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Le solipsisme et sa critique
Le sujet et autrui
Malgré tous les efforts de Husserl pour penser la spécificité d’autrui, ses
conceptions ont été critiquées en tant qu’elles ne donneraient jamais accès à la spécificité de
l’existence d’autrui mais uniquement à mon expérience d’autrui car c’est moi-même en tant
que subjectivité transcendantale qui constitue le sens de ce qu’est autrui. Les thèses de
Heidegger sont en ce sens tout à fait éclairantes en ce qu’il s’oppose à la thèse selon
laquelle il serait possible de penser, dans un premier temps, le sujet sans aucune relation à
autrui, puis dans un deuxième temps, ces relations elles-mêmes comme si elles étaient venues
se greffer sur le sujet. L’être-avec est au contraire une dimension constitutive de l’existence
humaine (ce que Heidegger appelle le Dasein). Je suis toujours déjà en relation avec les
autres. Le solipsisme et la solitude, le premier d’un point de vue théorique, le second d’un
point de vue pratique (ou existentiel), sont ce que Heidegger appelle des modes déficients de
l’être-avec. En réalité, je ne peux être seul qu’au sens où autrui manque, c’est-à-dire que la
présence d’autrui précède toute solitude. Cette idée est fondée sur la conception
heideggérienne de l’essence de l’homme comme existant, qu’il interprète de manière
littérale comme « être au-dehors ». L’homme est toujours hors de soi ; c’est pourquoi il
co-existe nécessairement avec d’autres hommes. Heidegger souligne également que
l’être-avec se manifeste en premier lieu dans l’écouter, dans le fait d’entendre la « voix de
l’ami » que chaque homme porte en lui. Il développera cette pensée en accordant de plus en
plus d’importance à la parole comme ouverture à l’autre. La pensée de Heidegger a suscité un
vif intérêt car elle offrait une nouvelle conception de ce qu’est une communauté. Cependant,
Heidegger a profondément été contesté en tant qu’il a presque immédiatement refermé les
nouvelles possibilités qu’offrait sa pensée en thématisant la spécificité et le « destin » du
Dasein allemand, à l’exclusion et contre les autres peuples, et en rejoignant même le régime
nazi.
Sartre se référait également à la pensée de Hegel que nous n’avons pas encore
évoquée bien qu’elle soit antérieure à Husserl et Heidegger, ceci parce qu’elle échappe à la
filiation que nous avons jusqu’alors retracée. C’est la dialectique du maître et de l’esclave
qui synthétise la pensée hégélienne de l’altérité. Autrui est absolument nécessaire à la
conscience de soi en ce sens que celle-ci n’est qu’en tant qu’elle se différencie de l’autre. Le
moi se pose en s’opposant. Le moi est en tant qu’il n’est pas autrui. Cependant, dans ce
mouvement, la reconnaissance de l’autre est une nécessité. Essayons de résumer brièvement
la dialectique hégélienne. Dans un premier temps, l’homme est un être naturel, immergé dans
la nature ou réalité. Peu à peu, il va distinguer l’en-soi (la réalité) du pour-soi (la réalité telle
qu’elle est pensée). Puis vient le moment de la prise de conscience de soi qui suppose
l’action. L’homme, par le désir et le travail, cherche alors à s’approprier les choses
extérieures. Le monde est alors l’autre qu’il faut faire sien et transformer (ex : la nourriture
est transformée par l’action de manger). Mais le désir va être également désir d’être reconnu
par l’autre, ou encore désir d’être l’objet du désir de l’autre. La conscience ne peut être
pleinement conscience de soi que si l’autre la reconnaît comme conscience. Or, dans un
premier temps du moins, la reconnaissance ne peut être réciproque, elle suppose qu’au terme
d’une lutte à mort, l’une des deux consciences soit asservie à l’autre, cette dernière étant
seule alors conscience de soi. C’est alors que se forment les figures du maître et de l’esclave.
Notons à titre indicatif que la position du maître sera une impasse dans la mesure où, reconnu
par un individu qu’il ne reconnaît pas lui-même comme un homme, cette « reconnaissance »
sera profondément insatisfaisante tandis que l’esclave, peu à peu, par le travail et la culture,
parviendra à devenir proprement homme. Il ne sera pas inutile de signaler de plus que cette
dialectique peut également être comprise comme se jouant à l’intérieur même de la
conscience luttant contre sa propre altérité. C’est en ce sens que Hegel a pu influencer des
travaux en psychologie et psychanalyse s’attachant notamment aux problèmes de
dédoublement de personnalité. Lacan par exemple, a lui-même fait un usage important de la
dialectique du maître et de l’esclave et ses concepts de l’autre (petit « a ») et de l’Autre
(grand «A »), que nous allons à présent succinctement présenter portent la trace de la pensée
hégélienne. L’autre est pour lui une image, un double spéculaire du moi. Il apparaît au
moment du stade du miroir dans lequel l’enfant s’identifie à son image. Cette identification
imaginaire n’est pas d’abord une identification à soi mais une identification à la forme
humaine en général, en quoi elle a toujours une part de fiction : elle est identification à un
autre. L’Autre apparaît quant à lui dans la parole, dans l’ordre symbolique : c’est avant tout
un lieu ou un espace, une scène sur laquelle se déploie le langage.
« La présence d’un être n’entrant pas dans la sphère du Même, présence qui la
déborde, fixe son « statut » d’infini. Ce débordement se distingue de l’image du
liquide débordant d’un vase parce que cette présence débordante s’effectue comme
une position en face du Même. La position en face, l’opposition par excellence, ne
se peut que comme mise en cause morale.Ce mouvement par de l’Autre. » Lévinas,
Totalité et infini.
« sympathie » sans nous soucier outre mesure de cette distinction. Rousseau évoquait ainsi un
sentiment naturel (au sens de inné) de sympathie pour autrui prenant la forme de la pitié.
Smith quant à lui, élabore une théorie des sentiments moraux fondée entièrement sur la
capacité qu’a l’homme de se transporter, d’ « entrer » dans les états affectifs de l’autre.
Selon l’intensité de l’affection, ses motifs, sa nature, la sympathie sera plus ou moins forte
(ex : il est plus difficile d’avoir de la sympathie pour une grande colère que pour une joie
anodine). Plus récemment, Scheler, dans Nature et formes de la sympathie, a critiqué la
conception husserlienne de l’intersubjectivité fondée sur la connaissance d’autrui en insistant
au contraire sur la dimension affective de l’expérience d’autrui. Notons de plus que la
sympathie repose, non sur le sentiment d’une co-appartenance au vivant en général, mais sur
le sentiment d’autrui en sa qualité et dignité d’homme. Kant, fera sien ce constat pour
montrer que la reconnaissance de l’autre homme ne repose pas sur une propriété que
l’homme partage avec les autres vivants mais sur un sentiment moral dicté par la raison, ce
sentiment étant le respect que nous accordons avant tout aux « grands hommes ».
À première vue, on ne saurait trouver abîme plus grand qu’entre cette pensée et celle
du structuralisme signant l’imminente « mort de l’homme » (au sens non pas réel mais
conceptuel en ce sens que l’ « homme » aurait dominé la scène philosophique depuis Kant).
On retrouve pourtant un même souci de l’altérité dans la pensée structuraliste. Que l’on
pense tout d’abord à Lévi-Strauss qui nous enjoint à abandonner les critères rationalistes
ethnocentriques de hiérarchisation des cultures selon le progrès scientifique et technique et à
juger primitives des sociétés dont le développement ne correspond pas aux normes que
l’Occident s’est fixé. Il n’est pas jusqu’aux sociétés dites « sans histoires » qui ne témoignent
d’une certaine forme de variabilité, de différenciation progressive (mais dire ceci ne
suppose-t-il pas que l’on ait déjà fixé l’ « évolution » en norme absolue ?). N’allons pas
jusqu’à reprendre la critique de la rationalité, et plus précisément du projet des Lumières,
menée par l’Ecole de Francfort qui montre que projet contient une potentialité
d’asservissement de l’homme. Évoquons simplement Foucault, penseur dit structuraliste, qui
dans l’Histoire de la folie à l’âge classique se livre à une analyse des différentes manières
dont cet autre qu’est la folie a été pensée et traitée depuis la Renaissance jusqu’à nos jours.
Cette analyse vise à dévoiler l’enfermement de la folie dans les critères de la rationalité
classique puis dans ceux des sciences de l’homme : la folie a été pensée comme le non
rationnel ou bien comme le négatif de la vérité de l’homme (dont la connaissance aide
cependant à en dévoiler le « positif ») mais elle n’a jamais été pensée pour elle-même, en
tant que purement autre.
- L’intersubjectivité (Husserl): L’ego est d’emblée ouvert à autrui. Il n’a pas les
mêmes relations avec celui-ci qu’avec les objets du monde d’une part parce qu’il y a
association passive de son corps à celui de l’autre, d’autre part parce que, par
l’imagination, il peut faire « comme si » il était à la place de l’autre. Le monde dans
lequel nous vivons est intersubjectif.
- Le regard (Sartre) : Autrui me dévoile que je ne suis pas le centre de mon monde. Il
me « vole mon monde ». Son regard me dépossède de moi-même car il me constitue
en objet parmi les objets du monde. Autrui devient par là même une pleine
subjectivité dans la mesure où il n’y a d’objet que pour un sujet. Mais pour me
ressaisir en tant que sujet, je dois à mon tour constituer l’autre en objet. Cette lutte
des consciences ne peut s’apaiser.
- La sympathie : La sympathie (ex : la pitié) est un sentiment moral (inné) qui nous
lie aux autres hommes et nous pousse à « entrer » dans leur sentiments, à les
comprendre sans pour autant les ressentir à un même degré. La sympathie ne
s’exerce pas à l’égard de tous les vivants mais seulement à l’égard des autres
hommes en leur dignité et qualité humaine.
- L’altérité irréductible : L’altérité des autres cultures ne peut être évaluée à l’aune
de nos propres critères de rationalité scientifique et technique. Il est impossible de
hiérarchiser les cultures car l’établissement d’une échelle de valeurs sera toujours
nécessairement un présupposé ethnocentrique et plus encore une violence à l’égard
de l’autre. D’une manière similaire, lorsqu’on définit la folie comme le négatif de
quelque chose de plus élevé (la raison, l’essence de l’homme), on rate ce qui
constitue son altérité fondamentale (elle n’est plus l’autre mais « l’autre du
même »).
Indications bibliographiques