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INTRODUCTION DELL HYMES : HÉRITAGES, DÉBATS,

RENOUVELLEMENTS, BRANCHEMENTS
Bertrand Masquelier et Cyril Trimaille

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Éditions de la Maison des sciences de l'homme | « Langage et société »

2012/1 n° 139 | pages 5 à 19


ISSN 0181-4095
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ISBN 9782735114214
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Introduction
Dell Hymes : héritages, débats,
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renouvellements, branchements

Bertrand Masquelier
Université de Picardie Jules Verne, Lacito, UMR 7107
bertrand.masquelier@wanadoo.fr
Cyril Trimaille
Université Stendhal-Grenoble III, Laboratoire Lidilem EA 609
cyril.trimaille@u-grenoble3.fr

Dans le contexte des transformations de l’anthropologie linguistique du


milieu du vingtième siècle, mais aussi de l’émergence concomitante de
la sociolinguistique et des renouvellements théoriques en linguistique,
Dell Hymes prendra vigoureusement position pour une approche simul-
tanément sociologique et linguistique des faits de langage. Il opérera ce
déplacement en développant une approche située à la croisée de plusieurs
courants de l’anthropologie (Malinowski, Boas), de la linguistique (Sapir,
Jakobson et la linguistique de Prague), mais aussi, très tôt, de la sociologie
(Goffman et les ethnométhodologues) et de la philosophie du langage
(Austin et Searle). Elle sera centrée sur l’exploration de l’activité langagière
dans les situations sociales, sur les usages langagiers étudiés comme des
évènements. Dans cette perspective, Hymes est sans conteste l’une des
grandes figures de l’anthropologie linguistique et de la sociolinguistique
du vingtième siècle.
Silverstein (2010) a retracé le parcours académique de Hymes avec pré-
cision : ses premiers postes à Harvard (1955-1960), puis Berkeley (1960-
1965), avant de longues années passées à l’université de Pennsylvanie
(1965-1987) – d’abord comme membre du département d’anthropolo-
gie, avant d’occuper d’autres fonctions au sein de cette université – puis
au département d’anthropologie de l’université de Virginie. Hymes est

© Langage et société n° 139 – mars 2012


6 BERTRAND MASQUELIER ET CYRIL TRIMAILLE

un auteur prolifique, méticuleux avec les références bibliographiques


qui viennent à l’appui de ses argumentations, connu pour l’intérêt qu’il
portait à l’histoire et l’épistémologie des disciplines qui lui tenaient à cœur
ou des champs de recherche sur lesquels il écrivait. L’exemple type, qui,
parmi d’autres, serait susceptible d’illustrer son rapport au savoir est l’ou-

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vrage qu’il édite, en 1964, sous l’intitulé Language in Society and Culture ;
y sont présentés les textes clés qui, pour la période allant de 1910 à 1962,
traitent du langage sous toutes les perspectives, théoriques et méthodo-
logiques, celles du moins qui prédominaient dans les disciplines de la
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linguistique et de l’ethno-anthropologie, parfois à leur croisement, dans


ces années. Les textes, ou leurs extraits, sont abondamment commentés,
et inscrits dans une toile dense de références bibliographiques. Ses direc-
tions d’ouvrages collectifs auront été multiples et diversifiés ; elles auront
porté entre autres sujets sur les langues amérindiennes du Sud-Ouest
des États-Unis, les pidgins et créoles, ou les usages de l’informatique en
anthropologie, l’histoire des linguistiques. Cet engagement pour une large
érudition trouve un écho dans les implications institutionnelles de Hymes
au sein de nombreuses sociétés : celles des anthropologues (American
Anthropology Association), des folkloristes (American Folklore Society)
et des linguistes (Linguistic Society of America, et American Association
for Applied Linguistics).
Au début des années 1970, Hymes fondera également la revue
Language in Society, dédiée à la sociolinguistique ; un terme soigneuse-
ment choisi pour marquer la nécessité d’une approche intégrée des faits
linguistiques et sociaux : un argument qu’il développe dans l’introduc-
tion au premier numéro publié en avril 1972 ; c’est là l’occasion pour
lui de réitérer ses critiques des linguistiques dont les modèles reposent
sur l’attention exclusive portée à la fonction référentielle du langage ;
de relever à nouveau les apories du structuralisme et des travaux centrés
sur la faculté innée de langage ; de pointer les conséquences épistémolo-
giques des biais de toute dispense du moment ethnographique, dès lors
que le chercheur se détourne des réalités sociales et politiques concrètes
dans lesquelles les usages langagiers, les locuteurs donc, sont insérés et
engagés. La posture intellectuelle et le point de vue théorique, à propos
de la nécessité d’une approche documentée et empirique de la vie du
langage dans la vie sociale, sur tous les terrains, et les lieux où l’ethno-
graphie peut se réaliser, y compris les cours de justice, les salles de classe,
et les hôpitaux (pour reprendre une formule de Hymes) trouvent leurs
prolongements aux plans éthique et politique. C’est dans cette perspec-
tive qu’il faut lire l’essai intitulé « Speech and language » (Hymes 1973),
INTRODUCTION  7

préfacé par un commentaire d’un fragment du « Discours sur l’origine


et les fondements de l’inégalité parmi les hommes » de Rousseau.
Le choix fait dans ce dossier de Langage et Société est centré sur
quelques thèmes du programme de Hymes – programme largement
reconnu dans l’espace francophone sous l’intitulé de l’ethnographie

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de la communication, qui résume la version plus longue de l’anglais :
ethnography of speaking and communication. Parfois c’est l’expression
« anthropologie de la parole » qui prend le dessus ; ce qui ne traduit peut-
être pas avec assez de force le speaking de l’expression anglaise, qui évoque
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mieux, sans doute d’emblée, que l’ethnographie dont il est ici question
porte sur l’activité langagière, des actes de discours, des événements de
paroles ; speaking se présentant simultanément comme l’acronyme et
le procédé mnémotechnique d’un modèle qui identifie d’une certaine
manière les formulations initiales du projet de Hymes et son application
dans l’enquête.
Mais par-delà la présentation dans ce dossier de l’héritage (qui
concerne tous les articles du dossier dans le contexte thématique qui est
le leur), le choix proposé laisse une large place aux débats, aux renouvel-
lements, aux branchements qu’a suscité au cours de ces dernières décen-
nies ce programme initialement issu des enjeux de la linguistique et de
l’anthropologie des années 1960 et 1970.
Débats, par exemple, par rapport aux conceptions de Hymes sur la
« communauté » (article de Irvine), ou liés à la relecture de la notion
de « speech event » et aux difficultés que rencontrent les literacy studies
dans leur tentative d’appropriation de ce modèle (article de Delbreilh).
Renouvellements, par exemple, avec le tournant proposé par l’ethnogra-
phie des situations d’énonciation discursive ou des usages discursifs et de
leur poétique, pour reconceptualiser ce qui peut être dit du rapport entre
langage et culture (article de Sherzer), ou encore autour de l’attention à
la micro-politique des stratégies interlocutives et la place qu’y joue l’idéo-
logie langagière – language ideology, un concept désormais incontour-
nable de l’anthropologie linguistique contemporaine (article de Irvine).
Branchements, par exemple, à partir du concept de « compétence de
communication » ou de l’idée de speech socialization vers les recherches sur
la socialisation langagière (article de Sterponi et Bhattacharya), ou celles
autour de la compétence plurilingue (article de Coste, Pietro et Moore).
C’est que l’expansion, l’exploration ethnographique systématique, et
le renouvellement du programme initial seront menés par une poignée
de chercheurs formés par Hymes, et d’autres qui seront inspirés par cet
héritage. C’est à eux que l’on doit quelques-unes des recherches les plus
8 BERTRAND MASQUELIER ET CYRIL TRIMAILLE

originales de l’anthropologie linguistique et de la sociolinguistique d’au-


jourd’hui : tant au plan conceptuel qu’empirique ou ethnographique ; par
exemple, sur la socialisation langagière, la compétence de communication
en situations multilingues, l’action discursive, l’agentivité, les usages poé-
tiques des formes de la grammaire en contexte de performance (d’action

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langagière), l’indexicalité, les idéologies langagières – autant d’objets dont
traitent les articles de ce dossier. Parmi les éléments clés du programme
initial de Hymes, nous avons souhaité souligner la place privilégiée accor-
dée à l’ethnographie, à l’engagement ethnographique et politique du
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chercheur en sociolinguistique, aux voies de recherche à venir.


Les textes programmatiques de Hymes à propos de l’anthropologie
linguistique de l’activité discursive et pour l’émergence d’une sociolinguis-
tique sont légions. Beaucoup d’entre eux furent publiés entre 1961 et le
milieu des années soixante-dix – avant que Hymes ne s’oriente de manière
plus marquée vers l’ethnopoétique autour du concept de performance.
Toutefois, le foisonnement des travaux en anthropologie linguistique des
chercheurs nord-américains dans ces années, et notamment ceux des pre-
miers étudiants de doctorat de Hymes au département d’anthropologie de
l’université de Pennsylvanie (et parmi eux Sherzer, Irvine, et Ochs dont les
recherches couvrent désormais plus de quatre décennies), aura pour effet
de préciser les contours du projet tel qu’il était proposé par Hymes. Par
ailleurs, ce foisonnement, analytique aussi bien qu’empirique, permettra
aussi d’ouvrir quelques voies et d’annoncer le renouvellement de cet héri-
tage. Pour illustrer ce dynamisme des recherches inaugurées par Hymes
dans cette période nous prendrons le cas du volume édité par Gumperz
et Hymes en 1972 qui prolonge un volume collectif déjà coédité avec
Gumperz pour la revue American Anthropologist en 1964. Il présente un
ensemble remarquablement diversifié de démarches ethnographiques,
d’enquêtes linguistiques et de modèles d’analyses, dans lequel se côtoient
des textes aux filiations intellectuelles variées. Il traite, par exemple :
d’ethnosémantique structurale (C. Frake), des règles sociolinguistiques
d’alternance et de co-occurrence (S. Ervin-Tripp), d’ethnométhodologie
et de structuration séquentielle d’épisodes conversationnels (textes de
H. Sacks, E. Schegloff, et H. Garfinkel), de socialisation (B. Bernstein)
et de changement linguistique (W. Labov).
Comment ne pas mentionner également, dans cette veine, l’ouvrage
collectif que Bauman et Sherzer publient en 1974, dont les contribu-
tions sont plus resserrées autour du projet d’une ethnographie de la
parole, annoncé dix années auparavant par Hymes (1962). S’il revient
sur les problématiques précédemment évoquées, ce volume en creuse plus
INTRODUCTION  9

profondément encore le sillon grâce à des recherches ethnographiques


alors récentes ; elles viennent documenter avec précision le jeu et les
fonctionnements des règles qui président aux usages langagiers au sein
de contextes sociaux et de situations spécifiques et, selon les cas étudiés,
l’accès différentiel des locuteurs aux ressources langagières dont ils dispo-

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sent. Les notions d’événement, de situation, d’acte de parole y figurent
au premier plan. La configuration poétique des usages de la parole en
situation de représentation, comme les genres de discours et leurs usages
situés constituent par ailleurs d’autres objets d’étude.
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Il faut souligner au passage que le foisonnement des recherches est tel


dans les dix ans qui suivent le premier texte de Hymes sur « l’ethnogra-
phy of speaking » (1962), que les porosités entre quelques disciplines se
manifestent, entre notamment l’anthropologie linguistique et le champ
des études du folklore (les folklore studies aux États-Unis, ou folkloristics),
comme entre anthropologie et sociologie dès lors que les usages langagiers
en situation deviennent le foyer d’attention de la recherche. L’approche
ethnographique, l’ouverture de l’ethnographie aux terrains urbains,
l’étude des situations, des scènes sociales dans lesquelles intervient de
la parole s’avèrent constituer le meilleur creuset de ces rapprochements
(Hymes 1974 : 79). C’est ainsi que les sociologues, figurent en bonne
place dans les différents collectifs cités plus haut : Goffman dans celui de
1964, les analystes de la conversation dans celui de 1972.
L’une des contributions spécifiques de Hymes à l’émergence de l’eth-
nographie de la parole et de la communication porte sur les unités de
l’analyse ; elles sont constituées par trois niveaux d’appréhension de la
parole : speech event, speech situation, speech act (pour cette discussion, voir
l’article de Delbreilh). Les termes d’évènement, de situation, et d’acte
permettaient d’opérationnaliser le passage d’une perspective abstraite
des ancrages sociaux du langage, et structuraliste en théorie, à une vision
« fonctionnaliste » et sociologique de la linguistique (Hymes 1974 : 79).
Une fois cette orientation admise, l’un des défis était de documenter
la diversité des pratiques langagières, parfois entre de grands ensembles
comme les anthropologues avaient pu le faire autour de la diversité des
cultures, mais aussi à l’échelle des pratiques du quotidien, de prendre acte
de la pluralité des compétences et des répertoires communicationnels
des locuteurs au sein des communautés linguistiques désormais décrites
comme des organisations sociales de la diversité. La diversité des formes
de la créativité humaine en termes d’usages langagiers faisait priorité ;
dans cette mesure l’épistémologie ethnographique de ce programme aura
pu apparaître comme davantage relativiste qu’universaliste. Une certaine
10 BERTRAND MASQUELIER ET CYRIL TRIMAILLE

vigilance critique était manifeste. On la voit à l’œuvre dans les quelques


remarques réservées ou ouvertement critiques de Hymes à propos des
théories des philosophes du langage sur les actes de langage et quelques-
unes de leurs assertions quant aux impératifs de la coopération conver-
sationnelle, ou du modèle du locuteur (autonome, source principale du

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sens communiqué) qui devient nécessaire à leurs démonstrations. Certes
les propositions conceptuelles des philosophes ne sont pas à négliger, mais
dans une perspective ethnographique l’acte de langage est à appréhender
comme une unité d’une totalité communicationnelle liée à la situation de
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son émergence (voir l’article de Delbreilh). Sans pour autant abandonner


toute généralisation empiriquement fondée, il s’est alors agi de mettre
en place un échafaudage conceptuel pour permettre des comparaisons
contrôlées entre les différents cas d’étude. Pour piloter les enquêtes, un
guide d’enquête fut proposé, il tenait compte de l’état du savoir ethno-
graphique du moment (Sherzer et Darnell 1972). Avant la fin des années
quatre-vingt, la bibliographie établie par Philipsen et Carbaugh (1986)
des travaux en ethnographie de la communication était impressionnante.
Mais au-delà de la dimension cumulative, c’est avant tout l’effort constant
de reconceptualisation de la démarche qui importe, et dont le texte de
Hymes (1974, 1984) sur les « speech styles » ou « ways of speaking », parmi
d’autres, témoigne. Ici les catégories de la linguistique sont questionnées :
« nous en sommes au point où c’est le concept de grammaire qui doit
être transcendé » (Hymes 1984 : 52) ; l’argumentaire porte alors sur les
moyens qu’il convient de se donner pour construire des objets d’études
qui rendent possible l’observation des formes actives des usages langagiers
en situation, de leurs insertions dans des champs sociaux, et permettent
d’en repérer ainsi les variétés (styles). La notion de discours telle qu’elle
est présentée par Sherzer dans ce dossier ouvre à nouveau le débat sur la
construction de l’objet ; celle de communication, dont l’importance est
soulignée par Irvine dans son article participe de même de cette réflexion
sur l’objet d’étude que constituerait celle des façons ou manières de faire
et de parler.
Il ne faut pas s’y tromper ; l’ethnographie dans cette perspective ne
s’apparente plus au modèle classique de ce qui ne serait qu’une collecte
de matériaux, dissociée de postures analytiques et théoriques, comme
de retours critiques périodiques sur un programme de recherche qui n’a
cessé de se renouveler au fil du temps. Ce dossier d’hommage à Hymes
s’inscrit dans cette filiation d’une exigence de réflexivité critique. À titre
d’exemple, à propos justement des années où le projet de Hymes prenait
corps, le lecteur pourra se reporter à l’un des textes de Sherzer (1977)
INTRODUCTION  11

où il est question de bilan : Sherzer prend acte des rapports dialectiques


entre la recherche empirique et les modèles théoriques des philosophes
(Austin, Searle, Grice), les modèles linguistiques en sémantique, comme
les notions élaborées du côté des sociologues interactionnistes – Goffman
figurant comme un interlocuteur de premier plan, à propos, entre autres,

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des notions de participation (en situation d’interlocution) et de cadre
(frame analysis). Sherzer y souligne les contributions déterminantes des
travaux de John Gumperz sur les dispositifs de contextualisation. Mais
il y pointe de même les déficits théoriques du projet, en matière de for-
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malisation notamment, et quelques-uns des chantiers ouverts, dont ceux


autour de la socialisation langagière (acquisition of language and speech),
des universaux en matière d’actes de langage et des structures génératives
de sens de l’interlocution (social-interactional meanings), ou de la néces-
saire étude des formes banales, ordinaires, des parlers quotidiens.
Joel Sherzer, comme Judith Irvine, est l’un des doctorants de
Dell Hymes de la première génération au département d’anthropologie de
l’Université de Pennsylvanie. Son article dans ce dossier est la traduction
d’un essai souvent cité, publié dans l’American Anthropologist en 1987,
mais qui n’a rien perdu de sa pertinence avec le temps. Cette traduction
est aussi la première en français d’un texte majeur de l’auteur – les lecteurs
francophones n’avaient accès jusqu’ici qu’à un « exercice d’ethnogra-
phie » de la parole (Sherzer 1970), conduit à partir d’un texte écrit à la
fin du dix-huitième siècle sur les Abipone d’Amérique du Sud ; un type
d’exercice souvent proposé à ceux qui, au début des années soixante-dix,
suivaient les enseignements de Hymes. L’argument qui est avancé dans
l’article est que c’est au travers de l’étude d’instances d’usages langagiers
que les anthropologues et les anthropologues linguistes pourront se sor-
tir de certaines impasses et apories ; dont celles qui sont habituellement
associées à l’hypothèse dite de Sapir-Whorf. Qu’il emprunte des ins-
tances réelles de discours, dans « l’actualité immédiate des événements
de paroles », au marchandage entre vendeur et acheteur sur un marché
à Bali, aux jeux de mots pratiqués dans le nord de l’Inde, ou encore à la
rhétorique politique des indiens kuna du Panama, Sherzer montre com-
ment leur analyse ouvre la voie à l’appréhension de ce qui émerge en de
telles circonstances : en particulier en ce qui concerne le potentiel sémio-
tique et poétique de la grammaire, en matière de sens et d’effet de sens.
Le discours est ainsi présenté comme le lieu de « médiation entre langage
et culture », ou encore comme « une interface imprécise et constamment
en construction, émergeant entre le langage et la culture, créée par des
instances concrètes des usages langagiers ». On a là une réponse critique
12 BERTRAND MASQUELIER ET CYRIL TRIMAILLE

aux modèles qui réifient ou hypostasient la culture et le langage. Il faut


noter que par le choix de ses exemples et de la perspective, le texte insiste
sur la créativité des locuteurs, les qualités esthétiques de certaines des
énonciations verbales citées, le pouvoir des formes langagières, comme
lorsqu’il montre à propos des mélopées magiques et curatives des Kunas

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comment « la grammaire devient poésie, et la poésie devient magique ».
Dans son texte Judith Irvine nous invite à quelques considérations
sur les transformations des conditions du terrain ethnographique, des
présupposés qui, il y plus de quarante ans, organisaient la façon dont on
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le conduisait ; ainsi certains des échafaudages analytiques, par exemple


à propos des communautés et de leurs frontières, sont-ils aujourd’hui
caducs. Toutefois, l’expérience ethnographique, celle qui s’inscrit dans
la longue durée, hors des entretiens, est le plus sûr des moyens pour
apprendre à comprendre les complexités des pratiques communication-
nelles socialement structurées et structurantes, dont celles qui relèvent
de l’action langagière sous différentes modalités. Les éléments d’eth-
nographie proposés sur les griots wolofs du Sénégal, leur place et leurs
rôles, viennent à l’appui de la démonstration : l’enquête linguistique se
doit de devenir ethnographique, et l’objet « langage » doit être intégré à
un ensemble plus large et varié de pratiques communicationnelles ; les
façons de parler (speech styles) sont des ressources socialement distribuées
qui doivent être appréhendées les unes par rapport aux autres : ainsi on
ne peut décrire les manières de parler griot (griot style-of-speaking) sans les
comparer à d’autres manières, celles des nobles (noble style-of-speaking),
pour l’ensemble de leurs contrastes, et les modes d’organisation de l’in-
terlocution, de rapports sociaux, de présupposés, etc. que leur pratique
génère. Mais ces contrastes, par exemple entre « discours retenu » des
nobles et « discours non-retenu » des griots, que les commentaires méta-
linguistiques et métapragmatiques des locuteurs maintiennent, s’avèrent
par moments bien plus flous qu’il n’y semblerait ; les différences entre ces
façons de parler sont bien étiquetées par les locuteurs wolofs mais, comme
le suggère Irvine, les instances concrètes des usages langagiers révèlent que
les stratégies langagières des locuteurs atténuent les contrastes : « the styles
are labeled as discrete objects, but they are realized as a continuum ». Et de
montrer que seule l’ethnographie peut révéler de telles nuances et rendre
compte des effets de sens dans l’organisation des rapports sociaux qui sont
ainsi produits selon la situation. Mais il s’agit alors d’une ethnographie
centrée sur des scènes, des échanges, des évènements où de la parole
prend place ; une ethnographie des usages langagiers susceptible de révé-
ler, à l’échelle parfois de micro-incidents, que les phénomènes que l’on
INTRODUCTION  13

croyait ordonnés d’une certaine manière ne le sont pas tout à fait comme
on aurait pu s’y attendre : et qu’en certaines circonstances, et pour des
raisons qui ne sont pas contradictoires, un noble peut se mettre à parler
dans le style du griot. Mais si Irvine retient, comme elle l’argumente, que
l’action langagière est partie d’un cadre communicationnel plus large, elle

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se fait critique de la formule initiale de Hymes qui plaçait le langage dans
la culture et la société. Sur ce point Irvine fait écho aux déconstructions
du concept de culture, en particulier dans l’anthropologie nord-améri-
caine des années quatre-vingts et quatre-vingt-dix. Ces critiques se sont
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généralisées, et dans ce contexte de positionnements critiques et d’intérêt


renouvelé pour le politique et l’économie politique, les anthropologues
linguistes nord-américains ont introduit le concept d’idéologie langa-
gière (language ideology). Irvine en est l’une des théoriciennes et elle rend
compte ici de la pertinence d’un tel concept pour l’analyse des situations
langagières et des relations de pouvoir qui s’y jouent ; elle explicite alors
quelques-uns des points aveugles du programme de Hymes autour de la
problématique du pouvoir, en dépit de son engagement politique.
La contribution de Laura Sterponi et Usree Bhattacharya est, à notre
connaissance, la seconde (après Schieffelin 2007) qui présente, en fran-
çais, le champ et les enjeux des études sur la socialisation langagière (SL),
processus sociolinguistique par excellence, par lequel les jeunes sujets,
novices ou apprentis, deviennent membres de groupes ethno-socio-
culturels grâce au langage, en même temps qu’ils acquièrent répertoire
communicatif et compétence de communication. En effet, malgré sa
pertinence et sa productivité, ce concept n’a que très peu été investi et
discuté en sociolinguistique francophone (Lambert & Trimaille 2011).
Les auteures donnent un aperçu de la diversité des recherches qui ont
permis d’élaborer et continuent de nourrir le champ de la SL, balisé
depuis les travaux ethnographiques d’E. Ochs et B. Schieffelin. Ce faisant,
elles mettent en relief les indéniables continuités mais aussi les prolonge-
ments originaux par rapport aux travaux précurseurs mais essentiellement
programmatiques de D. Hymes en la matière. Sterponi et Bhattacharya
offrent une illustration des questions soulevées et étudiées par le champ de
la SL dans des travaux qui soulignent tous, à leur manière, la pertinence
de l’intérêt porté par l’anthropologie linguistique à ce concept, le rôle
crucial des niches développementales (Dasen 2000) dans les processus
de socialisation, et la part d’agentivité (agency) des sujets, qu’ils soient en
phase de socialisation ou en charge de la transmission d’habitus socio-
communicatifs. Mais ces études montrent également que, malgré l’exis-
tence de ces marges de manœuvre, la diversité ethno-socio-culturelle qui
14 BERTRAND MASQUELIER ET CYRIL TRIMAILLE

façonne l’être au monde communicationnel détermine l’intégration et


les destins scolaires et sociaux des enfants appartenant à des minorités,
qu’elles soient culturelles ou sociales. Ce panorama montre, une fois
encore, que la connaissance ethnographiquement informée et la théori-
sation de l’acquisition située du langage débouchent inlassablement sur

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des pistes d’action pour que soient entendues, et prises en compte les voix
des sans-voix dans les processus d’éducation langagière.
Fanny Delbreilh propose une lecture méticuleusement critique de
l’architecture sur laquelle Hymes faisait reposer une partie de son projet :
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les trois niveaux d’insertion de la parole, comme événement, en situation


et comme acte. Il s’agit d’évaluer la notion de « literacy event » calquée
sur celle du speech event. La confrontation des deux outils est particuliè-
rement intéressante, car les limites et les ambiguïtés conceptuelles des
deux notions semblent se répondre. Il faut noter toutefois que pour ce
qui est du dispositif conceptuel de Hymes, les anthropologues, sociaux
ou linguistes, quand ils ne s’accommodaient pas du flou du dispositif
pour leurs travaux ethnographiques, n’ont pas hésité à chercher du côté
des sociologues (interactionnistes) quelques outils de précision tels qu’on
les trouve dans les écrits sur les notions de situation, de participation,
de cadre, de tour de parole. Le braconnage prudent fut aussi pratiqué
par ceux qui se sont penchés sur la problématique des actes de langage.
La conception de Hymes sur la dimension actionnelle du langage était
influencée par une figure de l’analyse littéraire, Kenneth Burke, qui dans
son œuvre appréhende le langage comme forme d’action symbolique.
Outre ce que Hymes nous dit ici et là sur la question des actes de langage
(lorsqu’il rend compte de ses lectures de travaux en linguistique pragma-
tique), son approche en termes de communication ouvre plutôt qu’elle
ne ferme la construction de l’objet à étudier : dans cette perspective en
effet l’acte de langage ne peut être réduit à l’association d’un contenu
propositionnel et d’un acte illocutoire. Le positionnement de Hymes
vis-à-vis des modèles des philosophes est généralement critique comme
le souligne Delbreilh ; tout au moins ces modèles sont susceptibles de
suggérer des pistes de recherches. Dans le panorama que Delbreilh dresse
des travaux des Literacy studies, l’une des études commentée est celle de
Keith Basso ; un bref chapitre publié dans l’ouvrage collectif de Bauman
et Sherzer en 1974 et le seul témoignage d’une hésitante ethnographie de
l’écriture que Basso calque sur le modèle ethnographique de l’oralité de
l’anthropologie linguistique de Hymes. Les choses entre-temps ont bien
changé. Delbreilh retrace ainsi près de trois décennies de débats concep-
tuels, autour des notions de literacy event et literacy practice, et des places
INTRODUCTION  15

qu’y occupent les rapports texte/parole, et écrit/oral. Mais le dispositif de


Hymes et ce qui constitue un événement (quand de la parole le configure
dans sa totalité) semblent avoir davantage inspiré des pistes de recherche
chez les chercheurs des literacy studies, qu’il n'a été copié ou importé.
Dans le dernier texte du dossier, Coste, de Pietro et Moore retra-

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cent pas à pas les étapes de l’élaboration de la notion de compétence de
communication (CC) – à partir d’une préoccupation à la fois pour des
objectifs empiriques, théoriques et applicatifs, et examinent sa réception
en didactique des langues. Ils mettent en exergue l’importance de la prise
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en compte de l’hétérogénéité constitutive des communautés de parole et


du caractère déterminant du social, non seulement dans les différences
de performance mais aussi dans les écarts de compétence, dichotomie qui
se trouve selon eux relativisée par l’adoption par Hymes de la catégorie
théorique de ways of speaking. Tout en signalant l’apport déterminant de
l’intégration de la notion de CC en didactique des langues, Coste et al.,
(socio)linguistes-didacticiens, montrent les réductions et confusions aux-
quelles elle a donné lieu : biais repérables, par exemple, dans une concep-
tion étroitement pragmatique (voire instrumentale) de l’action langagière
et de la communication, ou dans le peu d’intérêt pour le caractère à la fois
dynamique, rétroactif et configurant des situations de communication.
Les auteurs soulignent également les points de rencontres entre la notion
de genre, longtemps attribuée à Bakhtine, et celle présente dans le modèle
speaking ; ils mettent en évidence les potentialités de l’exploitation de cette
notion en didactique des apprentissages langagiers dans une perspective
de développement de la compétence de communication. Ils proposent
enfin d’appréhender la compétence plurilingue et pluriculturelle (CPP)
comme une « relecture de la compétence de communication au travers du
prisme du plurilinguisme », relecture influencée par « la conception inté-
grée et située de la langue, de même que l’inscription centrale de l’action
en contexte » que le « regard d’ethnographe sur l’homme social » permet
de saisir. Cela amène les auteur.e.s à identifier les déplacements majeurs
opérés entre CC et CPP, en soutenant la thèse que la conceptualisation
et les développements récents de la CPP réintègrent des éléments hyme-
siens distordus ou abandonnés en chemin par la didactique des « langues
étrangères ». En faisant en quelque sorte l’archéologie de la notion de
CC, de son acclimatation réductrice en didactique des langues et de son
élargissement à la CPP, les auteur.e.s soulèvent la question de la transpo-
sition des résultats et savoirs socio-anthropologiques en didactique puis,
plus largement, dans la sphère éducative. Ils montrent ainsi la complexité
de ce processus qui implique à la fois la compréhension et l’action, l’une
16 BERTRAND MASQUELIER ET CYRIL TRIMAILLE

comme l’autre forcément toujours situées et orientées, par rapport au


déjà-là et aux projections fonctionnalisantes, et, partant, la diversité des
interprétations et les possibles malentendus. À l’instar de Johnstone et
Marcellino (2010), Coste, de Pietro et Moore insistent, d’une part, sur la
recherche constante, dans les travaux de Hymes, d’une intégration théo-

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rique des dimensions actionnelle-fonctionnelle-contextuelle du langage,
et, d’autre part, sur l’ancrage social-sociétal (et politique1) du travail du
chercheur travaillant sur la communication.
Au-delà de ces exemples de circulation et de prolongements de la
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pensée de Hymes, il paraît pertinent de souligner les liens conceptuels


entre celle-ci et les écrits de Bourdieu sur le langage. Ainsi, un parallèle
assez frappant existe entre la notion de « compétence de communica-
tion » de Hymes et celle de « compétence élargie » (1977, 1982) toutes
deux construites en opposition à la compétence générative et idéale de
Chomsky. Chez Bourdieu (1977 : 18), l’accent est en effet mis sur l’usage
du langage comme praxis, et non seulement comme un code autonome :
Passer de la compétence linguistique au capital linguistique, c’est refuser
l’abstraction qui est inhérente au concept de compétence, c’est-à-dire l’au-
tonomisation de la capacité de production proprement linguistique. […]
Le langage est une praxis : il est fait pour être parlé, c’est-à-dire utilisé dans
des stratégies qui reçoivent toutes les fonctions pratiques possibles et pas
seulement des fonctions de communication. Il est fait pour être parlé à
propos. La compétence chomskyenne est une abstraction qui n’inclut pas
la compétence permettant d’utiliser adéquatement la compétence (quand
faut-il parler, se taire, parler ce langage ou celui-là, etc.)

Mais les parallèles possibles ne s’arrêtent pas à cette conception


praxéologique et sociale de la compétence : comme le notent Johnstone
& Marcellino (2010), Hymes et Bourdieu ont aussi en commun le
recours métaphorique à des termes économiques (capital, moyens, valeurs
linguistiques vs sociales, division des tâches). De plus, on peut encore
reconnaître dans la citation de Hymes (1974 : 204)2 un engagement
proche et congruent avec l’objectif de dévoilement et de dénaturalisa-
tion des inégalités qu’assignait P. Bourdieu aux sciences sociales : « Si la
sociolinguistique doit contribuer, comme elle pourrait le faire, au dépas-
sement des nombreuses inégalités de langage et de capacité qui existent
aujourd’hui, il faut qu’elle soit en mesure d’analyser ces inégalités ». Au
vu de telles proximités conceptuelles, on peut d’ailleurs s’interroger sur

1. Sur la dimension politique de l’ethnographie chez Hymes, voir notamment Blommaert


2009, dans le numéro spécial de Text and Talk qu’il a dirigé.
2. Traduit dans Bachmann et al., 1981, p. 35.
INTRODUCTION  17

le fait que le nom de Hymes n’apparaisse pas dans les références citées
dans les textes de Bourdieu sur le langage (1977, 1982), et que parmi
trois des figures emblématiques de la sociolinguistique nord-américaine
des débuts, Labov, Gumperz, et Hymes, seul ce dernier n’ait pas été tra-
duit et édité dans la collection dirigée par P. Bourdieu, (dans laquelle ont

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également été traduits et publiés Bakhtine, Bernstein, Cassirer, Goffman,
Sapir et Searle). Il y aurait sans doute là matière à une exploration plus
systématique de ces liens.
Au total, ce dossier offre un aperçu de la diversité des recherches qui
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prolongent et renouvellent, parfois radicalement, les initiatives et l’héri-


tage de Hymes. Il se veut donc un hommage aux travaux de ce défricheur,
hommage rendu non de façon hagiographique, mais bien ancré dans les
recherches et questionnements contemporains. Les réflexions, travaux
et directions de recherche qui y sont présentés insistent sur le rôle fon-
damental de l’ethnographie et plus largement d’une sociolinguistique
anthropologique comme moyen de connaissance de la diversité des façons
de parler, des répertoires, des styles, des situations et évènements ; comme
moyen d’action également. En effet, la connaissance contextualisée, his-
toricisée et compréhensive de cette diversité est une impérieuse nécessité
pour réduire les inégalités liées à la diversité de l’accès aux ressources
langagières et assumer la posture éthique et politique de chercheur en
sciences humaines et sociales.

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