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SCIENCES PO TOULOUSE

Les Stratégies Marketing du


Luxe
Le Kelly d’Hermès: du sac à main à
l’icône de luxe

Mémoire écrit sous la direction de Jean-Marc DECAUDIN


Présenté par Kim PRZYBYLA

Année universitaire 2013/2014

1
L’IEP n’entend donner aucune approbation ou improbation aux opinions émises dans ce
mémoire. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur.

2
Résumé du mémoire

Le luxe peut être synonyme de qualité, envie, désir, émotion, renouveau, histoire, éternel. Ce
mémoire se propose de déconstruire ce concept, mais aussi d’exposer les multiples facettes de
cette industrie, et certaines des stratégies marketing à l’œuvre.

Ce secteur d’excellence, né en France, et qui contribue aujourd’hui encore au rayonnement


international de l’Hexagone, représente plus de 200 milliards d’euros de chiffre d’affaires par
an, malgré les secousses de la crise économique mondiale de 2008. Aux confins de l’art et de
l’artisanat, de la culture et de la science, cette industrie se décline en de multiples facettes très
différentes, mais qui possèdent toutes la même vocation affichée d’excellence et d’esthétique
: la mode, mais aussi l’automobile, l’hôtellerie et la gastronomie, les vins et spiritueux, le
parfum et les soins du corps, l’art, l’horlogerie et la haute joaillerie, la maroquinerie. Ce
dernier secteur sera au cœur de ce mémoire, à travers l’étude d’un produit de luxe iconique
d’une des dernières maisons familiales indépendantes : le sac Kelly de Hermès. Il s’agit
d’étudier comment Hermès a su faire de ce simple bagage de cavalier au départ un sac à main
de légende, une icône du luxe intemporel, et un accessoire indispensable pour des milliers de
femmes à travers le monde. Ainsi le Kelly, et la légende l’entourant, sont le résultat d’années
d’évolution, d’analyses, et de stratégies bien spécifiques mises en place par la maison Hermès
pour élever son sac à main emblématique au rang de véritable icône.

Le marketing du luxe, longtemps soumis à la culture du secret, s’inspire en réalité de


techniques classiques, qu’il adapte à des produits d’excellence, et à une clientèle privilégiée,
de mieux en mieux informée et de plus en plus exigeante. Nom d’une princesse et actrice
emblématique, prix premium s’échelonnant entre 5000 et plusieurs dizaines de milliers
d’euros pour certains modèles « vintage » aux enchères, rareté naturelle à travers des
matériaux précieux et des spécificités de confection, mais aussi exclusivité grâce à des
réseaux de distribution sélectifs, des délais de fabrication et des listes d’attentes, et placement
au bras de nombreuses stars d’hier et d’aujourd’hui, les stratégies marketing qui entourent le
sac Kelly de Hermès sont une métaphore de l’ambivalence du secteur du luxe: il s’agit de le
rendre célèbre, attractif aux yeux de la classe dominante, tout en lui confiant une dimension
de « privilège » intimiste et inaccessible.

Pour la maison Hermès, posséder une icône du luxe intemporel parmi sa gamme de produits
contribue aussi au maintien de son positionnement luxe. Sellier créé en 1837 par Thierry
Hermès, la marque a su se diversifier tout en gardant une grande cohérence, et en restant très
fidèle à l’identité originelle de la marque, par son lien fort avec la tradition équestre et le
cheval. Jean-Louis Dumas a également su, entre 1978 et 2006, moderniser la marque tout en
préservant son essence.

La méthodologie de ce mémoire s’appuiera principalement sur des recherches documentaires


(ouvrages, revues spécialisées, internet), mais aussi sur une enquête client-mystère qui aura
pour but d’analyser le comportement des vendeurs en boutique, et déterminer si cette attitude
appartient à une stratégie.

Mots-clefs

luxe, stratégie-marketing, mythe, icône, Kelly, Hermès

3
Sommaire

Résumé du mémoire et mots-clefs…………………………………………………………p.3

Remerciements……………………………………………………………………………...p.6

Introduction générale………………………………………………………………………p.7

Section 1 : Le secteur du luxe ……………………………………………………………p.11

A) Le Luxe : tentative de définition …………………………………………...p.11


1) Le luxe : une définition individuelle et fluctuante……………………...p.12
2) Luxe inaccessible, luxe intermédiaire……………………………….....p.16
3) Le luxe du point de vue du consommateur : moyen de distinction sociale
ou plaisir individuel ?...............................................................................p.19
4) Les valeurs de consommation du luxe………………………………….p.20
5) Les nouveaux enjeux psychologiques du luxe………………………….p.20
6) La définition du luxe par ses acteurs……………………………………p.22
B) Le luxe au XXIe siècle……………………………………………………...p.23
1) Le luxe face à la crise…………………………………………………...p.23
2) La nouvelle clientèle du luxe………………………………………...…p.25
3) Le luxe vers de nouvelles frontières……………………………………p.26
4) Les nouvelles valeurs du luxe : luxe et éthique………………………...p.29
C) Un secteur aux multiples facettes…………………………………………..p.31
1) L’hôtellerie……………………………………………………………...p.31
2) La gastronomie …………………………………………………………p.32
3) Les vins et spiritueux ……………………………………………......…p.34
4) L’horlogerie...…………………………….…………………………….p.37
5) La joaillerie……………………………………………………………..p.39
6) La technologie de pointe………………………………………………..p.41
7) L’automobile……………………………………………………………p.42
8) Le parfum et les soins du corps ………………………………………...p.43
9) La mode ………………………………………………………………..p.45
10) L’art……………………………………………………………………..p.47
11) La maroquinerie ………………………………………………………..p.48
D) Luxe et marketing : une relation ambivalente ………………………….…..p.50
1) Stratégie marketing : définition…………………………………………p.51
2) Luxe et marketing sont-ils forcément contradictoires ?........................p.51
3) Luxe et génération Y…………………………………………………....p.54
4) Luxe et digital……………………………………………………..........p.55

Section 2 : le Kelly d’Hermès : du mythe à la stratégie ………………………………...p.59

A) La légende autour du Kelly de Hermès………………………….………….p.59

4
1) L’histoire du Kelly : d’accessoire équestre à sac à main intemporel…...p.59
2) Un sac qui porte le nom d’une icône……………………………………p.61
3) Les caractéristiques de ce modèle : une excellence très recherchée…....p.62
B) Un produit parfait………………………………………………….………..p.62
C) Le « sur-mesure »……………………………………………………….…..p.64
D) Une communication entre la surprise et la confidence………………….….p.65
E) Un prix premium…………………………………………………….……...p.66
F) Vintage et ventes aux enchères …...…………………………………...…...p.68
G) La « rareté »…………………………...……………………………………p.72
H) Le placement de produit …...……………………………………………….p.75
I) Un produit porté par une marque emblématique : Hermès ………………...p.79
1) Une marque authentique, à l’ADN stable ……………………………...p.79
2) L’apport du Kelly à la réputation de la marque Hermès…………….….p.84
J) L’attitude des vendeurs chez Hermès : part d’une stratégie ou distance imposée
par le luxe ?.........................................................................................p.90
1) Enquête client-mystère………………………………………….……....p.90
2) Entretien semi-directif………………………………………….……….p.94
3) Conclusion………………………………………………………………p.95

Conclusion générale ………………………………………………………………………p.97

Bibliographie…………………………………..……………………………..p.100

Noms propres et marques citées………………………………………….....p.105

Annexes…………………………………………………….……………………………..p.108

1) Etude : DE BARNIER, V., FALCY, S., VALETTE-FLORENCE, P.,


Comment mesurer les perceptions du luxe ? Une comparaison entre les
échelles de Kapferer (1998), de Vigneron et Johnson (1999), et de Dubois
et al. (2001).
2) Rapport 2013, Comité Colbert
3) Grille enquête client-mystère
4) Questionnaire Hermès
5) Retranscription de l’entretien semi-directif avec Anne-Laure, vendeuse
Hermès à Toulouse
6) Carte de visite (obtenue lors de l’enquête client-mystère) avec des
exemples de prix
7) Lettre envoyée au service Communication de la maison Hermès
8) Réponse au courriel sur le site institutionnel de la maison Hermès

5
Merci à :

Jean-Marc Décaudin, professeur de Marketing et Communication à Sciences Po Toulouse,


l’IAE, et l’ESC, et mon directeur de mémoire, pour m’avoir aiguillée et guidée.

Laurent Morillon, professeur de Communication Interne à Sciences Po Toulouse, pour


m’avoir fourni des contacts utiles et donné des conseils indispensables à la réalisation de ce
mémoire.

Edward Loeb, ami, de m’avoir inspiré ce sujet.

Sarah, ma colocataire et amie, qui m’a soutenue pendant toute cette période.

Arthur, ami, qui m’a aidé à réaliser cette enquête client-mystère.

Adrien, pour son soutien inconditionnel.

Tous les participants à mon enquête client-mystère : Arthur, Nina, Flavien, mon père, ma
mère, Davy.

Laurent Bayssac, collègue à l’agence Hotshop, qui s’est démené pour m’obtenir un entretien
avec un membre du marketing de la maison Hermès.

Et enfin merci à Flavien d’avoir accepté de relire ce mémoire.

6
Introduction générale

« Donnez-moi le superflu, je me passerai du nécessaire » Oscar Wilde

Le luxe est pluriel, ambivalent. Souvent jugé inutile, futile, ou superficiel, il est en
réalité indispensable au bien-être de l’Homme, qui cherche sans cesse, à travers lui, à
améliorer son quotidien et s’en échapper parfois en conservant une part de rêve nécessaire
dans sa vie.

Selon Jean Castarède « est luxueux tout ce qui n’est pas indispensable mais délectable s’il est
sensible à la grâce »1. Le luxe est synonyme de qualité, envie, désir, émotion, renouveau,
histoire, éternel. Son étymologie même est source de contradictions entre l’être et le paraître.
Le mot « luxe » a des sens divers selon les langues. Il proviendrait du mot « lux » qui en latin
signifie « lumière », conférant au luxe son rayonnement, ou bien du mot « luxuria », qui
donne au luxe une dimension excessive et rare. Selon d’autres sources, il proviendrait
également du mot « luxus », de racine indo-européenne, qui a également donné le mot
« luxation », et signifie « rupture » ou « déviation ».

Le luxe existe en réalité depuis la nuit des temps : châteaux, bains romains, copieux banquets,
bijoux étincelants… le luxe est une soupape indispensable à l’activité humaine. Voltaire disait
« le superflu, chose très nécessaire », le luxe permettant selon lui aux êtres humains
d’accepter leur condition d’êtres mortels et de supporter les tracas du quotidien en s’évadant
ça et là dans un rêve superflu, mais aussi en aspirant à un confort et des conditions de vie
meilleures. Le luxe est également le symbole de l’aptitude de l’homme à évoluer, à se
surpasser, ce qui le différencie de l’animal, mais aussi ce qui différencie la classe supérieure
des autres, et la volonté de celles-ci de l’imiter.

Le luxe est ambivalent : certains disent qu’il est nécessaire, indispensable, inhérent à la nature
humaine, d’autres l’accusent d’être le symbole du déclin de l’humanité vers l’immoralité et la
dépravation. Le luxe est censé être le comble de l’esthétique, de la richesse, du confort, mais à
quel prix ? Au XIXe siècle, l’éthique est plus que jamais au centre des préoccupations, et le
luxe doit apprendre à concilier de nouvelles considérations, telles que l’environnement, les
conditions de travail, les pénuries de matières premières… avec son objectif d’excellence
absolue. De nombreux parallèles sont établis entre l’industrie du luxe et La Fable des Abeilles
de Mandeville, qui soutient qu’une société ne peut espérer mêler éthique et prospérité2.

1 e
CASTEREDE, J., Le Luxe, Paris PUF, Collection « Que sais-je ? », 7 édition 2012, page 18, l. 19-21
2
MANDEVILLE, B., La Fable des Abeilles, J. ROBERTS, London, 1714

7
Le luxe est valorisé, selon Jean Castarède, par trois composantes : chaque objet est, en
quelque sorte, unique, mais il possède aussi une âme, une véritable signification pour celui
qui le choisit. Il doit aussi être techniquement parfait, et esthétiquement beau.3

Le luxe est un secteur au croisement de l’art et de l’industrie, et de la culture et de la science.


Si on lui fixe des dates de naissance différentes, tous s’accordent pour dire que le luxe est né
en France, et fait encore aujourd’hui partie intégrante de sa culture et de son rayonnement au
niveau mondial. Leader mondial dans ce secteur, le luxe est un atout de croissance
phénoménal pour l’Hexagone. Le secteur a, à lui seul, cru de 10% en 2010, et 4% en 2011. Ce
n’est pas pour rien que Jean-Pierre Blay parle de Paris comme « la capitale des arts et de la
mode » !4

Le luxe français représenterait à lui-seul 75 milliards d’euros en 2010, soit un tiers du chiffre
d’affaire du secteur, qui s’élève à 168 milliards d’euros en 2010, et devrait dépasser la barre
symbolique des 200 milliards d’euros en 2012. Selon Alain-Dominique Perrin, administrateur
du groupe Richemont5, considère ce chiffre d’autant plus symbolique que le luxe a été, lui
aussi, secoué par la crise économique mondiale qui est survenue en 2008.

Cette crise a été à l’origine de nombreuses mutations dans le secteur, face à des changements
dans l’attitude du client, et dans son rapport avec les grandes marques. Le client est devenu
beaucoup mieux informé, volage, et exigeant, et les grandes maisons doivent désormais se
plier à ses attentes bien plus que jadis. De grandes questions ont également émergé, devenant
le centre des préoccupations des consommateurs, mais également des clients traditionnels du
luxe : ces questions portent sur le prix des objets, qui les fixe, comment, et quelle est la valeur
réelle des choses. Les valeurs de vie se sont ainsi transformées, éloignant la classe supérieure
du luxe ostentatoire et du contact populaire.

Le luxe, qui avait connu une démocratisation dans les années 1995 à 2008, a dû se recentrer
sur lui-même, revenir à ses valeurs originelles, et s’adapter aux nouvelles caractéristiques de
ses consommateurs pour survivre. Le luxe a ainsi de tout temps été le reflet des évolutions
sociales : de nos jours, avec les nombreuses évolutions technologiques et l’explosion des
réseaux de communication, de transport, et d’information l’accompagnant, le luxe peut
désormais bénéficier d’une gestion rationalisée, avec un potentiel de croissance exponentiel.

De nombreuses « Maisons » se sont aujourd’hui réunies pour exploiter au mieux le potentiel


de leur secteur en profitant d’un même réseau de distribution et en se protéger des risques
financiers. Ces grands groupes, tels que Richemont et LVMH, ne sont cependant pas parvenus
à faire main mise sur une minorité de maisons familiales, dont la plus emblématique est
Hermès.

3 e
CASTEREDE, J., Le Luxe, Paris PUF, Collection « Que sais-je ? », 7 édition 2012, page 19, l. 31-32, page 20,
l. 1-2
4
BLAY, J.-P., “La maison Hermès du dernier siècle du cheval à l’ère de l’automobile : une histoire sociale de la
consommation urbaine à l’époque contemporaine » in Société française d’histoire urbaine, 2005/1, n°12, page
69, l. 9-10
5
La Compagnie Financière Richemont a été fondée en 1988 par le milliardaire Sud-Africain Johann Rupert et est
basé à Bellevue en Suisse. C’est un groupe d’entreprises spécialisées dans le luxe, et plus particulièrement dans
la haute-joaillerie, l’horlogerie, les outils d’écriture et la mode. Des marques telles que Chloé, Cartier, Baume &
Mercier, ou encore Montblanc appartiennent à ce groupe.

8
Sellier créé en 1837 par Thierry Hermès, la maison a rapidement pris son envol, représentant
aujourd’hui près de 2,4 milliards d’euros de chiffre d’affaire par an. La marque a su se
diversifier, vers la maroquinerie tout d’abord, qui représente aujourd’hui 40% de leur
production et des modèles emblématiques tels que le Kelly et le Birkin, mais aussi vers la
mode, la soie avec les fameux carrés, les accessoires et les parfums, tout en gardant une
grande cohérence, et en restant très fidèle à l’identité originelle de la marque, c’est-à-dire en
gardant un lien fort avec la tradition équestre et le cheval. Jean-Louis Dumas a également su,
entre 1978 et 2006, moderniser la marque tout en gardant son essence.

L’évolution du sac Kelly est très représentative de la stratégie d’Hermès : au départ simple
bagage du cavalier, Hermès a su en faire un accessoire indispensable pour les femmes de
toutes générations. Le sac à main, lui, a perdu depuis bien longtemps sa seule dimension
utilitaire, il s’agit aujourd’hui non seulement de trouver un sac dont la taille et la forme sont
adaptées à chaque femme et son style de vie, mais il acquiert également une dimension de
mode, de prestige : il projette une image de son possesseur. Comme le dit Stéphanie Le Bail :
« Une femme achetant un sac griffé achète bien plus qu’un sac, la dimension utilitaire étant
aussitôt doublée d’une forte dimension symbolique et affective »6. Ainsi le Kelly, et la
légende l’entourant, sont le résultat d’années d’évolution, d’analyses, et de stratégies bien
spécifiques mises en place par la maison Hermès pour élever son sac à main emblématique au
rang de véritable icône.

Ces stratégies font que le luxe possède aussi un lien étroit avec le secteur du commerce, et une
définition plus objective. Toutefois, même ce secteur plus scientifique peine à fixer une
démarcation claire au luxe, lui reconnaissant une dimension créative intrinsèque. Le luxe, au
sens du commerce, se démarque plutôt par des techniques de vente, de gestion, des réseaux de
distribution qui lui sont propres, et des campagnes de communication savamment étudiées.

Si les marques françaises ont longtemps pris le mot « marketing » avec des pincettes, et
qu’elles sont supposées ne pas avoir besoin de sa magie pour vendre ses produits, elles
utilisent bel et bien certaines de ses techniques pour donner au luxe toute son ambivalence : le
rendre célèbre, attractif aux yeux de la classe dominante, tout en lui confiant une dimension
de « privilège » intimiste et inaccessible.

Problématique : Comment la maison Hermès, maison emblématique du rayonnement du luxe


français, est-elle parvenue, à travers des stratégies marketing propres au secteur du luxe, à
faire de son sac Kelly une icône du luxe intemporel et un must-have pour les femmes de
toutes générations?

Le luxe est un secteur très spécifique, obscur et difficile à définir (I). Le sac Kelly de Hermès
est une parfaite métaphore de ce secteur aux confins de l’art et de l’artisanat, et une parfaite
démonstration des stratégies marketing qui peuvent être mises en œuvre afin de transformer
un produit de luxe en accessoire de légende, une enquête permettra de mettre en lumière des

6
LE BAIL, S., Le luxe entre « business » et culture, Evolutions, actualités et perspectives d’un modèle français,
Ed. France-Empire Monde, 2011, page 17, l. 12-14

9
régularités dans l’attitude des vendeurs de la maison, jugée comme partie intégrante de la
stratégie de mythification du sac Kelly (II).

10
Section 1 : Le secteur du luxe

Pour bien commencer ce mémoire, il est indispensable de bien définir le luxe, en tant que
notion, mais aussi en tant que secteur économique. Cette définition a de nombreuses
implications dans les stratégies marketing qui entourent le sac Kelly de Hermès.
La définition de la notion de luxe passe par son étymologie, mais aussi son historique et
l’évolution de son usage. En tant que secteur économique, le luxe peut être défini selon deux
points de vue bien distincts et pourtant complémentaires : le point de vue du consommateur,
et le point de vue des acteurs de ce secteur.

Selon Christian Blanckaert, le luxe est composé de toute une « galaxie »7, cette galaxie est
composée de toutes les notions qui entourent l’univers du luxe, toutes les évolutions qu’il a
rencontrées, en particuliers durant ces 20 dernières années qui ont été riches en changement,
mais aussi de toutes les industries qui composent ce secteur relativement confidentiel et
pourtant très versatile, ce qui rend aussi sa relation au marketing très ambivalente.
Maroquinerie, mode, technologie de pointe… Ces industries sont bien différentes mais
rejoignent pourtant toutes une poignée de caractéristiques essentielles qui en font une partie
intégrante de la « galaxie » du luxe.

A) Le luxe : tentative de définition

Le luxe est une notion très complexe, et difficile à définir. Sa définition varie d’un individu à
l’autre, et d’une époque à l’autre. Elle possède une dimension esthétique, qui renvoie à la
notion de « beau », sujet philosophique par excellence. Dans Critique de la faculté de juger,
Kant différencie le « beau », qui est objectif et universel, du « plaisant », qui est subjectif et
personnel8, et nous rapproche de la définition du luxe de Christian Blanckaert : dans Les 100
Mots du Luxe, il dit que le luxe renvoie à des objets, mais aussi des sentiments, et que sa
définition est individuelle, personnelle, et complexe, à l’image de l’homme qui l’a créé. Il
disait : « Le luxe est humain jusqu’au bout des ongles. Mais qui est donc l’ennemi du luxe ?
Le mensonge, la trahison ».9

1) Le luxe, une définition individuelle et fluctuante

La définition du luxe a beaucoup évolué à travers les âges, comme le révèle son étymologie :
du latin « luxus », le luxe a à l’origine une connotation négative, telle une aberration, une
déviance. Son évolution dans la langue française à travers les époques traduit un glissement
progressif de cette notion d’excès vers des dimensions moins négatives que sont le
raffinement, la distinction, même si le luxe reste pendant longtemps considéré comme
superflu et contraire aux règles morales. A la Révolution Industrielle, avec l’émergence de la
société de consommation et des loisirs, le luxe passe de l’aberration à la rareté, et de la

7
BLANCKAERT, C., Les 100 mots du Luxe, Paris, P.U.F. « Que sais-je ? » 2010, p. 7, l. 13-14
8
KANT, E., Critique de la faculté de juger, 1790
9
BLANCKAERT, C., Les 100 mots du Luxe, Paris, P.U.F. « Que sais-je ? » 2010, p. 7, l. 6-7

11
distinction à l’imitation, tout en conservant son absence de fonction utilitaire.10 Les progrès
techniques qui accompagnent la Révolution Industrielle permettent le développement de
secteurs entiers du luxe, concomitant à l’émergence de la classe bourgeoise, extravertie et
dépensière, et désireuse d’imiter les codes de la noblesse. Comme le dit Christian Blanckaert
dans Les 100 Mots du Luxe, de nombreuses notions gravitent autour du luxe : il parle de
« galaxie ». Une des notions inhérentes au luxe et qui est restée constante est celle de
« prix » : il a toujours été entendu que le luxe se paye.

Aujourd’hui, les 5 différentes définitions du dictionnaire Larousse révèlent bien ces


différentes dimensions :

- «caractère de ce qui est coûteux, raffiné, somptueux »


- « environnement constitué par des objets coûteux, manière de vivre coûteuse et
raffinée »
- « plaisir relativement coûteux que l’on s’offre sans vraie nécessité »
- « ce que l’on s’offre de manière exceptionnelle ou que l’on se permet de dire, de faire
en plus, pour se faire plaisir »
- « grande abondance de quelque chose »

Ces différentes définitions sont bien résumées en celle de Jean Castarède, qui a déjà été
utilisée dans l’introduction : « Est luxueux tout ce qui n’est pas indispensable mais délectable
s’il est sensible à la grâce »11. Le luxe peut donc être défini comme des objets, ou un mode de
vie, qui conjuguent culte de l’excellence et exigence esthétique, plaisir et superflu, tradition et
innovation, créativité et légende.

Marie-Claude Sicard parle d’une « table de lois » du luxe, qui décrirait les caractéristiques
inhérentes à ce secteur bien particulier : le luxe remonterait selon elle au 18e siècle et serait
d’origine exclusivement française et aristocratique. Ses composantes essentielles seraient
l’art, l’élégance, le bon goût et la beauté.12

Pierre de Champfleury, conseiller en fusion/acquisition dans le luxe, prête au luxe une forte
part d’immatériel, qui différencie ce secteur des autres : « c’est la formule magique de la
marque ; un mélange de création, de savoir-faire, de savoir-dire, et de savoir-montrer. »13

2) Luxe inaccessible, luxe intermédiaire

Mais le luxe peut aussi être un positionnement publicitaire, dont de nombreuses marques se
targuent : elles mettent en avant des valeurs de pouvoir et de prestige et proposent le luxe
comme mode de vie, sans pour autant proposer des produits à proprement parler « luxueux » :
ce sont les caractéristiques des marques « post-modernes », qui essayent de toucher un

10 e
CHEVALIER, M., MAZZALOVO, G., Management et Marketing du Luxe, Paris, Dunod, 2 édition 2011, « La
notion de luxe », « Etymologie et transformations », p. 12-14
11 e
CASTEREDE, J., Le Luxe, Paris PUF, Collection « Que sais-je ? », 7 édition 2012, page 18, l. 19-21
12
SICARD, M.-C., Luxe, mensonges et marketing, Paris, Pearson Education France, Collection « Village
Mondial », 3e édition 2010, p. 20-21
13
CASTETS, C., « Dans le luxe, la valeur essentielle d’une marque se situe hors bilan » in Le nouvel
Economiste, publié le 27/01/14, p.6-8

12
consommateur de plus en plus hédoniste. Ce positionnement implique des stratégies
innovantes de création, de communication et de distribution.

Danielle Allérès, économiste et spécialiste du luxe, différencie 3 types de luxe : le luxe


accessible, intermédiaire, et inaccessible (présentés dans les diagrammes ci-dessous). Le luxe
intermédiaire est, selon elle, le moyen pour la classe moyenne de s’offrir les valeurs
(excellence, esthétisme…) et le rêve du luxe à prix abordable.

Figure 1: Hiérarchie des objets de luxe, extrait de l'article "Luxe et marque d'enseigne" de D. Allérès

13
Figure 2: Classes sociales et styles de vie, extrait de l'article "Luxe et marque d'enseigne" de D. Allérès

De la même manière, Michel Chevalier et Gérard Mazzalovo font la distinction entre un


« luxe véritable », que peu de gens peuvent s’offrir, et un ou plusieurs « luxe(s)
intermédiaire(s) », notion empruntée à Danielle Allérès, qui sont le symbole d’une certaine
démocratisation du luxe. Gérard Caron, designer, distingue 3 types de luxe : le « luxe
d’exception », très français et confidentiel, le « luxe de prestige », plus ostentatoire, et enfin le
« luxe premium », qui fait appel à la science et à la technique.14 Ce sont les marques de luxe
elles-mêmes qui sont à l’origine de ces transformations : en inventant de nouvelles stratégies,
et en allant à la rencontre de nouveaux publics, elles ont renouvelé la notion du luxe. Par
exemple, Yves Saint Laurent, en organisant un défilé au Stade de France en 1998, a orchestré
la rencontre du milieu populaire du football avec le monde inaccessible de la haute-couture.
Aujourd’hui, une population très hétérogène accède à un secteur du luxe lui-même de plus en
plus diversifié.

Avec l’arrivée de nouvelles marques sur le marché, et l’hybridation entre les secteurs, quelles
sont aujourd’hui les différences entre luxe intermédiaire et luxe véritable ?

Si on pourrait penser que grande consommation et luxe sont tous deux dominés par la
dictature du résultat, Jean Marie Floch, au contraire, dit que la logique de profit est réservée
aux marques de masse, le luxe se définissant par son indépendance vis à vis de toute norme et
de toute contrainte.

14
DURAND, S., « Luxe, le changement d’aire » in Formes de Luxe, Le magazine de l’emballage de luxe, n°100,
Mai 2014, Retrospective – Prospective

14
Jean Castarède disait « le luxe, c’est ce qui n’est pas courant et qui est lié au don, à la
représentation, à la magnificence et à la fête. »15

Ainsi, chaque marque cultive sa différence au moins sur un domaine. Ferrari, marque de luxe
inaccessible par excellence, se différencie de son concurrent Porsche par sa production :
quand son concurrent espère atteindre une production de 150 000 modèles par an, Ferrari se
limite à 6000 modèles par an. D’autre part, la Scuderia Ferrari reste présente dans tous les
sports automobiles, en particulier la prestigieuse Formule 116. Autre exemple, Hermès, qui a
maintenu sa production entièrement artisanale en France alors que la plupart de ses
concurrents ont délocalisé et automatisé leur production, conserve toujours son lien avec la
tradition équestre.

La communication de la marque Patek Philippe est très représentative de cette culture de la


différence : au lieu de communiquer sur la préciosité de ses matériaux, ou la sophistication de
ses mécanismes, la marque communique autour des valeurs de partage, de transmission,
d’héritage.17

Figure 3: Patek Philippe, campagne "Générations" (2008)

15 e
CASTEREDE, J., Le Luxe, Paris PUF, Collection « Que sais-je ? », 7 édition 2012, page 7, l. 1-3
16 e
CHEVALIER, M., MAZZALOVO, G., Management et Marketing du Luxe, Paris, Dunod, 2 édition 2011, p. 29, l.
19-30
17
http://www.montres-de-luxe.com/Patek-Philippe-lance-une-toute-nouvelle-interpretation-de-sa-campagne-
publicitaire-Generations_a1936.html

15
Le luxe est aussi un discours, qui peut être défini selon deux aspects :

- son émission, c’est à dire, la manière dont ses émetteurs présentent la production des
biens et services de luxe
- sa réception, c’est à dire les implications sociales et psychologiques qu’ont ses
produits/services sur ses récepteurs.

3) Le luxe du point de vue du consommateur: moyen de distinction sociale ou plaisir


individuel ?

Selon Pierre Bourdieu, le luxe est avant tout un moyen d’affirmer une position sociale, ce qui
lui confère une dimension de communication sociale.18

Norbet Elias a également défini le luxe comme un instrument de distinction, et un vecteur de


différenciation de la noblesse (plus particulièrement la cour de Louis XIV) au XVIIIe siècle.
Cette différenciation est d’abord passée par l’habitat, puis le langage, plus raffiné, les
émotions, contenues et refoulées, et surtout un nouveau système de dépense, une
consommation de prestige indexée sur le rang.19

Thorstein Veblen, économiste et sociologue américain, va plus loin en introduisant la notion


de « conspicuous waste » (en français : prodigalité ostentatoire).20 En effet, selon cette
théorie, les consommateurs achètent des objets chers afin d’afficher leurs richesses et leur
revenu, sans que ces objets répondent réellement à leurs besoins, ce qui induit un gâchis de
temps et d’argent. Dans ce sens, la consommation est un moyen d’acquérir ou d’afficher un
statut. Cette théorie est inspirée du comportement de la classe bourgeoise après la Seconde
Révolution Industrielle au XIXe siècle.

De cette théorie est directement tirée la notion de « produit de Veblen » : il s’agit d’un produit
de luxe dont la demande augmente lorsque son prix augmente, comme par exemple certains
vins. Cette théorie prouve à la fois l’effet distinctif et la valeur symbolique des produits de
luxe.

Figure 4: Courbe de demande d'un produit de Veblen

18
BOURDIEU, P., La Distinction, Minuit, Paris, 1979
19
http://www.histoire.presse.fr/livres/les-classiques/la-societe-de-cour-de-norbert-elias-01-01-2002-3948
20
VEBLEN, T., Théorie de la classe de loisir, Gallimard, Paris, 1970

16
L’approche de Jean Baudrillard, sociologue français, est très proche de celle de Thomas
Veblen : il distingue la valeur d’échange de la valeur d’usage d’un service ou produit de
luxe.21

Gilles Lipovetsky et Elyette Roux donnent une définition plus récente du luxe dans Le Luxe
éternel : « le luxe apparaît comme ce qui perpétue une forme de pensée mythique au cœur
même des cultures marchandes désacralisées. »22 Selon cette définition, le luxe a une
dimension sacrée et immatérielle qui permet d’atteindre l’éternité.

Mais le social et l’individuel ne sont pas forcément contradictoires, et si le luxe a une


dimension de distinction sociale démontrée par de nombreux sociologues, il est également un
vecteur de plaisir individuel.

Dans L’Etre et le Néant, Jean-Paul Sartre souligne que cet hédonisme individuel réside dans
une croyance personnelle en la valeur ajoutée du produit ou service de luxe.

Les théories de psychologies s’intéressent aux motivations des consommateurs du luxe, ou à


leurs émotions et sentiments. Les aspects qui peuvent pousser un individu à consommer du
luxe sont par exemple, l’univers de marque (dans le cas d’une marque post-moderne qui vend
un mode de vie).

Figure 5: Evolution sémantique historique des définitions de la notion de luxe, extrait de


« Management et Marketing du Luxe »

21
BAUDRILLARD, J., Pour une critique de l’économie du signe, Gallimard, Paris, 1972
22
LIPOVETSKY, G., ROUX, E., Le Luxe éternel, Gallimard, Paris, 2003

17
Pour le consommateur, la différence entre une marque ou un produit de luxe et une marque ou
un produit de grande consommation repose sur les valeurs véhiculées. Des universitaires,
Barnier, Falcy et Valette-Florence, ont réalisé une étude sur un échantillon de 500 personnes
afin d’identifier les valeurs du luxe au sein de la population française.23

Pour ce faire, ils ont employé 3 échelles :

- l’échelle de Kapferer24
- l’échelle de Vigneron et Johnson
- l’échelle de Dubois et al.

Les valeurs qui ressortent le plus au sein de la population française selon cette étude sont :

- l’élitisme, avec les notions de « distinction », et de « select »


- la qualité et le prix élevé
- l’hédonisme, la notion de « plaisir »
- la puissance de la marque, avec les notions de « renommée » et d’ « unicité »

En résumé, le luxe peut être défini selon deux aspects principaux du point de vue des
consommateurs :

- un aspect sociologique : le luxe comme distinction sociale


- un aspect lié à la production de l’objet, qui a des conséquences à la fois sociales et
psychologiques.

Figure 6: Positionnement de la définition du luxe donnée par les


consommateurs, extrait de "Management et Marketing du Luxe"

23
Cette étude se trouve en annexe
24
Développée par Gilles Laurent et Jean-Noël Kapferer, elle permet d’analyser l’implication d’un individu en
distinguant 1) l’intérêt, 2) la valeur hédoniste que représente le plaisir, 3) la valeur de signe attribuée au produit, à
son achat ou à sa consommation, 4) l’importance du risque et 5) la probabilité de se tromper lors du choix d’un
produit. Ces cinq facettes sont mesurées à partir de 16 items associés à des échelles de type Likert toutes à cinq
positions. (Source : http://www.e-marketing.fr/Definitions-Glossaire-Marketing/echelle-d-implication-de-Laurent-et-
Kapferer-9051.htm)

18
4) Les valeurs de consommation du luxe

Jean Marie Floch a établi 4 logiques de consommations, généralement utilisées dans la mise
en place des rayons en grande consommation :

- la logique de besoin
- la logique de désir
- la logique d’intérêt
- la logique de plaisir

La logique de désir, liée à la valeur d’élitisme, et la logique de plaisir, liée à la valeur


d’hédonisme, sont les deux moteurs de consommation du luxe. Les deux autres logiques sont-
elles pour autant contradictoires avec la consommation de luxe ?

Figure 7: Carré sémiotique des valeurs de consommation, extrait de "Management et Marketing du Luxe"

La notion de « luxe avantageux » par exemple, peut concilier désir ou plaisir, avec la logique
d’intérêt, grâce aux ventes privées par exemple, qui peuvent permettre d’acquérir des pièces
de luxe à prix cassés. Le luxe intermédiaire/accessible, peut lier logique de plaisir et logique
d’intérêt grâce aux produits de licence (parfums, cosmétiques…). Ces produits constituent
toutefois un risque pour l’image de la marque. Les marques de mode premiumisées
constituent aussi un glissement entre plaisir et désir : certaines marques américaines, comme
par exemple, Michael Kors, sont très représentatives de cette évolution : au départ marque de
mode aux prix abordables, la marque se rapproche progressivement d’un positionnement luxe,
avec l’apparition de matériaux luxueux dans les accessoires (sacs en python), et de ses robes
sur les tapis rouges.

Zara, exemple par excellence du luxe accessible, allie plaisir d’être à la mode et intérêt grâce
à un prix accessible : son atout de différenciation est que les collections se renouvellent en

19
continu, garantissant à ses consommatrices d’être toujours à la pointe de la mode sans y
mettre le prix. Gérald Mazzalovo et Michel Chevalier parlent même de « luxe raisonnable »25.

5) Les nouveaux enjeux psychologiques du luxe

Avec la diversification du secteur du luxe et l’hybridation des différents secteurs se posent


aujourd’hui de nouvelles questions : comment maintenir la qualité et l’authenticité d’antan
face à la concurrence et aux logiques de profit ?

Par exemple Creed, parfumeur de niche et maison familiale, est la marque qui parfume les
puissants et les stars. Très confidentielle, et réservée uniquement à une poignée d’initiés,
l’univers de la marque est aujourd’hui remis en question : issue d’une maison de couture
créée par James Henry Creed en Angleterre en 1760, la maison s’installe en 1854 à Paris et se
diversifie dans le parfum avant de retourner s’installer à Londres après la Seconde Guerre
mondiale. Elle aurait habillé la Reine Victoria et l’impératrice Eugénie. Cette légende paraît
peu crédible aux yeux des consommateurs qui critiquent vivement la marque sur la toile.

Algirdas Julien Greimas, linguiste, a mis en place un carré sémiotique dit « de la


véridiction »26. Il comprend 4 composantes :

- être
- ne pas être
- paraître
- ne pas paraître

Appliqué au luxe, il crée les combinaisons suivantes :

- être/paraître : vérité : la gestion de la marque est en adéquation avec les valeurs qu’elle
véhicule
- être/ne pas paraître : secret : la marque est confidentielle et se cantonne à un cercle de
fidèles
- ne pas être/paraître : mensonge : la marque communique sur des valeurs qu’elle ne
porte pas
- ne pas être/ne pas paraître : faux : cette combinaison renvoie à un fléau bien connu des
marques de luxe : la contrefaçon.

25 e
CHEVALIER, M., MAZZALOVO, G., Management et Marketing du Luxe, Paris, Dunod, 2 édition 2011, « Le
luxe raisonnable », p.30, l. 2-26
26
GREIMAS, A.-J., Sémantique structurale, Paris, Larousse, 1966

20
Figure 8: Carré sémiotique de la véridiction, extrait de "Management et Marketing du Luxe"

Le luxe intermédiaire symbolise le compromis des marques modernes : il se situe sur l’axe du
mensonge, à mi-chemin entre l’ostentation et le bon marché. Il imite les codes du luxe, en
emprunte les univers, qu’il se réapproprie dans sa publicité, comme le fait Longchamp dans sa
campagne été 2014 avec son égérie Alexa Chung.

Figure 9: Longchamp, campagne été 2014 avec Alexa Chung

Le succès de Swarovski est également un bon exemple de cette imitation orchestrée par le
luxe intermédiaire : le cristal se substitue ainsi aux diamants. Moins cher, il brille tout autant,
et « donne le change » : si on reprend les composantes de la véridiction de Greimas, on se
situe dans le « paraître ».

Gilmore et Pine ont ainsi défini un nouvel enjeu majeur du luxe : la légitimité. Pour eux, cette
légitimité se rapproche des notions d’authenticité et de crédibilité, et dépend de 5 vecteurs27 :

- la nature : ce vecteur se traduit par l’usage de matériaux naturels, ce qui contribue à la


rareté et la préciosité des matériaux, et par une approche écologique et citoyenne.

27
GILMORE, J., PINE, J., Authenticity, Harvard Business School, 2007

21
- l’originalité : ce vecteur peut se manifester à deux niveaux : au niveau de la création,
par une démarche innovante et inventive, et au niveau de la communication par un
positionnement différencié.
- L’exception : ce vecteur touche essentiellement à la légende qui entoure le luxe avec
toute sa dimension festive, son savoir-faire, son unicité.
- Le référentiel : ce vecteur fait référence au contexte et à l’époque dans lesquels
s’inscrivent le produit de luxe, mais aussi à l’histoire de la marque, ses égéries, ses
succès emblématiques.
- L’autorité : ce vecteur fait référence aux valeurs, à l’influence et au pouvoir de la
marque.

Pour Gilmore et Pine une marque authentique obtient sa crédibilité en faisant des efforts sur
les produits tandis qu’une marque de luxe intermédiaire bénéficie d’une crédibilité moindre
car elle mise ses efforts sur la communication et la publicité.

Par exemple, Patek Philippe, cas qui a déjà été étudié précédemment, est la marque de luxe
authentique par excellence : sa crédibilité n’est plus à démontrer, comme le prouvent la
montre, très discrètement portée au bras du modèle masculin sur les photos de ses campagnes.

Ferrari en revanche, mêle les codes du luxe véritable et du luxe ostentatoire : son statut de
marque de luxe authentique est définitivement établi, comme cela a été démontré
précédemment, grâce à la rareté de ses produits, l’innovation technique et leurs performances
exceptionnelles, pourtant la marque montre en gros plans ses voitures dans ses campagnes,
comme pour attiser la convoitise d’un consommateur qui n’aura jamais les moyens de se les
offrir.

6) La définition du luxe par ses acteurs

Patrizio Bertelli, président de Prada, définit le luxe comme la convergence de la création et de


l’intuition. Pour Jean Castarède, « en termes de « mercatique » on dira que le luxe est tout ce
qui est moins quantifiable et plus intuitif parce que faisant appel à la création et au génie :
d’où sa spécificité à la fois dans les techniques de vente et d’organisation, dans les modes de
gestion, d’encadrement et de recrutement ».28

Pour les acteurs du champ économique, le luxe nécessite une définition plus pragmatique,
basée sur les caractéristiques des produits qui les distinguent des autres produits de
consommation.

Le Comité Colbert, qui regroupe les principaux acteurs du luxe français : marques (Baccarat,
Givenchy, Guerlain…) et institutions culturelles (Château de Versailles, Monnaie de Paris…),
participe également à la définition de la notion de luxe : « une industrie qui englobe à la fois
la définition d’industrie culturelle et créative ».29

28 e
CASTEREDE, J., Le Luxe, Paris PUF, Collection « Que sais-je ? », 7 édition 2012, page 6, l.22-26
29
Contribution du Comité Colbert à la consultation lancée par la Commissaire Vassiliou sur le Livre Vert –
« Libérer le potentiel des industries culturelles et créatives ». Numéro d’identification dans le Registre des
représentants d’intérêts de la Commission européenne : 62379572263-63

22
Pour Marie-Claude Sicard, les professionnels du luxe « passent leur temps à expliquer que
leur métier ne s’explique pas, qu’il y faut de l’intuition, de la sensibilité, de l’inspiration, des
doigts de fée, des yeux d’artiste, une âme de créateur. »30

Il faut également distinguer une « marque » de luxe d’un « produit » de luxe : si les deux
notions sont interdépendantes, et rencontrent entre elles des impératifs de cohérence, la
marque renvoie plutôt à une idée immatérielle, à une identité, tandis que le produit, plus
concret, renvoie à une qualité et un savoir-faire.

La marque elle-même possède plusieurs dimensions :

- « l’éthique de marque » : la partie la plus abstraite de son ADN, qui comprend des
valeurs, son histoire, toutes les composantes immatérielles de son identité.
- « l’esthétique de marque » : la partie la plus concrète de son ADN, qui renvoie aux
représentations concrètes de la marques, et à l’usage des 5 sens : couleurs, formes,
matières, parfum, goût etc.

Une bonne gestion d’une industrie du luxe consiste donc à trouver un parfait équilibre entre
cet aspect concret et cet aspect plus immatériel, qui ont tous deux un impact primordial sur
l’image et le positionnement de la marque.

B) Le luxe au XXIe siècle

« C’est au cours de ces vingt dernières années que des empires se sont bâtis autour de
marques phares et de talents en devenir ; que le luxe a crû plus vite que la croissance
mondiale, que les fabricants se sont métamorphosés ; que la distribution s’est renforcée ; que
la Chine s’est éveillée ; qu’Internet a rebattu les cartes, avec sa communication instantanée,
son e-économie, ses acteurs valorisés à des milliards d’euros. Bref, que le monde s’est
mondialisé, dématérialisé, hystérisé. » Sabine Durand31

Le luxe a beaucoup évolué ces dernières années. Confronté à de nouvelles problématiques, et


à de nouveaux enjeux, il a du s’adapter. Prise de pouvoir de la génération Y, boom d’internet,
prise de conscience d’enjeux planétaires, évolutions marketing, mondialisation, crise
économique sans précédent… Le luxe est sorti de tous ces changements métamorphosé… et
grandi ?

1) Le luxe face à la crise

Donald Potard disait « Le secteur du luxe est le dernier atteint dans les moments de crise, il
est le premier qui redémarre parce que la plupart des gens ont envie de dépenser leur argent,
c’est inhérent à l’humain ».32

30
SICARD, M.-C., Luxe, mensonges et marketing, Paris, Pearson Education France, Collection « Village
Mondial », 3e édition 2010, p. 20, l.1-6
31
DURAND, S., « Un voyage dans le temps » in Formes de Luxe, Le magazine de l’emballage de luxe, n°100,
Mai 2014, Retrospective – Prospective
32
LE BAIL, S., Le luxe entre « business » et culture, Evolutions, actualités et perspectives d’un modèle français,
Ed. France-Empire Monde, 2011, « Crise : le luxe ploie sans rompre et rebondit vers la croissance », p.165, l.7-
11

23
En 2007, avant la fameuse « Grande Dépression » de ces dernières années, le luxe connaissait
une croissance de 8%. Comment a-t-il réagi à la crise ?

La crise économique de 2008 a d’abord débuté par la crise des subprimes aux Etats Unis en
2006-2007 : après une période où le crédit était facilité, les taux d’intérêt ont explosé. Cela a
provoqué un krach boursier en 2008, puis une crise économique et sociale sans précédent. Les
Etats Unis sont les premiers à tomber en récession fin 2007, suivis de près par la plupart des
pays européens en 2008, et enfin la France en 2009. Cette crise a provoqué une forte baisse
des actions et de l’immobilier et par conséquent une crise du système bancaire, une forte
hausse du prix du pétrole et des produits agricoles, une hausse du chômage et un
ralentissement du commerce international. Les pays les plus touchés sont les Etats Unis,
l’Europe (le PIB de la zone euro recule de 4% en 2009) et le Japon. La baisse de la
consommation des ménages et des achats des touristes met le luxe en difficulté.

C’est la première dépression depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Or la


consommation du luxe a évolué : il n’est plus réservé à une clientèle élitiste, mais repose sur
une armée d’acheteurs occasionnels qui n’ont plus les moyens de s’offrir des biens de luxe
dans ce contexte. Le luxe s’effondre de 5,2% entre 2008 et 2009.

Les petites marques, les moins armées, sont les premières touchées : certaines ne survivront
pas à la crise. L’hyper luxe, secteur de niche, est également très touché : le marché de
l’immobilier de prestige, des yachts, et des jets privés pâtit de la diminution du nombre de
millionnaires (selon le 13e World Wealth Report de Merill Lynch et Capgemini). En joaillerie
et en horlogerie, ce sont les produits « intermédiaires » qui sont le plus touchés, les produits
les plus chers constituant malgré tout un investissement rassurant pour les consommateurs du
luxe. L’autre « valeur refuge », l’immobilier, repart rapidement à la hausse dès 2010. Le luxe
intermédiaire (parfums, accessoires) se maintient.

La crise a surtout provoqué un changement de comportement, à la fois chez les


consommateurs et les maisons de luxe.

Les acheteurs sont revenus à une logique d’un autre siècle, en privilégiant la qualité et la
valeur des produits. Ils s’intéressent aussi désormais aux conditions dans lesquelles les
produits sont fabriqués : conditions de travail, écologie etc. Les maisons de luxe sont forcées
de s’adapter à ces exigences, et d’adapter leur gestion. Elles misent désormais sur la créativité
et la qualité, n’hésitant pas à réduire les coûts au plus haut de la crise en organisant des défilés
moins somptueux et en réduisant leur personnel. La crise a agi comme un révélateur des excès
et faiblesses du système. Jean Castarède disait « Il ne faut pas craindre les crises qui ont
malgré tout des effets positifs et font « fondre les mauvaises graisses » »33. Le luxe mise alors
sur une politique de vente plus agressive, et revient sur ses valeurs sûres : des codes très
minimalistes côté mode (noir, sobriété, vintage, matériaux classiques et indémodables), et la
réédition de pièces iconiques (telles que la Reverso de Jaeger Lecoultre, mais aussi en
parfumerie avec la création de Shalimar Parfum Initial par exemple).

33
LE BAIL, S., Le luxe entre « business » et culture, Evolutions, actualités et perspectives d’un modèle français,
Ed. France-Empire Monde, 2011, « Crise : le luxe ploie sans rompre et rebondit vers la croissance », p.165, l.4-6

24
En 2011, le luxe retrouve déjà son niveau de 2008. Selon Bain & Company, il aurait
progressé de 10% entre 2009 et 2010. Au 1er semestre 2010, LVMH affiche déjà une
croissance florissante de 10%. Le luxe semble alors avoir de bonnes perspectives pour
l’avenir. De plus, la Chine, l’Inde et le Brésil, marchés potentiels importants pour le luxe, ont
bien résisté à la crise.

Pourtant, alors que la crise semble sur le point de s’essouffler, le luxe connaît un
ralentissement en 2013 : une croissance de 6%, soit 2% en tenant compte du taux de change
selon l’agence Bain & Company.34 Cela pourrait s’expliquer par plusieurs raisons en Chine,
marché très porteur pour le luxe:

- les mesures anti-corruption en Chine, qui ont touché de plein fouet le luxe ostentatoire
(comme la figure de proue de LVMH, Louis Vuitton) et le marché des spiritueux
(notamment le cognac).
- La dépréciation du renminbi, qui dissuade les consommateurs chinois d’acheter du
luxe à l’étranger
- La première dame chinoise, véritable Carla Bruni locale, Peng Liyuan, met en avant
les marques chinoises dans sa garde-robe très admirée.

Malgré ces facteurs inquiétants, le luxe semble avoir de belles perspectives sur le long terme,
grâce à des réservoirs de croissance comme par exemple les marchés des puissances
émergentes (les BRIC : Brésil, Russie, Inde, Chine) : le luxe réalise 20 à 30% de son chiffre
d’affaires en Asie Pacifique. Ses produits emblématiques permettent de s’évader des soucis
du quotidien et restent un « symbole de stabilité et d’espoir »35.

2) La nouvelle clientèle du luxe

Vincent Grégoire, consultant en stratégie pour l’agence de prospective NellyRodi disait « Le


luxe est passé d’une offre générique à des réponses particulières. Auparavant réservé à une
élite, le luxe est désormais confronté à un univers populaire en pleine émancipation. On
assiste à une fusion entre la culture de la rue et la culture des salons. Le luxe est sommé de
réagir. »

La clientèle du luxe a beaucoup évolué au cours de ces 20 dernières années : massification,


démocratisation, mondialisation… Le luxe doit désormais satisfaire une clientèle de plus en
plus diversifiée, mais aussi de plus en plus renseignée, volage, exigeante, égoïste, mobile…
Les manières de consommer le luxe ont changé : de marqueur social, le luxe est devenu un
marqueur d’identité, une manière de mettre en avant son bon goût et sa connaissance très
prisée de ce milieu. Adieu le total look, le « luxe bling-bling », aujourd’hui le luxe se veut
discret, réservé aux connaisseurs, preuve de valeur humaine.

34
http://www.challenges.fr/luxe/20131028.CHA6234/la-croissance-du-marche-du-luxe-ralentit.html
35
LE BAIL, S., Le luxe entre « business » et culture, Evolutions, actualités et perspectives d’un modèle français,
Ed. France-Empire Monde, 2011, « Crise : le luxe ploie sans rompre et rebondit vers la croissance », p.163, l.12-
13

25
Les marques se sont élargies et diversifiées pour faire face à cette demande multiple : on fait
aujourd’hui face à un phénomène de « brand stretching36 ». Les marques n’hésitent plus à
s’aventurer en dehors de leurs univers pour se réinventer : par exemple, Pernod Absinthe a
créé un coffret événementiel en partenariat avec Maison Kitsuné, marque beaucoup plus
moderne et conceptuelle, pour relancer son alcool à la fois historique et controversé. 37 Les
codes s’hybrident, les univers se mélangent.

Si le désir de luxe est universel, le luxe est également culturel : développé internationalement,
mais décliné localement dans une logique « Think global, act local »38, il dépend cependant
d’un certain « relativisme culturel 39» : l’assortiment des points de vente de la maison Hermès
par exemple est laissé à l’appréciation des directeurs de boutiques, car on observe que selon
les aires géographiques, les consommateurs ne se dirigent pas nécessairement vers les mêmes
produits.

Selon le cabinet Bain & Company, il existerait à l’heure actuelle 7 catégories de


consommateurs :

- Les « omnivores » : représentant 25% des dépenses, cette catégorie est constituée
essentiellement de jeunes femmes
- Les « avisés » : représentant 20% des dépenses, cette catégorie très informée et
exigeante se distingue par sa présence online
- Les « investisseurs » : représentant 13% des dépenses, ils s’intéressent en particulier à
la qualité et la longévité des produits
- Les « hédonistes » : représentant 12% des dépenses, ils considèrent encore le luxe
comme un achat plaisir et attachent une grande importance aux apparences
- Les « conservateurs » : représentant 16% des dépenses, cette catégorie est composée
d’une clientèle plus âgée aux goûts plus classiques
- Les « désillusionnés » : représentant 5% des dépenses, ils font preuve de distance et de
scepticisme vis à vis des produits de luxe, et se dirigent plutôt vers les « bonnes
affaires » et la vente en ligne
- Les « aspirants » : représentant 5% des dépenses, ils ne consomment des produits de
luxe que très occasionnellement, et font preuve d’une grande infidélité40

3) Le luxe vers de nouvelles frontières

Pierre Cornette de Saint-Cyr, célèbre commissaire-priseur, disait « On ne peut rester local


sous peine de disparaître ».41 La mondialisation, processus en réalité ancien, a accéléré ces

36
« Principe selon lequel une marque utilise son nom pour lancer un nouveau produit dans une nouvelle
catégorie. Il pourra ainsi profiter de la notoriété ainsi que de l'image de qualité associées à la marque »
(Source : http://www.linternaute.com/dictionnaire/fr/definition/brand-stretching/)
37
http://www.infosbar.com/Maison-Kitsune-x-Pernod-Absinthe_a6141.html
38
LE BAIL, S., Le luxe entre « business » et culture, Ed. France-Empire Monde, 2011, « Les clientèles du luxe »,
p. 186, l.15
39
LE BAIL, S., Le luxe entre « business » et culture, Ed. France-Empire Monde, 2011, « Les clientèles du luxe »,
p. 188, l.9
40
DURAND, S., « Luxe, le changement d’aire » in Formes de Luxe, Le magazine de l’emballage de luxe, n°100,
Mai 2014, Retrospective – Prospective

26
dernières années, représentant à la fois une opportunité et une menace pour le luxe. Si l’Orient
a toujours été une source d’inspiration pour le luxe, les marques essayent aujourd’hui de se
développer à l’international : Europe, Etats-Unis, Japon, Moyen-Orient enrichi par les chocs
pétroliers, et désormais les BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine) sont autant de marchés
potentiels pour les industries du luxe.

Les pays qui consomment le plus de luxe sont :

- les Etats-Unis, avec 90 millions de consommateurs, à hauteur de 400€ de dépenses par


tête
- l’Europe, avec 80 millions de consommateurs, à hauteur de 450€ de dépenses par tête
- la Chine, avec 50 millions de consommateurs, à hauteur de 1250€ de dépenses par tête
- le Japon, avec 50 millions de consommateurs, à hauteur de 800€ de dépenses par tête
- l’Amérique du Sud avec 20 millions de consommateurs, à hauteur de 500€ de
dépenses par tête
- et enfin le Moyen-Orient, avec 10 millions de consommateurs, à hauteur de 1400€ par
tête.
On voit bien aujourd’hui que même si le nombre de consommateurs est plus important dans
les pays développés, les consommateurs sont prêts à dépenser plus d’argent pour du luxe au
Moyen-Orient et en Chine. 42

Les BRIC constituent aujourd’hui d’importants relais de croissance : ce sont tous les 4 des
pays vastes et très peuplés, des « géants 43» qui constituent des marchés potentiels importants.
D’autre part, comme le montre l’évolution de leur PIB, leur économie est florissante, et même
si la richesse est majoritairement détenue par une élite, la classe moyenne se développe et
aspire à consommer du luxe afin d’affirmer son nouveau statut social. Par exemple, le Brésil
est aujourd’hui le 3e plus grand consommateur de produits de beauté au monde derrière les
Etats Unis et le Japon.44 Le luxe représente pour eux un désir d’ouverture, un moyen de
s’approprier les valeurs occidentales : par exemple, de nombreux riches Russes possèdent des
maisons de vacances sur la Côte d’Azur, et comment ne pas citer les milliers de touristes
chinois qui arpentent chaque jour les rues de Paris ?

41
LE BAIL, S., Le luxe entre « business » et culture, Ed. France-Empire Monde, 2011, « Le luxe s’est lancé à la
conquête du monde », p. 171, l. 3-4
42
DURAND, S., « La structuration des acteurs » in Formes de Luxe, Le magazine de l’emballage de luxe, n°100,
Mai 2014, p. 16-17
43
LE BAIL, S., Le luxe entre « business » et culture, Ed. France-Empire Monde, 2011, « Le luxe s’est lancé à la
conquête du monde », p. 172, l.25
44 44
DURAND, S., « La structuration des acteurs » in Formes de Luxe, Le magazine de l’emballage de luxe,
n°100, Mai 2014, p. 20

27
Figure 10: Evolution des PIB entre 1993 et 2013, source: FMI, extrait de Formes de Luxe, n°100/Mai 2014

Il existe encore dans ces pays de nombreux clivages qui influent sur la manière de consommer
du luxe: le premier est un clivage générationnel : la jeune génération préfère un luxe plus
ostentatoire, mode et technologie, tandis que la génération plus âgée et traditionnelle préfère
un luxe plus discret et qualitatif. Il existe également de nombreux clivages entre les classes
sociales, l’exemple le plus grave étant celui des « castes » en Inde : malgré les efforts du
gouvernement pour promouvoir un modèle méritocratique et l’égalité des chances, le système
des castes reste ancré dans les mœurs. Un autre clivage est géographique : si les capitales, et
certaines grandes agglomérations se développent rapidement, les régions rurales restent à la
marge. Il en va de même à l’intérieur des villes : divisées en quartier, les zones
occidentalisées et touristiques se développent vite et bénéficient de l’implantation du luxe
européen, tandis que les quartiers les plus pauvres restent à la marge. De plus, les pays
émergents souffrent encore d’un risque d’instabilité sociale, lié à des problèmes récurrents
comme la contrefaçon, les revendications sociales, la corruption, les problèmes religieux, les
marchés parallèles, une administration peu rigoureuse…

Si ces pays présentent de nombreuses similitudes, ils doivent pourtant bénéficier d’approches
« cohérentes mais différenciées »45. Le Moyen-Orient par exemple, est un marché très porteur
pour le luxe mais qui possède de nombreuses particularités culturelles qui doivent être prises
en compte pour pouvoir s’implanter dans ces pays : sous couvert de conservatisme religieux,
ils sont en réalité de grands consommateurs de voitures de sport, lingerie fine, et bijoux, et
doivent être traités avec les plus grandes précautions. La formation des vendeurs est très
importante pour leur apprendre à décoder les coutumes et les tabous de ces populations. Il faut
également s’adapter à leurs traditions : prévoir une salle de prière dans les boutiques, adapter

45
LE BAIL, S., Le luxe entre « business » et culture, Ed. France-Empire Monde, 2011, « Le luxe s’est lancé à la
conquête du monde », p. 181, l. 14-15

28
les horaires d’ouverture en période de Ramadan, et même se déplacer pour aller présenter les
produits dans un cadre privé.46

C’est dans ce but que de plus en plus de marques de luxe ont recours au CRM : le Custom
Relationship Management, un outil qui permet de prendre en compte les spécificités du
consommateur afin de lui offrir une prise en charge personnalisée et de permettre une
meilleure fidélisation et différenciation. 47

Se développer à l’international est une opportunité et un défi pour les marques : s’il faut rester
toujours cohérent à l’ADN de marque, il est aussi indispensable de savoir s’adapter aux
spécificités culturelles, et respecter les contradictions de ces sociétés en pleine évolution :
entre modernité et tradition, ambition et interdépendance, frugalité et richesse, réussite et
modestie, l’économie de ces pays se développe très rapidement, et avec elle la classe
moyenne qui constituera les consommateurs du luxe de demain.

4) Les nouvelles valeurs du luxe : luxe et éthique

Bernard Arnault disait « La protection de l’environnement n’est pas uniquement générosité ou


philanthropie. Elle est pour préparer l’avenir une nécessité, pour les entreprises un facteur
nouveau de progrès et de compétitivité, pour la société une preuve tangible de liberté et de
modernité »48.

Plus qu’une mode, le développement durable est devenu une nouvelle préoccupation politique
et un nouvel axe de communication pour les marques. C’est une véritable prise de conscience
qui fait écho à des problématiques de transmission, de fragilité de la nature, de pollution
atmosphérique, d’accumulation des déchets, de pillage des forêts et des océans, enfin tout
simplement d’excès et de démesure.

L’intérêt pour les marques est de donner une image positive à des consommateurs de plus en
plus concernés par ce genre de problématiques, mais aussi de respecter ou d’anticiper
certaines contraintes légales49.

Cela fait maintenant plusieurs années que certaines marques n’hésitent pas à prendre des
mesures concrètes pour améliorer le respect de l’environnement et de ses populations :
Bulgari par exemple, a créé une bague en argent et céramique dont un pourcentage des ventes
est reversé à l’association « Save the Children 50». Cette association est notamment intervenue
à la suite de l’ouragan en Haïti. De Beers et de nombreux autres joailliers agissent en outre
pour mieux contrôler la provenance et les conditions de production des matériaux utilisés,
notamment les diamants, et l’or, avec la création du processus de Kimberley, aujourd’hui

46
LE BAIL, S., Le luxe entre « business » et culture, Ed. France-Empire Monde, 2011, « Le luxe s’est lancé à la
conquête du monde », p. 178-179
47
LE BAIL, S., Le luxe entre « business » et culture, Ed. France-Empire Monde, 2011, « Le luxe s’est lancé à la
conquête du monde », p. 181-182
48
Site internet du groupe LVMH, janvier 2006
49
LE BAIL, S., Le Luxe entre « business et culture », Paris, France Empire, 2011, « Le luxe éthique : une
tendance durable », p.214, l. 24-29
50
http://fr.bulgari.com/department.jsp?cat=cat10130032

29
ratifié par une cinquantaine d’Etats51, et du Responsible Jewellery Council, dont font
aujourd’hui partie les plus grandes marques de joaillerie (Tiffany, Piaget, Van Cleef &
Arpels, Boucheron, Cartier…). Cartier est également partenaire d’une mine de commerce
équitable au Honduras qui fait aujourd’hui figure d’exemple.

Muzo International est l’un des exemples les plus aboutis : cette petite entreprise suisse
possède une mine en Colombie qui a trois règles d’or : la sécurité et une situation régularisée
pour les mineurs, mais aussi de meilleures conditions de vie pour eux et leurs familles, tout en
assurant la certification et la traçabilité des pierres produites52.

Les consommateurs se posent de plus en plus de questions sur les conditions de production et
en particulier le traitement de la main d’œuvre dans les usines, en particulier avec les
problématiques de délocalisation. Si certaines marques assument pleinement leur production à
l’étranger (Coach), on se souvient de scandales comme celui des usines Nike.

Un autre grand enjeu de plus en plus défendu par les marques est l’écologie et notamment la
lutte contre l’émission de gaz à effet de serre. Jaeger-LeCoultre par exemple, a essayé de
réduire son empreinte carbone et ses émissions de CO2. Dans le domaine de l’hôtellerie, c’est
Le Fouquet’s Barrière qui bénéficie d’une triple certification : ISO 14001 (pour son
engagement environnemental), ISO 9001 (pour sa qualité de service) et SA 8000 (pour son
respect des droits de l’homme) : en proposant des limousines hybrides et des bouteilles de
champagne dont la masse de verre a été réduite de 30%53, Le Fouquet’s montre qu’il est
possible de concilier luxe et écologie, on parle même aujourd’hui d’ « écoluxe » ou de « luxe
responsable ».

C’est aujourd’hui les ressources qui sont au cœur des préoccupations : si pour les cosmétiques
et la mode on privilégie les matériaux naturels tels que le cachemire, le coton ou les huiles
essentielles, l’automobile essaye de se réinventer sans les énergies fossiles, avec par exemple
Tesla, marque de voitures de luxe entièrement électriques.

Le marché des cosmétiques bio et naturels est passé de presque 0 en 199à à 9,4 milliards de
dollars en 2012 selon Amarjit Sahota, directeur d’Organic Monitor. Selon lui, le marché des
cosmétiques bio et naturels devrait se développer dans les années à venir mais doit encore
faire face à plusieurs défis : tout d’abord, il n’existe à l’heure actuelle pas de certification
harmonisée dans les régions concernées par ce marché, de plus, de nombreuses entreprises
sont accusées de se tourner vers cette tendances dans un but de « greenwashing54 », enfin ce

51
http://magazine.inedit-joaillier.fr/2012/01/18/la-charte-de-kimberley/
52
LE BAIL, S., Le Luxe entre « business et culture », Paris, France Empire, 2011, « Le luxe éthique : une
tendance durable », p.213, l. 12-29
53
LE BAIL, S., Le Luxe entre « business et culture », Paris, France Empire, 2011, « Le luxe éthique : une
tendance durable », p.213, l. 1-11
54
« Le greenwashing, ou écoblanchiment, est une pratique commerciale qui consiste à utiliser des arguments
environnementaux souvent trompeurs pour vendre des produits qui ne sont pas, la plupart du temps, si verts. »
(Source : http://www.futura-sciences.com/magazines/environnement/infos/dico/d/developpement-durable-
greenwashing-6026/)

30
marché souffre encore aujourd’hui d’une mauvaise compréhension de la part du
consommateur.55

On observe également en gastronomie une transition vers le bio et le local. Malheureusement,


la qualité des produits issus du commerce équitable reste en général trop irrégulière pour
permettre la fabrication de produits de luxe selon Jean-Noël Kapferer, économiste et
spécialiste du luxe56. Si les marques de luxe peuvent être écologiques, il leur est difficile
d’être économes, car la générosité et la préciosité des produits restent des dimensions
essentielles aux marques de luxe. De plus, il est aujourd’hui inconcevable de faire l’impasse
sur l’emballage, même s’il finira rapidement par s’entasser sur les milliards de tonnes de
déchets à l’échelle mondiale.

Le luxe, souvent accusé d’inutilité et de superficialité, est en réalité durable par essence, car il
véhicule des valeurs de qualité, de pérennité, de transmission, d’histoire ou encore d’héritage.

Les marques ne peuvent plus aujourd’hui se contenter de produire sans réfléchir aux
conséquences : les consommateurs sont de plus en plus informés, et le non-respect des droits
de l’homme ou de l’environnement est devenu pour lui impardonnable. La marque se doit
donc de préserver son excellence historique, tout en prenant en compte les nouvelles
problématiques du XXIe siècle.

C) Un secteur aux multiples facettes

Le luxe a du se réinventer ces dernières années. Toutes les industries du secteur ont ressenti
ces secousses, avec plus ou moins d’intensité. Christian Blanckaert dans « Les 100 Mots du
Luxe », parle des « étoiles » qui gravitent autour du luxe57. Secteurs historiques, ou nouveaux
secteurs répondant à une diversification indispensable face à une demande changeante, le luxe
est à l’image de cette variété d’industries : pluriel, ambivalent, au croisement entre tradition et
évolution, histoire et modernité.

1) L’hôtellerie

William Shakespeare disait « Petite chère et grand accueil font joyeux festin ». Ainsi l’accueil
est une dimension essentielle à la notion de luxe : l’hôtellerie de luxe est l’une des
expériences les plus immersives dans cet univers.

L’hôtellerie comporte toutes les dimensions du luxe : une dimension artisanale, la qualité de
service, mais aussi une dimension internationale avec une invitation au voyage et à la
découverte. L’hospitalité est une valeur inhérente au secteur de l’hôtellerie de luxe. Elle peut
être à la fois tangible et mesurable, grâce à un ensemble de mesures de notation et
d’appréciation : une chambre de luxe par exemple doit faire au minimum 45m2, comporter
une belle vue et des textiles de grande qualité, mais aussi intangible : elle dépend aussi de la

55
DURAND, S., « La structuration des acteurs » in Formes de Luxe, Le magazine de l’emballage de luxe, n°100,
Mai 2014, p. 24
56
LE BAIL, S., Le Luxe entre « business et culture », Paris, France Empire, 2011, « Le luxe éthique : une
tendance durable », p.216, l. 5-10
57
BLANCKAERT, C., Les 100 mots du Luxe, Paris, P.U.F. « Que sais-je ? » 2010, p. 7, l. 13-14

31
qualité du service, de l’attention des employés, de la stabilité et de la durée de l’établissement,
du ressenti du client…58

Le label « palace » créé par le Secrétariat d’Etat au Tourisme en 2010 et le système des étoiles
permettent également de « mesurer » l’hospitalité d’un établissement. Provenant du mot
anglais « palace » qui désigne un établissement commercial de grande taille, de bon goût et de
grand luxe, le terme est utilisé dès 1884 aux Etats-Unis pour désigner un hôtel de luxe. En
France, c’est « L’Elysée Palace Hotel » qui, en 1898, ouvre la voie à ce terme, aujourd’hui
labellisé, mais qui reste souvent utilisé de manière abusive. Ce label n’est en réalité attribué
qu’à certains hôtels 5 étoiles par un jury très sélectif et selon une longue liste de critères59.

Un hôtel de luxe se différencie par son sens de la fidélisation : le soin apporté aux détails, la
mémorisation des préférences des clients, une prise en charge personnalisée… tous ces
éléments influent fortement sur l’image de l’hôtel et expliquent pourquoi certains clients
privilégiés reviennent régulièrement et pourquoi ils peuvent recommander l’établissement à
d’autres clients potentiels. 60

Il existe un lien indéfectible entre l’hôtellerie de luxe et la gastronomie : César Ritz a initié
cette tradition grâce à la présence d’Auguste Escoffier, célèbre chef de son temps, dans le
restaurant de son hôtel londonien : l’Hôtel Savoy. Cette évolution était indispensable afin de
satisfaire les palais exigeants des clients de l’hôtel. Aujourd’hui, la plupart des restaurants des
hôtels de luxe affichent au moins une étoile au guide Michelin, certains hôtels vont même
plus loin en choisissant des chefs de plus en plus prestigieux et talentueux, comme par
exemple le Plaza Athénée avec Alain Ducasse, chef triplement étoilé.

Le label « Relais & Châteaux » démontre également la proximité de ces deux univers : créé
en 1954, il est composé d’hôtels et de restaurants qui partagent tous l’art de bien recevoir. Les
critères pour faire partie de ce réseau sont : un service d’excellence, une prestation de luxe, et
une cuisine de terroir. 61

2) La gastronomie

Le « repas gastronomique des français » appartient au patrimoine immatériel de l’humanité de


l’UNESCO depuis 201262, à la fois en tant que style de vie, pratique et même rituel, ce qui
montre bien l’influence de l’art du repas à la française à travers le monde. Le « Club des
Cent », plus prestigieux club gastronomique de France créé en 1912, mais aussi le fameux
Guide Michelin, et ses 150 restaurants étoilés en France, sont autant de preuves du
rayonnement de la gastronomie française dans le monde, incarnée par des noms mythiques
tels que Paul Bocuse, Yannick Alléno (qui a même créé un label « Terroir Parisien » pour

58 e
CHEVALIER, M., MAZZALOVO, G., Management et Marketing du Luxe, Paris, Dunod, 2 édition 2011, «Le
monde des hôtels et de l’hospitalité », p.126-128
59
http://www.parisinfo.com/ou-dormir/infos/guides/les-palaces-parisiens/Le-label-Palace-d%C3%A9cryptage/Le-
label-Palace-d%C3%A9cryptage
60 e
CHEVALIER, M., MAZZALOVO, G., Management et Marketing du Luxe, Paris, Dunod, 2 édition 2011, «Le
monde des hôtels et de l’hospitalité », p.127, l.13-20
61
http://www.relaischateaux.com/spip.php?lang=fr&ong=art_generic&page=about&id_rubrique=16&id_article=179
62
http://www.unesco.org/culture/ich/fr/RL/00437

32
protéger la cuisine traditionnelle française), ou encore Joël Robuchon, dont les plats
mythiques s’exportent à travers le monde avec l’enseignement de ces chefs de légende.

Par ailleurs, le Comité Colbert a accueilli parmi ses membres en 2013 le chef Alain Ducasse
au Plazza Athénée, le Restaurant Guy Savoy Paris et l’Atelier de Joël Robuchon Etoile. C’est
la preuve que ces chefs français participent à accomplir l’objectif principal du Comité
Colbert : faire rayonner le luxe français, et plus particulièrement le goût français, à travers le
monde.63

Stéphanie Le Bail donne une définition de la gastronomie : « fait de se nourrir pour le plaisir
en alliant harmonieusement et de manière inventive les meilleurs produits »64. C’est donc le
plaisir, mais aussi la création et les aliments eux-mêmes qui sont essentiels à la notion de
gastronomie. Les évolutions de la gastronomie montrent bien une oscillation constante entre
sophistication et simplicité.

La cuisine française et internationale que nous connaissons aujourd’hui est le fruit d’une série
d’évolutions qui s’échelonnent sur plusieurs époques.

Claude Lévi-Strauss compare l’opposition entre le cru et le cuit avec l’opposition entre le vêtu
et le nu65qui sont deux fondements de différenciation du luxe. Cette rupture dans le monde
féodal peut être considérée comme la première évolution de l’histoire vers une gastronomie
« moderne ».

Mais l’une des premières évolutions qui viennent à l’esprit est naturellement la mondialisation
des aliments : c’est elle en réalité qui est à l’origine de la gastronomie « traditionnelle » que
nous connaissons aujourd’hui, avec l’importation de produits qui nous paraissent maintenant
banals tels que la pomme de terre ou encore le chocolat ou le café. La gastronomie actuelle
évolue également grâce à une meilleure accessibilité des aliments et l’influence des cuisines
exotiques (nouvelles méthodes de cuisson, wok, sucré-salé) qui a inspiré par exemple la
création de la « cuisine fusion » à New York, une cuisine gastronomique qui allie les saveurs
de plusieurs origines ethniques.

L’évolution va également dans le sens d’une diminution graduelle des quantités : des orgies
romaines et autres festins moyenâgeux à la « Nouvelle Cuisine » initiée par Henri Gault et
Christian Millau, le nombre de plats a été divisé par deux, on est passés du service à la
française, où tous les plats sont servis en même temps, au service à la russe, où les plats se
succèdent dans un ordre logique et la nourriture se veut plus saine et plus légère : c’est
l’esthétique et la créativité qui ont pris le pas sur la quantité. Cette évolution est même allée
plus loin avec l’invention dans les années 1980 de la cuisine moléculaire par Hervé This,
physico-chimiste français, et Nicholas Kurti, physicien anglais et mise en œuvre par les chefs
Pierre Gagnaire, Thierry Marx, Denis Martin ou encore Marc Veyrat.66

63
Rapport du Comité Colbert, 2013, « Nouveaux membres », p. 22
64
LE BAIL, S., Le luxe entre « business » et culture, Evolutions, actualités et perspectives d’un modèle français,
Ed. France-Empire Monde, 2011, page 43, l. 9-11
65
LEVI-STRAUSS C., Mythologiques, t. I : Le Cru et le Cuit, Paris, Plon, 1964
66 http://fr.wikipedia.org/wiki/Gastronomie_mol%C3%A9culaire

33
La qualité des produits, leur fraîcheur et leur provenance sont aujourd’hui au cœur des
préoccupations. Après la sophistication extrême des années 1980, c’est désormais la
simplicité qui prime, à condition que les produits soient sains et de qualité, dans une
démarche de lutte contre la « malbouffe », les maladies liées à l’alimentation, et les dérives
économiques et écologiques de la grande distribution. C’est aujourd’hui les régimes qui sont à
la mode, tels que le régime crétois, riche en antioxydants, ou, dernier du genre, le régime sans
gluten, bannissant tous les produits fabriqués industriellement comme le pain et les pâtes. De
nombreux chefs privilégient aujourd’hui les produits locaux et saisonniers, et le marché
revient au centre de la cuisine, avec l’apparition de maraîchers de luxe tels que le japonais
Asafumi Yamashita67, qui ne donne que ses produits rares et précieux qu’à quelques chefs
triés sur le volet. Cette évolution se traduit aussi par un certain chauvinisme dans le secteur du
vin : à côté des vins californiens ou argentins, goûteux mais produits en série, les Français
préfèrent des vins produits dans l’hexagone, plus subtils et qui respectent des techniques
ancestrales. En outre, le « snobisme de l’étiquette » a laissé place à une recherche de goût et
de qualité, et même si les Grands Crus ne sont pas délaissés pour autant, les vins bios et les
petits producteurs indépendants ont leurs adeptes.

Ces dernières années, et principalement pour des raisons logistiques (logements plus petits,
pas vraiment de salle à manger), les invitations deviennent de plus en plus informelles : du
repas à la table, on est passés à des apéritifs dinatoires, mais on cherche toujours à créer
l’événement, en particulier grâce à la décoration : l’art de la table est aujourd’hui plus que
jamais en plein « boum » avec des ustensiles et des contenants de plus en plus
variés (baguettes, verrines, assiettes carrées…)

Toutes ces évolutions montrent que la gastronomie moderne est « un luxe humaniste qui fait
appel aux 5 sens »68 et véhicule des valeurs de partage, de convivialité, et de générosité.

3) Les vins et spiritueux

Le marché des vins et spiritueux est le plus gros marché du luxe. Il représente à lui seul plus
de 30 milliards d’euros, sans compter le marché des vins fins, et constitue également
l’exception : ce sont les seuls produits de luxe à être distribués dans deux circuits distincts
correspondant à deux occasions de consommation : la vente en supermarché et hypermarché,
pour une consommation à domicile, ou la vente en bar, club ou restaurant, pour une
consommation à l’extérieur. En outre, les magasins d’aéroports, les « duty free », où les
produits sont détaxés, représentent à eux seuls un important volume de ventes (entre 20 et
40% des ventes). Le secteur des vins et spiritueux appartient indubitablement au monde du
luxe de par son positionnement très subtil, et ses importantes problématiques d’image.69

67 http://www.lepoint.fr/culture/yamashita-maraicher-japonais-surdoue-que-se-disputent-les-grands-chefs-08-12-
2011-1405100_3.php
68
LE BAIL, S., Le luxe entre « business » et culture, Evolutions, actualités et perspectives d’un modèle français,
« La bonne chère : une invention française qui rayonne dans le monde » Ed. France-Empire Monde, 2011, page
49, l. 6-7
69 e
CHEVALIER, M., MAZZALOVO, G., Management et Marketing du Luxe, Paris, Dunod, 2 édition 2011, « Les
vins et spiritueux », pages 99-110

34
Une évolution importante a déterminé la croissance du secteur des spiritueux ces dernières
années : la popularisation des mixed drinks et des cocktails. Cette évolution permet de diviser
le secteur des spiritueux en 3 catégories : les alcools bruns, les alcools blancs, et les autres
(liqueurs et alcools régionaux).

Les premiers, principalement à cause de leur couleur qui se marie mal à la couleur des soft
drinks dans les cocktails, dont en plein déclin. Cette catégorie représente toutefois à elle seule
10 milliards d’euros. Elle peut être scindée en deux catégories d’alcools : le cognac et le
whisky. Le Cognac, malgré un relatif déclin, est toutefois bien installé, en particulier sur deux
marchés spécifiques : le marché asiatique, où le cognac a un fort aspect symbolique, et est
choisi en fonction de son vieillissement, et le marché américain, où le cognac connaît une
forte consommation en volume mais est choisi dans les marques plus « milieu de gamme ».
En Asie toutefois, notamment en Chine, deux facteurs menacent aujourd’hui le marché du
Cognac : les asiatiques, qui avaient pour habitude de consommer cette boisson à table, sont
aujourd’hui de plus en plus nombreux à boire du vin d’importation, et d’autre part, des
mesures anti-corruption ont été prises en Chine, où les bouteilles de Cognac de luxe aidaient
souvent les hommes politiques à fermer les yeux.

Le marché des alcools blancs (rhum, tequila, gin, vodka) se porte bien, en particulier la vodka
car elle est idéale dans la préparation des « mixed drinks ». La vodka a également regagné en
popularité ces dernières années grâce à l’émergence des vodkas « premium » (Ciroc, Grey
Goose, Belvédère). La première vodka premium, la Grey Goose, a été lancée aux Etats-Unis,
là où cela ne choquerait pas les consommateurs qu’une vodka soit produite en France. Deux
arguments ont été mis en avant : la qualité (blé et eau provenant du Massif Central, et vodka
distillée dans la région du Cognac), et le prix, 50% plus cher que les vodkas classiques et
censé fournir une garantie d’un goût « meilleur ». Le marketing de cette vodka est notamment
passé par le placement de produits : elle a été beaucoup consommée par des vedettes et des
leaders d’opinion.70 Les alcools blancs ont la particularité que, contrairement aux alcools
bruns, ils ne nécessitent pas de vieillissement, c’est donc le marketing et le positionnement de
la marque qui font la différence dans l’esprit du consommateur. Le Rhum, même s’il peut être
blanc ou brun, reste très fréquemment utilisé dans les cocktails, comme les célèbres « Piña
Colada » ou « Cuba Libre ».

La 3e catégorie comprend les liqueurs, notamment les liqueurs de fruits, ou encore le


Cointreau, le Grand Marnier, ou le Brandy, et les alcools régionaux tels que l’Armagnac, le
Calvados, ou le Pastis.

Il y a un alcool dans lequel la France reste le leader mondial, avec des noms légendaires tels
que « Saint-Emilion », « Petrus » ou encore « Mouton Rottschild », c’est le vin. Selon la
définition européenne, il s’agit d’un « produit obtenu exclusivement par la fermentation,
totale ou partielle, des raisins frais, foulés ou non, ou de moûts de raisins ». Il existerait en
réalité depuis des millénaires dans le Caucase et le bassin méditerranéen, mais ses techniques
de fabrication et de classification ont depuis énormément évolué.

70
Cours de 5e année à Sciences Po Toulouse « Communication et Marketing » de J.-M. Décaudin

35
Pour définir un vin, il faut commencer par son terroir : il peut s’agir d’un pays, ou d’une
région plus spécifique (Bourgogne, Bordeaux …), puis son cépage (cépage principal :
chardonnay, ou assemblage de plusieurs cépages, il en existe aujourd’hui plus d’une
centaine). Il peut également s’agir d’un vin de pays, d’un VDQS71ou plus généralement d’une
AOC72. Ensuite vient le nom du distributeur (il peut s’agir d’une marque de négociant, d’un
nom de vinificateur, d’un nom de récoltant ou d’une cave coopérative), la couleur (rouge,
blanc ou rosé) et le millésime (l’année de récolte des raisins qui ont servi à produire le vin). Il
peut également y avoir d’autres critères à la classification du vin : il peut s’agir d’un vin doux
ou sec, d’un vin primeur ou d’un vin de garde, d’un vin tranquille ou effervescent etc. Il existe
également d’autres types de vins beaucoup moins répandus tels que le vin de paille, le vin de
montagne, etc.

Même si la France reste le premier producteur de vin au monde, elle a aujourd’hui de plus en
plus de concurrence, notamment de la part des vins du Nouveau Monde (Argentine, Chili,
Afrique du Sud…). Ces vins, encore très critiqués en France, sont pourtant le fruit d’une
production ancestrale, et sont très populaires dans d’autres pays comme la Suisse ou le
Royaume Uni. De plus, le vin s’ouvre aujourd’hui à de nouveaux consommateurs, à qui la
production est forcée de s’adapter : Pologne, Inde, Japon, Chine, Brésil, Russie… ces
consommateurs peu aguerris préfèrent des vins neutres, aux apparences et aux goûts
similaires et facilement identifiables. Ces nouveaux marchés provoquent une augmentation de
la production, avec des techniques très controversées, telles que l’ajout de copeaux de bois
dans les cuves, afin de donner un goût de bois très apprécié de ces nouveaux consommateurs
inexpérimentés, et d’accélérer le processus de vieillissement du vin.

Un nouveau phénomène se développe aujourd’hui avec les inquiétudes liées à la santé et


l’environnement : l’apparition du vin bio et du vin naturel. Si la différence entre ces deux
catégories est ténue (dans l’un la vigne est bio, le raisin est cueilli à maturité et de préférence
à la main, et on favorise une vinification naturelle, tandis que dans l’autre, le vin est fabriqué
sans aucun ajout de produit), elles connaissent aujourd’hui de plus en plus d’adeptes.

Si le vin se trouve de plus en plus sur les tables du monde entier, les Français restent
néanmoins les premiers consommateurs au monde de champagne. Le moine Dom Pérignon,
qui aurait découvert le champagne, disait : « Venez mes frères, je bois des étoiles ».73

Le champagne est un dérivé du vin qui possède une appellation d’origine contrôlée : il doit
provenir d’une certaine région située entre Reims et Epernay. Il peut être fabriqué à partir de
3 cépages : le chardonnay, le pinot noir et le pinot meunier. Un champagne issu uniquement
de cépage chardonnay sera appelé un « blanc de blancs », tandis qu’un champagne fabriqué
uniquement à partir de pinot noir, pinot meunier ou un assemblage des deux sera appelé un
« blanc de noirs ».

Le procédé de fabrication du champagne est composé de plusieurs étapes complexes :

71
« Vin délimité de qualité supérieure » : vin qui doit posséder un label du syndicat viticole d’une région donnée.
72
« Appellation d’origine contrôlée » : il s’agit d’un produit qui ne peut être originaire que d’une certaine région et
dont le nom est protégé (comme le champagne par exemple).
73
LE BAIL, S., LEBAUDY, F., Luxionnaire, « Champagne » p. 33-34, l. 2-3-4

36
- on obtient tout d’abord un vin sans bulles
- ce breuvage obtient son effervescence lors d’une 2e fermentation en bouteille qui
provoque un dégagement de CO2.
- Le vieillissement du champagne doit durer au moins 15 mois
- Ensuite vient le dégorgement, c’est à dire l’élimination de la lie74.
- Pour compenser la perte de liquide ainsi provoquée, on complète la bouteille avec du
vieux champagne et du sucre.

La quantité de sucre peut varier dans un champagne, et peut lui donner un goût tout à fait
différent. En fonction de cette quantité, on peut le classer en plusieurs catégories :

- extra-brut : entre 0 et 6 g/l de sucre


- brut nature : moins de 3g/l
- brut : moins de 12 g/l
- extra dry : de 12 à 17 g/l
- sec (ou dry) : de 17 à 32 g/l
- demi-sec : de 32 à 50 g/l
- doux : plus de 50 g/l75

Laurent-Perrier, dont le champagne extra-brut est parmi les plus reconnus, prénomme celui-ci
« L’Ultra Brut ».76

Aujourd’hui le champagne peut être consommé lors de diverses occasions. S’il conserve en
règle générale une connotation festive et victorieuse, ses rituels de dégustations ancestraux
ont, pour beaucoup, été oubliés. G.H. Mumm a basé sa communication actuelle sur
l’enseignement de ces rituels, avec par exemple, une application smartphone77 proposant des
tutoriels de dégustation du champagne, ou encore des coffrets en édition limitée avec un
sabre, pour célébrer le rituel du sabrage78, ou encore des pomponnes, verres anciens sans pied
originaires de la région champenoise.79

Le champagne, et les alcools en général, comme par exemple l’absinthe, ou même de nos
jours la préparation des cocktails, possèdent une forte dimension rituelle, qui semble inhérente
à la dimension de tradition et de rêve du luxe.

4) L’horlogerie

Selon la définition du dictionnaire Larousse, l’horlogerie est « la technique de la fabrication


ou de la réparation des horloges, des pendules, des montres »80

74
Définition du dictionnaire Larousse : « Dépôt qui se forme dans les liquides fermentés comme la bière, le vin.
(La lie de vin contient des sels de potassium et de calcium.) »
75
http://www.maisons-champagne.com/encyclopedie/vignes_au_plaisir/dosage.htm
76
http://www.maisons-champagne.com/encyclopedie/vignes_au_plaisir/ultra_brut_laurent_perrier.htm
77
https://itunes.apple.com/fr/app/champagne-protocoles-g.h.mumm/id521752829?mt=8
78
http://www.lsa-conso.fr/fetes-de-fin-d-annee-g-h-mumm-apprend-a-sabrer-le-champagne,155446
79
http://www.luxsure.fr/2014/05/22/rose-time-g-h-mumm/
80
http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/horlogerie/40389

37
Cet art d’exception, dont l’origine reste incertaine, a connu de nombreuses évolutions
structurelles dans le sens de la miniaturisation et l’ornementation des horloges, et les
circonstances ont provoqué le déplacement de son centre de gravité de Paris à Genève.

Au départ, il n’y avait pas de montres. Le plus vieux mécanisme à engrenages connu daterait
de 100 av. JC : la machine d’Anticythère81. La mesure du temps, avec l’invention de l’horloge
mécanique, est attribuée tantôt aux français, avec le Pape Sylvestre II, tantôt aux chinois, aux
alentours du Xe siècle. Les premières grandes horloges apparaissent sur les façades des
églises, en Angleterre en 1284, puis en France, à Sens, en 1292, et le fameux « Gros-
Horloge » de Rouen en 1389 par Jehan de Felains.

La création de « l’horlogerie en petit volume »82 est en réalité le fruit de siècles d’innovations
technologiques. C’est cette évolution qui a fait de l’innovation technologique une composante
essentielle du luxe.

Les premières évolutions technologiques du secteur de l’horlogerie datent de la Renaissance


avec notamment l’invention du pendule par Christian Huygens en 1657, puis l’invention du
ressort spiral en 1675. A cette époque, les montres sont, encore plus qu’aujourd’hui, un
véritable luxe quasi inaccessible : elles sont l’apanage des princes et grands seigneurs, tels
que François Ier, qui était l’un des meilleurs clients des artisans horlogers français.
L’horlogerie a alors plusieurs capitales : surtout Paris, puis Blois, talonnées de près par la
concurrence de Londres et Genève.

Tout bascule au XVIIe siècle pour les artisans horlogers français, surnommés les
« huguenots », et beaucoup sont forcés, par la révocation de l’édit de Nantes en 1660 puis les
« édits somptuaires » dans les années 1710 qui imposent de nombreuses contraintes à la
production des objets de luxe, à émigrer vers la Suisse, où le secteur de l’horlogerie se
développe considérablement grâce à ce nouvel élan, et une minutieuse division du travail.

Malgré des tentatives de relancer le secteur de l’horlogerie, grâce à des initiatives royales et la
création d’ateliers à Versailles, puis des initiatives individuelles telles que celle de Voltaire
qui tenta de recruter des artisans chassés par la crise à Genève en 1770, l’horlogerie
helvétique prend une avance considérable et dépasse définitivement l’horlogerie française en
1900.

L’horlogerie continue à évoluer vers des montres de plus en plus petites et pratiques. La
montre se porte au gousset jusqu’au XIXe siècle. C’est Louis Cartier, « roi des joaillers et
joaillers des rois » selon Edouard VIII, qui a inventé la montre bracelet en 1904. Santos
Dumont, aviateur franco-brésilien, a inspiré cette invention au départ purement pratique : il
avait alors du mal à consulter l’heure sur sa montre à gousset tout en conduisant son avion. En
1917, Louis Cartier a également créé la montre-bracelet « Tank » en hommage aux tankistes
de la Première Guerre mondiale.

81
http://fr.wikipedia.org/wiki/Horlogerie
82 e
CASTEREDE, J., Le Luxe, Paris PUF, Collection « Que sais-je ? », 7 édition 2012, page 44, l.7-12

38
En 1880, Jacques et Pierre Curie découvrent les propriétés oscillatoires du quartz. Dès 1928,
cette révolution est appliquée à l’horlogerie avec la mise au point de la première horloge à
quartz par Warren Morrison et J.W. Horton aux Bell Telephone Laboratories83. En 1949 sont
inventées les horloges atomiques, et en 1967 la première montre bracelet à quartz.

Aujourd’hui le secteur de l’horlogerie marie innovation technologique, esthétique, et


matériaux luxueux. Une des métaphores les plus récentes de cette alliance est la montre
« Poétique Midnight Planétarium » créée par le joaillier français de la place Vendôme Van
Cleef & Arpels. Présentée en Janvier 2014 au SIHH (Salon International de la Haute
Horlogerie) à Genève.84Aventurine, pierres précieuses symbolisant les planètes, c’est le
mouvement mécanique à remontage automatique, et le module spécial de Christiaan van der
Klaauw qui font sensation : outre le luxe et la minutie de l’ouvrage, ce mécanisme
révolutionnaire décrivant le mouvement des planètes fascine par sa poésie85.

5) La joaillerie

Marcel Achard disait : « si les femmes aiment les diamants, c’est peut-être parce qu’ils
ressemblent à des larmes ». Breakfast at Tiffany’s (ou Diamants sur Canapé) est l’un des
nombreux exemples qui prouvent que les femmes ont toujours été fascinées par les bijoux, en
particulier les pierres précieuses.

Cette industrie représente environ 30 milliards d’euros, et peut être divisée en deux sous-
secteurs : les produits sans marques, qui représentent environ 20 milliards d’euros, et les
produits de marques environ 10 milliards d’euros.86 Ces deux familles ont un critère en
commun : la confiance, indispensable à l’acte d’achat d’une pièce de joaillerie.

Pour les produits sans marques, qui peuvent être considérés comme des produits de
« bijouterie de famille », c’est une relation personnelle qui induit cette confiance, et souvent
plusieurs générations de savoir-faire et de tradition. Pour les produits de marque, c’est le nom
de la marque, et la garantie d’une bonne relation client et d’un service personnalisé qui
permettent d’établir cette confiance. A cause du prix des pièces en question, l’acheteur est
extrêmement exigeant, et n’hésite pas à comparer différents produits de différents fabricants
afin de trouver la pièce qui convient parfaitement à ses attentes. Certaines marques permettent
aujourd’hui un reconditionnement, et donc un suivi après l’achat du bijou, à la manière de
certains bijoutiers de famille qui peuvent monter une pierre selon la volonté du client, presque
comme du « sur-mesure », ce qui en fait un service totalement personnalisé.

Les attentes du consommateur sont également extrêmement variables en fonction des


occasions pour lesquelles ils achètent les bijoux : cela peut être pour une occasion spéciale,
comme des fiançailles, très populaires aux Etats-Unis ou en Angleterre, un anniversaire de

83
http://fr.wikipedia.org/wiki/Horloge_%C3%A0_quartz
84
http://www.sihh.org/index.php?page=sihh-fr
85
http://www.vogue.fr/joaillerie/le-bijou-du-jour/diaporama/la-montre-poetique-midnight-planetarium-de-
van-cleef-arpels-sihh-2014/17341
86 e
CHEVALIER, M., MAZZALOVO, G., Management et Marketing du Luxe, Paris, Dunod, 2 édition 2011, « Le
marché des montres et de la joaillerie », pages 110-122

39
mariage, ou une naissance, ou pour des occasions moins spéciales. Mais le consommateur fait
toujours preuve de la même exigence.

Le prix d’un bijou contient une composante objective, qui dépend des matériaux utilisés, et
une composante subjective, mise à avant en particulier par les marques de luxe, qui dépend du
travail engagé et du savoir-faire des artisans. A l’export, les bijoux peuvent vite devenir très
chers à cause de l’addition des coûts.

La première composante dépend du poids de l’or et de la valeur des pierres, plus ou moins
fixée partout dans le monde en bourse, qui dépend de leur pureté, leur taille et leur forme
(même si les cours sont plus ou moins mondiaux, il y a différentes cotations ponctuelles dont
les consommateurs peuvent tirer parti pour acheter au plus bas et revendre là où la cotation est
plus élevée). Cette valeur n’a pas toujours été fixée : dans l’Antiquité, la valeur des pierres
précieuses variait d’un pays à l’autre. Le bijou représente avant tout un élément de parure, qui
en fait un bien de luxe par excellence, mais aussi un élément d’investissement, grâce à la
valeur des matériaux utilisés. On peut aujourd’hui distinguer plusieurs catégories de bijoux :
les bijoux en or et les bijoux en argent, et les bijoux avec et sans pierres87.

A la Préhistoire, les parures étaient faites d’os et d’ivoire. Les pierres précieuses sont arrivées
plus tard, amenant avec elles la couleur dans les parures.88 Aujourd’hui, ce sont les bijoux en
or sans pierre qui sont les plus répandus, sous la forme, par exemple, des colliers qui
symbolisent la dot89 des femmes indiennes autour de leur cou. L’or est l’emblème du luxe par
excellence : il est un fantasme à travers le mythe de la Ruée vers l’or, mais il est également
une unité de valeur, comme en témoignent par exemple les accords de Bretton Woods.90
Durant la crise, les particuliers ont amassé de grandes quantités d’or, comme investissement,
garantie, ou « bas de laine ».

Les pierres précieuses étaient déjà très utilisées durant l’Antiquité, comme en témoignent le
trésor funéraire de Toutankhamon, le Veau d’or de la Bible, le Bouddha d’or de Bangkok, ou
encore les cités incas. C’est ensuite durant les guerres et les croisades que de véritables trésors
ont été amassés, puis dispersés. Au XIIIe siècle, ce sont les églises et les abbayes souvent
richement décorées qui regorgent de richesses. Napoléon Ier a tenté de rassembler les joyaux
français éparpillés dans toute l’Europe pendant des siècles de guerres. Les joyaux ont été par
la suite revendus et à jamais dispersés. Les pays arabes et orientaux ne sont pas en reste avec,
par exemple, la légende de la caverne d’Ali Baba, le palais de Topkapi en Turquie, ou le
Kremlin en Russie.91

87 e
CHEVALIER, M., MAZZALOVO, G., Management et Marketing du Luxe, Paris, Dunod, 2 édition 2011, « Le
marché des montres et de la joaillerie », p. 112, l. 13-16
88 e
CASTEREDE, J., Le Luxe, Paris PUF, Collection « Que sais-je ? », 7 édition 2012, « Les pierres précieuses »,
p. 51, l.1-2
89
« Ensemble des biens meubles ou immeubles donnés par un tiers à l'un ou l'autre des époux dans le contrat
de mariage » (définition du dictionnaire Larousse)
90
LE BAIL, S., LEBAUDY, F., Luxionnaire, « Or », p. 135-136
91 e
CASTEREDE, J., Le Luxe, Paris PUF, Collection « Que sais-je ? », 7 édition 2012, « Les pierres précieuses »,
p. 52, l.17-22

40
Les diamants sont sans doute les pierres à la fois les plus emblématiques et les plus
mystérieuses de la joaillerie de luxe. « Diamonds are a girl’s best friends » disait Marilyn
Monroe, et quelques siècles plus tôt, c’est Catherine de Médicis qui ingérait de la poudre de
diamant, croyant en une promesse de jouvence et d’immortalité92. Une entreprise suisse,
Algordanza, a créé un nouveau procédé en s’inspirant de ce mythe fondateur : il est désormais
possible de changer des cendres humaines en diamant en quelques semaines à peine.93

Les importations européennes de diamants bruts représentent à elles-seuls 3 milliards d’euros.


C’est une industrie qui mêle 2 corps de métiers diamétralement opposés et pourtant
complémentaires : des techniciens et scientifiques, et des ouvriers. A cause des abus qui
entourent cette deuxième profession, en particulier en Afrique Noire, comme le dépeint le
film de 2006 Blood Diamond, la charte de Kimberley a été mise au point en 2000 afin
d’interdire la commercialisation des diamants issus des conflits.94 C’est aujourd’hui De Beers
Consolidated qui est connu pour vendre les plus beaux diamants.95

La France est connue dans le monde entier pour ses fameux bijoutiers de la place Vendôme et
de la Rue de la Paix, tels que Cartier, Boucheron, Mauboussin, Chaumet, et Mellerio, le plus
ancien, mais les Etats-Unis possèdent également de très belles marques internationalement
reconnues, telles que Tiffany ou Harry Winston, et l’Italie avec Bulgari et son célèbre
magasin devenu monument historique sur la Via Condotti à Rome.

6) La technologie de pointe

Steve Jobs disait : « Une fois en passant un produit révolutionnaire apparait et change tout.
Vous êtes béni si vous pouvez travailler sur l’un de ces produits dans votre carrière…Apple a
été comblé de grâces en ce sens qu’il a pu introduit quelques-uns de pareil. »96 En effet, la
« marque à la pomme », exemple le plus représentatif du techno-luxe, a été à l’origine de
quelques-unes des plus grandes innovations technologiques de ces dernières années.

Autrefois, ce techno-luxe était représenté par les premiers appareils électroménagers, alors
réservés à une élite réduite qui pouvait s’offrir ces nouveaux outils de confort. Plus
récemment, le techno-luxe est représenté par le système de freinage ABS, rapidement intégré
à tous les modèles automobiles de luxe, ou encore le chronographe Tag Heuer, précis au
1/1000e de seconde.97 De nos jours, il existe une véritable « aristocratie technologique »
toujours à la recherche de la dernière innovation.

Pour séduire cette élite exigeante, les marques se sont lancées dans une féroce compétition, à
grand renfort de brevets, de R&D et de savoirs exclusifs. Par exemple, lorsqu’Apple a lancé le
1er Ipod en 2001, on a rapidement observé le lancement de centaines de modèles de baladeurs

92
LE BAIL, S., LEBAUDY, F., Luxionnaire, « Diamant », p. 59-60
93
http://www.liberation.fr/vous/2006/06/22/renaitre-de-ses-cendres-en-bijou-de-famille_42051
94
http://magazine.inedit-joaillier.fr/2012/01/18/la-charte-de-kimberley/
95 e
CHEVALIER, M., MAZZALOVO, G., Management et Marketing du Luxe, Paris, Dunod, 2 édition 2011, « Le
marché des montres et de la joaillerie », pages 110-122
96
http://hermanncakpo.com/2013/01/11/les-52-meilleures-citations-et-inspirations-de-steve-jobs-sur-le-
leadership-linnovation-la-vie-le-design-le-changement-lentrepreneuriat-largent-le-marketing-et-autre/
97
CATRY, B., « Le luxe peut être cher, mais est-il toujours rare ? » in Revue Française de Gestion, n°171
2007/2, p. 52

41
mp3 créés dans le but de concurrencer ce produit révolutionnaire. Aujourd’hui encore, la
rivalité entre Apple et Microsoft est féroce, comme l’illustre cette citation de Steve Jobs :
« Le seul problème avec Microsoft, c’est qu’ils n’ont aucun goût. Ils n’ont absolument aucun
goût. Je ne dis pas un peu, mais vraiment aucun goût. Je le dis aussi ouvertement parce qu’ils
ne pensent pas aux idées originales et n’intègrent pas assez de culture à leurs produits. »98

Cette compétition permanente est également illustré par la croissance exponentielle de


lancements de nouveaux produits chaque année : Apple sort au moins un nouvel iPhone
chaque année, et les parfumeurs ne se contentent plus de développer un parfum tous les 5 ans
mais crée aujourd’hui plusieurs nouvelles formules chaque année.

Certains phénomènes se sont accentués ces dernières années, forçant les marques à recourir à
la veille concurrentielle :

- le cycle de vie des produits est de plus en plus court, ce qui fait que certains
produits pourtant récents seront amenés à disparaître rapidement
- les marques investissent de plus en plus dans la R&D
- les nouvelles technologies rendent vite certains avantages concurrentiels
obsolètes.99

La technologie est également une forme de rareté, grâce à un savoir-faire et une


commercialisation spécifiques mais surtout grâce à une qualité et des performances
exceptionnelles.100 Le haut-de-gamme est pour le techno-luxe un impératif d’image : par
exemple, Mercedes possède aujourd’hui un écart de 10 entre sa Classe A, son modèle le plus
accessible, et ses modèles les plus prestigieux comme la Maybach. Ces modèles servent à
maintenir l’imaginaire d’exclusivité et de prestige qui entoure la marque.101

7) L’automobile

Henry Ford disait « Les gens peuvent choisir n’importe quelle couleur pour la Ford T, du
moment que c’est noir ». Avant qu’Henry Ford ne démocratise la voiture, elle était déjà un
grand luxe réservé à quelques « heureux élus ». Aujourd’hui encore, la voiture de luxe est
imperméable à la crise.

Le marché de l’automobile de luxe représentait en 2011 26% du marché du luxe, soit 250
milliards d’euros. Jean Castarède quant à lui identifie dans la catégorie de l’automobile de
luxe les voitures très haut-de-gamme, mais aussi les yachts, et les avions privés102.

Les leaders de ce marché sont incontestablement les Allemands avec 20,7% de parts de
marché103, grâce à des groupes comme BMW (avec les marques BMW et Rolls Royce),

98
http://hermanncakpo.com/2013/01/11/les-52-meilleures-citations-et-inspirations-de-steve-jobs-sur-le-
leadership-linnovation-la-vie-le-design-le-changement-lentrepreneuriat-largent-le-marketing-et-autre/
99 e
DAYAN, A., Le Marketing, Paris, P.U.F. « Que sais-je ? », 13 édition 2010, « VI. Le marché des nouvelles
technologies », p. 42
100
CATRY, B., « Le luxe peut être cher, mais est-il toujours rare ? » in Revue Française de Gestion, n°171
2007/2, p. 52
101
CATRY, B., « Le luxe peut être cher, mais est-il toujours rare ? » in Revue Française de Gestion, n°171
2007/2, p. 53
102
CASTEREDE, J., Le Luxe, Paris PUF, Collection « Que sais-je ? », 7e édition 2012, page 62

42
Volkswagen (Audi, Bentley, Lamborghini, Porsche), Fiat SpA (Ferrari, Maserati), Daimler
Benz (Mercedes). Comme autres prestigieuses marques d’automobiles, on peut citer (entre
autres) Jaguar, Cadillac, Lexus, Aston Martin104…

Le podium des ventes d’automobiles de luxe en volume se compose de BMW, qui a pour
ambition de produire 2 millions de voitures de luxe d’ici 2016, puis Audi et Mercedes.

Le marché premium européen est très important au niveau international, il représente à lui
seul 20% de parts de marché selon le cabinet Jato, soit 2,6 millions de voitures vendues
chaque année105.

Ce marché européen est un passage obligé, car aujourd’hui encore, luxe rime avec Europe.
Pour qu’une marque non européenne puisse percer sur le marché de l’automobile de luxe,
avoir du succès en Europe est un gage de crédibilité indispensable. C’est un pari qu’a réussi
Lexus, marque haut-de-gamme du groupe Toyota, mais Infiniti marque haut-de-gamme de
Nissan, connaît des débuts plus difficiles. Pour l’Europe, il est indispensable de présenter des
modèles à motorisation diesel, et à faibles émissions de CO2.

Les consommateurs sont majoritairement des hommes, âgés entre 55 et 75 ans106. Le défi pour
les marques de luxe automobile sera donc d’apprivoiser des consommateurs plus jeunes, en
jouant par exemple la carte de la différenciation avec les parents. C’est un argument qu’Audi
a bien su exploiter en détournant les jeunes de Mercedes et en se positionnant sur les jeunes
actifs avec des modèles plus abordables comme l’Audi A1.

Dans le futur, c’est l’environnement et le bruit qui seront au cœur de toutes les
préoccupations : on voit émerger de plus en plus de modèles hybrides, emboitant le pas à la
Toyota Prius, voire même des modèles tout électriques avec par exemple Tesla, marque de
voiture de luxe entièrement électriques, et prochainement la ELR conçue par Cadillac (groupe
General Motors) spécialement pour l’Europe107.

8) Le parfum et les soins du corps

Patrick Süskind a écrit un roman entier sur le parfum et les mythes qu’il véhicule. Son
personnage principal, le diabolique Jean-Baptiste Grenouille, nez de génie, tuait des jeunes
filles afin de leur voler leur essence, et ainsi créer un assemblage qui pourrait provoquer un
amour quasi divin108.

L’étymologie du mot « parfum » (qui viendrait du latin « per fumum » : à travers la fumée)
fait référence aux trois fonctions originelles de ce produit : d’une part, une fonction rituelle,

103
http://www.lemonde.fr/economie/article/2013/03/06/l-industrie-automobile-mise-sur-le-
luxe_1843503_3234.html
104
http://blogautomobile.fr/luxe-un-beau-marche-constructeurs-automobiles-145015#axzz387PbxE3h
105
http://www.lemonde.fr/economie/article/2013/03/06/l-industrie-automobile-mise-sur-le-
luxe_1843503_3234.html
106
http://www.lemonde.fr/economie/article/2013/03/06/l-industrie-automobile-mise-sur-le-
luxe_1843503_3234.html
107
http://www.lemonde.fr/economie/article/2013/03/06/l-industrie-automobile-mise-sur-le-
luxe_1843503_3234.html
108
SÜSKIND, P., Le Parfum, Histoire d’un meurtrier, Paris, Fayard, 1986

43
en enfumant les Dieux, notamment avec l’encens, puis une fonction funéraire, afin de
prolonger les corps avec les techniques d’embaumement égyptiennes, et adoucir la mort en
masquant ses odeurs anxiogènes, et enfin séduire, car le parfum est également un attribut
éminemment social. Cette dernière fonction peut par exemple faire penser à la notion
de « parfum naturel » dans la langue arabe, qui véhicule des notions d’amitié, de désir et
d’espérance.

Le parfum aurait déjà existé sous les Egyptiens et sous les Hébreux. Très répandu à l’époque
gréco-romaine, où il était très utilisé dans les salles de bain et les thermes collectifs, il tombe
ensuite totalement en désuétude au Moyen-Âge, époque où la puanteur et la saleté dominent,
avant de réapparaître durant la Renaissance italienne. Le premier véritable « parfum à la
mode » est l’eau de Cologne, créée à Cologne par la maison 4711 au XVIIIe siècle. La
fameuse maison Guerlain a ensuite été créée au XIXe siècle, mais la plupart des marques
actuelles de parfum ont été créées après 1950.

Le marché des parfums et cosmétiques, qui représente aujourd’hui 35 milliards d’euros à


travers le monde, est en réalité très proche de la grande consommation, à la différence près
que ses produits véhiculent un contenu esthétique et un positionnement raffiné. C’est ce
marché le plus représentatif de la notion de « luxe accessible », car de nombreuses personnes
peuvent ainsi s’offrir les valeurs véhiculées par le luxe mais à un prix abordable.

Les cosmétiques ont à la fois une dimension de plaisir narcissique et de réconfort social.109

A l’origine simple parure sociale, le maquillage existerait depuis la Préhistoire, il servait alors
pour des rituels divers, tels que les rites funéraires ou de fertilité. En Egypte Ancienne, le
maquillage était fait à base de produits d’origine végétale, animale, ou minérale. En Grèce et
sous l’Empire Romain, le maquillage contient des métaux toxiques. Le maquillage est ensuite
importé en Europe grâce aux croisades. Au XIIIe siècle il est d’abord utilisé par les nobles,
qui préfèrent le fond de teint, la teinture pour cheveux, et le parfum, nécessaire pour masquer
les odeurs corporelles. Au XVIe siècle, les nobles ont pour habitude de se maquiller le teint et
les lèvres, mais jamais les yeux, afin de mieux dissimuler leurs émotions. Au XVIIe siècle,
l’usage du maquillage s’étend à toutes les classes sociales, mais les classes les plus aisées se
distinguent par la préciosité des matériaux utilisés. C’est à cette époque que nait une
distinction entre le maquillage « intime » et le maquillage « social » : certains articles, que la
femme utilise en société notamment, seront choisis parmi les marques de luxe, alors que les
articles qui resteront dans la trousse à maquillage seront choisis parmi des marques plus
accessibles.

Le maquillage « moderne » est rendu populaire par le cinéma des années 1920. Mais à cette
époque le maquillage contient encore des produits nocifs pour la peau et la santé. C’est la
recherche scientifique en cosmétologie qui va permettre d’améliorer les formules, et de faire
de nouvelles préoccupations.

109 e
CHEVALIER, M., MAZZALOVO, G., Management et Marketing du Luxe, Paris, Dunod, 2 édition 2011

44
Si le maquillage est pour beaucoup de femmes une parure sociale, les soins de la peau sont en
revanche un investissement à long terme sur sa propre physionomie.

Les soins du corps existent depuis l’Antiquité : thermes romains, massages taoïstes… Si le
corps a été complètement délaissé au Moyen-âge, les aspirations pour l’hygiène et le bien-être
reviennent au XIXe siècle. De nos jours, on voit émerger des « cosmétiques de soin » qui
tentent vraiment de réconcilier l’apparence et la santé, l’être et le paraître110. Bien loin des
prophéties « jeunistes », les crèmes antirides basent aujourd’hui leur communication sur des
arguments scientifiques et des promesses réalistes, et de nombreux produits essayent d’allier
l’esthétique et le thérapeutique (comprimés de soin, compléments alimentaires, hormones...),
la recherche et développement joue aujourd’hui un grand rôle dans la mise au point de
nouveaux produits toujours plus sophistiqués. Par exemple, La Prairie a créé « la crème la
plus chère du monde » : ses vertus incontestables ne sont pas les seules à l’origine de son prix,
mais aussi ses ingrédients luxueux : platine, caviar, or…

En outre, la création de spas par de nombreuses marques de luxe démontre également cette
premiumisation du secteur des soins, et la volonté de ces marques de plonger leurs
consommateurs dans une atmosphère de bien-être et de détente. Le secteur du spa, véritable
luxe centré sur soi et non sur la possession, est au confluent de l’hôtellerie et de la
cosmétique. Toutefois, avec les modes de vie modernes, de nombreuses marques de luxe ont
décidé de s’adapter et de créer des lignes de produits de spa à domicile ou « home spa »,
comme par exemple Helena Rubinstein avec sa ligne « Art of Spa ». Ces évolutions
s’étendent également aux produits du quotidien, de plus en plus rapides et pratiques à utiliser,
tels que le démaquillant qui peut s’utiliser d’une seule main imaginé par la marque Klorane.
Les modes de vie modernes ont également été le théâtre de l’émergence des soins pour
homme. Après l’échec du lancement du maquillage pour homme dans les années 2000, le
secteur des soins pour homme constitue aujourd’hui un nouveau marché potentiel pour les
marques de luxe qui redoublent d’efforts pour encourager les hommes à prendre soin de leur
peau sans mettre en péril leur virilité : publicités toutes en dédramatisation, packaging
modernes et high-tech, couleurs masculines et froides, argumentaires basés sur l’efficacité et
les vertus scientifiques des produits… toutes les astuces sont bonnes pour assurer l’expansion
du secteur des soins.

9) La mode

« Au commencement le luxe était la mode. »111 Le luxe et la mode sont inextricablement liés
et pourtant différents : si le luxe incarne la pérennité, les modes se succèdent et ne se
ressemblent pas : elles sont inscrites dans une époque. La mode représente environ 20
milliards d’euros du marché du luxe, c’est également un des marchés les plus importants en

110
LE BAIL, S., Le luxe entre « business » et culture, « Le corps sacré et ses soins » Ed. France-Empire Monde,
2011, pages 53-60
111 e
CASTEREDE, J., Le Luxe, Paris PUF, Collection « Que sais-je ? », 7 édition 2012, « La mode et le
vêtement » p. 35 l.16-17

45
terme d’image : il alimente les défilés, influence, innove, se renouvelle, et fait les unes de la
presse. La mode a également un lien très fort avec le monde de l’art.112

La haute-couture est la conjugaison de la mode et du luxe. Elle possède toutes les


caractéristiques de ce dernier : la création, la beauté et la séduction, mais aussi la parure
sociale, avec toute la fonction discriminatoire qu’elle implique. La mode est complexe et
fonctionne à la manière d’un langage codé : elle peut être un instrument de pouvoir, de
différenciation, d’art, de philosophie, d’émancipation, de distinction sociale.

La mode était l’un des instruments de suprématie du Roi : sceptre, trône mais aussi vêtement,
chaque roi a imposé sa marque sur son époque. La mode permet également de distinguer les
différents ordres, grâce à des insignes et des costumes de cérémonie. Durant la Révolution
Française, les « Sans-Culottes » utilisent une mode épurée comme instrument d’opposition
face au mode de vie faste de l’aristocratie.

La mode a été de tout temps un instrument d’émancipation : c’est surtout durant les périodes
difficiles de l’histoire que les jupes se raccourcissent, défoulement nécessaire face à
l’angoisse d’une guerre ou d’une crise économique.113 La mode dépend largement de l’image
de la femme à travers les époques : au XIXe siècle elle colle à cette image de mère de famille
et épouse bourgeoise, avant de s’émanciper dans les années 1890 avec l’androgynie de la
Belle Epoque. Worth, couturier de la princesse Eugénie, réduit les crinolines afin de rompre
l’isolement de la femme, et Poiret est le premier à introduire de l’exotisme dans sa garde-
robe. Avec le cinéma des années 1920, la femme acquiert une image plus « intellectualisée »,
puis plus érotique avec l’apparition des premiers cabarets et l’essor de la lingerie fine. La
mode masculine aussi possède une dimension sexuelle, comme l’a démontré l’exposition « La
mécanique des dessous » au Musée des Arts Décoratifs en retraçant l’évolution de la
« braguette » au fil des siècles. La femme a par ailleurs conquis des attributs de domination
masculine au fil des siècles : la cape tout d’abord, puis la veste, et enfin le pantalon.

Après la guerre et durant la crise, le look Baby Doll et Coco Chanel dominent le marché de la
mode. C’est ensuite Christian Dior, ou encore Balmain qui révolutionnent le monde de la
mode avec le « new-look ».114

Dans les années 1960 nait le prêt-à-porter, ce qui permet de rendre la mode plus accessible
pour les jeunes. Yves Saint Laurent, ancien couturier chez Dior, choisit également cette
époque difficile pour lancer sa propre maison avec Pierre Bergé115. Cette initiative révèle un
des grands secrets de fonctionnement des maisons de mode : un talent créatif, personnifié par
Yves Saint-Laurent, et de fortes compétences de gestion, grâce à Pierre Bergé. Créer une
nouvelles marques relève aujourd’hui quasiment de l’impossible tant les marques historiques

112 e
CHEVALIER, M., MAZZALOVO, G., Management et Marketing du Luxe, Paris, Dunod, 2 édition 2011, « Les
activités de prêt-à-porter », p. 74-85
113 e
CASTEREDE, J., Le Luxe, Paris PUF, Collection « Que sais-je ? », 7 édition 2012, « La mode et le
vêtement » p. 37-38 « Mode et sexualité »
114 114 e
CASTEREDE, J., Le Luxe, Paris PUF, Collection « Que sais-je ? », 7 édition 2012, « La mode et le
vêtement » p. 43, l.17-19
115 e
CASTEREDE, J., Le Luxe, Paris PUF, Collection « Que sais-je ? », 7 édition 2012, « La mode et le
vêtement » p. 43, l.20-22

46
ont instauré des barrières à l’entrée, et on voit de plus en plus de créateurs indépendants avoir
recours à de nouvelles méthodes pour percer, telles que les concours organisés par certains
grands groupes, ou encore l’économie collaborative116, et le crowdfunding117.

Aujourd’hui, la mode est un secteur très diversifié, dominé par les marques françaises
historiques, mais surtout par les marques italiennes, plus récentes, mais très concurrentielles.
Elles représentent à elles-seules près de 12 milliards d’euros. Bien qu’arrivées tardivement sur
le marché de la mode (dans les années 1970 et 1980 pour la plupart), elles ont aujourd’hui une
image plus glamour et plus moderne que les marques françaises, considérées comme plus
traditionnelles. Les marques italiennes sont à l’origine plus reconnues pour leurs sacs ou leurs
chaussures, qui leur ont permis d’acquérir une vraie légitimité : elles se sont ensuite
diversifiées vers le prêt-à-porter, laissant de côté la haute-couture au profit d’un style très
étudié118.

Les marques françaises d’après-guerre, telles que Dior, ou Chanel, ont pu se diversifier grâce
à l’invention du système de licence : cela leur a permis de créer de nouveaux produits et de
toucher un public plus large119.

La mode, et plus particulièrement le prêt-à-porter féminin, sont aujourd’hui le principal


vecteur de développement d’une marque : c’est lui qui véhicule l’image de la marque, sur les
tapis rouges et en couverture des magazines, et lui permet ainsi qu’acquérir sa notoriété.

10) L’art

Jean Castarède disait « Le créateur d’objet de luxe est comme un artiste : c’est un
visionnaire »120. Luxe et art entretiennent depuis leur origine une relation complexe.

Dans l’Antiquité, ils n’étaient qu’un, indissociables, inextricables, l’artisan était alors
apparenté à l’artiste. C’est ensuite un véritable divorce qui a eu lieu entre ces deux secteurs
pourtant très semblables : l’artiste s’est construit dans la transgression, et en s’éloignant des
considérations matérielles, alors que le luxe a continué à entretenir un certain respect vis-à-vis
de l’art en devenant son principal mécène.121 André Malraux, dans son temps, rejetait

116
« L’économie collaborative est une activité humaine qui vise à produire de la valeur en commun et qui repose
sur de nouvelles formes d'organisation du travail. Elle s'appuie sur une organisation plus horizontale que
verticale, la mutualisation des biens, des espaces et des outils (l'usage plutôt que la possession), l'organisation
des citoyens en "réseau" ou en communautés et généralement l'intermédiation par des plateformes internet »
(Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89conomie_collaborative)
117
« Le crowdfunding, appelé également financement participatif, est une technique de financement de projets de
création d'entreprise utilisant internet comme canal de mise en relation entre les porteurs de projet et les
personnes souhaitant investir dans ces projets. » (Source :
http://www.apce.com/pid14215/crowdfunding.html?espace=1&tp=1)
118 e
CHEVALIER, M., MAZZALOVO, G., Management et Marketing du Luxe, Paris, Dunod, 2 édition 2011, « Les
activités de prêt-à-porter », « Les entreprises italiennes », p. 75-77
119 e
CHEVALIER, M., MAZZALOVO, G., Management et Marketing du Luxe, Paris, Dunod, 2 édition 2011, « Les
activités de prêt-à-porter », « Les entreprises françaises », p. 77-79
120
CASTEREDE, J., Le Luxe, Paris PUF, Collection « Que sais-je ? », 7e édition 2012, page 28, l. 19-20
121
LANTERI, C. dir. LEFLOCH, Y., Mémoire de fins d’études : Art et luxe : du mécénat à l’artketing, Sciences Po
Aix, 2011

47
complètement l’idée de luxe dans l’art.122 C’est en 1990 que l’art contemporain est introduit
dans les maisons de luxe.

Pour Gabriel Tarde en revanche, art et luxe ne seraient pas si distincts : « Un objet fabriqué
qui satisfait le simple désir de supprimer une douleur ou un malaise est une chose industrielle,
dès qu’il procure du plaisir, il devient luxe, ce qui est une espèce d’art. »123 Luxe et art
possèdent selon lui tous deux une dimension esthétique, mais aussi une dimension superflue
associée à la notion de plaisir.

L’art est un outil de prestige pour le luxe mais aussi une source d’inspiration, qu’il cherche
donc à préserver et à promouvoir. Dès 1918, Emile Hermès crée une collection privée de
tableaux, de livres et d’objets d’art afin d’inspirer les créateurs de la maison Hermès 124. En
1984, Alain Dominique Perrin crée la fondation Cartier pour l’art contemporain : il s’agit de
la première fondation d’entreprise destinée au soutien et à la promotion de l’art
contemporain125.

En outre, la fondation Louis Vuitton, créée par LVMH en 2006, va être inaugurée à l’automne
2014. Elle a pour mission de promouvoir l’art et la culture et de pérenniser les actions de
mécénat engagées par le groupe LVMH depuis 1990126. Conçu par le fameux architecte
américano-canadien Frank Gehry, notamment à l’origine du projet du Musée Guggenheim, le
bâtiment qui abritera la fondation au Bois de Boulogne constitue à lui seul une véritable
œuvre d’art, inspirée par la forme des nuages, et par d’autres exemples d’architecture
parisienne comme la verrière du Grand Palais.127

Aujourd’hui il n’est pas rare que les maisons de luxe fassent appel à des artistes pour réaliser
des collaborations : est-ce pour l’art un risque de perdre son autonomie, si souvent synonyme
de création ? Est-ce pour le luxe une simple instrumentalisation de l’art ?

11) La maroquinerie

Selon Jean Geiler de Kayserberg, écrivain religieux du XVe siècle : « Pour faire des
chaussures, il ne suffit pas d'avoir du cuir et un marteau. » Le travail du cuir, principal
apanage de l’homme, et plus connu sous le nom de maroquinerie, est un art qui existe en
réalité depuis la nuit des temps. Utilisé en Egypte, puis pour habiller les cavaliers en Egypte
antique, il trouve surtout son aboutissement au Maroc.

Maroquinerie vient de « maroquin », qui désigne un cuir de chèvre tanné et teint. Selon le
Petit Robert, il s’agit de l’ « ensemble des industries utilisant les cuirs fins pour la fabrication
et le revêtement de certains articles ».128

Différents cuirs sont utilisés en maroquinerie, ils peuvent être classés en deux catégories :

122
MALRAUX, A., L’Homme précaire et la Littérature, Paris, Gallimard, 1977
123
TARDE, G., La logique sociale, Paris, Félix Alcan, 1895
124
HERMES, Rapport annuel 2013, « Six générations d’artisans », p.15
125
http://fondation.cartier.com/#/fr/art-contemporain/88/la-fondation/151/introduction/1401/30-ans/
126
http://www.fondationlouisvuitton.fr/lafondation.html#.U846mi_GbBs
127
http://www.parismatch.com/Culture/Art/La-Fondation-Louis-Vuitton-deploie-ses-ailes-544735
128
Le Nouveau Petit Robert de la Langue Française, Paris, Editions Dictionnaires Le Robert, 2006

48
- les peaux « classiques » : le Box (cuir de veau), le cuir de bœuf ou de vache, le
cordovan (cuir de cheval)
- les peaux « exotiques » : cuir de mammifères (éléphant, buffle), de reptiles
(serpent, crocodile, lézard), de poissons (galuchat, requin, raie).

Cette différence influe grandement sur la qualité, mais aussi sur la rareté du cuir, et par
conséquent sur son prix.

Le marché de la maroquinerie de luxe représente environ 15 milliards d’euros129, elle est


composée de plusieurs industries :

- le cuir homme
- les chaussures : chaussures italiennes, fameuses semelles rouges des
Louboutin, ou légendaires Weston, les chaussures sont indispensables dans
toutes les activités de l’homme, et une composante essentielle du style
- les fameux sacs à main : très prisé par les femmes du monde entier, le sac a
perdu sa fonction utilitaire et acquis une fonction ornementale. C’est un achat
en moyenne plus modéré qu’un vêtement de luxe (entre 200 et 2000€), mais
qui a une plus grande longévité, et permet de rehausser une tenue.
- les bagages : il existe 2 types de bagages qui sont à l’image de la schizophrénie
de l’homme : les bagages à main, qui doivent refléter son statut social et son
élégance, et les bagages en soute, qui doivent au contraire, être discrets et
anonymes pour ne surtout pas trahir les trésors qu’ils renferment.
- La petite maroquinerie : la petite maroquinerie (porte-feuille, porte-monnaie)
est généralement un achat complémentaire du sac à main. Cet accessoire a
également une contrainte géographique : il doit s’adapter aux spécificités
locales (tailles des billets, de la carte d’identité etc.).

C’est ici le sac qui nous intéresse tout particulièrement : à l’origine il a une fonction utilitaire.
Mais aujourd’hui, le sac n’a plus rien de pratique, et il n’est pas rare de voir une femme
s’exaspérer en cherchant un objet désespérément perdu au fond du précieux sac à main.
Chaque femme possède le sien, et doit trouver celui qui lui correspond, parfois quitte à
l’attendre plusieurs mois comme le Kelly de Hermès. Le sac renferme la vie de la femme
moderne : son agenda, son téléphone portable, mais aussi ses clefs, ses mouchoirs, son rouge
à lèvres, son parfum, ses cigarettes… Le sac et son contenu en disent long sur la femme qui le
porte. 130

Il existe également un sac à main pour chaque occasion : le cabas, pour partir en voyage ou
faire des courses, un sac moyen pour la journée, et un petit sac ou une pochette pour le soir.
Le sac se décline à l’infini et il n’est pas rare qu’une collection comporte des dizaines de
références : c’est pour la marque une véritable mine d’or, avec une marge très importante. Il

129 e
CHEVALIER, M., MAZZALOVO, G., Management et Marketing du Luxe, Paris, Dunod, 2 édition 2011, « Le
marché de la maroquinerie », p.122, l.19-20
130
LE BAIL, S., LEBAUDY, F., Luxionnaire, « Sac», p. 167-168

49
est considéré comme un « investissement »131 par la personne qui l’achète, et chaque femme
se doit de posséder dans son armoire ou à son bras au moins une pièce emblématique, un
must-have, que ce soit le 1955 de Chanel, le Lady Dior, et pour les plus ambitieuses le Kelly
de Hermès.

Le marché de la maroquinerie est dominé par 4 acteurs, et composé autrement de plus


« petites » marques :

- Louis Vuitton (LVMH) est premier avec un chiffre d’affaires de 5 milliards


d’euros
- Coach est deuxième avec un chiffre d’affaires de 2,5 milliards d’euros
- Ensuite Hermès avec un chiffre d’affaires de 1,9 milliards d’euros
- La quatrième est Prada avec un chiffre d’affaires de 1,7 milliards d’euros132

On observe qu’ensuite le chiffre d’affaire pour le 5e acteur de ce marché est 4 fois inférieur à
celui du 4e acteur (Fendi avec 400 millions d’euros). Cette maroquinerie haut-de-gamme est
fabriquée essentiellement en France, en Italie, et en Espagne, mais aujourd’hui de plus en plus
de marques cèdent à la tentation de la délocalisation, c’est le cas de Coach qui réalise
l’essentiel de sa production en Chine.

Quelques critères sont essentiels dans le choix d’un sac à main 133:

- sa fabrication : l’artisanal ou le fait-main aura une plus grande valeur ajoutée,


même si la production industrielle ou chinoise se sont considérablement
améliorées
- la marque : elle est un gage de mode et une garantie de qualité
- la distribution : que ce soit en duty free, en magasin propre, ou en boutique de
mode, l’environnement qui entoure le sac est primordial : le service est
personnalisé et la décoration raffinée, les sacs sont classés par gamme afin de
respecter les univers.

D) Luxe et marketing

Selon la légende, le luxe n’aurait pas besoin de marketing : luxe et marketing seraient même
contradictoires, étant donné que le luxe tend à garder son sentiment d’exclusivité. En réalité
de nombreuses marques font aujourd’hui appel à ses pratiques : entre stratégies traditionnelles
adaptées au milieu très particulier du luxe, stratégies sur-mesure, et les légendes entourant le
luxe, le secteur a également dû s’adapter à deux évolutions majeures en termes de marketing :
la prise de pouvoir de la génération Y, jeune, volage, exigeante et omnisciente, et la montée
en puissance d’internet et de la communication digitale et mobile, qui ont complètement
bouleversé le marketing des marques ces dernières années.

131 e
CHEVALIER, M., MAZZALOVO, G., Management et Marketing du Luxe, Paris, Dunod, 2 édition 2011, « Le
marché de la maroquinerie », p.123, l.34
132
chiffres communiqués par les marques en question (année 2009)
133 e
CHEVALIER, M., MAZZALOVO, G., Management et Marketing du Luxe, Paris, Dunod, 2 édition 2011, « Le
marché de la maroquinerie », p.126

50
1) Stratégie-marketing : définition

Jean Castarède définit le marketing, qu’il appelle très traditionnellement la « mercatique »


dans son ouvrage de référence Le Luxe, ainsi : « Ensemble des moyens et des techniques
destinées à faire en sorte que les produits qui sont mis sur le marché soient accessibles à ceux
qui désirent les acquérir : c’est l’ensemble des mécanismes de facilitation de l’adaptation de
l’offre à la demande »134. Il y a 3 composantes majeures au marketing :

- La stratégie-marketing, qui est au cœur de ce mémoire. Selon Michel


Chevalier et Pierre-Louis Dubois, une stratégie-marketing est « un processus
consistant à analyser les opportunités existant sur le marché et à définir une
offre concurrentielle s’adressant à une demande identifiée puis à déterminer un
plan d’action et un système de contrôle qui permettent à l’entreprise de remplir
sa mission et d’atteindre ses objectifs. »135
- L’application concrète de cette stratégie-marketing est un plan marketing, qui
décline les actions concrètes visant à la réalisation d’une stratégie dans le
temps. Il comprend une clientèle visée, les moyens à disposition, les actions
mises en œuvre, des objectifs chiffrés et des échéances.
- Le marketing-mix est composé de l’ensemble des stratégies-marketing mises
en place par la marque, notamment dans le cadre de la règle d’or des 4P
(product, price, place, promotion en anglais, soit produit, prix, distribution et
communication en français) : on peut parler d’une stratégie plus globale de la
part de l’entreprise. Selon Dubois et Chevalier, le marketing-mix est un
« principe majeur du marketing qui consiste à rendre cohérent l’ensemble des
actions de marketing conduites par l’entreprise, c’est-à-dire l’offre de produits
et de services, leurs conditions de prix, de distribution et de
communication »136. Cette cohérence est indispensable à la réalisation des
objectifs de l’entreprise, notamment en termes d’image : un produit de luxe et
un produit de grande distribution ne peuvent, par exemple, pas bénéficier, tout
du moins en apparence, des mêmes stratégies marketing.

La position sur le marché de la marque oriente ses choix stratégiques : elle est déterminée
grâce à la notoriété de la marque, sa force, mais aussi sa personnalité et son image. En
fonction de cette position, la marque peut faire le choix d’une stratégie d’innovation,
d’adaptation, d’imitation ou de repositionnement. 137

2) Luxe et marketing sont-ils forcément contradictoires ?

134
CASTEREDE, J., Le Luxe, Paris PUF, Collection « Que sais-je ? », 7e édition 2012, « La mercatique et le
luxe », p. 75

135
CHEVALIER, M., DUBOIS, P.-L ., Les 100 mots du Marketing, Paris, P.U.F., « Que sais-je ? », 2009, p. 47, l.
3-9
136
CHEVALIER, M., DUBOIS, P.-L ., Les 100 mots du Marketing, Paris, P.U.F., « Que sais-je ? », 2009,
« Marketing mix », p.66, l. 2-6
137
CHEVALIER, M., DUBOIS, P.-L ., Les 100 mots du Marketing, Paris, P.U.F., « Que sais-je ? », 2009, p. 47

51
Les marques de luxe se sont longtemps vantées de ne pas faire de marketing, vulgaire pratique
de rationalisation commerciale réservée aux marques de grande consommation, focalisées sur
le profit. Pourtant de grandes maisons ont également commencé à faire appel à des techniques
empruntées au marketing, comme le montrent le lancement du parfum Chanel n°5 dans les
années 1920 ou encore la modernisation de l’image du Kelly de sac vieillot à must-have dans
les années 1980.

Peut-on alors réellement parler de « marketing du luxe » ? Christian Blanckaert en donne une
définition : « un marketing complexe et subtil qui allie une prise en compte de l’humeur, du
temps, une bonne compréhension des mœurs, des tendances et des habitudes des clients, et en
même temps une capacité à devancer tous ces mouvements pour anticiper sur les goûts et les
aspirations afin de donner naissance à des produits en avance sur leur temps, mais justes. »138

Le marketing du luxe mêle donc l’art et l’intuition et du visionnaire avec la gestion ordonnée
et mathématique de la science économique. Jacques Séguéla parle même d’une « révolution
infostrielle », tout comme Chevalier et Mazzalovo parlent de « marque post-moderne » tant
l’imaginaire et le rêve sont devenus garants de l’universalité du message.139

Le marketing du luxe est improbable, incertain : les études de marché lui sont inutiles,
contrairement au marketing classique, il est indépendant de tout besoin, ou taux
d’équipement, il ne connait ni limite, ni saturation.140 Comme dirait Christian Blanckaert « Ni
le sac Kelly, ni le sac Birkin d’Hermès, ni les sacs Chanel, Louis Vuitton ou Gucci ne
résultent d’analyse du marché »141. Le luxe ne répond pas à un besoin, mais il permet
d’anticiper, de suggérer, de séduire, ou au contraire, de contredire, de transgresser. Le succès,
ou l’échec d’un produit de luxe réside dans sa créativité, son innovation et sa capacité de
séduction.

Le lancement de Chanel n°5 en 1921 est considéré comme la première opération de marketing
du luxe : le mot marketing est alors quasi-inconnu en France et très confidentiel aux Etats-
Unis.

Exemple d’un des premiers marketing-mix dans le luxe : Chanel n°5

Le parfum Chanel n°5 est l’illustration de l’une des premières stratégies marketing du luxe,
qui perdure encore aujourd’hui. Son invention, son lancement, son ascension sont très
comparables aux stratégies employées par Hermès avec le sac Kelly, qui seront étudiées dans
la 2e partie de ce mémoire :

- Un produit d’exception : ce qui fait la force de ce parfum, c’est le parfumeur


star Ernest Beaux : aujourd’hui considéré comme classique, le parfum
essentiellement caractérisé par son sillage de patchouli et la présence
d’aldéhydes est simple et révolutionnaire en 1921.
138
BLANCKAERT, C., Les 100 mots du Luxe, Paris, P.U.F. « Que sais-je ? » 2010, p. 88-89
139
LE BAIL, S., Le luxe entre « business » et culture, Ed. France-Empire Monde, 2011, p. 135, l.11-16
140
BLANCKAERT, C., Les 100 mots du Luxe, Paris, P.U.F. « Que sais-je ? » 2010, « Marketing », p. 87, l.16-24
141
BLANCKAERT, C., Les 100 mots du Luxe, Paris, P.U.F. « Que sais-je ? » 2010, « Marketing », p. 88, l.15-17

52
- Son nom : selon la légende, Coco Chanel aurait choisi de nommer le parfum
« n°5 » car il était le 5e échantillon présenté par le parfumeur. Cette
dénomination courte et numérique choque à l’époque où les parfums possèdent
des noms longs et métaphoriques.
- Un packaging soigné : le flacon est volontairement ultra épuré afin de mettre
en valeur la composition simple du parfum

Figure 11: Flacon du parfum Chanel n°5142

- Une distribution ultra-sélective : pendant des années, le parfum n’a été vendu
que dans le flagship store du 31 rue Cambon.
- Une communication très confidentielle : au départ basée sur le bouche à oreille
et la rumeur, c’est en réalité un des premiers buzz
- La légende de Marilyn Monroe qui ne porte pour dormir « qu’une goutte de
Chanel n°5 »

Aujourd’hui Chanel n°5 est un succès planétaire et fait l’objet de millions d’euros de
dépenses de la part de la maison Chanel en marketing : réalisateurs prestigieux, égéries
glamour (Catherine Deneuve, Audrey Tautou, Nicole Kidman et même Brad Pitt), campagnes
d’affichage extensives etc. le parfum est bien loin de la communication confidentielle qui l’a
fait connaître mais est plus apprécié et porté que jamais.

Figure 12: Nicole Kidman photographiée par le réalisateur Baz Luhrmann pour la campagne Chanel n°5 en
2005143

142
http://sixthematique.fr/n5-culture-chanel/

53
3) Luxe et génération Y

Qu’est-ce que cette fameuse « génération Y » ? On peut la circonscrire aux individus entre 15
et 24 ans. Selon Claudine Attias-Donfut, il s’agit avant tout d’une génération sociologique,
c’est-à-dire un ensemble de personnes qui ont à peu près le même âge et ont vécu des
expériences et des événements historiques communs qui leur ont conféré une vision du monde
et un mode de pensée similaires.144 Cette génération est également liée par la conscience
d’appartenir à un même groupe social différencié. Selon Casper et Darkplanneur, la
génération Y serait un phénomène social interplanétaire.

Alors d’où vient le terme « Y » ? Il s’agirait premièrement de la suite logique de la


« génération X », génération sociologique précédente souvent utilisée par les disciplines du
marketing et du management. Ensuite, Y se prononce « why » en anglais, or cette génération
est connue pour sa curiosité et sa remise en cause de l’ordre établi. Selon Casper et
Darkplanneur, le Y ferait également référence à la forme des écouteurs, apanage de la
génération Y depuis l’invention de l’ipod par Apple en 2001.

Cependant, Casper et Darkplanneur distinguent la génération Y des « digital natives » : selon


eux, l’aisance avec les nouvelles technologies n’est pas la seule caractéristique qui unit cette
génération, mais plutôt un nouveau rapport au temps et à l’avenir, qui provoque des attitudes
souvent décriées : infidélité, exigence, ambition, hyperactivité, impatience, opportunisme…
La génération Y sait ce qu’elle veut, et ce qu’elle est prête à faire pour l’obtenir, mais pas au
prix de ses conditions de vie ou de sa vie privée.

La génération Y constitue une véritable opportunité pour la marque : très friande de luxe
(72% d’entre eux disent aimer le luxe dans une étude Ipsos 2009-2010), elle le consomme
sans états d’âme, mais elle force la marque à aller plus loin et à se réinventer pour rester à la
hauteur de ce groupe social très exigeant.

Pour la génération Y, le luxe est le comble du raffinement, à la fois d’un point de vue matériel
et immatériel. Elle utilise le luxe pour se différencier, mais aussi comme catalyseur social.
Les 15-24 ans utilisent le luxe pour se mettre en avant, mais ils aiment aussi combiner les
marques et les styles pour faire ressortir leur personnalité, et ne pas tomber dans le total-look :
ils sont adeptes du « mix and match », mais sont aussi partisans des tendances no-logo,
préférant les marques plus discrètes et créatives, au luxe ostentatoire. Accro au « personal
branding », les jeunes utilisent internet pour se mettre en avant. Baptiste Franceschini,
docteur en études françaises, prend l’exemple du Tumblr : le jeune utilise des images de luxe
pour y afficher son bon goût, et utilise le Tumblr comme une vitrine, un « outil d’apparat
digital »145.

Pour les marques, ce lien entre les jeunes et le digital est un élément essentiel à prendre en
compte : la marque doit se renouveler en permanence et publier du contenu raffiné, fun
comme le personnage anonyme et entrainant de La Petite Robe Noire de Guerlain, et

143
http://inside.chanel.com/fr/no5/campaigns
144
ATTIAS-DONFUT, C., Sociologie des générations : l’empreinte du temps, Paris, PUF, 1988
145
CASPER, G., DARKPLANNEUR, La Génération Y et le Luxe, Paris, Dunod, 2014, p. 68, l. 3

54
poétique, comme les épisodes de la websérie « Leda & Zeus » de Jaeger-LeCoultre. La
génération Y est tout le temps connectée et « zappe » rapidement pour partir en quête de
nouveautés. Il faut lui donner l’impression d’être VIP, d’être un interlocuteur privilégié de la
marque. Tutos, blogueurs, réseaux sociaux, il faut bien cibler les communications en fonction
des canaux, et en profiter pour faire preuve d’originalité et de créativité. La génération Y
utilise tous ces canaux pour apprendre, connaître et reconnaître les codes du luxe.

Même en période de crise, la génération Y tient à s’offrir du luxe, qu’elle considère comme
un investissement : toujours à la recherche de bons plans (ventes privées, vintage…), elle est
prête à économiser des mois pour s’offrir une pièce qu’elle aura scrupuleusement choisie pour
sa qualité et pour sa signification, et qu’elle pourra garder et transmettre. Cependant, la
génération Y n’est pas prête à dépenser n’importer quelle somme pour le luxe : le prix devra
être juste et transparent. Pour bénéficier de l’expérience totale, la génération Y aime
s’adonner à l’acte d’achat en boutique physique, mais se renseigne au préalable sur tous les
canaux disponibles : l’univers de la marque, pour toucher la génération Y, doit être présent
sur tous les canaux, en particulier le smartphone, totem des 15-24 ans (ils sont 80% à en
posséder un en 2013 selon Médiamétrie). Avec la 3G, le wifi, la 4G, les jeunes sont connectés
partout, tout le temps, ce qui leur permet de partager leurs expériences avec leurs amis. Le
smartphone est un vecteur de communication essentielle, notamment grâce aux applications,
comme Silk Knots d’Hermès, qui propose différentes manières de nouer les carrés.

En revanche, ce que la génération Y ne pardonne pas, c’est le manque de transparence,


d’authenticité, de créativité, et aussi le non-respect des causes éthiques, sociales et
environnementales du XXI e siècle, qui sont essentielles à ses yeux.

4) Luxe et digital

Jean-Louis Dumas disait « Le luxe, c’est créer un rêve qui perdure ». C’est désormais plus
que jamais possible avec le digital, qui permet de prolonger l’univers de la marque, à la
maison grâce à l’ordinateur, mais désormais aussi partout, tout le temps, grâce au smartphone,
et d’assurer une continuité de l’expérience client en dehors des temples traditionnels du luxe.

Ce passage à l’ère digitale, s’il paraît contradictoire face aux valeurs traditionnelles du luxe,
était pourtant nécessaire pour séduire l’ultra-connectée « génération Y », mais aussi pour
répondre aux besoins d’un consommateur devenu « omnicanal »146.

Le digital permet une meilleure connaissance du client, mais aussi une meilleure gestion de la
relation client, grâce à une relation et un service plus personnalisé et humanisé, un service
client plus réactif, et le partage de « brand content147 » sur des canaux adaptés, toujours en
cohérence avec une stratégie éditoriale et l’ADN de la marque148. Les outils du digital

146
Article ESCP « Luxe et « digital » : la réconciliation des paradoxes au service du parcours client »
147
« Brand content est le terme anglais qui désigne les contenus produits directement par une marque à des fins
de communication publicitaire et d’image. Le brand content désigne généralement des contenus éditoriaux
(conseils, articles pratiques, forums, reportages, ...) proposés sur Internet, supports papier ou en TV, mais il peut
également prendre la forme de nombreux autres contenus ( vidéos, jeux, expositions, livres, etc.). » (Source :
http://www.definitions-marketing.com/Definition-Brand-content)
148
http://www.mydigitalluxurygalaxy.com/le-luxe-et-le-digital-sont-faits-lun-pour-lautre-partie-12/

55
peuvent aujourd’hui être considérés comme de nouveaux relais de fidélisation du
consommateur149.

Ces relais sont aujourd’hui nombreux. On peut commencer par citer le site web. De simple
plateforme informative, le site web est devenu une illustration du style et de l’univers de la
marque. Flash, HTML 5, le web design est un art qui permet aujourd’hui de concevoir des
sites de plus en plus élaborés : sites immersifs, qui regorgent de contenu et font vivre une
véritable expérience interactive à l’utilisateur, sites institutionnels qui véhiculent
ingénieusement les valeurs de la marque, ou sites événementiels, véritables outils marketing
conçus pour le lancement d’un produit, les marques sont aujourd’hui obligées de dépenser des
fortunes pour maintenir leur site web au goût du jour et les agences de communication
digitales sont aujourd’hui plus reconnues que jamais.

Internet permet également le « e-commerce »150 : il s’est beaucoup développé ces dernières
années et a de plus en plus d’adeptes. Pourtant certaines marques conservatrices refusent
encore de s’y mettre (par exemple le malletier Goyard) et les consommateurs semblent
toujours préférer se rendre en boutique pour bénéficier de l’expérience complète de la
marque. De plus, il est parfois difficile sur internet de faire la différence entre « bons plans »
et contrefaçon.

L’e-publicité et le « display » (bannières présentes sur les sites internet) permettent également
aux marques de faire de la publicité sur le web et se sont considérablement développés ces
dernières années.

Ensuite, il y a les réseaux sociaux, qui permettent de communiquer directement avec le


consommateur dans une relation quasiment interpersonnelle. Il faut néanmoins sélectionner
les plateformes, et adapter les contenus publiés à chaque plateforme :

- Facebook : créé en 2004, ce réseau social est aujourd’hui incontournable : une marque
qui n’existe pas sur Facebook n’existe pas.
- Twitter : c’est le réseau social de l’immédiateté. Avec ses 140 caractères maximum, il
privilégie les brèves, et la réactivité.
- Google, en particulier Youtube : la vidéo est aujourd’hui plus que jamais populaire
auprès des consommateurs désireux de s’immerger dans l’univers de la marque. Mais
il ne suffit pas de relayer les publicités TV, les marques créent aujourd’hui des
contenus spécifiques à Youtube, tels que des webséries, au format court, mais qui
racontent une histoire.
- Instagram : c’est un réseau social essentiellement visuel car il privilégie la photo, ce
qui permet aux marques de montrer ce qui se passe en coulisses, et de donner un
sentiment d’intimité et d’exclusivité au consommateur.
- Pinterest : c’est un réseau social qui permet de concilier tous ses centres d’intérêt, et
permet ainsi à la marque de s’étendre sur d’autres univers.
- Tumblr : très populaire auprès des jeunes, Tumblr est le nouveau blog.

149
Article ESCP « Luxe et « digital » : la réconciliation des paradoxes au service du parcours client »
150
Vente en ligne

56
Moët & Chandon fournit un très bon exemple de stratégie digitale sur les réseaux sociaux :
durant l’été 2014, pour populariser sa gamme « Ice Impérial », Moët a lancé un défi à ses
internautes sur les réseaux sociaux Facebook et Twitter : publier une photo de soi en train de
consommer le fameux champagne dans un univers correspondant à une thématique : « Urban
and Fresh » pour Juin, « Sea and White » pour Juillet, et « Pool and White » pour Août, avec
le « hashtag » #MoetMoments. L’internaute ayant publié la meilleure photo gagne un dîner
aux chandelles avec champagne à volonté151.

Cette stratégie, étendue sur plusieurs réseaux sociaux, permet également à la marque de
découvrir les usages du consommateur et la manière dont il consomme ce champagne.

En outre, la filiale américaine de Louis Vuitton a eu l’idée ingénieuse de se servir du réseau


social Twitter comme nouveau service client : les consommateurs peuvent y envoyer leurs
questions et recevoir des réponses quasiment en temps réel.

Comme autre outil important, on peut également citer le blog, où la marque peut s’exprimer
sur et en dehors de son univers. La directrice artistique de Swarovski, Nathalie Colin, a ainsi
créé le blog « Wink », véritable espace d’échange avec les clients de la marque, décliné sur les
réseaux sociaux, et lié au site institutionnel de la marque152.

Comment ne pas citer le smartphone ? A l’ère de la 4G, le consommateur possède internet au


bout de son bras. Chaque réseau social a sa version mobile, et chaque site web se doit d’être
construit en « responsive » ou d’avoir une version mobile afin d’être capable de s’adapter à
l’écran et aux fonctionnalités du smartphone et de la tablette. En outre, les applications
mobiles sont également devenues des outils très utiles pour la communication de marque. Par
exemple, Vacheron Constantin a créé une application à des fins pédagogiques et acoustiques :
« The Sound of Time », qui permet de découvrir le fonctionnement de ses mécanismes
d’horlogerie ultra performants (notamment la « répétition minute ») mais aussi d’en apprendre
plus sur l’histoire et l’univers de la marque. En outre, la m-publicité (publicité sur mobile) est
également en pleine expansion.

La communication des marques sur internet s’appuie également sur une nouvelle tendance
marketing : le « story telling153 » : la marque s’éloigne de la simple publicité et communique
d’une manière plus subtile et plus imagée sur ses valeurs et ses produits en racontant une
histoire. On peut citer l’exemple de l’Odyssée de Cartier, véritable conte poétique qui décline
l’imaginaire de la marque dans une vidéo à la réalisation impeccable : musique, personnage
de la panthère, décors parisiens, produits savamment distillés ça et là, cette vidéo immerge le
consommateur dans l’univers de Cartier.

Le passage des marques à l’ère digitale pose de nouveaux défis et a pour cela provoqué
l’émergence de nouveaux métiers :

151
http://www.mydigitalluxurygalaxy.com/moet-chandon-ca-petille-sur-les-reseaux-sociaux/
152
http://www.mydigitalluxurygalaxy.com/wink-by-nathalie-colin-le-nouveau-blogzine-immersif-de-swarovski/
153
« Littéralement art de raconter des histoires, traduit en français par communication narrative. Consiste à
communiquer par l’intermédiaire d’une histoire ou de plusieurs histoires emblématiques de la marque, pour capter
l’attention du consommateur et créer une connexion émotionnelle avec la marque. » (Source : http://www.e-
marketing.fr/Definitions-Glossaire-Marketing/Storytelling-7795.htm)

57
- le webmaster, chargé d’actualiser le site web et de s’assurer de son bon
fonctionnement
- le community manager, chargé d’animer les réseaux sociaux et d’encourager l’activité
de la communauté, tout en restant fidèle à l’ADN et au ton de la marque
- le web designer, chargé de créer sites web et applications, il doit se maintenir au
courant de toutes les évolutions technologiques
- tous les métiers de la communication de crise, chargés d’enrayer rapidement un
scandale qui peut vite prendre des proportions exagérées sur le web
- etc.

A l’ère de la massification, de la démocratisation et de la globalisation, internet est un


nouveau moyen pour la marque de fidéliser ses clients en lui offrant une relation humanisée et
personnalisée et un sentiment d’exclusivité.

Le luxe est une notion complexe et un secteur à la fois très spécialisé et très diversifié. Défini
de manière plus ou moins objective par ses consommateurs et par ses acteurs, le luxe peut
être résumé par un produit ou un service qui allie exigence esthétique et excellence technique,
tout en comprenant des notions d’exclusivité et d’exceptionnalité.

Composé d’industries historiques et traditionnelles comme la joaillerie ou la maroquinerie, et


d’industries beaucoup plus récentes et modernes comme la technologie de pointe, il y a en
réalité autant de luxes comme de consommateurs de luxe, tant les définitions du luxe sont
personnelles et individuelles, et tant ses clientèles, ses modes et ses lieux de consommation se
multiplient et se diversifient.

Si le luxe reste par essence européen, voire français par chauvinisme, bourgeois ou
aristocratique, il a dû s’exporter et se diversifier pour faire face à la crise économique de
2008 et s’ouvrir à de nouveaux marchés : Brésil, Russie, Inde et surtout Chine, jeunes, classe
moyenne, consommateurs occasionnels, le luxe doit, pour survivre, s’adapter aux spécificités
culturelles et aux attentes différentes de ces nouveaux consommateurs à fort potentiel, et à
leurs nouveaux modes de communication, plus particulièrement internet et le mobile,
apanages de la génération Y.

Toutes ces mutations ont profondément influencé le secteur du luxe, et plus particulièrement
sa relation controversée avec le milieu du marketing : ambivalente par nature, cette relation
a beaucoup évolué ces dernières années, pour faire place à de nouveaux outils, tels que les
réseaux sociaux ou les applications mobiles par exemple, qui, s’il en est fait bon usage, se
sont avérés être des alliés de choix pour le secteur du luxe en quête de modernité.

Le sac Kelly d’Hermès est l’un des exemples les plus réussis du passage au XXIe siècle d’un
des produits les plus représentatifs du luxe authentique français. Les stratégies marketing qui
l’entourent sont également une belle métaphore de l’ambivalence entre luxe et marketing :
entre mythe, actions délibérées de la maison Hermès, et culture du secret.

58
Section 2 : le Kelly d’Hermès : du mythe à la stratégie

Bien plus qu’un sac, le Kelly est une véritable icône. On dit parfois qu’on peut deviner à qui
appartient un sac en examinant son contenu. Le sac Kelly, en lui-même, est entouré d’un
imaginaire qui en dit long sur son possesseur : aux confins de l’artisanat et de l’expertise
d’une entreprise familiale légendaire, œuvre d’art héritée de la tradition équestre, véritable
métaphore du luxe cher et presque inaccessible, ce sac est bien plus qu’un sac. Au-delà de
son objectif premier utilitaire, ce sac est, pour la femme qui le porte, un véritable symbole de
réussite sociale, un vecteur de confiance en soi, un rêve devenu réalité et un gage de style
intemporel. Ce sac symbolise l’objectif de vie de nombreuses femmes.

Le sac Kelly a, à lui seul, une personnalité, une histoire, qui sont le fruit d’un hasard, d’une
légende construite à travers les décennies, mais aussi de stratégies bien précises mises en
place par la maison Hermès pour ériger ce produit d’exception au rang de véritable must-
have : des matériaux rares et précieux, des techniques de fabrication artisanales préservées,
un prix premium, une distribution sélective … Tout est fait, délibérément ou non, pour que ce
sac atteigne le sentiment d’exclusivité inhérent à son rang d’objet de luxe inaccessible.

A) La légende autour du Kelly de Hermès

1) L’Histoire du Kelly : d’accessoire équestre à sac à main intemporel

Créé en 1892 par Thierry Hermès, le sac « Haut à Courroies » s’inspire de la tradition
équestre. Il est initialement plus grand, et a pour but premier de transporter des accessoires
équestres, telles que la selle et les bottes du cavalier.

Figure 13: Sac haut à courroies (1897), Article “La maison Hermès du dernier siècle du
cheval à l’ère de l’automobile : une histoire sociale de la consommation urbaine à l’époque
contemporaine » de Jean-Pierre Blay

En 1923, Emile-Maurice, petit-fils du fondateur de la marque, s’associe à Ettore Bugatti, un


des fondateurs de l’industrie automobile de luxe, pour créer un sac à main pour la femme de
ce dernier. Le sac « Torpedo » nait de cette coopération, est suffisamment petit pour rentrer
59
dans une portière de voiture, et servira d’inspiration à la modernisation du sac « Haut à
Courroies ».

Ce n’est qu’en 1935 que le sac « Haut à Courroies » devient un véritable accessoire de mode :
Robert Dumas-Hermès décide de lui donner un format plus pratique, et plus féminin. Il doit
permettre à une femme de transporter ses petites affaires. Son nom reste cependant incertain,
et ne cesse de changer : la marque le renomme « sac de voyage à courroie », puis « sac pour
dames » puis « sac à dépêches pour dames ».

En 1954, Edith Head, costumière d’Alfred Hitchcock sur le film « La main au collet », décide
sur suggestion du fameux réalisateur de se rendre chez Hermès à Paris pour chercher des
accessoires pour son actrice principale : Grace Kelly, comédienne américaine et future
princesse de Monaco, populaire dans le monde entier. Les deux femmes tombèrent
rapidement sous le charme des produits de la prestigieuse Maison, et la future Princesse
adopta le fameux « sac à dépêches ».

C’est un moment, capturé par une photo publiée dans le magazine « Life » en 1956 qui va
tout changer.154

Figure 14: photo de Grace Kelly et du Prince Rainier,


magazine "Life", 1956

Grace Kelly sort d’une voiture avec son fiancé le Prince Rainier, tout en tenant son sac
Hermès devant son ventre afin de dissimuler sa grossesse, qui n’a pas encore été annoncée
officiellement. C’est une véritable révolution, le « sac à dépêches » fait le tour du monde et
s’arrache dans les boutiques Hermès.

La marque décide alors de suivre l’initiative populaire et de renommer son « sac à dépêches
pour dames » le « sac Kelly », donnant ainsi à ce modèle son nom emblématique, et une
symbolique qui encore aujourd’hui, construit tout l’imaginaire autour de ce produit de luxe au
prestige intemporel.

154
http://www.noblesseetroyautes.com/2010/08/le-sac-kelly/

60
Il est l’un des rares sacs à répondre à un seul prénom, tels que le sac Jackie de Gucci, ou
encore le sac Alexa de Mulberry ou le Sophia Coppola de Louis Vuitton, portant tous les
noms de « grandes femmes ». 155

2) Un sac qui porte le nom d’une icône

Ce sac est à l’image de celle qui en a inspiré le nom : iconique. Grace Patricia Kelly est née
en 1929 à Philadelphie et a reçu une éducation stricte et sévère. Avec un père entrepreneur à
succès et sportif d’origine irlandaise, et une mère sportive et mannequin d’origine prussienne,
la famille de Grace Kelly incarne l’effort et la réussite à la « American Dream ».

Elle commence dès son enfance à jouer dans des pièces de théâtre, et décide de poursuivre
une carrière d’actrice contrairement à la volonté de ses parents. En 1947, elle intègre
l’American Academy of Dramatic Arts, et devient en parallèle modèle pour payer ses études.
Elle pose ainsi pour plusieurs marques telles que Coca-Cola et Colgate.

Gary Cooper la repère et décide de l’engager comme premier rôle pour son film « Le train
sifflera trois fois » qui permettra à Grace Kelly d’être découverte par le public et la critique.
C’est également avec Alfred Hitchcock, le maître du suspense, qu’elle rencontrera de
nombreux succès. Elle remporte de nombreux prix, dont l’oscar de la meilleure actrice en
1954 pour « Une fille de la province ».

En 1955, elle rencontre le prince Rainier, connu alors pour son goût pour les belles actrices,
lors d’une séance photo, et ils annoncent leurs fiançailles en 1956.

Leur mariage, surnommé « le mariage du siècle », a lieu de 19 Avril 1956. Il a été suivi par le
monde entier, et a inspiré de nombreux mariages princiers. En outre, la robe de Grace Kelly,
dessinée par Helen Rose, lui a été offerte par son studio, et est une véritable œuvre d’art. Par
son mariage, elle reçoit de nombreux titres de noblesse et accepte de renoncer à sa carrière
d’actrice, qui lui manquera parfois. Elle donnera naissance à trois héritiers, dont le souverain
actuel de la principauté, le prince Albert II, et consacrera le reste de sa vie à l’éducation de ses
enfants et son rôle de première dame.

Son décès en 1982, à l’âge de 52 ans, lors d’un accident de voiture a été un choc retentissant
dans le monde entier. Elle est aujourd’hui encore connue comme une légende du cinéma et un
modèle de beauté parfaite avec sa chevelure cendrée et son visage de poupée. Alfred
Hitchcock savait mieux que quiconque allier son apparente froideur et son étonnante
sensualité. En 1999, l’American Film Institute la classe treizième plus grande actrice de tous
les temps. Son histoire est le rêve de beaucoup de femmes : actrice brillante, icône de la
mode, princesse, mère idéale et beauté parfaite, elle était très adulée de son vivant, et est
toujours très populaire aujourd’hui.

155
http://www.instantluxe.com/sac-kelly-hermes

61
Grace Kelly avait une grande collection de sacs éponymes. De nos jours, Victoria Beckham,
chanteuse britannique, est connue pour être l’une des plus grandes collectionneuses de ce
modèle. 156

3) Les caractéristiques de ce modèle : une excellence très recherchée

Ce sac très simple est supposé être d’une qualité remarquable.

Entouré par ses deux courroies en cuir caractéristiques héritées de la tradition équestre, il se
ferme par un minuscule cadenas, et est protégé par 4 clous en dessous, qui permettent de le
poser sur le sol.

Le Kelly existe dans de nombreuses couleurs et matières, telles que le cuir, la toile, ou des
matières luxueuses telles que l’autruche ou le crocodile, et dans différentes tailles, variant de
15 cm à 50 cm. Il est confectionné à la main, par un unique artisan, nécessite entre 18 et 20
heures de travail environ, et est assemblé avec des coutures en fil de lin, et met à l’épreuve la
patience de ses consommatrices avec un délai d’attente qui peut atteindre plusieurs années.

Pour s’appeler « Kelly », un sac doit posséder certaines caractéristiques précises, listées dans
un descriptif déposé le 26 octobre 1949 sous le numéro 21 714 :

« une forme trapézoïdale dont les deux côtés comportent un soufflet, un rabat à découpe, un
système de fermeture comprenant deux sangles de cuir à l'extrémité des quelles se trouvent
des plaquettes métalliques à six côtés fixées chacune par quatre têtes de clous perlées
apparentes, les deux plaquettes métalliques se glissent dans un touret en forme d'anneau qui
assure la fermeture et le maintien des plaquettes, le touret, troué en son milieu, peut se fermer
à l'aide d'un cadenas dont la clef se trouve dans une clochette en cuir attachée à la poignée du
sac par une tirette en cuir, une poignée rattachée au sommet du sac, deux sangles en cuir
fixées à l'arrière et surpiquées. »

De nombreux entrepreneurs malhonnêtes tentent de copier ces caractéristiques afin de vendre


des « Kelly » contrefaits, moins chers que les originaux, mais très recherchés sur le marché en
raison de la rareté et du coût du sac original. Hermès est en lutte permanente pour tenter de
protéger les fleurons de sa maison – sacs Kelly et Birkin et carrés de soie notamment – de la
contrefaçon. C’est là l’un des plus grands fléaux, exacerbé par la mondialisation, auxquels
l’industrie du luxe doit faire face.

Quelque part, la contrefaçon prouve aussi la popularité et l’universalité de ce modèle, même


s’il ne s’agit pas d’une stratégie délibérée de la maison, bien au contraire.

B) Un produit parfait

« Pour résumer en un mot la puissance de communication du produit : une mauvaise publicité


écarte rarement un client fidèle, mais un mauvais produit le repousse toujours »157

156
http://fr.wikipedia.org/wiki/Grace_Kelly
157 e
CHEVALIER, M., MAZZALOVO, G., Management et Marketing du Luxe, Paris, Dunod, 2 édition 2011, p.289,
l. 22-24

62
Le produit est la première manifestation physique de la marque, la concrétisation de son
projet.

Danielle Allérès parle d’une homogénéisation de la perception globale des produits de luxe :
selon elle, les produits de luxe sont quasi-semblables car ils renvoient aux codes sociaux
d’une classe aux représentations relativement homogènes. Mais un produit de luxe se
différencie par une ambition de qualité : il est à l’origine des plus gros efforts de création et
d’innovation de la marque, afin d’atteindre la perfection à la fois esthétique et technique. On
peut observer cela dans le champ lexical des produits de luxe : on peut parler de luxe, ce qui
renvoie à la notion de richesse, mais aussi à une connotation assez négative d’ostentation,
voire de gaspillage, on peut aussi parler de prestige, qui confère au produit une dimension de
séduction, ou de haut-de-gamme, qui désigne plutôt en termes techniques la qualité du
produit.158

Figure 15: Critères de représentation d'un objet de luxe, extrait de "Luxe... Stratégies-Marketing"

Pour Danielle Allérès, toutes les étapes de la vie du produit doivent refléter cette même
ambition de perfection :

- l’invention et la conception du produit : elle doit être à la pointe de la tendance, et de


la technique
- la fabrication : une fabrication artisanale, voire à la main, et en France donne au
produit les caractéristiques d’un produit unique
- le conditionnement du produit : même s’il sera jeté au bout de quelques instants, il doit
être raffiné et luxueux pour véhiculer les valeurs de la marque et compléter
l’expérience luxe du consommateur
- le prix : à son lancement, le produit bénéficie de son aspect révolutionnaire et de
l’attrait de la nouveauté. Seul un bon rapport qualité/prix peut permettre de maintenir
son succès dans le temps.

158 e
ALLERES, D., Luxe… Stratégies-Marketing, Paris, Economica, 2 édition 1997, « IV. Caractéristiques d’un
produit de luxe », p. 103-104

63
- La distribution : le produit est intégré dans un contexte : une boutique en accord avec
l’ADN de la marque, et un personnel dévoué. 159

Selon Mazzalovo et Chevalier, le produit de luxe est également un moyen de communication


de la marque avec ses consommateurs. Il fait passer son message sous plusieurs formes :

- l’esthétique de marque : symbolisé par une couleur, une forme, une matière, un style.
Pour Hermès, on pense immédiatement à l’orange, au cuir, et à un style classique et
épuré.
- La fonctionnalité : la praticité et la résistance du produit : par exemple, un sac Kelly
est considéré comme un investissement sur le long-terme, car avec son cuir
d’excellente qualité, ses coutures renforcées, et ses clous de protection, il peut se
garder pendant des années, et même se transmettre, voire se revendre.
- La qualité d’exécution : pour les produits très haut-de-gamme comme le Kelly, la
qualité est un fondement de l’identité de la marque.
- La disponibilité ou la rareté : la notoriété peut être un synonyme de banalité, les
produits très haut-de-gamme doivent véhiculer une image d’exclusivité.
- Le merchandising : la structure des collections, le nombre de catégories et de modèles,
le prix. Pour le Kelly, le modèle reste inchangé, seul le cuir varie en fonction des
disponibilités, ce qui montre le côté intemporel de ce produit.160

Le « luxe ultime » renvoie à un produit original fait dans les matériaux les plus précieux, dans
une harmonie parfaite des teintes, et une fabrication soignée et contrôlée.

C) Le « sur-mesure »

L’enquête client-mystère a également permis d’apprendre de nombreuses informations sur le


sac Kelly : tarif exact, différentes formes et tailles, différents types de cuirs, couleurs du cuir
et des fermoirs. Chaque femme qui achète un Kelly peut choisir toutes les caractéristiques du
sac afin d’avoir un sac qui lui ressemble. Ce choix a également une influence sur le prix. En
fonction de la disponibilité, il s’agit d’une « réservation » (Hermès tente de trouver le sac
correspondant à la demande de la cliente dans une des boutiques de la maison) ou d’une
« commande » (le sac est produit selon la demande de la cliente).

Il existe en réalité 2 formes de Kelly :

- un Kelly « sellier », la forme classique, plus rigide, comme celle portée par Grace
Kelly.
- Un Kelly « retourné », plus moderne et plus actuel, plus souple.

Il existe 5 tailles :

- 25 cm
- 28 cm

159 e
ALLERES, D., Luxe… Stratégies-Marketing, Paris, Economica, 2 édition 1997, « IV. Caractéristiques d’un
produit de luxe », p. 104-105
160 e
CHEVALIER, M., MAZZALOVO, G., Management et Marketing du Luxe, Paris, Dunod, 2 édition 2011, p. 288

64
- 32 cm
- 35 cm
- 40 cm

Il existe également 3 types de cuirs :

- Le cuir « Epsom » est le cuir le plus rigide et le moins cher. C’est ce cuir qui a la
meilleure tenue, il est donc recommandé pour les sacs Kelly « sellier ».
- Le cuir « Togo », cuir grainé plus souple. Il est idéal pour un sac « retourné » car il est
souple mais possède tout de même une bonne tenue.
- Le cuir « Taurillon Clémence », cuir grainé le plus souple, convient pour un sac
« retourné ». Encore plus souple que le cuir « Togo », il confère un rendu plus
moderne et souple au sac Kelly, et s’affaisse avec l’évolution du cuir.

Le fermoir existe en argenté ou en doré, sans influence sur le prix de vente du sac. Chaque
cuir existe dans environ une dizaine de couleurs, parmi lesquelles le noir, le rouge, l’orange,
et plusieurs nuances de bleu, qui possèdent chacune un nom aux accents précieux ou
exotiques. Le rouge par exemple est intitulé « Rouge kazakh », et le marron « Gold ».

En termes de tarifs, un Kelly 32 cm en cuir Epsom coûte (quelle que soit la forme, la couleur
du cuir et la couleur du fermoir) 6850 € et un Kelly 35 cm en cuir Togo coûte (quelle que soit
la forme, la couleur du cuir et la couleur du fermoir) 6350 €. Les prix peuvent rapidement
augmenter si le Kelly est fabriqué dans un cuir rare, comme un cuir d’autruche ou de
crocodile (par exemple, un Kelly rouge en cuir de crocodile coûte environ 53 000 €). Le prix
de ce sac, extrêmement dissuasif, contribue également à son attractivité.

D) Une communication entre la surprise et la confidence

« La communication, dans le domaine du luxe, doit étonner, provoquer un peu, mais pas
agresser, sinon la marque est ébranlée. » Jean-Louis Dumas161

En théorie, un objet de luxe n’aurait même pas besoin de communication, tant l’excellence du
produit parle d’elle-même. Mais, devant faire face à une omnipotence des médias, les
marques de luxe se trouvent obligées de communiquer, sous peine de ne plus exister.
Toutefois, en particulier pour les produits de luxe inaccessible, cette communication doit
rester très sélective, intimiste, presque fermée, afin de préserver la discrétion désirée par cette
clientèle élitiste.162

Hermès, par exemple, privilégie des relations extérieures très sélectives, afin de réunir les
adeptes de la marque lors d’événements sportifs ou culturels mondains et élégants, tels que le
Grand Prix de Diane-Hermès, la célébration des 150 ans de la fondation de la maison Hermès
avec la création d’une armée « Feu d’artifice » en 1987, le symposium organisé à Tokyo en
1987 « Embarquons-nous la tradition vers l’an 2000 ? », les thèmes annuels repris chaque
année, les expositions organisées chaque année (« Carnets de voyage » en 1988, « Un voyage
161 e
ALLERES, D., Luxe… Stratégies-Marketing, Paris, Economica, 2 édition 1997, « Hermès », p. 229
162 e
ALLERES, D., Luxe… Stratégies-Marketing, Paris, Economica, 2 édition 1997, « Chapitre VII. Politique de
communication », p. 210

65
au pays des merveilles » en 1997 etc.), le Saut d’Hermès au Grand Palais etc. Ces événements
se prolongent dans la presse : repris par les magazines spécialisés, Hermès a également créé
un magazine « Le Monde d’Hermès », publié tous les 6 mois, et qui existe désormais en
version digitale.163

Les marques aiment ainsi impressionner et surprendre : en faisant dans le spectaculaire, avec
le pop-up store Louis Vuitton dans le métro de Tokyo par exemple, en s’associant aux stars
les plus en vogue du moment comme Dior avec Jennifer Lawrence et Marion Cotillard, ou en
démontrant leur audace et leur imagination dans des défilés de Haute-Couture dont même les
lieux sont de plus en plus extravagants, comme durant la Fashion Week 2014 à Paris avec le
Supermarché Chanel. Les marques de luxe privilégient ainsi les opérations telles que les
éditions limitées, l’événementiel, les relations publiques, le sponsoring ou encore le
placement.164 Elles s’appuient sur de plus en plus sur les leaders d’opinion pour pratiquer
cette communication d’influence : les bloggueuses modes, réseaux sociaux, sites de social
shopping, cabinets de tendance etc.165

Hermès fait également appel, directement ou indirectement, à la plus vieille méthode de


communication du monde : la rumeur. Selon Allport et Postman, « la rumeur est une
affirmation présentée comme vraie sans qu’il existe de donnée concrète permettant de vérifier
son exactitude ». Pour Hermès, la rumeur est même utilisée comme un moyen de publicité,
répandue par les experts et adeptes de la marque, et qui acquiert ainsi une certaine légitimité.
Selon Jean-Noël Kapferer « La rumeur est propagée par des experts spécialisés, détenteur de
clés de lecture de signes indéchiffrables, l’expert est une source classique de rumeur habilitée
à porter des jugements, des pronostics, des prédictions, il dispose d’une chambre de
résonance ».166

Aujourd’hui, internet est encore plus propice à la propagation de la rumeur, véritable ancêtre
du buzz.

E) Un prix premium

Un prix premium est un prix élevé qui se justifie par les avantages du produit, qui le rendent
unique aux yeux du consommateur.167 C’est la définition même du produit de luxe. La
détermination de ce prix de vente est très complexe : elle est liée aux caractéristiques du
produit, sa fabrication, sa distribution, sa promotion, mais doit aussi assurer une cohérence
entre les objectifs de l’entreprise, respecter les contraintes du marché (comme les frais
d’export ou les droits de douane par exemple), et assurer la maximisation du profit.168

163 e
ALLERES, D., Luxe… Stratégies-Marketing, Paris, Economica, 2 édition 1997, « Hermès », p. 229
164
LE BAIL, S., Le luxe entre « business » et culture, Ed. France-Empire Monde, 2011, p.135-144
165 165
LE BAIL, S., Le luxe entre « business » et culture, Ed. France-Empire Monde, 2011, p. 137-138
166
PETIT, F., « Théorie de la communication, Thème : la rumeur », PDF
167
CHEVALIER, M., DUBOIS, P.-L ., Les 100 mots du Marketing, Paris, P.U.F., « Que sais-je ? », 2009, p. 93,
« 72- Prix premium »
168 e
DAYAN, A., Le Marketing, Paris, P.U.F. « Que sais-je ? », 13 édition 2010, « XI. Le prix de vente du produit »,
p.90

66
Selon Christian Blanckaert, « Dans les maisons de luxe, le prix est la résultante d’un coût qui
rémunère un travail d’exception ».169

Selon Danielle Allérès, le prix d’un objet est un critère déterminant de son appartenance ou
non à la sphère du luxe. La « cherté » permet aussi de classer le produit sur une échelle du
luxe : un produit abordable appartiendra au luxe accessible tandis qu’un produit que peu de
personnes peuvent s’offrir appartiendra au luxe inaccessible. 170 Le prix du sac Kelly de
Hermès et ses caractéristiques en font un produit de luxe inaccessible : en effet, son prix
s’échelonne de quelques milliers d’euros pour des modèles « standards » ou des modèles
d’occasion, à quelques dizaines de milliers d’euros pour des modèles plus élaborés, des
commandes spéciales, et des modèles uniques qui peuvent atteindre des prix records aux
enchères.

Le prix comprend deux types de composantes :

- les composantes directes : matériaux et ingrédients, souvent rares et précieux (cuirs et


fourrures, pierres précieuses, ingrédients d’origine naturelle tels que des huiles
essentielles, tissus) mais aussi tout le travail de recherche, d’élaboration, de design, de
fabrication (souvent artisanale, à la main, et en France), et de contrôle de conformité.
- Les composantes indirectes : circuit de distribution très sélectif, communication
soignée et confidentielle, événements intimistes, magazines sélectifs.

Figure 16: Politique de prix du luxe inaccessible, extrait de "Luxe... Stratégies-Marketing"

169
BLANCKAERT, C., Les 100 mots du Luxe, Paris, P.U.F. « Que sais-je ? » 2010, « Prix », p. 99, l. 3-4
170 e
ALLERES, D., Luxe… Stratégies-Marketing, Paris, Economica, 2 édition 1997, « Chapitre V : Politique de
Prix », p. 193-196

67
Toutes ces composantes font que le prix d’un produit de luxe comprend à la fois un prix de
revient élevé et un prix de vente peu concurrentiel. Danielle Allérès disait « S’il est parfois
faux qu’un produit cher est un produit de luxe, il est toujours vrai qu’un produit de luxe est un
produit cher ».171

A tous ces éléments est intégrée une « valeur ajoutée » qui a pour but de garantir le sentiment
d’exclusivité et de rareté inhérent aux produits de luxe inaccessible : ce « facteur irrationnel »
est intégré au prix final de l’objet, lui conférant une valeur d’originalité et de distinction qui le
différencie des objets de luxe intermédiaire.

Pour le Kelly de Hermès, le prix s’explique par plusieurs éléments :

- Le cuir, jugé parmi les plus beaux du monde. Pour certains cuirs spéciaux, les prix
peuvent s’envoler rapidement (crocodile, autruche…)
- La taille (il existe 5 tailles standard : plus le sac est grand plus son prix est élevé, mais
le prix peut également augmenter en cas de commande spéciale)
- Des caractéristiques spéciales : un fermoir en or blanc avec des diamants par exemple
coûte plus cher qu’un fermoir normal.
- L’assemblage à la main par un seul artisan (qui prendrait selon la légende plus d’une
vingtaine d’heures) en France, et le soin apporté à la confection de l’objet.
- Les boutiques soignées et leur personnel compétent.
- Les délais d’attente, et le sentiment d’exclusivité qu’il procure, qui sont une valeur
ajoutée de cet objet.

Cette stratégie-prix appartient à une stratégie globale de la maison de luxe inaccessible : créer
des objets parfaits d’un point de vue à la fois esthétique et technique, en limiter la production,
et en compliquer l’accès, afin de satisfaire une clientèle exigeante et pour qui la différence se
paye.

F) Vintage et ventes aux enchères

Cyril Pigot disait, en résumé de la vente Hermès Vintage par Artcurial le 24 juillet 2014 :
« Ce qui est extraordinaire avec nos ventes Hermès Vintage, c’est la grande diversité des
acheteurs Toute la planète se donne rendez-vous : Australie, Asie, Etats-Unis, Europe, et bien
sûr nos clients monégasques. On remarque que d’un simple achat plaisir, les iconiques sacs
Hermès sont devenus de véritables objets de collection, à la manière des œuvres d’art. »172

La rareté du sac Kelly d’Hermès se traduit aussi par le succès grandissant des produits
« vintage », c’est-à-dire de seconde main. Hermès est en effet la première marque vendue aux
enchères, et chaque année la maison Artcurial organise une vente exceptionnelle.

171 e
ALLERES, D., Luxe… Stratégies-Marketing, Paris, Economica, 2 édition 1997, « c. Un prix très étudié », p.
106-107
172
Artcurial, Communiqué de Presse, Hermès Vintage, « Résultats de la vente du 24 juillet » à Monte Carlo »

68
Le sac Kelly est l’un des rares produits, même de luxe, qui peut gagner de la valeur avec
l’âge. En effet, les délais d’attente font que certains produits, s’ils sont en bon état, peuvent
dépasser le prix du neuf. En outre, certains modèles ne sont plus fabriqués, et sont devenus
rares et recherchés, ce qui contribue à faire augmenter leur prix de manière exponentielle.

La cote des modèles en cuir ne cesse d’augmenter, elle a été multipliée par 2,2 en l’espace de
8 ans (entre 2005 et 2013), passant de 1907€ en moyenne à 4230€. 173

Figure 17: La cote du Kelly en cuir, extrait de "A world of Dreams magazine"

Les modèles en cuir représentent le plus gros des ventes, soit un volume de 67,30% (et
43,30% en valeur). Les modèles en cuir de crocodile, plus rares et plus chers, ont vu leur prix
moyen augmenter de 40% en 8 ans, passant de 7072€ en moyenne à 9883€. Ils représentent
25,5% du volume des ventes aux enchères, et 49,80% des ventes en valeur.174

Figure 18: Répartition des Kelly par matière (en volume), extrait de "A world of Dreams magazine"

173
A world of Dreams magazine, Bijoux, horlogerie et accessoires féminins, n°68, Trimestre été 2014 « Collector
Square : Hermès, le Kelly », p.92-93
174
A world of Dreams magazine, Bijoux, horlogerie et accessoires féminins, n°68, Trimestre été 2014 « Collector
Square : Hermès, le Kelly », p.92-93

69
Les Kelly les plus rares sont aussi les plus coûteux. Ces dernières années, la maison s’est mise
à produire des modèles en cuir de couleur vive : ces sacs plus récents, donc en meilleur état et
très rares lors des ventes, aux couleurs originales sont aujourd’hui parmi les plus recherchés,
et sont réservés aux ventes les plus prestigieuses comme Christie’s ou Artcurial. Le Kelly gris
est également très recherché : les tons « Etoupe » et « Etain », produits dans les années 2000
et arrêtés depuis, se vendent en moyenne 6499€. Le Kelly noir reste le plus répandu et se vend
en moyenne 3365€ aux enchères (chiffre de 2013).175

Figure 19: Prix moyen des Kelly par couleurs en cuir (entre 2005 et 2013), extrait de "A world of Dreams
magazine"

En termes de taille, c’est le modèle 32 cm le plus produit et le plus recherché. Grace Kelly ne
portait que des modèles un peu plus grands : les 35 cm. Mais c’est le Kelly « 30cm » le
modèle le plus rare : il n’a jamais été produit à proprement parler, mais résulte de la
production artisanale et à la main des sacs jusque dans les années 1970 : il était alors possible
de trouver des sacs 28 cm légèrement plus grands ou des sacs 32 cm légèrement plus petits.176

Figure 20: Répartition par taille de Kelly en volume, extrait de "A world of Dreams magazine"

175
A world of Dreams magazine, Bijoux, horlogerie et accessoires féminins, n°68, Trimestre été 2014 « Collector
Square : Hermès, le Kelly », p.92-93
176
A world of Dreams magazine, Bijoux, horlogerie et accessoires féminins, n°68, Trimestre été 2014 « Collector
Square : Hermès, le Kelly », p.92-93

70
On trouve également de nombreux Kelly d’occasion en vente sur internet : certains sites web
se sont spécialisés dans le commerce de produits de luxe d’occasion expertisés, comme le site
Instant Luxe par exemple. Toutefois, les produits ne sont généralement pas aussi prestigieux.

Exemple : Vente Hermès Vintage par Artcurial à Monte Carlo, 24 juillet 2014-07-25

Le record du sac Kelly le plus cher a été dépassé cette année avec la vente d’un Kelly en
crocodile et diamants pour une valeur de 76 200 €. Un second sac Kelly, une pièce unique en
veau « Epsom » bleu jean à l’effigie de Grace Kelly et dédicacé par Stéphanie Grimaldi, a
atteint la valeur exceptionnelle de 73 700€.177

Les 85 lots ont été vendus en tout 1 038 493€. Les enchères ont eu lieu depuis la salle ou sur
la plateforme internet « Artcurial Live Bid ».

Figure 21: Lot 1050, Hermès, sac Kelly 40cm, veau Epsom bleu jean et sérigraphie d'un portrait de Grace
Kelly, dédicacé par la S.A.S. Stéphanie Grimaldi, pièce unique, 2007, extrait du catalogue de la vente Hermès
Vintage Artcurial du 24 juillet 2014

Figure 22: Lot 1077, Hermès, sac Kelly 25cm, crocodile porosus gris Elephant, or blanc et diamants, 2005,
extrait du catalogue de la vente Hermès Vintage Artcurial du 24 juillet 2014

177
Artcurial, Communiqué de Presse, Hermès Vintage, « Résultats de la vente du 24 juillet » à Monte Carlo »

71
G) La rareté

Selon Bernard Catry, l’attractivité et l’émotion qui entourent le secteur du luxe sont liées à la
rareté de ses produits.178

Cette rareté se traduit à la fois par une image d’exceptionnalité même au sein des produits
« masstige », mais aussi par l’exclusivité véhiculée par les produits de haute-couture ou de
haute-joaillerie, ou encore les mécanismes de séries limitées, de distribution sélective,
d’événementiel et de relations publiques.

Il existe selon Bernard Catry plusieurs sources de rareté plus au moins objectives :

- la rareté naturelle ou physique est la plus objective car elle est liée à une pénurie de
matières premières. Si l’entreprise parvient à sécuriser ses approvisionnements, cette
pénurie peut se transformer en véritable avantage concurrentiel. Il s’agit pour la
marque de jouer sur deux fronts : elle doit parvenir à négocier avec ses fournisseurs,
mais aussi communiquer avec ses consommateurs pour les convaincre de la rareté
effective des matériaux, qui justifie alors une marge importante. Toutefois, la rareté
naturelle est une condition nécessaire mais pas suffisante pour justifier le prix des
produits de luxe179 : la marque doit apporter une valeur ajoutée aux matériaux. Dans le
cas d’Hermès, la maison travaille avec les plus beaux cuirs et parfois les plus rares
comme du crocodile et de l’autruche, mais c’est le savoir-faire artisanal de la maison
qui fait vraiment la différence par rapport à d’autres marques de maroquinerie moins
chères. On peut considérer que la rareté du luxe réside également dans l’expertise de
ses fabricants.
- Les séries limitées constituent une pénurie plus virtuelle, créée par la marque par
stratégie. La justification d’une série limitée réside dans la rareté du talent de l’artiste
ou de l’artisan : par exemple, le sac « Graffiti » de Louis Vuitton, créé par Marc
Jacobs et Sprouse est toujours en forte demande alors que sa production a été arrêtée
au bout de 6 mois.180 Les séries limitées sont souvent créées en lien avec un
événement, par exemple le passage au nouveau millénaire. Certaines marques
profitent également d’une pénurie non anticipée pour exploiter le principe de série
limitée : c’est le cas de La Prairie, qui en a profité pour mettre en place une
prestigieuse liste d’attente, à la manière d’Hermès avec ses fameux sacs181. Le « 2-step
marketing » est une nouvelle forme de série limitée : dans une 1ère étape, la marque
réserve son produit et son marketing à des leaders d’opinion, qui seront chargés de
faire la promotion du produit lorsque dans une 2nde étape il sera accessible à un public

178
CATRY, B., « Le luxe peut être cher, mais est-il toujours rare ? » in Revue Française de Gestion, n°171
2007/2, pages 49 à 63
179
CATRY, B., « Le luxe peut être cher, mais est-il toujours rare ? » in Revue Française de Gestion, n°171
2007/2, « La rareté objective, naturelle, physique », p. 51
180
CATRY, B., « Le luxe peut être cher, mais est-il toujours rare ? » in Revue Française de Gestion, n°171
2007/2, « Les séries limitées et le sur mesure », p. 53
181
CATRY, B., « Le luxe peut être cher, mais est-il toujours rare ? » in Revue Française de Gestion, n°171
2007/2, « Les séries limitées et le sur mesure », p. 54

72
plus large. C’est ainsi que Belvédère a lancé sa fameuse vodka en la faisant d’abord
connaître dans les cercles spécialisés.182
- Le one-to-one et le sur-mesure créent une rareté liée à une démarche personnalisée :
par exemple, Loewe lance des invitations personnelles à ses plus fidèles clientes afin
de leur faire découvrir ses nouveaux modèles lors de défilés en boutiques. D’autres
maisons continuent d’entretenir la tradition du sur-mesure et des commandes spéciales
par impératif de prestige et d’image, et comme source d’inspiration pour leurs
collections classiques, comme Hermès ou encore Louis Vuitton. Ces produits uniques
ont par leur rareté une très grande valeur.

La rareté virtuelle, ou subjective, repose sur l’information donnée au consommateur :

- cette information peut être le prix : plus un produit est cher, plus son achat paraît
sélectif. C’est également le principe du produit de Veblen.
- Cette information peut également être les lieux de distribution : les lieux et
l’environnement de vente sont soigneusement sélectionnés. Par exemple, les sacs
Kelly neufs ne sont vendus qu’en boutique Hermès, et seuls certains magasins les plus
prestigieux, comme le flagship183 historique de la rue du Faubourg Saint-Honoré par
exemple, disposent de modèles de présentation.
- La publicité ou l’absence de publicité : la rareté peut résider soit dans une publicité
sélective, faisant appel à l’émotion et à l’imaginaire de la marque, et réservée à des
supports sélectifs (magazines de luxe comme Vogue ou Harper’s Bazaar) ou par
l’absence de publicité : la promotion de la marque passe alors par le bouche à oreille
ou les rencontres individuelles.
- Le nom, le logo et le packaging : par exemple, l’évocation dans le nom d’un parfum
(« Parisienne » d’Yves Saint-Laurent qui évoque le chic à la française), son flacon, ou
encore le fameux camélia sur les sacs shopping Chanel.
- La matérialisation de la marque par des expositions, des musées dédiés et des
« heritage centres » en particulier pour les maisons familiales, confère également à la
marque une dimension exclusive, comme par exemple le musée Patek Philippe à
Genève qui retrace l’image de la marque.184
- La personnification et les icônes de la marque : la marque Hermès par exemple est
personnifiée par son designer star, Christophe Lemaire (qui a quitté la maison en
juillet 2014), mais aussi par ses gestionnaires, par exemple le très regretté Jean-Louis
Dumas, PDG d’Hermès aujourd’hui décédé, par ses consommateurs, comme la
célèbre Victoria Beckham, chanteuse et femme du footballeur David Beckham, qui
possède la plus grande collection de sacs Hermès au monde, et par ses produits

182
CATRY, B., « Le luxe peut être cher, mais est-il toujours rare ? » in Revue Française de Gestion, n°171
2007/2, « Les séries limitées et le sur mesure », p. 55
183
« Magasin de grande surface dédié à une marque et proposant une gamme très large des produits de
l’entreprise en question (et exclusivement). Ce magasin « porte-drapeau » se veut la vitrine de la marque à
laquelle il est dédié ; il symbolise la matérialisation de son territoire, de sa mission, de son image, de ses valeurs,
mais aussi une revendication tangible de sa notoriété » (Source : http://www.marketing-professionnel.fr/tribune-
libre/flagship-store-strategie-marques.html)
184
CATRY, B., « Le luxe peut être cher, mais est-il toujours rare ? » in Revue Française de Gestion, n°171
2007/2, « La rareté subjective, virtuelle », p. 57

73
emblématiques, comme les fameuses selles, mais aussi le sac Kelly qui fait l’objet de
ce mémoire.

Figure 23: De la rareté objective à la rareté virtuelle, extrait de l'article de B. Catry "Le luxe peut être cher
mais est-il toujours rare?"

La publicité n’est pas forcément contradictoire avec la volonté d’exclusivité des grandes
maisons de luxe : la publicité permet d’acquérir de la notoriété auprès d’une large audience,
tandis que les relations publiques permettent de conserver une image prestigieuse et
d’atteindre une cible plus élitiste185 : par exemple, Hermès consacre chaque année un budget
très important à des campagnes de publicité, par exemple la campagne très inspirationnelle et
institutionnelle de 2013 « Chic, le sport ! », en revanche, Hermès ne ferait jamais directement
de publicité pour ses produits les plus exclusifs, comme le sac Kelly par exemple. La
perspective de gamme est également indispensable pour toucher un public large : par
exemple, les produits de la marque Hermès s’échelonnent de petits accessoires d’une valeur
de quelques centaines d’euros (encore plus aujourd’hui avec la création de la marque Petit H
qui crée des accessoires à partir des chutes de tissus des carrés de soie Hermès) à des sacs à
main d’une valeur de plusieurs dizaines de milliers d’euros.

Figure 24: La complémentarité de la publicité et des relations publiques, extrait de l'article de B. Catry "Le
luxe peut être cher mais est-il toujours rare?"

Une particularité de la maison Hermès est également sa culture du secret, qui est à l’origine
de l’image d’exclusivité et d’authenticité de la marque. La difficulté rencontrée pour obtenir

185
CATRY, B., « Le luxe peut être cher, mais est-il toujours rare ? » in Revue Française de Gestion, n°171
2007/2, « La rareté subjective, virtuelle », p. 56

74
des informations sur les stratégies de vente du Kelly est très représentative de cette culture du
secret.

H) Le placement de produit

« De plus en plus d'annonceurs cherchent des moyens de communication alternatifs pour


exposer leur marque » disait Jean-Patrick Flandé.186

Selon le CSA : « Le placement de produit est défini comme toute forme de communication
commerciale audiovisuelle consistant à inclure un produit, un service ou une marque ou à y
faire référence, en l'insérant dans un programme, moyennant paiement ou autre
contrepartie. 187» Si selon la législation européenne, le placement de produit dans les médias
audiovisuels est interdit par principe, les modalités en sont laissées à l’appréciation des Etats.
En France, c’est le CSA (conseil supérieur de l’audiovisuel) qui a le pouvoir de fixer les
conditions du placement de produit. Selon sa délibération du 16 février 2010, complétée par la
délibération du 24 juillet 2012, le placement de produit (en tant que fourniture de biens et
services dont la marque est identifiable au sein du programme) est autorisé au cinéma, dans la
fiction audiovisuelle, et dans les vidéomusiques sauf pour les enfants. Cependant, le
placement est interdit pour certains produits : l’alcool, le tabac, les médicaments, les armes à
feu, et les préparations pour nourrissons, et il doit respecter l’indépendance éditoriale de
l’auteur, ne pas inciter directement à l’achat, et la présence du produit doit être justifiée.188

Le placement de produit ne date pas d’hier, mais il est aujourd’hui de plus en plus utilisé, sur
de plus en plus de supports, et systématiquement intégré au budget médias des grandes
marques.189S’il est très encadré en France, il est très développé aux Etats-Unis. Le placement
de produit apparait comme une situation « gagnant-gagnant » : pour les marques, il s’agit d’un
nouveau moyen de faire la promotion de leurs produits, tandis que pour les réalisateurs, il
s’agit d’un moyen d’augmenter la notoriété du film face à une durée de vie en salle de plus en
plus courte. De plus, les marques peuvent réaliser des opérations sur internet pour créer le
« buzz » autour de leur partenariat avec un film. Ces partenariats se sont aujourd’hui
métamorphosés : les marques communiquent sur le film sans que leur présence soit forcément
importante dans le film, par exemple Sony, Omega et Bollinger, qui ont communiqué sur le
James Bond « Quantum of Solace »190, ou plus récemment Evian avec le film « The Amazing
Spiderman 2 » : pour l’occasion, une vidéo « Baby & Me » spécifique avec Spiderman a été
réalisée, ainsi qu’un packaging spécial avec une bouteille d’Evian en forme de Spiderman.

On distingue le placement de produit et le placement de marque : dans le 1er cas, il est fait
référence au produit, tandis que dans le second cas, c’est la marque qui est directement citée.
La grande problématique du placement est : quelle valeur marchande lui attribuer ? 191

186
http://www.strategies.fr/etudes-tendances/dossiers/111601/111192W/placement-de-produit.html
187
http://www.csa.fr/Television/Le-suivi-des-programmes/Les-communications-commerciales/Le-placement-de-
produit
188
http://www.csa.fr/Television/Le-suivi-des-programmes/Les-communications-commerciales/Le-placement-de-
produit
189
http://www.strategies.fr/etudes-tendances/dossiers/111601/111192W/placement-de-produit.html
190
http://www.strategies.fr/etudes-tendances/dossiers/111601/111192W/placement-de-produit.html
191
http://www.strategies.fr/etudes-tendances/dossiers/111601/111019W/des-placements-en-or.html

75
On parle surtout de placement de produit au cinéma, ou à la télévision, mais on peut
également faire référence à un produit sur d’autres supports : par exemple, sur le tableau « Un
bar aux Folies Bergères » d’Edouard Manet (années 1880) on peut clairement distinguer les
étiquettes des bières au premier plan.

Figure 25: Edouard Manet, "Un bar aux Folies Bergères" (1881/1882)

Le placement de produit touche également de nouveaux supports, comme la musique, via les
clips vidéo, internet, et même les jeux vidéos.

Par exemple, dans le clip « Circus » de Britney Spears, on voit des bijoux de la célèbre
marque de luxe Bulgari, ou dans le clip « Candyman » de Christina Aguilera, avec la boisson
alcoolisée Campari.

Aujourd’hui, de plus en plus, les marques ne se contentent plus d’intégrer leur produit au
décor, et préfèrent une version plus « théâtralisée » du placement de produit.192 Par exemple,
dans un épisode de la série américaine « Sex and The City », Samantha Jones, femme forte et
ambitieuse, décide de se féliciter de sa réussite en s’offrant un sac Birkin de Hermès,
métaphore de l’accomplissement absolu à ses yeux. Mais pour contourner les mécanismes
d’exclusivité mis en place par la maison Hermès (notamment la liste et le délai d’attente) elle
se sert du nom d’une star qu’elle représente en tant qu’agent, Lucy Liu. Le sac Birkin fait
dans cet épisode partie intégrante de l’histoire.

192
http://testconso.typepad.com/files/placementproduit.pdf

76
Figure 26: Samantha Jones en train de négocier avec le vendeur Hermès "Ce n'est pas un sac. C'est un
Birkin". Sex and the City, episode 11, saison 4: “Coulda, Woulda, Shoulda”

C’est pour les besoins du film « La Main au Collet » que Grace Kelly se rend pour la
première fois chez Hermès à Paris, suivant les suggestions de Edith Head, sa costumière, et
d’Alfred Hitchcock.

Figure 27: Grace Kelly avec le futur "sac Kelly" dans "La Main au Collet", 1954193

L’actrice aime tellement le sac qu’elle se met à le porter dans la vie de tous les jours, jusqu’à
la photo légendaire où elle s’en sert pour dissimuler sa grossesse en 1956. Grâce à cet heureux
hasard, le sac est alors rebaptisé « Kelly ». Aujourd’hui encore, le destin de ce sac est lié à la
principauté, et chaque année la maison Artcurial organise des ventes aux enchères sur le
Rocher.

193
http://www.magazine-avantages.fr/,grace-kelly-inspire-la-mode,177298.asp

77
Figure 28: Grace Kelly lors d'une de ses apparitions publiques avec sa fille et son sac Kelly

Aujourd’hui, de nombreuses stars apparaissent en photo dans les magazines avec des sacs
Hermès à leur bras. Le blog « The Purse Blog » recense toutes ces photos dans une rubrique
spécifique aux sacs Hermès. La personnalité qui possède à ce jour le plus de sacs Hermès est
Victoria Beckham, elle en possèderait plus d’une centaine, Kelly et Birkin confondus. Bien
sûr, de nombreuses autres personnalités apparaissent également en photo avec des sacs
Hermès, parmi elles, les sœurs Kardashian, Lindsay Lohan etc.

Figure 29: Victoira Beckham avec un sac Kelly tricolore 194

On peut aujourd’hui voir le sac Kelly dans de nombreuses séries, et de nombreux films, parmi
lesquels on peut citer la série révolutionnaire en matière de tendances : Gossip Girl. L’actrice

194
http://www.purseblog.com/hermes/victoria-beckham-with-her-hermes-kelly.html

78
Kelly Rutherford, qui détenait l’un des rôles principaux dans la série et qui est aujourd’hui
reconnue pour son style chic et classique, s’affiche également très souvent en dehors des
plateaux avec son extensive collection de sacs et accessoires Hermès.

Figure 30: Le sac Kelly au bras du personnage de Lily (joué par Kelly Rutherford) dans un épisode de
« Gossip Girl »195

I) Un produit porté par une marque emblématique : Hermès

Avec près de 180 ans d’existence et un rayonnement international, la maison Hermès est
aujourd’hui une des plus représentatives du luxe authentique à la française. Alliant à merveille
tradition et modernité, la marque a su se renouveler tout en conservant sa relation avec le
monde équestre, son indépendance et ses racines familiales, et son lien indéfectible avec le
secteur de l’artisanat. Le sac Kelly est l’exemple le plus réussi de cette évolution toute en
cohérence, et le succès de ce produit emblématique bénéficie à la réputation d’excellence de
cette marque historique.

1) Une marque authentique à l’ADN stable

La maison Hermès a été créée en 1837 par Thierry Hermès (1801-1878) : le maître artisan
harnacheur sellier fonde sa première manufacture dans le quartier de la Madeleine à Paris.
Reprise par son fils, Charles-Emile Hermès au milieu du 19e siècle, la maison diversifie sa
production en restant fidèle à l’univers hippique : accessoires d’équitation, couvertures de
cheval, casaques de courses en soie … et s’installe dans son flagship store historique de la rue
du Faubourg-Saint-Honoré dès 1880. Les écuries de l’aristocratie internationales viennent se
fournir dans ce repère légendaire.

195
http://forum.purseblog.com/hermes/hermes-in-gossip-girl-386540.html

79
Au début du XXe siècle, la marque commence à produire des sacs en cuir afin de transporter
les affaires du cavalier, notamment l’ancêtre du Kelly, le fameux sac « Haut à Courroies », et
les petits fils de Thierry Hermès, Adolphe et Emile-Maurice, anticipent le développement des
transports et l’évolution des modes de vie en se lançant dans la bagagerie, tout en conservant
un travail du cuir proche de l’artisan harnacheur-sellier avec le fameux « point sellier ». Les
sacs se font de plus en plus petits pour s’adapter aux formats des nouveaux véhicules,
notamment la voiture. Le style Hermès, épuré, authentique, pratique, et digne héritier de la
tradition hippique est né.196

Dans les années 1920, la maison continue à diversifier son activité en se lançant dans le prêt-
à-porter masculin et féminin, l’horlogerie, la joaillerie, les accessoires de sport, les objets de
décoration. Dans les années 1930, la maison Hermès sort ses premiers carrés de soie. Robert
Dumas crée le « Sac à Dépêches » qui sera rebaptisé en 1956 « Kelly ». La maison se lance
également dans le parfum en 1951 avec l’Eau d’Hermès.

Jean-Louis Dumas-Hermès, petit-fils de Thierry Hermès, est la figure la plus emblématique


du développement de la maison : il est resté à la tête d’Hermès entre 1978 et 2006 et a fait du
sellier une des plus prestigieuses marques de luxe au monde. C’est lui qui a introduit Hermès
en bourse en 1993197, la marque dépasse aujourd’hui les 2 milliards d’euros. Il a
internationalisé la marque, qui possède aujourd’hui 315 boutiques à travers le monde198.

Jean-Louis Dumas disait : « Notre premier client, c’est le cheval ; le deuxième, c’est le
cavalier ». Ainsi ce personnage légendaire a développé la maison en restant fidèle à l’univers
du cheval, et au travail du cuir, tout en la modernisant, la diversifiant, et l’internationalisant.
Le sac Kelly est l’exemple le plus représentatif de cette évolution, mais on pourrait également
citer le sac Birkin créé en 1984, pour lequel il a fait appel directement à Jane Birkin.

Afin de diversifier la marque, Jean-Louis Dumas fait l’acquisition du bottier John Lobb, de
l’orfèvrerie Puiforcat, de la soierie Bucol, du chapelier Motsch, et prend des participations
minoritaires dans la maison Jean-Paul Gaultier, Leica, et les horlogers suisses Vaucher
Manufacture Fleurier, et Joseph Erard Holding. Jean-Paul Gaultier lui-même, qui a été
pendant un temps directeur artistique de la maison, ne tarissait pas d’éloges à son sujet : « Il
fut le prototype de l'homme des Lumières, un gentilhomme éclairé, curieux et ouvert, français
et international, plein de courtoisie et d'humour. Un grand homme. 199»

Aujourd’hui encore, Hermès est une maison familiale, dirigée par ses 3 familles héritières :
Guerrand, Dumas et Puech. Son activité se compose de :
- maroquinerie/sellerie
196
BLAY, J.-P., “La maison Hermès du dernier siècle du cheval à l’ère de l’automobile : une histoire sociale de la
consommation urbaine à l’époque contemporaine » in Société française d’histoire urbaine, 2005/1, n°12, pages
69 à 88
197
http://www.lefigaro.fr/societes/2010/05/02/04015-20100502ARTFIG00122-l-ancien-president-d-hermes-jean-
louis-dumas-est-mort-.php
198
Hermès, Rapport annuel 2013, Présentation du groupe, Rapport d’activité, p.65
199
http://www.lefigaro.fr/societes/2010/05/02/04015-20100502ARTFIG00122-l-ancien-president-d-hermes-jean-
louis-dumas-est-mort-.php

80
- vêtements et accessoires
- soie et textiles
- parfums
- horlogerie
- art de la table
- autres200

Figure 31: Chiffre d'affaires par métier 2013 (2012), extrait du rapport d'activité 2013

Elle représente l’élégance et le bon goût à la française, et met en avant des valeurs
d’excellence et de qualité irréprochables et son travail artisanal, comme le démontre encore sa
campagne de 2011 : « Hermès, artisan contemporain ».201

200
Hermès, Rapport annuel 2013, Présentation du groupe, Rapport d’activité, p.20
201
http://sparklingmarketing.wordpress.com/2012/04/06/hermes175-ans-et-toujours-dans-la-course/

81
Figure 32: Campagne "Hermès, artisan contemporain depuis 1837", été 2011 202

La maison bénéficie du label « Entreprise du patrimoine vivant »203, et appartient au fameux


Comité Colbert, qui a pour mission de faire rayonner l’art de vivre « à la française »204.
Bernard Malek, du cabinet de conseil en stratégie Roland Berger résume ainsi la stratégie de
la maison « Contrairement à LVMH ou PPR (NDLR : aujourd’hui Kering), qui misent
beaucoup sur le marketing, Hermès ne vise que l’excellence des produits. Leur coût de
production n’a aucune importance. »205

Exemple de diversification cohérente : la percée d’Hermès dans le monde de l’horlogerie

Sous l’impulsion de Jean-René Guerrand et Robert Dumas, la maison se tourne vers les
métiers de l’horlogerie dans les années 1920 avec la création de la montre Ermeto en
collaboration avec Movado en 1928. Les années 1930 sont marquées par de nombreuses
collaborations avec des spécialistes de l’horlogerie suisse comme Vacheron Constantin ou
encore Jaeger-LeCoultre, avec qui la maison créera la montre Etrier dans les années 1960.206

Face au succès du sac Kelly, la maison décide de créer une montre inspirée de ce modèle en
1975. En 1978, Jean-Louis Dumas crée même une filiale consacrée à l’horlogerie suisse à
Brienne, et la marque recommence à puiser son inspiration dans l’univers équestre avec les

202
http://www.buzz2luxe.com/2011/02/hermes-artisan-contemporain-depuis-1837/
203
« Le label Entreprise du Patrimoine Vivant (EPV) est une marque de reconnaissance de l’Etat mise en place
pour distinguer des entreprises françaises aux savoir-faire artisanaux et industriels d’excellence. » (Source :
http://www.patrimoine-vivant.com/)
204
« Créé en 1954, le Comité Colbert rassemble 78 maisons françaises de luxe et 14 institutions culturelles. Elles
œuvrent ensemble au rayonnement international de l'art de vivre français. » (Source:
http://www.comitecolbert.com/comite_colbert.html)
205
http://lexpansion.lexpress.fr/actualite-economique/hermes-la-strategie-du-pre-carre_1423550.html
206
Hermès, Rapport annuel 2013, Présentation du groupe, Rapport d’activité, p.15-19

82
modèles Sellier et Rallye, rappelant la forme du mors du cheval. Les années 1990 sont
marquées par les inspirations Art Déco avec le modèle Cape Cod, qui sera revisité par Martin
Margelia en 1998, puis L’heure H en 1997, en forme de H pour rappeler un des symboles de
la maison. Le modèle Dressage est créé en 2003 afin de célébrer les 25 ans de la filiale suisse.

Jean-Louis Dumas n’a pas hésité, pour réussir dans le domaine de l’horlogerie tout en restant
fidèle à l’ADN de la marque, à puiser son inspiration dans les thématiques chères à la maison
Hermès : le cheval, mais aussi le voyage, en gardant des formes épurées, et un travail du cuir
bien spécifique, cousu main avec le fameux « point sellier », et à s’entourer des plus grands
spécialistes en faisant l’acquisition de 25% du capital de Vaucher Manufacture Fleurier puis
32,5% de Joseph Erard Holding, afin d’avoir les plus beaux mouvements suisses, et en
mettant à la tête de la filiale suisse Luc Perramond, spécialiste du métier auparavant chez Tag
Heuer et H. Stern.

Exemple de stratégie de communication Hermès : le parfum « Voyage d’Hermès »

Le parfum « Voyage d’Hermès », classé parmi les parfums masculins mais d’essence
profondément unisexe, a été lancé en 2008.207

Figure 33: Campagne "Voyage d'Hermès", 2008208

Ce parfum doit son succès à trois personnages clefs :

207
http://sparklingmarketing.wordpress.com/2012/04/06/hermes175-ans-et-toujours-dans-la-course/
208
http://www.parfumo.de/Parfums/Hermes/Voyage_d_Hermes

83
- Jean-Claude Ellena, nez de la maison Hermès, qui a conçu ce parfum comme un
voyage intérieur209, et lui a donné une composition unisexe par essence en alliant
fraîcheur et notes épicées et citronnées.
- Philippe Mouquet, designer, qui a conçu le flacon du parfum : ce flacon, d’inspiration
équestre en forme d’étrier tournant autour d’un axe en forme de clou de selle 210,
apporte du mouvement à la fragrance, et ne va pas sans rappeler le tour du monde
suggéré par le nom du parfum « Voyage » et le spot accompagnant la campagne.

Figure 34: le flacon du parfum "Voyage d'Hermès" conçu par le designer Philippe Mouquet 211

- Eric Valli, photographe et réalisateur, qui a conçu la campagne accompagnant le


lancement de ce parfum212. Cette campagne est très typique de la communication
habituelle d’Hermès : avec pour seules égéries un cheval et un oiseau, résolument
entre terre et ciel, le spot emmène le téléspectateur dans une épopée à travers le
monde, où se succèdent banquise, désert, mer etc. Cela rappelle que le voyage a
toujours été une source d’inspiration pour la maison : de sa diversification dans le
domaine du bagage au début du XXe siècle à ses collaborations avec EADS sur un
hélicoptère Hermès, ou Wally sur un yacht Hermès213. Le site web immersif
accompagnant ce lancement est conçu comme un voyage intérieur et une « invitation
au rêve » : un concours propose de « réaliser ses rêves » qui sont alors illustrés et
animés par la maison sous forme de livre interactif214.

2) L’apport du Kelly à la réputation de la marque Hermès

Le sac Kelly est aujourd’hui l’un des symboles les plus forts de la maison Hermès. Il assure la
visibilité de la marque, sans même parler de placement de produit, en se pavanant chaque jour
fièrement au bras de milliers de femmes dans le monde entier. Investissement sur le long-
terme et gage de style et de classe intemporel, il est le genre d’objet qu’une mère peut
imaginer transmettre à sa fille, un must-have et une récompense pour toute femme aux

209
http://www.voyagedhermes.com/fr/fr_FR/#/creation-hermes/fragrance
210
http://www.voyagedhermes.com/fr/fr_FR/#/creation-hermes/fragrance
211
http://www.superparfum.ru/mod_item_2268-hermes_voyage_d%60hermes.html
212
http://www.voyagedhermes.com/fr/fr_FR/#/creation-hermes/fragrance
213
http://sparklingmarketing.wordpress.com/2012/04/06/hermes175-ans-et-toujours-dans-la-course/
214
http://www.voyagedhermes.com/fr/fr_FR/#/homepage/

84
objectifs de vie ambitieux. Le prix à débourser et la patience nécessaire pour faire
l’acquisition de cet objet en font un véritable accomplissement personnel.

Entre modernité et tradition, ce sac a su contribuer à la légende de la maison Hermès, et


notamment à sa transition d’un monde hippique à un monde moderne, mobile et urbain. Il
s’inscrit aussi dans un monde glamour, grâce à l’actrice et la princesse Grace Kelly, icône de
beauté tragiquement disparue, et à son lien indéfectible avec la principauté de Monaco.

Pour Mazzalovo et Chevalier, le produit est la concrétisation de la relation entre son


propriétaire et la marque : il induit un lien affectif, une relation de confiance, entre le
consommateur et la marque.215 Le sac Kelly est un exemple du savoir-faire de la maison
Hermès. Ce lien affectif se manifeste, entre autres, par le côté unique et « sur-mesure » de
chaque sac Kelly.
Confectionné à la main par un seul artisan dans les plus beaux cuirs du monde, sa qualité et
son style épuré en font une « valeur sûre » jamais remise en question.

Figure 35: La fabrication artisanale du sac Kelly 216

215 e
CHEVALIER, M., MAZZALOVO, G., Management et Marketing du Luxe, Paris, Dunod, 2 édition 2011, p. 288
216
http://stelda.blogspot.fr/2013/04/strategie-d-hermes-luxe.html

85
Figure 36: Un sac fabriqué "de A à Z" par un seul artisan 217

Figure 37: Le patron découpé à la main du sac Kelly218

Cette méthode de confection légendaire confère à la maison Hermès un statut d’outsider :


c’est une des dernières maisons familiales, françaises, et artisanales, ce qui lui vaut la
confiance d’une clientèle de fidèles, et une réputation d’excellence auprès d’un large public.

Le sac Kelly est aussi pour les directeurs artistiques d’Hermès un terrain d’expression
privilégié : les directeurs artistiques les plus emblématiques de la maison Hermès, Martin
Margiela (1997-2003), Jean-Paul Gaultier (2004-2011) et Christophe Lemaire (2011-2014) se
sont essayés à revisiter ce modèle classique :

217
http://stelda.blogspot.fr/2013/04/strategie-d-hermes-luxe.html
218
http://stelda.blogspot.fr/2013/04/strategie-d-hermes-luxe.html

86
Figure 38: Le Kelly en plastique, imaginé par Martin Margiela à l'occasion de l'exposition Hermès "Un
voyage au pays des merveilles" 1997219

Figure 39: Le Shoulder Kelly, imaginé par Jean-Paul Gaultier en 2004220

219
http://stelda.blogspot.fr/2013/04/strategie-d-hermes-luxe.html
220
http://stelda.blogspot.fr/2013/04/strategie-d-hermes-luxe.html

87
Figure 40: Le Kelly Flat, imaginé par Jean-Paul Gaultier en 2007221

Figure 41: Le Kelly papier, dont le patron est téléchargeable sur le site de la maison depuis 2008222

221
http://stelda.blogspot.fr/2013/04/strategie-d-hermes-luxe.html
222
http://www.thetrendygirl.net/2008/05/free-hermes-kelly-bag.html

88
Figure 42: Le patron du Kelly papier223

Figure 43: Le PicNic Kelly en cuir et rotin, imaginé par Christophe Lemaire en 2011224

223
http://www.thetrendygirl.net/2008/05/free-hermes-kelly-bag.html
224
http://stelda.blogspot.fr/2013/04/strategie-d-hermes-luxe.html

89
Figure 44: Déclinaisons du Kelly avec des ingrédients de pique-nique (Christophe Lemaire 2011)225

J) L’attitude des vendeurs chez Hermès : part d’une stratégie ou distance imposée
par le luxe ?

Cette enquête est composée de deux parties complémentaires : une enquête client-mystère
menée dans les magasins Hermès, afin de tester l’attitude des vendeurs, et un entretien semi-
directif avec un responsable d’une boutique Hermès. Le but est de mettre à nu des régularités
entre les attitudes des vendeurs auprès des clients, plus particulièrement à l’égard des requêtes
concernant le sac Kelly, et si cette attitude suit des instructions données par la direction
marketing de la maison, supposée partie intégrante d’une stratégie de distribution sélective
cohérente avec l’exclusivité de ce produit.

1) Enquête client-mystère

Le principe de l’enquête client-mystère nous vient des Etats-Unis. Elles ont à l’origine pour
but de mesurer l’écart entre la qualité voulue et la qualité réelle, c’est-à-dire la différence
entre le service escompté et le service constaté en boutique.

L’idée de cette enquête était d’observer les réactions des vendeurs dans les boutiques Hermès
en se faisant passer pour des clients : cela permet de savoir, selon le profil du client, s’ils sont
surpris par la demande, s’ils font toujours preuve de la même courtoisie, et s’ils répondent
toujours à la demande avec autant de sérieux et de professionnalisme.

225
http://www.blabladelili.com/mode/la-campagne-hermes-du-sac-kelly-picnic/

90
Le premier but de la grille d’enquête client-mystère est d’identifier le profil du client : son âge
(classé par tranches d’âges), son genre, sa tenue (qui selon l’hypothèse de départ peut affecter
la réaction du vendeur), et s’il possède des signes distinctifs (accent, marque de richesse,
handicap, qui peuvent aussi influencer la réaction du vendeur). Dans un second temps, il est
demandé au client d’être très attentif lors de sa visite : il doit observer chaque mimique du
vendeur, retenir ses réponses. Il peut par exemple chronométrer le temps que peut mettre un
vendeur à venir lui demander s’il désire un renseignement : cette information est très utile
pour estimer la crédibilité que le vendeur attribue au client. Dans ce but, un maximum de
profils différents a été utilisé pour cette enquête.
La grille divise la visite en 5 étapes :
- « Premier contact », qui permet au client d’évaluer la manière dont il est reçu dans le
magasin
- « Lors de la prise de contact », qui permet au client d’émettre un premier jugement sur
le vendeur et la crédibilité qu’il lui accorde
- « Attitude par rapport au produit : demande de renseignements par rapport au Kelly de
Hermès », cette partie, la plus importante, permet au client d’évaluer la réaction du
vendeur par rapport aux demandes concernant le produit lui-même
- « Au revoir », qui permet d’évaluer la conclusion de la visite
Chaque section est composée de plusieurs propositions notées de 1 à 5 de « pas du tout
d’accord » à « totalement d’accord ».
Ensuite, la section « Commentaires généraux sur la visite » permet au client de s’exprimer, et
de renseigner toutes les informations qui lui sont apparues utiles au cours de sa visite (par
exemple, son temps d’attente, ou s’il y a eu échange de cartes de visites etc.). J’ai décidé de
compiler les résultats de cette enquête sur un formulaire Google Drive afin de pouvoir utiliser
les données statistiques et les graphiques produits.

Grâce à cette enquête, j’ai pu recueillir 15 réponses sur une période de 4 mois, en majorité à
Paris, mais également en province, et une à l’étranger.

Figure 45: Lieu de l'enquête, figure réalisée par l'auteur sur Google Drive

La majorité des volontaires ont entre 18 et 25 ans (moi-même et mes amis qui ont le même
âge que moi), généralement issus des classes moyennes à supérieures et qui possèdent en
conséquence des signes de richesses extérieurs (bijoux, montres, vêtements de marques,
présent chez 12 répondants sur 15 soit 86%), et des marqueurs de classe sociale (langage,
distinction, etc.).

91
Figure 46: Âge du client-mystère, figure réalisée par l'auteur sur Google Drive

Cette étude s’est avérée difficile à réaliser car les boutiques Hermès ne se trouvent qu’au
centre de quelques grandes villes, et les volontaires se sont faits rares, généralement intimidés
à l’idée de se rendre en boutique et demander un produit aussi cher et prestigieux.

Le vendeur adopte dans tous les cas un ton très cordial voire aimable, et utilise en priorité des
formules personnalisées, peu importe l’âge ou la classe sociale présumée du client.

Figure 47: Ressenti du ton du vendeur, figure réalisée par l'auteur sur Google Drive

Figure 48: Formulation des phrases du vendeur, figure réalisée par l'auteur sur Google Drive

92
Le vendeur dit bonjour et demande si le client désire un renseignement quasi-
systématiquement, sauf si la boutique est bondée, comme c’est souvent le cas dans la boutique
de la rue du Faubourg-Saint-Honoré.

Figure 49: Spontanéité du "Bonjour" du vendeur, figure réalisée par l'auteur sur Google Drive

Il répond toujours sérieusement à la demande, et paraît même rarement étonné par celle-ci
(« Le vendeur est surpris par la demande » noté 5 « totalement d’accord » à 13%), ce qui
laisse penser qu’il est formé dans ce sens par sa hiérarchie.

Figure 50: Sérieux de la prise en charge du vendeur, figure réalisée par l'auteur sur Google Drive

Cependant, et cela apparaît plutôt dans la section « Commentaires généraux sur la visite », le
vendeur répond avec plus ou moins de « zèle » selon l’âge et la classe sociale imaginée du
client : un couple de plus de 50 ans présentant de nombreuses marques de richesses a
bénéficié de nombreux renseignements complémentaires (carte de visite, renseignements sur
la commande, essayage de plusieurs modèles etc.) alors qu’une femme de 22 ans seule a
obtenu les réponses à ses questions mais sans plus.

93
2) Entretien semi-directif

Afin de confirmer ou d’infirmer les hypothèses soulevées par l’enquête client-mystère, il


m’est paru intéressant de poser quelques questions à un responsable marketing ou un
responsable boutique de la maison Hermès.
Pour les contacter, j’ai employé plusieurs moyens :
- J’ai d’abord essayé de les joindre par email, grâce aux adresses que j’ai pu récupérer
grâce à mon stage, et par le formulaire sur leur site institutionnel
- J’ai ensuite essayé de les joindre par courrier, en envoyant une lettre accompagnée du
questionnaire et du résumé de ce mémoire au service Communication de la maison
- J’ai ensuite essayé de contacter des connaissances travaillant chez eux, ou connaissant
des personnes travaillant chez eux
Les responsables sont très secrets et impossibles à joindre. Devant l’échec de ces multiples
tentatives, j’ai décidé d’essayer de m’adresser à un responsable boutique directement dans
une boutique Hermès. Ma première tentative, au magasin de l’avenue Georges V, plus près de
chez moi et que j’espérais moins fréquenté, n’a pas été concluante : la vendeuse qui m’a
répondu, bien que très aimable, ne pouvait pas répondre à mes questions et m’a conseillé de
m’adresser à la boutique du Faubourg-Saint-Honoré.

J’ai profité de mon passage à Toulouse pour essayer à la boutique de la rue des Arts, dans
l’espoir que les vendeurs seraient plus disponibles.
C’est là que j’ai pu avoir les réponses que j’attendais. Une vendeuse nommée Anne-Laure a
accepté de répondre à quelques questions, ses réponses, que j’ai enregistrées avec un
dictaphone, ont été retranscrites en annexe de ce mémoire. Malgré tout, j’ai du un peu insister
pour avoir certaines réponses, et écourter mon questionnaire car l’entretien se déroulait dans
la boutique.
Selon elle, les vendeurs Hermès n’ont pas de formation particulière : bénéficiant d’une
expérience dans la vente de produits de luxe, c’est leur intérêt pour la maison qui fait la
différence. Si on leur apprend à répondre aux questions d’une clientèle « exigeante », ils ont
en revanche pour consigne de répondre sérieusement à toutes les demandes, sans analyser le
client (ce sur quoi elle a insisté). De plus, si les vendeurs sont évidemment formés par la
maison à connaître les produits sur le bout des doigts, ils doivent en règle générale tout
connaître et pouvoir passer d’un département à l’autre dans problème : seule la boutique du
Faubourg fait exception à cette règle.
De plus, le Kelly étant un produit rare et exceptionnel, toutes les boutiques ne bénéficient pas
d’un modèle en exposition, c’est même « assez rare » à Toulouse.

Ces réponses confirment dans l’ensemble mes hypothèses tirées de l’enquête client-mystère.
Malgré l’insistance de la vendeuse, l’enquête client-mystère prouve que, même les vendeurs
répondent sérieusement à toutes les demandes, ils vont plus loin avec certains clients qu’ils
jugent plus « sérieux ».

94
3) Conclusions de l’enquête

L’attitude des vendeurs Hermès, aimable mais très professionnelle, renvoie à une stratégie de
distribution sélective de la part de la maison Hermès.

Ce produit, très sélectif, bénéficie d’une distribution réduite pour plusieurs raisons :

- des raisons économiques d’abord : le volume des ventes de ce sac est réduit à cause de
raisons que j’ai développées tout au long de ce mémoire : les plus beaux cuirs mais
aussi les plus rares, une fabrication à la main, des commandes sur-mesure etc.
- Mais surtout des raisons stratégiques : les points de vente sont en accord avec la
qualité du produit : sélectifs et prestigieux
- Et des raisons psychosociologiques : cette distribution très sélective maintient le
nécessaire sentiment d’exclusivité que dégage ce produit.226

Il n’est possible de commander le fameux sac Kelly que dans l’une des 315 boutiques
exclusives de la marque à travers le monde, mais certaines de ces boutiques, généralement les
plus prestigieuses, sont plus spécialisées dans la vente de ce produit : c’est le cas du flagship
store de la rue du Faubourg-Saint-Honoré où il existe un « corner » dédié à ce produit et
plusieurs sacs sont disponibles à l’essayage.

La situation de ces boutiques elle-même est stratégique : implantées que dans des métropoles
régionales ou des capitales, elles ne sont situées que dans des quartiers prestigieux. Par
exemple, à Paris, il y a 3 boutiques : une sur l’avenue Georges V, en face de l’imposante
boutique Louis Vuitton ou du joaillier Bulgari, à quelques dizaines de mètres du Fouquet’s et
à deux pas des Champs Elysées, une sur la rue du Faubourg-Saint-Honoré, à deux pas de la
Madeleine, mais aussi du Palais de l’Elysée, et avec pour voisins les plus grandes marques de
luxe. La 3e boutique parisienne a un statut un peu particulier : il s’agit de la 1ère boutique de
l’enseigne située sur la rive gauche. Dans le quartier non moins prestigieux du 6e
arrondissement, la boutique, ouverte en 2010, a été construite dans l’ancienne piscine Lutetia,
classée Monument Historique, et rebaptisée « Le Plongeoir ».

226 e
ALLERES, D., Luxe… Stratégies-Marketing, Paris, Economica, 2 édition 1997, « d. Une distribution
sélective », p. 107-108

95
Figure 51: Intérieur de la boutique Hermès de la rue de Sèvres "Le Plongeoir" 227

L’environnement interne de la boutique a également son importance : la décoration, les


vitrines et le matériel promotionnel doivent être raffinés et soignés afin de compléter
l’expérience de luxe et d’exclusivité que doit procurer l’achat. J’ai également remarqué que,
selon les boutiques, les vendeurs laissent le temps au client de « jeter un œil » aux autres
produits : l’assortiment des produits au sein de la boutique est laissé à l’appréciation du
responsable de la boutique qui va mettre certains produits en avant par rapport à d’autres en
fonction de critères sociologiques et culturels et de son expérience personnelle.

Ce qui nous amène au dernier critère de distribution et l’objet de cette enquête : les vendeurs.
Discrets, les vendeurs adoptent un langage cordial et professionnel. A cause de la diversité de
la clientèle, ils doivent également maîtriser plusieurs langues. Ce que l’on pourrait prendre
pour de la froideur, ou même du snobisme, est en réalité une réserve nécessaire au traitement
d’une clientèle très exigeante, issue généralement des classes sociales les plus élevées. S’ils
sont capables de détecter les signes de richesses (extérieurs mais aussi les marqueurs de classe
sociale comme le comportement et le langage), ils répondent sérieusement à toutes les
demandes (malgré une plus grande implication en fonction de l’interlocuteur). Tous ces
éléments participent à rendre l’expérience d’achat de ce produit mythique la plus
exceptionnelle possible pour son acquéreur, afin de lui procurer un sentiment
d’exceptionnalité et d’exclusivité indispensable à la vente d’objets de luxe.

227
http://www.gillespudlowski.com/11941/rendez-vous/levenement-hermes-paris-6e

96
Conclusion générale

Un ami travaillant dans le marketing m’a dit un jour alors que je lui parlais de mes
perspectives rêvées de carrière dans le marketing de la maroquinerie de luxe « Pour bien le
vendre, il ne faut pas être amoureux de son produit » : je suppose qu’en écrivant ce mémoire,
je n’ai pas vraiment suivi son conseil. Fascinée depuis toujours par le luxe, dans lequel j’ai
pour ambition de me réaliser professionnellement, j’ai voulu choisir comme exemple un
produit, pourtant assez méconnu du grand public, qui véhicule les valeurs qui m’ont séduite
dans le domaine du luxe : l’artisanat, le perfectionnisme, la discrétion, le rêve et le glamour.

Depuis son origine, le marketing du luxe est une véritable énigme : contradictoire avec le
principe même du luxe, son existence même est sans cesse remise en question, les marques de
luxe se défendant même de faire appel à ses techniques de rationalisation commerciale.

Alors les marques de luxe font-elles véritablement appel aux techniques du marketing ?
Existe-t-il réellement un marketing propre au secteur du luxe ? Ou le luxe décline-t-il les
techniques du « marketing classique » ?

Ce mémoire a tenté de répondre partiellement à ces questions en étudiant les stratégies


marketing mises à l’œuvre dans le cas du Kelly d’Hermès, produit de luxe authentique par
excellence. Si on voit que la maison Hermès a fait appel à certaines techniques du marketing
classique, notamment le principe des 4P : un produit conçu dans le plus grand soin, le
meilleur goût, et les plus beaux matériaux, un prix étudié, une distribution sélective dans des
lieux prestigieux, et une communication confidentielle, basée sur les relations extérieures, la
rumeur et le bouche à oreille.

C’est l’imaginaire de ce produit, toujours entouré d’un certain mythe et d’une certaine magie,
qui fait la différence entre ce sac et un autre. Le coup de foudre de Grace Kelly pour ce
modèle, résultant du placement de produit conclu par Hermès dans « La Main au Collet », les
efforts de la maison Hermès pour moderniser ce produit traditionnel, ce moment unique
photographié en 1956, ont changé à jamais son destin et même son nom, et ont fait de ce sac
vieillissant une icône du luxe intemporel, liée à l’histoire d’une star tragiquement disparue,
d’une principauté au glamour hollywoodien, et d’une des plus grandes maisons de luxe
traditionnel françaises.

Pour le Kelly, au-delà de la stratégie-marketing, on peut aujourd’hui parler d’une véritable


stratégie de « mythification », à la fois délibérée, calculée mais aussi parfois hasardeuse et
incertaine, qui reste auréolée de mystère.

Pas facile tous les jours d’écrire un mémoire sur une maison qui entretient la culture du
secret : dirigeants inaccessibles, informations imprécises voire contradictoires… Mon enquête
client-mystère, même si elle n’est pas forcément concluante en termes de résultats, m’a au
moins permis d’apprendre beaucoup d’informations sur ce modèle légendaire de sources
fiables. Avoir l’honneur d’essayer quelques-uns de ces sacs a également été un grand plaisir
pour moi au cours de cette enquête.

97
La trajectoire du Kelly mêle stratégies délibérées de la maison et éléments liés au hasard qui
ont bouleversé à jamais son destin. En moins de 100 ans d’existence, ce sac est passé
d’accessoire équestre à sac à main de ville, chic et intemporel, il a été décliné dans toutes les
couleurs, toutes les matières et toutes les tailles, copié sans vergogne par des organisations
peu scrupuleuses, et surtout désiré, réinventé, acheté, revendu par des millions de femmes à
travers le monde.

Pendant les derniers moments de la rédaction de ce mémoire, beaucoup de choses ont changé
au sein de la maison Hermès :

- Christophe Lemaire, directeur artistique depuis 2011, a quitté la maison pour lancer sa
propre griffe.
- C’est Nadège Vanhee-Cybulski qui a été choisie pour le remplacer : cette ancienne
directrice artistique de Martin Margiela, Céline, et The Row s’inscrit parfaitement
dans la philosophie de la marque. La manière dont elle saura se réapproprier le sac
Kelly sera déterminante dans son implication au sein de la maison.
- Le sac à main Kelly a encore battu des records aux enchères, ce qui confirme sa
popularité.

Jonglant habilement entre tradition et modernité, la maison Hermès a su faire de son Kelly sa
figure de proue, un de ses produits phare, qui contribue aujourd’hui à son rayonnement et à sa
réputation d’excellence à travers le monde.

Pour moi, il existe autant de stratégies-marketing du luxe que de produits de luxe, tant chaque
produit diffère par sa personnalité et son imaginaire. Par exemple, le sac Birkin d’Hermès, le
plus vendu par la marque en France, possède le même statut iconique que le sac Kelly, mais il
résulte d’une stratégie bien différente : ce sac est la parfaite incarnation de la stratégie de
modernisation de Jean-Louis Dumas dans les années 1980.

Contrairement au sac Kelly qui a évolué à travers les époques, et connu des hauts et des bas,
le sac Birkin a été conçu dès son origine comme un sac moderne, et comme une icône, et n’a
pas connu toute cette trajectoire de mythification et de modernisation. Il reste néanmoins
conçu avec le même savoir-faire artisanal, les mêmes touches chères à la marque empruntées
à l’univers équestre, et les mêmes cuirs d’exception.

Le sac Birkin serait aussi né d’une rencontre : celle de Jean-Louis Dumas, alors directeur
artistique de la maison Hermès, et de Jane Birkin, actrice, chanteuse et muse, en 1984 dans un
avion. La jeune mère fait alors part à l’artiste et gestionnaire de son besoin : un sac élégant,
mais aussi pratique, pour une femme moderne et active. Le Birkin sera le premier sac de luxe
créé par une célébrité.

Les marques de luxe se tournent aujourd’hui de plus en plus vers les agences de publicité
spécialisées dans le luxe, se détournant progressivement de l’hypothèse que les marques de
luxe n’ont pas besoin de marketing. Ces agences, en général issues des plus grandes agences
de publicité parisiennes (BETC, Publicis…) font appel aux mêmes métiers que la publicité
traditionnelle (gestion de projet, planning stratégique, création, webdesign…) mais n’ont pour

98
client que des marques de luxe et de « prestige » et mettent en avant un savoir-faire spécifique
à ces secteurs sélectifs, que ces professionnels ont appris auprès du client ou au cours de leurs
études. En effet, on voit apparaître de nombreuses formations universitaires spécifiques en
« Marketing du luxe » ou en « Management du luxe » : à la clé, intégrer les fonctions du
marketing et du management des plus grands groupes de luxe français et internationaux. C’est
une croyance populaire dans ce milieu qu’une fois qu’on intègre la grande famille du luxe, on
n’en sort plus jamais, passant avec aisance du côté annonceur au côté agence, et d’une
industrie à l’autre, mettant à profit ce fameux savoir-faire spécifique qui serait propre aux
marques de luxe. Ces éléments en avant l’hypothèse de l’existence d’un marketing spécifique
aux marques de luxe : le marketing du luxe.

Mais peut-on également parler de « marketing du luxe » dans le cas des produits de luxe
accessible, dont les prix et les volumes de ventes se rapprochent pourtant de la grande
distribution ? Ce sujet déjà largement débattu pourrait faire l’objet d’un nouveau mémoire.

99
Bibliographie

Ouvrages:

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l’emballage de luxe, n°100, Mai 2014, Retrospective – Prospective

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Autres :

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Monte Carlo »

Artcurial, Catalogue Vente Hermès Vintage du Jeudi 24 Juillet 2014 à 10h30, Monte-Carlo,
Hôtel Hermitage

Contribution du Comité Colbert à la consultation lancée par la Commissaire Vassiliou sur le


Livre Vert – « Libérer le potentiel des industries culturelles et créatives ». Numéro
d’identification dans le Registre des représentants d’intérêts de la Commission européenne :
62379572263-63

Comité Colbert, Rapport 2013

Cours de 5e année à Sciences Po Toulouse « Communication et Marketing » de J.-M.


Décaudin

Dictionnaire Larousse

Etude : DE BARNIER, V., FALCY, S., VALETTE-FLORENCE, P., Comment mesurer les
perceptions du luxe ? Une comparaison entre les échelles de Kapferer (1998), de Vigneron et
Johnson (1999), et de Dubois et al. (2001).

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LANTERI, C. dir. LEFLOCH, Y., Mémoire de fins d’études : Art et luxe : du mécénat à
l’artketing, Sciences Po Aix, 2011

Le Nouveau Petit Robert de la Langue Française, Paris, Editions Dictionnaires Le Robert,


2006

104
Personnes citées DUCASSE Alain
DUMAS, Jean-Louis
ACHARD, Marcel DUMAS-HERMÈS, Robert
AGUILERA, Christina DUMONT, Santos
ALLÉNO, Yannick DURAND, Sabine
ALLÉRÈS, Danielle ELIAS, Norbert
ALLPORT, Gordon Willard ELLENA, Jean-Claude
ARNAULT, Bernard ESCOFFIER, Auguste
ATTIAS-DONFUT, Claudine FALCY, Sandrine
BAUDRILLARD, Jean FLANDÉ, Jean-Patrick
BEAUX, Ernest FLOCH, Jean-Marie
BECKHAM, David FORD, Henry
BECKHAM, Victoria FRANCESCHINI, Baptiste
BERGÉ, Pierre GAGNAIRE, Pierre
BERTELLI, Patrizio GAULT, Henri
BIRKIN, Jane GAULTIER, Jean-Paul
BLANCKAERT, Christian GEHRY, Frank
BOURDIEU, Pierre GEILER DE KAYSERBERG, Jean
BUGATTI, Ettore GILMORE, James
CARON, Gérard GREGOIRE, Vincent
CARTIER, Louis GREIMAS, Algirdas Julien
CASPER, Grégory GUERRAND, Jean-René
CASTARÈDE, Jean HEAD, Edith
CATRY, Bernard HERMÈS, Adolphe
CHANEL, Coco HERMÈS, Charles-Emile
CHEVALIER, Michel HERMÈS, Emile-Maurice
CHUNG, Alexa HERMÈS, Thierry
COLIN, Nathalie HITCHCOCK, Alfred
COOPER, Gary HORTON, J.W.
COPPOLA, Sophia HUYGENS, Christian
CORNETTE-DE-SAINT-CYR, Pierre JACOBS, Marc
COTILLARD, Marion JOBS, Steve
CREED, James Henry JOHNSON, L.W.
CURIE, Jacques L’Impératrice Eugénie
CURIE, Pierre KANT, Emmanuel
Darkplanneur KAPFERER, Jean-Noël
DE BARNIER, Virginie KARDASHIAN (sœurs)
DE CHAMPFLEURY, Pierre KELLY, Grace
DE FELAINS, Jehan KIDMAN, Nicole
DE MÉDICIS, Catherine KURTI, Nicholas
DENEUVE, Catherine LAWRENCE, Jennifer
DIOR, Christian LE BAIL, Stéphanie
DUBOIS, Jean LEMAIRE, Christophe
DUBOIS, Pierre-Louis LÉVI-STRAUSS, Claude
LIPOVETSKY, Gilles Toutankhamon
LIU, Lucy VALETTE-FLORENCE, Pierre
LYNCH, Merill VALLI, Eric
MALEK, Bernard VAN DER KLAAUW, Christiaan
MALRAUX, André VANHEE-CYBULSKI, Nadège
MANET, Edouard VEBLEN, Thorstein
MARGIELA, Martin VEYRAT, Marc
MARTIN, Denis VIGNERON, Franck
MARX, Thierry Voltaire
MAZZALOVO, Gérard WILDE, Oscar
MILLAU, Christian YAMASHITA, Asafumi
MONROE, Marilyn
MORRISON, Warren Marques citées
MOUQUET, Philippe
Napoléon Ier APPLE
Le Pape Sylvestre II ASTON MARTIN
PERRAMOND, Luc AUDI
PERRIN, Alain-Dominique BACCARAT
PIGOT, Cyril BALMAIN
PINE, Joseph BELVÉDÈRE
PITT, Brad BENTLEY
POSTMAN, Leo BMW
POTARD, Donald BOLLINGER
Le Prince Albert II BOUCHERON
Le Prince Rainier BULGARI
La Reine Victoria CADILLAC
RITZ, César CAMPARI
ROBUCHON, Joël CARTIER
Le Roi François Ier CÉLINE
ROSE, Helen CHANEL
ROUX, Elyette CHAUMET
RUTHERFORD, Kelly CIROC
SAHOTA, Amarjit COACH
SAINT-LAURENT, Yves CREED
SARTRE, Jean-Paul DE BEERS
SAVOY, Guy DIOR
SHAKESPEARE, William DOM PÉRIGNON
SICARD, Marie-Claude EVIAN
SPEARS, Britney FENDI
SPROUSE, Stephen FERRARI
SÜNSKIND, Patrick FIAT
TARDE, Gabriel FORD
TAUTOU, Audrey G.H. MUMM
THIS, Hervé GIVENCHY
106
GOYARD OMEGA
GREY GOOSE PATEK PHILIPPE
GUERLAIN PERNOD ABSINTHE
H. STERN PETIT H
HARRY WINSTON PETRUS
HELENA RUBINSTEIN PIAGET
HERMÈS PORSCHE
INFINITI PRADA
JAEGER LE-COULTRE ROLLS ROYCE
JAGUAR SAINT-EMILION
KLORANE SONY
LA PRAIRIE SWAROVSKI
LAURENT-PERRIER TAG HEUER
LE FOUQUET’S TIFFANY & CO
LEXUS THE ROW
LONGCHAMP TOYOTA
LOUBOUTIN VACHERON CONSTANTIN
LOUIS VUITTON VAN CLEEF & ARPELS
MAISON KITSUNÉ VOLKSWAGEN
MASERATI WESTON
MAUBOUSSIN WORTH
MELLERIO YVES SAINT-LAURENT
MERCEDES ZARA
MICHAEL KORS
MICROSOFT
MOËT & CHANDON
MOUTON ROTTSCHILD
MOVADO
MULBERRY
NIKE
NISSAN

107
Annexes

1) Etude : DE BARNIER, V., FALCY, S., VALETTE-FLORENCE, P., Comment mesurer les
perceptions du luxe ? Une comparaison entre les échelles de Kapferer (1998), de Vigneron et
Johnson (1999), et de Dubois et al. (2001).
2) Rapport 2013, Comité Colbert
3) Grille enquête client-mystère
4) Questionnaire Hermès
5) Retranscription de l’entretien semi-directif avec Anne-Laure, vendeuse Hermès à Toulouse
6) Carte de visite (obtenue lors de l’enquête client-mystère) avec des exemples de prix
7) Lettre envoyée au service Communication de la maison Hermès
8) Réponse au courriel sur le site institutionnel de la maison Hermès

108
Comment mesurer les perceptions du luxe ?
Une comparaison entre les échelles de Kapferer (1998),
de Vigneron et Johnson (1999) et de Dubois et al. (2001)

Virginie de BARNIER
Professeur des Universités, IAE d’Aix en Provence, CEROG et CERAM, Nice
Virginie.De-Barnier@iae-aix.com

Sandrine FALCY
Maître de Conférences, IAE de Grenoble, CERAG
Sandrine.falcy@iae-grenoble.fr

Pierre VALETTE-FLORENCE
Professeur des Universités, IAE de Grenoble, CERAG et CERAM, Nice
pierre.valette-florence@iae-grenoble.fr
Comment mesurer les perceptions du luxe ?
Une comparaison entre les échelles de Kapferer (1998),
de Vigneron et Johnson (1999) et de Dubois et al. (2001)

Résumé : Cet article a pour objectif de comparer trois échelles de perception du luxe :
l’échelle de Kapferer (1998), de Vigneron et Johnson (1999) et de Dubois et al. (2001) dans
un contexte français. Notre étude s’appuie sur un échantillon de 501 personnes qui ont évalué
leur perception du luxe de cinq marques : Chanel et Mont Blanc pour le luxe accessible,
Rolex pour le luxe intermédiaire et Ferrari et Van Cleef & Arpels& Arpels pour le luxe
inaccessible. Diverses analyses ont été effectuées : analyses en composantes principales,
analyses factorielles confirmatoires, analyse des corrélations entre les dimensions des trois
échelles, analyses de variance, et enfin un test de la validité discriminante des trois échelles au
moyen d’analyses canoniques généralisées non linéaires. Cette recherche met en exergue
certains degrés de convergence entre les trois échelles ainsi que l’utilité de ces échelles pour
différencier les marques de luxe. Enfin, la validité prédictive de ces échelles a été vérifiée,
validant la différenciation des marques en trois niveaux de luxe.

Mots clés : Luxe, échelle, analyse factorielle confirmatoire, analyse de variance, analyse
canonique généralisée non linéaire.

Abstract: The objective of this article is to compare three luxury perception scales: Kapferer
(1998), Vigneron and Johnson (1999) and Dubois and al. (2001) in a French context. Our
study is based on a sample of 501 persons who evaluated their luxury perception of five
brands: Chanel and Mont Blanc for accessible luxury level, Rolex for intermediary luxury
level and Ferrari and Van Cleef & Arpels& Arpels for inaccessible luxury level. Diverse
analyses have been performed: principal component analyses, confirmatory factor analyses,
analyses of correlations between dimensions of the three scales, analyses of variance and
finally a test of the discriminant validity of the three scales by means of non linear generalized
canonical analyses. This research shows some convergences between the three scales as well
as the utility of these scales to differentiate luxury brands. Finally, predictive validity of these
scales was proved, validating the distinction of brands within three luxury levels.

Key words: Luxury, Confirmatory Factor Analysis, Analysis of Variance, Non Linear
Generalized Canonical Analysis.
Introduction

S’il est un secteur qui se porte économiquement bien aujourd’hui, c’est étonnamment le
secteur du luxe ! Générant plus de 150 milliards d’Euros de chiffre d’affaires mondial en
2007, la France occupe la première place internationale du secteur avec 33 % des parts totales
(le Nouvel Ouest, 2007)1, toutes les industries du luxe connaissent une croissance annuelle
forte que ce soit en valeur ou en volume. L’entreprise LVMH en est un bel exemple,
enregistrant début 2005 une augmentation de 10% de son chiffre d’affaire annuel (Le Point,
20052). Participant à la même tendance, au moment de fêtes de fin d’année 2006, les ventes
en France de montres haut de gamme affichant un prix compris entre 1000 et 2999 euros ont
progressé en volume de 20% (Les échos, 20073).
Pourtant, cette bonne santé financière n’empêche pas les spécialistes du domaine de poser un
diagnostic critique sur l’évolution du secteur (étude sur le luxe pour les Echos - agence G2
Paris, 20074) le qualifiant de « forteresse entamée » avec des frontières qui s’effritent et une
banalisation des marques de luxe. Deux raisons sont avancées par ces mêmes spécialistes pour
expliquer ce phénomène (IPSOS, étude sur le luxe pour les Echos - agence G2 Paris, 2007) :
• S’inscrivant dans une logique financière immédiate, les marques de luxe ont de plus
en plus recours à des pratiques de « mass-marketisation » qui se traduisent par un
« surmarketing » des attributs de la marque (extensions ou co-branding mal maîtrisées,
affichage publicitaire sans réserve, …) et des incohérences dans la conception du mix
(alliance de grands créateurs avec des enseignes de distribution de masse comme Karl
Lagerfeld avec H&M ou Castelbajac avec les 3 Suisses, …). Evoquant ce sujet, T.
Paquot (2007) parle de « démocratisation du luxe ». Le terme de « mastige » est
également apparu, afin d’évoquer des produits de luxe vendus en masse.

• Par ailleurs, les marques de consommation courante attirées par le secteur florissant du
luxe tentent parfois avec succès de rechercher une valorisation aux yeux du
consommateur en se différenciant des autres marque en utilisant les codes traditionnels
de l’industrie du luxe. Surfant intelligemment sur les nouvelles aspirations du
consommateur de produits de luxe, elles privilégient plus le plaisir de la
consommation à son côté ostentatoire. Le luxe est alors un simple « outil marketing
revendiqué pour sa symbolique ou sa dynamique permettant de donner aux marques

1
Le Nouvel Ouest, L’ouest cultive le luxe de demain, N° 140 - septembre 2007.
2
Le Point, Laser Economie : Actif, n°1715, 28 juillet 2005.
3
Les Echos, Les français craquent pour les montres de luxe, 2 février 2007.
4
Les Echos, Quand le luxe se joue des apparences, 23 mai 2007.
un point d’ancrage et d’échapper de fait à une concurrence trop forte » (Les échos,
2007)
Cette confusion autour du concept de luxe se retrouve également sur le plan de la recherche.
Le chercheur qui étudie le luxe se heurte le plus souvent à une difficulté liée à la confusion
qui existe entre trois concepts : produit haut de gamme, produit cher et luxe. Selon Alleres
(1991), le luxe est composé de trois univers : le luxe inaccessible, le luxe intermédiaire et le
luxe accessible constitué des déclinaisons de la marque. Cette typologie, bien que pertinente
sur un plan pédagogique, a contribué à accroître le flou entre les trois concepts dans la mesure
où une même marque peut être présente dans les trois niveaux.

Face à ces difficultés épistémologiques, il nous a semblé pertinent de nous détacher d’une
définition du luxe centrée sur les entreprises pour nous intéresser à la perception que le
consommateur a du luxe. Kapferer (1997) définit le luxe comme : « de l’art qui s’applique à
des objets fonctionnels. Telle la lumière, le luxe éclaire […] (Les objets de luxe) offrent
davantage que de simples objets : ils représentent la référence du bon goût. C’est pourquoi le
management du luxe ne doit pas dépendre uniquement des attentes du consommateur : les
marques de luxe sont animées par leur programme interne, leur vision globale, le goût
particulier qu’elles mettent en valeur, ainsi que la poursuite de leur propre standard … Les
objets de luxe procurent un plaisir supplémentaire et flattent tous les sens à la fois. »

Cette confusion potentielle dans l’esprit des consommateurs entre marques de luxe et autres
marques ainsi que les difficultés rencontrées par la recherche pour définir le concept de luxe a
ravivé l’intérêt des chercheurs pour une question longtemps peu explorée, peut-être parce qu’à
l’époque intuitivement évidente, mais qui depuis deux ou trois ans prend une acuité nouvelle
dans le contexte actuel : « Comment se définit une marque de luxe ? »

Apporter des éléments de réponse à cette question permettra d’avancer à la fois sur le plan
conceptuel, méthodologique et managérial. Sur le plan conceptuel, l’étude des facettes du luxe
et en particulier la décomposition de certaines facettes peut apporter un éclairage intéressant
quant à la perception du luxe par le consommateur. Sur le plan méthodologique, un travail de
comparaison des différentes échelles de mesure du luxe mérite d’être entrepris. Les échelles
proposées par les chercheurs à ce jour ne présentent pas les mêmes structures (Kapferer, 1998,
Dubois, Laurent et Czellar 2001, Vigneron et Johnson, 2004). Un travail permettant de
comparer ces échelles et d’élaborer d’une échelle globale de mesure du niveau perçu de luxe
pour une marque constituerait un véritable outil de gestion pour les marques de luxe. Enfin,
sur le plan managérial, répondre à cette question permettrait aux praticiens de mieux
comprendre l’essence même et les ressorts du luxe pour adapter et border leurs actions
marketing en fonction des spécificités de ce marché.

L’objectif de cet article s’inscrit donc dans cette problématique et poursuit trois objectifs :
Explorer les différentes échelles existantes de luxe perçu ;
Les valider dans un contexte français ;
Les comparer en mettant en exergue leurs similitudes et leurs complémentarités dans
l’optique in fine de tracer des voies d’investigation futures pour construire un nouvel
outil de mesure.

Afin de répondre à ces objectifs, cet article s’articule autour de deux parties complémentaires.
La première synthétise la littérature existante relative à la mesure du luxe. La seconde partie,
après avoir présenté la méthodologie suivie, résume les résultats obtenus et tache de mettre en
relief ses principaux apports. La conclusion, enfin, rappelle les limites inhérentes à ce travail
et propose les voies de recherches futures qui paraissent pertinentes.
Revue de la littérature

Beaucoup de praticiens d’hier et d’aujourd’hui ont nourri le luxe de citations liées à leur
expérience personnelle. Citons, à ce titre, Coco Chanel, figure emblématique du luxe « Le
luxe est le contraire de la vulgarité » qui tout en comportant une part de vérité ne peut donner
lieu à une définition fondamentale. D’un point de vue plus institutionnel, le luxe a suscité de
nombreuses réflexions et travaux dans des domaines de recherche différents, de la philosophie
à l’économie, de la sociologie à la psychologie, qui n’ont certes pas permis d’aboutir à la
formalisation d’une définition mais qui donnent des angles d’analyses complémentaires
permettant d’appréhender progressivement le concept.

• En économie, les principales recherches portent sur les ressorts du luxe en termes de
fixation de prix. Ainsi, l‘ « Exclusive Value Principle » de Groth et Mc Daniel (1993)
en considérant le prix du marché pour un produit comme la somme de sa valeur
purement utilitaire (Pure Utilitarian Value) et de sa valeur exclusive (Exclusive Value
Premium) permet de déterminer pour un produit luxueux les origines de ses deux
valeurs : liées à la qualité, à l’esthétique, à l’excellence du service pour la valeur
utilitaire et à l’image du produit construite notamment à partir de la publicité pour la
valeur exclusive.
• La sociologie a plutôt abordé le luxe à travers le prisme des classes où la
consommation de marques de luxe est un moyen d’affirmer sa position sociale
(Baudrillard, 1968 ; Bourdieu, 1979) ;
• La psychologie s’est, quant à elle, attachée à identifier les sources de motivation dans
la consommation de produits luxueux distinguant les facteurs externes ou
interpersonnels comme les « opinions, les influences, les approbations les suggestions
de la part d’autres personnes » (Groth et McDaniel, 1993) des facteurs internes ou
personnels comme les sentiments ou les émotions (Vigneron et Johnson, 2004).

Le luxe a également rapidement intéressé la recherche en gestion (Wind, 1973 ; Shocker et


Srinavasan, 1979) par ses spécificités voire sa magie (Lallement, 1999) sans pour autant
s’interroger réellement sur la nature même du concept. Dubois, en 1991, estime que le luxe
n’est alors défini que partiellement, souvent en fonction de l’angle de recherche dominant les
travaux menés. Depuis une petite dizaine d’années, les chercheurs tant en France qu’à
l’étranger ont pris conscience de cette insuffisance et se sont attelés à mettre à jour la nature
intrinsèque du luxe, estimant cette étape nécessaire pour poursuivre les recherches sur le
domaine. Au jour d’aujourd’hui, aucune définition consensuelle n’est encore proposée.
Cependant, des avancées théoriques importantes sont partagées par la communauté
scientifique, mais des divergences subsistent notamment en termes de mise en oeuvre.

Toutes les recherches marketing récentes sur le luxe s’articulent autour d’une question
centrale qui est de savoir ce qui définit ou constitue une marque de luxe. Elles s’inspirent
naturellement des théories économiques et psychologiques antérieures et s’avèrent toutes
opter pour une approche plutôt orientée « demande » et axée sur la perception des
consommateurs (Lallement, 1999 , De Barnier, Rodina et Valette-Florence, 2006). L’individu
qui achète un produit de luxe achète en effet une part de rêve et les modèles classiques pour
comprendre le comportement du consommateur ne sont plus opérants. Pour Dubois et
Paternault (1995) les mécanismes sous-tendant les réactions du consommateur face aux
produits de luxe sont souvent impulsifs, émotifs ou extravagants : ils semblent cachés dans
« une boîte noire impénétrable ».

Les problématiques liées à la définition et à la mesure du luxe sont donc principalement dues
à son caractère subjectif. Kemp (1998) a montré qu’un bien de consommation courante tel que
l’eau pouvait être considéré comme un bien de première nécessité ou bien comme du luxe
selon la situation dans laquelle on se trouve. Il explique que la perception du degré de luxe
d’une marque dépend à la fois des personnes interrogées et du contexte. Nueno et Quelch
(1998) définissent une marque de luxe en fonction de deux ratios économiques. Si le ratio de
la fonctionnalité d’une marque par rapport à son prix est faible, elle est une marque de luxe.
De même, si le ratio de l’utilité intangible et situationnelle d’une marque par rapport à son
prix est élevé, elle est une marque de luxe. Le luxe s’avère donc être à la fois une qualité
intrinsèque d’un produit et des qualités immatérielles portées par la marque.

Par ailleurs, le marketing des produits de luxe repose sur un paradoxe fondamental. Alors que
les managers souhaitent vendre le plus largement possible leurs marques afin d’atteindre un
succès commercial, dans le domaine du luxe, un tel succès se solde nécessairement par un
échec dans la mesure où un produit à large diffusion n’est plus aux yeux du consommateur un
produit de luxe. « Plutôt que les habituels arbitrages qualité-prix, c’est un raisonnement
valeur-prix » que le consommateur opère (Lipovetsky et Roux, 2003). Il se demande donc
quelle est la valeur ajoutée symbolique, affective ou émotionnelle qui justifie le prix élevé de
la marque de luxe.
Ainsi, le concept de luxe, particulièrement subjectif, repose fondamentalement sur une
certaine rareté, ce qui engendre un paradoxe lorsqu’il s’agit de les vendre, puisque tout l’art
des marques de luxe est d’atteindre un chiffre d’affaires élevé tout en préservant la rareté
perçue de ses objets. Le domaine du luxe est donc indiscutablement mêlé à la perception qu’a
le consommateur de la marque de luxe. Si elle est largement diffusée, mais qu’il n’en a pas
conscience et que la marque conserve une image d’exclusivité à ses yeux, elle continuera à
être perçue comme une marque de luxe.

Malgré ces difficultés épistémologiques, les auteurs s’accordent sur le fait que les objets de
luxe satisfont à la fois des besoins psychologiques tels que l’estime de soi et des besoins
fonctionnels classiques. Si un objet répond à ces besoins psychologiques, il est alors
éventuellement considéré comme un objet de luxe et se différencie des objets courants ou des
biens issus de la contrefaçon (Arghavan et Zaichkowsky, 2000). Selon Roux (1991), une
marque de luxe se caractérise par une valeur ajoutée symbolique, imaginaire ou sociale qui la
différencie des autres marques. La marque de luxe satisfait ainsi des besoins symboliques :
elle possède un imaginaire fort, reste très cohérente dans tous ses éléments constitutifs,
véhicule des valeurs affirmées et partage avec le consommateur une éthique et un esthétisme
(Roux et Floch, 1996). Dubois et Paternault (1995) soulignent ainsi la dimension de «rêve»
qu’un produit de luxe doit comporter.

Trois idées directrices fortes ressortent implicitement de tous les travaux de recherche :
• Les marques de luxe constituent une famille exclusive de marques à part entière, bien
distincte des autres marques. L’univers des marques se compose donc de deux
catégories de marques sans lien entre elles : les marques de luxe et les autres (Allérés,
1991 ; Dubois et Duquesne, 1993 ; Vigneron et Johnson, 2004).
• Au sein de la catégorie luxe, les marques par contre se répartissent le long d’un
continuum exprimant le degré de luxe contenu dans chacune d’elles (Kapferer, 1997;
Vigneron et Johnson, 2004).
• Le luxe associé à une marque est dépendant des catégories de produit : ainsi, une
marque peut être perçue comme luxueuse pour une catégorie de produit et non pour
une autre.

S’appuyant sur ces trois postulats établis, la recherche s’est logiquement orientée autour de
deux questionnements principaux :
• Quels sont les éléments à la fois constitutifs des marques de luxe et distinctifs des
autres marques?
• Au sein de la famille dite de luxe, quels sont les facteurs qui expliquent le degré de
luxe perçu entre les marques?
Vigneron et Johnson (2004) définissent « les biens de luxe comme ceux dont la consommation
satisfait à la fois des besoins fonctionnels et psychologiques » reliés à des caractéristiques
perçues du produit comme la qualité, l’esthétisme, la rareté, le savoir-faire, l’élitisme.
Toujours d’après ces deux auteurs, ce sont principalement les bénéfices psychologiques qui
permettent de distinguer les marques de luxe des autres, dont, parmi les plus fréquemment
cités, la reconnaissance sociale et l’estime de soi (Brinberg et Plimpton ; 1986 ; Novak et
MacEvoy, 1990 ; Mason, 1992 ; Vigneron et Johnson, 1999 ; Vickers et Renand, 2003).
Récemment, dans la mouvance de la recherche sur la consommation expérientielle, la notion
de plaisir et plus largement d’émotions est également apparue comme un facteur explicatif
important lié à la consommation ou à la possession de marques de luxe (Dubois et Laurent,
1996 ; Vigneron et Johnson, 1999 ; De Barnier, Rodina et Valette-Florence, 2006). Suite à la
14ième édition de la conférence Luxe des Echos, Sophie Peters (2007) exprimait clairement
cette tendance en affirmant que « le luxe participait d’une nouvelle motivation : celle de se
faire du bien, selon un mode plus intimiste, plus motivé par la recherche de l’épanouissement
personnel et de l’hédonisme que par l’envie de montrer aux autres sa supériorité ».

De ces différentes études, il ressort sans conteste que le concept de luxe associé à une marque
s’avère donc être un concept multidimensionnel dont la nature des dimensions ainsi que le
nombre de dimensions sont pour l’heure en voie d’investigation et sujet de divergences.
Comme le soulignent justement Vigneron et Johnson (2004), deux marques peuvent être
perçues comme globalement également luxueuses mais pour des raisons différentes.

Trois études d’envergure ont cherché à explorer les dimensions sous-jacentes à la perception
du luxe d’une marque : Kapferer (1998), Vigneron et Johnson (1999), Dubois, Laurent et
Czellar (2001). Vickers et Renan (2003) traduisent de manière synthétique l’ensemble des
caractéristiques qui émergent de ces travaux en mettant en évidence trois familles distinctes
de motivations à la consommation de marques de luxe :
• Les motivations fonctionnelles à partir d’attributs tangibles du produit comme la
qualité
• Les motivations expérientielles comme la recherche de plaisir ou d’hédonisme
suscitée par exemple par un design ou un esthétisme particulier
• Les motivations d’interaction symbolique d’appartenance à un groupe ou
d’affirmation de son statut social, liées à un nom ou un logo prestigieux
Cependant, les facteurs émergents, même s’ils se recoupent parfois au niveau sémantique,
diffèrent :
• en nature, avec la prise en compte ou non de certaines motivations plus émotionnelles,
pourtant récemment identifiées comme jouant un rôle, tel l’hédonisme et,
• en nombre : entre 5 et 6 dimensions, bien que celles-ci aient en commun entre sept à
huit items (cf. annexe 1 : comparaison des items constituant les trois échelles).

Très logiquement, ces différences se traduisent dans l’instrument de mesure élaboré par
chacun des auteurs Les divergences de ces trois échelles peuvent être expliquées en examinant
leur finalité. En effet, les échelles n’ont pas toutes le même objectif. Alors que celles de
Kapferer et de Dubois et al. ont pour objet de mesurer les perceptions du luxe en tant que
concept général, l’échelle de Vigneron et Johnson a pour objectif de mesurer le niveau de luxe
perçu pour certaines marques spécifiques (évalué entre « faible » et « élevé »). Cette dernière
permet donc d’opérer des comparaisons d’une marque à l’autre afin d’évaluer leurs avantages
compétitifs, leurs forces et leurs faiblesses.

C’est dans ce contexte que se situe notre recherche. Si trois échelles existent à ce jour pour
mesurer la perception du luxe, leurs structures diffèrent et seules deux échelles ont été
validées dans un contexte français (Dubois, Laurent et Czellar 2001, Kapferer 1998). Une
étude récente a par ailleurs montré que les facettes du luxe semblaient évoluer avec le temps
et différer en fonction des cultures (De Barnier, Rodina et Valette-Florence, 2006). Certaines
facettes semblent jouer un rôle croissant (facette plaisir inexistante dans l’échelle de Dubois et
al. 2001) tandis que d’autres semblent perdre de l’importance au yeux du consommateur
(facette unicité ou superflu).

Il nous a donc semblé intéressant de faire le point sur les échelles existantes afin de les
comparer dans un contexte français. La méthodologie mise en œuvre ainsi que les principaux
résultats en découlant sont présentés dans la partie suivante.

Méthodologie

Afin de tester dans un contexte français les trois échelles du luxe existantes, nous avons
interrogé un échantillon de 501 personnes sélectionnées selon la méthode des quotas afin
d’avoir une bonne représentativité de toutes les catégories d’âge (tableau n° 1).
Tableau 1 : Structure de l’échantillon interrogé

Sexe de l'interviewé
HOMME FEMME Total
Age MOINS DE 21 ANS 33 48 81
21 - 30 ANS 66 75 141
31 - 40 ANS 63 45 108
41 - 50 ANS 51 51 102
51 - 60 ANS 30 15 45
PLUS DE 61 ANS 8 16 24
Total 251 250 501

Comme la revue de la littérature le suggère, nous avons décidé de tester trois niveaux de
luxe : le luxe accessible, le luxe intermédiaire et le luxe inaccessible. Un groupe de 15 experts
en gestion a été réuni afin de définir quelles sont les marques de luxe les plus représentatives
de ces trois niveaux de luxe pour les femmes et pour les hommes. Les cinq marques sur
lesquelles les experts se sont entendus ont été sélectionnées pour la recherche. Ainsi, pour le
luxe accessible, la marque Chanel a été choisie pour les femmes et la marque Mont Blanc
pour les hommes. Pour le luxe intermédiaire la marque Rolex a été sélectionnée pour les
hommes et les femmes. Enfin, pour le luxe inaccessible, la marque Ferrari a été choisie pour
les hommes et Van Cleef & Arpels& Arpels pour les femmes.

Nous avons tout d’abord vérifié que chaque personne avait une connaissance minimum des
marques de luxe étudiées avant de les interroger sur leur perception du niveau de luxe de
chacune des marques. Les marques étaient présentées de manière aléatoire afin d’éviter tout
biais lié à l’ordre de présentation et d’éliminer l’effet de fatigue du répondant.

Résultats

Les analyses entreprises se sont déroulées en quatre temps :

• Tout d’abord, nous avons réalisé un test formel de la structure des trois échelles
retenues dans cette recherche. Compte tenu du fait que seule l’échelle de Vigneron et
Johnson (1999) avait été clairement testée dans un contexte Nord-américain, des
analyses en composantes principales on tout d’abord été effectuées afin de mettre à
jour les structures factorielles résultantes, suivies d’analyses factorielles
confirmatoires pour les valider formellement sur un plan statistique.
• Ensuite, une comparaison entre les trois structures obtenues à l’étape précédente a été
entreprise en se basant d’une part sur l’analyse des corrélations entre les dimensions
de ces trois échelles et d’autre part sur leurs significations d’un point de vue
sémantique.
• Une série d’analyses de la variance a alors permis de clarifier les différences et par
voie de conséquence le pouvoir différenciateur respectif de ces échelles au regard des
produits appréhendés dans cette recherche.
• Enfin, un test de la validité discriminante a permis de mettre en exergue la portée
opérationnelle des dimensions de ces trois échelles à différencier, non seulement les
produits de luxe « accessibles » par rapport aux produits « intermédiaires » et enfin les
produits de luxe « inaccessibles », mais également d’affiner les différenciations au
niveau des marques elles-mêmes.

Tests de la structure interne de chaque échelle

Les résultats concernant les échelles françaises sont tout d’abord présentés, suivis de la
validation dans un contexte français de l’échelle de Vigneron et Johnson (1999).

Echelle de Kapferer (1998)


A notre connaissance, l’échelle proposée par Kapferer (1998) n’avait jamais été formellement
testée. Il s’agissait plus en fait d’un ensemble d’items destinés à saisir la totalité du spectre
des éléments activés dans la consommation d’un produit de luxe. L’intérêt d’une analyse
factorielle est précisément de mettre à jour les dimensions sous-jacentes à cette
consommation.
Sur les 18 items initiaux un seul relatif à la beauté a du être éliminé. Trois facteurs ont alors
émergé, confortés par des critères de validité convergente et discriminante satisfaisants, ainsi
que de bons indices d’ajustement du modèle. Globalement, trois facteurs principaux
dénommés « Créativité », « Renommée » et « Elitisme » émergent conformément aux deux
motivations fonctionnelles et symboliques proposées par Vickers et Renan (2003).
Tableau 2 : Structure de l’échelle de Kapferer (1998)
Items Facteur Nom Rho de
Jöreskog
Cette marque est magique 0.728
Cette marque se caractérise par une très grande 0.709
créativité
Cette marque est à l’avant-garde de la mode 0.685
Cette marque se caractérise par une grande 0.654 Créativité 0.837
sensualité
Cette marque est née de la créativité d’un génie 0.637
C’est une marque unique 0.602
C’est une marque artisanale 0.534
C’est une marque d’excellente qualité 0.706
Cette marque se caractérise par l’excellence de 0.703
ces produits
Cette marque se caractérise par son savoir-faire 0.642 Renommée
Cette marque se caractérise par sa longue histoire 0.6 30 0.808
Cette marque se caractérise par sa tradition 0.604
Cette marque se caractérise par sa réputation 0.553
internationale
Cette marque ne peut être achetée que par une 0.814
minorité
C’est une marque très chère 0.790 Elitisme 0.848
C’est une marque select 0.723
Peu de personnes possèdent cette marque 0.722

Indices de Validité

GFI 0.92 AGFI 0.89 RMSEA O.08

Echelle de Dubois, Laurent et Czellar (2001)


Paradoxalement, dans leur étude fondatrice les auteurs n’ont pas réussi à mettre à jour une
structure factorielle cohérente, sans doute à cause d’une hétérogénéité trop importante, due à
un échantillon interculturel conséquent, mais fondé sur un nombre restreint de répondants par
pays (22 au total) ne satisfaisant pas alors aux principes d’invariance configurationnelle
(Steenkamp et Baumgratner, 1998). En revanche, nous disposions dans cette étude d’un
échantillon relativement important (501 personnes) et basé exclusivement sur une seule
culture, laissant présager la possibilité de mettre à jour une structure factorielle sous-jacente.
Apres éviction de 4 items sur les 22 initiaux, les 18 items restants de l’échelle de Dubois,
Laurent et Czellar se structurent de manière statistiquement satisfaisante, au regard des
critères de validité précédemment évoqués, autour des trois facteurs suivants
«Distinction », «Elitisme » et «Hédonisme », de nouveau en conformité avec les trois
motivations proposées par Vickers et Renan (2003).
Tableau 3 : Structure de l’échelle de Dubois, Laurent et Czellar (2001)
Items Facteur Nom Rho de
Jöreskog
Cette marque fait rêver 0.719
C’est une marque gratifiante 0.692
Cette marque est pour des gens raffinés 0.678
Cette marque rend la vie plus belle 0.673
Posséder cette marque me permet de me 0.663 Distinction 0.845
différencier des autres
Cette marque est pleine de sensualité 0.657
Cette marque révèle un peu qui on est 0.543
C’est une marque select 0.801
Cette marque, c’est le luxe 0.753
C’est une marque élitiste 0.750 Elitisme
C’est une marque très chère 0.715
Peu de personnes possèdent cette marque 0.689 0.867
Cette marque n’est pas produite en masse 0.617
C’est un vrai plaisir de posséder cette marque 0.798
Cette marque est esthétique 0.704
Les gens qui possèdent cette marque ont bon goût 0.658 Hédonisme 0.816
C’est une marque remarquable
C’est une marque d’excellente qualité 0.642
0.620
Indices de Validité

GFI 0.91 AGFI 0.88 RMSEA O.084

Echelle de Vigneron et Johnson (1999)


Le test de l’échelle de Vigneron et Johnson en France a bien confirmé la structure en cinq
facteurs initialement mise à jour par ses auteurs. En revanche, afin d’avoir des indices
d’ajustement satisfaisants d’une part, et compte tenu de poids factoriels inférieurs à 0,5
d’autre part, il a été nécessaire de supprimer les 2 items suivants « C’est une marque
remarquable » et « C’est une marque artisanale ». En outre, une analyse factorielle
confirmatoire d’ordre deux a également confirmé la structure en deux dimensions (perception
personnelle et perception non personnelle) proposée par les auteurs.
Tableau 4 : Structure de l’échelle de Vigneron et Johnson (1999)
Items Facteur Nom Rho de
Jöreskog
C’est une marque pour les riches 0.796
C’est une marque très chère 0.793
C’est une marque élitiste 0.746 Elitisme 0.822
C’est une marque sélect 0.775
C’est une marque précieuse 0.753 Unicité
C’est une marque unique 0.578 0.769
C’est une marque rare 0.578

C’est une marque luxueuse 0.677


C’est une marque sophistiquée 0.648
C’est une marque supérieure 0.633 Qualité 0.736
C’est une marque d’excellente qualité 0.606
C’est une marque raffinée 0.760
C’est une marque séduisante 0.744
C’est une marque éblouissante 0.684 Raffinement 0.774
C’est une marque leader 0.687
C’est une marque à succès 0.673
C’est une marque puissante 0.649 Puissance 0.743
C’est une marque gratifiante 0.580
Indices de Validité

GFI 0.89 AGFI 0.85 RMSEA O.089

Globalement, la validation de ces trois échelles amène à formuler deux constatations :


• Chacune de ces échelles montre une structure factorielle satisfaisante, mettant à jour
différentes dimensions du luxe perçu et, pour celle de Vigneron et Johnson, stable
puisque nos tests confirment sa structure initiale à cinq facteurs.
• Comme la littérature le démontrait, le nombre et la nature des dimensions de ce
concept varient d’une échelle à l’autre. Cependant, l’analyse sémantique montre à la
fois des convergences fortes mais aussi des complémentarités évidentes, que ce soit en
termes de formulation d’items ou de dénomination des facteurs (cf. annexe 1 :
comparaison des items constituant les trois échelles)

Degré de convergence entre les trois échelles

L’étude de la matrice de corrélation établie entre les facteurs des trois échelles, en conjonction
avec une analyse sémantique, est riche d’enseignements pour explorer leur degré de similitude
ou de divergence et in fine mieux appréhender ce concept de luxe perçu associé à une marque
(cf. annexe 2 : matrice de corrélation entre tous les facteurs).
La notion « d’élitisme » est la seule dimension à être présente dans les trois
échelles simultanément, d’ailleurs très fortement associée à la dimension
« unicité » de l’échelle de Vigneron et Johnson.
Les trois échelles mentionnent toutes également des dimensions plus
affectives du luxe perçu fortement corrélées entre elles mais abordées sous des
angles différents : « hédonisme » et « distinction » (Dubois, Laurent et
Czellar), « raffinement » (Vigneron et Johnson) et « créativité » (Kapferer). Il
est à noter que ces dimensions affectives se révèlent être moins fortement
corrélées que les autres aux dimensions « élitisme » et « unicité ».
La dimension « qualité » est une dimension qui émerge aussi de manière
significative dans deux des échelles, formellement dans celle de Vigneron et
Johnson, sous-tendue dans le facteur « renommée » de celle de Kapferer, mais
véhiculant des contenus proches au regard de leur forte corrélation.
Enfin, seule l’échelle de Vigneron et Johnson fait apparaître une dimension
« puissance de la marque» liée à la place prépondérante des marques
luxueuses sur le marché qui s’avère être, à l’instar des dimensions affectives,
nettement moins corrélée que ses consœurs aux facteurs «d’élitisme » et
« d’unicité ».

Utilité des échelles pour différencier les marques de luxe

Pour mettre en évidence la portée tant académique que managériale de ces trois échelles nous
sommes partis du triple constat suivant :
• Tout d’abord une analyse de variance a montré que sur chacune des facettes de ces
échelles les marques concernées avaient des profils statistiquement différents (cf.
figure 1), validant ainsi la capacité opérationnelle de ces échelles à différencier les
marques de luxe entre elles.
Figure 1 : Profil des marques sur les facteurs de toutes les échelles

CHANEL
F1 VIGNERON ELITISME
4 ROLEX
F3 DUBOIS HEDONISME F2 VIGNERON UNICITE VAN CLEEF ET ARPELS
3
MONT BLANC
2 FERRARI
F2 DUBOIS ELITISME F3 VIGNERON QUALITE
Moyenne
1

0
F1 DUBOIS DISTINCTION F4 VIGNERON RAFFINEMENT

F3 KAPFERER ELITISME F5 VIGNERON PUISSANCE

F2 KAPFERER RENOMMEE F1 KAPFERER CREATIVITE

Néanmoins, comme l’indique le tableau 5, le pouvoir différenciateur, appréhendé par des tests
F, de ces différentes facettes n’est pas le même suivant les échelles. Ainsi, les résultats
confortent, non seulement, la similitude des composantes mises en exergue lors de l’étude de
la matrice de corrélation à l’étape précédente (eg. les trois composantes de l’élitisme de
chacune des échelles présentent un pouvoir différenciateur similaire) mais également que les
marques considérées montrent au regard des composantes du luxe appréhendées par ces
échelles des profils variables en intensité. Par exemple, les composantes relatives à l’élitisme
priment face à la qualité ou encore le raffinement qui ont une position médiane et surtout face
à l’hédonisme qui est pour les marques étudiées beaucoup moins différenciant. Par voie de
conséquence, ceci confirme le caractère polymorphe du luxe et la nécessité d’avoir recours à
des échelles multidimensionnelles pour mieux en saisir les différentes facettes.
Tableau 5 : Pouvoir différenciateur des facteurs

DIMENSIONS Test F
F3 KAPFERER ELITISME 20,621
F2 DUBOIS ELITISME 16,394
F1 KAPFERER CREATIVITE 15,500
F2 VIGNERON UNICITE 14,536
F1 VIGNERON ELITISME 13,602
F1 DUBOIS DISTINCTION 10,161
F4 VIGNERON RAFFINEMENT 10,124
F3 VIGNERON QUALITE 8,585
F5 VIGNERON PUISSANCE 8,390
F2 KAPFERER RENOMMEE 4,299
F3 DUBOIS HEDONISME 4,101

• Enfin, une étude plus fine des différences de profils, effectuée grâce à un test de
Duncan (tableau 6), valide systématiquement, et ceci quelles que soient les dimensions
envisagées, trois sous-ensembles homogènes de marque. Ce résultat confirme
globalement sur un plan théorique un continuum du luxe, confortant les notions de
luxe accessible (Mont Blanc et Chanel), une position intermédiaire (Rolex) et un luxe
prototypique, voire inaccessible (Ferrari et Van Cleefs & Arpels). De plus, une analyse
détaillée montre que seule Ferrari est toujours évaluée de façon la plus élevée sur
l’ensemble des dimensions, alors qu’à l‘inverse Mont Blanc, 11 fois sur 12, montre un
profil le moins fort sur toutes les dimensions. Enfin, Rolex, et à un moindre degré
Chanel, font preuve d’un positionnement plus intermédiaire.

Validité prédictive des échelles de luxe

Pour valider la catégorisation précédente en deux ou trois groupes, nous avons effectué tout
d’abord deux analyses discriminantes pas à pas, afin de tenir compte des fortes corrélations
entre toutes les dimensions des trois échelles, qui fournissent un indice de reclassement
satisfaisant (71,4%) dans le cas d’une classification en deux groupes et acceptable (62%) dans
le cas d’une classification en trois groupes. En revanche, une analyse discriminante
traditionnelle s’avère impuissante à classifier correctement les cinq marques en présence.
Nous avons donc eu recours à une analyse canonique généralisée non linéaire, seule capable
de prendre en compte simultanément de plusieurs ensembles de variables ayant des niveaux
de mesure différents et de modéliser des relations non-linéaires entre les variables prédictives
continues (les dimensions des échelles) et la variable dépendante nominale (les cinq marques).
Tableau 6 : Tests de Duncan et catégorisation en trois groupes
Sous-ensembles homogènes
Dimensions Marques 1 2 3
MONT BLANC 2,46
CHANEL 2,47
F1 VIGNERON ELITISME ROLEX 2,87
VAN CLEEF ET ARPELS 3,41
FERRARI 3,59
CHANEL 2,43
MONT BLANC 2,54
F2 VIGNERON UNICITE ROLEX 2,78
VAN CLEEF ET ARPELS 3,53
FERRARI 3,68
MONT BLANC 2,59
CHANEL 2,75
F3 VIGNERON QUALITE ROLEX 2,81
VAN CLEEF ET ARPELS 3,48
FERRARI 3,53
ROLEX 2,59
MONT BLANC 2,72
F4 VIGNERON RAFFINEMENT CHANEL 2,98
FERRARI 3,47
VAN CLEEF ET ARPELS 3,52
MONT BLANC 2,51
CHANEL 2,77
F5 VIGNERON PUISSANCE ROLEX 2,95
VAN CLEEF ET ARPELS 3,07
FERRARI 3,73
MONT BLANC 2,51
ROLEX 2,65
F1 KAPFERER CREATIVITE CHANEL 2,88
VAN CLEEF ET ARPELS 3,5
FERRARI 3,81
MONT BLANC 2,74
ROLEX 2,87
F2 KAPFERER RENOMMEE CHANEL 2,89
VAN CLEEF ET ARPELS 3,3
FERRARI 3,57
MONT BLANC 2,34
CHANEL 2,42
F3 KAPFERER ELITISME ROLEX 2,93
FERRARI 3,68
VAN CLEEF ET ARPELS 3,7
MONT BLANC 2,66
ROLEX 2,74
F1 DUBOIS DISTINCTION CHANEL 2,8
VAN CLEEF ET ARPELS 3,38
FERRARI 3,73
CHANEL 2,41
MONT BLANC 2,53
F2 DUBOIS ELITISME ROLEX 2,91
VAN CLEEF ET ARPELS 3,59
FERRARI 3,68
ROLEX 2,78
MONT BLANC 2,81
F3 DUBOIS HEDONISME CHANEL 2,98
VAN CLEEF ET ARPELS 3,22
FERRARI 3,48
Les résultats, présentés dans la figure 2, valident la plus ou moins grande capacité de chacune
des échelles à différencier les cinq marques en présence, le R² pour l’ensemble des marques
variant entre 53 et 66 % (pour l’échelle de Vigneron, les deux marques Chanel et Mont Blanc
ne sont pas différentiables). Ainsi, il nous a semblé important de pouvoir proposer une
nouvelle échelle plus complète que les précédentes et proposant une palette de dimensions
relatives à la perception du luxe la plus complète possible. Deux solutions étaient
envisageables: soit reconstruire une nouvelle échelle basée sur la totalité des items
disponibles, soit trouver une combinaison des dimensions originelles, solution retenue dans ce
travail afin de ne pas dénaturer l’essence même des échelles. Basée sur l’analyse des
corrélations entre les facettes, leur pouvoir discriminant respectif et leur signification
sémantique propre, il s’est avéré que seule la proposition d’une échelle hybride, formée de la
réunion de huit des dimensions propres aux échelles de Vigneron, Kapferer et Dubois et al.,
permettait de positionner distinctement les marques entre elles (R² pour les marques de 78%),
tout en validant implicitement la différenciation en trois niveaux de luxe auparavant mise en
exergue. Ainsi, trois ensembles de marques apparaissent distinctement sur le graphe en
relation avec des orientations envers le luxe très typées, comme par exemple la recherche du
luxe absolu pour Van Cleefs & Arpels et Ferrari, mais avec des connotations différentes
puisque Ferrari est relié à l’unicité et à la renommée, tandis que Van Cleefs & Arpels est
rattaché essentiellement à l’élitisme et à la distinction. (figure 2).
Figure 2 : Pouvoir différenciateur des échelles pour les 5 marques

Pouvoir Discriminant de l'Echelle de Kapferer. Pouvoir Discriminant de l'Echelle de Dubois et al.

1,000 1,000

R²(marque)=63% ROLEX R²(marque)=66% ROLEX

0,500 0,500
VAN CLEEF & ARPELS
VAN CLEEF & ARPELS
Elitisme
Elitisme
0,000 0,000
-1,500 -1,000 -0,500 0,000 0,500 1,000 1,500 -1,500 -1,000MONT BLANC-0,500 0,000 0,500 1,000 1,500
Renommée
MONT BLANC

-0,500 -0,500
Distinction
Hédonisme
Créativité

FERRARI
CHANEL FERRARI
-1,000 -1,000

CHANEL R²(marque)=66%

-1,500 -1,500

Pouvoir Discriminant de l'Echelle de Vigneron et al. Pouvoir Discriminant de l'Echelle Hybride.

1,000 0,600
DIFFERENCIATION
R²(marque)=53% ROLEX R²(marque)=78%
0,400
Elitisme
FERRARI ROLEX
0,500
Distinction
0,200
Puissance VAN CLEEF & ARPELS
LUXE
Elitisme MASTIGE
0,000 ABSOLU
-1,500 -1,000 -0,500 0,000 0,500 1,000 1,500 2,000 0,000
-0,800 -0,600 -0,400 -0,200 0,000 0,200 0,400 0,600 0,800Unicité 1,000
Unicité
Qualité MONT BLANC
FERRARI
CHANEL -0,200
-0,500 Raffinement
MONT BLANC Renommée
Créativité
-0,400 Puissance

-1,000 CHANEL Hédonisme


VAN CLEEF & ARPELS -0,600
Raffinement
EPICURISME
-1,500 -0,800
Conclusion

Le test des trois échelles actuellement disponibles de luxe perçu révèle pour chacune des
structures factorielles stables. Ces trois échelles présentent une dimension convergente,
l’ « élitisme », mais également complémentaires, abordant très diversement la perception d’un
luxe plus « affectif ». L’échelle de Vigneron et Johnson s’avère être la plus complète,
intégrant de par son nombre plus important de dimensions des aspects différents du luxe
Cependant, elle pêche sur sa dimension « affective », uniquement appréhendée au travers du
« raffinement » de la marque, que les deux autres échelles mesurent de manière plus
approfondie.

Globalement, notre recherche a cependant mis en exergue la capacité de ces échelles à


différencier les cinq marques retenues dans ce travail. Sur un plan académique, nos résultats
ont confirmé l’existence d’un continuum du luxe articulé autour de trois catégories formées
par le luxe accessible, intermédiaire et inaccessible. Sur un plan plus managérial, les
différents mappings montrent tous, non seulement la diversité des profils mis en évidence,
mais également le fait que des marques pourtant aussi connues les unes que les autres dans le
domaine du luxe font référence à des orientations spécifiques, telles l‘unicité et la renommée
pour Ferrari ou encore l’élitisme et le raffinement pour Van Cleef & Arpels, tandis que Mont
Blanc par contraste semble essentiellement associé à un luxe plus grand public.

Bien évidemment, notre travail mérite d’être complété par une investigation empirique de plus
grande envergure, tant en ce qui concerne le nombre de répondants que surtout le nombre de
marque de luxe à appréhender. En particulier, les facettes activées dans ce type de
consommation sont-elles les mêmes quel que soit le secteur retenu, comme la joaillerie, les
cosmétiques, l’œnologie ou encore l’automobile pour n’en citer que quelques-uns. Proposer
un véritable test de la validité nomologique de ces échelles, notamment dans le cadre d’un
modèle plus complet et plus global du comportement à l’égard du luxe constitue également
une autre voie de recherche prometteuse. Enfin, développer une nouvelle échelle de
perception du luxe ancrée sur la totalité des items appréhendés dans ce travail et complétée
par ceux issus de la recherche qualitative de De Barnier et al.(2006) parait indispensable afin
de pouvoir disposer à terme d’une échelle complète et utilisable de plus dans divers milieux
culturels.
Aussi, la mesure du luxe perçu reste aujourd’hui encore un défi pour la recherche en ce
domaine. Plusieurs éléments incitent à croire qu’une nouvelle échelle, certes inspirée des trois
échelles ci-dessus testées, mériterait d’être créée :
• Le caractère polysémique de certains items que l’on retrouve selon les échelles
affectés à des dimensions différentes.
• Les mesures parfois différentes de dimensions convergentes comme la « renommée »
abordée de manière peut-être partielle par Vigneron et Johnson à travers son facteur
« qualité » et plus complète par Kapferer .
• La nécessité de repenser une dimension plus affective du luxe perçu, dimension pour
l’instant encore mal appréhendée, oscillant entre des motivations liées au plaisir, à la
sensualité dégagée par une marque ou à sa capacité à libérer l’imaginaire.
Sans une échelle valide du luxe perçu, beaucoup de questions resteront en suspens notamment
celles relatives aux leviers différenciateurs des marques de luxe entre elles et à leur
positionnement relatif dans l’esprit des consommateurs, questions dont on pressent l’intérêt
pour les managers, gestionnaires de marques dans cet univers!
Annexe 1 : Comparaison des items constituant les trois échelles

Echelle de Kapferer (1998) Echelle de Vigneron et Johnson (1999) Echelle de Dubois, Laurent et Czellar ( 2001)
• Cette marque est magique
• Cette marque se caractérise par une très grande créativité
• Cette marque est à l’avant-garde de la mode
• Cette marque est née de la créativité d’un génie
• Cette marque se caractérise par l’excellence de ces produits
• Cette marque se caractérise par son savoir-faire
• Cette marque se caractérise par sa longue histoire
• Cette marque se caractérise par sa tradition
• Cette marque se caractérise par sa réputation internationale
• Cette marque ne peut être achetée que par une minorité
• C’est une marque artisanale
C’est une marque unique • C’est une marque unique
• C’est une marque select • C’est une marque select • C’est une marque select
• C’est une marque très chère • C’est une marque très chère • C’est une marque très chère
• C’est une marque d’excellente qualité • C’est une marque d’excellente qualité • C’est une marque d’excellente qualité
• C’est une marque élitiste • C’est une marque élitiste
• C’est une marque luxueuse • Cette marque, c’est le luxe
• C’est une marque gratifiante • C’est une marque gratifiante
• C’est une marque pour les riches
• C’est une marque précieuse
• C’est une marque rare
• C’est une marque sophistiquée
• C’est une marque supérieure
• C’est une marque raffinée
• C’est une marque séduisante
• C’est une marque éblouissante
• C’est une marque leader
• C’est une marque à succès
• C’est une marque puissante
• Peu de personnes possèdent cette marque • Peu de personnes possèdent cette marque
• Cette marque se caractérise par une grande sensualité • Cette marque est pleine de sensualité
• Cette marque fait rêver
• Cette marque est pour des gens raffinés
• Cette marque rend la vie plus belle
• Posséder cette marque me permet de me différencier des autres
• Cette marque révèle un peu qui on est
• Cette marque n’est pas produite en masse
• C’est un vrai plaisir de posséder cette marque
• Cette marque est esthétique
• Les gens qui possèdent cette marque ont bon goût
• C’est une marque remarquable

Légende :
Des couleurs identiques indiquent que les items cités sont partagés entre les échelles
Annexe 2 : Matrice de corrélation des dimensions des échelles entre elles

F1 F2 F3 F4 F5 F1 F2 F3
VIGNERON VIGNERON VIGNERON VIGNERON VIGNERON KAPFERER KAPFERER KAPFERER
ELITISME UNICITE QUALITE RAFFINEMENT PUISSANCE CREATIVITE RENOMMEE ELITISME

F1 VIGNERON ELITISME 1
F2 VIGNERON UNICITE ,733 1
F3 VIGNERON QUALITE ,644 ,760 1
F4 VIGNERON RAFFINEMENT ,496 ,667 ,759 1
F5 VIGNERON PUISSANCE ,432 ,579 ,634 ,630 1
F1 KAPFERER CREATIVITE ,333 ,624 ,609 ,708 ,619 1
F2 KAPFERER RENOMMEE ,530 ,674 ,774 ,655 ,637 ,549 1
F3 KAPFERER ELITISME ,896 ,746 ,641 ,464 ,389 ,290 ,472 1
F1 DUBOIS DISTINCTION ,361 ,605 ,569 ,678 ,625 ,751 ,469 ,331
F2 DUBOIS ELITISME ,914 ,801 ,695 ,518 ,481 ,352 ,579 ,927
F3 DUBOIS HEDONISME ,472 ,644 ,786 ,816 ,623 ,621 ,753 ,401

Légende :

Corrélations faibles <0.5


Corrélations fortes > 0.7
Corrélations comprises entre 0.5 et 0.7
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20 Créé en 1954, le Comité Colbert rassemble 78
maisons françaises de luxe et 14 institutions
Founded in 1954, the Comité Colbert has a
membership of 78 French luxury houses and 14
culturelles. Elles œuvrent ensemble au rayon- cultural institutions. They work together to pro-
13 nement international de l’art de vivre français. mote French art de vivre at international level.
LE
COMITÉ COLBERT
EN 2013

THE
COMITÉ COLBERT
IN 2013
LE COMITÉ COLBERT COMITÉ COLBERT
ET LE LUXE FRANÇAIS AND FRENCH LUXURY

Michel Bernardaud
— —
Président du Comité Colbert Chairman of the Board of Comité Colbert

Fidèle à sa mission première, True to its core mission of promoting French


faire rayonner l’art de vivre français dans Art de Vivre, the Comité Colbert rang in
le monde, le Comité Colbert a inauguré the New Year in Istanbul by joining forces
l’année 2013 à Istanbul où il s’est associé with the Istanbul Museum of Modern Art
au musée d’art contemporain « Istanbul (“Istanbul Modern”) to address the issue of
Modern » pour un questionnement sur la modernity and by holding a “Festival Colbert”
modernité qu’il a également mis en scène on the same theme.
lors du « Festival Colbert ».
Pursuing another key mission – the
Fidèle également à sa mission de transmission of knowledge – the Comité
transmission, le Comité Colbert s’est Colbert concentrated on the younger
adressé aux jeunes générations : Colbert generation: it worked with the Colbert Labo
Labo – réseau des jeunes collaborateurs network of young executives from member
des maisons –, collégiens – pour leur faire companies; extended its career information
découvrir les métiers du luxe –, étudiants efforts to introduce prospective school-
en design à l’ENSAAMA – avec leavers to the luxury crafts; and continued
le renouvellement de la Chaire Colbert. the Chaire Colbert program for ENSAAMA’s
postgraduate students.
Pour renforcer sa voix au sein des
instances européennes, il s’est rapproché Seeking to gain more clout with the EU
des industriels du luxe allemand en tenant institutions, it reached out the German
son Assemblée générale à Berlin luxury industry, holding its General Assembly
à l’occasion du 50e anniversaire du Traité in Berlin to mark the 50th anniversary of the
de l’Elysée. Friendship Treaty.

Mais ce que je retiens en premier lieu But one thing really strikes me about all
de toutes ces actions, c’est la manière of these endeavours. They show that each
dont le sentiment d’appartenance de Colbert house feels like it belongs to a group
chacune de nos maisons membres à un with a common cause and shared values.
collectif qui porte des valeurs communes Solidarity, which has always been the Comité
s’est exprimé : c’est là que réside la force Colbert’s biggest strength, is what opens up
du Comité Colbert depuis sa création et bright prospects for French luxury in future.
c’est ce qui ouvre à notre secteur de riches
perspectives d’avenir.
UN DIPLOMATE UNE RÉFÉRENCE UN STRATÈGE
PURSUING CULTURAL SETTING THE FORMULATING
DIPLOMACY STANDARD STRATEGY

08
Un esprit
24 FOCUS

Chaire Colbert
40
France-Allemagne,
prospectif, bis repetita un échange
porteur Long live the privilégié
de croissance Chaire Colbert France and Germany
Looking forward work hand in hand
driving growth
30 44
10
Entretien
Le luxe inspire
la jeune création
Luxury inspiring
e-matinée@Colbert
e-matinée@Colbert
Yves Carcelle the young creators
Interview
Yves Carcelle

12 FOCUS
UN PORTE-PAROLE
SERVING
AS ADVOCATE
46
LE COMITÉ
Acteur culturel
COLBERT
en Turquie
A cultural player
in Turkey
32 FOCUS

La politique
du faire-savoir 
Promoting careers
UN COLLECTIF in luxury crafts
TAKING COLLECTIVE

36
ACTION

18
La force du
Mise en vedette
In the spotlight

collectif
Strength in numbers 38
Europe

22
Nouveaux
une influence
coordonnée
Coordinated
membres influence -building
Opening up to in Europe
new members

20
13
UN DIPLOMATE PURSUING CULTURAL DIPLOMACY COMITÉ COLBERT — 2013

UN ESPRIT PROSPECTIF, La bonne santé If the French luxury


économique du luxe sector is in good health
PORTEUR tient à sa capacité today, it’s because our
DE CROISSANCE depuis 60 ans à
identifier collectivement
luxury houses have been
working together for sixty
de nouveaux marchés years to anticipate trends
and find new markets

En 2013, les maisons


du Comité Colbert ont
choisi de s’exprimer
en Turquie à travers
plusieurs manifestations
culturelles.

08 09

In 2013, the members of


the Comité Colbert chose
Turkey as the venue for
several cultural events.

La stratégie du Comité Colbert sur The Colbert strategy for emerging markets
les marchés émergents l’a emmené dans concentrated on Japan in the 1980s and on
les années 1980, au Japon. La décennie the North American market in the 1990s.

LOOKING suivante était consacrée au marché


américain. Depuis dix ans, les maisons du
luxe français ont multiplié leurs actions
During the last decade, French luxury houses
have stepped up the pace, planning events
in China (2003, 2005, 2007, 2009), Russia
FORWARD, DRIVING en Chine ( 2003, 2005, 2007, 2009),
en Russie (2007), en Inde (2006, 2008),
(2007), India (2006, 2008) and the Arabian
Gulf countries (2010, 2011, 2012), not to

GROWTH au Moyen-Orient (2010, 2011, 2012) ainsi


qu’au Brésil (2012).
mention Brazil (2012).
UN DIPLOMATE PURSUING CULTURAL DIPLOMACY COMITÉ COLBERT — 2013

Après avoir longtemps exploré


le Japon et les Etats-Unis, le
Comité Colbert a souhaité
ENTRETIEN Comment la stratégie collective
que fédère le Comité Colbert
s’articule-t-elle avec la stratégie
After focusing for years on Japan and
the United States, the Comité Colbert has
turned to other countries and parts of the
influence for the luxury sector at the
international level?
YC  The cultural aspect of our work
individual companies. It’s up to each member
to choose its own agents and locations. This
being said, the group strategy formulated by
aborder d’autres pays : Chine,
Russie, Moyen-Orient... Peut-on
YVES propre à chaque maison ?
YC  Lieu d’échanges de
world, including China, Russia and the
Middle East. Is this strategy designed to
is vital. One key Colbert mission is to
collectively promote French Art de Vivre by
the Comité Colbert is intended to complement
that of its members.
parler de stratégie de conquête
de nouveaux marchés pour le
luxe français ?
CARCELLE bonnes pratiques et de réflexion
prospective, le Comité Colbert
n’est pas là pour coordonner
win new markets for French luxury?
Yves Carcelle  Yes, it is. In the 19th century,
luxury was the prerogative of a few European
cultivating existing affinities with emerging
countries. We organize events using different
formats to communicate the cultural aspect
While some of our houses are competitors,
they work hand in hand within the Comité
Colbert. If French luxury speaks with one
Yves Carcelle  Oui, on peut les actions commerciales countries and North America. After World of French luxury to these new consumers. In voice, there is a better chance that its message
parler d’une stratégie de conquête individuelles des marques. War II, it was Japan’s turn to become a good 2003, we set up a special circuit in Paris to will be heard and understood. Our products,
de nouveaux marchés. Le luxe au 19e C’est à chacune de choisir ses agents, client country for French luxury. Observers show how China has always inspired French wines and restaurants can really shine in
siècle était l’apanage de quelques pays des études sur le pays ciblé et organise des ses emplacements. Par contre, la stratégie have noted that, in the last decade – or the creators. In 2007, we celebrated the history of satisfactory business conditions and we
européens et de l’Amérique du Nord. conférences qui amènent une meilleure collective élaborée par le Comité Colbert last two decades, according to some experts Colbert houses in Russia, which goes back to can help bring about such conditions by
Après la guerre, le Japon est devenu à son connaissance de ces marchés émergents. se veut complémentaire. – the appetite for luxury has joining forces. Our “Festival
tour, un interlocuteur privilégié de nos Bien que nos maisons soient concurrentes, “gone global”. This is a large- Colbert” events also show the
maisons. Depuis dix ans, ou même vingt Vous présidez depuis dix ans, une on l’oublie au sein de Colbert. Parler d’une scale phenomenon, as all of value of teamwork. Those of
ans selon certains experts, on observe que commission qui lie l’international et le seule voix permet d’être mieux entendu our members are well aware. our members already present
l’appétit pour le luxe est devenu mondial. culturel. En quoi cette double approche et compris. Si nos produits, nos vins, nos Knowing that it is vital to on the target market lend a
C’est un phénomène d’envergure dont est-elle opérationnelle quand il s’agit restaurants ont besoin de briller, ils ont anticipate market trends, many hand to those that do not yet
toutes les maisons du Comité Colbert de faire rayonner le luxe au-delà de nos aussi besoin d’un environnement. of us travel the world in search have local premises. These
ont aujourd’hui pris conscience. Vis à vis frontières? D’où l’intérêt de se regrouper. C’est aussi of bright prospects. Turkey is “Colbert Duos” demonstrate
de l’évolution des marchés, nous sommes YC  La dimension culturelle de notre permettre les parrainages entre maisons a case in point. The country a spirit of sharing and
anticipateurs d’autant que beaucoup action est primordiale. Le Comité Colbert dans le cadre du « Festival Colbert ». is seeing a very high rate of solidarity that many other
d’entre nous parcourent le monde s’est donné comme mission de faire Certaines maisons déjà implantées sur les economic growth. It was by no industrial sectors would be
en quête de potentiel. C’est l’exemple rayonner collectivement l’art de vivre à marchés ciblés accueillent celles qui sont means a matter of chance if the well advised to cultivate. The
de la Turquie, un pays qui connaît une la française en cultivant les affinités avec dépourvues de boutiques. Ces duos font Comité Colbert decided to hold fact that smaller businesses
croissance économique très forte. Que le certains pays. Nous mettons en scène des appel à un esprit de solidarité. Beaucoup a “Festival Colbert” in Istanbul are joining our association
Comité Colbert choisisse dans le cadre de événements aux formes diverses de secteurs industriels devraient and sponsor a cultural serves to strengthen
son « Festival Colbert » à Istanbul, qui communiquent le caractère culturel s’inspirer de ce partage de valeurs. exhibition on modernity, a key the presence of larger
10 d’être mécène d’une exposition
culturelle qui questionne la
du luxe français auprès de ces nouveaux
consommateurs. En 2003, un « itinéraire
L’arrivée des petits renforce la présence
des grands. Il en découle une aura
issue for Turkish society, as
shown by recent events.
companies. The overall
impression is one of unity,
11

modernité, sujet fondamental pour la chinois » montrait à Paris la manière collective qui bénéficie au rayonnement which helps French luxury
société turque, n’est pas un hasard. Les dont la Chine a nourri l’imaginaire du luxe français. What selection criteria are in its influence-building
derniers évènements nous montrent que des créateurs des maisons. En 2007, used to pick an emerging endeavours.
nous sommes en prise avec l’actualité. il s’agissait de rappeler les premières Est-il possible de mesurer l’impact market for an event?
incursions de nos maisons en Russie en termes commerciaux de cette stratégie YC  The Colbert Can one measure the
Sur quels critères travaillez-vous dès l’époque de Catherine II. En 2009, plus sur les marchés visés ? Quels retours membership is composed of impact of this strategy
en amont pour repérer ces marchés d’un million d’internautes chinois dans en avez-vous ? luxury houses of all kinds. on sales in a particular
émergents et faire vos choix ? un voyage en 3D au cœur de l’imaginaire YC  Ce type d’opérations comme le Some are quick to take the target market? What does
YC  Au sein du Comité Colbert, français. En 2010, le Comité Colbert « Festival Colbert » est remarquablement lead, others less so. Some don’t the feedback tell you?
il existe une grande disparité entre faisait rêver Dubaï avec les icônes du style bien compris. La venue de 40 à 50 have enough manpower in the country to the days of Catherine II. In 2009, YC  Operations like the “Festival
les maisons. Certaines ont eu tôt l’esprit français et les démonstrations présidents de maisons qui participent find out what they need to know. They are more than one million Chinese online users Colbert” convey our message very effectively.
pionnier, d’autres moins. Il y a celles qui de savoir-faire de ses artisans. Alors qu’on à l’événement, donnent des interviews, more reluctant to undertake an international took a 3-D virtual journey to the heart of We generally get good local media coverage,
sont dépourvues de moyens humains sur assimile le Moyen-Orient à une pure zone vont à la rencontre d’officiels, est venture on their own, not knowing how to French luxury. In 2010, the Comité Colbert because journalists are impressed when forty
place pour approfondir la connaissance de shopping, le Comité Colbert a souhaité largement relayée par les médias locaux. go about it. The Comité Colbert arrives conjured up marvellous visions in Dubai with or fifty company chairmen attend the event,
du pays ciblé, et qui hésitent à y aller mettre en valeur la culture, la poésie, Et cela d’autant mieux que la ministre at decisions by consensus. We decide icons of French style and demonstrations give interviews and meet with local officials.
seules, car elles ne savent pas comment la calligraphie en publiant les mots du Commerce extérieur, Nicole Bricq collectively where to target our efforts. by master artisans. While many associate And it’s all the better when a French minister
s’y prendre. Le Comité Colbert amène par du luxe en arabe. Il s’agit de restituer à accompagnait notre déplacement, Our decision-making is a long, democratic the Middle East with shopping, the Comité accompanies the Colbert delegation! Last
le consensus, à des choix. Nous décidons ces pays, un niveau de dialogue élevé et à Istanbul en janvier dernier. Plusieurs process involving approval by the relevant Colbert preferred to focus on its culture, January, Nicole Bricq, the French Minister
ensemble où l’on va porter nos efforts. non uniquement commercial. maisons ont signé des contrats avec Commission and a vote by the General poetry and calligraphy in publishing of Foreign Trade, made the trip to Istanbul
C’est un processus long et démocratique, des agents ou des distributeurs. Pour les Assembly. We choose one of the high-growth the words of luxury in Arabic. The idea was with us. Several Colbert members signed
validé par la Commission marques déjà en place, cela a countries worth investing in and, internally, to elevate our dialogue with these contracts with agents or distributors, while
Internationale et Culturelle, resserré les liens. Avec la Chine, adopt a global approach. The Economic countries rather than interact only at the those already present in Turkey strengthened
puis voté en Assemblée générale. ce fut tout aussi décisif. Nous Commission produces studies about the commercial level. their local business connections. Our project
On identifie les pays qui,
parce qu’ils présentent une
croissance significative, valent
INTERVIEW sortions du boycott. Cela a donné
une image forte de modernité
au luxe français. Certaines
country concerned and holds lectures to
familiarize our members with that particular
emerging market.
How does this collective Colbert strategy
fit in with the strategy of each individual
in China got equally good results. It took
place when the boycott was just ending. This
undertaking gave French luxury a strong
la peine d’y investir. Quand
nous travaillons sur un pays, le
YVES maisons ne savaient pas comment
communiquer avec ce pays. For ten years, you have served as
member?
YC  The Comité Colbert provides
image of modernity. Some of our members
didn’t know how to communicate there, but
Comité Colbert développe en
interne une démarche globale. La
Commission Économique réalise
CARCELLE Cette opération a généré un déclic
collectif.
President of a Commission whose focus
is both cultural and international. How
does this dual approach work in building
a forum for sharing best practices and
looking to the future collectively. It does not
coordinate commercial initiatives taken by
this operation made them all realize that “yes,
they can do it!”
UN DIPLOMATE PURSUING CULTURAL DIPLOMACY COMITÉ COLBERT — 2013

ACTEUR Cette année, le


Comité Colbert met à
This year, the Comité
Colbert salutes Turkey
FOCUS
l’honneur la Turquie en with a “Festival
CULTUREL organisant un « Festival
Colbert » à Istanbul et
Colbert” in Istanbul
and a contemporary art
EN TURQUIE en initiant l’exposition
d’art contemporain
exhibition: “Modernity?
Perspectives from Turkey
« Modernité ? and France”
Perspectives de Turquie
et de France »

Vernissage de La Turquie, nouvel eldorado du luxe ? Is Turkey the new El Dorado for the luxury
l’exposition « Modernité ?
Perspectives de Turquie
C’est encore timide (2%) au regard industry? For French luxury houses, Turkey
et de France » à Istanbul des 84% de chiffres d’affaires réalisés only accounts for 2% of total sales, a small
Modern, le 15 janvier. à l’export par les maisons françaises slice of the 84% generated by exports. But
Private preview on January de luxe. Mais, il y a des signes qui ne the signs are definitely there. For one thing,
15, the day before the trompent pas. En effet, cette part est en Turkey’s share of exports is growing fast. In
opening of the exhibition
12 “Modernity? Perspectives
forte progression. Enregistrée depuis cinq the last five years, the French luxury houses 13
from Turkey and France” ans, l’augmentation à deux chiffres du CA present in Turkey have seen double-digit
at the Istanbul Modern. - soit 30% en moyenne - des marques du sales growth (30% on average), so they have
luxe français déjà présentes en Turquie, every reason to be optimistic. This did not
laisse augurer le meilleur. Cela n’a pas go unnoticed by the Comité Colbert, whose
échappé au Comité Colbert, dont l’une des mission is, among other things, to help French
principales missions est celle d’identifier luxury identify the markets of the future.
les marchés d’avenir pour le secteur du Many prominent French luxury houses share
luxe. Les grandes maisons françaises ont a venerable history with Turkey. Christofle,
en commun une histoire très riche avec la for one, has been present there since the 19th
Turquie, certaines à l’instar de Christofle, century. As a matter of fact, France’s first
y sont implantées depuis le 19e siècle. Ceci permanent embassy was to the Ottoman
n’est pas étranger au fait que la première Empire in the days of Henri II, which helps
ambassade permanente de France a été explain why France and Turkey have so many
créée auprès de l’Empire ottoman, long-standing cultural affinities. However,
au temps d’Henri II. Cela explique les in reaching out to Turkey in 2013, the
nombreuses affinités culturelles qui lient, Comité Colbert preferred to cultivate a more
depuis longtemps, ces deux pays. Mais contemporary affinity, that of modernity.
c’est sur une affinité plus contemporaine
que le Comité Colbert a joué : celle de la By promoting cultural diversity, the Comité
modernité - pour aller à la rencontre de la Colbert wished to salute Turkey’s dynamic

A CULTURAL Turquie de 2013.

Cet acteur de la diversité culturelle a tenu


à rendre hommage à l’actuel dynamisme
artistic scene. The association initiated and
was the main sponsor of a contemporary art
exhibition entitled “Modernity? Perspectives
from Turkey and France” at the Istanbul

PLAYER artistique dont fait état aujourd’hui la


Turquie. L’association a ainsi choisi d’être
l’initiateur et le mécène principal d’une
Modern. This strong theme refers to a
challenge shared by French luxury houses,
whose identity is often rooted in their history.

IN TURKEY exposition d’art contemporain intitulée


« Modernité ? Perspectives de Turquie
et de France » au musée Istanbul Modern.
Un choix motivé par une thématique
Hailed by the press, the exhibition presented
dual perspectives on modernity as expressed
in the art of eleven artists working in Turkey
or France, among them Nevin Aladag,
forte qui entre en résonance avec un Kader Attia, Fikret Atay, Cyprien Gaillard,
UN DIPLOMATE PURSUING CULTURAL DIPLOMACY COMITÉ COLBERT — 2013

Sur le thème« Modernité ? Hale Tenger, Nasan Tur In the exhibition Nasan Tur (2) and five
Perspectives de Turquie (2) et de cinq artistes “Modernity? Perspectives French artists: Kader
et de France », le musée français : Kader Attia from Turkey and France”, Attia (4), Cyprien Gaillard
d’art contemporain (4), Cyprien Gaillard (3), the Istanbul Museum of (3), Thomas Hirschhorn,
Istanbul Modern Thomas Hirschhorn, Modern Art presented Pierre Huyghe and Chris
présente les œuvres de Pierre Huyghe, Chris works by six Turkish Marker.
six artistes turcs : Nevin Marker. artists: Nevin Aladag,
Aladag, Fikret Atay, Ayse Fikret Atay, Ayse Erkmen,
Erkmen, Sarkis (1), Sarkis (1), Hale Tenger,

03

14 15

01

02 04

questionnement que partagent les Deuxième volet de la manifestation, le stambouliote et proposé leur propre Thomas Hirschhorn, Pierre Huyghe, The Festival provided an ideal framework
maisons de luxe françaises, elles-mêmes « Festival Colbert », inauguré en présence lecture de la modernité via le regard Chris Marker, Sarkis and Hale Tenger. for meetings and contacts. Twenty-six
résultantes d’une histoire riche dans d’une vingtaine de présidents de maisons sensible d’artistes porté sur les collections, It took three years to plan this exhibition, of our houses opened their doors to the
laquelle sont ancrées racines et identité. du Comité Colbert accompagnés pour des installations, des classiques revisités which ran from January to May 2013 Istanbulites and proposed their own take on
Largement saluée par la presse, cette l’occasion par Nicole Bricq donnait ou encore des créations spéciales. Ces and presented twenty works of art, of which modernity through the prism of creativity, i.e.
exposition a confronté les approches de lieu à une série d’évènements du 16 au événements exceptionnels ont constitué two were commissions. A “Festival Colbert” artistic works inspired by house collections,
la modernité par onze artistes des scènes 22 janvier. La présence de la ministre deux parcours sur la modernité du luxe was organized in connection with the show. installations and classics or created
française et turque, parmi lesquels Nevin du Commerce extérieur a mis en français à Istinye Park et dans le quartier The Festival opening, attended by about especially for the occasion. Events celebrating
Aladag, Kader Attia, Fikret Atay, Cyprien évidence l’importance accordée par le de Nisantasi. En participant ainsi à la vie twenty Colbert chairmen and Nicole Bricq, the modernity of French luxury took place
Gaillard, Thomas Hirschhorn, Pierre gouvernement français à la contribution culturelle d’Istanbul, le secteur du luxe French Minister of Foreign Trade, was at the Istinye Park Mall and in the Nisantasi
Huyghe, Chris Marker, Sarkis, Hale du secteur du luxe au rayonnement a exercé sa responsabilité sociétale pour followed by a series of events from January 16 part of town. Through its involvement
Tenger… Cette manifestation qui s’est de la France. Rencontres et contacts ont une meilleure connaissance mutuelle to 22. The Minister’s presence indicated how in the cultural life of Istanbul, the French
tenue de janvier à mai 2013, est le fruit pu se formaliser durant ce séjour sur des deux cultures. much the French government values luxury sector played a socially responsible
d’un travail de trois années. Elle a réuni place. Durant ce « Festival Colbert », 26 the contribution made by its luxury industry role by hosting events that improve mutual
20 œuvres dont 2 œuvres de commande. maisons ont ouvert leurs portes au public to building influence for France in the world. understanding between the two cultures.
UN DIPLOMATE PURSUING CULTURAL DIPLOMACY COMITÉ COLBERT — 2013

« Le Festival Colbert, Athénée (1), Eres en duo The “Festival Colbert Christian Dior featured Le « Festival Colbert, en duo avec Hédiard et The “Festival Colbert Chanel to Sèvres-Cité de
Modernité du luxe avec Sèvres-Cité Modernity of French the Plaza Athénée (1), Modernité du luxe Champagne Perrier- Modernity of French la céramique, Christofle to
français » à Istinye Park. de la céramique, Lacoste, luxury” at the Istinye Eres hosted Sèvres-Cité français » à Nisantasi. On Jouët, Faïenceries de luxury” in Nisantasi. Hédiard and Champagne
On y retrouve Chanel Louis Vuitton en duo Park Mall. Chloé and de la céramique and y retrouve Bernardaud Gien, Hermès en duo Bernardaud (3), Bonpoint, Perrier-Jouët, Hermès to
en duo avec Sèvres-Cité avec Christian Liaigre. Lacoste were joined by Louis Vuitton welcomed (3), Bonpoint, Cartier avec Pierre Hermé Paris, Faïenceries de Gien and Pierre Hermé Paris, and
de la Céramique (2), four Duos : Chanel opened Christian Liaigre. en duo avec Cognac Léonard, Louis Vuitton Léonard took part, along Louis Vuitton to Baccarat
Chloé, Christian Dior its doors to Sèvres-Cité Rémy Martin, Chanel en en duo avec Baccarat et with several Colbert Duos: and Ercuis (4).
en duo avec l’Hôtel Plaza de la céramique (2), duo avec Sèvres-Cité de Ercuis (4). Cartier offered hospitality
la céramique, Christofle to Cognac Rémy Martin,

01

16 17

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03

04
UN COLLECTIF TAKING COLLECTIVE ACTION COMITÉ COLBERT — 2013

LA FORCE Sur la base d’un Drawing on shared values


partage de valeurs specific to the luxury
DU qui sont spécifiques sector, the Comité Colbert
COLLECTIF au luxe, le Comité
Colbert favorise par ses
promotes solidarity
among French luxury
actions communes à houses via collective
l’international, l’esprit initiatives at the
de solidarité entre les international level
maisons

Au Comité Colbert, on joue collectif ! The Comité Colbert plays as a team! Its
Les 15 et 16 janvier, Les actions internationales se font dans international events and actions are
22 présidents se sont
retrouvés au bord du un esprit de partage et d’entraide. organized in a spirit of sharing and mutual
Bosphore pour inaugurer C’est l’une des singularités de l’association assistance. That’s only one of the reasons
le « Festival Colbert »
auquel participaient 26
née en 1954, qui réunit aujourd’hui that this association is unique. Founded in
maisons du luxe français. 78 maisons françaises de luxe et 1954, it currently numbers 78 French luxury
14 institutions culturelles. Au sein de houses and 14 cultural institutions among
Colbert, les maisons « oublient » qu’elles its membership. Within the Comité Colbert,
18 sont concurrentes à l’extérieur pour
s’engager dans des actions concertées
members put aside business rivalries and
act in concert to gain recognition for all
19

dès lors qu’il s’agit de faire rayonner à sectors conveying the FrenchArt de Vivre.
On January 15 and 16, l’étranger, les multiples facettes de l’art For France, the economic impact is extremely
22 Colbert chairmen
de vivre français. Les répercussions sont positive. This modus operandi helps French
found themselves on the
shores of the Bosphorus très positives en termes économiques luxury houses, even small ones, gain an
for the opening of the pour la France. Car, le Comité permet early foothold on the emerging markets
Festival Colbert, in which
26 French luxury houses à toutes les maisons, petites et grandes, that drive growth in our sector, stimulating
took part. d’aborder très tôt les marchés émergents competitiveness and employment in France
qui soutiennent la croissance du secteur and Europe. «Once again, the Comité Colbert
et d’assurer ainsi la compétitivité et shows the way! Large firms entrenched
l’emploi en France et en Europe. in a promising country allow SMEs to
« Le Comité Colbert s’affirme comme un benefit from their experience on the local
exemple réussi de portage. Les maisons market as well as their brand recognition
les mieux implantées dans le pays font and investments, which gives the SMEs
bénéficier les PME du secteur de leur a boost in their business development,»
connaissance du marché, de leur notoriété pointed out Elisabeth Ponsolle des Portes,
et de leurs investissements afin de President and CEO of the Comité Colbert.
leur permettre de se développer sur ce Many of our members team up in “Colbert
marché prometteur » souligne Elisabeth Duos” for external events such as the
Ponsolle des Portes, déléguée générale “Festival Colbert” in Istanbul. The system
du Comité Colbert. has been a big success ever since it was
De fait, les membres du Comité Colbert introduced in 2005. That year, Baccarat
forment lors d’évènements extérieurs was Chanel’s guest in China, then again
tel que le « Festival Colbert » à Istanbul, in the United Arab Emirates five years later.

STRENGTH ce qu’on appelle « des duos Colbert ».


Cette formule initiée en 2005, est rééditée
Mellerio accepted hospitality from Hermès
in Dubai. Louis Vuitton shared premises

IN
avec succès. En Chine, Baccarat exposait with Pierre Frey in Russia in 2007. These
chez Chanel, et le même duo a renouvelé pairings are arranged under the supervision
l’expérience aux Emirats Arabes Unis, of the Comité Colbert, which handles the

NUMBERS cinq ans plus tard. Mellerio a été accueilli


par Hermès à Dubaï alors que Louis
Vuitton recevait Pierre Frey, en Russie en
event planning and management. This year,
the most recent “Festival Colbert” was held
from January 16 to 22, 2013 in Istanbul.
FOCUS UN COLLECTIF TAKING COLLECTIVE ACTION COMITÉ COLBERT — 2013
03

01

Les duos Colbert The “Colbert Duo” system 02 Le 16 janvier, Nicole On January 16, Nicole
démultiplient la enabled more Colbert Bricq, ministre du Bricq, French Minister
présence des maisons members to be present in Commerce extérieur of Foreign Trade,
à Istanbul. Pendant le Istanbul. During inaugure le « Festival inaugurated the Festival
Festival, Cartier expose the Festival, Cartier Colbert » à Istinye Park Colbert at the Istinye Park
Cognac Rémy Martin played host to Cognac avec Şükrü Genç Maire Mall with Şükrü Genç,
(3), Chanel et Eres Rémy Martin (3), Chanel du district de Sarıyer, Mayor of Sarıyer, Kazım
présentent Sèvres-Cité and Eres to Sèvres-Cité Kazım Tekin, Acting Tekin, Acting Governor
de la Céramique (2), de la céramique (2), governor Istanbul, of Istanbul as well as
Christian Dior le Plaza Christian Dior to the Plaza Zafer Kurşun et Zafer Zafer Kurşun and Zafer
Athénée (1), Christofle Athénée (1), Christofle to yildirim, Co Présidents Yildirim, principals of the
Hédiard et Champagne Hédiard and Champagne Orjin group avec Michel Orjin Group, along with
20 Perrier-Jouët, Hermès Perrier-Jouët, Hermès to Bernardaud, Président, the representatives of the 21
Pierre Hermé Paris et Pierre Hermé Paris and Yves Carcelle, Président Comité Colbert: Michel
Louis Vuitton Baccarat, Louis Vuitton to Baccarat, de la Commission Bernardaud, Chairman,
Christian Liaigre et Christian Liaigre and Internationale et Yves Carcelle, President
Ercuis. Ercuis. Culturelle et Elisabeth of the International and
Ponsolle des Portes, Cultural Commission,
Déléguée générale du and Elisabeth Ponsolle 04
Comité Colbert (4) des Portes, President and
CEO (4)

« L’expérience “The Colbert duo


2007. Ces mariages des duos Colbert La griffe Christian Dior quant à « Le Festival Colbert nous a offert une
Several Colbert system is a big the co-founder of Pierre Hermé welcome from a fellow member. Obviously,
houses that already Paris, called this a «tremendous they are reluctant to attack a new market on
entre marques se font
est un atout pour elle, a ouvert ses portes à Istinye très belle visibilité. Cela nous a permis de
do business in Turkey
asset for French and valuable experience, not their own. The Colbert Duo system is a big
sous la houlette du Park au Plaza Athénée. Chez redéfinir les bases de notre collaboration
Comité Colbert, qui le luxe français » Christofle, on vantait Hédiard avec notre agent commercial sur place »,
stepped forward to luxury” to mention efficient. We stayed asset for French luxury houses, which know
help members that in close contact throughout the how to cooperate based on shared values.
organise et encadre et Perrier-Joüet. Pour sa part, relate Michel Rouget, PDG d’Ercuis.
do not have adequate process of creating the windows.
l’événement. la maison Hermès a accueilli « Depuis cet événement, les commandes
local representation. This gives Istanbulites It was a success.» Enthusiasm was also
À Istanbul, cette année, dans le cadre d’une les créations « haute couture » du célèbre sont en forte augmentation d’autant que
a chance to discover unique French houses. forthcoming from Ercuis, which Louis
nouvelle édition du « Festival Colbert » pâtissier Pierre Hermé Paris dont nous avons inauguré un nouveau show-
Cartier played host to Cognac Rémy Martin; Vuitton featured in style along with Baccarat.
qui s’est tenu du 16 au 22 janvier 2013, c’était la première participation à un room au printemps. Notre stratégie est
Chanel and Eres featured emblematic «The Festival Colbert allowed us to raise
plusieurs maisons implantées en Turquie « Festival Colbert ». Une « expérience plus offensive, plus construite ». Pour ces
Sèvres porcelain at their boutiques at our visibility, which allowed us to redefine
ont joué ce jeu de l’invitation, en recevant formidable et très appréciable », selon les maisons de moindre envergure, un tel
the Istinye Park Mall and in Nisantasi; our business ties with our local sales
des maisons peu ou pas représentées sur mots de Charles Znaty. « Les liens ont été accueil est indéniablement rassurant.
Christian Dior opened its doors at the Mall agent,» noted Michel Rouget, President
place pour offrir au public stambouliote, constants et efficaces afin de mener à Il est clair que, sans l’aide des plus grandes
to the Plaza Athénée; Christofle presented and Chairman of Ercuis. «Since the event,
une occasion de découverte unique. Ainsi, son terme l’élaboration des vitrines. maisons, elles ne tenteraient pas seules
Hédiard and Perrier-Joüet; Hermès orders are up substantially, especially
Cartier a invité Cognac Rémy Martin, Ce fut un succès », conclut le co-fondateur l’expérience d’un nouveau marché. En cela,
welcomed Haute Pâtisserie creations by the since the opening of a new showroom last
tandis que Chanel et Eres ont mis à de la marque. L’enthousiasme est tout l’expérience des duos Colbert est un point
renowned pastry chef Pierre Hermé, whose spring. «We’ve adopted a more aggressive
l’honneur dans leurs boutiques d’Istinye aussi palpable chez Ercuis qui a été fort à mettre au crédit du luxe français,
company was taking part in a “Festival and structured strategy.» For the smaller
Park et de Nisantasi, les emblématiques joliment mis à l’honneur aux côtés de qui sait sur la base de valeurs partagées,
Colbert” for the first time. Charles Znaty, members, it’s very reassuring to get a warm
porcelaines de la Manufacture de Sèvres. Baccarat, par la boutique Louis Vuitton. coopérer.
UN COLLECTIF TAKING COLLECTIVE ACTION COMITÉ COLBERT — 2013

NOUVEAUX Joël Robuchon a été sacré


« Meilleur Ouvrier de France »

MEMBRES en 1976, « Chef de l’année »


en 1987 puis « Cuisinier du
siècle » en 1990. À ce jour, il
est le Chef qui détient le plus
d’étoiles au monde au guide
Michelin avec 26 Etoiles. Joël
Robuchon reste fidèle à ses
principes : qualité des produits
Le Comité Colbert s’agrandit, en The Comité Colbert has gained three new
et simplicité d’exécution.
accueillant trois nouveaux membres, members: Alain Ducasse au Plaza Athénée, le
Alain Ducasse au Plaza Athénée, le Restaurant Guy Savoy Paris, l’Atelier de Joël
Joël Robuchon has won many
Restaurant Guy Savoy Paris, l’Atelier de Robuchon Étoile.
titles: Meilleur Ouvrier de
Joël Robuchon Étoile. This trio of prominent French culinary
France (1976); Chef of the Year
Ces belles et fortes personnalités de la figures have joined Taillevent and Oustau
(1987) and Chef of the Century
haute cuisine française rejoignent les de Baumanière, both reputed and venerable
(1990). Today, he holds a world
célèbres maisons historiques Taillevent establishments that already belong to
record with 26 Michelin stars.
et Oustau de Baumanière, déjà présentes the Comité Colbert. Gastronomy, a key « Mon restaurant est l’Auberge Originaire des Landes, Alain
Joël Robuchon remains true
au sein de Colbert. La gastronomie est un component of French identity and Art de du 21e siècle », aime à dire Ducasse est aujourd’hui à
to his principles: exceptional
acteur identitaire fort de l’art de vivre à la Vivre, has been officially recognized as such: Guy Savoy, trois étoiles au la tête de trois restaurants
ingredients and great simplicity
française ; elle a d’ailleurs été distinguée UNESCO has put it on the Representative guide Michelin. Ancien élève triplement étoilés à Monaco,
in the execution of his art.
comme telle par l’Unesco qui l’a inscrite List of the Intangible Cultural Heritage of de Troisgros, Guy Savoy allie Londres et Paris. Chef de cuisine,
au patrimoine culturel immatériel. Humanity. French chefs cultivate excellence, la bonté et la générosité à un créateur de restaurants,
Les chefs français cultivent l’excellence, demonstrate culinary expertise and play an fantastique talent de cuisinier aubergiste contemporain,
valorisent les savoir-faire et participent active role in enhancing the prestige of French qu’il met au service de sa formateur et éditeur, Alain
de façon active à faire rayonner le goût taste in the world. With the admission of these célèbre table de la rue Troyon Ducasse a développé en trente
français dans le monde. Avec l’intégration famous chefs and businessmen, the Comité à Paris. En mai 2010, il ouvre ans un savoir-faire unique
de ces trois créateurs-entrepreneurs Colbert confirms its interest in more recent une réplique de son restaurant qui illustre sous de multiples
22 réputés, le Comité Colbert souligne
l’intérêt qu’il porte aux jeunes maisons.
companies.
The arrival of these new names illustrates
à Singapour. formes, l’art du bien vivre. 23

L’arrivée de ces nouveaux noms met the dynamics of the luxury sector, which is “My restaurant is an inn for the Hailing from southwest France,
en valeur la dynamique d’un secteur en constantly reinventing itself. 21st century” says Guy Savoy, Alain Ducasse is currently at
perpétuel renouvellement. This «entering class» was co-opted at a chef with three Michelin stars the helm of three restaurants,
Cette « nouvelle promotion Colbert » the General Assembly on June 27 in Berlin who trained under Troisgros. each with three Michelin stars,
cooptée lors de l’Assemblée Générale du at the same time as a high-profile associate Guy Savoy brings goodness, located in Monaco, London and
27 juin qui se tenait exceptionnellement member: the Musée d’Orsay. generosity and a fabulous Paris. A chef with thirty years
à Berlin, s’accompagne de l’arrivée The Colbert membership now numbers culinary talent to the practice of of experience in creating
remarquée du musée d’Orsay au titre 14 cultural institutions and 78 full members. his art at his famous restaurant restaurants, contemporary
de membre associé. Ce qui porte à 14, le on rue Troyon in Paris. In innkeeping, culinary training
nombre d’institutions culturelles au cœur May 2010, he opened a sister and publishing, Alain Ducasse
de Colbert et à 78, le nombre de membres restaurant in Singapore. possesses impeccable credentials
de plein droit. in various facets of the French
Art de Vivre.

Le musée d’Orsay Le musée d’Orsay

Les collections du musée d’Orsay à Paris, The collections of the Musée d’Orsay in
présentent la peinture et la sculpture Paris cover painting and sculpture from
de 1848 à 1914 et une importante 1848 to 1914, in addition to a large collection

OPENING
collection de dessins, de photographies of drawings, photographs and art objects.
et d’objets d’art. En octobre 2011, la In October 2011, the reopening of the
réouverture de la galerie impressionniste, Impressionist gallery, the creation of the

UP TO NEW la création du pavillon accueillant les


arts décoratifs et l’inauguration du Café
Pavillon Amont for the decorative arts and
the inauguration of the Café Campana all

MEMBERS
Campana ont permis aux visiteurs de shed a new light on the museum.
porter un nouveau regard sur le musée.
UNE RÉFÉRENCE SETTING THE STANDARD COMITÉ COLBERT — 2013

CHAIRE Le Comité Colbert


inscrit dans la durée
The Comité Colbert has
been working in close

COLBERT
FOCUS
sa relation privilégiée collaboration with the
avec l’ENSAAMA. ENSAAMA art and
C’est la confirmation design school and plans
BIS REPETITA que le travail de
rapprochement des
to keep on doing so. This
confirms its satisfaction
étudiants en design with the results of its
avec les maisons de luxe efforts to bring design
est fructueux students into contact with
luxury businesses

24
24 25

C’est au sein de Transmettre les valeurs du luxe auprès One aspect of the Colbert mission is to help
l’ENSAAMA à Paris
qu’est reconduite pour
de la jeune génération est au cœur transmit the values of French luxury
3 ans l’expérience des missions du Comité Colbert. to the next generation. The Comité Colbert
de la Chaire Colbert. On se souvient du concours des « Espoirs launched the Young Designers Competition
At ENSAAMA (Paris), de la création », initié en 1987, qui était in 1987, which was a big success. In 2011,
it was announced that the couronné de succès. En 2011, le Comité it decided to vary its action toward schools
Chaire Colbert project
would carry on for 3 more
Colbert faisait évoluer son action auprès and provide support for the teaching of design
years. des écoles, en orientant son soutien vers in France. This led to the idea of creating a
l’enseignement du design en France. Chaire Colbert. In the words of our President
D’où le projet de créer une chaire Colbert. and CEO, Elisabeth Ponsolle des Portes:
Comme le rappelle la Déléguée générale “We had three objectives: give French schools
Elisabeth Ponsolle des Portes : « l’objectif a broader audience, offer students a rare
était triple : renforcer l’audience opportunity to work with a luxury company
internationale des écoles françaises, and help create a pool of young talent
offrir une opportunité unique aux for our members to draw on.” A number
étudiants d’immersion dans le secteur of schools were invited to submit proposals.
du luxe et produire un vivier de talents Finally, the Comité Colbert selected the École
auxquels les maisons pourraient nationale supérieure des arts appliqués et
faire appel ». des métiers d’art (ENSAAMA), which shares

LONG LIVE Après un large appel d’offres lancé aux


écoles, le choix s’est porté
sur l’ENSAAMA-Olivier de Serres,
its ambitions and its values with respect
to creation, innovation and research. At the
time, ENSAAMA was introducing its

THE CHAIRE
sur la base d’une ambition commune Master 2. Design Strategies course, offered
et d’un partage de valeurs en termes jointly with the Université d’Evry Val
de création, d’innovation et de recherche. d’Essonne. “Our respective faculties saw a
Ce rapprochement s’est fait au moment need for postgraduate training in the applied

COLBERT où l’Ecole nationale supérieure des arts


appliqués et des métiers d’art lançait,
quant à elle, son projet de création
d’un Master 2. Stratégies du Design
arts,” noted Marie-José Mascioni, director of
ENSAAMA. “The aim of the Master program
is to equip students to think, create and
work in professions that are evolving fast to
en codirection avec l’Université d’Evry keep up with changing social and industrial
UNE RÉFÉRENCE SETTING THE STANDARD

Irvin Anneix et Amélie Amandine Bourbon et


Hall bousculent les Camille Guitton créent
clichés pour les 150 ans l’événement avec Chanel
de Bernardaud. dans les nuages.
Chaire Colbert 2013 Chaire Colbert 2013

Irvin Anneix and Amélie Amandine Bourbon and


Hall dusted off the old Camille Guitton created
26 clichés, giving porcelain excitement with “Chanel in 27
a whole new twist the clouds”.
for Bernardaud’s 150th Chaire Colbert 2013
anniversary.
Chaire Colbert 2013.

« La Chaire “The Chaire


Colbert est le lieu Colbert
Val d’Essonne. d’un véritable Après trois ans de à ce seul stage. Les maisons en accord demand. It gives our provides a forum program. The involvement of how and dynamics involved. On October
« Nos équipes fonctionnement, un premier avec l’équipe enseignante, proposent students a chance to host companies does not stop 17, the work accomplished by the first three
pédagogiques ont
enrichissement bilan fait état d’un taux des sujets de recherche prospective sous get work experience,
for real mutual at accepting an intern. They classes of graduates from the Master 2.
ressenti la mutuel » remarquable d’employabilité forme d’ateliers, avec des interventions which will help them enrichment” propose forward-looking Design Strategies program was presented at
nécessité de créer de 60% (CDD ou CDI) à l’issue (séminaires, conférences, rencontres) find jobs that entail research topics, subject to ENSAAMA in Paris. This coincided with the
un complément de du stage (100% dans l’année qui permettent aux étudiants de se responsibility”. ENSAAMA approval. Students press event announcing the extension of the
formation à la suite du DSAA (diplôme qui suit l’obtention du diplôme). Sur les familiariser avec les codes et les valeurs After three years, the Comité Colbert are exposed to the codes and values of the Chaire Colbert for three more years. All of the
supérieure d’arts appliqués), comme 62 étudiants diplômés du master, 33% des maisons du luxe. Au contact conducted a program review. A remarkable luxury industry. They attend workshops, parties involved were happy to see this fruitful
le raconte Marie-José Mascioni, la des deux premières promotions ont été de professionnels, s’élabore un échange 60% of its graduates found a fixed-term or seminars, lectures and discussion groups, relationship continue. “This partnership will
directrice de l’ENSAAMA. Le master recrutés par des maisons du Comité constructif. « Le regard qui est porté permanent job after their internship (100% with plenty of opportunity for constructive help ENSAAMA and the Université d’Evry
entend offrir les outils de réflexion et Colbert et 50% dans la promotion par les maisons de luxe sur nos étudiants in the year following graduation). Sixty- give-in-take with professionals. “We’ve meet a major challenge: their goal is to
de créativité nécessaires pour accueillir 2012-2013 ont été accueillis en stage. La est professionnalisant. A travers cela, two students have completed the Master 2 noticed that the luxury houses treat our compete with other international academic
favorablement les mutations à venir Chaire Colbert propose une immersion nous notons une évolution très rapide program: 33% of the first two graduating students like professionals, which elicits a and rank among the best” said Philippe
des professions du design en relation dans le monde des maisons du luxe de leur personnalité » souligne classes have found jobs at Colbert houses quick and positive response from the young Houdy, President of the Université d’Evry Val
avec les modifications des demandes avec un stage de six mois qui est « une Marie-José Mascioni. and 50% of the Class of 2013 an internship. people” pointed out Marie-José Mascioni. d’Essonne. Michel Bernardaud, Chairman of
sociétales et industrielles. Pour nos initiation bienveillante ». Quatorze De fait, la chaire a parfaitement répondu The Chaire Colbert offers students a six- The Chaire Colbert has accomplished its the Comité Colbert, recalled that creativity
étudiants, c’est aussi et surtout maisons parmi lesquelles Chanel, Dior, aux attendus : elle est le lieu d’un month internship at a luxury company that objective and provided a forum for real plays a key role in the luxury industry. It
favoriser les passerelles entre l’école Hermès, Boucheron, Ercuis… ont jusqu’à véritable enrichissement mutuel. Les introduces them to the real world of the mutual enrichment. The more students learn enables each luxury house to refresh its
et les entreprises afin de faciliter présent apporté leur concours à cet étudiants forts d’une connaissance plus luxury business. So far, 14 Colbert companies about the luxury industry, the better equipped inspiration in keeping with the tastes of the
leur intégration à des postes de apprentissage. Bien réelle, l’implication fine des spécificités du secteur du luxe, (e.g. Chanel, Dior, Hermès, Boucheron and they will be to transcend clichés and gain a day. “The Master 2 project assignments are
responsabilités ». des entreprises ne se limite pas se libèrent des clichés et développent Ercuis) have taken part in this apprenticeship better understanding of the values, know- intended to tap into and maintain this vein of
UNE RÉFÉRENCE SETTING THE STANDARD

Alexandre Hoyos et Laura Wasielewski avec


Lancelot Letellier Quentin Wary illustrent
exposent la Boîte Noire l’Envers du Décor :
pour la maison Chanel. Nuée (d’)éphémère(s)
Chaire Colbert 2013 pour la maison Hermès.
Chaire Colbert 2013
Alexandre Hoyos and
Lancelot Letellier exhibited Laura Wasielewski teamed
28 the Black Box for Chanel. up with Quentin Wary 29
Chaire Colbert 2013 on a project for Hermès:
L’Envers du Décor : Nuée
(d’)éphémère(s).
Chaire Colbert 2013

« Qualité et “High-quality
une perception plus impertinence en sa qualité de président multiplicité de savoirs. Les réponses aux creativity.” Many of the projects full of Amélie Hall dusted off the old clichés,
sensible des valeurs du Comité Colbert, a rappelé problématiques posées par les maisons works displayed were giving Limoges porcelain a whole
du luxe, de ses
pertinente des à cet égard, l’importance participantes sont en majorité très of high quality
pertinent new twist to celebrate Bernardaud’s
savoir-faire et de sa projets » de la création au cœur du luxe audacieuses à l’image du projet d’Irvin and full of “pertinent impertinence” 150th anniversary. “When you use
dynamique. qui permet à chaque marque Anneix et Amélie Hall, bien décidés à impertinence” dear unlikely combinations,
Rendez-vous était d’être en adéquation avec chahuter la porcelaine de Limoges à to Marie-José you get high impact. We took
donné le 17 octobre, au 63 rue son temps : « C’est cette veine créative l’occasion des 150 ans de Bernardaud. Mascioni’s heart. The Master 2. Design a motif from traditional porcelain design
Olivier de Serres pour apprécier que les travaux menés au sein du master « Notre démarche est un décalage entre Strategies program is a bilingual codes and updated it with a dose of caustic
les résultats des trois promotions ont pour mission de faire naître et un motif traditionnel qui respecte postgraduate program for French black humour,” said the authors. Along with
du Master 2. Stratégies du Design, à d’entretenir ». Les nombreux travaux les codes de la porcelaine et un discours and international students already in the other graduates of the Master 2. Design
l’occasion du renouvellement de la chaire exposés témoignaient de la qualité et contemporain qui la réveille à travers possession of a design-related degree (e.g. Strategies program, they are listed with
pour trois ans. Chacun des protagonistes de « l’impertinence pertinente », chère à un humour noir et grinçant » indiquent industrial creation, visual or multimedia their projects in a directory just published
s’est félicité de la suite donnée à Marie-José Mascioni, des élèves français ces jeunes pousses que l’on retrouve communication, and spatial or packaging with the assistance of the Comité Colbert.
cette association fructueuse. « Cette et étrangers qui ont intégré ce master avec les autres étudiants du master, design). In fact, this course is a blueprint for This publication sheds light on the program
collaboration permet à l’ENSAAMA bilingue, tous venus d’horizons divers référencés dans un ouvrage qui vient cross-disciplinary study. and targets HR departments in search of
et à l’Université d’Evry de relever le défi (création industrielle, communication d’être édité avec l’aide du Comité Colbert. This type of approach is crucial asset in young talent.
de la concurrence pour se positionner visuelle et multimédia, design d’espace Cet abécédaire qui définit la an ever-changing world requiring a broad
au niveau des meilleurs établissements ou packaging…). Ce Master 2. est un personnalité du Master 2. Stratégies palette of knowledge. By and large, the
internationaux », s’est réjoui Philippe modèle de transversalité. C’est une du Design se veut un outil à l’adresse students took a bold approach to the topics
Houdy, président de l’Université d’Evry donnée importante dans une monde en des directions de ressources humaines assigned by participating houses.
Val d’Essonne. Michel Bernardaud, perpétuel mouvement qui convoque une en quête de jeunes talents. For instance, the project by Irvin Anneix and
UNE RÉFÉRENCE SETTING THE STANDARD COMITÉ COLBERT — 2013

LE LUXE Après deux mois


de travail en équipes,
Le Comité Colbert The Comité Colbert
INSPIRE encadre la 2e édition holds the second Colbert
les étudiants présentent
leurs projets à un jury
d’enseignants et de
responsables de maisons du workshop International Design
LA du Comité Colbert.

After working for two


international qui réunit
des étudiants en design
Workshop for students
from the ENSAAMA
JEUNE
months in teams, the
students presented their
projects to judges from
ENSAAMA and Colbert
de l’ENSAAMA à Paris art and design school
CRÉATION et de Central Saint (Paris) and Central Saint
houses.

Martin’s de Londres Martins College of Arts


and Design (London)

Après « l’Art de la Séduction » qui était After “The Art of Pleasing” the theme chosen
le thème de 2011, 80 étudiants en design for 2011 this year, twice as many students,
de 4e année de l’ENSAAMA et eighty in all, tackled the assigned topic:
de Central Saint Martin’s ont planché “A Day to Celebrate.” It certainly seemed
sur « Jour de fête ». Une thématique to inspire the ten project teams, judging
très inspirante au vu de la richesse des by the diversity and quality of their
En équipe, étudiants propositions des dix équipes en présence. respective treatments. The projects were
parisiens et londoniens
planchent sur « Jour
De six, on est passé à dix maisons de luxe presented to the public last May. Ten Colbert
de fête ». qui ont parrainé ce deuxième workshop. houses took part in the second workshop, up
Présentes lors de la première édition, from six in 2011. This time around, the initial
les maisons Bernardaud, Christian Dior, six (Bernardaud, Christian Dior, Cognac
30 Cognac Rémy Martin et Yves Delorme
ont été rejointes cette fois-ci par Guerlain,
Rémy Martin and Yves Delorme) were joined 31
by Guerlain, John Lobb, Champagne Krug,
John Lobb, Champagne Krug, Lorenz Lorenz Bäumer Joaillier, Faïenceries de
Students from Paris Bäumer Joaillier, Faïenceries de Gien Gien and Pierre Frey.
and London team up
et Pierre Frey. Five busy weeks of collaboration between
to work on “A Day to
Celebrate”. Une collaboration menée tambour battant Paris and London, with a tight schedule
entre Paris et Londres durant cinq of tours and talks to help students develop
semaines avec un programme serré a good understanding of the brand identity
de visites qui ont permis aux étudiants concerned before tackling their project
de cerner l’identité forte de maisons pour for the workshop. The second workshop got
répondre au mieux au sujet. L’expérience the benefit of past experience and yielded
rééditée se révèle plus qualitative. results of even higher quality. David Caméo,
Lors du rendu final, David Caméo, President of the Creation Commission at the
président de la Commission Création Comité Colbert, was pleased with the final
au sein du Comité Colbert s’est réjoui submissions and told students: “You’ve all
du résultat : « Vous avez fait preuve shown personal commitment and creativity
d’implication, de créativité while conveying the identity of our houses.
tout en respectant l’âme des maisons. That’s quite a challenge! The members of
Les maisons du Comité Colbert sont avides the Comité Colbert are looking for first-rate
de rechercher les meilleurs collaborateurs talent, the designers of the future. You’ve
de demain. Mesurer la qualité de votre had a chance to compare the work done at
travail avec une autre école internationale your school and at another international
est un atout supplémentaire pour votre school. That will be another feather in
LUXURY futur ». Les étudiants ont également reçu
les félicitations de Margareth Henriquez,
your cap as you build your future.” After
congratulating the students, Margareth

INSPIRING la présidente de Champagne Krug


qui s’est montrée emballée par cette belle
expérience et a, pour l’occasion, rappelé
Henriquez, Chairperson of Champagne Krug,
expressed enthusiasm at the results of this
exciting experiment. She advised students
YOUNG les fondamentaux du luxe, notamment
l’exigence : « Il ne faut pas se laisser attirer
to remember that excellence is of paramount
importance in the luxury business. “Don’t

CREATORS par la facilité, la médiocrité.


Vous avez les outils pour être de très bons
professionnels ».
take the easy way out or settle for lower
standards. You’ve got everything it takes to
be very good professionals!”
UN PORTE PAROLE SERVING AS ADVOCATE COMITÉ COLBERT — 2013

LA POLITIQUE Le Comité Colbert a signé


avec l’Académie de Paris
The Comité Colbert has
signed an agreement with
FOCUS
une nouvelle convention the Paris school board to
DU FAIRE dont l’ambition est de
répondre au défi de
continue their joint effort
to guide more young
SAVOIR l’orientation des élèves
vers les métiers du luxe
people towards careers in
the luxury crafts, which
où les perspectives de offer good job prospects
carrière sont ouvertes

Rencontre entre Le 31 janvier, le musée des Arts décoratifs On January 31, things were as busy as a
un artisan de la maison
à Paris résonnait d’un bruissement de beehive at the Musée des Arts Décoratifs in
Van Cleef & Arpels et des
élèves de collège autour ruche. L’exposition « Van Cleef & Arpels, Paris. The exhibition entitled “Van Cleef &
des savoir-faire de la L’Art de la Haute joaillerie » a constitué Arpels, L’Art de la Haute joaillerie” was the
joaillerie.
le cadre d’une journée exceptionnelle setting for a special career information day
An artisan from Van Cleef d’information sur les métiers du luxe held by the Comité Colbert and the Paris
& Arpels tells middle-
schoolers about the crafts
conjointement organisée par le Comité school board. About twenty middle-school
used to make jewellery. Colbert et l’Académie de Paris. Une classes were given a tour by a museum guide
vingtaine de classes ont bénéficié ce jour- and an artisan from Van Cleef & Arpels. The
32
32 là, d’une visite « sur mesure » encadrée craftsmen brought their tools, 33
par des conférenciers du musée en duo a professional eye and their passion for their
avec des artisans de Van Cleef & Arpels, work with them, and told the young people
venus avec leurs outils, leur œil et leur all about life in the studio. The students got
passion conter la richesse de leur travail a chance to hear what it’s really like to work
dans l’atelier. Les élèves des collèges in the jewellery crafts as a designer, model-
invités ont ainsi pu « toucher du doigt » maker, jeweller, stone-setter, gem-cutter
la réalité des métiers qui entourent or diamond-cutter. Teachers and students
la réalisation d’un bijou : dessinateur, from the École Boulle were also on hand to
maquettiste, joaillier, sertisseur, lapidaire, answer questions about how to get training
diamantaire… Des enseignants et des in a jewellery-making craft, an encounter
élèves de l’Ecole Boulle étaient également that generated a lot of give-and-take.
présents pour répondre à leurs questions It illustrated, once again, the importance
sur la formation joaillière. of informing students of school-leaving age
La rencontre a été riche d’échanges, about careers in the luxury crafts. As we
démontrant une fois encore la légitimité all know, the hand crafts do not receive the
de ce faire savoir. consideration they deserve and people often
Faut-il le rappeler : les métiers de la main know little or nothing about them. That’s why
souffrent d’un certain discrédit et d’une it’s relatively difficult for luxury houses to
grande méconnaissance. Ce qui explique recruit young people: they must not only be
la relative difficulté que les maisons de motivated and eager to work to create beauty,

PROMOTING luxe rencontrent à recruter des jeunes,


motivés et désireux de rejoindre ces
professions du beau qui se consacrent
à la qualité, à l’unique, à l’exigence. C’est
but also willing to meet high standards, make
unique creations and strive for perfection.
The situation is especially paradoxical at
a time when the French luxury sector,

CAREERS d’autant plus paradoxal que le secteur


du luxe connaît une belle dynamique
économique sur la scène internationale
growing fast on international markets as
new markets open up, are in a position to
offer steady work to a substantial number

IN LUXURY CRAFTS avec l’ouverture de nouveaux marchés


et que les débouchés en termes d’emplois
qualifiés et durables sont de fait,
significatifs. Les 78 maisons du Comité
of qualified personnel. The Comité Colbert
companies employs directly more than
37,500 people in France. With this in mind,
the Comité Colbert is working tirelessly to
Colbert représentent 37 500 emplois give these middle-schoolers exposure to the
FOCUS UN PORTE PAROLE SERVING AS ADVOCATE COMITÉ COLBERT — 2013

L’exposition « Van A l’issue de la visite


Cleef&Arpels, l’art de de l’exposition, les
la Haute-joaillerie » collégiens échangent
au musée des Arts avec les enseignants et
décoratifs à Paris est élèves de l’Ecole Boulle.
l’occasion d’une
découverte des métiers After a guided tour of
du bijou pour un public the exhibition, middle-
de collégiens. schoolers talk to teachers
and students from École
During special guided Boulle.
tours of the “Van Cleef
& Arpels, L’Art de la Haute
joaillerie” exhibition
at the Musée des Arts
Décoratifs in Paris, middle-
schoolers learned about
jewellery-making crafts.

34 35

« Ces immersions
éveillent des
vocations “ These encounters
directs en France. et ouvrent des s’épanouir et assurer le futur de faire savoir, chère au Comité Colbert. arts and crafts used inspire vocations of fine craftsmanship. The first Décoratifs. The new agreement extends the
by its members (130 in
Fort de ce constat,
le Comité Colbert
perspectives ce secteur. Depuis plus de dix ans,
le Comité Colbert est la cheville
« L’Académie de Paris a, dans le domaine
des métiers du luxe, une mission nationale all), which constitute
and open up new cooperation agreement, concluded
with the Paris school board in
partnership to cover all of the public middle
and high schools in Paris. Students will be
œuvre sans relâche insoupçonnées » ouvrière d’un rapprochement pour assurer l’avenir de cette branche an intangible heritage horizons” 2007, provided a framework for informed about the training alternatives
pour mieux faire entre l’école et l’entreprise prestigieuse de l’industrie française », for French luxury awareness-raising initiatives offered by the Paris school board: a broad
connaître auprès pour faire découvrir ce monde a rappelé le recteur François Weil, lors de that is beyond price. targeting Parisian middle-schoolers range of highly specialized certificate
du jeune public en âge de s’orienter, insoupçonné du bel artisanat aux élèves la signature qui a eu lieu le 31 janvier, dans The know-how of plumassiers (plume and via a career information program. The programs whose level is very good. For
les 130 métiers qui ont été recensés à de 3ème. Une première convention de les salons du musée des Arts décoratifs. feather specialists), ceramists, jewellers, luxury houses opened their doors: a thousand instance, 87% of students completing the
l’intérieur des maisons et qui constituent partenariat a été signée avec le Rectorat Ce nouveau partenariat qui est élargi embroiderers, crystal-makers, silversmiths, students have visited their studios and talked jewellery training program find jobs. In other
l’inestimable patrimoine immatériel du de Paris en 2007, qui a permis d’encadrer à l’ensemble des collèges et des lycées trunk-makers or silver planishers is to the craftsmen who are the heart and soul words, the school district governed by the
luxe français. Qu’ils soient plumassiers, ces actions de sensibilisation auprès parisiens, vise à améliorer l’information meaningful, respected and recognized. of French luxury. It’s easy to see how these Paris school board is a good place for luxury
céramistes, joailliers, brodeurs, de nombreux collégiens parisiens à sur les nombreuses formations It is vital to make sure that this valuable encounters might inspire vocations or at least companies to go shopping for fresh talent.
cristalliers, orfèvres, malletiers, ou travers un programme de Découverte spécifiques proposées par l’Académie knowledge is transmitted to the next open up new horizons. This year, the Comité
planeurs, ce sont tous des savoir-faire Professionnelle. Les métiers du luxe de Paris, du CAP au BTS en passant par generation, perpetuating the existence of the Colbert entered into a new agreement with
porteurs de sens, valorisés et valorisants. leur ont ainsi ouvert leurs portes. Mille les écoles d’art. Toutes témoignent d’un luxury crafts. The most experienced artisans, the Paris school board that extends
La transmission reste essentielle. Ainsi, d’entre eux ont eu l’opportunité de visiter très bon niveau, comme l’atteste le taux who are the custodians of time-honoured and develops the career information policy
la passation de savoir et connaissances des ateliers et d’aller à la rencontre des d’insertion de 87 % pour les élèves du gestures, need to train the younger ones. This that it views as being crucial. “The Paris
entre générations assure la pérennité artisans d’exception qui en sont l’âme. CAP « bijouterie-joaillerie ». Ce qui fait legacy of technical expertise is what enables school board’s mission is in the national
des métiers du luxe. L’expérience On imagine sans peine que ces immersions de l’Académie de Paris, un territoire très creativity and innovation to flourish and thus interest. By helping to perpetuate luxury
des plus anciens, dépositaires d’une ont éveillé des vocations, ou du moins, attractif dans le domaine du luxe, avec ensures the future of our sector. For more crafts, we help ensure the long-term viability
mémoire des gestes, est essentielle à la ont ouvert des perspectives insoupçonnées. un éventail de choix très pointu pour than ten years, the Comité Colbert has been of this prestigious branch of French industry,”
formation des plus jeunes. C’est sur la Cette année, une nouvelle convention les diplômes. working to build bridges between schools said François Weil, head of the Paris school
base de cette maîtrise technique léguée a été signée avec l’Académie de Paris, qui and businesses to permit students of school- board, at the January 31 signing ceremony
que la créativité et l’innovation peut prolonge et amplifie cette politique du leaving age to discover an unsuspected world in the reception rooms of the Musée des Arts
UN PORTE PAROLE SERVING AS ADVOCATE COMITÉ COLBERT — 2013

MISE
EN Christophe Michalak

VEDETTE Benjamin de cette promotion, à 40 ans,


il a déjà une renommée bien installée
en tant que Chef pâtissier de l’Hôtel
At age 40, he is the youngest of the four
artisans to be decorated. The winner of the
2005 World Pastry Cup, he is already famous
Plaza Athénée. Ce champion du monde as the pastry chef at the prestigious Plaza
de la pâtisserie (2005) a intégré cette Athénée, which he joined thirteen years ago.
prestigieuse institution, il y a treize ans. He follows “the rule of three Es”: equilibrium,
Son leitmotiv, respecter la « règle des elegance and emotion.
trois E » : équilibre, élégance et émotion.

C’est chose acquise. Le Comité Colbert The Comité Colbert was responsible for
a fait valoir auprès du ministère convincing the French Ministry of Culture
de la Culture, l’importance que revêt la to make craftsmen eligible for the honorary
nomination d’artisans en tant que Maîtres title of Maître d’Art or the insignia of
Eric Leroux
d’art ou dans l’ordre des Arts et des Lettres L’Ordre des Arts et des Lettres. The idea
pour les maisons du luxe français. was to attract attention to rare, precious
Maroquinier malletier depuis 1983, A leather goods and trunk maker since
Ce formidable coup de projecteur met en hand crafts that are part of France’s coveted
chez Louis Vuitton où il travaille 1983, he makes items to special order at
lumière des métiers de la main, rares et intangible heritage. This year, artisans from
à la fabrication des malles en commandes Louis Vuitton. He has crafted cases for
précieux, qui appartiennent à ce fameux Colbert companies – which see recognition
spéciales, il a réalisé des pièces pour Keith Richards, the celebrity guitarist of The
patrimoine immatériel français que of crafts as absolutely vital – were honoured
Keith Richards, le célèbre guitariste des Rolling Stones, and artist Damien Hirst.
d’aucuns nous envient. Cette année encore, once again. In July 2013, four of immensely
Rolling Stones, ou l’artiste plasticien Concerned about perpetuating his rare and
les maisons du Comité Colbert pour qui talented craftsmen were decorated as
Damien Hirst. Soucieux de pérenniser marvellous craft, Eric Leroux has trained
la valorisation de ces métiers est capitale, Chevaliers de l’Ordre des Arts et des Lettres
les gestes de ce métier rare et merveilleux, several artisans in recent years.
sont à l’honneur. Quatre de ces artisans by the French Minister of Culture and
Eric Leroux a formé plus de quatre
de grand talent ont été distingués en Communication Aurélie Filippetti. This
36 juillet, par la ministre de la Culture et de
la Communication Aurélie Filippetti, au
decoration is presented to persons that have
distinguished themselves through artistic
artisans ces dernières années.

titre de Chevaliers de l’ordre des Arts et or literary creation or helped advance the
des Lettres. Cette décoration honorifique cause of French arts and letters in France Pierrette Trichet
récompense « les personnes qui se sont and in the world. These remarkable artisans
distinguées par leur création dans le were recognized for their career, their high Maître de chais de la maison Rémy Martin A cellar master at Rémy Martin since
domaine artistique ou littéraire ou par standards and their commitment to their depuis 2003, elle incarne les quatre 2003, she’s a master of her craft. Expert
la contribution qu’elles ont apportée au craft. Although the decoration is presented to qualités qui caractérisent un artisanat at tasting and assembly, she knows how
rayonnement des arts et des lettres en individuals, it also honours the team that they d’exception: la maîtrise de la dégustation to select, demands discipline in making
France et dans le monde ». Ces artisans work with. This year, the glory was shared et de l’assemblage, la capacité de faire des verifications and is committed to passing on
d’exception voient ainsi leur parcours, by the marvellous teams in place at Plaza choix, la discipline du contrôle et her knowledge. Having joined the company
leur exigence et leur investissement Athénée, Louis Vuitton, Rémy Martin and la volonté de la transmission. Ainsi, c’est in 1976, she now trains others to follow in
récompensés. À travers ces distinctions Saint-Louis. These awards confirm that the avec humilité qu’entrée en 1976 dans her footsteps. She retains a sense of humility,
personnelles, c’est l’extraordinaire qualité French luxury sector is a key component of la maison, elle joue son rôle de pédagogue however: it takes generations of cellar
des équipes des maisons Hôtel Plaza French culture. puisque les grands cognacs s’élaborent sur masters to produce a great cognac.
Athénée, Louis Vuitton, Rémy Martin plusieurs générations de maître de chais.
et Saint-Louis qui est célébrée.
Cette distinction confirme que le luxe
est un élément à part entière de la culture
Xavier Zimmermann
française.
A 45 ans, il est le dernier et unique At age 45, he is the last and only
représentant de la longue lignée de representative of a long line of master
maîtres-verriers au chalumeau qui glassblowers familiar with the art of making
maîtrise la technique de fabrication des crystal paperweights. He started working in
presse-papiers en cristal. Il est entré en 1985 at Saint-Louis, which is the only crystal
1985 chez Saint-Louis, qui est la seule manufacturer in Europe today to preserve
cristallerie aujourd’hui en Europe à this know-how. It takes a great deal of talent

IN THE maintenir ce savoir-faire. Il faut être


doué pour dompter le cristal en fusion et
donner vie à ces pièces de collection.
and experience to “tame” a gob of molten
crystal and create these collector’s items.

SPOTLIGHT
UN PORTE PAROLE SERVING AS ADVOCATE COMITÉ COLBERT — 2013

EUROPE L’année 2013 marque


la prise de conscience
2013 marks a turning
point. Europe is definitely
UNE INFLUENCE en Europe du poids becoming more aware of
COORDONNÉE économique des
industries du luxe qui
the economic weight of its
luxury industries, which
représentent 3% represent 3% of its GDP
du PIB et 1,5 millions and 1.5 million jobs
d’emplois

C’est au terme de cinq ans de travail sur It took the Comité Colbert five years of hard
le terrain que la stratégie fédératrice du work to get national luxury organizations
Comité Colbert vis-à-vis des instances to unite and lobby EU institutions together.
européennes porte ses fruits. Le message It needed to communicate a clear message,
est clair : le luxe en tant qu’industrie de namely, that our high-end industry offers
qualité est un modèle de développement a business model that drives growth,
pour la croissance, l’emploi et la employment and competitiveness in Europe.
compétitivité à l’échelle européenne. The Comité Colbert invested a great deal
Pour faire entendre sa voix, le Comité of time and effort to make its voice heard
Le 24 octobre, le Conseil
d’administration du Colbert s’investit beaucoup et avance and advanced on all fronts: it created a
Comité Colbert accueille sur tous les fronts : l’intégration de new category of Colbert membership (the
le bureau provisoire de
son futur homologue membres européens pour accroître la European member) to build representation
grec, la Ligue de Delos. représentativité du luxe, la création for the luxury industry in Europe, and set
d’une alliance (European Cultural and up the European Cultural and Creative
Creative Industries Alliance) associant Industries Alliance (ECCIA) with its Spanish,
38 les entités homologues espagnole,
italienne, allemande et anglaise sans
Italian, German and British counterparts, not 39
to mention encouraging Colbert members to
oublier la création de départements set up public affairs departments to meet with
On October 24, the d’affaires publiques au niveau des maisons EU Commissioners directly.
Board of Directors of the
membres pour rencontrer directement Among the tangible results obtained, the
Comité Colbert received
the temporary Executive les commissaires européens. Parmi les Communication submitted by Commissioner
Committee of its future nombreux résultats tangibles obtenus, Androulla Vassiliou and adopted by the
Greek sister organization,
the Delian League. il y a la reconnaissance du luxe comme European Commission in September 2012
faisant partie des industries culturelles referred to the luxury sector as a cultural
et créatives dans la communication and creative industry. In a recent declaration,
proposée par la commissaire Androulla Antonio Tajani, Vice-President of the
Vassiliou et adoptée par la Commission European Commission responsible for
européenne en septembre 2012. Industry and Entrepreneurship said: “The
De son côté, Antonio Tajani, vice- reason for my commitment to the luxury
président de la Commission européenne industry is to promote employment in Europe”
chargé de l’Industrie et de l’Entrepreneuriat Regular contact is maintained with Vice-
a récemment déclaré : « Mon engagement President Tajani. Last November, he met with
auprès des industries du luxe est members of the Comité Colbert to discuss
un engagement en faveur de l’emploi what kind of action can be taken to make the
en Europe ». Il a rencontré les membres European luxury sector more competitive and
du Comité Colbert en novembre dernier, strengthen its world leadership.
pour discuter des actions à engager The results of a survey of European public
pour la compétitivité du secteur du luxe opinion conducted by TNS-SOFRES for
COORDINATED européen et son leadership mondial. Ce
travail de fonds trouve un écho positif
ECCIA and published last May confirm
that the groundwork has been laid. 77%

INFLUENCE- dans l’opinion publique, si l’on en juge


par les résultats de l’étude TNS-SOFRES
commandée par l’ECCIA en mai dernier.
of all respondents said they had a positive
perception of the luxury industry, citing its
role in business development: 76% said it can
BUILDING 77% des européens interrogés ont ainsi
une perception positive du luxe et mettent
create jobs.

IN EUROPE en avant son rôle dans le développement


économique. 76% lui reconnaissent la
capacité à créer de l’emploi.
UN STRATÈGE FORMULATING STRATEGY COMITÉ COLBERT — 2013

FRANCE- Le Comité Colbert cultive Cultivating ties with the


ALLEMAGNE, ses liens avec l’industrie
du luxe allemand face
German luxury industry
at a time when Europe
UN ECHANGE au défi de l’emploi des
jeunes qui s’impose
must face the challenge
of finding jobs for young
PRIVILÉGIÉ à l’Europe. Des actions people, the Comité
partagées sont engagées Colbert is planning
avec son homologue, le joint initiatives with its
Meisterkreis German counterpart, the
Meisterkreis

La reconnaissance de la spécificité A main thrust of Colbert policy is to see


du secteur du luxe et de son potentiel that EU institutions and public opinion
Les 26 et 27 juin, le
pour la croissance en Europe, tant recognize the specificities of the luxury sector
Comité Colbert célèbre auprès des instances européennes que and its potential for growth in Europe.
à Berlin l’amitié de l’opinion publique est un axe majeur This year, the Comité Colbert reached out to
franco-allemande
avec les présidents de l’action du Comité Colbert. Germany to mark the 50th anniversary of the
du Meisterkreis Cette année, en se rapprochant Treaty of Friendship, giving its influence-
dans le cadre du 50e
anniversaire du Traité de
de l’Allemagne dans le cadre du 50ème building strategy a whole new dimension.
l’Elysée. anniversaire du Traité de l’Elysée, Our association began cultivating ties with
le Comité Colbert a donné une ampleur Germany in 2012, when it admitted Leica and
toute nouvelle à sa stratégie d’influence. Montblanc as European members
40 Si les liens avec le voisin allemand existent
depuis 2012 avec l’entrée des maisons
of the Comité Colbert. The recent founding
of the Meisterkreis, a national organization
41

Leica et Montblanc, au sein du Comité representing German luxury, offers more


On June 26 and 27, the Colbert, au titre de membres européens concrete possibilities for coordinated action.
Comité Colbert celebrated
invités, la création récente d’une structure The first Colbert-Meisterkreis encounter
Franco-German friendship
in Berlin with the chairmen de représentation du luxe allemand took place on June 26 and 27 in Berlin where,
of Meisterkreis companies, — le Meisterkreis — a permis d’envisager, in a symbolic gesture, the Comité Colbert
marking the 50th
anniversary of the Élysée de façon plus concrète, des actions held its General Assembly. For the first time,
Treaty. concertées. 70 chairmen of Colbert and Meisterkreis
Une réunion a été initiée à Berlin les companies sat down together to plan joint
26 et 27 juin, alors même qu’en guise de projects together. One calls for running an
symbole, le Comité Colbert profitait de anti-counterfeiting campaign in France and
ce voyage dans la capitale berlinoise pour Germany like the one organized by the Comité
y tenir son assemblée générale. Ce fut Colbert with French Customs. Both partners
une première : 70 présidents des maisons are concerned about the transmission
du Comité Colbert et du Meisterkreis of knowledge to young people and training
ont ainsi échangé pour mettre au them to meet high luxury standards.
point des projets communs. Parmi eux, As a result, an exchange program will be
l’organisation d’une campagne commune set up for apprentices from Colbert and
stigmatisant la contrefaçon en France Meisterkreis companies. An international
et en Allemagne sur le modèle de ce design workshop for students from the
qui a été engagé par le Comité Colbert UDK in Berlin and ENSAAMA (Paris) is
avec les douanes françaises. Soucieux also envisaged. “The Meisterkreis and the
de part et d’autre, de transmettre et de Comité Colbert share the same values”,
former des jeunes talents à l’exigence du observed Clemens Pflanz, Managing

FRANCE AND luxe, les acteurs de cette rencontre ont


prévu en outre, un « Erasmus pour tous »,
permettant un échange entre apprentis
Director of the Meisterkreis. “We advocate
a culture of excellence in the European
industry, which has considerable potential
GERMANY WORK des maisons du Comité Colbert et du
Meisterkreis. Il est également envisagé
to grow and generate jobs. Seven out of
ten luxury products sold worldwide come

HAND IN HAND la mise en place d’un atelier international


de design entre le Meisterkreis et le
Comité Colbert avec l’UDK de Berlin et
from Europe. We need to act in concert to
consolidate and strengthen our advantage”.
Together, the Comité Colbert and the
UN STRATÈGE FORMULATING STRATEGY COMITÉ COLBERT — 2013

Les présidents des (1), Sidney Toledano, The chairmen of Hériard-Dubreuil from Convaincus de l’impact coopération franco- Convinced that the luxury and the Commissioner
maisons du Meisterkreis Christian Dior couture, Meisterkreis and Colbert Cognac Rémy Martin, économique du luxe pour allemande (6), Norbert sector is vital to the for Franco-German
et du Comité Colbert Dominique Hériard- companies announced Florian Kohler from l’Europe, les politiques Lammert, président du European economy, senior Cooperation (6), Norbert
exposent le programme Dubreuil, Cognac Rémy their joint action program. Gmund, Markus Benz and à Berlin -Ursula von Bundestag (5)- comme officials made themselves Lammert, President of
d’actions conjointes Martin, Florian Kohler, Sabine Dörflinger from Walter Knoll (2). der Leyen, ministre du à Paris -Michel Sapin, available for meetings the Bundestag (5), and
qu’ils viennent Gmund, Markus Benz, Lufthansa Private/First, Travail et des Affaires ministre du Travail, de in Berlin: Ursula von der in Paris: Michel Sapin,
d’élaborer ensemble. Walter Knoll (2). Laurent Boillot from Sociales (3) l’Emploi, de la Formation Leyen, Federal Minister French Minister of Labour,
Sabine Dörflinger, Guerlain, Andreas Mann Michael Georg Link, professionnelle et du for Labour and Social Employment, Vocational
Lufthansa private/first, from Comtesse (1), Sidney ministre adjoint aux Dialogue social (4) Affairs (3) Michael Georg Training and Social
Laurent Boillot, Guerlain, Toledano from Christian Affaires étrangères et sont des interlocuteurs Link, Minister of State at Dialogue (4).
Andreas Mann, Comtesse Dior Couture, Dominique secrétaire général de la privilégiés. the Federal Foreign Office

01

05

06

02

42 43
03
04
« Les industries
du luxe françaises
et allemandes “French and
œuvrent de German luxury
l’ENSAAMA-Olivier concert pour le européenne est notre réponse à l’Elysée en 1963. Ce n’est qu’en cultivant Meisterkreis succeeded are teaming up was given by the French ambassador from the Colbert and Meisterkreis
de Serres de Paris. la globalisation. Sans coopération cet esprit que nous pourrons relever in mobilizing high- to Germany, Maurice Gourdault- companies attended a morning workshop
« Le Meisterkreis et
développement franco-allemande, il ne peut y les défis actuels». La délégation franco- ranking German
to develop their Montagne, in the presence of on luxury in the digital age, the first step in
le Comité Colbert du secteur » avoir d’intégration européenne », allemande de présidents d’entreprises officials, who met with industry” Ursula von der Leyen, Federal an agenda for joint action set in Berlin.
partagent les mêmes a rappelé Michael Georg Link, du luxe a également été reçue au Reichstag them and welcomed Minister for Labour and Social
valeurs » a souligné ministre adjoint aux Affaires par Norbert Lammert, président du the news that French Affairs, who remarked that “this is
Clemens Pflanz, directeur général du Étrangères et secrétaire général de la Bundestag et par Ronald Pofalla, chef and German luxury are teaming up to the kind of ‘meeting of the minds’ that keep
Meisterkreis. Nous militons pour une coopération franco-allemande. de la Chancellerie fédérale. Suite à develop their industry, a source of jobs and the spirit of the 1963 Treaty of Friendship
culture de l’excellence dans l’industrie Les enjeux sont nombreux, qu’il s’agisse cette forte mobilisation du personnel growth. “European integration must be alive. Only by cultivating this spirit can
européenne dont le potentiel de d’incarner l’excellence comme voie politique en Allemagne, le Comité Colbert our response to globalization. And without we hope to meet today’s challenges”.
croissance et d’emploi est considérable. de l’avenir pour l’industrie et l’emploi a organisé le 10 octobre 2013, un déjeuner Franco-German cooperation, there can be The Franco-German delegation of luxury
Sur dix produits de luxe vendus dans en Europe, de favoriser les plateformes à Paris entre les membres du Meisterkreis no European integration”, stated Michael chairmen was also received at the Reichstag
le monde, sept sont européens. Nous de coopération entre les industries et Michel Sapin, ministre du Travail, de Georg Link, Minister of State at the Federal by Norbert Lammert, President of the
devons agir de concert pour confirmer du luxe et les écoles et les universités l’Emploi, de la Formation professionnelle Foreign Office and the Commissioner Bundestag, and Ronald Pofalla, Chief
et développer cet avantage. » ou de faire rayonner l’image du luxe et du Dialogue social, sur le sujet de for Franco-German Cooperation. of Staff at the German Chancellery.
Ensemble, le Comité Colbert et le européen à l’international. Les deux l’emploi des jeunes. Présidents du Comité Many challenges lie ahead. It will be Further to such a strong mobilization of
Meisterkreis ont réussi à mobiliser les organisations ont été reçues le 26 juin par Colbert et du Meisterkreis s’étaient important to advocate excellence as the high-ranking German officials, the Comité
plus hautes autorités allemandes, avec l’Ambassadeur de France en Allemagne retrouvés au préalable, afin d’approfondir way forward for our industry and for Colbert arranged a lunch in Paris on October
des rendez-vous à la clé. Celles-ci se sont Maurice Gourdault-Montagne pour un leurs échanges lors d’une matinée de employment in Europe; to help create 10, 2013 attended by the members of the
montrées particulièrement réceptives au dîner en présence de Ursula von der travail sur le luxe et le digital, première platforms for cooperation between the Meisterkreis in the company of Michel Sapin,
discours des industries du luxe françaises Leyen, ministre du Travail et des Affaires étape de la mise en œuvre du programme luxury business, schools and institutions of French Minister of Labour, Employment,
et allemandes, oeuvrant de concert, pour Sociales pour qui « des rencontres comme d’actions conjoint défini à Berlin. higher learning; and to help build influence Vocational Training and Social Dialogue.
le développement du secteur, source celle-ci gardent vivant l’esprit dans for European luxury in the world. The topic of the day was employment for
d’emploi et de croissance. « L’intégration lequel nos peuples ont signé le Traité de On June 26, a dinner for both organizations young people. Before lunch, the chairmen
UN STRATÈGE FORMULATING STRATEGY COMITÉ COLBERT — 2013

E-MATINÉE Le luxe, acteur engagé French luxury, well


@COLBERT Colbert Labo 2013 du numérique, a
consacré une matinée
ahead on digital
matters, has devoted a
Le réseau des jeunes collaborateurs
des maisons, avait pour thème de
d’études à ce sujet session to this subject
réflexion cette année, la relation stratégique strategic to the future
du luxe à Internet.
37 collaborateurs issus de 22
maisons ont développé six projets
d’e-initiatives présentées devant
la Commission Economique.
Le projet jugé le plus innovant Depuis que les maisons du luxe ont investi Once luxury houses decided to go digital,
a été intégré au programme le Net, elles en sont devenues des acteurs they took the internet by storm. In step with
de l’e-matinée@Colbert. de premier plan. En écho à cette évolution, this revolution, the Comité Colbert and its
« Luxury Challenge » est un lieu le Comité Colbert et sa Commission Economic Commission invited their members
virtuel et ludique de rencontre Économique ont convié leurs membres to a morning session on e-communication
de passionnés du luxe. Sous à une matinée d’études sur le sujet de held October 10 at the École du Louvre.
forme de jeu, ce projet mesure l’e-communication à l’École du Louvre. A large audience was on hand to hear outside
le niveau d’expertise sur les Cette matinée du 10 octobre a mis à jour experts update our knowledge and Colbert
matières premières et les métiers la réflexion d’experts invités ainsi que members share feedback based on their
artisanaux de création pour l’expérience in vivo de certaines maisons experience. One presentation dealt with the
Partage d’expériences
et paroles d’experts se impliquer une communauté ou institutions membres du Comité digital enriched tour of the gardens at the
sont succédés devant d’internautes experts dans Colbert. A été dévoilée la visite enrichie Château of Versailles, another with how
un public nombreux et
attentif de responsables
la lutte contre la contrefaçon, des jardins du Château de Versailles Lacoste puts the new technologies to work
des maisons. la protection des savoir-faire et la ou comment les mérites des nouvelles for creative online users. Representatives
défense des créations. technologies sont mis au service des from Longchamp, Chanel, Lanvin and
internautes créatifs chez Lacoste. Ont Guerlain reported on digital operations
44 suivi d’autres interventions sur la place
significative du digital chez Longchamp,
at their houses. Towards the end of the
morning, the audience was asked to
45

Chanel, Lanvin et Guerlain. En fin de help analyze Pernod Ricard’s Chatter, a


Many senior executives matinée, c’est l’efficacité du Pernod Ricard Facebook-like network used by a company
from member companies
Chatter, facebook à l’échelle du groupe, with a workforce of 18,000. Professor
attended this morning
session to share their que l’assistance a pu analyser. De son Thierry Baccino spoke about the changes in
experiences and update
their know-how.
Colbert Labo 2013 côté, le professeur Thierry Baccino a cognitive psychology induced by using the
exposé son point de vue sur les mutations internet. The philosopher and sociologist
This year’s assignment for network, qu’induit l’outil internet en terme Pierre-Antoine Chardel chose to explore
composed of young executives de psychologie cognitive. Ensuite, le an equally fascinating topic: ethics and the
from Colbert houses, bore on the philosophe et sociologue Pierre-Antoine social media. He was eloquent in identifying
relationship between the luxury Chardel a quant à lui, abordé la question the dysfunctions generated by technical
industry and the internet. 37 plus spécifique et toute aussi captivante communication systems that are in total
people from 22 houses attended de l’éthique des réseaux. Il a pointé de contradiction with the slow pace of human
brainstorming sessions and façon éloquente les dysfonctionnements interaction. “Having to constantly be
developed six online initiatives que génèrent les systèmes techniques de available for others means that one can’t
that were judged by members communication qui sont en total décalage be there for oneself. In contrast, a meaningful
of our Economic Commission. avec la lenteur des échanges humains. creative action requires a moment during
The most innovative was added to « Le fait d’être toujours disponible pour which the creator is completely centred”,
the e-matinée@Colbert program. les autres signifie ne plus être là pour soi- argued Pierre-Antoine Chardel. Bringing
This project is a “Luxury Challenge” même. Or, un moment de recentrement this broad review to a conclusion,
platform offering an entertaining est nécessaire pour toute action sensée Marie-France Zumofen, deputy director
virtual meeting place for luxury et créative », a-t-il rappelé. Pour clore at the Gobelins – renowned school for image–
aficionados. The project uses ce vaste tour d’horizon, les nouveaux discussed the new occupations emerging in
a game format to measure what métiers qui émergent avec la révolution connection with the all-digital revolution.
players know about raw materials du tout numérique ont été detaillés Afterwards, participants said they were
and creative crafts. The idea is to par Marie-France Zumofen, directrice impressed with the density of the theoretical

E-MATINÉE
mobilize a community of online adjointe des Gobelins, véritable référence and practical information conveyed.
experts to raise anti-counterfeiting en tant qu’ école de l’image. La matinée
awareness and to protect know-how s’est achevée, avec le sentiment d’une

@COLBERT and creations. grande densité vis-à-vis des informations


partagées autant d’un point de vue
théorique que pratique.
DES VALEURS COMMUNES UNE INDUSTRIE INCARNER, ANTICIPER, UNE ORGANISATION
— STRATÉGIQUE RAYONNER, INFLUENCER EN MOUVEMENT
Depuis sa création en 1954, les — — Depuis 2011, le Comité Colbert a
maisons du Comité Colbert se Ces maisons réalisent 31 mil- Incarner. Représentant le seul ouvert ses portes à des maisons
Le Comité Colbert The Comité Colbert recrutent par cooptation et selon liards d’euros de chiffres d’af- secteur industriel ayant choisi de issues d’autres pays européens
les mêmes critères : l’ambition in- faires, dont 84% à l’étranger. se doter d’une stratégie collective, afin de renforcer la voix du sec-
rassemble 78 maisons has a membership ternationale et le caractère iden- Elles emploient directement et complémentaire de l’identité in- teur du luxe auprès de l’Union
de luxe françaises of 78 French luxury titaire de la marque – la qualité indirectement 131 000 personnes dividuelle des maisons, le Comité
– la création – la poésie de l’objet en France. Colbert incarne le goût français
Européenne.

et 14 institutions houses and 14 cultural – l’éthique. et s’attache à transmettre les va-


UN VASTE RÉSEAU POUR leurs qui lui sont spécifiques.
culturelles associées institutions associated LE GOÛT FRANÇAIS UNE ACTION COLLECTIVE Anticiper. Pour créer un envi-
— — ronnement favorable au dévelop-
pour faire rayonner to represent French De tailles diverses, de création La stratégie du Comité Colbert pement collectif et individuel des
l’art de vivre français Art de Vivre ancienne ou récente, les maisons est élaborée au sein de ses 9 com- marques, le Comité Colbert, véri-
du Comité Colbert représentent missions de travail pilotant elles- table creuset de réflexion du luxe
des savoir-faire français uniques : mêmes des réseaux d’experts qui s’est donné pour mission d’être un
la couture et la mode – le cristal rassemblent plus de 1200 per- lieu d’anticipation et d’échange.
– l’édition et la décoration – la sonnes. Elle est amendée et vali- Rayonner. Pour promouvoir
faïence et la porcelaine – l’hospi- dée par le Conseil d’administra- ses maisons dans le monde, le
talité – la gastronomie – l’argent tion et adoptée par l’Assemblée Comité Colbert témoigne de la
et le bronze – le cuir – l’or et les générale. dimension culturelle du luxe
matières précieuses – le parfum français. Il met en scène des évé-
– la vigne. nements qui sur les 5 continents
Toutes engagées dans une dé- manifestent les liens étroits qui
marche de création, elles renou- unissent le luxe à la culture.
vellent sans cesse le goût français. Influencer. Le Comité Colbert
représente un secteur indus-
triel majeur pour la croissance
et l’emploi. Il est l’interlocuteur
privilégié des pouvoirs publics,

COMITÉ
en France, en Europe et dans le
monde.

46 47

COLBERT
REPRESENT, ANTICIPATE,
PROMOTE AND INFLUENCE

Represent. As an advocate of the
only French industry having chosen
CORE VALUES to formulate strategy collectively to
— complement individual brands iden-
Since its creation in 1954, the tity, the Comité Colbert serves as a
members of the Comité Colbert are standard-bearer for French style and
recruited by cooptation and must AN INDUSTRY OF undertakes to uphold its core values.
share certain core values: an aspi- STRATEGIC IMPORTANCE Anticipate. Seeking to create the
ration to represent French culture — conditions most favourable to the
at international level, superior qua- French luxury houses generated 31 growth of the entire sector as well as
lity, creativity, imagination, ethical billion euros in sales, 84% of it on individual brands, the Comité Col-
conduct. international markets. They em- bert provides a forum for reflection,
ploy directly and indirectly 131,000 forward planning and exchange,
FRENCH CULTURE people in France. constituting the think tank for
— French luxury.
Whether large or small, venerable or A LARGE NETWORK Promote. To promote its mem-
recently established, Comité Colbert TO DEVELOP bers globally, the Comité Colbert
companies draw on a broad array of A COLLECTIVE APPROACH stresses the cultural aspect of
unique French crafts: couture and — French luxury. On all five continents,
fashion – crystal – publishing and At the Comité Colbert, strategy is it plans events illustrating the close AN ORGANIZATION
decoration – faience and porcelain – formulated by nine working commis- ties between luxury and culture. ON THE MOVE
hospitality and gastronomy – silver sions conducting the exchanges wit- Influence. The Comité Colbert —
and bronze – leather goods – gold hin expert networks, with more than represents an industry that is a ma- Since 2011, the Comité Colbert ope-
and precious jewellery – perfume 1200 members. The strategy is then jor driver of economic growth and ned up to luxury houses from other
– wine & spirits. All very involved amended and approved by the Board employment. It is a preferred interlo- European countries as part of its
in the creation process, they are of the Comité Colbert and finally put cutor for public authorities in France, effort to make the voice of the luxury
constantly renewing French culture. to the vote by the General Assembly. Europe and the world. sector heard by EU governing bodies.
Lieu d’échanges au sein duquel Le luxe français est le seul secteur Lieu d’échanges de bonnes pra-
se retrouvent les présidents des industriel qui a choisi de se doter tiques et de réflexion prospec-
maisons membres, le Comité Col- d’un porte-parole et d’une stra- tive, le Comité Colbert fournit
bert est le laboratoire où se définit tégie collective, complémentaire aux acteurs du luxe français, les
la vision à long terme de tout un de l’identité propre à chaque mai- outils de leur développement fu-
secteur. son. Partant du seul principe qu’à tur. Il questionne les certitudes et
plusieurs, on est plus fort. C’est défriche des territoires nouveaux.
aussi s’assurer d’une meilleure Cette veille active se nourrit prin-
représentation et d’une commu- cipalement du travail des neuf
nication plus efficace. commissions qui se partagent
La richesse de la réflexion au les dossiers (Club, Communi-
sein du Comité Colbert tient à la cation et Patrimoine, Création,
diversité des 78 maisons du luxe Éthique et Nouveaux Membres,
en présence, qui sont de tailles Économique, Financière, Inter-
diverses, porteuses d’une histoire nationale et Culturelle, Métiers
ancienne ou récente, et déten- et Ressources Humaines et Pou-
trices de savoir-faire spécifiques. voirs Publics). Ces commissions
s’appuient elles-mêmes sur un
large réseau d’experts qui au
final dote le Comité Colbert d’un
laboratoire d’idées au sens où il
oriente de manière constructive
les esprits, en particulier vers les
questions essentielles de respon-
sabilité sociale, sociétale, et envi-
ronnementale.

LABORATOIRE
D’IDÉES
48 49

COLBERT
BRAIN TRUST

By offering a place for the exchange


of best practices as well as forward
planning, the Comité Colbert pro-
vides French luxury businesses with
tools to help them grow. It makes
a point of challenging preconcep-
French luxury is the only industrial tions and blazing new trails, prima-
sector that has opted to mobilize rily through the work of nine com-
behind a spokesman and develop missions (Club, Communication
a collective strategy that comple- and Heritage, Crafts and Human
ments the individual identity of Resources, Creation, Ethics and
each company. The reason is our New Members, Economic, Finance,
belief that strength lies in numbers. International and Cultural, and Pu-
It also helps us build representation blic Authorities). The commissions
and communicate more effectively. rely in turn on a large network of
The Comité Colbert owes the breadth experts that qualifies the Comité
and depth of its reflections to the di- Colbert as a “brain trust,” in the
A forum for chairmen of member versity of its membership: it is com- sense that it gets our industry to
companies, the Comité Colbert is posed of 78 French luxury companies think constructively about key is-
a laboratory for shaping the long- that differ in their size, longevity and sues of social, societal and environ-
term vision of an entire section. field of traditional know-how. mental responsibility.
DAVID CAMÉO CHRISTOPHE SALIN
Président de Sèvres-Cité de la céra- Les neuf commissions Directeur général de Château Lafite-
mique, préside la Commission Créa- de travail qui composent Rothschild, préside la Commission
tion dont la mission est de participer Club dont la mission est de facili-
l’organigramme ter les échanges et de renforcer les
à la dynamisation de la création. La
commission a mis en place une col- du Comité Colbert liens entre les membres du Comité
laboration avec l’ENSAAMA sous la constituent Colbert. Cette commission insuffle
forme d’une chaire au sein du Mas- un lieu essentiel un esprit de convivialité aux événe-
ter 2. Stratégies du Design et d’un ments du Comité Colbert.
d’échanges et de
atelier international avec Central
Saint Martins. réflexion prospective CEO of Château Lafite-Rothschild. He
serves as President of the Club Com-
Chairman of Sèvres-Cité de la céra-
où s’élaborent mission, whose mission is to facilitate
mique. He serves as President of the les axes stratégiques de ce exchange and strengthen ties between
JEAN-MICHEL DELISLE FRANÇOISE MONTENAY SIDNEY TOLEDANO
Creation Commission, whose mission « bateau-lavoir du luxe ». members. This Commission works to
is to help energize creation. The Com- Président de Delisle, préside la Com- Présidente du Conseil de surveil- ensure that conviviality is the hallmark Président de Christian Dior Couture,
mission set up a partnership with the mission Communication et Patri- lance de Chanel SAS, préside la of Colbert gatherings. préside la Commission Pouvoirs
ENSAAMA school of art and design, in moine. Elle a mobilisé les maisons Commission Économique qui réa- Publics dont la mission est d’entre-
the form of a Chaire Colbert within the sur la question du patrimoine, entre lise, suit et diffuse des études et tenir les relations avec les pouvoirs
Master 2. Design Strategies and of an autres la numérisation et la conser- anime une réflexion prospective au publics français et étrangers. Cette
international workshop with Central vation préventive et les responsables sein du Comité Colbert. En 2013, la année encore la commission a été
Saint Martins. de communication et de presse sur commission a animé la réflexion du particulièrement active auprès des

LES
les actualités du Comité Colbert. réseau Colbert Labo et de celui des instances européennes et des asso-
responsables financiers et juridiques. ciations homologues.
Chairman of Delisle. He serves as
Elle a poursuivi sa collaboration avec
ACTEURS President of the Communication and
Heritage Commission. This year, it
des économistes et universitaires
et initié une matinée d’études sur
Chairman and CEO of Christian Dior
Couture. He serves as President of the

D’UNE
mobilized members on heritage assets Public Authorities Commission, whose
l’e-communication.
issues (e.g. digitization and preventive mission is to maintain good relations
conservation) and got their communi- Chairperson of the Supervisory Board with public authorities in France and
STRATÉGIE cation/ press officers to relay Colbert
news and events.
Chanel SAS. She serves as President
of the Economic Commission, which
abroad. This year, the Commission
continued to be especially active in buil-

2013 carries out, monitors and circulates


studies about the luxury sector and
ding influence with EU institutions and
working with our sister organizations
also oversees reflection and forward in Europe.
planning at the Comité Colbert. In 2013, GUILLAUME de SEYNES
50 the Commission supervised the work of 51
Président de John Lobb, préside la
two networks, the “Colbert Labo” and Commission Métiers et Ressources
the network of finance and legal mana- Humaines dont la mission est de
YVES CARCELLE gers. It also continued its work with valoriser les métiers et d’animer des
Président de LV Group, préside
THE economists and academics and held an
informative morning session on e-com-
réseaux. Cette année, la commission
a renouvelé la convention avec le
la Commission Internationale et
Culturelle dont la mission est de PEOPLE munication. Rectorat de Paris dans le cadre du
programme découverte profession-
faire rayonner le Comité Colbert à
l’étranger. La commission a consacré
l’année 2013 à la Turquie avec deux
BEHIND nelle auprès des jeunes et a obtenu
la nomination de 4 artisans au titre
évènements culturels majeurs : une
exposition à Istanbul Modern et un
THE de Chevalier des Arts et des Lettres.
Chairman of John Lobb. He serves as
DOMINIQUE HÉRIARD
« Festival Colbert ».
Chairman of LV Group. He serves as
STRATEGY DUBREUIL
President of the Crafts and Human Re-
sources Commission, whose mission is
President of the International and
Cultural Commission, whose mission
2013 Présidente de Cognac Rémy Martin,
préside la Commission Éthique et
to gain recognition for the luxury crafts
and promote networking. This year, the
Commission decided to renew its agree-
is to enhance the influence and prestige Nouveaux Membres dont la mission
ment with the Paris school board and
of the Comité Colbert at international est de veiller au respect des valeurs
extend its program to inform middle
level. In 2013, the Commission concen- qu’incarne le Comité Colbert. Cette
schoolers about careers in luxury crafts.
trated on Turkey, holding two major année, la commission a proposé la
The nine Commissions It was also instrumental to having four
cultural events there: an exhibition at cooptation de trois établissements
artisans decorated as Chevaliers des
Istanbul Modern and a “Festival Col- appearing on our étoilés et du musée d’Orsay. Elle a
Arts et Lettres.
bert”. organization chart animé les échanges de bonnes pra-
tiques en matière de développement
offer a place to exchange durable.
ideas and think about the
future. Their work is Chairman of Cognac Rémy Martin. She MICHEL ROUGET
instrumental to serves as President of the Ethics and
Président d’Ercuis, préside la Com-
New Members Commission, whose mis-
formulating the mission Financière du Comité Col-
sion is to see that the values of the Co-
strategy of the Comité bert dont la mission est de proposer
mité Colbert are properly upheld. This
le budget et de suivre son exécution.
Colbert, which serves as year, the Commission proposed to co-opt
three star-winning French restaurants Chairman of Ercuis. He serves as Pres-
an “idea incubator” for the
and the Musée d’Orsay. It held meetings ident of the Finance Commission, whose
luxury industry. for sustainability officers to share best mission is to propose the budget and
practices. monitor its implementation.
Président / Chairman of the Board 
Michel Bernardaud
Déléguée générale / President and CEO 
Elisabeth Ponsolle des Portes
Directrice de la publication / Editor in chief 
Valérie Sandoz
Rédaction / Edition 
Laurence Salmon
Traduction / Translation 
Alice Parte
Conception graphique / Graphic Design 
Les Graphiquants

CRÉDITS

p12 — Photo © Comité Colbert / Tolga


Pakar; Nevin Aladağ, Freeze, 2003 •
p14 — Photo © Comité Colbert / Tolga
Pakar; Nasan Tur, Backpacks, 2006 (2)
Sarkis Conversation Entre Joraï et Mon
Atelier, 2001 - 2002; Film No51, Au
Commencement, 2003; Le Lustre Rouge
de Mon Atelier Villejuif, 2008 (3) • p15 —
Photos © Comité Colbert / Tolga Pakar;
Cyprien Gaillard, Cairns, 2008 (3); Kader
Attia, Untitled (Skyline), 2007 (4) • p16-
18 — © Comité Colbert / Tolga Pakar •
p20-21 — 1-3 © Comité Colbert / Tolga
Pakar; 2-4 © Comité Colbert / Aramis
Kalay • p23 — © Alain Ducasse / Mikael
Vojinovic; © Joël Robuchon / Gourmet TV;
© Guy Savoy/ Laurence Mouton; © Musée
d’Orsay / Sophie Boegly • p 2 4 - 2 9   —
© Comité Colbert / Vincent Leroux • p30-
31 — © ENSAAMA • p32-35 — © Comité
Colbert / Mario Pignata Monti • p37 —
© Hôtel Plaza Athénée; © Louis Vuitton
Malletier / Antoine Rozes; © Cognac Rémy
Martin; © Saint-Louis / Patrick Burban •
p38; p44 — © Comité Colbert / Julio Piatti
• p40-43 — © Meisterkreis / Comité Colbert
COMITÉ 2 bis, rue de la Baume T +33 (0)1 53 89 07 60
COLBERT 75008 Paris comitecolbert.com
Grille : Enquête client-mystère
Profil du client-mystère :

Age :

18-25

25-35

35-45

45-55

55+

Sexe :

F M

Tenue :

Décontractée (tenue de ville, jeans)

Formelle (tenue de travail, costume, tailleur)

Chic

Particularités :

Marques de richesse : Bijoux, Vêtements de marques visibles

Accent

Handicap

Date de l’enquête :

Lieu de l’enquête :

Hermès Faubourg St Honoré (P aris)


Hermès Sèvres (Paris)
Hermès George V (Paris)
Hermès Toulouse
Autre (précisez) :
Grille de l’enquête (Noter de 1 pas du tout d’accord à 5 totalement d’accord)

1er contact
Le vendeur a-t-il dit "bonjour" dès mon entrée dans le magasin
le vendeur a-t-il souri
le vendeur a-t-il demandé spontanément si on désirait un renseignement
Lors de la prise de contact
le vendeur a-t-il un ton chaleureux
utilise t-il des phrases personnalisées ou des formules toutes préparées
adopte t-il un langage corporel accueillant
Attitude par rapport au produit: demande de renseignements par rapport au Kelly de Hermès
le vendeur est-il surpris par la demande
répond t-il sérieusement à la demande
pose t-il des questions sur les circonstances de la demande (a qui le sac est-il destiné, style recherché, budget)
au revoir
le vendeur dit-il au revoir
dit-il merci
son ton est-il chaleureux
donne t-il des renseignements complémentaires (numéro de téléphone…)
raccompagne t-il à la porte

Commentaires généraux sur la visite :


Questions Hermès
1) Le vendeur Hermès, entre vocation et formation

· Quelle est leur trajectoire ? (études, expérience) Existe t-il une trajectoire type?
· Comment les recrutez vous ? Quels sont vos critères de sélection ?

2) Les consignes du vendeur Hermès

· Y’a t-il des consignes particulières qui sont données au vendeur (attitude à adopter
avec le client, réponses à donner à certaines questions etc.)?
· Les vendeurs sont-ils formés à détecter les signes de richesse chez les clients
(bijoux, vêtements de marques etc.)?

3) Le Kelly dans les boutiques Hermès

· Y’a t-il des vendeurs spécialisés dans la vente et le conseil autour du Kelly ?
· Comment sont-ils sélectionnés pour s’occuper de ce produit d’exception et ses
clients exigeants? Est-ce une forme de promotion? Y’a t-il une forme de prestige à
tenir ce rôle?
· Reçoivent-ils une formation pour connaître les spécificités de ce produit?
· Ont-ils des consignes particulières par rapport aux autres vendeurs des boutiques
Hermès?
· Toutes les boutiques possèdent-elles le matériel promotionnel autour du Kelly
(catalogue, nuancier)? Si non, pourquoi?
· Toutes les boutiques possèdent-elles au moins un Kelly en modèle d’exposition?
Pourquoi?
· Si oui, sont-ils forcément disponibles à l’essayage?
· Est-ce que le vendeur compare le sac à ses concurrents ou parle-t-il exclusivement
du Kelly?

Nom et fonction exacte


âge
sexe•

Kim Przybyla, 5e année parcours Communication à Sciences Po Toulouse kimprzybyla@gmail.com


+33 6 28 53 37 63• •
Retranscription : Entretien semi-directif
Boutique Hermès Toulouse – Vendeuse : Anne-Laure
Mercredi 13 août 2014

« Kim : Donc la première question c’est… est-ce que vous savez quelle trajectoire il faut pour
être vendeur Hermès. Quelles études vous avez faites, quelle expérience préalable ils
demandent pour devenir vendeur ? »

« Anne-Laure : Une trajectoire particulière …Non »

« K : Pas plus que ça ? »

« A-L : Il faut un minimum d’expérience dans le … dans le milieu du luxe. »

« K : Comme je l’aurais supposé »

« A-L : Oui, c’est l’une des premières, je dirais, qualités, et après… On a un fort intérêt pour
la maison, également. Sur l’univers de la maison Hermès.»

« K : D’accord… c’est ce que j’avais pensé. »

(rires)

« K : et … est-ce qu’ils vous donnent des consignes particulières, une attitude particulière à
adopter par rapport au client, des réponses à donner à certaines questions ? »

« A-L : Ben forcément, parce qu’on est face à une clientèle exigeante, et aussi que ce soit, je
dirais, une clientèle locale ou une clientèle étrangère, donc forcément oui, tout à fait. »

« K : et est-ce que les vendeurs sont formés à détecter certains signes de richesse chez les
clients ? »

« A-L : Pas du tout. »

« K : est-ce que ça change quelque chose ? »

« A-L : Pas du tout. Absolument pas. »

« K : Alors… Les questions suivantes sont sur le Kelly puisque mon mémoire est sur ça. Et…
Est-ce qu’il y a des vendeurs qui sont spécialisés dans la vente de ce produit en particulier ? »

« A-L : Non, pas du tout. C’est-à-dire que nous, en tant que vendeur, on doit être capable
de… d’être à l’aise dans n’importe quel département : le département maroquinerie, soie,
bijoux, accessoires-bijoux. Donc il y a pas particulièrement de … non non. »

« K : D’accord. Du coup ça détruit un peu toutes mes questions suivantes (rires). En fait,
j’étais à la boutique du Faubourg-Saint-Honoré, et j’ai l’impression qu’au Faubourg-Saint-
Honoré par contre il y a une personne en particulier sur chaque ... »
« A-L : Sur chaque département. Oui. Ca je sais qu’au Faubourg, ben c’est-à-dire que il y a
tellement de clientèle, tellement de monde… Donc je sais que chaque vendeur a une fonction
bien… Mais nous ici à Toulouse… »

« K : Oui, bien-sûr, c’est normal, c’est pour ça que j’aurais voulu leur demander à Paris, mais
malheureusement ils sont pas très disponibles au Faubourg-Saint-Honoré, c’est dommage…
Et est-ce que toutes les boutiques possèdent le matériel promotionnel autour du Kelly, par
exemple j’ai pu voir un nuancier, un catalogue avec les prix etc. ? »

« A-L : Oui. »

« K : Vous l’avez aussi ici à Toulouse ? »

« A-L : Oui. »

« K : Est-ce que vous avez aussi un modèle d’exposition ? »

« A-L : Non. »

« K : Là j’en ai pas vu, effectivement. »

« A-L : Non. Non non, comme c’est un produit… je dirais d’exception (sourit), et… donc on
en a de temps en temps, et c’est, c’est assez rare. Donc… après je sais qu’à Paris c’est
beaucoup plus, je dirais, fréquent. »

« K : Ben bizarrement, pas dans toutes les boutiques non plus. C’est-à-dire que à George V ils
en ont un en exposition mais ils le sortent pas, il est pas disponible à l’essayage. Il y en avait
un la dernière fois au Plongeoir, quand j’y suis allée il y a deux mois, mais je pense qu’ils
l’ont pas tout le temps non plus… et bon au Faubourg il y en a au moins 3 ou 4 en essayage.
Et est-ce que ça pourrait vous arriver de comparer le Kelly à certains modèles de marques
concurrentes ? »

« A-L : Non. Non. »

« K : C’est pas … hein, oui ? »

(rires)

« K : Bon, je vous remercie beaucoup. »

« A-L : C’est un beau sujet. »


Annexe : carte de visite
Annexe : RŽponse au courriel sur le site institutionnel Herm•s

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