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© ESF éditeur
SAS Cognitia
20, rue d’Athènes
75009 Paris
6e édition 2016
www.esf-scienceshumaines.fr
ISBN 978-2-7101-3166-3
Pour un enseignement
de l’oral
Initiation aux genres formels à l’école
Pédagogies
Collection dirigée par Philippe Meirieu
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* *
Voir la liste des titres disponibles dans la collection « Pédagogies »
en fin d’ouvrage et sur le site www.esf-scienceshumaines.fr
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Avertissement.............................................................................................. 10
Introduction : Une démarche d’enseignement de l’oral ........................... 11
Au début était le parler ........................................................................ 11
Le tournant communicatif des années soixante/soixante-dix................ 14
Une pratique peu consolidée, hésitante, tâtonnante .............................. 15
Une notion floue auprès des acteurs..................................................... 17
Ce qui rend l’enseignement de l’oral difficile ...................................... 19
Vers un modèle de l’enseignement de l’oral......................................... 20
Des approches multiples...................................................................... 22
Première partie
UN PARCOURS DIDACTIQUE
Chapitre 1 : Récit d’élaboration d’une séquence : le débat public
(avec la collaboration de Jean-François de Pietro)........................................ 27
Quoi enseigner ?.................................................................................. 27
Quels aspects du débat d’opinion travailler en classe ? ........................ 29
Quelles sont les capacités argumentatives des élèves dans les débats ?.. 32
Construire un modèle didactique du débat régulé ................................ 34
Quel thème de débat choisir ?.............................................................. 36
Comment travailler les contenus ? ....................................................... 38
La gestion de l’enseignement .............................................................. 40
Des documents « authentiques » fabriqués........................................... 41
Des normes pour l’oral ........................................................................ 43
La place de l’enseignant et le sens des choses...................................... 45
Coda.................................................................................................... 46
Deuxième partie
BASES POUR UN ENSEIGNEMENT DE L’ORAL
Chapitre 2 : L’oral comme texte : construire un objet enseignable
(avec la collaboration de Sylvie Haller) ....................................................... 49
Oral : ce qui est dit de vive voix .......................................................... 51
Oral et écrit : deux formes de réalisation du langage en interaction...... 58
Les genres oraux – outils de communication.
Une voie pour structurer l’enseignement de l’oral................................ 63
Des modèles didactiques de genres...................................................... 69
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Troisième partie
EXEMPLES DE SEQUENCES DIDACTIQUES
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AVERTISSEMENT
Nous rééditons ce livre parce qu’il donne des pistes pour l’enseignement de
l’oral, plus actuelles aujourd’hui que jamais. En effet, la démarche qui y est pro-
ments officiels qui se réfèrent dorénavant, comme le livre, aux genres de texte
posée et illustrée par des exemples est en très bonne adéquation avec les docu-
Nous rééditons le livre tel quel, sans modifications, à part quelques corrections
mineures. L’ouvrage présente les principes d’une démarche d’enseignement et
des exemples de séquences qui ne dépendent pas directement de connaissances
scientifiques nouvelles. La littérature citée reste de ce point de vue valable.
Ce livre est une œuvre collective. Il est le résultat d’un travail d’équipe compre-
nant, outre les responsables de ce livre : Jean-François de Pietro, Janine Dufour,
Serge Erard, Sylvie Haller, Massia Kaneman, Christiane Moro, Gabriella
Zahnd. Les hypothèses de travail, le cadre théorique, les démarches d’interven-
tion, les analyses des productions des élèves ont été élaborés dans un processus
de collaboration très étroite. Certains des chapitres du livre ont été écrits avec la
participation de l’un ou l’autre des membres de l’équipe. Nous l’indiquons dans
la table des matières.
Nous remercions par ailleurs vivement Sylvie Haller et Carmen Perrenoud-Aebi
qui ont relu très attentivement le manuscrit.
Joaquim Dolz et Bernard Schneuwly, août 2016
1. eduscol.education.fr
2. plandetudes.ch
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Introduction
Jusque dans les années soixante, on ne trouve guère le terme « oral » dans les
plans d’études et instructions officielles ou dans les manuels. On évoque plutôt
le parler des élèves, sur lequel il faut agir en fonction de deux finalités princi-
pales. La première consiste tout simplement à apprendre à parler français aux
élèves : l’apprendre à ceux qui parlent l’allemand ou d’autres langues, ainsi qu’à
ceux qui parlent le patois ; mais aussi l’apprendre aux francophones qu’il faut
amener à parler correctement, c’est-à-dire en respectant les normes du français
écrit. L’autre finalité consiste à amener les élèves à utiliser la parole pour
apprendre leurs leçons. Savoir une leçon signifie l’avoir apprise par cœur et le
« parler », c’est-à-dire la bonne récitation de la leçon, constitue le principal outil
d’évaluation des élèves. Les deux exercices phares du travail sur la parole sont,
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Le tournant communicatif
des années soixante/soixante-dix
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1. Cette analyse très exhaustive et minutieuse nous permet de ne pas entrer trop dans le détail des nombreux
travaux sur l’oral ; le lecteur intéressé peut se référer à Lazure (1991), facilement accessible, ou à Lazure
(1992) pour une présentation très détaillée.
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Peu d’analyses sont disponibles sur la conception que les enseignants, qui sont
parmi les principaux acteurs du système scolaire, ont de l’oral. Les quelques
recherches effectuées montrent qu’on peut analyser leurs représentations comme
une sédimentation très complexe de diverses pratiques qui se sont développées au
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3. La recherche a été rendue possible grâce à une subvention du Fonds national de recherche scientifique 11-
40505.94 et de la Commission romande des moyens d’enseignement. Nous remercions les très nombreux
enseignants et leurs élèves avec lesquels nous avons pu collaborer aux différentes phases de l’expérimenta-
tion de la démarche. Ont participé à l’expérimentation des premières versions du matériel d’enseignement :
Eugène Antille, Joëlle Brunetti, Stéphanie Colin, Évelyne Crausaz, Patricia Dafflon, Pascal Davet, Olivier
Deforel, Catherine Frichot, Blouette Forestier, Monique Gerdil, Madeleine Goumaz, Christian Hofstetter,
Fabienne Jacquet, Nicole Jannin, Marie-Gabrielle Montessuit, Élie Prigent, Annick Rosselet, Sylvain Rudaz,
Émilie Sjollema-Schneider, Maurice Thierrin, Catherine Tuil, Christine Vizcaino, Marie Von Gunten, Muriel
Wacker.
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l’oral proposées aux élèves ne peut être que profitable. Nous pensons notam-
ment au travail sur le conte (Dezutter, 1996/7), au travail concernant divers
discours scolaires dans et à travers l’usage (Nonnon, 1996/7), ainsi qu’aux
nombreuses propositions de jeu existant dans la littérature (Tochon, 1997).
On peut cependant se demander si l’existence de l’oral comme objet scolaire
clairement délimité ne constitue pas la meilleure garantie de sa présence
comme véritable activité d’enseignement/apprentissage, existence dont pro-
fiteraient d’ailleurs toutes les approches de l’oral à l’école. Notre espoir
secret est bien sûr que notre démarche devienne vraiment générative, c’est-
à-dire qu’elle aboutisse à la génération de séquences nombreuses, sous-
ensemble de l’ensemble infini de séquences potientelles.
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Première partie
Un parcours didactique
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L’oral s’enseigne. Pour trouver une voie pour l’enseigner, nous avons élaboré
quatre séquences didactiques et les avons testées dans de nombreuses classes.
Ce chapitre contient le récit de l’élaboration d’une séquence didactique, celle
portant sur le débat. En retraçant les étapes de conception puis de réalisation de
la séquence, en racontant également la manière dont se construit une séquence
de ce type à travers un constant va-et-vient entre les hypothèses et la pratique
sur le terrain, nous désirons familiariser le lecteur avec une démarche. Ce fai-
sant nous nous efforçons également de penser, et donc de rationaliser après
coup, une pratique au départ largement intuitive particulièrement en ce qui
concerne ses enjeux et ses implications, afin de faire apparaître les questions à
se poser pour construire une séquence d’enseignement sur l’oral.
Entrons maintenant directement dans le récit : l’équipe décide de tester la possibi-
lité d’enseigner l’oral. Bien, mais quel oral ? Comment l’enseigner ? Et pourquoi ?
Voici les étapes qui ont abouti à la séquence didactique pour le débat public.
Quoi enseigner?
1. Une enquête réalisée auprès des enseignants de 6e année de Suisse romande (élèves de 11-12 ans) montre
par exemple que le débat est certes peu pratiqué mais qu’il est pourtant considéré comme l’une des formes les
plus utiles pour développer une meilleure maîtrise de l’oral (Cf. Pietro et Wirthner, 1996).
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2. Diversité évidente qui porte à la fois sur le formalisme des échanges et leur gestion, la complexité du
contenu, etc. Mais les mêmes mécanismes sont, dans une large mesure, susceptibles d’apparaître dans les deux
cas, de la recherche de l’argument décisif à la contre-argumentation, voire au recours à la mauvaise foi, à
l’argument d’autorité – qui chez les enfants peut se manifester de manière parfois violente…
3. La réthorique classique (cf. Perelman et Olbercht-Tyteca, 1958/88) distinguait déjà des genres argumenta-
tifs tels que le délibératif (pour régler des choix politiques), l’épidictique (pour renforcer les normes morales)
et le judiciaire (pour sanctionner les conduites repréhensibles). Garcia-Debanc (1996/7) s’inspire notamment
de Jacques (1991) pour établir une typologie des situations d’argumentation scolaires.
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Pour répondre à cette question cruciale, nous avancions à tâtons en travaillant sur
trois domaines à la fois 5 : premières esquisses de séquences didactiques, étude de la
littérature concernant l’argumentation et analyse de productions d’élèves.
4. C’est la psychologie sociale et cognitive qui a montré l’intérêt d’un travail entre pairs, même lorsque aucun
d’entre eux ne possède la solution dans sa totalité, pour l’apprentissage. Cf. Perret-Clermont (1979), Doise et
Mugny (1981), Schubauer-Leoni et Perret-Clermont (1980).
5. Le manque de travaux psychologiques et didactiques sur les capacités des élèves (cf. Brassart, 1987 et
Golder, 1996, à titre d’exception) ne nous a jamais autant frappés que lorsque nous devions essayer d’impro-
viser ces séquences sur l’oral. Bien plus que pour l’écrit, il n’y a ni point de référence dans les pratiques sco-
laires traditionnelles ni travaux de recherche.
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12. C’est ce que Garcia-Debanc (1996, p. 3) nomme les « productions discursives polygérées ».
13. Roulet, citant Pomerantz, rappelle que « la manière la plus habile d’introduire un rejet [est] de commencer
par manifester un accord avec le point de vue de l’interlocuteur », autrement dit de procéder par une « reprise
diaphonique concessive du discours effectif ou potentiel de l’interlocuteur » (1989, p. 11-12).
14. L’ensemble des exemples présentés dans le texte est emprunté aux données recueillies dans le cadre de
nos recherches, Fonds national suisse de recherche scientifique 11-40505.94.
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capacités effectives, à la fois en nous fondant sur la littérature existante (et nous
pourrions dire pionnière, étant donné la rareté des recherches dans ce domaine)
et aussi, et surtout, sur le recueil et l’analyse de débats effectifs réalisés par des
élèves.
Les quelques travaux de linguistes et de psychologues sur le sujet nous ont per-
mis de préciser certains des éléments qui nous étaient intuitivement apparus
comme pertinents. François (1980), par exemple, décrit quelques-uns des méca-
nismes mis en œuvre par de jeunes enfants au début de la scolarité, en particu-
lier ce qu’il a dénommé la « structure en étoile », qui constitue une « caractéris-
tique fondamentale, sous-jacente à toute conduite plus complexe : sur un
élément thématique, apporter des aspects, des points de vue opposés, condition
minimale en deçà de laquelle aucune argumentation n’est possible » (p. 86).
Analysant ce qui est déjà là chez le jeune enfant, François souligne ainsi qu’on
« voit, si les conditions en sont réunies, apparaître très tôt cette efficacité du dia-
logue qui ne se réduit ni à une compétence cognitive ni à une compétence lin-
guistique et que la majorité des psychologues oublie » (p. 94) 15.
Nos propres matériaux ont confirmé que les élèves sont très tôt capables de pro-
duire des interventions qui comportent une prise de position étayée par un argu-
ment 16 :
Mais c’est quand même bien qu’on soit ensemble parce que quand on sera
plus grand et pis que par exemple on se marie avec euh – avec un garçon ou
bien avec une fille et ben : – on peut quand même pas tout le temps se – se
chamailler [élève de 10 ans].
Cela – même s’ils se contentent parfois d’une simple prise de position et si les
structures d’énoncés restent souvent très stéréotypées, du type moi je suis
pour/contre X, parce que si Y, (alors) Z :
Maître Vous n’avez plus d’idées?
Gaëlle … (chuchotements)
Vanessa Je suis aussi un… un peu de l’avis à : Gaëlle aussi – parce que –
c’est vrai – quoi ? – (chuchotements)
15. Ce n’est que récemment que l’argumentation est devenue objet d’enseignement à l’école primaire. On
considérait, auparavant, qu’il valait mieux aborder cet objet plus tard. Cf. Dolz (1993).
16. Cf. également François (1980, p. 89), qui fait la même constatation à propos d’enfants en début de scola-
rité : « Alors que précédemment, le lien des énoncés était pour l’essentiel marqué par leurs seules implica-
tions lexicales, ici la fréquence des “parce que” est corrélative d’une relation explicite de justification des
énoncés précédents. »
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17. Voir toutefois Garcia-Debanc (1996/7, p. 62), qui montre, pour des élèves de CM1, l’importance du travail
de reformulation dans l’émergence de la controverse et la formulation des raisonnements : « L’interaction, par
les reformulations successives qu’elle permet, contribue à aider l’élève à formuler un raisonnement. »
18. Cf. Garcia-Debanc 1996/7, p. 66 et s. ; Pietro et al. (1996/7), p. 105.
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Finalement, que doit-on retirer de ces observations pour définir les éléments à
travailler dans la classe ? Nous connaissions – partiellement – les manières
d’argumenter de locuteurs adultes ; nous entrevoyions quelles étaient les capaci-
tés et les difficultés des apprenants et nous avions une certaine expérience du
travail sur l’argumentation à l’écrit. En croisant ces trois sources d’informations
et en extrapolant quelque peu, nous pouvions tenter, d’une part, d’établir des
pistes plus cohérentes, d’autre part, de définir des principes à même d’orienter
l’intervention didactique et, enfin, de rendre possible une progression aux diffé-
rents degrés de l’apprentissage.
19. Cf. Nonnon (1996/7, p. 33) qui remarque à ce propos que « le passage d’assertions à des énoncés problé-
matiques, l’apparition des questions et leur transformation peuvent être un indice de ce bougé des attitudes
[...] ». Cf. aussi Habermas (1987) : « Ceux qui prennent part à l’argumentation adoptent vis-à-vis des exi-
gences de validité controversées une attitude hypothétique ».
20. E. Nonnon, qui esquisse une liste d’indicateurs « pour repérer le travail discursif des élèves », nous rend atten-
tifs à d’autres dimensions encore : elle considère en effet que « [la limite] est plutôt dans la difficulté à expliciter les
principes et les orientations argumentatives, et donc les seuils franchis successivement, et à en formaliser les acquis
conceptuels : c’est toujours l’enseignant qui institutionnalise, et de manière partielle, ces acquis de l’argumenta-
tion, et la discussion n’échappe pas toujours à une sorte de “fuite du sens”. » (1996/7, p. 29).
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21. Pietro et al. (1996/7). Notre présentation ne suit ici que partiellement le processus réel de notre élabora-
tion. Le modèle didactique dont nous parlons ici n’est en fait apparu sous une forme explicite qu’au cours
même de l’élaboration de la séquence, au moment où il s’agissait de synthétiser les éléments travaillés.
22. Miller (1987), Nonnon (1996/7).
23. Cf. Kerbrat-Orecchioni (1990, p. 117 et s.).
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amateur de skate board, etc. Par conséquent, nous avons trouvé fondamental de
travailler aussi à d’autres niveaux que celui du comportement et de prendre en
considération le développement de la capacité des élèves à construire une repré-
sentation consciente de leur propre production grâce à la prise de distance.
Un thème qui intéresse les élèves, bien sûr, mais ce n’est pas suffisant ! Cette
question nous a passablement occupés et mérite qu’on s’y arrête. Comme nous
l’avons vu, nous avions organisé plusieurs débats d’élèves sur des thèmes
divers : « Où aller lors du voyage de fin de scolarité? », « Quel livre lire collec-
tivement ? », « Faut-il interdire les vélos dans les parcs publics? » en sont
quelques exemples. Tous ces thèmes ne sont pas équivalents mais ils nous ont
aidés à préciser quelques-unes des conditions qu’il faut réunir pour qu’un thème
de débat puisse servir à l’enseignement.
D’abord, nous avons vu qu’il existe différentes formes de débat ; or, certains des
thèmes ci-dessus relèvent du type délibératif et non du débat d’opinion. Plus
important, nous avons vu que le thème choisi devait réellement permettre une
controverse à propos de laquelle coexistent des opinions différentes, voire
opposées.
Un thème peut s’avérer trop complexe pour les élèves, car faisant appel à des
connaissances auxquelles ils n’ont pas accès (comme, par exemple, « Faut-il
intégrer les enfants migrants nouvellement arrivés dans les classes normales ou
organiser des classes spéciales pour leur permettre d’acquérir la langue ? »).
Mais le thème peut aussi être trop simple et manquer d’épaisseur sociale et
cognitive. On pense moins à cette situation qui, pourtant, rend aussi difficile
l’apprentissage des élèves, ceux-ci ne parvenant pas à construire des arguments
non triviaux et à faire autre chose que ce qu’ils savent déjà faire. Autrement dit,
le thème choisi doit permettre une véritable progression des élèves.
Une autre question se posait : fallait-il que le thème ait des implications réelles
dans la vie des élèves ou suffisait-il qu’il les intéresse ? Même si l’authenticité,
la réalité ne sont pas en soi des vertus didactiques, il est probable qu’il sera plus
difficile de motiver des élèves à débattre d’un thème dont ils savent qu’il est fac-
tice (cf. « Où aller lors du voyage de fin de scolarité ? », alors qu’aucun voyage
n’est prévu). Cette question se pose évidemment avec plus d’acuité pour le
débat délibératif qui, lui, doit déboucher sur une décision. Toutefois, bien que le
débat d’opinion ne vise pas une action immédiate, il semble bon que le thème
choisi corresponde à un enjeu réel et s’inscrive dans un champ où l’élève sent
qu’il peut être amené à intervenir. Mais, comme d’autres l’ont souligné avant
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nous 24, le thème ne doit pas non plus être si passionnel qu’il bloque toute possi-
bilité d’évolution des positions ou même de discussion (type : la peine de mort,
l’avortement). Ce type de thème présente aussi l’inconvénient, peut-être plus
grave encore, d’empêcher que les élèves puissent à certains moments se distan-
cer du débat et endosser une posture d’apprentissage.
Ainsi, nous avons défini quatre dimensions à prendre en compte lorsqu’il s’agit
de choisir un thème :
– une dimension psychologique incluant les motivations, les affects et les inté-
rêts des élèves ;
– une dimension cognitive, qui renvoie à la complexité du thème et à l’état des
connaissances des élèves ;
– une dimension sociale, qui concerne l’épaisseur sociale du thème, ses poten-
tialités polémiques, ses enjeux, ses aspects éthiques, sa présence réelle à l’inté-
rieur ou à l’extérieur de l’école et le fait qu’il puisse donner lieu à un projet de
classe qui fasse sens pour les élèves ;
– une dimension didactique, qui demande que le thème ne soit pas trop quoti-
dien et qu’il comporte de l’« apprenable ».
Si plusieurs thèmes étaient possibles, c’est le thème de la mixité à l’école que
nous avons, quant à nous, choisi de travailler : en effet, ce thème est tout à fait
susceptible de devenir objet de controverse sociale – il l’est d’ailleurs déjà aux
États-Unis, en Suisse alémanique où plusieurs syndicats d’enseignants l’ont
débattu en congrès, il l’est un peu en Suisse romande où des hebdomadaires en
ont fait le titre d’un dossier – il concerne les élèves et il n’est tout de même pas
trop « dramatique » ; en même temps, c’est un sujet qui possède une indéniable
épaisseur cognitive et sociale et qui permet donc une progression des débats en
relation avec un approfondissement des connaissances que les débatteurs intè-
grent à propos du thème.
Dernier problème et pas le moindre : parce que le thème choisi était d’une
certaine complexité pour permettre un réel approfondissement des prises de
position et un enrichissement des arguments invoqués, il devenait nécessaire
de prévoir, dans la planification de la séquence, des moyens pour que les
élèves puissent consulter des documents et découvrir de nouvelles informa-
tions. Autrement dit, l’enseignement doit permettre d’articuler la préparation
du contenu – ce qu’il y a à dire, l’inventio de la rhétorique – et l’apprentis-
sage des moyens linguistiques qui permettent de le dire – l’elocutio. Cela ne
semblait pas difficile : en effet, ne suffisait-il pas de fournir aux élèves des
documents à analyser en classe ou à la maison ? Mais cela ne fut pas si
simple !
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Dans la séquence que nous avons élaborée, nous nous sommes par conséquent
efforcés de proposer de nombreux documents oraux travaillés dans le cadre de
l’enseignement, à la fois pour y découvrir les moyens langagiers du débat et les
contenus qui permettent de débattre, mais sans exclure les documents écrits et
sans interdire aux élèves de venir argumenter devant la classe en disposant de
quelques notes.
25. Nous avons aussi dû traiter la question de la norme, voir plus bas. Sur la norme à l’école voir Schoeni
et al. (1988).
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La gestion de l’enseignement
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Dès le début, il était évident qu’un travail sur le débat impliquait de confronter
les élèves à des exemples authentiques de débats, à la fois pour leur donner
l’occasion d’observer comment ceux-ci fonctionnent, comment des « experts »
s’y comportent et pour éviter qu’on leur en présente une conception « idéali-
sée ». Cependant, l’exploitation de tels débats, surtout avec des jeunes élèves,
nous a posé de réels problèmes :
1. Il y avait d’abord la difficulté à trouver des débats qui portent justement sur le
thème qui est travaillé par les élèves : il n’y a pas tous les jours des débats TV
ou radio sur la mixité à l’école… ;
2. À supposer que cet obstacle puisse être surmonté, les débats dont nous
pouvions disposer présentaient encore un double inconvénient : ils étaient
souvent très difficiles à comprendre pour les élèves, parce qu’ils avaient lieu
dans un contexte spécifique (une votation à venir par exemple) et qu’ils met-
taient en jeu de nombreux savoirs auxquels les débatteurs se référaient impli-
citement ; ensuite, comme nous le disions précédemment, ces débats, s’ils
étaient effectivement authentiques, ne correspondaient pas nécessairement à
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ce que nous désirions transmettre aux élèves : faut-il vraiment leur enseigner
la mauvaise foi ou la langue de bois ? Est-il opportun de les confronter à des
débatteurs qui souvent ne s’écoutent pas vraiment et cherchent surtout à faire
valoir leur propre position, sans aucune intention de remettre celle-ci en ques-
tion 26 ?
Pour remédier à cette difficulté, nous avons décidé de « fabriquer » des docu-
ments authentiques. Mais que signifiait ici « fabriquer » ? En ce qui concerne
l’élaboration de documents qui jouent un rôle central dans la démarche, il ne
pouvait être question d’inventer des interventions, des arguments, etc., qu’on se
serait ensuite efforcé de mettre ensemble de la façon la plus naturelle possible,
afin qu’ils constituent un document d’apparence authentique. Non, cela n’aurait
eu aucun sens – puisque l’on veut justement confronter les élèves à des pra-
tiques langagières réelles de référence – et aurait été à coup sûr maladroit, tant il
est difficile à l’oral de se détacher des normes, largement inspirées de l’écrit,
que nous avons intériorisées.
C’est donc à un autre niveau que nous avons « fabriqué » ces documents. En
effet, nous avons organisé des situations de communication censées conduire à
la production des documents dont nous avions besoin : trois enseignants, choisis
en raison de l’intérêt qu’ils avaient manifesté à l’égard du thème traité dans
notre séquence, ont été invités à venir en débattre devant une classe d’élèves en
défendant honnêtement leur position et en s’efforçant d’être convaincants, donc
accessibles, pour leur public. Ce débat, régulé par un modérateur membre du
groupe de recherche, s’est très bien déroulé : adapté, compréhensible, intéres-
sant, il illustrait effectivement toutes les dimensions que nous avions définies
comme pertinentes à partir de nos lectures préalables et, surtout, des analyses
réalisées sur des documents « authentiquement authentiques »!
26. Il ne s’agit pas bien sûr d’exclure de tels comportements de tous les documents présentés aux élèves. Ils
peuvent être utiles en effet dans une perspective critique. Mais il y a problème dès lors que les élèves sont
confrontés uniquement à ce genre de comportements car ils développent alors une représentation du débat qui
ne correspond pas, nous semble-t-il, à ce qu’il pourrait être dans une conception démocratique de la société
(cf. Habermas, 1987 ; Miller,1987).
27. Selon nous, mais aussi selon Lebre-Peytard (1990), et selon nombre d’enseignants qui expriment des réti-
cences à l’usage de tels documents.
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Comme tous les enseignants et didacticiens qui travaillent sur l’oral, nous avons
été confrontés à la question des normes de l’oral ! Nous pensions échapper à ce
problème en travaillant sur des formes publiques et relativement formelles
d’oral, tel le débat, mais il n’en était rien. Là comme ailleurs lorsque nous avons
analysé les transcriptions effectuées à partir d’enregistrements de débats divers,
nous avons dû constater que le décalage entre les attentes qu’on pouvait avoir,
liées à notre rapport à l’écrit, et la réalité des productions était énorme.
L’exemple ci-dessous est extrait d’un débat d’adultes qui a eu lieu devant un
public d’élèves :
Alors moi je suis donc contre le fait de séparer les garçons et les filles parce
qu’on va pas revenir en arrière hein on reviendrait à l’école de nos grands-
parents et même à mon école puisque moi j’ai vécu le cycle donc dans une
école que de filles euh mais c’est vrai que quelquefois en ayant vu un petit
peu ce qui se passait entre les garçons et les filles surtout à la gym ou dans
certaines classes où il y a plus de garçons que de filles et ça pose un peu des
problèmes où les filles sont vraiment mises de côté euh des fois je me pose
un petit peu la question c’est vrai que c’est pas un système parfait mais enfin
je suis quand même pour le fait que les garçons et les filles soient ensemble
à l’école. (Femme adulte, Genève).
Ce décalage devient même tellement important lorsqu’on observe les produc-
tions d’élèves qu’on a parfois de la peine à lire ce qui est dit…
Les gens parlent-ils donc si « mal » ? Ou avons-nous besoin d’une thérapie de
choc pour soigner notre accoutumance à l’écrit ? Sans renoncer à toute exigence
normative, c’est bien sûr pour cette seconde solution que nous avons opté, en
nous efforçant de reprendre nos réflexions sur les normes à partir des pratiques
orales réelles de locuteurs qu’on peut considérer, toutes proportions gardées,
comme des « experts » : discours d’enseignants, de participants à des débats
radiophoniques, etc.
Étonnamment, la thérapie n’était pas si difficile qu’on l’avait cru ! Nous avons
été frappés, en effet, de constater que le décalage observé disparaissait dans une
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très large mesure dès que, au lieu de lire des transcriptions, nous écoutions les
enregistrements originaux : les mêmes extraits passaient très bien, étaient tout à
fait compréhensibles et les « fautes » ne se remarquaient même plus… Les enre-
gistrements d’élèves devenaient eux aussi beaucoup plus clairs, même si tous les
problèmes ne disparaissaient pas. Pour une large part, ce sont donc bien les
conditions mêmes de production du discours oral qui étaient en cause 28 : alors
que l’écrit, en principe, ne laisse apparaître que le produit final, le discours oral
retranscrit comporte toutes les traces de son processus de production (hésita-
tions, reprises, faux départs comme traces de processus de planification par
exemple). Il suffisait donc, pour (commencer à) modifier sa manière d’appré-
hender les productions orales, de les écouter plutôt que de les lire 29.
L’école n’en est pas moins une institution normative, qui, comme le dit
Klinkenberg (1982, p. 60) « ne se contente pas de dire ce qui est mais établit ce
qui devrait être ». Comment pouvions-nous établir des normes pour nos activi-
tés ? Pour y voir plus clair, nous avons distingué, d’une part, les niveaux sur les-
quels porte le discours normatif et, d’autre part, la manière d’intervenir normati-
vement au cours de l’enseignement :
a) Les normes peuvent porter au moins sur trois dimensions des productions
orales : leur fonctionnement communicatif (une intervention est-elle compré-
hensible, pertinente en contexte ? etc.), leur cohérence interne (marqueurs de
structuration, reprises anaphoriques, etc.), leur correction linguistique (syntaxe,
morphologie, lexique).
b) L’intervention normative peut être le fait de l’enseignant ou des élèves. Elle
peut être immédiate et interrompre, même momentanément, le déroulement de
la communication, mais elle peut aussi être différée à la fin de l’échange ou
même plus tard, sur la base d’un retour à l’enregistrement (commentaire rétro-
actif). De plus, l’intervention peut se faire sur un mode intégré, implicite, par
exemple en utilisant la forme correcte dans un énoncé qui enchaîne ou répond à
l’énoncé fautif ou sur un mode explicite, lorsque l’erreur est thématisée en tant
que telle.
Tous ces éléments peuvent dans une large mesure se combiner. Il n’est pas possible
que l’enseignant intervienne de manière totalement contrôlée. Il nous est toutefois
apparu que certaines priorités doivent être établies. Ainsi, les problèmes communi-
catifs devraient autant que possible être traités immédiatement et explicitement par
les interactants eux-mêmes, afin que le débat puisse se poursuivre (dans le cas
contraire, l’enseignant interviendra également en thématisant le problème en fin
d’activité ou à partir de l’écoute de l’enregistrement) ; les problèmes discursifs
devraient être traités immédiatement de manière intégrée ou différée, mais de
manière explicite et dans la mesure où ils concernent un mécanisme travaillé dans la
28. Comme cela a été maintes fois souligné ; voir notamment Blanche-Benveniste (1997).
29. Et, pourquoi pas, si un traitement de choc s’avère nécessaire, commencer par s’enregistrer, s’écouter et se
transcrire soi-même !
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séquence ; enfin, les erreurs de langue courante devraient faire l’objet d’un traite-
ment différé, afin de ne pas perturber la communication, ceci essentiellement lors-
qu’elles s’avèrent massives ou systématiques. Cependant, il est toujours important
d’appliquer des normes qui correspondent au mode oral de production et ne mesu-
rent pas l’oral à l’aune de l’écrit !
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Coda
Les enseignants ont réalisé le projet et la séquence. Nous avons enregistré, ate-
lier par atelier, le travail effectué par les élèves, analysé leurs performances,
constaté de nombreux manques, faiblesses, difficultés inhérentes aux premières
versions des séquences, élaboré d’autres séquences sur d’autres genres. Ce tra-
vail nous a permis d’affiner notre regard, de préciser les concepts sous-jacents à
notre travail et de mieux connaître les difficultés des élèves. C’est le résultat de
ce travail que nous allons maintenant présenter.
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Deuxième partie
Bases pour un enseignement
de l’oral
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Si l’oral est bien présent dans les classes (routines quotidiennes, lecture de
consignes, correction d’exercices, etc.), il s’avère souvent qu’il n’est « ensei-
gné » qu’incidemment à l’occasion d’activités diverses et peu contrôlées. Ainsi
que le dénoncent didacticiens, sociologues, linguistes et formateurs (Wirthner,
Martin et Perrenoud, 1991 ; Pietro et Wirthner, 1996), l’enseignement scolaire
de la langue orale et son usage occupent actuellement une place limitée. Les
moyens didactiques et les indications méthodologiques sont relativement rares ;
la formation des enseignants présente des lacunes importantes. Pourtant – nous
l’avons vu dans l’introduction – les textes officiels affirment clairement que
l’oral constitue l’un des domaines prioritaires de l’enseignement du français.
Certes, d’un point de vue ontogénétique, la maîtrise de l’oral se développe
d’abord dans et par les interactions auxquelles les enfants prennent part. Sauf
dans des cas bien particuliers, on apprend à parler avant d’apprendre à lire et à
écrire. La plupart des enfants possèdent une très bonne maîtrise de l’oral
lorsqu’ils entrent à l’école. Ils conversent avec leurs pairs à propos de leur
famille, racontent de manière sophistiquée des événements vécus, discutent des
problèmes de leur époque, demandent des renseignements en y mettant (plus ou
moins) les formes ou persuadent leurs parents avec de subtiles stratagèmes.
C’est donc largement par un apprentissage incident que l’acquisition de l’oral
commence. L’école doit-elle intervenir sur les conduites de communication
orale spontanée ? N’est-il pas préférable de les laisser se dérouler en dehors de
toute intervention ? Que faut-il faire pour perfectionner l’expression orale ?
Comment développer les capacités de l’oral liées à la circulation des savoirs, à
la vie professionnelle et à celle de la cité ? Quel oral travailler ?
Une analyse même superficielle montre que, paradoxalement, l’oral prend une
place importante aux deux extrémités du système scolaire. À l’école maternelle et
pendant les premières années de l’école primaire, les enseignants consolident les
1. Ce chapitre s’inspire en partie de l’article publié avec le même titre par J.-F. de Pietro et J. Dolz, 1997.
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Nous allons, dans ce premier chapitre, présenter et discuter ce qui est irréductible-
ment lié à l’oral à travers sa matérialité phonique avant de le situer dans la totalité
des manifestations langagières, notamment orales et écrites. L’oral apparaîtra donc
ici dans sa particularité pour être traité ensuite comme phénomène langagier hété-
rogène dépendant de contextes variables et en interaction constante avec l’écrit.
Le terme « oral », du latin os, oris (bouche), se réfère à tout ce qui concerne la
bouche ou à tout se qui se transmet par la bouche. Par opposition avec l’écrit,
l’oral se rapporte au langage parlé, réalisé grâce à l’appareil phonatoire humain :
le larynx où se créent les sons, en amont l’appareil respiratoire qui fournit le
souffle nécessaire à la production et à la propagation de ces sons et, en aval, les
résonateurs (les pharynx, la bouche et le nez) qui sont les cavités de l’appareil
phonatoire qui entrent en vibration sous l’effet conjugué du souffle et des sons.
La production sonore vocale, comme tout phénomène sonore, se concrétise sous
forme d’ondes créées par des vibrations, produites par l’ensemble de l’appareil
vocal, qui varient physiquement du point de vue de leur fréquence (Hz), de leur
intensité (dB) et de leur durée (ms). Il faut également mentionner le timbre de la
voix, dont la richesse dépend du registre et de l’intensité du son émis, mais éga-
lement de la configuration générale et des caractéristiques individuelles de
l’appareil vocal émetteur. Le fait que la voix soit simultanément produite et
entendue par l’émetteur lui-même est une caractéristique essentielle de la voca-
lisation et le contrôle audio-phonatoire est capital pour la production orale.
Plusieurs disciplines étudient la production orale et la perception de ses proprié-
tés par l’auditeur. La phonétique descriptive s’intéresse à la production des sons
du langage humain et aux caractéristiques physiques de ceux-ci. Les travaux de
phonétique perceptive, qui analysent la réception des sons par l’auditeur, font
plutôt appel à la psycholinguistique. La phonostylistique, quant à elle, étudie la
variabilité phonique du point de vue de la production comme celui de la récep-
tion, en tant qu’information supplémentaire au sens linguistique et sociolinguis-
tique d’une expression.
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qui est définie comme étant les unités linguistiques minimales distinctives, en
nombre limité dans une langue, fait l’objet de la phonologie (ou phonétique
fonctionnelle). On compte pour le français 16 voyelles et 21 consonnes et demi-
consonnes. Nous verrons plus loin que la voix ne produit pas seulement des
consonnes et des voyelles mais également des éléments prosodiques comme
l’accentuation et l’intonation.
Des syllabes
Selon les règles de combinaison particulières au français, voyelles et
consonnes se succédant sont regroupées en syllabes, leur nombre pour un
mot correspondant perceptivement au nombre de voyelles prononcées, que
celles-ci soient seules ou précédées et/ou suivies par une ou plusieurs
consonnes. On dit qu’en français, la syllabe est vocalique : elle est dite
ouverte (ou libre) lorsqu’elle se termine par une voyelle et fermée (ou cou-
verte) lorsqu’elle se termine par une consonne. Dans notre langue, plus de
80 % des syllabes sont ouvertes, si on ne tient pas compte des cas de syllabes
avec chute du /e/ caduc.
Aussi bien la simple écoute/émission vocale quotidienne que l’analyse scien-
tifique montre des variations phonétiques autour d’un même phonème et
donc d’une syllabe, des modifications historiques en œuvre pour certains élé-
ments de la langue, bref, une réalité phonétique tout à fait complexe et chan-
geante, dont devrait savoir tenir compte toute didactique de l’oral.
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Paroles et musique
L’intonation
La hauteur tonale usuelle de la voix parlée a une fréquence moyenne variable et
particulière pour chacun. Ceci dit, tandis qu’une partie des variations tonales
peut avoir une fonction linguistique dans le système de la langue (par exemple,
une fonction modale dans le cas du schéma intonatif interrogatif en français per-
mettant de distinguer /tu es content/ de /tu es content ?/, ou encore une fonction
démarcative dans le cas de l’intonation plate indiquant des incises), les diffé-
rentes mélodies vocales traduisent les variations d’émotion ou d’attitude parti-
culières à l’énonciateur au moment où celui-ci s’exprime. On peut ainsi établir
une véritable typologie des patterns prosodiques liés aux émotions et aux atti-
tudes et constater que, par exemple, la tristesse sera reconnue à une voix de
faible intensité, à la tonalité basse, au tempo lent, etc. (Léon, 1993).
Selon Fontaney (1987), la principale fonction de l’intonation consiste à marquer
la clôture ou la continuité du flux verbal. L’intonation ouvrante, généralement
montante, attire l’attention de l’interlocuteur et suscite son attente. Elle indique
que le locuteur n’a pas fini de parler et souhaite ne pas être interrompu. L’into-
nation conclusive, souvent réalisée par une baisse d’un ton, marque la fin de
l’intonation. Dans une conversation, l’intonation permet le réglage des tours de
parole entre les interlocuteurs et facilite la co-construction du discours.
2. Nous verrons dans le chapitre 8, consacré à la lecture à d’autres, quelques techniques pour rendre ces
dimensions conscientes.
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L’accentuation
La question de l’accent en français est très controversée. Toutefois, on peut dire
que l’accent est une mise en relief d’une ou plusieurs syllabes, d’un ou plusieurs
mots, correspondant à une variation d’un ou plusieurs des paramètres déjà vus,
d’intensité (dB), de durée (ms) et éventuellement de hauteur (Hz). Le découpage
syntaxique ou le décompte syllabique d’un énoncé oblige à un certain nombre
d’accents qui séquentialisent le flux de la parole et lui confèrent un rythme.
Mais parallèlement à ces accents rythmiques, plus ou moins contraints par la
langue, on trouve également une catégorie d’accents d’intensité qui relèvent du
libre choix du locuteur, en quelque sorte de son style vocal et/ou de son
intention.
Le rythme
La production et la perception des accents et des pauses déterminent la produc-
tion et la perception de groupes qui seront aussi bien des groupes rythmiques
(on parle alors d’un contour intonatif qui compte en moyenne trois à dix syl-
labes, le groupe de deux ou trois syllabes inaccentuées suivies par une syllabe
accentuée étant le groupe le plus fréquent dans la conversation ordinaire) que
des groupes de souffle (réunissant un ou plusieurs groupes rythmiques). Le
groupe rythmique est un syntagme délimité par un accent final qui a de ce fait
une fonction démarcative ; le groupe de souffle est un groupe délimité par des
pauses de respiration, d’hésitation ou des pauses qu’on peut qualifier de gram-
maticales, dans la mesure où elles sont liées à l’accent final. La régularité ryth-
mique du discours peut être modifiée par des accents relevant du libre choix du
locuteur.
La vocalisation, support de la verbalisation, est l’outil linguistique pour l’into-
nation et l’accentuation, c’est également le lieu d’expression du rythme et de la
musicalité de la parole qu’on associe souvent aux émotions. On se rappellera
toutefois que les émotions sont codées culturellement, et qu’en Inde, par
exemple, le timbre alto (considéré comme le plus aigu) exprime la tristesse,
alors que le timbre grave (le plus bas) exprime la gaieté (Cornut, 1983, p. 56).
Paroles spontanées
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La prise de parole est en relation intime avec le corps. L’organisme peut trahir le
mal-être et la peur du locuteur lorsque celui-ci laisse échapper des indices invo-
lontaires d’une émotion (accélération du rythme cardiaque, crispation des
muscles, sang qui afflue au visage, étranglement de la voix), que celle-ci soit ou
non perceptible linguistiquement ou prosodiquement. L’organisme peut aussi
mettre en jeu ses possibilités (position du corps, respiration, attitude corporelle)
au service de la pose de la voix et de la communication orale 3.
3. Nous présenterons des exemples de travail sur ces dimensions dans le chapitre 6 consacré à l’exposé.
Notons que la question de la peur, sans nécessairement pouvoir faire l’objet d’un traitement direct à travers
l’enseignement, se travaille indirectement en mettant à disposition des élèves des outils pour mieux maîtriser
des situations anxiogènes.
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Il est essentiel de rappeler ici que, si les ressources utilisées pour la communica-
tion humaine sont, semble-t-il, universelles (à savoir la capacité à coder un mes-
sage sur le plan aussi bien linguistique, prosodique, paralinguistique qu’extralin-
guistique), les différentes modalités d’expression de ces codes sont d’une infinie
diversité, à la fois dans le temps et dans l’espace. En effet, sur ce plan, tout est
soumis à variations. En vrac et de manière non exhaustive, citons le débit, rapide
chez les Italiens, lent en Suisse, l’intensité bien plus forte en Corée qu’en France,
la hauteur très différenciée selon le sexe au Japon, mais beaucoup moins en alle-
mand, certains contours intonatifs normaux pour un Indien et jugés un peu
« rudes » par un Anglais, des productions vocales comme des raclements de
gorge, des bâillements, des soupirs, des reniflements, manifestations publiques
banales pour un Japonais et choquantes pour un Français. Mêmes différences
pour des données non verbales, le Japonais se désigne en se touchant le nez,
l’Espagnol en se touchant la poitrine, les Américains se tiennent trop loin pour
les Latins mais trop près pour les Thaïs. Ainsi, un étudiant en français d’origine
asiatique, n’ayant jamais eu un contact culturel avec des Français, a besoin de
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Nous avons commencé ce chapitre par une caractérisation de l’oral comme produc-
tion corporelle à travers la voix : la voix du corps, c’est à la fois celle qu’on produit
et qu’on perçoit de soi-même et celle des autres, vibrations devenant sons, sons
devenant des cris, des chants, des paroles, manifestations de soi et des autres,
actions et verbes. C’est justement ce passage de la voix à la parole que nous avons
abordé ensuite : l’élaboration du son et sa codification aboutissent à l’émergence du
matériau dont est faite la communication. La mélodie orale, concaténant ce maté-
riau verbal, est présentée au chapitre suivant dans ses composants que sont l’into-
nation, l’accentuation et le rythme. Une caractéristique massive de la production
orale est que l’oral spontané semble, à la lecture, tout à fait désordonné, alors que
toutes ces manifestations de désordre peuvent être analysées dans l’optique d’un
fonctionnement optimal de l’interaction orale. Nous avons vu ensuite que l’oral est
l’objet d’évaluations et de normes sociales qui sont toujours en référence à l’écrit,
ce qui occulte bon nombre de caractéristiques de la communication orale. Pour
finir, nous avons relevé que la communication orale se déroule non seulement sur le
plan verbal et sur le plan vocal, mais également sur le plan gestuel.
Comme on le pressent, l’oral, dès lors qu’on le conçoit en tant qu’objet d’ensei-
gnement, est particulièrement difficile à saisir. Tous les éléments que nous venons
de rappeler ici sont essentiels pour un travail sur l’oral et la prise de conscience,
ainsi que le contrôle des ressources extralinguistiques (prosodie, silences, posture,
gestes, mimique faciale, distance et position des locuteurs) et constituent, comme
nous verrons plus bas, une visée centrale de l’enseignement de l’oral. Toutefois,
ces éléments, s’ils semblent importants pour penser et organiser un enseignement
des genres oraux, nous semblent insuffisants dans la mesure où nous n’avons
jusqu’à présent pas tenu compte des paramètres des situations d’interactions ver-
bales. Or celles-ci, en tant qu’environnement déterminant cette interaction, vien-
nent contraindre entièrement les opérations de production verbale tout autant que
leur interprétation.
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une place dans l’enseignement, c’est aussi parce que la distinction entre oral et
écrit est porteuse de nombreuses confusions et, au-delà des différences superfi-
cielles directement liées au mode de production, elle apparaît difficile à cerner
(Gadet, 1996 ; Matthey, 1996).
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al., 1990, p. 211). Les formes standard et non standard se manifestent aussi bien
à l’oral qu’à l’écrit. Pour étudier les principes organisateurs du système du fran-
çais, il convient de prendre en considération l’ensemble des formes existantes
comme le soutient Gadet (1989, p. 32) : « Si système il y a encore à trouver,
cela ne peut se faire que compte tenu de l’ensemble de formes existantes. L’idée
à retenir est celle d’un super-système, qui couvre à la fois standard et non-stan-
dard, qui puisse rendre compte de ce que les usages même les plus éloignés du
standard ont en commun avec lui un ensemble de régularités, et qu’ils ne diffè-
rent parfois que par l’extension du domaine d’application de certaines règles. »
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Dans l’enseignement, l’oral n’est guère mieux circonscrit en tant qu’objet auto-
nome de travail scolaire et, poursuivant la conception de la linguistique histo-
rique, reste largement dépendant de l’écrit. Comme le montre l’enquête sur les
pratiques des enseignants réalisée par Pietro et Wirthner (1996), il reste insaisis-
sable, sauf lorsqu’il est inscrit dans le monde de l’écrit. À ce propos, l’enquête
met en évidence les aspects suivants :
• l’oral est surtout travaillé comme une passerelle pour l’apprentissage de
l’écrit ;
• les enseignants analysent l’oral à partir de l’écrit ;
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• l’oral est bien présent en classe, mais dans ses variantes et ses « normes » sco-
laires au service de la structure formelle écrite de la langue ;
• la lecture à haute voix, c’est-à-dire l’écrit oralisé, représente l’activité orale la
plus fréquemment pratiquée (70 % des enseignants interrogés).
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Chaque texte, comme chaque repas, est un événement singulier. Mais comme
on distingue différentes formes de repas avec des déroulements, des mises en
scènes, des instruments et des participants différents, on peut observer aussi des
sortes de textes qui diffèrent selon les contextes. Imaginons des situations de
communication aussi différentes que raconter un événement vécu à un copain,
débattre d’une question controversée devant une assemblée ou expliquer la
migration des oiseaux à une classe. S’il fallait à chaque fois créer ou inventer
entièrement les moyens pour agir dans ces situations langagières, la communi-
cation ne serait guère possible : l’énonciateur du texte ne saurait pas quelles sont
les attentes des auditeurs quant à son texte, sa forme, son contenu ; l’horizon
d’attente des auditeurs serait illimité, de telle sorte qu’ils approcheraient le texte
sans orientation possible, avec un maximum d’inconnues. Pour rendre possible
la communication, toute société élabore des formes relativement stables de
textes qui fonctionnent comme des intermédiaires entre l’énonciateur et le desti-
nataire, à savoir des genres.
À la suite de nombreux auteurs (pour une synthèse, voir Canvat, 1996) et en
nous fondant plus particulièrement sur les propositions de Bakhtine (1984),
nous postulons donc que, dans une culture donnée, les représentations liées au
texte sont fondamentalement génériques : chacun raconte un jour ou l’autre une
fable à un enfant, suit l’exposé d’un enseignant, assiste à une conférence
publique, présente les règles d’un jeu à un groupe d’amis, entame un dialogue
pour demander des renseignements à un guichet, se présente pour un entretien
professionnel en vue de l’obtention d’un poste de travail, écoute des interviews
ou des débats à la radio ou à la télévision. Chacun reconnaît immédiatement ces
genres comme tels et s’y conforme dans ses propres productions. Les textes
empiriques sont donc reconnus par les membres d’une communauté culturelle
comme appartenant à un genre, même s’il est parfois difficile de distinguer des
genres voisins comme la conversation, l’entretien et l’interview ou comme la
discussion et le débat, etc. (Kerbrat-Orecchioni, 1990).
Les genres peuvent être considérés de ce point de vue comme des outils qui fon-
dent la possiblité de communication (et d’apprentissage). Développons cette
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Comment définir le genre comme outil ? Nous situant dans une perspective
bakhtinienne, nous considérons que tout genre se définit par trois dimensions
essentielles :
1) les contenus qui deviennent dicibles à travers lui (le fait de réaliser un exposé
théorique sur la vie des animaux détermine par exemple la pertinence et le
caractère des contenus à développer) ;
2) la structure communicative particulière des textes appartenant au genre (dans
le cas de l’exposé, cette structure se présente comme un instrument au service
de l’apprentissage et de la transmission de connaissances, elle implique l’orga-
nisation interne d’un exposé oral et prend la forme d’un monologue comportant
un plan avec différentes phases ou rubriques généralement explicites) ;
3) des configurations spécifiques d’unités linguistiques : traces de la position
énonciative de l’énonciateur, des ensembles particuliers de séquences textuelles
et de types discursifs qui forment sa structure (le locuteur qui expose dit JE à
certains endroits ou parle de manière neutre à d’autres ; les marques langa-
gières du plan du texte ; les chaînes d’expression désignant un même objet dis-
cursif à travers le texte, l’intonation structurant le texte à différents niveaux,
etc.).
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4. Pourquoi privilégier la notion de genre par rapport à celle de type de textes ou de discours ? La probléma-
tique des typologies textuelles et discursives trouve sa source dans la linguistique textuelle anglo-saxonne des
années soixante. Elle résulte de la volonté des chercheurs de dépasser le cadre de la phrase pour fournir un
modèle théorique concernant des unités plus larges : les textes. Comme toute classification, une typologie se
donne comme fonction l’établissement d’une série de critères explicites permettant de situer tout texte empi-
rique dans un ensemble possédant une ou plusieurs propriétés communes. Elle cherche la mise en ordre systé-
matique de la diversité et de l’hétérogénéité textuelle par des critères homogènes. Une partie importante de
typologisations de textes oraux et écrits en français adopte des critères tels que les situations de communica-
tion, la structure des textes et la présence d’un certain nombre d’unités linguistiques. Dans la mesure où l’on
prend en considération les paramètres des situations de communication, on considère ces typologies comme
typologies discursives. Trois raisons nous amènent à choisir l’unité genre de textes par rapport à type : a) les
textes empiriques produits de l’action langagière sont hétérogènes du point de vue des types (Bronckart,
1997 ; Adam, 1992) ; b) il s’agit de constructions théoriques, d’outils de recherche pour comprendre certains
phénomènes linguistiques ; c) leur transposition sur le terrain didactique contient un grand risque de dérives
applicationnistes et normatives dénoncées par de nombreux auteurs, notamment dans le domaine du texte nar-
ratif (voir par exemple François, 1988, 1993) : application schématique de la structure conventionnelle, emploi
aveugle de l’imparfait et du passé simple, etc.
5. Nous préférons ce terme, non seulement au traditionnel « lecture à haute voix » qui souligne le seul aspect
de transcodage de l’écrit à l’oral, mais aussi au plus moderne « lecture expressive » qui fait abstraction de la
fonction de l’activité en mettant en avant la seule dimension d’interprétation subjective (voir chapitre 8).
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Nous venons de voir que les genres constituent et le point de repère essentiel
pour aborder la variation infinie des pratiques langagières et le moyen de traiter
l’hétérogénéité constitutive des unités textuelles. Ils constituent des outils – ou
encore des méga-outils dans la mesure où l’on peut les considérer comme l’inté-
gration d’un grand ensemble d’outils dans un seul tout – qui médiatisent l’acti-
vité de communication langagière. Encore faut-il, dans la très grande diversité
des genres, choisir ceux qui peuvent, et peut-être même doivent, devenir l’objet
d’enseignement. Parce que le rôle de l’école est surtout celui d’instruire plutôt
que d’éduquer, il est nécessaire, au lieu d’aborder les genres de la vie privée
quotidienne, de concentrer l’enseignement sur des genres de la communication
publique formelle, à savoir d’une part, sur ceux qui servent l’apprentissage sco-
laire en français et dans d’autres disciplines (exposé, compte rendu d’expé-
rience, interview, discussion en groupe, etc.) et, d’autre part, sur ceux de la vie
publique au sens large du terme (débat, négociation, témoignage devant une ins-
tance officielle, théâtre, etc.).
La notion d’oral formel mérite une clarification. Nous ne nous référons pas ici à
des prescriptions normatives (phonétiques, morphologiques et grammaticales)
qui porteraient sur un oral standard, largement fantasmatique, indépendant des
situations de communication effectives. Pour nous, les caractéristiques de l’oral
formel découlent des situations et des conventions attachées aux genres. Il fau-
drait donc plutôt parler de caractéristiques conventionnelles du fonctionnement
des genres oraux réalisés en public – caractéristiques qui divergent d’un genre à
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Les genres de textes tels que nous les avons définis, et plus particulièrement les
genres formels publics, constituent bien des objets autonomes pour l’enseigne-
ment de l’oral. Ce sont des objets construits et délimités par le point de vue qui
les crée : extraits de la matière dont ils sont parties prenantes (la variabilité infi-
nie des pratiques langagières), ancrés dans un cadre théorique (l’interaction-
nisme social), fondés sur des analyses empiriques rigoureuses de textes oraux
et, enfin, finalisés en fonction des choix et des priorités associées à l’enseigne-
ment/apprentissage. Ils sont autonomes dans le sens où l’oral (les genres oraux)
est abordé comme objet en soi d’enseignement et d’apprentissage. Ils ne consti-
tuent pas une passerelle pour l’apprentissage d’autres conduites langagières
(l’écrit ou la production écrite) ou non langagières (en rapport uniquement avec
d’autres savoirs disciplinaires). Ils ne sont pas non plus subordonnés à d’autres
objets d’enseignement/apprentissage. Ils sont autonomes parce qu’ils sont pris
comme un domaine à part entière du français et permettent de pointer les
aspects de la langue qui nécessitent un travail isolé.
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6. Notons que ce recueil peut aussi constituer un fonds dans lequel puiser des exemples ou des extraits pour le
travail avec les élèves (voir cependant le chapitre 1 pour les limites rencontrées fréquemment dans cette
démarche et le chapitre suivant pour la mise en pratique de la démarche).
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de tenir compte des capacités langagières qu’on vise à construire avec les élèves
à un moment donné de leur progression.
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– il permet plusieurs réalisations, selon les degrés, les types d’apprenants, qui
correspondent, partiellement ou totalement, aux caractéristiques du modèle ;
– en tant que données, il s’agit à présent de se demander si les éléments du
modèle sont susceptibles, et par quels modes de transmission, de faire l’objet
d’une saisie de la part de l’apprenant : peut-on enseigner à repérer un objet de
controverse ? À employer des connecteurs ? Et, si oui, comment ? Sous quelles
conditions ?
Nous avons dit en introduction que nous proposions une démarche « généra-
tive ». Les modèles didactiques des genres, dont nous venons de décrire les
contours essentiels, sont la base de données de cette démarche. Le modèle
didactique du genre nous fournit, en effet, en quelque sorte des objets potentiels
pour l’enseignement. Potentiels, d’une part, parce qu’une sélection doit être faite
en fonction des capacités des apprenants, d’autre part, parce qu’il ne saurait
s’agir d’enseigner le modèle en tant que tel : c’est à travers des activités, par des
manipulations, en communiquant ou en métacommuniquant à leur propos que
les apprenants vont, éventuellement, avoir accès aux genres modélisés. Nous
verrons comment ceci s’organise dans les séquences didactiques, autre compo-
sante de notre démarche que nous décrivons dans le chapitre 4.
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Nous avons vu dans le chapitre précédent que l’oral s’adapte aux situations de
communication et fonctionne donc de manière très diversifiée. Les sujets par-
lants produisent par leurs activités langagières des textes qui sont reconnus
comme appartenant à des formes relativement stables et conventionnelles, à
savoir à des genres de textes correspondant à des situations typiques de commu-
nication. Apprendre à agir dans ces situations signifie dès lors, dans une large
mesure, s’approprier les genres socialement élaborés et reconnus qui sont les
outils de communication. Les aptitudes à produire un exposé ou un rapport
d’expérimentation n’émergent pas au gré de la maturation du système nerveux
mais exigent des apprentissages relatifs aux situations d’interaction à se repré-
senter, aux contenus à développer dans ces situations, aux structures textuelles à
mettre en œuvre, aux moyens linguistiques et aux formes particulières d’oralité
à utiliser.
Le présent chapitre vise d’abord à décrire et à étudier de manière générale les
diverses capacités impliquées dans la réalisation de genres de textes oraux. Le
terme capacité langagière réfère à ce qui est requis pour la production (ou pour la
compréhension) d’un genre textuel dans une situation de communication détermi-
née : s’adapter aux caractéristiques du contexte et du référent (capacités d’action),
mobiliser des modèles discursifs (capacités discursives) et maîtriser les opérations
psycholinguistiques et les unités linguistiques (capacités linguistico-discursives).
Ceci constitue les trois ordres de capacités langagières impliquées dans l’appro-
priation des genres textuels que nous nous proposons de présenter dans ce cha-
pitre. Il s’agit ensuite de dégager ce qui peut être observé dans les verbalisations
orales des élèves pour connaître leurs capacités. La réflexion sur ces dernières per-
met d’esquisser quelques lignes de force pour élaborer un curriculum scolaire
cherchant à transformer les capacités des élèves à produire des textes oraux.
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1. Dans presque toutes les séquences didactiques, ces représentations font l’objet d’un travail explicite ; voir
par exemple le travail sur les émissions radiophoniques et sur le rôle de l’interviewer dans le cadre de la
séquence didactique à propos de l’interview radiophonique (chapitre 5).
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On peut se poser la question de savoir si le choix d’un genre de texte dans une
situation donnée de communication ne fait pas aussi partie intégrante des capa-
cités d’action. Pour y répondre, il faut analyser quel est le rapport entre forme
d’interaction communicative ou situation de communication et genre de textes.
Dans une première approximation, on pourrait penser qu’à une forme donnée
correspond un genre de textes qui est l’outil pour y agir. En réalité, le rapport est
bien plus complexe et peut être décrit comme suit : une situation ne peut être
conçue, connue comme situation langagière qui supporte une action langagière
d’un certain type que dans la mesure où un genre est disponible. Les genres pré-
figurent les actions langagières possibles ; l’existence du débat, sa connaissance
sinon sa maîtrise au moins partielle est la condition nécessaire de l’action lan-
gagière « participer à un débat », tout comme la connaissance et la maîtrise de la
hache représentent la condition nécessaire de l’action langagière « faire tomber
l’arbre ». D’un autre côté, il y a possibilité de choisir un genre (au moins dans
une certaine mesure) : pour persuader des personnes d’arrêter de fumer, on peut
parfois choisir entre le pamphlet, le traité théorique, le récit d’expérience ou le
dialogue maïeutique.
Le choix d’un genre se situe ainsi très précisément à l’intersection des capacités
d’action, puisqu’il participe à la définition de la situation, et des capacités discur-
sives, puisque leur choix en fonction de la situation est partiellement libre et que le
genre comme outil doit pouvoir être adapté à un destinataire précis, à un contenu
précis, à un but donné dans une situation donnée – choix et adaptation constituant
des capacités discursives, comme nous le verrons maintenant.
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L’architecture interne d’un texte est indissociable des matériaux qui entrent dans sa
composition. On reconnaît un récit d’expérience vécue aussi par le « je » qui nous
indique la responsabilité de celui qui prend en charge le récit, par les déictiques
temporels comme « il y a quelques années, quand j’étais petit et je vivais encore au
Maroc », par les temps du verbe, par des organisateurs temporels qui marquent les
parties du texte comme « un jour », « le lendemain », etc. Lorsqu’on parle des ca-
pacités linguistico-discursives, on se réfère précisément aux opérations impliquées
dans la production textuelle. À ce propos, nous distinguons des capacités néces-
saires pour maîtriser quatre sous-ensembles d’opérations.
2. Ce principe de travail est explicité dans le prochain chapitre sur la séquence didactique.
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3. Les séquences sur l’exposé (chapitre 6) et le débat (chapitre 7) travaillent sur les opérations de connexion.
4. Voir le chapitre 7 pour des exemples sur la voix des autres personnes dans le propre discours.
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etc.) 5. Les liens qui s’établissent au sein d’une période comme celle que l’on
vient de présenter se fondent sur les possibilités d’inférer les informations grâce
à la mémoire discursive.
4. Le choix des items lexicaux (des mots sémantiquement pleins, dotés de pro-
priétés syntaxiques, sémantiques et phonologiques précises) constitue un
ensemble d’opérations en interaction forte avec les autres niveaux. Faisant appel
à la manière dont sont organisés les éléments lexicaux dans la mémoire des
locuteurs, les opérations se font en fonction également de la cohésion nominale
qu’elles aident à mettre en évidence 6, de certaines dimensions de prise en
charge et de modalisation 7, de la situation de communication et du genre.
Où situer les caractéristiques phoniques de la chaîne parlée que nous avons
décrites en détail dans la première partie du chapitre 2, à savoir les variations de
hauteur, d’intensité ou de durée qui déterminent la mélodie, les tons et les
pauses, les accents, le rythme, etc. ? En analysant le découpage que nous venons
de proposer, on s’aperçoit immédiatement que ces caractéristiques ne se situent
pas quelque part en dehors, mais font partie intégrante des opérations de textua-
lisation (mise en évidence de l’infrastructure textuelle par l’intonation, les
pauses, etc.), de prise en charge (variation de la voix en fonction des rapports au
contenu) et de structuration syntaxique (les courbes intonatoires mettent en évi-
dence la structure des clauses et périodes).
5. La séquence sur la lecture à d’autres, décrite dans le chapitre 8, permet de travailler ces dimensions.
6. Voir les exemples de reprise anaphorique dans le chapitre 6.
7. Dans le travail sur le débat, les choix lexicaux sont abordés de ce point de vue.
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Pour observer les capacités des élèves, il nous semble donc nécessaire de pro-
poser et de discuter avec les élèves les projets d’apprentissage relatifs aux
actions langagières orales. La mise en situation explicite de ces actions et des
rituels de prise de parole qui les caractérisent contribue à clarifier la situation
d’interaction dans laquelle il va devoir parler. Une fois le texte oral produit,
on peut alors essayer d’identifier les capacités d’action (contenus et rituels
interactifs du genre intégrés), discursives (organisation du texte) et linguis-
tico-discursives (caractéristiques de surface de la textualité orale). Pour
chaque genre (interview, débat, présentation orale d’une recette, exposé, etc.),
les dimensions à observer sont différentes et c’est grâce aux modèles didac-
tiques des genres (cf. chapitres 3 et 6) que nous disposons d’indicateurs pour
dégager les capacités des apprenants.
Établir des critères d’observation est donc fondamental pour pouvoir cerner, au-
delà du langage idiosyncrasique de la personne et des éventuelles fautes par rap-
port aux normes, quelles sont les principales caractéristiques des genres produits
par les élèves. Ces critères doivent s’adapter au niveau d’âge des élèves, ceci
d’autant plus, si l’on veut que les élèves écoutent leurs propres productions et
les discutent collectivement. Dans ce cas, la formulation même des critères
d’observation doit être extrêmement simple de manière à la rendre compréhen-
sible et de les aider ainsi à objectiver et à prendre conscience de certaines des
dimensions des genres produits. À titre d’exemple, nous allons transcrire deux
productions d’élèves de 8 ans dans une situation de production d’un récit d’évé-
nement, dans le cadre d’une émission de radio scolaire, et suggérer une grille
d’observation pour cette production.
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Dans la grille destinée à l’observation par un groupe d’élèves de 7-8 ans de leurs
premières présentations d’un récit d’événement vécu, les annotations constituent
une aide pour une nouvelle présentation du récit de vie dans une émission radio-
phonique scolaire :
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– ils sont relativement homogènes quant aux trois ordres de capacités langa-
gières impliquées dans la maîtrise des genres regroupés ;
– ils correspondent à des domaines culturels essentiels de la communication
dans notre société ;
– ils reprennent de manière souple certaines distinctions typologiques comme
celle de séquences d’organisation (Adam, 1992) et d’autres formes communes
de planification.
Voici une brève description de ces regroupements :
– Narrer regroupe les genres appartenant à la culture fictionnelle tels que les
contes, les récits d’aventures, les fables, etc. La production de ces genres
implique des capacités associées à la création d’un univers de fiction vraisem-
blable (une image du monde créée par le texte et n’existant que dans et à travers
le texte) et à la mise en intrigue des actions des personnages. Pour produire
l’effet de l’intrigue, le producteur du texte doit être capable d’organiser les évé-
nements selon une certaine hiérarchie (temporalité et tension) et de faire jouer
aux personnages un rôle essentiel dans cette organisation.
– Relater comprend les genres destinés à documenter et mémoriser les actions
humaines : les expériences personnelles (récit conversationnel, récit d’expé-
rience vécue, récit de voyage, témoignage), les événements d’actualité (nou-
velles de la radio ou de la télévision, reportages, chronique sportive, etc.) ou les
événements historiques (récit historique, esquisse biographique, biographie,
etc.). Les capacités associées à la représentation par le discours des expériences
humaines situées dans le temps sont fondamentales : mobiliser des sources de
« référence » et établir un rapport avec celles-ci, sélectionner les événements qui
méritent d’être rapportés, décider les fonctions testimoniales à prendre en charge
en tant qu’auteur du récit (attestation, évaluation avec des critères de certitude
et d’authenticité), établir une chronologie, etc.
– Argumenter a trait au domaine de la discussion de problèmes sociaux. La déli-
bération informelle, le débat, la plaidoirie, le réquisitoire, l’assemblée, le conseil
de classe sont des exemples de genres oraux qui mobilisent des capacités asso-
ciées à l’étayage des opinions, à la formulation d’objections ou à la réfutation et
à la négociation de points de vue différents.
– Exposer concerne la transmission et la construction de savoirs. Cela inclut les
textes pour apprendre (textes expositifs et explicatifs) et, de ce point de vue, ce
genre joue un rôle bien particulier dans l’enseignement. Les genres oraux appar-
tenant à cette rubrique sont l’exposé oral, la conférence, l’interview d’expert, le
dialogue explicatif, etc. Ces genres impliquent des capacités de présentation et
de problématisation de différentes formes des savoirs. Ils supposent une mobili-
sation de connaissances à propos des savoirs traités, des stratégies de recherche
d’informations, des mises en relation entre les notions abordées. Ils supposent
aussi des capacités de prise de distance et d’anticipation pour « faire com-
prendre » ces savoirs à un auditoire.
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Les regroupements ainsi définis ne sont pas étanches les uns par rapport aux
autres. Il n’est pas possible non plus de placer chaque genre de manière absolue
dans l’un des regroupements proposés. Cependant les regroupements aident à
aborder provisoirement des problèmes pratiques pour comprendre l’organisation
des apprentissages en respectant surtout le principe d’une diversification du tra-
vail à tous les niveaux. À chaque cycle de la scolarité, l’un ou l’autre genre de
chacun des regroupements serait abordé. Cette démarche présente les avantages
suivants :
– elle offre aux apprenants des voies d’accès différentes à l’expression et réalise
ainsi le principe pédagogique de différenciation (Schneuwly, Rosat, Pasquier et
Dolz, 1993). On peut en effet supposer que les capacités d’expression de chaque
élève ne se distribuent pas uniformément sur les différents regroupements ; tel
apprenant aura plus de facilité pour argumenter, tel autre pour narrer et ainsi de
suite. L’oral n’apparaît plus comme un unique obstacle, difficile à franchir, mais
comme un domaine qu’on peut aborder par différents chemins, plus ou moins
aisés ;
– d’un point de vue didactique, la diversification des genres travaillés, régulée
par les regroupements, offre la possibilité de définir des spécificités de fonction-
nement des genres en les comparant, implicitement ou explicitement, les uns
aux autres. Il s’agit d’un principe élémentaire de construction par la confronta-
tion à du même et à du différent ;
– psychologiquement, de nombreuses opérations langagières, nécessaires pour
maîtriser les genres appartenant à un regroupement, sont intimement liées. Ceci
n’exclut pas des transferts ni la transformation plus globale du rapport de l’élève
à son propre langage ;
– les finalités sociales assignées à l’enseignement de l’expression, enfin, néces-
sitent un travail spécifique pour développer les capacités des élèves dans des
domaines aussi divers que, par exemple, le langage comme outil d’apprentissage
ou comme mimésis de l’action, au service de la réflexion sur le rapport de
l’homme au monde et à lui-même. Il paraît très peu probable que travailler dans
l’un permette de développer efficacement les capacités nécessaires pour maîtri-
ser l’autre. Tous doivent donc être abordés à tous les niveaux de la scolarité pour
répondre aux finalités de l’enseignement scolaire.
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– un même genre peut être abordé plusieurs fois au cours de la scolarité, avec
des degrés d’approfondissements croissants ;
– des objectifs semblables sont abordés à des niveaux de complexité de plus en
plus grande dans le cursus scolaire.
La logique sous-jacente à la conception n’est donc pas celle d’une construction
pas à pas, élément par élément, mais celle d’une réorganisation fondamentale
des capacités langagières dominantes en fonction de l’intervention de nouveaux
niveaux. Tout l’art de concevoir une progression est de définir un certain
nombre de dimensions clés, propices à initier des transformations importantes
du mode de fonctionnement langagier.
Prenons par exemple « donner son avis et le justifier en classe », le « débat
régulé en public » et la « plaidoirie ». Les élèves des premiers degrés de l’école
primaire peuvent, d’une manière relativement simple, apprendre à exprimer leur
point de vue et le justifier systématiquement avec une ou deux raisons, dans les
situations proches de la vie de la classe. Dans ces situations, les élèves arrivent à
développer toute une série de capacités argumentatives relatives à l’opération
d’étayage argumentatif. Le débat régulé va réorganiser ce que les élèves savent
déjà dans une situation complètement différente où ils doivent se représenter
globalement une controverse, les positions des autres débatteurs, le but à
atteindre pour le public qui écoute. D’une certaine manière, on peut dire que,
pour participer au débat, il faut au minimum avoir stabilisé la capacité de choisir
une opinion et la justifier. Ceci peut constituer une base pour des conduites plus
complexes. La manière d’intervenir de l’élève va devoir se réorganiser dans le
débat. Il devra entrer en dialogue avec les autres, développer ses propres argu-
ments en fonction des arguments de l’autre, formuler des objections aux argu-
ments de l’adversaire, etc. Au secondaire, une nouvelle rupture peut être intro-
duite qui va de l’apprentissage du dialogue argumentatif à la découverte des
dimensions dialogiques de l’argumentation. Dans un monologue argumentatif,
comme dans une plaidoirie, l’élève pourra s’exercer à intégrer ce qu’il a appris
dans le dialogue du débat pour rendre son argumentation dialogique : intégrer la
parole de l’autre dans son intervention, anticiper et réfuter les positions adverses,
élaborer des contre-arguments, suggérer les voies d’un compromis, etc.
Ce n’est pas une progression en termes d’éléments, mais en termes de maîtrise
de certaines situations considérées globalement qui facilitent la réorganisation
du tout. On ne peut pas réorganiser quelque chose dont on ne connaît pas l’orga-
nisation stabilisée à un certain niveau. L’absence d’un élément n’est pas la chose
la plus importante, ce qui est important c’est de prendre en considération les
capacités initiales de l’apprenant comme base pour stabiliser de nouveaux
apprentissages.
Par ailleurs, la définition des étapes à franchir doit prendre en considération les
grandes ruptures qui se produisent à l’école lors du passage entre les différents
cycles scolaires :
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De réels changements de perspective doivent ainsi être introduits entre les dif-
férents degrés de la scolarité, en particulier lors du passage de l’école primaire
au secondaire obligatoire.
Si, en tenant compte de ces conditions, il est possible d’aller dans le sens de la
définition de contenus à aborder aux différents degrés de la scolarité, il est
encore nécessaire, pour transformer réellement les capacités initiales attestées
des élèves (résultat de l’apprentissage spontané mais surtout de l’enseignement
intentionnel préalable), d’élaborer des outils et des démarches d’intervention.
Ces outils constituent des moyens susceptibles de permettre aux élèves de pas-
ser à une nouvelle étape dans le processus complexe de sa socialisation. C’est à
cela que servent les séquences didactiques que nous allons décrire maintenant.
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La séquence didactique :
une démarche d’enseignement de l’oral
Nous avons exposé l’objet du travail scolaire dans le domaine de l’oral; il s’agit de
genres publics formels, dont font partie également certaines activités d’oralisation
de l’écrit. Puis nous avons présenté notre conception des capacités langagières en
jeu dans la production de l’oral, ainsi que quelques hypothèses concernant la pro-
gression grâce à laquelle les élèves développent, à travers l’enseignement, leur maî-
trise des situations de communication orale. Nous allons maintenant aborder le
cœur de notre démarche, c’est-à-dire le type d’enseignement que nous proposons :
la séquence didactique. Basée sur deux principes fondamentaux que nous présen-
terons en introduction, cette démarche essaie de combiner les avantages de la sys-
tématicité, puisqu’elle se présente comme un tout cohérent d’ateliers et d’activités,
avec ceux de l’adaptabilité, puisqu’elle est conçue comme un système modulaire
qui permet des ajouts et des suppressions en fonction de la diversité des situations
de communication et des classes.
Pour mettre en évidence les particularités de notre démarche, nous allons d’abord la
situer par rapport à d’autres dont elle se distingue tout en étant proche du point de
vue des intentions, des références théoriques et des techniques de travail. Deux as-
pects nous paraissent particulièrement importants : elle continue, tout en la trans-
formant, l’entreprise commencée voici plus de trente ans sous l’emblème « rénova-
tion de l’enseignement du français » et dont l’un des principes fondateurs était
d’aborder la langue à la fois du point de vue de la communication et de celui de la
connaissance ; elle est profondément en accord avec les approches qui tentent d’uti-
liser les situations réelles de communication en classe, mais propose d’en faire, au
moins momentanément, des objets d’enseignement. D’où deux principes centraux
qui fondent notre démarche et qui rappellent, en les résumant, certains développe-
ments théoriques présentés plus haut 1.
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Le premier principe consiste à affirmer que le travail sur les genres oraux se fait tou-
jours à deux niveaux : celui de la communication, c’est-à-dire de la réalisation de
l’activité langagière durant laquelle les élèves produisent des textes oraux dans des
situations de communication diverses, et celui de la structuration de cette activité à
travers laquelle les élèves prennent conscience de certaines de ses dimensions, les
observent, les analysent et les exercent. Nous reprenons à notre compte la dichoto-
mie introduite par les tenants de la rénovation de l’enseignement du français entre
« libération » et « structuration » dont il faut rappeler qu’elle visait deux buts essen-
tiels : d’une part, créer pour les élèves des espaces dans lesquels il y ait véritable pos-
sibilité d’exercer la parole sans intervention de l’enseignant (nous avons vu dans
l’introduction la forme que prenait cette intervention dans l’exercice central de tra-
vail sur l’activité orale : l’élocution, p. 12) ; d’autre part, maintenir, préciser, voire
amplifier la réflexion sur le fonctionnement de la langue comme moyen essentiel
pour développer les capacités langagières des élèves. Cependant, la mise en pra-
tique de ces activités n’a pas su éviter deux écueils importants. Le premier est de
séparer trop radicalement les moments de communication des moments de structu-
ration : comme le terme « libération » le laisse entendre, les premiers sont conçus
comme des moments libres de toute contrainte, au cours desquels on apprend à faire
en faisant, la communication et les formes qu’elle prend étant à pratiquer en elles-
mêmes, sans jamais être l’objet d’une analyse réflexive ; à l’inverse, les moments de
structuration – il s’agit essentiellement des leçons de grammaire, vocabulaire et pro-
nonciation – sont censés développer indirectement les capacités des élèves acquises
dans la communication, sans que ces moments soient liés organiquement à celle-là.
Ceux-ci ne débouchent d’ailleurs pas nécessairement sur des activités de structura-
tion, tout comme ces dernières ne sont très souvent pas liées à celles de communi-
cation. De sorte que les ponts possibles entre les deux ne sont pas établis systémati-
quement, ce qui a pour effet que les deux moments sont travaillés séparément avec
l’espoir non formulé que l’élève établira lui-même les liens entre eux. Le deuxième
écueil – lié à celui que nous venons de décrire – tient au fait que la structuration
porte sur des aspects limités de la langue : on analysera la syntaxe de la phrase ; on
observera la morphologie du verbe ; on travaillera certains aspects du vocabulaire.
D’autres aspects centraux du fonctionnement langagier, en revanche, comme la
structure des textes, qu’ils soient monologiques ou dialogiques, ou l’adaptation des
discours aux situations de communication avec les changements syntaxiques, mor-
phologiques et lexicaux qui peuvent en découler sont largement ignorés.
Le premier principe que nous essayons de réaliser à travers notre démarche est d’arti-
culer systématiquement communication et structuration et de faire de l’activité lan-
gagière, dans toutes ses dimensions, le point de départ et l’objet de la structuration 2.
Parler est une activité scolaire continuelle qui se réalise toujours, partout, dans
toutes les branches, sous des formes très diverses : pour raconter, pour discuter
2. Nous aimerions ici insister sur le fait qu’il est par ailleurs nécessaire de prévoir des moments de structuration qui
sont tout à fait indépendants de toute communication : des moments où l’on réfléchit sur la langue comme on ré-
fléchit sur d’autres objets du réel, comme l’espace en géographie ou la vie en biologie (voir Schneuwly, 1998).
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et élaborer des connaissances, pour rendre compte de savoirs acquis, pour ques-
tionner, pour travailler ensemble en groupe. Dans son utilisation quotidienne à
l’école, la parole est essentiellement un vecteur d’enseignement/apprentissage ;
elle est utilisée comme moyen pour apprendre et ni les élèves ni l’enseignant ne
la pensent comme objet à travailler en soi. Tous les échanges sont autant d’occa-
sions pour les élèves de mettre en œuvre certaines capacités langagières, de les
développer en parlant bien sûr, mais en observant aussi et en imitant les autres,
camarades ou enseignants ; incidemment, ces moments peuvent devenir des
objets de réflexion, soit grâce à l’intervention de l’enseignant qui corrige, refor-
mule, évalue ou commente, soit lors de discussions en classe sur les manières
de discuter, de rendre compte ou de travailler. De fait, certaines approches pro-
posent de faire de cet objet intégré dans les pratiques scolaires habituelles le lieu
principal d’apprentissage et de transformation de l’oral.
Sans nier cette possibilité, nous pensons cependant qu’il est utile et nécessaire –
ceci constituant notre deuxième principe – de faire de la parole sous de multiples
formes un objet d’enseignement/apprentissage autonome. En effet, une particulari-
té de la situation en classe tient au fait qu’on peut y opérer un dédoublement, grâce
auquel le genre ou l’activité langagière n’est plus seulement outil de la communi-
cation, mais également objet de travail scolaire. L’élève se retrouve ainsi forcément
dans l’espace du comme si, dans lequel l’activité langagière orale est réalisée en
partie fictivement, puisqu’elle est instaurée à des fins d’enseignement/apprentissa-
ge. Par le fait qu’elle se réalise dans un autre lieu social que celui de son origine, elle
change de signification et, notamment, elle se transforme toujours en activité lan-
gagière à apprendre, même si elle reste simultanément activité langagière pour
communiquer. Il s’agit donc de mettre les élèves à la fois dans des situations de
communication qui soient plausibles et significatives pour eux, tout en leur donnant
des outils pour mieux les maîtriser.
Pour réaliser ces deux principes de base, nous articulons explicitement le plan
de la structuration avec celui de la communication ou, en d’autres termes, nous
mettons en rapport le travail sur des situations de production et sur la produc-
tion elle-même de textes oraux. C’est cette dialectique qui fonde la démarche
que nous appelons « séquence didactique » et que nous allons décrire d’abord
dans ses principes généraux.
Dans une première approximation, on peut définir une séquence didactique comme
un ensemble de périodes scolaires organisées de manière systématique autour
d’une activité langagière (exposé, débat public, lecture à d’autres, performance
théâtrale) dans le cadre d’un projet de classe. La structure de base d’une séquence
peut être représentée par le schéma suivant :
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Séquence didactique
Projet de classe
Le point de départ de toute séquence est toujours la parole des élèves. Ces derniers
sont d’emblée mis dans une situation de communication qui correspond à un projet
de classe et réalisent, avec les moyens dont ils disposent déjà, le genre oral qui est
l’objet de la séquence. La production initiale peut se faire dans une situation réelle
ou fictive ; l’activité peut être réalisée entièrement ou en partie seulement, par
exemple par la production d’une interview fictive ou par la présentation d’un petit
exposé sur un thème déjà connu. L’essentiel étant que les élèves soient immédiate-
ment confrontés aux problèmes que pose le genre ou l’activité qu’ils vont travailler.
De sorte que leur parole en tant que régulateur de toute la séquence constitue véri-
tablement le centre du travail scolaire, travail qui vise à orienter au mieux cette pa-
role vers des modèles de référence. La mise en situation qui introduit les élèves
dans la séquence joue à cet égard un rôle très important. Elle motive la séquence
dans son ensemble et donne une orientation à la production initiale.
Ce point de départ détermine en partie la suite, dans la mesure où les difficultés que
fait apparaître cette première tentative sont travaillées une à une, de manière appro-
fondie, dans des ateliers « de structuration ». Dans ces ateliers, on va traiter diffé-
rentes dimensions essentielles du genre et aborder plus spécifiquement certains
problèmes apparus dans la production initiale, afin de donner aux élèves les outils
nécessaires pour les surmonter. L’activité langagière globale est en quelque sorte
décomposée pour qu’on puisse aborder séparément certaines de ses composantes,
tout comme dans l’enseignement de la danse, on décompose à certains moments le
mouvement d’ensemble pour travailler isolément tel ou tel geste élémentaire.
La séquence débouche sur une production finale qui est le véritable lieu d’intégra-
tion des savoirs construits et exercés. Elle donne aux élèves la possibilité, à travers la
réalisation de l’activité langagière dans sa totalité, de mettre en pratique et d’intégrer
les savoirs élaborés et les divers outils sémiotiques appropriés abordés dans les ate-
liers. Elle est également le lieu d’une éventuelle évaluation certificative critériée.
La séquence suit donc un mouvement qu’on pourrait décrire comme allant du com-
plexe au simple, c’est-à-dire de la production initiale, lors de laquelle les élèves
sont impliqués dans une activité langagière avec ses multiples facettes, au simple
travail pas à pas des dimensions essentielles du genre en fonction des problèmes
rencontrés par les élèves dans la réalisation de l’activité. Pour finir à nouveau du
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La mise en situation vise à présenter aux élèves un projet de communication qui sera
réalisé « pour de vrai » dans la production finale. En même temps, elle les prépare à
la production initiale, qu’on peut considérer comme une première tentative de réali-
sation de l’activité qui sera ensuite travaillée dans les ateliers. La mise en situation est
donc le moment durant lequel la classe construit une représentation de la situation de
communication et de l’activité langagière à accomplir, sachant que cette activité sera
précisément l’objet d’un enseignement/apprentissage. Il s’agit d’un moment crucial
et difficile dans lequel on peut distinguer deux dimensions principales.
La première dimension est celle du projet collectif de production d’un genre
oral qu’il s’agit de proposer aux élèves aussi explicitement que possible, un pro-
jet à réaliser collectivement nécessitant la production d’un genre oral. Des indi-
cations sont notamment données pour répondre aux questions suivantes :
– Quelle est l’activité langagière qui va être abordée ? Il est question par
exemple d’une lecture d’un texte à des élèves d’une autre classe, de la présenta-
tion d’une recette de cuisine à réaliser pour la radio scolaire, d’un exposé à pro-
poser à la classe. Pour clarifier les représentations des élèves, on peut d’emblée
faire écouter un exemple de l’activité visée.
– À qui s’adresse la production ? Les destinataires possibles sont multiples : les
parents, d’autres classes de l’école, d’autres classes d’autres écoles par l’inter-
médiaire d’enregistrements sonores ou audiovisuels, les élèves de la classe,
l’autre demi-classe, un groupe d’élèves de la classe, les gens du quartier…
– Dans quel contexte la production va-t-elle être écoutée ? Enregistrement audio
ou visuel, performance sur scène ou en classe.
– Qui va participer à la production ? Tous les élèves ; certains élèves de la classe,
tous ensemble, les uns après les autres, individuellement ou par groupes, etc.
En d’autres termes, il s’agit de définir un projet de communication aussi précis
que possible à réaliser en fin de séquence.
Voici un exemple de mise en situation
Pour introduire le travail portant sur la lecture expressive des contes, l’ensei-
gnant propose à la classe d’écouter un conte lu par un lecteur expert. Le
conte choisi pour cette introduction – un conte australien – s’intitule
« Le Vounioupi »
a. Pour faire découvrir par les élèves la provenance du conte, l’enseignant les
prévient, avant de leur faire écouter le texte, qu’un détail précis donne une indi-
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Lors de la production initiale, les élèves tentent une première réalisation de l’acti-
vité langagière, objet de la séquence, et révèlent ainsi pour eux-mêmes et pour
l’enseignant les représentations qu’ils se font de cette activité. Contrairement à ce
que l’on pourrait supposer, l’expérience nous a montré que cette démarche ne met
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ce qui se passe et à ne pas réagir quelle que soit la situation qui est en face
de vous c’est très important – alors déjà un contrôle de soi – nous écoutons
Laura et Stéphanie – nous essayons d’être très attentifs
En disant « ah bien tiens on pourrait stopper un instant », l’enseignante marque
le changement d’activité : les élèves ne sont plus dans une situation de produc-
tion/réception d’interviews fictives, mais de mise à distance des trois interviews
réalisées précédemment qui deviennent objets à analyser pour en comprendre
les caractéristiques et le fonctionnement. Un premier échange a lieu entre
l’enseignante et un élève qui pointe une dimension problématique (répétition de
certaines questions et absence d’autres). Un autre élève introduit une nouvelle
thématique en constatant que les réponses des élèves interviewés ne sont pas
toujours pertinentes. L’enseignante donne une autre consigne pour orienter
l’écoute d’une quatrième interview, anticipant la discussion qui aura lieu après :
« Donc on ne va pas juger de la qualité des questions mais j’aimerais plutôt que
vous me donniez votre avis sur le déroulement de l’interview. » Par ailleurs, elle
situe le travail à réaliser en fonction de l’interview qui aura lieu à la fin de la
séquence didactique, c’est-à-dire qu’elle fait le lien entre l’activité locale d’ana-
lyse et la production finale, objet de l’apprentissage. En invitant deux autres
élèves à réaliser l’interview, elle entame une nouvelle boucle en faisant réaliser
la même production initiale une nouvelle fois par d’autres élèves qui profitent à
la fois des remarques faites sur les productions précédentes et sur les observa-
tions des camarades.
La production initiale, tout en initiant et régulant la séquence didactique dans son
ensemble, constitue donc aussi son premier lieu d’enseignement/apprentissage.
Les ateliers
La métaphore des ateliers dit bien de quoi il s’agit : d’un travail en commun sur
des problèmes soulevés par la production de textes oraux dans une situation de
communication bien définie. Deux questions au moins se posent quant à la
conception des ateliers dans une séquence didactique :
– quels problèmes traiter dans les ateliers de la séquence ?
– comment concevoir chacun des ateliers pour atteindre les objectifs fixés ?
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et structure des textes à dire doivent être parfaitement connus et compris, ce qui im-
plique encore un autre travail sur les contenus.
3. Organiser et planifier l’activité. Toute activité orale publique nécessite une pré-
paration qui diffère fortement selon les cas. La production de certains genres suit un
plan établi qu’il faut connaître ; dans d’autres situations, le plan dépend de l’inter-
action, et la préparation doit donc envisager diverses possibilités qui se réaliseront
selon les contextes ; pour l’oralisation de textes écrits, les techniques de préparation
ont comme référence, d’une part, les textes dont la structure doit être mise en évi-
dence et, d’autre part, la situation, le public, etc.
4. Mettre en texte. L’élève doit choisir les moyens langagiers les plus efficaces pour
être compris par ses auditeurs : utiliser un vocabulaire approprié dans une situation
donnée, se servir des organisateurs textuels pour connecter ses phrases, enchaîner
des parties de texte et découper le texte, relativiser son propos à l’aide d’adverbes, de
reformulations ou d’expressions de distanciation. La mise en texte à l’oral présente
des dimensions particulières très liées à l’implication corporelle que suscite le mode
oral : la prosodie impliquant toute la gamme des moyens sonores à disposition du
locuteur (force, hauteur, rythme, respiration et pauses, prononciation, timbre) et,
dans le cas d’une performance devant un public, l’usage du geste et du corps.
Dans une séquence didactique, on prévoit en général des ateliers consacrés à des
problèmes se situant à plusieurs niveaux du fonctionnement langagier. En effet, il
semble indispensable que, dans l’enseignement de l’oral, la structuration ne se limite
pas aux aspects le plus fréquemment abordés comme la prononciation, l’intonation
ou la correction des phrases, mais porte également sur plusieurs dimensions langa-
gières impliquées. Le choix des ateliers se fait donc en diversifiant les niveaux des
problèmes à traiter, la séquence dans son ensemble permettant ainsi aux élèves d’ob-
server, d’analyser et de pratiquer l’activité langagière à partir de points de vue com-
plémentaires. Ce principe de solidarité externe entre les ateliers signifie notamment
que la structure d’une séquence, tout en étant modulaire, comporte des aspects in-
contournables pour atteindre une vision pertinente de l’activité travaillée.
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ateliers non prévus pour aborder des difficultés inattendues, révélées en produc-
tion initiale ou en cours de route.
Il y a donc de multiples possibilités d’adaptation de la séquence aux besoins d’une
classe ou de groupes d’élèves dans une classe pour différencier l’enseignement.
Les séquences didactiques sont en fait un dispositif modulaire qui permet de mul-
tiples adaptations aux exigences concrètes d’une situation particulière. La limite
de la modularité est donnée par la conception d’ensemble des ateliers et leur cohé-
rence externe et interne : une séquence doit donner une vision d’ensemble du genre
à partir de points de vue complémentaires et, à l’intérieur d’un atelier, un problème
doit pouvoir être abordé selon plusieurs angles.
L’enseignement de l’écrit ne peut pas se faire selon les mêmes modalités que celui
de l’oral. À l’écrit, exercer un contrôle conscient et volontaire sur sa propre acti-
vité langagière signifie entre autres revenir sur son propre texte, qui est matériel-
lement devenu, à travers l’écriture, un objet extérieur à retravailler et à transformer
en fonction de critères acquis. Lors de la production orale, le texte, une fois dit, ne
peut être ni repris ni corrigé. Un texte oral est à chaque fois une création nouvelle,
originale, même si l’on peut garder en mémoire certaines formulations, voire cer-
taines parties de texte et même si, à travers l’enregistrement, on peut réécouter une
première version, la discuter et la critiquer avant de la recréer. Sauf cas exception-
nels de montage d’émissions radiophoniques, par exemple, le texte oral est un pro-
duit qui explicite son propre processus de production en ce que chaque hésitation,
chaque correction est audible (voir début du chapitre 2). Cela n’empêche pas un
enseignement de l’oral, mais déplace les centres d’intervention didactique : on peut
apprendre à anticiper et préparer ses productions langagières grâce à une bonne
connaissance explicite des situations de communication et, ainsi, disposer de
points de repères qui soutiennent l’activité langagière lors de sa réalisation ; il est
possible d’avoir un contrôle conscient de certains aspects de la production pendant
qu’elle se déroule et, ceci, particulièrement en ce qui concerne certaines capacités
discursives ; il est finalement possible d’exercer et d’automatiser certains méca-
nismes de base faisant partie des capacités linguistico-discursives (tournures
typiques d’un genre, enchaînements dans une interaction, vocabulaire, etc.).
La difficulté de l’enseignement de l’oral, due notamment au caractère éphémère
des textes produits, impose un travail qui combine plusieurs approches didactiques.
En général, tout atelier comprend trois types d’approches, qu’on peut distinguer
théoriquement, mais qui s’interpénètrent en pratique sous des formes très diverses :
– les élèves sont confrontés à des textes de référence qu’ils écoutent, observent
et analysent ;
– les élèves sont mis dans des situations diverses qui leur permettent d’exercer
pratiquement une à une certaines dimensions de l’activité langagière ;
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Quelle que soit leur forme – texte authentique « réel » ou « fabriqué », docu-
ments construits avec une intention didactique précise – les enregistrements
constituent l’une des pierres angulaires de l’enseignement de l’oral. Points de
référence essentiels pour l’enseignant et surtout pour les élèves, les textes peu-
vent être écoutés, analysés ou observés en entier ou en partie.
1. L’écoute entière de textes de référence vise au moins deux objectifs :
– elle clarifie comme nul autre moyen l’objet langagier sur lequel porte la
séquence et peut donc être utilisée déjà dans la mise en situation, puis dans les
premiers ateliers pour clarifier et préciser les représentations des élèves concer-
nant l’activité langagière en chantier ;
– elle met en œuvre des mécanismes extrêmement puissants d’apprentissage
par imprégnation ou imitation, notamment quand l’observation de productions
d’experts vient enrichir les propres essais de production de textes oraux.
L’exemple suivant montre une telle démarche d’écoute, qui est toujours guidée
par un questionnement sur des aspects centraux du genre travaillé.
Dans une séquence sur l’interview radiophonique, les élèves écoutent une
interview avec un paysan intitulée « La ferme » transmise à la radio suisse
romande. Après une première écoute partielle, centrée sur des questions de
contenus, les élèves écoutent l’interview en entier pour repérer, à travers une
discussion commune en classe, les éléments essentiels du genre « interview
radiophonique ». La classe aborde notamment les thèmes suivants :
– connaissance préalable du genre,
– but du genre,
– participants à l’interview,
– destinataires de l’interview,
– rôle de l’interviewer,
– thème de l’interview.
À travers l’écoute entière de textes oraux, on peut également enrichir et déve-
lopper les contenus que les élèves ont à traiter.
Dans un travail sur la conférence, par exemple, les élèves écoutent l’enregis-
trement d’un expert et remplissent ensuite une feuille qui a la forme suivante
(extrait)
Feuille d’écoute
Après avoir écouté la conférence, « Le castor », écris sous forme de notes
les informations les plus importantes que tu as apprises sur le castor.
1) Description ...............................................................................................
– taille ...........................................................................................................
– poids ..........................................................................................................
– tête • museau............................................................................................
• yeux ................................................................................................
[…]
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Cette feuille d’écoute, outre orienter l’attention des élèves sur le contenu,
donne un modèle de prise de notes utilisable pour faire un exposé oral. Un
ou deux élèves qui le désirent peuvent venir « jouer » leurs camarades.
2. L’écoute partielle de textes peut également viser à développer les connais-
sances concernant les contenus ou le thème.
Pour le travail sur le débat public régulé, les élèves de 11-12 ans écoutent
4 prises de position de personnes défendant des points de vue très différents
à propos du thème traité dans la classe (par exemple l’usage des vélos tout
terrain (VTT) sur les chemins pédestres). Les élèves remplissent une feuille à
double entrée pour analyser chacune de ces prises de position. Après une
première écoute, ils situent individuellement chaque prise de position dans
une colonne : approbation, condamnation, ni pour ni contre. Après une
deuxième écoute, les arguments avancés pour justifier la position sont notés
dans les lignes de la colonne sous forme de mots clés discutés et proposés
dans des groupes de travail ou en classe.
Mais on peut également viser à observer et analyser les détails de la facture des
textes oraux de points de vue très divers et par des démarches très variées.
Prenons quelques exemples :
Les élèves écoutent l’ouverture d’une interview radiophonique qu’ils n’ont
encore jamais entendue. Ils réécoutent ensuite l’ouverture de l’interview
qu’ils connaissent déjà. En groupes, ils comparent les deux ouvertures,
constatent ce qui est commun et ce qui est différent. Ils formulent quelques
éléments nécessaires pour ouvrir une interview (notamment introduction et
justification du sujet et présentation de l’interviewé).
Les élèves écoutent des tirades isolées très émotionnelles de l’enregistrement
d’un conte. Après l’écoute de chaque tirade, les élèves indiquent le sentiment
éprouvé par la personne.
Les élèves visionnent une première fois un extrait d’un exposé. Ils observent et
notent les gestes du locuteur. Ils visionnent l’extrait une deuxième fois. Les
observations sont complétées et discutées. On discute des questions telles que :
est-il possible de contrôler ses gestes ? Qu’est-ce qu’il faut éviter à tout prix ? Y
a-t-il des gestes qu’on peut utiliser consciemment pour améliorer un exposé ?
Ces quelques exemples d’écoute, d’observation et d’analyse de textes oraux
montrent qu’écouter et parler sont inextricablement mêlés, l’un aidant l’autre,
l’un développant l’autre vers une meilleure maîtrise des situations.
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prendre les activités sont très variées, leur point commun étant le travail sur un
matériau stabilisé par l’écrit. Quelques exemples permettront de mieux com-
prendre cette démarche.
Pour ouvrir, structurer et clore un exposé, il existe une multitude de formules
que les élèves pourraient utiliser afin de mieux maîtriser la situation de com-
munication. Deux exercices leur sont notamment proposés pour acquérir ces
formules.
a) Les formules utilisées par l’exposant qu’ils ont entendu leur sont données,
transcrites, en désordre. Ils doivent les mettre en ordre et justifier l’ordre
et/ou pour certaines, l’impossibilité de définir l’ordre.
b) Les élèves disposent de 5 formules avec des fonctions très précises. Pour
chacune, il doivent en trouver ou en inventer d’autres qui pourraient les rem-
placer.
Travaillant sur le questionnement dans l’interview, les élèves disposent d’une
série de réponses transcrites, données par un interviewé. Ils doivent inventer
les questions qui ont abouti à ces réponses.
Les élèves ont appris à distinguer une série de sentiments que ressentent des
personnages dans un conte. Ils repèrent les discours directs des personnages
et notent en marge les sentiments à exprimer.
Les élèves disposent d’une série d’arguments transcrits, utilisés dans un
débat. Ils repèrent les expressions qui indiquent la force et la direction que
le locuteur attribue à ces arguments.
2. La parole simplifiée. L’idée de base est de donner aux élèves la possibilité
d’appliquer les notions apprises et d’utiliser les outils appropriés dans des situa-
tions de production qui ne soient pas trop complexes et qui permettent ainsi de
centrer l’attention de l’élève sur le problème travaillé dans l’atelier, tout en se
trouvant dans un environnement langagier riche et relativement proche d’une
véritable production. Il semble en effet que, pour automatiser certaines opéra-
tions langagières et pour développer le contrôle du comportement propre en
situation de production, des exercices pratiques en dehors de situations de com-
munication réelles et portant sur des capacités isolées de l’activité langagière
globale soient indispensables. Ils s’accompagnent nécessairement de l’enregis-
trement, de l’écoute et de l’analyse des productions propres ou de celles d’autres
élèves qui constituent un moyen efficace pour développer un contrôle conscient
de son propre comportement. La production devenant un objet extérieur que
l’on peut réécouter, elle devient analysable, y compris par le producteur lui-
même.
Concrétisons cette idée par quelques exemples parmi d’autres.
Les élèves entendent un extrait d’interview : une question et la réponse de
l’interviewé. Ils doivent enchaîner par une question sur la réponse donnée.
Leur question est enregistrée et analysée.
Les élèves lisent des extraits d’un conte étudié auparavant, dans lesquels il
est nécessaire d’exprimer par la voix les sentiments des personnages. Les
lectures des extraits sont enregistrées et discutées en classe.
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Les élèves entendent l’extrait d’un débat sur un thème qu’ils connaissent et
maîtrisent. Il s’agit d’une prise de position étayée par deux arguments. En
groupe, les élèves préparent une prise de position qui enchaîne avec celle
entendue, en la soutenant et en fournissant des arguments supplémentaires.
Les élèves disposent pour ce faire d’une petite typologie d’arguments.
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Comment ce langage est-il introduit ? Comment est-il utilisé ? Il n’y a pas de procé-
dure fixe à ce propos. Très souvent, des observations faites sur des textes entendus ou
lus sont fixées à un certain moment par un terme technique. Celui-ci est ensuite utili-
sé dans toute une série d’exercices et d’activités qui lui confèrent de plus en plus de
profondeur. Autrement dit, le langage technique est en même temps le langage de
travail de l’atelier, qui permet aux élèves et à l’enseignant de parler de ce qu’on est en
train de faire. Dire comment le langage technique est introduit et utilisé revient donc
à décrire comment un atelier est construit et comment le langage à travers cette
construction acquiert de plus en plus de profondeur pour les élèves. Dans l’exemple
suivant, le terme « reformuler » et « reformulation » est introduit à partir d’une
observation et est ensuite utilisé pour présenter les différents exercices et activités.
Apprendre à reformuler
Étape 1 : Choix de mots qui méritent une reformulation. Les élèves lisent un ex-
trait d’une conférence sur l’écrevisse. Ils soulignent les mots qui leur semblent
difficiles à comprendre. À l’aide du dictionnaire, ils essaient de trouver une
façon simple de dire autrement un des mots soulignés et discutent oralement les
différentes reformulations. Introduction du terme « reformulation ».
Étape 2 : Les élèves lisent un extrait d’une conférence volontairement surchar-
gée de reformulations. Ils soulignent les mots reformulés et les reformulations.
Ils mettent entre parenthèses les reformulations qui leur semblent inutiles.
Étape 3 : Les élèves repèrent des introducteurs de reformulations dans les
textes travaillés et dans une liste de mots qui comprend d’autres organisa-
teurs textuels. Ils résument les constats sur une fiche ad hoc.
Étape 4 : Dans une situation de production simplifiée, des groupes d’élèves
reçoivent 3 cartes de consigne contenant chacune une forme de reformula-
tion et 12 cartes contenant une phrase avec un mot mis en évidence dont la
définition est donnée dessous entre parenthèses. Un élève choisit une des
cartes et la montre à un camarade. Celui-ci reformule la phrase au moyen
d’une des formes proposées.
Étape 5 : Les élèves reprennent les notes de leur exposé et prévoient des
endroits où introduire des reformulations.
Très souvent, nous venons de le dire, l’introduction d’un terme nouveau se fait à
partir de l’observation d’un extrait de texte entendu ou lu. L’extrait suivant de l’en-
registrement d’un atelier montre que les différents pas accomplis pour opérer l’in-
troduction d’une nouvelle notion sont très délicats et que les capacités des ensei-
gnants pour mener à bien de telles activités sont ici particulièrement sollicitées.
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été prouvé que si en mathématiques on sépare garçons et filles les filles non
seulement arrivent à avoir des résultats supérieurs à ceux qu’elles auraient
si elles avaient appris les maths en cours mixtes mais elles arrivent carré-
ment à avoir des fois des résultats supérieurs aux garçons
P1 cassette en résumé qu’est-ce qui se dit – Steve – peux-tu peux essayer de
me résumer ce qu’est dit
G les filles ont des meilleurs résultats en maths que les garçons quand elles
sont séparées des garçons
F c’est idiot mais je ne vois pas pourquoi
P2 oui – psst – alors résumé – résumé très simplement comme ça d’accord –
mais – chch – j’aimerais que tu examines – comment dire la forme de ce
qui a été dit – qu’est-ce qui se passe en fait – qu’est-ce qu’elle : qu’est-ce
qu’elle commence à dire là – euh la femme qui intervient – Nicole
N ben – qu’elle reprend l’argument de quelqu’un – qu’elle est d’accord avec
lui – et qu’elle veut le compléter
L1 que les filles et les garçons sont séparés – elle est d’accord
P3 voilà – elle reprend et tu te rappelles comment – à peu près comment elle
utilise – qu’est-ce qu’elle dit au début
L2 pour en revenir – pour en revenir ouais – euh : à ton argument je
M excuse-moi – je t’interromps
L3 j’aimerais quand-même compléter en disant que une étude en Amérique qui
a été faite – tatata
P4 ouais donc – il y a manifestement un débat – quelqu’un dit quelque chose –
on imagine d’après quoi ? – ce qui est dit avant – juste avant l’enregistre-
ment – il y a une personne qui intervient – qu’est qu’elle pourrait dire ?
D que les filles et les garçons soient séparés pendant les maths
P5 ouais – et puis la personne dont on a enregistré euh les propos – qu’est-ce
qu’elle commence par dire – ce que disait Nicole c’est-à-dire
T ben : elle reprend – elle approfondit
P6 ouais – un truc elle reprend ça c’est – un truc – quand vous débattez –
quand vous débattrez c’est un truc très important – reprendre ce que l’autre
dit – est-ce que vous comprenez à part ceux qui écrivent ou qui dessinent
ou qui font autre chose – est-ce que c’est clair pour tout le monde ?
O ouais
P7 phénomène de reprise soit par les propres mots – qui ont été dits – soit en
reformulant différemment et puis après – voyez cette reprise – et après –
qu’est-ce qu’elle fait une fois qu… et ou – je reprends ce que tu as dit
R ben : elle en profite… elle approfondit
C oui – elle approfondit
P8 ouais elle approfondit elle en… elle enfonce le clou elle insiste elle argu-
mente par de nouvelles voies
Le but de cette étape est d’introduire, à travers un extrait écouté, les notions
de « reprendre un argument » et « approfondir » ou « développer un argu-
ment ». On distingue trois phases dans cet extrait : tout d’abord, l’enseignant
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Bien entendu, à la différence du travail sur l’écrit, où ces fiches peuvent être
utilisées pour réviser un texte après en avoir élaboré une première ébauche,
parfois en plusieurs étapes de réécriture, à l’oral les fiches fonctionnent plus,
pour ainsi dire, à l’extérieur de l’activité proprement dite : elles permettent
de préparer l’activité et de s’y préparer en se remémorant certains aspects
essentiels ; elles permettent également, a posteriori, d’analyser les points
forts et les points faibles de la performance ; dans ce sens, elles aident
l’élève à adopter un rapport d’extériorité à son activité et, ce faisant, à la
transformer. Mais il est en général impossible de faire usage des fiches
durant l’activité même, au risque de la perturber, voire de la rendre impos-
sible. Par ailleurs, ces fiches, ou du moins les règles et critères qu’elles
contiennent, sont celles qui seront à la base de l’évaluation par le maître –
et éventuellement par l’élève lui-même et ses camarades – de la production
finale de la séquence.
L’élaboration de ces fiches peut prendre des formes diverses. Elles peuvent
être, soit élaborées en classe par les élèves et le maître, soit proposées toutes
faites aux élèves ; elles se construisent, soit au fur et à mesure de l’avance-
ment de la séquence, soit lors du passage à la production finale dans un ate-
lier de synthèse des autres ateliers.
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Voici à titre illustratif une fiche élaborée dans une séquence sur l’exposé oral :
Les 10 règles pour faire une bonne conférence
1. J’annonce mon chapitre et je l’organise.
2. Je respecte mon plan.
3. Je fournis des informations suffisantes et pertinentes.
4. Je produis des énoncés corrects à partir de mes notes.
5. J’utilise un vocabulaire savant et je reformule des mots difficiles.
6. J’utilise des illustrations et je les commente (ou je donne des exemples).
7. Je parle suffisamment fort.
8. Je m’exprime de manière vivante.
9. Je contrôle le débit de mes paroles.
10. Je regarde le public.
Ces différentes règles, qui résument des constats faits lors de différents ateliers,
ont été pour la plupart appliquées. L’explicitation des règles est un outil pour
contrôler son propre comportement, soit en anticipant la situation et la prépa-
rant, notamment à travers les notes, soit en essayant de corriger son propre com-
portement durant la performance même de la conférence. Ces règles sont bien
entendu aussi un outil d’évaluation qui se fait aussi bien par l’élève, à partir de
l’enregistrement de son texte, que par l’enseignant qui, lui aussi, se fonde sur cet
enregistrement de la production finale.
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l’évaluation est également optimale. Il est évident cependant que le fait d’être
évalué transforme nécessairement le projet communicatif. Le rapport entre les
deux est d’ailleurs très variable selon les activités et les projets, mais il est tou-
jours et nécessairement difficile à réfléchir.
La forme que prend la production finale est variable et dépend beaucoup de la
situation de communication définie lors de la mise en situation. Quelle qu’elle
soit, la réalisation de l’activité langagière envisagée est précédée par le rappel
de la fiche des constats. Cette activité est enregistrée pour procéder à une éva-
luation aussi objective que possible. L’enregistrement fait d’ailleurs souvent tout
simplement partie de la situation de communication, par exemple quand il s’agit
d’une émission pour une radio scolaire ou lors d’un échange de cassettes avec
d’autres classes.
La production finale fait toujours l’objet d’une dernière évaluation commune
par les élèves de la classe : le débat a-t-il été enrichissant ? L’interview permet-
elle de comprendre mieux les problèmes abordés ? La lecture a-t-elle été pas-
sionnante ? Tout comme l’évaluation de l’enseignant, les remarques des élèves
sont critériées, puisqu’elles peuvent s’appuyer sur tout le travail effectué pour
construire une représentation précise de l’activité langagière, notamment grâce à
l’écoute de textes oraux, par le langage commun élaboré pour parler de la parole
et à travers des constats concernant des dimensions centrales de l’activité.
Idéalement, les élèves sont devenus un peu des experts de l’activité langagière
qu’ils évaluent. La production finale et sa discussion est donc le lieu d’intégra-
tion dans deux sens au moins : lieu à la fois de pratique et d’utilisation critique
des savoirs construits. Dans ce sens, travailler l’oral à l’école est toujours une
entreprise de double prise de conscience : celle de sa propre activité et celle de
l’activité des autres.
La production finale est un révélateur important des apprentissages effec-
tués : aussi bien les élèves que l’enseignant peuvent observer s’il y a eu pro-
gression par rapport au point de départ ; les élèves peuvent se voir « comme
ayant progressé ». Notons tout de même que l’image qui se dégage de la pro-
duction finale est loin de pouvoir toujours nous donner des informations
fidèles sur les apprentissage réels effectués. Le fait que ces apprentissages
soient très récents a deux effets apparemment contradictoires. D’une part, ils
sont encore très présents en mémoire et peuvent donner à l’activité une forme
caricaturale d’application stricte de règles. Inversement, l’assimilation des
savoirs peut n’être pas encore suffisante pour transformer profondément une
activité hautement complexe comme celle de la parole ; des changements
fondamentaux du fonctionnement langagier peuvent avoir été amorcés par les
apprentissages effectués, mais leurs effets ne se manifesteront que plus tard.
L’évaluation lors de la production finale peut donc autant sur- que sous-esti-
mer les effets d’une séquence sur le comportement langagier des élèves. Pour
remédier à cela, il est possible de prévoir un prolongement ou un approfon-
dissement d’une séquence à un moment ultérieur : les principaux constats
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sont alors repris avant de réaliser l’activité langagière travaillée dans un autre
contexte, sur un autre thème, éventuellement avec un autre public. De telles
évaluations donnent des informations complémentaires très importantes sur
les apprentissages effectifs des élèves dans le temps.
Mieux produire la parole et mieux l’écouter sont indissociablement confondus
dans une séquence didactique consacrée à une activité langagière orale. C’est à
travers la parole que se transforme la capacité d’écoute, tout comme inverse-
ment l’écoute transforme profondément la parole. On pourrait aussi décrire la
séquence didactique pour l’oral comme la tentative d’instaurer en classe une
véritable culture de la parole publique : à travers le dialogue entre enseignants et
élèves et entre élèves, les textes oraux des élèves, nombreux et diversifiés, sont
mis en rapport avec des textes oraux publics provenant de l’extérieur de la
classe. Le texte oral devient un objet de discours multiples produits en classe.
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Troisième partie
Exemples
de séquences didactiques
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L’interview radiophonique
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L’interview radiophonique
L’interview radiophonique
L’interview est un genre journalistique de longue tradition qui rend compte d’un
entretien entre un journaliste (interviewer) et un spécialiste ou une personne qui
présente un intérêt particulier dans un domaine (interviewé). Une interview
consiste donc à faire parler cette personne « experte » à des titres divers sur un
problème ou sur une question, dans le but de communiquer les informations
fournies à des tiers qui représentent, théoriquement au moins, la demande
d’informations. Contrairement à une conversation ordinaire, l’interview présente
un caractère structuré et formel dont le but est de satisfaire les attentes du desti-
nataire (André-Larochebouvy, 1984 ; Kerbrat-Orecchioni, 1990).
De nombreux auteurs (pour une revue de la question, voir Pekarek, 1994) consi-
dèrent l’interview comme un type de communication largement standardisé,
impliquant des attentes normatives spécifiques pour les interactants, comme
dans un jeu de rôle. L’interviewer ouvre et clôt l’interview, pose des questions,
suscite la parole de l’autre, incite à la transmission d’informations, introduit de
nouveaux sujets et oriente et réoriente l’interaction. L’interviewé, lui, une fois
qu’il accepte la situation, est obligé de répondre et de fournir les informations
demandées.
Généralement, les deux interactants occupent des rôles publics institutionnali-
sés ; la nature du rapport social et interpersonnel conditionne fortement la rela-
tion qui s’instaure entre les deux, même si, dans et par l’interaction, les cartes
peuvent dans une certaine mesure être redistribuées, la relation entre les pra-
tiques et les contraintes socioculturelles étant dialectique (Kerbrat-Orecchioni,
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L’interview radiophonique
La situation de communication
De la situation de communication qui détermine l’interview nous retenons pour
l’enseignement trois dimensions : le rôle d’interviewer, les contraintes des situa-
tions sociales dans lesquelles le genre est réalisé, et le choix et la préparation des
contenus.
Le rôle de l’interviewer est conçu comme médiateur dans une situation de com-
munication entre un interviewé, spécialiste dans un domaine particulier, et un
public destinataire, généralement novice. L’interviewer devient ainsi l’actant
capable de réaliser les rôles et les objectifs suivants :
– représenter le média (radio scolaire) ;
1. L’analyse structurale (en traits distinctifs) de l’interview par rapport à l’enquête, l’interrogatoire, la causerie,
etc., devrait être approfondie de manière à clarifier le lieu social, le but, le destinataire visé, les instances de
forces qui se trouvent derrière les intervenants, la nature des échanges. Par exemple, l’enquête est une tech-
nique de recherche pour recueillir des informations, des avis, des témoignages, etc., les lieux sociaux pouvant
être très divers (enquêtes administrative, parlementaire, sociologique, scientifique…). L’entretien, quant à lui,
a en commun avec l’interview de porter sur un thème précis mais ne présenterait pas le même caractère public
et médiatique (Kerbrat-Orecchioni, 1990, p. 119).
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L’interview radiophonique
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L’interview radiophonique
Enfin notons que pour faciliter la présence des variations qui contribuent à
faire comprendre au public ce qui a été dit, l’interviewer recourt à des refor-
mulations (en l’occurrence, en fait, c’est-à-dire…). Ce cinquième aspect lin-
guistique permet à la fois de résumer et de préciser l’interprétation de ce qui
précède.
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L’interview radiophonique
Séquence didactique :
«Interview d’un jardinier » (école primaire)
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L’interview radiophonique
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L’interview radiophonique
Séquence didactique :
«Interview sur les variations régionales du français» (école secondaire)
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L’interview radiophonique
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L’interview radiophonique
C ben moi c’est depuis déjà le début quand Waé est arrivé en disant voilà moi
j’arrive je rencontre le jardinier et puis après il a parlé de la bouture la
bouture et Mathias savait ce que c’était […] et toutes les questions Mathias
a a les a répondues des fois il savait pas mais plutôt convenablement c’est
ce qui intéressait tout le monde
P3 très bien Cédric tu m’enchantes là vraiment – de fait c’est le premier élève qui
a introduit le sujet et vous constatez que cette introduction c’est comme une
manière de se mettre sur les rails on se met tout d’un coup dans le sujet on
rentre dans le sujet et c’est comme un temps qui vous permet de vous – ressai-
sir et de vous dire voilà je vais écouter ça tu l’as très bien relevé et la deuxième
chose que tu as relevée ça je suis contente que ça ressorte si vite c’est le sérieux
avec lequel ils ont procédé – les tout premiers qui sont venus mais c’était les
premiers c’est pas facile non plus d’être les premiers – riaient se sentaient mal
à l’aise alors forcément que toute la classe épaulait ce malaise alors que eux –
ils ont joué leur rôle avec beaucoup de sérieux et ce sérieux a rejailli sur le
reste de la classe et a fait que – vous avez eu une attitude d’écoute de très
bonne qualité – alors j’aimerais que nous continuions dans ce sens-là – est-ce
qu’il y a encore des remarques à faire sur le passage de ce couple Sophie?
So ben c’était bien parce que ils étaient très à l’aise ils ont pas mis des mots
un peu bizarres puis ils ont parlé d’un sujet qu’on connaît pas – nous la
bouture au début tu te dis mais qu’est-ce que c’est donc t’écoutes pis tu sais
euh et puis tu sais de plus en plus
P4 tout à fait très bien
Les élèves procèdent à une écoute fragmentée d’une interview (par blocs question-
réponse) réalisée par des élèves d’une autre classe de primaire sur un thème simi-
laire afin de trouver des questions qui enchaînent avec les fragments écoutés. Dans
cet exercice, réalisé collectivement, il s’agit donc de produire les questions que l’on
poserait si on était à la place de l’interviewer. Plusieurs propositions d’enchaîne-
ment peuvent se succéder jusqu’à ce qu’une formulation satisfaisante pour tous soit
énoncée. Cet exercice, réalisé dans un atelier d’activités précédant la réalisation de
l’interview finale, permet aux élèves d’adopter la posture de l’interviewer en posant
des questions susceptibles de faire progresser l’interview. Relancer, avec une nou-
velle question, l’attention portée au fragment écouté est capitale.
Dans l’extrait proposé ci-après se succèdent un certain nombre d’interventions, pro-
duites par les élèves à la suite de l’écoute d’un fragment (question-réponse) d’inter-
view d’un ingénieur forestier, sur un thème voisin de celui dont ils ont à traiter durant
la séquence didactique qui porte sur le jardinage. L’enseignant formule la consigne
en l’explicitant, tout en la mettant en lien avec un exercice qui a été précédemment
réalisé en classe sur les tâches que doit accomplir un journaliste interviewer.
L’enseignant demande tout d’abord aux élèves de reformuler la question de
l’interviewer et la réponse de l’interviewé. Ce qui permet de tester la qualité de
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L’interview radiophonique
l’écoute des élèves, qui est essentielle dans un tel exercice tout en conférant,
grâce au rappel, un statut plus permanent à ces fragments d’oraux à partir des-
quels les élèves doivent produire des enchaînements. Les élèves sont invités
ensuite à enchaîner avec de nouvelles questions.
Au fur et à mesure du déroulement de l’activité, l’enseignant procède à des
régulations pour amener les élèves à être plus précis dans leurs formulations, à
évaluer la pertinence de leurs interventions par rapport au contenu du fragment
de dialogue proposé. Les constats effectués par l’enseignant permettent de faire
prendre conscience de la manière dont chaque nouvelle question permet ou non
à l’interviewé d’aller plus loin, d’approfondir le sujet, et de la façon dont il faut
s’y prendre pour atteindre cet objectif. Cet exercice oral qui permet l’implica-
tion des élèves dans des situations de mini-interviews est conduit à un rythme
soutenu qui favorise l’attention des élèves.
Consigne
[…] vous devez donc être très attentifs aux enchaînements c’est-à-dire qu’il va y
avoir une question de l’interviewer et l’interviewé va répondre et ensuite on
stoppera et on vous demandera de trouver la question suivante la question qui
pourrait aller à la suite de celle que vous aurez entendue en tenant compte de la
réponse pour approfondir le sujet. Vous vous souvenez de cette histoire de ques-
tions en chaîne, on les avait nommées autrement ces questions, les questions
d’approfondissement, questions qui permettaient de tenir compte de la réponse
pour faire un relais avec la question suivante c’était ça l’idée
[…]
Fragment d’interview écouté par les élèves
Interviewer : […] qu’est-ce que c’est le métier d’ingénieur forestier expli-
quez-nous
Interviewé : alors en deux mots l’ingénieur forestier c’est l’homme ou la la
femme qui s’occupe des forêts donc qui s’occupe des arbres qui s’occupe de les
faire pousser de savoir ce qui faut planter à quel endroit et également comment
on obtient du bois en grande quantité moi maintenant je m’occupe plus de la
forêt mais des parcs et là il s’agit de fleurir les parcs et également de planter de
jeunes arbres pour que dans un siècle peut-être dans cent ans on puisse avoir de
beaux arbres pour qu’on puisse les admirer aujourd’hui
Rappel du contenu du fragment d’interview par les élèves sous le guidage
de l’enseignant
Enseignant : […] quelle est la question que l’enfant vient de poser ? Cédric
Enfant : à quoi sert le métier de garde forestier
Enseignant : oui un peu plus précis
Enfant : qu’est-ce que c’est
Enseignant : pouvez-vous nous dire en quoi consiste le métier de garde
forestier ? qu’a répondu M. Behr en question ?
[…]
Enfant : en fait il ne travaille plus dans la forêt mais en fait dans les parcs pour
que dans 100 ans il y ait de beaux arbres comme on peut le constater ici.
[…]
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L’interview radiophonique
Les questions de relance proposées par les enfants et les observations régu-
latrices de l’enseignant
Enseignant : quelle est la question que vous pourriez proposer suite à cette
réponse ? qui tiendrait compte de la question donnée par l’enfant, de la
réponse de M. Behr et qui nous permettrait d’approfondir ce qui a été dit, de
l’obliger à aller plus loin dans sa réponse ? Marc
Enfant : est-ce qu’il faut vraiment autant de temps pour faire pousser un
arbre ?
Enseignant : oui qui a une autre idée d’enchaînement par rapport à la
réponse écoutée Mathias ?
Enfant : euh où dans quel pays travailliez-vous avant ? ou dans quelle
région?
Enseignant : on est un petit peu éloigné il nous dit que qu’il ne s’occupe plus
vraiment. Il n’est plus vraiment ingénieur forestier mais que maintenant il a
la responsabilité des parcs voilà en gros ce qu’il nous dit
[…]
Julien?
Enfant : quelle est la différence de travailler dans une forêt et dans un parc ?
Enseignant : hum très bien là effectivement tu fais un lien entre les deux élé-
ments proposés l’élément de la question garde forestier et l’élément de la
réponse de M. Behr qui est de dire maintenant j’ai la responsabilité des
parcs, excellent
[…]
Feuille d’exercice
Consigne : tu vas travailler sur la transcription d’une portion d’une interview
radiophonique. Dans cet extrait, les interventions et questions de l’interviewer ont
parfois été supprimées. À toi d’imaginer les enchaînements que tu inscriras sur les
pointillés.
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L’interview radiophonique
Après l’exercice entraînant les élèves à anticiper les relances d’un expert en pro-
duisant des enchaînements sur les réponses de l’interviewé, il s’agit d’invento-
rier les procédés utilisés par l’expert.
Cette activité fait immédiatement suite à la production d’enchaînements ci-
dessus et à la comparaison avec ceux que l’expert a réalisés.
Feuille d’exercice
Consigne : tu vas maintenant dresser l’inventaire des procédés qui permet-
tent la relance, en donnant chaque fois un exemple tiré de la correction de
l’exercice précédent.
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L’interview radiophonique
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L’interview radiophonique
Lors de la production finale, dans une situation authentique, les élèves intervie-
went un jardinier du conservatoire et jardin botaniques en présence des autres
élèves de la classe tout en sachant que l’enregistrement qui est réalisé de l’inter-
view sera diffusé ultérieurement à des élèves d’autres classes. Un élève est
chargé de l’ouverture et de la clôture de l’interview et de la passation de la
parole aux différents intervenants puisque l’interview est collective. Quatre
interviewers se répartissent les quatre sous-thèmes selon l’ordre suivant : le
métier de jardinier, la culture des plantes, l’utilisation des plantes dans l’alimen-
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L’interview radiophonique
tation et la médecine, et les fonctions d’un jardin botanique. Les thèmes ont été
préparés collectivement par sous-groupes.
L’ouverture de l’interview, préparée en classe, se caractérise dans toutes les classes
par sa complexité et son degré d’élaboration. La présence de dix éléments différents
est à souligner : salutations ; quelques paroles adressées aux auditeurs ; datation avec
déictique pour préciser le moment de la parole ; évocation du lieu de réalisation de
l’interview ; présentation des interviewers puisque l’interview est collective ; pré-
sentation de l’interviewé ; annonce du scénario de l’interview ; présentation généra-
le du thème ; annonce de l’ordre dans lequel seront traités les sous-thèmes ; attribu-
tion de la parole aux différents intervenants en précisant leurs responsabilités. Ces
éléments sont pour la plupart présents dans les ouvertures des classes ayant suivi la
séquence. Tous les élèves chargés de présenter l’interview s’adressent directement et
explicitement au public.
Ouverture
(musique : chanson de C. François dont les interviewers reprennent quelques
mots ensuite)
– Vous qui habitez Genève vous voulez voir les fleurs des champs les peu-
pliers les ruisseaux et tout ce qui reste encore changez de ciel changez
d’espace prenez le bus ou le train peut-être et allez au jardin botanique vous
y verrez des plantes des fleurs des arbres et peut-être même si vous allez
dans la grande serre des plantes carnivores
– Chers auditeurs j’espère que vous en saurez plus grâce au jardinier qui
travaille au jardin botanique (musique : introduction musicale de la même
chanson)
– Chers auditeurs nous sommes en direct dans une salle du jardin botanique
à côté des animaux et monsieur Fawer est à nos côtés
– Bonjour voilà le groupe de Sandra qui aimerait tout savoir sur le rôle du
jardin public
La clôture générale de l’interview est composée de trois éléments : l’élève pré-
cise au nom de qui il parle, c’est-à-dire comme représentant des camarades de la
classe ; il remercie les participants et en particulier le jardinier interviewé et il
évoque le destinataire absent en rappelant le but de l’interview (enrichir les
connaissances) et en souhaitant que ce but ait été atteint.
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L’interview radiophonique
Les auto-relances
Tout d’abord, on distingue des interventions comportant une simple relance de
la question précédemment posée par l’interviewer indépendamment de la
réponse fournie par l’interviewé (extrait 4). Ces relances sont parfois anticipées
par les élèves lors de la préparation de l’interview. Les traces écrites de la prépa-
ration montrent que ce type de relance n’est généralement pas réalisé on line.
Les hétéro-relances
Si, en écoutant la réponse, il y a un élément inconnu ou qui mérite un prolonge-
ment de quelque type que ce soit, on observe des relances qui s’ancrent dans la
seule réponse de l’interviewé (des hétéro-relances). En font partie la demande
d’explicitation (extrait 5), de définition d’un terme employé ou encore de refor-
mulation-désignation d’une notion vague (ce type d’intervention de relance est
particulièrement fréquent chez des élèves ayant appris la technique consistant à
retenir des mots clés inconnus dans la réponse de l’interviewé). La demande
d’information ou la problématisation d’un ou plusieurs éléments de la réponse
de l’interviewé constituent également des hétéro-relances.
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L’interview radiophonique
L’élève interviewer sait tirer de ses préparations préalables sur les trois possibili-
tés de bouturage, dont l’une n’a pas été évoquée par l’interviewé, une possibilité
de relance qui lui permet d’enchaîner avec une nouvelle question. Dans un
échange complexe tel que celui-ci, nous voyons qu’il est possible d’endosser
véritablement le rôle d’interviewer médiateur et que le fait d’avoir des connais-
sances dans le domaine pousse à la relance de l’interviewé pour compléter les
informations données par l’interviewé.
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L’interview radiophonique
tiales où les questions et les thèmes se succèdent sans lien thématique, les
interviews de la production finale manifestent une vision d’ensemble qui se
traduit, sauf pour une ou deux questions, par une cohérence du thème traité
et par la recherche d’une stratégie pour faire progresser les questions de
l’interview en fonction des blocs thématiques.
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L’interview radiophonique
1. Ouvrir l’interview
– présenter le sujet,
– présenter l’interviewé
– saluer l’interviewé
3. Se détacher de l’écrit
8. Ne pas poser une question alors que la réponse a déjà été donnée
9. Clore l’interview
– remercier l’interviewé
– prendre congé
Sans nous livrer à un long développement, nous pouvons affirmer que l’orga-
nisation générale de l’interview, le marquage des différentes parties, la
variété et la pertinence des questions et la richesse des procédés de relance
et des formules de reprise au secondaire constituent les progrès les plus
saillants. Par rapport au primaire, on constate surtout une diversification dans
la formulation des questions et des procédés utilisés pour relancer l’interview.
Pratiquement tous les procédés de relance travaillés dans la séquence didac-
tique sont utilisés par les groupes d’élèves dans leurs productions finales.
L’analyse des productions des élèves du secondaire montre qu’un travail
autour de la dimension de guidage de l’interview est essentiel et qu’il gagne-
rait à être poursuivi après la scolarité obligatoire.
Pour l’évaluation au secondaire nous proposons une comparaison des pro-
ductions finales avec les productions initiales pour vérifier les modifications
constatées par rapport aux objectifs visés. À ce propos, voici la grille d’éva-
luation proposée.
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L’interview radiophonique
1. Ouverture
– présentation,
– salutation d’accueil
– remerciements anticipés
– adresse au public
4. Clôture
– conclusion
– remerciements
– salutation de séparation
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L’exposé oral
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L’exposé oral
1. « Le texte offre au conférencier une couverture sous laquelle peuvent s’accomplir les rites de la représenta-
tion » (Goffman, 1987, p. 202 ; voir aussi pages 172, 194 et 199-200).
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L’exposé oral
faire comprendre quelque chose » qui en fait en quelque sorte une composante
de l’exposé.
On peut donc finalement définir l’exposé oral comme un genre textuel public,
relativement formel et spécifique, dans lequel un exposant expert s’adresse à un
auditoire, d’une manière (explicitement) structurée, pour lui transmettre des
informations, lui décrire ou lui expliquer quelque chose. Dans une perspective
d’enseignement, où il s’agit de construire un objet enseignable, c’est sur ces
caractéristiques que nous nous appuierons pour définir des objectifs et élaborer
des modalités d’intervention.
La situation de communication
L’exposé oral en classe réunit l’élève qui produit un exposé et un public – élèves
auxquels il s’adresse – rassemblé pour l’écouter, apprendre quelque chose sur un
thème, acquérir ou enrichir son savoir. Le balisage des éléments de cette situation
de communication sera perceptible à travers différentes marques déictiques, telles
que les pronoms personnels je / nous et vous (je vais vous parler aujourd’hui de…,
etc.) par exemple. L’exposé constitue en fait une structure, largement convention-
nalisée, d’apprentissage – tant pour l’exposant que pour l’auditoire – dans laquelle
un élève prend en quelque sorte la place du maître et expérimente ce mécanisme
particulier, et bien connu, qui fait que c’est en enseignant qu’on apprend ! De ce
fait, l’exposé est aussi un lieu de conscientisation, par rapport à son propre compor-
tement, qui force à s’interroger sur l’organisation et la transmissibilité du savoir.
Pour atteindre cet objectif, il est nécessaire de construire avec les élèves la notion
d’« expert » 2, qui fonde la situation d’exposé, car les élèves ne se représentent
généralement pas clairement les différences de savoirs qui les séparent de leur
auditoire.
Le rôle de l’exposant-expert est de transmettre un contenu ou autrement dit d’in-
former, de clarifier, de modifier des connaissances des auditeurs dans les meilleures
conditions possibles et de tendre à aplanir ainsi la dissymétrie initiale des savoirs
qui distingue les deux actants de ce contexte de communication. Pour ce faire, l’ex-
posant doit d’abord construire une problématique en tenant compte de ce que les
auditeurs savent déjà sur le thème, de même que de leurs attentes en relation au
thème abordé. Il doit également, tout au long de l’exposé, évaluer la nouveauté, la
2. D’une certaine manière, surtout lorsque le thème d’un exposé est décidé par l’enseignant, l’élève n’est pas réel-
lement un expert, il le devient. Par ailleurs, il est amusant de constater que dans les documents oraux de référence
sur lesquels nous nous sommes appuyés pour cerner le comportement des experts, nous avons remarqué que ceux-
ci se sentaient fréquemment tenus, en ouverture de leur exposé, soit à justifier leur statut d’expert, soit à relativiser
ce statut. Nous n’avons toutefois pas retenu cette dimension comme objet d’enseignement car il nous semblait
d’abord nécessaire de construire le rôle d’expert avant de le remettre en cause…
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L’exposé oral
difficulté de ce qu’il expose en étant attentif aux signaux qui lui sont envoyés par
l’auditoire et, au besoin, dire autrement, reformuler, définir. Enfin, il doit avoir une
idée claire des conclusions auxquelles il veut amener son auditoire. Plus concrète-
ment, pour assurer une bonne maîtrise de la situation, l’orateur-élève doit
apprendre à poser des questions afin de stimuler l’attention des auditeurs et afin de
vérifier si le but de son intervention est atteint, si tout le monde comprend. Pour
assurer une bonne transmission de son discours, il doit également prendre
conscience des conditions qui la garantissent : de l’élocution claire et distincte à
l’explicitation des aspects métadiscursifs de l’exposé (plan, changements de thème,
de partie, etc.) en passant par la lisibilité et la pertinence des documents auxiliaires
utilisés.
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L’exposé oral
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L’exposé oral
– Balisage du texte en distinguant, au sein des séries thématiques, les idées princi-
pales des idées secondaires (… surtout…), les explications des descriptions (–
alors ces éléments isolés – les sons les formes les significations on appelle ça des
traits – alors quand une langue change – il est évident que tous les traits ne peuvent
pas changer en même temps – pourquoi parce que il faut que la communication
puisse être préservée on peut changer un petit élément – ça ne change rien à la
compréhension mais si on change tout en même temps il y a une rupture – qu’il
s’agit d’éviter donc le changement linguistique est extrêmement lent – et imper-
ceptible 3), les développements des conclusions résumés et des synthèses (… alors
le castor donc toute la journée construit répare colmate les les digues surveille le
niveau de l’eau va chercher la nourriture bref il a ses journées qui sont bien occu-
pées […],– voilà j’aimerais maintenant résumer – en deux mots – donc nous avons
vu que – ). La maîtrise de ces opérations repose largement sur l’usage des mar-
queurs de structuration de discours (donc, surtout, etc.), des organisateurs tempo-
rels (alors, à présent, etc.) et des temps du verbe (par exemple futur dans l’énoncé
du plan de l’exposé : alors tout au long de cette conférence je vous parlerai d’abord
du descriptif de cet animal je vous ferai un descriptif un ensuite nous verrons, futur
périphrastique et impératif, souvent employés pour marquer les étapes de l’exposé :
alors parlons maintenant de…, alors passons maintenant à…, voilà alors pour ter-
miner on va parler de…, alors prenons la diversité des langues […].
– Introduction d’exemples (explicatifs ou illustratifs) pour illustrer, clarifier ou
légitimer le discours, pour « assurer la bonne réception du discours par le desti-
nataire » (Coltier, 1988) : alors je prends l’exemple justement – de…
– Reformulations (sous la forme de paraphrases ou de définitions) afin de clari-
fier des termes perçus comme difficiles, nouveaux : – un archaïsme qu’est-ce
que c’est – c’est – un mot qui est encore vivant chez nous alors que – en fran-
çais il est démodé.
De manière générale, l’exposé demande une bonne maîtrise de la structuration d’un
texte long et de l’explicitation des changements de niveaux de texte. Le plan, ou
canevas, d’exposé mérite ainsi une attention particulière : loin de n’être qu’un sou-
tien auxiliaire largement laissé au bricolage de l’exposant, il fait partie du modèle
didactique du genre et doit faire l’objet d’une construction réfléchie, fondée sur
l’observation des pratiques sociales de référence et des savoir-faire des élèves. Sur
ce dernier point du canevas, la difficulté provient toutefois du fait que plusieurs
types de supports sont possibles et que nous ne savons à peu près rien de ce qui
conditionne/influence le passage de celui-ci à la réalisation orale de l’exposé. En
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L’exposé oral
4. Toutefois, ce type de support nous paraît plutôt caractéristique des genres voisins de l’exposé que sont le
discours et la conférence publics.
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L’exposé oral
Sur la base du modèle didactique ainsi défini, nous pouvons à présent préci-
ser, à un niveau plus global, les principaux objectifs permettant d’accéder à
une maîtrise de l’exposé oral de la manière suivante :
– prise de conscience de la situation de communication d’un exposé, de sa
dimension communicative qui tient compte du but, du destinataire, etc. ;
– exploitation des sources d’information, utilisation des documents (tels que
graphiques, transparents, enregistrements) ;
– structuration d’un exposé, hiérarchisation des idées et élaboration d’un plan
suivant des stratégies discursives ;
– développement des capacités d’exemplification, d’illustration et d’expli-
cation ;
– anticipation des difficultés de compréhension et usage de la reformulation
(sous forme de paraphrase ou de définition) ;
– développement de la compétence métadiscursive et, en particulier, des
capacités d’expliciter la structuration de l’exposé (sollicitée, par exemple, au
moment de la présentation du plan, de la conclusion), de marquer les chan-
gements de niveau (texte/paratexte par exemple) et d’étapes dans le discours ;
– prise de conscience de l’importance de la voix, du regard, de l’attitude
corporelle ;
– préparation et oralisation de notes.
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L’exposé oral
Comme le montre le modèle didactique qui présente les capacités en jeu dans
un exposé, celui-ci constitue un objet d’enseignement conséquent et complexe,
qui fait intervenir un nombre impressionnant de savoir-faire. Lorsqu’on se situe
dans la perspective d’un enseignement global, non compartimenté, voire inter-
disciplinaire, de la langue, cela fait de l’exposé un objet privilégié. Mais cela
soulève aussi la question des choix didactiques : que faut-il enseigner ? Peut-on
laisser certaines choses de côté ? Cette complexité ne risque-t-elle pas sinon
d’aboutir à une séquence excessivement riche, interminable 5 ? Ce qu’il faut évi-
demment éviter à tout prix !
En fait, l’importance de l’exposé, tant dans le contexte de l’école que de la
vie sociale, de même que l’importance des capacités concernées – qui
concourent toutes à définir la maîtrise du genre et doivent donc, d’une
manière ou d’une autre, être abordées – justifient que le genre « exposé » soit
travaillé à diverses reprises au cours de la scolarité, sous diverses variantes
(telles que l’exposé biographique, l’exposé explicatif, etc.), afin que tout ne
soit pas abordé en même temps mais distribué dans les diverses variantes du
genre et aux différents degrés de l’enseignement. Même si l’idée de globalité
demeure, il devient ainsi possible de répartir les objectifs didactiques en fonc-
tion de ce qui apparaît le plus important et le plus approprié à un âge donné
et pour une variante donnée, de sorte qu’une séquence n’excède en aucun cas
une quinzaine de leçons. Les deux séquences présentées ci-dessous exempli-
fient une telle répartition (p. 150 et s.).
5. Ce d’autant plus qu’à ces capacités langagières s’ajoute encore tout le travail sur le contenu traité dans
l’exposé…
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L’exposé oral
Structurer un exposé
L’introduction
Pour travailler l’introduction au niveau primaire (voir atelier 5 dans le tableau),
on commence par faire écouter aux élèves le début d’un exposé en leur fournis-
sant une feuille d’écoute contenant certaines choses que dit l’exposant, d’autres
qu’il ne dit pas et on leur demande de cocher ce qu’il dit vraiment. Après cor-
rection et quelques commentaires sur le pourquoi et le comment de ce qui appa-
raît, l’enseignant demande aux élèves de sélectionner, dans une liste, les élé-
ments qui leur semblent les plus importants pour introduire un exposé :
Module 5, activité 2
Parmi les éléments ci-dessous, coche ceux qui te semblent importants pour
introduire une conférence.
• J’annonce de quoi je vais parler.
• Je dis pourquoi le sujet m’intéresse.
• Je montre une photographie sans rien dire.
• Je fais un lien avec mon vécu ou celui des auditeurs.
• Je pose une question accrocheuse qui éveille la curiosité de mes cama-
rades.
• J’exprime ce que je ressens par rapport à mon sujet.
• J’entre directement en matière et je fournis toutes les informations que je
possède.
• Je limite le sujet qui va être traité.
Cette étape devrait permettre aux élèves de saisir qu’une introduction vise en
même temps à accrocher l’attention de l’auditoire (expression d’un point de vue
personnel, humour, anecdote, interpellation de l’auditoire par des questions,
etc.) et à définir (situer, délimiter) clairement le thème qui va être traité (titre,
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L’exposé oral
6. On peut considérer que le sommaire fait partie de l’introduction ou qu’il constitue une phase en soi ; cela est
sans importance pourvu que cette dimension soit, d’une manière ou d’une autre, prise en compte. Lorsqu’on
travaille le sommaire, on pourra par exemple faire observer une première présentation, lister les formules qui
introduisent les différents éléments du sommaire, puis demander aux élèves de les transformer en recourant à
des formules contenant un verbe au futur, etc.
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L’exposé oral
L’observation d’exposés produits par des élèves qui n’ont pas suivi un enseigne-
ment spécifique fait apparaître de nombreuses difficultés bien connues des
enseignants : absence de mise en situation, de justification du thème choisi et de
« captation » de l’auditoire ; absence d’annonce du plan de l’exposé débouchant
fréquemment sur un développement de type « coq à l’âne », dans lequel les
changements de partie sont indiqués de façon minimale ; non-prise en compte
de l’auditoire, qui se manifeste entre autres par l’emploi de termes qui lui sont
inconnus ; absence de récapitulation, de clôture (ou clôture « minimale » :
voilà…), etc.
Les productions que nous avons recueillies en fin de séquence montrent que ces
différents aspects peuvent faire l’objet d’un enseignement qui transforment sen-
siblement les performances des élèves. Voici quelques exemples 7 :
Exemple d’exposé sur la taupe (élève de 9 ans)
la taupe mesure 14 centimètres – comme vous le voyez ici (l’élève montre
l’image d’une taupe à ses camarades) – la femelle est plus petite que le mâle
– son poids est de 70 à 80 grammes – c’est-à-dire comme moins qu’une
plaque de chocolat – son pelage est court droit et serré – velouté – velouté
veut dire doux – ces poils sont – euh les poils d’un chien sont plantés d’un
sens – et quand vous les caressez dans ce sens – ils aiment bien – mais si –
ils aiment bien – mais si vous les caressez dans l’autre sens à rebrousse-poils
– ils n’aiment pas – eh bien la taupe elle a les poils tout droits – alors si vous
la caressez dans un sens ou dans l’autre – ça ne la gêne pas –…
Exemple d’exposé sur la buse (élève de 9 ans)
« je vais vous faire la description de la buse – la buse est un oiseau rapace
diurne – rapace signifie chasseur – diurne signifie qui attrape ses proies le
jour – les buses n’ont pas le même plumage – c’est pour cela qu’on l’appelle
buse variable – ça change selon les pays et chaque individu est différent –
c’est-à-dire chaque buse est différente – la taille du mâle est de 50 centi-
mètres – comme vous le voyez ici (l’élève montre l’image d’une buse) – …
Au niveau secondaire, le travail réalisé à propos de la diversité des procédés lin-
guistiques de structuration est nettement perceptible au moment de la réalisation
des exposés finaux. On y observe en effet une abondance d’expressions de
structuration. En voici deux exemples :
7. Les exemples d’activités pour le primaire font partie de la séquence didactique « Exposer à l’oral (la confé-
rence) » non publiée, élaborée par Muriel Wacker. Les extraits de conférence d’élèves de 9 ans proviennent
des productions qui font suite à la réalisation de la séquence.
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L’exposé oral
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L’exposé oral
maire, on trouvera une grille d’(auto-) évaluation élaborée avec les élèves au
chapitre 4.
L’exposé, travaillé de divers points de vue, constitue un genre particulièrement
propice, car il permet aux élèves de s’introduire dans un discours monologal
d’une certaine complexité. Il peut être ainsi produit « spontanément » en situa-
tion, mais sur la base d’un travail préalable sur le contenu et d’une préparation
de la forme langagière. Il complète ainsi le travail portant sur les situations plus
interactives comme l’interview (voir chapitre précédent) ou le débat (chapitre
suivant) ou le travail plus axé sur des questions de prosodie (voir le chapitre sur
la lecture à d’autres).
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Le débat régulé
Dans le premier chapitre de cet ouvrage, nous avons illustré les difficultés de la
construction d’un enseignement sur l’expression orale par le récit de la construc-
tion de nos premières séquences didactiques sur le débat. Dans ce chapitre, nous
reviendrons sur ce genre pour établir le bilan des lignes de force retenues pour
l’enseignement durant la période de l’école obligatoire.
Le débat est un genre immédiatement reconnaissable par tout un chacun.
Constituant en effet, dans les sociétés démocratiques, l’une des formes cou-
rantes de délibération des affaires publiques, il se caractérise par une discussion
sur une question controversée entre plusieurs partenaires qui essaient de modi-
fier les opinions ou les attitudes d’un auditoire. Il peut être envisagé comme un
moyen d’atteindre un consensus ou comme la manifestation d’un désaccord
irréductible entre des adversaires. Généralement, il précède et prépare une prise
de décision. La présence relativement fréquente de débats dans les émissions de
radio et de télévision ainsi que dans les tribunes et assemblées publiques fait que
les élèves ont des représentations relativement élaborées des situations argumen-
tatives « en public » et de certains de ses enjeux.
Les raisons en faveur d’un travail sur le débat en public, à différents moments
de la scolarité obligatoire, sont nombreuses. Les élèves vivent dans une société
de persuasion dans laquelle les médias essaient systématiquement d’influencer
l’opinion des citoyens. De ce point de vue, l’initiation à la pratique du débat à
des âges différents constitue l’un des moyens de développer non seulement
l’esprit civique des élèves mais aussi leur esprit critique. Lorsqu’ils intervien-
nent dans un débat en classe, ils se préparent à participer à la vie sociale. En
écoutant des débats en classe et analysant les interventions des participants, ils
découvrent certains ressorts de l’argumentation et s’arment ainsi contre certains
effets manipulatoires.
Nous avons développé dans le chapitre 2 pourquoi nous pensions que l’ensei-
gnement de l’expression orale devait se concentrer sur l’oral public. Le débat,
par le fait même qu’il est public, qu’il suit des règles de fonctionnement relati-
vement strictes, qu’il demande une certaine préparation, nécessite, de la part des
élèves qui y participent, de prendre conscience de leur propre comportement
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Le débat régulé
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Le débat régulé
Notre modélisation didactique du genre s’oriente vers une variante moins belli-
queuse : le débat conçu comme un outil de construction collective d’une solu-
tion, régulé par un modérateur qui facilite la dynamique des échanges. Dans
cette variante du débat, les participants défendent des positions et présentent des
propositions non nécessairement contradictoires. Par rapport à la question
posée, chacun présuppose chez les autres la volonté de trouver, à travers la rai-
son et le raisonnement, une solution collectivement acceptable à la question
(Klein, 1980). Cela signifie que chacun est prêt à mettre en jeu sa position. Cette
position évolue forcément dans la discussion et le dialogue qui peuvent aussi
avoir pour intérêt de réduire un éventuel désaccord entre les antagonistes. Le
débat, constitué de l’ensemble des interventions dont chacune apporte son éclai-
rage à la question controversée, apparaît ainsi, non seulement comme la
construction conjointe d’une réponse complexe à la question, mais aussi comme
un outil de réflexion qui permet à chaque débatteur (et à chaque auditeur) de
préciser et de modifier sa position initiale. Cette modification se fait essentielle-
ment par l’écoute, la prise en compte et l’intégration du discours de l’autre.
Chaque argument, chaque exemple, le sens de chaque mot se transforment
continuellement par le fait même qu’ils sont confrontés à ceux des autres parti-
cipants et par le fait que chacun est continuellement en train de se situer par rap-
port aux autres interventions (François, 1993).
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Le débat régulé
Un débat public porte toujours sur une question controversée et fait intervenir
plusieurs partenaires qui expriment leurs opinions ou attitudes, essaient de
modifier celles des autres tout en ajustant les leurs, en vue, idéalement, de
construire une réponse commune à la question initiale. On l’appelle régulé
quand un modérateur gère et structure le déroulement en mettant en évidence la
position des différents débatteurs, en facilitant les échanges entre eux, en
essayant éventuellement d’arbitrer les conflits et de concilier les positions oppo-
sées. De ce point de vue, le modérateur contribue à rendre possible la construc-
tion conjointe d’une réponse commune. Dans un débat public, le modérateur ne
joue toutefois pas seulement un rôle de médiateur entre les participants mais
aussi (et parfois surtout) entre les participants et l’auditoire.
Nous venons de le dire : pour qu’il puisse y avoir débat, il faut tout d’abord qu’il
y ait une question (la quaestio des rhétoriciens) susceptible de faire l’objet de
réponses, d’opinions différentes. Un véritable débat public suppose que cette
question soit publique, qu’elle fasse l’objet de prises de position et de discus-
sions en divers endroits d’une société. Mais pour qu’il y ait débat, il faut aussi
un certain désaccord entre les débatteurs. Ils entrent dans le débat en défendant
des positions qui ne doivent être ni totalement identiques (car le débat est alors
inutile), ni trop différentes (car le débat est alors difficile, voire impossible) ;
autrement dit, les débatteurs entament le débat en présentant des positions qu’ils
sont prêts (dans une certaine mesure en tout cas) à mettre en jeu, à modifier
selon l’évolution de la discussion.
Le débat proprement dit est constitué de l’ensemble des interventions qui, cha-
cune, apportent leur éclairage à la discussion de la question. Le débat apparaît
ainsi comme la construction conjointe d’une réponse complexe à la question,
comme un outil de réflexion qui permet à chaque débatteur (et à chaque audi-
teur) de préciser/modifier sa position initiale. Autrement dit, les positions des
débatteurs au début et à la fin du débat ne sont jamais tout à fait les mêmes : ces
positions ont été, dans l’interaction, enrichies des apports des autres.
Pour que les positions puissent évoluer, s’enrichir, être remises en question, il
faut que la question soit bien délimitée, bien analysée et examinée sous diffé-
rents angles, sous différentes facettes (dont certaines auraient certainement
échappé à une personne seule !). Ainsi, un débat évolue par étapes, il est struc-
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Le débat régulé
turé. Les passages d’une étape à l’autre, d’une facette à l’autre sont fréquem-
ment marqués par des synthèses (provisoires), des résumés de ce qui précède.
Dans un débat, il est indispensable de bien écouter ce que disent les autres et de
s’y référer. L’écoute et la prise en compte du discours de l’autre constituent le
véritable moteur du débat. Cela n’a aucun sens, en effet, de développer ses
propres arguments sans jamais les confronter à ceux des autres débatteurs :
encore s’agit-il de réfuter les arguments des débatteurs qui défendent une posi-
tion opposée, voire de renforcer sa position en appuyant et en développant les
arguments des débatteurs qui défendent une position comparable. Autrement
dit, il s’agit sans cesse de se situer par rapport aux autres interventions : le débat
représente – rappelons-le – la construction conjointe d’une réponse complexe à
la question, un outil commun de réflexion qui permet à chaque débatteur de pré-
ciser/modifier sa position initiale grâce à l’apport des autres.
Une bonne écoute permet la compréhension entre les interlocuteurs, elle permet
aussi d’intervenir à bon escient dans le débat en se situant par rapport aux autres
interventions. Une écoute attentive doit cependant permettre d’aller plus loin
encore : reconstituer des raisonnements implicites, saisir la visée d’une interven-
tion, anticiper afin de mieux préparer sa propre intervention, comme dans
l’exemple ci-dessous.
Argumenter pour défendre une position signifie fournir des raisons, des argu-
ments de nature verbale qui soutiennent, justifient, expliquent cette position. Les
arguments constituent en quelque sorte des réponses à des questions portant sur
les positions (pourquoi...? Y a-t-il des faits qui illustrent, exemplifient...?). Une
intervention prend donc souvent la forme qu’on peut représenter par le schéma
suivant :
intervention
Pour qu’il y ait débat, il faut donc non seulement une question de base, non seu-
lement que les débatteurs expriment une position initiale, mais encore qu’ils
étayent leurs prises de position par des arguments : c’est en effet sur les argu-
ments (qui appuient chaque position) que porte la discussion. Ainsi, chaque
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Le débat régulé
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Le débat régulé
Comme le fait apparaître le modèle didactique que nous venons d’exposer, le débat
régulé constitue sans doute un objet didactique particulièrement difficile à aborder,
aussi bien du point de vue de l’enseignement que des élèves. Étant donné son im-
portance sociale, il mérite cependant qu’on y consacre du temps à divers niveaux de
la scolarité pour permettre aux élèves, d’une part, d’en avoir une connaissance de
l’intérieur et de détecter les mécanismes et stratégies qui y président et, d’autre part,
d’être préparés, le cas échéant, à prendre la parole dans des situations argumenta-
tives formelles diverses. Les tableaux qui suivent résument deux séquences didac-
tiques réalisées dans de nombreuses classes de l’école primaire (élèves de 10-
11 ans) et secondaire (élèves de 14-15 ans). Ils concrétisent l’esquisse présentée à la
page 101 en montrant comment il est possible de travailler le débat régulé avec des
élèves jeunes et de construire une progression des apprentissages pour ce genre.
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Le débat régulé
Exemples d’activités
Parmi les activités présentées ci-dessous, certaines ont été conduites avec des
élèves de l’école primaire, d’autres avec des élèves de l’école secondaire, d’autres
encore sont des activités communes au primaire et au secondaire mais avec des ob-
jectifs différents. Avec les jeunes élèves, on insiste sur l’écoute, l’élaboration et
l’étayage argumentatif des interventions, le dialogue entre les participants et la for-
mulation éventuelle d’une objection. Au secondaire, comme il apparaît dans les sé-
quences didactiques présentées dans les tableaux, il se produit un changement de
perspective : l’enseignement est plutôt axé sur la réfutation et l’intégration de la pa-
role de l’autre dans les interventions des débatteurs.
Apprendre à écouter
L’oral se définit souvent autant par les capacités de compréhension mises en œuvre
que par celles que nécessite l’expression. En effet, l’analyse de débats menés par des
locuteurs novices révèle une capacité d’écoute insuffisante pour leur permettre d’en-
chaîner sur ce qui vient d’être dit. L’entraînement de la capacité d’écoute apparaît très
vite comme incontournable dans une optique où l’on veut, d’une part, faire découvrir
certains mécanismes du débat et, d’autre part, faire évoluer les interventions des
élèves vers la prise en compte de la position des autres (élèves du primaire) et l’inté-
gration de la parole de l’autre dans son propre discours (élèves du secondaire).
Pour développer l’écoute, nous avons élaboré un module qui consiste en un
moment de sensibilisation à la manière dont les adultes mènent un débat. Il s’agit
d’un moment d’écoute de débatteurs experts et de réflexion sur les modes particu-
liers d’interaction qui caractérisent la variante de débat étudiée. Par une feuille
d’écoute, on guide les élèves dans le repérage de certains aspects du débat écouté
(ouverture, rituels de présentation, organisation du débat, etc.) et on les amène à
observer comment les adultes reprennent ce qu’a dit l’autre, comment ils reformu-
lent sa position (pour ce faire ils recourent par exemple à des nominalisations),
comment ils réfutent et concèdent. Le module d’écoute orientée a également pour
objectif de sensibiliser les élèves au rôle du modérateur dans la conduite d’un débat.
L’enseignant distribue une feuille d’écoute avec des consignes précises. Les élèves
lisent les consignes qui se réfèrent à l’extrait de débat qu’ils vont entendre, mais
seulement celles-là. Ils répondent immédiatement aux questions (page 174).
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Le débat régulé
Feuille d’écoute
* Lis attentivement la consigne suivante avant d’écouter le premier extrait !
Numérote les éléments suivants selon l’ordre dans lequel ils apparaissent :
• appel d’une auditrice • présentation des débatteurs
• introduction de la journaliste • indicatif de l’émission
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Le débat régulé
dénomination commerciale
1. ......................................................................
2. ...................................................................... dénomination zoologique
3........................................................................ origine (pays)
4........................................................................ provenance (chasse, élevage, …)
Voici la feuille d’écoute pour analyser la position et les arguments des interven-
tions écoutées.
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Le débat régulé
3
x
pas de pollution
4
x
(contre) : descente
(pour) : montée
La présence d’un désaccord, puisqu’elle est la condition pour que le débat ait lieu,
peut être à bon droit considérée comme le moteur du débat. Mais, pour que ce
désaccord fonctionne de façon dynamique et non comme un obstacle, il faut qu’il
puisse s’exprimer et être compris comme tel. L’expression du désaccord apparaît
sans doute comme la dimension la plus fondamentale du débat. Sans entrer vrai-
ment dans la réfutation, on peut au primaire sensibiliser les élèves à la formulation
d’objections après leur avoir fait observer comment s’y prennent des adultes.
Dans une première étape, on demande aux élèves de repérer, par l’intermédiaire
de l’écoute collective d’un extrait de débat, comment un adulte formule des
objections.
Débatteur 3 : pour en revenir à ce que disait madame Wacker – c’est vrai quand
on regarde la classe enfin les classes à Genève souvent les garçons se mettent
par affinités – mais par contre moi j’ai aussi remarqué en tant que GNT comme
madame Dafflon que par moment avec les titulaires de classe – quand on sépa-
re la classe pour faire une activité d’environnement par exemple , et puis on veut
mettre plutôt les enfants faibles ensemble pour qu’ils avancent à la même vites-
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Le débat régulé
se, ou plutôt les enfants forts ensemble donc pour qu’ils avancent aussi à la
même vitesse et bien les groupes finalement deviennent mixtes
Après une deuxième écoute du début jusqu’à « mais par contre j’ai aussi remar-
qué… », il s’agit de repérer et de mettre au tableau noir l’expression utilisée pour
formuler son désaccord avec ce que l’autre a dit (« c’est vrai… mais par contre
moi… »). Le terme « Formuler son désaccord » est également mis au tableau noir.
Pour permettre aux élèves d’apprendre à formuler leur désaccord, ils écoutent,
dans une deuxième étape, une prise de position provocatrice :
je pense que l’on devrait introduire à l’école des cours de travaux ménagers
réservés aux garçons – cela me semblerait un bon moyen pour aller contre
ce qui existe dans la plupart des familles – la femme considère comme son
devoir d’être attentive à la bonne marche du ménage – nettoyage, commis-
sion, soins aux enfants – et puis l’homme s’occupe de la voiture et des éven-
tuelles prises électriques à réparer ou des tableaux à suspendre – on pourrait
aussi introduire un cours réservé aux filles de bricolage menuiserie – elles
seraient ainsi capables de se débrouiller seules dans tous les domaines
Puis ils élaborent une réfutation en groupes à l’aide de l’expression mise au
tableau noir (ou d’autres proposées par les élèves). Ils présentent leur solution à
la classe et en discutent.
Réfuter
Voici la manière métaphorique par laquelle la réfutation est présentée aux élèves :
La réfutation, c’est l’aïkido de l’argumentation
Lorsqu’un adversaire vous lance un coup de poing, par exemple, il existe
trois façons d’agir :
1° bloquer, arrêter le coup en s’y opposant
– cela requiert autant de véhémence que le coup en contient
Équivalents dans l’argumentation : grossièrement « T’es con ! », « Ça va
pas la tête ? »
ou ironiquement « Vous plaisantez ! »
2° esquiver le coup
– cela requiert une très grande habileté et ne met pas à l’abri des coups sui-
vants
Équivalents dans l’argumentation : « Ce n’est pas sous cet angle que je vois
les choses. »
ou « Ce n’est pas le problème ! », ou « Le problème n’est pas là »
3° faire dévier le coup de son objectif, le détourner à son profit
– cela requiert un entraînement qui permettra de diriger le bras de son
adversaire, d’utiliser sa force à lui pour le faire choir ou l’immobiliser
Équivalents dans l’argumentation : « J’entends bien ce que tu dis, mais pour
ma part je pense que… » ou « Selon vous… ; justement… »
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Sans entrer dans les détails, la première chose qui saute aux yeux, lorsque l’on
compare les productions avant et après apprentissage, c’est l’allongement de la
durée des débats et des interventions. Incontestablement les débats sont plus
riches et les prises de paroles plus étoffées.
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Le débat régulé
peler qu’on s’éloigne du sujet, à s’adresser au groupe (que pensez-vous de ce qu’a dit
X ; quelqu’un a-t-il quelque chose à ajouter avant que notre débat soit terminé).
L’extrait suivant illustre bien ces points :
...
G : Je voulais dire que quand Deborah dit elle dit qu’il faut séparer les garçons et
les filles parce qu’ils se bagarrent – je trouve que – les filles aussi elles se ba… des
fois elles se disputent pis les garçons des fois ils e… ils se bagarrent aussi hein – ça
n’empêche pas que en les séparant i : ils se bagarreront plus hein
A : Y a un point que je ne suis pas d’accord avec vous – euh d’une part euh si on
met de côté ça c’est vrai mais c’est les garçons qui vont commencer à se battre
avec les garçons et les filles aussi – des fois –
Mod. : Voilà bien alors : Fabio
F : Moi j’a pas compris ce qu’i voulait dire Armando quand i dit ça je vois pas le
rapport avec la mixité dans la classe – dans les classes – et pis ces choses-là je
vois pas le rapport
Mod. : Alors Armando – réponse
A : Mh simple… seulement c’est que si on met par exemple on vous met direct
vers un garçon vous commencez – par exemple : Olivier tiens – disons comme
ça – mh si on vous met avec des garçons et des filles là vous serez tout le temps
ensemble si on vous enlève la mixité euh vous serez plus euh ensemble et vous
pourrez jamais rien faire
Mod. : Donc ce que tu veux nous dire c’est que – si les garçons sont séparés –
entre… sont séparés des filles ils pourront jamais se connaître
L’analyse de ces productions révèle des points faibles qui indiquent les pistes à
suivre dans l’optique d’un apprentissage continué du débat à l’école obligatoire.
Le contenu. Du point de vue de la variété des opinions défendues et des argu-
ments apportés, les débats peuvent être jugés un peu pauvres. La nécessité d’un
travail sur le thème est à relever une nouvelle fois comme une dimension fon-
damentale de l’argumentation.
La structure des interventions. Au plan relationnel, on observe l’omniprésence
des structures en cascade, avec une justification en parce que ouvrant sur un
exemple concret introduit par si. Au plan polyphonique, on ne note aucune réfé-
rence à des discours extérieurs à la classe. Au plan informationnel, la progres-
sion à type constant se fait à l’aide de chaînes anaphoriques de nature pronomi-
nale. Enfin, au plan énonciatif, on relève très peu de traces de l’énonciateur. Ces
dimensions en voie d’assimilation devraient faire, selon nous, l’objet d’un tra-
vail plus approfondi au secondaire.
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Le débat régulé
On peut aussi centrer l’évaluation sur des aspects plus limités. Nous avons vu
que dans les différents ateliers visant l’amélioration des capacités langagières
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Le débat régulé
pour l’enseignant, même si elle pointe les limites de l’oral public (élève : 9-15).
L’échange latéral (18-26) montre, quant à lui, l’intérêt des élèves pour la ques-
tion pédagogique : ils vont jusqu’à proposer des solutions pour améliorer la qua-
lité des débats et pour faire progresser les élèves.
Nous avons voulu montrer, à l’aide de ce parcours réalisé dans les sinuosités de
l’enseignement d’un genre « débat », comment les questions théoriques soule-
vées par l’oral peuvent trouver des réponses concrètes sur le terrain et fournir
aux enseignants intéressés par une telle démarche des pistes de travail. Les capa-
cités en jeu dans l’argumentation adulte sont nombreuses et complexes, c’est
pourquoi elles sont longues à acquérir. L’apprentissage doit donc pour cela com-
mencer de façon précoce. Travailler le débat public régulé nous est apparu
comme un bon moyen d’entraîner quelques-unes de ces capacités à l’école obli-
gatoire. Les premiers résultats observés nous semblent de ce point de vue très
encourageants.
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La lecture à d’autres
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La lecture à d’autres
déchiffrage, mais une activité dont l’enjeu pour le lecteur est de communiquer
une forme ou un contenu textuels à des auditeurs ne disposant pas de ce texte.
Pour pouvoir rendre compréhensible ce qu’il lit, le lecteur doit par conséquent,
avant toute chose, faire un travail de préparation, une analyse aussi bien du
cadre dans lequel il va performer son texte, de la forme et du contenu du texte à
performer que des choix de mise en voix qu’il devra faire, son interprétation en
quelque sorte : le lecteur est le médiateur du texte vers l’auditeur, et sa tâche est
d’en assurer la transmission au mieux. Cela suppose prise en compte de la situa-
tion de communication, intelligence du texte et expressivité vocale.
La séquence didactique va s’efforcer d’aider les élèves à construire les diffé-
rentes compétences en jeu dans cette activité.
Lire à d’autres
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La lecture à d’autres
La situation de communication
La première dimension à prendre en considération dans une activité comme la
lecture à d’autres, en particulier la lecture de contes 1, c’est la représentation de
la situation de communication, et en conséquence la nécessité de prendre en
compte l’auditoire. Le lecteur devra adapter sa performance à la situation, et la
mise en scène est essentielle: présence ou absence (en cas d’enregistrement) de
l’auditoire, adaptation du volume et du timbre de la voix en fonction du cadre
de production, éventuellement adaptation du texte en fonction de l’auditoire,
anticipation des effets produits. La mise en valeur du texte, le fait de retenir
l’attention de l’auditoire, de le charmer ou de l’intéresser, tout cela est à la
charge du lecteur.
1. Le genre textuel choisi pour la lecture à d’autres, le conte, nous a semblé particulièrement bien adapté aux
enfants : la plupart du temps, il s’agit en effet d’un genre qui leur est familier, extrêmement riche du point de
vue discursif, mais aussi permettant un certain accès à l’interculturel, et autorisant de nombreuses possibilités
de performance.
2. Le but de la lecture à d’autres n’est donc pas d’évaluer les capacités de déchiffrage d’un enfant.
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La lecture à d’autres
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Séquence didactique :
La « lecture à d’autres de contes » à l’école primaire
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La lecture à d’autres
Tout au long des modules, les élèves se rendront compte de la nécessité de bien
comprendre le texte avant de le lire à d’autres. Ils apprendront à l’annoter. Outre
des aspects techniques comme le rythme, la respiration, l’articulation, l’aména-
gement de pauses, ils auront l’occasion d’exercer l’intonation expressive dans
les dialogues et la mise en évidence des différents plans de texte dans les parties
narratives. Le travail sur ces différents aspects de la lecture à d’autres se fait
dans le cadre d’un projet de classe : à la fin de la séquence, les élèves liront des
contes devant une classe d’élèves plus jeunes.
Le tableau ci-dessus présente une vision synthétique des différents ateliers de la
séquence didactique.
Pour faciliter le travail de lecture des élèves, le texte écrit est présenté sous la
forme d’un scénario, avec récitant et personnages. Le travail de dégagement des
différentes parties de la trame se fait selon trois modalités différentes :
Les élèves écoutent le début de la légende (les cinq premières parties). Quelques
questions sont posées pour vérifier la compréhension du texte entendu. Puis
l’enseignant annonce aux élèves que le début de la légende qu’ils viennent
d’entendre comporte cinq parties. L’enregistrement est réécouté. Les élèves énu-
mèrent ces parties en leur attribuant un titre. Les titres, numérotés, sont écrits au
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La lecture à d’autres
tableau par l’enseignant. Il est souhaitable de garder une unité dans la formula-
tion des titres : phrases ou nominalisations. On pourrait obtenir la liste suivante :
1. Présentation générale de la situation des animaux
2. Présentation du coyote
3. Rencontre entre l’aigle et le coyote
4. Départ pour la chasse et dispute
5. Décision d’aller chercher la lumière
Une question est posée pour rendre les élèves attentifs à l’utilité des pauses dans
la lecture : « Dans la manière de lire le texte, qu’est-ce qui vous a aidés à repérer
ces cinq premières parties ? »
Ensuite, les élèves reçoivent le texte. Ils le lisent silencieusement avec l’objectif
de trouver les quatre parties suivantes de la trame. Après discussion, l’ensei-
gnant note au tableau les quatre titres suivants. On pourrait obtenir :
6. Passage du fleuve et dispute
7. Arrivée chez les Katchinas ; effroi du coyote
8. Découverte des coffres contenant la Lune et le Soleil
9. Vol des coffres par l’aigle
En se servant de la liste établie, les élèves séparent par des traits les différentes
parties de la légende, qu’ils numérotent. Ils notent en marge les intitulés des par-
ties. Ce découpage permet d’avoir une vue d’ensemble du conte. Il permet aussi,
dans le cadre de la lecture expressive, de repérer les endroits du texte où le lec-
teur fera des pauses pour donner aux auditeurs le temps d’assimiler ce qui a été
lu et leur donner la possibilité d’imaginer la suite de l’histoire. Ces temps de
pause ont en plus l’avantage de permettre aux lecteurs de regarder le public et
de se préparer à lire la suite du texte.
Le travail sur l’intonation expressive n’est pas facile pour des élèves de 9-
10 ans, car il ne suffit pas de comprendre quels sont les sentiments et les inten-
tions des personnages ; encore faut-il apprendre à se décentrer et à imaginer
comment exprimer par la voix le désespoir, la colère, l’enthousiasme ou d’autres
émotions animant les personnages.
Dans un premier temps, par groupes, les élèves font un portrait psychologique
des deux héros. Ils appuient leurs affirmations par des citations tirées du texte
ou les justifient en fonction de l’ensemble de la légende. Ce travail, qui peut
s’assortir d’une prise de notes, est présenté à la classe par des rapporteurs tirés
au sort.
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La lecture à d’autres
Puis, par demi-classe, les élèves s’exercent à lire à haute voix des tirades isolées
des héros. Cet exercice est possible parce que les élèves connaissent l’ensemble
du conte. Les élèves reçoivent une feuille de travail où ils notent les sentiments
des personnages du conte et préparent une lecture expressive à l’autre demi-
classe. Les élèves de la demi-classe n’ayant pas fait ce travail essayent de devi-
ner quel est le sentiment exprimé.
Des élèves interrogés lisent une tirade tandis que leurs camarades de l’autre
demi-classe disent quel est le sentiment exprimé, et si l’interprétation qui en est
donnée convient. C’est l’occasion de rendre la classe attentive au fait qu’il n’y a
pas qu’une seule façon de bien interpréter une tirade.
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La lecture à d’autres
Le but de ces exercices est de travailler sur le rythme et la respiration, mais aussi
le débit, l’intensité, l’articulation, la tenue de la voix en fin de phrase. Le travail
commence par un exercice d’écoute. Les élèves sont avertis que les passages
qu’ils vont entendre présentent des défauts majeurs. Il s’agit de découvrir quels
défauts de lecture apparaissent successivement dans des passages enregistrés par
une lectrice experte.
Les élèves disposent d’une feuille d’écoute sur laquelle ils notent ces défauts :
– lecture trop lente/ lecture trop rapide,
– voix inaudible à la fin des phrases,
– accents et coupures rythmiques mal placés,
– respiration mal gérée/ absence d’intonation expressive,
– articulation incomplète de certains mots (finales en tre, cle, fre, ble... ).
L’enregistrement est réécouté, un fragment après l’autre, après que les élèves
aient indiqué le défaut du passage à entendre. La correction de l’exercice aboutit
à la réalisation d’un panneau auquel on fera référence pendant tout le module et
au-delà.
Ensuite, les élèves réalisent un exercice de découpage rythmique et de respira-
tion. Le passage de l’enregistrement rythmiquement mal interprété figure au
tableau. Les élèves repèrent « les groupes de mots qui vont bien ensemble ».
L’enseignant place des marques (℘) à la fin des groupes rythmiques trouvés par
la classe.
℘ ℘ ℘ ℘
Il vit alors, dans une clairière, des êtres étranges qui sautaient et dansaient en
℘
s’accompagnant d’un chant bizarre...
℘ ℘
Leurs corps et leurs visages étaient si affreusement peinturlurés que les poils
℘ ℘
du coyote se hérissèrent d’horreur.
Une réflexion est conduite quant à la composition et aux limites de ces groupes :
– groupe nominal sujet,
– groupe verbal,
– complément de phrase long,
– limites marquées par la ponctuation.
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La lecture à d’autres
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La lecture à d’autres
tions lors de la lecture, mais plus encore une tendance à « marteler » des syl-
labes des mots, à avancer dans la lecture en reconnaissant et prononçant syllabe
par syllabe, donnant l’impression que les mots ne sont pas réellement compris.
Notons que ce dernier phénomène peut arriver aussi bien avec les mots d’usage
peu fréquent qu’avec des mots connus.
2. Articulation des mots : il s’agit ici surtout de l’articulation des finales des
mots (erreurs fréquentes : [semblab] pour /semblable/, [mont] pour /montre/).
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La lecture à d’autres
– 0 + – 0 +
1. Fluidité de la lecture 13 8 4 2 14 9
2. Articulation des mots 3 4 18 2 2 21
3. Groupes rythmiques 12 5 8 1 5 19
4. Respiration 9 5 11 0 6 19
5. Marquage fin de phrase 5 10 10 0 9 16
6. Pauses 24 0 1 15 6 4
7. Variation du débit 5 10 10 0 2 23
8. Intonation expressive 8 7 10 0 2 23
9. Autres marquages du plan 18 4 3 2 7 16
Cette image globalement positive qui met en évidence des potentialités assez
importantes de développement des capacités de lecture pour d’autres peut et doit
être nuancée par des données plus qualitatives que nous présentons sous forme
de trois portraits significatifs de l’ensemble des enfants observés en détail.
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La lecture à d’autres
l’intonation ; deux fois, deux phrases se suivant sont mal délimitées ; à cela
s’ajoutent des accrochages, hésitations, oublis de mots, absences de liaisons.
La deuxième lecture apparaît comme une utilisation presque optimale du poten-
tiel présent lors de la première lecture. Les registres de voix sont à la fois plus
variés et plus systématiquement mis en œuvre pour distinguer les personnages et
leurs sentiments : voix mystérieuse, plaintive, interrogative, explicative, alter-
nent, montrant ainsi acoustiquement des états psychologiques divers. Les struc-
tures syntaxiques complexes sont mises en évidence par les divers moyens à dis-
position du lecteur. Non seulement les liaisons obligatoires sont réalisées, mais
Louis cède parfois à la tentation de la surnorme en réalisant toutes celles qui
sont facultatives. À cela s’ajoute une subtile mise en évidence de la structure
sémantique du texte, aussi bien au niveau de mots soulignés par un accent
d’insistance qu’au niveau de listes descriptives de mots, énumérées et closes par
de fines variations d’intensité de voix.
Exemple 1
Production initiale : [Voix normale] Un soir, comme il chantait tout seul,
[martelé] a-ssis-contre-un-arbre [se corrige] contre un vieux mur : [conti-
nue sans changement de voix] « Ti-Tête, où est Ti-Tête, où s’est perdue Ti-
Tête ? », [continue sans changement de voix et pause] quelqu’un lui dit.
Production finale :[Voix douce et mystérieuse] Un soir, [sans interruption
jusqu’aux deux points] comme il chantait tout seul, assis contre un vieux
mur : [voix plaintive]« Ti-Tête, où est Ti-Tête, où s’est perdue Ti-Tête ? »,
[voix douce et mystérieuse du début] quelqu’un lui dit.
Exemple 2
Production initiale : Tous l’écoutèrent, les femmes, les enfants, [continue sur
le même ton énumératif] et les oiseaux aussi, [accrochage] de [correction]
dans les [ton montant] feuillages [enchaînement immédiat sans pause ; lec-
ture sens emphase]. Même les chiens se turent.
Production finale : Tous l’écoutèrent, [ajout de l’enfant qui continue norma-
lement] les hommes, les femmes, les enfants [petite pause] et les oiseaux [ton
clairement montant] aussi, [sans changement de hauteur du ton] dans les
feuillages. [pause] Même les chiens [fortement accentué] se turent.
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La lecture à d’autres
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La lecture à d’autres
tations nouvelles en des endroits inattendus. Une analyse plus approfondie révèle
que ces problèmes de performance locale apparaissent précisément à des moments
où Marie essaye de mettre en relief certains mots ou de marquer une formule ma-
gique par une voix particulière. Visiblement, l’attention soutenue que lui deman-
dent ces nouvelles réalisations en lecture se paie par une inattention à d’autres
niveaux de la lecture qui ne sont, chez elle, pas encore suffisamment automatisés.
Exemple 5
Production initiale : La bourse se [répète, accrochage] se gonfla de pièces
d’or.
Production finale : La bourse [avec emphase] se gonfla de pièces [intona-
tion montante, comme un doute] d’or.
Un travail à poursuivre
Le travail sur la lecture à d’autres, le retour sur le texte pour préparer l’ora-
lisation semblent possibles et relativement efficaces à partir de 9 ans.
Certaines capacités peuvent être aisément transformées, tandis que le travail
sur d’autres semble encore prématuré. À partir de ces observations de nou-
velles pistes de travail en classe sont à explorer, l’enjeu étant de trouver des
outils didactiques opératoires.
Tout d’abord, les productions initiales des jeunes élèves montrent que, s’il y a
une préparation du texte, les problèmes associés à la fluidité et à l’articulation
des mots sont peu fréquents. On a ainsi la possibilité d’aller de l’avant pour des
problèmes plus complexes.
Parmi ces problèmes, relevons celui de la constitution des groupes rythmiques et
des groupes de souffle (segmentation orale) en contradiction avec les structures
syntaxiques. Il s’agit là d’une dimension de l’oralisation du texte écrit qui se
trouve de toute évidence dans la zone de proche développement des élèves
ayant participé à l’expérience. La majorité de ceux-ci profitent donc pleinement
des outils fournis par la séquence didactique. On constate en effet des progrès
généralisés ainsi que des changements qualitatifs importants chez des élèves
comme Eddy et Marie pour lesquels cette dimension constituait un obstacle
dans la communication du conte.
Le travail sur le niveau textuel est visiblement plus complexe, les effets de la
séquence moins probants, mais néanmoins présents : les élèves commencent à
différencier les dialogues des parties narratives ; on constate même un début
d’interprétation des dialogues des personnages et une certaine emphase pour
mettre en évidence les parties de la structure sémantique du texte. Les progrès
quantitatifs à ce niveau ne doivent pas cacher que pour certains élèves, ces
dimensions sont encore difficilement accessibles ou, si elles le sont, c’est au prix
de certaines régressions comme dans le cas de Marie.
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La lecture à d’autres
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En guise de conclusion
On peut résumer en trois thèses principales les fondements théoriques sur les-
quels nous travaillons et que nous venons de présenter.
1. Pour aider les élèves à structurer l’oral, il est nécessaire de travailler sur des
aspects conventionnels et codifiés de l’expression. Ce sont ces formes de com-
munication relativement formelles qui permettent et exigent un certain contrôle
et qui contribuent à améliorer la planification du discours. Par contre, il ne nous
paraît pas pertinent d’enseigner « tout l’oral » puisque les élèves maîtrisent déjà
les genres oraux informels qu’ils utilisent tous les jours, dans leurs pratiques
spontanées quotidiennes.
2. Cette prise de position implique qu’« enseigner l’oral » ne se limite pas à la
préparation de situations de communication dans lesquelles un « apprentissage
incident » pourrait avoir lieu (apprendre à communiquer en communiquant),
mais demande d’élaborer des dispositifs, des démarches explicites et transmis-
sibles. Notons que ces démarches, tout comme à l’écrit, ne couvrent pas toutes
les pratiques de production orale à l’école où restent d’autres espaces destinés à
des activités d’expression moins contraignantes, sans objectifs précis, sans
nécessité d’enseignement systématique et sans évaluation.
3. L’élaboration de séquences didactiques, adaptées aux spécificités matérielles
de l’oral, constitue une voie prometteuse pour l’enseignement de l’oral. Fondées
sur des modèles didactiques des genres oraux travaillés, les séquences proposent
de manière intégrée un travail sur divers niveaux de la production de textes
oraux.
Les contenus proposés dans notre approche de l’oral sont fortement restreints,
les objectifs poursuivis limités, la démarche très structurée. C’est l’ambition
même de l’enseignement de l’oral à l’école, à savoir transformer le rapport de
l’élève à sa propre parole, qui nous semble imposer une voie précise et rigou-
reuse. Cette démarche ne nous semble cependant pas la seule voie à exploiter
pour développer l’expression orale des élèves. Les dispositifs que nous élabo-
rons pour enseigner les genres formels sont compatibles et complémentaires
avec d’autres démarches plus libres, où l’enseignement a une place moindre et
où prime l’expression libre et spontanée des enfants. Si nous soutenons la néces-
sité d’un enseignement structuré des formes conventionnelles de l’oral, il n’y a
pas de doute qu’on apprend évidemment aussi à communiquer simplement en
communiquant.
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