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Évaluation et rééducation
M. Massiot, H. Aboiron, B. Selleron, J. Vaillant, J. Wils, P. Stévenin

En quelques années, le monde de la santé et celui de la rééducation ont complètement changé de par la
technologie et les rapports sociaux. L’évaluation est devenue un point central de la politique de santé et
une préoccupation quotidienne des professionnels concernés pour développer la qualité des soins. Le
concept d’évaluation a, lui aussi, évolué pour couvrir un champ bien distinct de la recherche qui nécessite
d’être développé en tant que tel. Les résultats de recherche participent à l’établissement de référentiels
partagés. Dans le champ de la rééducation où la relation humaine est présente tout au long du
traitement, l’évaluation prend en compte, à travers des critères, la subjectivité et l’objectivité au sein des
projets du patient, des thérapeutes et des institutions. La volonté politique de développement de
l’évaluation en santé qui se décline du côté qualitatif avec l’Agence nationale d’accréditation et
d’évaluation en santé (ANAES) et du côté quantitatif avec le Programme de médicalisation du système
d’information (PMSI) ainsi que par l’intermédiaire de la Sécurité sociale, est relayée dans les pratiques
d’évaluation par les acteurs que sont les patients et les praticiens. L’amélioration de la qualité des soins
passe par cette exigence d’une évaluation « multivoies » sans cesse renouvelée qui repose pour une
grande part sur les compétences des praticiens dans une situation clinique singulière.
© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Évaluation en rééducation ; Rééducation ; Qualité de la rééducation ; PMSI

Plan ■ Évaluation
¶ Évaluation 1 Du subjectif et de l’objectif,
Du subjectif et de l’objectif, de l’appréciation et de la norme 1 de l’appréciation et de la norme
Objets, objectifs et enjeux de l’évaluation 2
Acteurs de l’évaluation 3 Évaluation et contrôle
Évaluation en actes 3 Depuis quelques années le mot « évaluation » apparaît un peu
¶ Volonté institutionnelle d’évaluer 5 partout dans les différents champs de la vie sociale, que ce soit
L’ANAES pour guider les praticiens, évaluer et établir dans le milieu de la santé, celui de l’éducation, celui de
des références 5 l’entreprise et bien d’autres encore. Pour le Dictionnaire de la
Le PMSI-SSR comme suivi d’activités et de performances langue française E. Littré, le mot « évaluation », (ex valuare,
des établissements de santé 6 extraire la valeur) signifie l’action d’estimer la valeur, le prix
Sécurité sociale 7 d’une chose et en second sens l’action de fixer approximative-
Le politique comme régulateur du marché de la santé 7
ment une quantité. L’estimation de la valeur réfère tant à des
éléments subjectifs qu’objectifs et permet de porter un jugement
Et le public ? 8
en s’appuyant sur des critères et des normes pour aider à la prise
¶ Pratiques de l’évaluation en rééducation 8 de décision. [1] En rééducation, le terme est d’apparition récente
Le patient comme premier évaluateur : motif de consultation et porte un sens différent du mot bilan. Ce dernier, issu du
et satisfaction 8 champ économique (les Anglo-Saxons lui préfèrent le terme
Le praticien comme responsable du traitement 8 d’examen), a été longtemps utilisé en cohérence avec le choix
La recherche comme production de connaissance 9 d’une démarche de rééducation qui était fondée sur une
¶ Conclusion 9 conception mécaniste. La logique du bilan s’inscrit dans la
recherche de certitude, d’exhaustivité, dans le contrôle. Il est
alors un instantané qui permet de lire l’écart entre le pro-
gramme attendu et un état à un moment donné. [2] L’évaluation
s’inscrit dans un mouvement, il s’agit surtout d’identifier des

Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation 1
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points forts et des points faibles pour améliorer les prestations. par un projet de vie. Le rôle du soignant est primordial pour
Évaluer et contrôler sont deux démarches complémentaires mais accompagner cette construction d’une nouvelle norme, au
qui n’ont pas le même statut et aucun des deux versants centre du travail du rééducateur. Le préfixe « re » de rééducation
n’exclut l’autre, simplement ils n’ont pas le même objectif. étant compris dans le sens d’une « nouvelle » éducation (au sens
Un expert évalue, un inspecteur contrôle. Évaluer un tableau où l’utilise E. Morin) [9] et pas au sens de la répétition.
consiste à chercher tous les éléments objectifs possibles (nom de
l’auteur, date, contexte historique, géographique, taille...), mais Dimension de projet
c’est aussi tenir compte du marché, des phénomènes de mode...,
Que serait une évaluation sans l’intention et le projet qui la
il se construit un référentiel. Une dimension d’appréciation,
porte et qui lui donne son sens. Peut-on dire d’un archer qu’il
d’intuition est présente, un endroit où la mesure ne suffit plus, a tiré une bonne flèche si on ne connaît pas la cible qu’il vise ?
il y a du subjectif. C’est toute la valeur ajoutée de l’expert. Ce Ainsi on ne peut parler d’évaluation en santé sans identifier les
serait pourtant si simple de mesurer ! projets qui la portent. Projet de société, [10] projet politique
L’inspecteur, lui, vient constater. Il recherche la plus grande donc et projet du patient au sein desquels s’entrechoquent la
objectivité possible et s’appuie sur une norme pour prendre logique légitime de droit à la protection de la santé pour chaque
position et sanction éventuelle. individu, qui n’a pas de prix, et la logique économique puisque
Le rééducateur est dans une situation d’expert. Il cherche des la santé a un coût (presque 30 % de la richesse nationale ou
critères objectifs, il s’appuie sur des signes connus, sur des produit intérieur brut d’après Bonnici). [11]
normes physiques, biologiques et autres pour porter son
diagnostic mais dans le même temps il est face au patient dans Qualitatif et quantitatif
sa singularité. Il est amené à prendre en compte dans sa
démarche d’évaluation, la personnalité, le projet de vie de la Ces deux notions sont souvent opposées entre elles au point
personne qu’il a en face de lui. [3] Là aussi la subjectivité est que le quantitatif aurait tendance à devenir, pour certains, une
présente de la part des deux acteurs de la relation de soin. Là fin en soi. Il n’y aurait de vrai que le quantitatif. Mais le passage
aussi, si la mesure est nécessaire, elle ne peut être suffisante au quantitatif passe nécessairement par le qualitatif, en particu-
dans la détermination des objectifs du traitement et dans la lier au sein d’une relation clinique avec un patient. De nom-
prise en charge du patient. breuses logiques s’entrechoquent, du biologique au
Le passage à l’évaluation en santé s’est traduit en France par psychologique en passant par le social et l’économique. [12]
la création d’une structure officielle, l’Agence nationale pour le Ainsi le quantitatif, pour indispensable qu’il soit, ne peut être
développement de l’évaluation médicale (ANDEM), en 1992, que réducteur d’une réalité intriquée dans le qualitatif, ne
puis en 1996 par la création de l’Agence nationale d’accrédita- serait-ce que par le choix de la quantité à mesurer. « En fait, le
tion et d’évaluation en santé (ANAES). Avec l’introduction de la quantitatif n’est pas de nature à faire avancer la compréhen-
conception de la qualité dans le domaine de la santé, les sion : une liaison entre des grandeurs, même lorsqu’on sait
modèles du contrôle puis de l’assurance qualité ont cédé le pas l’exprimer par une relation « analytique », n’est pas pour autant
à l’amélioration continue qui passe par la relation singulière à explicative ; elle demanderait à être expliquée. » [13] Le quanti-
tatif ne se suffit pas à lui-même. Il paraît certes plus simple et
la personne malade. L’évaluation est au cœur même de cette
rassurant, mais il ne peut faire l’économie du qualitatif, de la
conception. La qualité n’est pas à maîtriser mais à promou-
recherche de signification, en particulier dans la singularité de
voir, [4] l’évaluation va donc s’attacher à recueillir des informa-
la clinique.
tions afin de donner du sens à l’action. Les modèles de
l’évaluation médicale vont dans le même temps évoluer d’une
évaluation-contrôle à une évaluation-communication. [1] Problématique particulière de l’évaluation
en rééducation
Référentiel L’évaluation est affaire délicate dans le domaine de la santé
du fait de la diversité des situations, de la diversité des individus
Donner de la valeur à quelque chose, évaluer d’accord mais et de la diversité des pathologies rencontrées et de leurs
par rapport à quoi ? L’évaluateur a besoin, pour mener à bien évolutions. La rééducation ajoute une dimension supplémen-
sa mission, de faire appel à un ensemble d’éléments formant un taire, la diversité des manières de réaliser un traitement. Au lieu
système de référence reconnu par la communauté constituant de médicaments, ce sont des traitements sous forme d’exercices,
un référentiel. Ainsi, l’ANAES, au travers des recommandations de mobilisations, de postures...qui sont proposés par des
pour la pratique clinique et des conférences de consensus, rééducateurs qui ont chacun leur savoir-faire et leur savoir-être.
participe fortement à l’élaboration d’un référentiel de savoirs On connaissait l’effet placebo et le double placebo, ici s’y ajoute
par pathologie par exemple. Elle participe en ce sens à l’évalua- encore une dimension : la relation praticien-dépendante. [14]
tion des pratiques qui devra être enrichie par un référentiel des
situations professionnelles, [5] nous rapprochant par là même
d’une évaluation des compétences professionnelles. [6] Objets, objectifs et enjeux de l’évaluation
L’objet de l’évaluation est souvent considéré comme un allant
Norme
de soi, il n’est pourtant pas si évident à définir. S’agit-il de
La norme, d’où vient-elle, qui la pose, à partir de quels l’évaluation de la santé des personnes et des populations ou
critères, dans quel champ, dans quel but ? En rééducation ces bien s’agit-il de l’évaluation dans le champ de la santé ?
questions sont fondamentales face à une personne et pour une L’ANAES a choisi une définition large qui englobe les activités
personne qui est atteinte d’une incapacité. La définition du qui concourent à la santé, c’est aussi celle qui nous intéresse ici.
normal et du pathologique se pose. Elle est à la clé du passage L’objectif poursuivi par l’évaluation en santé est de garantir à
de l’incapacité au handicap, c’est-à-dire de la compétence avec chacun des soins de qualité.
laquelle une personne gère son incapacité dans la vie quoti- L’enjeu est majeur pour la société puisqu’il s’agit de la santé
dienne. La norme est-elle absolue, et qui la fixe ? Le danseur de chaque être humain, il peut même être considéré comme
anglais David Toole en est une vivante démonstration (né sans universel. Le droit à la protection de la santé, inscrit dans la
jambe, il danse sur ses mains sur les plus prestigieuses scènes du constitution française, est en même temps un enjeu politique et
monde) et propose une réponse magistrale : « très tôt, je me suis économique. Il faut donc rapporter à la qualité des soins une
déplacé sur les mains. Quand le problème des jambes artificiel- relation économique. La protection de la santé des citoyens doit
les s’est posé, je n’en voulais pas. C’était bien pour les autres : être efficace au moindre coût, c’est la notion d’efficience.
j’avais l’air normal, ils étaient soulagés ». [7] Par ce refus, il fixe L’enjeu est également fort pour les professionnels de santé
ses propres règles, c’est la définition même de l’autonomie. La qui sont mis en demeure de justifier leurs pratiques et leur
norme ne peut être uniquement extérieure au sujet. [8] Elle est utilité, de montrer la valeur ajoutée qu’ils apportent aux
une négociation entre le sujet et son environnement, orientée personnes qu’ils traitent et aux financeurs.

2 Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation
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Évaluation des techniques et des traitements


ou évaluations des pratiques
Évaluation d’une technique ou d’un traitement
Elle comporte deux parties.
• L’évaluation de l’effet de la technique sur l’état de santé du Ce qui est Ce qui est
Ce qui est perçu
patient qui s’appuie sur des critères de réussite. Mais la perçu mesurable
et implicite
singularité de chaque individu peut conduire à une aggrava- et explicite
tion de l’état de santé du sujet alors même que le traitement
a été correctement réalisé dans les règles de l’art comme la
rééducation d’un patient atteint d’une hémiplégie ou d’un
traumatisme crânien. D’où l’intérêt d’appuyer toute évalua-
tion sur un référentiel basé autant que possible sur des Figure 1. Observation d’un phénomène.
données scientifiques. Une technique ou un traitement,
ensemble de techniques et d’actes réalisés auprès d’un malade
pour une pathologie donnée, peut être validé scientifique-
Mais cette situation n’intéresse pas que les deux individus en
ment. Le drainage lymphatique manuel est-il une technique
présence. Qu’ils agissent en libéral ou dans le cadre d’un
efficace ? La réponse se trouve dans la consultation de la
établissement, ils sont partie prenante dans le système de santé
bibliographie à la recherche d’études sérieuses telles que national auquel appartiennent les assurances maladie, enjeu
définies dans les revues de bibliographie de l’ANAES. politique de plus en plus prégnant étant donné l’inflation des
• L’évaluation de la réalisation de cette technique porte sur un dépenses de santé.
tout autre objet, à savoir la prestation de la personne qui Chacun de ces acteurs (établissement, institution, politique)
réalise le soin. C’est la capacité du praticien qui est en jeu. investit de plus en plus sur les démarches d’évaluation au
Elle s’appuie sur des critères de réalisation et est particulière- travers d’organisations dédiées exclusivement à cette mission
ment développée dans les différents instituts de formation comme l’ANAES, et la mise en place du Programme de médica-
des professions de la rééducation. lisation du système d’information-soins de suite et rééducation
Évaluation des pratiques (PMSI-SSR).
L’ANAES parle, quant à elle, de l’évaluation des pratiques. Au
travers de ce terme, elle inscrit l’intention de son action dans Évaluation en actes
un rapport direct avec l’activité professionnelle sur le terrain.
Alors qu’il est possible de faire un cours sur le traitement de Posture de l’évaluateur
telle ou telle pathologie, il n’y a pas de cours sur une pratique L’intention de l’évaluateur, point de départ de son action,
ou alors il s’agit de l’analyse d’une pratique réalisée, d’une étude donne sens aux conduites qu’il va mettre en œuvre. Il ne s’agit
de cas clinique. La pratique inclut tout à la fois le traitement pas pour l’évaluateur de chercher à mettre au jour de nouvelles
qui est administré au malade par le praticien mais aussi la connaissances, il ne s’agit pas d’une démarche de recherche. La
manière de le mettre en œuvre, indissociable des interactions méthodologie est donc différente même si les outils peuvent
des différents acteurs et de leur rapport à l’organisation dans être semblables. La valeur de la situation observée est extraite en
laquelle ils agissent. L’évaluation d’une pratique est donc s’appuyant sur un référentiel partagé par une communauté et
complètement différente de l’évaluation d’un traitement en ce cette situation est complexe, vivante, c’est une évaluation « in
sens que dans une pratique, il y a le contexte, il y a la singula- vivo ». [15] Il ne peut s’agir ici d’une démarche expérimentale où
rité de la clinique, des hommes et des femmes en présence. La les paramètres sont contrôlés. L’évaluation en rééducation est
tâche est beaucoup plus ardue, elle se joue à chaque instant et un acte social auquel participe l’évaluateur, il ne peut s’y
repose sur la compétence du praticien. Elle est en même temps soustraire ou prétendre à une complète objectivité. De même
beaucoup plus difficile à évaluer par l’institution dans une que le référentiel explicite ne rend pas compte, loin s’en faut,
évaluation externe et nécessite la mise en œuvre d’une auto- de la totalité de la situation, en particulier pour ce qui concerne
évaluation. Elle intègre en même temps l’évaluation d’un la relation thérapeutique. Il y a donc une forte part d’implicite,
traitement. d’impalpable, de subjectif, le nier et ne tenir compte que de ce
qui est mesurable (Fig. 1) serait comme n’observer l’horizon
qu’avec une longue-vue. On en perdrait le sens, l’objectif du
Acteurs de l’évaluation voyage. Celui qui regarde avec une longue-vue va vers ce qu’il
regarde et pas là où il voulait aller. L’évaluateur doit donc
Évaluateur et évalué prendre en compte cette intersubjectivité, l’analyser avec un
Dans la pratique clinique de rééducation, le traitement est le regard critique, et mesurer ce qui peut l’être.
plus souvent une relation duelle entre le praticien et le patient,
chacun évalue et est évalué aussi bien en ce qui concerne la Rééducation : une relation humaine et des gestes
réalisation que le résultat du traitement. L’évaluation existe Les approches qualitatives dans le champ des sciences
depuis la nuit des temps de manière informelle comme dans humaines sont transposables en rééducation. Les travaux sur la
toute relation humaine. Mais elle est particulièrement déséqui- psychologie du geste [16] nous emmènent sur la voie de la
librée dans cette situation d’autant quelle touche à l’intimité. communication non verbale entre rééducateur et patient. Les
Les référentiels et les critères utilisés sont implicites pour la règles de gestualité au cours d’une rééducation nous renseignent
plupart, en particulier ceux du patient, et appartiennent à des à la fois sur l’intégration des normes sociales par les deux
registres très différents entre le patient et le praticien. Le interactants (asymétrie de la relation, jeux du regard...), des
premier n’a pas de connaissances médicales et ne peut juger de limites acceptées de leur transgression (proximité des corps,
la pertinence des soins qu’au travers de ce qu’il ressent, de son nudité) et des stratégies pratiques pour résoudre l’intégration ou
état de santé. Ainsi un praticien sympathique proposant un la transgression de ces règles (stratégies d’évitement ou de
traitement inadapté peut se trouver beaucoup plus apprécié coopération...).
qu’un autre plus compétent d’un point de vue professionnel. La Lahire [17] a montré, dans le cadre d’une sociologie du corps,
responsabilité est grande de la part du professionnel de santé. la place particulière du langage dans l’apprentissage des gestes.
Sa position lui impose donc une éthique solide appuyée par cet Tout à fait transférable en rééducation, il montre comment un
outil puissant qu’est l’autoévaluation, ce regard sur son propre discours autour du geste, y compris métaphorique, permet une
fonctionnement qui permet d’optimiser ses pratiques et qui véritable évaluation de ce geste, une construction de son sens,
méritera d’être explicité. favorisant son apprentissage.

Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation 3
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L’apprentissage du geste constitue l’un des domaines fruc- • le contrat de communication, qui est un préalable indispen-
tueux de l’évaluation qualitative en rééducation car elle s’appuie sable et renouvelable, où le rééducateur explique clairement
sur une coévaluation, une véritable médiatisation du geste du et simplement le projet d’évaluation qui va sous-tendre le
rééducateur et de celui du patient. [18] Les gestes du rééducateur déroulement de l’entretien et son interprétation ;
pourraient alors être un interprète du « chaos moteur produit • les stratégies d’écoute qui permettent au rééducateur d’iden-
par l’infirmité », offrant d’y trouver un sens. tifier ce que décrit le patient, ce qu’il en pense et ce qu’il
Cependant, ce sens s’inscrit dans une représentation moderne pense de l’entretien ;
du corps anatomisé, mécanisé et aujourd’hui éclaté dans la • les stratégies d’intervention qui jouent sur l’intonation et
disparité des modèles de référence. [19] surtout sur les relances comme recherche de précision.
Mucchieli [20] identifie cinq critères de validation d’une L’entretien dans le domaine de la rééducation dépasse
démarche qualitative qui sont transposables dans une démarche cependant l’évaluation initiale. Il est permanent au processus de
d’évaluation qualitative en rééducation : rééducation et s’inscrit nécessairement dans une durée. Il peut
• l’acceptation interne caractérise la reconnaissance par le alors devenir strictement directif ou complètement ouvert
patient de la pertinence du projet d’évaluation et l’exactitude pendant l’acte rééducatif. L’entretien et l’évaluation à laquelle il
de son résultat ;
contribue participent alors pleinement au processus
• la complétude n’est pas l’exhaustivité d’une évaluation mais
thérapeutique.
son caractère complet et organisé dans un ensemble cohé-
rent ; Instruments de mesure en rééducation :
[24, 25]
• la saturation apparaît lorsque l’évaluation n’apporte pas
critères de qualité
d’informations pertinentes nouvelles ;
• la cohérence interne des résultats caractérise la cohérence Validité
entre les résultats de l’évaluation et le projet initial ; La validité d’un instrument de mesure est la capacité à
• la confirmation « externe » expose la confiance que font les mesurer ce pourquoi il a été conçu (i.e. ce qu’il est censé
« autres » (experts, prescripteurs, confrères...) dans les résultats mesurer). L’étude de la validité comprend plusieurs étapes
de cette évaluation. destinées à apprécier le degré de validité de l’instrument :
De l’observation à la description, de la description aux traces l’étude de la validité d’apparence et de contenu, la validité par
de l’évaluation rapport à un critère et la validité de construit.
L’observation dans la pratique de rééducation, comme dans La validité d’apparence (face validity) est le fait que l’instru-
d’autres techniques ou dans les sciences, renvoie à la corrélation ment est en adéquation avec l’entité à évaluer. La validité de
entre le visible et l’énonçable. [21] Cette problématique ouvre contenu (content validity) pose la question de la pertinence du
deux dimensions : celle de la recherche du détail significatif ; choix des items (dans un questionnaire, un score ou une grille
celle de la rigueur de la description. Le signe de Hoover d’évaluation, plus particulièrement). La validité sur critères
(resserrement paradoxal des basses côtes en inspiration) est un (criterion validity) étudie si les mesures obtenues sont corrélées
parfait exemple de détail significatif. Tombé en désuétude, sans avec celles obtenues en utilisant un outil de référence (gold
possibilité de quantification, il est néanmoins pathognomoni- standard). Il existe deux formes de validité sur critères : conco-
que d’un diaphragme abaissé en course interne au décours mitante et prédictive. Dans le cas où les deux outils sont
d’une maladie respiratoire obstructive sévère. Son observation administrés en même temps, il s’agit de validité concomitante.
peut donc permettre au rééducateur d’identifier un patient Si, au contraire, le nouvel outil est utilisé avant l’outil de
atteint d’obstruction bronchique sévère accompagnée d’un référence, il s’agit alors de validité prédictive. Dans le cas des
probable dysfonctionnement diaphragmatique retentissant sur questionnaires, scores et grilles d’évaluation, cette validité peut
les inspirateurs accessoires. être cherchée item par item ou pour l’instrument dans son
De même, la palpation constitue une technique de recueil ensemble.
d’informations fondamentales en rééducation, symbolique Quand il n’existe pas d’instrument de référence unanime-
d’une méthode empirique. L’évaluation en rééducation repose ment reconnu, il convient de vérifier la validité de construit.
ainsi sur la « foi perceptive », l’évidente présence de ce que l’on C’est généralement le cas dans le domaine de la rééducation. La
voit ou touche. La description est alors une construction qui validité de construit (construct validity) est recherchée, quand il
permet l’agencement de l’observé et prépare à son interpréta- n’existe pas d’instrument étalon. La validité de construit est
tion. La description est déclenchée par le regard et par la réalisée à partir de la base conceptuelle de l’élaboration de
palpation mais l’évaluation, l’extraction du sens, s’appuie sur l’instrument. Elle s’effectue au fur et à mesure de l’utilisation de
l’exactitude de l’énoncé et la régularité des dénominations. C’est l’instrument. Trois méthodes permettent d’évaluer la validité de
sur ces fonctions dénominatives du langage professionnel que le construit : les groupes extrêmes, par convergence et par
rééducateur peut ensuite comparer, généraliser ses interpréta- discrimination.
tions. [21] Le texte est alors une trace nécessaire de cette
L’hypothèse que l’instrument doit être corrélé avec certaines
évaluation qui se renforce par l’imagerie médicale, le schéma, la
mesures (validité de convergence) et qu’il ne doit pas être
photographie et tout autre moyen qui documente l’observation
corrélé avec d’autres mesures (validité de divergence) peut être
et qui passe par l’élucidation de critères et d’indicateurs
qualitatifs et quantitatifs. [22] posée. L’hypothèse que des groupes extrêmes (par rapport au
critère mesuré par l’instrument) doivent a priori avoir des
Entretien : faire parler du corps résultats différents est également posée. L’instrument peut aussi
La technique d’entretien (terme à préférer à celui d’interroga- avoir la capacité à distinguer, par rapport à la référence théori-
toire) relève d’une construction entre l’interviewer et l’inter- que, des groupes de patients établis selon certains critères (de
viewé. Caractéristique des professions « d’intervention sur sévérité, de gravité, de classe ou de dépendance par exemple).
autrui », l’entretien semi-directif mené par un rééducateur doit C’est la validité discriminative.
relever d’une démarche construite orientée par ce qui est à
Sensibilité et spécificité d’un test
évaluer comme le retentissement d’une maladie sur la qualité de
vie d’un patient, mais ouverte aux propositions de ce patient : La recherche de la sensibilité et de la spécificité d’un test est
par exemple, le retentissement des traitements sur sa qualité de une situation particulière de l’évaluation de la validité discrimi-
vie. Construire un entretien avec un patient nécessite d’appré- native. Il s’agit de détecter, à l’aide d’un test, la présence ou
cier quatre paramètres fondamentaux [23]: l’absence d’une maladie, d’une déficience, d’une limitation
• l’environnement spatial et temporel de l’entretien (domicile d’activité, etc. La sensibilité se définit comme la capacité à
du patient, chambre d’hôpital, ...) impose des allant-de-soi mettre en évidence un phénomène. Elle se traduit par le
qui modifient le sens de ce qui est dit ou non dit ; pourcentage des sujets présentant la pathologie (la déficience, la

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Évaluation et rééducation ¶ 26-005-B-10

limitation, etc.) recherchée, pouvant être identifié par le résultat


positif du test. La spécificité est la proportion des sujets
■ Volonté institutionnelle
identifiés par le résultat positif du test présentant effectivement d’évaluer
la pathologie (la déficience, la limitation, etc.) recherchée.
Fiabilité
La fiabilité est la capacité d’un instrument de mesure à
L’ANAES pour guider les praticiens, évaluer
donner une mesure stable et reproductible lorsque l’évaluation et établir des références
est réalisée à des moments différents par le même observateur Il est intéressant d’observer les mots choisis pour nommer
ou avec des évaluateurs différents, si la condition du sujet une institution chargée de développer la qualité en Santé car ils
mesuré est elle-même stable. En effet, trois types de variation rendent compte de l’intention et du projet sous-jacent ; Agence
peuvent être associés à une mesure, la « vraie » variation du nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (ANAES) :
phénomène mesuré et les erreurs de mesure : l’erreur aléatoire « accréditation » de « accréditer » qui signifie « donner du
et l’erreur systématique. crédit ». Dans le projet, il ne s’agit pas d’inspection, ni de
La fiabilité de l’instrument est évaluée par plusieurs critères : donner un agrément mais plutôt d’un contrat de confiance
la cohérence interne, la reproductibilité interobservateurs et la entre un établissement de santé et l’ANAES.
reproductibilité intraobservateurs (pour les instruments nécessi- Le choix de « évaluation » est du même ordre, cette dernière
tant une aide ou une intervention extérieure) et le test-retest s’appuie sur un référentiel et comporte une facette de contrôle
(pour les instruments ne le nécessitant pas). qui laisse place à la responsabilité du praticien dans ses orien-
Cohérence interne tations thérapeutiques même s’il est encadré par des « recom-
mandations ». Là aussi le terme est porteur de sens. L’ANAES se
La cohérence interne est évaluée pour les questionnaires, positionne résolument dans une approche qualitative dans son
grilles et scores comprenant plusieurs items. Elle évalue l’homo- intention et s’appuie sur une méthodologie rigoureuse pour
généité de l’instrument à travers la corrélation de chaque item objectiver les données recueillies.
avec les autres items et avec le score global. L’ANAES, créée le 24 avril 1996, est un établissement public
Reproductibilité interobservateurs, intraobservateurs sous tutelle du ministère chargé de la Santé. Elle est chargée :
• d’établir l’état des connaissances sur les stratégies préventives,
et test-retest
diagnostiques et thérapeutiques en médecine ;
La reproductibilité interobservateurs est la concordance entre • d’élaborer des recommandations professionnelles ;
les mesures de deux observateurs différents sur le même patient • de réaliser des évaluations cliniques et économiques des
et dans des conditions similaires. La reproductibilité intraobser- technologies médicales ;
vateurs est la concordance de mesures pour le même observa- • de donner un avis sur les actes pouvant être inscrits à la
teur. Le test-retest est la concordance de mesures instrumentales. nomenclature ;
La valeur seuil espérée des coefficients de corrélation est de • de développer et mettre en œuvre des méthodes d’évaluation des
0,70 (voire 0,65) pour la plupart des mesures cliniques en pratiques professionnelles ;
rééducation. Au-delà de ce seuil, le test est jugé reproductible. • d’élaborer les référentiels et de conduire la démarche d’accrédi-
Dans tous les cas, la reproductibilité d’un nouvel instrument est tation des établissements de santé.
comparée aux instruments existants. Dans ce cas, le seuil Son travail s’élabore avec la collaboration de professionnels de
attendu est supérieur à la meilleure reproductibilité déjà santé et d’experts de sociétés savantes.
obtenue.
Sensibilité au changement Recommandations pour la pratique clinique
et conférence de consensus : évaluation
Quand les qualités de validité et de fiabilité sont obtenues, la
des pratiques
sensibilité au changement est recherchée de manière à pouvoir
évaluer l’évolution de l’état d’une population. Elle ne s’évalue L’évolution rapide des connaissances médicales, la croissance
pas de manière dichotomique, mais en degré de sensibilité. Par du nombre de publications et leurs disparités rendent difficile
exemple, après un traitement antalgique efficace, la qualité de l’accès à des données pertinentes pour le clinicien qui a besoin
vie doit s’améliorer. La qualité d’un test est sa capacité à d’une information synthétique et fiable pour l’aider dans son
détecter des changements cliniquement intéressants (des diagnostic et dans ses décisions thérapeutiques.
« vraies » différences) et de rester stable chez des patients qui L’ANAES propose deux approches méthodologiques complé-
n’évoluent pas. mentaires qui répondent à cette préoccupation et s’inscrivent
dans une même logique centrale :
Disponibilité • les recommandations pour la pratique clinique (RPC) ;
La disponibilité est fondamentale. Les moyens de communi- • la conférence de consensus (CC).
cation modernes facilitent la recherche des auteurs et la Il s’agit, à partir d’une série de questions sur un thème,
communication des renseignements utiles, voire indispensables d’analyser les données actuelles, scientifiques et pratiques,
(méthode, grille de recueil, caractéristiques de l’instrument, concernant un sujet bien défini, de hiérarchiser ces données en
etc.). Malheureusement, nombre d’échelles sont aujourd’hui fonction du degré de certitude (Encadré 1) qu’elles apportent et
soumises à des droits de reproduction et d’utilisation. Dans ce d’en faire une synthèse objective. Elles aboutissent à la rédac-
dernier cas, le coût d’utilisation doit être évalué par avance. tion de recommandations qui constituent des références
L’autre difficulté est la disponibilité en langue française. La professionnelles, des standards de pratique (les Anglo-Saxons
traduction et l’adaptation à la culture française doivent être ont développé les « evidence-based medecine » ou « médecine
faites avec précision. Une nouvelle procédure de validation en factuelle » basée sur la preuve scientifique) accessibles facilement
langue française est à nouveau nécessaire. à tous, praticiens et patients.
Les RPC s’adressent à un thème large, porteur de nombreuses
Simplicité questions et sous-questions et doté d’une littérature abondante.
La simplicité d’emploi d’un instrument est un facteur pri- La CC est appropriée pour un thème bien délimité et un sujet
mordial à son utilisation quotidienne. Le temps nécessaire à la porteur de controverse. Elle permet un débat public ouvert avec
réalisation de la mesure (passation, prise de mesure instrumen- les professionnels concernés et une prise de position souveraine
tale, par exemple), la possibilité d’emploi par des rééducateurs édictée par le jury de la conférence.
non spécialement formés et l’emploi d’un matériel d’un coût Ainsi se construit un véritable référentiel concourant à une
raisonnable sont des éléments déterminants pour l’emploi amélioration de la qualité de la pratique professionnelle à
courant des instruments de mesure. plusieurs titres : outil de synthèse et de référence sur les

Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation 5
26-005-B-10 ¶ Évaluation et rééducation

que les recommandations induisent des changements dans les


pratiques professionnelles et ne soient pas rejetées par les
“ Niveaux de preuve cliniciens.

scientifiques (niveaux I à IV) Le PMSI-SSR comme suivi d’activités


• I Essais comparatifs randomisés de forte puissance, et de performances des établissements
méta-analyse, analyse de décision de santé
• II Essais comparatifs randomisés de faible puissance ou La dotation globale de financement des établissements de
non randomisés, études de cohorte santé ayant montré ses lacunes avec des dérives inflationnistes,
• III Études cas-témoins il a fallu imaginer un système de régulation des finance-
• IV Études rétrospectives, séries de cas, études ments [27] en se dotant d’indices valides pouvant permettre un
épidémiologiques descriptives, études comparatives classement des personnes prises en charge. Dans cette dynami-
avec des biais que et depuis plus de 10 ans, les pouvoirs publics mettent en
œuvre des outils de gestion [28] complétant la politique de santé
définie par les différentes lois hospitalières de 1991 [29] et
récemment 2003 pour l’objectif de « Hôpital 2007 ». Le PMSI-
SSR y figure en bonne place dans le paysage des outils médi-
techniques et les traitements, outil d’autoévaluation pour les coadministratifs. [30] Seul système de tarification à la pathologie,
professionnels, outil d’évaluation des pratiques professionnelles il est obligatoire pour les établissements de SSR et représente
pour les établissements de santé et les cabinets libéraux, outils une volonté de maîtrise quantitative des dépenses rapportées à
de formation ; 127 documents ont été trouvés dans la section l’activité des établissements.
« Publications » du site www.anaes.fr concernant les différentes Un recueil descriptif et exhaustif de l’activité d’un établisse-
professions de la rééducation. ment est collecté vers le Département d’information médicale
Une autre section de l’ANAES, le service de la nomenclature, (DIM) encadré par un médecin. [29-33] Les différents acteurs, du
évalue les actes dans une nouvelle classification commune des médecin à l’aide-soignant et de l’infirmier aux rééducateurs,
actes médicaux (CCAM). Toute nouvelle inscription d’un acte ou sans oublier les personnels inscrits sur la liste fermée des
d’une prestation est subordonnée à l’avis de l’ANAES [26] sur la métiers, transcrivent leurs données pour la partie SSR. Elles sont
sécurité et l’efficacité de l’acte ou de la prestation. ensuite traitées et compilées pour obtenir des groupes homogè-
nes de journée (GHJ) [34-36] en fonction du type de prise en
Accréditation : évaluation des établissements charge effectué. Au final, cela donne la masse des points
d’indice synthétique d’activité (ISA) et mesure la réalisation et
de santé donc la performance de l’établissement. Schématiquement, le
L’organisation des établissements de santé, la coordination montant de la dotation globale de l’année suivante sera revu à
des équipes, la qualité des pratiques professionnelles méritent la hausse ou à la baisse par l’Agence régionale de l’hospitalisa-
elles aussi une dynamique de qualité à laquelle s’intéresse tion (ARH) en fonction des résultats déclarés. [37, 38]
l’accréditation. Elle consiste en une évaluation externe, indé- Au niveau des tutelles, le comparatif entre les établissements
pendante de l’établissement et de ses organismes de tutelle, de s’avère inévitable et il en est de même entre les régions. Dans
son fonctionnement et de ses pratiques. « Elle vise à assurer la ces conditions, les institutions, soumises au PMSI, ont déjà mis
sécurité et la qualité des soins donnés au malade et à promou- en place des actions qualité sur les activités déclarées et aussi sur
voir une politique de développement continu de la qualité au les traçabilités et stratégies employées dans les activités de soins,
sein des établissements de santé ». À la demande des établisse- de rééducation et de réadaptation. La concurrence est donc en
route avec un frein législatif fort qui est la sectorisation pour les
ments et après une démarche d’autoévaluation, une visite
actions non spécifiques (orthopédie par exemple).
d’accréditation est réalisée par des experts et se solde par un
Au niveau de l’établissement, le dispositif PMSI nécessite de
rapport comportant des recommandations d’amélioration dont
classer les malades par type de prise en charge, et de renseigner
une synthèse est consultable publiquement sur le site
les actes codés à partir des diverses « nomenclatures » validées
www.anaes.fr. par la Direction des Hôpitaux grâce aux travaux des différents
groupes de réflexion à l’origine de la version finale du PMSI.
Retentissement sur la qualité des soins Pour la partie SSR, on reconnaîtra, dans ces nomenclatures :
Par la mise en ligne systématique des recommandations • la CIM 10 ou classification internationale des maladies 10 [37,
38] version Organisation mondiale de la santé ; [36]
professionnelles et des comptes-rendus d’accréditation éditables
• le CdAM ou catalogue des actes médicaux (liste fermée éditée
et téléchargeables, les professionnels de santé et les patients ont
par la Direction des hôpitaux - 1996) ;
un accès très simple et facile à une banque de données de plus
• le CdARR ou catalogue des actes de rééducation-réadaptation
en plus riche. Cette dernière, élaborée avec une méthodologie
(liste fermée éditée par la Direction des Hôpitaux - 1997). [39]
rigoureuse, permet au praticien de garantir aux patients des
Pour les deux derniers catalogues, toute modification fait
soins conformes aux données scientifiques actuelles et à « l’état
l’objet d’un avis de l’ANAES qui s’appuie sur une évaluation des
de l’art ». actes à définir ou redéfinir.
Toutefois, dans la démarche d’évaluation des pratiques, une Au niveau local, la performance repose sur l’ensemble des
grande vigilance est nécessaire pour ne pas ouvrir une faille acteurs de santé. Dans le cadre du SSR, le médecin est prescrip-
majeure dans la rigueur méthodologique de l’évaluation. Les teur, réalise des actes et est aussi le valideur de l’ensemble de la
connaissances scientifiques sur lesquelles s’appuient les recom- démarche réalisée pour le patient. Les infirmières et aides-
mandations sont obtenues par des données statistiques qui ne soignants sont à l’origine de l’information sur les mouvements
sauraient être appliquées purement et simplement à la singula- des patients entre les unités de soins ainsi que sur leur dépen-
rité du patient dans un contexte clinique. On ne peut comparer dance. Les rééducateurs-réadaptateurs (listes des métiers identi-
que ce qui est semblable. Aussi un cas clinique n’est pas fiés sur le Bulletin officiel direction des Hôpitaux) sont
comparable à des données obtenues par exemple par une responsables de la déclaration des temps, en majorité indivi-
moyenne sur un groupe de patients. Pour asseoir leur crédibilité duels, pour les actes issus des 12 activités référencées [36]
auprès des cliniciens, les démarches d’évaluation doivent (Tableau 1).
intégrer les recommandations comme des balises pour guider le La notion de « classant ou non classant » a été établie afin de
praticien dans ses stratégies et non pas comme des obligations déterminer les dites classes ou groupes. Bien que discutables, les
à respecter face à chaque patient. Ce point est essentiel pour activités non classantes ne sont pas du tout remises en réflexion

6 Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation
Évaluation et rééducation ¶ 26-005-B-10

Tableau 1. tous... » s’applique parfaitement à la performance individuelle


Liste des activités de rééducation-réadaptation. du thérapeute pour lequel la reconnaissance de ses déclarations
Activités
aura un impact certain et responsable face à la chaîne des
informations données pour un même patient. Un sens certain,
Classant Mécanique à condition que l’institution donne également les moyens
Sensorimoteur d’optimiser à la fois le recueil des chiffres et les prises en charge.
Cardiorespiratoire
Dans une étude portant sur l’activité du deuxième semestre
Urosphinctérien
1998 dans un service d’ergothérapie, Le Gall et Colombini [44]
Neuropsychologique
Nutritionnel
ont montré que la prise en charge relativement stable d’un
Appareillage équivalent temps plein d’ergothérapie est de 5 heures 50 pour
Réadaptation-réinsertion une journée de 7 heures 48. Cette étude a également montré
Collectif l’étroite corrélation entre l’organigramme et le temps déclaré.
De ce fait, on entrevoit les intentions stratégiques de chaque
Non classant Bilan
établissement. Au risque de choquer certains, la notion de
Physiothérapie
Balnéothérapie
rééducateur-réadaptateur prend alors toute sa dimension. Tout
en gardant la même compétence pour chacun des métiers, la
stratégie de remplacement pourrait se traduire, au fil des
numerus clausus, en un recentrage vers les cœurs de métiers et
peut-être un changement radical de la prise en charge de
aujourd’hui, au risque de pénaliser le rendu global, par la non- rééducation-réadaptation.
reconnaissance d’un versant de l’activité de certains métiers de Aujourd’hui, l’Étude nationale des coûts, au niveau du
la rééducation-réadaptation. Prenons pour exemple les bilans ministère de la Santé, [45, 46] pose tous ces éléments en parallèle
construits et étayés des orthophonistes, des psychologues ou des grâce aux chiffres des établissements volontaires. Elle accompa-
assistantes sociales qui nécessitent un temps conséquent en gne également un des objectifs de politique de santé, à savoir
dehors de la présence du patient. la mise en place de la comptabilité analytique qui devrait
Pour le collectif local, l’enjeu devient de valoriser l’ensemble apporter une vision très précise des coûts par pathologie. [47]
des actions de prises en charge de façon pertinente tout en L’intérêt de la qualité du remplissage de ces RHS se trouve
restant en accord avec les valeurs de qualité de prise en charge impérativement posé pour tous les acteurs et toutes les défini-
« non contrainte ». Le résultat n’est visible qu’a posteriori car les tions du patient. Le DIM, grâce à sa position stratégique et
résumés hebdomadaires de sortie réalisés pour chaque patient et responsable, mettra en place la dynamique de contrôle - qualité
par chaque thérapeute qui l’a pris en charge, ne seront lisibles de façon à optimiser les prises en charge dans leur réalité.
qu’en fin de semaine ou plus en fonction des moyens informa- L’attention que l’on porte sur l’authenticité de la « déclara-
tiques mis en œuvre. [40, 41] Cet outil, capable de compiler tion » est un gage de qualité et d’importance pour l’avenir car,
l’ensemble des données, est le groupeur, sorte de tamis condi- pour l’instant, toutes les données reçues servent de références
tionnel qui ne réagira qu’en mode binaire : si vrai ... alors ; si pour les pouvoirs publics qui alignent les dotations au plus juste
faux ... alors. Il déterminera les données à envoyer aux tutelles des pathologies et des prises en charge.
après validation et anonymisation. Tous les ingrédients sont là pour développer une performance
De manière très schématique : médicoéconomique et également régionale, locale et tout aussi
• 1er niveau déterminé par le patient = âge ; exemple : si âge bien individuelle. Les tutelles sauront-elles valoriser les efforts
inférieur à 16 ans alors grouper en pédiatrie ; fournis par l’ensemble des professionnels et des institutions afin
de montrer toute la pertinence de la politique générale de santé
• 2e niveau déterminé par le médecin = diagnostic principal ;
en France, voire en Europe ?
exemple : si diagnostic est coxarthrose alors grouper en classe
majeure clinique (CMC) d’orthopédie-rhumatologie ;
• 3e niveau déterminé par le médecin = morbidité ; exemple :
Sécurité sociale
si soins de trachéotomie alors grouper en prise en charge Au sein de cet arsenal d’organismes et d’action d’évaluation
clinique très lourde (PCTL) ; lancés ces dernières années, la Sécurité sociale a maintenant à
• 4e niveau déterminé par la somme des temps de rééducation- sa disposition des outils (référentiels, recommandations...mais
réadaptation ; exemple : si temps total de rééducation supé- aussi outils de recueil de données comme le système d’informa-
rieur à 7 heures par semaine alors grouper en prise en charge tion de l’assurance maladie [SIAM] et le PMSI) lui permettant de
de rééducation-réadaptation complexe (PRRC) ; contrôler les dépenses tout en cherchant à respecter la qualité
• 5e niveau déterminé par les infirmières = score de dépen- des soins. L’évaluation et le contrôle s’exercent tant au niveau
individuel (cf. infra : le praticien comme responsable du
dance (mini = 6 - maxi = 24 et bascule à 12) ; exemple : un
traitement) que collectif. Des études d’impact sont réalisées : sur
patient indépendant sera compté inférieur à 12.
quatre documents consultables sur le site www.ameli.fr
On note toutefois que l’effet conditionnel ne s’arrête pas à concernant les soins de ville par exemple, deux concernent la
chaque niveau ; il est aussi conditionnel dans la succession. Si massokinésithérapie :
rien ne valide le niveau 3 alors on passe au niveau 4 et si rien • l’une traite de la réforme de la nomenclature des actes
ne valide le niveau 4 alors on passe au niveau 5. La perfor- professionnels et constate que les pratiques ont peu changé. Les
mance locale sera donc de correspondre, en termes de résultats, nouvelles cotations sont peu utilisées et les prescriptions
aux missions qui sont confiées à l’établissement. De façon, là médicales sont restées le plus souvent quantitatives, avec au
encore toute schématique, il sera souhaitable de déclarer une total une augmentation des dépenses de 9,0 % et une baisse du
majorité d’activité en soins lourds niveau 3 pour un hôpital de nombre d’actes de 5,1 % ;
court séjour, une majorité de soins de rééducation – réadapta- • l’autre traite de la qualité des fiches synthétiques de bilan
tion niveau 4 pour un centre de rééducation et une majorité de diagnostique kinésithérapique et montre une grande disparité
dépendance niveau 5 pour un centre de soins de suite dans la qualité des fiches.
convalescence. Ces évaluations apportent des renseignements précieux aux
différents partenaires de la santé pour mieux comprendre et
Bien que les mécanismes de déclaration soient plus comple-
organiser leur pratique dans un objectif d’amélioration de la
xes, [42, 43] on perçoit clairement l’importance de chaque
qualité des soins.
maillon de la chaîne où chacun doit se sentir concerné alors
qu’il n’en voit pas l’intérêt dans l’instant. Cette déclinaison met
en évidence la responsabilité forte de chacun des acteurs. Un
Le politique comme régulateur du marché
des premiers résultats observables en termes de performance de la santé
collective est la possibilité de fédérer l’équipe au complet autour La protection de la santé est évidemment une des missions
de la prise en charge du patient. Le célèbre adage « Un pour prioritaires de l’État qui figurent dans la Déclaration des droits

Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation 7
26-005-B-10 ¶ Évaluation et rééducation

de l’homme et du citoyen ainsi que dans le préambule de la dessine en France pour tenter de comparer les hôpitaux et de
constitution. Le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif ont publier certains résultats afin que le grand public soit mieux
impulsé et mis en place des établissements de santé et la informé. Quand on sait les limites et les difficultés méthodolo-
Sécurité sociale pour rendre les soins accessibles au plus grand giques des indicateurs de résultats et leurs difficultés d’interpré-
nombre, suivant l’adage selon lequel la santé n’a pas de prix. tation, le risque est double : désinformer le public sans amé-
Mais les contraintes économiques (chômage, ralentissement liorer la qualité des soins. [56]
économique) associées à la demande croissante du public en
matière de santé, au vieillissement de la population et à
l’évolution des technologies ont eu raison de cette politique de ■ Pratiques de l’évaluation
dépenses. La santé, qui représente un tiers du produit intérieur
brut, a un coût [48] qu’il faut contrôler et endiguer sans pour en rééducation
autant mettre à mal la qualité des soins et leur libre accès. Se
met alors en place dans les deux dernières décennies un système
de régulation du « marché de la santé » sous les directives du Le patient comme premier évaluateur :
Parlement qui retient les priorités sanitaires et vote la loi de motif de consultation et satisfaction
financement de la Sécurité sociale (Objectif national des
dépenses de l’Assurance maladie : ONDAM). Ce n’est que récemment, et dépassant un paternalisme
ancien, que la question de la satisfaction des patients se pose
Ce système de régulation comporte un volet quantitatif de
pour les professionnels de santé comme une composante
maîtrise et de contrôle budgétaire et un volet qualitatif d’éva-
essentielle de la qualité des soins. [57] De nombreux travaux
luation. Le volet quantitatif est le premier à être instauré en
scientifiques ont d’ailleurs démontré qu’il existait une relation
1983 [49] par la mise en place de la dotation globale de finan-
entre la satisfaction des patients, la continuité [58-62] et l’adhé-
cement (DGF) des hôpitaux chargés d’une mission de service sion aux soins, [63] leurs qualités techniques [54] et la satisfaction
public et en 1984 du PMSI dans l’hôpital pour permettre un des soignants. [64] De plus, depuis l’ordonnance du 24 avril
suivi médicalisé (et pas uniquement comptable) des activités de 1996, [65] l’évaluation de la satisfaction des patients est aussi
soin en fonction des pathologies traitées (cf. supra). Il devien- une obligation réglementaire pour les établissements
dra, en 1995, [48] un outil d’allocation budgétaire mettant en hospitaliers.
rapport la masse budgétaire et l’activité médicale d’un établis- Pourtant sur le terrain, cette évaluation reste encore rare et se
sement à la disposition des ARH et des Directions régionales des résume, la plupart du temps, en une mesure de la satisfaction
affaires sanitaires et sociales (DRASS). des usagers à travers des enquêtes ou des questionnaires. Cette
Le volet qualitatif est représenté par l’ANDEM en 1992, difficulté met en exergue deux problématiques nées de la
remplacée en 1996 par l’ANAES (cf. supra) avec ces deux grands confusion fréquente entre évaluation et mesure [66] et de la
axes que sont l’accréditation et l’évaluation de la qualité de définition par nature instable de la satisfaction des patients. [53,
soins. 67, 68]

Le dispositif de régulation est complété par la Conférence En effet, la satisfaction est difficile à envisager de façon
nationale de santé, le Haut conseil de santé et les Conseils collective car elle dépend de la singularité des personnes et de
régionaux de santé [50] qui ont pour mission de participer à la leur histoire, elle-même influencée par la connaissance et
maîtrise des dépenses sanitaires [51] par des analyses et études l’expérience éventuelle de la maladie, de l’hospitalisation et plus
préparant la loi de financement. simplement par son mode de vie et ses propres valeurs, son
Ainsi, l’État s’est doté en 10 ans de structures chargées environnement social et affectif. Ainsi chaque patient a des
d’évaluation en santé devant permettre d’offrir une qualité de motifs et des attentes différentes vis-à-vis du soin ou d’une
soins optimale au meilleur coût en y faisant entrer les grands consultation : [69] attentes médicales, psychiques et sociales.
absents du système en termes de représentation qu’étaient les Enfin, et c’est probablement la question la plus difficile,
usagers. lorsqu’on demande à un patient s’il est satisfait, cela revient à
imaginer que ce dernier possède les critères de qualité, les
standards et qu’il peut comparer.
En acceptant que les patients et les professionnels aient des
Et le public ? critères et des indicateurs de qualité des soins qui leur soient
propres, leur négociation permettrait d’inscrire la consultation
En rendant publics les résultats de l’accréditation des établis-
et le soin dans une dynamique de projet en privilégiant le
sements de santé sur le site de l’ANAES, on accède à une
dialogue et la concertation avec les soignants. Ce type d’évalua-
demande de transparence accrue des usagers et des associations
tion permettrait que les patients participent à l’élaboration de
de santé sur la qualité des établissements. La publication par la la qualité des soins, à partir de leurs critères propres, et non
grande presse d’un classement des meilleurs hôpitaux depuis seulement à sa mesure définie à partir de critères préétablis par
plusieurs années est également une réponse à cette attente. [52] les professionnels de santé. Cette conception plus constructive
Les patients peuvent-ils pour autant se fier à ce type de classe- de l’évaluation inscrite en filigrane dans la loi du 4 mars
ment et sont-ils influencés par les indicateurs de qualité 2002 permettrait aussi d’impulser un autre mode de relations
choisis ? La mesure de la qualité des soins est complexe et entre patients et soignants.
lorsque l’on examine les critères utilisés par les périodiques, on
constate que la majorité des critères n’ont aucun lien avec la
qualité des soins. Enfin, il n’y a pas de prise en compte de la Le praticien comme responsable
satisfaction de l’usager alors que son lien avec la qualité des
soins est démontré. [53] du traitement
Le public est-il influencé par les publications des résultats ? Les nouveaux moyens dont disposent les praticiens comme
Les seules études qui existent ont été réalisées aux États-Unis. les patients pour accéder aux informations concernant les
Les résultats montrent que les publications n’ont pas d’impact traitements grâce aux « recommandations » de l’ANAES renfor-
sur la fréquentation des hôpitaux par les malades. Ainsi sur cent l’obligation de moyens [70] et l’obligation de réaliser des
673 malades ayant eu un pontage dans l’année précédente, soins « fondés sur les données acquises de la science », comme
moins de 12 % des patients connaissaient la publication faisant le précise le Code de déontologie médicale, dans la mesure où
état du taux de mortalité comparé entre les hôpitaux et moins le patient peut s’y référer pour faire valoir une insuffisance ou
de 1 % en connaissaient le résultat. [54] Dans l’État de New York, un traitement inadapté. Elles sont assorties des références
le pourcentage des pontages coronariens réalisés dans les opposables (Code de la Sécurité sociale, art. L 162-12-15) dont
hôpitaux classés à haut risque n’a pas été modifié par les l’observance est suivie par le contrôle médical de la Sécurité
résultats. [55] Pour autant, il semble qu’une volonté politique se sociale. Un relevé trimestriel d’activité est adressé au praticien

8 Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation
Évaluation et rééducation ¶ 26-005-B-10

et peut être assorti de sanctions financières en cas de non- rééducation ou des aides techniques peuvent se permettre
respect de ces règles. L’évaluation vient donc s’immiscer d’investir dans des recherches cliniques. Les enjeux sont forts
intimement dans la pratique clinique, et les moyens informati- (revendications thérapeutiques, inscription du produit au
ques de suivi (SIAM) permettent un contrôle efficace. Ces tableau des remboursements TIPS) et engendrent de ce fait des
différents outils facilitent, dans le même temps, l’autoévaluation efforts de leur part. Dans certains cas, les travaux novateurs
par le praticien de sa propre pratique, [71] l’évaluation par le présentés dans le cadre de manifestations scientifiques comme
patient ainsi que le contrôle de la Sécurité sociale. les congrès permettent aux auteurs de récolter des fonds sous la
D’autres dispositions renforcent les démarches d’évaluation forme d’un prix de concours ou d’attribution de bourses a
auprès des malades en rééducation ; le décret d’actes des posteriori pour un travail réalisé et finalisé. Cela reste minime
masseurs-kinésithérapeutes précise que ceux-ci établissent « un à côté de la quantité d’idées et de matière grise présentes dans
bilan qui comprend le diagnostic kinésithérapique et les le paysage de la rééducation-réadaptation.
objectifs de soins, ainsi que le choix des actes et techniques qui En termes de compétence, l’absence, en France, de méthodo-
leur paraissent le plus appropriés », et prévoit une communica- logie de recherche dans les programmes officiels en formation
tion au médecin prescripteur d’une fiche de synthèse de initiale des professions de rééducation (en dehors de la forma-
l’évolution du traitement. tion des médecins) limite de facto le développement de la
recherche dans ces professions contrairement à ce qui se passe
La recherche comme production dans d’autres pays. Les professionnels intéressés développent des
de connaissance compétences de recherche dans d’autres voies telles que les
sciences de l’éducation, les sciences humaines, la biomécanique,
Si les mots de recherche et d’évaluation sont souvent les sciences et techniques des activités physiques et sportives
employés dans des contextes proches, ils ne peuvent en aucun (STAPS)...
cas se confondre ou se remplacer. On évalue une situation, un
objet, une pratique en s’appuyant sur un référentiel. La recher-
che consiste au contraire, à partir de connaissances actuelles, à
aller explorer des terrains inconnus pour mettre au jour de
■ Conclusion
nouvelles connaissances. Les objectifs sont bien différents même En 15 à 20 ans, les contraintes économiques, les exigences
si l’évaluation se nourrit de la recherche et la recherche de des patients, le vieillissement de la population, l’absence de
l’évaluation. En effet, le constat préalable à la recherche elle- régulation entre les dépenses engagées par les patients auprès
même se construit par l’observation d’un phénomène au travers des professionnels de santé et les recettes collectées ont mis en
de modèles théoriques qui permettent de décrypter une situa- péril le système de protection sociale dans son ensemble. La
tion, de l’évaluer. Mais celle-ci met au jour des failles, des question de l’évaluation de la qualité des soins et de leur
discordances entre le perçu et la lecture théorique, abstraite efficience est devenue un élément décisif dans la réorganisation
(Bachelard) qu’on peut en faire, faisant germer une question, du système de santé. [72] Mais dans le champ de la santé, cette
point de départ de la problématique de recherche. Car dans la qualité et cette efficience sont extrêmement délicates à évaluer
recherche, ce qui est central, c’est la question, le doute et non du fait de l’essence même de l’activité de soin basée sur la
pas la certitude. Et cette question conduira vers de nouvelles relation humaine, la singularité de la personne soignée et
connaissances, de nouveaux savoirs déjà requestionnés à peine l’évolution de la pathologie. Elle est infiniment plus complexe
mis au jour (Popper). que dans le champ industriel qui a déjà développé des démar-
ches qualité depuis longtemps. L’efficacité pure et simple est
Recherche en rééducation
souvent difficile, voire impossible à mesurer ; c’est pourquoi les
La recherche en rééducation s’appuie sur les mêmes principes professions de santé ont une obligation de moyens et non pas
que toute recherche scientifique mais avec une particularité : le de résultats. La qualité des soins est appréciée très différemment
traitement n’est pas un médicament mais consiste en une par les patients, par les thérapeutes et par les institutions. Il a
pratique basée sur la relation entre le patient et le rééducateur, donc fallu déployer un véritable système d’évaluation « multi-
ce qui ouvre le débat sur les méthodes de recherche. Cette voies » visant à garantir, d’une part aux patients la mise à
richesse de l’interaction humaine complique l’approche expéri- disposition des moyens adaptés à leur état de santé, et d’autre
mentale qui se fait autant que possible avec groupe contrôle et part à l’Institution la pertinence des moyens mis en œuvre, le
randomisation. Elle pose le problème de la reproductibilité tout reposant sur la compétence des professionnels de santé. La
interopérateur. Elle rend le plus souvent inapplicable une étude démarche d’évaluation en rééducation est passée d’une forme
en double aveugle, le rééducateur ne pouvant pas ignorer le confidentielle à une forme partagée. Elle était de l’ordre du
type de traitement qu’il pratique. Le simple aveugle pose aussi personnel, elle est devenue interpersonnelle en ce sens que
problème, ce sera l’évaluateur qui devra être aveugle. [14] Mais, chaque personne présente son point de vue à la collectivité. Elle
d’un autre côté, cette interaction ouvre en même temps le était avant tout le contrôle d’un état à un instant « t », elle tend
champ vers les méthodes de recherche en sciences sociales et en à devenir une forme de communication et l’accompagnement
psychologie. La rééducation est donc un champ de recherche d’une amélioration de la qualité du soin. Cette évolution place
extrêmement riche et ouvert mais d’un abord délicat eu égard l’évaluation au cœur de la relation thérapeutique. C’est par ce
à la complexité des situations. jeu de confrontation à des référentiels mais aussi à des subjec-
tivités que chaque acteur de l’évaluation peut donner du sens à
Moyens de la recherche en rééducation ce qu’il réalise. La rééducation est autant fondée par l’utilisation
Un financement public existe depuis la mise en place du de techniques thérapeutiques que par l’interaction du patient et
Programme hospitalier de recherche clinique (PHRC) en 1993. du praticien. Aussi l’acte d’évaluer est d’autant plus complexe
Le ministère en charge de la Santé (Direction de l’hospitalisa- que chaque prise en charge thérapeutique est singulière. Les
tion et de l’organisation des soins) lance chaque année un appel méthodes d’évaluation s’attacheront à introduire le plus possible
à projet comportant des thématiques correspondant aux axes d’objectivité dans la subjectivité du jugement. La mise au point
prioritaires de santé publique pour favoriser le développement de tests reproductibles et fiables permettra de réduire la marge
de recherches cliniques animées par les centres hospitaliers d’appréciation au profit de l’évaluation. La culture individualiste
universitaires et auquel peuvent participer les établissements de nombreux rééducateurs se heurte encore à cette forme de
participant au service public hospitalier. Dans ce cadre, des communication par excellence qu’est l’évaluation. Il y a
projets de recherche en rééducation sont finançables s’ils pourtant tout à gagner dans la reconnaissance d’un service
respectent les critères de rigueur méthodologique. rendu aux patients et à la société tout entière. La place de la
Les financements privés sont rares, en marge de la puissance formation, et tout particulièrement de la formation initiale dans
financière des laboratoires pharmaceutiques puisque les traite- l’apprentissage d’une culture de l’évaluation et de sa pratique
ments ne sont pas générateurs de consommation de médica- quotidienne, est prépondérante et permettra un changement
ments. Seules quelques sociétés fabriquant du matériel de profond de comportement des praticiens de demain.

Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation 9
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M. Massiot, Cadre de santé-kinésithérapeute, maître en sciences de l’éducation* (marc.massiot@club-internet.fr).


H. Aboiron, Cadre de santé-kinésithérapeute, directeur de rééducation, centre Coubert, UGECAM Île-de-France.
B. Selleron, Cadre de santé-kinésithérapeute.
J. Vaillant, Cadre de santé-kinésithérapeute, docteur ès sciences, école de kinésithérapie du CHU de Grenoble, institut universitaire professionnalisé
« Ingénierie de la santé ».
J. Wils, Cadre de santé-kinésithérapeute, docteur en sciences de l’éducation.
P. Stévenin, Cadre de santé-kinésithérapeute, docteur en sciences de l’éducation directeur IFCS Paris, professeur associé université d’Aix-Marseille.
42, rue Louis-Barthou, 26000 Valence, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Massiot M., Aboiron H., Selleron B., Vaillant J., Wils J., Stévenin P. Évaluation et rééducation. EMC (Elsevier
SAS, Paris), Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation, 26-005-B-10, 2005.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


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