teledoc le petit guide télé pour la classe

2006
2007

La Chambre 11
Chez Maupassant (7)
Un téléfilm de Jacques Santamaria Deux adaptations de Maupassant s’insinuent cette
(2008), scénario de Jacques Santamaria,
semaine dans les alcôves : La Chambre 11, réalisé
avec Clotilde Courau (Clarisse/Marguerite),
Vincent Martinez (Varengelles), Laurent par Jacques Santamaria, voit la vie double d’une
Gerra (Bouchalois). jeune collectionneuse d’amants bouleversée par la
55 min
découverte dans son lit du cadavre d’un homme ;
Au bord du lit
Un téléfilm de Jean-Daniel Verhaeghe
Au bord du lit, réalisé par Jean-Daniel Verhaeghe,
(2008), scénario de Jean-Charles est une farce sur la vie de couple dans laquelle
Tacchella, Gérard Jourd’hui et Jacques une femme admet le retour de son mari volage…
Santamaria, avec Françoise Gillard (la
comtesse), Denis Podalydès (le comte). moyennant compensation financière.
30 min

FRANCE 2
MARDI 25 MARS, 20 h 50
 Les femmes, les maris et les amants…
Français, troisième et seconde
La nouvelle:
La Chambre 11
Marguerite mène une double
vie. Femme vertueuse du
président du tribunal le
jour, elle se transforme la
nuit venue en Clarisse qui
retrouve ses amants, choisis
parmi les soldats de la
garnison, dans une discrète
auberge de province.
Lorsque la vérité éclate, elle
est étouffée pour préserver
les susceptibilités des
notables de la ville. Le
Président, dupe jusqu’au
bout, est promu et muté.
Le conte : Au bord du lit
Après treize ans de mariage,
la comtesse repousse les
avances de son mari qui,
trop souvent, l’a trompée.
Elle a décidé de prendre un
amant à moins que son mari
n’accepte le marché suivant :
elle sera sa maîtresse s’il la
paye tous les mois comme il
rétribue ses « cocottes ». Le
mari accepte les termes du
marché et le couple peut, à
ce prix, filer des jours
heureux.
Rédaction Barbara Velasco, professeur de
lettres modernes
Crédits photo France 2 / Jean Pimentel
Édition Émilie Nicot et Anne Peeters
Maquette Annik Guéry
Ce dossier est en ligne sur le site
de Télédoc.
www..cndp.fr/tice/teledoc/
La Chambre 11
La double vie de Marguerite
> À quelle place le narrateur met-il le spectateur
et en quoi sommes-nous omniscients ?
Le film de Jacques Santamaria relève du genre
comique tant il se complait dans le comique
de mots à travers les sous-entendus et les
expressions à double sens. Le spectateur,
témoin de la double vie de Marguerite, est à
même de savourer les jeux du langage. Il par-
tage avec Marguerite un savoir d’où les autres
sont exclus, ce qui le rend également com-
plice des infidélités de madame Amandon,
dont le nom préfigure les intentions !
Lorsqu’elle rentre chez elle après avoir vu son
amant et qu’elle se dit fatiguée, son mari
compatit en lui répondant : « Les émotions
fortes, ça creuse l’appétit. » Cette phrase n’a
pas le même sens pour nous que pour lui. Le
Président n’en paraît que plus pathétique dans
sa candeur et sa totale confiance en sa
femme. Mais il s’agit d’une illusion, sa femme
n’a pas une âme de sainte et ce n’est pas aux
pauvres qu’elle dévoue sa vie mais à ses appé-
tits sexuels. Les apparences sont trompeuses
et Marguerite a fait de sa vie un empire du
mensonge. Ses secrets partagés avec le spec-
tateur placent celui-ci dans une toute-puis-
sance délicieuse car nous ne pouvons pas
nous identifier à ceux qui passent pour des
sots, au contraire, nous nous sentons supé-
rieurs, dans les secrets des dieux parce que
nous détenons la vérité.
Clarisse/Marguerite est maîtresse dans l’art
du mensonge. Elle ment à ses amants, faisant
croire à chacun qu’il est le seul dans sa vie
et qu’à son départ elle retournera auprès de
son mari, qu’elle rendra la chambre 11, bref
que dans ses bras ce fut une passion singu-
lière. Elle ment à l’aubergiste en se faisant
passer pour une femme de chambre qui doit se
cacher de ses maîtres pour vivre ses amours,
elle ment à son mari en lui disant qu’elle s’oc-
cupe d’œuvres de bienfaisance. Elle ment à
toute une société de notables qui découvre
avec colère qu’ils auraient pu profiter des
charmes de la Présidente. Sa discrétion est
sa botte secrète, c’est ce qui fait le charme
des provinciales : « La provinciale est dis-
crète » et encore : « Les provinciales font ce
qu’elles veulent, avec qui elles veulent, sans
se faire remarquer » nous dit le journaliste
parisien.
L’avancement de M. le Président
> Où l’ironie de l’avancement du Président réside-
t-elle ?
La nouvelle de Maupassant s’ouvre sur cette
exclamation : « Comment ! Vous ne savez pas
pourquoi on a déplacé M. le premier président
Amandon ? » Plutôt que de choisir le flashback
pour nous conter la raison de l’avancement du
Président, le réalisateur a préféré mettre l’ac-
cent sur la chute, ce qui donne davantage de
poids à la morale de ce conte. Alors que
Clarisse se transforme en Marguerite, elle se
dit pour elle-même que « le jeu en vaut la
chandelle ». Ainsi, les infidélités répétées de
sa femme permettront au président du tribunal
de se voir attribuer une mesure compensatoire
dont il ne connaîtra jamais la raison. Sans le
vouloir, Marguerite a donné un coup de pouce
à la carrière de son mari. On a probablement
pensé « en haut lieu » qu’il fallait éviter un
scandale pour préserver les apparences. Ainsi,
cette décision a le mérite de fermer les yeux
sur les appétits sensuels de Marguerite, d’en
être complice et même de les favoriser en l’en-
voyant à Besançon, célèbre cité militaire.
Au bord du lit
L’argent
> Étudier le thème de l’argent, au cœur de ce
film bref, tant du côté des serviteurs que du
côté des maîtres.
Le court récit Au bord du lit se situe vers 1880,
dans la toute jeune III e République, grande
période de développement économique qui a
fait de l’homme d’affaires un héros et de l’ar-
gent un dieu. Contempteur de cette nouvelle
« religion » qu’est l’argent, Maupassant nous
livre dans ce court récit sa vision pessimiste
de cette société au seuil de la « Belle
Époque ». Pourquoi a-t-il intitulé la nouvelle
Au bord du lit ? Tout simplement parce que
c’est l’endroit où se scelle le marché entre
M. le comte et Mme la comtesse !
L’argent, il en est question tout au long du
film de Jean-Daniel Verhaeghe. Les serviteurs
« carottent » leurs maîtres, c’est-à-dire qu’ils
les escroquent en prélevant une somme sur
l’argent destiné aux achats. Ils amassent de
l’argent : « On dépasse les 17 000 francs ! » dit
Félix, ce qui donne, d’ailleurs, de la vigueur
à leur désir. Et lorsque M. le comte voudra
reconquérir sa femme en restant avec elle les
après-midi, il enverra Félix à la banque à sa
place, ce qui arrangera les affaires du servi-
teur qui verra ses gains augmenter. En somme,
plus le comte sera l’amant de sa femme, plus
Félix et Zoé s’enrichiront ! Et ils ne seront pas
les seuls bénéficiaires de ce profit puisque la
comtesse arrondira ses mois de coquettes som-
mes payées par son mari.
Bafouée pendant des années par un mari
volage, Marguerite, « sainte femme » aux dires
de son mari et de sa chambrière, souhaite
dorénavant une compensation, c’est-à-dire
être payée : « Il n’y a plus rien de gratuit, mon
ami ! » lui déclare-t-elle. Elle avoue sans émo-
tion n’être plus amoureuse de lui, ce qui lui
permet aisément de lui proposer un marché.
Qu’est-ce qu’un marché ? C’est échanger un
bien contre un autre. En l’espèce, il s’agit pour
le mari de donner de l’argent pour recevoir,
en contrepartie, les faveurs érotiques de sa
femme. Ainsi, Marguerite quitte sa position
de femme chaste, pure et innocente et devient
une marchandise que l’on peut acquérir en y
mettant le prix. Et si l’acquéreur est content
de sa marchandise, son prix augmentera. Ce
sont les lois du marché, les lois de l’offre et de
la demande. Marguerite devient alors ce que
les féministes appelleraient une femme-objet
ou une prostituée pour son mari, sorte de
client légitime. D’ailleurs, si le prix est élevé,
c’est parce qu’elle est « sa femme devant
Dieu ». Ces mises en parallèle entre la religion
et l’argent ne sont pas innocentes si l’on
considère avec Maupassant que l’argent a en
quelque sorte remplacé Dieu.
Pire, à l’heure des tendres souvenirs de l’é-
poque des fiançailles, Marguerite lui rappelle
que seule l’égalité de leurs fortunes person-
nelles a compté pour se lier l’un à l’autre par…
le contrat de mariage. Cette lucidité et ce
cynisme de la comtesse sont les échos de ce
que Maupassant nommait ses « illusions du
monde », en d’autres termes la vérité même
du monde. « Sans marché, point de salut »
semble être la morale qui dirige la société !
L’illusion des sentiments
> Quelle vision de l’amour nous est proposée
par Maupassant ?
Marguerite a rappelé à son mari que leur
mariage était vénal et l’on ne saura pas si les
sentiments qui les animaient à l’époque de
leurs fiançailles étaient réellement exempts
des considérations économiques. S’aimaient-ils
au-delà des comptes faits de leurs fortunes ? La prostituée et le
En y pensant, ils n’osent imaginer les consé- mouvement réaliste
quences qu’aurait eues une disparité écono-
mique entre les deux familles. De manière Le réalisme a permis à des
implicite, il nous est dit qu’un écart trop écrivains de décrire des
important d’argent aurait remis en cause leur personnages sous-
mariage. Si le compte est bon, alors on peut représentés jusqu’alors afin
s’aimer. Ainsi, l’argent envahit la sphère privée de témoigner d’une réalité
voire intime et ordonne au sentiment d’être souvent sordide. L’un de ces
ou de ne pas être. En achetant les faveurs de personnages est celui de la
sa femme, le comte croit peut-être acheter prostituée qui témoigne de
son amour par la même occasion et faire d’une la misère de l’individu et
pierre deux coups : la belle affaire ! Dans l’é- d’une société d’où l’amour
pilogue, il dira : « L’amour conjugal n’est pas est exclu.
donné (…) il est bon que le sentiment l’em- Chez Maupassant, on
porte. » Mais, s’il est dupe, nous ne le sommes retrouve le motif de la
pas et savons que le sentiment est ici un leurre prostituée dans des
et que seul le prix l’emporte. La valeur quali- nouvelles comme La Maison
tative se substitue à la valeur quantitative et Tellier, Mademoiselle Fifi ou
s’énoncerait ainsi : combien m’aimes-tu ? Boule de suif. Zola nous
M. le comte se fait des illusions sur la conte le destin de Nana, de
confiance qu’il peut avoir en son fidèle Félix, sa gloire à sa chute. De son
il s’illusionne également sur ce qu’il croit avoir côté, Huysmans écrit
préservé en acceptant les termes du marché Marthe, histoire d’une fille,
avec sa femme, ce qu’il nomme « l’essentiel ». qui multiplie les amants
Certes sa réputation vis-à-vis de la société est jusqu’au dégoût. Balzac,
sauve car sa femme n’ira plus se faire courti- dans Splendeurs et misères
ser en dehors du domicile conjugal, mais il des courtisanes, met en
doit gérer cette nouvelle dépense sur un livre scène la prostituée juive
de comptes où figurent pêle-mêle la nourri- Esther. Enfin, le roman
ture et sa femme. C’est la raison pour laquelle d’Octave Mirbeau Le Journal
le plan final s’attarde sur le coffre-fort, sym- d’une femme de chambre
bole d’un cœur qui gouverne les corps. Cette établit le parallélisme entre
scène finale nous révèle également le sourire la domesticité et la
du mari bienheureux et nous pouvons donc prostitution.
considérer, de façon ironique, qu’il s’agit d’un
happy-end.
La nouvelle de Maupassant est très pessimiste
car l’être humain devient une marchandise.
Quant à l’amour, il n’est plus un sentiment
gratuit mais un objet de transaction. Rien d’a-
normal qu’avec une telle vision du monde
Maupassant soit devenu fou, mais n’est-ce pas
plutôt le monde qui est devenu fou ?
„
Pour en savoir plus
• L’association des amis de Guy Maupassant met en
ligne ses œuvres complètes numérisées.
http://maupassant.free.fr/
• BECKER Colette, Lire le réalisme et le naturalisme,
Nathan Université, coll. « Lettres Sup », 2000.
 « Elle n’avait pas d’amour, elle avait des sens »
Fiche de travail

Dans la nouvelle « Elle donnait un bal… »

La Chambre 11, Relevez les critères mélioratifs et péjoratifs des trois soldats sur lesquels Marguerite Amandon
Maupassant écrit à a fait son premier choix et qu’elle évalue au cours du bal.
propos de Marguerite Les prétendants Éléments positifs Éléments négatifs Note obtenue
Amandon qu’elle « a un
truc formidable, une Commandant
invention géniale » Lebeau
pour se trouver des
amants qui ne lui Commandant
causeront pas de préju- D’Antraigues
dice. Afin de préserver
ses relations secrètes, Commandant
Marguerite doit mentir Varengelles
continuellement à tout
le monde. Enfin, elle se
laisse aller à dévoiler
ce qu’elle pense du
mariage et de la condi- Les mensonges
tion des femmes à Pour protéger ses relations avec ses amants, Marguerite doit sans cesse mentir, ce qu’elle
fait avec un grand naturel. Relevez les mensonges qu’elle fait à ses différents interlocuteurs.
cette époque.
Destinataires Les mensonges

Son premier amant

L’aubergiste

Son mari

Sa couturière

Le colonel
Bouchalois
Le commandant
Varengelles

Une épouse honnête

Quels arguments Marguerite utilise-t-elle pour justifier ses relations extraconjugales auprès
du commandant Varengelles au cours du pique-nique ?