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Le scandale des primes d'ancienneté du Crédit du

Maroc révélé par TelQuel arrive au Parlement


Révélée par TelQuel, l'enquête sur la non-conformité
des primes d'ancienneté de la filiale marocaine du
géant français Crédit Agricole avec la loi prend de
l'ampleur. Le député Omar Hejira a saisi le
gouvernement alors que cinq nouvelles plaintes ont été
déposées contre Crédit du Maroc.
"Plusieurs banques marocaines ne respectent pas le
Code du travail, notamment les articles 350 et 353,
puisque la prime d'ancienneté n'est pas calculée comme
indiqué dans lesdits articles (...) Le non-respect de ces
deux articles peut engendrer une manipulation des
salaires des employés du secteur bancaire et la privation
de droits à la retraite (...) Quelles sont les mesures que
vous allez prendre pour que les fonctionnaires du
secteur bancaire jouissent de leurs droits  prévus par la
loi?" Ainsi a été formulée la question écrite datée du 5
décembre, adressée par le  député-maire d'Oujda,
Omar Hejira, au ministre de l'Emploi et de l'Insertion
professionnelle, Mohamed Yatim.
La direction de la banque, restée officiellement
muette depuis la parution de l'enquête le 1er
décembre, reconnaît dans une note interne adressée
aux cadres de la banque "certaines  anomalies",
relevées par le rapport final d'une étude conduite par
la direction des ressources humaines avec un cabinet
externe au premier trimestre 2017. Un rapport dont
le directeur des ressources humaines n'avait pas fait
mention lorsqu'il avait été contacté par TelQuel.
Le jugement de la Cour d'appel dans l'affaire du
lanceur d'alerte Reda El Ouadi va encore plus loin,
alors que le jugement en première instance avait
recalculé sa prime en fonction du barème de la
convention collective du secteur bancaire de 1956.
Cette fois, le calcul se base sur le barème du Code du
travail de 2004.
Un jugement qui correspond à la règle légale,
donnant la priorité à l'application des barèmes qui
sont les plus avantageux pour les salariés. Les écarts
entre les deux barèmes sont conséquents: de 2%
entre 3 et 5 ans d’ancienneté, ils grimpent à 18,5% au-
delà de 26 ans, toujours en défaveur de la
convention. Cela pourrait ouvrir la voie à des actions
judiciaires des salariés de toutes les banques se
basant sur le mauvais barème.
Maître Nabil Schahrakane, l'avocat de Reda El Ouadi,
nous confirme par ailleurs avoir déposé cinq
nouveaux dossiers d'anciens collaborateurs de Crédit
du Maroc depuis la publication de l'enquête, portant
à 16 le nombre d'affaires en cours.
De son côté, Reda El Ouadi qui a créé un collectif de
victimes, a vu les demandes affluer et est en contact
avec plus de 120 anciens employés de la banque,
dont des retraités.
Nous reproduisons ci-dessous l'enquête publiée le
1er décembre 2017 dans le numéro 789 de TelQuel.

CREDIT DU MAROC - Les primes d’ancienneté font


scandale
Plusieurs cadres de la banque lui intentent des procès
pour non-conformité des primes d'ancienneté avec les
dispositions légales et conventionnelles. Un
manquement qui pourrait finir par coûter cher à la filiale
du géant français Crédit Agricole.
Onze procès sont en cours et de nombreux autres
pourraient suivre. C'est Reda El Ouadi, 48 ans, ancien
responsable du pôle risques de marché du Crédit du
Maroc (CDM), et ex-trader à Paris, qui s'est attaqué le
premier à un problème bien connu de tous les
salariés de la banque. Lorsqu'il arrive au Crédit du
Maroc en 2008, il constate d'emblée une anomalie :
alors que son salaire a été multiplié par deux par
rapport à son ancien poste au sein d’une autre
banque de la place, sa prime d'ancienneté est quant à
elle divisée par six, lui qui justifie de plus de 14 ans
d’ancienneté dans le secteur bancaire marocain. Elle
est passée de 2088 dirhams pour un salaire de base
de 22 660 dirhams à 376,30 dirhams pour un salaire
de base de 43 000 dirhams, selon les bulletins de paie
consultés par TelQuel. "J'ai soulevé plusieurs fois le
problème auprès de mes responsables, et à chaque fois
ils trouvaient des excuses, me disaient que le calcul était
très complexe, éludaient la question. En 2015, je me suis
vraiment mis à calculer et j’ai constaté que le Crédit du
Maroc ne respectait pas la loi. J’ai déposé un recours
devant le tribunal de Casablanca en mai 2015. Peu
après, j'ai reçu par lettre d'huissier une nomination à un
nouveau poste, qui ne correspondait absolument pas à
mes compétences. En septembre, on m'a signifié mon
licenciement sans aucun entretien préalable ni autres
formalités obligatoires. Le management savait que
j'avais une bombe entre les mains, ils ont préféré qu'elle
explose à l'extérieur”, raconte Reda El Ouadi, qui a par
la suite déposé une autre plainte pour licenciement
abusif. Dans un jugement de juillet 2016, le tribunal a
condamné le Crédit du Maroc à lui verser près de 1,5
million de dirhams en réparation, dont environ 107
000 dirhams au titre de la régularisation de la prime
d'ancienneté. La justice reconnaît donc que le calcul
de la prime d'ancienneté par la banque était erroné et
ne correspondait pas à ce qui est convenu entre les
syndicats des banques et le Groupement
professionnel des banques du Maroc (GPBM) dans la
convention collective qui régit les relations de travail
dans le secteur.
Jeu d’assiette
La prime d'ancienneté est versée à un salarié dès lors
qu'il justifie d'un certain nombre d'années d’exercice,
soit au sein d'une même entreprise, soit dans une
même profession, comme c'est le cas pour le secteur
bancaire. Cette prime obligatoire est déterminée par
un barème légal, établissant les primes en fonction
d'un pourcentage du salaire de base qui varie selon le
nombre d'années d'activité. Or, sur une feuille de paie
du CDM, la prime d’ancienneté n’est pas reliée au
salaire de base, mais calculée en fonction de l’indice
de base et de la bonification, deux élé- ments dont la
somme ne dépasse pas le SMIG, comme nous avons
pu le constater sur plusieurs fiches de paie de hauts
cadres de la banque. "Ce montant représente
seulement 0,88% de mon salaire de base et 0,76% de
mon salaire brut, alors que le Code du travail prévoit le
calcul de la prime sur la base du salaire versé”, explique
l’ancien responsable risque de marchés du CDM. Un
fait que le tribunal a également reconnu en
recalculant la prime d’ancienneté en se basant sur la
totalité de son salaire sur une pé- riode de 24 mois,
qui correspond au délai de prescription de l’action
judiciaire dans ce genre d’affaires. Ahmed*, ancien
directeur d'un centre d'affaires récemment licencié,
s'apprête lui aussi à déposer une plainte similaire. Il
explique : "Toutes les nouvelles recrues s'interrogent sur
la prime d’ancienneté et sont confrontées à un mur. C’est
devenu un tabou, les gens évitent d’en parler car ils
savent qu’ils risquent de le payer de leur emploi, comme
ça a été le cas pour Reda El Ouadi. Aujourd’hui, ce sont
ceux qui ne font plus partie de l'entreprise qui dénoncent
ces pratiques”.

Avalanche de procès
Depuis 2015, Reda El Ouadi a rassemblé autour de lui
d’anciens salariés licenciés, démissionnaires et parfois
même encore en poste, pour les informer sur leurs
droits et les accompagner dans leurs démarches
judiciaires afin d’obtenir la régularisation de leur
prime d’ancienneté. S’il a été le premier à avoir
obtenu un jugement en première instance
reconnaissant ses droits, les prochaines décisions
judiciaires sur les onze dossiers déposés devraient
intervenir dans les semaines et mois à venir. Le
collectif rassemble aujourd’hui une cinquantaine de
salariés et ne cesse de grossir. De nombreux dossiers
sont en cours de dépôt dans les tribunaux. "C’est une
véritable avalanche de procès individuels”, prévient
Hakim*, qui occupe un poste de directeur au Crédit
du Maroc depuis 1998 et qui a déjà déposé son
dossier au tribunal. Pour Ahmed, "le rapport du
management de la banque aux règles lé- gales est
schizophrène : elle est particulièrement rigoureuse
lorsqu'il s'agit du respect par ses collaborateurs des
règles légales et conventionnelles et n'hésite pas à les
sanctionner en cas d'écart, mais quand il est question de
son propre respect du droit du travail, son attitude est
beaucoup plus laxiste”. Interrogé par TelQuel, le DRH
de la banque, Moncef El Harim, a éludé nos
demandes d'explications : "Les dispositions de la
convention collective s'imposent à l'ensemble des
banques adhérentes au Groupement professionnel des
banques du Maroc. Le Crédit du Maroc est soucieux
d'honorer ses engagements vis-à-vis du secteur et joue
un rôle actif dans le progrès et le développement des
compétences des ressources humaines. Dans le cadre du
dialogue continu avec les partenaires sociaux, tous les
sujets qui concernent le personnel sont traités et discutés
dans un esprit de partenariat”. S'agissant des affaires
judiciaires en cours, il dit ne pas pouvoir se prononcer
sur ce point "car les dossiers sont toujours en
instruction”.

Régularisation
UN COÛT DE PRÈS DE 300 MILLIONS DE DIRHAMS
Le calcul des primes d’ancienneté comporte un gros
risque pour les finances
du Crédit du Maroc. Si, pour les seuls 11 procès en
cours, les régularisations pourraient coûter 900 000
dirhams, les chiffres s’envolent concernant le coût
global pour les 2400 salariés du CDM. S’ils intentent
une action collective ou si la banque décide de
régulariser la situation de son personnel, les employés
verraient leur prime d’ancienneté régularisée sur
24 mois (délai de rétroactivité), ce qui aboutirait à une
somme comprise entre 86 et 144 millions de dirhams,
selon les calculs du collectif mené par Reda El Ouadi.
Mais seraient également concernés par ces
régularisations tous les organismes qui auraient dû
percevoir des cotisations sur ces primes : le fisc, la
CNSS, la CIMR et les organismes de retraite
complémentaire. Avec une rétroactivité de 5 ans, le
manque à gagner se situerait entre 89 et 148 millions
de dirhams, toujours selon la même source. Au total, si
le CDM devait régulariser la situation, cela pourrait lui
coûter entre 175 et 292 millions de dirhams, soit à peu
près le même niveau de bénéfices réalisés par la filiale
du Crédit Agricole sur l’exercice 2016 (303 millions de
dirhams).

La convention ou la loi ?
A ce problème spécifique au Crédit du Maroc s’ajoute
un autre, qui pourrait impacter plus largement le
secteur bancaire. Il existe en effet deux barèmes
fixant les primes d’ancienneté : celui de la convention
collective du secteur bancaire de 1956, révisée en
2014, (signée par toutes les banques hormis la BCP, et
qui accorde par ailleurs plusieurs autres avantages au
personnel des banques, comme les taux d'intérêt
réduits, la mise à disposition de centres de vacances
ou des cotisations généreuses à la retraite), et celui
du Code du travail de 2004. Le premier, qui est moins
avantageux pour les salariés, n’a pas été mis à jour
suite à l’entrée en vigueur du Code du travail, comme
nous le confirme un représentant de l’Union syndicale
interbancaire (USIB) : "Nous avion<s fait appel à des
experts et personne ne nous avait signalé ce
dysfonctionnement.” Pourtant, la règle légale est
claire : la priorité est donnée à l'application des
barèmes qui sont les plus avantageux pour les
salariés. Or, les écarts sont conséquents : de 2% entre
3 et 5 ans d’ancienneté, ils grimpent à 18,5% au-delà
de 26 ans, toujours en défaveur de la convention. Le
Crédit du Maroc, signataire de la convention, se base
sur le barème moins avantageux de 1956. Pour
mettre fin à cette aberration, Reda El Ouadi, qui a
pourtant gagné son procès en première instance
contre le Crédit du Maroc, a fait appel du jugement en
demandant cette fois-ci le recalcul de sa prime
d’ancienneté en fonction du barème de la loi. Le
jugement de la Cour d’appel, qui devrait intervenir
dans les prochaines semaines, pourrait faire
jurisprudence et ouvrir la voie à de nouvelles actions
en justice de tous les salariés du secteur bancaire
dont les primes d’ancienneté sont calculées selon un
barème moins favorable que celui prévu par la loi.

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