Pour citer cet article : Kurtz J-E, et al. Traitements loco-régionaux des tumeurs desmoides : quelles perspectives ?

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(2019), https://doi.org/10.1016/j.bulcan.2019.10.012

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Synthèse
Traitements loco-régionaux des tumeurs
desmoides : quelles perspectives ?

Jean-Emmanuel Kurtz 1, Justine Gantzer 1, Julien Garnon 2, Afshin Gangi 2

Reçu le 13 octobre 2019 1. Hôpitaux universitaires de Strasbourg, service d'oncologie et d'hématologie, 1,

Accepté le 26 octobre 2019 avenue Molière, 67098 Strasbourg, France
Disponible sur internet le : 2. Hôpitaux universitaires de Strasbourg, service de radiologie interventionnelle, 1,
place de l'Hôpital, 67000 Strasbourg, France

Correspondance :
Jean-Emmanuel Kurtz, Hôpitaux universitaires de Strasbourg, service d'oncologie et
d'hématologie, 1, avenue Molière, 67098 Strasbourg, France.
j-emmanuel.kurtz@chru-strasbourg.fr

Mots clés Résumé

Tumeur desmoïde
Radiothérapie Les traitements locorégionaux des tumeurs desmoïdes font partie de l'arsenal thérapeutique dans
Cryothérapie cette affection rare mais parfois sévère. La radiothérapie à la dose de 56 Gy peut être envisagée en
cas de tumeur progressive malgré un traitement médical. En France, ses indications en situation
adjuvante sont très limitées du fait du recul des indications chirurgicales. La cryothérapie est une
technique en plein essor, qui peut être envisagée dans les mêmes situations cliniques, dans des
équipes entraînées. Les résultats récents de cette technique de radiologie interventionnelle sont
extrêmement prometteurs. Toutes ces options doivent être discutées au sein de réunions de
concertation spécialisées dans la prise en charge des tumeurs mésenchymateuses.

Keywords Summary
Desmoid tumor
Radiation therapy Loco-regional therapy for desmoid tumeurs. Current status and perspectives
Cryoablation
Locoregional therapy for advanced or recurrent desmoid tumor is part of our therapeutic
armamentarium. Radiation therapy at a dose of 56 Gy is feasible and has led to favorable
results despite limited prospective data available. Cryoablation is a novel, very promising
technique that may be applied in the same clinical picture of advanced, progressing or recurrent
disease, in the hands of trained teams. All these options have to be discussed in sarcoma tumor
boards due to the rarity of the disease and the expertise needed.

Introduction : la tumeur desmoïde, une tumeur desmoïde est caractérisée par des altérations molécu-
maladie locale et locorégionale laires, touchant soit le gène de la béta-caténine, soit le gène
Une des particularités des tumeurs desmoïdes réside en leur APC, de manière a priori exclusive. Pour autant que l'on
potentiel évolutif local et locorégional parfois destructeur. La connaisse les déterminants moléculaires à l'origine de la

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https://doi.org/10.1016/j.bulcan.2019.10.012
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BULCAN-841
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J-E Kurtz, J. Gantzer, J. Garnon, A. Gangi

Synthèse

maladie, le caractère imprévisible de son évolution rend compte
des difficultés de prise en charge médicale. Ainsi, différents
modes évolutifs sont envisageables, avec des phases d'évolu-
tion, de stabilisation et de régression parfois spontanées, sans
que l'on ne comprenne bien les facteurs cliniques et biologiques
à l'origine de ces différents tableaux cliniques.
Les caractéristiques et conséquences du développement local puis
loco-régional de la tumeur desmoïde sont éminemment variables
d'un patient à l'autre, selon la taille et la localisation de la tumeur,
celle-ci étant ubiquitaire. Toutefois, outre les conséquences locales
et régionales de la maladie, on retrouve de manière quasi cons-
tante un retentissement global sur la vie des patients, marqué par
une anxiété liée à l'incertitude sur le mode évolutif de la maladie,
ainsi que l'existence de douleurs parfois intolérables.
Outre les traitements systémiques détaillés ailleurs dans ce
numéro, les traitements locorégionaux peuvent apporter une
réponse à la problématique éponyme posée par la maladie. Ils
comprennent la chirurgie que nous ne détaillerons pas ici et qui
comporte un certain nombre de limitations, mais nous nous
focaliserons sur la radiothérapie d'une part et d'autre part sur la
radiologie interventionnelle, et plus particulièrement la cryo-
thérapie. Des cas anecdotiques de traitement par ultrasons
focalisés sont rapportés, ne faisant pas à ce jour de cette
technique une option envisageable hors essai thérapeutique.
Quand faut-il considérer un traitement
locorégional ?
À la différence de la prise en charge des affections malignes, la
réponse thérapeutique en 2019 à une maladie locorégionale ne
repose pas sur ce type de traitement en première intention et les
recommandations de prise en charge privilégient un traitement
systémique [1]. Ces recommandations sont également sous-
tendues par les conséquences potentiellement délétères liées
au traitement dans le cadre d'une maladie bénigne, et d'une
nécessaire hiérarchisation dans la lourdeur des thérapies. Ainsi,
tant la radiothérapie que la radiologie interventionnelle sont
pour l'instant (en France) cantonnées aux situations de maladie
progressive après plusieurs lignes de traitement médical (qui
n'est pourtant lui-même pas dénué d'effets secondaires).
supérieure ou égale à 56 Gy. Dans une série rétrospective
récente de 50 patients, la dose moyenne d'irradiation était
de 56 Gy, avec un taux de contrôle de la maladie de 78 %,
mais on notait la survenue d'un cancer en territoire irradié [3]. Il
n'existe dans la littérature qu'un seul essai prospectif de phase
II, mené par l'EORTC chez des patients en progression [4].
Quarante-deux patients sur les 44 traités avaient reçu la dose
prévue de 56 Gy, en 28 fractions de 2 Gy, 5 jours sur 7. Le taux de
contrôle de la maladie à 3 ans était de 81 % (RC 13,6 % ; RP
36,4 % ; MS 40,9 %), mais on notait l'existence de rechutes dans
la zone irradiée. Il n'y avait malheureusement dans cette étude
aucune évaluation des symptômes rapportés par les patients, ni
d'analyse de qualité de vie. Au total, les données de la littéra-
ture montrent que la radiothérapie est une option envisageable
en cas de tumeur desmoïde progressant sous traitement médi-
cal, mais que cette option thérapeutique doit être discutée en
prenant en compte des risques à long terme.
L'essor de la radiologie interventionnelle :
la cryothérapie
Parmi les techniques de radiologie interventionnelle, la cryo-
thérapie est celle dont le développement récent dans les
tumeurs desmoïdes est la plus prometteuse.
Elle consiste à détruire la tumeur par le froid, via l'implantation
transitoire de sondes de cryoablation, dans lesquelles circule un
gaz (argon) dont la décompression brutale (passage de l'état
liquide à l'état gazeux) entraîne une chute de température par
l'effet Thompson–Joule. Au niveau tumoral, la transition entre

Place de la radiothérapie
La radiothérapie fait partie des options thérapeutiques envisa-
geables dans la prise en charge des tumeurs desmoïdes, mais la
littérature est peu abondante et hétérogène, tant par les moda-
lités de l'irradiation (adjuvante vs récurrence) que par les tech-
niques employées. Dans la série de Bishop et al. [2], les auteurs
analysaient séparément les patients irradiés pour une tumeur
en place et rapportaient un taux de contrôle à 5 et 10 ans
d'environ 60 %. Les comparaisons entre les séries publiées,
toutes rétrospectives, sont difficiles, du fait d'une très grande
hétérogénéité des patients. Les auteurs rapportaient un taux de Figure 1
complications plus élevé en cas d'irradiation à une dose Positionnement des sondes de cryoablation
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Traitements loco-régionaux des tumeurs desmoides : quelles perspectives ?
Figure 2
Aspect de la tumeur desmoïde avant (2a) et après (2b) cryoablation
l'eau intracellulaire (liquide) vers la glace, entraîne une brutale
augmentation de volume et une lyse membranaire conduisant
à la mort cellulaire. Il n'existe, pour quelque cellule que ce soit,
aucun moyen de résistance à une telle agression.
Initialement proposée dans les tumeurs du rein localisées, la
cryothérapie se développe dans les tumeurs desmoïdes depuis
la première publication par l'équipe de Kujak en 2009 [5].
Depuis cette date, plusieurs séries rétrospectives sur des effec-
tifs limités et dans des situations hétérogènes ont été rappor-
tées dans la littérature, supportant le développement de la
technique dans cette indication [6–8]. Très récemment, la pre-
mière série prospective (CRYODESMO-01) a été présentée
à l'ESMO 2019, apportant un nouvel éclairage sur cette modalité
de traitement [9].
La procédure est réalisée sous anesthésie générale, sous
contrôle radiologique permanent (scanner ou idéalement
IRM). Elle nécessite une planification du volume à traiter, et
une identification soigneuse des organes à risque de complica-
tions liées au froid, notamment les structures nerveuses, et la
peau. Le volume à traiter doit comprendre la tumeur elle-même,
mais également une marge de sécurité, afin de ne pas négliger
de petites extensions tumorales difficilement visibles. Après
mise en place des sondes de cryoablation (figure 1), on réalise
deux cycles de congélation de dix minutes, séparées par un
cycle de réchauffement passif, puis un cycle de réchauffement
actif afin d'extraire les sondes de cryoablation. En fonction du
volume tumoral, la totalité de la procédure peut prendre plu-
sieurs heures, au terme desquelles les patients doivent être
hospitalisés quelques jours pour la prise en charge des effets
indésirables précoces.
Les effets secondaires de la cryothérapie des tumeurs desmoï-
des sont bien connus, et dominés par l'œdème locorégional
(conséquence de la fuite de l'eau intracellulaire), la douleur liée
à l'inflammation post-procédure, la rhabdomyolyse, et le risque
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Synthèse
de brûlure cutanée et d'atteinte des nerfs périphériques.
L'ensemble de ces effets secondaires est généralement d'évo-
lution favorable dans les mains d'équipes multidisciplinaires
entraînées (radiologues interventionnels et oncologues médi-
caux). Le suivi IRM des patients permet d'objectiver l'effet de la
destruction tumorale, par la dévascularisation complète de la
zone traitée, se transformant en un tissu nécrotique de consis-
tance molle à la clinique, qui va se résorber très progressive-
ment (figure 2).
Dans le cadre de tumeurs desmoïdes progressant après deux
lignes de traitement, la cryothérapie permet ainsi d'obtenir un
taux de contrôle de la maladie à un an de 85 %, concomitant
avec une amélioration de la qualité de vie et une diminution
pérenne des douleurs [9]. Ces résultats obtenus de manière
prospective, illustrent donc le potentiel de la cryothérapie dans
les tumeurs desmoïdes.
Conclusion et perspectives
La place des traitements locorégionaux dans la prise en charge
des tumeurs desmoïdes est indiscutable. Dans tous les cas, elle
mérite d'être discutée dans les réunions de concertation pluri-
disciplinaires dédiées à la prise en charge des tumeurs mésen-
chymateuses. Les résultats obtenus dans l'étude CRYODESMO-
01 ont conduit au design de l'essai CRYODESMO-02, qui compa-
rera la cryothérapie au traitement médical lors de la première
progression, après la période initiale de surveillance recomman-
dée. Cette étude, financée par le PHRC devrait débuter dès l'an
prochain, et apporter de nouvelles opportunités dans la prise en
charge des tumeurs desmoïdes.
Déclaration de liens d'intérêts : J.E. Kurtz: Advisory boards : Astra Zeneca,
Tesaro; Inscription au congrès et déplacements: Astra Zeneca, Roche,
Pharmamar.J. GArnon et A. Gangi: Honoraires: BTG.J Gantzer déclare ne
pas avoir de liens d'intérêts..
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J-E Kurtz, J. Gantzer, J. Garnon, A. Gangi
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