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Algies faciales
G. Thiéry, E. Sagui, L. Guyot

La face est le support sensoriel le plus riche du corps. Anatomiquement, le trijumeau ou V, par ses trois
branches, est responsable de son innervation sensitive. Les algies faciales, exacerbations sensitives, sont
donc fréquentes et variées. Le stomatologue et chirurgien maxillofacial est souvent confronté aux algies
faciales. Il doit les diagnostiquer. La clinique est en général suffisante. Certaines pathologies sont de son
ressort comme les syndromes algodysfonctionnels de l’appareil manducateur (SADAM). Pour les autres, il
doit aiguiller son patient vers d’autres spécialistes : neurologues, ophtalmologues, odontologues, ou oto-
rhino-laryngologistes. Le traitement des algies faciales fait appel au traitement antalgique général. Pour
certaines pathologies, le traitement est plus spécifique.
© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Douleurs de la face ; Douleur orofaciale ; Algies faciales ; Odontalgies ;


Dysfonction temporomandibulaire

Plan leur prise en charge diagnostique et thérapeutique. Notre exposé


se décompose en deux grandes parties : dans un premier temps
diagnostiquer pour ensuite traiter au mieux et au plus actuel.
¶ Introduction 1
L’algie faciale se définit comme une douleur de la face. Elle
¶ Algies faciales neurogènes ou névralgies de la face 3 est le plus souvent associée à des douleurs du crâne ou cépha-
Névralgies du trijumeau (V) 3 lées, dans le cadre des algies craniofaciales. Ces céphalées
¶ Algies faciales vasculaires 4 constituent un diagnostic différentiel et ne sont pas traitées ici.
Dissections des artères cervicoencéphaliques 4 Par opposition, il serait plus juste d’utiliser le terme d’algie
Maladie de Horton ou céphalée avec artérite gigantocellulaire 4 orofaciale.
Algies vasculaires de la face 5 Les algies faciales sont recensées dans plusieurs classifications
¶ Algies faciales stomatologiques, oto-rhino-laryngologiques comme dans l’International Headache Society (IHS) [4] ou
et ophtalmologiques 7 l’International Association for the Study of Pain (IASP) [5]. Cette
Algies faciales stomatologiques 7 dernière définit la douleur comme « une expression sensorielle
Algies oculaires 8
et émotionnelle désagréable associée à une lésion réelle ou
Algies otorhinologiques 8
potentielle des tissus, ou décrite en termes d’une telle lésion ».
Elle met en avant la subjectivité du vécu de la douleur, son
¶ Algies faciales dans le cadre des dysfonctionnements de l’appa- caractère symptomatique ou non et ouvre en grand le caractère
reil manducateur (DAM) 8 idiopathique de certaines douleurs. Ces données reposent sur
Douleurs articulaires 8 l’anatomophysiopathologie de cette région richement innervée.
Douleurs musculaires 9 Les trois branches du nerf trijumeau (V) (Fig. 1) rejoignent le
¶ Douleurs orofaciales idiopathiques 9 complexe sensitif du trijumeau situé au niveau du tronc
Algie faciale atypique 9 cérébral, complexe schématiquement composé du noyau
Odontalgie atypique 9 principal (relais de la sensibilité discriminative) et du noyau
Stomatodynie (glossodynie ou “burning mouth syndrome”) 10 spinal (noyaux oral et caudal, relais des informations nocicep-
Myalgie orofaciale idiopathique 10 tives). Le noyau caudal est composé de neurones nociceptifs
¶ Thérapeutiques 10 spécifiques répondant à des stimulations douloureuses, et des
Traitement des algies faciales neurogènes 10 neurones convergents répondant à des stimulations multiples
Traitement de l’algie vasculaire de la face 11 (mécanique, thermique, chimique) provenant de sphères
Traitements des dysfonctionnements de l’appareil manducateur 11 différentes (muqueuse, orale, sphère myoarticulaire, méninge...)
Traitement des douleurs orofaciales idiopathiques 12
et se projetant de manière étendue sans respecter l’organisation
trigéminée en trois branches. Cette particularité associée à la
contiguïté existant entre ce noyau et les cornes médullaires
postérieures de C1-C3 explique la fréquence des douleurs
projetées au niveau orofacial et cervical. Les autres nerfs sensitifs
■ Introduction participant à la douleur orofaciale sont le nerf glossopharyngien
IX (paroi pharyngée, langue, palais postérieur, amygdale,
L’algie faciale est un motif fréquent de nos consultations. tympan), le rameau laryngé supérieur du nerf pneumogastrique
Huit à 10 % de la population en souffre [1, 2]. Les femmes sont X (larynx), le plexus cervical superficiel (partie postérieure du
deux fois plus concernées que les hommes [3]. À cette fréquence crâne, pavillon de l’oreille et cou) et le rameau sensitif du nerf
s’ajoute la diversité des étiologies ; c’est dire l’importance de intermédiaire de Wrisberg VII bis (conque). Les convergences

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Cortex (frontal, angulaire, somatosensoriel, insulaire)

(noyau ventro-postéro-médian
Thalamus
groupe postérieur)

V1
Ganglion Noyau
de Gasser principal

Sous-noyau
oral
V2 Complexe
sensitif
du trijumeau
Noyau
Sous-noyau spinal
Plexus cervical interpolaire
V3

Sous-noyau caudal

Figure 1. Territoire sensitif du trijumeau et organisation du complexe sensitif du trijumeau et de ses connexions. V1 : nerf ophtalmique ; V2 : nerf maxillaire ;
V3 : nerf mandibulaire (d’après Dallel et al. 2003).

plurielles du nerf trijumeau avec les nerfs cervicaux, les autres • Le caractère de la douleur (en « éclair », en « coup de poi-
nerfs crâniens et les fibres du contingent sympathique expli- gnard », électrique dans les névralgies, en « étau », pulsatile
quent partiellement les tableaux sémiologiques complexes dans les migraines).
parfois associés. Parallèlement, la plasticité, propriété exprimée • La durée de la douleur (secondes, minutes ou heures). Les
par les neurones à convergence des sous-noyaux caudal et oral douleurs qui durent plus de 6 mois sont qualifiées de chro-
du complexe sensitif du trijumeau, peut modifier durablement niques ou de douleur-maladie.
les messages nociceptifs provenant de la périphérie. Cette • La fréquence des accès douloureux (par jour, semaine ou
modulation est une caractéristique de la douleur chronique. mois, intervalle libre entre les crises).
Enfin, la sensation douloureuse ne peut être imputée seulement • L’évolution dans le temps (âge de début, période d’accalmie,
à la transduction des nocicepteurs. Elle est aussi élaborée par la aggravation récente).
modulation centrale [6]. • Les facteurs déclenchants (soins dentaires, mastication, effort,
La face est donc une véritable « tour de Babel » sensitive et froid, prise d’alcool dans les algies vasculaires, existence de
sensorielle. La richesse de la symptomatologie, empruntant à trigger zone dans les névralgies, manque de sommeil, stress,
plusieurs spécialités, peut expliquer le nomadisme de certains traumatisme, médicaments...).
patients. À ce titre, elle constitue un véritable problème de santé • L’existence de prodromes (signes annonciateurs de la douleur,
publique (arrêt de travail, coût direct...). Depuis la loi de
irritabilité, troubles de l’humeur, l’aura des migraines).
mars 2002, il existe un support législatif précisant : « Toute
• Les signes d’accompagnements (douleur de localisation
personne a le droit de recevoir des soins visant à soulager sa
extrafaciale, nausées, vomissements, phénomènes vasomo-
douleur. Celle-ci doit être en toute circonstance prévenue,
teurs et sécrétoires des algies vasculaires, signes digestifs dans
évaluée, prise en compte et traitée. » (Art. L. 1110-5) [7].
les migraines...).
Sans prétendre à une stricte réalité physiopathologique, nous
• Les traitements ou moyens de soulagement déjà institués et
proposons de diviser les algies faciales en cinq groupes :
• algie faciale neurogène ; leur efficacité.
• algie faciale vasculaire ; À l’issue de cet interrogatoire, une orientation diagnostique
• algie faciale stomatologique, otorhinolaryngologique et est souvent obtenue. Si une étiologie neurologique est évoquée,
ophtalmologique ; le plus souvent migraine ou processus intracrânien, le patient
• algie faciale des articulations temporomandibulaires ; est adressé chez le neurologue. On peut considérer que les
• douleurs orofaciales idiopathiques. douleurs qui apparaissent brutalement ou s’aggravent rapide-
L’examen clinique doit être méthodique. Il dure plus de ment témoignent d’une affection nécessitant des investigations
30 minutes. Il débute par l’interrogatoire. Il est toujours plus urgentes. En revanche, les algies faciales qui évoluent par crises
difficile chez des patients ayant déjà consulté, à forte compo- avec un intervalle libre, ne s’aggravant pas, sont le plus souvent
sante psychologique, ou chez les sujets à des douleurs chroni- bénignes.
ques. Cet interrogatoire est complété par l’examen clinique :
• Le siège de la douleur (face exclusive, crâne, en hémicrânie • inspection à la recherche d’érythème, d’éruption cutanée ;
dans les migraines, rétro- ou périorbitaires, diffuse ou précise • palpation soigneuse de la face, en particulier les articulations
dans les névralgies du trijumeau). Il faut demander au patient temporomandibulaires, et du cou avec recherche de points
de pointer du doigt la localisation, précise dans les névralgies, douloureux électifs. Palpation des muscles de l’appareil
diffuse dans les douleurs myofaciales. manducateur (temporal, masséter, stylohyoïdien, digastrique,
• Le côté de la douleur (unilatérale, toujours du même côté ou ptérygoïdien médial et latéral), palpation douce des globes
alternante, bilatérale). oculaires ;
• L’intensité de la douleur, évaluée par sa description, son • étude de la sensibilité dans le territoire du trijumeau ;
retentissement psychologique dans la vie de tous les jours, • examen endobuccal : ouverture buccale, état dentaire,
arrêt de travail, réveil nocturne, utilisation d’outils telle parodontal ;
l’échelle visuelle analogique (EVA). • étude neurologique des paires crâniennes (de I à XII).

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À l’issue de ce long examen, dans 90 % des cas, le diagnostic Les accès douloureux durent quelques secondes et sont
est réalisé. Un réseau neural artificiel (Artificial Neural Network) groupés en salves pouvant atteindre 1 à 2 minutes. La fréquence
basé sur un questionnaire binaire de 18 questions a été récem- est de 1 à 10 salves/j. Une période réfractaire sans douleur suit
ment expérimenté. Il permet de déterminer l’étiologie des algies chaque accès. La douleur est essentiellement diurne.
faciales dans 95 % des cas [8]. Les douleurs surviennent spontanément ou après stimulation,
Ainsi en dehors des urgences neurologiques ou de formes attouchement ou palpation d’une zone « gâchette » (trigger zone)
atypiques (scanner cérébral et/ou imagerie par résonance qui se situe souvent dans le territoire douloureux.
magnétique [IRM] et/ou ponction lombaire), les examens Les excitations peuvent être indirectes : autre territoire,
complémentaires sont fonction de l’étiologie suspectée (panora- stimulation sensorielle (lumière vive, bruit), situation de la vie
mique dentaire...) et n’ont pas d’indication en urgence. quotidienne (élocution, rire, mastication), imposant aux
patients des conduites d’évitement et une attitude figée.
L’examen clinique est strictement normal, ne retrouvant en
■ Algies faciales neurogènes particulier aucune hypoesthésie dans le territoire du V.

ou névralgies de la face
Elles intéressent les nerfs sensitifs, essentiellement les
branches du nerf trijumeau et le nerf glossopharyngien. Ces
névralgies peuvent être essentielles ou symptomatiques (secon-
“ À retenir
daires à une pathologie précise).
Les branches du nerf trijumeau sont les suivantes. Critères cliniques décrits par l’International
• L’ophtalmique (V1) innerve le territoire cutané de la partie Headache Subcommittee
antérieure de la région temporale supérieure et du dos du nez, A. Crises paroxystiques de douleurs faciales durant de
ainsi que le philtrum. Le territoire muqueux comporte les quelques secondes à moins de 2 minutes, concernant une
sinus frontaux, sphénoïdaux, postérieurs ainsi que le septum ou plusieurs branches du V.
nasal. Il transmet également la sensibilité de l’œil, surtout B. Douleur ayant au moins une des caractéristiques
conjonctive bulbaire et palpébrale. suivantes :
• Le nerf maxillaire (V2) innerve le territoire cutané de la partie 1. intense, aiguë, superficielle, à type de « coup de
moyenne de la région temporale, pommette, lèvre supérieure, poignard » ;
aile du nez et vestibule de la fosse nasale. Le territoire 2. déclenchée par la stimulation de zone gâchette, ou par
muqueux comprend la voûte palatine et le voile du palais,
certaines activités quotidiennes (manger, parler, se raser,
l’orifice tubaire, le sinus maxillaire et en partie la fosse nasale,
les gencives et les dents du maxillaire.
se laver les dents).
• Le nerf mandibulaire (V3) est la seule branche mixte. Elle C. Crises identiques pour un même patient.
assure la sensibilité des faces antérieures et supérieures de la D. Pas de déficit neurologique associé.
joue, la lèvre inférieure, du menton et de la partie antérieure E. Pas d’attribution à d’autres pathologies.
du pavillon de l’oreille. Le territoire muqueux comprend les
deux tiers antérieurs de la langue à l’exception de la sensibi-
lité interne de la joue et du plancher de la bouche, les
gencives et les dents de la mandibule. Elle est motrice pour L’évolution est discontinue et variable. Un patient sur deux
les muscles masticateurs. ne présente pas plus de deux accès, et 28 % plus de quatre.
Dans d’autres cas, la fréquence tend à augmenter avec le temps.
Névralgies du trijumeau (V) Les épisodes douloureux deviennent plus sévères et plus longs.
Lorsque les caractéristiques et le profil de la douleur sont
Névralgie essentielle du trijumeau typiques, aucun examen en théorie n’est nécessaire pour
affirmer le diagnostic. En revanche, il est de règle de prescrire
Le terme de névralgie faciale doit être réservé exclusivement une IRM pour éliminer une cause inflammatoire ou confirmer
à la névralgie du trijumeau. Le diagnostic repose sur le terrain, la présence d’un conflit vasculonerveux. L’efficacité de la
les caractères de la douleur, l’examen clinique. carbamazépine (Tégrétol ® ) a également valeur de test
thérapeutique.
Prévalence
Les formes cliniques sont variables :
Décrit par Andre en 1756 [9], on le nomme également « tic • formes bénignes où les périodes douloureuses sont espacées et
douloureux de Trousseau ». Son incidence est faible (4,5/ brèves ;
100 000) [10]. Exceptionnelle chez l’adulte jeune, elle survient • formes vieillies, se chronicisant avec un fond douloureux
plus volontiers chez les femmes après 50 ans, avec un sex-ratio permanent ;
de 3 : 2 [11]. Cette incidence atteint 25,6/100 000 après l’âge de • formes avec orage vasomoteur associant larmoiement et
70 ans. Des formes familiales se retrouvent dans moins de 5 % rhinorrhée, surtout dans les formes très douloureuses ou
des cas [12]. chronicisées, à ne pas confondre avec les algies vasculaires ;
• formes bilatérales représentant 3 % des cas, et jamais simul-
Caractères de la douleur
tanément ;
La localisation est strictement unilatérale, intéressant le • formes résistantes d’emblée ou secondairement au traitement
territoire d’une des branches du trijumeau. Dans plus de la médical.
moitié des cas, il s’agit de la branche maxillaire V 2 , plus L’étiopathogénie avance plusieurs hypothèses : des zones de
rarement la branche V3, et exceptionnellement la branche V1 (< démyélinisation au niveau du ganglion ou sur le trajet périphé-
5 %) [13]. rique du nerf pourraient être à l’origine d’activités électriques
À chaque accès, la douleur atteint le même territoire. Plu- anormales dans les fibres nociceptives ; un couplage entre fibres
sieurs branches peuvent être touchées en même temps, parfois non douloureuses et douloureuses ou un dysfonctionnement de
même les trois branches. type neuropathique pourrait induire une réponse exagérée à des
La douleur est atroce, en éclairs fulgurants, décharges électri- stimulations non nociceptives périphériques (trigger-zone) ; un
ques, broiement, coup de couteau, arrachement. Pendant conflit vasculonerveux au niveau du ganglion trigéminal,
l’accès, le malade s’immobilise, se crispe, avec une décharge détectable parfois lors des séquences angiographiques de l’IRM,
clonique au niveau de l’hémiface (réflexe moteur appelé « tic pourrait être à l’origine des douleurs. Ces trois éléments ne
douloureux »). s’excluent pas.

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Névralgie symptomatique du trijumeau gauche. Elle est localisée à l’amygdale, au conduit auditif
externe, la base de langue, et irradie dans l’oreille et l’angle
C’est le diagnostic que l’on doit éliminer devant toute
mandibulaire. Des formes isolées otalgiques peuvent être prises
névralgie du V.
pour des formes otitiques ou tympaniques. La « zone gâchette »
Les névralgies symptomatiques ou secondaires s’opposent à la
est la muqueuse pharyngée et la région amygdalienne ; ainsi la
névralgie faciale essentielle par des caractéristiques sémiologi-
déglutition, la toux, la rotation de la tête, plus rarement la
ques :
parole, l’ouverture de la bouche, et non la mastication comme
• jeune âge du patient ;
dans la névralgie faciale. La douleur peut s’accompagner de
• douleur avec exacerbation mais persistance d’un fond dou-
toux, d’hypersialorrhée, de troubles du rythme cardiaque
loureux entre les crises ;
(syncope, hypotension artérielle).
• douleur à type de brûlures, d’arrachement, de dysesthésies ;
• absence de « zone gâchette » ;
Névralgie symptomatique du nerf
• localisation à plusieurs territoires du nerf trijumeau ; voire
bilatérale ; glossopharyngien
• présence de signes vasomoteurs. Elles sont plus fréquentes que les formes essentielles.
L’examen neurologique est anormal : Les étiologies peuvent être infectieuses (amygdalite, otite,
• abolition ou diminution du réflexe cornéen ; tuberculose), un cancer ORL (dysphonie, dysphagie, examen
• hypoesthésie dans le territoire du V ; ORL endoscopique et TDM pathologiques), une cause neurolo-
• parésie et amyotrophie des muscles temporaux et masséter ; gique (tumeur de la fosse cérébrale postérieure, neurinome, avec
• atteinte neurologique extratrigéminale (surdité et syndrome abolition du réflexe nauséeux, hypoesthésie, parésie du voile,
vestibulaire...). atteinte des autres paires crâniennes).
Un examen radiologique complémentaire est indispensable Le syndrome d’Eagle [15] ou stylalgie correspondrait à la
(IRM, tomodensitométrie [TDM], artériographie...). compression du nerf glossopharyngien par une hypertrophie de
On distingue les causes périphériques et les causes centrales. l’apophyse styloïde ou l’ossification du ligament stylohyoïdien.
Ces anomalies pourraient être la conséquence d’un traumatisme
Causes périphériques
ou d’une glossectomie. La douleur sourde du cou et de la gorge
• Les mononeuropathies sont des causes fréquentes. Parmi s’accompagne de dysphagie, d’otalgie, de sensation de corps
elles, la névralgie postzostérienne ou herpétique, caractérisée étranger oropharyngé. Elle peut prendre toutes les caractéristi-
par des brûlures et des dysesthésies persistantes plus de ques d’une névralgie du IX, avec la particularité d’une exacer-
3 mois après l’éruption cutanée du zona, le plus souvent la bation au tirage de langue. À l’examen, la palpation de la loge
branche ophtalmique. Le grand âge, l’immunodépression, le amygdalienne reproduit la symptomatologie et retrouve
traitement initial antiviral et antalgique insuffisant sont l’hypertrophie de l’apophyse styloïde. De même, l’atténuation
autant de facteurs péjoratifs. par injection d’anesthésique local est un bon test diagnostique.
• Les névralgies symptomatiques d’une lésion expansive L’orthopantomogramme montre les anomalies anatomiques. Le
(tumorale, infectieuse...) sont plus rares : la lésion est alors traitement repose sur la fracture au doigt de l’apophyse styloïde.
située au niveau de l’angle pontocérébelleux (neurinome de En cas d’échec, la résection chirurgicale par voie externe ou
l’acoustique VIII, cholestéatome), du rocher (postotitique), de interne doit être envisagée.
la région caverneuse (atteinte du V et des nerfs oculomo-
teurs), ou au niveau des ganglions de Gasser (neurinomes ou
méningiomes). ■ Algies faciales vasculaires
• L’anesthésie douloureuse des lésions tronculaires du V lors
des traumatismes faciaux, des chirurgies (stomatologique, On classe ces étiologies selon le degré d’urgence diagnostique,
sinusienne, carcinologique ORL) ou survenant après radio- du plus urgent au moins urgent.
thérapie est moins connue mais est sans doute sous-estimée.
Certaines douleurs sont assez bien identifiées, comme les Dissections des artères cervicoencéphaliques
odontalgies atypiques suite à des soins ou des extractions
dentaires, ou les névralgies sous-orbitaires par lésion du V2 Les dissections des artères cervicoencéphaliques (artères
lors des traumatismes du malaire ou postchirurgie sinusienne carotides et vertébrales) sont fréquemment responsables d’algies
ou orthognatique. Ces dysesthésies douloureuses sont à faciales. Souvent inaugurales, elles associent des céphalées
rapprocher des douleurs de désafférentation. Dans le cadre pouvant irradier à la face, des cervicalgies. Les dissections de
d’un dommage corporel, le patient peut majorer, consciem- l’artère carotide interne s’accompagnent d’un syndrome de
ment ou inconsciemment, ces algies post-traumatiques. Claude Bernard-Horner homolatéral, par atteinte du sympathi-
• Les polyneuropathies trigéminées au cours des connectivites que péricarotidien. Le diagnostic en urgence est confirmé par
sont de mécanisme inflammatoire ou dysimmunitaire. On l’échodoppler cervical, par l’IRM et l’angio-IRM cérébrale. Ces
rencontre surtout le lupus érythémateux, la sclérodermie, le dissections peuvent entraîner la survenue d’un accident isché-
syndrome de Sharp, et le syndrome de Goujerot-Sjögren. Leur mique cérébral ou oculaire, si elles ne sont pas traitées en
symptomatologie évolue progressivement ; elles peuvent se urgence.
bilatéraliser. Devant toute algie faciale atypique associée à un syndrome de
Claude Bernard-Horner, il faut éliminer en urgence une dissec-
Causes centrales tion de l’artère carotide interne.
Les pathologies se localisent au niveau bulbaire ou protubé-
rantiel : tumeurs, pathologie vasculaire de type accident Maladie de Horton ou céphalée
vasculaire central (syndrome de Wallenberg, syndrome bulbaire
médian), syringobulbie, et en particulier la sclérose en plaques avec artérite gigantocellulaire [16]
(SEP). L’incidence de la névralgie dans cette affection serait Elle doit être évoquée devant toute algie faciale et/ou cépha-
d’environ 4 %. La SEP est en fait la première étiologie des lée d’apparition récente chez un sujet de plus de 60 ans, en
névralgies trigéminales symptomatiques. particulier chez les femmes. La douleur est présente dans 60 à
90 % des cas, uni- ou bilatérale. Elle est le symptôme révélateur
Névralgie essentielle du nerf glossopharyngien le plus fréquent. Cette artérite gigantocellulaire atteint préféren-
(IX) [14] tiellement les artères de gros calibre, avec une prédilection pour
Cette névralgie est beaucoup moins fréquente que la névral- les branches de l’artère carotide externe. Les céphalées tempo-
gie du V, un cas de névralgie du glossopharyngien pour 70 à rales signent l’atteinte de l’artère temporale superficielle. La
100 cas de névralgie du V. Elle touche dans la même proportion douleur est permanente avec parfois des renforcements mati-
les adultes de plus de 60 ans. Elle en a les mêmes caractéristi- naux paroxystiques. Elle est exacerbée, à type d’hyperesthésie,
ques, douleur par crise. Elle est unilatérale, le plus souvent à par le contact avec le cuir chevelu (frottement du peigne, de

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l’oreiller, port de lunette, de chapeau...). Des signes purement Cette douleur s’accompagne de signes végétatifs homolaté-
orofaciaux peuvent amener le patient à consulter : douleur raux dans 95 % des cas, de fréquence décroissante :
linguale, claudication intermittente de la langue, odontalgies, • larmoiement ;
otalgies. Ils traduisent l’atteinte d’autres branches de l’artère • injection conjonctivale ;
carotide externe. Mais c’est la claudication intermittente de la • rhinorrhée, congestion nasale ;
mâchoire qui est un signe pathognomonique de la maladie de • œdème palpébral ;
Horton. Au bout de quelques minutes de mastication, le patient • syndrome de Claude Bernard-Horner incomplet, associant
ressent une fatigue, puis une douleur imposant l’arrêt provisoire myosis-ptosis (seul signe neurologique admis), le ptosis peut
de la prise alimentaire. Des signes à distance, telles des douleurs devenir permanent après un certain temps d’évolution ;
rhizoméliques aux ceintures scapulaires et pelviennes, sont • troubles transitoires du rythme cardiaque, tachy- ou brady-
rapportés dans la moitié des cas. Ce sont des signes également cardie ;
pathognomoniques. Ce tableau s’accompagne d’une altération • plus rarement une sudation de l’hémifront et de la face, une
de l’état général. saillie anormale de l’artère temporale, avec hyperpulsatilité et
À l’examen, on recherche des artères temporales indurées, hypersensibilité, dont la pression diminue la douleur.
dilatées avec des nodosités, et sensibles. Le pouls temporal peut
être diminué, voire aboli. Un œdème facial, peut être ressenti Périodicité des crises
par le patient, voire même constaté à l’examen clinique. Dans 90 % des cas, il s’agit d’accès douloureux épisodiques.
Le bilan biologique, en urgence, montre un syndrome Les crises surviennent en salves durant quelques semaines (de 3
inflammatoire avec une vitesse de sédimentation et une C à 15 semaines), toujours séparées par un intervalle libre de plus
reactive protein (CRP) augmentées. de 1 mois. La durée des crises varie de 15 à 180 minutes. Elle
Le diagnostic doit être confirmé histologiquement par la atteint l’acmé en 15 à 30 minutes. Leur fréquence est de une à
biopsie de l’artère temporale, réalisée du même côté que la huit crises ou salves/j. L’horaire est le plus souvent fixe,
douleur. nocturne ou matinal, réveillant le patient. Les périodes de
Une corticothérapie doit être démarrée sans attendre pour rémission se font souvent au printemps ou en automne. En
éviter les complications oculaires irréversibles : cécité par somme, il s’agit d’une douleur stéréotypée, pluriquotidienne,
obstruction de l’artère centrale de la rétine. Les autres compli- survenant à la même heure, salve de même durée et épisodes de
cations plus rares sont la nécrose de l’hémilangue, la nécrose plusieurs semaines. Des facteurs associés sont décrits, comme le
partielle du scalp, une paralysie oculomotrice. tabac (lien fort).
L’apparition d’algies faciales, sans étiologie évidente, chez un Le facteur principal déclenchant est l’alcool, mais seulement
patient de plus de 50 ans, doit conduire en urgence à la pendant les cycles. En dehors des crises, l’alcool n’a pas
réalisation d’un bilan biologique, à la recherche d’un syndrome d’influence. L’hypoxie (haute altitude, apnées du sommeil), le
inflammatoire. L’existence de ce signe biologique impose la stress, les dérivés nitrés, l’histamine par effet vasodilatateur sont
mise en route d’un traitement corticoïde, afin d’éviter les d’autres facteurs déclenchants.
complications oculaires les plus graves. L’examen clinique et neurologique, en dehors des crises, est
normal. Durant la crise, la recherche attentive de signes
Algies vasculaires de la face [17] neurovégétatifs face à une douleur paroxystique de la région
orbitaire est capitale pour diagnostiquer une AVF. La compres-
Les algies vasculaires de la face ou cluster headache (céphalées sion de l’artère temporale superficielle peut atténuer la douleur.
en « grappe ») font partie des céphalées trigéminodysautonomi- Rarement, en période intercrise, peuvent persister une hyperes-
ques. Elles ont en commun : thésie à la palpation et un ptosis.
• le caractère localisé et strictement unilatéral de la douleur, Le diagnostic est purement clinique. Les examens complé-
dans les territoires trigéminaux, ophtalmiques ou maxillaires ; mentaires sont normaux. C’est seulement dans les cas d’algies
• la survenue régulière d’accès intenses relativement brefs vasculaires de la face atypiques, ou dans les formes résistant au
pendant des périodes de durée variable ; traitement qu’est réalisée une IRM, pour éliminer les algies
• l’association à un dysfonctionnement sympathique. vasculaires de la face symptomatiques d’atteintes vasculaires ou
Malgré un apparent polymorphisme lié aux nombreuses d’expansion intracérébrale.
variétés topographiques, l’algie vasculaire de la face constitue
une entité sur le plan clinique, physiopathologique et thérapeu-
tique. Elle concerne 0,1 % de la population générale. Cette
fréquence faible ne reflète pas la réalité ; les diversités topogra-
phiques sont responsables d’une sous-estimation de cette
pathologie. Elle touche habituellement les hommes jeunes (sex-
“ À retenir
ratio homme/femme de 7/1). L’augmentation de la consomma- Critères diagnostiques d’algies vasculaires de la
tion tabagique féminine devrait modifier ce ratio (homme/ face selon l’International Classification of
femme de 2,5). L’âge de la première crise se situe entre 20 et Headaches Disorders [4].
40 ans.
A. Au moins cinq crises réunissant les critères B-D.
B. Douleur unilatérale, sévère à très sévère, orbitaire,
Symptomatologie clinique supraorbitaire et/ou temporale durant 15-180 minutes
La forme habituelle essentielle intéresse la région péri- et sans traitement.
rétro-orbitaire. La douleur peut irradier vers la tempe en C. La céphalée est associée à au moins un des signes
« branche de lunettes », la joue et la région infraorbitaire, la suivants survenant du côté de la douleur :
mâchoire, la narine, l’oreille, l’hémicrâne, et même dans 1. injection conjonctivale et/ou larmoiement ;
certains cas s’étendre jusqu’au cou ou l’épaule homolatérale. La 2. congestion nasale et/ou rhinorrhée ;
douleur est strictement unilatérale, de début brutal. Elle reste
3. œdème palpébral ;
identique pour un même patient dans 80 % des cas. Elle est
intense, pénétrante, à type de broiement, de pression ou de 4. sudation du front ou de la face ;
brûlure. La sévérité des crises est telle qu’elle induit une 5. myosis et/ou ptosis ;
agitation du patient. Il stoppe toute activité. Il présente un 6. sensation d’inquiétude ou agitation.
comportement moteur (marche forcée, tourne en rond, com- D. La fréquence des crises varie d’une crise, 1 jour sur 2, à
pression manuelle oculaire). Le patient décrit sa douleur de huit crises par jour.
façon imagée : fer rouge, lame pénétrante, horrible, « rat qui E. Les symptômes ne sont pas attribuables à une autre
ronge »...Avant les traitements actuels, elle pouvait conduire au pathologie.
suicide.

Médecine buccale 5
28-350-M-10 ¶ Algies faciales

Formes cliniques • l’hémicrânie continue [21] : topographie unilatérale, douleur


pulsatile, durée continue < 3 mois avec possibilité d’exacer-
L’algie vasculaire de la face chronique est caractérisée par des bation, fréquence de 5-12/j, sensible à l’indométacine
crises durant plus de 1 an, sans rémission ou avec des rémis- (Indocid®).
sions inférieures à 2 semaines. Elle représente 10 % des cas. Elle
succède le plus souvent à des formes épisodiques, mais dans Diagnostics différentiels
15 %, elle apparaît d’emblée. La réversibilité est possible. Elle est
Ils sont nombreux.
source de désocialisation, de syndrome dépressif.
• Les névralgies faciales essentielles ou secondaires, de localisa-
L’algie vasculaire de la face symptomatique, caractérisée par tion trigéminale, imprévisible, non périodique, à type de
une sémiologie clinique et un profil évolutif atypiques, et une décharge électrique, de quelques minutes, sensible à la
réponse partielle au traitement doit faire rechercher des atteintes carbamazépine.
vasculaires ou d’expansion intracérébrale comme un ménin- • Les douleurs ophtalmiques, en particulier le glaucome.
giome, une dissection ou un anévrisme artériel (vertébral, • Le syndrome paratrigéminal de Raeder ou de l’apex orbi-
carotidien intracaverneux), un adénome hypophysaire, une taire [22] qui associe une douleur névralgique ou pulsatile et
malformation artérioveineuse. une hypoesthésie dans le territoire du nerf ophtalmique, une
Les formes topographiques doivent être rattachées aux algies atteinte sympathique complète (syndrome de Claude Bernard-
vasculaires de la face par leur symptomatologie douloureuse. Horner).
Elles sont variables par leur localisation [18]. • Le syndrome de Tolosa-Hunt associe une ophtalmoplégie
(moteur oculaire commun), une douleur récidivante, parfois
• Syndrome de Sluder (1908) : racine du nez, région orbitaire, à bascule, sensible aux corticoïdes. Il existe un syndrome
palais, dents maxillaires, altération du goût dans deux tiers inflammatoire.
des cas. • Les affections stomatologiques ou d’origine dentaire.
• Syndrome de Charlin (1931) : angle interne de l’œil, racine et • Les algies post-traumatiques.
aile du nez, larmoiement avec photophobie, blépharospasme, • Les douleurs sinusiennes.
œdème conjonctival. • Les sphénoïdites, 99 % des cas d’origine infectieuse, avec des
douleurs rétro-oculaires associées à des douleurs du vertex.
• Névralgie du nerf vidien de Vail (1932) : racine du nez et
• Les céphalées du phéochromocytome : céphalées occipitales
région orbitaire.
intenses, accompagnées de tachycardie, d’hypertension
• Faciocéphalalgies autonomes de Bricknert et Riley (1935) : artérielle et d’une sudation importante.
vasodilatation hémicéphalique. • La migraine touche plus souvent la femme jeune ; les signes
• Névralgie ciliaire de Harris (1936) : tempe, joue et œil avec vasomoteurs et le syndrome de Claude Bernard-Horner sont
congestion oculaire. rares, la douleur est de topographie variable selon les crises
(unilatérale, bilatérale, à balance), précédée de prodrome ou
• Névralgie pétreuse de Gardner (1947) : région orbitaire aura, accompagnée de nausées, de photophobies. À l’agitation
externe avec irradiation jugale. motrice de l’algie vasculaire de la face s’oppose la recherche
• Syndrome de Montbrun-Benistry : région rétro-orbitaire, de l’isolement sensoriel du migraineux.
irradiation occipitale évoluant dans un contexte post- • Les céphalées idiopathiques dites de tension, dans un
traumatique. contexte psychologique particulier, augmentées par l’atten-
tion, douleur à type de pression céphalique, d’étau péricrâ-
Les formes frontières regroupent les algies chroniques, à nien.
caractère vasculaire, avec des signes vasomoteurs au premier • Les céphalées chroniques quotidiennes résultent de l’évolu-
plan, qui diffèrent des formes classiques par la périodicité, le tion de migraine ou de céphalées dites de tension qui ont
profil évolutif, la sensibilité à certaines thérapeutiques, la évolué, souvent dans un contexte d’abus médicamenteux ou
localisation anatomique, fonction des structures parasympathi- de traitement mal adapté. La céphalée est présente plus de
ques impliquées. Ces céphalées trigéminodysautonomiques sont 15 jours par mois, évoluant depuis plus de 3 mois, d’une
plus souvent symptomatiques et imposent une exploration durée quotidienne sans traitement de plus de 4 heures, sans
neuroradiologique (IRM couplée à une angio-IRM). Les étiolo- cause lésionnelle.
gies sont centrées sur le tronc cérébral, les régions orbitaires et
hypophysaires. Dans la classification IHS de 2004 [4], l’algie Physiopathologie
vasculaire de la face, l’hémicrânie chronique paroxystique et la
névralgie du V sont regroupées sous le terme de douleurs Elle fait intervenir des troubles vasomoteurs, similaires à ceux
trigéminovasculaires. de la migraine. À l’inverse de cette dernière, les artères concer-
nées seraient les diverses branches de la carotide externe et
Par ordre décroissant de fréquence, on décrit : notamment la maxillaire interne (artère temporale superficielle
• l’hémicrânie chronique paroxystique [19] : plus souvent la et méningée pour la migraine). La notion d’évolution en trois
femme, topographie temporo-orbitaire, douleur lancinante phases est classique :
térébrante, durée des crises de 2-45 minutes, fréquence de • phase de spasme artériel ou artériolaire responsable de
1-40/j. La pierre angulaire du traitement est l’indométacine, prodromes dans la migraine, silencieuse dans les algies
qui constitue un test diagnostique. La posologie oscille entre vasculaires de la face ;
50 et 200 mg/j, éventuellement sous couvert d’un protecteur • phase de vasodilatation correspondant à la phase céphalalgi-
gastrique. Les contre-indications à cette molécule peuvent que ;
bénéficier du vérapamil ; • phase œdémateuse caractérisée par un œdème de la paroi
artérielle avec troubles de la perméabilité vasculaire.
• le SUNCT syndrome (short-lasting unilateral neuralgiform
Le système trigéminovasculaire est à l’origine de la douleur ;
headache attacks with conjunctival injection and tearing) [20] :
activation parasympathique réflexe et controlatérale, lésion
topographie temporo-orbitaire, douleur en « coup de poi-
orthosympathique par distension de l’artère carotide. Depuis
gnard », durée de 5-250 secondes, fréquence de 1/j à 30/h ;
10 ans, l’hypothalamus est invoqué pour expliquer le caractère
• le cluster tic : débute comme une névralgie trigéminale cyclique et la périodicité.
essentielle, suivie par une symptomatologie typique d’algie Si le mécanisme neurovasculaire est bien établi, le primum
vasculaire de la face. Cette forme répond très bien aux movens des algies vasculaires de la face est toujours imparfaite-
antiépileptiques ; ment élucidé.

6 Médecine buccale
Algies faciales ¶ 28-350-M-10

■ Algies faciales stomatologiques, Parodontite apicale aiguë


Suite à une pulpite, la pulpe se nécrose et l’inflammation
oto-rhino-laryngologiques s’étend au périapex. La dent devient sensible à la pression, avec
et ophtalmologiques « sensation de dents longues ». Légère, elle devient de plus en
plus importante, continue, sourde et pénible.
Algies faciales stomatologiques [23] Abcès apical aigu

Douleur d’origine pulpaire (Fig. 2) Il fait suite à la parodontite apicale aiguë ou chronique non
traitée. Le pus s’accumule dans le périapex, responsable de
Hypersensibilité dentinaire douleurs intenses. Il existe souvent une tuméfaction, localisée
La douleur est déclenchée par le froid, les solutions hyperto- ou diffuse, fluctuante ou indurée.
niques (sucre par exemple). Elle est due à la disparition des Fêlures dentaires
barrières protectrices de la pulpe (émail, cément et dentine) due
à des caries, des maladies parodontales, l’abrasion, les trauma- Elles peuvent être à l’origine de toutes les lésions précédem-
tismes, les surfaçages radiculaires... ment décrites.
La symptomatologie est riche : de la gêne à la douleur vive à
Pulpite la mastication. Elle se localise préférentiellement aux molaires
La pulpite réversible, dont la sémiologie est identique à la mandibulaires et aux prémolaires maxillaires. On recherche la
précédente affection décrite, est due à l’inflammation légère restauration occlusale intéressant les crêtes marginales, des
responsable d’une hypersensibilisation nerveuse périphérique parafonctions et des fosses cuspidiennes profondes.
due aux molécules pro-inflammatoires. Elle résulte en général de Le diagnostic difficile fait appel au test de morsure sur un
la pénétration bactérienne dans les tubules exposés par des coton cuspide par cuspide, réveillant la douleur au relâchement
lésions carieuses, des restaurations non étanches. Elle peut après morsure. La transillumination par fibre optique ou le
également être liée à une irritation aseptique répétée (amalgame microscope opératoire peuvent être aussi utilisés.
par exemple). Le test au froid positif cesse dès l’arrêt de
l’application du stimulus. Douleurs post-traitement endodontique
La pulpite irréversible fait suite à la précédente, ou fait suite Elles sont présentes dans 15 à 25 % après préparation
à une inflammation chronique ayant évolué à bas bruit depuis canalaire.
des années.
La douleur est intense, spontanée et provoquée, durable, Douleurs de la muqueuse buccale et du parodonte
pulsatile, augmentée en décubitus. Le test au froid exacerbe la
douleur avec persistance à l’arrêt de cette stimulation. La Douleurs traumatiques
douleur est difficile à localiser. Le patient décrit la dent causale La lésion est une ulcération dont les étiologies sont nom-
en décrivant des épisodes antérieurs moins douloureux. Le test breuses : traumatismes mécaniques (frottements d’appareil
au chaud est le seul moyen de l’identifier. En cas de pulpite dentaire, dents délabrées, aliments durs, morsures, piqûres),
avancée, avec un desmodonte inflammatoire, le test de percus- traumatismes thermiques (boisson ou aliment), ou chimiques
sion exacerbe la douleur. (aliment pimenté, bain de bouche...).
La douleur peut irradier à une autre dent, on parle de
synalgie dentodentaire ; à la peau, on parle de synalgie dento- Douleurs infectieuses
cutanée, avec possibilité de pelade ; à la muqueuse, on parle de Elles sont souvent le reflet d’une hygiène buccale déficiente,
synalgie dentomuqueuse (dentonarinaire, dento-auriculaire, associée à une intoxication tabagique.
dentolaryngée). Elles peuvent être d’origine bactérienne. On trouve les
érosions, les stomatites, les gingivites.
• L’abcès parodontal aigu se développe à partir d’une poche
parodontale. Il faut le différencier de l’abcès apical aigu vu
précédemment. Au test du froid (dent sensible) l’origine est
parodontale.
• La gingivite ulcéronécrotique due aux bacilles fusiformes et
aux spirochètes se rencontre chez le jeune. La douleur est
intense. La gencive enflammée présente une nécrose des
papilles interdentaires, des saignements au contact, et est
recouverte d’une pseudomembrane nécrotique grise.
• Le syndrome du septum correspond à un tassement alimen-
taire interdentaire ou une obturation débordante. La mastica-
tion est douloureuse. La douleur à la pression de la papille
signe le diagnostic. Ce phénomène mécanique est responsable
d’une surinfection bactérienne secondaire.
• Les péricoronarites constituent des accidents d’évolution des
dents de sagesse.
• Les infections virales comprennent les infections herpétiques
par le virus herpes simplex (HSV1), qui touche les lèvres ; le
zona, résurgence du virus de la varicelle qui touche un réseau
du rameau trigéminal, par exemple maxillaire (gencive, palais,
joue, lèvre supérieure). Présentes surtout chez les patients
âgés, elles peuvent entraîner des séquelles douloureuses de
Figure 2. Territoires de projections douloureuses correspondant à une type neuropathique.
pathologie dentaire. Maxillaire supérieur : incisive = région frontale ; • Le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) est responsa-
canine et première prémolaire = région maxillaire ; deuxième prémolaire ble de douleur par allodynie mécanique et sécheresse buccale.
= aire sous-orbitaire ; deuxième prémolaire et première molaire : malaire ; À l’atteinte virale et bactérienne se surajoutent les effets
deuxième et troisième molaires = articulation temporomandibulaire et neurotoxiques iatrogènes des médicaments antirétroviraux.
oreille. Mandibule : incisive, canine, première prémolaire = corps mandi- • Enfin, les infections mycosiques candidosiques aiguës ou
bulaire ; deuxième prémolaire et première molaire = sous-maxillaire ; chroniques sont bien sûr très fréquentes, favorisées par la
deuxième et troisième molaires = région du cou. fatigue, ou la prise de corticoïdes ou d’antibiotiques.

Médecine buccale 7
28-350-M-10 ¶ Algies faciales

Douleurs d’origine immunologique ou auto-immune Algies otorhinologiques


Les aphtes touchent 20 à 25 % de la population. Ils sont Elles sont souvent mises en cause en excès. On distingue les
typiques, comme une ulcération de la muqueuse, solitaires ou sinusites aiguës ou chroniques.
groupés, de quelques millimètres de diamètre, à fond jaune Les douleurs des premières sont brutales, pulsatiles. La
beurre frais. En cas de regroupement en bouquets multiples, on douleur est posturale, le plus souvent unilatérale, majorée par la
parle d’aphtose. Ils peuvent être symptomatiques d’une maladie position penchée en avant, la pression du sinus, et s’accompa-
de Behçet. gne de jetage et d’une rhinorrhée purulente, avec des épisodes
Les maladies auto-immunes dont la polyarthrite rhumatoïde d’obstruction nasale, de larmoiement. Elles sont plus fréquentes
sont responsables d’atteintes des muqueuses et des glandes en fin de matinée et de soirée. Le diagnostic est confirmé par
salivaires avec xérostomie et surinfection. l’endoscopie nasale et l’imagerie des cavités nasosinusiennes.
Également responsable de sécheresse buccale, le syndrome sec La topographie est fonction des sinus atteints.
ou syndrome de Gougerot-Sjögren. • Sinusite maxillaire : la plus fréquente, douleur dans la région
Les maladies bulleuses auto-immunes ou non (érythème sous-orbitaire, irradiant dans tout le maxillaire et les dents
polymorphe, syndrome de Stevens-Johnson et syndrome de maxillaires. La douleur est accentuée par la pression du nerf
Lyell) provoquent dans la bouche des bulles suivies d’érosions sous-orbitaire. On distingue les sinusites maxillaires d’origine
douloureuses. dentaire (SMOD), par atteinte des dents antrales.
Le lichen plan buccal, touchant 1 à 2 % de la population, • Sinusite frontale : la plus violente, dans la région sus-
peut être douloureux lors des poussées associées à des périodes orbitaire, exacerbée par la pression de l’angle supéro-interne
de stress et d’anxiété. orbitaire, paroxysme essentiellement diurne.
Douleurs d’origine métabolique, nutritionnelle, • Sinusite ethmoïdale ou éthmoïdite : douleur généralement
hémopathique... peu importante, profonde, interorbitonasale, en pince-nez.
• Sinusite sphénoïdale : rare mais caractéristique, céphalée
Il s’agit souvent de brûlures rencontrées dans de nombreux intense postérieure, rétro-orbitaire, irradiant vers le vertex et
troubles généraux : diabète, anémie ferriprive, déficit en l’occiput.
vitamine B12, reflux gastro-œsophagien..., ou des chéilites au Les sinusites chroniques sont en général indolores, sauf lors
cours d’avitaminoses en B 2 , B, C ou PP et des carences des poussées aiguës.
martiales. Les otalgies sont le fait des otites, et concernent le plus
Douleurs d’origine cancéreuse souvent les enfants. Les otites externes présentent une douleur
lancinante, exacerbée par la mobilisation du pavillon auricu-
Plus de 20 000 nouveaux cas de cancer des voies aérodigesti- laire, elles sont parfois accompagnées de démangeaisons. Les
ves supérieures sont diagnostiqués en France chaque année, otites moyennes sont les otites séreuses, et les otites aiguës
causant plus de 10 000 décès/an. Devant toute douleur buccale, moyennes sont infectieuses. Les otites internes sont d’origine
en particulier chez un homme de plus de 55 ans, éthylotabagi- virale (oreillon, rougeole ou grippe) ou bactérienne (otite
que, présentant ou non une altération de l’état général, il faut moyenne mal traitée) et sont accompagnées de bourdonne-
éliminer un cancer. Les douleurs, de caractéristique variable, ments, de surdité et de vertige.
sont dans 19,2 % des cas le premier signe révélateur d’un
cancer [24].
Douleurs iatrogènes
■ Algies faciales dans le cadre
L’ensemble des soins peut entraîner des douleurs, traitement des dysfonctionnements
orthodontique, chirurgie orthognatique, blocage intermaxillaire.
Les alvéolites surviennent après des extractions dentaires, le
de l’appareil manducateur (DAM)
plus souvent après celle des dents de sagesse. On distingue Les DAM (ou SADAM pour syndrome algodysfonctionnel de
l’alvéolite sèche sans réaction infectieuse, de guérison sponta- l’appareil manducateur) forment une entité clinique extrême-
née, en une dizaine de jours, et l’alvéolite suppurée, survenant ment polymorphe qui affecte préférentiellement les sujets
le 5 e jour, de douleur moins prononcée dans un contexte jeunes féminins de 20 à 40 ans.
fébrile. Cette dernière nécessite une révision alvéolaire et une Les DAM sont un défaut d’adaptation de l’appareil manduca-
antibiothérapie. teur à un trouble de l’occlusion ou à une parafonction (crispa-
Les douleurs postmédicamenteuses sont nombreuses, et de tion des mâchoires, grincement des dents...), majoré par un
mécanismes divers : neuropsychotropes, antagonistes calciques, trouble d’ordre psychique ou général (stress).
antiparkinsonien, immunosuppresseur, radiothérapie, Il existe un terrain favorisant avec, comme facteurs de risque :
chimiothérapie. • un édentement postérieur avec un recul mandibulaire et une
diminution de la dimension verticale d’occlusion ;
Algies oculaires • une dysfonction ou une afonction (béance antérieure) du
guide incisivocanin (promandibulie compensée ou rétroman-
En fonction de la symptomatologie, plusieurs diagnostics dibulie avec version palatine des incisives supérieures) ;
doivent être évoqués. • perte des premières prémolaires maxillaires (extractions
• Œil rouge, avec larmoiement, blépharospasme, douleur souvent pratiquées pour corriger les encombrements dentai-
périorbitaire, photophobie, parfois baisse de l’acuité visuelle. res) responsable de rétrusion maxillomandibulaire ;
Il évoque une affection du segment antérieur de l’œil : • parafonctions par crispation des mâchoires, grincement de
glaucome aigu, urgence ophtalmique, ou subaigu par ferme- dents (bruxomanie), mastication unilatérale prédominante.
ture de l’angle, une kératite, une uvéite antérieure aiguë, une La sémiologie est riche.
sclérite. Les douleurs des DAM sont en rapport avec des troubles
• Œil blanc, avec douleur rétro-oculaire, altération de la vision, articulaires et/ou musculaires qu’il faut discerner avant de
et aggravation par les mouvements oculaires. Il évoque plus débuter le traitement.
volontiers une névrite optique, d’étiologies nombreuses.
• Les algies oculaires chroniques sont plus à mettre sur le
compte de trouble de la réfraction ou de glaucome chroni-
Douleurs articulaires
que. Les signes articulaires sont liés au déplacement discal qui se
• Les douleurs orbitaires avec exophtalmie, ophtalmoplégie, traduit au début par un claquement articulaire à l’ouverture et
déficit visuel, ou souffle vasculaire, orientent vers le diagnos- à la fermeture de la bouche (déplacement discal réductible). Au
tic de tumeur intraorbitaire, de pathologies orbitaires inflam- bout d’une certaine durée d’évolution, il peut se produire un
matoires, infectieuses, endocriniennes, voire de fistule épisode aigu avec des douleurs vives au niveau de l’articulation
artérioveineuse. temporomandibulaire (ATM) et un trismus. On parle alors de

8 Médecine buccale
Algies faciales ¶ 28-350-M-10

déplacement discal irréductible. Spontanément ou du fait du 60 ans). Des facteurs de risque ont été repérés, mais le lien exact
traitement (gouttière, rééquilibration occlusale), le déplacement avec la pathologie reste à préciser : facteurs hormonaux (rôle de
discal s’accompagne de l’apparition d’un nouveau disque la ménopause), traumatismes nerveux mineurs répétitifs, soins
(néodiscisation par métaplasie des tissus rétrodiscaux) et d’une dentaires, extractions...), et événement de vie. Mais l’origine
fonction articulaire satisfaisante avec disparition des douleurs. psychogène de ces affections a été remise en question. L’anxiété
Dans les cas défavorables avec des lésions importantes du comme la dépression ne sont que des facteurs de comorbidité
disque ou par absence de néodiscisation, il n’y a plus de (facteurs psychologiques, troubles de l’humeur : anxiété,
séparation entre les surfaces articulaires condylienne et tempo- dépression, ou psychosociaux) et sont donc les conséquences et
rale (arthrose temporomandibulaire) avec des douleurs, des non les causes de telles douleurs. Les patients souffrent de ne
bruits articulaires à type de crissements ou de frottements et des pas savoir la cause de leur douleur.
modifications osseuses importantes. Ces douleurs doivent bien évidemment rester des diagnostics
d’élimination.
Douleurs musculaires Ces mêmes auteurs ont proposé des critères diagnosti-
ques [26] :
Les douleurs musculaires sont liées aux spasmes musculaires • la douleur est buccale, péribuccale ou faciale et ne suit pas un
ou à leur diffusion. Elles s’accompagnent d’un trismus et de trajet nerveux ;
signes extramanducateurs. • la douleur est présente depuis plus de 4 à 6 mois ou revient
Le spasme du muscle masséter (essentiellement le faisceau périodiquement sous la même forme depuis plusieurs mois
profond) se manifeste par des douleurs jugales et se projette au ou années ;
squelette et aux dents maxillaires, à la mandibule et aux • la douleur est continue, présente pendant toute ou partie de
molaires inférieures, au sourcil, à la région auriculaire et en la journée et n’interfère pas ou peu avec le sommeil ;
avant de l’ATM. Le spasme du muscle ptérygoïdien latéral • la douleur ne présente pas de caractère paroxystique majeur ;
entraîne des douleurs en regard de l’ATM et sous l’arcade • il n’existe pas de cause organique indiscutable au vu de la
zygomatique. Il se projette également à la région maxillaire et clinique, de l’examen radiologique ou des examens de
au niveau rétro-orbitaire (sensation d’œil qui tire). Le spasme du laboratoire.
muscle temporal est responsable de douleurs crâniennes latéra- L’étiologie pourrait faire intervenir une sensibilisation
les avec des irradiations au squelette et aux dents maxillaires. Le d’interneurones centraux des noyaux du trijumeau par des
ptérygoïdien médial donne des douleurs à la face interne des stimuli nociceptifs antérieurs. Sur ceux-ci convergent des
angles mandibulaires qui se projettent dans la cavité buccale. afférences nociceptives et non nociceptives. À la suite de la
Les douleurs projetées au niveau des dents sont parfois sensibilisation centrale, les stimulations non nociceptives vont
responsables d’extractions intempestives de dents postérieures, aussi être perçues comme douloureuses, contribuer à entretenir
ce qui aggrave la symptomatologie des DAM par perte de calage la douleur chronique et à amplifier la topographie de la région
postérieur. douloureuse initiale. Il pourrait exister une sensibilité génétique.
L’extension du spasme aux autres muscles faciaux et cervi- Plusieurs centres cérébraux (noyaux thalamiques médians et
caux explique les signes extramanducateurs : signes otologiques latéraux, locus coeruleus), des aires corticales (cortex cingulaire
(acouphènes, sensation d’oreille bouchée) par spasmes des antérieur, préfrontal, l’insula, les amygdales, cortex somatosen-
muscles tenseurs du voile et du tympan, douleurs de la nuque, soriel) contribuent à activer la composante psychologique de la
du cou et des épaules, troubles de la posture craniorachidienne douleur chronique.
avec possibles sensations de déséquilibre objectivées par un
examen stabilométrique et signes ophtalmologiques (troubles de Algie faciale atypique
la convergence avec vision trouble intermittente).
Les explorations complémentaires ont pour objectifs de Elle touche la bouche, les maxillaires et la face. Elle peut être
confirmer le diagnostic et d’éliminer les autres causes de qualifiée d’horrible par le patient. Elle est décrite comme une
douleurs temporomandibulaires et de trismus. brûlure, un serrement, une constriction, un mouvement dans
Le cliché panoramique dentaire est demandé dans tous les l’os, un tiraillement. Elle est uniquement diurne. La mastication
cas. On retrouve des remaniements articulaires (tête condy- et la phonation peuvent être des facteurs aggravants. Il n’existe
lienne déformée, ostéolyse ou exostose de la fovea), des signes pas de zone gâchette. Avec le temps, les douleurs s’étendent au
d’hyperfonction musculaire (hypertrophie des angles mandibu- voisinage sans jamais respecter les territoires du trijumeau. Dans
laires, allongement du coroné) et des facteurs favorisants un cas sur trois, elles se bilatéralisent. Elles ont souvent été
dentaires (édentement molaire, perte dentaire avec égression précédées d’un microtraumatisme accidentel ou chirurgical
compensatrice). (dentaire, ORL, maxillofacial).
L’IRM est beaucoup plus performante que l’examen TDM. Cette douleur s’accompagne parfois de dysesthésie, de
L’IRM permet, avec des clichés dynamiques bouche fermée et paresthésie ou d’allodynie, d’hyperpathie. Un érythème ou un
ouverte, d’observer les modifications de l’appareil discal et des œdème peut également être présent, rarement une hyperther-
surfaces articulaires. mie locale.
Les patients peuvent rapporter des symptômes généraux :
cervicalgie ou lombalgie chronique, troubles digestifs fonction-
■ Douleurs orofaciales nels, troubles cutanés prurigineux ou dysménorrhée.
L’étiologie est inconnue.
idiopathiques On a pu décrire des facteurs psychologiques : dépression,
anxiété, cancérophobie, stress intense, événement professionnel
Ce sont des douleurs mal comprises, de mécanisme imparfai- ou familial stressant dans les 6 mois précédents.
tement identifié et de traitement difficile. Le profil psychologi-
que particulier des patients souffrants, leur demande pressante
de soulagement et l’impossibilité du praticien à y répondre
Odontalgie atypique
compliquent encore la situation. Apparaît alors un nomadisme Elle semble correspondre à la localisation dentaire d’une algie
médical (7,5 praticiens consultés en moyenne). Certains faciale atypique. L’odontalgie concerne une dent saine, le plus
tableaux cliniques sont cependant bien individualisés : l’algie souvent prémolaire et molaire du maxillaire. La douleur
faciale atypique, l’odontalgie atypique, la stomatodynie, et les continue est variable en intensité, sourde ou profonde. Elle n’est
myalgies orofaciales idiopathiques. En 2001, Woda et Pionchon pas déclenchée par des stimuli thermiques, chimiques.
ont proposé de regrouper ces quatre tableaux sous le terme de Elle évolue peu dans le temps. Élément important, elle n’est
douleurs orofaciales idiopathiques [25]. pas nocturne et résiste à l’anesthésique local. L’extraction
La fréquence de ces entités est difficile à préciser. Elles ont en abusive ne résout en rien cette douleur. Celle-ci migre à une
commun une prévalence féminine et intéressent l’adulte jeune autre dent. Des extractions en « dominos », responsables
le plus souvent (40-51 ans) sauf pour la glossodynie (après d’édentation totale, peuvent conduire à une véritable algie

Médecine buccale 9
28-350-M-10 ¶ Algies faciales

faciale atypique. Devant la persistance de la douleur après Traitement des algies faciales neurogènes
extraction, on parle de dents fantômes. D’autant que les
antécédents retrouvent souvent des traumatismes nerveux
Névralgie essentielle du trijumeau
dentaires : pulpectomies, extractions (3 à 5 % après soins
dentaires), chirurgie sinusienne. Une étiologie neuropathique Les moyens thérapeutiques sont médicaux et chirurgicaux.
pourrait donc être mise en cause. Sur le plan médical, les essais thérapeutiques se heurtent à la
faible prévalence de l’affection et l’aspect non éthique à tester
Stomatodynie (glossodynie ou “burning un placebo dans une pathologie des plus douloureuses qu’il soit.
mouth syndrome”) Ainsi, peu de molécules ont fait la preuve de leur efficacité, et
beaucoup sont utilisées par analogie avec d’autres types de
Il s’agit d’une entité douloureuse de la muqueuse buccopha-
douleurs. La carbamazépine (Tégrétol®) est la molécule la plus
ryngée, langue, palais, gencive, lèvres, pharynx, sans cause
organique. Le patient décrit une douleur continue, chronique, évaluée [28]. Les trois essais randomisés contre placebo dans la
le plus souvent bilatérale, symétrique, à type de brûlure. Sa névralgie du trijumeau rapportent une efficacité de 58 à 80 %.
forme la plus connue est sa localisation linguale, aux deux tiers Ses effets secondaires, expérimentés par 70 % des patients, sont
antérieurs (syndrome de la langue brûlante). Elle est diurne et principalement des troubles de l’équilibre, une somnolence, des
s’aggrave au cours de la journée, pour être maximale à l’endor- sensations ébrieuses, limitant son emploi [29] . La posologie
missement. Elle peut rarement être accompagnée de dysesthésies utilisée varie de 400 à 1 200 mg/j. Sur la base de séries de cas et
localisées de la muqueuse buccopharyngée, mais sans aucune non plus d’essais randomisés, les autres molécules sont :
lésion visible. Généralement spontanée, elle peut aussi être • l’oxcarbazépine (Trileptal®), prodrogue mieux tolérée de la
déclenchée ou aggravée par l’ingestion d’aliments épicés ou carbamazépine, mais source d’hyponatrémies parfois sympto-
acides. La prise de nourriture ou de boisson peut diminuer les matiques ;
sensations douloureuses (chewing-gum). Des signes subjectifs • la lamotrigine (Lamictal®), antiépileptique nécessitant une
comme sensation de soif, de bouche sèche ou de troubles titration d’au moins 1 mois, bien toléré sur le plan général
gustatifs accompagnent la douleur. Il faut écarter les causes mais pouvant très rarement entraîner un syndrome de
locales, radiothérapie, mucites postchimiothérapiques, xérosto- Stevens Johnson ;
mie due à des médicaments psychotropes et exclure les causes • le baclofène (Liorésal®), bien toléré en dehors d’une somno-
systémiques (syndrome de Sjögren, diabète, carence vitamini- lence dose-dépendante,
que). L’examen peut retrouver une langue animée de mouve- • la gabapentine (Neurontin®), utilisée avec succès bien que
ments incessants, donnant un aspect mousseux de la salive. son emploi repose sur l’analogie faite avec l’efficacité de cette
Ce syndrome touche les femmes, en postménopause, dans la molécule dans la névralgie postzostérienne. La posologie est
soixantaine, avec souvent une notion de cancérophobie. Son encore une fois individuelle, et la dose maximale de
étiologie serait neuropathique. 3 600 mg/j peut être nécessaire.
Les principaux effets secondaires consistent en des vertiges,
Myalgie orofaciale idiopathique un syndrome confusionnel et une possible prise de poids.
Les douleurs myofaciales les plus fréquentes au niveau de la Le traitement chirurgical fait appel à deux stratégies ; d’une
face le sont aux dépens des muscles de la manducation (massé- part, une stratégie ablative, qu’elle soit thermique, mécanique
ters, temporaux, ptérygoïdiens) et participent à l’ADAM. Les ou par rayonnement ; d’autre part, une stratégie chirurgicale
deux tableaux cliniques les plus typiques sont les céphalées de classique consistant en une décompression microvasculaire.
tension, appelées désormais céphalées idiopathiques, et les La thermocoagulation percutanée rétrogassérienne est la
arthromyalgies idiopathiques. Les douleurs sont diurnes, stratégie ablative thermique [30]. La lésion thermique est réalisée
maximales au réveil. L’intensité est fluctuante dans la journée à la jonction entre le ganglion de Gasser et la racine trigémi-
avec de fréquentes périodes de rémission. La douleur est sourde, nale, à une température située entre 60 °C et 70 °C.
locale, ressentie dans les muscles manducateurs, la zone Les principales complications sont [31] : l’anesthésie doulou-
auriculaire, l’ATM. Elle est aggravée par la mise en fonction de reuse (1 %), l’anesthésie cornéenne, source de kératite rebelle
la mandibule. À l’examen, on retrouve des cordes de tension (1,5 %), et une paralysie masticatrice, temporaire dans 20 % des
musculaire (bandes rigides) et des points gâchettes. La pression
cas, mais pouvant être persistante (2 %). La compression
de ces points accentue la plainte douloureuse et fait apparaître
percutanée du ganglion de Gasser par ballonnet est une techni-
des zones de douleurs référées, dont la topographie est spécifi-
que exposant à moins de complications mais grevée d’un taux
que du muscle concerné ; ptérygoïdien avec douleur dans la
d’échecs et de récidives plus important. La radiochirurgie par
région de l’ATM, temporal et céphalées idiopathiques. La
rayonnement gamma, technique non invasive, est limitée par le
vaporisation d’un spray refroidissant ou l’infiltration d’un
nombre restreint de centres en France. Son action est différée
anesthésique local provoque une diminution de plus de 50 %
par rapport aux autres techniques.
de la douleur.
On retrouve des symptômes associés : sensation de raideur La décompression vasculaire microchirurgicale est la stratégie
musculaire, de malocclusion, d’acouphènes, de vertige, de chirurgicale classique, consistant en une séparation de l’élément
douleur dentaire. vasculaire du trijumeau, soit par interposition d’une plaque en
Il existe des facteurs déclenchants ou favorisants : traumatis- Téflon® s’il s’agit d’une artère, soit par coagulation et section s’il
mes locaux, séquelles chirurgicales, hypersollicitations d’origine s’agit d’une veine.
professionnelle, sportive, posturale, mais aussi facteurs psycho- Indications
logiques comme le stress ou l’anxiété se traduisant par des
parafonctions comme le bruxisme nocturne, le serrement des La carbamazépine est le traitement à essayer en première
dents diurnes, l’onychophagie. intention [32] . La posologie est individuelle. En cas d’effets
À l’heure actuelle, l’étiopathogénie des myalgies orofaciales secondaires gênants, l’oxcarbazépine doit être essayée, sauf s’il
serait l’ischémie [27], par effort soutenu des muscles mastica- existe une allergie à la carbamazépine.
teurs, qui induirait une désensibilisation du système vasodilata- Le traitement de seconde intention fait appel aux autres
teur, une réduction de la perfusion sanguine, des altérations molécules citées. La gabapentine a la préférence de la plupart
métaboliques, voire tissulaires des muscles. des praticiens en traitement de deuxième intention. Le
baclofène peut être associé à un antiépileptique. L’indication
■ Thérapeutiques d’un traitement chirurgical se base sur l’échec ou l’intolérance
d’un traitement médical bien conduit d’une névralgie essentielle
Nous n’abordons ici que les traitements des pathologies qui du trijumeau. Le choix de la technique initiale reste contro-
ne sont pas abordées dans d’autres chapitres de l’EMC, ou qui versé [30]. L’avis du patient est indispensable dans la stratégie
n’ont pas été déjà évoqués. thérapeutique.

10 Médecine buccale
Algies faciales ¶ 28-350-M-10

Névralgie essentielle du glossopharyngien Traitements des dysfonctionnements


Le traitement médical se base sur les mêmes molécules que de l’appareil manducateur
celles utilisées dans la névralgie du trijumeau. La gabapentine La douleur étant le symptôme essentiel des DAM, sa prise en
est souvent la molécule de deuxième intention après la charge doit être adaptée à la physiopathologie. Sachant qu’il n’y
carbamazépine. a pas de parallélisme anatomoclinique et que la crispation des
mâchoires par hyperfonction musculaire est le plus souvent
responsable de ces douleurs, le clinicien peut se retrouver
Traitement de l’algie vasculaire de la face désarmé. Compte tenu de l’évolution cyclique de cette patho-
La différence doit être faite entre traitement de la crise et logie et du terrain stressé souvent retrouvé, il apparaît utile de
traitement de fond, et entre forme épisodique et forme proposer aux patients un complément thérapeutique (et non
chronique. une alternative) pour traiter à la fois le symptôme et le terrain.
Deux options sont disponibles pour le traitement de la crise : Les prescriptions médicamenteuses doivent être ponctuelles,
le sumatriptan (Imiject®) est la première option. Il est utilisé à à l’occasion d’épisodes douloureux aigus (désunion condylodis-
la dose de 6 mg en injection sous-cutanée. Son efficacité est de cale). Il s’agit de prescriptions d’antalgiques de niveau 1 ou 2.
75 %. Son emploi est limité par ses contre-indications, notam- Les autres niveaux ne sont pas employés et doivent faire
ment cardiovasculaires, et un âge supérieur à 65 ans. Il ne peut rechercher une pathologie non dysfonctionnelle ou psychiatri-
être employé plus de deux fois par 24 heures alors qu’un patient que associée. Les autres traitements médicamenteux peuvent
peut présenter jusqu’à huit occurrences par jour. Les effets être des anti-inflammatoires non stéroïdiens en l’absence de
secondaires les plus fréquents sont les paresthésies distales et les contre-indications, des myorelaxants tels que le thiocolchicoside
douleurs thoraciques. L’oxygénothérapie à 7 l/min pendant au (Coltramyl®) ou le tétrazépam (Myolastan®). Il faut vérifier le
respect des contre-indications avant de prescrire ces médica-
moins 15 minutes est l’autre alternative thérapeutique [33, 34].
ments et prévenir le patient des effets secondaires notables
Ce traitement ne présente pas de contre-indication en dehors
comme les troubles de la vigilance.
d’une bronchopneumopathie chronique obstructive. Sa mise en
L’injection de toxine botulique A (Dysport® ou Botox®) dans
place peut se faire au domicile, mais sa portabilité est difficile.
les muscles masticateurs permet d’obtenir une amélioration très
Son taux d’efficacité est de 60 %.
importante des douleurs et une diminution du trismus. La
Le traitement de fond fait appel à plusieurs molécules : le toxine botulique A bloque la plaque neuromusculaire et
vérapamil (Isoptine ® ) est le plus régulièrement efficace. La entraîne une diminution transitoire de l’activité contractile. On
tolérance est bonne à condition d’avoir éliminé un trouble de utilise en moyenne un flacon de 500 unités Dysport ® par
la conduction au préalable. Les effets secondaires le plus patient en injectant 150 unités par muscle masséter et 100 uni-
souvent observés sont les œdèmes des membres inférieurs, la tés par muscle temporal. Les injections temporales et massété-
constipation et la bradycardie. L’association avec le sumatriptan rines se font directement dans les muscles en plusieurs points ;
est possible. Dans les formes chroniques, de plus fortes doses on ressent souvent une difficulté à enfoncer l’aiguille en raison
doivent être utilisées, jusqu’à 720 mg/j, voire plus. Le lithium de la contracture musculaire. La diminution des contractures
(Téralithe®) est la seconde molécule utilisée. Son efficacité est apparaît quelques jours après l’injection et dure de 3 à 6 mois.
similaire à celle du vérapamil, au prix d’effets secondaires plus Bien que les injections puissent être répétées plusieurs fois, il
fréquents, d’une efficacité plus longue à obtenir et d’une fenêtre faut garder à l’esprit qu’il s’agit d’un traitement d’appoint visant
thérapeutique étroite [35]. Il n’est efficace que dans les formes à faire passer un cap difficile au patient.
chroniques. La posologie utilisée se situe entre 750 et
1 500 mg/j. La posologie optimale dépend de la lithémie, qui Traitement des facteurs favorisants
doit être comprise entre 0,6 et 1 mEq/l. L’équilibre est atteint Avant de commencer le traitement, une séance éducative
entre 5 et 8 jours. L’apparition d’un tremblement, d’un nystag- s’impose, visant à rassurer le patient sur la bénignité des
mus, d’une ataxie ou d’un trouble de la vigilance doit faire troubles, sur le pronostic et les facteurs étiopathogéniques. Il
craindre un surdosage. Les corticoïdes sont employés avec faut expliquer au patient qu’il est lui-même acteur et en partie
succès bien qu’il n’existe aucun essai randomisé. Il n’existe pas responsable (de manière inconsciente) de sa pathologie... et de
de schéma posologique optimal. Le méthysergide (Désernil®) est sa prise en charge. L’implication active du patient est un facteur
un traitement validé sur des essais thérapeutiques anciens de clé du succès thérapeutique [9].
qualité méthodologique insuffisante. Il est indiqué dans les Il faut faire supprimer toutes les mauvaises habitudes prises
formes épisodiques, mais ne peut être associé au sumatriptan ou par le patient et remettre une fiche d’information notifiant
à l’ergotamine. Des effets secondaires mineurs sont fréquents, l’importance :
comme l’insomnie, nausées, vertiges, mais la possibilité d’une • d’arrêter l’usage de chewing-gum et des mauvaises habitudes
fibrose rétropéritonéale ou d’un ergotisme nécessite d’interrom- de morsures (onychophagie) ;
pre le traitement au moins 1 mois tous les 6 mois, voire • d’éviter les aliments durs ou ceux qui requièrent une ouver-
moins [36]. D’autres traitements ont été proposés, mais leur ture buccale forcée. Par exemple couper une pomme en
efficacité diffère selon les essais thérapeutiques, toujours en morceaux plutôt que d’y mordre à pleines dents ;
ouvert, ou bien leur rapport bénéfice-risque peu favorable : • de limiter les ouvertures de bouche brutales, importantes et
ergotamine ; valproate (Dépakine®), propranolol (Avlocardyl®), prolongées (lors du bâillement, en chantant...et lors de soins
topiramate (Epitomax®), gabapentine [37]. dentaires).
Quel traitement proposer ? Le choix du sumatriptan dans le Il faut faire prendre conscience au patient de l’existence de
traitement de la crise s’impose en première intention de par le moments de crispation des mâchoires (lors d’un effort physique
plus grand nombre de sujets répondeurs, la facilité d’utilisation. ou lors d’un effort de concentration intellectuelle) et lui
Toutefois, l’existence de contre-indications ou d’effets secondai- expliquer les moyens d’y remédier :
res motive l’oxygénothérapie en deuxième intention. • en expliquant comment faire des exercices d’automassages
Le traitement de fond doit se faire en fonction du caractère des muscles masticateurs avec une légère ouverture de bouche
chronique ou épisodique de l’algie vasculaire de la face. Dans les en insistant sur le faisceau profond du muscle masséter ;
deux cas, le vérapamil doit être essayé en première intention, en • en mettant la mandibule en position de repos en évitant les
sachant augmenter les doses. Dans les formes épisodiques, une contacts dentaires en prononçant la lettre « N » et en mettant
corticothérapie orale sur quelques semaines peut être prescrite la langue en arrière des incisives supérieures ;
en adjonction du vérapamil, avec une décroissance rapide en • en interposant dans la bouche un objet comme un stylo.
quelques semaines. Dans les formes chroniques, le traitement de
deuxième intention est le lithium, qui peut aussi être associé au Thérapies physiques et adjuvantes
vérapamil. Le méthysergide est un traitement de troisième Il existe une multitude de thérapies adjuvantes d’efficacité
intention qui interdit l’emploi du sumatriptan. discutée. Malgré le manque de méthodologie standardisée et les

Médecine buccale 11
28-350-M-10 ¶ Algies faciales

difficultés d’évaluation, il semble que la plupart d’entre elles ou bénéfiques ainsi que des facteurs psychosociaux et compor-
soient efficaces à court terme, moins à long terme. La réussite tementaux ayant un impact sur le handicap. Le patient est
de ces thérapies s’explique par le fait que les patients souffrent sollicité à considérer sa douleur non pas comme une sensation
moins lorsqu’on s’occupe d’eux et qu’on les informe de ce vague et envahissante, mais à délimiter dans le temps l’intensité
qu’on leur fait. de la douleur vue comme une suite d’épisodes d’intensité
Les méthodes de thérapies adjuvantes qui sont proposées variable, qui peuvent se modifier avec le temps et de les
dérivent de la kinésithérapie-rééducation avec des exercices consigner dans un journal. Grâce à ces données et aux observa-
passifs puis actifs d’étirement des muscles masticateurs, associés tions du patient, le thérapeute peut établir le bilan initial et
à des exercices de diduction visant à entretenir le jeu articulaire. expliquer au patient les buts du traitement. Au stade suivant, le
Quels que soient les exercices, ils doivent être réalisés progres- thérapeute explique au patient les mécanismes qui sont à
sivement et lentement, de manière indolore, répétés dans la
l’origine de la douleur et sa modulation par l’état émotionnel.
journée et dans le temps, débutés avec un spécialiste puis
Il met à sa disposition plusieurs techniques cognitives et
continués par le patient. Ils sont très efficaces mais la limite est
comportementales en les adaptant aux différentes caractéristi-
l’observance à long terme.
Les autres méthodes dérivent de la médecine chinoise et ques de chaque douleur. En même temps, le patient est sollicité
utilisent les points et méridiens spécifiques. L’acupuncture à assumer un mode de vie plus actif et à réduire sa consomma-
utilise des aiguilles comme stimulateur et l’acupressure, la tion de médicaments analgésiques. En particulier, il faut lui
pression digitale. Pour notre part, nous expérimentons avec préconiser une activité sociale et des loisirs. Les stades ultérieurs
succès une thérapie appelée la RESC (résonance énergétique par du traitement comprennent l’apprentissage et l’application
stimulation cutanée) dont le principe est schématiquement celui correcte de ces techniques, leur maintien, leur adaptation à des
d’une acupuncture inverse, c’est-à-dire que le retrait du doigt sur éventuelles situations spécifiques et des contrôles réguliers.
un point donné d’un méridien d’acupuncture entraîne un
transfert d’énergie et une action thérapeutique.
L’article original a été publié en première parution dans le traité EMC
Traitement des troubles de l’occlusion Stomatologie, 22-041-A-10, 2007.
.

Les traitements occlusaux ont pour objectif de recréer des


conditions les plus harmonieuses possibles de l’engrènement
dentaire avec le port d’une gouttière occlusale, temporaire,
■ Références
modulable au fur et à mesure de l’évolution de la pathologie. [1] Collin S, Karmody CS. Headache and facial pain. Otolaryngol Clin N
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ment des relations condylodiscales : repositionnement discal ou Verlag; 2002.
formation d’un néodisque). Bien construite, la gouttière doit [4] Headache Classification Subcommittee of the International Headache
obtenir la résolution des douleurs et la diminution des claque- Society. The International Classification of Headache Disorders.
ments en quelques jours ou semaines. En pratique, on choisit Cephalalgia 2004;24(suppl1):9-160.
une orthèse en résine dure, en position mandibulaire et recou- [5] Merskey H, Bogduk. In: Classification on chronic pain. Seattle: IASP
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chirurgie orthognatique des bases osseuses pour fermer une droits des malades et à la qualité du système de santé, modifiée par la loi
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inopérants. Dans tous les cas, il faut être à l’écoute du patient, trigeminal, occipital, and postherpetic pain. Postgrad Med 2004;116:
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sérotonine ont obtenu les meilleurs résultats [38]. Les neurolep- Neurology 2000;54:1368-70.
tiques, les anxiolytiques, les analgésiques, les anesthésiques, les [15] Prasad KC, Kamath MP, Reddy KJ, Raju K, Agarwal S. Elongated
opiacés, voire la combinaison de ces médicaments n’ont pas styloid process (Eagle’s Syndrome). J Oral Maxillofac Surg 2002;60:
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bains de bouche divers. Récemment, des topiques locaux, tel le [16] Nordborg E, Nordborg C. Giant cell arteritis: strategies in diagnosis and
clonazépam, semblent être intéressants [39]. treatment. Curr Opin Rheumatol 2004;16:25-30.
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12 Médecine buccale
Algies faciales ¶ 28-350-M-10

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G. Thiéry, Praticien hospitalier, Adjoint du chef de service (thiery.gaetansophie@free.fr).


Service de stomatologie, chirurgie maxillofaciale et plastique de la face, Hôpital d’instruction des Armées Laveran, BP 50, 13998 Marseille Armées, France.
E. Sagui, Praticien hospitalier, Adjoint du chef de service.
Service de neurologie, Hôpital d’instruction des Armées Laveran, BP 50, 13998 Marseille Armées, France.
L. Guyot, Professeur des Universités, praticien hospitalier, Chef du Service de stomatologie, chirurgie maxillofaciale et plastique de la face.
Hôpital Nord, Chemin des Bourrely, 13915 Marseille cedex 20, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Thiéry G., Sagui E., Guyot L. Algies faciales. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Stomatologie, 22-041-A-10,
2007, Médecine buccale, 28-350-M-10, 2008.

Disponibles sur www.em-consulte.com


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