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Jeudi 29 août 2013 culture 11

Sophie Makariou: «Redonner sa fierté à Guimet»


Venue du Louvre, la nouvelle directrice du musée des arts asiatiques, à Paris, arrive dans un établissement en crise

Entretien

S
ophie Makariou, ex-directri-
ce du département des arts
de l’islam du Musée du Lou-
vre, 47 ans, a reçu Le Monde dans
son nouveau bureau de présiden-
te du Musée Guimet à Paris, haut
lieu des arts et des civilisations
asiatiques. Elle a été nommée à ce
poste au Journal officiel du 19 août,
par AurélieFilippetti,en remplace-
ment d’Olivier de Bernon, qui diri-
geait l’établissement public
depuis septembre 2011. La prési-
dente, conservatrice générale du
patrimoine, prendra ses fonctions
le 2septembre, au termed’une gra-
ve crise de gouvernance et de souf-
france au travail, selon un rapport
de l’inspection générale des affai-
res culturelles (IGAC). Elle veut
redonner confiance aux équipes,
etréveillerle bel endormidu Troca-
déro au profit de tous les publics,
alors que sa fréquentation reste
modeste au regard de la grande
richesse de ses collections.
Après avoir piloté la création du
département des arts de l’islam
au Louvre dans la cour Visconti,
inauguré fin 2012, vous avez été
la candidate – malheureuse – à
la succession d’Henri Loyrette
au Louvre, avant de vous mobili-
ser sur celle d’Olivier de Bernon
à Guimet. Aviez-vous si faim de
renouveau ?
Quand on a fait un tel projet,
avec une très grande liberté, un
vrai moment d’invention, de créa-
tion, il faut se remettre en ques-
tion, sans attendre, tout de suite
après le « feu d’artifice». Transfor-
mer son travail en œuvre.
N’est-il pas difficile de quitter le
Louvre en pleine ascension ? CLAUDE GASSIAN POUR « LE MONDE »
C’est le jeu. J’ai beaucoup fré-
quenté l’Orient, un autre Orient, je grandes collections d’art asiatique la richesse des compétences. Gui- L’en dépouiller serait contre pro- occupé des problèmes d’intendan- sible, accompagnerla curiosité des
me dis que les choses ont un sens. hors Asie. Ce que l’on a un peu met doit retrouver la place qu’il ductif avec la suppression de ses ce. Il faut les traiter. Le climat visiteurs. C’est à nous d’être actifs.
Je suis très heureuse de mon oublié de dire pendant les temps n’aurait pas dû perdre. Il faut une moyens d’action et d’autonomie. social n’était pas dégradé, il n’y a Et de nous demander si le public
départ [du Louvre]. J’ai l’air de dire de tourmente. mise en valeur des collections per- Un rapprochement avec le Quai pas eu de grève. Il faut faire le che- comprend ce qu’il voit. Il y a des
les choses de manière un peu pro- Quelle est votre feuille de route ? manentes avec de petits événe- Branly est-il d’actualité ? min avec les équipes, sans rien problèmes de lisibilité dans la
vocatrice, mais comme j’aime cet- Très clairement, je n’arrive pas ments et des parcours. Ils ont beaucoup de choses à se imposerde façonverticaleetbruta- répartition des collections. Je vais
te maison depuis que je suis pour être un conservateur de plus dire mais ne traitent pas de la le. Les solutions naissent du ter- réfléchir avec Bruno Gaudin, l’ar-
enfant – j’y venais beaucoup avec
mon père –, cela va redevenir un
au Musée Guimet, j’ai décidé de
me mettre au service d’une équi-
«On a rénové même chose. On a tout envisagé
aprèslerapportde l’IGAC.Leminis-
rain. En interne, il faut donner le
sentiment qu’on peut parler. On a
chitecte qui a conduit la restaura-
tion, à la manière de faire évoluer
lieu un peu plus secret. pe.L’équipe scientifiqueest là, effi- l’architecture tère a choisi de placer à la tête du rénové l’architecture mais pas les choses.
Les difficultés de Guimet ne
vous ont-elles pas rebutée ?
cace, de qualité. Ils ont besoin de
moi pour les aider à jouer leur par-
mais pas tout à fait musée quelqu’un qui a l’expérien-
ced’un grandprojet, celle du mécé-
tout à fait le reste. Et sans l’humain
rien ne marche.
Guimet est sorti des écrans
médiatiques…
Je savais que la situation était tition tous ensemble. Guimet, le reste. nat, de la médiation, de la commu- Comment attirer un plus large Il faut repenser l’ensemble de la
compliquée, tout le monde le
savait. La question est essentielle-
c’est le Louvre de l’Asie, le musée
national des arts asiatiques, des
Et sans l’humain, nication, et qui se donne pour mis-
sion fondamentale la transmis-
public ?
Pour sa réouverture en 2001,
politique de communication et du
mécénat. Il faut réfléchir à une
ment celle de l’envie. Guimet est civilisations de mondes diffé- rien ne marche» sion des savoirs sur les arts de aprèscinqansde travaux,le musée vraie politique internationale,
un lieu que j’ai toujours énormé- rents.Je souhaite d’ailleursajouter l’Asie. Le programme scientifique a reçu 800 000 visiteurs. Cela fait choisir nos partenaires princi-
ment aimé, où je suis toujours « national » à son titre. Reviendra-t-on sur le statut d’éta- et culturel n’a jamais été écrit. du monde pour 4000m2. Est-ce la paux, se mettre en ordre de
venue, contre vents et marées. Je Et la priorité ? blissement public du musée ? C’est stimulant de trouver une vraie jauge de l’édifice? En 2013, on bataille et aller chercher des
venais voir toutes les expositions. Redonner confiance prime. Non, je viens d’être nommée situation où il y a tout à faire. va enfin dépasser les 300 000 visi- moyens pour avoir de l’air. Gui-
Je suis une enthousiaste, d’une Retrouver une place pour le présidente de l’Etablissement Allez-vous décider de l’organi- teurs. Guimet doit devenir un met doit devenir un lieu d’échan-
grande énergie, avec une solide musée, cela se construit avec toute public Musée Guimet, son statut gramme attendu depuis 2004 ? musée où l’on vient pour préparer ge, un carrefour de compréhen-
santé. On dit que je suis infatiga- une équipe. Il y a de très bons spé- n’est pas remis en cause. Ce statut Il y a des problèmes d’organisa- son voyage. L’accroissement de sion de l’Asie. Il faut rendre sa fier-
ble. Tout n’est pas noir dans cette cialistes, il faut leur faire toute la répond à la taille mais aussi aux tion. Il faut mettre en place le bon l’intérêtpourl’Asiedoit nousbéné- té au musée. p
histoire. Il y a le potentiel extraor- publicité qu’ils méritent. Outre la missions de l’établissement qui positionnement des uns par rap- ficier. Notre signalétique est très Propos recueillis par
dinaire des collections, les plus richesse des collections, on oublie couvre un monde gigantesque. port aux autres. On ne s’est pas savante,il faut la rendre plus acces- Florence Evin

De la racine au ciel, Alexandre Hollan saisit les arbres dans leur érection continue
Au château de Chambord, une exposition témoigne de la passion de l’artiste pour les végétaux et les «vies silencieuses».

Art trait ? « Le trait transforme la vie arrosoir jaune dont persiste l’em- Languedoc, il vit et peint avec les encore : « Le regard a besoin de se qu’Yves Bonnefoy énonce : « Un
venant du monde visible en une preinte ; fruit fondu en jouis- arbres. Paris, l’hiver, dans l’atelier, poser et d’attendre pour que la tableau, c’est une occasion de
Chambord (Loir-et-Cher) sensation.» sance sur une table où sa forme se les « vies silencieuses»… sensation le rejoigne. » regarder, de faire du regarder un
Des arbres vus de loin, de près, meurt. Couleurs directes, blanc, En fait, il ne poursuit qu’un Que ses œuvres, souvent de voir, de vivre dans ce voir un savoir

P
eintre secret, peintre de la de l’intérieur, de l’intime, dans infini des noirs, crépuscule des thème : la lumière, l’origine de la grand format, soient rassemblées de soi, de devenir. »
respiration des arbres et de leur frémissement, ce courant « vies silencieuses » : le fusain flot- lumière, les ombres et les nuits en un tel nombre est un événe- « Expérience de voir », selon
la traversée des apparences, qu’ils transmettent, cette vibra- te, l’encre fixe, l’acrylique pour en de la lumière. Tout ce qui tourni- ment. Chambord et sa forêt l’expression de Jean-Yves
Alexandre Hollan est né à Buda- tion qui danse autour d’eux. avoir le cœur net. L’aquarelle, cote autour du figuratif et de impressionnent. Il faut que Pouilloux (Cahier Alexandre Hol-
pest en 1933. Une centaine de ses Arbres saisis, parce qu’un arbre elle, soupçonne la lumière de l’abstrait (la forme et la figure, la l’œuvre soit capable d’y répondre. lan, William Blake & Co, 2008) ;
œuvres sont réunies au château n’est jamais immobile, ni dans sa l’eau… Alentour, le château de Yannick Mercoyrol, directeur de expérience de l’espace, de la
de Chambord, sous les voûtes à
caissons du donjon.
masse dont aucune unité – tronc,
feuille, branche, brindille, fruit –
Chambord et sa forêt.
AlexandreHollan a quitté Buda-
Il ne poursuit la programmation culturelle, a
déjà fait la preuve d’un tel dialo-
proximité, de la perception de la
lumière dans la matière – « cette
Depuis plus d’un demi-siècle, ne le résume, ni dans son érection pest lors du soulèvement lourde- qu’un thème: gue avec Paul Rebeyrolle, en 2012. joie intime » – que traduisent
Hollan décline deux motifs.
Deux motifs contemplés, vus,
continue, de la racine au ciel.
Hollan en décrypte la légèreté,
ment réprimépar les chars soviéti-
ques en 1956. A Paris, il découvre
la lumière, l’origine Y installer Hollan a quelque chose
de téméraire. Avec ses formes
autant La Grande Roue (gouache,
2011), Le Grand Chêne de Viols-le-
transmis : les arbres et les « vies l’expansion dans l’espace, il lui l’art contemporain dont il ignore de la lumière, vaporeuses de vent et d’invisible, Fort en tous ses états de lumière
silencieuses » – les still lifes que
l’on nomme en français « natures
arrive aussi d’en transcrire l’écritu-
re : « Nous sommes vivants tous les
tout : Bram Van Velde, Kline,
Rothko et surtout Morandi. Il suit
les ombres et les nuits résisterait-il à l’écrasante splen-
deur du château et de son escalier
que les vies silencieuses qui cher-
chent leur place pour s’épanouir.
mortes ». « La beauté d’un chêne deux à ce moment. » Ce moment ? les cours des Beaux-Arts et ceux de la lumière plein d’esprit ? Et les vrais arbres, « En moi », dit Hollan. p
noir, vibrant, existe, préexiste en Le moment où il regarde l’arbre. des Arts décoratifs. Transformant tout autour ? N’allaient-ils pas fai- Francis Marmande
moi », note-t-il dans ses carnets (Je Ame ou pas, les objets inani- une Renault 4L presque neuve trace et la sensation, l’apparence re de l’ombre ?
suis ce que je vois, Le temps qu’il més relèvent de la même saisie, (311 982 kilomètres au compteur) et la réalité, etc.), tout est pulvéri- Energie, réseaux, graphiques, Alexandre Hollan, l’expérience de voir,
fait, 1997).La nature? Vive ou silen- par leur lumière, leur halo, ce en atelier roulant, il descend sé par sa méditation sur le motif, rumeurs, circulations d’énergie, domaine national de Chambord,
cieuse en ses matins triomphants, qu’il reste d’eux : pots dont on ne d’Aberdeen à Florence. Sur le che- cette « ascèse de la lenteur » : couleurs étouffées, masse de l’ar- château, Chambord (Loir-et-Cher).
elle « aime, dit Hollan, être regar- saura même pas s’ils sont ébré- min, il travaille sur le motif. « Dans l’arbre que je dessine appa- bre noyée dans la nuit, sa respira- Jusqu’au 1er septembre.
dée. Le regard lui manque ». Le chés ou s’ils sortent du marché ; Autour de son mas de Gignac, en raît un autre, plus léger. » Ou tion ou son dessin relèvent de ce www.chambord.org

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