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idées ENQUÊTE

Les épidémies perturbent 
la relation aux morts
EMANUELE COCCIA :
« La Terre peut se débarrasser de nous 
avec la plus petite de ses créatures »
PA G E S 2 5 À 2 8

WEEK-END
MAGAZINE
1920, L’ÉPIDÉMIE 
OUBLIÉE
UNIQUEMENT EN FRANCE MÉTROPOLITAINE,
EN BELGIQUE ET AU LUXEMBOURG

SAMEDI 4 AVRIL 2020 - 76E ANNÉE - N O 23401 - 4,50 € - FRANCE MÉTROPOLITAINE WWW.LEMONDE.FR - FONDATEUR : HUBERT BEUVE-MÉRY DIRECTEUR : JÉRÔME FENOGLIO

Les Etats entrent dans une ère de dettes colossales
▶ Les pays occidentaux ▶ Dans les scénarios noirs, ▶ Ces Etats profitent des ▶ Les économistes ne sont ▶ Les Etats ont déjà connu
ont lancé des plans de la dette de la France taux bas, voire négatifs, pas inquiets concernant la dans leur histoire des ni­
soutien massifs à leur éco­ pourrait passer à 141 % du actuels et du renfort des solvabilité à court terme, veaux d’endettement plus
nomie, pour atténuer les PIB, celle de l’Italie à 181 %. banques centrales, qui mais redoutent à long importants, notamment
conséquences de l’épidé­ Les déficits américain rachètent massivement terme la perte de crédibi­ après des guerres
mie et du confinement et britannique explosent leurs dettes lité auprès des créanciers PAGE S 14- 15

EN LOMBARDIE, L’IMPOSSIBLE DÉCOMPTE DES MORTS Santé Ehpad


Vers une pénurie  « C’est un 
mondiale de  cauchemar 
médicaments collectif »
Outre les produits Au moins 884 personnes
de santé liés à la pandémie, âgées sont mortes depuis
ce sont les médicaments le début de la crise sani­
dits « essentiels » taire, selon un premier
qui commencent bilan partiel, le 2 avril. Une
désormais à manquer hécatombe silencieuse
PAGE 3 PAGE 4
▶ Dans cette région
italienne, les habi­
tants craignent un
bilan bien supérieur Emploi Industrie
au chiffre officiel Un salarié sur cinq Michelin décide
de 8 000 décès se retrouve en de redémarrer
▶ A Brescia, les chômage partiel ses usines
autorités ne savent PAGE 11 PAG E 13
plus où entreposer
les cercueils
Dans l’église San Giuseppe
PAG E 6
de Seriate, près de Bergame,
le 26 mars. CLAUDIO FURLAN/LAPRESSE VIA AP

Commerce Reportage Une journée au cœur  Témoignages


Leclerc :  de la « réa 4 », à Annecy Le sacerdoce
un management Le quotidien du service hospitalier en photos PAGES 20 -21 de l’infirmière 220 PAGES

par l’intimidation en milieu rural 12 €
Des salariés des magasins Isabelle Adeline, 59 ans,
du réseau de distribution infirmière depuis vingt
témoignent de conditions ans en Normandie, est
de travail où les pres­ souvent la seule personne
sions et une étroite sur­ que ses patients croisent
veillance sont habituelles dans la journée. « Les gens
PAGE 16 veulent tous être rassurés.
Et les infirmières tissent
un lien social essentiel »
1
ÉDI TO R IA L
PAROLES DE SOIGNANTS – P. 19

MUNICIPALES :  Politique
L’INÉVITABLE  Comment la ANALYSEZ 2018 // DÉCHIFFREZ 2019
IMBROGLIO gauche réfléchit au
TRISTAN REYNAUD /ZEPPELIN
« monde d’après »
PAG E 30
PAGE 10
Algérie 220 DA, Allemagne 3,70 €, Andorre 3,50 €, Autriche 3,80 €, Belgique 4,80 €, Cameroun 2 400 F CFA, Canada 5,70 $ Can, Chypre 3,20 €, Côte d'Ivoire 2 400 F CFA, Danemark 36 KRD, Espagne 3,50 €, Gabon 2 400 F CFA, Grande-Bretagne 3,10 £, Grèce 3,50 €, Guadeloupe-Martinique 3,20 €, Guyane 3,50 €,
Hongrie 1 330 HUF, Irlande 3,50 €, Italie 3,50 €, Liban 6 500 LBP, Luxembourg 4,90 €, Malte 3,20 €, Maroc 22 DH, Pays-Bas 3,80 €, Portugal cont. 3,50 €, La Réunion 3,20 €, Sénégal 2 400 F CFA, Suisse 4,40 CHF, TOM Avion 500 XPF, Tunisie 4,10 DT, Afrique CFA autres 2 400 F CFA
CORONAVIRUS
0123
2| SAMEDI 4 AVRIL 2020

En Ile­de­France, 
une évacuation 
sanitaire 
sans précédent
Depuis mercredi, 36 patients ont été
transférés en TGV médicalisé vers la Bretagne,
et 84 malades par les airs ou par la route
vers la Normandie, les Pays de la Loire ou le
Centre­Val de Loire, des régions moins touchées

J
usqu’au dernier moment, ils ont es­ transférés ce week­end. « L’objectif est
péré pouvoir faire face seuls à la vague d’avoir transféré un total de 216 patients
de patients. Mais, dans la nuit du d’Ile­de­France d’ici à lundi », calcule un
mardi 31 mars au mercredi 1er avril, le conseiller à Matignon, en rappelant que
directeur général de l’Assistance publi­ 439 transferts ont déjà été réalisés en
que­Hôpitaux de Paris, Martin Hirsch, France depuis le 18 mars.
et celui de l’agence régionale de santé Au sein de l’exécutif, on souligne que « c’est
(ARS) d’Ile­de­France, Aurélien Rousseau, ont un travail de planification permanent, effec­
dû se rendre à l’évidence. Impossible de sui­ tué quasiment vingt­quatre heures sur vingt­
vre le rythme d’arrivée des malades. Au cours quatre par la direction générale de la santé,
des vingt­quatre heures précédentes, les hô­ avec les ARS et les pays frontaliers ». L’objectif
pitaux franciliens ont dû accueillir 190 nou­ est d’éviter à tout prix qu’un malade ne
veaux patients affectés par le SARS­CoV­2 en trouve pas le lit de réanimation dont il pour­
réanimation, portant leur nombre total à rait avoir besoin. « Il n’est pas question de lais­ sa propre flotte de Falcon pour transporter Seine), en précisant que le transfert
2 200, leur capacité maximale. ser une personne sans solution », jure un con­ jusqu’à Paris des médecins et des personnels pourra être reprogrammé pour le week­
Pour retrouver un peu de marge, ordre seiller. Mais, reconnaît­on, cela demande des soignants de régions pour l’instant moins end en cas d’amélioration.
est alors donné de transférer des malades arbitrages subtils entre les lits disponibles touchées, afin d’ouvrir de nouveaux lits de Deux autres patients sont déjà arrivés
vers des régions moins touchées. Résultat aujourd’hui et ceux dont les régions ont be­ « DÈS QU’UN LIT SE  réanimation en Ile­de­France. Trois avions sans difficulté à Brest, où ils seront pris en
deux jours plus tard : après une première soin pour accueillir les futurs patients. Pour LIBÈRE, NOUS AVONS  ont ainsi récupéré une trentaine de soi­ charge jusqu’à leur réveil. La pression sur
opération d’évacuation − déjà program­ l’heure, l’exécutif table plutôt sur un effet po­ gnants mercredi. Au total, 300 infirmiers et les lits a atteint un pic cette semaine :
mée − de 36 patients en TGV médicalisé sitif du confinement. « On ne va pas laisser SIX APPELS ET, EN  aides­soignants, et une trentaine de méde­ « Dès qu’un lit se libère, nous avons six ap­
mercredi vers la Bretagne, 84 ont été inemployées des capacités de réanimation cins sont attendus en renfort en région pari­ pels et, en une heure à peine, il est pourvu »,
transportés dès l’après­midi par les airs ou dans des régions qui pourraient être épar­ UNE HEURE À PEINE,  sienne, permettant d’ouvrir 200 nouveaux constate le médecin, en rappelant qu’un
par la route vers la Normandie, les Pays de gnées », explique un proche du premier mi­ lits d’ici à ce week­end. tiers des 70 personnes hospitalisées à Gar­
la Loire ou le Centre­Val de Loire. nistre, Edouard Philippe.
IL EST POURVU » ches pourrait avoir besoin d’une réanima­
Chaque jour en fin d’après­midi, un point DJILLALI ANNANE SOLIDARITÉ TRANSFRONTALIÈRE tion dans les prochains jours.
PLANIFICATION « PERMANENTE » est fait au sein de la cellule interministérielle chef du service Dans l’attente de nouvelles capacités, les Dans la région Grand­Est, les transferts ont
Pour déployer ce « pont aérien », un « hub » de crise, installée au ministère de l’intérieur, de réanimation hôpitaux évaluent les malades qui sont été nombreux et, de l’avis de tous les acteurs,
a été installé à l’aéroport d’Orly − fermé place Beauvau. C’est là que sont décidés les à l’hôpital de Garches aptes à être transportés. Ceux­ci doivent vitaux pour éviter l’effondrement d’un sys­
au public − à partir duquel une quinzaine transferts et les moyens associés, qu’ils être stables. « Deux patients devaient tème de soins mis sous haute tension. Ils ont
d’hélicoptères et d’avions civils comme soient militaires ou civils. Et ce, quel que soit partir dans la journée, mais nous avons été « indispensables », souligne Christophe
militaires ont fait la navette. Une « pre­ le coût financier. « Le président de la Républi­ annulé car leur état s’est aggravé pendant Gautier, directeur des hôpitaux de Stras­
mière dans l’histoire de la médecine en que a dit que tout devait être fait quoi qu’il en la nuit », témoigne Djillali Annane, chef du bourg. Ces évacuations ont eu lieu vers
France », indique­t­on à l’ARS. Cinquante coûte, ce n’est pas un sujet », balaie­t­on à Ma­ service de réanimation de l’hôpital d’autres régions, avec trois TGV sanitaires
autres malades pourraient encore être tignon. L’Etat a d’ailleurs mis à disposition Raymond­Poincaré de Garches (Hauts­de­ qui ont emmené 56 patients au total vers le

Une infirmière bretonne sanctionnée pour avoir rejoint l’AP­HP


Alors que sa hiérarchie l’aurait autorisée à prêter main­forte aux hôpitaux parisiens débordés, Mona Amraoui a vu son contrat suspendu

M ona Amraoui a de quoi


être amère. Dimanche
5 avril doit se terminer
son contrat d’infirmière au CHRU
« JE N’IMAGINAIS PAS ÊTRE 
SANCTIONNÉE, PUNIE 
contraindre à prendre des congés
et nous placer dans une situation
d’astreinte. »
L’infirmière contractuelle, qui
d’une part de la demande express
pour une présence de l’infirmière
bretonne aux hôpitaux Bichat
puis Lariboisière et, d’autre part,
partir « de sa propre initiative,
sans informer préalablement
sa hiérarchie » et que, « devant le
fait accompli, sa situation a été
même temps, lance un appel,
lundi 30 mars, afin d’aller renfor­
cer les hôpitaux de la capitale.
L’infirmière est d’autant plus en
de Brest. Ainsi que l’indique un POUR AVOIR RÉPONDU travaille au CHRU brestois depuis d’un contact avec Brest pour régularisée avec les homologues colère que, dans le TGV qui la ra­
mail en provenance de la direc­ juillet 2019, a décidé de rejoindre « sécuriser [votre] situation ». parisiens ». Un contrat de mise à menait à Paris, pour ses trois der­
tion des ressources humaines À L’URGENCE, ALORS QUE Paris et l’AP­HP pour aider les équi­ disposition à l’AP­HP jusqu’au nières gardes, mercredi 1er avril,
(DRH) de l’établissement en date pes soignantes débordées : « J’ai Contradictions de la direction 5 avril a de fait bien été établi. La elle a voyagé avec cinq personnes
du 26 mars, « notre direction a dé­
J’ÉTAIS DISPONIBLE, entendu Martin Hirsch [directeur La jeune femme a alors enchaîné responsable de la communica­ du CHU de Brest parties épauler
cidé que nous n’étions pas en me­ EN CONGÉ » général de l’AP­HP] dans les mé­ les nuits de garde, logeant dans un tion de l’hôpital affirme que le les équipes parisiennes. Sur la ré­
sure de reconduire votre contrat dias qui demandaient des renforts hôtel du nord de Paris trouvé par non­renouvellement du contrat gion, confirme l’ARS Bretagne,
pour le moment ». Une décision MONA AMRAOUI et je me suis manifestée dans le l’hôpital, retournant pour deux n’a rien à voir avec cette histoire ce sont 70 personnels médicaux
étonnante, juge la jeune femme infirmière cadre d’un élan de solidarité. » Elle jours de congés les 30 et 31 mars de déplacement, et qu’il est dû à et soignants – 20 pour le seul
de 25 ans, alors que, partout, les a alors contacté l’AP­HP, et la direc­ à Brest pour voir sa fille de 18 mois « des raisons professionnelles », CHRU brestois – qui ont répondu
appels se multiplient pour recru­ tion de l’hôpital Lariboisière, à Pa­ et son mari. « Je n’imaginais pas sans autre précision. à l’appel. Des initiatives similaires
ter des personnels soignants. ville, dit­elle encore. Une note du ris, lui a immédiatement proposé être sanctionnée, punie pour avoir « J’ai toujours eu de bonnes rela­ ont été lancées partout en France,
La faute de l’infirmière bre­ 16 mars précise que « les déplace­ de rejoindre les équipes de garde. répondu à l’urgence, alors que tions à l’hôpital et mes évaluations tel ce message du CHU de Mont­
tonne, selon elle, est d’être allée ments professionnels ne peuvent Elle commence le 22 mars et in­ j’étais disponible, en congé. L’AP­HP sont toutes excellentes », rétor­ pellier du 1er avril demandant aux
travailler à Paris dans des établis­ pas excéder une distance permet­ siste auprès des ressources hu­ va peut­être me proposer un que l’infirmière. Thomas Bourhis infirmiers volontaires de rejoin­
sements de l’Assistance publique­ tant de rejoindre l’établissement maines de l’établissement afin contrat, mais ma petite fille et mon confirme : « C’est une excellente dre la région parisienne. Dans son
Hôpitaux de Paris (AP­HP), sans dans un délai de 1 heure 30 en voi­ qu’ils contactent le CHU de Brest mari, qui est en situation de han­ professionnelle avec de bonnes no­ point presse quotidien, jeudi
en avoir informé préalablement ture ». Et pour les déplacements pour officialiser ce mouvement. dicap, vivent à Brest, c’est impos­ tes, mais c’est une personnalité qui 2 avril, le directeur général de la
sa hiérarchie à Brest, alors qu’elle personnels, un délai de 3 heures. « On m’a rassuré en m’expliquant sible », proteste Mona Amraoui, sait faire valoir ses droits, cela dé­ santé, Jérôme Salomon, a fait état
était en congé « imposé ». La direc­ Un scénario dénoncé par Thomas qu’il existait des procédures de qui sera lundi au chômage. plaît peut­être. » Et d’ironiser aussi de 112 professionnels arrivés en
tion du personnel lui reproche Bourhis, responsable CGT au prêt de personnel », avance Mona Le CHU de Brest, pour sa part, sur les contradictions de cette di­ Ile­de­France et de plus d’une cen­
aussi de ne pas avoir respecté les CHRU de Brest : « On ne peut Amraoui. Un mail du 21 mars explique que l’infirmière, qui rection qui sanctionne une infir­ taine attendus vendredi. 
consignes en s’éloignant de la pas dans le même temps nous de la DRH de Lariboisière atteste était sous contrat, a décidé de mière partie à Paris et, dans le rémi barroux
0123
SAMEDI 4 AVRIL 2020 coronavirus | 3

Les pénuries de médicaments, problème


mondial, au­delà du traitement du Covid­19
La chaîne d’approvisionnement opaque explique pour partie la rupture des stocks

P énurie de masques. Pénu­


rie de blouses. De bou­
teilles d’oxygène, de serin­
gues automatiques, de sacs mor­
tuaires. Pénurie de tout. Et main­
Covid­19 » comme l’hydroxychlo­
roquine ou le lopinavir/ritonavir,
écrit une porte­parole de l’OMS
dans un courriel au Monde. Pris
d’assaut, ceux­ci « ont fait l’objet
En France,
aucune mesure
contraignante
Chine puis exportés en Inde ou
ailleurs, où ils sont alors transfor­
més en médicaments. D’après des
chiffres récents de l’industrie in­
dienne, le pays importe plus de
tenant de médicaments – dont on d’achats panique ou d’achats spé­ ou coercitive 60 % de ses principes actifs.
n’avait jamais imaginé manquer culatifs ». Pour s’en protéger, mais Après des semaines de confine­
un jour dans le confort des pays cela risque d’aggraver la situa­
n’est envisagée ment, la Chine a fait repartir ses
développés. Le 31 mars, neuf éta­ tion, le Royaume­Uni a interdit, le à ce jour vis-à-vis usines et « la situation semble se
blissements hospitaliers euro­ 25 mars, l’exportation de plus de stabiliser avec la reprise de l’acti­
péens, dont l’Assistance publique­ 80 médicaments, malgré une ré­
de l’industrie vité de production », indique
Hôpitaux de Paris (AP­HP) appe­ serve stratégique de produits pharmaceutique l’OMS. C’est au tour de l’Inde, plus
laient à des mesures d’urgence constituée en prévision du Brexit. gros fournisseur au monde de
pour prévenir des ruptures de Le 30 mars, le Fonds mondial de médicaments génériques, de sus­
stocks imminentes. lutte contre le sida, la tuberculose l’état d’urgence du 14 mars, le gou­ citer l’inquiétude. Le 4 mars, pour
Désormais, le problème dépasse et le paludisme a, quant à lui, éva­ vernement espagnol peut mener la première fois de son histoire, le
non seulement les frontières, lué à la hausse l’impact de la pan­ des actions spéciales, et notam­ pays a décidé de bloquer l’expor­
mais aussi la seule question des démie sur l’accès aux médica­ ment réquisitionner ses usines. tation de vingt­six principes ac­
médicaments employés en réani­ ments pour ces maladies. « L’ex­ Une mesure également adoptée tifs comme le paracétamol ou des
mation pour les patients atteints périence de l’épidémie d’Ebola de en Allemagne. Un texte du 23 mars antibiotiques.
par le Covid­19, comme les cura­ 2015, en Afrique de l’Ouest, sug­ oblige maintenant les industriels
res, les dérivés morphiniques, les gère que sans mesures d’atténua­ à livrer aux autorités des informa­ Délocalisations massives
sédatifs ou les antibiotiques, dont tion, le nombre de décès supplé­ tions détaillées sur les « médica­ « Fabriquer les principes actifs en
la consommation aurait été mul­ mentaires dus à des maladies exis­ ments essentiels à la gestion de la soi prendrait des mois », explique
tipliée par vingt en France, selon le tantes, telles que le paludisme, crise sanitaire liée au Covid­19 » et à Andrew Hill. Une autre option,
ministre de la Santé, Olivier Véran. pourrait être au moins aussi élevé les produire. plus réaliste, consisterait à se les
Devenue mondiale, l’inquiétude que celui de l’épidémie elle­ Rien de tel en France. Jeudi procurer directement et à formu­
concerne aussi l’accès aux traite­ même. » L’OMS, qui assure cher­ 2 avril, le Conseil d’Etat a rejeté la ler le produit final sur des lignes
ments dans les pays en développe­ cher des solutions avec tous les requête d’une coordination d’as­ de production en Europe. Un pro­
ment et les médicaments dits « es­ acteurs, a créé « une plate­forme sociations de santé et de juristes cessus qui prendrait, selon lui, en­
sentiels » – qui satisfont aux be­ permettant aux pays vulnérables sommant le gouvernement de tre deux et trois mois. « Nous
soins de santé de la majorité de la de demander de l’aide ». réquisitionner des moyens de avons perdu les infrastructures,
population, selon la définition de Dès le 24 janvier, l’agence améri­ production pour fournir matériel mais pas la connaissance », dit­il
l’Organisation mondiale de la caine des produits alimentaires et médicaments. Même si les ré­ avec malice. Excepté celle de la
santé (OMS). Si la plupart des rai­ et des médicaments (FDA) identi­ quisitions n’ont pas été exclues provenance exacte des principes
sons de cette pénurie sont directe­ fiait vingt médicaments – qu’elle par le premier ministre, Edouard actifs, donc, détenue par les seuls
ment liées à la pandémie, elles ré­ n’a pas nommés – en risque de Philippe, aucune mesure contrai­ laboratoires. « Les industriels de la
vèlent aussi l’opacité d’une indus­ rupture aux Etats­Unis parce que gnante ou coercitive ne semble pharmacie délocalisent massive­
trie pharmaceutique qui a massi­ fabriqués en Chine, alors en con­ être envisagée à ce jour vis­à­vis de ment depuis vingt ans. Ce sont eux
vement délocalisé sa production finement. Mais, fin mars, une l’industrie pharmaceutique. les responsables de cette situation,
en Asie, et l’impréparation de pou­ équipe de recherche de l’univer­ s’indigne le pharmacologue Alain
voirs publics désarmés. sité du Minnesota publiait une Processus compexe Astier. Et les pouvoirs publics n’ont
liste de 156 médicaments qui Mais avant d’en arriver à repro­ pas eu de réflexion sur le sujet, ou
« Achats spéculatifs » pourraient causer une surmorta­ grammer des lignes de produc­ alors les réflexions n’ont pas mené
Quel état des lieux exact au sein lité s’ils venaient à manquer… tion, en France ou ailleurs, encore là où elles devaient mener. »
de l’Union européenne (UE) ? Mal­ pendant quelques heures ou faudrait­il savoir où trouver les En France, ces précieuses infor­
gré la mise en place, le 10 mars, quelques jours. « ingrédients » nécessaires à la fa­ mations sont censées se trouver
d’un « Groupe de pilotage exécutif Parmi eux, de nombreux anti­ brication des médicaments. Une dans des documents appelés
Centre­Val de Loire, les Pays de la Loire, la Un patient de l’UE sur les pénuries de médica­ biotiques ou l’albutérol – la « ven­ question cruciale pour remédier « plans de gestion des pénuries »
Bretagne ou la Nouvelle­Aquitaine. atteint ments causées par des événements toline » indispensable aux asth­ aux pénuries. Jusqu’aux années (PGP). Instaurés par la loi de santé
« Dieu merci, on a pu évacuer des malades », du Covid­19 majeurs » dont elle fait partie, matiques. Dans un communiqué 1970­1980, comme les téléphones de 2016 pour remédier à des pé­
renchérit Jean­François Cerfon, réanimateur est évacué l’Agence européenne du médica­ du Center for Infectious Disease ou les cahiers réglés Séyès, la plu­ nuries de plus en plus fréquentes
à Colmar et président régional de l’ordre des par hélicoptère, ment (EMA) ne semble pas en me­ Research and Policy (CIDRAP) part des médicaments étaient fa­ hors temps pandémiques (plus de
médecins, qui insiste sur la solidarité des pays le 1er avril, sure de répondre à cette question. qu’il dirige, Michael Osterholm, briqués en Europe. Puis le secteur 800 en 2018 selon l’Agence natio­
voisins de l’Alsace, qui « nous ont bien aidés ». depuis Chargé notamment de « traiter copilote du projet, explique qu’il a progressivement délocalisé sa nale de sécurité du médicament
La région a en effet pu compter sur la solida­ l’aéroport l’impact de la pandémie sur les s’est heurté à un mur quand il a production en Inde qui a, par la et des produits de santé), les PGP
rité transfrontalière : 115 patients ont été em­ d’Orly. chaînes d’approvisionnement », le cherché à retracer l’origine précise suite, délocalisé une partie de sa doivent être rédigés par les indus­
menés au Luxembourg, en Suisse et surtout JULIEN FECHTER/ groupe comprend des représen­ des molécules servant à fabriquer chaîne de fabrication en Chine. triels pour chaque médicament
en Allemagne (85 transferts). L’armée a égale­ DICOD/AP tants de la Commission euro­ ces médicaments. « Aucun labora­ Aujourd’hui, entre 60 % et 80 % d’intérêt thérapeutique majeur
ment joué son rôle avec l’opération « Mor­ péenne ou encore les responsa­ toire n’a accepté de partager ces in­ des principes actifs sont fabri­ qu’ils commercialisent. Un PGP
phée », des avions sanitaires qui ont permis le bles des agences du médicament formations. Et d’ailleurs, le gouver­ qués hors de l’Union européenne, « contient de nombreuses infor­
départ d’une trentaine de patients vers des Etats membres. nement américain ne les a pas non selon les Entreprises du médica­ mations très utiles en cas d’alerte
d’autres régions de France ou vers l’étranger. L’OMS confirme bien un pro­ plus », regrette­t­il. ment (LEEM). A cela s’est ajoutée pénurie, notamment une revue
blème global dû à une demande La transparence des fabricants une extrême concentration : il hebdomadaire des stocks et une
UNE IDÉE NÉE APRÈS LES ATTENTATS simultanée et massive de médica­ est au cœur de la problématique n’existe que deux ou trois four­ analyse des risques liés à la pro­
L’idée de recourir à des TGV sanitaires n’est ments partout dans le monde. des pénuries de médicaments. nisseurs dans le monde pour de duction », indique le LEEM dans
cependant pas née avec l’épidémie. Il y a un « Nous constatons surtout des pro­ « Demander aux industriels de dé­ nombreuses molécules. un document sur le sujet.
an, les urgentistes du SAMU parisien avaient blèmes avec les anesthésiques, cer­ tailler leurs chaînes d’approvision­ L’élaboration d’un médicament Ces PGP ont­ils été effective­
organisé avec la SNCF un entraînement sur tains antibiotiques et des médica­ nement : voilà ce que pourraient est un processus complexe qui ment rédigés ? Et s’ils existent,
un trajet Metz­Paris. « L’objectif était d’être ments actuellement inclus dans faire les gouvernements, avance nécessite différents types de pro­ pourquoi les informations qu’ils
prêts à transférer les victimes d’un attentat les essais cliniques pour le Andrew Hill, directeur de recher­ duits. Des matières premières is­ contiennent n’ont­elles pas déjà
vers la capitale dans le cas où elles ne pour­ che à l’Institut de médecine trans­ sues de la chimie fine servent à fa­ été exploitées ? Le ministère de la
raient pas toutes être prises en charge sur lationnelle de l’université de Liver­ briquer le principe actif (comme santé n’a pas répondu aux ques­
place », explique Lionel Lamhaut du SAMU pool (Grande­Bretagne), et spécia­ par exemple le paracétamol), tions du Monde. « Nous ne dispo­
de Paris. Baptisé « chardon », en référence à
156 produits liste des traitements antirétrovi­ auquel sont ajoutés des exci­ sons pas, en ce moment, des res­
la plante emblématique de la Lorraine, cet pourraient raux. Et cela pourrait être fait à pients et autres produits de con­ sources internes nécessaires pour
exercice a permis aux équipes de définir une l’échelon européen. » ditionnement, explique le phar­ répondre à vos questions », a écrit
« marche à suivre » pour le transfert ferro­
causer une A l’instar de l’Espagne, qui, cruel­ macologue Alain Astier (Hôpi­ pour sa part la responsable de la
viaire. « Personne ne pensait qu’on aurait à surmotalité lement touchée par le Covid­19, a taux universitaires Henri­Mon­ communication du LEEM, qui
s’en servir ainsi », souligne M. Lamhaut. pris des mesures contraignantes dor). Mais rarement au même promet des réponses « lorsque
Les patients − quatre par wagon − sont
s’ils venaient vis­à­vis de l’industrie pharma­ endroit. Matières premières et cette crise sera derrière nous ». 
installés à l’étage inférieur, tandis que l’étage à manquer ceutique. Depuis le décret sur principes actifs sont produits en stéphane horel
supérieur sert de zone de repos pour les
soignants. Entre les deux, une zone d’ha­
billage et de déshabillage a été installée.
L’équipe − quatre infirmières, un médecin
Comment l’AP-HP cherche à économiser les stocks
senior, un médecin junior et un logisticien −
vient le plus souvent de l’établissement d’ac­ le document s’intitule « Utilisation Le document de l’AP­HP tente d’apporter seringue pour gagner « environ » deux mil­
cueil pour ne pas affaiblir des services déjà parcimonieuse des thérapeutiques en pé­ une aide concrète au désarroi des méde­ lilitres. « On essaie de faire le mieux avec le
en manque de bras. riode de crise sanitaire ». Difficile d’être cins menacés de manquer de leurs outils moins, explique Rémi Salomon, président
Selon lui, le train est le plus adapté au plus clair que ce nom de fichier et les qua­ de base. « Quelques astuces », comme le for­ de la commission médicale de l’AP­HP. En
transport de ces malades fragiles : « Nous torze pages de propositions du « groupe de mule un vade­mecum élaboré par l’hôpital “réa”, on peut faire avec les mêmes drogues,
pouvons sans difficulté poursuivre les traite­ travail pénurie » de l’Assistance publique­ Bichat inclus dans le texte. « La molécule mais avec un peu moins ou en faisant
ments : changer les perfusions, injecter les mé­ Hôpitaux de Paris (AP­HP). prescrite est­elle indispensable ? Est­il possi­ d’autres associations. Ça complique les cho­
dicaments, bouger les patients, et même faire Il ne s’agit pas ici du manque de mas­ ble de diminuer sa posologie ou de l’arrê­ ses, on n’est pas dans notre zone de confort,
une échographie », détaille Lionel Lamhaut. ques, mais des médicaments indispensa­ ter ? » – telles sont les questions que les mé­ mais on fait face. Les médecins soignent le
Jusque­là, aucun incident n’est survenu. bles aux services de réanimation, surchar­ decins sont encouragés à se poser « pluri­ mieux possible avec ce qu’ils ont. »
« Forcément un jour, [l’état] d’un patient s’ag­ gés de patients malades du Covid­19. Cura­ quotidiennement ». « Nous avons de quoi tenir durable­
gravera à bord, mais c’est l’histoire naturelle res employés pour intuber les patients, Plus loin, on les incite à « envisager les mo­ ment », a assuré Edouard Philippe, audi­
de la maladie. » Ce moyen de transport est hypnotiques et sédatifs, antibiotiques, des de ventilation alternatifs (…) pour éven­ tionné mercredi 1er avril à l’Assemblée na­
aussi le plus efficace : lors d’une opération morphine pour la douleur et les fins de tuellement ne pas recourir ou réemployer tionale par la mission d’information sur
« Morphée » − par avion militaire −, il faut vie : voilà plus d’une semaine que les éta­ des curares et/ou sédation­analgésie ». Un la gestion de la pandémie de Covid­19. Ni
une heure et demie pour embarquer et dé­ blissements franciliens alertent les pou­ paragraphe portant sur la « limitation du le premier ministre ni le ministre de la
barquer six malades, contre deux heures voirs publics sur des ruptures de stocks “gâchis” » parle d’« éviter à tout prix le re­ santé n’ont cependant apporté de répon­
pour vingt­quatre patients avec le train.  inévitables et que les témoignages de soi­ nouvellement programmé d’une seringue si ses sur l’état exact des stocks de médica­
françois béguin, chloé hecketsweiler, gnants se multiplient. Il s’agirait mainte­ elle n’est pas totalement finie » et de « ne pas ments dans le pays. 
samuel laurent et cédric pietralunga nant d’une question de jours. changer les tubulures » mais seulement la s. ho.
0123
4 | coronavirus SAMEDI 4 AVRIL 2020

Epidémie de Covid-19 : situation au 2 avril, 14 heures


DÉCÈS À L’HÔPITAL HOSPITALISATION HOSPITALISATIONS PAR DÉPARTEMENT COMPARATIF EUROPÉEN
ET RÉANIMATION pour 100 000 habitants Progression du bilan humain

4 503
26 131 Guadeloupe selon le stade de l’épidémie
13 915 morts
en Italie 12 000
de 150 à 159,9 Italie France Espagne
de 100 à 150 Allemagne Royaume-Uni 10 000
depuis le 1er mars Personnes de 50 à 100 Martinique 10 348 morts
hospitalisées en Espagne
de 25 à 50 8 000

RETOUR À DOMICILE de 10 à 25 Les données


Mayotte commencent au 10e décès. 4 503 morts
moins de 10 en France 6 000
12 427
En réanimation 1 107morts
La Réunion en Allemagne 4 000
et en soins intensifs
2 972 2 357 morts
Petite couronne au Royaume-Uni
(jour 19) 2 000
6 305 Guyane
816
771
0
18 mars 1er avril 18 mars 1er avril Jour 0 Jour 10 Jour 18 Jour 26 Jour 37

Infographie Le Monde Sources : Santé publique France, Johns Hopkins University

Dans les Ehpad, « c’est un cauchemar collectif »


Au moins 884 personnes sont mortes à cause du Covid­19 dans ces établissements, selon un bilan partiel

RÉCIT le temps « Où est Jean ? », son mari.


« Chaque fois que je lui disais qu’il

C
ertaines images la han­ était mort, elle éclatait en sanglots,
tent. Celles des « bâches alors je finissais par lui dire qu’il
en plastique » avec les­ n’était pas là, qu’il dormait », décrit
quelles elle a « camouflé son fils Thierry, une semaine après
les corps » pour « s’en débarrasser le le décès de « la mère », comme il
plus vite possible ». « C’est dur à l’appelle. Cette femme, aux bron­
dire, mais on les considère comme ches usées par les produits chimi­
un danger pour la population vi­ ques inhalés à l’usine, n’a pas sur­
vante », se justifie cette directrice vécu au Covid­19 qui s’est abattu
remplaçante, qui raconte « la va­ sur sa maison de retraite, dans la­
gue » de Covid­19 qui s’est abattue quelle dix­huit résidents sont
à partir du 20 mars sur l’établisse­ morts en dix jours.
ment d’hébergement pour per­ Livraison
sonnes âgées dépendantes (Eh­ d’un cercueil « Le virus m’a volé sa mort »
pad) de Coinces, à Salbris (Loir­et­ à l’Ehpad de « A partir de la mi­mars, quand le
Cher). « Si je pleure, ce sont des lar­ la Fondation numéro de l’Ehpad apparaissait
mes d’impuissance », ajoute cette Rothschild, sur mon téléphone, je tournais le
femme, qui n’a pas souhaité que le 25 mars dos », raconte­t­il. Le 22 mars, c’est
son nom apparaisse. à Paris. la médecin remplaçante de la mai­
La situation de son établisse­ GONZALO FUENTES/ son de retraite – le titulaire a été
ment n’est pas un cas isolé en REUTERS contaminé – qui le contacte. Une
France. Au moins 884 personnes petite dose de morphine a été ad­
sont mortes dans des Ehpad de­ ministrée à « la mère » pour l’aider
puis le début de la crise sanitaire, à respirer, elle n’a pas été testée
selon une estimation basse et in­ mais présente des symptômes. Au
complète donnée jeudi 2 avril par téléphone, la soignante insiste.
Jérôme Salomon, le directeur gé­ Est­ce qu’il ne veut vraiment pas
néral de la santé. Une hécatombe discuter avec Jeannine ? Elle est en­
silencieuse, sur laquelle a alerté la core consciente, l’entend. « Je n’ai
presse, et dont les autorités dévoi­ jamais eu l’habitude de dire “je
lent l’ampleur, en cette troisième t’aime” à ma mère, ou quoi que ce
semaine de confinement. soit, encore moins par téléphone.
A Salbris, l’épidémie de Covid­19 J’ai rien dit, elle m’a reposé la ques­
a d’abord frappé l’encadrement. tion, j’ai pas su quoi dire. »
Contaminé, le directeur a dû con­ taires sont morts. Le bilan s’élevait papy. Quand je venais le voir, il se en lançant un « à demain » enjoué. Le lendemain, à 10 heures, le nu­
fier les commandes de l’établisse­ à douze décès, jeudi. mettait au garde­à­vous, il me di­ Une heure plus tard, sa collègue
« Comment méro de l’Ehpad s’affiche encore.
ment d’une centaine de lits à sa Certaines régions sont plus sait “mon colonel !” Il me faisait rire l’appelle : « On vient de la trouver ma mère a-t-elle Sa femme décroche, Thierry est
remplaçante le 23 mars. Elle té­ meurtries que d’autres. L’Alsace à chaque fois. Il va me manquer… », morte, la télécommande à la juste derrière. « C’est fini, elle est
moigne du « rouleau compres­ verse un lourd tribut. A l’Ehpad glisse­t­il, avouant son désarroi : main. » Le lendemain, à 20 heures,
pu être infectée, partie », énonce la voix. « J’ai res­
seur » auquel elle a dû faire face de Rhinau (Bas­Rhin), l’alerte ini­ « On a l’habitude d’être confrontés Marie­France pose une perfusion alors qu’elle senti un immense vide, je n’avais
« en catastrophe ». La mort s’était tiale remonte au dimanche à la mort dans les Ehpad. Mais un sur une résidente. A 21 h 30 : « Ma­ plus qu’elle. Le virus m’a volé sa
engouffrée dans les lieux. Le 22 mars avec « la première décom­ ou deux décès par mois, c’est déjà rie, il y en a encore une à ton étage
ne bougeait pas ? mort, elle est morte toute seule, je
26 mars, trois personnes sont par­ pensation » d’un résident, 95 ans, beaucoup. Là, c’est tous les jours. Et qui est partie. » C’est sûrement n’ai pas pu être à côté d’elle ni lui
ties en une seule nuit. « Les gens souffrant de la maladie d’Alzhei­ on pressent que le nombre va aug­ Hantée par ces décès, l’infir­ tenir la main. Bien sûr qu’elle était
meurent seuls. C’est inhumain. Il mer : « Une asphyxie terrible ! Je menter. C’est terrible. » mière de 47 ans se demande si c’est
un soignant », usée, mais c’est terrorisant de pas­
n’y a plus d’humanité. L’épidémie n’ai jamais vécu une scène pa­ elle qui les a contaminées. Un ma­ suppute Thierry ser de l’autre côté, et ça, c’est pas
nous condamne à nier l’humain », reille. On avait l’impression que ce « Pire que la canicule de 2003 » tin, elle s’est effondrée. « C’est inhu­ une belle manière de mourir »,
continue­t­elle, en pleurs. patient se noyait, raconte Pascal Comme à Rhinau, tout est allé très main ce qu’on fait, on n’a pas le ma­ poursuit Thierry.
Meyvaert, médecin généraliste et vite à Boulogne­Billancourt. Trois tériel, pas les effectifs, pas les Ce praticien insiste sur « l’empa­ De la mère, il n’apercevra qu’un
Soignants dépêchés en renfort président de l’Association des résidents sont morts dans l’un des moyens », a­t­elle hurlé au visage thie » des agents : « Je connais des cercueil dans le cimetière de Gi­
A l’écart de la Sologne opulente médecins coordonnateurs en Eh­ plus gros Ehpad de cette ville des d’une cadre de santé. En la voyant infirmières et des directeurs qui ont gny, à Saint­Dizier. Six personnes
des grandes réserves de chasse, pad d’Alsace. Le lendemain, quand Hauts­de­Seine. « Je m’attends repasser dans sa « tenue de cosmo­ tenu la main de résidents pour leur autour du trou de terre, un em­
l’Ehpad de Salbris fonctionne fi­ les aides­soignantes en parlaient, au pire, il y en a au moins trois, je naute », ses patients lui ont dit prodiguer les caresses et la chaleur ployé des pompes funèbres qui
nancièrement sur le fil du rasoir. certaines fondaient en larmes. » m’y attends, je vois leur état, je vois qu’ils la soutenaient ! indispensables au moment du pas­ gère l’office religieux, et une céré­
Ici plus qu’ailleurs, l’établissement Le vieil homme est mort à l’hô­ les mimiques de leurs corps qui di­ Cette peur de propager la mort sage ». Quand survient la mort, il monie qu’il filme en direct sur
tourne avec un personnel en sous­ pital, le 27 mars. Entre­temps, des sent “j’en peux plus, je suis fatigué, faute de matériel de protection est faut « annoncer à la famille qu’elle Messenger pour sa sœur qui n’a
effectif, peu qualifié et mal pré­ « kits de sédation » commandés laissez­moi partir” », redoute Ma­ partagée dans les Ehpad. « Le mi­ ne reverra plus son proche que pu venir. Trente minutes plus
paré aux gestes de prévention. Du par M. Meyvaert sont arrivés à rie­France. Infirmière, elle veille nistère nous a dit au début de la dans une boîte fermée. C’est heur­ tard, Jeannine est enterrée, et
coup, porter des masques et des l’Ehpad. Ils ont permis de soula­ sur trente­sept lits, dont vingt oc­ crise de porter le masque unique­ tant, difficilement supportable », Thierry ne comprend pas. « Pour­
blouses n’est pas allé de soi au dé­ ger la douleur d’autres résidents cupés par des malades avérés ou ment au contact des patients mala­ confie la directrice de Salbris. quoi est­ce qu’il y a eu dix­
but. Quand le virus est entré, « on victimes de cette « décompensa­ suspectés du Covid­19. Souvent des ou suspectés. Cette directive in­ Sur la dernière photo prise d’elle, huit morts d’un coup à Saint­Di­
se doutait qu’on serait défaits, tion » brutale. seule infirmière à l’étage, elle tra­ tenable a généré la crainte de con­ Jeannine Fournier sourit, enlacée zier ? Comment la mère a­t­elle pu
poursuit la directrice. On l’a payé La nuit du 28 mars, le docteur vaille quinze heures par jour. A taminer chacun de nos résidents. par trois de ses petits­enfants. Le être infectée, alors qu’elle ne bou­
cash malgré l’énorme dévouement Meyvaert est appelé pour signer le raison de centaines de lavages Une culpabilité qui nous ronge », 1er mars, à l’Ehpad du Chêne de geait pas de sa chambre ? C’est sû­
de nos soignants ». cinquième certificat de « décès quotidiens, ses mains sont brû­ confie un directeur d’établisse­ Saint­Dizier (Haute­Marne), cette rement un soignant », suppute­t­il.
Il aura fallu huit morts pour que Covid ». « Celui­là, c’était mon petit lées par le gel hydroalcoolique. ment du centre de la France. ancienne ouvrière vernisseuse cé­ Jérôme Goeminne, directeur du
l’Agence régionale de santé (ARS) « C’est pire que la canicule de 2003, Il y a la culpabilité, mais aussi la lèbre la fête des grands­mères. Il y groupement hospitalier de terri­
Centre­Val de Loire et la préfecture au moins, on savait que c’était dû à douleur de devoir préparer les a sur la tablette au­dessus de son toire Cœur Grand Est, auquel est
envoient, samedi 28 mars, l’« artil­ la chaleur, donc la température proches au deuil, alors que les Eh­ lit une bouteille de mousseux rattaché l’établissement, n’a pas la
lerie lourde ». Sinon, « c’était la bou­
« C’est inhumain, nous disait quand ça allait s’arrê­ pad sont coupés de l’extérieur. « Il sans alcool – c’est dimanche ma­ réponse à toutes ces questions. Il
cherie assurée », rapporte un pro­ on n’a pas le ter. Là, on n’en sait rien. » est arrivé qu’on fasse des séances tin –, un flacon d’eau de Cologne parle de « cauchemar collectif ». La
fessionnel. Des soignants et infir­ Toutes les nuits, Marie­France sur Skype avec les familles lors de qui vient de lui être offert, et des semaine dernière, en conférence
miers ont été dépêchés en renfort,
matériel, pas les fait des insomnies : elle se réveille la fin de vie d’un résident », rap­ œufs en chocolat d’une Pâques de presse, il répétait cette phrase :
du matériel acheminé avec l’aide effectifs, pas les en sursaut, revit la chronologie porte Bernard Oddos, vice­prési­ qu’elle ne verra pas. « On a tout fait, et ça n’a pas suffi.
du conseil départemental. Mais le des événements. A 19 h 30, elle est dent du Syndicat des médecins A 92 ans, Jeannine, vieille dame On n’est coupable de rien. » 
temps que la mobilisation s’orga­
moyens », a hurlé bien passée voir la vieille dame qui coordonnateurs et gériatres en coquette mais troublée par la ma­ lorraine de foucher
nise, deux résidents supplémen­ l’infirmière regardait la télévision, l’a quittée Ehpad (SMCG­CSMF). ladie d’Alzheimer, demandait tout et béatrice jérôme
La Poste se mobilise
pour le versement
des prestations sociales
des clients
de La Banque Postale
dès le 4 avril.
Les personnes bénéficiaires des prestations sociales qui souhaiteraient
effectuer des retraits peuvent le faire :
• Dès le 4 avril, uniquement dans les distributeurs automatiques de billets.
• À partir du 6 avril, pour les clients de La Banque Postale dans l’un
des 1850 bureaux de poste qui seront en priorité réservés à ce service.
La santé de tous est une priorité.
Ensemble, respectons les gestes barrières.
Liste des bureaux de poste ouverts sur laposte.fr
Retrouvez nos services en ligne sur :
laposte.fr
labanquepostale.fr
lapostemobile.fr

LA POSTE – SA au capital de 5 364 851 364 € – 356 000 000 RCS Paris – Siège social : 9, rue du Colonel-Pierre-Avia – 75015 Paris –
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6 | coronavirus SAMEDI 4 AVRIL 2020

En Italie, les morts cachés de la Lombardie


Dans l’épicentre de la pandémie, les témoignages font craindre un bilan supérieur aux 8 000 décès officiels

Rome, correspondant

R
affaele n’était plus tout
jeune, il avait eu pas mal
de problèmes de santé
ces derniers temps. On le
voyait souvent à la maison. Il y a
un peu plus de quinze jours, il est
passé rapidement avec son béret et
son petit regard malicieux. La se­
maine dernière, il est sorti jeter les
poubelles. Il est tombé à terre, en
pleine rue, terrassé. De la fièvre et
des problèmes respiratoires. Sa
femme a demandé à l’hôpital de le
tester pour savoir si c’était le
Covid­19. On ne lui en a pas donné
l’occasion : il n’était pas prioritaire.
Il est mort chez lui sans avoir vu un
seul médecin. »
L’historien et scénariste An­
toine Germa, qui a livré le
24 mars ce témoignage, vit dans
le centre de Brescia, en plein
cœur de ces plaines de Lombar­
die décimées, depuis la fin du
mois de février, par l’épidémie
due au coronavirus.
Raffaele était un voisin et un
ami. Il est une des innombrables
victimes invisibles de cette épidé­
mie qui a littéralement mis à
genoux, en à peine un mois, le
système sanitaire de la région la
plus riche d’Italie.

« La peur est écrasante »


A Brescia, les enfants ne vont plus
à l’école depuis six semaines, et le
confinement est total depuis le
8 mars. Les élégantes places du
centre, d’ordinaire si vivantes,
sont désertes et silencieuses, et le
seul bruit qu’on entend, le soir
tombé et toute la nuit, sans inter­
ruption ou presque, c’est celui des Annonces funéraires affichées dans le village de Vertova, près de Bergame, en Lombardie, le 24 mars. MIGUEL MEDINA/AFP
ambulances.
Les restrictions sont observées à
la lettre, avec une rigueur absolue. Selon le bilan officiel communi­ larges parties de la région, de tional de statistique italien (Istat) très actifs jouaient un rôle essen­
Du reste, si le confinement devait qué par la protection civile au soir répondre à l’urgence… a comparé les données de l’état
« Nous pleurons tiel dans notre quotidien. »
être levé demain, personne ne du 2 avril, la Lombardie comptait Dans les hôpitaux de Brescia, civil des trois premières semaines beaucoup, nous Au­delà de la vie sociale, c’est
sortirait dans la rue… « La peur est officiellement 7 960 victimes, depuis début mars, l’écrasante de mars avec celles des cinq an­ aussi une génération d’acteurs
écrasante, partout, témoigne soit 57 % du total des 13 915 morts majorité des lits est occupée par nées précédentes, dans plus de
n’avons jamais économiques qui est emportée,
encore M. Germa. Ce matin, à deux du Covid­19 recensés sur le sol ita­ les personnes atteintes du 1 000 communes − l’Italie en autant pleuré » celle de ces hommes nés dans les
maisons de chez moi, les pompiers lien. Mais ces chiffres ne donnent Covid­19, et il n’y a tout simple­ compte un peu moins de 6 000. années 1930, qui ont eu 20 ans au
EMILIO DEL BONO
sont venus emporter le cadavre sans doute qu’une image bien ment plus de place, si bien que Le résultat est effrayant : sur début du « miracle italien » et ont
maire de Brescia
d’un de mes voisins. Ici, lorsque le partielle du drame. nombre de malades, à l’exemple l’échantillon considéré, la morta­ été, à force de travail et d’innova­
ministère de l’intérieur a annoncé En effet ne sont comptabilisées de Raffaele, meurent chez eux lité moyenne des cinq dernières tions, le moteur du développe­
[le 31 mars] que les promenades ici que les personnes officielle­ sans même qu’un diagnostic ait années était de 8 000 personnes. ment spectaculaire du pays.
d’un parent avec un enfant ment diagnostiquées, après un pu être effectué. Or, en mars 2020, elle a dépassé 6, Caravaggio, 50 morts, officielle­ « L’identité de Brescia est faite
seraient tolérées, c’est la popula­ passage à l’hôpital. Or, le système Pour essayer de quantifier de les 16 000 – dans le même temps, ment 2… » d’une multitude de destins indivi­
tion elle­même qui a exigé que l’in­ hospitalier lombard est si engorgé façon plus réaliste l’ampleur le nombre officiel de victimes du Des calculs similaires pour­ duels d’entrepreneurs, dont les
terdiction soit maintenue. » qu’il n’est plus en mesure, dans de réelle de la mortalité, l’Institut na­ Covid­19, sur l’ensemble du pays, raient se faire dans la province de histoires ont valeur de mythe, et
était de 4 796 personnes. Brescia, identifiée comme la qu’on se raconte lors des repas de
En Lombardie, et particulière­ deuxième plus touchée du pays. famille, explique M. Germa. Ceux
ment dans les provinces de Ber­ Selon les données de l’Istat, la qui s’en vont en ce moment, ce
LA HAUTE COUR DE JUSTICE CR-2019-008234 LA HAUTE COUR
game et de Brescia, ce phéno­ mortalité y a au moins triplé de­ sont les acteurs principaux de
TRIBUNAUX DES AFFAIRES ET DES BIENS D’ANGLETERRE ET DU PAYS DE GALLES TRIBUNAL DE COMMERCE mène de surmortalité prend les puis le premier mars. toutes ces histoires. »
TRIBUNAL DES ENTREPRISES (ChD) Dossier n°83 COS 2020
DANS L’AFFAIRE AMTRUST EUROPE LIMITED
proportions d’une hécatombe. La De ce drame caché, les données
DANS L’AFFAIRE AMTRUST INTERNATIONAL UNDERWRITERS
- et - DESIGNATED ACTIVITY COMPANY ville de Bergame (120 000 habi­ de la protection civile ne peuvent « La solidarité ne marche pas »
DANS L’AFFAIRE AMTRUST INTERNATIONAL UNDERWRITERS DAC ET DANS L’AFFAIRE AMTRUST ASSICURAZIONI S.P.A. tants) apparaît une fois de plus pas rendre compte, étant donné Confrontée, malgré ses ressources
- et - ET DANS L’AFFAIRE DE LA LOI SUR LES SOCIÉTÉS comme l’épicentre de la catastro­ l’absence de tests pratiqués et son dynamisme, à un défi trop
DANS L’AFFAIRE AMTRUST ASSICURAZIONI S.P.A. D’ASSURANCE (ASSURANCE COMPANIES ACT) DE 1909
- et - ET DANS L’AFFAIRE DE LA LOI DE 1989 SUR LES ASSURANCES phe. Alors que ces cinq dernières concernant ces morts. Bertica, gros pour elle, Brescia a demandé
(INSURANCE ACT) années, durant les trois premiè­ docteure spécialisée en gériatrie de l’aide à la région, sans succès.
DANS L’AFFAIRE LOI DE 2000 SUR LES SERVICES ET MARCHÉS FINANCIERS
ET DANS L’AFFAIRE DU RÈGLEMENT DE L’UNION
Avis est donné par les présentes que le 11 mars 2020 une Demande a été introduite en vertu de l’article 107 EUROPÉENNE DE 2015 SUR L’ACCÈS AUX ACTIVITÉS DE res semaines de mars, il y avait eu et établie à Brescia depuis Mercredi 1er avril, avec six autres
de la loi de 2000 sur les services et marchés financiers (la Loi) auprès de la High Court of Justice, Business L’ASSURANCE ET DE LA RÉASSURANCE
and Property Courts of England and Wales, Companies Court (Chd) à Londres par AmTrust Europe Limited en moyenne 91 morts, en 2020, ce vingt ans, a aidé ses collègues ces maires de grandes villes lombar­
(AEL), AmTrust International Underwriters dac (AIU) et AmTrust Assicurazioni s.p.a. (AmTrust Italy) AVIS
(collectivement, AmTrust), pour que la Cour ordonne : AVIS EST DONNÉ PAR LES PRÉSENTES qu’AmTrust International sont 398 décès qui ont été décla­ derniers jours, passant des nuits des, dont ses homologues de
(1) en vertu de l’article 111 de la Loi approuvant un programme (le Programme) prévoyant le transfert à : Underwriters DAC (« AIUD ») ayant son siège social en Irlande au rés. Plus de quatre fois la normale. entières dans cette ville de Milan et de Bergame, Beppe Sala et
6-8 College Green, Dublin 2, a demandé le 6 mars 2020 à la Banque
a) (AmTrust Italy) de toutes ses activités italiennes d’assurance responsabilité civile professionnelle centrale d’Irlande son approbation, conformément à la Loi sur les 200 000 habitants à signer des Giorgio Gori (également issus du
médicale (qui incluent toutes les formes supplémentaires de couverture dans le cadre des polices sociétés d’assurance de 1909, la Loi sur les assurances de 1989 et
couvrant les fautes professionnelles médicales) (l’Activité ResMed) ; et au Règlement de l’Union européenne de 2015 sur l’accès aux
Décalage criant certificats de décès. « Je rempla­ PD), tous cosignataires d’une lettre
b) AIU toutes les activités d’assurance générale et de réassurance (autres que l’activité ResMed) situées activités de l’assurance et de la réassurance, pour le transfert Dans une vidéo envoyée sur çais une amie malade du Covid­19, ouverte, Emilio Del Bono s’en est
dans l’Espace économique européen à l’exclusion du Royaume-Uni (l’EEE30), souscrites et/ou à AmTrust Assicurazioni S.p.A. (« AmTrust Italy ») de l’activité
assumées par AEL depuis le Royaume-Uni et via les succursales d’AEL en Italie et en Suède (et dans italienne d’assurance responsabilité civile médicale, qui comprend Facebook le 24 mars, le secrétaire car il ne faut pas oublier qu’en Ita­ durement pris au président de la
les cas où seule une partie d’une police concerne l’EEE30, seule cette partie de la police sera les polices italiennes transférées d’assurance responsabilité civile de Rifondazione Comunista lie près de 10 % des patients sont région, Attilio Fontana (Ligue,
transférée) ; et médicale, les contrats accessoires italiens de responsabilité civile
(2) prendre des dispositions accessoires en rapport avec le Programme, conformément aux articles 112 et professionnelle médicale, les actifs transférés italiens relatifs à pour la province de Bergame, des soignants, et j’ai vu des choses extrême droite), lui reprochant
112A de la Loi. l’activité d’assurance responsabilité civile professionnelle médicale
et les passifs transférés italiens relatifs à l’activité d’assurance Francesco Macario, conseiller que jamais je n’aurais crues possi­ son incapacité à tenir ses engage­
Une copie du rapport sur les modalités du Programme établi conformément à la section 109 de la Loi par
un Expert indépendant (le Rapport sur le Programme), une déclaration énonçant les modalités du Programme responsabilité civile professionnelle médicale, tels que définis dans municipal d’un village d’un peu bles. Dans une maison de retraite ments en matière de tests, de ma­
et un résumé du Rapport sur le Programme, et le Document de Programme peut être obtenu gratuitement en un Programme de transfert (le « Programme »).
contactant AmTrust aux numéros de téléphone ou adresses indiqués ci-dessous. Ces documents et autres ET VEUILLEZ PRENDRE NOTE PAR AILLEURS que des copies de la
plus de 1 000 habitants, Borgo di de la ville, j’ai signé 37 certificats de tériel et de mise en place de struc­
documents connexes, y compris des exemples de copies des communications aux preneurs d’assurance, Requête et des annexes qui y sont jointes (y compris le Programme) Terzo, avait alerté sur le décalage décès de personnes âgées, mortes tures nouvelles pour accueillir les
sont également disponibles sur la page amtrustfinancial.com/amtrustinternational/legal/portfolio-transfers. ainsi que le Rapport de l’Actuaire Indépendant (les « Documents sur
Ce site Web sera mis à jour pour inclure toute modification importante du Transfert proposé. le transfert ») seront mis à disposition pour consultation du lundi au criant entre les bilans officiels et en quelques jours… » patients en quarantaine.
Toute question ou préoccupation concernant le Programme proposé doit être adressée à AmTrust par e-mail vendredi (hors jours fériés) entre 09h00 et 17h00 (i) aux bureaux la réalité du terrain, estimant le Depuis ses bureaux du Palazzo Dans le même temps, le maire a
à partvii@amtrustgroup.com, par téléphone au +44 (0)333 234 3454 (disponible de 9h à 17h, heure du l’AIUD au 6-8 College Green, Dublin 2, Irlande, (ii) aux bureaux des
Royaume-Uni, du lundi au vendredi (hors jours fériés)), ou par écrit à : (i) Amtrust International (Portfolio avocats de l’AIUD, Matheson, 70 Sir John Rogerson’s Quay, Dublin véritable bilan de l’épidémie della Loggia déserté de la plupart ouvertement déploré, dans la fou­
Transfers), Exchequer Court, 33 St Mary Axe, London EC3A 8AA, Royaume-Uni ; (ii) Amtrust International 2, Irlande, (iii) au siège social d’AmTrust Italy au 14 Via Clerici,
Milano 20121 (Italie) et (iv) au siège social de la succursale italienne dans la province au moins cinq de ses employés, le maire de Bres­ lée d’un appel de médecins réani­
(Portfolio Transfers), 6-8 College Green, Dublin 2, Irlande ; ou (iii) Amtrust International (Portfolio Transfers),
14, Via Clerici, 20121, Milan, Italie. d’AIUD, Succursale In Italia, au 14 Via Clerici, Milano 20121 fois plus important que les chif­ cia, Emilio Del Bono (Parti démo­ mateurs lombards, l’absence de
(Italie), pendant au moins 15 jours ouvrables francs entre la date de
Si vous détenez une police d’assurance auprès de AEL, AIU ou AmTrust Italy, veuillez indiquer votre numéro la publication de la Requête dans le Iris Oifigiúil ainsi que dans les fres officiels. crate, PD, centre gauche), ne peut solidarité des régions voisines :
de police dans toute correspondance. Vous trouverez ce numéro dans les documents sur votre police ou journaux Irish Examiner et Irish Independent, et la date fixée
dans la correspondance concernant votre police. pour l’audition de le Requête. De plus, les Documents sur le
« Dans ma commune, il y a d’or­ que constater, impuissant, l’am­ alors que Brescia n’arrive plus à
La demande doit être entendue le 24 juin 2020 à la Haute Cour de justice d’Angleterre et du Pays de Galles, transfert seront disponibles en ligne sur amtrustfinancial.com/ dinaire une dizaine de morts par pleur du désastre. « Nous pleu­ soigner ses malades, la Vénétie
7 Rolls Buildings, Fetter Lane, London, EC4A 1NL, Royaume-Uni. Toute personne pensant être lésée par la amtrustinternational/legal/portfolio-transfers et sur amtrust.it. Pour
mise en œuvre du Programme ou qui s’oppose au Programme peut assister à l’audience et exprimer son toute question relative au Transfert, vous pouvez contacter AIUD en an. La semaine dernière, nous en rons beaucoup, nous n’avons n’a­t­elle pas actuellement plus
point de vue, en personne ou par le biais d’un représentant. Il est demandé à toute personne ayant l’intention envoyant un e-mail à partvii@amtrustgroup.com. avons eu cinq, et officiellement jamais autant pleuré, confie­t­il de la moitié de ses lits de soins
de ce faire d’en informer AmTrust à l’adresse indiquée ci-dessus, par écrit, dès que possible et de préférence ET VEUILLEZ PRENDRE NOTE PAR AILLEURS que ladite Requête
avant le 17 juin 2020 pour indiquer la nature de son objection. Cela permettra à AmTrust de l’aviser de tout sera entendue par la Haute Cour de justice le 22 juin 2020 à Four aucun n’est lié au virus », com­ d’une voix blanche. Voir cette intensifs inoccupés ?
changement à l’audience et, dans la mesure du possible, de répondre aux préoccupations exprimées avant Courts, Dublin 7, Irlande, à 11h00.
l’audience. mence­t­il, avant d’énumérer les ville vide, c’est d’une tristesse folle. « Cette tragédie met en lumière
Toute personne qui souhaite être entendue à l’audience de ladite
Toute personne qui s’oppose au Programme ou estime qu’elle pourrait être lésée par celui-ci, mais qui n’a Requête doit informer les avocats de l’AIUD, Matheson Solicitors, chiffres des victimes dans les Pendant quinze jours, je n’arrivais toutes les fragilités de notre sys­
pas l’intention d’assister à l’audience, peut présenter des observations sur le Programme en faisant parvenir situé au 70 Sir John Rogerson’s Quay, Dublin 2, Irlande en indiquant
un avis écrit de ces déclarations à AmTrust à l’adresse indiquée ci-dessus ou en appelant aux numéros de bourgs avoisinants. « A Nembro, pas à parler, à mettre des mots. tème politique, souligne­t­il. Entre
la référence DM/PR/CP 658088/61 (par écrit) au plus tard le 15 juin
téléphone indiqués ci-dessus, dans tous les cas dès que possible et de préférence avant le 17 juin 2020. 2020, de leur intention de figurer sur ladite Requête, et doit indiquer depuis le 24 février, il y a eu C’est une partie de notre identité les communes, entre les régions, la
AmTrust informera la Financial Conduct Authority et la Prudential Regulation Authority du Royaume-Uni de aux avocats susmentionnés si cette personne ou ces personnes
toute objection soulevée avant l’audience, que la personne qui formule l’objection ait l’intention ou non soutiennent ou s’opposent à ladite Requête. Cette ou ces personne(s)
120 morts. Officiellement, 14 le qui s’en va. D’un seul coup, toute solidarité ne marche pas du tout. »
d’assister à l’audience. doi(ven)t en outre, avant la date et l’heure précisés, déposer auprès sont du coronavirus. (…) A Alzano la géographie humaine de notre Ces fragilités apparaissent au
3 avril 2020 du tribunal et fournir aux avocats de l’AIUD ces preuves avec
déclaration sous serment, tel que cette ou ces personne(s) Lombardo, après le 23 février, communauté est balayée. Des cœur de ce qui paraissait encore,
Norton Rose Fulbright LLP, 3 More London Riverside, London, SE1 2AQ, Royaume-Uni
Avocats agissant pour AmTrust Europe Limited, AmTrust International Underwriters dac et AmTrust envisage(nt) de les soumettre à l’audience de la Requête. 63 morts, officiellement, il n’y a eu présidents de cercles culturels, il y a quelques semaines, comme
Assicurazioni s.p.a. Fait ce jour, 3 avril 2020
Ref : MJFF/1001059003 Matheson Solicitors, 70 Sir John Rogerson’s Quay, Dublin 2, Irlande
que 9 morts [du coronavirus]. d’associations sportives, des béné­ la région la plus solide d’Italie. 
Seriate, 60 morts, officiellement voles, des amis… tous ces retraités jérôme gautheret
0123
SAMEDI 4 AVRIL 2020 coronavirus | 7

En Pologne, la majorité ébranlée L’Europe critique les


pleins pouvoirs d’Orban
par le maintien de la présidentielle Des Etats et des partis de droite mettent
en cause l’état d’urgence voté à Budapest
Le parti ultraconservateur au pouvoir veut organiser le vote par
correspondance le 10 mai, contre l’avis de l’opposition et de certains alliés vienne ­ correspondant régional,
bruxelles ­ bureau européen
publicains français ni la CDU­CSU
allemande, qui joue un rôle­clé au
PPE. Président du groupe PPE au

varsovie ­ correspondance les plus vives tensions entre Jaros­


law Kaczynski et le vice­premier
« Si l’idée jusque dans les rangs de la majo­
rité, car elle impliquerait l’inter­ U ne nouvelle fois, la Hon­
grie est la source d’une
brusque montée de ten­
Parlement, l’Allemand Manfred
Weber (CSU) avait pourtant, anté­
rieurement, condamné la posi­

L
a volonté de Jaroslaw ministre, Jaroslaw Gowin, chef de de maintenir vention de la police et de l’armée sion politico­diplomatique euro­ tion du Fidesz, et l’eurodéputé
Kaczynski, de mener à file du micro­parti « Porozumie­ pour organiser le scrutin. C’est en péenne concernant le respect de CDU Daniel Caspary a indiqué la
bien coûte que coûte nie » (« Accord »), frange modérée
le scrutin passe excluant ce scénario que le parti a l’Etat de droit, mais il n’est pas cer­ semaine dernière que le projet de
l’élection présidentielle de la majorité. Fort de ses dix­huit en force, ce sera le opté pour la généralisation du tain que cela change quoi que ce loi hongrois était « insupportable
du 10 mai, en dépit de l’épidémie députés, M. Gowin a, en théorie, la vote par correspondance. soit. Jeudi 2 avril, deux lettres ont et inacceptable ».
du Covid­19, pourrait­elle lui coû­ capacité de faire rejeter le texte.
début d’un régime circulé dans les capitales des pays Interrogée jeudi midi, la prési­
ter sa majorité ? L’obstination de « Les élections ne peuvent avoir autoritaire » Position paradoxale de l’UE pour condamner la loi dente de la Commission euro­
l’homme fort du pays à vouloir lieu que dans des conditions qui ne Cette situation inquiète aussi bien d’état d’urgence adoptée lundi péenne, Ursula von der Leyen, elle
ANTONI DUDEK
faire réélire son candidat, Andrzej menaceront pas la vie des Polo­ les épidémiologistes que la plu­ 30 mars par Budapest, et qui per­ aussi membre de la CDU, a répété
politologue et historien
Duda, grand favori, en dépit des nais », déclarait­il, mardi, susci­ part des commentateurs. Pour le met au premier ministre nationa­ un discours qui n’était qu’une con­
risques sanitaires considérables, tant la rage du chef de la majorité. politologue et historien conserva­ liste Viktor Orban de légiférer par damnation implicite de la politi­
est perçue par beaucoup comme teur Antoni Dudek, de l’Université décret pendant une durée indéter­ que de M. Orban. « Des mesures ur­
l’ultime preuve du caractère auto­ Ultimatum position ont, quant à eux, prati­ du cardinal Wyszynski de minée. Officiellement destinée à gentes sont nécessaires mais certai­
ritaire et jusqu’au­boutiste du Jaroslaw Kaczynski est allé jusqu’à quement suspendu leur campa­ Varsovie, « si l’idée de maintenir le lutter contre le coronavirus, cette nes vont très loin », a commenté
parti ultraconservateur PiS (Droit poser un ultimatum à M. Gowin : gne depuis trois semaines. Les scrutin du 10 mai passe en force, ce réforme est vivement critiquée l’ex­ministre d’Angela Merkel, di­
et Justice) au pouvoir, après qua­ si ses députés venaient à voter conditions pour la réélection de sera le début de la mise en place par l’opposition et les ONG hon­ sant son « souci particulier » pour
tre années d’atteinte ostentatoi­ contre le texte, les ministres de M. Duda seraient en revanche d’un régime autoritaire en groises, qui estiment que M. Or­ ce qui se passe à Budapest, mais
res aux principes de l’Etat de son parti seraient exclus du gou­ beaucoup moins favorables dans Pologne. Car cette élection ne peut ban s’est attribué de facto « les sans parler de sanctions. Jeudi, le
droit, dénoncées par l’opposition vernement. Un tel scénario en­ quelques mois, quand le pouvoir avoir lieu de manière pleinement pleins pouvoirs ». porte­parole du gouvernement
et les institutions européennes. traînerait un éclatement de la ma­ sera confronté à la gestion des légale, constitutionnelle et en ac­ Dans la première missive, au hongrois, Zoltan Kovacs, a pour­
Mais en pleine crise sanitaire, jorité et un gouvernement mino­ conséquences économiques et cord avec les bonnes pratiques dé­ moins quatorze gouvernements tant vivement critiqué Mme von
d’importantes ruptures apparais­ ritaire. Jeudi, des proches de Jaros­ sociales de la crise. mocratiques. La légitimité du vain­ de l’UE, dont la France, l’Allemagne der Leyen en dénonçant une
sent au sein de la coalition de la law Gowin ont fait savoir que ce Pour cette raison, la majorité lé­ queur ne pourra qu’être douteuse. » et l’ensemble de l’Europe de « chasse aux sorcières » et une
droite unie, composée du PiS et dernier rejetait l’ultimatum posé gifère méthodiquement pour Les cinq candidats d’opposition, l’Ouest à l’exception de l’Autriche, « campagne de dénigrement or­
de ses deux partis affiliés, qui par M. Kaczynski. Mais l’incerti­ maintenir les élections du 10 mai de leur côté, se retrouvent dans déclarent être « profondément pré­ chestrée dans les médias ». Provo­
pourraient bien compliquer les tude sur l’issu du vote de vendredi à tout prix. La loi spéciale sur le une position paradoxale : ils se occupés par le risque de violation cation supplémentaire, Budapest
plans du chef de la majorité. persiste : selon d’autres sources, coronavirus et les multiples dé­ prononcent unanimement pour des principes de l’Etat de droit, de la a même assuré être prêt à signer la
Dans la nuit de mercredi à jeudi, une partie des troupes de crets adoptés introduisent dans la un report du scrutin, sans pour démocratie et des droits fonda­ lettre des gouvernements euro­
la direction du PiS a décidé de dé­ M. Gowin soutient la tenue du pratique un état d’urgence que le autant retirer leur candidature, et mentaux découlant de l’adoption péens sur l’Etat de droit en regret­
poser un amendement au projet vote du 10 mai. pouvoir refuse de décréter for­ ce, en dépit de leurs difficultés à de certaines mesures d’urgence ». tant qu’on ne lui ait pas proposé.
de loi modifiant le code électoral, Le vice­premier ministre avait mellement, car il l’obligerait à re­ faire campagne. « J’appelle tous les Celles­ci « devraient être limitées à
qui permettrait de généraliser le proposé, deux jours plus tôt, de porter l’élection. Le PiS a égale­ électeurs, à ne pas participer aux ce qui est strictement nécessaire, Procédures de sanctions
vote par correspondance à tous les reporter l’élection présidentielle ment modifié le code électoral, en élections du 10 mai, a communi­ être proportionnées et provisoires Depuis son retour au pouvoir,
électeurs. Un scrutin sans bureaux d’une année, à condition que ce violation d’un arrêt du Tribu­ qué le 29 mai la candidate du prin­ par nature », ajoutent ces Etats en 2010, M. Orban a multiplié les
de vote et sans urnes, uniquement délai soit convenu avec l’opposi­ nal Constitutionnel qui stipule cipal parti d’opposition, la Coali­ membres, dans une allusion claire réformes réduisant l’indépen­
par voie postale, qui poserait d’élé­ tion. Mais Jaroslaw Kaczynski a qu’aucun changement en la ma­ tion Civique (centre droit), à la Hongrie, mais sans que celle­ci dance de la justice, des universités
mentaires problèmes constitu­ fait savoir catégoriquement qu’il tière n’est autorisé dans les six Malgorzata Kidawa Blonska. Si on soit toutefois nommée. ou de la presse, qui ont été plu­
tionnels, organisationnels et de n’envisageait pas cette option. Les mois précédent un scrutin. Enfin, ne peut faire autrement, que la ré­ La seconde est issue du Parti po­ sieurs fois critiquées par la Com­
santé publique. Même si la pandé­ études d’opinion montrent qu’en pour se prémunir d’un scénario ponse à l’irresponsabilité du pou­ pulaire européen (PPE), la famille mission européenne et parfois
mie est pour l’heure contenue cas de participation électorale fai­ où les candidats d’opposition re­ voir soit un boycott général. » Le des droites, dont la formation de par ses alliés de la droite euro­
(2946 contaminés, 57 morts) le pic ble le 10 mai, M. Duda pourrait nonceraient unanimement à se lendemain, elle déclarait cepen­ M. Orban – le Fidesz – fait toujours péenne. A quelques rares occa­
de l’épidémie est attendu en être élu dès le premier tour. Il est présenter et rendraient l’élection dant être « toujours candidate à la partie, même si elle en est « sus­ sions, ces critiques ont abouti à
Pologne début mai. La Diète doit le seul candidat à mener actuelle­ impossible, le PiS a garanti à un présidence ». pendue » depuis mars 2019 à la des procédures de sanction, et en­
se prononcer sur le texte vendredi. ment campagne en s’affichant en candidat marginal les signatures D’autres candidats, à l’instar du suite, déjà, de réformes contes­ core plus rarement, à faire reculer
Mais depuis lundi, le débat sur le première ligne dans la lutte con­ nécessaires, afin qu’il puisse, le leader du parti paysan PSL, tées. Dans celle­ci, treize déléga­ le leader magyar.
vote par correspondance a suscité tre l’épidémie. Les candidats d’op­ cas échéant, légitimer l’élection. Wladyslaw Kosiniak­Kamysz, ou tions nationales issues de onze Ironie de l’histoire, jeudi, la Hon­
Le pouvoir a du également se du représentant de la gauche, pays ont demandé à Donald Tusk, grie a ainsi été condamnée par la
heurter à la résistance des collec­ Robert Biedron, considèrent que le président du PPE, d’expulser le Cour de justice de l’UE (CJUE) pour
En Russie, le mois d’avril sera chômé tivités locales. De nombreux mai­
res, essentiellement de grandes
l’appel au boycott revient à priver
les citoyens de leurs droits. Mais si
Fidesz de leurs rangs. Ils estiment
que les projets de M. Orban sont
ne pas avoir respecté une décision
européenne, adoptée en 2015, pré­
Vladimir Poutine a annoncé, jeudi 2 avril, que le mois d’avril serait villes contrôlées par l’opposition, l’opposition est divisée sur la stra­ « une claire violation de la démo­ voyant de répartir des deman­
chômé en Russie, avec « maintien des salaires », pour tenter de ont assuré qu’ils refuseraient de tégie à suivre, c’est avant tout en cratie libérale et des valeurs euro­ deurs d’asile sur tout le continent.
contenir l’épidémie de Covid-19. Selon M. Poutine, les mesures prendre la responsabilité d’orga­ raison de l’importante méfiance péennes ». « La lutte contre le Co­ Mais la CJUE n’a pu que se conten­
de restrictions mises en place le 28 mars ont permis de « gagner niser un scrutin dans un tel con­ qui existe entre les candidats. En­ vid­19 (…) ne peut être utilisée ter de constater que Budapest
du temps », mais le virus continue de se répandre dans le pays, texte sanitaire. En réponse, le vi­ tre la crainte de disparaître des comme un prétexte pour étendre « avait manqué à ses obligations »,
avec 3 548 cas officiellement recensés et 30 morts. Le président ce­président de la Diète et bras plateaux de télévision et celle de indéfiniment l’état d’urgence », sans autre conséquence, le pro­
russe s’exprimait depuis sa datcha de Novo-Ogarevo, près de droit de Jaroslaw Kaczynski, ne pas obtenir de « seconde soulignent les signataires. gramme de répartition étant clos
Moscou, où il travaille à distance. Il s’est refusé à évoquer un Ryszard Terlecki, les a menacés à chance », la tentation de se main­ Mais si le premier ministre con­ depuis septembre 2017. Aucune
confinement généralisé à l’ensemble du pays. Liberté est laissée la fois de poursuites et de confier tenir est grande. Même si la cam­ servateur grec, Kyriakos Mitsota­ sanction financière ne semble pré­
aux pouvoirs locaux de définir le régime de confinement choisi et leurs prérogatives électorales à pagne, sur la forme comme sur le kis, fait partie des signataires, vue pour l’instant. 
quelles entreprises et administrations doivent continuer à fonc- des « commissaires. » Une sortie fond, a déjà tourné à la farce.  aucune des grandes délégations jean­baptiste chastand
tionner, en fonction du nombre de malades recensés sur leur sol. qui a été accueillie froidement jakub iwaniuk nationales ne l’a signée, ni Les Ré­ et jean­pierre stroobants

Lisbonne proroge l’état d’urgence à l’approche des fêtes de Pâques


La coalition de gauche a régularisé temporairement tous les demandeurs d’asile pour pouvoir les soigner, afin de ralentir l’épidémie

L’ onde de choc, très loin


d’atteindre la densité dra­
matique de son voisin es­
pagnol, affecte le Portugal où
l’épidémie de Covid­19 progresse,
mois, et c’est évidemment angois­
sant pour chacun d’entre nous, a­
t­il encore déclaré, mais avril sera
un mois décisif. Si nous faisons un
gros effort au cours des prochai­
Aucun pays ne peut faire face à
une telle situation. »
Gagné par la pandémie plus tar­
divement que d’autres, en raison
de sa position géographique à
« Si nous faisons
un effort ces
prochaines
raire de tous les migrants ayant
déposé une demande d’asile. En­
trée en vigueur le 30 mars, cette
mesure destinée à étendre la
santé universelle aux immi­
belo de Sousa, et défendu devant
le Parlement par le premier mi­
nistre et la coalition de gauche au
pouvoir. « C’est l’une des caracté­
ristiques de cette crise, même le
avec 8 251 personnes contami­ nes semaines, nous commence­ l’extrémité occidentale du conti­ semaines, nous grants irréguliers jusqu’au chef du principal parti d’opposi­
nées recensées mercredi 1er avril, rons à voir la lumière au bout du nent européen, mais instruit par 1er juillet, selon l’exécutif portu­ tion [Parti social­démocrate], Rui
et 187 décès enregistrés, contre tunnel plus tôt. » la situation en Italie et en Espa­
verrons la lumière gais, devrait permettre de contrô­ Rio, a évoqué la possibilité de re­
160 la veille. Jeudi, l’état d’ur­ Hier victimes de la cure d’austé­ gne, le Portugal a adopté sans tar­ au bout du tunnel ler la courbe de la contagion. joindre un cabinet d’union na­
gence, instauré le 18 mars, a été rité imposée lors de la mise sous der une série de restrictions. Deux « Sans doute est­ce une exception, tionale. » « Néanmoins, ajoute
prolongé par un décret présiden­ perfusion financière du pays par jours après les 50 premiers cas de
plus tôt » y compris dans l’acceptation de M. Pinto, avec la catastrophe éco­
tiel jusqu’au 17 avril, dans l’espoir la zone euro et le Fonds moné­ Covid­19 détectés, début mars, les ANTONIO COSTA réfugiés syriens, mais c’est surtout nomique qui s’annonce, le premier
de contenir la propagation du co­ taire international pendant la écoles ont fermé. Puis, les com­ premier ministre portugais la marque du premier ministre so­ ministre socialiste connaîtra sans
ronavirus à l’approche des fêtes crise des dettes en 2010, les hôpi­ merces, les cafés et les restaurants cialiste confronté à la présence doute des difficultés, surtout avec
de Pâques, qui donnent lieu, tra­ taux portugais se préparent avec ont baissé leur rideau et la popula­ d’un parti populiste de droite dans sa gauche. »
ditionnellement, à des regroupe­ angoisse à devoir faire face à une tion a été invitée à rester chez elle. Les mesures d’accompagne­ la démocratie portugaise », relève Hanté par le souvenir de la crise
ments familiaux dans ce pays de probable augmentation des ma­ Un confinement respecté quasi ment social, elles, se sont multi­ le politiste Antonio Costa Pinto. de 2010­2012, le Portugal se
10 millions d’habitants. lades. « C’est comme être sur la à la lettre, et désormais étendu. pliées. La ville de Lisbonne a ainsi prépare lui aussi au pire. Un dis­
« Cette année, Pâques sera vrai­ plage dans l’attente d’un tsu­ Seul couac : le maire de Porto, Rui suspendu jusqu’en juin tous les Union nationale positif exceptionnel de chômage
ment différente, les familles ne nami », résume José Paxiuta, spé­ Moreira, a vertement refusé de loyers de son parc immobilier Pour l’heure, souligne cet ensei­ partiel a été mis en place pour
pourront pas rendre visite à leurs cialiste des soins intensifs à l’hô­ suivre les recommandations de la public afin d’aider les plus précai­ gnant à l’Institut des sciences so­ 90 % des 11 000 salariés de la
proches », a averti le premier mi­ pital Sao José de Lisbonne, cité par direction générale de la santé qui res. Une annonce qui s’applique à ciales de l’université de Lisbonne, compagnie nationale aérienne
nistre socialiste Antonio Costa, le quotidien Publico. « Jusqu’à pré­ préconisait l’instauration d’un 24 000 logements et qui devrait l’atmosphère est plutôt à l’union TAP, qui a annulé tous ses vols, à
dans une déclaration diffusée sent, la situation est gérable, nous « cordon sanitaire » autour de la concerner 70 000 personnes. nationale, comme en témoigne le l’exception des liaisons reliant le
mercredi soir par la chaîne de té­ avons du matériel de protection deuxième plus grande agglomé­ Mais la décision la plus originale décret sur la prolongation de territoire avec les archipels des
lévision SIC. « Nous ne savons pas mais si nous devons nous effon­ ration du pays, la plus touchée par les temps qui courent con­ l’état d’urgence signé par le prési­ Açores et de Madère. 
si cela durera un, deux, ou trois drer, nous nous effondrerons (…) jusqu’ici par la contamination. cerne la régularisation tempo­ dent conservateur Marcelo Re­ isabelle mandraud
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8 | coronavirus SAMEDI 4 AVRIL 2020

La pandémie, une arme de New Delhi tente


de museler les critiques
désinformation contre l’Europe sur sa gestion de la crise
Les responsables bruxellois s’inquiètent de voir des sites, en particulier Un site d’information fait l’objet d’une
enquête pour sa couverture du confinement
proches de la Russie, véhiculer rumeurs et « fake news »
new delhi ­ correspondante
bruxelles ­ bureau européen ment sa responsabilité –, la Russie Michel, et à la présidente de la
Avec le
« Nous n’allons

L
a désinformation sur la
pandémie de Covid­19 est
devenue une véritable
arme pour ceux qui en­
pas répondre
à des campagnes
orchestrées
a démenti toute implication dans
les campagnes en cours. « Infondé
et déraisonnable », a répondu un
porte­parole du Kremlin.
Des « sources chinoises » ont
Commission, Ursula von der
Leyen, pour leur demander une
action plus vigoureuse à l’égard de
la Chine et de la Russie.
« Nous travaillons avec les plates­
A 21 heures, dimanche, les
Indiens devront éteindre
les lumières pendant
neuf minutes et allumer des tor­
ches, des lampes, des téléphones
confinement,
les travailleurs
pauvres payés
tendent déstabiliser l’Union euro­ aussi opéré, à la fois pour contrer formes en ligne », assure la Com­ portables aux balcons ou aux por­
au jour le jour
péenne (UE) ou convaincre qu’elle
par une contre- les critiques sur la gestion de la mission. La vice­présidente Vera tes, pour « défier le coronavirus », se retrouvent
est en train d’imploser. Déversés propagande » crise par Pékin, renforcer l’image Jourova, chargée du portefeuille montrer l’unité de la nation dans
sans argent
sur les différents réseaux sociaux internationale du pays et mainte­ des valeurs et de la transparence, la lutte contre l’épidémie, « et sortir
PETER STANO
par des « agents non étatiques » nir la stabilité intérieure. De faux a rencontré, vendredi 27 mars, les des ténèbres créées par le virus ».
porte-parole à la Commission
– mais souvent liés à des Etats – ou comptes Twitter ont été utilisés signataires du code de bonne con­ « Vous n’êtes pas seul, personne
européenne
diffusés par des chaînes d’infor­ par des Chinois pour décrédibili­ duite contre la désinformation n’est seul dans la lutte contre le d’exercer le métier d’informer et
mation dépendant directement ser le rôle des donateurs euro­ (Google, Facebook, Twitter, etc.). coronavirus », a assuré Narendra leur droit de critiquer le pouvoir.
de ces Etats, ces messages sont dé­ péens en Afrique. D’autres acteurs Ses interlocuteurs lui ont certifié Modi dans une nouvelle adresse à L’un de ceux­là, The Wire, a reçu
sormais répertoriés sur un site de la Commission, Ursula von der sont à l’œuvre : syriens pour dé­ que de très nombreux contenus la nation − la troisième depuis le un avertissement, mercredi
(Euvsdisinfo.eu) piloté par le Ser­ Leyen, à faire une intervention pu­ noncer une Europe qui maintient avaient déjà été éliminés. Pas tous, début de la crise − diffusée ven­ 1er avril. Le directeur de ce site d’in­
vice européen pour l’action exté­ blique pour dénoncer « la désinfor­ des sanctions à l’heure de la pan­ apparemment puisque des messa­ dredi 3 avril, à 9 heures. « Une formation en ligne de grande qua­
rieure (SEAE) et initialement voué mation qui peut tuer ». La filiale al­ démie, turcs pour amplifier le dis­ ges imputant à l’armée améri­ farce ! », ont immédiatement répli­ lité a révélé qu’il faisait l’objet
à la « communication proactive » lemande de Sputnik, une agence cours anti­UE, ou balkaniques caine la dispersion du Covid­19 qué ses opposants. d’une enquête ouverte par la po­
sur les politiques de l’Europe. d’information russe, a, elle, af­ pour agiter le spectre d’une « inva­ restent en circulation. Des textes Le premier ministre indien est lice de Faizabad, dans l’Uttar Pra­
Au 1er avril, 215 preuves évidentes firmé récemment, par le biais de sion » par l’Europe avec l’aide sur la soi­disant absence de la ma­ sous le feu des critiques pour sa desh, un Etat dirigé par un moine
de désinformation ont été recen­ Facebook et de Twitter, que se la­ d’une arme biologique. ladie en Russie ont eu la vie dure. gestion de l’épidémie, qui a abouti hindou extrémiste, Yogi Aditya­
sées par Bruxelles. Derniers exem­ ver les mains ne servait à rien, re­ Facebook affirme redoubler d’ef­ à l’exode massif de migrants inter­ nath, très proche de M. Modi. Il est
ples ? En l’espace d’une seule jour­ lève un rapport du SEAE. Eliminer les messages néfastes forts pour éliminer les messages nes au lendemain de l’ordre de reproché à The Wire d’avoir relaté
née, on pouvait lire : « La CIA a créé Deux mois d’examen des conte­ Comment répliquer ? « Nous n’al­ néfastes, et un nouveau service de confinement imposé le 25 mars. que le chef de l’Uttar Pradesh avait
le coronavirus et US AID [l’agence nus diffusés ont indiqué que la ci­ lons pas répondre à des campagnes modération des contenus fait, Plusieurs millions de travailleurs participé, le 25 mars, malgré le
humanitaire américaine] est un ble principale des « désinforma­ orchestrées par une contre­propa­ promet la société, référence à des pauvres ont fui les villes, à pied ou confinement imposé, à une réu­
groupement terroriste qui lui est teurs » reste les Etats­Unis, accusés gande, mais en exposant les faits, informations émanant des autori­ par les derniers bus, pour tenter de nion religieuse à Ayodhya, un site
lié » ; « Accuser la Chine au sujet de d’avoir organisé la diffusion du vi­ en éveillant les consciences, en ten­ tés officielles. Twitter entend regagner leur Etat d’origine, igno­ dédié au dieu Rama, vénéré par les
la pandémie est un stratagème, rus. C’est ensuite le thème de l’ef­ tant de détourner le public de ces gommer toutes les allusions à de rant les risques de contamination nationalistes hindous, où doit être
comme accuser la Russie pour le fondrement de l’UE, et de son inca­ sources », dit M. Stano. Mme von der faux remèdes contre la maladie. pour eux et pour les aînés restés reconstruit un temple hindou en
crash du MH­17 » ; « Le Parlement pacité à aider ses membres, qui est Leyen mise sur le rôle des médias Les plates­formes ont indiqué au village. lieu et place d’une mosquée.
italien a abaissé le drapeau de le plus répandu avec, notamment, « fiables et réputés ». qu’elles devraient recourir à l’intel­ A New Delhi, le week­end der­
l’UE » ; « Les défenseurs de la cause l’insistance sur le rôle humani­ Jens Stoltenberg, interrogé, mer­ ligence artificielle pour pallier les nier, ils ont été des centaines de « Verrouillage total »
environnementale sont fous de joie taire de la Russie en Italie. credi 1er avril, sur la riposte de absences des employés, placés en milliers à s’agglutiner dans un ter­ La situation en Inde a une nou­
et voient l’épidémie comme une Troisième axe : le virus aurait été l’OTAN, dont il est le secrétaire gé­ quarantaine ou contaminés. minal de bus. C’était, pour ces tra­ velle fois suscité les critiques de la
chance », etc. diffusé pour freiner le développe­ néral, souligne « le rôle encore plus Mme Jourova a paru peu convain­ vailleurs pauvres, une question de haut­commissaire aux droits de
Toutes ces prétendues nouvelles, ment économique de la Chine. important des médias libres en cue. « Il faut que les plates­formes survie. Payés au jour le jour par l’homme de l’ONU. Dans un com­
diffusées dans de nombreux pays, Quatrième sujet : la crise sanitaire temps de crise ». L’Alliance atlanti­ accroissent leurs efforts et mon­ leur employeur, ils se sont retrou­ muniqué diffusé jeudi 2 avril,
y compris européens, forment un résulterait du plan secret d’une que est dans le viseur des auteurs trent des résultats », a­t­elle expli­ vés brutalement sans argent pour Michelle Bachelet se dit « boulever­
flot continu « de plus en plus fort », « élite globalisée ». Enfin, les tenta­ de « fake news » : une chaîne d’in­ qué. La commissaire d’origine se loger et se nourrir. La crise sani­ sée par le sort de millions de mi­
note Peter Stano, porte­parole du tives de déstabilisation de formation russe a affirmé qu’un croate insiste sur « le fort intérêt » taire en Inde s’est d’emblée dou­ grants intérieurs » et demande que
haut représentant pour les affaires l’Ukraine se sont multipliées, pro­ soldat américain en Lituanie avait de l’UE pour la lutte antidésinfor­ blée d’une crise humanitaire. les mesures prises contre l’épidé­
extérieures, Josep Borrell. Et ces voquant des violences dans une été infecté ; une autre, évoquant le mation en ce moment. Une mise Pour éviter cette tragédie, le pre­ mie « ne soient pas appliquées de
messages à connotation politique petite ville du centre, en février, récent acheminement de matériel en garde polie alors que se prépare mier ministre aurait pu demander manière discriminatoire et n’exa­
s’ajoutent à d’autres, pas plus ano­ quand une rumeur avait annoncé médical en Italie, insistait sur le un « Plan d’action pour la démo­ aux employeurs de verser une cerbent pas les inégalités et les vul­
dins, sur les pseudo­moyens de l’arrivée de personnes malades, ra­ fait que le convoi empruntait « des cratie européenne », qui veut insis­ avance de deux mois aux tra­ nérabilités existantes ».
guérir du Covid­19 – boire de l’eau patriées de Wuhan. routes de l’OTAN ». ter, entre autres, sur la nécessaire vailleurs, exiger des propriétaires La crise du coronavirus en Inde
de javel ou de l’alcool pur, ingurgi­ Fréquemment mise en cause Des eurodéputés ont, quant à transparence et la responsabilité un gel des loyers, organiser une souligne les inégalités de ce pays,
ter de la vitamine C –, qui ont – même si les responsables euro­ eux, écrit récemment au président des grands acteurs du Web.  aide alimentaire, veiller à la conti­ dont plus de la moitié de la popu­
poussé récemment la présidente péens évitent de pointer directe­ du Conseil européen, Charles jean­pierre stroobants nuité de la chaîne d’approvision­ lation vit avec 1,35 dollar par jour.
nement alimentaire. Il n’en a rien Le deuxième pays le plus peuplé
été. Lors de son allocution télévi­ de la planète − 1,3 milliard d’habi­
sée, le 24 mars, annonçant le « loc­ tants − consacre moins de 1,2 % de
kdown », Narendra Modi s’est con­ son PIB aux dépenses de santé ;

En Moselle, la fermeture de la frontière tenté de prévenir que « les pauvres


allaient souffrir » et de demander à
chaque famille aisée d’aider neuf
90 % des emplois relèvent du sec­
teur informel, sans aucune protec­
tion sociale. Narendra Modi est ar­
pauvres. La ministre des finances rivé au pouvoir avec une devise :

franco­allemande crée des tensions a débloqué, depuis, une enveloppe


de 20 milliards d’euros, mais ce
plan est très en deçà des besoins.
« un minimum de gouvernement,
un maximum de gouvernance ».
« Le temps est venu pour le gouver­
nement de relancer les fonctions es­
Le gouvernement allemand a dû assouplir sa position pour le travail des transfrontaliers Roués de coups sentielles de l’Etat­providence »,
Le gouvernement indien a ré­ écrit Christophe Jaffrelot, cher­
pondu à l’exode des migrants par cheur au CNRS et spécialiste de
berlin ­ correspondant Résultat : sur les trente­cinq qu’il faut faire et les embouteilla­ aujourd’hui un assouplissement. la matraque. Les familles, les hom­ l’Inde, dans l’Indian Express.
points de passage entre la Moselle ges à la frontière », explique­t­il. C’est le cas d’Anke Rehlinger, la mes célibataires en train de fuir Rahul Gandhi, l’un des leaders

C ertes, le pont qui relie Peti­


te­Rosselle (Moselle) à
Grossrosseln (Sarre) res­
tera fermé de 22 heures à 5 heures.
Mais, depuis jeudi 2 avril, il est de
et la Sarre, trente et un ont été pu­
rement et simplement fermés,
obligeant les travailleurs fronta­
liers – les seuls encore autorisés à
circuler – à faire de longs détours
Même si elle complique la vie
des deux côtés, la fermeture de la
frontière n’a toutefois pas la
même portée pour les Français et
les Allemands. Décrétée trois
ministre régionale de l’économie
qui, mercredi 1er avril, a plaidé
pour une levée rapide des barra­
ges. « Mon cœur d’Européenne sai­
gne quand je vois les frontières fer­
ont été humiliés, obligés de s’ac­
croupir dans une position dégra­
dante, de marcher à quatre pattes,
quand ils n’étaient pas roués de
coups par les policiers.
du parti du Congrès, la principale
formation d’opposition, a écrit au
premier ministre pour lui de­
mander de prendre en compte les
spécificités du pays. « Le nombre
nouveau possible de circuler en pour exercer leur métier en Alle­ jours après que l’institut de santé mées avec la France », a déclaré Puis, face aux critiques, il a tenté de personnes pauvres en Inde qui
journée entre ces deux bourgs magne. C’est notamment le cas de publique allemand Robert­Koch a l’élue sociale­démocrate, au ma­ de museler les responsables dési­ dépendent d’un revenu quotidien
dont les habitants avaient pres­ cent soixante employés de la cli­ classé la région Grand­Est comme gazine Forum. gnés, les médias accusés d’avoir est tout simplement trop impor­
que fini par oublier que l’un était nique Winterberg, à Sarrebruck. « zone à haut risque », la mesure a Même si la réouverture de la créé « la panique » en diffusant des tant pour que nous puissions arrê­
français et l’autre allemand, jus­ « En pleine crise sanitaire, au mo­ provoqué des réactions parfois frontière entre Petite­Rosselle et fausses nouvelles. Mardi 31 mars, ter unilatéralement toute activité
qu’à ce que le gouvernement ment où on a le plus besoin d’eux, brutales. Des entreprises alle­ Grossrosseln est un premier pas, le le ministère de l’intérieur a déposé économique. »
d’Angela Merkel décide, le 15 mars, prendre une décision qui compli­ mandes ont mis leurs employés combat n’est pas gagné. Au sein du devant la Cour suprême une de­ Dans le quotidien Indian Express,
de fermer la frontière entre les que encore plus la vie de ces gens français en chômage partiel, des gouvernement sarrois, le très con­ mande de censure des médias sur Bina Agarwal, professeure d’éco­
deux pays. est le comble de l’absurde », caissières françaises d’un super­ servateur ministre de l’intérieur, tous les sujets relatifs à la pandé­ nomie à l’université de Manches­
« C’est une sage décision », se féli­ s’agace M. Arend. marché allemand se sont fait in­ Klaus Bouillon (CDU), campe sur mie. Si les magistrats n’ont pas fait ter, au Royaume­Uni, résume les
cite Christophe Arend. Depuis sulter. Les tensions ont parfois at­ une ligne de fermeté, tout comme droit à la demande, rappelant le enjeux : « Nous essayons de briser
quelques jours, le député (LRM) Le combat n’est pas gagné teint un tel degré que des élus alle­ le partie d’extrême droite Alterna­ « droit à la liberté d’expression », ils les chaînes de transmission du
de la 6e circonscription de la Mo­ Côté allemand, la fermeture de la mands, ces derniers jours, les ont tive pour l’Allemagne. ont demandé aux médias de se ré­ coronavirus avec un verrouillage
selle, président du groupe d’ami­ frontière pose également de gros publiquement dénoncées. A l’ins­ Christophe Arend, de son côté, férer « exclusivement à la version total, mais nous brisons ainsi les
tié France­Allemagne à l’Assem­ problèmes. « Economiquement, tar de Michael Clivot, maire du pe­ estime que l’évolution de l’épidé­ officielle de la situation » et de « re­ chaînes d’approvisionnement des
blée nationale, activait ses ré­ c’est une vraie catastrophe », dit tit bourg sarrois de Gersheim qui, mie justifie chaque jour un peu prendre le bulletin de santé du services essentiels. Nous sommes
seaux pour obtenir un tel geste de Timo Lehberger, secrétaire géné­ dans une vidéo, s’est inquiété de moins la fermeture de la fron­ pays » publié quotidiennement en train de créer un océan de chô­
la part de Berlin. « La fermeture de ral de l’Association européenne voir certains Français « injuriés ou tière. « Aujourd’hui, le virus est par le gouvernement. mage », écrit l’universitaire, qui
la frontière est non seulement un des travailleurs indépendants al­ alpagués dans la rue » sous pré­ partout, pas plus en Moselle qu’en Depuis leur arrivée au pouvoir propose d’identifier les tra­
casse­tête pour la vie quotidienne, lemands. Rafael Carentz le con­ texte qu’ils viennent d’une région Sarre. C’est ensemble que nous le en 2014, Narendra Modi et le parti vailleurs de chaque service essen­
mais, au­delà, c’est aussi l’amitié firme. Trois cents mètres sépa­ particulièrement frappée par combattrons, pas les uns contre les nationalistes hindou exercent une tiel et de chaque chaîne de produc­
franco­allemande qui est en jeu », rent les bureaux de sa petite so­ l’épidémie de Covid­19. autres », explique le député, pour pression considérable sur les mé­ tion et de leur faire des tests d’anti­
explique­t­il. ciété d’horticulture, situés à Re­ Du côté des autorités alleman­ qui la logique serait que Français dias : harcèlement des journalistes corps, afin de remettre en activité
Au départ, le gouvernement al­ hlingen, en Allemagne, de son des, les positions bougent. Près de et Allemands soient traités de fa­ sur Twitter et Facebook par une ar­ ceux qui sont immunisés. Toutes
lemand n’avait parlé que d’un entrepôt, côté français. « Norma­ trois semaines après que la ferme­ çon similaire en étant soumis à mée de trolls, pressions financiè­ les torches, lampes ou bougies al­
renforcement des contrôles à la lement, on met trois minutes pour ture des frontières a été décidée des contrôles strictement identi­ res, contrôles fiscaux. Avec cou­ lumées par les Indiens, dimanche,
frontière. Mais, faute de pouvoir aller de l’un à l’autre. Depuis que la par le ministre fédéral de l’inté­ ques de la part des polices des rage, et parfois au péril de leur vie, ne protégeront pas le pays d’une
mobiliser des policiers sur toutes frontière est fermée, ça prend au rieur, Horst Seehofer, plusieurs deux pays.  une poignée de médias et de jour­ catastrophe annoncée. 
les routes, il a dû faire des choix. moins deux heures, vu les détours dirigeants sarrois réclament thomas wieder nalistes indépendants continuent sophie landrin
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SAMEDI 4 AVRIL 2020 coronavirus | 9

L’écologie, victime collatérale de l’épidémie ?


Emmanuel Macron voulait en faire un des deux piliers de la fin du quinquennat. Mais des doutes apparaissent

L
a fin du monde attendra.
En théorie, la convention
citoyenne pour le climat,
mise en place par Emma­
nuel Macron, en octobre 2019,
devait achever ses travaux ce
week­end, dimanche 5 avril. Mais
le confinement de la population,
décidé pour lutter contre l’épidé­
mie de Covid­19, empêche les
150 citoyens tirés au sort qui la
composent de se réunir une der­
nière fois au palais d’Iéna, à Paris,
dans les locaux du Conseil écono­
mique, social et environnemental
(CESE). Ils devaient pourtant vo­
ter le cocktail de mesures qu’ils
comptent proposer aux Français
afin de lutter contre le réchauffe­
ment climatique.
Le chef de l’Etat s’était engagé à
les soumettre « sans filtre » à réfé­
rendum, devant le Parlement, ou
bien à les reprendre dans le cadre
d’ordonnances. « Nous espérons
que la Convention pourra de nou­
veau se réunir en juin », souligne
un de ses promoteurs. Une visio­
conférence doit tout de même
être organisée, les vendredi 3 et
samedi 4 avril, pour travailler,
dit­on, « sur les impacts économi­
ques et sociaux de la crise sani­
taire ». Car l’après­crise, dans l’es­
prit de beaucoup, déjà com­
mencé. Et certains craignent que
l’écologie, érigée en priorité de la
fin du quinquennat par le
président de la République, n’en
soit la victime.

Un « temps d’évaluation » Des militants participent au projet « Inside Out », de l’artiste JR, au siège du Conseil économique, social et environnemental, au Palais d’Iéna, à Paris, à la veille
Au lendemain de la crise finan­ de la sixième convention citoyenne pour le climat, le 5 mars. BERTRAND GUAY/AFP
cière de 2008, Nicolas Sarkozy,
qui avait pourtant mis en place
après son élection le Grenelle de Canfin, président de la commis­ Officiellement, l’exécutif se re­ aiderait à ce que le sujet soit traité lors des européennes de 2019.
l’environnement, avait balayé
« Si c’est la relance sion environnement au Parle­ fuse à commenter ces considéra­ avec cohérence dans tous les Mais les proches du président de
cette question d’un revers de la comme avant, ment européen. Mais dans la tions. Le 13 mars, sur TF1, Edouard champs ministériels, sous son la République reconnaissent qu’il
main. « L’environnement (…) ça phase de réinvestissement, il fau­ Philippe mouillait un doigt de autorité », estime­t­elle. « Il y a est trop tôt pour savoir dans
commence à bien faire », avait­il
on va se relancer dra faire d’une pierre deux coups : pied en évoquant la perspective beaucoup de gens qui montent sur quelle mesure cette question
déclaré, en 2010, alors que l’éco­ encore plus fort sortir de la crise économique et de ce plan de relance. « A partir du un tonneau en criant “relance, re­ pourra continuer à occuper le
nomie redémarrait tout juste. accélérer la transition vers une mois d’avril, il va falloir penser au lance, relance”, comme si c’était haut de l’agenda. « C’est encore
Une décennie plus tard, cet épi­
dans le mur » économie neutre en carbone. » rebond et à la façon dont on va simple. Si nous avons beaucoup de trop vert », ironise­t­on dans l’en­
sode est dans toutes les têtes. « La MATTHIEU ORPHELIN Une articulation idéale dans la préparer la suite », assurait le pre­ chômage, le risque que l’opinion tourage du locataire de l’Elysée,
sortie de crise de 2008 est un député ex-LRM théorie, mais qui n’a rien d’évi­ mier ministre. « On n’en est pas se retourne parce qu’on prend des qui sera privé, ces prochains
contre­exemple, ça a été une dente dans son application. là », répond­on aujourd’hui à Ma­ mesures écolos de moyen terme mois, des grands rendez­vous
occasion manquée d’accélérer la « Il faudra agir avec des finances tignon. Ce qui laisse toute lati­ n’est pas nul, prévient, de son environnementaux dont il se
transition écologique », a estimé « Nous sommes incapables de dire publiques en fort mauvais état : tude aux uns et aux autres pour côté, un familier de l’exécutif. Il montre d’ordinaire friand.
la ministre de la transition écolo­ si à la sortie de la crise ce seront les est­ce que certains ne vont pas être tenter de peser. faudra remettre le malade sur La COP26 sur le climat, qui de­
gique et solidaire, Elisabeth “Années folles”, avec une volonté tentés d’opposer les nouvelles pied très vite, le gouvernement vait se tenir en novembre à Glas­
Borne, le 27 mars, dans un entre­ de renouer avec la consommation, promesses faites à l’hôpital et les Poussées vertes dans les urnes cherchera des vecteurs à impact gow, en Ecosse, a en effet été re­
tien à Franceinfo. « L’écologie doit ou bien le grand tournant de la aides à la transition écologique ? », « Si c’est la relance comme avant, rapide, et les investissements verts poussée à 2021. Quant au congrès
être au cœur de la relance après sobriété. C’est quelque chose qu’il se demande l’ancien ministre de on va se relancer encore plus fort ne sont pas de cette nature. » « Je mondial de la nature, prévu en
cette crise », a­t­elle ajouté. faut prendre en compte. » la transition écologique et soli­ dans le mur », prévient le député ne crois pas qu’un nouveau juin, à Marseille, il doit être décalé
Pas question, pour autant, de se La priorité des prochains mois, daire François de Rugy. De son (ex­la République en marche, monde va émerger, c’est du bla­ au « premier trimestre 2021 », a an­
lancer bille en tête sur le sujet, s’accorde­t­on à penser, sera en côté, M. Canfin assure qu’« un cer­ LRM) Matthieu Orphelin, pour bla, on avait déjà entendu ça noncé, jeudi, l’Elysée. Emmanuel
alors que la France continue de effet de répondre à la crise écono­ tain nombre de lobbies industriels qui « il faut une relance par l’inves­ en 2008 », abonde un élu. Macron comptait s’appuyer sur
compter ses morts. « Nous som­ mique et sociale qui va succéder à commencent à dire qu’il faut enle­ tissement public dans la transi­ En théorie, le sujet écologique cet événement pour souligner
mes à plus que 100 % sur la gestion la crise sanitaire. « Aujourd’hui, il ver les contraintes carbone ». « Au tion écologique » de l’ordre de 7 à devait représenter, avec le réga­ son tournant vert. « L’agenda
de crise », assure­t­on dans l’en­ faut aider tout le monde : s’il faut niveau européen, les Tchèques et 10 milliards d’euros par an. lien, un des deux grands axes de transition écologique, tel qu’il a
tourage de la ministre, où l’on nationaliser Air France, nationali­ les Polonais sortent aussi dans le D’autres, comme la députée LRM la fin du mandat d’Emmanuel été construit pour 2020, a déraillé,
met en avant la nécessité de pren­ sons Air France. Nous ne devons même sens. Les discussions sur le de Paris Olivia Grégoire, plaident Macron. D’autant qu’une forte il va être reformulé différem­
dre un « temps d’évaluation » pas laisser tomber des acteurs plan de relance ont déjà com­ pour que le portefeuille de l’éco­ poussée verte s’est manifestée ment », souligne un conseiller. En
avant d’articuler des ambitions économiques systémiques, estime mencé, son design se joue mainte­ logie soit directement rattaché à lors du premier tour des élections attendant la prochaine crise. 
en matière environnementale. l’eurodéputé macroniste Pascal nant », prévient­il. celui du premier ministre. « Cela municipales, le 15 mars, comme olivier faye

Philippe évoque un report des municipales à « octobre » ou « après »


Le premier ministre a indiqué qu’il faudrait « très probablement » réorganiser les deux tours dans les communes où le maire n’a pas été élu le 15 mars

L e calendrier des élections


municipales n’en finit plus
d’empoisonner la vie de
l’exécutif. Critiqué pour avoir
maintenu le premier tour, le
« Si c’est possible, le deuxième tour
des élections municipales se tien­
dra à cette date », a affirmé M. Phi­
lippe. Mais « si on fait le constat, en
mai, qu’en juin il n’est pas possible
nistre, en précisant que cela
concerne 30 143 communes, soit
l’immense majorité d’entre elles.
Reste donc à régler le cas des quel­
que 5 000 restantes, où le maire
Marielle de
Sarnez propose
de coupler les
« Il y a une impossibilité sanitaire
de mener des élections municipa­
les en juin. Au moment où il faudra
remettre en route l’économie et les
services publics, les élus auront
les en octobre. Si on mobilise les
Français pour aller voter, autant le
faire une fois pour trois élections ! »
Le délégué général de La Républi­
que en marche (LRM), Stanislas
15 mars, le gouvernement doit d’organiser le deuxième tour, ce n’a pas été élu au premier tour. municipales aux autre chose à faire que de mener Guerini, lui, est favorable à un re­
désormais fixer la date du second que beaucoup des observateurs ou Dans celles­ci, si le scrutin est re­ campagne », abonde le président port « plutôt d’ici à la fin de l’an­
tour, qui n’a pas pu avoir lieu le des acteurs de la vie politique pres­ porté après l’été, il faudra « très
départementales de l’UDI, Jean­Christophe Lagarde. née ». Manière de « décorréler » les
22 mars, comme prévu initiale­ sentent ou ressentent (…), il faudra probablement » réorganiser les et aux régionales, Lors de la visioconférence, un enjeux entre les municipales d’un
ment. Jeudi soir, le premier minis­ décaler cette élection, peut­être en « deux tours ». Faute de quoi, débat s’est ouvert sur la date à côté, et les départementales et les
tre, Edouard Philippe, a évoqué octobre, peut­être après », a­t­il l’écart dans le temps entre les
en mars 2021 choisir, si le second tour ne pou­ régionales de l’autre.
un nouveau report à « octobre » développé. Ce changement de ca­ deux tours serait trop grand. vait pas se passer en juin. La res­ L’exécutif, en tout cas, avance
ou « après » de ce scrutin, qui a lendrier pourrait engendrer un Ce sujet épineux s’était déjà in­ ponsable du MoDem, Marielle de désormais avec prudence. « Après
déjà été décalé au 21 juin en raison report des sénatoriales d’un an, vité à la fin de la visioconférence, chef du gouvernement et plu­ Sarnez, a alors suggéré mars 2021. la polémique autour de la tenue du
de l’épidémie due au coronavirus. en septembre 2021. jeudi matin, entre Edouard Phi­ sieurs intervenants ont présenté Une option soutenue par plu­ premier tour, le gouvernement ne
Sur TF1, il a indiqué s’en remet­ lippe et les présidents de partis un nouveau report comme une sieurs participants, dont M. La­ va pas vouloir accélérer pour le se­
tre au rapport scientifique qui « Impossibilité sanitaire » politiques, responsables de grou­ option quasi inéluctable. « Cha­ garde et le patron des sénateurs cond », prédit un président de
doit être remis au Parlement le Les maires ayant été élus dès le pes parlementaires et d’associa­ cun voit qu’on ne pourra pas orga­ socialistes, Patrick Kanner, qui parti. « Il y a déjà eu assez de dis­
23 mai, pour savoir quand pourra premier tour, eux, le resteront. « Il tions d’élus. Au terme de deux niser des élections fin juin si on sort propose de coupler les municipa­ cussions sur le premier tour pour
se tenir le second tour. Ce docu­ n’est pas question de revenir sur heures et demie de discussions, seulement du confinement début les aux départementales et aux ré­ qu’on parte sur un second tour im­
ment « permettra de dire » s’il est ces résultats­là. Ils doivent rester après avoir passé en revue les su­ juin », observe Hervé Marseille, gionales, en mars 2021 : « Je ne vois provisé », juge Hervé Marseille. 
possible de l’organiser le 21 juin. acquis », a affirmé le premier mi­ jets sanitaires et économiques, le patron des sénateurs centristes. pas l’intérêt d’isoler les municipa­ alexandre lemarié
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10 | coronavirus SAMEDI 4 AVRIL 2020

Comment la gauche pense l’après­coronavirus


L’épidémie de Covid­19 incite à repenser, notamment, le système économique et la notion d’Etat social

I
ls réfléchissent déjà au qui souligne l’urgence à « repen­
« monde d’après ». De nom­ ser » l’Etat social.
breux intellectuels, mili­ C’est en fait une complète bifur­
tants associatifs et politi­ cation du système politique et
ques de gauche sont persuadés économique qui est aujourd’hui
que le modèle actuel, fondé sur la plébiscitée à gauche. Tout d’abord
croissance économique et le avec la fin des « effets désa­
libre­échange globalisé, s’effon­ grégateurs » de la mondialisation
dre. En parallèle des interroga­ sur les économies locales et na­
tions sur la sortie du confine­ tionales. La pénurie de masques
ment se pose déjà la question du et de tests est dans toutes les tê­
bilan du fonctionnement de nos tes. Y aurait­il eu les pénuries ac­
économies et de nos sociétés. De tuelles s’il n’y avait pas eu ferme­
quoi cette pandémie est­elle le ture des usines et délocalisation
nom ? La crise due au coronavirus des productions ? Pour M. Por­
sera­t­elle l’occasion de refonder cher, il y a nécessité à « reprendre
notre modèle et d’opter pour des le contrôle de certains secteurs vi­
mesures qui semblaient jus­ taux comme les médicaments et
qu’alors inenvisageables ? l’énergie et arrêter de les laisser
« La question est de savoir si l’on fonctionner comme des en­
va reconstruire le modèle existant treprises privées ».
ou le réinventer », résume la dépu­
tée des Deux­Sèvres Delphine Ba­ Relocalisation des productions
tho, également présidente de Gé­ Cette critique de la mondialisation
nération Ecologie, formation par­ a remis au goût du jour une vieille
tenaire d’Europe Ecologie­Les revendication de la gauche radi­
Verts (EELV). « Soit c’est un virus de cale : la relocalisation des
gauche et on réfléchit aux frontiè­ productions, au plus proche des
res, aux nationalisations et au pla­ besoins. Certaines solutions réap­
fonnement des prix. Soit c’est un vi­ paraissent dans les conversations :
rus de droite et on a le confi­ nationalisation des grandes com­
nement, l’individualisme, les pagnies de transports, des sec­
écrans », estime François Ruffin, teurs gérant les biens communs
député (La France insoumise) de comme l’eau, le gaz, l’électricité,
la Somme. mais aussi les entreprises vitales
du secteur du médicament… « La
Effondrement trielle), certains estiment désor­ d’une crise, on fait quelque chose comme avant : regardez les décla­ crise ouvre les esprits. Un peu
Les partis, eux, commencent à mais que ses défenseurs avaient de positif », espère M. Ruffin. L’élu rations d’Air France sur la nécessité
« Tout le monde comme au Japon, où l’énergie nu­
mettre en place des dispositifs de bonnes intuitions. « Tout le « insoumis » prend un exemple de remettre en cause certaines peut voir que cléaire avait été abandonnée
pour tenter de sortir de leur monde peut voir que notre inattendu comme piste de normes sur le kérosène ou sur les [avant d’être reprise quelques an­
routine. Le Parti socialiste réunit modèle de développement est très réflexion. « Au Royaume­Uni, pen­ taxes sur les billets d’avion. »
notre modèle de nées plus tard] après Fukushima »,
autour de sa direction des intel­ vulnérable. Il tombe pan après dant la seconde guerre mondiale, M. Cormand, lui aussi, remet en développement insiste Mme Duflot. « Il faut se poser
lectuels et chercheurs pour pan », tient à souligner David ils ont établi un rationnement. cause l’équilibre entier du sys­ la question : on relocalise pour quoi
« imaginer avec d’autres ce qui Cormand, ancien secrétaire L’espérance de vie est remontée et tème. « On consent des sacrifices
est très faire ? », complète Aurélie Trouvé,
arrive à notre société », explique national d’EELV et l’une des têtes le taux de pauvreté a baissé. C’est sociaux, économiques, environne­ vulnérable » porte­parole d’Attac, qui plaide
un proche du premier secrétaire pensantes des écologistes. le partage. » mentaux pour la croissance, une pour des reconversions, avec une
DAVID COMAND
du parti, Olivier Faure. La France Pour beaucoup, le néolibéra­ illusion d’abondance, de liberté et décroissance énergétique et maté­
député européen
insoumise, elle, propose un lisme est à l’origine de la crise. En « Relance à tous crins » de solidité. Or, ce qu’on croyait rielle de certains secteurs.
déconfinement planifié, et résumé : la mondialisation Derrière ce discours se niche une solide est vulnérable. » « Le jour d’après doit passer par
surtout de penser aux solutions génère des flux d’échanges per­ autre idée qui ne fait pas l’unani­ Hôpitaux en panne de moyens, un “Green New Deal” », assure la
pour éviter une « rechute ». manents, responsables du chan­ mité : celle de la décroissance. pénuries de médicaments et de politique », constate M. Glucks­ responsable d’Attac, qui prône
« La première chose importante gement climatique qui favorise, Longtemps portée par une mino­ protections, Etat social désarmé mann. Face à une Europe divisée, une relocalisation « solidaire,
qui va découler de cette pandé­ en bout de chaîne, la propagation rité d’activistes, cette option fait face à l’urgence… A la faveur de la la demande d’un Etat plus fort écologique et sociale », avec l’aide
mie, c’est l’urgence à accepter de maladies, notamment les son chemin à gauche, même si propagation du Covid­19 et de la reprend de la vigueur à gauche. d’une taxe kilométrique qui met
l’ébranlement de nos certitudes et zoonoses, transmises à l’homme les communistes y sont moins mise en place du confinement, D’autant que les inégalités so­ en lumière les distances, et pas
de nos schémas. Tout le monde va par l’animal, dont fait partie le perméables. Loin d’être univo­ certaines carences de l’Etat et des ciales sont devenues plus visibles. les frontières. « Tout devrait
avoir tendance à chercher la Covid­19. « La crise actuelle et le que, la décroissance peut ne services publics ont été mises en Les métiers les moins bien payés – passer par un grand ministère de
confirmation de ses théories dans changement climatique sont liés, concerner que certains secteurs évidence. La critique de la logique aides­soignantes et femmes de l’écologie. Il faut rouvrir notre
les effets de la crise », explique assure Cécile Duflot, directrice de l’économie. « Ce débat aura de rentabilité s’est trouvée ménage dans les Ehpad, caissières imaginaire politique », complète
l’essayiste Raphaël Glucksmann, générale d’Oxfam France. On a eu lieu après la crise, mais ce sera soudainement plus visible. de supermarchés, éboueurs, li­ M. Ruffin. « Il y a deux façons de
avant d’ajouter : « Pour être audi­ les mêmes réactions sur le réchauf­ concret et pas théorique, prédit Thomas Porcher, économiste et vreurs –, tous ceux qui « n’étaient penser cette crise. Soit on conso­
bles, il faut donc qu’on accepte de fement climatique : au début, Mme Batho. Par exemple, doit­on auteur de l’ouvrage récent Les rien », apparaissent soudain com­ lide le modèle existant, et le libéra­
faire rentrer dans notre logiciel personne ne veut y croire ; il ne faut sauver toutes les banques et leurs Délaissés (Fayard, 234 pages, me essentiels. « Cette crise révèle lisme entraînera un affaiblisse­
des questionnements qui nous pas faire peur aux marchés et à actifs dans le charbon et le 18 euros), renchérit : « Le coronavi­ l’étendue des inégalités dans le ment des droits et un renforce­
chamboulent. » l’économie. » Mme Batho abonde : pétrole ? Doit­on sauver toutes les rus révèle un fait qui saute aux rapport au travail, entre ceux qui ment de la surveillance pour
A commencer par celui de l’ef­ « Il est presque établi désormais compagnies aériennes ? » yeux : en fermant des dizaines de sont en télétravail et les métiers sauver le Titanic. Soit on
fondrement. Alors que beaucoup que l’origine du virus est liée à l’ef­ Ségolène Royal, ancienne candi­ milliers de lits à l’hôpital, en réfor­ difficiles et mal rémunérés qui ne comprend que le modèle actuel est
de responsables politiques rail­ fondrement de nos écosystèmes. » date socialiste à la présidentielle, mant l’assurance­chômage, c’est peuvent l’être. On s’aperçoit aussi déficient et qu’il en faut un autre
laient encore récemment la col­ La crise due au nouveau corona­ met ainsi en garde contre les pis­ comme si on avait préparé notre que le système de protection n’a ja­ plus résilient, en accord avec la na­
lapsologie (pensée qui voit dans virus est vue comme l’occasion tes évoquées par l’exécutif : « L’en­ impréparation en cas de choc mais été pensé pour les indépen­ ture », continue M. Cormand. Qui
les catastrophes environnemen­ de faire table rase. Un moment de vironnement a du souci à se faire majeur. » « On a vu, comme à dants et les autoentrepreneurs », conclut : « La bataille idéologique
tales et sanitaires des signes an­ conscientisation collective ex­ avec la relance à tous crins portée chaque crise, le repli national des souligne l’économiste Julia Cagé, se fera sur ce clivage. » 
nonciateurs de l’effondrement press, une sorte de crise salva­ par le gouvernement. On voit déjà gouvernements. Le modèle libéral par ailleurs présidente de la abel mestre
de notre civilisation indus­ trice. « Il faut savoir comment, qu’ils espèrent que cela reparte est un modèle de dilution de la Société des lecteurs du Monde, et sylvia zappi

Droit de retrait : les fonctionnaires menacés de sanctions


La direction de l’administration a rappelé les éventuelles mesures disciplinaires, alors que certains agents s’estiment mal protégés

C’ est un rappel sans frais.


Tout agent public qui re­
fuserait d’aller au travail
ou qui abuserait du droit de retrait
s’exposerait à des sanctions pou­
Il peut s’agir
d’une retenue
sur le salaire,
De fait, a précisé la DGAFP, les
fonctionnaires « ne peuvent légiti­
mement exercer leur droit de retrait
au seul motif d’une exposition au
virus à l’origine de l’épidémie ».
l’exécution des fonctions ainsi que
le refus d’assumer un service sup­
plémentaire en dehors des horai­
res normaux, lorsque ce service est
justifié par l’urgence et la nécessité
gravement atteinte à la continuité
du service public ». Mais elle con­
seille aux employeurs publics de
manier cette arme « avec pru­
dence ». Certains syndicats haus­
demandant que « la même éner­
gie soit mise en œuvre pour que
les employeurs publics satisfas­
sent à leur obligation générale de
sécurité en matière de santé au
vant aller jusqu’à la révocation. qui n’est soumise Pour autant, l’employeur est tenu de service pour assurer la conti­ sent le ton sur les conditions de travail avec, pourquoi pas, des
Après avoir précisé le cadre juridi­ à aucune de « mettre en place des mesures de nuité du service public » peuvent travail pendant la crise sanitaire. sanctions à la clé de leurs man­
que du droit de retrait dans une protection adaptées sans lesquelles également entraîner une sanc­ « Le temps est­il vraiment aux quements en la matière. »
note du 23 mars, la direction géné­ procédure les agents concernés pourraient tion disciplinaire. En la matière, sanctions ? », a réagi Solidaires Lors d’une visioconférence orga­
rale de l’administration et de la particulière faire valoir leur droit de retrait », se­ précise la DGAFP, celles qui sont Fonction publique. « Cela en dit nisée jeudi 2 avril avec les organi­
fonction publique (DGAFP) en a lon cette note de l’administration. les plus adaptées sont l’avertisse­ long, poursuit le syndicat, sur la sations syndicales, Olivier Dus­
diffusé une autre, le 31 mars, pour Et dès lors que celles­ci sont assu­ ment, le blâme, l’exclusion tem­ confiance et, dans une certaine me­ sopt, secrétaire d’Etat chargé de la
rappeler aux agents publics qu’ils rées, le fonctionnaire ne peut se poraire de fonctions d’un à trois sure, le manque de considération fonction publique, a précisé, selon
ne peuvent abandonner leur poste théorique. S’estimant mal proté­ soustraire à ses obligations. jours. Mais cela peut même aller, dans l’engagement pourtant sans l’UNSA, que 900 000 masques se­
sans s’exposer à des ennuis. gés contre le virus, des fonction­ dans les cas extrêmes, jusqu’à la faille des agents publics, qui pour raient répartis cette semaine en­
Il s’agit d’« un rappel du droit naires mobilisés ont déjà exercé, « Manque de considération » radiation des cadres de la fonction nombre d’entre eux et elles, ris­ tre les ministères de la justice, de
comme dans plein d’autres domai­ de manière sporadique, leur droit Quelles sont les sanctions ? Il peut publique lors d’un « abandon de quent leur santé pour assurer la l’intérieur, de l’éducation natio­
nes et qui était attendu par les chefs de retrait. C’est le cas de postiers, s’agir d’une retenue sur le salaire, poste », si l’agent a « disparu » continuité de l’action publique. » nale, de l’économie et des finan­
de service pouvant être confrontés de CRS ou d’agents des finances laquelle n’est soumise à aucune sans motif valable. « Ce sont de moyens de protec­ ces. « C’est une avancée, si elle se
à un refus de poste », explique Oli­ publiques. Certains syndicats les y procédure particulière. « Une ab­ La DGAFP précise que le fait de tion et de consignes claires sur les concrétise, estime le syndicat.
vier Dussopt, secrétaire d’Etat encouragent, considérant que sence injustifiée, le refus d’exécuter ne pas rejoindre son poste « expo­ missions essentielles dont les Mais ces protections font défaut
chargé de la fonction publique. La l’administration ne prend pas tou­ une partie de ses tâches, la mécon­ serait enfin l’agent à être réquisi­ agents ont besoin. Pas de mena­ dans bien d’autres périmètres. » 
mise au point n’est pas seulement tes les précautions nécessaires. naissance des instructions pour tionné si son absence portait ces », poursuit Solidaires, en benoît floc’h
0123
SAMEDI 4 AVRIL 2020 coronavirus | 11

Près de quatre millions Vers une transparence sur


les critères de Parcoursup
de salariés en chômage partiel Le Conseil constitutionnel demande que
les modalités de sélection soient dévoilées
Le commerce et la restauration sont particulièrement concernés

A
lui seul, le chiffre
donne une idée de la
violence du coup de
frein infligé à notre
Dans le privé,
c’est désormais
Alors qu’il a déjà atteint une am­
pleur hors du commun, le recours
au chômage partiel va très proba­
blement se poursuivre. Dans une
portent l’est aussi. Dans le cas de la
France, elle paraît appropriée pour
le moment, avec un recours massif
à l’activité partielle », décrypte An­
L es futurs étudiants vont­ils
connaître demain, dans le
détail, les coulisses de la
sélection qui s’opère à l’entrée des
formations de l’enseignement su­
de l’opposition, comme le séna­
teur communiste Pierre Ouzou­
lias, le Défenseur des droits, ou
encore la Cour des comptes, qui,
dans un rapport présenté le 27 fé­
économie. Dans le privé, un sala­ le cas note dévoilée lundi, l’Observatoire drea Garnero, de l’Organisation de périeur ? Le Conseil constitution­ vrier, a épinglé l’utilisation de pa­
rié sur cinq est désormais en chô­ d’un salarié français des conjonctures éco­ coopération et de développement nel a tranché en ce sens, dans une ramètres « parfois contestables »,
mage partiel. Divulgué, jeudi, par nomiques (OFCE) indique que économiques. Certains Etats ont décision qui clôt plus de deux ans tel celui du lycée d’origine.
la ministre du travail, Muriel Pé­ sur cinq quelque 5,7 millions de salariés choisi de ne pas mettre en place de vifs débats dans le monde édu­ Dans sa décision du 3 avril, le
nicaud, cet ordre de grandeur si­ « seraient potentiellement éligi­ des amortisseurs, ce qui débouche catif, autour de l’opacité de la pla­ Conseil constitutionnel estime
gnifie que près de 4 millions de bles » au dispositif, si les entrepri­ sur des hausses spectaculaires du te­forme d’admission Parcour­ tout d’abord que la mesure pla­
personnes (sur un peu moins de que semaine, d’indicateurs afin de ses touchées par la baisse de la con­ nombre des inscriptions au chô­ sup. « Consacrant l’existence d’un çant sous le sceau du secret des
20 millions) ont cessé leur activité livrer des éclairages sur l’impact de sommation et les fermetures ad­ mage : « Au Canada, elles attei­ droit constitutionnel à l’accès délibérations ces critères, est
ou ne l’exercent qu’en pointillé, la crise. Etant issues de l’exploita­ ministratives (cafés, restaurants, gnent en deux semaines l’équiva­ aux documents administratifs, le conforme à la Constitution. Il pré­
tout en continuant de percevoir tion de données journalières ou etc.) le réclament. « Il s’agit d’une lent de ce qui a été enregistré sur Conseil constitutionnel juge que cise ainsi qu’il est « loisible au lé­
une très grande partie de leur ré­ hebdomadaires, ces statistiques évaluation haute, pour une chute l’année fiscale 2018­2019, complète chaque établissement d’enseigne­ gislateur d’apporter à ce droit
munération grâce aux deniers sont plus fragiles que celles diffu­ d’activité de 30 % et pour un mois Andrea Garnero. S’agissant des ment supérieur doit rendre [d’accès aux documents adminis­
publics. Du « jamais­vu », comme sées en temps ordinaire, mais le de confinement, mais il n’est pas ex­ Etats­Unis, les effectifs d’inscrits à compte des critères en fonction tratifs] des limitations liées à des
l’avait souligné, la veille, le chef du but est de faire œuvre de transpa­ clu qu’elle soit dépassée », précise l’assurance­chômage se sont ac­ desquels ont été examinées les exigences constitutionnelles ou
gouvernement, Edouard Phi­ rence dans un contexte que la au Monde Eric Heyer, de l’OFCE. crus de 10 millions en seulement candidatures dans le cadre de Par­ justifiées par l’intérêt général, à la
lippe, alors qu’il était auditionné France n’a pas connu depuis la se­ deux semaines. Pendant la crise fi­ coursup », annonce la juridiction condition qu’il n’en résulte pas
par la mission d’information de conde guerre mondiale. « La crise est inédite » nancière de 2008, les inscriptions dans un communiqué, vendredi d’atteintes disproportionnées au
l’Assemblée nationale sur l’épidé­ Au 1er avril, un peu plus de L’une des questions qui se pose est avaient augmenté au maximum de 3 avril, au lendemain de la date li­ regard de l’objectif poursuivi ».
mie de Covid­19. « 415 000 établissements » avaient de savoir dans quelle mesure cette 700 000 en une semaine. Cette fois, mite de validation des dossiers C’est le cas concernant Parcour­
Cette situation inédite résulte déposé un dossier pour passer en solution permettra d’encaisser le c’est par millions… » sur Parcoursup, pour les quelque sup, le législateur ayant souhaité
d’un choix politique, qui vise à at­ activité partielle « en raison du co­ choc. Certains publics ne vont pas L’autre inconnue a trait au coût 750 000 lycéens de terminale et « assurer l’indépendance de ces
ténuer les incidences de la réces­ ronavirus », selon l’étude publiée en bénéficier ou alors seulement du chômage partiel. Le ministère les étudiants en réorientation. équipes pédagogiques et l’autorité
sion due à la crise sanitaire. L’exé­ jeudi. Ces démarches englobent durant un temps limité : en parti­ du travail avait récemment fait Dans sa décision qui intervient de leurs décisions ». « Ce faisant, il a
cutif a, en effet, voulu faciliter le re­ – comme l’a évoqué Mme Péni­ culier, les personnes qui ont signé état d’une « dépense potentielle » une semaine plus tard que prévu, poursuivi un objectif d’intérêt gé­
cours à l’« activité partielle », le caud – 3,9 millions d’individus, des contrats de courte durée et les de 11 milliards d’euros pour trois en raison de la crise sanitaire du néral », estime la juridiction, qui
terme officiel pour désigner le bien souvent employés dans des jeunes qui s’apprêtent à pénétrer mois, sachant qu’il s’agit de Covid­19, le Conseil constitution­ relève également que les candi­
dispositif. Dans cette optique, une sociétés de petite taille (moins de sur le marché du travail, énumère « crédits ouverts » qui ne seraient nel va dans le sens des défenseurs dats peuvent, une fois la décision
ordonnance a été publiée au Jour­ vingt personnes). En moyenne, les Eric Heyer. Dès lors, les files d’at­ « pas forcément tous consommés ». d’une plus grande transparence, prise à leur égard, demander
nal officiel du 28 mars : elle prévoit demandes portent sur « 419 heures tente devant Pôle emploi vont à L’OFCE, pour sa part, a avancé un sans infliger pour autant de « la communication par l’établisse­
notamment d’étendre cette me­ chômées (…) par salarié, soit près de nouveau s’allonger, alors qu’elles total de 21,4 milliards par mois, en véritable camouflet au gouverne­ ment des informations relatives
sure « à de nouvelles catégories » douze semaines à 35 heures heb­ raccourcissaient depuis des mois. tenant compte des pertes de coti­ ment, puisqu’il ne censure pas la aux critères et modalités d’examen
(assistantes maternelles, VRP, etc.) domadaires ». Trois secteurs « La crise est inédite pour tous les sations sociales.  disposition législative attaquée. Il de leurs candidatures ».
tout « en réduisant (…) le reste à concentrent, à eux seuls, un peu pays et la réponse que ceux­ci ap­ bertrand bissuel avait été saisi, le 16 janvier, par le Néanmoins, la juridiction ap­
charge » pour les patrons. Ainsi, le plus de la moitié des requêtes : le Conseil d’Etat d’une question porte une « réserve d’interpréta­
travailleur touche 84 % de son sa­ commerce et la réparation des prioritaire de constitutionnalité tion » de taille. « Cette communi­
laire net et l’employeur est dédom­
magé à 100 %, dans la limite de
automobiles (21,4 %), l’héberge­
ment et la restauration (15,7 %), la
Un outil informatique pour améliorer déposée par l’Union nationale
des étudiants de France (UNEF).
cation ne bénéficie qu’aux candi­
dats », souligne­t­elle. Mais l’im­
4,5 smic (environ 4 800 euros net construction (14,3 %). C’est en Ile­ le traitement des demandes S’appuyant sur l’article 15 de la possibilité, pour des « tiers »,
par mois). Le but est de « limiter les de­France où le plus grand nombre Lors de son audition par la mission d’information de l’Assemblée Constitution, qui prévoit que « la d’accéder à ces informations une
ruptures de contrats de travail » et de procédures ont été engagées. nationale sur l’épidémie due au coronavirus, Edouard Philippe a société a le droit de demander fois la procédure terminée porte­
de « préserver les compétences », Les autres informations présen­ expliqué, mercredi 1er avril, que le recours au chômage partiel est compte à tout agent public de son rait « une atteinte disproportion­
dont le pays aura besoin lorsque la tées dans le « tableau de bord » il­ si massif que certaines entreprises « qui demandaient à en bénéfi- administration », le syndicat étu­ née » à ce droit garanti par l’arti­
croissance repartira. lustrent le coup d’arrêt de pans en­ cier n’ont pas obtenu immédiatement de réponse », les contraignant diant contestait l’absence de cle 15 de la Déclaration des droits
Qui est concerné ? Une première tiers de l’économie : effondrement parfois à attendre plusieurs jours avant de pouvoir s’enregistrer transparence des « algorithmes de l’homme.
réponse a été apportée, jeudi, des inscriptions en formation de auprès des services de l’Etat. Cependant, a ajouté le premier mi- locaux » pratiqués à l’entrée des Dès lors, chaque établissement
grâce à livraison d’un « tableau demandeurs d’emploi (– 56 % nistre, le système d’instruction des requêtes vient d’être amélioré, formations pour classer les dos­ se doit de « publier, à l’issue de la
de bord » coréalisé par les adminis­ pour la période du 16 au 22 mars, si bien que « les décisions vont désormais se prendre beaucoup plus siers des candidats. procédure nationale de préinscrip­
trations centrales du ministère du comparée à la même semaine vite ». Grâce à cette refonte, l’outil informatique « n’a plus rien à voir tion et dans le respect de la vie pri­
travail (Dares, DGEFP) et par Pôle de l’année précédente), dégringo­ avec ce qu’il était au début de la crise », assure-t-on dans l’entou- « Secret des délibérations » vée des candidats, le cas échéant
emploi. Une initiative, là aussi, lade des entrées en contrats aidés rage de la ministre du travail, Muriel Pénicaud : il est aujourd’hui Si les critères généraux et les « at­ sous la forme d’un rapport, les cri­
sans précédent, puisqu’elle va se (– 67 % entre la première et la capable de « répondre à 400 000 utilisateurs par jour » et d’absorber tendus » de chaque cursus de pre­ tères en fonction desquels les can­
traduire par la présentation, cha­ deuxième quinzaine de mars). ainsi un afflux de sollicitations sans précédent. mier cycle sont jusqu’ici rendus didatures ont été examinées et
publics sur Parcoursup, ce n’est précisant, le cas échéant, dans
pas le cas des méthodes précises quelle mesure des traitements al­
de classement. Quelles notes du ly­ gorithmiques ont été utilisés pour
céen sont prises en compte, avec procéder à cet examen », tranche

Loyers: l’Etat veut mobiliser les départements quelle pondération ? Quel poids
pour la lettre de motivation ?, etc.
Ces méthodes ont été placées sous
la juridiction.
Une transparence qui devrait
avoir un effet immédiat. On peut
le sceau du « secret des délibéra­ s’attendre à ce que des recours, de
La crainte des impayés liés à la crise sanitaire se fait jour chez certains bailleurs sociaux tions » des jurys, dans la loi relative la part de lycéens notamment,
à l’orientation et à la réussite des pleuvent en direction des univer­
étudiants promulguée en mars sités mais aussi des formations
2018, qui déploie les règles à l’en­ officiellement sélectives, pour

L es associations d’habitants
et de locataires montent au
créneau. Elles veulent inci­
ter l’Etat à décréter un moratoire
ou à instaurer des aides au paie­
peu monté entre la CNL et les
organismes HLM. « C’est irrespon­
sable d’appeler à ne pas payer son
loyer, argumentait Marianne
Louis, directrice générale de
les locataires, se félicite Jean­Marc
Torrollion, président de la Fnaim
et gestionnaire, dans la région de
Grenoble, de 3 700 logements. Ce
sont, finalement, les bailleurs clas­
plongé d’au moins 70 % en mars
et 50 % en avril.
Le gouvernement envisage
aussi de mobiliser les fonds de
solidarité pour le logement (FSL).
trée du supérieur sur Parcoursup.
Cette demande de transparence
était portée également par l’en­
semble des syndicats étudiants et
enseignants, des parlementaires
connaître les pratiques précises
de chacune. Ce qui ne devrait
aussi pas manquer d’ouvrir le dé­
bat des critères de sélection. 
camille stromboni
ment du loyer d’habitation pour l’Union sociale pour l’habitat, qui siques en longue durée qui vont le Financés et gérés par les départe­
les locataires des parcs privé fédère les 660 bailleurs sociaux. mieux résister à la crise. Pas les ments, ils aident locataires et
(6,5 millions de logements) et pu­ C’est nous faire un procès d’inten­ loueurs en bail mobilité de dix propriétaires à payer leurs factu­
blic (5 millions) que la crise du tion que supposer que nous ne te­ mois et encore moins ceux en loca­ res liées à leur habitation, char­
coronavirus prive de ressources. nons pas compte des difficultés de tion touristique qui ont, eux, perdu ges, eau, électricité ou loyer.

DE CAUSE
« Le président de la République nos locataires. Nous y sommes, au tout revenu. » En 2015, 342 millions d’euros ont
et le gouvernement ont annoncé contraire, très attentifs. Sur 5 mil­ L’inquiétude est plus fondée été distribués à 90 000 familles
un fonds d’aide pour les petites en­ lions de lettres de relance adres­ chez les bailleurs sociaux. Dans en grande difficulté.
treprises [45 milliards d’euros],
un moratoire des loyers des com­
merces et bureaux, mais rien pour
sées [chiffre de 2017], il n’y a eu que
150 procédures contentieuses en­
gagées tandis que 473 000 plans
les Hauts­de­France, Vilogia et
Lille Métropole Habitat avaient,
dès le mois de mars, accusé 15 % à
« C’est une bonne idée de ne pas
créer un nouveau dispositif et de
s’appuyer sur ceux qui existent,
À EFFETS.
les habitants, constate Eddie Jac­ d’apurement étaient conclus. » 20 % d’impayés, un taux inhabi­ explique Christophe Robert, Chaque samedi
quemart, président de la Confé­ tuel. « Nous surveillons de près délégué général de la Fondation
© Radio France/Ch. Abramowitz

dération nationale du logement « Beaucoup de bon sens » certaines familles fragiles et nous Abbé Pierre. Mais il faut simplifier 20H – 21h
(CNL), alors que les plus modestes
doivent faire face à des dépenses
Les impayés ne menacent pas,
pour le moment, d’exploser, dans
sentons déjà des difficultés à
payer », confie François­Xavier
le traitement des dossiers, harmo­
niser les conditions entre départe­
Aurélie
accrues de charges, chauffage, la mesure où les loyers sont Dugourd, président d’Orvitis, ments et surtout faire connaître ce Luneau
électricité, et d’alimentation, dé­ payés en début de mois : mars est office HLM départemental de la recours, notamment aux locatai­
sormais à domicile plutôt que donc réglé et les bailleurs laissent Côte­d’Or, par ailleurs chargé des res du parc privé. »
dans les cantines d’entreprise ou jusqu’au 5 ou au 10 pour avril. questions de logement au sein du Une solution qui ne suffira pas, Le magazine de
scolaires. » « Un moratoire est in­ « Nous n’observons pas d’incident, conseil départemental. pour Jean­Yves Mano, président
dispensable, tout comme une au contraire, rassure Christian Plutôt qu’une aide aux locatai­ de l’association Consommation l’environnement
trêve des relances pour impayés », Demerson, président de l’Union res, le gouvernement a fait le logement et cadre de vie : « Le
selon Jean­Baptiste Eyraud, nationale des propriétaires im­ choix de maintenir autant que mécanisme FSL est trop compli­
porte­parole de l’association mobiliers, organisation de petits possible les revenus des Français qué. Nous prônons une aide aux
Droit au logement. propriétaires. Les allocations touchés par la crise. Il a mis en familles en majorant, par exem­
Au cours d’une réunion en télé­ familiales ont adressé leurs aides place des mesures de chômage ple, de 100 euros par mois et par
conférence, à l’initiative du mi­ et l’allocation personnalisée pour partiel et des indemnités jusqu’à enfant les allocations familiales. En partenariat
avec
L’esprit
nistre du logement, jeudi 2 avril, le logement avec quelques jours 1 500 euros par mois pour les C’est simple, direct, et cela
rassemblant quatre organisa­ d’avance. » microentrepreneurs si leur contribuera à la relance de la d’ouver-
tions de locataires et des repré­ « Je constate beaucoup de bon chiffre d’affaires, comparé à celui consommation. »  ture.
sentants de bailleurs, le ton est un sens chez les bailleurs comme chez de la même période pour 2019, a isabelle rey­lefebvre
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12 | coronavirus SAMEDI 4 AVRIL 2020

Quand
le domicile
devient foyer
du coronavirus
Pour protéger leurs proches,
de nombreux malades se confinent
au sein même de leur logement

TÉMOIGNAGES gences Covid ». « La prise en charge


a été rapide et bienveillante. Mais

L
e confinement a été lorsqu’ils vous renvoient chez vous
décidé pour freiner la avec des recommandations sur les
propagation du Covid­19, signes de gravité que l’on doit
mais, pour certains, se surveiller, on vous laisse seul, avec
confiner, c’est risquer d’infecter cette angoisse importante d’une
ses proches, ou être infecté par dégradation fulgurante et d’une
eux. Lorsque l’un des membres issue fatale. On éprouve un senti­
du foyer est atteint, le confine­ ment d’abandon. »
ment est, plus qu’ailleurs, une Elle aurait aimé qu’il existe des
épreuve. Il vous tient à portée de « unités de vie pour malades », qui A Lavau­sur­Loire (Loire­Atlantique), le 28 mars. LOÏC VENANCE/AFP
la maladie, mais à distance de vos lui auraient évité de contaminer
proches. Il ajoute les difficultés sa fille et lui auraient permis de
d’un quotidien bouleversé à l’an­ « lâcher prise ». Pas plus qu’aucune laboratoire d’analyse médicale de parément, mettre les enfants au déjà des jours qu’on est contaminé.
goisse de mettre en danger ceux autre personne interrogée pour Sarrebourg (Moselle), en Lor­
« Je suis enjouée fourneau, respecter un code cou­ Un jour, j’ai mis des gants en
qu’on aime. Et, pour finir, il trans­ cet article, elle n’a été testée. Elle raine. « Au début, alors qu’on de nature, mais, leur pour les serviettes… « Chacun caoutchouc et j’ai tenté de tout dé­
forme souvent le domicile en n’a pas non plus été en mesure de dépistait encore tout le monde, se vivait de son côté. Pourtant, j’ai sinfecter. Puis j’ai renoncé. Nous
cluster familial. se procurer les masques prescrits. rappelle la jeune femme, des pa­
là, j’ai peur pour contaminé mon fils, qui a eu une essayons juste de ne pas contami­
« La maison n’est plus un re­ Par chance, elle avait conservé tients lui ont littéralement toussé mes proches. forte fièvre et s’est même éva­ ner l’extérieur. Nous nous faisons
fuge », avait écrit Marie en répon­ ceux qu’elle avait achetés au mo­ dessus. » Elle est tombée malade noui. » Depuis, le 15 le suit à dis­ livrer la nourriture. Lorsque nous
dant, avec d’autres, à un appel à ment de la grippe H1N1. Ils sont dès les premiers jours du confine­
Comment tance, et tout a été réorganisé : avons manqué de médicaments,
témoignages sur le site du Monde. périmés, mais c’est sans doute ment, mais a continué à travailler. ressortirons-nous « Cette fois, c’est ma fille qui s’est nous avons envoyé à la pharmacie
Pour cette avocate de 55 ans, mieux que rien, s’est­elle dit. « A la maison, elle portait un mas­ isolée de nous et fait vivre la mai­ notre dernière, la moins touchée, à
comme pour beaucoup, la mala­ que et se lavait les mains constam­
de tout cela ? » son. » Hélas, depuis deux jours, bicyclette, avec le masque que je
die s’est déclarée après le début du « Mauvaises habitudes » ment, témoigne sa fille. Mais SYLVIE l’adolescente, à son tour, n’a plus porte pour faire du vélo… »
confinement. Au départ, son Avoir son espace à soi pour l’appartement est petit, les cham­ enseignante atteinte d’odorat. L’enseignante se dit Comme tous ceux qui y ont eu
mari et ses deux enfants avaient préserver les autres devient une bres proches les unes des autres. du Covid-19 aujourd’hui « très angoissée ». « Je recours, elle loue l’efficacité et la
accueilli la consigne nationale gageure lorsqu’on vit dans un Ma sœur [collégienne] et moi ne suis plus du tout cette personne bienveillance du 15.
comme « une perspective agréa­ appartement. « Appliquer les me­ sommes aussi tombées malades. détachée et légère que j’étais aupa­ Au téléphone, Farida doit fré­
ble » de se retrouver en famille. Sa sures barrières chez soi, ce n’est pas Nous sommes essoufflées, très fati­ pendant les deux jours libérés par ravant. Cette situation génère une quemment s’interrompre pour
fille, étudiante en région pari­ évident », résume Fabrice, fonc­ guées, nous toussons. Mais nous son chômage partiel. Pour patien­ ambiance anxiogène dans la mai­ reprendre son souffle. Enceinte
sienne, était rentrée au nid pour tionnaire résidant dans la ban­ gardons le sourire ! » ter, de sa fenêtre, elle profite d’un son. Je n’écoute plus aucune infor­ de sept mois, cette Parisienne de
l’occasion, dans leur maison de lieue de Lyon avec son épouse, en « Impossible de se confiner l’un de Barbès inconnu : « Plus un bruit. mation. Ça a vraiment changé 35 ans est atteinte depuis une se­
Charente. Mais, aujourd’hui, elle télétravail et malade tout comme l’autre ! », résume joliment Coralie, On n’a jamais vu ça ! » mon comportement. Je suis en­ maine, à la suite de son mari et de
aussi est atteinte, et Marie ressent son mari, et l’un de leurs fils, une ingénieure en environne­ Même dans une maison avec jouée de nature, mais, là, j’ai peur leur fils de 7 ans, dans leur petit
de la culpabilité à l’avoir contami­ âgé de 20 ans. Comme pour beau­ ment de 38 ans, cloîtrée avec son suffisamment de pièces, les ges­ pour mes proches. Comment appartement de l’est de la capi­
née. « On vit à quatre, mais chacun coup, c’est une téléconsultation compagnon dans un deux­pièces tes barrières demandent une dis­ ressortirons­nous de tout cela ? » tale. Depuis trois jours, elle respi­
dans sa chambre, et nous prenons qui a confirmé le diagnostic de 38 mètres carrés à Barbès, dans cipline sans faille. A Bordeaux, L’espoir renaît cependant avec le rait très mal. Mardi 31 mars, elle a
nos repas à très grande distance. Je après que la fièvre, la toux et la fa­ le 18e arrondissement de Paris. Nathalie s’est isolée dès qu’elle a temps qui passe : « On attaque la appelé la maternité qui, n’assu­
n’embrasse plus les enfants. Je ne tigue se furent installées. « Dans Tous deux ont eu « des journées senti une fatigue extrême, le troisième semaine, nous ne serons rant pas le suivi des malades du
touche rien. Etre malade, c’est être ces moments, on oscille entre : difficiles » avec fièvre, toux, fatigue 20 mars. Plus de contact avec son bientôt plus contagieux et pour­ Covid­19, l’a renvoyée vers le 15.
en quarantaine dans la quaran­ “Pourvu que je ne me retrouve pas intense, courbatures et perte mari et ses deux enfants de 18 et rons enfin partager des moments Une ambulance l’a conduite à la
taine », explique­t­elle. sous respiration artificielle” et la d’odorat, mais ils ont gardé le mo­ 20 ans, isolement dans la cham­ conviviaux. » Sylvie voudrait se Pitié­Salpêtrière, où on lui a
Elle s’est isolée dans la chambre méthode Coué : “Non ça reste une ral face à ces « symptômes bénins ». bre qui sert de bureau, repas porter volontaire pour s’occuper confirmé le diagnostic – sans faire
d’ami, dès les premiers symptô­ forme légère.” D’autant qu’à 51 ans Son conjoint a été atteint le pre­ déposés devant la porte trois fois des enfants de soignants lors­ de test pour autant. Depuis, elle
mes. Ordinairement dynamique, on se place de facto dans la tran­ mier, elle quelques jours après. Le par jour et, quand elle va à la salle qu’elle sera rétablie. est inscrite sur la plate­forme
elle a été prise d’une sorte « d’inap­ che à risque. » diagnostic a été posé par leur mé­ de bains, « tout le monde s’écarte » Covidom et suivie à distance.
pétence pour la vie ». Le lende­ Il raconte à quel point il est decin traitant. Ils n’ont eu à leur sur son passage. « Je suis confinée « Je ne sais pas qui appeler » « Tous les jours je prends mon
main, « tout est monté : la fatigue, « compliqué d’éviter la conta­ disposition qu’un masque, donné dans le confinement », résume­t­ Enseignante elle aussi, Stéphanie pouls, ma fréquence respiratoire et
les maux de tête, les problèmes de gion » : « Je prends mes repas à par un médecin. « On s’est dit qu’à elle. Ce qui lui manque le plus : n’en est pas encore là. Le mari de ma température, décrit­elle. Le
vision ». Dans son cas, la maladie bonne distance, mais il est évident notre âge on n’était pas à risque », « C’est le sens du toucher : plus de cette habitante des Hauts­de­ Covidom m’appelle presque cha­
s’est attaquée au cœur. La situa­ qu’on est loin du compte. Le quoti­ dit Coralie. Aujourd’hui, le réseau liens tactiles avec ses enfants, plus Seine a été admis en réanimation que jour. Si les données sont inquié­
tion s’est détériorée au point de la dien fait qu’on reprend de mauvai­ de producteurs locaux auprès du­ d’embrassades, plus de caresses il y a quelques jours. Le 19 mars, il tantes, on me passe un médecin. »
conduire par deux fois aux « ur­ ses habitudes rapidement, incons­ quel ils s’approvisionnaient est avec mon conjoint. » Mais elle est avait été le premier de la famille à Mercredi, elle allait un peu mieux,
ciemment. » Etudiant infirmier et submergé de commandes. « Donc satisfaite de voir que son mari et présenter des symptômes. Sté­ mais sa grossesse multiplie ses in­
asymptomatique, son fils s’est on va à la supérette du coin, le ses deux enfants sont pour l’ins­ phanie a fait chambre à part, mais quiétudes. « Tous mes rendez­vous
porté volontaire pour aider dans moins possible, en se nettoyant les tant épargnés. cela n’a pas suffi. Maux de tête, de suivi et de préparation ont été
« Appliquer un Ehpad voisin. « Il n’a pas eu ma mains tout le temps et en faisant La meilleure organisation du courbatures, toux terrible : le dia­ annulés, explique­t­elle. Je m’in­
les mesures situation, explique Fabrice. On lui très attention pour les autres. » monde est parfois insuffisante. gnostic ne s’est pas fait attendre. quiète tout le temps. Ce matin, je ne
a dit que cela ne posait pas de Rétrospectivement, Coralie se Sylvie, une enseignante de 50 ans, Depuis, son aînée de 22 ans a une sentais plus bouger le bébé. Je ne
barrières chez problème. » Il a donné à son fils les félicite de ne pas avoir choisi d’al­ à Lure (Haute­Saône), est tombée conjonctivite et des maux de tête, sais pas qui appeler. Chaque jour, je
soi, ce n’est quelques masques que lui avait ler confiner à la campagne, chez malade le premier jour du confi­ leur fils de 20 ans également. me demande si le lendemain ne
fournis un ami. sa mère de 72 ans. Elle attend avec nement. Seule avec deux adoles­ Seule la dernière de 16 ans ne pré­ sera pas pire que la veille. Heureu­
pas évident » Chez Chloé, tout le monde est impatience le test sérologique cents de 19 et 15 ans, elle a aussitôt sente pas de symptômes. « C’est sement, un médecin m’a dit qu’en
FABRICE malade. La mère de cette étu­ qui, attestant ses défenses contre mis en place une routine rigou­ difficile quand on vit ensemble, principe, après le 4 avril, ça ira
fonctionnaire touché diante revenue se confiner au le virus, pourrait lui permettre reuse : ne pas se croiser dans une sans masque, explique Stéphanie. mieux. Il faut tenir jusque­là. » 
par le Covid-19 foyer maternel travaille dans un d’aider ceux qui en ont besoin même pièce, prendre ses repas sé­ Lorsqu’on s’en rend compte, ça fait cécile chambraud
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SAMEDI 4 AVRIL 2020 coronavirus | 13

Michelin est « en condition de redémarrer »


Pour Florent Menegaux, PDG du groupe de Clermont­Ferrand, « le monde ne peut pas rester confiné »

ENTRETIEN Que nous apprend cette crise ?


Est­ce la fin de la mondialisation,

P
armi les premiers à avoir comme l’annoncent certains ?
fermé ses usines en Eu­ Elle nous apprend d’abord
rope, le 16 mars, le qu’une vie confinée, ce n’est pas
groupe de Clermont­ une vie, et que – eh bien oui – la
Ferrand (24 milliards d’euros de mobilité est vitale pour l’huma­
chiffre d’affaires en 2019) est, avec nité et son développement. Et là,
ses 69 usines dans dix­sept pays, on est au cœur de ce que Michelin
sur tous les fronts de la pandémie promeut depuis des années : la
de Covid­19. Ses usines fonction­ mobilité durable. L’absence de
nent en Asie (sauf en Inde) et en mobilité, c’est terrible pour un être
Amérique du Sud. Elles sont pour humain. Et, en plus, c’est dange­
la plupart à l’arrêt ou en produc­ reux pour l’économie.
tion très limitée en Europe, aux Quant à la mondialisation, ce se­
Etats­Unis et au Canada. Florent rait une erreur de la rejeter d’un
Menegaux, le président du bloc. Je pense qu’il faut résister à
groupe depuis un peu moins d’un cette idée de fermer les frontières,
an, explique comment il envisage qui signifierait de la récession. En
les conditions d’un redémarrage. la matière, l’excès est nuisible. Evi­
tons de tout internationaliser, en
Quand envisagez­vous niant l’intérêt du local, mais aussi
de reprendre en France ? de tout localiser, en niant l’intérêt
Dès maintenant. Lundi 30 mars, de l’international.
j’ai lancé, dans une vidéo adressée Je vais vous donner un exemple
à tout le groupe, le signal de la re­ des avantages de cette interaction.
prise des activités en France et en La mondialisation a accéléré le dé­
Europe. L’usine de Troyes a com­ veloppement de la technologie
mencé à cuire son premier pneu des imprimantes 3D, et [celles­ci]
mercredi 1er avril au matin. C’est permettent de fabriquer des piè­
un pneu agricole, parce que le ces au niveau local. D’ailleurs,
monde agricole, lui, continue à grâce à ces techniques, Michelin
fonctionner fortement et a besoin participe à la lutte contre le virus
de nos pneumatiques. en fabricant un capteur de débit
Il est important de comprendre pour les respirateurs d’Air Liquide.
que le redémarrage d’activités in­ Mais il est vrai que la crise nous a
dustrielles comme celles de Mi­ appris qu’il pouvait être dange­
chelin prend du temps. Nous Florent Menegaux, lors de la présentation des résultats 2019, le 10 février, à Paris. ERIC PIERMONT/AFP reux de ne pas produire cer­
montons graduellement en ca­ tains biens localement. C’est le
dence les capacités de production. cas des masques. C’est pour cela
Cette semaine [du 30 mars au puisse y avoir de l’inquiétude, de crise sanitaire s’ajouteraient une position de le faire, on peut redé­ dations nationales, et parfois que, chez Michelin, nous nous
3 avril], nous nous sommes con­ l’anxiété. Ce virus qu’on ne voit crise économique et une crise so­ marrer. C’est cela que nous mon­ même supérieures, comme la dis­ lançons [la semaine qui com­
centrés sur les activités répon­ pas, qu’on sait présent, génère une ciale majeures. trent actuellement la Corée du tance entre deux salariés, qui ne mence le 6 avril] la production de
dant aux besoins essentiels de la réelle angoisse. Mais ce que tout le Sud, le Japon ou même la Chine. peut pas être inférieure à deux nos propres masques, en Pologne,
population : l’agriculture à Troyes, monde peut comprendre, c’est Le confinement n’était pas Dans ces pays, aujourd’hui, le vi­ mètres dans nos usines. Nous or­ en Roumanie, en France et, bien­
le génie civil au Puy­en­Velay. que le confinement n’est qu’une une bonne idée, alors… rus n’a pas disparu. En revanche, ganisons la désinfection des ma­ tôt, aux Etats­Unis.
Avec, à partir de la semaine pro­ solution transitoire. Nous le di­ Au contraire, il a été absolument des mesures d’organisation so­ chines à chaque prise de poste,
chaine, les sites qui produisent sons au gouvernement : il ne peut nécessaire pour traiter l’urgence ciale ont été mises en place et elles nous procédons à des mesures de Quelles seront les conséquen­
des matériaux de base pour nos pas être éternel. sanitaire et hospitalière. La grande permettent de reprendre une vie température du personnel à l’en­ ces pour la santé économique
pneus : le mélangeage à Mont­ Nous devons nous habituer à vi­ vertu du confinement, c’est qu’il hors confinement. Là est le princi­ trée des sites et nous incitons au de Michelin ?
ceau­les­Mines [Saône­et­Loire], vre avec un coronavirus qui n’aura permet de nous mettre en capa­ pal enjeu pour nous, Européens, lavage des mains le plus fréquent Il est encore illusoire de faire des
les câbles métalliques à Golbey pas disparu après la fin du confi­ cité de définir des protocoles sani­ aujourd’hui. Il est temps de penser possible. prévisions sérieuses. Nous avons
[Vosges]. Et nous sommes en train nement. Nous n’allons pas pou­ taires, pour ensuite repartir. à comment nous allons nous or­ Les masques dont nous dispo­ étudié différents scénarios. Mi­
de nous synchroniser avec les voir vivre enfermés sans limite de C’est ce que nous avons fait chez ganiser et comment nous allons sons sont distribués en priorité chelin peut faire face à chacun
constructeurs automobiles pour temps ou en attendant pendant Michelin. Nous avons arrêté les fonctionner après. aux hôpitaux et aux services d’ur­ d’eux. Nous sommes suffisam­
pouvoir les servir quand leurs des mois qu’un médicament soit usines pour nous mettre en condi­ gence. Nous en mettons aussi à la ment solides pour ne pas avoir re­
chaînes redémarreront. mis au point ou qu’un vaccin soit tion de travailler en sécurité. C’est un discours qui risque disposition de tous les salariés, cours aux aides de l’Etat en
Nous sommes aussi en train de trouvé. Car, à ce moment­là, à la Maintenant que nous sommes en d’avoir du mal à passer avec obligation de les porter dans France, comme les reports de
reprendre graduellement en Italie auprès des salariés… certains endroits où il n’est pas charges sociales et fiscales, et
et en Allemagne. En Espagne, c’est Il est de notre responsabilité de possible d’appliquer les mesures nous ne demandons pas de sou­
impossible pour le moment, car
notre usine de Vitoria [dans le
Les dirigeants du groupe baissent leur démontrer que nous mettons
en œuvre un environnement de
de distanciation. Nous ferons réa­
liser des audits externes, afin de
tien particulier.
La seule aide que nous utilise­
nord du pays] est en plein dans un leur rémunération travail ultrasécurisé. Nous pou­ valider de manière indépendante rons, c’est le chômage partiel,
foyer épidémique, et nous ne Florent Menegaux et Yves Chapot, les deux gérants de Michelin, vons déjà les rassurer, en nous fon­ nos mesures sanitaires. quand nous aurons épuisé les
sommes pas en condition d’y re­ vont diminuer « d’environ 25 % » leur rémunération des mois d’avril dant sur notre expérience en Il n’est en aucun cas dans l’inté­ mesures internes de solidarité
démarrer tout de suite dans de et de mai « en solidarité avec toute la communauté des salariés », Chine. Dans ce pays, nous avons rêt de Michelin d’avoir au travail, (prise de congés, compte épargne
bonnes conditions. selon un communiqué à paraître vendredi 3 avril. Ils souhaitent eu l’occasion d’expérimenter dif­ dans nos équipes, des personnes temps, jours de repos), mais avec
aussi renoncer « à une partie de leur rémunération variable 2019 férentes manières de sécuriser en situation d’anxiété ou d’an­ la plus grande parcimonie. Il vaut
Justement, n’est­ce pas un versée en 2020 », décision qui doit être validée par l’assemblée nos opérations, et nous avons pu goisse. D’ailleurs, dans les pays mieux que le soutien public ar­
peu tôt ? Une grande partie générale du groupe, le 23 juin. Les hauts cadres du comité exécutif reprendre dès le 10 février nos fa­ comme la France, où le confine­ rive en priorité vers les artisans,
de l’Europe est encore en vont aussi baisser leur rémunération « d’environ 10 % ». brications industrielles. Nous ment est encore de mise, ceux qui, les PME, qui n’ont pas les moyens
plein confinement… Le président du conseil de surveillance de Michelin, Michel Rollier, n’avons aucun cas déclaré. malgré toutes les précautions mi­ d’un grand groupe. 
Le monde ne peut pas rester con­ et les membres indépendants font don de 25 % de leurs jetons Les mesures que nous prenons ses en place ne souhaitent pas tra­ propos recueillis par
finé. Je comprends très bien qu’il de présence 2020 à des fondations de lutte contre le Covid-19. sont conformes aux recomman­ vailler, n’y sont pas obligés. éric béziat

En Occitanie, la fronde syndicale contre la réouverture des usines


Droit de retrait, signalement d’un danger grave et imminent, menace de grève… les organisations multiplient les procédures

toulouse ­ correspondance ont fait savoir à la direction qu’ils le 25 mars, avant d’être repoussée effectué une tournée pour rencon­ nautique ont signé, le 26 mars, mique la veille de la réouverture,
ne voulaient pas travailler », expli­ au 30 mars, puis au 14 avril. trer les collègues, un à un. Je les ai un texte pour réclamer, « dans le troisième syndicat a rendu un

L a sécurité des salariés doit


primer sur la continuité de
l’activité. Pas question de
tergiverser, alors que la pandémie
due au SRAS­CoV­2 continue de se
que Jérôme Pouget, délégué SUD.
« Les syndicats ont brandi la me­
nace du droit de retrait imminent
si elle ne faisait pas le nécessaire. »
Depuis deux semaines, une
De son côté, la direction estime
que « les besoins des clients justi­
fient une ouverture progressive du
site ». « Certains se sont manifes­
tés, affirme Patrick Meillaud, di­
motivés à exercer leur droit de re­
trait et à organiser collectivement
un débrayage. Et, le soir [lundi
16 mars], on a monté un plan de
bataille sur WhatsApp pour de­
l’urgence, l’arrêt de toutes les pro­
ductions non essentielles sur les
sites » du secteur. « La riposte se
coordonne et s’organise. C’est iné­
dit dans le milieu », se félicite
avis défavorable. La CFE­CGC, ma­
joritaire, s’est abstenue.
« Les mesures de protection sani­
taires sont conformes aux besoins
et adéquates à la reprise », souli­
propager. C’est la position adop­ équipe composée de salariés, de recteur économique. Nous som­ mander à la direction l’arrêt de M. Gracia. gne Thierry Ynglada, délégué CFE­
tée par l’intersyndicale CGT, SUD, cadres et de responsables d’ate­ mes confrontés à une situation l’activité. » Mardi 17 mars, la pro­ Une démarche à laquelle s’est CGC. « Le seul problème, ce sont les
CFE­CGC de l’entreprise Bosch, si­ liers s’active pour mettre en place inédite. On s’adapte du mieux que duction de rivets pleins pour l’aé­ associée la CGT de Latécoère, qui moyens : nous n’avons pas de
tuée à Onet­le­Château (Aveyron). des mesures de protection sur les l’on peut. » ronautique est en pause. qualifie la décision de la direction stocks de masques et de gels pour
« On ne veut pas redémarrer, tant chaînes de fabrication. Mais cela Aux Ateliers Haute­Garonne de reprendre la production de tous les salariés », tempère­t­il. Le
que le pic de l’épidémie n’est pas at­ ne suffit pas à rassurer. « Il n’y a (AHG), entreprise de 250 salariés « La riposte se coordonne » « monstrueuse », « criminelle et syndicat a fait valoir un autre ar­
teint », déclare Yannick Anglarès, quasiment pas de masques et installée à Flourens (Haute­Ga­ Quelques jours plus tard, l’acti­ stupide ». Le 24 mars, une soixan­ gument. « La santé de notre entre­
secrétaire CGT de l’usine spéciali­ de gel hydroalcoolique, précise ronne), la CGT a multiplié les re­ vité reprenait au minimum, avec taine de compagnons volontaires prise est loin d’être mirobolante. Si
sée dans la fabrication d’injec­ M. Pouget. Or, nous sommes ame­ cours afin que l’activité cesse. la mise en place d’un plan de re­ ont repris le travail dans trois usi­ on ne livre pas, le groupe ne dis­
teurs pour moteurs diesel, qui nés à transmettre les pièces de « J’ai déposé deux droits d’alerte, démarrage progressif en trois nes de la branche aérostructures pose pas de trésorerie. Alors, com­
emploie 1 400 personnes, dont main à main. » « Tant qu’il y a des l’un pour danger grave et immi­ phases. La CGT de ce sous­trai­ à Gimont (Gers), Toulouse et ment faire ?, s’interroge­t­il. Con­
900 ouvriers. « Nos produits ne craintes, on ne valide pas les déci­ nent, afin que les personnes fragi­ tant, qui regrette le choix du Montredon, en banlieue toulou­ tracter la maladie ou perdre notre
sont pas vitaux, ils peuvent atten­ sions. La direction est alors res­ les puissent rentrer chez elles. Le groupe « de faire reprendre le tra­ saine. « On encourage les salariés travail ? On demande à nos action­
dre un peu. » ponsable, pas nous », prévient second, en cas de risque grave sur vail à marche forcée », ne baisse à ne pas travailler », explique Flo­ naires et à l’Etat d’assurer la péren­
La veille de la fermeture du site, M. Anglarès. La reprise partielle la santé publique, explique Gaë­ pas les bras. Le syndicat et 21 or­ rent Coste, délégué CGT. Consulté nité de nos salaires. » 
décidée le 17 mars, « les salariés de la production était actée pour tan Gracia, délégué syndical. J’ai ganisations syndicales de l’aéro­ lors d’un comité social et écono­ audrey sommazi
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14 | coronavirus SAMEDI 4 AVRIL 2020

Le monde va faire face à une montagne de dettes


Les plans massifs de soutien à l’économie font entrer les pays occidentaux dans une ère de dettes colossales

londres ­ correspondance
« La clé est

L
es immenses plans de de conserver
soutien à l’économie lan­
cés depuis le début de la
la crédibilité
pandémie liée au nou­ des institutions
veau coronavirus sont en train de
faire entrer les pays occidentaux
économiques »
dans une nouvelle ère de dettes HÉLÈNE REY
colossales. Ces aides d’urgence professeure à la London
sont évidemment nécessaires. Ne Business School
pas agir maintenant risquerait de
transformer l’asphyxie actuelle
en une récession de long terme. européenne (BCE) a désormais à
Mais leur incidence n’en sera pas son bilan le quart de la dette des
moins majeure. « Ils vont laisser Etats. Pourquoi ne pas, tout sim­
de profondes cicatrices », prévient plement, l’annuler ? Après tout, il
Gilles Moëc, économiste en chef ne s’agit que d’un jeu comptable :
chez Axa. les Etats doivent de l’argent à leur
Selon UBS, l’ensemble des plans propre banque centrale, qui peut
de relance à travers la planète at­ imprimer autant d’argent qu’elle
teint désormais 2,6 % du produit le souhaite.
intérieur brut (PIB) mondial, dé­ « C’est d’ailleurs pour cela que la
passant largement l’effort fait lors Banque d’Angleterre avait été créée
de la crise financière de 2008 en 1694, rappelle M. Moëc. A l’épo­
(1,7 % du PIB). Dans certains pays, que, la France venait d’infliger une
ils vont bien au­delà : 10 % aux sévère défaite militaire à l’Angle­
Etats­Unis, 8 % au Royaume­Uni… terre. Piquée au vif, la Couronne
Et ce n’est très probablement britannique s’était lancée dans un
qu’un début. Des aides supplé­ énorme effort de reconstruction
mentaires seront nécessaires militaire et avait inventé la banque
pour redémarrer l’économie à la centrale pour émettre de la dette,
sortie du confinement. en lui offrant en échange le droit
La dette des pays européens, exclusif de battre la monnaie. »
déjà passablement lourde, va Aujourd’hui, les gardiens du
faire un bond. En Italie, elle temple de la BCE risquent de ne
s’élève actuellement à 135 % du pas accepter une telle annulation
PIB et pourrait passer à… 181 % de la dette, trop hétérodoxe à
d’ici à la fin de l’année, selon l’hy­ leurs yeux. « Mais il est possible de
pothèse la plus pessimiste des stériliser la dette que la BCE pos­
analystes de Jefferies (ou 151 % sède en promettant de la réinvestir
pour la plus optimiste). continuellement pour trente ou
Dans le même scénario noir, qui scénario est celui qui s’était dé­ faut que les créanciers croient que sements étaient très productifs, cinquante ans », estime M. Moëc.
prévoit une récession de 15 %
Dans le scénario roulé au lendemain de la seconde l’Etat pourra continuer à rem­ parce qu’il était facile d’identifier Le Royaume­Uni ou les Etats­
en 2020, la France passerait d’une noir, qui prévoit guerre mondiale. bourser ses dettes. Sinon, ils peu­ les besoins, et cela provoquait Unis, qui n’ont pas les contraintes
dette de 101 % à 141 % du PIB, et « Dans l’histoire, il y a eu des pé­ vent réclamer des taux d’intérêt une forte croissance. de la zone euro, cheminent vers
l’Espagne à 133 %. L’objectif offi­
une récession de riodes où les dettes étaient bien très élevés, qui rendent les rem­ Aujourd’hui, la situation n’a une telle solution.
ciel du pacte de stabilité euro­ 15 % en 2020, la plus élevées qu’aujourd’hui, rap­ boursements beaucoup trop rien à voir. L’Europe frôle, depuis Cette « monétisation » de la
péen, qui vise une dette infé­ pelle Hélène Rey, professeure à la lourds. A l’extrême, la devise peut des années, la déflation, et la vio­ dette (les banques centrales qui fi­
rieure à 60 % du PIB, ne sera
France verrait sa London Business School. Au s’écrouler, les capitaux fuir le pays lente chute des prix du pétrole va nancent directement les Etats) a
qu’un lointain souvenir théori­ dette passer de Royaume­Uni, après les guerres et un Etat faire défaut. encore plus pousser les prix à la cependant une limite. Une trop
que. Celui­ci a d’ailleurs été sus­ napoléoniennes ou après la se­ baisse. Quant aux entreprises, el­ grande création de monnaie peut
pendu le temps de la pandémie.
101 % à 141 % du conde guerre mondiale, on a large­ « Stériliser la dette » les n’ont pas été détruites, et elles faire s’effondrer la valeur de la de­
Bien sûr, le rebond de la crois­ PIB cette année ment dépassé la barre des 200 %. » Malheureusement, le monde oc­ reprendront normalement après vise, provoquant une fuite des ca­
sance, en 2021, améliorera auto­ En France, le ratio atteignait cidental ne peut pas utiliser la fin du confinement. pitaux. La France l’a appris à ses
matiquement ces ratios, mais le 270 % en 1944, avant de chuter à aujourd’hui la recette de l’après­ Dans ces circonstances, de plus dépens dans les années 1950, avec
choc sera néanmoins violent. feries. En clair, si les taux d’inté­ 15 %, vingt­cinq ans plus tard. Ce guerre. « A l’époque, une large par­ en plus de voix se font entendre une série de dévaluations, et des
Comment faire face ? Paradoxa­ rêt restent très bas, voire néga­ recul impressionnant est venu tie des capacités de production pour faire intervenir les banques douaniers qui contrôlaient que les
lement, la plupart des économis­ tifs, comme c’est le cas actuelle­ d’une forte inflation, qui a rendu avaient été détruites », rappelle centrales. Depuis la crise de 2008, lingots d’or ne partent pas vers la
tes ne sont pas particulièrement ment, le remboursement de la les taux d’intérêt réels négatifs, et M. Moëc. Cela voulait dire deux elles « font tourner la planche à Suisse. La majorité des économis­
inquiets à court terme. « Ce qui dette ne pèse pas trop sur les d’une soudaine croissance (les choses. D’une part, les usines billets » en achetant les obliga­ tes préconise une monétisation li­
compte vraiment est soit le coût comptes publics. Inversement, si « trente glorieuses »). n’arrivaient pas à produire assez tions des Etats. A tel point qu’elles mitée aux plans d’urgence lancés
du service de la dette, soit la crois­ la croissance est très forte, le ra­ « La clé, poursuit Mme Rey, est de pour répondre à la demande, ce possèdent désormais une large pendant la pandémie. Ce serait
sance du pays », rappelle Marchel tio de la dette sur le PIB se réduit conserver la crédibilité des institu­ qui provoquait une inflation na­ partie de leurs dettes. Dans la déjà un allégement substantiel. 
Alexandrovich, économiste à Jef­ automatiquement. Ce deuxième tions économiques. » En clair, il turelle. D’autre part, les investis­ zone euro, la Banque centrale éric albert

Face au coût de la crise, la cruciale capacité de la France à se financer


La dette publique dépassera 100 % du PIB pour financer les mesures déjà prises et le plan de relance, une fois l’épidémie endiguée

D es milliards d’euros qui


semblent tomber du ciel.
Chaque jour, le gouver­
nement annonce de nouvelles
mesures pour tenter de faire face
de la République pour l’achat de
matériel médical, le coût des arrêts
maladie pour raison de santé ou
de garde d’enfants, les primes pro­
mises aux soignants hospitaliers
plus grave. Mais tant qu’on n’as­
siste pas à une crise des dettes sou­
veraines, l’Etat peut faire face. »
François Ecalle, ancien con­
seiller maître de la Cour des
La France a revu à la hausse son
besoin de financement dans le
budget rectificatif voté en ur­
gence par le Parlement, fin mars :
il a été augmenté de 15 milliards
d’euros, cela provoquerait trop de
perturbations sur les marchés.
Mais la dette de la France demeure
recherchée, il n’y a pas de problème
pour emprunter. » De fait, la dette
vement de lever temporairement
les contraintes budgétaires, et c’est
ce que la zone euro vient de décider
de faire, pour protéger nos écono­
mies. Car la capacité de l’Etat à col­
à la crise sanitaire qui ravage une et aux fonctionnaires d’Etat, le comptes, explique que « c’est la d’euros. Cette année, l’AFT va donc française est « liquide » – elle se re­ lecter l’impôt dépend in fine du ni­
France confinée et risque de se plan de relance économique qu’il capacité d’emprunt sur les mar­ gonfler d’autant les sommes em­ vend facilement – et attractive par veau de richesse produite par les
traduire par un désastre économi­ faudra mettre sur pied une fois chés qui compte. Pour qu’un Etat pruntées sur les marchés (quel­ rapport à celle de pays voisins. entreprises et les salariés. Mais une
que. Le nécessaire sera fait, « quoi l’épidémie endiguée… L’exécutif a soit en défaut de paiement, il faut que 200 milliards d’euros). Le dé­ « La dette, c’est toujours relatif : il y fois la crise passée, la France devra
qu’il en coûte », avait martelé Em­ déjà prévu que la dette publique qu’il n’arrive plus à emprunter, ou ficit – à savoir la différence entre a forcément de l’argent quelque de nouveau démontrer la crédibi­
manuel Macron le 12 mars. franchira largement les 100 % du seulement à un taux extrêmement les recettes et les dépenses de part, et les investisseurs ont besoin lité de sa politique économique
Trois semaines plus tard, 1 sala­ produit intérieur brut (PIB). Le dé­ élevé. » A moyen terme, rappelle le l’Etat – devrait passer de 93 mil­ de le placer », pointe quant à lui auprès des investisseurs », souli­
rié sur 5 est en chômage partiel ficit public devrait exploser. fondateur du site d’analyse des fi­ liards à 108 milliards. Au moins… M. Ecalle. gne le patron de l’AFT.
– soit 4 millions de personnes nances publiques Fipeco, ce n’est « La situation sera réévaluée à Pour autant, alors que la dette a Pour Francois Ecalle, « le vérita­
dont le salaire est pris en charge « Cinquante fois plus grave » pas le niveau de la dette qui im­ l’été, détaille M. Requin. Nous diri­ déjà temporairement dépassé les ble risque, c’est que les taux re­
par l’Etat. Pour ce dispositif, assou­ La France a­t­elle les moyens fi­ porte, mais sa trajectoire. Autre­ geons un énorme paquebot. Nous 100 % du PIB en 2019, pas ques­ montent d’un coup parce que les
pli pour éviter au maximum les li­ nanciers de faire face à la crise, ment dit, la capacité du pays à sta­ ne pouvons pas décider d’emprun­ tion à Bercy de laisser prospérer investisseurs craignent un éclate­
cenciements, le ministère du tra­ tout en assurant ses dépenses biliser son endettement par rap­ ter brutalement en une seule fois l’idée d’argent magique. « A un ment de la zone euro ». « La Ban­
vail évoque désormais un coût de courantes, du paiement des fonc­ port au PIB, donc à la croissance. plusieurs dizaines de milliards instant T, on peut décider collecti­ que centrale européenne peut prê­
11 milliards d’euros, contre les tionnaires à celui des prestations A Bercy, l’Agence France Trésor ter à un Etat [en rachetant ses det­
8,5 milliards initialement prévus. sociales en passant par la charge (AFT) est chargée de gérer les tes] en quantité illimitée, ajoute­
Le fonds de solidarité pour les peti­
tes entreprises et les indépen­
de la dette et les dépenses de fonc­
tionnement et d’investissement ?
2 300 milliards d’euros de dette de
l’Etat. « A ce stade, nous n’avons
Laurent Berger favorable t­il. Mais pour cela, il faut que la
cohésion soit maintenue au sein
dants, évalué à 1,2 milliard d’euros Conseiller social de Nicolas pas d’inquiétude, indique An­ à un retour de l’ISF de la zone euro. C’est tout l’enjeu
par mois, coûtera finalement Sarkozy lors de la crise financière thony Requin, son directeur géné­ Pour le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, l’option des discussions actuelles entre
500 millions de plus. Et c’est sans 2008, Raymond Soubie, qui se dit ral. Nous avons renoué avec les de remettre en place l’ISF, supprimé en 2018 par le gouverne- gouvernements. » Raymond Sou­
compter le report du paiement « terriblement inquiet », était alors pratiques mises en place après la ment, afin de financer la lutte contre la crise sanitaire et écono- bie ne dit pas autre chose :
des cotisations sociales et fiscales aux premières loges de celle­ci. crise de 2008, qui nous apportent mique, devrait « bien sûr » être envisagée. « La participation « En 2008, la crise avait pu être sur­
– un manque à gagner de 32 mil­ « A l’époque, c’était une crise finan­ un surcroît de souplesse lors de nos des plus riches, par le biais de l’ISF ou d’un autre dispositif fiscal, montée grâce à une unité euro­
liards par mois, dont rien ne dit cière, souligne­t­il. Ce n’est pas le émissions de dette : nous pouvons elle est posée », a-t-il déclaré, jeudi 2 avril, sur Franceinfo. péenne très forte. Là, elle tarde à se
qu’il sera récupéré dans son inté­ cas actuellement, mais le système modifier la taille des montants em­ « Après l’incendie de Notre-Dame, il y avait eu des gestes sponta- réaliser… » 
gralité –, les 4 milliards d’euros an­ économique et productif risque de pruntés en fonction de la demande nés de certaines grandes fortunes, a-t-il rappelé. Aujourd’hui, raphaëlle besse desmoulières
noncés le 31 mars par le président s’effondrer. C’est cinquante fois et du profil des marchés. » on est dans une situation bien plus grave. » et audrey tonnelier
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SAMEDI 4 AVRIL 2020 coronavirus | 15

Union européenne cherche 10 millions d’Américains


inscrits au chômage
solidarité désespérément en deux semaines
L’Eurogroupe du 7 avril devrait être l’occasion d’atténuer les divisions L’économie des Etats­Unis tombe comme
une pierre. Et la dégradation est généralisée
bruxelles ­ bureau européen « Nous n’avons « Il ne s’agirait pas d’un prêt en place d’un dispositif européen
pas le temps de mais d’un don » auquel son pays d’assurance­chômage comme ce­ new york ­ correspondant Pétrole : la fin

T
ous solidaires ! Après le « contribuerait généreusement », lui que vient de présenter Ursula
de la guerre
conseil des chefs d’Etat et
de gouvernement euro­
péens, jeudi 26 mars, et
les divisions entre les pays du
Nord et du Sud qui s’y sont expri­
prendre deux ou
trois ans pour
inventer de
a­t­il précisé. « Pas sûr que l’Italie,
qui est un pays du G7, apprécie !
Elle n’a pas besoin d’un don ! », iro­
nise une source européenne.
Angela Merkel n’a pas non plus
von der Leyen. « Cela ne suffira
pas. La reprise prendra du temps,
elle sera difficile et coûteuse. Il
nous faut construire une réponse
de long terme, qui fasse preuve de
L e chiffre est abyssal :
6,6 millions d’Américains
se sont inscrits au chômage
lors de la semaine qui s’est ache­
vée le 28 mars. C’est deux fois plus
des prix s’éloigne
Les cours du pétrole brut
repartaient à la baisse, vendredi
3 avril, après un bond record la
mées, comme aux pires jours de la nouveaux outils » amendé sa position, même si le solidarité entre Européens », a dé­ que les 3,3 millions enregistrés veille, à mesure que les doutes
crise de la zone euro, les Vingt­ URSULA VON DER LEYEN ton se veut plus conciliant, après claré Bruno Le Maire, jeudi, en lors du décompte hebdomadaire grandissaient sur les déclarations
Sept tentent désormais de se présidente de la Commission les tensions de ces derniers jours. proposant la création d’un fonds précédent, et deux fois plus que de Donald Trump annonçant la
montrer plus constructifs. Et de européenne En revanche, alors qu’elle y était à durée de vie limitée – entre cinq les attentes, selon les chiffres pu­ fin de la guerre des prix entre la
mettre en sourdine leurs divi­ opposée il y a encore dix jours, et dix ans – qui aurait pour voca­ bliés jeudi 2 avril par le départe­ Russie et l’Arabie saoudite. Le
sions, alors que la crise liée au elle défend désormais le recours tion d’aider les Vingt­Sept à cons­ ment du travail. baril de brent cédait 3,17 %, à
coronavirus a mis l’économie du les Etats membres à financer la au Mécanisme européen de stabi­ truire la reprise économique. En pleine crise sanitaire provo­ 28,99 dollars. Jeudi, il avait
continent à l’arrêt et fait plusieurs mise au chômage partiel de mil­ lité (MES), créé en 2012 pour aider Dans le schéma que le ministre quée par la pandémie de Covid­19, gagné près de 50 % en séance
milliers de morts. liers de salariés, que les entrepri­ les pays que les marchés ne veu­ français de l’économie met sur la l’économie des Etats­Unis tombe après les Tweet du président
« Ils ne se rendaient pas compte ses pourront ainsi réintégrer lent plus financer et doté d’une table, ce fonds serait financé par comme une pierre. Et la dégrada­ américain disant « espérer et s’at-
que nous ne pouvions vaincre quand elles reprendront du ser­ force de frappe de 410 milliards l’émission de dette européenne tion est généralisée. « Dix millions tendre » à ce que Moscou et Riyad
cette pandémie qu’ensemble, en vice. Pour ce faire, elle pourrait d’euros. « Les Pays­Bas, qui – revoilà les « coronabonds » – et de chômeurs de plus en deux se­ réduisent leur production jusqu’à
tant qu’Union. Cela a été préjudi­ emprunter 100 milliards d’euros, n’avaient pas non plus caché leurs géré par la Commission. maines, c’est vingt fois le taux nor­ 15 millions de barils. Donald
ciable et aurait pu être évité » : qu’elle prêterait ensuite à de bon­ réserves, sont également plus Sans faire explicitement réfé­ mal, et ce chiffre est sous­évalué. Trump a précisé que son an-
dans une tribune publiée jeudi nes conditions aux Etats mem­ ouverts », commente un haut rence à la proposition française, En comparaison, 9 millions d’em­ nonce faisait suite à un entretien
2 avril par le quotidien italien bres, et plus particulièrement à fonctionnaire européen Mme von der Leyen n’a pas caché plois avaient été perdus lors de la avec « [son] ami “MBS” [prince
La Repubblica, la présidente de la ceux qui doivent payer plus cher ses doutes, jeudi : « Nous n’avons grande récession » du début des héritier] d’Arabie saoudite, qui a
Commission européenne, Ursula qu’elle pour se financer sur les Pas de mise sous tutelle pas le temps de prendre deux ou années 2000, commente Paul parlé avec le président Poutine ».
von der Leyen, a regretté les égoïs­ marchés. « C’est la solidarité eu­ En réalité, l’Allemagne comme les trois ans pour inventer de nou­ Krugman, Prix Nobel d’économie Mais le Kremlin a immédiate-
mes des débuts. « Aujourd’hui, ropéenne en action », a commenté Pays­Bas sont conscients qu’ils ne veaux outils », a lancé l’ex­minis­ (2008), sur Twitter. Le pire chiffre ment démenti qu’une telle
l’Europe est aux côtés de l’Italie », Mme von der Leyen. Sous en­ peuvent pas être systématique­ tre d’Angela Merkel. Un argument jamais enregistré l’avait été conversation ait eu lieu. – (AFP.)
a­t­elle ajouté. La réunion des tendu : il n’y a pas que les « coro­ ment dans l’opposition. « Pour que relaie aussi le président du en 1982 avec 695 000 inscriptions
ministres des finances de la zone nabonds », que Giuseppe Conte, Berlin comme La Haye, il reste des MES, Klaus Regling, pour qui le au chômage. Cette tendance de­
euro, qui doit être consacrée, le premier ministre italien, ap­ points de désaccord sur les ques­ plus simple, dans l’immédiat, est vrait se poursuivre. ment de plus en plus serrées.
mardi 7 avril, aux mesures à pren­ pelle de ses vœux pour mutuali­ tions de conditionnalité et d’éligi­ de recourir aux institutions et En février, avant la crise, 5,8 mil­ Amazon, en revanche, a an­
dre pour aider les Etats membres ser l’effort financier que cette bilité au MES, mais les Vingt­Sept outils existants. « Les Allemands lions d’Américains, sur une po­ noncé avoir réalisé 80 000 des
à faire face aux ravages économi­ crise nécessite. Berlin et La Haye devraient arriver à un accord », ont peur que Macron et Conte ne pulation active de 164 millions, 100 000 embauches prévues
ques de l’épidémie, sera, à cet ne veulent, en effet, pas entendre poursuit un proche des négocia­ profitent de cette crise pour redes­ cherchaient un emploi, avec pour faire face au surplus de de­
égard, un premier test. parler de l’émission d’obligations tions. En clair, l’Italie refuse tout siner la zone euro », décrypte une un taux de chômage de 3,5 %. On mande par Internet. Les mar­
par les pays européens ou de la ce qui, en contrepartie d’un accès source européenne. peut estimer désormais qu’envi­ chands d’armes font aussi for­
Un don néerlandais zone euro, qui seraient ensuite au MES, pourrait s’apparenter à « Le budget pluriannuel euro­ ron un sur dix est au chômage, tune, si l’on en croit les contrôles
Pour l’heure, les directions du Tré­ destinées à financer les dépenses une mise sous tutelle, comme péen est l’expression la plus abou­ même si les chiffres officiels de d’antécédents réalisés par la po­
sor s’agitent, à Paris et à Berlin, à causées par la pandémie. Et pren­ cela a pu être le cas pour la Grèce tie de notre solidarité euro­ l’emploi en avril ne devaient être lice fédérale (FBI) qui ont atteint
Rome et à La Haye, pour tenter de dre le risque, in fine, de payer lors de la crise de la zone euro. Et péenne », a poursuivi Ursula von publiés que vendredi 3 avril. le record de 2,375 millions en
trouver une solution susceptible pour les pays du Sud. souhaite que le fonds soit ouvert à der Leyen, qui appelle à en faire mars, les Américains s’armant
de satisfaire tout le monde. Et Mark Rutte, le chef du gouver­ tous, afin qu’elle ne se trouve pas un « plan Marshall » européen. Un climat très sombre massivement avec la progression
d’incarner cette solidarité finan­ nement néerlandais, n’a pas stigmatisée. Berlin et La Haye ont Pour rappel, en février, les Vingt­ L’ancien secrétaire au Trésor de de l’épidémie.
cière que réclament l’Italie, l’Espa­ changé d’avis. Mais, afin de mon­ considérablement évolué sur ces Sept se sont écharpés pour des Bill Clinton, Larry Summers, a es­ Vendredi, les entreprises pour­
gne, ou le Portugal, sans provo­ trer que son pays n’est pas aussi deux aspects, mais montrent en­ centièmes de décimales et ne timé sur la chaîne CNN que l’Amé­ ront postuler aux prêts octroyés
quer une fin de non­recevoir de la « radin » qu’ont pu le dire certains, core quelques résistances. sont pas parvenus à s’entendre rique n’était même pas à mi­che­ par l’administration à travers
part de l’Allemagne, des Pays­Bas, il a proposé, mercredi, de créer un Le sujet sera sur la table de sur le budget de l’UE pour la pé­ min et que le nombre de per­ le plan de soutien à l’économie,
de l’Autriche et de la Finlande. « fonds de solidarité » doté de 10 à l’Eurogroupe du 7 avril, ainsi que riode 2021­2027. La bataille pour sonnes qui allaient perdre leur pour un montant total de
La Commission est également à 20 milliards d’euros au profit des l’utilisation de nouvelles facilités plus de solidarité européenne job atteindrait sans doute « plu­ 350 milliards de dollars. Ils seront
la manœuvre : elle a présenté, deux pays les plus touchés par le de prêt par la Banque européenne n’est pas terminée.  sieurs dizaines de millions ». non remboursables si les entre­
jeudi, un dispositif destiné à aider coronavirus, l’Italie et l’Espagne. d’investissements (BEI) et la mise virginie malingre L’Etat de New York, qui avait prises utilisent les fonds pour
bien résisté avec 80 000 inscrip­ maintenir l’emploi et payer les
tions la semaine précédente, est abonnements de première néces­
cette fois­ci pris dans la tour­ sité (loyer, téléphone, etc.). Les
mente, avec 366 000 nouvelles procédures bureaucratiques in­

Alimentation : des tensions, pas de pénurie demandes. La situation est catas­


trophique en Californie, où elles
ont quadruplé en une semaine
quiètent toutefois les chefs d’en­
treprise et les banques, chargées
d’administrer les prêts.
(879 000 contre 186 000). La
La chaîne tient le coup, malgré des soubresauts dus aux ruptures d’approvisionnement Pennsylvanie, Etat désindustria­ Nouveau train de mesures
lisé décisif pour la réélection de De même, les Américains de­
Donald Trump en novembre, reste vraient recevoir prochainement

L es Français peuvent dormir


tranquilles. Il n’y a pas de
pénurie alimentaire », a af­
firmé Christiane Lambert, prési­
dente du syndicat agricole FNSEA,
gnent les Français à manger désor­
mais à domicile. La demande d’ap­
provisionnement des foyers est
donc plus forte. De plus, la mise en
confinement de la population à
que. Les clients doivent s’habituer
à ne pas trouver tout ce qu’ils sou­
haitent à chaque passage dans les
magasins. En coulisses, les équi­
pes des distributeurs jonglent
sort à près de 10 % des effectifs,
et un tiers d’entre elles se disent
affectées par un problème de
main­d’œuvre. Les firmes doivent
se réorganiser, aménager les pos­
sur une pente épouvantable, avec
406 000 demandeurs d’emploi.
De nombreuses entreprises es­
péraient « tenir » pendant l’épidé­
mie en conservant leurs em­
leur chèque du Trésor (1 200 dol­
lars par personne plus 500 par en­
fant à condition de gagner moins
de 75 000 dollars par personne et
par an) : l’administration cherche
jeudi 2 avril, lors d’une conférence partir du 15 mars a poussé chacun avec les dates de livraison pour tes de travail et les horaires, ce qui ployés ou en leur payant leur as­ un moyen pour éviter que
de presse. Un message que re­ à faire des stocks. En l’espace de tenter de réassortir les rayons. peut conduire à une baisse de la surance­maladie pendant le mois les foyers à faible revenu non as­
prend le gouvernement depuis le quelques jours, toute la planète production. D’où la volonté de cer­ d’avril. Ces prédictions sur une sujettis à l’impôt sur le revenu
début de la crise due au nouveau alimentaire a été chamboulée. La logistique, question cruciale taines d’entre elles de se concen­ crise courte sont manifestement aient à remplir des demandes
coronavirus. « Il n’y a pas de risque L’institut Nielsen, qui publie En amont, les tensions sont égale­ trer sur des productions à plus fort révisées. S’y ajoute la création administratives complexes et re­
alimentaire. Il y a, en revanche, une régulièrement un bilan de la ment fortes. « Il y a deux points de volume et de réduire le nombre de d’une indemnisation fédérale noncent à leur dû.
vigilance de tous les instants pour consommation dans la grande fragilité. L’absentéisme dans les en­ références fabriquées. D’autres du chômage de 600 dollars Les Etats­Unis ont complète­
éviter qu’il y ait des blocages et pour distribution, a montré ces varia­ treprises et le transport », affirme évoquent également des problè­ (552 euros) par semaine, ouverte ment abandonné l’idée, évoquée
faire en sorte que les flux de mar­ tions atypiques. La ruée sur les pâ­ Dominique Chargé, président du mes d’approvisionnement en em­ aussi aux travailleurs indépen­ par le président Donald Trump,
chandises, de produits fonction­ tes, le riz et le papier toilette avant syndicat des coopératives agrico­ ballages ou en matières premières. dants ou « ubérisés ». Cette inno­ d’un pays libéré du virus pour
nent bien », a déclaré de son côté le que le confinement ne soit effec­ les Coop de France. La question de A l’extrémité de la chaîne, chez vation a pu augmenter le nombre les fêtes de Paques, mi­avril. Le
commissaire européen Thierry tif. Et, lors de la deuxième semaine la logistique est cruciale : les syn­ les agriculteurs et les pêcheurs, les des demandeurs d’emploi. Congrès réfléchit à un nouveau
Breton, analysant la situation des de confinement, du 22 au 29 mars, dicats de routiers ont menacé soucis existent également. Cer­ Il n’empêche, le climat est très train de mesures de soutien à
Vingt­Sept sur France Inter. un rythme de consommation qui d’exercer leur droit de retrait. Les tains se sont retrouvés sans dé­ sombre. Boeing, qui avait jusqu’à l’économie, après les 2 000 mil­
Le sujet est suivi comme le lait s’est un peu calmé, avec une pro­ conditions d’accueil des chauf­ bouchés, entre la fermeture des présent refusé de faire un plan de liards de dollars (environ un cin­
sur le feu par l’exécutif. Tous les gression globale moyenne de 6 %, feurs, la réouverture des sanitai­ restaurants, mais aussi des mar­ licenciement, va offrir des pa­ quième de la richesse annuelle)
jours, le ministre de l’économie, mais de nouvelles habitudes, avec res et des points de restauration chés de plein air, et celle des quets de départs volontaires à votés fin mars. L’idée de grands
Bruno Le Maire, fait le point de la des achats moins fréquents et sur les routes, les conditions de rayons spécialisés de la grande dis­ plusieurs milliers de salariés. travaux d’infrastructure refait
situation avec les représentants donc plus importants. Avec aussi protection ont été discutées afin tribution. La pêche française s’est Les pertes d’emplois devraient surface, mais le sujet est compli­
de la chaîne alimentaire, des agri­ un rétrécissement des distances de maintenir ce maillon­clé. Sa­ ainsi retrouvée à quai. De même, se poursuivre, alors que les Etats qué : le temps n’est plus aux an­
culteurs aux industriels, en pas­ parcourues et donc la volonté de chant que de nombreux camions les fabricants de fromage AOP annoncent, les uns après les nées 1930 et 1950 où l’on bâtissait
sant par les coopératives, les gros­ privilégier les commerces les plus font aussi des voyages à vide, ce n’écoulent plus leur production. autres, des mesures de confine­ ponts, barrages et autoroutes
sistes et la grande distribution. Si proches de son domicile, au détri­ qui renchérit le coût du transport. « La coopérative Sodiaal, les in­ avec des camps de travail. Et cette
la chaîne pour l’instant tient le ment des hypermarchés. Le drive Autre point de vigilance : le taux dustriels LSDH ou Danone ont ac­ perspective est encore compli­
coup malgré les violents soubre­ continuant à être plébiscité. d’absentéisme dans les entrepri­ cepté de collecter le lait », souligne quée par l’épidémie, qui empêche
sauts, elle le doit à des efforts dé­ Certains produits sont parfois ses agroalimentaires. « Il était plu­ Mme Lambert. Il faut aussi trou­
L’Etat de les rassemblements sécurisés de
multipliés de chacun et par la vo­ en rupture en magasin. Super U tôt de 10 % la deuxième semaine de ver un débouché aux 500 000 New York est pris travailleurs sur les chantiers.
lonté commune de résoudre les cite les œufs, très demandés. Chez confinement et atteint maintenant agneaux prêts pour les fêtes reli­ La Bourse, qui se préparait à
problèmes épineux qui se posent. Naturalia, qui constate toujours, 15 % », estime M. Chargé. L’Associa­ gieuses. Soutenir les viticulteurs,
dans la ouvrir en hausse jeudi, s’est re­
Car, si la pénurie n’est pas d’ac­ pour la troisième semaine de tion nationale des industries au point mort. Et revaloriser le tourmente, tournée : à Wall Street, l’indice
tualité, les ruptures d’appro­ confinement, une hausse de 25 % agroalimentaires (ANIA) a publié, prix payé aux éleveurs bovins. Des Dow Jones a commencé la séance
visionnement sont une réalité. à 30 % de ses ventes, tous rayons mercredi 1er avril, un premier baro­ demandes d’aides européennes
avec 366 000 en baisse, il s’est finalement re­
La fermeture des restaurants le confondus, la demande est forte mètre établi en interrogeant ses sont formulées par les filières nouvelles dressé, dopé par la possible fin de
14 mars, mais aussi l’arrêt des pour tous les produits qui per­ adhérents du 24 au 27 mars. Sur auprès du ministère de l’agricul­ la guerre pétrolière, pour finir en
cantines et la mise en veilleuse de mettent de cuisiner comme la fa­ les 500 sociétés qui ont répondu, ture pour les accompagner. 
inscriptions hausse de 2,24 %. 
la restauration collective contrai­ rine, les épices ou la levure chimi­ le taux d’absentéisme moyen res­ laurence girard cette semaine arnaud leparmentier
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16 | coronavirus SAMEDI 4 AVRIL 2020

Chez E. Leclerc, la
crise sanitaire est
révélatrice d’un
management par
l’intimidation
Des salariés des magasins du
réseau de distribution témoignent
de conditions de travail difficiles
où « pressions » et « flicage »
sont monnaie courante

ENQUÊTE « dans les semaines qui viennent ».


Elle souligne que pour les mas­
Hommage à Maxime Chery, un syndicaliste qui a mis fin à ses jours le 11 janvier, dans le magasin de Vandœuvre­lès­Nancy
(Meurthe­et­Moselle), où il travaillait depuis dix­sept ans. MANON KLEIN/MAXPPP

L
orsqu’il s’est ému auprès ques « des livraisons sont program­
de l’Agence France­Presse mées pour le magasin en fonction
(AFP), vendredi 20 mars, des arrivages » et que « pour ce qui en supermarché, au drive, à la lo­ femme seule avec son enfant, à qui gasins où le droit du travail est peu
de l’absence de déconta­ est des gants, la médecine du tra­ gistique ou dans des bureaux.
Dans d’autres le responsable pourrissait la vie, en souvent respecté », où « mes inter­
mination du rayon boulangerie vail a recommandé au magasin de Leurs noms ont été changés à leur hypermarchés, modifiant régulièrement ses horai­ locuteurs, en rayon, ont 35 heures
après le confinement d’une de ses privilégier le lavage des mains plu­ demande, par crainte de repré­ res », raconte un de ses collègues. indiquées sur leur fiche de présence
collègues, dont le conjoint était tôt que le port des gants ». sailles. Ils décrivent tous une
les caméras D’autres encore ont vu leur chef et en font 60 ». Et où « les trois
suspecté d’avoir été infecté par le S’ils adhèrent tous au Mouve­ même pression. « Toujours sur­ ne surveillent pas lancer en réunion un : « Moi, je vais quarts du service comptabilité sont
SARS­CoV­2, Mathieu Lamour, em­ ment E.Leclerc, chaque magasin, veillés, toujours encadrés, toujours vous coller aux couilles. » Dans cer­ réquisitionnés pour faire les pla­
ployé depuis douze ans par le ma­ franchisé, possède son propre pa­ sous contrôle », « méthodes sour­
que les tentatives tains Leclerc, les salariés sont con­ teaux de fruits de mer à Noël ».
gasin Leclerc de Saint­Etienne­du­ tron. Un entrepreneur local, indé­ noises », « cadences de plus en plus de vol voqués pour des avertissements, Des horaires à rallonge, et par­
Rouvray, dans la Seine­Maritime, pendant, gros pourvoyeur d’em­ élevées et flicage de personnel », avec procès­verbal. « Vous êtes con­ fois des temps de pause non
et délégué CGT, a reçu de son em­ plois peu qualifiés dans sa région, « diviser pour mieux régner »…
des clients voqués au bureau du directeur en comptabilisés comme dans cet
ployeur… une lettre. Ce courrier, souvent à la tête de plusieurs su­ « Quand j’ai fini de charger mon ca­ présence du DRH, en général au autre Leclerc, où « souvent on nous
Le Monde a pu consulter, lui indi­ permarchés ou hypermarchés Le­ mion, je suis obligé d’appeler mon pied levé sans pouvoir vous faire fait démarrer à 7 h 15, ce qui fait
quait que, à la suite de son « inten­ clerc, complétés parfois de drive, chef pour qu’il vérifie que je l’ai bien spontanés de plusieurs salariés qui accompagner, raconte Carine. On sauter les trois minutes de pause
tion malveillante » de diffuser de station­service, magasin de brico­ fait… J’ai l’impression d’être à la ma­ vivaient des choses identiques. On vous reproche alors votre retard, par heure », raconte Carine. Ou en­
« fausses nouvelles » et de « diffa­ lage… Fin mars, ils étaient, 542 ad­ ternelle », raconte encore Gilles. recense actuellement les cas indivi­ votre comportement… et, à la fin, ils core, poursuit­elle, « des plannings
mer » l’entreprise, la direction hérents Leclerc pour 721 maga­ Parallèlement, le réseau Leclerc duels pour les instruire ». dressent un constat. Et vous obli­ qui commencent à 6 h 30 au lieu de
prendra « les mesures qui s’impo­ sins en France. « Certains sont de affiche une ascension insolente. S’ils ne sont pas passés à l’acte, gent à le signer. Du coup, cela laisse débuter à 8 heures conformément
sent » et engagera des « actions en vrais négriers, mais il y a aussi des Depuis 2013, il a doublé des géants certains y ont songé avant de se ra­ entendre qu’on reconnaît la faute. » au temps de repos, que les gens
justice ». patrons de magasins qui sont très comme Carrefour ou Casino avec viser. « Cela va me faire beaucoup n’osent pas contester par peur
« Ils ont mis des Plexiglas aux bien », souligne un autre syndica­ ses 21,8 % de part de marché en de bien d’en parler avec vous, car, à Des pauses qui sautent d’être réprimandés ».
caisses, fournis du gel, mais, les liste. Sur France Inter le 18 mars, le France. « Tout ce qui est négatif, on part mon mari, je ne peux en parler « S’ils vous voient sortir votre télé­ Dans cet autre magasin encore,
employés n’ont pas de gants, expli­ secrétaire général de la CFDT, Lau­ n’en parle pas, et tout ce qui est po­ à personne », lâche Carine. Dans phone, même si c’est pour regarder lorsqu’il a ouvert le dimanche ma­
que ce salarié. Et la direction nous rent Berger, avait mentionné que sitif, on en parle, photos à l’appui son magasin, comme dans l’heure, on ne vous le dit jamais en tin, les employés se sont rendu
a dit qu’elle n’en fournirait pas. Ils « des entreprises font pression sur sur les réseaux sociaux », constate d’autres, même les salariés se mé­ face, mais quelques minutes après, compte, à la fin du mois, que leur
ont même mis des affichettes di­ les salariés pour être à leur poste, M. Lamour. fient les uns des autres. « On sait vous êtes convoqué pour ce qu’ils salaire n’avait pas été majoré
sant qu’il était inutile de mettre certains magasins Leclerc par Mais le drame survenu dans l’hy­ qu’il suffit de se taire, pour monter appellent un “suivi d’activité”, re­ comme le prévoient les textes de
des gants sous prétexte d’une sur­ exemple qui ne jouent pas le jeu ». permarché Leclerc de Vandœuvre­ en grade », lance José. late Gilles. Ils vous demandent de le loi. La situation a été par la suite ré­
contamination. » La prime de lès­Nancy (Meurthe­et­Moselle) a Gilles, vingt ans de maison, a vu signer sans nous en donner une co­ gularisée face aux interrogations
1 000 euros – versée par certains « Toujours surveillés » fait office de révélateur. Le samedi le système se durcir peu à peu. pie. Ils finissent où ? ça va sûrement du personnel. « Le dimanche, chez
groupes de la grande distribution La crise sanitaire a mis l’accent sur 11 janvier, peu avant l’ouverture du « Quand j’ai commencé, les diri­ dans les dossiers des gens. » nous, c’est un volontariat obliga­
à l’appel du gouvernement pour des pratiques observées dans plu­ commerce, Maxime Chery, res­ geants parlaient cash, on se disait Sans oublier ce cas de salarié con­ toire », rapporte Yann, s’appuyant
les salariés mobilisés pendant la sieurs magasins du réseau. « A la ponsable du rayon bières, dix­ les choses en face, et, après ça, on en voqué « pour avoir oublié de retirer sur les propos lancés par son direc­
crise –, il en était encore moins pointeuse le matin, faut voir les tê­ sept ans de présence dans le maga­ restait là, dit­il. Ils passaient dans de la vente un produit périmé de teur : « Je vous forcerais à venir
question. Et quand certains em­ tes. Certains soupirent, d’autres sin, mettait fin à ses jours sur son les allées, disaient bonjour. Aujour­ son rayon, alors qu’on lui avait de­ quitte à aller aux prud’hommes. »
ployés ont voulu savoir comment lancent un “Vivement ce soir !”. On lieu de travail. Problèmes person­ d’hui, le PDG, on ne le voit même mandé d’en gérer un autre », ra­ Pour Carole Desiano, secrétaire
exercer leur droit de retrait, « la di­ vient bosser parce qu’on est nels, harcèlement, délicate posi­ plus descendre. » « Il ne regarde que conte M. Lamour. Ou encore cette fédérale FGTA­FO, « bien souvent
rection a répondu que ceux qui obligé », soupire Gilles, qui offi­ tion de ce syndicaliste FGTA­FO au les chiffres », renchérit Paul. procédure pour « une erreur dans dans les grands groupes, quand on
exerceraient ce droit ne seraient cie dans la logistique. Il nous avait sein de l’enseigne ? Le procureur « Quand je suis arrivé, raconte la gestion des documents durant nous fait remonter un problème
pas payés », raconte M. Lamour. raconté son quotidien quelques de la République de Nancy a Yann, ils m’ont dit “Nous, c’est notre une journée où… la salariée était en dans un magasin, on passe quel­
« Le magasin applique la régle­ semaines avant le confinement, ouvert une enquête judiciaire. Le magasin, c’est une ambiance fami­ vacances ». « Une fois qu’on est ques coups de fil au DRH, pour que
mentation relative au droit de re­ tout comme d’autres salariés tra­ magasin avait alors adressé « ses liale”. Effectivement, le PDG a mis dans le viseur », soupire­t­il. des consignes redescendent. Chez
trait, indique la direction natio­ vaillant sur divers sites en France, sincères condoléances à sa fa­ toute sa famille, l’un comme direc­ Dans d’autres magasins, les ca­ Leclerc, on n’a pas d’interlocuteur ».
nale de l’enseigne E.Leclerc. La di­ mille » et « témoign[é] son soutien teur du drive, l’autre comme direc­ méras de surveillance ne sur­ La direction d’E.Leclerc répond
rection du magasin a pris des me­ dans cette épreuve dramatique ». teur du magasin… Mais ce n’est pas veillent pas que les tentatives de que « chacun de ces entrepreneurs
sures de protection pour ses Le syndicat FGTA­FO attend les cela qui fait une ambiance fami­ vol des clients. Comme ce salarié, [comme tous les commerçants in­
salariés, conformément à la re­ Parallèlement, conclusions du procureur pour se liale. » Paul, dont le magasin était rappelé à l’ordre pour avoir rensei­ dépendants de la distribution
commandation du gouverne­ porter partie civile ou porter autrefois un Casino, voit lui aussi gné « un peu trop longtemps » un française] est autonome et seul res­
ment. Le droit de retrait ne paraît
le réseau Leclerc plainte pour « harcèlement moral la différence : « L’ambiance a client. La direction, « lui a montré la ponsable de la gestion de son entre­
donc pas, dans ce cas, justifiable, affiche une au travail », « homicide involon­ changé, tout comme la façon de vidéo », narre un de ses collègues. prise et notamment dans le mana­
comme l’explicitent d’ailleurs les taire », et « mise en danger de la vie travailler. Même les clients voient « Il y a beaucoup de flicage. Du gement et les ressources humaines.
instructions du ministère du tra­
ascension d’autrui ». Il est conseillé par l’avo­ qu’il y a un malaise dans le maga­ coup, les salariés sont très tendus. » Le sujet de la représentation syndi­
vail sur son site Internet. » insolente, cat Dominique Riera, qui l’avait re­ sin. On a enchaîné les démissions, Le commercial d’une marque de cale concerne donc légitimement
La direction précise être « d’ac­ présenté dans le procès sur les sui­ les gens ont craqué. » biens de consommation qui fré­ chaque société d’exploitation qui
cord sur le principe d’une prime »
avec 21,8 % de cides chez France Télécom. Ce der­ Les dérives managériales ne sont quente plusieurs enseignes pour y en est responsable ». 
dont elle étudiera les modalités part de marché nier indique « avoir eu des retours pas rares, comme avec « cette placer ses produits décrit « des ma­ cécile prudhomme

QUESTIONS POLITIQUES
Ali Baddou, Carine Bécard et Françoise Fressoz
en direct sur France Inter
© photo : Christophe Abramowitz

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0123
SAMEDI 4 AVRIL 2020 argent | 17
La crainte d’un krach immobilier SOS CONSO 
CHRONIQUE PAR RAFAËLE RIVAIS
Le confinement a cassé la dynamique du marché de la pierre, après une année 2019 record
Coronavirus, dette
et délai de grâce
A
près une année 2018 sans défaut », précise Sophie Ak­ financement », souligne Maël Ber­
qui s’était révélée très nine, directrice de Sotheby’s Inter­ LES PARTICULIERS  nier. Pour le moment, personne
bonne pour l’immobi­ national Realty à Lyon. ne se risque à annoncer un krach,
lier, 2019 a été un cru L’une des raisons de l’appétence
RISQUENT DE METTRE      mais cette crainte est dans tous
exceptionnel. Partout en France, pour la pierre en 2019 est à cher­ DE CÔTÉ LEURS PROJETS  les esprits. Car mars et avril sont,

L
des acquéreurs affluaient pour de­ cher du côté des marchés finan­ traditionnellement, deux excel­ es particuliers dont les revenus auront diminué
venir propriétaires. « Cette ten­ ciers. En effet, les taux d’intérêt D’ACQUISITION  lents mois pour l’immobilier. pendant l’épidémie due au coronavirus et qui n’arri­
dance s’est accentuée au dernier étant restés très bas, « en veront plus, momentanément, à rembourser leurs
trimestre, avec des acheteurs tou­ moyenne, les ménages ont décro­ EN ATTENDANT QUE  Problèmes de pouvoir d’achat crédits à la consommation ou leurs emprunts im­
jours plus nombreux et pressés, ché des prêts immobiliers entre LA SITUATION FINANCIÈRE  Les acheteurs visitent en masse mobiliers pourront, le confinement terminé, demander un
face à un nombre de vendeurs 1,10 % et 1,20 % sur vingt ans, et les au printemps pour acheter avant délai de grâce au juge des contentieux de la protection (an­
de plus en plus faible », constate très bons dossiers ont même pu at­ SE STABILISE  l’été et être dans leur nouveau lo­ cien juge d’instance). Ils devront pour ce faire invoquer l’ar­
Philippe Descampiaux, directeur teindre les 0,75 % », confie Maël gement en septembre. Les ventes ticle L314­20 du code de la consommation, qui prévoit que
des agences Descampiaux­Dudi­ Bernier, porte­parole du courtier qui n’ont pas été signées pendant « l’exécution des obligations du débiteur peut être, notam­
court, à Lille. Meilleurtaux.com. Grâce à cela, le emprunteurs modestes et petits le confinement ne seront donc ment en cas de licenciement, suspendue par ordonnance »,
Même les villes moyennes profi­ pouvoir d’achat de nombre d’em­ investisseurs, qui auraient été fi­ pas rattrapées, et le marché de­ cette ordonnance pouvant décider que, « durant le délai de
taient de cette euphorie, et les prunteurs a été augmenté, ce qui a nancés début 2019 ne l’étaient vrait ralentir. « Il est évident que le grâce, les sommes dues ne produiront point intérêt ».
transactions s’y réalisaient à aussi contribué à… entretenir la plus début 2020. Cependant, les volume de transactions sera Le code de la consommation précise que la suspension des
un rythme plus dynamique. hausse des prix. A tel point que ventes continuaient à se réaliser. moins élevé en 2020 qu’en 2019, en obligations du débiteur doit se faire dans les conditions pré­
« En 2019, nous avons réussi à des experts commençaient à s’in­ « Les deux premiers mois de 2020 revanche, en l’état actuel, il m’est vues à l’article 1343­5 du code civil, qui permet au juge de « re­
écouler tout notre stock de loge­ terroger sur l’éventualité d’une ont été assez exceptionnels en ma­ impossible de faire des prévisions porter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paie­
ments à vendre et nous retrou­ bulle immobilière. tière de compromis signés, ce qui sur l’évolution des prix », martèle ment des sommes dues ». L’étude de la jurisprudence montre
vions un marché serein, avec une nous laissait espérer un volume de Laurent Vimont, président de que, pour profiter du délai de grâce, le débiteur doit être
offre et une demande qui s’équili­ Eviter tout dérapage ventes assez proche de celui de Century 21 France. Le scénario de « malheureux » (victime de circonstances indépendantes de
braient », constate Anne­Sophie En décembre 2019, le Haut Conseil 2019 », remarque Brice Cardi, pré­ sortie de crise dépendra de la du­ sa volonté telles que licenciement ou ma­
Ansart, directrice de Valeurs sûres de stabilité financière (HCSF) a sident de L’Adresse. rée du confinement et de son im­ ladie), « de bonne foi » (manifestement
à Roubaix. Résultat, les prix ont rendu un rapport critique, qui in­ Cette euphorie a perduré jusqu’à pact sur les acheteurs. LES JURISTES  disposé à payer ses dettes), mais aussi ca­
continué de grimper, et des pics citait les banques à prêter avec da­ la survenue du coronavirus. Rapi­ Deux données vont peser sur CONSEILLENT  pable d’un « retour à meilleure fortune ».
ont été atteints dans les métropo­ vantage de prudence pour éviter dement, les agences immobiliè­ leur pouvoir d’achat immobilier. Si cette troisième condition n’est pas
les les plus recherchées, comme tout dérapage. Il a été suivi, en jan­ res, commerces jugés non indis­ D’abord, la dégringolade de la AUX DÉBITEURS  remplie, le juge lui conseillera de déposer
Paris, Lyon, Nantes ou Toulouse. vier, par des recommandations pensables, ont fermé, et les visites Bourse a largement diminué l’ap­ un dossier de surendettement.
A titre d’exemple, début 2020, le du gouverneur de la Banque de de logements sont devenues im­ port d’acquéreurs qui disposaient EN DIFFICULTÉ DE  Le retour à meilleure fortune peut se
tarif moyen dans la capitale a dé­ France demandant aux établisse­ possibles. Malgré tout, « nous d’une épargne placée sur les mar­ fonder sur l’espoir, pour une chômeuse,
passé les 10 000 euros/m2, et frôle ments de crédit de respecter des avons continué de traiter les avant­ chés financiers. Ensuite, les me­
NE PAS ATTENDRE  de retrouver du travail grâce à une forma­
les 13 000 euros/m2 pour les ap­ règles plus strictes. Conséquence contrats en cours, en rassemblant sures de chômage partiel vont ré­ POUR SAISIR  tion ; pour une retraitée, d’obtenir les pen­
partements de qualité. « Dans les immédiate : une partie des acqué­ les pièces nécessaires à la rédaction duire leurs revenus. De plus, si le sions que les caisses ont tardé à lui régler ;
quartiers centraux, les biens haut reurs ont été exclus du marché. des actes, et en concluant les ventes confinement dure longtemps et a LE TRIBUNAL pour un propriétaire, de vendre son bien ;
de gamme se négocient au­delà de Selon Meilleurtaux.com, plus de définitives, quand cela est possible, un impact sur l’économie, outre pour un éleveur, de voir le cours du porc
8 000 euros/m2 et 25 % de plus s’ils 200 000 ménages, pour l’essentiel grâce à des procurations signées à ces problèmes de pouvoir d’achat, repartir à la hausse (lire sur Lemonde.fr/argent). Dans tous les
sont extrêmement bien situés et des profils de primo­accédants, distance », explique Laurent Ma­ les particuliers risquent de met­ cas, il faut fournir des preuves.
zeyrie, notaire à Paris. tre de côté leurs projets d’acquisi­ Les juristes conseillent aux débiteurs en difficulté de ne pas
En revanche, les nouvelles tran­ tion en attendant que leur situa­ attendre pour saisir le tribunal. En effet, nombre de contrats
sactions sont devenues difficiles tion financière se stabilise. de prêts prévoient qu’à la première traite impayée, la banque

1 059 000
à réaliser. Seule nouveauté pour Si les acheteurs anticipent une peut « prononcer la déchéance du terme », c’est­à­dire mettre
les professionnels : « Depuis le dé­ baisse des prix, ils seront plus fin au crédit avant le terme prévu et réclamer le rembourse­
but de la crise, nous avons beau­ nombreux à mettre en vente leur ment immédiat des sommes dues. En principe, cela n’a pas
coup de demandes de précisions logement avant qu’elle n’arrive. d’effet : la Cour de cassation a jugé, le 7 janvier 1997, que le juge
C’est le nombre de ventes immobilières enregistrées en France sur nos annonces en ligne, elles Conclusion : fort recul de la de­ peut octroyer un délai de grâce, « nonobstant la déchéance du
en 2019, un record absolu puisque c’est la première fois que proviennent de particuliers sé­ mande et afflux d’offres, norma­ terme dont les effets se trouvent par là même suspendus ». Elle
le cap du million de transactions est franchi. Autre fait notable : rieux et motivés », assure Patrice lement, toutes les données sont a précisé, le 28 septembre 2004, que « la déchéance peut être
près d’un achat sur quatre a été réalisé en vue d’un investisse- Besse, directeur de l’agence Pa­ réunies pour que les prix re­ opposée par le créancier jusqu’à ce que le juge ait statué ». Mais
ment locatif. A cause de cette très forte demande de logements, trice Besse. Constatation corro­ culent à moyen terme. Reste à sa­ nombre de banques tentent d’obtenir du juge, jusqu’en appel,
et face à une offre souvent insuffisante, les prix ont augmenté. borée par les courtiers en crédit. voir si cette baisse ne sera qu’un qu’il refuse ce délai de grâce lorsqu’elles ont prononcé la dé­
Selon Meilleursagents, la hausse moyenne a été de 1,8 % en « Malgré le confinement, nous en­ simple trou d’air ou le début d’un chéance du terme. Ce qui impose au débiteur de coûteuses
France, avec de fortes disparités entre Paris (+ 8 %), les dix plus registrons toujours des demandes retournement.  procédures, au moment même où il demande un répit pour
grandes métropoles (+ 5,2 %) et les zones rurales (+ 1,6 %). en ligne de calcul d’enveloppes de marie pellefigue payer ses dettes. 

FINANCEMENT PARTICIPATIF CLIGNOTANT
Les limites du crowdfunding en période de pandémie ASS U RAN C E- VIE
Collecte nette divisée par deux
Le marché français de l’assurance­vie a enregistré,
en février, une collecte nette de 1,4 milliard d’euros,

L es placements réalisés par


l’intermédiaire de plates­
formes de crowdfunding
seront­ils les prochaines victimes
de la pandémie de Covid­19, qui
Le boom du crowdfunding immobilier en 2019
2018 2019
phase », explique Quentin Romet,
président d’Homunity. Résultat,
« les projets qui devaient être rem­
boursés entre mi­mars et fin avril
sont décalés d’au moins trois mois.
divisée par plus de deux par rapport au même
mois de 2019, selon des chiffres provisoires publiés
mardi 24 mars par la Fédération française de l’assu­
rance. Les sommes versées par les épargnants
sur leur assurance­vie ont atteint un peu plus de
fige l’économie ? Pour mémoire, Fonds collectés* 185 373 (+ 102 %) Les éventuels versements de cou­ 11 milliards d’euros, contre près de 12,5 milliards
cet investissement alternatif ne pons sont suspendus pour la en 2019. Les retraits ont quant à eux légèrement
garantit rien : ni le capital ni le même période », détaille Joachim augmenté à 9,7 milliards d’euros, contre 9,3 mil­
rendement annoncé. Le risque de Dupont, fondateur d’Anaxago. liards un an plus tôt.
perte totale ou partielle des fonds Nombre de projets financés 343 544 (+ 59 %) Pour mémoire, « le financement
est donc possible, notamment en participatif en immobilier prévoit
cas de défaillance de l’entreprise le plus souvent un rembourse­
emprunteuse.
Ces dernières années, nom­
Montants remboursés* 55 103 (+ 87 %) ment in fine, soit le capital et les in­
térêts versés en fin de projet », rap­
QUESTION À UN EXPERT
breuses sont les start­up, les TPE pelle Céline Mahinc, conseillère
ou encore les PME, à avoir fait ap­ en gestion de patrimoine au cabi­
pel « à la foule » pour lever des Nombre de projets remboursés 146 220 (+ 51 %) net Eden Finances. La bonne nou­
fonds destinés à financer un pro­ velle est que la récupération plus Pourquoi constituer
jet précis. Aujourd’hui confron­ tardive des fonds permettra à l’in­
tées à une activité ralentie, voire * en millions d’euros SOURCE : HELLOCROWDFUNDING
vestisseur d’engranger davantage une société civile immobilière ?
nulle, ces sociétés seront­elles en d’intérêts.
mesure de faire face à leurs et en Allemagne, a annoncé un en ligne par 98 % de nos prê­ Les opérations de crowdfun­ stéphane jacquin, associé­gérant chez Lazard Frères Gestion
échéances ? « Cet arrêt brutal, s’il gel de trois mois de tous les rem­ teurs », précise Frédéric Levy­Mo­ ding immobilier prévoient con­
venait à se prolonger, pourrait boursements dus par ces socié­ relle, président fondateur de tractuellement une prorogation Au moment d’acquérir un bien immobilier, la question peut se poser
précipiter des jeunes sociétés et tés. « Cette décision concerne les cette plate­forme. Même son de possible de six mois après la date de l’acheter en direct ou au travers d’une société civile immobilière
des entreprises financièrement remboursements de prêts (inté­ cloche chez Prexem (Happy Capi­ de sortie officielle du projet. « Un (SCI). S’il s’agit d’acquérir une résidence principale, le recours à une
fragiles vers la cessation d’acti­ rêts et capital) aux investisseurs tal), qui accorde « un report des retard de quelques mois ne devrait société doit être écarté, car détenir cette dernière via une SCI empê-
vité », reconnaît Nicolas Sérès, prévus en avril, mai et juin. En échéances de deux mois », indique pas remettre en cause la finalisa­ che de bénéficier de l’abattement de 30 % pour l’impôt sur la fortune
président fondateur de WiSEED. sondant les entreprises ayant des Philippe Gaborieau, président de tion d’une opération et sa rentabi­ immobilière. A l’inverse, pour l’acquisition d’une résidence secondaire
C’est pour éviter une telle héca­ dettes en cours : 30 % affirment Happy Capital. lité », avance Arnaud Romanet­ ou d’immobilier locatif, le recours à une SCI peut être opportun. L’inté-
tombe que des mesures de sou­ qu’elles sont déjà impactées et Perroux, fondateur d’Upstone. Si rêt essentiel ne sera pas fiscal, puisque le régime fiscal applicable aux
tien temporaires ont été prises 60 % signalent qu’elles le seront à Report des opérations évoqué de nombreux secteurs sont tou­ associés d’une SCI non soumise à l’impôt sur les sociétés est, pour
par des plates­formes ayant une moyen terme », explique Olivier Du côté du crowdfunding immo­ chés par la situation actuelle, l’essentiel, identique à celui qui leur est applicable en cas d’acquisition
activité de prêt (« crowdlen­ Goy, fondateur d’October. bilier, les acteurs évoquent un re­ d’autres sont épargnés. C’est le en direct. En revanche, y recourir peut être avantageux pour les pa-
ding »). « Les décisions diffèrent De son côté, Look & Fin indique port des opérations dont les dé­ cas des énergies renouvelables. rents dans la perspective d’une transmission de la nue-propriété aux
selon les sites, mais toutes concer­ traiter « au cas par cas » les dos­ bouclages étaient imminents. « Pour les sociétés construisant des enfants. Ils conserveront davantage de pouvoirs si l’acquisition a été
nent les prêts en cours », indique siers. « Les 150 PME non cotées « Dans l’impossibilité de vendre les centrales solaires, le soleil conti­ réalisée via une SCI. Ainsi, en qualité de gérants de la société civile et
Jérémie Benmoussa, président de ayant levé des fonds chez nous et derniers lots d’un programme, de nue de briller. Ces centrales sont d’usufruitiers des parts sociales, les parents pourront décider seuls de
la Fédération Participatif France qui feront la demande pourront, passer les ultimes actes chez le no­ assurées de vendre leur produc­ vendre le bien propriété de la société. Ils pourront aussi décider seuls
(FPF). Le 18 mars, la société Octo­ après analyse de leur dossier, bé­ taire ou d’effectuer la livraison tion d’électricité à EDF », souligne du remploi du produit de la vente grâce à une rédaction adéquate des
ber, qui dispose d’un portefeuille néficier d’une suspension des rem­ d’un immeuble, les promoteurs ne Laure Verhaeghe, directrice géné­ statuts. Au contraire, en l’absence de SCI, les enfants devront donner
de 800 PME financées en France, boursements de trois à six mois. peuvent pas clôturer une opéra­ rale de Lendosphère.  leur accord pour la vente du bien immobilier et devront être impliqués
en Espagne, en Italie, au Pays­Bas Cette exonération a été approuvée tion arrivée dans sa dernière laurence boccara dans le choix du remploi du produit de la vente. 
18 | sports 0123
SAMEDI 4 AVRIL 2020

Pandémie : le football français fait le gros dos


Les compétitions étant à l’arrêt, l’argent ne rentre plus et l’asphyxie menace. La profession tente de s’organiser

N
ous ne repartirons pas
de zéro, car on est des
La crise étant
privilégiés. Mais sau­ mondiale,
vons tous ensemble le
football d’une crise qui risque
difficile
d’être irréversible. » Dans un entre­ d’imaginer
tien au quotidien italien La Gaz­
zetta dello sport, lundi 30 mars,
un mercato
Gianni Infantino, le président de atteignant les
la Fédération internationale de
football (FIFA), a synthétisé cet
sommets passés
étrange printemps 2020.
Alors que plus de 3 milliards
d’êtres humains sont confinés tié si l’on ne prend pas en compte
chez eux en raison de l’épidémie les recettes générées par les ventes
de Covid­19 et que les compéti­ de joueurs.
tions sportives se sont interrom­ « Le football est structurellement
pues partout sur la planète – à déficitaire et n’équilibre son bilan
l’exception de la bulle biélorusse que par les transferts », met en
–, le petit monde du ballon rond avant Didier Primault. Problème :
s’alarme pour son avenir : dans la crise étant mondiale, difficile
quel état va­t­il sortir de cette d’imaginer un mercato attei­
crise sanitaire qui se double d’une gnant les sommets passés. A l’été
crise économique ? 2019, 6,6 milliards d’euros avaient
Recettes de billetterie à zéro, été dépensés en indemnités de
absence de visibilité quant à une transfert dans les cinq grands
éventuelle reprise du champion­ championnats européens.
nat… Certains clubs redoutent
l’asphyxie. Bernard Caïazzo, le Chômage partiel et emprunts
président de l’AS Saint­Etienne, a « Ce n’est pas la valeur des joueurs
résumé, le 24 mars, l’enjeu des qui baisse, mais la capacité des
semaines qui viennent pour les clubs à les acquérir », analyse Paul
clubs français de Ligue 1 en parti­ Cometto, professeur à la Sports
culier, dont il préside le syndicat : Management School de Paris. Des
« Si nous restons deux mois sans clubs comme l’AS Monaco ou
jouer, nous pouvons redresser la si­ Lille, qui ont axé leur stratégie sur Les vestiaires vides du Stade de France, le 14 mars. FRANCK FIFE/AFP
tuation. Si c’est quatre mois, mais le « trading » de joueurs (l’achat de
que nous terminons nos compéti­ jeunes à fort potentiel et leur re­
tions domestiques et européennes, vente), pourraient en pâtir. « Le verser les cotisations sociales et en Ligue 2 ou ne se qualifie pas dons les opportunités : nous pou­
les clubs peuvent s’en sortir à con­ coronavirus ne nous aide pas dans patronales. Toutefois, si la situa­ pour la Ligue des champions,
Il n’est pas exclu vons peut­être réformer le football
dition que la saison prochaine se notre démarche de vente, a admis tion perdure, il n’est pas exclu que, comme Monaco, Lyon ou Lille, il que, comme mondial en prenant du recul », a­t­il
termine dans les délais. » le vice­président du club du Ro­ comme en Italie ou en Espagne, aura derrière une difficulté supplé­ déclaré, le 23 mars, esquissant des
Cela fait bien des « si »… Mais le cher, Oleg Petrov. Un club sera certains d’entre eux annoncent – mentaire à rembourser les trai­
en Italie ou en pistes possibles : « Moins de com­
football français n’a d’autre choix moins enclin à payer la somme en accord avec les joueurs – une tes », détaille­t­il. Par ailleurs, Espagne, certains pétitions, mais plus intéressantes.
que d’espérer pouvoir mener la que nous souhaitons. » réduction ou une suspension pro­ « même en 2021, 2022, 2023 ou Peut­être moins d’équipes, mais un
saison à son terme. « Dans le foot­ Dans ce contexte, les équipes visoire des salaires. après, quand on sera sorti de la
clubs français meilleur équilibre. Ce n’est pas de la
ball, la grande majorité des reve­ sont passées en mode survie, Autre piste avancée ces jours­ci : crise sanitaire, le risque de faillite annoncent science­fiction, parlons­en. »
nus provient des droits TV, souli­ d’autant que les autres sources de recourir à l’emprunt pour passer lié à la dette contractée lors de la Certains ont pu voir dans ces
gne Didier Primault, économiste revenus (merchandising, parte­ le cap et éviter le pire. La Ligue de pandémie restera d’actualité »,
une réduction ou propos, pour ce qui concerne l’Eu­
au Centre de droit et d’économie naires) sont aussi provisoirement football professionnel réfléchit à prévient l’économiste. une suspension rope, l’ébauche d’une « Super Li­
du sport. Si le produit prévu n’est taries, sinon en péril. Nombre de cette option, en anticipant sur les gue » que les plus grands clubs
pas délivré, il peut y avoir un im­ clubs ont recours au chômage futurs droits télévisuels, car tous Réfléchir à la sortie de crise
des salaires appellent de leurs vœux. Si un tel
pact très lourd si les télévisions con­ partiel, permettant de réduire la les clubs français ne sont pas la Ce qui vaut pour le football fran­ modèle, calqué sur celui des ligues
sidèrent qu’elles n’ont pas à payer masse salariale, leur principale dé­ propriété d’investisseurs aux çais vaut pour les autres cham­ fermées américaines, pourrait
l’intégralité de ce qui était prévu. » pense. Ainsi, 70 % du salaire brut reins solides à même de s’engager pionnats, notamment en Europe, avant la faiblesse de ce modèle, amener un meilleur encadrement
Les diffuseurs ont déjà franchi le est versé par l’entreprise qui est dans cette voie. ce qui a d’ailleurs conduit la FIFA à concède Pierre Rondeau. Mais ce des finances (plafonnement des
pas : Canal+ a annoncé qu’il ne remboursée par l’Etat à hauteur Même si le championnat re­ annoncer qu’elle pourrait mettre serait aller vite en besogne, car ce salaires, redistribution plus égali­
veut pas payer la dernière traite de 4 850 euros par salarié. Au vu prend et s’achève, « la question est en place un plan d’aide massif. De modèle n’est pas responsable de la taire des recettes), il viendrait bat­
pour la saison de Ligue 1 en France des rémunérations pratiquées en de savoir si les clubs vont réussir à là à dire que c’est le modèle écono­ crise. Cette épidémie est un élé­ tre en brèche le socle historique de
(110 millions d’euros) et BeIN Ligue 1 (salaire mensuel médian assurer longtemps leur solvabi­ mique du football qui est remis ment perturbateur extérieur, qui championnats nationaux forts et
Sports lui a emboîté le pas (42 mil­ de 35 000 euros, selon les chiffres lité », met en avant l’économiste en cause par cette crise ? « Après frappe toutes les économies du leur diversité culturelle. L’Europe
lions d’euros). Or, pour les clubs de de L’Equipe), ce dispositif n’est du sport Pierre Rondeau. C’est là trois semaines d’inactivité, cer­ monde, toutes les entreprises. » du football n’en est pas encore là.
Ligue 1, les droits télévisuels cor­ qu’une gouttelette dans un océan que l’incertitude sportive s’imbri­ tains clubs crient déjà famine et Dès à présent, Gianni Infantino, Pour l’heure, ses clubs cherchent
respondent à 36 % des recettes en pour les clubs. Le principal avan­ que dans l’édifice. « Si un club alertent sur une faillite généra­ le patron de la FIFA, a invité à réflé­ surtout à parer à l’urgence. 
moyenne, voire autour de la moi­ tage est donc surtout de ne pas échoue sportivement, est relégué lisée, donc on pourrait mettre en chir à la sortie de crise. « Regar­ clément martel

Les athlètes handisport fragilisés après le report des Jeux


Les Jeux paralympiques reprogrammés à la fin de l’été 2021, les sportifs rencontrent encore plus d’obstacles que leurs collègues valides

O n fait autant de sacrifices,


si ce n’est plus, que les
athlètes valides, et on
n’est pas fichus de nous mettre en
avant. » Le nageur handisport
par le report, déjà fortes chez les
athlètes valides, le sont encore plus
pour les sportifs paralympiques »,
avance la triple championne para­
lympique, désormais présidente
clés », relève Pierrick Giraudeau,
directeur de la performance au
sein de cette instance.
Médecin en Bretagne, Vincent
Detaille intervient notamment
encore du travail de rééducation
que l’on parvient à organiser. »
Mais ce n’est pas toujours le cas.
A l’image de l’athlète Manon
Genest, atteinte d’hémiplégie,
report risquent de compliquer
encore plus. Ces contrats, souvent
de courte durée, pourraient ne
pas être renouvelés en 2021, sou­
mis aux incertitudes induites par
Ces difficultés ne font qu’illus­
trer un constat : le manque de
moyens inhérent au sport para­
lympique en France. En jan­
vier 2018, une mission d’étude
Théo Curin n’en démord pas. Dif­ du Comité paralympique et spor­ auprès de l’équipe de France qui passe son confinement dans la crise économique qui se profile. sur la haute performance spor­
ficile de le contredire tant le re­ tif français. d’athlétisme handisport. Ce spé­ sa belle­famille dans la Haute­ Même les plus installés s’inter­ tive, menée par le ministère des
port des Jeux olympiques à l’été Si le repos forcé n’est jamais cialiste de la rééducation essaie de Marne et n’arrive plus à organiser rogent, comme Arnaud Assou­ sports et les deux comités olym­
2021 a accaparé l’attention pen­ profitable aux sportifs, il l’est résoudre les problèmes que peu­ ses habituelles séances de kinési­ mani, qui disputera à Tokyo ses piques et paralympiques, le souli­
dant que celui des Jeux paralym­ encore moins pour des athlètes vent rencontrer ses athlètes. « Cer­ thérapie. « Je n’ai pas accès aux cinquièmes Jeux : « J’ai un fonc­ gnait : « Le ratio de fonds publics
piques (du 24 août au 5 septem­ handisport. « Malgré le confine­ tains, qui ont par exemple une at­ soins depuis trois semaines et je tionnement privé à 99 %. C’est une d’Etat investis entre olympisme et
bre 2021), victimes eux aussi de la ment, on continue de s’entraîner ! teinte neurologique sur un mem­ ressens des douleurs chroniques. Je fierté mais aussi une précarité paralympisme en France est
pandémie de Covid­19, passait C’est important pour notre capital bre, ont besoin de le mobiliser, si­ m’en sors quand même grâce aux énorme : du jour au lendemain, si porté à 1 sur 15 [46 millions d’euros
presque inaperçu. santé », explique Perle Bouge, non cette partie du corps risque de exercices que ma kiné me donne en je n’ai plus de rentrées financières, contre 3 millions] », alors qu’en
Figure du handisport français, membre de l’équipe de France s’enraidir un peu plus, raconte­t­il. visioconférence », explique­t­elle. je ne peux plus m’entraîner et je fais Grande­Bretagne, par exemple,
le sauteur en longueur Arnaud d’aviron handisport. Atteinte Nous avons eu le cas d’un lanceur autre chose. » il est de « 1 sur 4 [87 millions
Assoumani a aussi fait part de sa d’une paraplégie, cette rameuse de poids qui a une atteinte médul­ « Une précarité énorme » Pour beaucoup, qui ne vivent d’euros contre 20 millions]. »
frustration en publiant une lon­ poursuit coûte que coûte son en­ laire [une paralysie]. Il a subi ré­ Un autre écueil menace les spor­ pas de leur sport, la négociation Face à une situation financière
gue lettre sur Twitter le 30 mars : traînement à domicile. cemment une opération, et il y a tifs paralympiques. Le report des sera à mener avec leur em­ qui risque de devenir de plus en
« Saviez­vous que les femmes Le plus grand défi pour ces ath­ Jeux fragilise encore plus l’équili­ ployeur. « Deux heures après l’an­ plus périlleuse, les instances ré­
étaient interdites de participer aux lètes consiste à conserver leur bre financier déjà délicat pour la nonce du report, mon patron fléchissent. « Nous sommes en
Jeux olympiques en 1896 ? Ça vous mobilité, déjà réduite, dans cette grande majorité d’entre eux. Ma­ m’appelait pour me repasser à train de faire une cartographie des
paraît aberrant en 2020 ! Mais sa­ situation inhabituelle. Maintenir Ces difficultés tériel du quotidien, déplace­ temps plein – logiquement », ra­ athlètes les plus en danger, mais il
vez­vous que les Jeux paralympi­ une activité sportive et un accès ments et stages sont souvent aux conte Martin Baron, informati­ est impossible aujourd’hui d’esti­
ques existent aujourd’hui ? » minimal aux soins devient un en­
ne font qu’illustrer frais des athlètes. « J’ai un véhicule cien et joueur de l’équipe de mer comment nous pourrons les
Au­delà de cette question de re­ jeu important pour la Fédération un constat : le grâce à mes sponsors, si demain France de cécifoot (football à cinq aider dans le futur », explique
connaissance, ce report en cati­ française de handisport (FFH). « Il on me l’enlève, je fais quoi ? », s’in­ déficients visuels). Depuis jan­ Marie­Amélie Le Fur. La prudence
mini pose des problèmes bien y a des liens très forts entre la prati­
manque de moyens quiète Perle Bouge. vier, il bénéficiait d’un accord qui est de mise : l’augmentation des
spécifiques au sport paralympi­ que sportive et l’autonomie. Il est inhérent au sport Cette situation renforce lui permettait de consacrer une aides financières n’est pas encore
que. L’ex­athlète Marie­Amélie Le déterminant que certains de nos d’autant la dépendance des athlè­ demi­journée quotidienne aux à l’ordre du jour. 
Fur le sait bien. « Les interroga­ sportifs puissent avoir une activité
paralympique tes à la conclusion de partenariats entraînements. Pour 2021, le dis­ chloé ripert
tions et les angoisses engendrées régulière. Ce sont des moments­ en France privés, que les conséquences du positif devrait être reconduit. et anthony hernandez
0123
SAMEDI 4 AVRIL 2020 horizons | 19

C
e matin, je ne sais pas pourquoi, 3,15 euros, et si je tombe malade, je n’ai pas
j’ai mis du rouge à lèvres. C’est d’indemnités avant 90 jours. Parfois, ce sys­
complètement idiot, je porte un tème me révolte, mais j’aime mon boulot.
masque depuis trois semaines ! Pendant l’épidémie, notre délai de carence
Au cabinet, avant de partir pour est passé de 90 à 3 jours. Si cela, au moins,
ma tournée, j’ai refait le panse­ pouvait continuer dans le monde d’après…
ment de monsieur P., sourd et muet de nais­ En ce moment, je ne soigne pas du
sance. Nous avons nos habitudes. Je parle fort, Covid­19, mais du confinement. Lundi soir,
j’ai appris à décoder son langage. Tout à coup, j’ai acheté des œufs à des patients qui ont des
j’ai réalisé qu’il ne comprenait pas car il ne poules, pour les porter à d’autres patients qui
pouvait pas lire sur mes lèvres. J’ai abaissé en manquaient. Je fais beaucoup plus de
mon masque et j’ai dit avec un grand sourire, à transport de médicaments, des renouvelle­
bonne distance : « C’est le printemps, mon­ ments d’ordonnances, et les médecins ne
sieur P., nous sommes le 21 mars ! » J’ai vu son sont pas encore débordés. Est­ce que l’on va
visage s’éclairer et il a souri en hochant la tête. passer à côté ? Comment le savoir sans tests
« Personne ne tousse, chez vous ? » « Vous avez de grande ampleur ? Danièle, la médecin de la
encore des pansements comme ça ? » Je lui ai maison de santé où se trouve mon cabinet, a
fait une ordonnance et l’ai tranquillisé. Il s’in­ eu ce matin un patient contaminé en télé­
quiétait de ne pas avoir sa carte Vitale : « Vous consultation. Rien de grave. Elle était en
n’en avez pas besoin, le pharmacien vous panne de papier de toilette et en a com­
connaît. » Les gens veulent tous être rassurés. mandé sur un site réservé au personnel
Certains ne voient que moi dans la journée. En médical. Elle a dû se tromper, elle en a reçu
milieu rural, celui que je pratique maintenant une montagne ! « Si tu en as besoin, tu sais où
depuis vingt ans, les infirmières tissent un me trouver ! » On a bien ri.
lien social essentiel, et c’était vrai avant le Le 23 mars, la Sécu m’a appelée pour me
début de l’épidémie. Alors maintenant… demander si j’acceptais de traiter des malades
« Ah ! Te voilà, mon Isabelle ! » Josiane, je du Covid­19. J’ai dit oui. Je ne sais pas combien,
l’adore. Elle a 80 ans, deux de ses fils sont je ne sais pas quand, je ne sais pas comment.
morts d’un cancer et elle fait encore des En téléconsultation ? Le 3 avril, toujours pas de
ménages chez un couple qui a un chat. « Cha­ nouvelles. Mes trois arrière­grands­pères
que fois que je vais dans la salle pour nettoyer, il étaient médecins. Depuis, personne n’a repris
arrive et il fait ses besoins par terre. Je l’ai pris le flambeau. J’ai toujours voulu faire ça. C’est le
par la peau du cou… » La bête l’a salement mor­ truc le plus passionnant de la terre, à mes
due à l’index, la plaie s’est infectée et elle a yeux, de savoir ce qui se passe dans le corps
hélas attendu quinze jours pour consulter. Le humain. J’aime comprendre et soigner les
doigt est gonflé, violet. Le médecin a incisé gens. J’ai raté de peu ma première année de
pour sortir le pus, mais c’est encore vilain. Je médecine et j’ai bifurqué, comme beaucoup,
viens tous les jours. Dimanche, elle pleurait. Je vers une école d’infirmières. Des études qui
ne pouvais pas la prendre dans mes bras, mais m’ont tellement déçue. Je posais des ques­
en temps normal je l’aurais fait. Le médecin tions tout le temps et je passais pour une
n’a pas eu le temps de s’en occuper comme emmerdeuse. J’ai été diplômée en 1982, cela a
convenu et, le 26 mars, elle a été amputée de la dû beaucoup changer depuis. J’espère.
première phalange, en urgence, à l’hôpital.
Quinze jours d’antibiotiques. MA VOITURE, C’EST MON BUREAU
Je me suis fabriqué un petit spray à l’eau de Nous avons vécu à Caen, à Paris, à Saumur, à
Javel, ce virus hypercontagieux y est sensible, Rennes, à Saint­Lô. Quand nous sommes arri­
et je désinfecte tout sans arrêt, au cabinet, à la vés au Brévedent [Calvados], en 1991, j’ai tra­
maison, dans ma voiture. J’ai préparé une vaillé pendant quatre ans en milieu hospita­
sacoche Covid que je laisse dans le coffre de la lier. Jusqu’à ce que la baby­sitter me dise que je
voiture : de quoi faire des injections, un ten­ m’entendrais sûrement très bien avec sa
siomètre, un thermomètre, un oxymètre, ce mère, une infirmière libérale. C’est comme ça
petit appareil qui permet de mesurer le taux Isabelle Adeline, sur une route du Calvados, le 26 mars. EMMANUEL BLIVET POUR « LE MONDE » que j’ai commencé, et je ne voudrais changer
d’oxygène en pinçant le bout du doigt et de pour rien au monde. « T’allez­vous ? » Jean,
surveiller les patients sujets à des troubles res­ 83 ans, m’accueille ainsi tous les jours. Il a un

Le sacerdoce
piratoires. Nous n’avons pas encore beaucoup Alzheimer débutant et je passe lui donner ses
de malades dans mon secteur – environ médicaments. « N’oubliez pas de vous coiffer,
315 km2 dans le Calvados –, c’est peut­être Jean ! » « J’me coiffe avec un pétard. J’en ai marre
l’avantage d’un habitat très dispersé. de me regarder dans la glace, j’suis trop beau. »
Ma voiture est un peu chère, mais je ne le
PROFESSIONNELS DU SYSTÈME D regrette pas, c’est mon bureau. J’ai une appli
Les masques, depuis le début, c’est l’obsession. super qui me permet, depuis ma salle de

de l’infirmière
Je vérifie mes mails tous les matins pour voir bains, de dégivrer le pare­brise et de chauffer
s’ils sont arrivés, et, en attendant les FFP2, je l’intérieur. En Normandie, c’est bien utile.
me débrouille. Un agriculteur m’en a donné L’autre jour j’ai oublié, il faisait – 3 0C à 7 heures
un stock : il les utilisait pour l’épandage de cer­ du matin. Sur la route, je suis tout le temps au
tains pesticides, mais depuis que ces produits téléphone, avec l’assistant à commande
sont interdits, il n’en a plus l’usage. Il en a vocale. Je préviens quand j’ai du retard, je

en milieu rural
quand même gardé pour sa femme, atteinte prends les rendez­vous. La machine lit les SMS
d’un cancer et donc plus vulnérable. C’est bête, ou je lui en dicte. Elle a un peu de mal avec les
mais ça m’a réconfortée. Pour le gel hydro­ termes médicaux. Mardi, mon fils Clément,
alcoolique, c’est pareil, système D. Il faut faire confiné à Paris avec sa compagne, m’a appelée
attention quand on s’en sert, il est très liquide. en pleine tournée pour savoir comment on
Le pharmacien l’a fabriqué avec de l’alcool faisait une mayonnaise. « C’est pour manger
périmé que le dentiste a retrouvé dans sa cave. avec des frites. C’est réconfortant. »
Il est quand même efficace. Mercredi, après cinq jours de travail consé­
Samedi, les masques sont arrivés ! C’est un cutifs, je me suis fait peur toute seule. J’ai cru
stock exceptionnel distribué par l’Union des PAROLES DE SOIGNANTS 2|5 Dans une série en cinq épisodes, que j’avais surdosé l’insuline de madame R.
professionnels de santé de Normandie. J’étais fatiguée, tendue, je bavardais en même
Ceux de mes deux consœurs, Emilie et Char­ des professionnels de santé évoquent leur quotidien temps avec elle. C’est une période très stres­
lotte, sont parvenus à Lisieux, mais les sante, sans qu’on s’en rende compte. Je lui ai
miens sont à Touques, à la caserne de pom­ au temps de la pandémie. Isabelle Adeline, 59 ans, dit de se surveiller, elle mesure sa glycémie
piers, j’ignore pourquoi. Comme je travaille avec un capteur sur le bras. Je n’avais pas com­
ce matin, Charlotte va me les chercher, c’est infirmière en Normandie, raconte au « Monde » mis d’erreur mais il faut faire encore plus
sympa. Je commence à respirer un peu attention que d’habitude. Dans toutes les mai­
depuis que j’ai pris une seconde associée, en comment elle jongle entre travail médical et lien social sons où je vais, la télé est allumée. Les gens
janvier. Les médecins libéraux ne travaillent regardent les infos en continu sur BFM­TV ou
pas le week­end mais nous si, tous les jours TF1. Le mari d’une patiente, agriculteur, m’a
de l’année, dimanches compris. Désormais, dit : « Je ne comprends pas cette inaction. Nous,
je prends deux week­ends sur trois, au lieu Le premier cas de Covid­19 est une aide­soi­ cerveaux, ici (avocat, haut fonctionnaire, nor­ on vaccine les vaches contre le coronavirus et
d’un sur deux, et c’est divin ! gnante venue d’Amiens, en pleine zone d’épi­ « LE PHARMACIEN A  malienne), mais on fait des puzzles et du colo­ les veaux tètent des anticorps dans le colos­
Finalement, je m’aperçois que les masques démie, pour se confiner en Normandie. FABRIQUÉ DU GEL  riage : un plan de Paris ! C’est super relaxant, trum. Et pour les humains, on ne fait rien ? »
ne sont pas des FFP2, mais des « becs de Quand j’arrive chez elle, tout le monde tousse. surtout qu’on a établi des tours pour le mé­ Et voilà. Charlotte, l’une de mes deux asso­
canard », moins adaptés. Tant pis, c’est mieux Je suis un peu furieuse parce qu’elle sait le HYDROALCOOLIQUE  nage et mis les choses au point pour le range­ ciées, est tombée malade le 26 mars. Elle a été
que rien. J’ai gardé pour la fin de ma tournée, danger que cela représente. Je la soigne pour ment des pièces communes. dépistée le 30 mars et déclarée positive au Co­
le 21 mars, la malade avec suspicion de une autre affection, mais je distribue des mas­ AVEC DE L’ALCOOL  Lundi, mardi, mercredi, je travaille de vid­19 le 2 avril, bien qu’elle aille mieux. On
Covid­19, je nettoierai tout en rentrant. J’arrive ques à toutes les personnes présentes. Cela 7 heures à 20 heures, avec une petite pause avait envisagé cette hypothèse. Je vois s’envo­
plus tard que prévu, appelée en urgence par peut se répandre tellement vite ! Comme per­
PÉRIMÉ QUE  l’après­midi pour les tâches administratives ler des week­ends et mes jours de congé. On
un de mes patients. Monsieur F., 94 ans, est en sonne n’est testé, tous les patients que je vois LE DENTISTE A  – qui me prennent de plus en plus de temps. fera face. Je ne suis pas une héroïne. Ma situa­
train de faire une hémorragie, une plaie près avec un syndrome grippal sont, je pense, Je ne parle même pas de la mauvaise tion est plus confortable que celle des person­
de la cheville où une veine a dû lâcher. Il vit contaminés. Une demi­douzaine à fin mars. RETROUVÉ DANS SA  connexion Internet quand tout le monde nels de santé confrontés à l’épidémie dans les
seul et refuse toute aide, médicale ou ména­ A la maison, nous sommes six. Nos trois télétravaille. Le jeudi, je suis devant mon services de réanimation. Je me demande si je
gère. Il a entouré son pied d’un sac en plasti­ enfants sont parisiens mais deux d’entre eux CAVE. IL EST QUAND  ordinateur toute la journée. Je note tout pour ne vais pas finir comme le capitaine Drogo
que, déjà rempli de sang. Je stoppe l’hémorra­ sont venus se confiner ici. Edouard et son MÊME EFFICACE » ma comptabilité. 21 mars : 225 km, qui attend en vain la bataille dans Le Désert
gie, je ferme avec des Steri­Strips, je le couche amie Léa, ma fille Camille, une de mes nièces, 42 patients ; 22 mars : 211 km, 34 patients ; des Tartares, de Dino Buzatti. Au temps du
et je nettoie par terre. En temps normal, je Philippine. Tout le monde peut faire du télé­ ISABELLE ADELINE 23 mars : 156 km, 25 patients, mais c’est nor­ coronavirus, c’est tout ce que j’espère. 
l’aurais envoyé à l’hôpital. J’ai dit à sa fille de travail sauf Camille, qui est chanteuse lyrique, infirmière en Normandie mal, on bossait à deux ; 24 mars : 189 km, propos recueillis par béatrice gurrey
venir le plus vite possible de Paris. Monsieur F. et mon mari, Etienne, qui a une entreprise de 32 patients, etc. Aujourd’hui, jeudi 26 mars,
est mort une semaine plus tard, avec son chat rénovation de maisons. Il continue les chan­ j’ai déboursé 4 000 euros de caisse de retraite Prochain article Les jours sans répit
sur le lit et sa fille à ses côtés. tiers sur lesquels il peut travailler seul. J’ai des pour le trimestre. L’acte infirmier est payé d’un urgentiste parisien
20 | reportage 0123
SAMEDI 4 AVRIL 2020

Une journée
au cœur
de la « réa 4 »
Le photographe Tristan Reynaud suit La « réa 4 » est la salle de réveil du bloc opératoire reconvertie.

la vie du service de réanimation du


centre hospitalier Annecy Genevois
depuis le 24 mars. Le 30 mars, il était avec
les soignants de la salle de réveil du bloc,
reconvertie en extension de la « réa »

L
es équipes sont aussi moti­ en espaces ouverts, ce qui permet de
vées qu’elles sont épuisées », réaliser certains examens sur place,
constate le photojourna­ comme les radios.
liste Tristan Reynaud. Car la « C’est du jamais­vu », dit­on parmi les
montée en régime est là… plus anciens de la réa. Aussi bien en
Le service de réanimation termes de logistique qu’en termes de
du centre hospitalier Annecy Genevois soins. Habituellement, les patients
tourne désormais sept jours sur sept, sont sédatés et sous respiration artifi­
vingt­quatre heures sur vingt­quatre, cielle quatre à cinq jours. Pour ceux
depuis l’arrivée de l’épidémie de Co­ souffrant du Covid­19, la moyenne
vid­19. Le département de la Haute­Sa­ tourne autour de dix à quinze jours, Un patient atteint du Covid­19 jugé stable est acheminé en « réa 4 ».
voie est l’un des premiers foyers de con­ avec de nombreuses inconnues, pour
tamination du coronavirus en France. les soignants aguerris de la réanima­
En une semaine, le service – officielle­ tion comme pour ceux du bloc opéra­
ment en grève depuis un an –, est passé toire, venus leur prêter main­forte.
de 3 patients atteints par le Covid­19 à Habitués aux intubations, aux respi­
29, le 2 avril. La réanimation, saturée, a rateurs et aux conditions d’hygiène
dû s’étendre dans d’autres espaces de drastiques, les infirmiers et médecins
l’établissement, et a dû mobiliser anesthésistes du bloc doivent être en­
d’autres soignants. La salle de réa « 4 » a cadrés et formés aux spécificités de la
rejoint les salles « 1 » et « 2 », historiques, réanimation dite « médicale », diffé­
où arrivent les patients admis en ur­ rente de la réanimation « postopéra­
gence, avant d’êtres stabilisés. Ils sont toire ». Les blouses vertes (pour les soi­
ensuite transportés dans les nouvelles gnants venant du bloc) et blanches
extensions. Quant à la « 3 », elle sert de (pour celles des soignants de réa) se
réanimation pour tous les patients qui croisent désormais.
ne souffrent pas de Covid­19. « Ils m’ont intégré comme un des leurs,
C’est donc en « réa 4 » que les pa­ et ils ne craquent pas. Et, tant qu’ils ne
tients, sédatés, intubés et stabilisés, craquent pas, je ne craque pas », souffle
arrivent. Habituellement, il s’agit de la le photojournaliste, avant de redescen­
salle de réveil du bloc opératoire. Elle dre en « réa 4 ». 
peut recevoir 22 lits supplémentaires, gabriel coutagne

Les affaires des patients, potentiellement contaminées, sont rangées à part.

Lorsqu’un patient grave est admis à l’hôpital, il est d’abord stabilisé au service historique de réanimation (« réa 1 » et « réa 2 ») durant vingt­quatre heures.
0123
SAMEDI 4 AVRIL 2020 reportage | 21

Une radiographie pulmonaire effectuée au sein même de l’unité.

L’équipe effectue un décubitus ventral. Le patient intubé est placé sur le ventre pour optimiser l’oxygénation. Les soignants du service de « réa » (en blanc) et du bloc opératoire coopèrent.

En une semaine, le service de réanimation a ouvert plus de 40 lits hors de son service historique. TRISTAN REYNAUD/ZEPPELIN
22 | culture 0123
SAMEDI 4 AVRIL 2020

L’édition recourt en masse au chômage partiel
Petites maisons comme grands groupes optent pour cette solution alors que leur chiffre d’affaires s’effondre

ENQUÊTE de droits travaillent désormais à


mi­temps. Une partie est payée à

V
ivendi a récupéré la 100 %, l’autre à 84 % du salaire net.
coquette somme de Cette décision passe mal. « Le
3 milliards d’euros, contrat de confiance a été écorné,
mardi 31 mars, en on se sent trahi », déplore une élue.
cédant 10 % de sa filiale Universal « Nos choix ont été dictés par la
Music Group au chinois Tencent. réalité des contraintes du niveau
Quel que soit le montant de cette d’activité par métier », répond Sé­
manne, Vivendi bénéficie du bastien Abgrall, directeur des res­
sérieux coup de pouce gouverne­ sources humaines de Madrigall.
mental pour mettre en place le En ligne de mire pour lui aussi, la
chômage partiel dans une autre préservation de l’emploi.
de ses filiales, Editis. Un parallèle Chez Hachette Livre, une con­
qui fait grincer des dents. « A quoi sultation des instances représen­
sert la trésorerie d’un groupe si ce tatives du personnel a démarré
n’est à pallier l’impact des crises ? », sur l’opportunité de recourir au
demande un élu du comité social chômage dans les maisons d’édi­
et économique (CSE) d’un éditeur tion. « En tout état de cause, cela
concurrent. En appelant les mai­ ne touchera qu’une faible partie
sons d’édition « à la responsabilité des effectifs », assure la direction.
et à l’éthique », la CFDT Livre­Edi­ Certaines maisons d’Editis sont
tion soulevait la question dès le déjà à mi­temps. Chez Archipel
22 mars : « L’assurance­chômage par exemple, les 13 salariés tra­
est un bien commun et non “une vaillent le matin, pour permettre
manne” où puiser cyniquement notamment la sortie de quelques
pour faire payer à la collectivité les livres liés à l’actualité en édition
salaires de collaborateurs en télé­ numérique. La direction d’Editis
travail. Elle doit servir en premier cherche pour chaque maison « un
lieu les entreprises les plus fragiles équilibre entre télétravail et chô­
et les salariés les plus exposés. » mage partiel ».
Sans surprise, la quasi­totalité Chez Média Participations (di­
des petits éditeurs, à la trésorerie versifié dans la presse, l’audiovi­
fragile, a déjà demandé à bénéfi­ suel, la BD, la littérature générale,
cier des nouvelles aides liées au les beaux livres…), seulement 7 %
chômage technique ou à l’activité des 700 salariés sont au chômage,
partielle. Mais tous les grands souligne Vincent Montagne. L’ac­
groupes aussi s’y sont mis. « Pour tivité de dessin animé ou de
eux, c’est le niveau de l’activité par­ presse se poursuit normalement
tielle qui peut varier », souligne­ mais l’édition a sérieusement
t­on au Syndicat national de l’édi­ freiné. Le groupe s’attend à perdre
tion. La fermeture des librairies « des dizaines de millions d’euros
imposée par la pandémie provo­ par mois ».
que sans conteste un séisme éco­ Dans sa filiale du Seuil, les 113 sa­
nomique. Les éditeurs voient leur lariés sont en chômage partiel de­
chiffre d’affaires s’effondrer de puis le 26 mars. Selon les postes, le
90 % depuis le confinement. Le temps de travail comme le temps
secteur sera durablement affecté La librairie L’Ecume des pages, le 18 mars, dans le quartier de Saint­Germain­des­Prés, à Paris. MATHIEU MENARD/HANS-LUCAS chômé fluctue (entre 20 % et
puisque la sortie de 5 000 titres a 80 %). Le CSE s’interroge : com­
déjà été reportée, ce qui promet ment calculer le temps de travail
des journées d’embouteillages Chez Hachette Livre, la moitié Dans le groupe Média Participa­ pension d’activité permet de sau­ d’un éditeur qui prépare la ren­
massifs dans les librairies une fois des salariés de la branche distribu­ tions, « les salariés chargés de la lo­
Pour Françoise vegarder l’emploi, de continuer trée ? D’une attachée de presse en
le confinement levé. tion est en télétravail. Pour ceux gistique, la distribution et la diffu­ Nyssen, d’accompagner les auteurs et as­ relation constante avec les auteurs
Dans la distribution et la diffu­ qui ne peuvent pas en faire, la di­ sion – soit 300 salariés – sont quasi­ surer une future sortie de crise ». ou les médias ? Alors que, selon le
sion, les entrepôts tournent au ra­ rection prévoit un « recours à l’acti­ ment tous au chômage puisque
présidente du Egalement contrôlé par une curseur, sa fiche de paie variera.
lenti. Chez Interforum (Editis), vité partielle, afin d’ajuster les effec­ presque tout est à l’arrêt », selon directoire d’Actes holding familiale, le groupe Au moment où l’édition re­
70 volontaires travaillent encore tifs à la charge d’activité résiduelle son président, Vincent Montagne. Madrigall, qui s’attend pourtant à nouait enfin avec une petite
sur le site de Malesherbes (Loiret), de préparation de commandes ». Ces mesures de chômage tou­
Sud, « toute une belle année 2019 marquée par croissance en 2019 après une dé­
tandis que sur les autres sites, près chent aussi les salariés des mai­ la chaîne du livre le succès du dernier livre de Mi­ cennie de marasme, la sortie de
de 320 salariés sont, de source « Sauvegarder l’emploi » sons d’édition. Société à capitaux chel Houellebecq et une moisson crise sera primordiale. Pour
syndicale, en chômage partiel de­ A Maurepas (Yvelines), par familiaux, Actes Sud a annoncé,
est grippée » de prix littéraires, a placé près de Françoise Nyssen, la seule solu­
puis le 23 mars. Ce nombre évolue exemple, dans l’entrepôt central, dès le 19 mars, la suspension de 700 salariés (diffusion, distribu­ tion sera « de réduire drastique­
au jour le jour, selon l’activité, pré­ 60 volontaires s’affairent, au lieu toutes ses activités et a placé la tion, libraires, marketing) en chô­ ment tous les programmes de sor­
cise la direction. Le personnel de 500 habituellement, précise­ quasi­totalité de ses 350 salariés vité de toutes nos maisons (Actes mage technique depuis le 23 mars. tie des livres ». Sébastien Abgrall
chargé de la diffusion expédie t­on de source syndicale. L’acti­ en chômage technique. A l’excep­ Sud, Le Rouergue, Textuel, Payot Ceux qui œuvrent pour le Web et redoute, lui, une récession dans
20 000 commandes par jour, soit vité est réduite comme peau de tion des ressources humaines et & Rivages…) s’est complètement l’édition numérique restent en re­ les prochains mois : « Rien ne dit
six fois moins que d’habitude, chagrin pour livrer encore les de la cellule qui paie les droits arrêtée, le chiffre d’affaires est vanche à plein temps. Les éditeurs, que l’achat d’un livre sera la prio­
même si 10 000 ne sont pas trai­ grandes surfaces, les points d’auteurs. Françoise Nyssen, pré­ inexistant, comme celui de nos 10 mais aussi les commerciaux, une rité absolue des Français quand ils
tées faute de volontaires, explique presse ou les plates­formes de sidente du directoire (et ex­minis­ librairies. Toute la chaîne du livre partie des ressources humaines ne seront plus confinés. » 
un syndicaliste. commerce en ligne. tre de la culture) assure : « L’acti­ est grippée. » A ses yeux, « la sus­ ou les responsables des cessions nicole vulser

« A Pompidou, il y a plusieurs chantiers que j’aimerais voir aboutir »


Nommé en 2015 à la tête de Beaubourg, Serge Lasvignes a été reconduit à son poste pour trois ans, mercredi 1er avril

ENTRETIEN dat, et les statuts du Centre Pompi­


dou prévoient une reconduction
deux sens, établir des relations de
confiance du même type que cel­
il y a un projet de Centre Pompi­
dou à Séoul, pour lequel nous
de prévention incendie, de désa­
miantage aussi, qui obligeront
pour la bibliothèque. En fait, c’est
ce que j’appelle la « Pompidou’s

S a nomination,
mars 2015, à la présidence
du Centre Pompidou avait
en

fait grincer quelques dents : secré­


taire général du gouvernement
pour trois ans, après un premier
mandat de cinq –, mais inscrit son
action dans la continuité alors que
l’établissement mène depuis
plusieurs années une politique
les auxquelles nous sommes par­
venus à Malaga [le partenariat en­
tre l’institution parisienne et la cité
andalouse, inauguré en 2015, se
poursuivra jusqu’en 2025]. Pour
sommes en discussions avec un
partenaire privé, un grand groupe
coréen. Mais aussi, et j’y tiens, no­
tre opération avec les régions pour
l’éducation artistique des plus jeu­
peut­être à une fermeture : c’est
une décision qui est du ressort du
gouvernement, et, si elle advient,
ce serait au plus tôt en 2023.
touch », un peu comme la « main
verte » chez les jardiniers : tous
nos projets partent dans le bon
sens. Cela donne envie d’être
audacieux ou, au moins, créatifs.
depuis 2006, une fonction qu’il a d’ouvertures à l’étranger. notre intervention à Bruxelles nes. Nous avons déjà de bons ré­ Lors de votre arrivée, vous Il y a cinq ans, je disais en effet
occupée sous trois présidents suc­ [lancée en 2018], nous en sommes sultats à Clermont­Ferrand, et un définissiez le Centre Pompidou que le Centre Pompidou était une
cessifs (Jacques Chirac, Nicolas Le premier défi que vous avez aussi au début. Les expositions de projet à Marseille. J’espère que comme « une utopie », en ajou­ utopie, mais que le monde avait
Sarkozy et François Hollande), à relever est d’ordre juridique : préfiguration nous ont beaucoup d’autres villes seront intéressées. tant que « les utopies étaient besoin d’utopies. C’est encore plus
Serge Lasvignes, né en 1954, énar­ dans un an vous aurez l’âge de appris, et la phase de travaux qui plus que jamais nécessaires ». vrai aujourd’hui : ce qui nous ar­
que, était un inconnu du monde la retraite. Pourquoi avez­vous commence doit être mise à profit Le Centre Pompidou à Paris est Le pensez­vous toujours ? rive, on ne va pas pouvoir l’ignorer
culturel, sauf peut­être des agré­ demandé à être prolongé ? pour tirer collectivement les le­ aussi l’objet d’un important Absolument ! Le choix fait à après. Il nous faut non seulement
gés de lettres, ce qu’il est aussi. Le Pour franchir cette limite, un çons de cet enseignement. chantier. Celui­ci est­il terminé ? mon arrivée de développer nos assumer ce qui se passe, mais sur­
Canard enchaîné l’avait aimable­ acte juridique sera nécessaire. Nous avons découvert là quel­ Il est en cours. Les travaux que ressources sur Internet s’avère tout, en tirer les conséquences.
ment qualifié de « rond­de­cuir ». C’est à l’appréciation du gouver­ ques idées originales, qu’il faut nous effectuons sur la « chenille », – hélas – plus pertinent que ja­ Nous y réfléchissons, avec Ber­
Sa reconduction annoncée mer­ nement. Mais j’ai, nous avons, en­ creuser. Le projet des réserves du les escaliers roulants extérieurs, mais dans les circonstances ac­ nard Blistène, le directeur du Mu­
credi 1er avril par le ministre de la core plusieurs dossiers en chan­ Musée national d’art moderne à sont pour le moment très ralentis, tuelles. En très peu de temps, sée d’art moderne, entre autres.
culture, Franck Riester, est une tier que j’aimerais voir aboutir. Le Massy (Essonne) est sur les rails, mais ils nous ont poussé, notam­ après le début de l’épidémie de Dans nos pratiques, je crois qu’on
surprise – Serge Lasvignes, 66 ans Centre Pompidou Shanghaï, par mais nous devons penser à leur ment, à reconsidérer l’utilisation coronavirus, nous avons été en se dirige vers un Centre Pompidou
depuis mars, sera bientôt atteint exemple. Il a été inauguré le 5 no­ usage, leur ouverture au public, des espaces, celui du Forum au mesure de transformer nos accès encore plus bienveillant, ancré
par la limite d’âge, fixée à 67 ans vembre 2019, mais il débute. Il local ou non, et de quelle manière rez­de­chaussée, et du niveau in­ en ligne, notre site et nos réseaux dans plus de sociabilité. 
pour les présidents d’établisse­ faut le faire prospérer, opérer un on peut, autant que possible dans férieur. Pour l’avenir, le bâtiment sociaux en plate­forme de res­ propos recueillis par
ments publics en cours de man­ vrai transfert de cultures, dans les ce domaine, être innovant. Enfin, va nécessiter des travaux lourds, sources, tant pour le Centre que harry bellet
0123
SAMEDI 4 AVRIL 2020 télévision | 23
Retour sur un match de foot légendaire VOTRE
SOIRÉE
Archives à l’appui, « Rembob’INA » propose une séquence sport avec la rencontre AS Saint­Etienne ­Dynamo Kiev de 1976 TÉLÉ

LCP Face à Kiev, les diffuseurs n’ont pas


SAMEDI 4 - 14 H 00 voulu passer à côté ! », se rappelle SAMEDI  4  AVRIL
MAGAZINE Larqué, narquois.
TF1

P
our les centaines de mil­ Une ambiance de folie 21.05 The Voice
liers d’accros au football, Face au Dynamo Kiev, l’une des Divertissement présenté
la période est rude. Com­ meilleures équipes européennes, par Nikos Aliagas.
ment survivre sans sa les Stéphanois avaient perdu (2­0) 23.35 The Voice
dose hebdomadaire de matchs en le match aller. Le 17 mars 1976, Divertissement présenté
direct ? Pour les plus atteints, les quelques heures avant le match re­ par Nikos Aliagas.
drogués du ballon rond, comment tour, Jacques Chancel diffuse sa
supporter le week­end vide de célèbre émission « Radioscopie » France 2
championnats nationaux, les soi­ en direct de Saint­Etienne. Face à 21.00 Les Grosses Têtes
rées du mardi, mercredi et jeudi lui, l’entraîneur Robert Herbin, Divertissement présenté
habituellement consacrées aux grand amateur de musique classi­ par Laurent Ruquier.
coupes d’Europe ? Les vendredis que. On entend le document so­ 23.25 Je préfère
soir sans Ligue 2 ? A l’heure du con­ nore où, à la fin de l’émission, qu’on reste amis
finement sans foot, même des Chancel demande à Herbin : « Ce Pièce de Laurent Ruquier,
rendez­vous aussi peu excitants soir, j’exige trois buts contre Kiev ! » enregistrée le 26 mai 2015
qu’un Amiens­Toulouse, un New­ La suite est ancrée dans la mé­ au Théâtre Antoine à Paris.
castle­Watford (Premier League), moire collective. Un match tendu
un Wolfsburg­Hoffenheim (Bun­ dans une ambiance de folie, une France 3
desliga) ou un Eibar­Leganes (Liga) qualification (3­0) arrachée en pro­ 21.05 Mongeville
prennent des allures de paradis longations et des envolées lyri­ Série. Avec Francis Perrin,
perdus ! Le 17 mars 1976, l’AS Saint­Etienne remporte (3­0) le quart de finale retour ques de Thierry Roland (« C’est un Gaëlle Bona (Fr., 2019).
Afin d’éviter trop de dépressions de Coupe d’Europe des clubs champions contre le Dynamo Kiev. INA peu Verdun dans la surface de répa­ 22.40 Mongeville
nerveuses, des chaînes comme ration soviétique ! ») épaulé par Série. Avec Francis Perrin,
L’Equipe TV et beIN Sports ont Bernard Père (« On leur avait pro­ Pierre Aussedat (Fr., 2016).
décidé de (re)diffuser des rencon­ ce numéro de l’excellent maga­ Patrick Cohen, animateur du par Antenne 2, aucune des deux mis l’enfer, aux Soviétiques. Eh bien,
tres ayant marqué les esprits. zine « Rembob’INA » vaut le dé­ magazine, a réuni autour de lui chaînes françaises (sur trois) ils l’ont eu ce soir ! »). A voir et à re­ Canal+
Matchs de l’équipe de France, tour. Consacré à une affiche Jean­Michel Larqué, ancien capi­ n’ayant voulu rater l’événement ! voir, avec ces Verts moulés dans 21.00 L’Ombre d’Emily
phases finales de Coupe du devenue mythique, le quart de fi­ taine des Verts, Jacques Vendroux, « Au tour précédent, nous avions des maillots sans publicité, ces po­ Film de Paul Feig. Avec Anna
monde, exploits européens, la nale retour de Coupe d’Europe des journaliste sportif emblématique pris une belle branlée lors du match liciers en képi jouant les ramas­ Kendrick, Sarah Baker, Blake Lively,
nostalgie et le foot ont toujours clubs champions entre l’AS Saint­ ayant couvert l’épopée des Verts aller à Split, qui était diffusé et où seurs de balles et ces panneaux pu­ Henry Golding, Andrew Rannells.
fait bon ménage, et revoir ces ima­ Etienne et le Dynamo Kiev dis­ pour France Inter, et Richard nous avions perdu 4­1. Considérant blicitaires d’une autre époque.  (EU-Can., 2018, 115 min).
ges parfois de médiocre qualité puté le 17 mars 1976, il ne permet Poirot, de l’Institut national de que nous n’avions plus de chances alain constant 22.55 Le Cercle séries
offre de bons moments. pas seulement de revoir ce match l’audiovisuel (INA). On apprend de nous qualifier, aucune chaîne Magazine présenté
Parmi les rendez­vous footbal­ disputé dans une ambiance de ainsi que, à l’époque, le match n’avait souhaité diffuser le match Rembob’INA : match ASSE­Kiev par Augustin Trapenard.
listiques proposés actuellement, folie à Geoffroy­Guichard. avait été diffusé à la fois par TF1 et retour – que nous avions gagné 5­1 ! 1 976 (Fr, 2 020, 127 min).
France 5
20.50 Echappées belles
Ethiopie, un voyage extraordinaire
Magazine présenté

James Tissot, peintre de la haute société du XIXe siècle par Sophie Jovillard.
22.25 Les Plus Grands Moments
des Victoires de la musique
Arte diffuse un portrait de l’artiste français ayant vécu à Londres, dont l’exposition au Musée d’Orsay a été annulée classique
Retour sur la cérémonie.

Arte
ARTE. TV fou, elle ne l’a pas déprogrammé. sus et d’une mère modiste, et joue son rideau pour s’en faire une Qu’importe, elle va influer sur sa 20.50 A la recherche
À LA DEMANDE C’est donc avec un double plaisir aussi sur les mots. L’artiste est en robe », dit­il, en référence à l’hé­ peinture jusqu’à la saturer. De­ de l’Equateur
DOCUMENTAIRE que l’on s’intéresse de plus près à effet particulièrement reconnu roïne d’Autant en emporte le vent. vant ses portraits, en pied, répéti­ Documentaire de Hannah Leonie
cet artiste, ami de Degas et admi­ pour sa manière accomplie de re­ James Tissot aura plusieurs vies, tifs, comme auparavant devant Prinzler (All., 2019, 95 min).

J acques­Joseph Tissot, dit


James Tissot (1836­1902),
aurait dû avoir les honneurs
du Musée d’Orsay du 24 mars
au 19 juillet, pour marquer sa dou­
rateur d’Ingres, Français ayant ré­
sidé onze années à Londres,
homme fortuné attiré par les
mondanités et tout à la fois capa­
ble de saisir son époque, elle aussi
présenter les drapés d’une robe, sa
capacité à en faire ressentir la lour­
deur ou la légèreté, la souplesse ou
la rigidité. Pour éclairer les toiles,
Marine Kiesel, conservatrice à Or­
à Paris, à Londres et même à Jéru­
salem, avant Buillon, dans le
Doubs. Plusieurs styles, dessina­
teur, impressionniste, incapable
de laisser tomber les portraits, tel­
ses deux versions de La Prome­
nade en barque dans un port in­
dustriel, Alain Montandon, pro­
fesseur de littérature comparée,
s’interroge, admiratif : « Comme
22.25 Vers un monde
sans oiseaux ?
Documentaire de Heiko De Groot
(All., 2019, 55 min).

ble carrière des deux côtés de la changeante. Une découverte. say, adopte un ton enjoué et mo­ lement rémunérateurs, à son toujours avec Tissot, on se de­ M6
Manche. Partenaire de l’exposi­ derne. Qualités que l’on retrouve apogée avec Le Cercle de la rue mande ce qu’il nous raconte. »  21.05 Dr Harrow
tion, Arte devait accompagner Plusieurs vies aussi chez Paul Perrin, jeune con­ Royale – illustrateur aussi. Plu­ catherine pacary Série. Avec Ioan Gruffudd, Mirrah
l’événement d’un portrait du James Tissot, l’étoffe d’un peintre. servateur du Musée d’Orsay, qui sieurs relations mais un seul Foulkes (Aus., 2018).
peintre. Estimant qu’en période Le titre fait référence au milieu fait partager son amusement pour grand amour, pour Kathleen James Tissot, l’étoffe d’un peintre, 22.50 Rosewood
de confinement les sorties cultu­ aisé dans lequel naît Jacques­Jo­ le petit boléro rouge de Mademoi­ Newton, divorcée, séduisante, ir­ de Pascale Bouhénic (Fr., 2020, Série. Avec Morris Chesnut, Jaina Lee
relles sur petit écran font un bien seph, d’un père marchand de tis­ selle L. L. : « C’est Scarlett qui prend landaise et mère de deux enfants. 52 min). Arte.tv, jusqu’au 2 mai. Ortiz (EU, 2016).

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24 | styles 0123
SAMEDI 4 AVRIL 2020

le spleen
de « dame
tartine »
En temps normal, à l’approche de
Pâques,le laboratoire de Christine
Ferber, à Niedermorschwihr,
dans le Haut­Rhin, est saisi d’une
frénésie digne de la chocolaterie
de Willy Wonka. Coronavirus
oblige, la vie tourne aujourd’hui
au ralenti. Mais pas question
de tout stopper : sa boulangerie­
pâtisserie, épicerie et traiteur, est
aussi la seule boutique du village
GASTRONOMIE tal, classée désormais « commerce
de première nécessité ».

L
a dernière fois que nous Acquise, en 1959, par ses parents
avions croisé Christine boulangers­pâtissiers, Maurice et
Ferber, elle recevait la Lé­ Marguerite Ferber, ce qui n’était
gion d’honneur des qu’une petite épicerie est devenu,
mains d’Emmanuel Macron, le au fil des années, un étincelant
24 janvier, sous les ors de l’Elysée. palais de gourmandise. Mais cette
Avant qu’elle s’envole, le jour vitrine de l’excellence tradition­
même, pour le salon du chocolat nelle et de l’imagination confitu­
de Tokyo, le président récompen­ rière continue de vendre de la
sait la pâtissière alsacienne, en farine, des œufs, de la lessive ou
rappelant son surnom de « fée des des journaux. D’anciennes
confitures », devant famille et fonctions ont même été réacti­
amis, parmi lesquels les chefs vées. « A une époque où il y avait
Pierre Gagnaire, Alain Ducasse ou peu de voitures dans le village, mes
Hélène Darroze. parents se chargeaient, entre
Un peu plus de deux semaines autres, des ordonnances à porter à
avant Pâques, c’est dans un la pharmacie la plus proche. C’est
monde confiné qu’on reparle au redevenu un service que nous
téléphone à cette « Dame Tar­ pouvons rendre. »
tine » d’un Grand­Est martyrisé Dans ce bourg pittoresque de
par le coronavirus. La voix douce 500 âmes, quelques personnes
de Christine Ferber s’est chargée ont été touchées par le Covid­19,
de spleen, tout en s’accrochant à sans qu’on déplore de décès à ce
ses désirs d’enchantement. jour. La famille Ferber (Christine
« Je suis entourée d’une petite travaille avec son frère, Bruno, sa
armée de personnages dont je dois sœur, Betty, sa belle­sœur, Anne­
gratter les bavures au couteau Catherine et sa tante, Nicole) a été
avant de passer un pinceau de soie jusque­là épargnée, tout comme
sur leur pelage », explique­t­elle la trentaine d’employés de la mai­
en décrivant les lièvres, poules et son, dont plus de la moitié ont été
œufs en chocolat fraîchement mis en chômage technique.
moulés dans l’atelier qu’elle a fait Dans la boutique qui ouvre dé­
construire, en 2015, à l’entrée de sormais de 7 heures à midi, le
son village de Niedermorschwihr, mardi, mercredi, jeudi et diman­ Habituellement, pour ses lièvres, poules et œufs de Pâques, Christine Ferber, pâtissière, chocolatière et « fée des confitures »,
dans le Haut­Rhin, niché au mi­ che, et toute la journée, le ven­ travaille près de 600 kilos de chocolat. Cette année, elle ne devrait pas en utiliser plus de 60 kilos. PATRICK BOGNER, MAISON FERBER
lieu des vignes dominant la vallée dredi et le samedi, un roulement
et la ville de Colmar. « Ce matin, il de quatre personnes gère une vie
faisait si froid que la forêt semblait ralentie par la distanciation.
saupoudrée de sucre glace. » Tante Nicole, 75 ans, dont près de relaient auprès de la chef. Comme pas vendus, je ne ferais plus jamais Les confitures qui, depuis le dé­
soixante ans de présence au ma­ chaque année, celle­ci a ressorti de chocolat. Quelques jours plus but des années 1990, ont cons­
Tartelettes et bouquet de fleurs gasin, a été priée de se reposer. sa collection de moules, souvent tard, un monsieur en a acheté truit une renommée internatio­
A cette période, le laboratoire est Quelques éclairs, tartelettes aux très anciens, proposant une cen­ douze d’un coup. Quel bonheur ! nale et la prospérité de l’entre­
habituellement saisi d’une fréné­ fraises, kouglofs, linzers… Les LES CONFITURES,  taine de déclinaisons de person­ Je pouvais continuer de faire des prise, ne sortent quasiment plus
sie digne de la chocolaterie de clients sont rares, mais chacun QUI ONT CONSTRUIT  nages animaliers symbolisant la chocolats ! » des entrepôts. Sauf pour en don­
Willy Wonka, les Alsaciens tenant peut souvent repartir avec un pe­ renaissance et l’attention des Le souvenir lui donne encore la ner aux gendarmes ou aides­soi­
aux traditions de Pâques presque tit bouquet de fleurs grâce à un LA RENOMMÉE  aînés pour les petits. Elle modèle chair de poule, comme celui de gnants de la région, comme les
autant qu’à celles de la Saint­Nico­ horticulteur de Colmar, André aussi des sujets en pâte d’aman­ ses parents. Son père, Maurice, 160 pots récemment offerts au
las et de Noël (temps béni des Vesper, qui, plutôt que de jeter les INTERNATIONALE des et cisèle des « œufs bijoux », qui avait finalement démarré personnel épuisé des urgences de
friandises tels les bredele, le stol­ productions qu’il ne peut plus fourrés de friture. « Après la pour elle sa collection de moules l’hôpital de Mulhouse, où officie
len et le berawecka). « A cette épo­ vendre aux fleuristes, les offre au
DE L’ENTREPRISE,  chasse aux chocolats des enfants, anciens de Pâques, est mort son ami médecin, Sami Kacem.
que, je travaille généralement près Relais des Trois­Epis. NE SORTENT  la tradition veut qu’on partage à en 2011. Sa maman, Marguerite, Après avoir confit, cet hiver, des
de 600 kg de chocolat », rappelle Trois cuisiniers continuent de table un gros œuf entre famille et les a quittés, il y a quelques semai­ fruits exotiques et près de
cette adepte du guanaja de Val­ faire fonctionner l’activité trai­ QUASIMENT PLUS  invités », une convivialité gour­ nes, à l’âge de 85 ans. « Nous ve­ 1 800 kg d’agrumes (oranges,
rhona, « cette année, je ne devrais teur avec Bruno Ferber, maître du mande peu à la fête cette année. nions chaque soir, à tour de rôle, la mandarines, tangelos, cédrats,
pas dépasser les 60 kg ». La vio­ foie gras oie­canard (délicatement DES ENTREPÔTS.  faire dîner à l’Ehpad. Elle nous pre­ bigarades, citrons Meyer…) venus
lence du choc épidémique prive parfumé à l’eau de noix), qui, de­ SAUF POUR  La chair de poule nait les mains, nous caressait, pre­ des vergers marocains de Laurent
l’entreprise Ferber (plus de puis le confinement, a choisi de C’est en Belgique, où, à 15 ans, la nait de notre énergie. » Le confine­ Boughaba, les petites bassines en
200 000 pots de confiture vendus proposer un menu du jour, livré à DES DONS  jeune fille était partie étudier ment des Ehpad, décidé avant ce­ cuivre (jamais plus de 4 kg de
chaque année) de la plupart de ses domicile dans un rayon d’une dans une école de pâtisserie lui des particuliers, aura empêché fruits ne cuisent en même
clients locaux, comme de la dizaine de kilomètres. Best­seller AUX GENDARMES OU  bruxelloise, que Christine Ferber les enfants Ferber d’accompagner temps) sont à l’arrêt.
manne touristique, des reven­ jusque­là, le menu « bouchée à la AIDES­SOIGNANTS  a pris goût au travail du chocolat. Marguerite jusqu’au bout. Inquiète de la durée de la crise
deurs nationaux (épiceries fines, reine » a fait l’objet de 90 com­ De retour dans son village, elle a « Le dimanche de ses funérailles, et de ses retombées, Christine
grands hôtels…) et des habituelles mandes. « On dépose ça devant les DE LA RÉGION eu du mal à mettre à profit ce les dernières de l’église de Nieder­ Ferber guette l’arrivée des fruits
exportations. portes », précise Christine Ferber, nouveau savoir­faire. « Mon père morschwihr avant sa fermeture, je des riches vergers alsaciens.
Pas question pour autant de re­ « même nos amis n’osent pas ne travaillait pas le chocolat, à suis remontée travailler à l’atelier, Après les premières rhubarbes,
noncer à ce rituel de Pâques, ne se­ ouvrir pour nous parler ». part quelques truffes à Noël », se confie la pâtissière. Par la fenêtre, fin avril­début mai, suivront les
rait­ce que pour approvisionner Entre le laboratoire de pâtisserie souvient celle qui fêtera en mai à la lisière de la forêt et des vignes, fraises, puis les framboises, les
l’écosystème familial de la bou­ de l’arrière­boutique et les ate­ ses 60 printemps. « Quand j’ai j’ai vu un grand cerf rester plu­ cerises noires, les griottes… En es­
langerie­pâtisserie, épicerie et liers de chocolaterie et de confi­ présenté à mes parents mes sieurs heures, presque immobile. pérant que ces récoltes corres­
traiteur, au Relais des Trois­Epis, ture situés à l’entrée de Nieder­ quinze premiers moulages, ma C’était, pour moi, mon père qui pondent à la fin du cauchemar. 
seule boutique de son village na­ morschwihr, sept employés se maman m’a dit que s’ils n’étaient venait chercher sa femme. » stéphane davet
IDÉES
0123
SAMEDI 4 AVRIL 2020 | 25

Emanuele Coccia
« La Terre peut se débarrasser
de nous avec la plus
petite de ses « Restez chez vous ! » dit le président.
Or, dans « Métamorphoses »,
que notre corps, et elle est aussi plus
jeune, car elle continuera à vivre lorsque

créatures »
vous faites une critique du « tous notre corps se décomposera.
à la maison » et de cette obsession
d’assigner la vie à résidence. Pour Le virus est perçu comme quelque
quelles raisons ? chose d’inquiétant, certes, mais aussi
Cette expérience inouïe d’assignation à de radicalement différent de nous.
domicile indéterminée et collective qui Or vous montrez dans votre livre qu’il
s’étend tout d’un coup à des milliards de fait partie de nous. En quel sens est­il
personnes nous apprend plusieurs cho­ l’un des visages de la métamorphose
ses. Tout d’abord nous faisons l’expé­ du vivant ?
rience du fait que la maison ne nous pro­ Tous les êtres vivants, peu importe leur
Le philosophe explique pourquoi, tège pas, elle n’est pas forcément un re­ espèce, leur règne, leur stade évolutif, par­
fuge, au contraire elle peut nous tuer. tagent une seule et même vie : c’est la
selon lui, la pandémie actuelle réinscrit On peut mourir de trop de maison. Et la seule et même vie que chaque vivant
ville, la distance que toute société impli­ transmet à sa progéniture, la seule et
l’homme dans la nature. que, nous protège normalement des ex­ même vie qu’une espèce transmet à une
cès d’intimité et de proximité que toute autre espèce dans l’évolution. La relation
Et comment l’écologie doit être repensée, maison nous impose. Le malaise de ces entre vivants, peu importe s’ils appartien­
loin de toute idéologie patriarcale jours n’a donc rien d’étrange. L’idée que
le chez­soi, la maison, soit le lieu de la
nent à des espèces différentes, est celle qui
existe entre la chenille et le papillon. Toute
fondée sur la « maison » proximité à la « nature » est un mythe
d’origine patriarcale. La maison est l’es­
vie est à la fois la répétition et la métamor­
phose de la vie qui l’a précédée. Chacun de
pace à l’intérieur duquel un ensemble nous (et chaque espèce) est à la fois le pa­
d’objets et d’individus sans liberté vivent pillon d’une chenille qui s’est formée dans
dans l’ordre voué à la production d’une un cocon et la chenille de mille papillons
utilité. La seule différence entre maisons futurs. C’est seulement à cause du fait que
et entreprises est le lien généalogique qui nous partageons la même vie que nous
relie les membres de l’une mais pas de sommes mortels. Car la mort n’est pas la
ENTRETIEN infini de réflexions et de mesures d’anti­ l’autre. Pour cela aussi, toute maison est fin de la vie, elle est juste le passage de

P
cipation et de reconstruction. Le geste de l’exact opposé du politique : c’est pour cette même vie d’un corps à d’autres. Ce
suspension de la vie commune, beau­ cela que l’injonction à rester à la maison virus, même si c’est difficile à voir, est
hilosophe, Emanuele Coccia est coup plus inédit et violent, a été abrupt et est paradoxale et dangereuse. aussi une vie future qui se prépare. Pas
maître de conférences à l’Ecole radical : aucune préparation, aucun suivi. forcément identique à celle que nous con­
des hautes études en sciences La nécessité de ces mesures est hors dis­ En quoi l’analyse écologique de la naissons, ni d’un point de vue biologique
sociales et l’un des intellectuels cussion : c’est seulement de cette ma­ crise sanitaire vous semble­t­elle ni d’un point de vue culturel.
les plus iconoclastes de son épo­ nière qu’on pourra défendre la commu­ inappropriée, au mieux romantique Le virus et sa diffusion pandémique ont
que. Auteur, aux éditions Payot nauté. Mais ce sont des mesures gravissi­ et au pire réactionnaire ? aussi une signification capitale d’un
et Rivages, des ouvrages La Vie sensible mes : elles assignent à domicile la totalité L’expérience de ces jours devrait donc autre point de vue. Nous avons passé des
(2010), Le Bien dans les choses (2013), La de la population. Et pourtant, il n’y a eu nous apprendre que l’écologie, la science siècles à nous dire que nous sommes au
Vie des plantes. Une métaphysique du mé­ aucun débat, aucun échange, aucun autre qui devrait nous aider à réparer la pla­ sommet de la création ou de la destruc­
lange (2016), il vient de publier Métamor­ discours que celui de mort et de la peur nète, doit être entièrement reformée, à tion : très souvent, le débat autour de l’an­
phoses (Payot et Rivages, 236 pages, pour soi et pour les autres. partir de son nom, qui abrite encore thropocène est devenu l’effort de mora­
18 euros), un livre qui rappelle comment TOUTE MAISON EST l’image de la maison (oikos en grec veut listes pervers de penser la magnificence
les espèces vivantes – notamment les vi­ Quelle est la responsabilité des dire chez­soi, maison). L’écologie n’est de l’homme dans la ruine – nous sommes
rus et les hommes – sont reliées entre el­ gouvernements dans cet oubli social
L’EXACT OPPOSÉ pas seulement romantique, elle reste les seuls capables de détruire la planète,
les, car « nous sommes le papillon de cette du confinement ? DU POLITIQUE : une science profondément patriarcale nous sommes exceptionnels dans notre
énorme chenille qu’est notre Terre », C’est assez enfantin d’imaginer qu’on qui, malgré tous les efforts de l’écofémi­ puissance nocive car aucun autre être ne
écrit­il. Il analyse ici les ressorts de cette peut tenir des millions des vies assignées à C’EST POUR CELA nisme, n’est pas arrivée à se libérer de possède une telle puissance.
crise sanitaire mondiale et explique domicile seulement à travers des menaces son passé.
pourquoi, même si elle nécessaire, « l’in­ ou en répandant la peur de la mort. C’est QUE L’INJONCTION À De fait, en continuant à penser que la Avec l’épidémie due au nouveau
jonction à rester à la maison est para­ très irresponsable de la part de ces mê­ RESTER À LA MAISON Terre est la maison du vivant, et que coronavirus, faisons­nous
doxale et dangereuse ». mes gouvernements d’obtenir la renon­ toute espèce vivante a la même relation l’expérience de notre extrême
ciation d’une communauté à elle­même EST PARADOXALE privilégiée à un territoire qu’un individu vulnérabilité ?
Des mesures importantes sont en la culpabilisant ou en l’infantilisant. humain avec son appartement, non seu­ Pour la première fois depuis très long­
déployées afin que l’économie Le coût psychique de cette manière de ET DANGEREUSE lement nous nous efforçons d’assigner à temps – et à une échelle planétaire, glo­
ne s’effondre pas. Faudrait­il faire faire sera immense. Il n’y a eu aucune domicile la totalité des espèces vivantes, bale –, nous rencontrons quelque chose
de même pour la vie sociale ? considération, par exemple, de la diffé­ mais nous projetons un modèle écono­ dont la puissance est bien supérieure à la
Face à la pandémie, la majorité des gou­ rence liée à la taille des appartements, à mique sur la nature. Ecologie et écono­ nôtre et qui parvient à nous mettre à l’ar­
vernements ont pris des mesures fortes et leur site, à la quantité d’individus de dif­ mie marchandes sont nées au même rêt pendant des mois. D’autant plus qu’il
courageuses : non seulement la vie écono­ férents âges qui y résident : c’est à peu moment, elles sont deux jumelles sia­ s’agit du virus, c’est­à­dire du plus am­
mique a été en grande partie arrêtée ou près comme si on ignorait les différences moises qui partagent les mêmes con­ bigu des êtres sur Terre, celui pour lequel
fortement ralentie, mais la vie sociale pu­ de taille de chiffre d’affaires ou du nom­ cepts et le même cadre épistémologique, on a du mal même à parler de « vivant » :
blique a été largement interrompue. La po­ bre d’employés lorsqu’on prend des me­ et il est naïf de penser que l’écologie, telle il habite le seuil entre la vie « chimique »
pulation a été invitée à rester chez elle : les sures sur la vie économique. qu’elle est structurée aujourd’hui, pourra qui caractérise la matière et la vie biologi­
rencontres, les repas partagés, les rites de Il n’y a eu aucune considération de la jamais combattre le capitalisme. que, sans qu’on puisse définir s’il appar­
l’amitié et de la discussion publique, le solitude, des angoisses et surtout de la Non, il n’y a pas de maisons ontologi­ tient à l’une ou à l’autre. Il est trop animé
sexe entre non­concubins, mais aussi les violence que tout espace domestique ques, ni pour nous, les humains, ni pour pour l’une, trop indéterminé pour l’autre.
rites religieux, politiques, sportifs ont été souvent couve et amplifie. Inviter à coïn­ les non­humains, il n’y a que des mi­ C’est dans son corps même qu’il trouble
interdits. C’est tout d’un coup la ville qui a cider avec son propre chez­soi signifie grants sur Terre, car la Terre est une pla­ l’opposition nette entre la vie et la mort. Et
disparu ou, pour mieux dire, elle a été reti­ produire les conditions d’une future nète, un corps qui est constamment à la pourtant cet agrégat de matériel généti­
rée, soustraite à l’usage : elle gît face à guerre civile. Elle risque d’exploser, d’ici dérive dans le cosmos. En tant qu’être que en liberté a fait s’agenouiller la civili­
nous, comme si elle était dans une vitrine. quelques semaines. planétaire, tout être vivant est à la dérive, sation humaine techniquement la plus
Plus d’espace public, plus de terrains de li­ D’ailleurs, si, pour la vie économique, change de lieu, de corps, de vie, tout le développée de l’histoire de la planète.
bre circulation, ouverts à toutes et à tous on a essayé de trouver un compromis en­ temps. Il est impossible de se protéger Nous avons rêvé d’être les seuls responsa­
et aux activités les plus disparates vouées tre la nécessité de garder en vie la société des autres, et cette pandémie le démon­ bles de la destruction. Nous faisons l’expé­
à la production d’une félicité à la fois indi­ et celle de la protéger, pour la vie sociale, tre. On peut juste éviter quelques consé­ rience que la Terre peut se débarrasser de
viduelle et partagée. La population s’est culturelle, psychique, on a été beaucoup quences de la contagion, mais nous, nous avec la plus petite de ses créatures.
retrouvée seule face à cet énorme vide, moins fin. Par exemple, on a laissé ouvert nous ne le pourrons jamais, en tant C’est très libérateur : nous sommes enfin
elle pleure la ville disparue, la commu­ les tabacs, mais pas les librairies : le choix qu’êtres vivants. libérés de cette illusion de toute­puissance
nauté suspendue, la société fermée avec des « biens de première nécessité » ren­ A la différence de ce que nous vou­ qui nous oblige à nous imaginer comme
les magasins, les universités, les stades : les voie à une image assez caricaturale de drions imaginer, cette pandémie est la le début et la fin de tout événement plané­
directs Instagram, les applaudissements l’humanité. Il y a un sujet iconographi­ conséquence de nos péchés écologiques : taire, dans le bien comme dans le mal, à
ou les chants collectifs au balcon, la multi­ que qui a traversé la peinture euro­ ce n’est pas un fléau divin que la Terre nier que la réalité en face de nous soit
plication arbitraire et joyeuse du jogging péenne : celui de « saint Jérôme dans le nous envoie. Elle est juste la consé­ autonome par rapport à nous.
hebdomadaire sont surtout des rites d’éla­ désert », représenté avec un crâne et un li­ quence du fait que toute vie est exposée Même une minuscule portion de ma­
boration du deuil, des tentatives désespé­ vre, la Bible qu’il traduisait. Les mesures à la vie des autres, que tout corps hé­ tière organisée est capable de nous me­
rées de la reproduire en miniature. font de chacune et chacun de nous des berge la vie des autres espèces, est sus­ nacer. La Terre et sa vie n’ont pas besoin
Cette réaction est normale et physiolo­ « Jérôme » qui contemplent la mort et sa ceptible d’être privé de la vie qui l’anime. de nous pour imposer des ordres, inven­
gique. L’interruption de la vie économi­ peur, mais auxquels on ne reconnaît Personne, parmi les vivants, n’est chez ter des formes, changer de direction. 
que – dont nous faisons l’expérience cha­ même pas le droit d’avoir avec soi un livre soi : la vie qui est au fond de nous et qui propos recueillis par
que dimanche – a été l’objet d’un nombre ou un vinyle. nous anime est beaucoup plus ancienne nicolas truong
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26 | idées SAMEDI 4 AVRIL 2020

Les épidémies
perturbent
la relation
aux morts
De la peste médiévale à la grippe
espagnole de 1918 en passant par
le choléra de 1832, les crises épidémiques
ont toujours bouleversé les rituels
funéraires. Les cérémonies en
hommage aux victimes du Covid­19
n’échapperont pas à la règle

L’
épidémie, peu à peu, dicte sa loi. Elle éviter les inévitables contaminations qui ac­ les ». « Sans doute, il peut se faire, dans des cas les chrétiens du Moyen Age ont ainsi inventé,
nous confine à l’intérieur de nos do­ compagnent les rassemblements, Edouard particuliers, que le chagrin exprimé soit réel­ comme l’a raconté Jacques Le Goff dans La
miciles, elle empêche nos enfants Philippe a annoncé le 17 mars que les enterre­ lement ressenti, écrit­il. Mais, le plus généra­ Naissance du Purgatoire [Gallimard, 1981],
d’aller à l’école et elle bouleverse ments ne peuvent réunir plus d’une ving­ lement, il n’y a aucun rapport entre les senti­ une société intermédiaire où les morts peu­
déjà les hommages funéraires que taine de personnes. « C’est très dur, a déclaré ments éprouvés et les gestes exécutés par les vent racheter certains de leurs péchés. »
nous rendons à nos défunts. Dans le premier ministre. Cela manque de ne pas acteurs du rite. Le deuil n’est pas un mouve­ Selon Eric Crubézy, auteur d’Aux origines
un avis consacré à la « prise en charge du pouvoir se rendre aux obsèques d’un proche ment naturel de la sensibilité privée froissée des rites funéraires (Odile Jacob, 2019), cette
corps d’un patient, cas probable ou confirmé ou d’un ami, mais nous devons faire respecter LE RESPECT  par une perte cruelle : c’est un devoir imposé transformation du « mort en défunt » exige
Covid­19 », le Haut Conseil de la santé publi­ les consignes sanitaires. » Pour maintenir, DE CES RITUELS  par le groupe. On se lamente, non pas simple­ trois moments symboliques : « Il faut
que a en effet indiqué, le 24 mars, que « les malgré tout, un semblant de rituel collectif, ment parce qu’on est triste, mais parce qu’on d’abord voir le corps pour réaliser que la per­
pratiques culturelles et sociales autour du certains services de pompes funèbres propo­ COMMANDE  est tenu de se lamenter. » sonne est bien morte et mettre en scène une
corps d’une personne décédée, notamment en sent désormais de retransmettre les obsè­ Pour Durkheim, les rituels funéraires dernière image d’elle – on peut inhumer un
ce qui concerne la toilette rituelle », doivent ques en direct par vidéo. LA DESTINÉE  servent à « rapprocher les individus les uns général dans ses habits militaires ou le faire
désormais respecter strictement les règles des autres, à les mettre plus étroitement en ressembler au grand­père qu’il est devenu. Il
d’hygiène qui s’imposent d’ores et déjà aux LE DEUIL, UN « DEVOIR DE GROUPE »
POST MORTEM  rapports, à les associer dans un même état faut ensuite cacher le corps, en l’inhumant ou
vivants. Si nous avons tant de peine à imaginer des DES PERSONNES  d’âme » – et à garantir, du même coup, en l’incinérant, car cet objet dérangeant qui
Les proches qui souhaitent voir le visage veuves en tenue de protection, des séances l’unité morale de la société blessée par le ressemble au vivant a rejoint le néant ; il faut
de la personne décédée dans la chambre de désinfection d’alliance ou des enterre­ DÉCÉDÉES.  décès de l’un des siens. « Puisqu’on pleure enfin le métamorphoser, c’est­à­dire l’agréger
mortuaire doivent s’abstenir de la toucher, ments en comité restreint, c’est parce que en commun, écrit­il encore, c’est qu’on tient à une histoire plus grande que lui afin qu’il
de l’embrasser et même de l’approcher à les rituels funéraires ne sont ni des RIEN N’EST EN EFFET  toujours les uns aux autres et que la collecti­ s’intègre à la communauté des morts. »
moins de 1 mètre. « Si un impératif rituel né­ moments insignifiants ni des signes de PLUS DANGEREUX  vité, en dépit du coup qui l’a frappée, n’est Le respect de ces rituels commande la des­
cessite la présence active de personnes dési­ bienséance quelque peu désuets. Ces céré­ pas entamée. Sans doute, on ne met alors en tinée post mortem des personnes décédées.
gnées par les proches », ajoute le Haut Con­ monies où les proches témoignent de leur QU’UN MORT  commun que des émotions tristes ; mais Rien n’est en effet plus dangereux qu’un
seil, elles ne peuvent être plus de deux et affliction servent aussi, et peut­être surtout, communier dans la tristesse, c’est encore mort « mal passé », affirme l’anthropologue
doivent porter une tenue de protection à combattre « l’impression d’affaiblissement « MAL PASSÉ » communier, et toute communion des cons­ Jean­Pierre Albert dans Les Rites funéraires.
– des lunettes, un masque chirurgical, un ta­ que ressent le groupe quand il perd un de ciences, sous quelques espèces qu’elle se Approches anthropologiques (Les Cahiers de
blier antiprojection et des gants à usage uni­ ses membres », selon les mots d’un des pè­ fasse, rehausse la vitalité sociale. » la faculté de théologie, 1999) : lorsqu’un ma­
que. Les bijoux du défunt doivent en outre res fondateurs de la sociologie, Emile Avant de mourir au front pendant la pre­ rin meurt en mer, il est impossible de traiter
être désinfectés avec un détergent « répon­ Durkheim (1858­1917). mière guerre mondiale, Robert Hertz, l’un rituellement son cadavre, et donc de le sépa­
dant aux normes de virucidie vis­à­vis des vi­ En 1912, dans Les Formes élémentaires de la des élèves de Durkheim, explore, lui aussi, les rer définitivement du monde des vivants.
rus enveloppés, ou de l’alcool à 70° ». vie religieuse, Emile Durkheim souligne en représentations collectives qui inspirent les « Ne pas prendre soin du mort, se débarrasser
Les cérémonies d’adieu sont, elles aussi, effet que le deuil ne peut se réduire à « l’ex­ rituels funéraires. En 1907, dans sa Contribu­ de son corps comme s’il s’agissait d’un déchet
perturbées par les impératifs médicaux. Pour pression spontanée d’émotions individuel­ tion à une étude sur la représentation collec­ ou d’une charogne, donne aux femmes et aux
tive de la mort, il s’attarde sur les doubles hommes le sentiment qu’ils ont perdu leur
funérailles célébrées par les peuples indoné­ humanité », résume la sociologue Gaëlle
Pendant Ebola, les « rites d’ancestralisation » supprimés siens en insistant sur le fait qu’il ne s’agissait
pas de faits « purement locaux ». Après un dé­
Clavandier, auteure de La Mort collective.
Pour une sociologie des catastrophes (CNRS
cès, écrit­il, la société doit accomplir un « pé­ Editions, 2004).
dans les années 2013­2015, pen­ gue Frédéric Le Marcis dans Traiter mer en toute sécurité et dans la di­ nible travail de désagrégation et de synthèse
dant l’épidémie d’Ebola qui sévit en les corps comme des fagots (dans An­ gnité” les victimes d’Ebola. Un fasci­ mentales » pour retrouver la paix. LA PESTE, LE PREMIER « CATACLYSME »
Afrique de l’Ouest, les rituels funé­ thropologie et Santé, 2015). Cette si­ cule comprenant des consignes, des Pour Robert Hertz, les rituels funéraires Parce qu’elles provoquent subitement des
raires sont entièrement bouleversés tuation suscite l’angoisse des parents graphiques et des dessins a été édité. servent à faire passer la personne disparue milliers, voire des millions de morts, parce
par crainte des contaminations. des défunts, privés de la possibilité Les personnels locaux ont été formés de la société visible des vivants à la société in­ qu’elles imposent des précautions sanitaires
Parce que le virus se transmet par le d’effectuer les rites d’ancestralisa­ à ces “enterrements dignes et sûrs”. » visible des ancêtres. « Après un décès, les vi­ drastiques liées à la crainte de la contagion,
simple toucher d’un cadavre, les tion. » A l’épreuve de la maladie Les documents de l’OMS deman­ vants craignent que les morts reviennent les épidémies bouleversent ces rituels
autorités sanitaires empêchent les s’ajoute en effet le risque d’une épi­ daient ainsi aux fossoyeurs d’éviter les hanter, explique l’anthropologue Frédéric funéraires qui permettent d’instaurer des
familles d’approcher leurs défunts. démie de malheur et d’infortune de porter l’équipement de protec­ Keck. Les doubles funérailles sont destinées à relations paisibles entre les vivants et les
A Guéckédou (Guinée), les corps « envoyée par des personnes décé­ tion dès leur arrivée, de « saluer la éloigner ce fantôme : elles instaurent une sé­ morts. C’est le cas au XIVe siècle, pendant la
sont ainsi aspergés d’eau chlorée dées et non ancestralisées ». famille et présenter leurs condoléan­ paration entre le monde des vivants et terrible peste noire qui sème la terreur en
avant d’être enveloppés dans des ces avant de décharger le matériel », le monde des morts. En installant la per­ Europe : en cinq ans, de 1347 à 1352, le quart,
sacs en plastique blanc, déposés à la Fortes résistances de demander « respectueusement » sonne décédée dans cette société parallèle à voire la moitié, des habitants du continent
morgue, puis enterrés de manière Les inquiétudes sont telles que l’Or­ à la famille de choisir un porte­pa­ la nôtre, le rite transforme le cadavre biologi­ succombent à cette immense pandémie im­
anonyme. La famille peut simple­ ganisation mondiale de la santé role. Ils devaient en outre proposer que en un être social qui appartient à un portée par les combattants mongols à partir
ment apercevoir le mort un instant (OMS) se heurte à de fortes résistan­ à un ou deux proches d’assister à la autre monde. » des années 1330.
depuis l’extérieur de la morgue. ces. « Les équipes funéraires étaient préparation de la dépouille mor­ Le devenir des morts occupe beaucoup les L’épidémie pénètre en France le 1er no­
Ces pratiques empêchent tout res­ malmenées par les familles car les telle, autoriser le porte­parole à vivants, ajoute Frédérick Keck. « L’historien vembre 1347: ce jour­là, le port de Marseille
pect des rituels funéraires. « De mesures sanitaires étaient extrême­ prendre des photos de l’inhumation Vincent Goossaert a montré qu’en Chine, les accueille une galère venue d’un comptoir
mai 2014 à novembre 2014, les pa­ ment contraignantes et brutales, ra­ et demander à la famille un objet ci­ taoïstes tenaient une véritable bureaucratie génois de la mer Noire ravagé peu de temps
tients décédés dans le centre de trai­ conte Auriane Guilbaud, maîtresse vil, culturel ou religieux destiné à des morts : chaque personne décédée occupe, auparavant par la peste. C’est le début d’un
tement Ebola de MSF Belgique ont de conférences de science politique identifier la tombe. Ces consignes dans cet univers, une place liée à ses mérites, véritable « cataclysme », selon le mot de
été enterrés sans que l’on prenne la à l’université Paris­VIII – Vincennes­ ont réduit les tensions sans les faire poursuit­il. L’Occident, lui aussi, a dessiné Stéphane Barry et Norbert Gualde dans « La
peine de retenir l’emplacement de Saint­Denis. L’OMS a décidé, en 2015, pour autant disparaître.  une géographie de l’au­delà : pour échapper peste noire dans l’Occident chrétien et mu­
leurs tombes, souligne l’anthropolo­ de créer un protocole destiné à “inhu­ a. ch. au système dualiste de l’enfer et du paradis, sulman » (dans Epidémies et crises de morta­
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SERGIO AQUINDO

lité du passé, Ausonius Editions, 2007) : rites sont respectés, explique­t­il. Une fois tral de vaccine », fondé sous l’égide de puis­ chapelet d’arrêts municipaux apporte des res­
la Provence, le Dauphiné et la Normandie que le mal se répand, on constate en revan­ sants philanthropes, annonce que la variole trictions aux rituels funéraires : il est interdit
perdent 60 % de leurs foyers ; Narbonne che une perte des repères sociaux. Les fa­ est vaincue. La fièvre jaune et la typhoïde de se rassembler en nombre dans les églises et
et Perpignan voient disparaître la moitié de milles sont décimées, les survivants sont disparaîtront, elles aussi. En 1826, une épidé­ les cimetières. Le faste des cortèges diminue :
leur population. Le bourg de Givry (Bourgo­ moins attentifs aux morts, les responsables mie de choléra naît cependant en Inde avant pour l’écrivain Edmond Rostand ou l’aviateur
gne), qui possède l’un des plus anciens regis­ administratifs, politiques ou religieux dispa­ de gagner la Russie, la Pologne, la Finlande, Léon Morane, les convois sont importants,
tres paroissiaux de France, enregistre raissent. Dès lors, les rites sont moins bien l’Allemagne, l’Angleterre et la France. mais pour les victimes moins connues, on met
en trois mois le décès de 38 % à 43 % de ses respectés : les cadavres sont parfois jetés dans En Prusse, dans la ville de Dantzig, les ca­ CONFRONTÉE À  deux cercueils sur le même char et on réduit le
paroissiens. la rue, ramassés dans des charrettes et jetés davres sont si nombreux et la crainte de la UNE HÉCATOMBE,  nombre de chevaux. »
dans des fosses communes. » contagion si vive que les autorités renouent
AU XVIIIE SIÈCLE, LA « FIN DES ÉGARDS » Dans « Funérailles en temps d’épidémie. avec les usages funéraires des temps de INQUIÈTE À L’IDÉE  UNE PEINE SUPPLÉMENTAIRE
Comment maintenir, pendant cette héca­ Croyances et réalité archéologique » (dans peste. « Les cadavres sont manipulés avec de Aucun soulèvement n’accueille ces restric­
tombe qui s’étend à tout le territoire, le res­ Les Nouvelles de l’archéologie, 2013), Domini­ grandes pinces en métal, rassemblés dans des QUE LES  tions aux rituels funéraires, mais des crises
pect des rituels funéraires ? Comment conti­ que Castex et Sacha Kacki soulignent ainsi fosses communes et recouverts de chaux vive, politiques éclatent ici et là. A Grenoble, les fa­
nuer à accomplir ces gestes qui permettent que, sur le site funéraire de Dreux (Eure­et­ précise l’historien Patrice Bourdelais, auteur
CADAVRES  milles dénoncent les conditions scandaleu­
d’éviter l’« errance hostile et malheureuse » Loir), certaines tombes qui datent de la peste des Epidémies terrassées. Une histoire de PUISSENT  ses dans lesquelles les pompes funèbres, qui
des morts, selon le mot de Jean­Pierre Al­ noire du XIVe siècle renferment plus de pays riches (La Martinière, 2003). Ces prati­ ont été confiées quelques années auparavant
bert ? Ces questions hantent les Français 20 squelettes. A Sens (Yonne), pendant le ques déclenchent un soulèvement : même TRANSMETTRE  à une compagnie privée, gèrent les inhuma­
pendant près de quatre siècles : à partir du haut Moyen Age, quantité de sépultures quand l’épidémie est menaçante, les popula­ tions des victimes de la grippe espagnole.
grand « mal noir » de 1347, la peste réappa­ comptent un nombre important de victi­ tions acceptent difficilement de telles déroga­ LE MAL,  « La presse, en particulier socialiste, se fait leur
raît en effet tous les dix ou vingt ans. « En mes. Cette tendance s’accentue avec le tions au traitement des corps morts. Elles y LA POPULATION  porte­parole en dénonçant les dysfonctionne­
Occident, la maladie ne disparaît que très temps, constatent les deux archéologues : en voient une atteinte à la dignité des défunts. » ments des services funéraires et l’absence de
progressivement au cours du XVIIe siècle, des France, tous les sites d’inhumation de victi­ La France du XIXe et du début du XXe siècle BÂTIT DES  dignité qui préside aux obsèques », poursuit
flambées, parfois majeures, se manifestant mes d’épidémie de la fin de la période mo­ connaît, comme la Prusse, des épidémies Frédéric Vagneron. A la suite d’une enquête
encore au XVIIIe siècle, voire XIXe siècle », sou­ derne comptent des sépultures multiples. – sans pour autant ressusciter les pratiques « SÉPULTURES DE  administrative de la préfecture diligentée
lignent Stéphane Barry et Norbert Gualde. L’acmé de cet « abandon des pratiques fu­ funéraires observées lors de la peste médié­ CATASTROPHE » en 1918, la municipalité dénoncera l’accord
Cette longue cohabitation avec la mort néraires » intervient à Marseille et Marti­ vale : pendant le choléra de 1832, la grippe conclu avec la compagnie privée.
bouscule les rituels funéraires. « En temps gues, lors de la dernière grande peste (1720­ russe de 1889­1890 ou la grippe espagnole Un siècle plus tard, la France semble re­
d’épidémie, la mort devient une menace im­ 1722). « Le charnier de l’Observance, à Mar­ de 1918­1919, nul ne voit des charrettes dé­ nouer avec cette longue histoire. Comme
médiate, directe et brutale, constatent Stéfan seille, a livré les squelettes de plus de deux verser sans ménagement des cadavres dans en 1832, comme en 1889, comme en 1918, le
Tzortzis et Catherine Rigeade dans « Persis­ cents victimes de l’épidémie reposant dans des fosses communes. Les rituels sont ce­ strict encadrement des rituels funéraires in­
tance et/ou transgression des pratiques fu­ des positions et selon des orientations va­ pendant perturbés : le brusque afflux de ca­ flige aux familles de victimes une peine sup­
néraires en temps de peste » (dans Etudes riées, sans organisation apparente, poursui­ davres lié aux épidémies empêche les pom­ plémentaire – et peut engendrer une sourde
sur la mort, 2009). Dès lors, certaines barriè­ vent les deux archéologues. Comme pour pes funèbres de respecter pleinement les inquiétude. « Il est important que les familles
res morales ou sacrées sont renversées. d’autres aspects du traitement sépulcral, le usages qui accompagnent traditionnelle­ qui le souhaitent puissent voir le corps de
Même si l’on s’efforce parfois de préserver, au XVIIIe siècle semble donc marquer un tour­ ment l’adieu aux morts – en France, le cho­ leurs proches au moment de la mise en bière,
moins partiellement, les pratiques rituelles nant dans le rapport aux corps des malades, léra de 1832 fait en effet 100 000 victimes, la souligne Gaëlle Clavandier, sociologue au
associées au décès et aux funérailles, elles la nécessité d’une mise en terre rapide des grippe russe 60 000, la grippe espagnole de Centre Max­Weber. Sinon, elles risquent de
sont fréquemment escamotées par nécessité. cadavres prenant le pas sur toute forme 200 000 à 300 000. ressentir une crainte très ancienne, celle des
Les gestes funéraires deviennent, de ce fait, d’égard vis­à­vis des défunts. » Pendant la grippe russe, les pompes funè­ “mal­morts”, ces spectres qui reviennent et qui
potentiellement très variables. » bres de Paris peinent à gérer les cadavres. « En circulent parmi les vivants. C’est une croyance
A partir du XIVe siècle, les tombes des FAUSSES COMMUNES ET CHAUX VIVE sept semaines, entre le 10 décembre 1889 et le qui concernait notamment les femmes en
« pestiférés » témoignent de ce bouleverse­ Dans le charnier de l’Observance, un sque­ 31 janvier 1890, la ville enregistre 5 000 décès, couches ou les suicidés : elle repose sur l’idée
ment des pratiques. Certaines victimes sont lette de femme a été découvert gisant face souligne l’historien Frédéric Vagneron, qui a que les morts ne sont pas stabilisés. »
inhumées à même la terre car le bois destiné contre terre, les bras étirés au­dessus de la consacré une thèse aux pandémies de grippe Parce que les victimes du Covid­19 seront
aux cercueils vient à manquer ; d’autres tête. « Sa posture nous renvoie l’image d’un de 1889 et de 1918. Le XIXe siècle a été marqué unies, bien malgré elles, par la trame d’une
sont recouvertes de chaux vive afin de mini­ corps qui a été jeté dans la fosse, puis traîné par la création de nouveaux cimetières extra­ histoire collective, des hommages collectifs
miser les odeurs et de repousser les charo­ par les mains peut­être sur plusieurs mètres muros : au nom de la lutte contre la pollution leur seront sans doute rendus après l’épidé­
gnards ; d’autres encore sont ensevelies avant d’être abandonné tel quel parmi des sols et de la hantise de l’engorgement des mie, ajoute la sociologue. « Comme en Lom­
dans des fosses communes car la brusque d’autres cadavres, soulignent Stéfan Tzortzis cimetières intra­muros, on a éloigné les nécro­ bardie et en Vénétie, les villes qui ont vu dis­
flambée de la mortalité a eu raison de la tra­ et Catherine Rigeade. La gestion funéraire est poles des centres­villes. Lors des enterrements, paraître une grande partie de leurs aînés
dition des tombes individuelles. Confrontée alors réduite à la seule élimination de cada­ les voitures à chevaux doivent donc emporter imagineront probablement des formes de
à une hécatombe sans précédent, inquiète à vres, sans que l’on puisse y déceler le moindre les cercueils vers la périphérie. La presse de commémoration. En France, il y aura sans
l’idée que les cadavres puissent transmettre reliquat de considération religieuse, morale l’époque parle beaucoup de ces convois funè­ doute des cérémonies dans les établisse­
le mal, la population bâtit des « sépultures de ou simplement humaine. Le corps humain bres qui traversent silencieusement la ville en ments pour personnes âgées qui ont été par­
catastrophe », selon le mot de l’archéologue inerte est alors réduit à une chose malsaine janvier 1890. » ticulièrement touchés, voire un hommage de
Catherine Rigeade. dont il faut se débarrasser. » La situation s’aggrave, vingt ans plus tard, la nation tout entière afin de célébrer le sou­
Eric Crubézy, professeur d’anthropobiolo­ L’épidémie de Marseille (1720­1722) est le lors de la grippe espagnole. « En 1918­1919, les venir des victimes du Covid­19 et des défunts
gie à l’université Toulouse­III, a observé ce dernier grand épisode de peste. A partir de la pompes funèbres parisiennes, qui gèrent plus morts durant la période. Quand la collectivité
désordre dans les tombes édifiées à Mont­ fin du XVIIIe siècle, les progrès de la méde­ de 400 corps par jour, ont du mal à trouver du se sent en état de défaillance, elle a besoin de
pellier entre le Xe et le XVIe siècle. « Au début cine et l’émergence des politiques de santé bois pour les cercueils et font creuser les fosses faire front en créant un moment de commu­
de l’épidémie, la société tente de faire face : le publique éliminent peu à peu les grandes va­ par des prisonniers allemands, raconte l’his­ nion nationale. » 
rythme des inhumations s’accélère mais les gues épidémiques. En 1810, le « Comité cen­ torien. Parce que la grippe est contagieuse, un anne chemin
0123
28 | idées SAMEDI 4 AVRIL 2020

Nicole Belloubet L’Etat de droit


n’est pas mis en quarantaine
En période exceptionnelle, des libertés
peuvent être restreintes au nom de l’intérêt

A
vec l’épidémie de Covid­19, nous général, mais les dispositions prises sont possibilité de remettre en liberté les per­ que l’action de tous ceux qui, par leur
avons tous été projetés, collective­ sonnes dont la détention ne paraîtrait engagement et leur sens profond du
ment et individuellement, dans temporaires, affirme la garde des sceaux plus nécessaire, et bien sûr, sans ôter la service public, contribuent au fonction­
une situation inédite. Totalement possibilité aux détenus de solliciter leur nement de notre justice en ces temps
inédite. Comme si nous entrions tout à libération et de voir alors leur situation difficiles.
coup dans une nouvelle dimension où débattue contradictoirement. Quant aux « autres » droits fondamen­
certains de nos points de repère seraient riode « normale », aucune liberté n’est Il ne serait pas acceptable, enfin, que taux et aux contrepoids essentiels de la
effacés. C’est en tout cas ce que certains absolue. Les libertés doivent toutes être
Assurer la primauté du droit les questions urgentes ne puissent pas vie démocratique, ils ne sont même pas
craignent, quand ils s’inquiètent de voir conciliées afin que les intérêts légitimes C’est la volonté du gouvernement être traitées en priorité. Lorsque les cir­ effleurés : la liberté de s’exprimer, de
l’Etat de droit mis en quarantaine. Ces des uns et des autres soient respectés. En comme du Parlement, mais c’est surtout constances l’exigent, il faut pouvoir communiquer, de s’informer, de criti­
préoccupations sont non seulement légi­ période exceptionnelle, certaines d’entre une exigence juridique absolue. Sur le s’occuper d’abord de ce qui est essen­ quer est et reste en tout point celle des
times mais également saines, pour autant elles doivent être plus strictement res­ fond, les ordonnances promulguées tiel : la santé, la liberté, la sécurité, la temps ordinaires.
qu’elles ne relèvent pas d’une logique pu­ treintes, parce qu’il y va de l’intérêt géné­ dans le périmètre du ministère de la jus­ protection contre les violences, la sur­
rement polémique, politique, voire com­ ral, au sens le plus élevé du terme. tice visent sans exception à assurer, en vie des entreprises, l’emploi… Les fonc­
plotiste. Pour légitimes qu’elles soient, el­ Mais précisément, ce qui a du sens lors­ dépit du fonctionnement dégradé des tions dédiées à l’urgence sont donc tou­ Le respect des équilibres
les sont néanmoins infondées. L’Etat de que les circonstances sont exceptionnel­ juridictions et d’un accès réduit à la jus­ tes maintenues au sein des juridictions
droit n’est pas mis en quarantaine les ne conserve son sens que tant que les tice, la primauté du droit. dans le cadre des plans de continuation
qui définissent
Il est vrai que le gouvernement et le Par­ circonstances demeurent exceptionnel­ Il ne serait pas acceptable que nos d’activité actionnés depuis le 16 mars. l’Etat de droit
lement ont dû prendre des mesures impo­ les. L’équilibre normal doit revenir avec tribunaux aient à travailler dans des Nous avons également ouvert la possi­ Le Parlement continue à exercer sa
sant des contraintes sans précédent, qui les temps normaux. Je veux être à cet conditions dangereuses pour le droit à bilité, pour le cas où cela serait rendu fonction de contrôle sur l’action du gou­
restreignent certaines de nos libertés quo­ égard d’une absolue clarté : les disposi­ la santé des magistrats, des fonctionnai­ nécessaire par la durée ou la gravité de vernement. Le Conseil d’Etat n’a pas
tidiennes les plus précieuses. Les Français tions qui ont été prises sont temporaires. res des greffes, des avocats, de tous les la crise, de rendre les décisions de jus­ cessé un seul instant de statuer en ur­
comprennent très bien que tel est le prix à La loi du 23 mars 2020 crée un cadre juri­ autres auxiliaires de justice et acteurs du tice par un juge statuant seul et non par gence sur les recours intentés contre
payer pour protéger la santé de tous, et dique nouveau pour faire face aux catas­ procès judiciaire, forces de l’ordre, per­ une formation collégiale. Ces disposi­ cette action. Le juge pénal fait son office.
d’abord celle des plus faibles. C’est en pe­ trophes sanitaires les plus graves. Elle sonnels pénitentiaires, éducateurs et tions encadrées permettront de répartir Quant au Conseil constitutionnel, qu’il
sant soigneusement les conséquences de n’autorise en aucun cas l’édiction de rè­ justiciables ! au mieux les forces et les moyens dispo­ est parfaitement possible de saisir, il
ces mesures, à court et à moyen termes, gles et de décisions durables au­delà de Le télétravail, que nous demandons à nibles afin que ce qui doit être jugé tout n’est, lui non plus, privé d’aucun pou­
que nous avons résolu de les mettre en ce que l’urgence justifie. tous les Français de privilégier, et les de suite puisse l’être. Mais nous avons voir. Le législateur a simplement permis
œuvre. Sans gaieté de cœur mais sans L’habilitation donnée au gouverne­ audiences en visioconférence devaient tout mis en œuvre aussi pour empê­ qu’il dispose, s’il le souhaite, d’un peu
états d’âme, avec responsabilité. ment pour statuer par ordonnances pré­ prendre place dans le procès, moyen­ cher, en ces circonstances, que cette jus­ plus de temps pour juger. Rien d’autre.
L’Etat de droit passe par le respect des voit expressément la limite temporelle nant les précautions nécessaires à la sé­ tice diligente et efficace ne se trans­ Proportionnées, limitées dans leur du­
droits fondamentaux sous le contrôle du des dispositions prises « pour faire face curité des échanges et au respect des forme en justice arbitraire et expéditive. rée, contrôlées, les mesures que nous
juge. Rien de cela n’est atteint, n’est remis aux conséquences de la propagation de droits de la défense. Juridiquement et Les voies de recours sont préservées, les avons édictées respectent tous les équi­
en cause. Ni en théorie ni en pratique. No­ l’épidémie de Covid­19 et aux conséquences techniquement, nous l’avons désormais droits de la défense garantis, le contra­ libres qui définissent l’Etat de droit. Ses
tre objectif est simple : préserver le droit à des mesures prises pour limiter cette pro­ rendu possible. dictoire respecté. principes sont préservés. Juges, ONG,
la santé dans notre démocratie. Ce droit à pagation ». Ainsi, les mesures dérogatoi­ Il ne serait pas acceptable non plus que médias, universitaires et citoyens, tous
la santé est un droit proclamé par le res issues de ces ordonnances cesseront­ certains de nos concitoyens puissent se y veilleront scrupuleusement.
préambule de la Constitution et une com­ elles à la fin de l’épidémie de Covid­19 et trouver privés d’un droit ou subir un pré­ Personne ne sera privé Par sa brutalité, la crise dans laquelle
posante de l’ordre public. La théorie des ne sauraient être réactivées lors de la sur­ judice parce qu’un délai de procédure cette épidémie vient de nous plonger
droits de l’homme a toujours admis que venance d’une nouvelle épidémie. s’est écoulé depuis le début de la crise.
de son droit d’accès met à l’épreuve notre société et
certaines libertés, comme la liberté d’aller Nous les avons tous prolongés. Il ne se­ à un juge efficient chacun d’entre nous. Nous n’avons
et de venir ou la liberté d’entreprendre, rait pas acceptable que la société ou les Nos compatriotes doivent savoir désormais qu’un impératif : protéger
puissent être limitées lorsque c’est à la victimes soient confrontées aux consé­ qu’aucune protection juridictionnelle ne notre santé en protégeant nos droits !
fois rationnellement nécessaire et pro­ quences de l’impossibilité de voir les ins­ leur a été ni ne leur sera enlevée. Les ac­ Au côté du sens du devoir, de la frater­
portionné à la gravité d’une menace. tructions se poursuivre ou les procès pé­ tions en justice que les uns ou les autres nité, de l’intérêt général, le respect de
naux se tenir dans les délais de la déten­ souhaitent introduire pourront l’être. nos libertés fondamentales constitue
tion provisoire. Chacune sera jugée. Ce qui peut attendre l’un de nos plus précieux viatiques.
L’équilibre normal NOTRE OBJECTIF sera tranché un peu plus tard, dans les Dans cette tourmente, ce qui nous unit
doit revenir avec EST SIMPLE : conditions du droit commun. Ce qui de­ nous protège. 
Les voies de recours sont mande à être examiné tout de suite sera
les temps normaux PRÉSERVER LE préservées, les droits jugé maintenant, dans le cadre aménagé
Et puisque la liberté, nous enseigne l’ar­ par les ordonnances du 25 mars. Mais
ticle 4 de la Déclaration de 1789, consiste DROIT À LA SANTÉ de la défense garantis personne ne sera privé de son droit d’ac­
« à faire tout ce qui ne nuit pas à autrui », DANS NOTRE Nous avons donc prolongé la durée de cès à un juge efficient.
c’est bien « autrui » qu’il s’agit ces détentions ordonnées et contrôlées Les textes que nous avons pris Nicole Belloubet est garde des
aujourd’hui de préserver. Même en pé­ DÉMOCRATIE par les juges, sans ôter à ces derniers la permettent qu’il en aille ainsi, de même sceaux, ministre de la justice

Jean-Paul Teissonnière et Sylvie Topaloff Le Covid-19


est en train de produire un gigantesque accident du travail
Les deux avocats dénoncent l’archaïsme de la loi de 1898, qui ne permet pas de réparer le préjudice subi par les victimes contaminées au travail

I
l y a plus d’un siècle, à propos Il appartient au système juridi­ Pour la première fois, un méde­ de cette pandémie aura été que part n’atteindront pas le taux Cette injustice­là, par nature
du débat sur la loi portant ré­ que d’attribuer le risque. Or les cin urgentiste était tué par le nous nous mettions à regarder d’incapacité minimal de 25 % évitable, apparaîtra rapidement
paration des accidents du tra­ systèmes d’indemnisation des virus dans l’exercice de ses fonc­ avec reconnaissance et consi­ sans lequel la reconnaissance est insupportable parce qu’elle ajoute
vail, le professeur Louis Josse­ victimes sont exagérément di­ tions. Alors qu’il était à la re­ dération ces travailleurs autre­ impossible ! inutilement au malheur des victi­
rand (1868­1941) rappelait l’impos­ versifiés, inégaux et incohérents. traite, il était spontanément re­ fois invisibles. Au travers d’une A quoi bon applaudir nos soi­ mes… Il faut d’urgence construire
sible neutralité du droit. Si un Le 21 mars, la mort du docteur venu à l’hôpital et il avait pris juste indemnisation de ses gnants tous les soirs, clamer un système moderne de recon­
système juridique est incapable Razafindranazy suscitait une une garde de nuit à l’hôpital de enfants nous dirons que nous ne dans tous les médias notre re­ naissance et d’indemnisation in­
après un accident d’attribuer le vive émotion dans tout le pays. Compiègne pour soulager ses les abandonnons pas sur le bord connaissance pour les héros du tégrale sous forme d’un fonds
risque, alors la place vide du res­ collègues. Quelques jours plus du chemin une fois la crise quotidien que sont les caissières cofinancé par les entreprises
ponsable sera occupée par la vic­ tard il était testé positif au surmontée. de supermarché, les postiers, les (branche AT­MP) et par l’Etat, afin
time. C’est elle qui dans sa chair et Covid­19. Il n’a même pas pu être éboueurs, et tous les autres, si d’affirmer par des actes notre re­
jusqu’au prix de sa vie en suppor­ inhumé comme il le souhaitait Injustice nous leur appliquons l’archaïque connaissance et notre solidarité et
tera les conséquences sans pou­ dans son île natale à Madagascar. Le Covid­19 est en train de pro­ système d’indemnisation issu de éviter ainsi d’ajouter un scandale
voir s’en décharger ne serait­ce Nous avons une dette à l’égard de duire un gigantesque accident du la loi sur les accidents du travail judiciaire à la crise sanitaire… 
que symboliquement sur ceux qui DE NOMBREUSES sa famille. travail dont les conséquences en de 1898 fondé sur le partage de
sont à l’origine de son malheur. De la même façon, la mort, le l’état actuel du droit échapperont responsabilité toujours partiel­
Or dans les catastrophes sanitai­ VICTIMES 26 mars, d’Aïcha Issadounène, à toute forme de régulation effi­ lement en vigueur aujourd’hui ?
res les acteurs sont nombreux, les 52 ans, caissière au supermarché cace. Accident du travail ? Mais Pour aller à l’essentiel : de nom­
causes souvent multiples, la com­ SERONT EXCLUES Carrefour de Saint­Denis (Seine­ comment démontrer la date de la breuses victimes seront exclues
plexité qui tient à la nature des DU CHAMP DE Saint­Denis) depuis trente ans, contamination qui est une des du champ de l’indemnisation et Jean-Paul Teissonnière
faits permet difficilement de re­ laisse ses proches dans une clefs de la reconnaissance ? Mala­ celles qui seront indemnisées ne et Sylvie Topaloff sont avo-
monter la chaîne causale. L’INDEMNISATION immense détresse. Un des effets die professionnelle ? Mais la plu­ le seront que partiellement. cats à la cour
0123
SAMEDI 4 AVRIL 2020 carnet | 29
Florence, Armelle Comeliau Moreau, Le président, Nantes. Paris. Mulhouse.
son épouse, son épouse, La directrice générale Strasbourg. Allemagne. Hommage
Sa famille, Jean-Loup et Laurent, des éditions Lextenso
Et tout le personnel, Mme Françoise Tardivel,
Le Carnet Ses collègues, ses enfants
née Boulmer, Roland BISMUTH
Ses amis, et leurs familles, son épouse,
ont la tristesse de faire part, maître de conférence,
Claire et Jean-Marie Fermaut,
s’associant en affection à sa famille, praticien hospitalier
Merci de nous adresser ont la tristesse de faire part du décès ont l’immense chagrin de faire part
de la disparition du
Anne et Alain Ramamonjy-Ratrimo,
du décès de ses filles et leurs conjoints, à l’université Pierre-et-Marie-Curie
vos demandes par mail de
Etienne et Jullianna Fermaut, (Paris 6, actuellement Sorbonne
en précisant impérativement Marion et Clément Dietschy, Laure
Roland BISMUTH, Christian COMELIAU, professeur Université) et au groupe hospitalier
votre numéro Fermaut et Marc Pauli, Sophie
économiste Philippe MALAURIE, Fermaut et Benjamin Ferry, Pitié-Salpêtrière - Charles-Foix,
de téléphone personnel, maître de conférences hors classe,
et professeur d’Université, fondateur et auteur Maeva et Laurent Mellon,
votre nom et prénom, praticien hospitalier
d’une collection complète Christophe Ramamonjy-Ratrimo nous a quittés le dimanche 29 mars,
adresse postale et votre de bactériologie, à l’université
survenu à Paris, le 30 mars 2020, d’ouvrages de droit civil. et Camille Aubert, à l’âge de soixante-dix-neuf ans.
Pierre-et-Marie-Curie, Paris 6e, ses petits-enfants et leurs conjoints,
éventuelle référence à l’âge de quatre-vingt-deux ans.
Gabriel et Camille Dietschy,
d’abonnement. Natalia, Yvan et Aurore Mellon, Roland Bismuth a été depuis les
survenu le 29 mars 2020, à Paris. Il eut la ferveur de l’enseignement,
Christian Comeliau était docteur ses arrière-petits-enfants
L’équipe du Carnet dans les meilleures traditions orales années 1970 un acteur majeur du
en droit, en sciences économiques Et toute la famille,
reviendra vers vous Les obsèques auront lieu le jeudi et spécialiste de l’économie du et écrites de la science juridique ; ce développement du laboratoire
2 avril, à 10 h 30, au cimetière parisien qu’il a construit, pour aider à la ont la douleur de faire part du décès central de bactériologie de l’hôpital
dans les meilleurs délais. développement. Il fut successivement
de Pantin, compréhension et l’utilisation des de Pitié-Salpêtrière, dirigé par les
chercheur et professeur à l’université
règles de droit, sera poursuivi, dans
de Kinshasa, économiste à la Banque professeurs Pierre Barbier puis
carnet@mpublicite.fr 59, boulevard Arago,
sa mémoire exigeante. M. Jean TARDIVEL,
mondiale à Washington D.C., membre ingénieur agronome Jacques Grosset, tout au long de son
75013 Paris. de l’équipe du projet « Interfuturs » AGRO Paris - 1952, évolution et de sa modernisation.
florencebismuthbokobza7@ Mme Odile Nicolas,
puis du Centre de développement à ancien directeur Toujours soucieux des patients, il
AU CARNET DU «MONDE» son épouse,
hotmail.com l’OCDE, à Paris, chargé de mission au des Financements entretenait un dialogue constant
Alexis Nicolas et Clarisse Biboulet,
Commissariat du plan, à Paris, et des expertises immobilières
ses enfants, avec les cliniciens, en particulier les
Naissance enseignant à l’Ecole des hautes études du Crédit Foncier de France,
Karine Brochet, Alain Biboulet, réanimateurs. Il a accueilli, guidé et
sa fille en sciences sociale, à Paris et enfin son gendre, survenu à Nantes, le 1er avril 2020,
Dimitri, Vladimir, Victor et encouragé avec bienveillance et
et Emmanuel Angrand, professeur à l’Institut universitaire à l’âge de quatre-vingt-huit ans.
Charlie Lorraine, chaleur les jeunes du laboratoire,
Mala et Manoah Kenna, d’études du développement, à
Genève. Il a publié une quinzaine ses petits-enfants, L’inhumation aura lieu dans la internes et assistants, ce qui a amené
a ouvert ses yeux, le jeudi 2 avril 2020. ses petits-enfants
d’ouvrages, qu’il a rédigés ou dont il a plus stricte intimité familiale. nombre d’entre eux à poursuivre la
et leur père, Chris, ont l’immense tristesse de faire part
Elle fait le plus grand bonheur de dirigé la rédaction. voie de la bactériologie clinique et à
ses parents, Roger et Marie-Aline Brochet, du décès de Une cérémonie religieuse en
Hélène Brochet, essaimer dans d’autres institutions.
sa mémoire sera organisée
Eve ROYER et Vincent OFFREDO. Catherine et Benoît Schlemmer, Un hommage lui sera rendu dans M. Adolphe NICOLAS, ultérieurement. Nous sommes plusieurs à lui devoir
le courant de l’été. professeur émérite beaucoup.
Isabelle Brochet,
université de Montpellier II, Cet avis tient lieu de faire-part et
Noces de platine ses frères et sœurs et leurs conjoints, chevalier de la Légion d’honneur, de remerciements.
Cet avis tient lieu de faire-part. A l’université, Roland Bismuth
officier
4 avril 1950 - 4 avril 2020. était un enseignant hors pair qui
font part du décès de dans l’ordre des Palmes 28, boulevard Albert-Thomas,
Christiane, académiques, 44000 Nantes. passionnait ses étudiants. Il a été
Louise, Nahima, Ellie, sa compagne,
Pierre BROCHET, 2 rue de la Sinne, l’artisan des travaux pratiques de
Tui, Paolo et Liv, Marie, Bernard, Thomas, Ellen, survenu le 31 mars 2020, à Saint-Cyr- 68100 Mulhouse.
embrassent très fort leurs bactériologie, car il voulait montrer
Martine, Jean-Yves, Matthieu et l’Ecole, à l’âge de quatre-vingt-quatre jean-marie.fermaut@wanadoo.fr
survenu à Paris, le 29 mars 2020, Isabelle, ans. 5, rue Rébeval - Appart. 21, en grandeur nature aux jeunes
mamienise et papy André, 75019 Paris.
à l’âge de quatre-vingts ans. ses enfants et beaux-enfants, étudiants en médecine, ce que sont
Théophile, David, Louise, Cécile, Une cérémonie religieuse aura annetardirama@gmail.com
à l’occasion de leurs noces de Platine. les étapes du diagnostic, des
Un immense merci à Bia, Jérôme Martin, Elsa, Julie, Lucie, Samuel, lieu le jeudi 9 avril, à 10 h 30, dans la infections bactériennes et des tests
Les familles Beaumont, Braun et et Christine, à Véronique, Paule, Marguerite, Elise, Elie et Adèle, plus stricte intimité en raison du Sa femme,
confinement. Ses enfants, de sensibilité aux antibiotiques. Il a
Rozet les félicitent chaleureusement. Christophe et Mirciale pour leur aide ses petits-enfants,
Ses petits-enfants, aussi été un pilier des enseignements
indéfectible au quotidien, leur Ses arrière-petits-enfants,
ont la tristesse d’annoncer le décès La famille vous invite à vous unir dirigés d’antibiothérapie. Il avait
Décès soutien et leur énergie, et aux en pensées ou en prières. Son frère,
de encadré les thèses de nombreux
formidables équipes soignantes des Toute sa famille,
Jean-François Guthmann, étudiants.
hôpitaux Saint-Antoine et Pitié- Geneviève Prince, Mireille Joubert,
président de l’OSE, Geneviève DELZANT, ont la tristesse de faire part du décès
Patricia Sitruk, Salpêtrière. née LANG, ses sœurs, du Son sujet préféré de recherche était
directrice générale, professeur émérite Danielle Pansu, Evelyne Pansu,
Les membres Libraire puis éditeur engagé, Jacques Joubert, la résistance bactérienne aux
de médecine interne, professeur
du conseil d’administration, Pierre était un passionné d’art et de ses belles-sœurs et beau-frère, Armand TAVITIAN, antibiotiques, particulièrement chez
Les membres de l’Amicale des Ses nièces et neveux, ancien directeur de recherches le staphylocoque doré. Il tenait à
anciens et sympathisants de l’OSE, cultures. survenu à Paris, le 2 avril 2020.
Ses cousines et cousins, à l’Inserm, regarder lui-même tous les tests de
s’associent à la douleur de la famille Une cérémonie religieuse sera Christiane Charmasson, ont la grande tristesse d’annoncer sensibilité aux antibiotiques de cette
survenu le 31 mars 2020,
et des proches de organisée ultérieurement en sa 16 rue d’Assas, le décès de dans sa quatre-vingt-huitième année. espèce bactérienne majeure en
mémoire. 75006 Paris. infectiologie. Il avait travaillé à
Dora AMELAN-WERZBERG, Bernard PANSU, Bertrand Tavitian, l’Institut Pasteur de Paris, dans l’unité
c.charmasson@orange.fr mélomane et lecteur, 186, rue de Vaugirard,
décédée mercredi 1er avril 2020, 20, rue Edouard-Vaillant, des agents bactériens (professeur
b.perdrisot@cerb.cernet.fr féru d’histoire, cruciverbiste, 75015 Paris.
à l’âge de quatre-vingt-dix-neuf ans. 93100 Montreuil. btavitian@yahoo.fr Patrice Courvalin) sur le transfert de
delzant@math.unistra.fr coloriste à ses heures,
martine.lambert25@gmail.com fan du Tour de France la résistance bactérienne.
Infirmière et assistante sociale de
formation, Dora Amelan-Werzberg, Chloé Duquénoy et Aline Le Bail- mdelzant@gmail.com et autrefois fier cycliste, Mme Jean-Pierre Ulmann,
engagée pendant la Seconde Guerre Kremer, née Aliette Pfeiffer, Aimé de ses collègues, Roland
mondiale par l’Œuvre de Secours aux ses amies orphelines, survenu à Paris, le 24 mars 2020, son épouse,
Anne et Paul Elkaïm, Bismuth était leur « Bibi ». Ils sont
Enfants, est internée volontaire dans dans sa soixante-dix-septième année. Rémi et Catherine Ulmann,
sa nièce et son neveu, bien tristes aujourd’hui.
les camps de Rivesaltes et de Gurs, adressent toutes leurs condoléances Yves Ulmann,
Sa famille, Une cérémonie civile sera
jusqu’en 1943. Elle accompagne ses enfants,
à la famille, à la compagne, aux Ses amis, organisée ultérieurement. Constance et Jean-Michel,
ensuite des convois d’enfants et L’équipe du service de
d’adultes jusqu’à Annemasse, point collègues et aux proches de Valentine, Paul,
ont la douleur de faire part du décès bactériologie-hygiène de l’hôpital
de passage pour la Suisse. bernardpansu@gmail.com ses petits-enfants,
Jean-François CESARINI, de Mireille Joubert-Pansu, Pitié-Salpêtrière.
Le 12 mai 2016, Jean-François 600, rue de Bouillargues, ont le chagrin de faire part du décès
Guthmann, président de l’OSE, lui disparu le 29 mars 2020. Claudette ELKAÏM, 30000 Nîmes. de Communication diverse
avait remis les insignes de chevalier chevalier
dans l’ordre national de la Légion de l’ordre des Palmes académiques, Jean-Pierre Emile ULMANN,
d’honneur pour son rôle dans le Mais particulièrement aussi au Nicole Paoletti, chevalier de la Légion d’honneur,
cercle de sœurs extraordinaires qu’il chevalier son épouse,
sauvetage des enfants juifs pendant officier
la Seconde Guerre mondiale. a su réunir sous son aile protectrice de l’ordre national du Mérite, Anne, Odile et Laurent, Patrick dans l’ordre national du Mérite,
Dora Amelan-Werzberg était une et Christine,
et d’absolue bienveillance tout au
femme forte, courageuse et engagée. survenu le 23 mars 2020, dans sa ses enfants, survenu le 28 mars 2020,
long de sa vie. Noée, Paul, Andrea, Eva,
quatre-vingt-onzième année, après à l’âge de quatre-vingt-dix ans.
un long combat contre la maladie. ses petits-enfants,
Michèle Bank, Ces mots surtout pour Amélie, 15, rue Théodore-de-Banville,
son épouse, Clémence, Cécile, Céline, Alexandra, ont la douleur de faire part du décès Envie d’être utile ? Rejoignez-nous !
75017 Paris.
David et Norine Bank, Sébastien Lafarge, du
Karine et Yves Cohen, Joanna, Christine, Jess, Yaël, Eve,
Sidonie et Nicolas d’Halluin,
ses enfants et leurs conjoints, Sabrine. Anniversaire de décès Les bénévoles de SOS Amitié
ses enfants et son gendre, colonel
Ava, Jenna, Roni, écoutent
Ses petits-enfants François PAOLETTI,
Ary, Axel, Oren, La force de « Jef », sa générosité, Il y a vingt-six ans, par téléphone et/ou par internet
Et toute sa famille, Saint-Cyrien
ses petits-enfants, son intelligence, sa folle poésie et ceux qui souffrent de solitude,
promotion lieutenant-colonel
Gilles et Yves Dahan,
son humour nous laissent, même Chaim KERBER de mal-être et peuvent avoir
ses beaux-frères, ont la douleur de faire part du décès Amilakvari,
dans la mort, même dans les larmes, de chevalier de la Légion d’honneur, des pensées suicidaires.
nous quittait.
ont la douleur de faire part du décès le bonheur ému et éternel de l’avoir chevalier
du eu comme ami, le plus merveilleux Hervé LAFARGE, de l’ordre national du Mérite. Nous pensons à lui en associant Nous recherchons des écoutants
et aimé qui puisse être lorsque l’on maître de conférence le souvenir de son épouse, bénévoles
docteur Abraham BANK, est une femme. à Paris IX Dauphine, survenu le 28 mars 2020, à Paris. sur toute la France.
pédiatre, professeur associé au CESAG, Sarah KERBER L’écoute peut sauver des vies
Il a lutté courageusement contre
« Il n’y a peut-être rien qui ennoblit et enrichir la vôtre !
le samedi 28 mars 2020, à Pérols, le Covid-19. et le souvenir de son petit-fils adoré,
dans sa quatre-vingt-troisième année. plus un être humain survenu le 11 mars 2020, à Dakar. Choix des heures d’écoute,
que de savoir garder un secret. » Il sera inhumé dans l’intimité Fabian BOISSON, formation assurée.
Antoine et Vanessa Bénichou, Søren Kierkegaard. Philippe et Brune Littaye, compte-tenu de la crise sanitaire.
son fils et sa belle-fille, Stéphanie et Pierre-Olivier Leblanc, trop tôt disparu En IdF RDV sur
(Le Monde du 1er avril.)
Clara, Mathias et Raphaël, Une messe du souvenir sera www.sosamitieidf.asso.fr
son frère, sa sœur et leurs conjoints, et sa fille,
ses petits-enfants, organisée ultérieurement et sera En région RDV sur
Juliette Fressonnet, Marguerite, Estelle, Clarisse, annoncée dans ces pages. www.sos-amitie.com
Vincent et Sylvain Lindon,
sa fille, Maxence et Louise Nathalie KERBER.
ses beaux-fils,
Christiane Lambert, Albert et Nicole Chouraqui, ses nièces et neveux, A ceux qui l’ont connu et aimé,
sa compagne, André et Elizabeth Chouraqui, que vos pensées et prières
Les familles Littaye, Valmary, Société éditrice du « Monde » SA
Michel Chouraqui, l’accompagnent. Président du directoire, directeur de la publication Louis Dreyfus
ont la douleur d’annoncer le décès Couderc, Directeur du « Monde », directeur délégué de la publication, membre du directoire Jérôme Fenoglio
de ses frères et belles-sœurs,
aopaoletti@yahoo.com Directeur de la rédaction Luc Bronner
Simon, Hannah, Elias, Alicia, Directrice déléguée à l’organisation des rédactions Françoise Tovo
ont la grande tristesse de faire part
Pierre BÉNICHOU, Noémi, David, Sacha, Direction adjointe de la rédaction Grégoire Allix, Philippe Broussard, Emmanuelle Chevallereau, Alexis Delcambre,
du décès de Philippe Réfabert, Benoît Hopquin, Marie-Pierre Lannelongue, Caroline Monnot, Cécile Prieur, Emmanuel Davidenkoff (Evénements)
journaliste, Alexandre et William, Directrice éditoriale Sylvie Kauffmann
son compagnon de recherche, Rédaction en chef numérique Hélène Bekmezian
ses neveux et nièces adorés, Rédaction en chef quotidien Michel Guerrin, Christian Massol, Camille Seeuws, Franck Nouchi (Débats et Idées)
survenu le mardi 31 mars 2020, Alain LITTAYE,
à son domicile, s’associe à la famille et aux membres Directeur délégué aux relations avec les lecteurs Gilles van Kote
de l’Association Torok Abraham Directeur du numérique Julien Laroche-Joubert
ont l’immense douleur de faire part
survenu le 7 mars 2020. pour faire part du décès, survenu Chef d’édition Sabine Ledoux
En raison des circonstances du décès brutal de Directrice du design Mélina Zerbib
actuelles, la crémation aura lieu dans le 26 mars 2020, à Stockholm, de Direction artistique du quotidien Sylvain Peirani
la plus stricte intimité. Photographie Nicolas Jimenez
Danièle CHOURAQUI, En raison des circonstances, une Infographie Delphine Papin
Barbro SYLWAN, Directrice des ressources humaines du groupe Emilie Conte
109, rue de l’Université, cérémonie de souvenir aura lieu psychanalyste à Paris Secrétaire générale de la rédaction Christine Laget
75007 Paris. survenu à l’âge de soixante-dix ans. ultérieurement. de 1960 à 2000. Conseil de surveillance Jean-Louis Beffa, président, Sébastien Carganico, vice-président
0123
30 | 0123 SAMEDI 4 AVRIL 2020

CULTURE | CHRONIQUE MUNICIPALES : 


p a r m i c he l g ue r ri n
L’INÉVITABLE 
Disney + dope IMBROGLIO record, reflet de la profonde réticence des
citoyens à accomplir leur devoir électoral
dans des conditions de sécurité sanitaire
tégralité de l’élection ? Consultés, les consti­
tutionnalistes sont apparus divisés, si bien
que le gouvernement a dû trancher, sous
la culture de salon qui ne semblaient plus garanties. Quelques
jours plus tôt, le président de la République
avait annoncé la fermeture des écoles et des
le contrôle du Conseil d’Etat puis du Parle­
ment : avant l’été, il n’y aurait pas lieu de
refaire un premier tour ; après l’été, il serait
universités et, la veille, son premier minis­ en revanche nécessaire, afin de garantir la
tre avait décrété celle des restaurants, cafés, sincérité du scrutin, mais dans les seules

L
a France est figée et voilà DANS LES PAYS  cinémas et commerces non essentiels, afin communes où les conseils municipaux
qu’un trublion améri­ de limiter la propagation du virus. Le soir sont incomplets.
cain, telle la boule dans OÙ DISNEY +  du dépouillement, l’évidence sautait aux Autrement dit, les maires élus dès le pre­
un jeu de quilles, bous­ yeux : le second tour ne pourrait se tenir mier tour le resteront, quoi qu’il arrive. Cela
cule notre paysage culturel. EST DÉJÀ PASSÉ,  comme prévu. Il fallait le reporter. concerne la très grande majorité des com­
Mardi 7 avril, le groupe Disney Depuis, ce second tour joue l’Arlésienne. munes (30 000 sur 35 000) et cela donne
lance sa plate­forme payante de
IL A FAIT  La date du 21 juin a été avancée, mais elle ne lieu sur le terrain à des situations ubues­
films et séries nommée Disney +.
Sans virus, ce serait un événe­
ment. Avec virus, c’est un évé­
nement décuplé. La firme jure ses
grands dieux qu’elle n’entend pas
LA RAZZIA

vieillir depuis des années. Mais


l’érosion est lente. Surtout le con­
L a bonne organisation des élections,
garantie par la stricte application des
textes, est un des piliers de la démo­
cratie. A cet égard, la succession d’aléas que
rencontre la tenue du scrutin municipal,
semble plus d’actualité. Au cours d’une
visioconférence jeudi avec les élus, le pre­
mier ministre, Edouard Philippe, n’a pas
caché qu’un nouveau report était probable,
« peut­être en octobre, voire après », en
ques : les nouveaux élus n’ont en effet pas
été autorisés à entrer en fonctions. Ce sont
les anciennes équipes battues qui restent
aux commandes.
On peut s’étonner du relatif consensus
surfer sur le malheur des gens, finement vaut cure de jouvence. initialement prévu les 15 et 22 mars, n’est raison des incertitudes qui pèsent sur la dans lequel cet imbroglio électoral se dé­
plutôt leur donner plaisir et ré­ Les Français la regardent en pas à prendre la légère. On sait quand ce date du déconfinement et ses modalités. roule, au risque de déboucher sur de nom­
confort. Disons que la date tombe moyenne 1 h 30 de plus par jour. scrutin a commencé, mais on ignore quand Une fois encore, beaucoup dépendra de breux recours lorsque le scrutin sera
à pic, tant la plate­forme offre de C’est historique. Mondial aussi. Et il prendra fin, et on découvre que les règles l’avis des experts scientifiques, qui définitivement clos. C’est que chacun s’em­
quoi occuper les enfants et leurs ce sont les jeunes, les 15­24 ans, qui le régissent dérogent à l’ordinaire. L’état fourniront un rapport sur la situation épi­ ploie à réparer l’erreur collective qui a con­
parents confinés. qui font bondir l’audience. d’urgence sanitaire en vigueur depuis le démique le 23 mai. sisté à vouloir maintenir coûte que coûte le
On en parlerait moins si Disney, Les rediffusions sont pourtant 23 mars ne bouscule pas seulement l’équili­ Reporter la totalité d’un scrutin en raison premier tour du scrutin, alors même que la
après avoir multiplié les achats et nombreuses, par manque de pro­ bre entre l’exécutif et le Parlement, il ne de circonstances exceptionnelles n’a rien situation sanitaire se dégradait à vue d’œil.
les succès en quinze ans, ne dévo­ grammes frais. Mais les familles restreint pas seulement l’exercice des liber­ d’évident. Le couper en deux relève de la L’opposition tenait à sa revanche et l’exécu­
rait pas 40 % du cinéma améri­ se recomposent au domicile tés publiques, il influence aussi le déroule­ gageure, car aucun texte ne précise le mode tif craignait de se voir accusé d’un coup de
cain, en plus de positions lourdes autour des gamins et ados tenus ment de la vie communale. d’emploi. Peut­on conserver les résultats force. La crise sanitaire était là, mais
dans la télévision, les parcs d’at­ au bercail. Elles ont besoin de ri­ Le premier tour des élections a bien eu du premier tour pour n’organiser que le personne n’était prêt à admettre qu’elle
tractions ou les produits dérivés. tuels à partager. Tous les soirs à lieu le 15 mars, mais sur fond d’abstention second, ou faut­il au contraire rejouer l’in­ allait tout changer. 
Son catalogue est vertigineux : les 20 heures, elles applaudissent
dessins animés cultes de Walt aux fenêtres puis regardent en­
Disney, ceux novateurs de Pixar, semble le journal télévisé. Se ras­
les super­héros de Marvel, les surent devant La Grande Va­
films Toy Story, Star Wars, La Reine drouille ou découvrent un pro­
des neiges, Le Roi lion, Avatar, Tita­ gramme éducatif, par exemple
nic, Les Simpson… Sept des plus « La Maison Lumni » sur France 4.
gros succès de 2019 ont sa marque. La télévision, lucarne rassem­
Champion du recyclage de pro­ bleuse, reste indispensable par
duits anciens et de l’étirement des temps chaud, de liesse comme de
nouveaux, Disney va ouvrir sa pla­ drame. Mais aussi par temps
te­forme en France avec 500 films, calme. Son audience, dopée par
300 séries et 25 nouveautés. A dé­ les consultations sur les écrans
couvrir pour 6,99 euros par mois mobiles, domine toujours large­
sur le site de Disney ou sur Canal+.
Son arme inaugurale est la série
ment celle des plates­formes. Ces
dernières bâtissent leurs succès MESSAGE POUR LES ABONNÉS LIVRÉS PAR LA POSTE – COVID-19
The Mandalorian, déclinaison de sur la fiction (film ou série), alors
l’univers Star Wars. que la télévision a une offre bien
Dans les pays où Disney + est plus large, notamment sur l’in­ MESURES EXCEPTIONNELLES DE DISTRIBUTION
déjà passé, il a fait la razzia. Lors formation et le sport, sur les fic­
de son lancement, le 12 novem­ tions françaises aussi, dont le pu­
bre 2019, 10 millions d’abonnés blic est friand ; un secteur où Net­
en un jour aux Etats­Unis, au Ca­ flix et Disney + sont pour l’instant
nada et aux Pays­Bas (30 millions peu présents.
aujourd’hui). Le 24 mars, 5 mil­
lions d’abonnés en 24 heures
Ajoutons que notre exception
culturelle freine Disney. Les Fran­
En raison de la situation sanitaire, nous vous informons
dans sept pays européens. La çais abonnés ne pourront pas que La Poste modifie l’organisation de ses tournées
France dit avoir convaincu Disney voir mardi ses dessins animés ré­
de repousser son arrivée en cents, tels La Reine des neiges 2, de distribution de courrier. Tous vos journaux seront
France du 24 mars au 7 avril afin
d’éviter la surchauffe de l’Inter­
Cars 3 ou Toy Story 4, ni les films
Avengers : Endgame ou Black Pan­
livrés mais les jours de livraison vont être adaptés.
net, c’est tout dire. ther. A cause de la législation qui
impose trois ans – une éternité L’ensemble de vos journaux est désormais livré trois
Voie royale pour les jeunes – entre la sortie en
Car la bande passante que dévore salle d’un film et sa diffusion sur jours par semaine : les mercredi, jeudi et vendredi.
le streaming visuel est à la hau­
teur de son succès – il est en
une plate­forme.
Reste que la dynamique du Pour les abonnés livrés par portage, la distribution
hausse de 64 % depuis un an. streaming force les chaînes fran­ reste assurée quotidiennement pour le moment.
Disney + s’engouffre dans la voie çaises à l’union sacrée. TF1, France
royale ouverte par Netflix, alléché Télévisions et M6, peut­être Arte,
par ses 167 millions d’abonnés lanceront en septembre leur pla­ Nous vous rappelons que, en tant qu’abonnés, vous pouvez
dans le monde. Amazon, Apple, te­forme de streaming sous le
bientôt HBO Max aux Etats­Unis, nom de Salto, avec une offre consulter le journal papier en version numérique tous
d’autres encore, suivent le mou­
vement, persuadés que l’avenir
payante très made in France.
Un peu pour rivaliser avec Netflix
les jours, avant 13 heures, sur le site journal.lemonde.fr
leur appartient. Au point que ou Disney, beaucoup pour atti­ ou l’application Journal Le Monde sur mobile et tablette.
Disney + est prêt à perdre des mil­ rer les jeunes qui désertent leurs
liards jusqu’à 2025, date de sa ren­ chaînes.
tabilité annoncée, en espérant Cette rivalité stimulante entre
90 millions d’abonnés. écrans domestiques pourrait tout
Certains craignent une satura­ de même faire une victime : la Pour y accéder, vous avez deux possibilités :
tion de ce marché. D’autres esti­ culture des lieux fixes – musées,
ment qu’on en est loin, et même théâtres, salles de concert ou de
que le match sanglant entre cinéma –, pas celle des festivals. K JE CRÉE MON COMPTE au moyen de mon numéro
Disney + et Netflix n’aura pas lieu,
tablant sur leur complémenta­
Bien avant le confinement, des
études montraient que la culture de client + mon code postal + mon adresse e-mail sur
rité – le second cible plutôt les de salon, sur les écrans enrichis lemonde.fr/sfuser/account
adultes. Disney annonce aussi par YouTube et les réseaux so­
pour 2021 l’extension au monde ciaux, grignote peu à peu la cul­
de sa plate­forme pour adultes
Hulu. D’autres opérateurs réflé­
ture de sortie.
Il est probable qu’une fois la pa­ K JE POSSÈDE DÉJÀ UN COMPTE sur le site du Monde
chissent à de la vidéo gratuite fi­
nancée par la publicité.
renthèse fermée, les théâtres,
musées ou cinémas reprendront
rattaché à mon adresse e-mail : je n’ai pas besoin de
Selon Reed Hastings, le patron leurs droits. « Il y a de la place pour créer un nouveau compte, je m’identifie directement sur
visionnaire de Netflix, les chaînes tout le monde », veulent rassurer
de télévision classiques seront les les décideurs des écrans. Sauf que secure.lemonde.fr/sfuser/connexion
victimes du streaming. Rien n’est certains pourraient en gagner et
moins sûr. La télévision de papa d’autres en perdre. Déjà le strea­
voit en effet son public décliner et ming menace frontalement la
salle de cinéma. On l’a vu aux
Etats­Unis, où nombre de salles Nous vous remercions pour votre compréhension et vous
LA CULTURE  ont fermé. Plus largement, l’enjeu
de demain sera de savoir com­
tiendrons informés de l’évolution de la situation.
DE SALON  ment donner aux jeunes le goût Plus que jamais, votre soutien nous est indispensable pour
d’aller au théâtre, au musée, au ci­
GRIGNOTE PEU À  néma autre que de divertisse­ continuer à défendre un journalisme rigoureux et indépendant.
PEU LA CULTURE  ment, ou de lire un livre. C’était
déjà difficile il y a dix ans. Ça le
DE SORTIE sera encore plus demain. 

Tirage du Monde daté vendredi 3 avril : 141 861 exemplaires

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