REVUE DES REVUES

Les Cahiers jungiens de psychanalyse | « Cahiers jungiens de psychanalyse »

2007/3 N° 123 | pages 87 à 90

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 REVUE DES REVUES
Cadernos Jungianos, no 2, 2006.
Dans ce numéro de la revue annuelle
de l’Association Jungienne du Brésil,
« l’âme du monde trouve l’espace qui lui
est dû », précise Gustavo Barcellos dans
son éditorial.
Il en est ainsi de « Psiquê na Polis : a
alma em busca da politica » ( « Psyché
dans la Cité : l’âme en quête de poli-
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tique » ). Roque Tadeu Gui opte pour
l’exigence d’une clinique analytique qui se
confronte aux deux aspects de l’âme, in-
dividuel et collectif. Une clinique qui s’in-
téresse donc à la psyché dans la polis, au
risque sinon d’ignorer et de violenter la
dimension politique du soi. L’auteur arti-
cule les concepts d’individuation et de
développement politique de la personna-
lité dans la perspective de deux auteurs,
A. Samuels (jungien) et P. Freire (éduca-
tion populaire).
Alexandre S. Nunes dans « Fazer alma
fazendo teatro » ( « Faire de l’âme en fai-
sant du théâtre » ) oppose la conception
réductrice de la psychanalyse qui s’atta-
cherait à repérer dans l’œuvre la trace des
troubles de l’artiste – l’art comme subli-
mation – à la perspective jungienne,
beaucoup plus large, basée sur le fonde-
ment archétypique de la psyché. Dans cet
article, l’art de l’acteur sert de métaphore
de la condition humaine. N’exprime-t-il
pas, en effet, de façon tout à fait radicale,
ce que fait tout un chacun, à savoir : per-
sonnifier des rôles sur la scène de sa vie ?
Dans une interview sous le titre : La
Psique da America Latina, Luigi Zoja, an-
cien président de l’IAAP, livre la pensée
perspicace d’un étranger sensible et ré-
ceptif à l’âme sud-américaine. En voici
un passage particulièrement significatif :
« Il y a 30 ans en Italie, j’ai reçu un patient
Argentin qui a évoqué en analyse la perte
de contact progressif avec l’ensemble de
ses amis en Argentine avec la crainte
qu’ils n’aient été séquestrés et assassi-
nés. (C’était l’époque de la dictature mili-
taire.) J’ai essentiellement interprété cela
comme un symptôme ; il est vrai que ce
patient avait des éléments persécuteurs.
Or, aujourd’hui je me demande : Avais-je,
de loin, alors que moi-même j’étais dans
un pays en sécurité, le droit d’utiliser une
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telle perspective ? N’étais-je pas, comme
le sont la plupart des citoyens occiden-
taux pacifiques, en train d’éviter la cons-
cience des innombrables situations tragi-
ques de la vie moderne ? Probablement
est-ce à cause de cette expérience person-
nelle que je passe maintenant mes vacan-
ces à Buenos Aires, et non à la plage,
recevant des patients et faisant des super-
visions, là où nombre de questions tragi-
ques des années 1970-1980 affleurent
encore. »
Revista venezolana de psicologia de los
arquetipos e estudios junguianos, no 2,
2007.
Toujours afin de nous permettre
d’élargir nos perspectives, ce numéro de la
revue offre aux lecteurs des travaux qui
vont de la biologie moléculaire, de l’étude
de cas clinique, de la parole donnée à un
analysant jusqu’à l’anthropologie, la so-
ciologie, en passant par l’art et la politique.
Dans « Sobre a arte e psicologia »
( « Art et psychologie » ), Raphael López-
Pedraza se penche sur le rapport entre art
et psychologie chez Freud et chez Jung. Il
se situe dans la même perspective, dit-il,
que Christian Gaillard, qui en étudiant
une œuvre, ne s’intéresse pas tant à
l’homme qu’est l’artiste qu’à l’œuvre elle-
même pour en rejoindre la dynamique
interne et repérer ce qui l’anime. Et il
illustre son propos avec la lecture du
Triomphe de Bacchus de Velasquez.
87
 Axel Capriles ouvre une large réflexion
dans « Poder e inferioridade psicopática »
( « Pouvoir et infériorité psychopa-
thique » ) sur les hommes qui nous gou-
vernent et les électeurs qui les mettent au
pouvoir. Pourquoi les personnes équili-
brées et sages ne se convertissent-elles pas
en leader du peuple ? Pourquoi les trou-
bles du caractère (identifiés ici comme
« psychopathie », soit dans la tradition
psychiatrique française comme « déséqui-
libre psychique »), entraînent-ils la fasci-
nation des masses ? Telle est l’interroga-
tion à laquelle nous sommes conviés
puisqu’en effet, nous pouvons relever un
grand nombre de personnalités politiques
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tout au long de l’Histoire jusqu’à nos jours,
dans notre environnement immédiat,
chez qui les troubles du caractère vont de
pair avec l’ambition du pouvoir. Pour ne
pas froisser les susceptibilités, l’auteur il-
lustre son propos avec des images et des
biographies qui, émotionnellement, ne
nous touchent pas de trop près. Il poursuit
sa réflexion sur le besoin de domination et
d’être dominé, et l’envisage comme l’une
des passions humaines les plus complexes
et déconcertantes. Le pouvoir, caractérisé
par sa « voracité » est intimement relié
à « l’infériorité psychopathique », « une
zone de résistance minimum et d’instabi-
lité particulière » qui conduit au vide. Mais
si les dictateurs existent, c’est aussi parce
que les citoyens le leur ont permis.
Quelque chose en nous, leur permet d’en-
trer et les accueille, du fait d’une irrespon-
sabilité de base, du fait de sa connexion
avec une « infériorité » qui nous rend dé-
pendants et naïfs. Un vide d’âme, là où
intuition et instincts ne fonctionnent
pas. Entre la soumission des masses à
l’homme fort et puissant, la révolte et la ré-
signation paralysante, il reste le recours
psychique, la rencontre avec des symboles
et des formes qui peuvent contenir notre
conduite et nous renouveler avec des re-
présentations. Il est temps, pour l’auteur,
que la psychologie analytique sorte du ca-
binet du praticien pour aller dans la rue.
Catherine de Lorgeril
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Studi Junghiani, vol. 12, janvier-
juin 2006.
Ce numéro de Studi Junghiani, revue de
l’AIPA, l’Associazione Italiana di Psicolo-
gia Analitica, n’est pas consacré à un seul
thème, mais propose une mosaïque de
textes sur des sujets différents.
L’article de Stefano Carta, « D’où, vers
où. La Maison comme origine et destina-
tion », ouvre ce numéro. L’auteur y ana-
lyse la figure de la déesse Hestia qui
représente, selon lui, l’espace psychique
individuel, le maternel et l’implicite. Il
y analyse aussi la relation qu’Hestia en-
tretient avec Hermès, car un équilibre
entre ces deux éléments psychiques lui
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semble indispensable à un bon équilibre
psychologique.
Dans le deuxième article, « La tech-
nique des mandarins chinois au temps
des pionniers », Rita Corsa réfléchit sur la
vie et l’œuvre de Sabina Spielrein et de
Otto Gross, deux pionniers de la psycha-
nalyse qui ont connu le même destin tra-
gique de voir leur pensée sacrifiée au nom
de la cause psychanalytique.
Suit un article de Alberto Furia, « Quel-
ques aspects des mécanismes projectifs ».
Il y expose une intéressante confrontation
des écrits de Freud, Jung, Klein et Bion
sur ce sujet et propose un rapprochement
des concepts de « participation mystique »
et d’ « identification projective ». Gio-
vanni Gaglione, en revanche, dans « Le
principe dialogique jungien et l’hermé-
neutique de Gadamer », propose un rap-
prochement entre Jung et Gadamer. Leur
point de rencontre est, selon Gaglione, le
problème de la connaissance, ou plus pré-
cisément de l’objet à connaître : pour
Jung, le patient avec sa souffrance, pour
Gadamer, le texte à interpréter.
Face à l’objet à connaître les deux au-
teurs ont une même attitude, celle qui
exige de prendre en considération la sub-
jectivité de celui qui interprète au mo-
ment de l’interprétation et qui donc les
conduit à considérer l’acte interprétatif
comme un processus de création et de
transformation à la fois. À partir de ces
 considérations, Gaglione suggère que la
métaphore de la « résonance » serait plus
appropriée que celle de « projection »
pour signifier les phénomènes du trans-
fert et du contre-transfert, tels que Jung
les définit, alors que la métaphore de la
projection serait plus appropriée à la
théorie freudienne.
Le cinquième article, « Animus et
anima à la lumière de la “neuropsycho-
logie analytique” », de Sandra Berivi et
Paola Carabini, propose une relecture de
ces concepts à la lumière des dernières
avancées dans la recherche sur le système
nerveux. Animus et anima ne seraient pas
seulement deux lieux fondamentaux de
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l’identité psychique mais aussi deux mo-
dalités différentes du fonctionnement du
cerveau, également indispensables à la
connaissance.
L’article de Silvia Presciuttini, « Nar-
cisse Infirme », se penche sur les vécus
des personnes souffrant de maladies
chroniques et invalidantes, sur l’isole-
ment social qu’elles peuvent connaître,
sur leurs difficultés à élaborer un travail
de deuil pourtant nécessaire.
Pour finir, dans son article « Symbole
et prophétie dans l’œuvre de William
Blake », Michele Accetella identifie
comme thème fondamental de l’œuvre
de ce dernier le motif mythologique de la
Chute et de la Résurrection. Pour l’au-
teur, il s’agit, de toute évidence, de conte-
nus issus de l’inconscient collectif et donc
emblématiques de l’émergence et de la
représentation du soi.
Pratica Analitica, 2006-2007. La
Formation.
La Pratica Analitica, revue annuelle du
CIPA, le Centro Italiano di Psicologia
Analitica, consacre ce numéro au thème
de la formation, dans le but de fixer et de
prolonger les débats qui avaient eu lieu
lors du Séminaire résidentiel de Syracuse,
en mai 2006. Après six ans de travail de
l’École de psychothérapie, il était impor-
tant, en effet, d’en faire un bilan. Il faut
rappeler aux lecteurs français que, de-
puis 2000, le gouvernement italien a dé-
fini le statut légal des psychothérapeutes
et a confié la tâche de leur formation à
différentes Écoles et Sociétés, parmi les
quelles figurent aussi les deux sociétés
jungiennes, le CIPA et l’AIPA.
Pour ces dernières, le défi à relever
était celui d’assurer une formation pour
les futurs psychothérapeutes et les futurs
psychanalystes en créant des cursus adap-
tés à ces deux publics bien différents,
mais qui, de fait, peuvent se retrouver
souvent ensemble lors de leurs études.
Défi d’autant plus difficile à relever qu’il
faut encore y ajouter la formation pour
les thérapeutes d’enfants. Cela donne une
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offre de formation qui se doit d’être très
articulée et qui demanderait, pour être
convenablement réalisée, d’importants
moyens aussi bien financiers qu’humains.
Dernier écueil à prendre en considéra-
tion, et non des moindres, les nœuds
transférentiels/contre-transférentiels qui
peuvent en être engendrés.
Plusieurs contributions identifient
dans la confusion possible entre em-
pathie et affrontement le risque majeur
qui se présente aux formateurs dans un
tel contexte. La conséquence fâcheuse se-
rait celle d’analyses « as if », ce qui repro-
duirait une situation largement présente
dans nos sociétés, c’est-à-dire celle d’éle-
ver des enfants qui ne sont pas en mesure
de tolérer et d’accepter la frustration. Ce
qui, bien évidemment, signerait l’échec
du processus d’émancipation, de sépara-
tion, d’individuation.
Deuxième point fortement souligné
dans toutes les contributions, la nécessité
d’ouvrir la recherche jungienne théorique
et clinique à d’autres domaines du savoir,
notamment aux études de matrice freu-
dienne, pour qu’une confrontation fé-
conde puisse avoir lieu.
Giovanna Galdo
89
 Mantis, vol. 17, no 2, hiver 2005, et
vol. 18, no 1, été 2006.
Tony Ullyatt donne dans ces deux nu-
méros une étude approfondie du mythe
crétois d’Icare en s’appuyant sur les deux
versions dissemblables, celle d’Ovide
d’un côté dans Les métamorphoses et celle
d’Apollodore dans La bibliothèque de mytho-
logie grecque. Il en fait parcourir le texte
même et saillir leurs caractéristiques nar-
ratives, ce qui nous sort des citations en-
tendues et lénifiantes parce qu’allusives
pour réinsérer ces mythes au plus près de
la tradition qui les porte : « Ils sont une fa-
çon de produire du sens dans un monde
qui en est privé. [...] Que le sens de notre
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existence ne soit que ce que nous y met-
90
tons (Sartre) ou que ce soit un sens à dé-
couvrir (Kierkegaard) le résultat est iden-
tique : les mythes sont notre moyen de le
trouver. » En définitive, le mythe crétois
parle de la souffrance et de sa place dans
nos vies, trait inévitable de la condition
humaine. L’auteur propose comme un
chemin d’individuation une façon de s’ap-
proprier le mythe ; elle nous surprend
quelque peu par sa retombée pragma-
tique.
Dans ce même volume 18, Peter Hod-
son (Cape Town) se penche sur les ver-
sions du cycle d’Œdipe dont il propose
une interprétation jungienne.
Cyrille Bonamy
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