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Objet d'étude: La Littérature d'Idées du XVIème au XVIIIème siècle

Parcours: Le regard éloigné


Séquence 5: Moi dans l'Autre

TEXTE-BAC 13
Lettre XXIV Les Lettres persanes, Montesquieu, 1721

RICA À IBBEN.
À Smyrne.

(...) Ne crois pas que je puisse, quant à présent, te parler à fond des mœurs et des coutumes
européennes : je n’en ai moi-même qu’une légère idée, et je n’ai eu à peine que le temps de
m’étonner.

Le roi de France est le plus puissant prince de l’Europe. Il n’a point de mines d’or comme le roi
d’Espagne son voisin ; mais il a plus de richesses que lui, parce qu’il les tire de la vanité de ses
sujets, plus inépuisable que les mines. On lui a vu entreprendre ou soutenir de grandes guerres,
n’ayant d’autres fonds que des titres d’honneur à vendre ; et, par un prodige de l’orgueil humain,
ses troupes se trouvaient payées, ses places munies, et ses flottes équipées.

D’ailleurs ce roi est un grand magicien : il exerce son empire sur l’esprit même de ses sujets ; il les
fait penser comme il veut. S’il n’a qu’un million d’écus dans son trésor, et qu’il en ait besoin de
deux, il n’a qu’à leur persuader qu’un écu en vaut deux, et ils le croient. S’il a une guerre difficile à
soutenir, et qu’il n’ait point d’argent, il n’a qu’à leur mettre dans la tête qu’un morceau de papier est
de l’argent, et ils en sont aussitôt convaincus. Il va même jusqu’à leur faire croire qu’il les guérit de
toutes sortes de maux en les touchant, tant est grande la force et la puissance qu’il a sur les esprits.

Ce que je te dis de ce prince ne doit pas t’étonner : il y a un autre magicien plus fort que lui, qui
n’est pas moins maître de son esprit qu’il l’est lui-même de celui des autres. Ce magicien s’appelle
le pape : tantôt il lui fait croire que trois ne sont qu’un ; que le pain qu’on mange n’est pas du pain,
ou que le vin qu’on boit n’est pas du vin, et mille autres choses de cette espèce. (...)

Je continuerai à t’écrire, et je t’apprendrai des choses bien éloignées du caractère et du génie persan.
C’est bien la même terre qui nous porte tous deux ; mais les hommes du pays où je vis, et ceux du
pays où tu es, sont des hommes bien différents.

De Paris, le 4 de la lune de Rebiab 2, 1712.


Objet d'étude: La Littérature d'Idées du XVIème au XVIIIème siècle
Parcours: Le regard éloigné
Séquence 5: Moi dans l'Autre

TEXTE-BAC 13
Lettre XXIV Les Lettres persanes, Montesquieu, 1721
Lecture
Mouvements/unités de sens
-l.1 à 3 : Le décalage comme instrument critique

Amorce :
Le texte que nous allons étudier dans le cadre de l'objet d'étude "La Littérature d'idées du
XVIème au XVIIIème siècle" est la Lettre 30 des Lettres persanes publiées par Montesquieu
en 1721.
1721, à l'aube du siècle des Lumières, où chaque artiste, chaque écrivain, chaque philosophe
est désireux de répandre savoirs et connaissances afin d'éclairer le peuple, de le libérer du joug
de l'ignorance, de l'amener vers le progrès en interrogeant la société, en reflétant ses
dysfonctionnements.
Le roman épistolaire de Montesquieu est de ceux-là. Véritable littérature réflexive qui, à
travers la correspondance de deux persans en visite en France, utilise "le regard éloigné", le
décalage du choc des cultures afin de critiquer amplement la société.
La lettre XXIV est à cet égard exemplaire.
En effet, Rica "s'étonne" de nouveau et, sous prétexte de décrire/faire le portrait le Roi de
France et le Pape, en prononce , en fait, un faux-Eloge (=un blâme).

-l.4 à 18 : Blâme des pouvoirs politique/religieux


-l.18 à fin : Conclusion = Choc des cultures

Problématique : Dès lors, il peut être intéressant de voir la portée critique de cette lettre?

Remarque 1 : l.1 à 3 Le décalage comme instrument critique


D'emblée, Rica rappelle que le regard persan permet un regard inédit sur les mœurs
parisiennes. Le fameux "regard éloigné", ce décalage qui permet un écart entre ce que voit et
souligne Rica et ce que comprend le lecteur du quotidien des Français. l.3 "le temps de m’étonner." =
Le verbe est ici très éloquent. L'étonnement "je n'en ai moi-même qu'une légère idée" comme instrument
de la critique.
De plus, très habilement, l'extrait débute par une fausse négation : l.1 "Ne crois pas que je puisse,
quant à présent, te parler à fond des mœurs et des coutumes européennes : je n’en ai moi-même qu’une légère idée, et
je n’ai eu à peine que le temps de m’étonner." À noter la négation restrictive "ne crois pas pas que je puisse"
qui, en fait, dit l'inverse de ce qu'elle suggère (il s'agit d'une antiphrase sous la pluie de
Montesquieu = une figure de style qui consiste à employer, par ironie ou par euphémisme,
un mot, une locution ou une phrase dans un sens contraire à sa véritable signification): il
va parler à fond des mœurs et des coutumes européennes! En dresser un tableau minutieux.
Remarque 2 : l.4 à 18 : Blâme des pouvoirs politique/religieux
Ensuite, le paragraphe débuté par un superlatif de supériorité qui semble être à la gloire du
pouvoir du Roi de France l.4 "Le roi de France est le plus puissant prince de l’Europe." Le passage semble
alors débuter comme un éloge, pourtant, à y regarder de plus près, toute l'ironie de Montesquieu
jaillit derrière le rapport que Rica fait à Ibben. A retenir : il s'agit donc d'un faux éloge = un
blâme (jugement de désapprobation).
-roi anonyme "le roi de France" = critique généralisante/universelle de tout régime de monarchie
absolue qui repose sur la docilité du peuple. Ici, toujours passif l.9/10 "il exerce son empire sur l’esprit
même de ses sujets ; il les fait penser comme il veut." "Les" = le peuple = COD en position passive.
Montre donc la suprématie du Roi, condamnable selon Montesquieu :
! Le Roi = un manipulateur autoritaire "les fait penser comme il veut" l.10 + l.9 "exerce son empire"
En effet, le Roi n'a point de richesses matérielles "il n'a point d'or comme le Roi d'Espagne" + l.7 n’ayant
d’autres fonds que des titres d’honneur à vendre" + l.11 "qu'il n'ait point d'argent", "Mais" (à noter l'opposition
forte), malin/rusé, il peut exploiter sans fin ses sujets (sous-entendu : taxes/impôts...l.7 ses
troupes se trouvaient payées, ses places munies, et ses flottes équipées.") "mais il a plus de richesses que lui"l.5
! Le Roi = un stratège performant capable d'utiliser efficacement les ressources humaines à sa
disposition l.4 "Il n’a point de mines d’or comme le roi d’Espagne son voisin ; mais il a plus de richesses que lui,
parce qu’il les tire de la vanité de ses sujets, plus inépuisable que les mines." À noter, ici, aussi, la critique de
l'orgueil des sujets/courtisans avec le comparatif de supériorité "plus inépuisable que les mines" + "par un
prodige de l'orgueil humain" l.6
Rica illustre cette observation/remarque par l'exemple des guerres onéreuses (et souvent stériles) l.
6/7 "On lui a vu entreprendre ou soutenir de grandes guerres, n’ayant d’autres fonds que des titres d’honneur à
vendre ; et, par un prodige de l’orgueil humain, ses troupes se trouvaient payées, ses places munies, et ses flottes
équipées."
Le "D'ailleurs" l.9 introduit un développement de l'exemple qui précède dans la logique
argumentative de la lettre :
! Le Roi = un prestidigitateur "un grand magicien" l.5 (qualité contestable et très ironique sous la
plume de Montesquieu) + "par un prodige" l.7 . !Réseau lexical de la magie/de la superstition/
surnaturel/rituels très antithétique avec les affaires sérieuses de l'Etat.
Rica joint un exemple (commençant par le "Si" de l'hypothèse et empruntant la logique d'un faux
raisonnement déductif) à son affirmation toujours sur la guerre et l'argent colossal qu'il faut pour
la mener.
*Hypothèse 1/exemple = "S’il n’a qu’un million d’écus dans son trésor, et qu’il en ait besoin de
deux, il n’a qu’à leur persuader qu’un écu en vaut deux, et ils le croient." De nouveau le caractère
manipulateur du Roi : "il n'a qu'à leur persuader" (à noter : DEF faire adhérer son interlocuteur à sa
thèse grâce aux sentiments) et la docilité des sujets "et ils le croient".
*Hypothèse 2/exemple = "S’il a une guerre difficile à soutenir, et qu’il n’ait point d’argent, il n’a
qu’à leur mettre dans la tête qu’un morceau de papier est de l’argent, et ils en sont aussitôt
convaincus." Même principe, le manque d'argent et le moyen rusé d'en trouver. Le caractère
manipulateur et la candeur/niaiserie des sujets.
*Exemple 3 = l.14 "Il va même jusqu’à leur faire croire qu’il les guérit de toutes sortes de maux en
les touchant, tant est grande la force et la puissance qu’il a sur les esprits." De nouveau, en
utilisant l'exemple du Roi sois-disant guérisseur = référence à une "croyance/superstition" des rois
guérisseurs ( "Le Roy te touche, Dieu te guéris", le fameux toucher des écrouelles)Montesquieu
dénonce LA CRÉDULITÉ du peuple et LE POUVOIR DE PERSUASION du roi.
A noter : l'adjectif "grande" qui renforce "force" et "puissance"
Ainsi, Rica conclut ce passage sur le Roi par "Ce que je te dis de ce prince ne doit
pas t’étonner"l.15. Or, toute l'ironie de Montesquieu se déploie, ici. Justement tant de
manipulation machiavélique associée à tant de crédulité ne peuvent qu'étonner =
critique acerbe.
De plus, Rica poursuit son tableau du pouvoir dans la société française par le Pape/Clergé l.16 ". Ce
magicien s’appelle le pape". La critique, de nouveau, sous couvert d'étonnement, est virulente!
"il y a (=formule de la description) un autre magicien plus fort que lui (à noter le comparatif de
supériorité Pape plus fort en manipulation que le roi. Emprise du Pape sur les esprits naïfs), qui
n’est pas moins maître de son esprit (=très intelligent) qu’il l’est lui-même de celui des
autres"(=manipulateur).
Tous les principes religieux (dans une accumulation), à travers le regard éloigné de Rica, sont remis
en cause/dénoncés/critiqués: tentative de désacralisation des croyances religieuses.
-EX 1 : utilise les mathématiques pour désacraliser la Sainte trinité " tantôt il lui fait croire que trois
ne sont qu’un" (Dieu/Jésus/Saint Esprit ) avec l'utilisation du verbe "croire" à la fois "la foi" mais
aussi "la superstition".
-EX2 : "que le pain qu’on mange n’est pas du pain, ou que le vin qu’on boit n’est pas du vin"
référence au corps/sang du Christ au moment de la communion (l'eucharistie).
-EX3 :" et mille autres choses de cette espèce. (...)""chose" terme dévalorisant, péjoratif dans
l'énumération, ici.
Ce "regard neuf" sur des coutumes religieuses en pointent, sous la plume de Montesquieu, l'aspect
improbable.
Ainsi, ce passage possède une double visée critique. D'une part la crédulité du
peuple, prêt à croire n'importe qui/quoi, d'autre part, "les autorités" enclin à profiter
de leur position de force.

Remarque 3 : l.18 à fin : Conclusion = Choc des cultures


Enfin, la lettre se conclut par une définition du regard éloigné, le procédé qu'utilise Montesquieu
pour dresser un portrait satirique de la France au XVIIIème siècle.
-la ruse de l'épistolaire : "Je continuerai à t’écrire"l.18 le prétexte stratégique d'une fausse
correspondance. Rica et Usbek échangent avec leurs amis restés en Perse des lettres dans
lesquelles ils font part de leurs impressions sur de nombreux sujets qui concernent la Société
française.
-vecteur d'informations et d'étonnement puisque deux cultures s'affrontent : "et je t’apprendrai des
choses bien éloignées du caractère et du génie persan."l.19
-une invitation à réfléchir l'égalité des peuples, tous légitimes dans leurs mœurs " C’est bien la même
terre qui nous porte tous deux"
-La dernière phrase incarne à elle seule tout le procédé de Montesquieu, ce fameux "regard
éloigné", décalage qui permet l'étonnement des deux persans et la complicité critique des
lecteurs : "mais les hommes du pays où je vis, et ceux du pays où tu es, sont des hommes bien différents."l.21

CONCLUSION
Ainsi, le regard persan permet un regard inédit sur des aspects de la société qui semblent naturels
aux sujets et chrétiens français.
Rica, en dressant un tableau de ce qui l'étonné, fait, malgré lui des hauts dignitaires français, des
marchands d'illusions et d'artifices.

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