L’île de Pessegueiro

dans l’antiquité

’île de Pessegueiro est située à environ 250 m du Sud-Ouest péninsulaire. Toutefois, deux particularités

L littoral actuel. Elle renferme de nombreux témoi-

gnages archéologiques qui reflètent, d’une cer-
taine manière, les vicissitudes de la navigation le long
se sont maintenues: sa dépendance vis-à-vis de l’ar-
rière-pays et le caractère saisonnier de ses activités.

de la côte méridionale de la Lusitanie entre les IVe

avant J.C. et le Ve siècle après J.C.
Sa situation, à mi-chemin entre le cap Saint-Vincent
et l’estuaire du Sado, justifie son occupation durant
l’âge du Fer et l’époque romaine. Tout au long de cette
période, différentes ressources potentielles ont été
exploitées en fonction de l’évolution économique du
L’occupation protohistorique
Il n’est pas possible remonter l’occupation de l’ïle
avant le IVe siècle avant notre ère car l’établissement
romain a détruit toutes les structures antérieures.
Les objets de cette époque sont tous de facture

Usine de salaisons de poisson construite au IIIe siècle

méditerranéenne. L’île se caractérisait par sa fonc-
tion commerciale.
Elle prit tout son sens dans le cadre de l’importante
activité maritime de cette époque, comme le démon-
tre la découverte d’une ancre dans la mer de
Berlangas. Bien qu’elle se situe, à l’âge du Fer, sur une
zone frontière, les rares témoignages archéologiques
montrent qu’elle était intégrée dans le courant cultu-
rel, à forte composante punique, de la Méditerranée.
L’occupation romaine
Deux périodes se distinguent, chacune ayant un
caractère économique différent.
L’entrepôt commercial des Ier et IIe siècles
Après une période d’abandon, l’île est à nouveau occu-
pée dans la seconde moitié du Ier siècle de notre ère.
C’est l’activité commerciale qui domine. Plus de la moitié
des céramiques sigillées reçues appartiennent à cette
époque, 70 % venant de Gaule du sud et 30 % des pro-
vinces hispaniques voisines. L’île écoulait des produits
miniers, fer et cuivre, grâce à la présence probable d’une
fonderie. Elle aurait joué le rôle d’entrepôt dans le com-
merce romain du sud de la Lusitanie, rôle qu’elle aban-
donnait certainement durant les mois d’hiver.
Durant cette première phase d’occupation romaine,
l’espace habité est organisé en terrasses entaillées
dans la roche. Des constructions rectangulaires y
étaient édifiées. Les murs étaient construits en pisé
reposant sur des blocs d’arénite dunaire, liés à l’argile.
Ces édifices ont été abandonnés pour la plupart à la fin
du Ier siècle.
Durant le IIe siècle et la première moitié du IIIe siècle,
l’activité commerciale de l’île se manifeste par l’arri-
vée de produits originaire de l’Afrique du Nord et de
Bétique, par l’écoulement de produits miniers, à tra-
vers l’activité d’une forge. Une diversification de l’éco-
nomie se remarque avec l’implantation de fabriques
de salaisons de poisson. ainsi, l’activité économique
de l’île reposait sur deux pôles: sa position stratégi-
que dans le commerce lusitanien et sa richesse en
poissons.
L’espace précédemment occupé est réorganisé
dans la première moitié du IIe siècle, avec des sub-
divisions plus nombreuses et l’utilisation de murs
totalement construits en pierres liées à l’argile.
Toutefois, l’orientation des édifices précédents se
maintient, ainsi que l’organisation en terrasses. Les
nouvelles constructions sont couvertes de tuiles. Un
four à pain a été découvert dans l’ancienne fonderie
du Ier siècle.

Le centre industriel des IIIe et IVe s.
e
À partir de la seconde moitié du III siècle, le rôle éco-
nomique de l’île évolue puisque le commerce n’y
occupe plus qu’un rôle secondaire. La production des
salaisons domine complètement l’activité économique.
Des thermes sont construits, sans doute en raison
de l’accroissement de la population et en liaison avec
les usines de salaisons dont on ignore la nature. Les
analyses effectuées indiquent que la sardine était
majoritaire aux IIIe et IVe siècles.
Durant cette phase, deux unités de production au
moins fonctionnaient en même temps. Sa vocation
d’entrepôt commercial disparue, l’île devint un satellite
de Sines (ville voisine du littoral) en ce qui concerne la
production de salaisons, sa main-d’œuvre, le stockage
et le transport des produits.
La production de salaisons de Pessegueiro était
dépendante de matières premières extérieures,
comme le sel et les amphores (produites fort loin). Les
amphores Almagro 50 (produites en Algarve au IIIe siè-
Usine de salaisons de poisson construite au IIIe siècle
cle) constituent 26 % du matériel amphorique; elles
pouvaient provenir de Balsa, grand site producteur de
salaisons également. Une liaison entre un grand pro-
priétaire ou un négociant de cette ville et l’île de
Pessegueiro est des plus probables.
Cependant, les amphores de forme Almagro 51c
(près de 31 % du matériel), qui ont aussi exporté les
produits de l’île, sont originaires plus vraisemblable-
ment des estuaires du Tage et du Sado. L’île a donc
été liée à divers marchés durant le Bas-Empire, ce qui
souligne bien l’intégration économique du Sud-Ouest
de la péninsule ibérique.
La production de salaisons de poisson a duré jusqu’à
la fin du IVe siècle. Les thermes ont été abandonnés à
ce moment-là ou au début du siècle suivant. Quelques
pêcheurs ont dû fréquenter périodiquement l’île de
Pessegueiro, utilisant un ancien entrepôt ruiné pour
faire leur cuisine: ce dernier épisode, du début du Ve
siècle, clôture l’histoire antique de l’île.
Joaquina Soares in Dossiers d’Archéologie 198