il apparaît ainsi que les lésions sont polymorphes, de description difficile et, surtout, difficiles à imaginer
correctement lors de l'examen initial (fig 3). C'est pourquoi on s'attachera, d'abord, à reconnaître
leurs conséquences physiopathologiques.

Phases évolutives

Trois phases évolutives schématisent l'évolution d'un traumatisme thoracique. Les deux premières nous
intéressent ici. Le pronostic vital est immédiatement engagé par une lésion thoracique qui, pour son
propre compte, ou en association avec une autre, entraîne un déséquilibre cardiorespiratoire d'évolution
spontanée mortelle (phase primaire) ; il est engagé, encore, à la phase secondaire, par aggravation
mutuelle des désordres physiologiques et du facteur infectieux. La troisième phase sera celle des
séquelles.

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PRISE EN CHARGE DU BLESSÉ

Quel que soit le lieu et le stade évolutif de la prise en charge (lieu de l'accident, évacuation, service des
urgences...), le médecin doit :

Evaluer l'importance et le retentissement du traumatisme thoracique ;


Traiter, en fonction de l'urgence et des lésions, par la mise en oeuvre de certains
gestes vitaux ;
Prévoir l'étape thérapeutique ultérieure.

Ces trois démarches, évidemment simultanées, sont artificiellement séparées dans le discours et seront
présentées comme autant de « conduites à tenir » face à des situations particulières.

Face à une détresse respiratoire

Le diagnostic est clinique et comprend des signes fonctionnels : oppression thoracique et/ou cervicale,
sueurs, agitation, troubles du comportement, voire coma ; et des signes d'examen : cyanose, dyspnée
sous forme de tachypnée (fréquence respiratoire > 35 cycles/min) ou de bradypnée (fréquence
respiratoire < 12 cycles/min) si l'hypoxémie est majeure, tirage sus-sternal et intercostal.

Assurer la liberté des voies aériennes

Celle-ci peut être compromise :

au niveau intrabuccal, par des corps étrangers : prothèse dentaire, dents


fracturées, caillots frais ou encore par la chute de la langue en arrière ;
au niveau de la filière laryngotrachéale, par une plaie pénétrante, suspectée
devant une plaie cervicale laissant ou non béantes les voies aériennes supérieures
avec un bullage cervical, un emphysème sous-cutané cervical extensif, une
dysphonie... ;
au niveau trachéobronchique, par plaie ou compression extrinsèque (hématome
compressif, éclat...).

Il faut procéder par ordre :

extraction au doigt ganté des obstacles intrabuccaux en mobilisant avec prudence


le rachis cervical (association possible à une lésion rachidienne) ;
mise en place d'une canule de Guedel pour contenir la bascule postérieure de la
langue ;
oxygénation au masque.

Discuter en fonction des lésions (mais aussi des moyens disponibles, de la compétence...) :

une intubation orotrachéale après anesthésie locale glottique (Xylocaïne® spray 5


%) de réalisation délicate en urgence ;
une coniotomie, si l'on possède le kit et sa technique de manipulation, en cas
d'intubation impossible ;
une trachéotomie, notamment s'il y a un traumatisme de l'arbre trachéobronchique
ou d'importantes lésions maxillofaciales ; ce geste permettra une bonne ventilation
manuelle, puis mécanique, à la stricte condition d'avoir drainé, avant, un éventuel
épanchement pleural...

Assurer la vacuité pleurale

La pénétration traumatique de l'espace pleural rend quasiment inéluctable la présence d'un


épanchement. Dans les meilleurs cas, celui-ci restera minime, nécessitant une surveillance étroite. Tous
les autres doivent être drainés.

Un emphysème sous-cutané (crépitation neigeuse au palper) évoque tout de suite le pneumothorax. Si


celui-ci se caractérise par le tympanisme à la percussion, la matité révèle l'hémothorax ; dans les deux
cas, il existe un silence auscultatoire, l'association sous forme d'hémopneumothorax est extrêmement
fréquente dans les plaies. Si la détresse respiratoire s'installe, sur un thorax « bloqué », asymétrique,
c'est sans doute que cet épanchement devient compressif. L'urgence ne permettra plus d'attendre le
cliché thoracique avant de lever la compression.

On s'aidera, alors, d'une ponction (fig 4) première à l'aide d'un trocart de gros calibre 14 G ou 16 G,
soit au niveau du deuxième espace intercostal, sur la ligne médioclaviculaire, soit dans le quatrième ou
cinquième espace intercostal, sur la ligne axillaire moyenne. Cette ponction doit être aseptique, avec
désinfection cutanée au produit iodé, anesthésie locale à la Xylocaïne® 1 %, le cheminement de
l'aiguille se fait au bord supérieur de la côte inférieure, le « vide à la main ». Face à la compression, la
simple mise en place de l'aiguille, nécessaire, est souvent suffisante pour rétablir l'équilibre.

Ici, comme dans les autres cas, elle peut être une précaution diagnostique avant le drainage lorsque
l'examen radiologique n'est pas disponible (sur les lieux de l'accident, par exemple). Si de l'air ou du
sang viennent facilement, l'épanchement pleural est confirmé et le drainage sera réalisable en toute
sécurité. Il doit être mis en place pour améliorer les conditions ventilatoires (obligatoirement en cas de
ventilation assistée qui aggraverait le caractère compressif).

- la thoracostomie sur tube ou drainage thoracique est le geste le plus habituel face à cette pathologie
[16]
.

Quatre exigences doivent être impérativement respectées : asepsie, irréversibilité, perméabilité,


efficacité. Une technique de pose rigoureuse, un matériel adapté et une surveillance précise permettent
de répondre à ces objectifs.

Les sites de pose sont ceux décrits pour la ponction, nous préférons la voie axillaire moyenne pour les
épanchements sanguins ou mixtes, la voie antérieure étant utilisable pour un deuxième drain ou un
pneumothorax simple.

Les drains sont assez souples pour ne pas être agressifs, assez rigides pour ne pas se collaber, ni à la
dépression (jusqu'à - 100 cm d'eau), ni au passage intercostal, ni dans un coude intrathoracique ; ils
possèdent un repère radio-opaque permettant de contrôler leur position. Les gros drains Charrière 28
ou 32 sont préférés, par la majorité des auteurs, en cas de traumatisme thoracique, au pleurocathéter
de calibre insuffisant. L'utilisation de trocarts externes type Monod ou Couraud, ou de trocarts internes
prémontés type Joly est affaire d'habitude. Le matériel à bout mousse et un minimum de dissection
limitent le risque iatrogène .

Technique

Le patient est en décubitus dorsal, bras en abduction ou main sous la tête. Après désinfection locale,
l'anesthésie est large, de la peau à la plèvre, en insistant au bord supérieur de la côte. L'incision, de
l'ordre de 2 à 3 cm, est parallèle au bord supérieur de la sixième côte, sur la ligne axillaire moyenne.
Elle intéresse, au minimum, tous les plans superficiels, jusqu'à la côte. Si on utilise le drain trocart de
Joly (fig 5), on le saisit toujours à deux mains, la droite pousse le pommeau, la gauche oriente le
mouvement du bord supérieur de la côte vers le milieu de la clavicule homolatérale [16], l'index gauche,
proche de l'extrémité du drain, retient les mouvements intempestifs [22]. Dès que la paroi est franchie,
sans aucune brutalité, le mandrin est maintenu et seul le drain est glissé dans le thorax, en bonne
direction. Si on utilise un drain sans le mandrin, on discise, à la pince de Kelly ou aux ciseaux, un
passage transmusculaire jusqu'à réaliser la pleurotomie sans crainte de réaliser un pneumothorax
(puisqu'il existe déjà et qu'on vient le drainer...), on vérifie, à la pointe de l'index, l'absence d'adhérence
pleurale (fig 6), et on guide le drain à la pince selon les mêmes principes que précédemment.

Cette deuxième méthode, préférée des chirurgiens et de nombreux réanimateurs, est beaucoup plus
sûre... et pas plus difficile à réaliser que la première, elle ne nécessite pas de matériel spécifique. Le
drain est ensuite fixé à la peau avec du fil non résorbable tressé décimale 4 en assurant l'étanchéité de
la plaie autour du point de pénétration, une bourse de fil monobrin non résorbable décimale 4 est
passée, ses fils gardés longs, roulés dans le pansement, en prévision de l'ablation du drain.

Le système de drainage comprend, au minimum, une valve antiretour type flutter-valve de Heimlich à
une ou deux chambres. Relié systématiquement en première intention à une poche à urine stérile, ce
système représente le plus simple et le plus universel des récupérateurs de sang qui, bien sûr, existent
sous des formes plus sophistiquées. Dans des circonstances exceptionnelles, un système antiretour « de
fortune » peut être confectionné à l'aide d'un simple doigt de gant chirurgical fixé en bout de drain et
dont l'extrémité pulpaire est fendue en gueule de requin (fig 1). Le système de drainage classique
comporte au minimum un bocal avec chambre de scellé sous eau, plus souvent deux bocaux ; il existe
de nombreuses unités de drainage compactes, à usage unique, équivalant à deux ou trois bocaux,
contenant ou non un système de régulation de la dépression, comportant ou non un bocal de
récupération de l'épanchement sanguin ; leur intérêt réside surtout dans la suppression des
manipulations ultérieures. L'essentiel est de choisir un matériel parfaitement connu, non seulement de
celui qui le pose, mais aussi de ceux qui seront amenés à le surveiller ; dans cette optique, le plus
simple est souvent le meilleur.

L'aspiration est assurée par un appareil portatif (le plus rudimentaire est la valve de Heimlich à deux
chambres) ou par un vide mural. Afin d'éviter une réexpansion brutale, elle-même source de
traumatisme, d'oedème et de douleur, la dépression ne doit pas être trop importante au départ (-20 à -
30 cm d'eau). Il est préférable de la régler soit sur l'unité de drainage, soit par l'intermédiaire d'une
colonne de Jeanneret, plutôt que grâce à un manomètre mural, en règle moins fidèle. Le sens de
montage des différents éléments, l'étanchéité des raccords (qui ne seront jamais dissimulés sous un
sparadrap), la valeur de la dépression, le bullage sont contrôlés, le caillotage dans le système de
drainage est prévenu par une traite régulière des tuyaux souples d'aspiration. Il ne faut jamais clamper
le drain pendant toute cette phase d'urgence.

Cette mise en place vient d'être décrite pour une lésion « à thorax fermé », cas le plus fréquent, même
après une plaie ; il n'en est pas toujours de même, il peut y avoir rupture de la continuité pariétale qui
imposera des gestes spécifiques.

Assurer l'étanchéité et la stabilité de la paroi

S'il existe un volet thoracique instable, reconnaissable à la respiration paradoxale, il faut le stabiliser.
Dans le cadre de l'urgence, une contention de fortune par capitonnage et bandage élastique,
maintenant en dépression stable le volet, peut faire passer un cap. A l'hôpital, la stabilisation
pneumatique interne par ventilation assistée en pression positive permanente est mise en oeuvre si le
patient a dû être intubé. L'ostéosynthèse, les tractions costales ou suspensions sternales ne seront
indiquées qu'après un bilan détaillé.

Le thorax soufflant (traumatopnée) ne pose aucun problème diagnostique. Il doit être rapidement fermé
sous couvert d'un drainage qui préviendra le pneumothorax compressif, ramenant au problème
précédent. Cette fermeture peut se faire par pansement gras, étanche, et/ou par suture prenant
largement les berges, cutanées ou musculaires. Un moyen provisoire simple et efficace consiste à coller
un champ plastique sur trois côtés de la plaie béante, un repli sur le quatrième côté interdit l'adhésion.
Ainsi est réalisée une valve qui laisse sortir l'air sous pression mais interdit son entrée par la brèche
thoracique (fig 7).

Face à une détresse circulatoire

Reconnaître un choc hémorragique

Cela ne présente pas de difficulté, le seul piège peut être de laisser, à bas bruit, décompenser un choc
latent en sous-estimant les pertes sanguines, particulièrement en présence d'associations lésionnelles.

L'objectif est, ici, de limiter ces pertes sanguines : pansement compressif des plaies accessibles et, si
nécessaire, hémostase élective, à la pince ou par ligature appuyée de vaisseaux pariétaux facilement
repérables (jamais de pince « à l'aveugle ») ; récupération, d'autre part, du sang de l'hémithorax
drainé. Ce sang pourra ainsi être immédiatement retransfusé après traitement, pratiquement sans limite
de quantité.

Il faut, en même temps, compenser les pertes : pose de deux voies veineuses périphériques de bon
calibre avec passage de solutés macromoléculaires en attendant le sang isogroupe isorhésus
commandé, surveillance du remplissage vasculaire, surveillance de la diurèse. Deux points méritent
d'être soulignés si l'hémothorax est massif : le remplissage veineux doit être commencé avant le
drainage ; il faut prévoir un abord veineux de gros calibre au membre inférieur (Desilet fémoral...) en
raison de la possibilité de plaie du système cave supérieur et donc d'un « remplissage thoracique
iatrogène ».

Reconnaître une tamponnade

Cela demande sans doute plus d'attention : on évoquera aisément la plaie du coeur devant un
traumatisé du thorax qui présente un orifice situé dans la zone éloquente de Mondor limitée en haut par
les extrémités internes des deuxièmes espaces intercostaux, en bas par le cinquième espace intercostal,
ligne mamelonnaire gauche, et le sixième espace intercostal au bord droit du sternum. Il faut l'évoquer
si, avec ou sans cette lésion, le patient, dont l'état est amélioré par la position demi-assise, présente la
classique triade de Beck : turgescence des jugulaires, chute de la tension artérielle et assourdissement
des bruits du coeur.

Le péricarde, initialement salvateur s'il est étanche, contient le sang épanché des cavités cardiaques.
Au-delà d'un volume variable (classiquement proche de 300 mL) la pression intrapéricardique augmente
brutalement, pour une augmentation du volume de l'hémopéricarde très faible. Si la pression dépasse
environ 15 cm d'eau, la gêne au retour veineux et au remplissage ventriculaire définit l'adiastolie et
provoque le syndrome de tamponnade. Il faut, très vite, ponctionner le péricarde, afin de ramener la
pression de l'épanchement dans une zone favorable, le volume à évacuer devant rester raisonnable (10
à 40 mL en moyenne) pour conserver au mieux le caractère hémostatique de la tension
intrapéricardique. On conçoit que la répétition du geste soit parfois inéluctable.

Technique

En salle d'urgence, ou au bloc opératoire, selon les conditions, le patient est en position semi-assise,
sous contrôle cardioscopique, le remplissage veineux est en cours ; il faut, impérativement, respecter la
ventilation spontanée (rôle de la dépression inspiratoire dans le retour veineux) et la tachycardie
(mécanisme compensatoire naturel de l'adiastolie). Après asepsie iodée, anesthésie locale de l'angle
costoxyphoïdien gauche (point de Marfan), on réalise la ponction (fig 8) lente avec une aiguille longue
montée sur seringue, le « vide à la main », à 45° par rapport au plan horizontal en direction
médioclaviculaire gauche. L'issue de sang dans la seringue signe la bonne position ; le contact
ventriculaire doit entraîner un retrait mesuré. L'aspiration dans la seringue doit s'accompagner d'une
amélioration quasi immédiate de la fonction cardiaque et donc de l'état clinique. Un catéther, muni d'un
robinet à trois voies, aura pu être mis en place sur un guide métallique introduit par l'aiguille de
ponction ; il permettra, si nécessaire, un contrôle itératif pendant le temps d'évacuation vers un bloc
opératoire.

Mesures complémentaires

La position demi-assise, en dehors de lésions associées qui la contre-indiqueraient (risque de


régurgitation chez un comateux, lésion rachidienne...) est la plus favorable.

Une oxygénothérapie au masque à haute concentration ou lors de la ventilation assistée est


systématique dans la prise en charge des détresses respiratoire et/ou circulatoire. Un oxymètre de pouls
est installé, ses indications sont fiables tant que l'hémodynamique est correcte.

L'antibiothérapie reste discutée selon les conditions et le délai d'évacuation [19] ;


elle est, néanmoins, largement utilisée (du type pénicilline seule ou en association
avec le métronidazole), compte tenu du caractère obligatoirement souillé des
lésions.
Les antalgiques sont indispensables dès le début de la prise en charge. En levant la
« paralysie réflexe » de la cage thoracique et du diaphragme, ils sont le meilleur
moyen de lutte contre l'encombrement s'ils autorisent une toux efficace et une
bonne réexpansion pulmonaire. Les morphiniques et dérivés sont parfaitement
utilisables sous la stricte réserve d'une administration titrée.
Les lésions associées sont prises en compte par ordre de gravité : un coma
neurologique impose, chez un patient non intubé, la position latérale de sécurité ;
une lésion hémorragique abdominale appelle les mesures classiques s'opposant à
la détresse circulatoire, pour les membres, une plaie demande un pansement
compressif, exceptionnellement un garrot ; les fractures sont immobilisées avant le
transport (matelas coquille au moindre doute sur une lésion rachidienne, attelles
diverses).

Evacuation

Au cours de cette prise en charge, enfin, il faut garder à l'esprit les étapes ultérieures : le transport vers
une unité de traitement se fera sous contrôle médical, une fois réalisés les gestes indispensables.
Contrairement aux idées reçues, la voie aérienne est parfaitement utilisable, sans danger jusqu'à 1500
mètres ou dans un avion pressurisé, sinon, sous couvert d'une aspiration de - 100 cm d'eau dès lors
qu'un drainage est en place. Les conditions d'une catastrophe collective imposent le triage, c'est-à-dire
la classification des urgences et la mise en condition d'évacuation. L'asphyxie aiguë et le choc sont des
extrêmes urgences traitées sur place, sans aucun délai. Le plus souvent, l'un des gestes précédemment
décrits les transformera en urgences relatives, capables de rejoindre, dans de bonnes conditions, un
centre de traitement équipé. Il faut avoir à l'esprit la notion d'urgence potentielle [2] : une blessure
thoracique apparemment bien tolérée peut entraîner une décompensation brutale (reprise
hémorragique, épanchement devenant compressif, encombrement trachéobronchique...). Une plaie du
thorax, quelle qu'elle soit, est une urgence qui doit, au minimum, rester sous contrôle d'une surveillance
hospitalière.

L'horaire de mise en route des différents traitements s'adapte aux différentes situations cliniques.

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TABLEAUX CLINIQUES

Blessés thoraciques graves d'emblée


Ils se présentent avec :

une détresse respiratoire aiguë par thorax soufflant et/ou pneumothorax


compressif et/ou obstruction des voies aériennes supérieures ;
un tableau d'hémorragie massive : blessé blanc ;
une tamponnade cardiaque par plaie du coeur ;
au maximum, un état de mort apparente : absence de pouls, désamorçage
cardiaque en cours de réanimation, qui nécessite un geste de clampage aortique
immédiat. C'est le domaine de la « thoracotomie de ressuscitation », dans la salle
d'urgence, très spectaculaire, hélas rarement récompensée (3 % de survie
environ) [20].

Blessés thoraciques compensés

D'emblée ou grâce aux gestes précédents, ils représentent la majorité des cas en pratique quotidienne.
Sous couvert de mesures élémentaires de réanimation, ces blessés à l'état respiratoire et
cardiovasculaire stable, vont bénéficier d'un examen clinique et paraclinique plus détaillé.

Examen clinique

Sur patient dévêtu, il recherche les orifices cutanés d'entrée et de sortie des projectiles, même à
distance, même cachés. On reconstituera mentalement le trajet [6] pour imaginer les lésions certaines,
probables ou possibles et suspecter d'emblée une éventuelle association abdominale ou cervicale.
Inspection, palpation, percussion et auscultation intéressent, en tout état de cause, le thorax,
l'abdomen, le cou. L'examen neurologique est indispensable pour ne pas méconnaître une lésion
rachidienne, il n'est pas toujours interprétable sur la victime sédatée, intubée et ventilée d'emblée.
L'examen, enfin, recherche systématiquement des lésions à distance et apprécie le retentissement
général.

Examen radiologique

Il peut et doit être réalisé dans la salle d'urgence, il suffit de préparer une cassette radio sur le lit où
sera déposé le blessé pour faire un premier cliché de face. Ce cliché, classique ou numérisé donne un
premier aperçu de la gravité lésionnelle en complétant la clinique, peut guider un geste thérapeutique
urgent et sert de référence pour la suite du traitement [5]. Le pneumothorax est reconnu à l'absence
d'image parenchymateuse dans un champ pulmonaire ou à son décollement par rapport aux parois. Si
les côtes semblent s'écarter et si le médiastin est refoulé de l'autre côté, la compression est déjà
installée. En position debout, un épanchement liquide se reconnaît à la courbe de Damoiseau, montant
dans l'aisselle. La présence d'une image de niveau est pathognomonique d'un épanchement mixte,
aérien et liquide. Le plus souvent réalisé en position couchée, le cliché ne montrera, en fait,
l'hémothorax que par une grisaille diffuse du champ pulmonaire. Enfin, on vérifiera le médiastin
(élargissement, grisaille d'un épanchement gazeux, hémopéricarde...), la localisation (ou l'absence) d'un
corps étranger projectilaire et s'ils sont déjà en place, la situation des drains, de la sonde gastrique...

Plus discutée dans l'urgence vraie, supposant la présence effective du radiologue dans la salle d'accueil,
l'échographie pourrait mieux quantifier l'épanchement liquide [9].

Aussitôt que l'état général le permet, en revanche, elle sera demandée en salle de radiologie, avec un
bilan complet (crâne-thorax-abdomen) où la tomodensitométrie apporte des éléments précis ; l'hémo-
et le pneumomédiastin, l'étendue des lésions pleuroparenchymateuses et la contusion sont bien souvent
sous-estimés par la clinique et la radiographie standard ; mieux encore, 60 % des pneumothorax et 40
% des hémothorax ne seront reconnus que par le scanner, et 30 % de ces lésions nécessiteront un
geste thérapeutique ! [9]. La découverte d'une brèche diaphragmatique, d'un pneumo- ou d'un
hémopéritoine impose à elle seule un contrôle abdominal.

L'artériographie peut être nécessaire à la recherche de lésions de l'isthme ou de la gerbe aortique.

Examens endoscopiques

Ils peuvent être demandés en urgence.


L'endoscopie trachéobronchique, indiquée devant un emphysème cervical ou un pneumomédiastin,
recherche une solution de continuité de l'arbre trachéobronchique. Cet examen peut être pris en défaut
si les lésions sont petites.

L'endoscopie oesophagienne, indiquée devant un emphysème cervical, ici plus discret, un


pneumomédiastin, la présence de sang dans le tube digestif ou, secondairement, devant une
médiastinite, comporte un pourcentage d'échec important. Son rendement est amélioré si elle est
couplée à un transit oesophagien aux hydrosolubles.

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PRINCIPES DU TRAITEMENT ULTÉ RIEUR

Moyens médicaux

Ils ont été envisagés au cours de la prise en charge, ils sont toujours utilisés à des degrés divers.

L'abstention armée, sous rigoureux contrôle clinique et paraclinique est l'attitude la


plus conservatrice ; elle comprend les prescriptions proposées aux « mesures
complémentaires », suppose un parfait équilibre circulatoire et respiratoire et n'est
légitime qu'en présence de lésions anatomiques minimes pouvant cicatriser
spontanément.
La ponction, les thoracostomies sur tube sont habituellement nécessaires, le plus
souvent suffisantes en complément du traitement médical.
Des moyens de réanimation lourds de soutien circulatoire ou comportant une
ventilation assistée avec ses différentes techniques sont utilisés seuls (cas des
contusions étendues) ou associés à la chirurgie si les mesures habituelles ne
permettent pas d'obtenir, très vite, un équilibre tensionnel stable et une
oxygénation correcte du sang périphérique.

Buts du traitement chirurgical

La désinfection-parage de la plaie, classique, représente sa version minimale et souvent suffisante, en


salle d'accueil parfois.

Les voies d'abord et les techniques de la chirurgie thoracique réglée seront, si possible, utilisées dans
les autres cas : intubation sélective, thoracotomies antérieure, latérale, postérolatérale en décubitus
latéral, sternotomie en décubitus dorsal, chirurgie thoracique vidéoassistée pour certaines équipes. Mais
parfois l'urgence extrême, la précarité de l'équilibre circulatoire interdisant toute mobilisation ou la
conformation même des lésions imposeront des techniques adaptées : voie antérieure ou sternotomie,
mais aussi voies élargies telles que la thoracotomie antérieure complétant une sternotomie verticale, la
thoracotomie bilatérale avec section horizontale du sternum, l'extension au cou, à l'abdomen, d'une voie
thoracique ou encore une thoracotomie « transtraumatique » [7], c'est-à-dire utilisant au mieux le
parage pour ne pas aggraver la perte en éléments de couverture et de reconstruction primitive ou
secondaire.

L'hémostase sera assurée par clampage, ligature ou suture vasculaire ou cardiaque, traitement des
lésions pariétales, exérèse parenchymateuse ; dans les cas les plus dramatiques, un tamponnement, de
réalisation délicate dans le thorax, sera la seule solution.

La pneumostase est faite le plus souvent par simple suture, quelquefois (en même temps que
l'hémostase) par résection atypique, lobectomie, voire pneumonectomie de sauvetage.

La stabilisation pariétale relève de l'ostéosynthèse par agrafes, type Judet, ou de l'embrochage sternal
ou costal.

L'étanchéité est assurée par simple suture musculocutanée, parfois par des techniques de lambeaux ou,
plus volontiers dans l'urgence, grâce à des renforts synthétiques type plaque de polytétrafluoroéthylène
(PTFE) ou constituée de matériaux lentement résorbables.

Les lésions rares de l'oesophage seront traitées par suture, dérivation, exclusion, celles du canal
thoracique sont liées, le plus difficile étant de savoir les repérer lors de la prise en charge initiale.

Quand proposer le traitement chirurgical ? [17]

Immédiatement

Devant un état de mort apparente venant de survenir : thoracotomie de


ressuscitation, en salle d'urgence, afin de réaliser un clampage de l'aorte
thoracique descendante, un massage cardiaque interne, de vider un
hémopéricarde.
Devant une plaie thoracique béante avec traumatopnée, utilisée comme voie
d'abord, nécessitant au minimum un parage, une exploration chirurgicale, une
suture et une thoracostomie sur tube.

En urgence

Devant une tamponnade : traitement de la plaie du coeur.


Devant un saignement majeur extériorisé par les drains (plus de 1,5 L et/ou plus
de 300 mL/h pendant 4 à 6 h) ou devant l'extériorisation brutale par le drainage
d'un grand volume de sang. Rappelons l'importance de la récupération du sang
épanché.
Devant un bullage majeur mal contrôlé par le drainage, en particulier si le
parenchyme pulmonaire n'est pas ramené à la paroi ou si l'équilibre respiratoire
est précaire.
Devant un hémopneumomédiastin évolutif.
Devant la découverte de lésions d'organes nécessitant une correction chirurgicale
rapide (plaies trachéobronchiques, oesophagiennes, diaphragme...).
Du fait de trajets particuliers cervicothoraciques ou abdominothoraciques.

Dans les premiers jours

Devant un hémothorax que l'on ne parvient pas à évacuer (il s'agit d'un caillotage
par défaut de drainage initial).
Devant un hématome pulmonaire évolutif ou une hémoptysie persistante :
résection.
Devant un pyothorax : lésion méconnue ?

Tardivement pour des séquelles

Empyème, décortication, reconstruction pariétale, etc.

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CONCLUSION

La prise en charge de toute plaie est un acte chirurgical. La gravité particulière, immédiate ou
potentielle, des plaies thoraciques justifie l'intérêt qu'y porte le réanimateur. Nombre de blessés
thoraciques n'atteignent pas l'hôpital ; c'est dire l'importance de l'horaire des premiers secours, de la
médicalisation du ramassage et du transfert vers une structure hospitalière. La collaboration entre
urgentiste, chirurgien et réanimateur doit être prévue et organisée avant l'accident. Elle est la meilleure
chance d'améliorer la prise en charge, en particulier préhospitalière, et de diminuer le taux de mortalité
ou l'importance des séquelles.

Références

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thorax. In: Encycl Med Chir (Ed.) Urgences, 24-117-D10 Paris Elsevier: 1987; 20 [interref]
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Kousseri et à Riggil du 1er avril au 15 novembre 1980. Med Armées 1986 ; 8 : 677-680
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personnel cases. J Ther Cardiovasc Surg 1985 ; 89 : 723-733

© 1997 Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS - Tous droits réservés

Fig 1 :
Fig 1 :

Position du drain dans l'espace intercostal (A) et mise en place d'un dispositif antiretour de
fortune (B).

Fig 2 :
Fig 2 :

[4]
A. Tournoiement de l'éclat en parties molles (d'après la méthode de Fackler ). Cavité
temporaire (gris clair). Cavité permanente (gris foncé).

B. Bascule des balles blindées d'arme d'épaule.

C. Balle blindée qui n'a pas basculé.

D. « Champignonnage ».

E. Fragmentation du projectile.

F. Polycriblage par plombs de chasse.

Fig 3 :
Fig 3 :

Représentation schématique des principales lésions (d'après Delaye A. Chirurgie d'urgence en


situation précaire. Editions Pradel, Paris, 1996).

1. Plaie pulmonaire petite ou superficielle (fuite d'air) ; 2. hémothorax ; 3. volet costal associé ;
4. contusion et/ou hématome pulmonaire ; 5. fracture costale et/ou lésion du pédicule
intercostal ; 6. hémopneumothorax ; 7. parésie diaphragmatique ; 8. plaies trachéobronchiques
; 9. plaies des gros vaisseaux ; 10. plaie pulmonaire profonde (hémorragie) ; 11. plaie du coeur
; 12. hémopéricarde ; 13. plaie ou rupture diaphragmatique associée ; 14. plaie de l'oesophage.

Fig 4 :
Fig 4 :

Ponction et/ou drainage dans le cinquième espace intercostal, ligne axillaire moyenne ou dans le
deuxième espace intercostal, ligne médioclaviculaire.

Fig 5 :

Fig 5 :

Introduction d'un drain-trocart de type Joly.

Fig 6 :
Fig 6 :

Thoracostomie sans mandrin.

Fig 7 :

Fig 7 :

Obturation provisoire d'une brèche thoracique soufflante.

1.Inspiration
2.Expiration.

1. Zone d'adhérence à la peau ; 2. repli faisant office de clapet antiretour.

Fig 8 :
Fig 8 :

Ponction d'un épanchement intrapéricardique.


¶ 25-200-C-20

Prise en charge des traumatisés crâniens


graves
K. Tazarourte, O. Kleitz, S. Laribi, B. Vigué

La prise en charge des traumatismes crâniens graves a bénéficié récemment d’une meilleure
compréhension des mécanismes physiopathologiques du cerveau lésé. L’importance des phénomènes
cérébraux ischémiques secondaires au traumatisme est établie et ce sont eux qui rendent compte de la
morbidité et de la mortalité les plus lourdes. En dehors de tout processus expansif intracrânien,
l’hypotension artérielle et l’hypoxie sont les deux principaux déterminants du risque de lésions cérébrales
ischémiques secondaires. En pratique clinique, le contrôle de l’hémodynamique périphérique et de la
ventilation est l’objectif prioritaire. Toutefois, seul un monitorage de l’hémodynamique cérébrale
permettra d’adapter les objectifs hémodynamiques pour un patient donné. Le doppler transcrânien est
un outil de choix dans cette stratégie.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Traumatisme crânien grave ; Préhospitalier ; Hypotension artérielle ; Mydriase ; Mannitol

Plan de ces patients et un net bénéfice en termes de mortalité (de


52 % en 1977 à 26 % en 1998) et de morbidité puisque les
patients sans séquelles ou avec séquelles mineures sont passés
¶ Introduction 1
de 35 % en 1977 à 58 % en 1998. [1]
¶ Principaux facteurs pronostiques 1 Ces changements d’attitude thérapeutique résultent de la
État neurologique 1 mise en évidence de l’importance des phénomènes ischémiques
Hypoxie et hypotension artérielle 2 secondaires au traumatisme. Alors qu’un cerveau normal est
¶ Traitements à la phase préhospitalière 2 extrêmement bien protégé contre les accidents périphériques
Intubation trachéale 2 tels que l’hypoxémie ou l’hypotension artérielle, il a été
Remplissage vasculaire et catécholamines 2 démontré qu’après un traumatisme crânien, même mineur, le
Contrôle de la capnie 4 cerveau devenait très sensible aux agressions ischémiques. Il
Position de la tête 4 existe maintenant de nombreuses preuves expérimentales et
Contrôle de la température 4 cliniques de cette plus grande sensibilité du cerveau trauma-
¶ Stratégie de prise en charge d’un TCG à l’accueil 4 tisé. [2, 3] Même si, en pratique, les événements susceptibles de
Accueil en salle de déchocage 4 provoquer des ischémies secondaires ne touchent que 50 % des
Contrôle de l’hémodynamique périphérique 5 patients, ce sont ces patients qui rendent compte de la mortalité
Monitorage cérébral 5 et de la morbidité les plus lourdes. [4, 5] Ceci explique pourquoi
Contrôle de l’hémostase 7 de nombreuses études se sont orientées vers la prévention et le
Contrôle de la température corporelle 7 traitement de ces épisodes ischémiques. [6, 7] Toutes ces études
Prévention des convulsions 7 démontrent que la précocité et la qualité de la prise en charge
dans les heures qui suivent le traumatisme sont essentielles au
¶ Conclusion 8
devenir du patient. Le principal but de cette prise en charge sera
d’assurer une hémodynamique cérébrale satisfaisante en luttant
contre les causes périphériques (hypoxémie et/ou hypotension)
■ Introduction ou centrales (engagement cérébral) d’ischémie cérébrale.

Le traitement des patients victimes de traumatisme crânien


grave (TCG) a longtemps été décevant, avec un pronostic
■ Principaux facteurs pronostiques
aléatoire, des séquelles lourdes, des situations psychologiques
personnelles et familiales difficiles et un coût non négligeable
État neurologique
pour la société. Ce qui était considéré comme une fatalité a eu Le score calculé à partir de l’échelle définie par l’équipe de
pour conséquence, de la part du corps médical, un fréquent Glasgow ou le « Glasgow coma scale » (GCS) [8] est devenu la
désintérêt pour ces patients. Cependant, depuis plusieurs référence pour définir un état neurologique en urgence
années, un regain d’intérêt pour la physiopathologie du trau- (Tableau 1). Cet indice est largement utilisé car il est de calcul
matisme crânien a permis de progresser dans la compréhension simple, reproductible et de grande valeur pronostique. Le GCS
des phénomènes en cause et de proposer des traitements d’un patient traumatisé crânien prédictif du pronostic est le
simples. Ces avancées scientifiques, mêmes incomplètes, ont meilleur score retrouvé après stabilisation hémodynamique et, si
entraîné une amélioration de la prise en charge thérapeutique possible en l’absence de sédation, dans les premières heures

Médecine d’urgence 1
25-200-C-20 ¶ Prise en charge des traumatisés crâniens graves

Tableau 1. les traiter. Ces résultats, précocement suggérés par certains [10]
Échelle du score de Glasgow (GCS). ont, par la suite, été confirmés par de nombreuses études. [11, 13]
GCS Réaction Points
Stocchetti et al. [11] retrouvent, sur le lieu de l’accident, une
hypoxie dans 28/49 cas (57 %) et une hypotension artérielle
Ouverture des yeux Spontanée Y4 dans 12/49 cas (25 %). Le pronostic à 6 mois était significative-
À l’appel Y3 ment corrélé à ces deux événements avec un rôle prédominant
À la douleur Y2 de l’hypotension artérielle. Ceci peut être lié à la durée de
Pas d’ouverture Y1 l’hypotension qui est beaucoup plus difficilement corrigée lors
de la prise en charge. En effet, ces auteurs [11] montrent que
l’hypoxie était corrigée dans plus de 80 % des cas à l’arrivée à
Réponse verbale Claire V5
l’hôpital, alors que l’hypotension artérielle n’était corrigée que
Confuse V4
dans 33 % des cas. Nous retrouvons des résultats analogues dans
Incohérente V3 une étude rétrospective réalisée en Île-de-France concernant
Incompréhensible V2 304 patients traumatisés crâniens. [13] À la prise en charge,
Pas de réponse V1 77 patients étaient hypoxiques et 59 hypotendus. À l’arrivée à
l’hôpital, seuls 19 patients étaient toujours hypoxiques alors que
Réponse motrice Exécute les ordres simples M6 51 patients étaient encore hypotendus. En moyenne, l’oxymé-
trie de pouls a été normalisée (83 ± 33 versus 97 ± 11 %,
Réaction localisatrice M5
p < 0,0001) par la prise en charge médicalisée préhospitalière
Évitement M4
alors que la pression artérielle moyenne (PAM) n’était pas
Flexion réflexe M3 modifiée (82 ± 33 versus 80 ± 35 mmHg, ns).
Extension réflexe M2 La première cause d’hypotension retrouvée est l’hémorragie.
Pas de réponse motrice M1 Quelques cas ont été décrits après osmothérapie (mannitol) et
Score total : Y + V + M ; score maximal : 4 + 5 + 6 = 15.
semblent liés à une hypovolémie provoquée par les propriétés
diurétiques des produits osmolaires. Analysant rétrospective-
ment en détail les causes d’hypotension artérielle dans un
post-traumatiques. Le traumatisme crânien grave est défini par collectif de 59 patients, Chesnut et al. [14] ne retrouvent aucune
un GCS ≤ 8, ce qui correspond à l’absence de réponse (verbale cause évidente pour 21 d’entre eux. Il estime que cette
ou motrice) aux ordres simples. Malgré l’efficacité du GCS défaillance hémodynamique est purement d’origine centrale et
comme outil de diagnostic, de surveillance et de pronostic, des pose alors la question de la précocité de l’introduction des
discussions ont eu lieu pour préciser l’importance de ses catécholamines. Un travail récent, [15] analysant les causes
différents composants. Il est admis par tous qu’en cas d’asymé- d’hypotension artérielle chez 231 patients victimes d’un TCG,
trie, le score du meilleur côté est pris comme référence. Certai- estimait que chez 30 patients (13 %) l’hypotension artérielle
nes équipes [9] proposent l’utilisation de la seule composante était vraisemblablement d’origine centrale. Dans cette étude la
motrice cotée de 1 à 6 comme guide décisionnel. Les TCG sont présence d’une hémorragie expliquait 49 % des phénomènes
ceux dont la composante motrice est inférieure ou égale à 5, d’hypotension artérielle observés.
c’est-à-dire, là aussi, des patients qui ne répondent pas à un Il est à noter que la persistance de l’hypotension artérielle est
ordre simple. Cette méthode d’évaluation permet d’éliminer les retrouvée dans les articles européens [11, 13] où le transport est
composantes verbale et oculaire du GCS dépendantes d’éven- médicalisé comme dans les articles américains où la prise en
tuelles lésions maxillofaciales. La constatation lors de l’examen charge est le plus souvent effectuée par des paramédicaux
clinique initial d’un tel état de gravité impose donc, en premier spécialisés. [4]
lieu, les contrôles des voies aériennes supérieures et de l’hémo- Le traitement et la prévention des épisodes d’hypoxie et
dynamique périphérique. [6, 7] d’hypotension artérielle sont devenus une règle d’or de la prise
en charge préhospitalière des TCG. [6, 7]

Hypoxie et hypotension artérielle


Il est difficile de dissocier les épisodes d’hypoxie (SaO 2 ■ Traitements à la phase
< 90 %) et d’hypotension artérielle (définis par une valeur de
pression artérielle systolique [PAS] < 90 mmHg), même si
préhospitalière
l’hypoxie est le plus souvent rapidement corrigée. En effet, ces
deux situations restent, dans toutes les études, non seulement Intubation trachéale
les premières causes de diminution des apports d’oxygène au L’intérêt de l’intubation trachéale après TCG est démontré
cerveau mais aussi, avec le GCS initial, les deux principaux dans une étude rétrospective où 351 patients sont analysés. [16]
facteurs pronostiques du TCG en préhospitalier. [4, 10, 11] De Dans le groupe des TCG isolés, la mortalité précoce double si les
plus, l’association de ces deux événements potentialise l’appari- patients ne sont pas intubés (50 % vs 23 %).
tion des lésions ischémiques cérébrales, de l’œdème cérébral et Les recommandations pour la prise en charge des TCG [6, 7]
donc de l’importance de l’hypertension intracrânienne (HTIC) préconisent pour l’intubation trachéale en urgence une induc-
post-traumatique. [12] tion anesthésique à séquence rapide (crush induction) avec au
Le rôle crucial de l’hypoxie et de l’hypotension préhospita- mieux trois intervenants : le premier intervenant pratique la
lière dans le pronostic des TCG a d’abord été mis en évidence manœuvre de Sellick et l’injection d’un hypnotique (étomidate®
par Chesnut [4] dans une étude analysant rétrospectivement la le plus souvent en raison de l’instabilité hémodynamique)
prise en charge préhospitalère de 717 patients nord-américains. associé à un curare (succinylcholine, Célocurine®). Le deuxième
L’hypoxie était mise en évidence comme facteur primordial de intervenant peut alors placer la sonde d’intubation par voie
risque pour la catégorie des patients âgés de moins de 40 ans. orotrachéale après laryngoscopie directe. Chez tous les trauma-
En revanche, pour tous les patients, la présence d’une hypoten- tisés, un troisième intervenant est nécessaire au maintien en
sion artérielle (PAS < 90 mmHg) augmentait la mortalité de rectitude du rachis cervical pendant toute la durée de la
27 % à 60 %. Quand hypotension et hypoxie étaient associées, procédure.
la mortalité était de 75 %. La fréquence de l’hypoxie et de
l’hypotension dépistées avant tout traitement chez ces patients
était respectivement de 46 % et de 35 %. Ces anomalies ne sont Remplissage vasculaire et catécholamines
donc pas marginales. L’évolution temporelle des données
montre que, sans traitement adéquat, le nombre d’épisodes
Expansion volémique
d’hypotension et d’hypoxie dépistés augmente. Ces perturba- La principale cause d’hypotension artérielle à la phase
tions ne se résolvent pas spontanément, il est donc impératif de préhospitalière étant l’hypovolémie (hémorragie), l’expansion

2 Médecine d’urgence
Prise en charge des traumatisés crâniens graves ¶ 25-200-C-20

volémique est le premier des traitements à considérer. Parce Tableau 2.


qu’il est iso-osmolaire, le sérum salé isotonique à 9 ‰ est le Recommandations de l’ANAES pour la prise en charge des traumatismes
principal soluté recommandé. [7] Les solutions glucosées sont crâniens graves à la phase préhospitalière. [7]
proscrites car elles n’ont pas de pouvoir d’expansion volémique Évaluation d’un GCS ≤ 8 et les yeux fermés après correction des fonc-
et leur caractère hypotonique favorise l’œdème cérébra. [17] De tions vitales
plus, il est montré expérimentalement qu’une hyperglycémie
Intubation trachéale avec une technique d’induction anesthésique à
précédant ou accompagnant une ischémie cérébrale pouvait
séquence rapide et mise sous ventilation mécanique après sédation
aggraver le pronostic. [18] Si la perfusion de sérum salé isotoni- continue
que s’avère insuffisante pour restituer un niveau de pression
Maintien d’une pression artérielle systolique ≥ 90 mmHg
artérielle adéquat, les macromolécules type hydroxyléthylami-
don (HEA, jusqu’à 25 ml/kg les premières 24 heures) sont Maintien d’une SpO2 ≥ 90 % et PO2 ≥ 60 mmHg
utilisées pour leur meilleur pouvoir expanseur. Lorsque l’hypo- Maintien d’une normocapnie avec ETCO2 et PaCO2 à 35 mmHg
tension artérielle persiste, le recours aux catécholamines devient Remplissage vasculaire par sérum salé isotonique ou colloïdes
nécessaire. [19] En cas d’hémorragie, il est fondamental de Mannitol (0,25 à 1 g/kg en 20 min) si mydriase aréactive
limiter au maximum les pertes sanguines. Il est, par exemple,
impératif de suturer une lésion du scalp ou de comprimer les
plaies hémorragiques. Le développement d’appareils de biologie d’agonistes des récepteurs a-adrénergiques, c’est-à-dire, en
portatifs permet de contrôler rapidement les taux d’hémoglo- pratique clinique, des catécholamines : dopamine, noradréna-
bine qui sont des facteurs pronostiques importants. Les besoins line ou adrénaline. En préhospitalier, à ce jour, aucune étude ne
transfusionnels des patients sont alors mieux estimés et traités nous permet de préférer l’une ou l’autre de ces drogues. Des
plus efficacement. raisons pratiques (utilisation par voie veineuse périphérique)
mais aussi théoriques (effet b-adrénergique évitant de masquer
Sérum salé hypertonique une hypovolémie) peuvent jouer en faveur de la dopamine. La
noradrénaline permet un contrôle plus facile et prévisible du
Aucune des études testant, en préhospitalier, l’utilisation du
niveau tensionnel mais au risque de masquer une hypovolémie
sérum salé hypertonique dans le traitement de l’hypovolémie,
mal compensée. Le choix de la drogue est donc laissé au
n’a apporté la preuve de sa supériorité, même si leurs auteurs
médecin intervenant. Un conseil possible en cas de traumatisme
regrettent le nombre insuffisant de patients traités. [20] Aucune
crânien accompagné d’hypotension (hémorragie, par exemple)
différence entre sérum salé hypertonique et association dextran/
pendant un transport préhospitalier est l’utilisation préalable,
salé hypertonique n’a été mise en évidence. [21] Le grand intérêt
après expansion volémique, de l’osmothérapie (mannitol ou
du sérum salé hypertonique pourrait résider en cas de TCG,
sérum salé hypertonique). En absence de réalisation des objectifs
dans ses effets sur l’hémodynamique cérébrale, en particulier la
hémodynamiques (DTC : vélocité diastolique supérieure ou
diminution des valeurs de pression intracrânienne (PIC). [22]
égale à 20 cm/s ou à défaut PAM à 80 mmHg) ou neurologiques
Pression de perfusion cérébrale (régression de mydriases aréactives), les catécholamines sont
alors introduites.
Si la lutte contre l’hypotension est une priorité, la question
se pose de l’objectif du meilleur niveau de pression artérielle Osmothérapie et hypertension intracrânienne
moyenne (PAM) à obtenir. En l’absence d’études, le niveau de
Les Recommandations pour la Pratique Clinique [6, 7] sont
PAM recommandé dans les premières heures post-traumatiques
sans ambiguïté (Tableau 2). Elles préconisent l’osmothérapie
est de 80 mmHg. [23] Cependant, nous avons montré qu’une
(mannitol 20 % : 0,20 à 1 g/kg soit 1 à 5 ml/kg) en urgence
valeur de 80 mmHg de PAM ne permet aucunement de distin-
devant toutes anomalies pupillaires et/ou dégradation de l’état
guer, à l’arrivée à l’hôpital, les patients à haut risque d’ischémie
neurologique non expliquées par une cause extracrânienne.
cérébrale des autres. [24] En effet, une valeur isolée de PAM ne
Après ce traitement, elles recommandent de prévoir rapidement
peut prédire la pression de perfusion cérébrale (PPC) qui ne
la réalisation d’une tomodensitométrie (TDM) cérébrale pour
dépend pas que de la valeur de la PAM mais aussi de la valeur
rechercher une éventuelle indication neurochirurgicale. L’argu-
de la pression intracrânienne (PIC) : PPC = PAM − PIC. Dans
ment majeur de l’utilisation du mannitol pour le traitement de
cette étude clinique, malgré une valeur moyenne de PAM de
l’hypertension intracrânienne (HTIC) est que la diminution de
80 mmHg, 40 % des patients restent à haut risque d’ischémie
la PIC s’accompagne, si la PAM ne diminue pas, d’une amélio-
cérébrale, objectivé par une valeur basse de la saturation
ration du débit sanguin cérébral qui dure 2 à 3 heures. [22, 26]
veineuse jugulaire en O2 (SvjO2). [24] Seul un monitorage de la
Cet effet explique la recommandation de l’utilisation systéma-
circulation cérébrale, obtenu dans les premières heures post-
tique de mannitol (20 %) lors des anomalies pupillaires. En
traumatiques, peut permettre de juger réellement de la perfusion
préhospitalier, toute mydriase aréactive (uni- ou bilatérale)
cérébrale et d’adapter le niveau de PAM aux besoins spécifiques
découverte chez un patient inconscient doit faire craindre une
de chaque patient. S’adapter à chaque patient c’est augmenter
HTIC majeure et donc un écrasement des gros troncs artériels
la PAM des patients qui en ont besoin mais c’est aussi ne pas
intracrâniens provoquant l’absence de débit dans ces artères.
augmenter la PAM des patients dont la perfusion cérébrale est
C’est une urgence majeure pour l’hémodynamique cérébrale et
assurée à PAM 80 mmHg ou moins. Trois types de monitorage
l’absence de traitement ne peut que gravement compromettre le
cérébral paraclinique sont disponibles : la PIC, la SvjO2 et le
pronostic de ces patients. Entre 1994 et 1998, aucun des
doppler transcrânien (DTC). Dans les tout premiers temps de la 65 patients pris en charge par une équipe de SMUR, en
prise en charge (aux urgences comme en préhospitalier), seul le mydriase bilatérale après traumatisme crânien et acceptés à
DTC est réalisable car cette technique est rapide et non- l’hôpital de Bicêtre n’a bénéficié d’osmothérapie pendant le
invasive. Elle peut être pratiquée par tous les appareils échodop- transport. [13] Ces 65 patients sont tous décédés après 1 an quels
pler déjà présents dans les hôpitaux. Dans les années à venir la
qu’aient été les traitements ultérieurs effectués à l’hôpital
miniaturisation des appareils facilitera leur présence dans les
(osmothérapie et/ou chirurgie).
unités mobiles du SAMU si ce n’est dans la poche de chaque
Une étude multicentrique internationale [27] permet plusieurs
médecin. Dès maintenant, il est intéressant de s’en servir pour
remarques sur l’utilisation du mannitol en préhospitalier. Cette
régler le niveau de PAM de chaque patient victime d’un
étude montre que l’utilisation de mannitol à des doses impor-
TCG. [25]
tantes (1,2 à 2,1 g/kg) améliore le pronostic des patients
présentant un hématome sous-dural (HSD) traumatique. Dans
Catécholamines ce protocole, tous les patients recevaient dès la prise en charge,
Une expansion volémique ne peut que corriger une hypovo- avant bilan, une dose de mannitol de 0,6 à 0,7 g/kg puis, après
lémie, en aucun cas elle n’est susceptible de provoquer une le diagnostic d’HSD, étaient randomisés pour recevoir, ou non,
hypertension artérielle si celle-ci est nécessaire à la perfusion avant la chirurgie, une nouvelle dose de mannitol. La perfusion
cérébrale. Cet objectif ne peut s’obtenir sans l’introduction de mannitol était toujours accompagnée d’un remplissage

Médecine d’urgence 3
25-200-C-20 ¶ Prise en charge des traumatisés crâniens graves

vasculaire par du sérum salé physiologique pour prévenir Contrôle de la température


l’hypotension secondaire à la diurèse entraînée par l’effet
hyperosmolaire du mannitol. Aux doses préconisées, [6, 7] cette Le contrôle de la température est devenu un objectif impor-
diurèse osmotique est le plus souvent peu abondante. La tant de la neuroréanimation. Si l’hypothermie a été préconisée
polyurie osmotique devenant un problème de réanimation en réanimation pour traiter l’HTIC, son introduction rapide ne
survient surtout en cas de répétitions du traitement et d’utilisa- peut être recommandée en l’absence d’études significatives,
tion de fortes doses. Cette étude confirme l’efficacité du dans la crainte d’aggraver les problèmes d’hémostase. La lutte
mannitol dans la régression des anomalies pupillaires liées à contre l’hypothermie, fréquente en cas de polytraumatisme et
l’HTIC et dans le pronostic des patients si la suite de la prise en d’expansion volémique massive, est donc toujours d’actualité en
charge hospitalière est efficace. Un point très important à neurotraumatologie. En revanche, l’hyperthermie est retrouvée
souligner est la rapidité de la prise en charge chirurgicale : le dès la prise en charge initiale — 22 % des patients à l’arrivée à
délai entre traumatisme et évacuation chirurgicale était inférieur l’hôpital [13] — essentiellement chez des patients victimes de
à 3 heures dans les deux groupes étudiés. [27] Un délai court TCG isolés. L’hyperthermie est reconnue comme un facteur
entre traumatisme et chirurgie est d’ailleurs connu depuis indépendant de mauvais pronostic dans de nombreuses patho-
longtemps comme le facteur principal de bonne récupération logies neurologiques à l’arrivée aux urgences. [29] Elle doit être
neurologique des patients victimes d’hématomes sous-duraux recherchée et son traitement débuté sans attendre : arrêt des
aigus traumatiques. [28] Dans ces situations, l’osmothérapie est manœuvres de réchauffement (couverture de survie, etc.),
alors particulièrement intéressante car elle permet le rétablisse- antipyrétiques intraveineux et, si nécessaire, renforcement de la
ment rapide mais temporaire d’un débit sanguin cérébral correct sédation.
pendant le temps nécessaire à l’organisation de l’intervention
neurochirurgicale qui, seule, traite la cause initiale de l’HTIC.
■ Stratégie de prise en charge
Contrôle de la capnie d’un TCG à l’accueil
D’autres traitements sont fréquemment employés en préhos-
pitalier sans qu’aucune étude ne vienne les valider. L’exemple Accueil en salle de déchocage
de l’hypocapnie provoquée par hyperventilation est le plus
significatif. L’hypocapnie induit une baisse de PIC. En effet, la L’association du TCG à un polytraumatisme est fréquente.
PaCO2 est un des plus puissants stimuli du tonus vasculaire Elle concerne la majorité des patients (60 %) qui arrivent à
cérébral, avec vasodilatation en hypercapnie et vasoconstriction l’hôpital. Cette situation est importante à envisager car l’hypo-
en hypocapnie. La vasoconstriction artériolaire entraîne une tension artérielle s’y retrouve plus fréquemment associée. En
diminution du volume sanguin cérébral et donc de la PIC mais conséquence, l’association du TCG à un polytraumatisme doit
aussi une diminution du débit sanguin cérébral, susceptible de rendre les médecins encore plus attentifs à la détection et au
provoquer ou d’aggraver une ischémie cérébrale. [26] En consé- traitement de l’hypovolémie et de l’hypotension artérielle. De
quence, l’hypocapnie comme moyen de lutte de l’HTIC est plus, la présence de lésions associées et les troubles de l’hémo-
formellement déconseillée dans les 24 premières heures post- stase plus fréquents aggravent la présence de lésions hémorra-
traumatiques au moment où les risques ischémiques sont les giques cérébrales et donc le pronostic des patients. [30]
plus grands. [6, 7] Un TCG d’apparence isolé doit être considéré comme poly-
L’hypercapnie, en dilatant les vaisseaux cérébraux, est traumatisé jusqu’à preuve du contraire. À l’arrivée sur l’aire
susceptible d’augmenter la PIC et doit aussi être évitée. La d’urgence, des clichés radiologiques de débrouillage sont
ventilation contrôlée systématique chez les patients avec TCG systématiquement pratiqués : rachis cervical de profil, poumon,
devrait permettre un contrôle strict de la ventilation alvéolaire. bassin ainsi qu’une échographie abdominale à la recherche de
Cependant ce contrôle n’est pas effectif. Pendant les transports lésions hémorragiques. Le DTC permet d’estimer rapidement la
préhospitaliers effectués par les équipes des SMUR, 75 % des qualité de la perfusion cérébrale. La question d’une éventuelle
patients présentaient une capnie inférieure à 35 mmHg ou chirurgie et l’intégration de celle-ci dans la prise en charge doit
supérieure à 40 mmHg à l’arrivée à l’hôpital. [13] Des études sont être posée. Dans le cas d’un choc hémorragique chirurgical,
nécessaires pour définir la responsabilité respective des ventila- comme, par exemple, une rupture splénique, la réalisation de
teurs utilisés en préhospitalier, du choix des constantes ventila- l’hémostase prime sur tout. De même, la radiologie interven-
toires (5, 8 ou 10 ml/kg) et/ou des modifications physiologiques tionnelle (embolisation artérielle) permet le contrôle rapide de
des patients (augmentation du métabolisme, variation du débit l’hémodynamique en cas de fracture du bassin hémorragique et
cardiaque, etc.) dans ces perturbations. Toutefois l’usage compliquée.
systématique de la mesure de CO2 expiré (capnographe) devrait Dans le cas de la chirurgie orthopédique non urgente, il peut
être systématique chez ces patients. y avoir contradiction entre la nécessité de fixer rapidement les
L’utilisation des corticoïdes n’a pas d’utilité démontrée dans lésions orthopédiques et la sensibilité des cerveaux traumatisés
le cadre du traumatisme crânien. La recommandation de ne pas aux épisodes d’hypotension artérielle. Il est essentiel d’effectuer
prescrire de corticoïdes après traumatisme crânien est partagée un monitorage cérébral multimodal (capteur de PIC, DTC et
par l’ensemble des professionnels reconnus en neurotraumato- cathéter pour SvJO2) chez ces patients et de stabiliser les valeurs
logie. [6, 7] paracliniques. Une fois l’hémodynamique cérébrale équilibrée et
le patient stabilisé quelques heures (4 à 8 heures), la fixation des
lésions orthopédiques pourra se faire sous surveillance paracli-
Position de la tête nique étroite. Il ne faut pas sous-estimer l’intérêt de la fixation
La position du buste relevé à 30 ° pour surélever la tête est précoce des fractures fermées sur la diminution de la morta-
toujours acceptée comme une bonne méthode pour améliorer le lité, [31] mais en cas d’HTIC non contrôlée, le report de l’inter-
retour veineux et baisser le niveau de PIC. Cependant, cette vention est souhaitable tant que le contrôle de l’HTIC n’est pas
prescription ne vaut que pour les patients normovolémiques. En possible. En revanche, les fractures ouvertes ne peuvent pas
effet, relever le buste d’un patient traumatisé hypovolémique répondre à ces principes puisque le risque infectieux lors du
peut provoquer une baisse de la pression artérielle dans la dépassement du délai de 6 heures est difficilement acceptable.
carotide que la mesure de la pression au bras ne peut pas mettre La prise en charge du TCG pose le problème du diagnostic
en évidence. Cette baisse de la pression d’entrée du sang dans des lésions rachidiennes associées. Si les clichés réalisés avant
le cerveau, et donc de la perfusion cérébrale, peut générer des tout déplacement du patient hors de l’aire d’accueil ne mon-
épisodes d’ischémie cérébrale. Une volémie proche de la trent pas de lésions nécessitant un traitement d’urgence et que
normale est donc nécessaire avant de relever la tête d’un l’hémodynamique cérébrale est satisfaisante (DTC normaux), le
patient, ainsi qu’un bilan radiologique préalable éliminant une patient est orienté pour pratiquer un bilan radiologique complet
atteinte rachidienne. De fait en préhospitalier, le maintien en du rachis de face et de profil ainsi que de toutes les zones
rectitude de l’axe tête-cou-tronc reste la règle. osseuses périphériques suspectes. Toute vertèbre cervicale non

4 Médecine d’urgence
Prise en charge des traumatisés crâniens graves ¶ 25-200-C-20

Tableau 3.
PAM
Recommandations de l’ANAES pour le monitorage cérébral d’un
traumatisme crânien grave. [7]
Monitorage systématique de la PIC recommandé :
PPC • Scanner cérébral anormal
• Scanner cérébral normal mais s’il existe 2 des critères suivants :
- âge supérieur à 40 ans,
PIC Vasoconstriction Cascade vasoconstrictrice
- déficit moteur uni- ou bilatéral,
- épisodes de pression artérielle systolique inférieure à 90 mmHg
VS • Le monitorage de la PIC doit être couplé au monitorage de la pression
artérielle moyenne (PAM), avec calcul de la pression de perfusion céré-
brale (PPC = PAM - PIC).
PAM

DTC et SvJO2 non recommandés en dépit de leur intérêt en raison du


manque d’études.
PPC

Il n’y a pas dans la littérature de chiffre précis de PAM à


Cascade vasodilatatrice atteindre. Lors d’un TCG, les dangers après obtention d’une
PIC Vasodilatation
hypertension artérielle (PAM à 100 mmHg, par exemple) ne
sont pas évalués. Entre les risques d’aggravation des hémorragies
VSC extracérébrales voire intracérébrales ou le risque de favoriser un
œdème vasogénique par augmentation de la pression hydrosta-
Figure 1. Cascades vasodilatatrice et vasoconstrictrice. PAM : pression tique dans les capillaires cérébraux, la plupart des auteurs
artérielle moyenne ; PPC : pression de perfusion cérébrale ; VSC : volume préfèrent recommander une valeur minimale de 80 mmHg
sanguin cérébral ; PIC : pression intracrânienne. D’après Rosner MJ et comme objectif raisonnable en attendant la mise en place d’un
Daughton S. [33] monitorage permettant d’adapter à un patient précis le niveau
de PAM souhaitable. [23]

vue sur les clichés standards sera évaluée par des coupes
scanographies ; en pratique, la tomodensitométrie des charniè-
Monitorage cérébral
res C1-C2 et C7-D1 est systématique. Le monitorage cérébral est d’autant plus important à mettre
Il est important pour la conduite de la réanimation (décisions en place rapidement que c’est lui, et lui seul, qui permet
cliniques, pose du monitorage paraclinique) d’arrêter à un l’ajustement de la PAM aux besoins d’un TCG, limitant ainsi les
moment choisi la sédation et de contrôler le niveau de coma du risques ischémiques, d’autant plus importants que l’on est
patient. Cet arrêt des traitements sédatifs ne peut se faire proche du traumatisme. La mesure de la PIC est le premier
qu’après le bilan initial sur un patient stable. Les risques moyen de surveillance étudié (Tableau 3). Le niveau de PAM
d’engagements cérébraux visibles à la TDM (déviation de la recommandé est donc lié au niveau de PIC du patient puisque
ligne médiane de plus de 5 mm, comblement des citernes de la l’objectif admis par la majeure partie des équipes est l’obtention
base) contre-indiquent ce réveil. Après réévaluation du GCS, d’une PPC à 70 mmHg. [23, 35, 36] Cet objectif de 70 mmHg de
tous les patients avec un GCS ≤ 8 bénéficieront d’un monitorage PPC a été déterminé à partir d’épreuves combinant l’étude de la
multimodal comme le conseillent les recommandations de PPC, des vélocités des vaisseaux cérébraux au DTC et des valeurs
l’ANAES. [7] de la saturation veineuse jugulaire en oxygène (SvjO 2 ). La
mesure de SvjO2 s’effectue par prélèvement sanguin dans un
Contrôle de l’hémodynamique périphérique cathéter préalablement introduit dans la veine jugulaire par voie
rétrograde pour se positionner dans le golfe veineux jugulaire.
La relation entre le pronostic et la présence d’épisodes Ces études montrent que si la moyenne de la PPC nécessaire
d’hypotension artérielle des TCG, mis en évidence pendant la pour assurer un débit sanguin cérébral (DSC) optimum est bien
période préhospitalière, est aussi démontrée pendant toute la 70 mmHg, la variabilité interindividuelle comme intra-
durée de la prise en charge en unité de soins intensifs. [32] Le individuelle est grande, [37] imposant l’ajustement fréquent du
contrôle de la PAM reste donc un objectif primordial à l’hôpital. niveau de PAM en fonction des résultats des paramètres paracli-
La constatation, au lit des patients, de l’influence du niveau niques afin d’éviter une pression artérielle trop basse ou une
de la PAM sur le niveau de la PIC a ouvert un nouveau chapitre hypertension artérielle délétère. Un critère important à obtenir
de la neuroréanimation. [33] Cette description clinique a amené est une SvjO2 supérieure à 55 % pour un patient à 37 °C.
Rosner et Daughton [33] à décrire dans le TCG deux cascades : Lors de la prise en charge initiale, la stabilisation hémodyna-
une « vasoconstrictrice » où augmenter la PAM permet de mique du traumatisé, le bilan radiographique (tomodensitomé-
baisser la PIC, et une « vasodilatatrice » où la baisse de la PAM trie) et l’obtention du bilan biologique d’hémostase prennent
entraîne une augmentation de PIC (Fig. 1). Ces cascades ne du temps (3 à 4 heures) et retardent la mise en place de la PIC
peuvent exister que lorsque l’autorégulation de la circulation et/ou de la SvjO2. [24] Le niveau de PAM satisfaisant ne peut
cérébrale est préservée. Après TCG, celle-ci semble maintenue alors être déterminé précisément à un moment proche du
dans environ deux tiers des cas. [34] traumatisme où les risques d’ischémie sont maximaux.
Maintenir une pression élevée, voire créer et entretenir une L’utilisation du DTC dès l’arrivée à l’hôpital [25] peut permet-
hypertension artérielle permet, en augmentant la pression de tre très rapidement une évaluation de l’hémodynamique
perfusion cérébrale (PPC= PAM – PIC), d’assurer un débit cérébrale du patient (Fig. 2). Une vélocité anormale sur une des
sanguin cérébral au-delà des risques ischémiques mais aussi de deux artères cérébrales moyennes, et notamment une vélocité
mieux contrôler la PIC à un niveau plus bas. La question n’est diastolique (Vd) inférieure à 20 cm/s, indique un défaut
donc plus seulement d’interdire l’hypotension mais de choisir le dangereux de perfusion cérébrale, soit par hypotension artérielle
niveau de PAM utile et nécessaire à un patient donné pour soit par hypertension intracrânienne. Un traitement adapté doit
assurer une hémodynamique cérébrale stable et une PIC mini- être entrepris immédiatement : expansion volémique et/ou
male. Se servir de l’hémodynamique périphérique, jusqu’à introduction des catécholamines pour l’hypotension artérielle,
l’hypertension si nécessaire, pour contrôler l’hémodynamique osmothérapie puis une tomodensitométrie cérébrale en urgence,
cérébrale est donc devenu l’un des grand axes de la à la recherche d’un traitement chirurgical, pour l’hypertension
neuroréanimation. intracrânienne (Fig. 3). Des vélocités retrouvées normales

Médecine d’urgence 5
25-200-C-20 ¶ Prise en charge des traumatisés crâniens graves

Figure 2.
A, B. Utilisation du doppler
transcrânien (visualisation des
flux de l’artère cérébrale
moyenne en passant par la fenê-
tre temporale). Vs : vitesse systo-
lique ; Vd : vitesse diastolique ;
Vm : vitesse moyenne.

Figure 3.
A, B. Apport du doppler transcrânien (DTC)
dans le triage des patients à haut risque d’is-
chémie cérébrale. Patient victime d’un trauma-
tisme crânien grave avec DTC initial sur artère
cérébrale moyenne (ACM) droite normal
2 heures après détérioration des flux de l’ACM
droite avec lésions scanographiques en rap-
port.

indiquent un débit sanguin cérébral respecté. En résumé, le cependant dans les premières heures post-traumatiques, où
niveau de PAM souhaitable est fixé à 80-90 mmHg avant que souvent l’hypertension intracrânienne n’est pas maximale, la
tout monitorage soit possible mais devra être adapté le plus tôt dopamine a l’avantage potentiel - mais non encore démontré -
possible grâce à l’utilisation du DTC. d’augmenter le débit cérébral par vasodilatation propre et
Pour un tiers des patients, l’autorégulation cérébrale n’est pas surtout d’éviter de masquer une hypovolémie préjudiciable au
préservée, le DSC reste directement proportionnel au niveau de patient.
PAM et la PIC augmente à l’augmentation de la PAM. Dans ce En règle générale, l’utilisation des catécholamines nécessite la
cas, il peut aussi être nécessaire d’augmenter la PAM pour surveillance continue de la pression artérielle par voie sanglante
restaurer une hémodynamique cérébrale satisfaisante. Le DTC (artère radiale ou fémorale). En attendant les études susceptibles
sera dans ce cas tout aussi déterminant pour atteindre la PAM de comparer les différentes catécholamines entre elles dans une
optimale. situation préhospitalière et post-traumatique immédiate, la
Seuls les agonistes des récepteurs a sont susceptibles de dopamine paraît pour l’instant le traitement à recommander car
contrôler étroitement le niveau de PAM et de créer une hyper- plus maniable et probablement à moindre risque iatrogène. À
tension par vasoconstriction périphérique. Parmi les l’arrivée à l’hôpital, Le DTC permet, bien avant la pose du
« a-agonistes » à notre disposition, les catécholamines comme capteur de PIC, de régler le niveau de capnie ou la dose de
l’adrénaline, la noradrénaline ou la dopamine sont préférables, catécholamines pour obtenir une vitesse diastolique (Vd)
mêmes si elles ne sont pas strictement a-agonistes, car leur au-dessus de 20 cm/s et ce, avant la poursuite des investigations
durée d’action est très courte et donc leurs effets facilement radiologiques. Une fois l’ensemble des moyens de surveillance
réversibles à l’arrêt du traitement. La comparaison, à 48 heures mis en place, il est impératif alors de trouver le meilleur
du traumatisme, entre dopamine et noradrénaline est en faveur équilibre en ajustant PaCO2, hémoglobine, PAM, PIC, Vd et
de la noradrénaline chez les patients à PIC très élevée, [37] SvjO2 optimales.

6 Médecine d’urgence
Prise en charge des traumatisés crâniens graves ¶ 25-200-C-20

Contrôle de l’hémostase déficiente. Une étude [41] note que la mesure de la température
à l’arrivée à l’hôpital ne concerne que 74 % des patients mais
Le rôle des troubles de l’hémostase dans l’apparition des surtout que pour 92 % d’entre eux, celle-ci diminue de façon
lésions retardées est analysé dans deux études rétrospectives sensible pendant la présence aux urgences (attente, départ en
consécutives. [30] Une lésion retardée est définie, lors d’une radiologie, etc.). L’hypothermie diminue toutes les réactions
tomodensitométrie à J3, par l’apparition d’une ou de plusieurs enzymatiques, la coagulation est donc moins efficace et aug-
nouvelles images hémorragiques et/ou l’aggravation d’une mente les pertes sanguines lors, par exemple, de laparotomie
image initiale. Dans le premier article (n = 253), Stein et al. [38] pour traumatisme abdominal. [42]
montrent que l’allongement du temps de prothrombine (TP), Ces travaux qui montrent que l’hypothermie est un facteur
du temps de céphaline activé (TCA) et/ou la diminution du de mauvais pronostic rendent compte d’une hypothermie
nombre des plaquettes est significativement plus fréquent chez
incontrôlée sur des patients polytraumatisés. En revanche, en
les patients porteurs de lésions cérébrales retardées. De plus,
neurotraumatologie, l’hypothermie modérée (34 °C) contrôlée a
l’apparition de ces lésions a une incidence certaine sur le
été proposée comme moyen thérapeutique de « protection
pronostic puisque la mortalité avec lésions secondaires est de
cérébrale ». Son utilisation systématique les 48 premières heures
41 % alors qu’aucun décès n’est noté chez les patients sans
pour tous les traumatismes crâniens n’a montré ni amélioration
nouvelles lésions. Ces résultats montrent l’importance du
ni aggravation du pronostic des patients. [43, 44] En revanche,
contrôle strict de l’hémostase dans la prise en charge des TCG.
Dans la deuxième étude, [30] 45 % des 337 patients étudiés l’hypothermie modérée pourrait être intéressante comme outil
présentent une lésion cérébrale retardée. Les résultats confir- pour contrôler une HTIC grâce à l’hypocapnie physiologique
ment que les troubles de l’hémostase, y compris une diminu- qu’elle provoque. [45] C’est en connaissant parfaitement les
tion isolée du nombre de plaquettes à l’admission, sont effets secondaires et en les maîtrisant que l’utilisation de
significativement corrélés à l’apparition de lésions retardées et l’hypothermie modérée contrôlée est possible.
insistent sur le rôle joué par les lésions extracrâniennes dans ces En conclusion, l’hyperthermie est, au même titre que l’hypo-
perturbations. tension et l’hypoxie, un « accident d’origine systémique »
L’importance démontrée du contrôle de l’hémostase dans le susceptible de modifier le pronostic. Son apparition doit donc
pronostic des patients nous a amené à établir certaines règles être prévenue et traitée le plus rapidement possible. En cas de
lors de la prise en charge initiale. Une grande attention est polytraumatisme, surtout accompagné d’hémorragie, une
nécessaire lors de la prise en charge : les plaies sont suturées attention toute particulière doit être portée au dépistage et au
(scalp), une dilution importante des facteurs de l’hémostase du traitement préventif de l’hypothermie incontrôlée. En revanche,
fait de l’expansion volémique, est redoutée, l’hypothermie, l’utilisation de l’hypothermie modérée contrôlée peut permettre
facteur d’allongement des temps de coagulation, est combattue de lutter contre l’HTIC.
dans les premières heures et la récupération des résultats
biologiques est organisée. L’intérêt du matériel permettant la
mesure de l’hémostase au lit du patient est évident pour gagner
du temps dans les décisions transfusionnelles. Comme pour
Prévention des convulsions
tout geste intracérébral, la pose du capteur de pression intracrâ- Il est admis qu’un traitement précoce antiépileptique permet
nienne (PIC) n’est possible qu’après vérification de l’hémostase. de prévenir l’apparition des convulsions dans la première
les règles admises sont un TP supérieur à 60 % et un chiffre de semaine post-traumatique, mais il faut noter qu’il est démontré
plaquettes supérieur à 100000/ml. [24] Les patients seront donc que ce traitement n’améliore pas le pronostic du TCG. [46] Après
transfusés si nécessaire pour atteindre ces chiffres. La concen- la première semaine post-traumatique, la fréquence des convul-
tration de fibrinogène sera vérifiée et corrigée si le résultat est sions est la même avec ou sans traitement antiépileptique. Il y
inférieur à 1 g/l. a donc lieu d’arrêter le traitement antiépileptique après la
première semaine.
L’intérêt d’un traitement précoce est de limiter le nombre
Contrôle de la température corporelle éventuel de crises susceptibles de déséquilibrer la balance entre
des apports limités et des besoins augmentés par les crises.
Dans la plupart des situations neurologiques d’urgence L’apparition de convulsions peut alors précipiter le patient dans
(accidents vasculaires cérébraux, par exemple), l’hyperthermie
un état d’HTIC aiguë propre à mettre le pronostic vital en jeu.
est reconnue comme un facteur indépendant de pronostic
Par ce mécanisme les convulsions ou états de mal peuvent alors
défavorable. [29] Au cours du traumatisme crânien, l’hyperther-
entraîner le décès des patients. [47] L’arrêt de la thérapeutique
mie a aussi été retrouvée comme facteur péjoratif indépendant
anticonvulsivante est donc rapide mais raisonné en fonction des
et ce pendant toute la durée de l’hospitalisation en réanima-
risques qu’une crise fait courir au patient.
tion. [32] L’hyperthermie est fréquente, même dans les premières
heures post-traumatiques et surtout lors d’un traumatisme Toutes les études utilisent la phénytoïne (Dihydan®) comme
crânien isolé. Cette hyperthermie est secondaire à un état traitement préventif. La comparaison avec le valproate (Dépa-
hypercatabolique provoqué par la cascade inflammatoire liée au kine®) ne montre aucun bénéfice par rapport à la phénytoïne
traumatisme. Le traitement est basé sur les antipyrétiques et une mortalité supérieure dans le groupe valproate. [48] Pour
(paracétamol) et l’arrêt des manœuvres habituelles de réchauf- être rapidement efficace, le traitement préventif doit commen-
fement puis sur l’approfondissement de la sédation qui permet cer par une dose de charge de phénytoïne (20 mg/kg). Cepen-
à la fois une baisse du métabolisme et une augmentation des dant, une utilisation moins coûteuse peut conduire à utiliser
pertes de chaleur (attention au niveau de PAM). En cas d’échec, une benzodiazépine (clonazépam, Rivotril®, en seringue électri-
et seulement une fois le bilan traumatique complet terminé que, 2 à 3 mg/24 h) conjointement au traitement par voie
(atteintes du rachis, hémorragies rétropéritonéale voire intrapé- entérale de phénytoïne qui ne sera efficace qu’à la 48e heure
ritonéale éliminées) la curarisation, accompagnée ou non du autorisant alors l’arrêt de la benzodiazépine.
refroidissement externe du patient, permet d’obtenir la Les facteurs de risques reconnus de l’apparition de convul-
normothermie. sions sont une contusion corticale, une fracture des os du crâne
Par ailleurs, l’apparition d’une hypothermie dans les suites avec enfoncement, l’HSD, l’hématome extradural, un hématome
d’un polytraumatisme est reconnue dans de nombreuses études intracérébral, un traumatisme crânien pénétrant et une convul-
comme facteur de mauvais pronostic. [39, 40] L’hypothermie est sion dans les premières 24 heures.
le plus souvent liée à l’importance du traumatisme et au volume Il est important de penser, devant un retard de réveil, à
total d’expansion nécessaire au contrôle tensionnel. De plus, le l’éventualité de crises infracliniques qui seront détectées par un
monitorage n’est pas systématique et la prévention souvent électroencéphalogramme (EEG).

Médecine d’urgence 7
25-200-C-20 ¶ Prise en charge des traumatisés crâniens graves

■ Conclusion [17] Recommandations pour la pratique clinique. SRLF. Remplissage


vasculaire au cours des hypovolémies relatives ou absolues. Réanim
La prise en charge initiale des TCG doit se développer sur Urg 1997;6:335-41.
plusieurs fronts. Le patient victime d’un TCG est avant tout un [18] Cherian L, Goodman J, Robertson C. Hyperglycemia increases brain
traumatisé qui doit être soumis aux mêmes règles que les autres injury caused by secondary ischemia after cortical impact injury in rats.
traumatisés. La stabilisation ventilatoire et circulatoire sont les Crit Care Med 1997;25:1378-83.
[19] Vassar MJ, Moore J, Perry CA, Spisso J, Holcroft JW. Early fluid
premiers objectifs. Les premières heures post-traumatiques sont
requirements in trauma patients. A predictor of pulmonary failure and
les heures les plus à risques d’aggravations cérébrales secondai-
mortality. Arch Surg 1998;123:1149-57.
res. L’organisation logistique doit s’efforcer d’emmener ces
[20] Vassar MJ, Fischer RP, O’Brien PE. A multicenter trial for resuscitation
patients rapidement vers des structures pluridisciplinaires qui
of injured patients with 7,5% sodium chloride. Arch Surg 1993;128:
font encore parfois défaut. Du point de vue médical, l’objectif 1003-13.
du transport doit être le contrôle de l’hémodynamique cérébrale [21] Vassar MJ, Perry CA, Holcroft JW. Prehospital resuscitation of
(lutte contre l’hypoxie, niveau de PAM, osmothérapie et hypotensive trauma patients with 7,5% NaCl versus 7,5% NaCl with
normothermie), en s’aidant, dès que possible, d’un DTC. added dextran: a controlled trial. J Trauma 1993;34:622-32.
La prise en charge à l’arrivée à l’hôpital doit tenir compte à [22] QureshiAI, Suarez JI. Use of hypertonic saline solutions in treatment of
la fois du polytraumatisme — rechercher le diagnostic et traiter cerebral edema and intracranial hypertension. Crit Care Med 2000;28:
en priorité les hémorragies — et d’une éventuelle urgence 3301-13.
neurochirurgicale peu fréquente mais cruciale pour l’avenir du [23] Robertson CS. Management of cerebral perfusion pressure after
patient. Là aussi, la surveillance clinique et paraclinique peut traumatic brain injury. Anesthesiology 2001;95:1513-7.
jouer un grand rôle. [24] Vigué B, Ract C, Benayed M, Zlotine N, Leblanc PE, Samii K, et al.
La qualité du transport préhospitalier et la réduction du Early SvjO2 in patients with severe brain trauma. Int Care Med 1999;
temps de transport avant une prise en charge hospitalière 25:445-51.
multidisciplinaire efficace permettront d’améliorer encore le [25] Le Moigno S, Laplace C, Martin L, Engrand N, EdouardA, Leblanc PE,
pronostic de ces patients. et al. Intérêt du doppler transcrânien précoce dans la prise en charge du
patient traumatisé crânien grave. Ann Fr Anesth Reanim 2001;20:R452
[abstract].
.
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8 Médecine d’urgence
Prise en charge des traumatisés crâniens graves ¶ 25-200-C-20

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hypothermia. N Engl J Med 1997;336:540-6. seizures: a randomized trial. J Neurosurg 1999;91:593-600.

K. Tazarourte, Praticien hospitalier (karim.tazarourte@ch-melun.fr).


SAMU 77-SMUR Melun, Hôpital Marc Jacquet, 77000 Melun, France.
DAR CHU de Bicêtre, 94275 Le-Kremlin-Bicêtre, France.
O. Kleitz, Praticien hospitalier.
S. Laribi, Praticien hospitalier.
SAMU 77-SMUR Melun, Hôpital Marc Jacquet, 77000 Melun, France.
B. Vigué, Praticien hospitalier.
DAR CHU de Bicêtre, 94275 Le-Kremlin-Bicêtre, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Tazarourte K., Kleitz O., Laribi S., Vigué B. Prise en charge des traumatisés crâniens graves. EMC (Elsevier
Masson SAS, Paris), Médecine d’urgence, 25-200-C-20, 2007.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos / Documents Information Informations Auto-
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

Médecine d’urgence 9
¶ 25-200-B-10

Prise en charge du traumatisé grave


en phase extrahospitalière
J.-M. Yeguiayan, M. Freysz

Le traumatisé grave (TG) nécessite une prise en charge médicale préhospitalière particulière lui
permettant d’arriver dans un centre référent de traumatologie dans les délais les plus brefs afin de
bénéficier d’un traitement définitif de l’ensemble des lésions. Le but de la réanimation préhospitalière est
d’assurer une stabilisation des grandes fonctions vitales avant mais aussi pendant le transport. Les
objectifs hémodynamiques sont fixés en fonction de l’existence ou non d’une lésion neurologique. La
stabilisation de l’hémodynamique du patient fait appel à l’expansion volémique et à la mise sous
vasoconstricteurs (pour corriger la vasodilatation en particulier en cas de sédation) et, plus que l’état
hémodynamique à un instant donné, c’est la réponse à la réanimation qui va permettre au médecin
SMUR de décider, en collaboration avec le médecin régulateur du SAMU, l’orientation du blessé. Une fois
que le médecin régulateur aura eu les informations nécessaires, il organisera, pendant la mise en
condition du blessé, une évacuation directe sur le centre référent. Trois catégories de patients sont à
individualiser : les patients stabilisés par la réanimation initiale, ils seront dirigés d’emblée sur le centre de
traumatologie référent où se dérouleront à la fois la mise en condition hospitalière et le bilan lésionnel
complet ; les patients dépendants de la réanimation préhospitalière, ils pourront être acheminés en
fonction des moyens sanitaires disponibles et du temps de transport sur le centre de traumatologie
référent ; les patients ne répondant pas à la réanimation préhospitalière, ils seront acheminés sur le
centre hospitalier le plus proche afin d’y réaliser un geste d’hémostase salvateur avant le transport
secondaire sur le centre de traumatologie référent. La prise en charge respiratoire vise à limiter l’hypoxie
cellulaire et l’hypercapnie qui représentent des facteurs majeurs d’agression cérébrale d’origine
systémique. L’oxygénothérapie à haut débit est la règle, le médecin SMUR doit garder à l’esprit que si la
baisse de la SpO2 revêt un caractère d’alarme, seul le rapport PaO2/FiO2 permet d’apprécier la gravité
d’un patient. Le recours à l’intubation ne doit donc pas seulement se faire pour un patient comateux.
Enfin, sur le plan neurologique, les patients présentant un score de Glasgow < 8 nécessitent une
intubation préhospitalière, les indications d’intubation semblent s’élargir aux patients présentant un
score moteur < 4. Dans tous les cas, l’apparition ou l’existence d’une mydriase est un élément de haute
gravité devant bénéficier d’actions thérapeutiques immédiates et spécifiques.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Traumatisé grave ; Centre de traumatologie ; SAMU/SMUR

Plan État circulatoire 5


État neurologique 6
Autres traitements 8
¶ Introduction 1
Physiopathologie 2 ¶ Situations particulières 9
Blessés multiples 9
¶ Mécanismes traumatiques 2 Blessés particuliers (personnes âgées, enfants, femmes enceintes) 9
Écrasement 2 Renfort 10
Décélération 2 Désincarcération prolongée 10
Épidémiologie 2 Tentatives de suicide 10
Terrain 2 Brûlures associées 10
Accidents de la vie courante 2 ¶ Réseaux de soins 10
¶ Régulation médicale 3
Prise d’appel 3
Envoi des moyens 3
¶ Prise en charge préhospitalière 3
■ Introduction
Bilan d’ambiance 4 Un traumatisé grave est un patient ayant subi un trauma-
État ventilatoire 4 tisme violent, quelles que soient les lésions apparentes. Il

Médecine d’urgence 1
25-200-B-10 ¶ Prise en charge du traumatisé grave en phase extrahospitalière

convient de ne plus utiliser, surtout en phase préhospitalière, la La vitesse de restitution de l’énergie joue aussi un rôle dans
définition classique du polytraumatisé, patient présentant au la survenue des lésions en raison de la tolérance relative des
moins deux lésions dont au moins une menace le pronostic différents organes. Une décélération instantanée de plus de
vital. En effet, ce type de définition entraîne retard de prise en 50 km/h entraîne un risque très important de lésions sévères. À
charge et erreurs d’orientation obérant l’évolution ultérieure du ce titre, un patient présentant une fracture de bassin a toujours
patient. subi une décélération extrême et risque d’être également porteur
Les objectifs principaux de la prise en charge préhospitalière d’une lésion vertébrale et/ou aortique.
sont de stabiliser les fonctions vitales du blessé chaque fois que Au décours par exemple d’un accident de transport, si ces
c’est nécessaire et/ou possible et d’évaluer rapidement les lésions mécanismes lésionnels s’ajoutent et expliquent la multiplicité
et leurs priorités thérapeutiques pour orienter le blessé vers la des lésions retrouvées, il convient de garder à l’esprit qu’en
structure hospitalière la plus adaptée à sa prise en charge pratique clinique, la gravité de ces lésions n’est pas additive
définitive. mais multiplicative.
Au cours de la phase préhospitalière, il faut avoir la mesure
du temps qui passe afin d’éviter de retarder le traitement
définitif des lésions (traitement chirurgical ou par radiologie Épidémiologie
interventionnelle) qui n’a lieu qu’à l’hôpital. Tout geste Selon le ministère des Transports, en 2001, 116 745 accidents
préhospitalier doit donc faire l’objet d’une évaluation du corporels ont fait 161 665 victimes. Avec 269 tués par million
rapport bénéfice/risque pour s’inscrire dans une stratégie globale d’habitants, les 15-24 ans sont les plus exposés aux traumatis-
de prise en charge et d’orientation sur une structure adéquate. mes liés à l’insécurité routière et la traumatologie routière
Ces gestes thérapeutiques doivent être réalisés par des profes- représente la première cause de mortalité dans cette tranche
sionnels parfaitement aguerris, ce qui évite de surajouter au d’âge [2]. Pourtant, bon nombre de ces morts sont évitables [3].
traumatisme initial des lésions iatrogènes. En traumatologie En effet, la mortalité d’un traumatisé grave est maximale
grave, la formation médicale continue des différents acteurs pendant les 24 premières heures [4] puisque 80 % des décès
apparaît alors comme un élément important. surviennent durant cette période.

Physiopathologie Terrain
En pratique civile, la plupart des traumatismes sont liés au
choc entre un mobile en mouvement et un obstacle fixe : Facteurs humains et comportementaux
• accident en véhicule à moteur (automobile ou deux-roues) ; Le facteur comportemental représente le premier facteur
• agression avec un objet contondant ; influençant la survenue d’un accident de la voie publique. La
• chute d’un lieu élevé ; baisse de la vigilance joue également un rôle important, elle
• accident entre deux mobiles en mouvement (collision entre peut être physiologique ou liée à des troubles du sommeil [5]. Le
deux véhicules) ; facteur humain le plus étudié reste cependant l’alcoolisation,
• piéton heurté par un véhicule à moteur ou deux roues. son rôle sédatif étant à l’origine d’accident par non-perception
Le choc direct avec compression et la décélération sont les ou par retard à l’exécution d’un ordre, tout particulièrement
deux principaux mécanismes lésionnels lors des traumatismes chez les sujets jeunes [6]. Toutefois, si les patients considérés
non pénétrants. Les lésions observées sont très différentes en comme gros consommateurs semblent avoir six fois plus de
fonction de la vélocité du traumatisme. On distingue ainsi les risques d’accident, il n’existe pas de relation directe de gravité
traumatismes de basse vélocité (compression, agression avec un entre alcoolémie et lésions traumatiques. Cependant, le port de
objet contondant) et de haute vélocité (accident de véhicule à la ceinture de sécurité semble plus souvent négligé dans cette
moteur, chute d’un lieu élevé, accident du travail). population [7, 8].
Enfin peuvent se surajouter des lésions par traumatisme La consommation de drogues illicites est également un
thermique (brûlures), barométrique (blast), voire très exception- facteur de risque. Pour le cannabis, elle n’est pour l’instant pas
nellement chimiques ou par radiations ionisantes (accident lors évaluée précisément. En Californie, 37 % des conducteurs
du transport). décédés présentaient un dépistage positif [8]. La prise d’opiacés
comme l’héroïne joue aussi un rôle dans la genèse d’accidents.
L’influence en Europe paraît marginale actuellement, mais elle
■ Mécanismes traumatiques est probablement sous-évaluée.

Écrasement Facteurs socioéconomiques


Au décours d’une compression, la capacité d’un organe à Le traumatisme touche préférentiellement les habitants de
absorber l’énergie dépend de ses caractéristiques viscoélastiques. quartiers défavorisés, la fréquence varie du simple au triple dans
La réponse de l’organe atteint à la force de compression qui lui une étude réalisée dans l’État de New York [9].
est appliquée va donc engendrer d’une part une atteinte de
l’organe et d’autre part une transmission aux tissus adjacents. Facteurs environnementaux
Ainsi, un choc brutal dans la région cardiaque pourra, sans
lésion pariétale, entraîner un arrêt cardiaque. Ce mécanisme a La prévalence des accidents en milieu urbain est plus impor-
été clairement décrit par exemple au décours d’un choc par une tante qu’en milieu rural, cependant, les accidents mortels sont
balle de base-ball [1]. plus fréquents en rase campagne. Le relief et les conditions
climatiques interviennent également ainsi que les caractéristi-
ques techniques des véhicules en cause. La plupart des accidents
Décélération surviennent sur un trajet habituel à proximité du domicile du
En cas de décélération brutale, aussi bien dans le plan conducteur.
horizontal que vertical, le poids apparent du corps et des
organes augmente considérablement et, lors de l’arrêt, les forces Accidents de la vie courante
de cisaillement ainsi transmises engendrent alors des ruptures et
des déchirements dans les zones de jonctions entre deux La part des accidents de la vie courante s’élève à environ
organes ou au sein d’un même organe. L’exemple le plus 30 % de l’ensemble des traumatisés graves hospitalisés en
caractéristique est celui de la rupture traumatique de l’isthme de réanimation. Ceux-ci regroupent les chutes d’un lieu élevé que
l’aorte. Ce mécanisme explique également les lésions pétéchiales l’on retrouve à tous les âges mais plus particulièrement chez
localisées à la jonction entre la substance blanche et grise du l’homme à partir de 15 ans. Les femmes sont quatre fois moins
cerveau, de densité différente. touchées que les hommes dans le cas des accidents de sport [10].

2 Médecine d’urgence
Prise en charge du traumatisé grave en phase extrahospitalière ¶ 25-200-B-10

■ Régulation médicale Moyens de communication et conseils aux témoins


La large diffusion dans la population des téléphones portables
Pour le médecin régulateur, la gestion d’un TG commence est un outil important. Il permet de rester en ligne avec
dès la réception de l’appel et se poursuit jusqu’à ce que le l’appelant. Le médecin régulateur peut apprécier la capacité de
patient soit admis dans une structure permettant une prise en l’appelant et des témoins présents sur les lieux à réaliser les
charge complète et définitive. gestes de premiers secours. Il guide, si nécessaire, les manœuvres
C’est un acteur important de la filière de soins, il travaille en de réanimation cardiopulmonaire en expliquant la fréquence du
collaboration avec le médecin transporteur et le médecin massage cardiaque externe et de la ventilation. Il est possible,
receveur dans l’objectif d’optimiser les délais d’admission et les pour le médecin régulateur, d’assister les personnes sur place à
vecteurs de transport. Un nombre important d’appels arrivant la mise en position latérale de sécurité d’un patient (position de
sur les standards des services de secours se fait via un téléphone Haines). Dans tous les cas, il incite les témoins à couvrir les
portable. Cette modalité d’alerte apparaît comme un moyen blessés afin de limiter la déperdition thermique.
pertinent pour prendre le temps d’affiner la régulation médicale
tout en activant immédiatement les moyens de secours. Envoi des moyens

Prise d’appel Moyens de proximité


Les moyens des SDIS départementaux sont engagés de façon
Interconnexion pompiers systématique face à un accident corporel. Ils permettent
d’acheminer rapidement sur place des secouristes formés à la
Une partie non négligeable des appels arrivant au centre de réalisation des gestes de premiers secours, de l’oxygène et un
traitement des appels (CTA)/service départemental d’incendie et défibrillateur semi-automatique (DSA).
de secours (SDIS), l’interconnexion entre l’appelant, le centre de En zone rurale, le recours aux médecins locaux (si possible
réception et de régulation des appels (CRRA) et le CTA est la médecin correspondant du service d’aide médicale urgente
règle, elle permet de dégager les éléments de gravité et donc de [SAMU]) est également la règle. Ils coordonnent l’action des
préciser les moyens à mobiliser. En l’absence initiale d’intercon- premiers secours sur place. Ils peuvent apprécier les signes
nexion, le médecin régulateur rappelle le requérant pour vitaux, évaluer les lésions anatomiques, préciser les mécanismes
rechercher les éléments de gravité. lésionnels, apprécier les terrains du/des blessés, commencer les
gestes de réanimation. Le bilan d’ambiance qu’ils réalisent
Recherche des éléments de gravité permet au médecin régulateur d’avoir une vision objective en
provenance du lieu de l’accident et de savoir quels sont les
Le médecin régulateur essaie de mettre en évidence non moyens à engager.
seulement les éléments de gravité de l’accident mais aussi les Le médecin régulateur engage un nombre suffisant d’équipes
signes cliniques de gravité pour la ou les victimes. La capacité médicales en fonction des informations qu’il obtient.
variable de l’appelant à décrire la gravité de l’accident joue un
rôle important, le médecin régulateur temporise l’urgence Évacuation directe sur un centre de référence :
ressentie par les témoins pour dégager les arguments objectifs de quand faut-il l’envisager ?
gravité. Ces facteurs sont repris dans le Tableau 1. La régulation Les équipes de services mobiles d’urgence et de réanimation
médicale s’attache à envoyer sur les lieux les moyens de secours (SMUR) permettent la mise en route rapide de moyens efficaces
les plus adaptés en terme de nombre et de compétence. de réanimation, le médecin régulateur anticipe sur l’organisa-
tion d’une évacuation directe sur un centre référent de trauma-
Conseil aux témoins tologie. Pour cela, l’activation d’une équipe SMUR basée dans
Éviter le sur-accident un centre référent peut être une solution pour permettre une
évacuation directe sans dégarnir le secteur SMUR de l’accident.
Le médecin régulateur s’assure que les témoins présents sur Le vecteur héliporté apparaît dans ce contexte comme un
place signalent l’accident par différents moyens (feux de moyen pertinent [11, 12], il n’est cependant pas toujours possible
détresse, bandes réfléchissantes, signalisation visuelle aux autres d’y recourir. Dans tous les cas, le rapport bénéfice/risque doit
véhicules) dans l’objectif d’éviter le sur-accident. être apprécié en tenant compte de la gravité initiale, du temps
et du vecteur de transport.

Tableau 1. ■ Prise en charge préhospitalière


Facteurs accidentologiques de gravité. D’après Ammirati C., Journées
Depuis de nombreuses années, deux attitudes de prise en
scientifiques de Samu de France, Vittel, octobre 2002 « Le traumatisé
charge préhospitalière ont à tort été opposées. L’attitude nord-
grave ».
américaine le « scoop and run » et l’attitude européenne dite du
Éléments de gravité inhérents Éléments de gravité inhérents « stay and play » sont en fait complémentaires.
aux victimes à l’accident Sur le plan épidémiologique, les données américaines retrou-
Patient décédé/en état de mort Notion de vitesse excessive vent une forte prévalence de traumatismes balistiques et
apparente Présence d’un poids lourd
pénétrants. Ce type de pathologie justifie l’admission dans le
Patient incarcéré
centre le plus proche afin de réaliser une geste d’hémostase
Déformation de l’habitacle
d’urgence.
Patient inconscient Présence d’un cycle En Europe, les traumatismes fermés représentent l’essentiel des
Présence d’enfant Piéton renversé blessures graves. La phase préhospitalière ne doit pas allonger les
Présence d’une femme enceinte Décélération brutale délais d’admission, des données récentes indiquent que l’admis-
Patient éjecté Disproportion des vecteurs en sion dans un centre hospitalier général n’est bénéfique pour le
Patient écrasé cause (piéton/VL, train/VL....) pronostic du patient que s’il y est réalisé un geste salvateur. En
Désincarcération a priori longue Environnement (transport de ma- dehors de ce contexte, l’admission directe sur un centre de
Chute > 6 m tières dangereuses, incendie, explo- référence semble améliorer significativement le pronostic [13]. Un
sion, véhicules multiples) délai d’admission plus long dans un centre de référence assurant
Trace d’impact important
directement l’ensemble des soins apparaît comme une stratégie
Motard ne se relevant pas pertinente pour les patients stables ou stabilisés par les manœu-
VL : véhicule léger. vres de réanimation préhospitalière [14, 15].

Médecine d’urgence 3
25-200-B-10 ¶ Prise en charge du traumatisé grave en phase extrahospitalière

Pneumothorax
Le pneumothorax non traité fait partie des erreurs les plus
fréquemment observées, il est responsable d’un bon nombre de
décès évitables [16]. Un pneumothorax est présent chez un TG
sur cinq, en particulier en cas de détresse vitale initiale [17, 18].
Son diagnostic est évoqué d’emblée face à un emphysème
sous-cutané a fortiori si cet emphysème est extensif, en cas
d’asymétrie de la ventilation, en l’absence de correction de la
cyanose sous oxygénothérapie et, bien entendu, si le patient est
ventilé.
Il convient de distinguer plusieurs situations cliniques qui
auront, en préhospitalier, des stratégies de prise en charge
différentes mais qui conditionneront la prise en charge en
milieu hospitalier.
Pneumothorax évident sans répercussion ventilatoire
et/ou hémodynamique
Le patient présente soit un emphysème sous-cutané, soit une
asymétrie auscultatoire. Dans cette situation, si les manœuvres
de réanimation élémentaire suffisent à assurer une hématose
Figure 1. 1 Préoxygénation avant intubation en séquence rapide (pa-
satisfaisante, l’abstention thérapeutique est la règle en attendant
tient GCS 15, anomalie de la mécanique respiratoire).
l’arrivée à l’hôpital. Le médecin SMUR gardera à l’esprit qu’en
cas de dégradation brutale ou progressive, un geste d’exsuffla-
Bilan d’ambiance tion est nécessaire sans délais.

Le premier médecin sur place individualise d’emblée les Pneumothorax compressif


patients les plus graves en effectuant rapidement un état des Le plus souvent, le patient présente un tableau clinique
lieux sur le nombre de victimes et leur état avant de débuter les évocateur avec une répercussion hémodynamique (hypotension
premiers soins médicaux. En collaboration avec les secouristes artérielle, tachycardie, voire bradycardie ou activité électrique
sur place, les premiers gestes doivent être organisés. Ils compor- sans pouls, associé à une turgescence jugulaire) et respiratoire
tent la mise en place d’une oxygénothérapie, le recours à la (hypoxémie réfractaire sous oxygène, pression d’insufflation
minerve rigide et le réchauffement de la victime. À l’issue de élevée, asymétrie auscultatoire franche et déviation trachéale,
cette première évaluation, le médecin sur place doit dresser à la signe inconstant et tardif) et le plus souvent un emphysème
régulation du CRRA qui centralise les secours un premier bilan sous-cutané qui progresse rapidement. L’exsufflation est alors la
d’ambiance afin que le médecin régulateur juge si les moyens règle et est réalisée d’extrême urgence, la pose d’un drain est
qu’il a engagés sont suffisants. discutée en fonction de l’expérience du médecin SMUR et de la
Sur le plan pratique, la prise en charge initiale prendra en distance par rapport au centre hospitalier. Ces patients seront
compte la fonction vitale la plus atteinte, cependant, le plus
systématiquement admis en salle d’accueil des urgences vitales
souvent, il existe une intrication des lésions qui potentialise la
(SAUV) pour la réalisation d’un cliché thoracique en vue de la
gravité.
pose d’un drain thoracique.
La ponction de sauvetage à l’aiguille au deuxième espace
État ventilatoire intercostal sur la ligne mamelonnaire antérieure apparaît alors
comme un geste salvateur (voir article EMC sur les urgences
Évaluation et signes de gravité thoraciques, numéro 21-103-B-10).
L’état respiratoire est influencé par l’état neurologique et En préhospitalier, il convient cependant d’être très prudent
circulatoire. Le recours systématique à l’oxygénothérapie étant lors de la mise en place éventuelle d’un drain thoracique, une
de règle, la cyanose des extrémités apparaît très tardivement. Par rupture d’une coupole diaphragmatique pouvant être présente
ailleurs, c’est un signe d’hypoxie sévère qui peut être masqué chez un blessé grave, un drainage thoracique pourrait alors
par une anémie profonde. La mesure de la SpO2 revêt, dans ce blesser des organes abdominaux herniés. Afin de minimiser ce
contexte, tout son intérêt. Il faut cependant garder à l’esprit risque et lorsque l’on doit impérativement le mettre en place,
qu’il existe une différence de plus ou moins 4 % avec la valeur c’est la technique de drainage associant une dissection pariétale
de la SaO2. au doigt et à la pince avec ouverture pleurale vérifiée au doigt
La mesure de la fréquence respiratoire, dès la phase initiale, qui paraît la plus sûre. La ponction se fait au deuxième espace
donne une valeur objective de l’état ventilatoire. Une bradypnée intercostal sur la ligne mamelonnaire. Le drain peut alors être
témoigne d’un épuisement et conduit rapidement à la mise sous inséré doucement, sans mandrin (Fig. 2). La voie d’abord
assistance respiratoire. axillaire au 4e ou 5e espace intercostal est moins adaptée à
La tachypnée est moins spécifique, on la retrouve fréquem- l’urgence préhospitalière [19, 20]. Le drainage thoracique doit être
ment chez des patients ne bénéficiant pas d’une analgésie réalisé par des médecins ayant bénéficié d’une formation
suffisante, mais elle peut également être le témoin d’une préalable au geste. L’absence d’expérience dans ce geste incitera
hémorragie sévère. le médecin SMUR à demander un renfort par un médecin plus
La qualité de l’ampliation thoracique, l’existence d’éventuels expérimenté afin de ne pas prendre le risque d’ajouter au
signes de lutte, l’appréciation visuelle de la mécanique ventila- traumatisme un risque iatrogène majeur. Le drain sera mis en
toire et l’auscultation permettent également de guider la aspiration continue sur système clos dans l’objectif de maintenir
stratégie. une dépression tout au long du cycle respiratoire (dépression
intrapleurale de – 15 à – 25 cm d’eau). L’utilisation de la valve
Contrôle des voies aériennes supérieures de Heimlich est controversée et donnerait une fausse sécurité.
L’étape initiale essentielle réside dans la désobstruction des Tout pneumothorax diagnostiqué sera drainé avant évacuation
voies aériennes supérieures. La recherche de prothèses dentaires héliportée.
sera systématique en raison du risque d’obstacle glottique. La En conclusion, l’hypoxémie représente une cause importante
première priorité reste l’oxygénation du patient. Si l’indication de décès dans les toutes premières heures post-traumatiques et
d’intubation est retenue, celle-ci sera précédée d’une préoxygé- plus tardivement une des causes de souffrance multiviscérale
nation soigneuse sous FiO2 = 1 avec un ballon plat (Fig. 1). secondaire.

4 Médecine d’urgence
Prise en charge du traumatisé grave en phase extrahospitalière ¶ 25-200-B-10

Figure 2. Points de ponction du drainage.


A : drainage thoracique antérieur du 2e espace intercostal (EIC) ;
B : drain thoracique par voie axillaire du 4e espace intercostal. LMC : ligne
médioclaviculaire ; LAM : ligne axillaire moyenne.

Le monitorage de l’oxymétrie de pouls guide en partie la


stratégie d’oxygénation. Il ne permet cependant pas d’apprécier
le rapport PaO2/FiO2 plus précis dans l’évaluation de la gravité.
.
Enfin, si le monitorage de l’EtCO 2 est essentiel pour la
stratégie ventilatoire chez le patient intubé, il ne permet pas, en
phase préhospitalière, d’évaluer précisément la PaCO2 qui joue
un rôle majeur dans le contrôle de la pression intracrânienne.
.
Les appareils de biologie embarqués représentent probablement Figure 3. Dispositif « Blood pump® » permettant une expansion volé-
un dispositif efficace pour mesurer le rapport PaO2/FiO2 et la mique accélérée, avec filtre à particules en cas d’administration de pro-
PaCO2. duits sanguins labiles.

État circulatoire
L’hémorragie grave est, avec les lésions cérébrales, la première l’impossibilité de détecter le signal pléthysmographique témoi-
cause de mortalité après un traumatisme grave [21, 22]. Près de gne d’une hypoperfusion périphérique sévère.
20 % des patients décédés répertoriés dans les registres de prise La réanimation préhospitalière sera particulièrement agressive
en charge présentaient en fait une cause curable aboutissant au chez les patients présentant une pression artérielle systolique
concept de mort évitable [3] . Cette mortalité reste majeure initiale inférieure ou égale à 90 mmHg. Ce niveau d’hypoten-
durant les toutes premières heures, cette donnée est essentielle sion est une valeur prédictive indépendante de décès (odds-
à prendre en compte pour orienter initialement les patients [13, ratio[OR] : 4,8 IR [4,1-5,6]) [25].
23, 24].

En phase préhospitalière, la gravité de l’hémorragie est Évaluer la spoliation sanguine et le statut


presque toujours sous-estimée. L’appréciation clinique est hémodynamique
souvent difficile. Dans ce contexte, le monitorage précoce et Le volume de la spoliation sanguine est souvent difficile à
continu permet de suivre l’évolution et la réponse à la réanima- apprécier en phase préhospitalière. Des tableaux américains de
tion. L’hémodynamique guide l’orientation, elle revêt également correspondance permettent d’estimer la spoliation sanguine en
une valeur majeure dans le pronostic du patient à plus long fonction des fractures avérées et suspectées. Ces algorithmes
terme. sont difficiles à exploiter en phase préhospitalière où certaines
fractures très hémorragiques sont peu évidentes et le volume du
Recherche des signes de gravité immédiate saignement peut être influencé par le remplissage vasculaire qui
Le patient victime d’un traumatisme grave peut, dès l’arrivée peut aggraver le syndrome hémorragique par dilution des
des secours, présenter un arrêt circulatoire. Dans ce contexte, la facteurs de coagulation. Au cours du choc hémorragique, les
prise en charge reste classique, après avoir recherché et traité un chiffres de pression artérielle ne reflètent pas toujours la
pneumothorax suffocant et un choc hypovolémique. Globale- spoliation sanguine, les mécanismes physiologiques d’adapta-
ment, le pronostic de ces patients reste identique au pronostic tion permettant de maintenir, même pour des volumes impor-
actuel de l’arrêt circulatoire toutes étiologies confondues. tants, le chiffre de pression artérielle. La réaction sympathique
Une bradycardie paradoxale est un signe de désamorçage de l’organisme à la spoliation sanguine peut être approchée par
cardiaque précédant l’arrêt circulatoire. Son traitement intensif la tachycardie. L’appréciation clinique globale (Tableau 2) du
consiste en un remplissage massif et rapide avec accélérateur de patient représente sûrement un moyen plus fiable d’apprécier le
perfusion (Fig. 3). L’atropine est contre-indiquée en raison d’un volume de la spoliation. Cependant, plus que l’état hémodyna-

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