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Volume 4 (2016) Jeune chercheur

La conteneurisation, une opportunité pour le développement du port


d’Agadir et la réintégration de son arrière-pays dans le nouveau réseau de
transport maritime international.

Hajar El Mahdad et Abdelkabir El Ouidani

Pour citer cet article


Hajar EL MAHDAD et Abdelkabir EL OUIDANI, La conteneurisation, une opportunité pour le
développement du port d’Agadir et la réintégration de son arrière-pays dans le nouveau réseau
de transport maritime international, Revue GéoDév.ma, Volume 4 (2016), en ligne :
http://revues.imist.ma/?journal=geodev

Introduction
Depuis son apparition en tant que point d’accostage et de trafic de commerce au XVIème
siècle, le port d’Agadir a toujours joué un rôle de jonction entre un arrière-pays fournisseur de
produits divers et un avant-pays récepteur de ces produits. Cette situation s’est affirmée
davantage avec l’avènement de la colonisation française qui a réussi à faire du Souss un
véritable bassin d’exportation de produits agroalimentaire frais à partir du port d’Agadir.
Après l’indépendance, l’Etat marocain n’a fait que renforcer ce choix économique offrant plus
d’opportunités d’emplois et plus de recettes en devises. En plus du soutien des infrastructures
et des suprastructures de la production agricole et halieutique, le port d’Agadir a vu des
réaménagements successifs de grande taille pour constituer un véritable complexe portuaire
occupant une place notoire dans le système portuaire national.
Pour accompagner l’élargissement continu de la base économique de son arrière-pays, les
exigences évolutives du système de transport maritime mondial et les mutations des marchés
de destination, le port d’Agadir n’a cessé d’adapter son offre de service pour arriver à des
prestations plus compétitives. Après une phase d’offre d’un mode de transport en vrac portant
d’évidentes avaries aux produits agricoles périssables, le port est entré dans une phase de
palettisation des produits, et ce avant de passer à l’adoption du mode de conteneurisation
reefer1.
Si le mode de conditionnement palettisé a pu moderniser le transfert maritime des produits
agroalimentaires périssables, il n’a pas véritablement réussi à capturer une partie grandissante
des flux des exportations constituée principalement de primeurs. Les chargeurs de cette
catégorie de produits à base de tomates, font recours quasi-exclusivement au transport routier
offrant beaucoup plus de souplesse et d’avantages que le transfert maritime.

1
Reefer : mot d’origine anglaise pour désigner un conteneur sous régime réfrigéré dédié au conditionnement des
marchandises périssables. Dray signifie conteneur normale pour le transport des produits ne nécessitant pas une réfrigération.
1
Qualifié de « révolutionnaire » par certains, le mode de conditionnement par conteneur a
constitué une opportunité précieuse pour une nouvelle réintégration du port d’Agadir dans le
réseau du transport maritime mondiale. Pour les observateurs et les acteurs du transport
international, l’intégration de ce port dans le processus de conteneurisation initié par le
Maroc, pourrait améliorer de manière conséquente la compétitivité des exportations des
régions du Sud du pays. Au moins, il pourrait contribuer à la réduction du coût du fret des
marchandises par rapport aux pays concurrents, comme il pourrait en plus aider les
exportateurs dynamiques de la zone à s’imposer au niveau des marchés étrangers lointains.

1. La conteneurisation, un facteur d’accélération de la mondialisation


Le conteneur et ses impacts sur l’organisation du transport maritime international
Depuis son introduction en tant que nouveau mode de conditionnement dans le transport
maritime dans les années soixante, le conteneur n’a pas eu uniquement des conséquences
techniques positifs sur la manutention des marchandises. Au-delà, il était derrière la mise en
place de tout un système de transport prenant en charge les produits transportés de « bout en
bout » et sans aucune rupture de charge. Aujourd’hui, ils sont nombreux ceux qui considèrent
le processus de conteneurisation comme « l’épine dorsale de la mondialisation » (Frémont
2005), et aussi comme une opportunité pour améliorer la croissance économiques des pays.
La réussite de ce mode de conditionnement qui a pu imposer une nouvelle logique et une
nouvelle configuration des flux mondiaux du transport maritime des marchandises, est due à
ses apports techniques innovants en matière de manutention. Les équipements spécialisés de
cette boîte métallique ont énormément facilité sa manutention entre le quai et le navire ou
l’inverse, ils ont contribué à réaliser des gains importants en énergies et en temps au niveau de
la manipulation portuaire. Cela a eu des conséquences en cascades le long de la chaîne de
transport du commerce international, quelle que soit la distance parcourue. Le conteneur a
énormément facilité la jonction du producteur au consommateur, et par conséquent il a abouti
à une nouvelle structuration des territoires concernés par la trajectoire de la marchandise et de
ses composantes.
De ce fait, l’intermodalité est considérée comme l’une des résultantes déterminantes de la
conteneurisation du transport maritime. La standardisation et la simplification de la
manutention de ces caisses métalliques, ont permis aux expéditions de circuler par les divers
modes de transports dans la même chaîne, sans rupture de charge. Chacun des différents
modes de transports empruntés par le conteneur en mer et en continent garde son identité, tout
en convergeant vers l’objectif de réaliser un acheminement plus performant en termes de coût
et de temps.
Rapidement, dopée par l’ambition de réaliser des gains d’économie d’échelle, cette
augmentation de la fluidité du transport maritime des marchandises par conteneur a débouché
sur une massification des flux traités qui s’est concrétisée par un phénomène de «gigantisme».
Petit à petit, ont commencé à apparaitre des porte-conteneurs de capacité de charge
spectaculaire, sillonnant un nouveau réseau de lignes maritimes régulières orchestré par des
terminaux portuaires spécifiques de taille et de profondeur de plus en plus importants.
Ce nouveau réseau de transport maritime s’articule autour d’une route principale, dite « route
circumterrestre », de direction ouest-est reliant les « façades maritimes » les plus dynamiques
du globe : l’Asie orientale, l’Europe et l’Amérique du Nord avec sa façade atlantique et sa
façade pacifique. A partir de cette route principale se détache un réseau de lignes maritimes
de direction généralement nord-sud jouant le rôle de « feedering » des ports lointains de
l’Afrique, l’Amérique latine et l’Océanie. La jonction de ce réseau de second ordre se réalise
2
par des hubs de transbordement portuaire dont le nombre et la capacité de traitement de
conteneurs ne cessent de s’accroître (Figure 1) (Frémont A. 2005, Rodrigue J-P et als. 2013).
Les informations statistiques rapportées par la CNUCED dans son rapport annuel «Etudes sur
les transports maritimes», démontrent la constante croissance du flux de transport maritime
des conteneurs qui a dépassé le seuil de 15 millions EVP2 en 2011, le 1/3 de cette charge est
acheminé par la route circumterrestre (CNUCED. 2012). Avec ces performances, il se
confirme que la conteneurisation du transport maritime constitue un véritable outil de
mondialisation sur lequel les pays tentent de se greffer. « Le fait pour un pays ou une région
d’être arrimé aux réseaux maritimes conteneurisés contribue directement à la compétitivité
de leur économie. Inversement, une situation marginale ou périphérique par rapport à ces
réseaux peut être un frein au développement du commerce extérieur » (Frémont 2010).
Afin de rendre leurs territoires plus attractifs pour les armateurs et les manutentionnaires
portuaires multinationaux dotés de savoir-faire et de forte capacité d’investissement, et pour
prendre place dans ce nouveau réseau maritime conteneurisé, les pays ayant exprimé ce choix
comme le Maroc, sont entrés dans une rude concurrence pour préparer le terrain face à cette
transition. Deux pistes d’actions se sont avérées inévitables : (i) la réalisation de réformes
institutionnelles permettant l’introduction du principe de la compétitivité économique des
prestations de services portuaires et le soutien de l’intégration des opérateurs privés dans le
secteur d’une part, (ii) la mobilisation des fonds, même privés, pour la réalisation des
infrastructures lourdes et des équipements modernes rendant le passage portuaire et maritime
plus fluides (hubs, terminaux spécialisés, porte-conteneurs…).
En parallèle avec la réforme progressive du cadre institutionnel maritime, le Gouvernement
marocain avait fait le choix d’intégrer les ports de Casablanca et d’Agadir, sujet de cet article,
dans le processus de conteneurisation par la mise en place de terminaux spécialisés, et ce
avant même d’aller vers la construction du grand hub portuaire de Tanger-Med,

Figure 1 : Réseau maritime du trafic des conteneurs schématisé par Rodrigue J-P
Source : Rodrigue J-P et als. 2013

2
EVP : Equivalent Vingt Pieds, unité de mesure du trafic des conteneurs.
3
Le système portuaire marocain et le processus de conteneurisation

Face au recul du paysage portuaire national devant le développement remarquable du système


de transport maritime international de plus en plus maitrisé par les armateurs et les opérateurs
portuaires multinationaux à forte concentration, le Maroc a fait le choix de réintégrer la chaîne
de transport maritime mondiale, même si cela a nécessité la prise de décisions couteuses telles
que la libéralisation du secteur, l’introduction des principes de la concurrence économique et
la modernisation des infrastructures.
Sur le plan institutionnel, les textes de lois en vigueur ont été refondus pour permettre la
libéralisation du secteur et pour mettre fin au monopole de l’Etat. Une décision claire est prise
pour séparer la gestion du domaine public de la gestion commerciale des services et des
espaces portuaires pour passer vers de nouveaux modes de gestion. En effet, certains ports
marocains de commerce sont passés d’une gestion « tools port » où les infrastructures et les
suprastructures sont publiques à un modèle de gestion plus ouvert « landlord port » cédant
l’exploitation au secteur privé dans un cadre contractuel sans que l’Etat perde la propriété du
port. Le mode de gestion de type « private port » accordant une marge plus large au secteur
privée dont l’activité englobe à la fois l’équipement et l’autorité portuaire est adopté au
niveau du port de Tanger Med.
Avec cette réforme institutionnelle, le fameux Office d’Exploitation des Ports a été dissous
pour être remplacé par deux institutions à vocations complémentaires mais avec des statuts
différents. Il s’agit d’une part de Marsa-Maroc, opérateur à statut privé pouvant
soumissionner aux appels d’offres de prestation de services de manutention à quais dans le
cadre de concessions contractuelles à durée déterminée; et d’autre part de l’Agence Nationale
des Ports (ANP) chargée de l’autorité portuaire au niveau des différents ports du pays. Les
réformes élaborées ont même anticipé la possibilité de création d’autorités portuaires
indépendantes comme pour le cas du Tanger Med Port Authority (TMPA) et la mise en place
de mesures d’attraction des investissements étrangers. Ces mesures ont rendu possible la
privatisation de la Compagnie Maritime Nationale de Navigation et l’arrivée des armateurs
internationaux comme Maersk, MSC et CMA-CGM entre autres.

Tableau 1 : Nouvelle organisation du secteur portuaire marocain

Administration Ministère de l’Equipement, des Transports et de la Logistique


Direction des Ports et du Domaine Public Maritime ;
Direction de la Marine Marchande.
Agences Agence Nationale des Ports
Agence Spéciale Tanger Med
Opérateur Ports de Marsa Maroc, SOMAPORT, SOSIPO, Rôle : Gestion des activités
actuels commerce MASCEREALE, OCP, JLEC, commerciales dans les
CIMENT DU MAROC, Eurogate, terminaux exploités
APM Terminals
Ports de Office National de Pêche Rôle : Gestion des Halles
pêche aux poissons et du port de
pêche.
Port de AAV du Bouregrag, Kabila Marina, Rôle : l’exploitation et la
plaisance Fadesa, Marina Group Investments, gestion des ports de
Sodeports-Cari, Ag.Am.de la Lagune plaisance.
Mar Chica,
Source : Elaboration personnelle à partir des données du METL. (www.mtpnet.gov.ma)

4
En matière d’infrastructures, le port de Tanger-Med avec sa taille, sa capacité de traitement
de flux commerciaux conteneurisés et ses équipements de dernières générations a suscité un
intérêt mérité de la part les différentes instances ayant des rapports directs ou indirects avec la
marine marchande, mais il ne constitue pas le seul espace de traitement de conteneurs du
pays. Déjà, un terminal a vu le jour au niveau du port de Casablanca à partir des années
soixante-dix et un second au niveau du complexe portuaire d’Agadir à partir des années
quatre-vingt-dix.
Après les amendements des nouveaux apports institutionnels, le gouvernement est passé à
l’élaboration d’une « stratégie portuaire nationale à l’horizon de 2030 » et une « stratégie
nationale de développement de la compétitivité logistique ». Les actions prévues dans ces
deux planifications convergent vers la concrétisation d’un réseau de transport intermodal
performent et compétitif structurant le territoire national et assurant son ouverture sur le
monde.
Si on excepte l’activité du transbordement de conteneurs au niveau de Tanger-Med, l’essentiel
de l’activité portuaire des conteneurs échangés dans le cadre du commerce extérieur du pays -
dit trafic domestique- se réalise au niveau des ports de Casablanca et d’Agadir.

2. La place du port d’Agadir dans le système portuaire marocain


Le paysage portuaire marocain est constitué actuellement de 38 ports, d’autres sont en cours
de construction ou programmés dans le cadre de la stratégie portuaire nationale en cours, la
majorité de ces ports étant spécialisée. Le port de Mohammedia est dédié spécialement au
trafic des hydrocarbures, ceux de Jorf Lesfar et Safi au traitement des phosphates et leurs
dérivés, un nombre important de ports de tailles différentes est affecté à la pêche. Une
douzaine de ports est considérée comme des ports de commerce, mais on trouve en réalité
dans cette catégorie des ports multifonctionnels comme le cas de Casablanca et Agadir qui
constituent de véritables complexes portuaires englobant les différentes activités : plaisance,
pêche et commerce. D’ailleurs ce sont ces deux ports qui ont bénéficié d’un aménagement de
terminaux à conteneurs avant la construction du port de Tanger-Med.
Un hinterland étalé basé sur des exportations agroalimentaires
Le site d’Agadir a longtemps offert un point d’accostage idéal le long de la côte atlantique
marocaine, mais sa qualification en tant que port moderne n’a pu commencer qu’avec la
période du protectorat français pour desservir le vaste hinterland couvrant la totalité du
territoire sud-marocain.
Cet hinterland est en extension continue. Durant la période coloniale et au moment des
premières années d’indépendance, il ne couvrait que le Souss-Massa et une partie du Darâa.
Mais à partir de 1975, le rayonnement du port s’est étalé à toutes les provinces du Sud.
Actuellement avec le développement du réseau routier, et principalement l’arrivée de
l’autoroute, les prémisses d’un basculement des exportations de la Région de Marrakech-
Haouz a commencé à se manifester vers le port d’Agadir (Figure 2).
Trois secteurs essentiels d’exportations marquent l’arrière-pays du port d’Agadir. Il s’agit des
produits agricoles représentés par les agrumes et les primeurs, des produits de la mer frais ou
transformés, et des minerais constitués des substances métalliques de l’Anti-Atlas et les
phosphates de Boukraâ.
Sur le plan spatial, il y a lieu de distinguer entre trois pôles principaux d’exportation :
- Le Souss-Massa : son potentiel productif agricole et halieutique lui ont permis d’attirer des
investissements de taille importante pour l’aménagement de périmètres agricoles intensifs, de
5
constructions de ports et de points de déchargement de produits halieutiques, ainsi que des
espaces industriels de transformations agroalimentaires. Dans ce contexte, il suffit de rappeler
que ce pôle concentre à lui seul en moyenne les 4/5 des exportations nationales en produits
maraîchers et 3/4 des exportations des agrumes (EACCE, 2014). Récemment, la tendance
d’exportation des produits de la plaine du Haouz de Marrakech à partir du port d’Agadir, est
derrière la décision d’intégrer cette plaine dans l’hinterland de ce port dans le contexte de la
stratégie portuaire nationale en cours (MET. 2011 et METL, 2010).

Figure 2 : L’hinterland du port d’Agadir et ses principales activités d’exportation


Source : élaboration personnelle

- L’Anti-Atlas : même s’il est considéré comme une zone à potentiel économique limité, ses
assises géologiques offrent un large spectre de substances métalliques (cuivre, barytine, fer,
argent…) et de matériaux de construction. Une bonne partie de ces minerais trouve son
chemin vers les marchés étrangers à partir des quais du port d’Agadir.
- Les Provinces du Sud, leur intégration dans le tissu économique et social s’est basée sur un
développement territorial axé sur la valorisation de ressources halieutiques assez abondantes.
L’activité de la mine des phosphates de Boukrâa reste limitée. L’activité halieutique a
bénéficié d’infrastructures portuaires et de zones de transformations assez importantes dont
l’essentiel de la production est exporté à partir du port d’Agadir offrant une profondeur plus
importante.
6
Pour faire face à cette extension croissante de son arrière-pays, le port d’Agadir est passé
d’une simple rade littoral d’accostage de barques de pêche traditionnelle à un véritable
complexe portuaire avec un terminal à conteneurs.
Un port en transformation continue avec une contrainte foncière urbaine pesante
Le port d’Agadir dans son état actuel constitue un complexe portuaire composé de trois
grandes structures : un port de plaisance à caractère touristique, le port de pêche en trois
unités distinctes, et le grand port de commerce.
Le quai appelé actuellement « l’Ancien port de pêche » a constitué un noyau dur autour
duquel se sont accolés « le port de commerce » au Nord puis « le port de plaisance » au Sud.
Selon les données les plus récentes, ce complexe est doté de plus de 178 ha de terre-pleins,
167 ha de plans d’eau, une longueur totale d’ouvrages de protection de plus de 6.700 m.l. et
d’une longueur totale de quais de plus de 5.7000 m.l., avec des tranches de profondeur allant
de -2 à -15 m. (ANP. sans date).
Dans le cadre de la mise à niveau en cours du système portuaire national telle qu’elle est
tracée dans « La stratégie portuaire nationale à l’horizon 2030 », il est prévu que le port
d’Agadir bénéficiera d’aménagements importants : extension et redimensionnement des
infrastructures du port de commerce et principalement du terminal à conteneurs, transfert et
reconstruction d’un nouveau chantier naval, aménagement d’un port à croisières.
La confrontation des orientations de cette stratégie avec les réalités locales aboutit à des
divergences réelles au niveau de la relation du port avec l’agglomération du Grand Agadir. Au
moins deux pistes d’actions s’avèrent prioritaires et sollicitent un redéploiement ou une
délocalisation même partielle des activités portuaires à l’extérieur de l’espace urbain.

Figure 3 : Complexe portuaire d’Agadir et la stratégie 2030


Source : Plan élaborée à partir de «La Stratégie portuaire nationale à l’horizon 2030». MET, 2011.

Le site du port actuel constitue une contrainte pour la circulation routière. Il est vrai que c’est
le port qui a donné naissance à la ville, mais celle-ci a connu une extension et une
7
intensification du cadre bâti avec une congestion de plus en plus étouffante de la mobilité
urbaine engendrée par les flux des camions entrants et sortants du port. Les aménagements
recommandés par les planifications en cours, Schéma Directeur d’Aménagement Urbain et
Plan des Déplacements Urbain du Grand Agadir, ne peuvent apporter que des solutions
provisoires. A ce propos, comme pour l’expérience de la ville de Tanger ou d’autres cas
étrangers similaires, la délocalisation même partielle des activités portuaires reste souhaitable.
Cette option de délocalisation du port est fortement sollicitée par les acteurs touristiques.
Dans leur argumentaire, ceux-ci donnent un grand intérêt à l’extension de la Marina à la place
du port de pêche actuel et à l’aménagement d’un nouveau terminal de croisières. Un tel
déploiement pourrait concrétiser à la fois une bonne valorisation du front de la mer et la
construction d’un nouveau port de pêche moderne loin de l’espace urbain. Les premières
négociations entre les parties prenantes n’ont pas réussi pour l’instant à débloquer cette
situation, les représentants des pécheurs et le conseil municipal d’Agadir ne sont pas
convaincus par cette option, spéculative à leur avis, qui ne pourrait pas conserver leurs
intérêts acquis.
Activité portuaire
Par rapport au poids total du trafic portuaire national, le port d’Agadir ne traite qu’une
proportion modeste, soit une moyenne annuelle de 3,7 millions de tonnes (2011-2013). Cela
représente 5,3% du total du trafic et place le port d’Agadir bien en bas de la liste des ports
nationaux. Mais si l’on retranche le trafic des vracs liquides et solides des combustibles et des
phosphates et leurs dérivés qui sont traités dans des ports spécialisés, le port d’Agadir se
positionnera juste derrière le port de Casablanca en tant que port de commerce de
marchandises diverses.
Cette situation se confirme au niveau du traitement des conteneurs échangés dans le cadre du
trafic domestique du commerce extérieur marocain. Sur la même période de référence (2001-
2013), le port d’Agadir a pu traiter une moyenne annuelle de 1,2 millions de tonnes, ce qui
équivaut au 1/5 du poids total. En nombre de conteneurs, ces grandeurs n’enregistrent que
quelques légers changements, le terminal à conteneurs du port d’Agadir a traité plus de
130.000 EVP, soit 14% du total du trafic domestique des conteneurs du pays. L’importance
du port d’Agadir réside principalement dans le traitement des conteneurs reefer, il achemine
la quasi-totalité des conteneurs de cette catégorie exportés à partir du pays.
Tableau 2 : Etat du Trafic domestique des conteneurs
(Moyenne annuelle 2011-2013)

Poids Nombre de conteneurs


Port Activité Tonnes % EVP %
Casablanca Import 5 046 772 92,9 410 259 86,0
Export 2 001 989 70,8 415 434 86,4
Total 7 048 761 85,3 825 693 86,2
Agadir Import 383 892 7,1 66 577 14,0
Export 826 486 29,2 65 143 13,6
Total 1 210 378 14,7 131 720 13,8
Total Import 5 430 665 100 476836 100
Export 2 828 475 100 480577 100
Total 8 259 139 100,0 957 413 100,0

8
Sources des données: ANP. 2012 et 2013 + HCP. ASDM 1995.

3. Le port d’Agadir : les mutations et l’activité des conteneurs


L’introduction du trafic des conteneurs au niveau du port d’Agadir n’est pas très ancienne, le
réaménagement d’un terminal spécialisé remonte aux années quatre-vingt-dix. La prise de
cette décision s’est basée sur l’ambition de donner un nouveau souffle au vaste arrière-pays de
ce port à exportations essentiellement agroalimentaires en l’intégrant dans le nouveau réseau
de transport intermodal initié par le processus mondial de conteneurisation.
Les navires affrétés au début pour l’exportation des produits en majorité frais du Sud
marocain étaient de type vraquier ; ils ont été remplacés progressivement par des navires
polythermes conçus pour accueillir des produits palettisés. Avec le temps, l’évolution des
marchés étrangers situés principalement en Union-Européenne demandant plus de souplesse
dans la manipulation des marchandises périssables, et surtout un transit time assez court, a
imposé à une bonne partie des chargeurs de migrer vers le transport routier. Le camion
frigorifique est devenu le moyen de transport de prédilection des produits comme la tomate et
le poisson frais à destination des principales plateformes de distribution d’Europe.
Dernièrement le mode de transport routier lui-même a commencé à accumuler des difficultés
sérieuses avec des impacts négatifs sur la compétitivité des exportations du Sud marocain.
Parmi les obstacles avancés par les exportateurs et les transporteurs il y a lieu de citer : les
longues attentes au niveau du port de Tanger puis actuellement de Tanger-Med, le coût élevé
de la traversée du détroit de Gibraltar, les problèmes de sécurité et de sureté routière, et
dernièrement les restrictions lancées en Europe pour la diminution du trafic des camions TIR
avec l’objectif de réduire les émissions des GES. Pour concrétiser cette dernière tendance,
l’Union-Européenne a lancé, dans le cadre de « l’Union Pour la Méditerranée », une série de
programmes d’appui au transport maritime par la création de lignes maritimes régulières de
porte-conteneurs entre le Sud et le Nord de la Méditerranée sous forme «d’Autoroutes
maritimes». Le port d’Agadir a bénéficié de ce soutien dans le cadre du « Programme Med-
Mos ».
Devant cette situation le transport maritime a commencé à regagner l’intérêt des chargeurs et
des compagnies maritimes. En amenant des innovations techniques et des gestionnaires du
passage portuaire, le processus de conteneurisation du port d’Agadir a pu dépasser les
difficultés des navires polythermes et celles des camions TIR. Il a réussi, en fin de compte, à
apporter de bonnes améliorations au niveau du transit time, du coût du fret et de la
sécurisation du trafic.

Pour être en mesure d’accueillir cette nouvelle activité de transport, en plus de la mise en
place des réaménagements physiques, le port d’Agadir était parmi les premiers à bénéficier
des réformes institutionnelles réalisées à l’échelle nationale. A côté de la Direction Régionale
de l’Agence Nationale des Ports du Sud, une entité de Marsa-Maroc s’est installée pour le
traitement à quai des marchandises. Le renforcement de l’ouverture du secteur à la
concurrence est derrière le lancement d’un appel à intérêt au secteur privé pour l’équipement
et la gestion d’un second terminal à conteneurs au niveau du port de commerce d’Agadir. Le
traitement à bord des marchandises continue à être traité par des entreprises privées de
manutention.

9
Figure 4 : Place du mode de transport maritime dans les flux d’exportations issues de l’arrière-
pays du port d’Agadir en millions de T.
(Moyenne annuelle de la période 2011-2013)
Sources : Elaboration personnelle (calculée sur la base des données de l’EACCE et de Marsa-
Maroc).

Figure 5 : Lignes maritimes régulières de porte-conteneurs

10
Source : Elaboration personnelle à partir des données des compagnies maritimes.

Même si ces changements sont encore récents, il est à constater que le port d’Agadir a
commencé à être plus attractif pour les chargeurs et les compagnies maritimes géantes. Pour
le cas de ces derniers, actuellement le port d’Agadir est programmé dans les réseaux des
lignes maritimes régulières des grands armateurs transnationaux comme Maersk, MSC,
CMA-CGM, AEL et OPDR. Par le biais de ces lignes maritimes, les exportations de la zone
ont des chances d’être acheminées directement avec une nette amélioration de leur
compétitivité vers les plateformes agroalimentaires européennes via des ports comme Port-
Vendres, Anvers et Saint-Pétersbourg, ou vers des marchés lointains par transbordement au
niveau des grands hubs portuaires situés sur la route maritime principale circumterrestre
comme Tanger-Med, Algésiras et Rotterdam.
L’examen de la nature des produits exportés par conteneurs, laisse apparaître que le port
d’Agadir est en train de prendre la forme d’un terminal spécialisé dans le traitement des
conteneurs de type reefer à températures dirigées. En plus de la continuité de la chaîne de
froid, les armateurs ont développé des conteneurs reefer spécifiques de 45 pieds capables de
recevoir 33 palettes de marchandises. Cette dimension est mise en place pour contenir
l’équivalent d’un camion semi-remorque frigorifique.

Tableau 3 : Etat des lignes maritimes régulières des porte-conteneurs


Au niveau du port d’Agadir

Zone desservie Armateur Consignataire Destination Transit


time
Méditerranée CMA-CGM CMA-CGM Port-Vendres 04

Europe CMA-CGM CMA-CGM Dunkerque 05


du Saint-Pétersbourg 10
Nord
MEARSK MEARSK Rotterdam 05
Bremerhaven 06
Gdansk 08
Saint-Petersburg 13
MEARSK MEARSK Saint-Pétersbourg 09

OPDR SOMATIME Rotterdam 08


Saint-Pétersbourg 12
MSC MSC Anvers 06

Afrique AEL MANUSOUSS Dakar 03


Abidjan 07
Tema 12
Douala 10
Transbordement MEARSK GLOBALE Algesiras 04
MARINE
CMA-CGM CMA-CGM Tanger Med 04
Algesiras 05

Source: ANP, Agadir. + www.anp.org.ma

Au cours des dernières années, le nombre de conteneurs reefer chargés a progressé de manière
assez remarquable, le taux d’accroissement annuel moyen entre 2010 et 2014 était de 40%
environ. Le nombre de ce type de conteneurs est passé subitement de 7.400 EVP seulement en
2009 à plus de 44.000 EVP en 2011, puis à plus de 50.000 EVP en 2013. Cette tendance à la

11
hausse du nombre de conteneurs chargés est derrière un élargissement ininterrompu du taux
de conteneurisation des exportations du port d’Agadir qui a atteint 63% en 2014.
Ce sont les produits agroalimentaires qui forgent le profil des exportations conteneurisées, ils
couvrent plus que 87% du total des produits unitarisés, loin devant les minerais et les produits
divers. Parmi ces produits agroalimentaires, les produits agricoles couvrent la proportion la
plus importante avec un taux de 56 % du total des produits agroalimentaires exportés.
Sur le plan des produits exportés, ce sont les agrumes qui dominent les exportations
conteneurisées, elles représentent 29% du poids total des marchandises, 49% des produits
agroalimentaires et 69% des produits agricoles, c’est ce produit qui impose un aspect
saisonnier à l’activité conteneurisé du port d’Agadir. Il est à rappeler dans ce contexte que
l’agrumiculture du Souss-Massa a développé depuis longtemps une stratégie de production de
contre-saison pour éviter la forte concurrence sur les marchés européens en dehors de la
période hivernale.
Le second produit concerne le poisson congelé dont la régularité mensuelle relative
d’exportation n’arrive pas à réduire la saisonnalité de l’activité des exportations du port. De ce
fait, il est à constater que le port d’Agadir perd encore une marge importante en compétitivité.
La saisonnalité des exportations ne donne pas une bonne valorisation des équipements
portuaires et induit un important flux d’importation de conteneurs vides faute de cargaison de
retour des navires. Une telle situation ne peut qu’avoir des répercussions sur l’augmentation
du coût du passage portuaire et de celui du transport maritime.

Agrumes
Primeurs conteneurisés
Figure 6 : Répartition de la moyenne mensuelle des exportations conteneurisées selon le type de
produit (2011-2014) X1.000 EVP
Sources des données : Marsa-Maroc

Le flux global des exportations agroalimentaires selon les marchés de destinations est
concentré principalement sur l’Europe, à raison de 84% du total. Le marché de l’Union-
européenne attire à lui seul les 3/4 des exportations écoulées vers ce continent, un peu plus de
20% sont capturés par le PECO et 3% seulement par l’Europe de l’Est.
La proportion réduite de l’ordre de 16% des marchandises exportées vers les marchés hors
Union-européenne se distribue entre les autres continents :
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− L’Afrique reçoit 7% : les pays de l’Afrique de l’Ouest constituent le second marché
pour les agrumes et les produits de la mer ;
− L’Amérique reçoit 6% : 4% pour ALENA principalement des agrumes et 2% pour
l’Amérique Latine principalement des sous-produits de poisson ;
− L’Asie et l’Océanie reçoivent 2 %: généralement il s’agit de produits de la mer, un
contingent limité de primeurs s’écoule difficilement sur les pays du Golf arabique.

Conclusion
Les dernières évolutions du complexe portuaire d’Agadir, et surtout la mise en place de son
terminal à conteneur avec une possibilité de son élargissement par un second quai candidat à
être équipé et géré par un second opérateur privé, témoigne de la réintégration croissante de
son arrière-pays et du reste du territoire national dans le nouvel ordre maritime mondial
récemment créé par le processus de conteneurisation.
Cette évolution exprimée par la multiplication des connexions du port d’Agadir par le biais
d’un nombre non négligeable de lignes maritimes régulières de porte-conteneurs mises en
place par des armateurs transnationaux, est appelée a être confirmée par le repositionnement
de ce port dans le cadre de la stratégie nationale de la logistique comme une plateforme
principale multimodale de collecte et de redistribution des produits périssables à l’échelle du
territoire national, et peut être des pays voisins. Une telle orientation, pourrait rendre ce port
plus compétitif en équilibrant ses flux d’exportation et d’importation des conteneurs reefer et
en atténuant la saisonnalité de son activité. Les ports du voisinage canarien jouant le rôle de
hubs de transbordement entre les côtes africaines et latino-américaines atlantiques d’une part
et les ports européens d’autre part constituent un cas à méditer.
Il est bien évident que la concrétisation d’une telle évolution ne pourrait être envisageable
sans la réconciliation entre le port et son proche arrière-pays urbain. Dans l’état actuel des
lieux, la relation entre ces deux composantes territoriales de l’agglomération du grand Agadir
est loin d’être harmonieuse : des conflits fonciers et de congestion de la circulation nécessitent
des résolutions urgentes et formelles, même si cela pourrait nécessiter un redéploiement
même partiel et successif de quelques activités portuaires.
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