Вы находитесь на странице: 1из 21

20/04/2018 Réflexions sur l’anthropologie (AK, XV)

244-273

Distribution électronique Cairn pour Presses Universitaires de France ©


Presses Universitaires de France. Tous droits réservés pour tous pays. Il
est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire
(notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent
article, de le stocker dans une banque de données ou de le
communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que
ce soit.

Réflexions sur l’anthropologie (AK, XV)

Monique Castillo

1353 (1773-75) De l’esprit national allemand. 1

Puisque c’est un dessein de la Providence que les peuples ne se mêlent pas, mais 2

qu’au contraire, par l’effet d’une force de répulsion, ils soient en conflit, alors l’orgueil
national et la haine nationale sont nécessaires à la séparation des nations. Ainsi
s’explique — soit effet de la religion, qui fait croire à un peuple que tous les autres
sont maudits, à l’exemple des Juifs et des Turcs, soit effet de la présomption de
l’intelligence, pour qui tout autre serait balourd et ignorant, ou de la bravoure, qui
voudrait que tout tremblât devant le peuple, ou de la liberté, pour laquelle tous les
autres seraient des esclaves — la prédilection d’un peuple pour son pays. Les
gouvernements voient d’un bon œil cette folie. C’est le mécanisme dans l’ordre du
monde, mécanisme de l’instinct qui nous attache et nous isole. La raison nous donne
d’autre part la loi qui veut que, parce que les instincts sont aveugles, ils régissent
l’animalité en nous, mais qu’ils soient compensés par les maximes de la raison. C’est
pourquoi il faut éliminer cette folie nationale pour faire place au patriotisme [1]
et au
cosmopolitisme.

1354 (1773-75 ?) Les Allemands ne sont pas attachés à un sol mais se transplantent 3

facilement partout ; ils sont cosmopolites de tempérament et ne haïssent aucun


peuple, tout au plus pour la revanche. S’ils n’ont guère de génie, ils ont un bon
jugement pour en exploiter les productions. S’ils ne sont pas éblouissants dans
l’innovation, ils sont valeureux par la constance. Ils sont faits pour rassembler et unir
le bon de toutes les nations et les accueillent toutes également de bonne grâce. Une
confédération des peuples <Völkerbund> qui peut devenir universelle. Rousseau.

1355 (1773-75 ?) On vante le fait qu’en Allemagne le goût des beaux-arts s’est accru. 4

Mais où est l’écrivain qui traite l’histoire et les objets philosophiques les plus arides
avec autant d’intelligence, de pénétration et d’art que Hume ou la connaissance
morale de l’homme que Smith ? C’est de là qu’il faut partir, quand nous avons devant
nous les modèles du jeu de l’esprit. Ceux qui introduisent ainsi partout les émois de
l’imagination et la métaphore aussi bien que le sentiment affaiblissent le crédit de
l’entendement et nous ramènent au mode de penser imaginatif et simplement
chatoyant des pays d’Orient.

1356 (1773-75 ?) Les Européens ont été de tout temps les seuls qui aient voyagé par 5

pure curiosité d’esprit. Cela montre bien l’étroitesse d’esprit des autres peuples et le
préjugé national qui ne leur fait trouver rien qui soit digne d’attention en dehors
d’eux. Et aussi qu’ils ne sont pas animés du désir des concepts.

1357 (1773-75 ?) Un voyageur ne peut tirer quelque chose pour sa formation que de 6

quatre pays au monde : la Hollande, l’Angleterre, l’Italie et la France.

1366 (1797-98) La nation anglaise (gens), considérée comme peuple (populus), est 7

l’ensemble de personnes le plus estimable considéré dans leurs rapports mutuels.


Mais comme Etat à l’égard des autres Etats, le plus pernicieux, le plus violent, le plus
despotique et le plus belliciste [2]
.

https://www-cairn-info.acces.bibliotheque-diderot.fr/article_p.php?ID_ARTICLE=PUF_CASTI_1990_01_0244 1/21
20/04/2018 Réflexions sur l’anthropologie (AK, XV)

1367 (1771 ?) La simple idée de la liberté est déjà suffisante pour empêcher la 8

barbarie ; ce à quoi servent les parlementaires en France.

Barbares, slaves et sauvages. Les Russes et les Polonais. 9

Sans liberté et sans loi.


Les Turcs ont les deux pour moitié.

Liberté et loi sans pouvoir, c’est la liberté polonaise. 10

Liberté barbare, servilité barbare. 11

1372 (1776-78) Les peuples d’Orient ne sont pas capables de l’idée ; en conséquence, 12

ils n’ont absolument pas l’esprit du beau ; tout aussi peu que dans les choses de
l’observation, les concepts de l’entendement ou dans celles des mœurs, le concept des
purs principes de l’intention.

Esprit de convoitise et de domination se conjuguent parfaitement avec leurs concepts 13

les plus fins de l’honneur.

1380 (1772-73 ?) Distinguer en l’homme l’inné de l’acquis ; ce qui est personnel ou ce 14

qui est inné en général.

Dans l’éducation, efforts par lesquels on devient plus talentueux, plus habile, plus 15

intelligent et meilleur, plus aimé, plus civil (mores), mieux considéré, plus honnête.

1391 (1772-73 ?) Dans le degré de la force de l’esprit en l’homme, le mal (au contraire 16

de l’innocence) doit servir de cause seconde pour rendre nécessaires l’union des
hommes et la contrainte dont ils ont besoin pour développer leurs talents.

1394 (1772-73 ?) (...) Par l’inclination se forment les petites sociétés, par le besoin, les 17

sociétés civiles, et par la guerre, les Etats. Cette croissance est indéfinie mais
pernicieuse pour elle-même et pour les hommes. Quelle est la dernière conséquence ?
Que l’Etat est un corps de sociétés civiles libres, lequel à son tour, avec de plus grands
encore, constitue un corps, tout comme les systèmes des astres.

1396 (1772-73 ?) L’homme atteint réellement sa complète destination naturelle, c’est- 18

à-dire le développement de ses talents, grâce à la contrainte civile. Il faut espérer qu’il
atteindra aussi son entière destination morale grâce à la contrainte morale. Car tous
les germes du bien moral, s’ils se développent, étouffent les germes physiques du mal.
Par la contrainte civile se développent tous les germes sans distinction. Ceci est la
destination de l’humanité, non celle de l’individu mais du tout. Il doit s’y trouver
toujours des différences dans l’organisation mais pourtant le maximum de la somme.

Le Royaume de Dieu sur la terre : c’est la destination dernière de l’homme. Vœu (que 19

ton règne vienne). Le Christ l’a rapproché ; mais on ne l’a pas compris et on a
instauré le règne des prêtres et non celui de Dieu en nous.

1398 (1772-73 ?) L’homme est une créature qui a besoin d’un maître. Ceux même qui 20

parmi les hommes incarnent les maîtres en ont tout autant besoin et sont, puisqu’il
faut bien enfin qu’un homme soit le dernier maître, peu capables de bien user de cette
domination, s’ils ne se sentent pas soumis au commandement du maître qui est
maître de tout sans exception. Le véritable souverain de l’Etat est l’idée de la société
tout entière et celui qui lui donne le pouvoir, Dieu, c’est-à-dire celui qui réalise ou
personnifie cette idée. Car l’Etat est son propre maître, et donc au-dessus de chaque
membre : dominus originarius.

1399 (1772-1773 ?) Le lieutenant de Dieu sur la terre est toujours l’homme universel 21

(maximus homo). Seul l’Etat est maître absolu ; le souverain en est le représentant, et
comme, se confondant avec la volonté de l’Etat, il n’est responsable devant aucun
homme et que, pourtant, il faut qu’il soit responsable, il est donc nécessairement
responsable devant l’unique maître absolu de la nature entière. Un souverain doit

https://www-cairn-info.acces.bibliotheque-diderot.fr/article_p.php?ID_ARTICLE=PUF_CASTI_1990_01_0244 2/21
20/04/2018 Réflexions sur l’anthropologie (AK, XV)

donc être parfaitement instruit dans sa fonction de représentant suprême et pénétré


des sentiments de la religion.

1404 (1772-77) Influence du commerce sur la liberté et la sécurité intérieures et 22

extérieures.

Dans la géographie, il y a quelque chose de constant, dont le concept sert à ordonner 23

en conséquence le multiple de l’observation, à savoir les surfaces divisées en climats,


en terre et mer. Dans l’histoire <Historie> il n’y a rien de permanent qui puisse
fournir une idée du variable que l’idée du développement de l’humanité, et ce, d’après
ce qui constitue la plus grande réunion de ses forces, c’est-à-dire l’unité des citoyens
et celle des peuples, et cela, dans la façon dont ils prospèrent, avec leurs ressources et
leurs réalisations (sciences, religion, l’histoire <Geschichte> même de tous les
peuples), et qui rend les hommes de plus en plus éclairés.

Les droits de l’homme importent davantage que l’ordre et la paix. L’ordre et la paix 24

peuvent régner dans l’oppression générale. Et les agitations au sein du corps civil
<gemeines Wesen>, qui ont pour origine l’aspiration au droit, sont passagères. La
Grèce n’avait aucune institution publique gardienne des sciences. La liberté l’animait.
La religion chrétienne, parce qu’elle repose sur les langues anciennes, a été un
conservatoire de la culture savante et a acquis par là un grand prestige dans l’histoire.

1405 (1772-77) En conclusion : 1. Caractère de l’humanité (comment pouvons-nous 25

déterminer un être, quand nous ne pouvons établir aucune comparaison ? Non avec
d’autres êtres, mais avec l’idée). 2. De la formation du caractère. Sur ce point a)
histoire <Geschichte> de l’humanité (avance graduelle de l’espèce tout entière vers sa
destination), et non description de l’humanité ; voir plus haut. b) de l’idée, de la
méthode d’une histoire universelle <universalhistorie>.

1406 (1772-77) Les peuples dans l’état brut <rohen> n’étaient pas barbares ; ils ont 26

adopté la culture, la discipline, et avaient plus de douceur du naturel jointe à l’esprit


de liberté et donc plus de capacité et de volonté à être gouvernés selon des lois que les
Romains.

1418 (1773-75 ?) La fin dernière de la nature est la plus grande perfection et le 27

bonheur des hommes, pour autant qu’ils en sont eux-mêmes les artisans.

1420 (1773-75 ?) Tout ce qui doit se conserver a nécessairement une communauté des 28

orientations, et des fins différentes ont nécessairement des rapports intrinsèques


selon une idée, qui, même si elle n’est pas visée, constitue pourtant l’aboutissement
de leurs aspirations contradictoires, où toutes peuvent trouver leur union. L’unité de
l’histoire à partir d’une telle idée en fait un système. Les divers changements dans le
monde sont dans l’ensemble circonscrits. L’histoire systématique commence à la
guerre de Troie. En marge se passent des histoires épisodiques d’autres peuples et
l’histoire propédeutique des temps légendaires. La question est de savoir s’il y a
partout quelque chose de systématique dans l’histoire des actions humaines. Une idée
les conduit toutes, celle de leur droit.

Le plan de l’histoire est soit cosmographique, soit biographique, soit cosmopolitique. 29

1430 (1771) Il y a une vertu barbare et une vertu disciplinée qui suit des lois. La 30

première est sans obligation, seulement effet de la générosité, la seconde du devoir. A


la première appartiennent l’amitié généreuse avec la soif de la vengeance contre
l’offense, la défense du droit des autres sans reconnaissance, la protection du sexe
féminin sans devoir de citoyen. En outre la vertu patriotique ou bien la vertu
cosmopolitique. Enthousiaste pour la multitude et envers la famille et la patrie,
indifférente à tout le reste du monde, malveillance patriotique [3]
envers les autres
peuples. La règle est : il nous faut nous reconnaître liés dans le devoir et les lois, qui
s’inspirent des intentions du bien général.

https://www-cairn-info.acces.bibliotheque-diderot.fr/article_p.php?ID_ARTICLE=PUF_CASTI_1990_01_0244 3/21
20/04/2018 Réflexions sur l’anthropologie (AK, XV)

La bonté du cœur n’y fait rien. L’égard pour le droit des hommes, non pas effet de la 31

religion mais du devoir humain, n’est jamais venu au cœur des barbares.

De l’enthousiasme de la vertu et de la froide réflexion selon les principes. 32

1436 (1771 ?) Je crois que le monde savant s’est suffisamment affiné pour ne plus 33

considérer avec révérence l’art de la guerre, ce qui constitue un point important de


l’histoire. Abomination. A moins que cet art n’ait produit quelque chose qui touche le
progrès du genre humain. L’histoire même de bons monarques, Titus et Marc-Aurèle,
est purement biographique parce qu’ils n’ont pas amélioré l’Etat. César est un prince
qui pense mal, non par le fait qu’il a tiré le pouvoir à soi, mais qu’il ne l’a pas remis
lui-même, dans l’état où il l’avait, entre les mains d’un corps civil <gemeines Wesen>
organisé selon la raison. L’histoire peut même commencer aux temps légendaires si
les poèmes épiques contenaient seulement quelque chose qui pût faire progresser le
bien général des hommes dans la société civile. L’Orient ne nous a rien livré de tel.
Nous en sommes aujourd’hui au moment le plus important, les forces des Etats étant
le plus souvent dirigées à l’intérieur vers le bien-vivre et à l’extérieur vers l’agression
et la défense, les armées étant par ailleurs soumises à la plus grande discipline là où il
y a le plus grand nombre. Il n’y a de relâche possible que dans le fait qu’ils prennent
une autre forme. La sagesse doit quitter les cabinets de travail pour les cours ; les
historiens sont tous responsables.

1438 (1771) L’histoire des Etats doit être écrite de façon que l’on voie ce que le monde 34

a tiré de profit d’un gouvernement. Les révolutions de la Suisse, de la Hollande, de


l’Angleterre sont ce qu’il y a de plus important dans les derniers temps. Le
changement en Russie n’a été d’aucun bénéfice pour le monde, sinon de façon
indirecte. L’histoire doit comporter même le plan de l’amélioration du monde, et cela
non des parties au tout, mais inversement. A quoi sert la philosophie si elle n’oriente
pas les moyens de l’instruction des hommes vers leur véritable bien ? Protection des
citoyens les uns vis-à-vis des autres, non simplement par des lois, mais par une
institution assez bien conçue pour que chacun soit garanti par la loi contre chacun.
Pas de subordination qui ne soit imposée par la loi. Aucun avantage sinon lorsqu’on a
le droit de son côté. Facilité d’accès à la justice et d’administration de la justice.
Justesse de vues dans la législation et sagesse dans l’organisation de l’administration.

Prise isolément, l’histoire peut prendre la forme de la biographie ou de la publicité. 35

1439 (1771) Un monarque ne laisse pas de trace dans le monde, s’il n’a pas apporté de 36

contribution à son système ; ou pire, sa trace est un rebut odieux, quand elle
constitue une entrave à ce progrès vers le système.

La méthode de la publicité du droit originaire et du droit dérivé. Methodus 37

publicistica originaria vel derivata.

C’est l’orgueil d’un petit esprit que de jouer un rôle brillant par besoin de rivaliser 38

avec ses contemporains. Cette méthode exalte l’esprit des princes et étend leur désir
de gloire aux dimensions du monde et à la mémoire du genre humain.

La religion même ne mérite le respect que si elle est cosmopolitique. 39

Il ne faut exposer l’histoire de la religion que pour la part où les hommes ont eu la 40

liberté et les moyens d’y devenir meilleurs, donc aussi d’après leur droit originaire.

1441 (1771) La méthode de la publicité considère tout en rapport avec l’idée d’une 41

totalité, et cela dans une perspective soit cosmopolitique soit statistique. Si elle ne se
fait même pas dans cette dernière perspective, alors elle est purement biographique.

1442 (1771) Un système cosmopolitique de l’histoire universelle. L’histoire savante et 42

religieuse n’est pas une histoire de l’état civil, elle n’est donc pas cosmopolitique,
mais peut-être philanthropique. Le dernier cas peut se produire sans cosmopolitisme,
comme chez César Antonin.

https://www-cairn-info.acces.bibliotheque-diderot.fr/article_p.php?ID_ARTICLE=PUF_CASTI_1990_01_0244 4/21
20/04/2018 Réflexions sur l’anthropologie (AK, XV)

1443 (1771) Du plan d’une histoire universelle : 1. La nature de la constitution civile et 43

politique ; l’idée, même si elle ne devient jamais tout à fait réelle, et bien l’idée du
droit, non du bonheur.

1444 (1776-78) Dans l’histoire contemporaine de l’Angleterre, la soumission de 44

l’Amérique ramène largement en arrière son acquis cosmopolitique. Ce qu’ils


veulent : que ceux-là se fassent sujets de sujets et laissent retomber sur eux le fardeau
des autres.

C’est une affaire non de bon gouvernement mais de mode de gouvernement. 45

1450 (1771) Que le monde dans son ensemble progresse continuellement vers une 46

plus grande perfection, même si une partie le fait plus lentement que l’autre. Une
partie peut bien aussi régresser dans cette ligne. Quelle est ici la mesure ? Pas le
temps, mesuré en années. Les inventions doivent venir rarement pour que l’ancien
parvienne d’abord à la perfection.

1451 (1771) (...) Encore une particularité est que l’espèce humaine est divisée en 47

peuples si différents de langue, de religion et d’usages et se trouve, par le patriotisme


de chacun, tenue à l’écart de l’idée cosmopolitique.

1453 (1771 ?) Le genre humain est-il vieux ou jeune ? 48

Nous n’avons que depuis deux siècles élargi la communauté à d’autres parties du 49

monde. L’Amérique. Le Japon. Les îles des mers australes.

Toute une partie du monde est dans une demi-animalité et mal peuplée. 50

Nous n’avons que depuis cent ans le système de la constitution civile d’un grand Etat, 51

en Angleterre.

Nous sommes, en matière de droit des peuples, encore barbares. 52

Nous n’avons encore aucun système d’union des religions. 53

Tout particulièrement, encore aucun système d’éducation. 54

Nouvelle époque. 55

De l’éloignement de l’homme civilisé par rapport à la nature : <1> Sous le rapport de 56

l’âge a) enfant b) adolescent c) adulte. La discipline des hommes doit précéder leur
amélioration et leur nouvelle vie.

Aperçu des peuples de la terre. 4 races. Race froide, blonde. Race sèche : kalmouk. 57

Race chaude : nègres. Race sèche-chaude : Indiens. Naturelle. Mélange des races par
la communauté progressive et rétablissement du premier archétype, mais pour
autant qu’il était totalement achevé.

La destination de... 58

1455 a (années 80) (...) Les peuples dont la langue originelle est restée sans mélange 59

peuvent certes être très cultivés, comme les Chinois, mais ils ne deviendront jamais
éclairés et demeurent limités de concepts. Qui sait combien de mélanges de celtique,
de thrace, de phrygien, peut-être de syriaque, la langue n’a pas intégrés avant qu’elle
ne fût grecque. L’anglaise est plus mêlée que toute autre, l’allemand dans une
moindre mesure, le slave au minimum. Maintenant il s’agit non plus de mélanger
mais d’imiter.

1458 (1783-84) La moralisation a (là où rien de radicalement neuf ne se produit), 60

selon les méthodes suivies jusqu’à présent, atteint son maximum et ne s’élèvera
jamais plus haut, mais est plutôt en train de régresser. Les théologiens crient haro sur
les esprits libres et ils devraient plutôt se demander si cela ne tient pas à leurs
propres méthodes, qui ont été bonnes en leur temps mais sont insuffisantes au sein

https://www-cairn-info.acces.bibliotheque-diderot.fr/article_p.php?ID_ARTICLE=PUF_CASTI_1990_01_0244 5/21
20/04/2018 Réflexions sur l’anthropologie (AK, XV)

d’une culture croissante. En effet, le fait qu’ils attendent toujours que les mystérieux
changements du cœur viennent, par miracle, des effets particuliers de la Grâce
signifie qu’on espère de la Providence, tout en se croisant les bras, ce qu’elle exige de
nous à bon droit.

1459 (1783-84) Je ne puis tenir pour fortuite l’extrême variété des formes, des 61

sensibilités, même des distorsions, des infirmités, des malformations, simplement


parce qu’elles sont héréditaires. Il y a tant de fins de toutes sortes qui appartiennent à
l’intention finale si complexe de l’univers que de telles déviations, par exemple
l’impotence, la sottise, le penchant au vice sont nécessaires à cette fin. D’où vient que
chacun est satisfait de soi. Ces choses qui enlèveraient absolument toute cohésion à la
société s’éteignent peu à peu complètement par le mélange. Au début il est nécessaire
qu’elles ne se mélangent pas ; mais la fin dernière l’exige ou bien c’est l’extinction. Si
l’on veut dire que la nature n’a utilisé qu’un seul sceau pour son empreinte et qu’elle a
laissé le soin au hasard d’y faire des altérations, alors je ne sais comment elles
peuvent arriver. Mais si elle a une variété infinie de germes....

1467 (1783-84) 1. Histoire pragmatique de l’espèce humaine à partir de la disposition 62

de sa nature. La destination naturelle de l’homme à sa fin complète (non de


l’humanité en un individu, mais de l’espèce).

Cette histoire enseigne en même temps comment nous devons nous préparer à nous 63

accorder à la fin complète de la nature. Donc élargir notre horizon, au-delà de la


destination individuelle, à la perspective de l’espèce.

2. Histoire physique. — Elle expose le développement involontaire de la nature dans 64

les différentes générations, lequel concourt à cette fin essentielle et peut nous
apprendre à le rapporter à cette fin.

L’histoire de l’espèce, non des hommes. La première présuppose une idée. (...) 65

1468 (1785-89) Suite de l’histoire de l’espèce humaine. 66

Sur quoi repose la genèse de toute cette perfection à laquelle croit et œuvre, autant 67

qu’il est en son pouvoir, le chiliaste philosophe ?

Sur la perfection de la constitution civile, qui se conserverait éternellement. Là 68

seulement se développent tous les talents, la plus grande union en vue de fins
communes grâce à des lois extérieures, et la plus grande permanence de cet état grâce
à la meilleure façon de penser personnelle.

Liberté, loi et pouvoir. 69

Le citoyen doit être assujetti à des lois, qu’il s’est données lui-même (liberté, égalité), 70

et ces lois doivent recevoir, par l’effet d’un pouvoir irrésistible, force et permanence.

L’homme est un animal qui a besoin de leçon et de discipline. 2. qui progresse dans 71

l’espèce vers sa destination. 3. qui, dans la société, a besoin d’un maître.

1. Loi et liberté sans pouvoir : anarchie. 72

2. Loi et pouvoir sans liberté : despotisme.


a) liberté sans loi ni pouvoir est l’état des sauvages.
b) pouvoir sans liberté ni loi : régime barbare.

Quels sont les mobiles dont se sert la nature pour produire la société civile ? Ceux de 73

la jalousie, de la méfiance, des violences qui forcent l’homme à se soumettre à des lois
et à renoncer à la liberté sauvage. De là vient le développement de toutes les bonnes
dispositions naturelles.

On peut voir l’histoire d’un peuple comme l’effort de la nature pour l’établissement 74

d’une constitution civile parfaite. Celle des Etats comme des tentatives en vue du
droit des peuples.

https://www-cairn-info.acces.bibliotheque-diderot.fr/article_p.php?ID_ARTICLE=PUF_CASTI_1990_01_0244 6/21
20/04/2018 Réflexions sur l’anthropologie (AK, XV)

Toutefois, la société civile, extérieurement en tant qu’Etat, est encore dans l’état de la 75

nature sauvage : liberté et pouvoir sans loi.

La nature exerce ici, pareillement, une action qui pousse à une confédération des 76

peuples. Ce n’est que par la paix universelle (cimetière [4]


) que la constitution civile
peut aussi gagner sa perfection interne.

Dans quel ordre doit se poursuivre ce perfectionnement ? 77

Méthode d’une historiographie cosmopolitique. 78

Le caractère de l’humanité est la disposition au développement de la perfection par la 79

liberté dans le jeu des mobiles contradictoires de l’animalité à partir du minimum de


l’habileté naturelle.

Le genre humain dans son ensemble arrive au bonheur non plus comme dans l’état 80

sauvage (négativement) ; mais la providence n’a pas armé l’homme pour cela, mais
pour qu’il se rende digne du bonheur.

1471 a [5]
(1790-98) Cette importante demande adressée aux philosophes implique 81

quatre niveaux d’examen (suivant les quatre classes des catégories) : 1. Le genre
humain considéré dans son ensemble (quantité), la question n’étant pas de savoir si
les hommes d’une certaine race, par exemple celle des blancs à l’exclusion des nègres
ou des Américains, ont une part de cet avantage, et par conséquent non pas si tous les
hommes progressent, mais si l’ensemble progresse, quand bien même quelques-uns
resteraient en arrière. 2. Le mieux, vers lequel on progresse, est le mieux moral
(qualité), et non chaque perfection en particulier en laquelle les hommes doivent
progresser, par exemple l’art, la science ou le goût — bien que ceux-ci puissent être
aussi pour elle des stimulants ou encore en être des produits. 3. Qu’on n’entend pas
ici l’amélioration intérieure de chaque homme pour soi, mais bien, puisqu’il s’agit de
la marche en avant du genre humain, le progrès vers le mieux de leurs rapports
réciproques dans la grande société (relation). 4. La tâche étant ici celle d’une
prédiction de l’avenir, ceci ne peut se faire que si l’on peut décider a priori de ce qui
arrivera, et décider en conséquence que le mieux doit résulter de l’enchaînement des
causes existantes avec leurs effets et qu’il faut considérer que la continuité du progrès
vers le mieux est nécessaire (modalité).

Voici donc ici précisément la question : faire le projet d’une histoire du genre humain 82

a priori, c’est-à-dire d’après la partie de ses changements qui doit encore venir, ce qui
est parfaitement possible si cela devait devenir une histoire naturelle de celui-ci ; car,
d’après les règles de l’expérience, les causes font connaître les effets encore à venir
avant qu’ils n’aient lieu, et par suite a priori (secundum quid, non simpliciter). Mais il
s’agit ici d’une histoire du comportement moral futur des hommes en tant qu’êtres
affranchis du mécanisme naturel, où l’on connaît, il est vrai, des lois a priori selon
lesquelles ils devraient agir, mais non qu’ils agiront de telle ou telle manière.
Toutefois l’intérêt de cette question ne réside pas uniquement dans une intention
pratique, pour qu’on admette de bonne grâce, par le moyen d’une hypothèse, un tel
cours des choses et qu’on se comporte au moins pour soi-même d’après cette
gouverne, mais bien aussi dans un point de vue théorique : savoir lequel, du principe
du mal ou de celui du bien, est prépondérant dans la disposition originelle de
l’homme et quel concept il faut se faire de la destination de l’homme. Mais comme les
théologiens se sont emparés de cette étude et que les perspectives portant
théoriquement sur le suprasensible répugnent au philosophe, cette tâche peut se
limiter à dire ce qui importe pour décider si l’espèce humaine est ou n’est pas en
constant progrès vers le mieux ; ce qui autorise à laisser sans conclusion la question
de l’existence d’un tel progrès.

1498 (1775-77) (...) Le caractère de l’humanité en général. 83

(...) Rousseau : si l’état sauvage est meilleur que l’état civilisé. Ce dernier est meilleur 84

quand le cercle est refermé.

https://www-cairn-info.acces.bibliotheque-diderot.fr/article_p.php?ID_ARTICLE=PUF_CASTI_1990_01_0244 7/21
20/04/2018 Réflexions sur l’anthropologie (AK, XV)

La disposition à l’animalité contredit la forme qui introduit la raison, laquelle doit la 85

soumettre à sa contrainte. Moscati. Minorité primitive.

L’homme doit (soll) produire de lui-même toute perfection. Il lui faut (muss) être 86

éduqué et instruit, c’est ainsi que l’espèce croît en perfection. Le premier état est le
plus mauvais. Age d’or. Innocence.

Les instincts naturels provisoirement à la place de la raison. On épargne lorsqu’on est 87

vieux. Ce qui est mal selon la raison est bon selon l’animalité. Un amour plus grand
des parents envers les enfants plutôt que l’inverse, et aussi que des deux conjoints
l’un pour l’autre.

Méfiance réciproque de personnes étrangères et rapprochement des familiers. La 88

guerre : afin que les hommes se répartissent sur toute la terre. Le courage comme
protection des siens est la plus grande vertu des sauvages.

Tout bien et le progrès des hommes en perfection doivent venir de la constitution 89

civile. Celle-ci présuppose (discorde) le manque et la nécessité du travail. Adam.

Nécessité de la propriété. Guerre intestine. Nécessité d’une contrainte liée à l’autorité. 90

D’abord la considération pour les Anciens, et non pour les pères ; car cette
reconnaissance ne vient pas aux enfants avec l’âge. Loi. Constitution civile.
Développements de tous les talents et des germes moraux. Le bien procède par
conséquent du mal.

Un temple à la lâcheté, à la paresse, à l’envie, à l’avarice, à la dissimulation et à la 91

méfiance.

Rousseau a raison en ce qui concerne la constitution politique imparfaite ; elle est 92

contraire à la nature mais est le germe du bien.

Dans cet état, la simple nature qui s’accommode bien de l’état sauvage comme d’un 93

moyen vers un fin meilleure, est mauvaise. Incitation à sortir de l’état de nature. La
méfiance demeure ; le jugement d’autrui acquiert de l’influence parce que la violence
n’a pas cours ; de là l’affectation d’une apparence avantageuse ou la réserve.
Raffinement du goût, amélioration de l’intime conviction <Gesinnung>. Le sentiment
moral, que tous possèdent, est le seul bien sur lequel le reste se fonde. La vertu est
affaire de discipline, elle doit <muss> s’apprendre et ne se trouve pas dans l’état
d’inculture.

Violence est faite à la nature. La femme acquiert la domination. Les enfants adultes 94

sont soumis aux parents.

La méfiance naturelle des hommes maintient la société civile et rend possible la 95

contrainte de tous par réciprocité parce que autrement ils s’uniraient pour leur ruine.
Chacun veut pour soi la liberté naturelle et pour les autres la contrainte civile. On
tombe sous la contrainte de la bienséance, de l’opinion et de la jalousie réciproque.
De là le désir d’amitié, ce qui est une forme de la liberté naturelle, amitié que l’on
rend, mais qui est toujours cependant liée à la réserve et à l’amour-propre.

https://www-cairn-info.acces.bibliotheque-diderot.fr/article_p.php?ID_ARTICLE=PUF_CASTI_1990_01_0244 8/21
20/04/2018 Réflexions sur l’anthropologie (AK, XV)

Si l’on compare la nature brute avec la fin de la raison dans un dessein moral alors 96

l’homme naturel, c’est-à-dire selon le penchant, est mauvais quoique prédestiné


potentiellement au bien de par son sentiment moral.

Pour ce qui est de son dessein physique, la nature est bonne, et bonne aussi pour 97

produire la perfection morale.

La civilisation comporte beaucoup de besoins mutuels, luxe et division du travail. 98

Unité civile et Etat. Le Bien cosmopolitique.

La source du mal réside dans l’animalité (pourquoi pas aussi du bien ?), dans la 99

mesure où elle n’admet l’humanité que par la contrainte et la discipline. Parce que la
perfection de l’humanité ne peut qu’être acquise, elle est dans une lutte continuelle
avec le penchant de la nature brute et le mal ne peut être imputé à l’homme sauvage
mais seulement à l’homme civilisé.

Que les animaux soient violents envers leurs congénères pour s’exterminer, comme 100

les araignées, ou se propager, comme les cerfs, est bon en soi. De ce mal doit sortir le
bien. 1. Contrainte légale. Développement des talents en même temps que des
obligations. 2. Contrainte du goût, raffinement des mœurs. 3. Contrainte de l’esprit
consciencieux.

Telle nation peut bien accepter la discipline mais elle ne se forme ni ne se maintient 101

d’elle-même dans cette discipline. Elle a toujours un penchant à la barbarie ou à


l’anarchie. Discipline légale, ou de Solon.

1499 (1775-77) Tout animal atteint individuellement sa destination. Chez l’homme, 102

l’espèce n’atteint que dans une suite de générations sa destination en tant que
créature raisonnable. Développement final de toutes les dispositions, aussi bien des
talents que de la manière de penser. Le départ : l’égalité physique. Terme : l’égalité
morale et l’unité de la société.

Nombre de peuples ne progressent plus pour eux-mêmes. Les Groenlandais. Les 103

Asiatiques. C’est de l’Europe que cela doit venir. Les Américains exterminés. Progrès
à partir des Grecs.

Toute créature a sa destination et l’atteint. 104

L’histoire de l’humanité doit être distinguée de celle des hommes. L’humanité gagne 105

ou perd.

1. Développement naturel. 2. Libre. 106

La destination de l’homme individuel dans son rapport : 1. à l’animalité 2. à 107

l’humanité, au genre humain.

Dans son rapport à l’animalité, il n’est pas supposé qu’il se laisse gouverner par la 108

raison. Dans son rapport à l’humanité, c’est-à-dire à la perfection d’après les lois de la
raison, l’animalité a été totalement remise à la raison.

L’homme est un animal qui a besoin et est capable d’une discipline par la raison. Un 109

homme inculte est : celui qui n’a reçu aucune discipline ; un homme mauvais : celui
qui n’accepte pas la discipline de la raison.

Ils sont tous issus d’une même famille. Une suite de générations sert à l’amélioration 110

des autres. Le genre humain est en progrès.

L’animalité perd au commencement mais finalement tout doit s’y accorder. Espèce 111

primitive inconnue. Moscati. Les races. Les Américains. Les blancs. Différence. Les
Grecs. Le progrès.

Origine du développement de l’esprit. Epoque. Stagnation des peuples asiatiques. 112

https://www-cairn-info.acces.bibliotheque-diderot.fr/article_p.php?ID_ARTICLE=PUF_CASTI_1990_01_0244 9/21
20/04/2018 Réflexions sur l’anthropologie (AK, XV)

La destination de l’animalité est la propagation et l’expansion parce que l’homme 113

était destiné à toutes les régions du monde. Celle de l’humanité est : le


développement de tous les talents, l’utilisation de toute la nature et le plus grand
respect de l’association et des règles.

Nécessité de la contrainte civile à cause de la méchanceté des hommes. La méfiance 114

réciproque rend possible et durable la contrainte d’une autorité supérieure. La


violence rend nécessaire la contrainte civile. La contrainte sociale. La contrainte de la
conscience : d’ordre moral. Le principal effet de l’état civil est de contraindre à
l’activité.

Raffinement. Affaiblissement de l’animalité. Femme. Luxe. Goût. Folie de l’honneur. 115

Nécessité des arts. 116

Inégalité des classes. Contrainte civile. 117

Lutte contre la nature (lui faire violence) : 1. pour ce qui regarde les différents âges 118

naturels de la vie, fixés par la nature, et ceux de l’état civil. 2. la disproportion de la


science par rapport à la durée de la vie de l’homme.

L’homme est un animal qui a besoin d’une instruction (culture), de discipline, d’un 119

maître et d’une moralité.

Age de l’enfance. De la jeunesse. De l’homme. Rousseau : de l’état de nature. 120

Est-il nécessaire de retourner dans les forêts ? L’homme naturel est physiquement 121

plus parfait, en tant qu’animal, il est également plus heureux, plus libre ; mais
l’homme civil l’est moralement sous le rapport de l’humanité en général. Vice et
misère.

Il est en progrès vers la perfection, laquelle est dérivée du tout à chacune des parties. 122

Les sciences n’appartiennent pas à la destination de l’homme pris individuellement 123

mais à celle du genre humain afin de la rendre plus raffiné et de remédier aux maux
que le luxe rend prépondérants.

La destination naturelle touchant l’animalité vue par Rousseau combat celle qui 124

touche l’humanité ; de là vient tout le mal.

L’intention de la Providence était que les peuples se forment mais qu’ils ne 125

fusionnent pas. De là l’orgueil national, la haine nationale et la rivalité patriotique.


L’impossibilité de maintenir longtemps de grands Etats.

Question d’orgueil religieux chez les Juifs et les Turcs ; de devoir religieux chez les 126

Indiens ; de caractère et d’usages chez les Français et les Espagnols. Ceci est un
mécanisme fondé sur l’instinct et que la raison doit tempérer. Guerres.

L’ultime perfection : la confédération des peuples. 127

Corps politique. L’homme en tant qu’individu y perd mais y gagne en tant que 128

membre du tout, se trouvant désormais en progrès vers la perfection.

La contrainte d’une autorité supérieure développe les talents et les vertus et affine les 129

mœurs. D’où découle en second lieu une contrainte de la bienséance (d’ordre


esthétique). Mœurs, la troisième destination de l’homme est qu’une contrainte
morale (extérieure) procède de l’opinion purifiée d’autrui touchant l’honneur
véritable, du fait qu’on ne peut obtenir aucune fonction, aucune femme et
absolument aucune relation sans intégrité. Bonne éducation et concepts justes du
clergé. Il est simplement nécessaire que l’emporte l’habitude de ne manifester
publiquement son respect qu’à la vertu, par exemple au pasteur. Ce n’est pas le cœur
qui a besoin de devenir meilleur mais le sentiment. L’autorité supérieure ne réclame
pas la vertu. Le jugement porté sur elle est entre les mains du public. On peut, sans

https://www-cairn-info.acces.bibliotheque-diderot.fr/article_p.php?ID_ARTICLE=PUF_CASTI_1990_01_0244 10/21
20/04/2018 Réflexions sur l’anthropologie (AK, XV)

l’offenser, priver quelqu’un de respect. Nous nous jugeons volontiers les uns les
autres. Actuellement, la moralité est isolée. Les arbres ont besoin les uns des autres
pour pousser droit. La meilleure des contraintes est celle qu’impose la conscience.

Les états intermédiaires. 130

Où commence l’amélioration. 1. La confédération des peuples. 2. Le contrat social. 3. 131

L’éducation.

Jusqu’à quel point l’éducation doit-elle <muss> être mécanique ? Discipline. Culture. 132

Je crois fermement que tous les germes du bien sont encore à développer. Ils sont 133

présents en nous ; l’homme a été créé pour le tout social. Celui-ci doit atteindre un
jour la plus grande perfection et en lui, chacun pris individuellement. C’est pourquoi
elle dure toujours.

Quel qu’ait été l’état primitif des hommes, l’ordre de la nature entraîne maintenant 134

que le bien sorte du mal ou, pour mieux dire, que la force d’impulsion qui contraint
les noyaux cachés du bien à se développer réside dans le mal et que, sans son
incitation, ils demeureraient éternellement au secret. Il en va ainsi de l’homme pour
son côté animal.

1. La particularité de l’humanité est qu’elle a besoin d’éducation, qu’elle doit 135

découvrir tout bien par elle-même et se le procurer par la liberté (défaut de savoir-
faire instinctif).

2. Qu’il est fait pour la société et s’y cultive. 136

3. Que l’espèce entière progresse en perfection. 137

4. Qu’il va de la minorité en tout genre à la majorité. 138

5. Développement final de toutes les dispositions naturelles. Insatisfaction de soi : 139

idéal.

1500 (1775-77) L’homme a une telle propension à se perfectionner qu’il va jusqu’à 140

tenir pour superflu un peuple qui a achevé son développement et se trouve dans la
jouissance toute simple, et il croit que le monde ne perdrait rien si Tahiti était
engloutie.

L’homme, (bien qu’il soit libre) est une créature qui a besoin d’un maître. En cela, il 141

est rabaissé entre tous les animaux qui, pour se maintenir en communauté, n’ont pas
besoin d’un maître. La cause réside dans sa liberté, l’homme étant poussé, non par
l’instinct de la nature qui fait s’accorder tous les membres d’une espèce, mais par
l’humeur et l’inspiration du moment ou par les principes qui ne permettent aucune
unité. Mais cette liberté n’est pas seulement cela, c’est aussi un penchant évident à
s’écarter du droit fil de l’ordre que la raison prescrit et à se complaire en ses goûts et
en ses inclinations à y faire exception. Il peut être injuste car il a pour cela des
mobiles et, à ce qui en lui-même doit le retenir, on ne peut se fier. Il a par conséquent
besoin d’un maître qui le garde dans l’ordre et la discipline, pas tant de ce qui le
préserve lui-même que de ce qui maintient un homme en relation avec d’autres. Il
faut qu’il soit dominé et il ne hait rien tant que d’être dominé et limité. Dans l’intérêt
de sa propre sécurité, il se soumet aussi par détresse, et en apparence
volontairement, à la domination afin qu’elle touche les autres et qu’il soit lui-même
garanti par sa protection. Néanmoins, il est toujours secrètement animé du désir de
se soustraire à cette domination et de demeurer dans une liberté sans lien, cependant
qu’il soumet volontiers à la contrainte des lois d’autres qui sont en rapport avec lui. Il
reconnaît l’équité de la loi et veut simplement y faire exception.

Tout le bien nous vient des hommes, de même que tout le mal. De là les passions qui 142

se portent sur les hommes. Désir de domination.

https://www-cairn-info.acces.bibliotheque-diderot.fr/article_p.php?ID_ARTICLE=PUF_CASTI_1990_01_0244 11/21
20/04/2018 Réflexions sur l’anthropologie (AK, XV)

Mais où aller chercher ce maître des hommes ? Il faut que ce maître veuille lui-même 143

ne pas commettre d’injustice, faute de quoi il a besoin à son tour d’un maître. Il faut
donc qu’il ne soit pas homme. Mais nous ne pouvons l’aller chercher nulle part
ailleurs.

N’en pourrait-on choisir un pour maître absolu ? C’est sans doute possible. Mais ce 144

serait alors seulement dans l’intention qu’il administre ce qui nous fait défaut, à
savoir une justice publique et qu’il nous assure la réciprocité du droit. Nous ne lui
permettrions donc pas tout mais seulement les moyens qu’il faut pour cela. Si nous
lui permettions tout, nous ne pourrions nous plaindre de lui. Mais il ne peut jamais
être placé lui-même dans la situation où tout ce qu’il fait est juste. Nous ne pouvons
pas non plus spolier nos enfants de leur droit naturel. Aussi ne peut-il s’agir de tel ou
tel en particulier.

Triple minorité : de l’enfant, du sujet, du fils spirituel. 145

Il n’y a qu’un cas où il ne nous arrive pas d’injustice, c’est lorsque ce qui arrive est le 146

résultat d’une décision de notre propre volonté. Mais il faut bien pourtant qu’il existe
une autre volonté. Et qui par conséquent doit nécessairement faire une unité avec
notre propre volonté. Cette volonté unifiée est la volonté du souverain. Le souverain
ne doit jamais commander à une partie, sinon il entre en conflit avec elle sur le droit,
mais seulement commander le tout en tant que tout d’après des lois générales.

Parce que les violences rendent nécessaire la constitution civile, d’où tout bien doit 147

sortir, mais qu’en même temps elles l’attaquent et lui font obstacle, ainsi l’histoire
peut être considérée et exposée comme le déroulement des actions et réactions de la
licence et de la contrainte et comme la progression du système de la liberté sous des
lois, de même que comme un conflit entre le désir de conquête et l’équilibre politique.
Comment ainsi la religion, les mœurs, les usages et les sciences en tant que causes et
l’industrie régionale, communale et commerciale en tant qu’effets ont entretenu
d’étroits rapports.

Chez les Grecs, quantité de petits Etats, avec une religion sans aucune influence sur la 148

philosophie, mais avec différentes sortes de gouvernement, où le peuple avait chaque


fois part au gouvernement. Conflit entre le peuple et le pouvoir. Démagogues.
Juristes, orateurs et sophistes. Le peuple avait toujours la possibilité de juger par lui-
même de sa situation. Les Italiens divisés à l’origine en petits Etats. Noblesse et
peuple. Aucune information sur d’autres Etats et sur leur mode de gouvernement très
fruste où le peuple était entièrement passif. Barbares, roi, pacha, vizir. Cadis, muftis.
Lignée des historiographes avec l’expansion de la puissance de la Grèce et de Rome.

Sur le plan des mobiles, l’homme se distingue clairement des autres animaux en ce 149

qu’il a une inclination à se donner de l’importance aux yeux de ses congénères et à se


faire valoir. De là vient qu’il veut être craint, honoré, recherché ou aimé des autres
pour son avantage. Il recherche la puissance, les bénéfices, la richesse et des façons
obligeantes (politesse). La cause en est bien que ses bonheurs ou ses malheurs ne
viennent pas tant à l’homme de la nature que des autres hommes. Pourtant, il ne
tiendrait pas les influences des autres pour un si grand bonheur ou pour un si grand
malheur s’il n’y avait fondamentalement l’inclination instituée par la nature dans
l’intérêt de l’unité de la société. Cette inclination fait appel à tous les talents, étant
entendu qu’il faut plus d’art pour exercer par sa volonté de l’influence sur les hommes
que sur la simple nature. Cette inclination se manifeste chez l’enfant, le sauvage
etc... ; et parce qu’elle le conduit à se heurter toujours aux autres, il en résulte une loi
dont l’observation le met particulièrement en valeur, et qui consiste à agir toujours
dans le sens <Gesinnung> d’un esprit public. La moralité.

Sur tous ces points, il ne réussit que par l’abaissement des autres ; mais la moralité 150

est une valeur qui peut subsister avec celle des autres.

https://www-cairn-info.acces.bibliotheque-diderot.fr/article_p.php?ID_ARTICLE=PUF_CASTI_1990_01_0244 12/21
20/04/2018 Réflexions sur l’anthropologie (AK, XV)

La liberté est purement et simplement la dignité de la nature humaine. Par elle, il est 151

une personne et peut avoir une dignité ou devenir digne de la vie, du bonheur et des
biens naturels. L’animal jouit de la vie et de la nature sans en être digne. Il ne peut
donc pas être une fin dernière. Seul l’homme peut être un but final de la création.

1501 (1775-85) Les nations orientales ne s’amélioreraient jamais d’elles-mêmes. 152

C’est en Occident qu’il nous faut chercher la continuité du progrès du genre humain 153

vers la perfection et de là son expansion sur la terre.

Histoire naturelle de l’humanité. Sauvagerie. Germes. Dispositions. 154

Nous sommes encore bien loin de l’achèvement de notre destination. La moitié du 155

globe n’est découverte que depuis 200 ans, la mer baltique depuis 900 ans.

1. Le genre humain finit par atteindre complètement sa destination. Cela n’est 156

possible que par la perfection de la constitution civile et par là de la constitution


politique, c’est-à-dire du droit naturel et du droit des peuples.

2. Les hommes sont faits pour la société. Ruche. Ils doivent se trouver sous une 157

contrainte réciproque afin que la liberté de l’un limite l’autre jusqu’à atteindre la plus
grande liberté générale, comme les arbres dans une forêt.

Le bien, dont le premier homme déchut, était l’innocence et c’est ainsi que par la suite 158

en sortit le mal. L’homme commence par le plus grand bien naturel et par l’état le
plus brut de la liberté. La loi.

La barbarie est l’état sans loi, mais toute rupture qui contrevient au droit est barbare. 159

3. Liberté, pouvoir et loi. 160

1) Liberté sans loi, c’est-à-dire sans pouvoir légal, c’est la sauvagerie ou l’anarchie. 2) 161

Liberté et loi sans pouvoir, c’est la liberté polonaise. Non-sens. 3) Pouvoir sans loi ni
liberté, c’est la barbarie. 4) Pouvoir et loi sans liberté, c’est le despotisme, l’autocratie.
A l’image des quatre figures du syllogisme.

4. Lorsque dans un peuple la liberté s’établit d’abord sous la loi avec peu de pouvoir 162

et que ce dernier ne s’accroît qu’en proportion de la loi et de la liberté, alors le corps


civil s’élève à la plus grande perfection. Le droit naturel est réalisé. Développement de
tous les talents. (Les Grecs. Les Romains. Les peuples germaniques. Les Asiatiques).

5. Quand les peuples établissent entre eux une loi et un pouvoir communautaire, 163

alors s’installe la sécurité externe. Confédération des peuples. St Pierre (sic).

Origine du bien dans le mal. 164

Plan de l’histoire universelle. 165

1. Les hommes ont une capacité et une tendance à entrer en société. Mais ils se 166

méfient les uns des autres à cause de la violence. C’est pourquoi l’un cherche, poussé
par la crainte, à prévenir l’autre. Ils s’unissent en petit nombre pour s’évincer
réciproquement. Expansion sur la terre.

Liberté et raison, chose bonne aussi. 167

Animalité et instinct, chose bonne. 168

Animalité et liberté (avec la raison), chose mauvaise, mais qui engendre le bien par 169

l’intermédiaire de la raison.

Le mal est le ressort du bien. 170

2. Ils s’accroissent mais la société ne peut demeurer dans la liberté brute. D’où la loi 171

et le pouvoir. Arbres isolés. Arbres dans la forêt. Sans cette union civile, nous vivrions
comme les moutons, dans la paresse, et les talents ne connaîtraient pas de
https://www-cairn-info.acces.bibliotheque-diderot.fr/article_p.php?ID_ARTICLE=PUF_CASTI_1990_01_0244 13/21
20/04/2018 Réflexions sur l’anthropologie (AK, XV)

développement. Avec quelle rapidité un peuple civilisé, de dimension réduite et


vivant sous un pouvoir réduit, tournerait à la barbarie.

Luxe. Commerce. Science. Liberté. 172

3. Ils entreprennent des guerres et ont tendance à s’unir par la soumission. Prince 173

gaulois. Utilité de la guerre. Ils cherchent à se supplanter et s’instruisent les uns les
autres. Séparation des Etats.

4. Quand tous les talents sont développés (éducation), alors la nature pousse au 174

perfectionnement, a. Dissimulation, b. Jalousie, c. Soif de pouvoir. Contrainte de la


bienséance, de la loi, de la conscience. (...).

1521 (1780-89) 175

Caractère de l’espèce.

Quelle est la destination naturelle de l’homme ? La plus haute culture. Quel est l’état 176

dans lequel elle est possible ? La société civile. Quels mobiles ? L’insociabilité et
l’envie. Le travail. Quelle est la destination de la raison ? La moralité. De
l’inclination ? Le bien-être dans la liberté.

I. Dans le système de la nature, en tant qu’espèce animale, il peut vivre sous tous les 177

climats et de toutes les ressources naturelles.

(1.) Comparaison avec les espèces animales. 2. Avec les êtres raisonnables. Parmi 178

ceux-ci avec l’idéal de l’homme tel qu’il devrait être.

a. Quadrupède ou bipède ? Moscati. S’il est apparenté au gibbon ou à l’orang-outang. 179

Linné. Camper. Mains et doigts signes du talent.

Grandeur. Age. Aspect. 180

b. Frugivore ou carnivore ? Estomac membraneux. Son acidité. Lait de nourrice : 181

différence avec le lait de vache.

Burètes (mongols) selon Pallas. Les Norvégiens selon Fabricius. Les Groenlandais. 182

c. Rapace ? Il n’a ni griffe ni croc. Mais force des bras ? Ours de la Forêt noire. 183

Grimpe.
d. N’a aucun instinct de conservation. Ne sait pas nager.
e. Animal social ou solitaire ? Chiens sauvages.

II. Dans le système du monde en tant qu’intelligence. L’espèce humaine parmi les 184

êtres de raison.

1. But de la nature : la conservation de l’espèce. 2. Son perfectionnement. 185

A. Doit être éduqué. Instruction et discipline. Les animaux ne reçoivent pas 186

d’instruction, sauf les oiseaux pour le chant. Apprend de lui-même à parler.

B. Doit en tout (même pour son humanité) n’être redevable qu’à lui-même. 187

Abandonné par l’instinct. Etat brut <Rohigkeit> du commencement. Alimentation


sans instinct déterminé. Vêtement. Armes. Maison.

C. Se perfectionne de génération en génération jusqu’au luxe ; grâce à la capacité 188

technique, il s’adapte à tous les climats. Etat de nature. Age d’or.

Il ne réalise sa propre perfection que par l’institution d’une société parfaite. 189

D. Est-ce l’état naturel et brut ou l’état civilisé qui s’accorde avec sa destination ? 190

Rousseau et les ravages des sciences. De l’inégalité des hommes. Des ravages de la
culture. Abandon de l’état de nature. L’art parfait redevient nature. Epoque
intermédiaire.

Sa fin dernière est la perfection de l’état civil. Développement de tous les talents. 191

https://www-cairn-info.acces.bibliotheque-diderot.fr/article_p.php?ID_ARTICLE=PUF_CASTI_1990_01_0244 14/21
20/04/2018 Réflexions sur l’anthropologie (AK, XV)

Ce à quoi il est poussé par son insociabilité : un système des hommes d’après les lois 192

de la liberté - d’où procède tout bien.

La destination naturelle de l’individu est distincte de la destination de l’espèce en 193

l’homme. Chez les autres animaux, l’individu atteint sa destination. Chez l’homme,
c’est l’espèce seule qui atteint l’entière destination de la nature humaine. Car l’espèce
doit, par son labeur, s’extraire de la nature brute pour s’élever au long de nombreuses
générations vers une perfection, et s’il est vrai que se trouvent dans la nature les
dispositions à cette fin, il est entendu que le développement est l’œuvre propre de
l’homme, par conséquent de l’ordre de l’artifice et qu’il ne peut être l’œuvre de
l’individu mais seulement de l’espèce.

Il n’est pas fait pour la jouissance du bonheur mais pour le développement de tous les 194

talents.

L’homme appartient pour une part au genre animal et dans cette mesure la nature n’a 195

fait aucune exception en sa faveur. Il éprouve les besoins de la faim, du confort, de la


sexualité et doit payer son tribut, dans la vie, au règne animal et, dans la mort, au
règne végétal. D’un autre côté, il appartient à l’ordre éthique et il est appelé à
construire en lui une personne morale qui transcende l’animalité.

La fin dernière de la nature est la culture. Mais là n’est pas le but final de la raison ; la 196

fin première de la nature est : le développement des forces et par conséquent des
résistances.

L’homme animal a des dispositions qui seraient suffisantes à la perfection pour 197

atteindre, en tant qu’individu, sa propre destination animale. Simplicité des besoins,


modération dans leur demande, pour fruits la satisfaction et l’innocence. L’état de
nature est, dans l’idée, un âge d’or, celui de l’état brut et de l’ignorance.

Mais l’homme ne peut y demeurer et il sort de l’état de nature, sans avoir encore une 198

idée de l’ordre éthique et il se développe comme suit :

L’homme moral. Les connaissances d’où procèdent les désirs et les besoins, qui eux- 199

mêmes amènent la misère. Il se cultive mais ne se civilise pas. La civilisation


commence et, avec elle, la culture croît jusqu’au luxe. Or il a besoin de se moraliser,
c’est alors qu’il atteint sa destination. L’homme de la nature s’accorde alors avec
l’homme de la raison. Mais seule l’espèce atteint cette destination et non l’individu.

Le plus grand frein à la marche de l’espèce humaine vers sa destination, c’est que 200

l’homme s’écarte toujours davantage de sa destination naturelle.

1. Dans les pulsions naturelles ; dans le plaisir. 2. La science, etc. La culture. 3. La 201

liberté : deux déterminations entrent en conflit. Il lui faut toujours lutter avec
difficulté.

La culture fait toujours davantage dévier l’homme de sa destination physique qui 202

reste toujours la même pour conserver l’espèce animale. Origine des maux.

1. Les âges naturels ne correspondent pas aux âges de l’état civil. Enfant, en tant 203

qu’animal, jusqu’à neuf ans, dans l’état civil jusqu’à vingt ans. Jeunesse et maturité
dans l’animalité se confondent autour de dix-sept ans. Dans l’état civil, il est
exactement adolescent à cet âge mais adulte beaucoup plus tard. Vices et
malfaisances.

(1.) La question première est celle-ci : quelle est la destination de l’espèce humaine, 204

celle du plaisir ou celle de la culture ?

2. Quel est l’état dans lequel il atteint cette destination qui est sienne ? Etat de nature 205

ou bien état civil ?

https://www-cairn-info.acces.bibliotheque-diderot.fr/article_p.php?ID_ARTICLE=PUF_CASTI_1990_01_0244 15/21
20/04/2018 Réflexions sur l’anthropologie (AK, XV)

Difficulté de ce dernier état. Il a besoin d’un maître et celui-ci est encore une fois un 206

homme. Guerre des peuples.

Les sciences n’appartiennent pas à la destination de l’individu mais à celle de l’espèce 207

humaine.

2. Le goût pour la science n’a aucun rapport avec la durée de la vie, avec le plaisir de 208

la vie, et même avec la conservation de la vie dans la nature. Cela va totalement


contre la nature et, si les plaisirs se multiplient, on les satisfait avec peine et ils
diminuent le bonheur.

3. Par nature, les hommes sont libres et égaux. La société civile crée l’inégalité et la 209

contrainte. Pour finir, la liberté sous les lois.

Trois paradoxes de Rousseau. 210

1. Des ravages de la culture (par les sciences). De l’état naturel brut à la culture. 211

2. Des ravages de la civilisation ou de la constitution civile (de l’inégalité). De l’égalité 212

à l’inégalité.

3. Des ravages de la méthode technique dans l’instruction et la moralisation. 213

L’éducation.

1. Perte de la force et de la santé naturelles. 2. Bonheur. 3. Innocence. 214

L’homme a été fait non pour la jouissance mais pour l’action. 215

(L’Emile. 2. Origines de l’inégalité. 3. Contrat social, fondés sur le principe que 216

l’homme est bon par nature et que la vertu, de même que la vraie sagesse, ne
s’apprennent pas mais qu’il s’agit simplement d’empêcher la corruption du cœur et de
l’esprit et de développer la sagesse.) L’éducation négative. Projet global de Rousseau :
amener l’homme, par le moyen de l’art, à pouvoir unir tous les avantages de la culture
avec tous les avantages de l’état de nature. Rousseau ne veut pas que l’on retourne à
l’état de nature mais qu’on l’ait en rétrospective. Union des extrêmes.

Pour finir, le droit civil (politique) et le droit des peuples : le premier consistant dans 217

la liberté et l’égalité sous des lois, le second dans la sécurité et le droit des Etats,
garanti non par la force personnelle mais par des lois.

A. Origine du mal, du vice et du malheur dans le bien. L’homme sort de l’état de 218

nature et quitte l’instinct, se livre à la ratiocination sur le bonheur. Abandonne la


nourriture désignée par l’instinct, en cherche une autre, même nuisible. S’éloigne de
la simplicité de l’instinct sexuel, et, par la complication de l’imagination, crée des
embarras. Apprend à lire dans l’avenir et éprouve d’abord les soucis des maux à venir,
du chagrin, du travail pénible (le sauvage était paresseux) et de la mort. Dépouille
l’animal de son vêtement et cherche à s’en couvrir, et se flatte, sur cette pelure, de
l’idée d’une providence divine qui en aurait couvert l’animal pour l’amour de lui.
Découvre l’ensemencement. Age d’or. Le bétail domestiqué. Entre dans la possession
commune de la propriété terrienne.

Ce n’est pas la jouissance, mais le développement des forces, qui était la fin de la 219

nature. Le bien devait <sollte> se développer à partir de l’état d’inculture : c’était le


plan de la nature. Du fait de l’homme, il doit <muss> se développer à partir du mal.
Le mal force au bien. Moutons pieux.

Découvre le feu, les métaux, (le cuivre avant le feu), le gouvernement civil — l’argent, 220

l’écriture, les nombres — où l’autorité se réserve de venger la mort, mais où l’autorité


elle-même est subordonnée à Dieu (tout cela sous les Caïnites). La femme commence,
par le charme, à élever l’instinct naturel et à renverser l’antique domination de
l’homme dans l’état d’inculture. Richesse et délices engagent le sauvage libre à entrer

https://www-cairn-info.acces.bibliotheque-diderot.fr/article_p.php?ID_ARTICLE=PUF_CASTI_1990_01_0244 16/21
20/04/2018 Réflexions sur l’anthropologie (AK, XV)

aussi dans la soumission civile. Le luxe submerge tout, et l’opulence corrompt le


genre humain tout entier.

Auparavant, l’homme n’aurait senti que le mal immédiat. A la peine succède le repos, 221

mais celui-ci rend maintenant amère la peine du jour à venir. La mort est un mal qui
ne touche pas la sensibilité, mais qui est simplement redouté.

L’intention de la nature est que tous les talents et, pour finir, la moralité elle-même, 222

se développent et se fortifient durablement par le moyen de la culture accomplie, afin


de bâtir un système du bonheur et de la perfection par la liberté de l’homme, mais
sous l’aiguillon des besoins.

Dans cette intention, elle ne se soucie pas des maux que l’homme doit souffrir ; même 223

les vices, qui ont leur cause dans le conflit de l’animalité et de l’humanité raisonnable,
et où l’antique inculture manifeste encore sa survivance, doivent aider à accélérer le
progrès vers le bien. De longues suites de générations entières tirent leur mérite dans
le changement du monde du seul fait qu’elles ont œuvré en faveur du développement
futur complet.

Si les hommes avaient été de prime abord tous bons et pieux, ils auraient vécu 224

comme des moutons stupides.

D’où vient que nous n’accordons que peu de valeur à l’existence d’êtres raisonnables 225

et heureux, mais qui ne progressent pas dans la culture ? Ils semblent ne faire que
remplir le vide de la création. Amérique.

B. L’origine du bien dans le mal réside dans le fait que les qualités et les instincts 226

(internes), qui lui étaient nécessaires dans l’animalité, l’ont forcé dans les débuts de
la culture à tourner son savoir-faire contre d’autres hommes qui pouvaient le
contrarier dans ses projets ou son autoconservation. Car d’un animal qui raisonne on
peut tout craindre. Paresse et désir d’indépendance forcent par intervalles à se
donner beaucoup de peine pour se reposer ensuite. C’est ainsi que le travail se fit
besoin. La crainte apprend à être prudent. Envie. Dissimulation. Bravoure pour
inspirer la crainte aux autres, les Sarrazins. Les Croisades et la conquête de
Constantinople répandent la science, le goût et la culture savante en Occident.

1522 (1780-89) Que les maux civils proviennent du bien naturel en liaison avec 227

l’abandon, par l’homme, de l’état de nature ; pourtant, la nature veut l’état civilisé
d’où doit finalement sortir le bien.

Dans l’état de nature, l’homme n’étant là que pour soi et menant une existence à sa 228

façon, bien des choses sont bonnes qui deviennent mauvaises dans l’état civil.
(Paresse. Lâcheté et fausseté. Soif du pouvoir et de l’avoir).

1. La paresse est le penchant de la nature qui consiste à ménager ses forces et ses 229

ressources vitales. Dans l’état civilisé, l’homme ne vit pas seulement pour lui mais
pour l’espèce.

2. Il considère tout étranger comme un ennemi et s’efforce de s’en faire craindre. La 230

crainte : la cause du courage, entendu comme qualité consistant à sauvegarder non


seulement soi-même mais aussi sa famille. De là la guerre non provoquée et la
cruauté. Soif de vengeance. Aspiration au droit.

3. Il est méfiant envers les étrangers et sournois. 231

Les animaux aussi tirent profit de ces caractères. 232

4. Se sépare de la communauté qui est si grande qu’elle lui retirerait son importance, 233

et répugne à l’union civile. Ainsi la liberté sauvage. Hippah en Nouvelle Zélande.

1re fin : cette insociabilité fait se propager les hommes sur la terre. 2e fin : il doit 234

entrer dans la société civile. Pour cela, il a des mobiles :

https://www-cairn-info.acces.bibliotheque-diderot.fr/article_p.php?ID_ARTICLE=PUF_CASTI_1990_01_0244 17/21
20/04/2018 Réflexions sur l’anthropologie (AK, XV)

A. Les hommes sont contraints de s’unir dans des sociétés plus grandes (peuples) 235

pour devenir capables de résister aux autres ou encore de les prévenir. Mais ce n’est
encore qu’une nation de sauvages.

B. Etant proches les uns des autres, chacun se heurte fréquemment au droit des 236

autres. Ils ont besoin de juges, les Anciens.

C. En nombre, les hommes peuvent se rendre des services mutuels. Des familles plus 237

grandes réunies sous un chef deviennent plus puissantes que les petites. Inégalité des
biens. Les commodités de la vie et les dépenses augmentent, se réduisent chez les
autres. Ces derniers sont au service des puissants. Famulus domesticus. Inégalité des
classes. En haut de l’échelle : qui se fait servir ; en bas : qui sert.

D. Les puissants entrent en rivalité et discorde et ne peuvent pourtant pas quitter le 238

sol. Guerre intestine ; et pour finir, un chef et des lois communes. Mais le pouvoir est
encore insuffisant, d’où bien souvent l’anarchie ; pour finir :

E. Constitution civile : liberté, loi, pouvoir. 239

F. Parce que la loi de la liberté réclame beaucoup de la raison, les premiers 240

gouvernements sont barbares. Loi et pouvoir sans liberté, ou bien liberté et loi sans
pouvoir irrésistible. Le premier demeure brut : Mexicains. Orient. Le deuxième se
détruit lui-même et est absorbé par les autres. Liberté polonaise.

Dans la société civile : culture du goût, luxe, développement de tous les talents. Mais 241

également toutes les formes de la misère, qui ne provient pas d’un besoin naturel, la
violence qui est faite aux inclinations naturelles, le vice et la vertu, l’oppression mais
aussi le peuplement, l’état florissant dans l’ensemble et la misère dans les parties.

L’homme a perdu l’instinct mais n’a pas encore adopté la loi de la raison. Il perd la 242

liberté sans être encore sous la protection de la loi. Il n’aime que soi et doit pourtant
travailler au bien général. Il devient raffiné, civilisé et n’est pas encore moralisé.
L’ultime développement ne va pas du même pas que le premier.

C’est du fait que tous les hommes cherchent la suprématie les uns sur les autres que 243

vient tout le mal mais aussi tout le bien de la culture. En soi la nature est ici sage.
Comment cela a été le mobile du peuplement de la terre et des sociétés, de la
constitution civile et de tous les arts.

La paresse, la lâcheté, la fausseté sont les mobiles. 244

1523 (1780-89) (...) Le bonheur ne peut se rencontrer dans ce processus, d’où tous les 245

maux et tout le mal, parce que la destination naturelle et la destination morale, la


nature et la culture se contrarient. Il abandonne la première qui est une organisation
conforme à une fin et n’a pas encore lui-même institué selon un système une nouvelle
organisation conforme à une fin.

Comment instituer ce système du bonheur qui s’accorde parfaitement avec la nature 246

brute et où l’art consommé revient à la nature. Rousseau exalte la nature, et elle est
aussi notre point de référence dans tout art : à savoir de ne pas lui faire violence mais
de la faire se développer jusqu’à la perfection. Fleurs, fruits nouveaux.

On peut aussi avancer en aveugle et sans plan dans la culture, et la nature n’a pas 247

laissé cela non plus à notre choix. Mais si nous en avons presque terminé avec cela,
alors il faut faire un plan : celui de l’éducation, du gouvernement, de la religion, où le
bonheur et la morale constituent le point de référence.

1524 (1780-89) Histoire de l’espèce humaine. 248

Préjugé dommageable : qu’il en a toujours été ainsi et qu’il en sera toujours ainsi. La 249

nature demeure, mais nous ne savons pas encore ce qu’est la nature et devons
supposer d’elle le meilleur.

https://www-cairn-info.acces.bibliotheque-diderot.fr/article_p.php?ID_ARTICLE=PUF_CASTI_1990_01_0244 18/21
20/04/2018 Réflexions sur l’anthropologie (AK, XV)

On peut considérer comme la fin de la nature que toute créature atteigne sa 250

destination par le fait que toutes les dispositions de sa nature se développent


conformément à leurs fins, et en particulier que, non seulement l’espèce, mais aussi
tout individu finisse par atteindre sa totale destination. Chez les animaux, l’individu
l’atteint immédiatement ; chez les hommes, seule l’espèce, au long des générations,
mais au bout du compte, à travers elle, chaque individu.

En quoi consiste cette destination ? 1. dans le développement de toutes les 251

dispositions naturelles, en tant que créature raisonnable, avec toute la culture de ses
talents. 2. libre non seulement pour soi, mais dans la société, dans la discipline la plus
parfaite de sa liberté par des lois. 3. d’être heureux, en étant lui-même l’artisan de son
bonheur et en le fondant sur des principes du bien universel. Ainsi <lacune>
personnel, civil, cosmopolitique. [6]

1. La plus grande habileté. 2. La plus grande liberté légale (liberté et égalité). 3. La 252

plus grande moralité.

1. cultivé. 2. civilisé. 3. moralisé. 253

Où en est-on maintenant ? a) au plus haut degré cultivé, b) seulement à moitié 254

civilisé, c) dans l’ensemble, presque pas moralisé.

1. Notre culture n’est, sans plan, plus animée que par le luxe (luxe dans les sciences, 255

on apprend tout les uns des autres), non par le but du mieux commun. D’où
l’accroissement des besoins, des soucis, du travail, de l’inégalité et des peines. 2.
Notre civilisation, imposée de force comme un effet de la contrainte, non de la façon
de penser, est encore bien loin de la perfection du citoyen, c’est-à-dire de la vraie
liberté et égalité sous des lois sages. Nous sommes raffinés et polis, mais sans esprit
civique (civilisés). L’homme n’était pas destiné à former, comme le bétail, un
troupeau, mais comme les abeilles, une ruche. Mais dans un cas, la nature a fait le
plan, dans l’autre, nous devons le trouver nous-mêmes. Jusqu’à présent l’institution
civile a dépendu davantage du hasard et de la volonté du plus fort que de la raison et
de la liberté (Angleterre). 3. Nous avons des mœurs sans vertu, de la sociabilité au
lieu de la droiture, de la vanité plutôt que le sens de l’honneur. La preuve en est que le
vice, même quand il se fait scandale, peut se risquer hardiment dans notre société et
que nous n’y répugnons pas, si seulement aucune honte publique ne s’y attache.

Le dernier moyen : un bon droit des peuples, jus gentium. St Pierre (sic). 256

Les moyens du perfectionnement sont l’éducation (dans la culture), la législation 257

(dans la civilisation) et la religion (morale). Toutes trois publiques, afin que le tout
croisse en perfection. Toutes trois libres, parce que rien de contraint n’a de durée.
Toutes trois conformes à la nature, et par conséquent négatives.

Toutes trois doivent viser à la moralisation. 258

1. L’éducation négative présuppose que l’homme, étant enfant, soit bon, que nous 259

veillions par-dessus tout à ne pas lui gâter ses talents par l’imitation, son inclination
et son choix par la contrainte, ses mœurs par l’exemple et l’incitation.

2. La législation négative ne tente pas de maintenir, pour ainsi dire, les enfants dans 260

la passivité (à la manière des Jésuites du Paraguay), mais les laisse se faire soi-même,
prend seulement soin de leur liberté sous des lois simples, puisées dans la raison
naturelle. Avant tout celles qui œuvrent en faveur de la moralité.

3. La religion négative ramène tout au concept simple d’une conduite agréable à Dieu. 261

Supprime les prêtres et laisse seulement les hommes de religion. Elimine les statuts
et ne laisse subsister que la prescription de la raison, et elle est aussi claire au plus
simple qu’au plus savant.

Enfants dans trois situations : 1. enfants d’un père de famille 2. d’un souverain 3. d’un 262

père spirituel. N’en sort pas.

https://www-cairn-info.acces.bibliotheque-diderot.fr/article_p.php?ID_ARTICLE=PUF_CASTI_1990_01_0244 19/21
20/04/2018 Réflexions sur l’anthropologie (AK, XV)

Nous sommes dans une triple minorité : 263

1. La minorité familiale, comme enfants, et sommes élevés comme si nous devions 264

rester mineurs toute notre vie : ne pas penser par nous-mêmes, mais nous rendre au
jugement d’autrui, ne pas choisir nous-mêmes, mais d’après des exemples, (ne pas
être condamnés ou acquittés selon le jugement de notre propre conscience, mais par
la sentence des ecclésiastiques).

2. Une minorité civile. Nous sommes jugés selon des lois que nous ne pouvons pas 265

connaître toutes et d’après des livres que nous ne comprendrions pas. Notre liberté et
propriété est soumise à l’arbitraire du pouvoir, qui n’existe pourtant que pour
conserver la liberté et simplement créer, par la loi, l’unanimité sur elle. Cela nous a
mis en un tel état de minorité que, si cette contrainte cessait, nous ne pourrions nous
gouverner nous-mêmes.

3. Une minorité pieuse. D’autres, qui comprennent la langue des Saintes Ecritures, 266

nous disent ce que nous devons croire ; nous n’avons pas de jugement propre. A la
conscience naturelle se substitue une conscience artificielle qui se dirige selon la
sentence des doctes ; aux mœurs et à la vertu se substituent des observances.

La condition d’un perfectionnement général est la liberté de l’éducation, la liberté 267

civile et la liberté religieuse, mais nous n’en sommes pas encore susceptibles.

[1] Le «  patriotisme  » change de sens et de valeur selon qu’il désigne un mode de gouvernement (voir

infra, Réflexion 8054) ou qu’il est synonyme de nationalisme (voir infra, Réflexion 1430).

[2] Sur le jugement que Kant porte sur l’Angleterre, voir infra les Réflexions 1444 et 8077.

[3] Cf. note (1) sur la Réflexion 1353.

[4] Cf. les toutes premières lignes du Projet de paix perpétuelle.

e
[5] Cette Réflexion est très vraisemblablement un brouillon du début de la 2 section du Conflit des facultés.

[6] On peut entendre ici «  l’amélioration personnelle, civile et cosmopolitique  » correspondant, dans

l’ordre, aux trois distinctions énoncées immédiatement après.

https://www-cairn-info.acces.bibliotheque-diderot.fr/article_p.php?ID_ARTICLE=PUF_CASTI_1990_01_0244 20/21
20/04/2018 Réflexions sur l’anthropologie (AK, XV)

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - 140.77.168.36 - 20/04/2018

https://www-cairn-info.acces.bibliotheque-diderot.fr/article_p.php?ID_ARTICLE=PUF_CASTI_1990_01_0244 21/21

Вам также может понравиться