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Avalanche de procès
Depuis 2015, Reda El Ouadi a rassemblé autour de lui
d’anciens salariés licenciés, démissionnaires et parfois
même encore en poste, pour les informer sur leurs
droits et les accompagner dans leurs démarches
judiciaires afin d’obtenir la régularisation de leur
prime d’ancienneté. S’il a été le premier à avoir
obtenu un jugement en première instance
reconnaissant ses droits, les prochaines décisions
judiciaires sur les onze dossiers déposés devraient
intervenir dans les semaines et mois à venir. Le
collectif rassemble aujourd’hui une cinquantaine de
salariés et ne cesse de grossir. De nombreux dossiers
sont en cours de dépôt dans les tribunaux. "C’est une
véritable avalanche de procès individuels”, prévient
Hakim*, qui occupe un poste de directeur au Crédit
du Maroc depuis 1998 et qui a déjà déposé son
dossier au tribunal. Pour Ahmed, "le rapport du
management de la banque aux règles lé- gales est
schizophrène : elle est particulièrement rigoureuse
lorsqu'il s'agit du respect par ses collaborateurs des
règles légales et conventionnelles et n'hésite pas à les
sanctionner en cas d'écart, mais quand il est question de
son propre respect du droit du travail, son attitude est
beaucoup plus laxiste”. Interrogé par TelQuel, le DRH
de la banque, Moncef El Harim, a éludé nos
demandes d'explications : "Les dispositions de la
convention collective s'imposent à l'ensemble des
banques adhérentes au Groupement professionnel des
banques du Maroc. Le Crédit du Maroc est soucieux
d'honorer ses engagements vis-à-vis du secteur et joue
un rôle actif dans le progrès et le développement des
compétences des ressources humaines. Dans le cadre du
dialogue continu avec les partenaires sociaux, tous les
sujets qui concernent le personnel sont traités et discutés
dans un esprit de partenariat”. S'agissant des affaires
judiciaires en cours, il dit ne pas pouvoir se prononcer
sur ce point "car les dossiers sont toujours en
instruction”.
Régularisation
UN COÛT DE PRÈS DE 300 MILLIONS DE DIRHAMS
Le calcul des primes d’ancienneté comporte un gros
risque pour les finances
du Crédit du Maroc. Si, pour les seuls 11 procès en
cours, les régularisations pourraient coûter 900 000
dirhams, les chiffres s’envolent concernant le coût
global pour les 2400 salariés du CDM. S’ils intentent
une action collective ou si la banque décide de
régulariser la situation de son personnel, les employés
verraient leur prime d’ancienneté régularisée sur
24 mois (délai de rétroactivité), ce qui aboutirait à une
somme comprise entre 86 et 144 millions de dirhams,
selon les calculs du collectif mené par Reda El Ouadi.
Mais seraient également concernés par ces
régularisations tous les organismes qui auraient dû
percevoir des cotisations sur ces primes : le fisc, la
CNSS, la CIMR et les organismes de retraite
complémentaire. Avec une rétroactivité de 5 ans, le
manque à gagner se situerait entre 89 et 148 millions
de dirhams, toujours selon la même source. Au total, si
le CDM devait régulariser la situation, cela pourrait lui
coûter entre 175 et 292 millions de dirhams, soit à peu
près le même niveau de bénéfices réalisés par la filiale
du Crédit Agricole sur l’exercice 2016 (303 millions de
dirhams).
La convention ou la loi ?
A ce problème spécifique au Crédit du Maroc s’ajoute
un autre, qui pourrait impacter plus largement le
secteur bancaire. Il existe en effet deux barèmes
fixant les primes d’ancienneté : celui de la convention
collective du secteur bancaire de 1956, révisée en
2014, (signée par toutes les banques hormis la BCP, et
qui accorde par ailleurs plusieurs autres avantages au
personnel des banques, comme les taux d'intérêt
réduits, la mise à disposition de centres de vacances
ou des cotisations généreuses à la retraite), et celui
du Code du travail de 2004. Le premier, qui est moins
avantageux pour les salariés, n’a pas été mis à jour
suite à l’entrée en vigueur du Code du travail, comme
nous le confirme un représentant de l’Union syndicale
interbancaire (USIB) : "Nous avion<s fait appel à des
experts et personne ne nous avait signalé ce
dysfonctionnement.” Pourtant, la règle légale est
claire : la priorité est donnée à l'application des
barèmes qui sont les plus avantageux pour les
salariés. Or, les écarts sont conséquents : de 2% entre
3 et 5 ans d’ancienneté, ils grimpent à 18,5% au-delà
de 26 ans, toujours en défaveur de la convention. Le
Crédit du Maroc, signataire de la convention, se base
sur le barème moins avantageux de 1956. Pour
mettre fin à cette aberration, Reda El Ouadi, qui a
pourtant gagné son procès en première instance
contre le Crédit du Maroc, a fait appel du jugement en
demandant cette fois-ci le recalcul de sa prime
d’ancienneté en fonction du barème de la loi. Le
jugement de la Cour d’appel, qui devrait intervenir
dans les prochaines semaines, pourrait faire
jurisprudence et ouvrir la voie à de nouvelles actions
en justice de tous les salariés du secteur bancaire
dont les primes d’ancienneté sont calculées selon un
barème moins favorable que celui prévu par la loi.