sur articulateur
Quand et pourquoi ?
our de nombreux praticiens, l’ana- nécessité d’un traitement, les pos- diagnostic occlusal et valider une déci-
P lyse occlusale sur articulateur est
inutile, car l’évaluation des fonctions
sibilités de corrections occlusales
à apporter, puis d’anticiper ces cor-
sion thérapeutique (tabl. I). Cet article
tente de préciser ces signes cliniques
occlusales est accessible et jugée suffi- rections par simulation et de pré- et de justifier les indications de l’utili-
sante par un simple examen clinique de voir le pronostic du traitement [1, 2]. sation d’un articulateur dans les deux
l’occlusion. Cette conviction d’une perte Elle représente en fait un gain de temps grandes étapes de l’analyse occlusale :
de temps, parfois associée à la peur pour le praticien : en prévoyant les résul- le diagnostic occlusal et la valida-
d’un investissement supplémentaire en tats d’un traitement, on diminue les tion de la décision thérapeutique.
matériel, est liée à une méconnaissance risques d’échecs.
des indications et de la procédure ayant L’analyse occlusale sur articulateur Diagnostic occlusal
pu entraîner des erreurs. Pourtant, une est indiquée quand les signes cliniques
analyse des fonctions occlusales induisent que l’examen clinique de l’oc- Complément de l’examen clinique
sur articulateur permet d’évaluer la clusion est insuffisant pour établir un de l’occlusion, l’examen sur articula-
teur permet de valider des hypothèses Lors de la prise en charge des DAM – difficulté réelle de manipulation en RC ;
diagnostiques et d’établir des hypo- Une analyse de l’occlusion sur arti- – instabilité de l’OIM chez un sujet peu
thèses thérapeutiques. culateur peut être indiquée quand édenté. L’analyse clinique du calage
l’examen clinique suspecte : en OIM peut être améliorée, pour des
Quand ? • une anomalie de l’occlusion pré- raisons de visibilité, par l’observation
Un diagnostic occlusal sur articula- sentant un caractère pathogène [3-6] : des moulages en occlusion. Il est pos-
teur peut être indiqué lors de la prise – décentrage (fig. 1a et b) : hypothèse sible, par exemple, de préciser les rai-
en charge des dysfonctionnements de de décalage entre l’occlusion d’inter- sons d’une instabilité occlusale en
l’appareil manducateur (DAM) et lors cuspidie maximale (OIM) et l’occlusion analysant l’engrènement occlusal sur
de la réalisation de reconstructions pro- de relation centrée (ORC) dans le sens une vue linguale des moulages affron-
thétiques. transversal, ce décalage étant per- tés manuellement (fig. 2) ;
ceptible cliniquement (supérieur à – anomalie de guidage difficile à éva-
0,5 mm) ; luer cliniquement (fig. 3a à c) ;
a b
fig. 1 - Décentrage perceptible cliniquement. Les milieux interincisifs ne sont pas fig. 2 - OIM instable. Vue linguale des
situés au même endroit : a – En OIM ; b – En ORC. La mandibule est décentrée moulages affrontés manuellement :
en OIM, la position de référence étant l’ORC. l’engrènement prémolaire est incomplet.
a b c
fig. 3 - Interférence occlusale non travaillante sur 27. a – L’interférence très postérieure est plus facile à observer sur articulateur.
b et c – Elle est mise en évidence par un ruban marqueur.
le praticien peut alors être amené à impossibles à analyser au cours d’un revanche, pour avoir une information
choisir entre une modification radicale examen endobuccal. Il permet égale- précise sur le centrage, celui-ci doit
de ces fonctions ou une simple opti- ment d’analyser l’occlusion en l’ab- être obligatoirement analysé sur arti-
misation, selon la qualité des fonctions sence du patient. L’évaluation du culateur. En effet, pour déterminer si
occlusales et le coût de l’équilibration calage occlusal est clinique, car une la mandibule est centrée en OIM, il faut
en RC (la RC étant la nouvelle position éventuelle instabilité peut rendre cette comparer la position mandibulaire en
thérapeutique en cas de reconstruc- OIM difficile à retrouver par affronte- OIM à celle correspondant à l’ORC
tion peu étendue). ment des moulages (fig. 7a à c). L’éva- (fig. 8a à i). Cela sous-entend que la
luation du guidage est également RC soit validée. Or, l’articulateur est le
Pourquoi ? clinique, mais elle est parfois difficile à seul instrument le permettant.
L’articulateur permet d’étudier des réaliser. Dans ce cas, l’articulateur per-
paramètres occlusaux difficiles voire met de compléter cette analyse. En
a
c
f g
e h i
fig. 8 - Restauration peu étendue en présence d’un décentrage transversal et d’une atteinte dégénérative de l’ATM. La perte de
calage postérieure a modifié la position mandibulaire en OIM, mais les contacts en OIM sont multiples. 36 et 37 doivent être
restaurées : faut-il s’intégrer au schéma occlusal du patient (restauration en OIM) ou faut-il au préalable recréer une OIM en RC ?
a – Analyse du centrage en OIM : une fois la double base désolidarisée, le moulage maxillaire est repositionné en OIM, il s’est
déplacé en avant et à droite. L’OIM est en arrière et à gauche de l’ORC. b et c – Contacts en OIM et ORC à droite. d et e –
Contacts en OIM et en ORC à gauche. f à i – le coût de l’équilibration en RC étant trop élevé, les coiffes sur 36-37 sont réalisées
en OIM ; le guidage canin est amélioré par collage de composite et le guidage antirétrusion est renforcé.
a a
b
fig. 10 - Anomalie de guidage.
Le montage en articulateur permet
de bien identifier les interférences
(contacts simultanés du contact canin,
mais excessifs). Il permet également
de constater que le collage d’un
composite sur le pan mésial de la face
palatine de la canine pourra renforcer
le calage et améliorer le guidage.
a – Canine afonctionnelle.
b – Interférences postérieures
b c travaillantes.
L’analyse, réalisée à partir de l’OIM, faisabilité avant de les réaliser clini- – modification prothétique du guide
permet d’évaluer le concept occlusal quement [1, 2]. Ainsi, le praticien fait antérieur ;
existant, son efficacité et les possibili- un choix thérapeutique et valide son – traitement orthodontique ou ortho-
tés de le modifier le cas échéant. plan de traitement. gnathique.
En revanche, le renforcement (ou
Quand ? l’amélioration de la stabilité) d’une OIM
Validation de la décision
thérapeutique Des simulations thérapeutiques peu- préexistante (fig. 11a et b) ne néces-
vent être indiquées dans différentes site pas d’être simulé sur articulateur
L’analyse précise des fonctions situations cliniques : pour deux raisons :
occlusales a permis d’élaborer des – équilibrations occlusales visant à – une OIM nettement instable clini-
options thérapeutiques pour optimiser créer une nouvelle OIM en RC sans quement le restera sur les moulages
les fonctions occlusales. Ces options traitement prothétique étendu ; (fig. 7a et b) ;
comportent des objectifs de traitement, – optimisation du guide antérieur sans – une OIM légèrement instable est
les critères de reconstruction corres- traitement prothétique étendu ; facile à équilibrer directement clini-
pondants et les moyens thérapeutiques – modification prothétique de la quement, car elle concerne peu de
devant être mis en œuvre. Une simu- position de référence thérapeu- dents (fig. 11a et b).
lation sur articulateur des aménage- tique ; Il est toutefois intéressant de dispo-
ments occlusaux évalue alors ces – modification prothétique de la dimen- ser des moulages pour analyser les
options thérapeutiques, en testant leur sion verticale d’occlusion (DVO) ; grandes caractéristiques des arcades,
a b
c d
f g h
fig. 12 - Analyse de la possibilité d’optimiser les fonctions occlusales en RC. a à h – Après retrait des secteurs postérieurs
amovibles (moulage fractionné), on constate que les contacts antérieurs et le guidage peuvent être recréés. La tige incisive permet
de quantifier la perte de DVO nécessaire (ici – 3 mm), et donc la quantité de substance à supprimer par coronoplastie. e – Selon la
règle de proportion des écarts, une modification de DVO de 3 mm mesurée au niveau de la tige incisive permet de récupérer
environ 2 mm de hauteur prothétique au niveau du secteur incisivo-canin en meulant uniquement 1 mm (environ) au niveau des
1res molaires. f à h – Simulation d’équilibration en RC. f – Les prématurités en RC sont mises en évidence à l’aide d’un ruban
marqueur et les dents correspondantes sont retirées pour simuler les conséquences occlusales de leur équilibration. g – De
nouvelles prématurités apparaissent de proche en proche et les dents correspondantes sont à leur tour retirées. h – On établit
ainsi la séquence d’équilibration qu’il faudra réaliser cliniquement pour récupérer les contacts antérieurs et le guide antérieur.
a b c
fig. 13 - Optimisation d’un guidage canin par collage. a – avant traitement ; b et c – après traitement.
a b c d
fig. 15 - Simulation d’une modification prothétique de la position de référence thérapeutique. En ORC, le guide antérieur est afonctionnel,
l’antéposition mandibulaire (2 mm) permet le réaménagement du guide antérieur. a et b – ORC. c et d – Antéposition mandibulaire.
fig. 16 - Simulation thérapeutique chez une patiente présentant
une OIM peu différente de l’ORC. a à c – OIM. d et e – ORC.
f et g – Vue occlusale des moulages avant traitement.
h et i – Vue occlusale des moulages après simulation
thérapeutique par wax up (cire rouge) et par meulage
(marqueur bleu).
b c
d e h
f g i
a b c d
fig. 17 - Simulation d’une modification de DVO pour réaménager le guide antérieur.
La DVO du patient doit être augmentée même si il n’y a pas de perte de DVO de
manière à résoudre un problème mécanique : l’aménagement du guide antérieur.
a et b – ORC avant traitement ; la tige incisive est sur « zéro » et le secteur antérieur
en bout à bout. c et d – ORC après augmentation de la tige incisive d’environ
2,5 mm, un surplomb est recréé. e – Wax up diagnostique après augmentation de la
DVO d’environ 2,5 mm.
musculo-squelettique [13, 14], mais dage (surplomb, recouvrement, aire l’analyse occlusale est important, mais
une modification de DVO a des réper- fonctionnelle de Slaviceck). Elles doi- plus les simulations thérapeutiques
cussions dans les plans vertical et sagit- vent donc être simulées préalablement sont nécessaires. ■
tal. Ces répercussions concernent : sur articulateur (fig. 17a à d).
– l’esthétique ; • Simulation d’un traitement ortho- Anne Giraudeau - MCU-PH, Unité
– la hauteur prothétique (modification dontique ou orthognathique d’occlusodontologie
du bras de levier mécanique, par Une analyse occlusale sur articula- Serge Bezzina - AHU, Unité d’occlusodontologie
exemple) ; teur peut être nécessaire pour évaluer Jean-Philippe Ré - AHU, Unité
d’occlusodontologie
– le calage (modification de la situa- la nécessité d’un traitement ortho-
Pierre Santoni - MCU-PH, Unité de prothèse
tion des contacts postérieurs : 1 dent dontique et/ou orthognathique. Si la
Mohamad Kordi - Docteur en chirurgie dentaire,
sur 2 dents ou 1 dent sur 1 dent ; modi- décision est prise de traiter, le mon- Unité d’occlusodontologie
fication de la situation des contacts tage en articulateur permet également
antérieurs) ; de réaliser des « set up » ou « chirur- Faculté de chirurgie dentaire
Université de la Méditerranée
– le guidage (modification du surplomb gie des moulages ». 27, boulevard Jean-Moulin
et du recouvrement). 13005 Marseille
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RÉSUMÉ Pour de nombreux praticiens, l’analyse occlusale sur articulateur est inutile, car l’évaluation des fonctions occlu-
sales est accessible et jugée suffisante par le simple examen clinique de l’occlusion. Pourtant, l’examen clinique de l’occlu-
sion est parfois insuffisant pour réaliser un diagnostic occlusal et valider une décision thérapeutique. Cet article tente au
travers d’exemples cliniques de préciser les signes cliniques qui indiquent une analyse occlusale sur articulateur et de justi-
fier ces indications.
Giraudeau A, Bezzina S, Ré JP, Santoni P, Kordi M. L’analyse occlusale sur articulateur : quand et pourquoi ? Cah Prothèse 2004;218:9-20.