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Introduction
Parlant de l'effort thérapeutique de la psychanalyse, Edmond Marc dit qu'il s'agit le plus
souvent de renforcer le moi (in « le changement psychothérapie » page 43). Quelle est donc cette
partie de la personne que le thérapeute se doit de renforcer ?
Et si l'on part d'une question plus courante que peut se poser tout un chacun : il y a donc un
moi en moi ? Et qui ne serai pas tout moi ?
Et si l'on élargit la question aux multiples théories psychologiques, quel rapport ce moi a-t-il
avec le je ? Avec le soi ? Avec le self ? Etc. ?
2) la théorie retenue
Bien entendu, il n'est pas question ici de porter un jugement de valeur sur une théorie par
rapport à une autre, ni de prétendre trancher dans les interminables débats entre écoles.
Choisir une théorie sur le moi revient à se faire une représentation de l'appareil psychique ;
pour le thérapeute ce choix est fonction de sa pratique. En ce qui concerne la thérapie A.I.R.E.,
l'aspect intégratif nous pousse à choisir ce qu'il peut y avoir de complémentaire dans les différentes
options à fin de nous donner une carte du psychisme qui permette de nous repérer dans notre
action. En soi, l'ambition de dresser d'une carte exacte et complète du psychisme humain est une
prétention démesurée. Tenter de superposer les cartes de certaines théories afin de se guider, dans
l'après coup, tout en sachant que ces cartes ne peuvent pas s'articuler exactement, et tout en
acceptant le flou et le doute que cela implique, peut se concevoir dans une démarche d'humilité
avec la modestie de l'artisan essayant de faire son travail « suffisamment bien ».
La carte proposée par la deuxième topique freudienne semble bien convenir me
semble-t-il, pour décrire le moi dans le psychisme adulte et les différentes actions que
nous tentons d'avoir sur lui : -- la vision d'un psychisme constitué de plusieurs
instances conflictuelles entre elles nous accompagne durant toute la durée de la
thérapie : depuis les recadrages de la première séance « c'est comme s'il y avait deux
parties opposées en vous... », jusqu'au rêve éveillé final où l'harmonie domine, où les
conflits sont apaisés.
-- les notions d'identification et d'introjection, et en particulier celles de
l’Oedipe, fournissent nombre de symboles et de personnages des rêves éveillés.
-- la phase de travail S. D. I. concerne la nécessité
pour le moi de se dégager d’un surmoi toxique.
-- si les premières séances peuvent
paraître concerner la frontière entre le moi et la réalité extérieure, nous nous tournons
rapidement vers la frontière entre le moi et les instances internes : le rêve éveillé en
particulier apparaît comme un formidable outil de formalisation des contenus
inconscients, un véritable préconscient opérationnel permettant une transition
adaptée de ceux-ci vers le moi conscient, et même à l'inverse permettant à celui-ci
d'avoir une action modificatrice, restauratrice sur les contenus symboliques en
constituant ainsi une « nouvelle expérience ».
La psychanalyse anglaise nous fournit de façon très complémentaire les théories nous
permettant de comprendre le psychisme infantile archaïque. Elle permet aussi au
thérapeute de situer son action, et en particulier le cadre de la cure et le type de
transfert qu'il propose par rapport aux besoins « de contenant » (et d'introjection de
celui-ci) dont le moi du patient a pu manquer. Elle facilite aussi la « mise en sens »
des régressions les plus profondes vécues en rêve éveillé.
Proposition de schématisation simplifiée.
Au début était le Ça
Moi
ça
ça ça
Excitations
moi
ça Mécanisme de sur
pulsions défense moi
Pour le thérapeute, la fonction d'une théorie est de lui servir de repère, de support pour élaborer
ses hypothèses, mais il est souhaitable qu'il l’oublie dès qu'il est au contact du patient à fin de se
laisser surprendre et de vivre avec celui-ci l'aventure (l'inconnu à venir) de la cure, sous peine de
finir par vouloir faire entrer ce patient dans des « boîtes théoriques ».
b) ébranlement et renforcement
Ce Moi, infiltré d'identifications et de mécanismes de défense, finit par former ce que nous
pouvons appeler « le personnage » qui regroupe en fait les nombreuses stratégies adaptatives plus
ou moins adéquates mises en place au cours de l'histoire. Cependant, cette stratification
sédimentaire d'identifications et de mécanismes de défense semblent souvent pour le patient
constituer son identité la plus intime : « ça, c'est mon caractère, je suis comme ça ».
Pourtant ce « personnage » tellement nécessaire dans les premiers temps de la vie pour
pouvoir s'affirmer dans le monde, trouver sa place, peut devenir s'il est trop stéréotypé, trop rigide,
une prison empêchant « l'autre versant de la personnalité » de s'exprimer : le personnage « sois fort
» par exemple qui empêche expression de la sensibilité, ou à l'inverse, la perpétuelle victime
s'interdisant toute affirmation forte.
Ce personnage, ce style, ce caractère se trouve conforté par l'histoire que le patient se raconte
sur lui-même, par sa façon de voir son passé, ses origines. Ainsi tout cet édifice, ce « Moi défensif »
est fréquemment à l'origine des répétitions et des souffrances qui amènent le patient en thérapie ; et
pourtant ce même patient est attaché à cette structure qui le fait souffrir.
Un des buts majeurs de la thérapie sera donc de mettre en cause le personnage, de mettre en
doute l'histoire telle que le patient se la raconte, d'ébranler le système afin de le rendre plus souple
et de permettre à la « vraie personne » d'émerger.
À l'inverse, à certains moments de la cure, pour certains types de problématique (état
limite), ou après une remise en cause profonde, la direction thérapeutique adaptée sera de soutenir,
d'affermir, de renforcer le Moi.
Ébranlement et renforcement, dé - liaison et re - liaison peuvent être vus comme les
nécessaires mouvements « de respiration » de la thérapie.
Nous abordons ici la phase probablement la plus originale et la plus intéressante en termes
d'efficacité pour une thérapie profonde où le Rêve Éveillé devient le pivot de la cure.
Le Moi d'observation du patient a été suffisamment développé par les phases précédentes
de la thérapie ou par son travail sur lui-même antérieur. L'alliance thérapeutique a été solidement
établie.
Cette alliance sera encore renforcée durant les premières séances de passage de l'entretien de
face-à-face à la position allongée (divan) : les effets de ce changement de cadre devront être
abordés, dits, explicités afin de rassurer autant que nécessaire avant de passer au rêve éveillé
proprement dit : avant de passer au « maintenant vous fermez les yeux, et vous me décrivez
l'image que vous voyez... ».
À partir de là, nous limitons le contrôle par le conscient (= les processus secondaires), et
nous favorisons l'émergence des processus primaires, c'est-à-dire des contenus inconscients : en
provenance du Ça, du Surmoi et du Moi défensif. Il s'agit d'abolir maintenant dans une certaine
mesure le pouvoir du Moi conscient que nous avons contribué à renforcer et assouplir dans les
phases précédentes.
Si le Moi conscient, observateur, doit alors laisser la place au surgissement des images du
rêve, il ne disparaît cependant pas complètement : le patient doit en effet décrire et raconter au
thérapeute les images qu'il voit, les sensations, les émotions, les actions, tout le déroulement du
rêve.
Cette partie du patient capable de dire, de décrire au thérapeute ce qui se passe, y compris
éventuellement au beau milieu d'une tempête d'actions et d'émotions d'un rêve éveillé
particulièrement intense, puis plus tard de se souvenir de tout cela, est ce Moi observateur dont
nous avons souligné l'importance, et qui, s'il s'est fait discret n'en reste pas moins présent,
distinguant ainsi ce qu'est le Rêve Éveillé du délire ou de la simple rêverie. Cette partie du Moi
rejoint celle que Jacques Levine (dans « le rêve éveillé dirigé et l'inconscient » page 234 -- la
modification intra systémique du Moi) appelle le « deuxième Je » et que l'on peut comparer à la
corde permettant au patient de descendre dans le puit profond de son inconscient tout en restant
suffisamment en sécurité relié à la réalité et au thérapeute resté en surface.
On peut dire que le Rêve Éveillé institue d'emblée ce Moi observateur, et qu'il constitue lui-
même une sorte de préconscient opérationnel où les contenus inconscients vont venir se déposer
sur l'écran du rêve, se formaliser de façon déguisée, symbolisés. Sous cette forme des éléments du
Ça refoulés, des figurations du Surmoi ainsi que certains aspects des mécanismes de défense
inconscients du Moi vont être mis en présence du Moi conscient sans être à nouveau refoulés.
« En analyse Rêve Éveillé, c'est le rêve éveillé lui-même qui assure la fonction de mise en
exergue de ce qu'il y a « à voir », de ce qui peut être « opposable » au Moi. Et souvent bien plus
pertinemment et plus aisément qu'en psychanalyse. L'autre vérité ne demande qu'à se figurer. »
Confère l'article de Jean-Marc Henriot « spécificité de l'intervention en Cure Rêve Éveillé ».
Le rêve éveillé est en effet un atout maître pour donner au Moi la possibilité d'accepter de
voir des éléments en provenance du Ça sans les refouler à nouveau : les représentations refoulées
viennent s'y inscrire de façon déguisée, symbolisée. Cela leur permet de refaire surface sans
heurter de plein fouet résistances et mécanismes de défense du Moi. Nombre de ces obstacles
seront ainsi contournés et la formalisation ainsi que la conscientisation des contenus inconscients
prendra moins de temps qu'en psychanalyse classique.
Nous aurons cependant à travailler sur des formes résistances spécifiques liées à cet outil :
en particulier les
« résistances au rêve éveillé », c'est-à-dire à la façon dont le Moi conscient refuse de lâcher prise et
empêche le patient d'entrer véritablement dans le rêve et de se mettre dans les conditions
nécessaires à celui-ci (les trois V : Voir, Vivre, Verbaliser -- confère Nicole Fabre dans « Le rêve
éveillé analytique » page 123). Il s'agit des cas où une véritable intervention interprétative de la
part du thérapeute A. I. R. E. est le plus nécessaire.
Les « résistances dans le rêve éveillé » existent aussi ; elles apparaissent alors sous la forme
de situations répétitives dans les rêves auxquelles le patient refuse de faire face : c'est par exemple
le cas où pour la dixième ou la vingtième fois, tel patient au cours de ses rêves éveillés se trouve
face à une grotte dans laquelle il refuse d'entrer.
Le type d'intervention le plus efficace du thérapeute pour lever ce genre de résistances sera
une proposition métaphorique, symbolique, à l'intérieur du rêve éveillé sous forme de proposition
d'action ou d'invention de protection : dans le cas de la grotte, il peut s'agir simplement de la
proposition « Vous entrez ? » ou bien si le patient résiste trop
« Pouvez vous trouver un bouclier ou autre chose pour protéger ? ». On voit qu'il s'agit ici de
propositions d'action à valeur mutative : le dépassement de la peur par l'action dans le rêve permet
au patient d'oser aller affronter ses monstres pour la première fois, puis de modéliser peu à peu ce
comportement dans les rêves éveillés et peut-être dans la réalité.
Il est particulièrement intéressant de constater que l'alliance thérapeutique fonctionne aussi
aux moments les plus angoissants du rêve, la proposition d'action du thérapeute vient épauler la
partie du Moi du patient qui est resté en contact avec lui grâce à la narration du rêve.
Il est tout à fait remarquable aussi de se rendre compte que dans ce processus du rêve
éveillé, le Moi conscient du patient, descendu (lorsque le rêve éveillé est vécu de façon complète)
dans les profondeurs plus ou moins archaïques de l'inconscient est capable d'une action
modificatrice et peut constituer ainsi « une nouvelle expérience » rétroactive permettant de
modifier les vécus profonds.
Lors des séances d'analyse enfin, entre les séances de rêve éveillé, le Moi d'observation du
patient est appelé à évoquer, à associer, à faire des liens de façon multiple, entre les rêves éveillés,
avec les rêves nocturnes, avec la vie courante, et bien sûr avec le passé du patient. Il devient ainsi
peu à peu de plus en plus souple et de plus en plus capable d'accepter la complexité, l'incertitude,
et l'aspect mouvant des mécanismes psychiques. Il devient de plus en plus fort et capable
d'accepter le registre intuitif.
4) conclusion.
Renforcer le moi, à la façon du cercle vertueux de Edmond Marc ou bien de la psychanalyse
anglaise, le faire advenir où était le Ça, selon Freud, le rendre plus adaptatif à la façon de l'ego
psychologie, toutes ces actions se complètent plus qu'elles ne s'opposent (à condition du moins
qu'on désire voir ainsi). L'important étant de le renforcer dans sa souplesse et non dans sa rigidité.
Pour oser une métaphore guerrière, on peut dire que la thérapie devrait permettre au Moi
de passer de la guerre de 14 à l'intégration européenne : la guerre de tranchées évoque un conflit
interne rigide avec un moi défensif figé ; les guerres suivantes plus mobiles évoquent plus de
mouvement, de conflits multiples, les guerres de décolonisation évoquent le travail sur le S. D. I. ;
les guerres « modernes » telle la guerre des six jours soulignent le rôle fondamental d'observation
(satellites américains) évoquent le moi observateur, l'encerclement de l'ennemi et parfois la
capitulation sans affrontement véritable ; les guerres diplomatiques nécessitent la connaissance de
l'adversaire, elles évoquent des négociations, des affirmations, l'acceptation de concessions (pertes
d'idéal par exemple) par le Moi pour fonctionner ; le traité de Rome et l'intégration européenne
évoquent le lien et la souplesse de la circulation et des échanges entre les instances psychiques.
Le travail de thérapie et d'analyse implique nécessairement une modification du Moi, cette
modification peut porter sur l'étendue de sa conscience et/ou sur son fonctionnement par rapport
aux parties inconscientes de la personne (acceptation/défenses) et par rapport à la réalité
extérieure.
La thérapie A. I. R. E., avec sa manière particulière de mettre le Moi en mouvement (afin
qu'il intègre les identifications et les défenses dont il est constitué, qu'il sache s'ouvrir aux signes en
provenance du Ça et qu'il soit capable de réévaluer les pressions du Surmoi), se propose
finalement d'aider le patient à arriver au seuil de l'écoute du Soi (du type jungien) -- sorte d'axe
intuitif traversant entièrement la personne, alignant le Ça, le Surmoi, le Moi et la réalité extérieure
(notion de mission personnelle) et la reliant éventuellement à un Soi interpersonnel plus vaste
(notion de spiritualité).
5) bibliographie.
-- Le Moi et le Ça. Sigmund Freud.
Ce texte d'une cinquantaine de pages qui date de 1923 est inclus dans le volume « essais de
psychanalyse » publié dans la Petite Bibliothèque Payot (2001). Ce livre comprend aussi «
considérations actuelles sur la guerre et sur la mort » 1915, « au-delà du principe de plaisir » 1920, «
psychologie des foules et analyses du moi » 1921.
Contrairement à ce qui est couramment imaginé, la lecture de Freud est plus accessible que
celle de bien de ses successeurs ou bien d'auteurs qui ont écrit sur lui. La difficulté vient plus du
classement des thèmes, en effet la logique de l'écriture freudienne est celle d'une démonstration
argumentée, et d'une mise à jour de la théorie psychanalytique au fur et à mesure qu'il écrit.
Ainsi on trouvera contre toute attente un texte important sur le complexe d'Oedipe, dans un
chapitre décortiquant l'identification, à l'intérieur de l'essai sur la psychologie des foules ; ou bien
encore une explication détaillée de la formation du moi à partir des objets abandonnés par le Ça
dans le chapitre consacré aux relations entre le moi et... le surmoi ! Ou bien encore dans ce chapitre
sur le surmoi, une discussion décrivant la complexité de l'évolution de l'enfant pendant le
complexe d'Oedipe liée à la bisexualité constitutionnelle de l'individu « croisée » à la disposition
triangulaire de la relation oedipienne.
Il est donc utile de lire les textes de Freud pour comprendre d'où part la réflexion
psychanalytique sur le moi, mais il est aussi nécessaire de lire des auteurs reprenant la pensée
freudienne et son histoire, tels que :
-- Laplanche et Pontalis : « vocabulaire de la psychanalyse » P. U. F. : 15 pages sont
consacrées au moi, elles décrivent pas à pas l'évolution de la pensée freudienne sur ce sujet.
-- Dominique Bourdin : « la psychanalyse de Freud à aujourd'hui » éditions Bréal :...
-- La psychanalyse de Freud à aujourd'hui. Dominique Bourdin.
Ce livre, édité chez Bréal (2000), a pour ambition de retracer la pensée psychanalytique.
Pour autant que ce soit possible en 250 pages, cette ambition est atteinte pour l'essentiel : environ
150 pages sont consacrées à l'évolution de la pensée freudienne, dont une vingtaine concerne les
disciples et les collaborateurs du créateur de la psychanalyse ainsi que l'évolution du mouvement
psychanalytique. Le reste du livre aborde Reich, la psychanalyse américaine, la psychanalyse en
Angleterre, en France, et termine par les pratiques contemporaines et débats actuels.
S'il n'est pas toujours facile de résumer la pensée complète d'un auteur en quelques pages
(certains concepts restent un peu touffus), ce livre a le mérite de nous faire comprendre l'évolution
de la pensée théorique, ses progrès au fil des auteurs, mais aussi ses remises en cause. Cela permet
de percevoir l'intérêt de la construction théorique mais aussi la relativité de sa « Vérité ».
Chaque chapitre est émaillé d'extraits de l'auteur concerné et d'indications bibliographiques
assez riches. Il est complété à la fin d'un lexique avec définitions simples du vocabulaire
psychanalytique très utile pour une compréhension aisée du livre.
-- le rêve éveillé dirigé et l'inconscient. Jacques Launay, Jacques Levine, Gilbert Maurey. 1975 --
éditions Dessart -Mardaga. -- le rêve éveillé analytique -- Nicole Fabre/Gilbert Maurey – éditions
Privat --
-- vocabulaire de la psychanalyse. Laplanche et Pontalis. 2002 Presses Universitaires de France.
-- le changement en psychothérapie. Edmond Marc. 2002. Éditions Dunod. -- encyclopédie
universalis --
-- les mécanismes de défense. Ionescu, Jacquet, Lhote. 2003. Nathan/université.
-- Manuel de psychothérapie brève intégrative. John Preston. 2003. Inter Éditions.
-- le Coeur Métamorphe, petit manuel de survie affective. Jean-Marc Henriot. 2003. Éditions Le
Souffle d'Or.
Janvier 2005