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Des faux souvenirs implantés pendant le sommeil

Des neurobiologistes ont réussi à implanter un faux souvenir à des souris endormies : à leur réveil,
elles associaient une sensation agréable à un lieu où elles n’avaient rien vécu de particulier.

Guillaume Jacquemont

Imaginez que vous arrivez dans un lieu totalement anodin, un coin de couloir par exemple, et qu’une
sensation agréable vous envahit. Un peu comme si vous y aviez vécu un événement délicieux, dont le
souvenir vous fait frissonner de plaisir. Vous y revenez régulièrement, attiré par cette sensation…
jusqu’à ce que vous vous rendiez compte que l’endroit n’a rien d’extraordinaire.

C’est un peu ce qui est arrivé à cinq souris, dans une étude menée par l’équipe de Karim
Benchenane, de l’ESPCI et de l’UPMC, à Paris. Les neurobiologistes ont implanté aux rongeurs de
faux souvenirs pendant qu'ils dormaient et ont montré que cela influençait leur comportement par la
suite.

Se réveillera-t-on un jour avec une vie imaginaire ancrée dans la mémoire, comme dans le film Total
Recall ? Si nous en sommes encore loin, la perspective ne paraît plus si fantaisiste. De multiples
études cherchent à exploiter le sommeil pour la mémorisation : une équipe de l’Université de
l’Illinois a par exemple renforcé l’apprentissage d’un morceau de musique au piano en repassant ce
morceau à l’élève pendant son sommeil. Plus généralement, les travaux sur la manipulation des
souvenirs ont donné des résultats étonnants ces dernières années. Par des expériences
d’optogénétique, où les neurones sont activés par la lumière, une équipe américaine a notamment
associé chez la souris une sensation désagréable à un lieu où elle n’avait rien vécu de traumatisant.

C’est plutôt quelque chose comme le souvenir d’un morceau de fromage géant qu’a implanté
l’équipe de Karim Benchenane à des souris. Les neurobiologistes ont greffé des électrodes à deux
endroits de leur cerveau. D’une part, dans les « cellules de lieu » de l’hippocampe, qui sont des
neurones associés à un endroit particulier (tel neurone s’active quand la souris va à tel endroit ou y
pense) ; la découverte de ces neurones a d’ailleurs valu le prix Nobel de physiologie ou médecine
2014 à l'Américano-britannique John O'Keefe. D’autre part, dans un faisceau de fibres nerveuses
inclus dans le « circuit de la récompense », un réseau d’aires cérébrales associé à la sensation de
plaisir.

Dans une première phase, les neurobiologistes ont laissé les souris libres de se promener dans leur
cage, en mesurant l’activité des neurones de lieu grâce aux électrodes de l’hippocampe. Ils ont ainsi
pu déterminer quel neurone était associé à quel endroit. Puis les souris ont piqué un somme.
Pendant le sommeil, les souvenirs sont réactivés, ce qui les renforce. En particulier, les neurones de
lieu s’allument. Les chercheurs ont ciblé l’un d’entre eux et mis en place un dispositif pour que
chacun de ses allumages déclenche automatiquement l'envoi d'une stimulation électrique dans les
électrodes du circuit de la récompense, afin d’activer ce dernier.

Des liens cérébraux se sont ainsi créés entre ce neurone de lieu et le circuit de la récompense. En
conséquence, le fait de penser à l’endroit correspondant ou de s’y rendre provoquait par la suite un
vif plaisir aux souris. Quand ces dernières se réveillaient, elles s’y dirigeaient d’ailleurs tout droit et y
passaient beaucoup de temps… jusqu’à ce qu’elles réalisent que l’endroit ne contenait aucune
récompense, et ne s’en désintéressent. Pour Karim Benchenane, cela suggère que « le souvenir
implanté peut être perçu consciemment par la souris, qui l’utilise dans un comportement dirigé vers
un but ». Il est ainsi bien plus complexe que ceux précédemment fabriqués chez des animaux
endormis, comme le précise le chercheur : « Les travaux antérieurs n'avaient créé que des réactions
réflexes à un stimulus particulier ».

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