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NUMÉRO 144 ● SEPTEMBRE-OCTOBRE 2007

DOSSIER : EXPLORER POUR SE QUALIFIER


Vie pédagogique, no 144 2

TABLE DES MATIÈRES

MOT DE LA RÉDACTION

Mot de la rédaction 3

ENTREVUE

Gisèle Barret et la pédagogie de la situation (Camille Marchand) 5

DOSSIER : EXPLORER POUR SE QUALIFIER 12

Pourquoi pas? Table ronde d’élèves sur la formation professionnelle (Camille Deslauriers) 14
Image et perception : si on en parlait… (Guy Lusignan) 18
Coups de barre et héritages, une histoire à rappeler (Arthur Marsolais) 22
Un passeport pour une panoplie de destinations! (Marie-Claude Thériault) 26
Charles Corbet : un enseignant passionné (Guy Lusignan) 30
Tout se joue avant… (Judith Alain, Jean-François Dufour, Marie-Claude Thériault et Marcelle Gingras) 32
Où est Lao? Un jeu au cœur de l’approche orientante (Louise Sarrasin) 38
Un tour d’horizon complet et concret (Camille Deslauriers) 43
Une école qui mise sur l’orientation de tous les élèves (Donald Guertin) 46
L’élève… plus qu’un résultat scolaire (Guy Lusignan) 51
En route vers l’avenir, escales dans un archipel aux trésors (Paul Francoeur) 54
Des portes ouvertes (Lise Lagacé) 58
Un bureau d’emploi unique en son genre au Québec! (Claude Beauchesne) 61
Joaquim Mauricio : de la formation générale à l’exploration professionnelle (Guy Lusignan) 64
Le projet personnel d’orientation (PPO) (Carole Viel) 66
Mythes et réalités sur la formation professionnelle (Marcelle Gingras et Chantale Beaucher) 68
Capsules d’informations 71
Postface 73

LUS, VUS ET ENTENDUS ……………………………………………………………………………………………………………….74

HISTOIRE DE RIRE ………………………………………………………………………………………………………………………79


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MOT DE LA RÉDACTION

LETTRE OUVERTE À PAUL INCHAUSPÉ

EN RÉPONSE À POUR L’ÉCOLE — LETTRES À UN ENSEIGNANT SUR LA RÉFORME DES PROGRAMMES.

Depuis bientôt une décennie, des éducateurs se sont mobilisés autour d’un projet de changement du curriculum qui s’inscrivait
dans la mouvance des modifications qui avaient été commandées par les États généraux sur l’éducation, ceux que vous avez
qualifiés dans votre ouvrage de « plus grande entreprise de participation de l’histoire ».

Ces états généraux avaient été initiés par une demande sociale, devant le constat inquiétant du nombre grandissant de garçons
qui n’obtenaient pas leur diplôme d’études secondaires (DES) et qui quittaient l’école sans formation. Il fallait également revisiter
les programmes d’études pour les adapter à un monde en mutation.

Depuis dix ans, les phénomènes de résistance inhérents à tous les changements ont agi, mais les enseignants et les
enseignantes – qui se reconnaissaient dans les mutations inspirées de pratiques gagnantes déjà existantes – ont été les
maîtres d’œuvre des transformations inspirées par le rapport Réaffirmer l’école, celui-là même que vous avez piloté. Ce fut la
base d’une réflexion globale dans toutes les sphères du monde de l’éducation et bien que soumis à des tensions, ce rapport a
permis de donner une ligne directrice aux nombreuses décisions qui ont dû être prises. L’énoncé a connu, comme c’est
l’apanage de tout texte écrit, une interprétation, un détournement de sens. Saint-Exupéry n’a-t-il pas écrit que « le langage est
source de malentendus »?

Les enseignantes et les enseignants qui ont participé aux nombreux groupes consultatifs (ils étaient près de 600 du primaire et
600 du secondaire) ont été inspirés par la justesse de l’analyse et l’éventail des possibilités qui furent proposées.

Mais les effets systémiques propres à toutes les entreprises de cette envergure ont laissé place à des messages
contradictoires :

 Les enseignants n’enseignent plus.


 Les élèves n’apprennent plus.
 Il n’y a plus de place pour les connaissances.
 Il n’y a plus de place pour la culture.

Autant de malentendus à clarifier pour permettre à ceux et celles qui ont persévéré contre vents et marées de s’y retrouver dans
tout ce tapage médiatique. Les dérives ont été nombreuses et les enseignants se sont parfois sentis abandonnés. Toutefois,
quel soulagement que de lire ces lettres, témoignages de votre expérience de la genèse de cette réforme sur laquelle tous et
chacun greffent des idéologies à la couleur de leurs espoirs et de leurs craintes! À travers cette correspondance, nous
retrouvons peu à peu la confiance en l’avenir.

Il nous fallait un peu de rigueur pour revenir à l’essence de ce que fut ce formidable chantier des années 90.
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Les huit lettres que vous adressez aux enseignants soufflent un peu d’air frais dans le débat stérile qui nous afflige.

Où est l’élève dans ce salmigondis d’opinions, à mille lieues de la classe et de ses enjeux réels qui relèvent plus de la
motivation et de l’intérêt des différents acteurs que de la relation enseignants-enseignés?

Merci donc pour le temps pris à venir nous faire revivre l’envol des premières heures de ces changements fondamentaux dans
l’acte d’enseigner, commandés par les mutations profondes de notre société.

Donald Guertin, collaborateur de la revue, présente une recension détaillée de votre ouvrage, dans le présent numéro, sous la
rubrique Lus, vus et entendus.

Il incitera assurément tous les enseignants et toutes les enseignantes qui ont vécu ces années si importantes à lire votre
précieux témoignage.

Camille Marchand
camille.marchand@mels.gouv.qc.ca
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ENTREVUE

GISÈLE BARRET ET LA PÉDAGOGIE DE LA SITUATION

Propos recueillis par Camille Marchand

Espace-temps à vivre, à partager, à habiter ensemble, pour une action réciproque


de deux sujets l’un vers l’autre, qui aboutirait à la transformation
de deux personnalités mises en présence.
Gaston Mialaret

Mme Gisèle Barret a œuvré pendant plus de 30 ans à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Montréal en qualité
de professeure. Elle partage maintenant son temps entre l’Europe et l’Amérique. Au Québec, depuis les années 70, elle a formé à
la pédagogie de la situation des centaines d’étudiants universitaires.

Ses travaux ont pris un éclairage nouveau dans le contexte du renouveau pédagogique, qui met en avant le concept de situation
d’apprentissage et d’évaluation (SAE).

Ce nouveau paysage redonne une actualité aux réflexions de Mme Barret sur ce concept. Vie pédagogique l’a rencontrée et elle
nous décrit ici les grands principes de la pédagogie de la situation.

Vie pédagogique – Qu’est-ce que la pédagogie de la situation?

Gisèle Barret Ŕ Cette pédagogie est celle du vécu. Elle exploite chaque moment de l’ici et du maintenant de la classe dans toute sa
diversité. Elle tient compte de tous les facteurs, du hasard et de l’aléatoire, en se risquant à répondre aux urgences du moment. La
pédagogie de la situation tient compte des besoins qui sont exprimés par les élèves, non dans un rapport de force, mais dans une
coexistence dynamique où la confrontation permet autant le questionnement que l’approfondissement.

Au cours des années, mes travaux de recherche et mon expérience m’ont permis d’isoler cinq paramètres qui couvrent l’ensemble
des variables d’une situation. Cette représentation me semble pertinente, car elle englobe tous les éléments et permet de cerner
l’ensemble des composantes d’une situation. Il est évident que ces cinq variables fonctionnent simultanément et que la situation se
définit par la multiplicité des rapports et des combinaisons qui s’y forment et s’y jouent.

Elles peuvent être représentées par un éventail à cinq branches.


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L’ÉVENTAIL DE LA PÉDAGOGIE DE LA SITUATION

D’entrée de jeu, pour qu’il y ait une situation pédagogique, il faut toujours un espace-temps, et il est bon d’avoir conscience de ce
moment commun à considérer dans ce lieu qu’est la classe.

Le contenu est une variable importante de la situation. On entend ici l’ensemble des éléments notionnels qui structurent le rapport
enseignant-enseigné. Mais dans une pédagogie de la situation, en plus du programme prévu, planifié par l’enseignant, il y a un
contenu imprévu qui est présent, qu’on le veuille ou non. L’enseignant doit composer avec l’imprévu : une personne qui arrive à
l’improviste, un test à administrer aux élèves, un élève qui dérange, etc. S’il n’en tient pas compte, la planification n’est plus
pertinente et elle perd de son efficacité.

Souvent, l’enseignant s’inquiète alors parce qu’il n’a pas terminé « son » programme et les élèves s’agitent parce qu’il n’est plus
possible de tenir compte d’eux. Tout est alors centré sur le contenu.

Dans une pédagogie de la situation, l’interruption est un élément qui s’intègre au déroulement de la séquence d’apprentissage et
donne du rythme à la continuité. Il y a du temps « perdu » qui fait partie de la dynamique permettant de ne pas perdre de vue
l’intention initiale.

Mais le contenu ne doit pas faire oublier le facteur humain, soit les gens en présence. Le facteur humain consiste en un rapport
symétrique et dynamique qui met en relation un enseignant et des élèves (le professeur et le groupe, dans l’éventail », illustré à la
page 5). De la qualité de ce rapport dépend la qualité de l’apprentissage.

Dans une situation, il est parfois utile de tenir compte du monde extérieur, paramètre essentiel qui influence tout ce qui s’y déroule.
Comme dans un entonnoir, il atterrit dans la classe… C’est l’environnement et son actualité qui marquent tous les acteurs de la
situation pédagogique. Il est question ici d’un monde extérieur public. Il y a aussi les maladies des enfants, ainsi que les problèmes
domestiques, qui viennent également de l’extérieur, mais qui appartiennent au privé.

Même si la porte est close, le monde extérieur est présent dans la situation pédagogique. La moindre étincelle peut percer l’écran
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fragile qui la protège du monde.

La porte peut s’ouvrir et alors, que se passe-t-il? Ou l’enseignant accueille l’interruption ou il continue seul, car les élèves ne sont
plus là. Il manque alors un chaînon et tout le reste du cours est perdu.

Il est préférable de tenir compte également de tout le non-dit, car l’enseignant travaille avec ce qu’il croit savoir de ses élèves, mais
souvent, c’est ce qu’il ne sait pas qui prend le plus d’importance et interfère dans la situation.

On ne connaît pas tout sur les élèves, c’est impossible. Il est préférable de travailler avec des intuitions et des hypothèses.
Généralement, ce sont toujours les mêmes hypothèses négatives qui reviennent :

 « Les élèves sont nuls. »


 « Les élèves ne m’aiment pas. »
 « Aujourd’hui, je ne vaux rien. »
… alors qu’il y a tant d’autres hypothèses aussi plausibles et plus stimulantes.

Dans la pédagogie de la situation, selon les cas, il est possible de mettre l’accent sur différents paramètres. Théoriquement, ils sont
de valeur identique : ils ne s’ajoutent pas, mais ils se combinent. C’est donc une formule qui est mouvante. Travailler à l’aide de la
pédagogie de la situation permet de rester ensemble (enseignant et enseigné) dans le présent et de se situer dans le temps de la
réalité pédagogique où tous les paramètres de la situation (espace-temps, enseignant, élèves, contenus et monde extérieur)
doivent être présents. Toutefois, ils n’ont pas toujours la même importance et il n’est pas nécessairement pertinent de les relever
tous avec la même intensité. C’est alors qu’il est préférable de se demander si, en tant qu’enseignant, le réflexe est justifié.

C’est l’analyse qui permet de voir comment et pourquoi certains aspects plutôt que d’autres sont accentués.

La pédagogie de la situation peut concerner toutes les disciplines, ainsi que tous les professionnels qui oeuvrent en éducation : les
psychologues et les membres du personnel non-enseignant.

Il est important de préciser qu’elle ne s’oppose pas à des approches plus traditionnelles; elle les inclut. S’il est nécessaire de
transmettre des connaissances et de mettre l’importance sur les contenus, l’enseignant doit suivre alors cette intuition.

En revanche, notons que pour un éducateur, il est souvent impossible de désapprendre. Il est donc nécessaire d’ajouter à son
répertoire d’interventions des pratiques pour améliorer la perception de la situation pédagogique; il ne s’agit pas d’en soustraire. En
ce sens, la pédagogie de la situation n’est pas une idéologie; elle est un outil, une grille pour mieux comprendre la nature des
interactions dans une classe.

V. P. Ŕ Comment la pédagogie de la situation a-t-elle pris naissance?

G. B. Ŕ Elle est née d’un mouvement de balancier. Dans les années 70, j’ai développé cette pédagogie en étant attentive aux
enseignants et enseignantes qui venaient travailler avec moi. Je me suis rendu compte que ces professionnels n’étaient pas pris en
compte par le système, donc n’existaient pas pour eux-mêmes.

Ils travaillaient sans tenir compte de leurs besoins. Ils étaient prêts à tout prendre de l’extérieur : les savoirs, les méthodes et les
techniques, sans penser à eux. Je me suis intéressée avant tout à la personne de mes étudiants et à leur identité de formateur. Je
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me suis dit que les outiller, c’était leur permettre de trouver des ressources en eux-mêmes. En effet, quand tout « lâche », il ne reste
que les ressources internes du pédagogue. Il est préférable alors de développer une culture pédagogique qui renforce l’identité
d’enseignant, et ce, en tenant compte de la personne.

V. P. Ŕ Quelles sont les qualités d’un pédagogue qui travaille en tenant compte de la situation?

G. B. – Il faut souligner que le travail, pour un enseignant qui tient compte de la situation, est difficile et parfois anxiogène. En effet,
celui-ci doit faire preuve d’écoute car il est le filtre qui permet de lire la situation. L’enseignant, tel un buvard, doit donc être
perméable à ce qui se passe dans un espace-temps donné, en l’occurrence la classe. Toutefois, cela doit devenir une seconde
nature, presque un automatisme. Ce n’est pas de la magie, c’est la capacité d’être complètement dans l’ici et le maintenant de la
réalité pédagogique et de savoir en tirer le meilleur pour permettre aux élèves de faire des apprentissages significatifs.

Dans ce contexte, l’enseignant ne peut pas être obsédé par l’atteinte d’objectifs. Il doit apprendre à évaluer la situation. Il lui faut
alors développer deux habiletés essentielles : savoir observer, et développer une qualité de présence à l’autre.

On ne peut pas faire de la pédagogie de la situation du jour au lendemain; cela peut devenir artificiel, voire dangereux. Il est
préférable d’aller lentement et d’être accompagné.

V. P. Ŕ Mais par où commencer?

G. B. Ŕ Prendre du temps, en perdre même… et cela permet d’en gagner dans bien des cas.

Il est important que l’enseignant se sente bien dans son environnement et qu’il prenne le temps de se l’approprier, de s’habituer à
l’espace, aux gens en présence, aux élèves. Ce sont là des préalables essentiels et ils sont souvent oubliés. En effet, il y a le
programme et le temps manque pour le « compléter ». Mais le pire, souvent, c’est que si le programme est « fait » sans tenir
compte des préalables, il n’en restera pas grand-chose.

Les élèves ne retiennent rien parce que cela n’a aucun rapport avec eux. Il n’y a pas de domaine personnel qui permet d’associer,
de relier et de faire sens. Pratiquer la pédagogie de la situation, c’est se centrer sur l’élève pour mieux lui faire saisir la fonction des
apprentissages en tenant compte du contexte.

V. P. Ŕ Concrètement, pouvez-vous donner à nos lecteurs des exemples de situations pédagogiques qui répondent aux
principes que vous mettez en avant?

G. B. Ŕ Cette forme de pédagogie peut s’actualiser de différentes façons.

Elle peut s’incarner selon les différentes variables présentées dans l’éventail de la pédagogie de la situation. Par exemple :

 Le professeur : Celui-ci doit être conscient de l’importance de son statut et de son âge. Le maître débutant ne pourra pas
utiliser les mêmes stratégies que l’enseignant qui a plusieurs années d’expérience. Il faut tenir compte de cet aspect trop souvent
négligé dans les assignations.

 Le contenu : Celui qui est programmé, couché sur papier, planifié, et celui qui est imprévu et qui émerge d’une question
d’élève ou de préalables que l’on croyait acquis et qui ne l’étaient pas.
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 L’espace-temps : La leçon du lundi matin ou du vendredi après-midi et le local mal adapté sont des exemples de conditions
qui peuvent avoir une influence négative sur les meilleures préparations de classe.

 Le monde extérieur : Un événement spécial polarise tous les intérêts des élèves. Un enfant revient d’un voyage fantastique
qui a marqué sa vie. Un autre a vécu une expérience traumatisante. Ce sont là des exemples d’éléments qu’il faut absolument
intégrer pour rester en contact avec les élèves.

 Le groupe : L’enseignant centré sur la pédagogie de la situation doit connaître la composition et la dynamique du groupe
d’élèves qui est devant lui pour répondre à ses attentes. Il faut absolument qu’il le voie comme un organisme qui a une personnalité
propre, pour mieux adapter ses interventions.

V. P. Ŕ Peut-on pratiquer la pédagogie de la situation dans toutes les disciplines?

G. B. – Oui, à condition d’en être convaincu.

Si l’enseignant ne croit pas en lui, s’il ne se fait pas confiance, il est certain que cela ne marchera pas. Il doit développer un regard
réflexif sur sa pratique, sans tension. Il laisse ainsi les événements se décanter, plutôt que d’appliquer tout de suite une grille
d’observation et d’analyse.

Il est préférable d’être là, d’être présent à ce qui se passe. La pédagogie de la situation se vit donc dans toutes les disciplines et
favorise même l’interdisciplinarité.

C’est une méthodologie transversale. Il n’est pas nécessaire qu’il y ait de contenu de matières spécifiques. Le contenu varie selon
la nécessité disciplinaire et selon ce qui est commun à toutes les disciplines, par exemple les processus et le savoir-faire.

La pédagogie de la situation est à la fois hors et à travers les disciplines et tient compte des éléments fondamentaux que sont les
compétences transversales.

V. P. Ŕ Et comment évaluer, dans ce contexte?

G. B. – Il y a toutes sortes de moyens de garder des traces et de rendre compte des apprentissages, par exemple en demandant
aux élèves de rédiger de brèves rétroactions écrites, des « textes minutes ». Il est bon de faire des prétests et posttests ludiques,
pour mesurer le chemin parcouru.

L’enseignant ou l’enseignante doit faire appel à sa propre créativité pour surprendre les jeunes. C’est important, car ceux-ci sont
parfois désabusés.

Il suffit de rester vivant, parfois imprévisible ou insolite, en changeant les amorces. Il faut que l’élève puisse dire : « On ne sait
jamais ce que tu vas faire », pour garder la curiosité en éveil.

En contexte de pédagogie de la situation, il n’y a pas de routine, car elle se définit par la mouvance, la mobilité et l’adaptation.

Toutefois, il est toujours possible d’arrêter artificiellement le processus, en mettant en suspens l’action, comme dans un arrêt sur
image… Et ce sont ces moments qui permettent de colliger des éléments pour l’évaluation.
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C’est en faisant preuve d’imagination et de créativité que l’enseignant ou l’enseignante pourra voir qu’un échec n’est pas négatif.

Il est préférable de relativiser et de se centrer sur les aspects positifs, avec une certaine distance ironique et de la modestie. Il faut
être conscient de la responsabilité portée par l’enseignant.

Dans ce contexte, il est fondamental de vraiment situer le formateur dans sa fonction.

L’analyse de la situation est un temps de travail, un questionnement permanent, sans résultat obligatoire.

V. P. Ŕ Comment aborder ce changement dans le contexte institutionnel?

G. B. – Nous sommes encore à l’époque de Descartes et de Lavoisier. Nous sommes encore loin de la science contemporaine
quantique.

Nous travaillons toujours selon des paradigmes hérités d’une culture ancestrale et cela est tellement intégré que nous n’en avons
même pas conscience.

Nous sommes à la recherche d’une hypothétique symétrie héritée de la culture classique, en oubliant l’existence de l’asymétrie qui
assure le mouvement. Je fais référence ici au mythe de la licorne, de Roger Caillois.

Il est donc préférable de se demander si les conditions sont présentes pour mettre en place des changements.

La première condition, c’est la rencontre : se parler, échanger, débattre et faire circuler la pensée comme la parole.

C’est en discutant de choses concrètes, de ce qui se passe réellement entre les acteurs en présence, élèves et enseignants, qu’il
est possible de travailler sur la situation sans perdre de vue les cinq variables et leurs rapports complexes.

Toujours privilégier l’induction. En faisant une modélisation contrôlée, l’enseignant doit reconnaître ce qui le rejoint. Il faut qu’il se
bâtisse un réseau et qu’il travaille avec des gens avec lesquels il se sent à l’aise et authentique.

Cela fait partie des habiletés à développer chez un enseignant que d’exprimer ce que l’on pense avoir vécu, ce qui est une
interrogation et qui permet d’induire des concepts; voilà la position didactique qui peut mener à la théorisation, celle qui est utile à la
compréhension et à l’amélioration de nos actions éducatives.

Il est essentiel, surtout, de ne pas croire que tout se reproduit, car il n’y a pas de recettes. Il est préférable que l’enseignant sache
reconnaître ce qui lui convient dans sa pratique et qui va être utilisé dans une combinaison personnelle et en fonction du style de
chacun.

C’est alors qu’il faut réfléchir à la notion de juste distance pour ne pas être trop près des élèves, mais non plus trop loin d’eux et de
leurs préoccupations. Ce besoin de changement vient du fait que les principes, bases ou fondements décrétés comme hypothèses
de savoirs communs minimaux ont changé. Ils étaient donc hypothétiques. Il faut prendre conscience que ce socle de
connaissances est un construit social qui varie selon les modes et les expressions politiques et économiques.

Dans ce contexte général, le travail de l’enseignant est de trouver tout ce qu’il y a à exploiter dans la situation en partant de l’élève
ou de tout autre élément du réel. Ce qui fait de l’enseignant un créateur, c’est la capacité qu’il acquiert à trouver ce qui englobe, ce
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qui fait du sens. Cela peut sembler difficile pour une personne qui n’est pas formée de cette façon, mais cette habileté se développe
comme toute autre et on peut se demander si cette aptitude n’est pas essentielle dans la formation de l’enseignant.

Lorsque l’enseignant est formé, cela devient un outil pour tout le monde, dans toutes les sphères de la vie. Et on apprend ainsi que
l’erreur n’est pas irréparable.

La question se pose alors et l’éducateur se demande : « Pourquoi cette question? » Il est intéressant de la considérer, mais surtout
de tenir compte de celui qui interroge. C’est un processus à amorcer avec celui qui questionne et qui permet de lui démontrer que la
réponse est en lui-même. Il est parfois plus difficile de prendre ce temps plutôt que de donner la réponse toute faite. Mais c’est là la
véritable posture de l’éducateur. Souvent, à ce stade, la réponse ne sert plus à rien. L’apprentissage est dans le processus.
L’enseignant, pédagogue centré sur la situation et qui sait en exploiter toute la richesse, se demandera alors : « Qu’est-ce que les
élèves ont appris que je ne leur ai pas enseigné? » Cette question-clé résume l’apport d’une pédagogie qui, dans la relation
enseignant-enseigné, laisse la place au contexte et aux facteurs qui influencent l’apprentissage.

Mme Camille Marchand est responsable de la revue Vie pédagogique.

QUELQUES PUBLICATIONS DE GISÈLE BARRET

1999 : Expression dramatique et théâtre, avec Jean-Claude Landier, nouvelle édition augmentée, Paris, Hatier, 240 p.

1993 : Théâtre - Éducation, recherche sur les modèles didactiques, Montréal, GRADUEL et Recherche en Expression, 140 p.

1992 : Pédagogie de l'expression dramatique, Montréal, Recherche en Expression, 187 p. Traductions en espagnol (1989 et 1991);
en portugais, en grec et en polonais (à paraître).

1991 : Expression dramatique et théâtre, avec Jean-Claude Landier, Paris, Hatier, 260 p.

1991 : Les activités dramatiques en éducation, Former les formateurs, Montréal, GRADUEL et Recherche en Expression, 158 p.

1989 : Pédagogie de la situation en expression dramatique et en éducation, 2e édition revue et modifiée, Montréal, Recherche en
Expression, 248 p.

1986 : Repères. Essais en éducation, n° 7, « Arts-Expressions en pédagogie », Revue de la Faculté des sciences de l'éducation,
Université de Montréal, 135 p.
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DOSSIER

EXPLORER POUR SE QUALIFIER

La formation professionnelle au secondaire permet aux jeunes de développer des aptitudes et des compétences qui vont leur
permettre de devenir des citoyens autonomes et responsables. Cette formation qualifiante est une avenue possible pour participer
activement à la société et faire sa place au soleil.

Mais comment permettre aux jeunes de vraiment choisir en fonction d’une réelle connaissance de leur potentiel, de leurs champs
d’intérêt et de leurs besoins?

D’une part, pour nous aider à mieux cerner la question, des jeunes nous parlent de leurs besoins dans des propos que Camille
Deslauriers a recueillis; d’autre part, des intervenants du milieu scolaire révèlent leurs propres perceptions de ce domaine de
formations à notre collaborateur, Guy Lusignan.

Fidèles à notre habitude, il nous fallait ramener à la mémoire les étapes du développement de cette réalité trop méconnue, en
revisitant l’histoire. C’est ce qu’a fait notre collaborateur Arthur Marsolais, avec sa rigueur habituelle.

Pour sa part, Marie-Claude Thériault nous présente, de façon détaillée, l’ensemble des avenues ouvertes aux élèves. Et elles sont
nombreuses!

Pour explorer ce domaine, il nous fallait aussi découvrir les éléments qui constituent l’approche orientante. Les experts de ce
programme que sont Judith Alain, Jean-François Dufour et Marcelle Gingras dressent les balises de ce levier essentiel qui permet
aux jeunes d’explorer leurs potentialités, et ceci, le plus tôt possible.

Pour bien illustrer le propos et la démarche en jeu, Louise Sarrasin, Donald Guertin, Paul Francoeur, Lise Lagacé et Claude
Beauchesne, entre autres, nous décrivent des expériences qui illustrent bien les tenants et les aboutissants de cette approche.

Par ailleurs, Carole Viel, responsable du projet personnel d’orientation (PPO) au ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport
(MELS), décrit la nature réelle de ce cours, pour que nous puissions bien en saisir la philosophie.

Nous ne pouvions ignorer certains mythes et certaines réalités propres à la formation professionnelle, car trop d’idées préconçues
circulent à son propos. Chantale Beaucher et Marcelle Gingras nous éclairent avec brio sur le sujet.

Pour bien des gens la qualification, n’est-elle pas l’enjeu premier de la formation générale? Relevons-nous le défi collectivement?
Le texte d’Arthur Marsolais sur le sujet fait un constat intéressant.

Et les filles, en formation professionnelle? Éric Yergeau nous révèle des éléments très intéressants, sur le sujet.

Enfin, les élèves en difficulté ont-ils leur place dans ce portrait? S’ils ont accès à un parcours de formation axé sur l’emploi, ils
manifestent un intérêt accru pour l’école. Nadia Rousseau, Ghislain Samson et Geneviève Bergeron nous font part d’une collecte
d’informations sur le sujet et ce texte ouvre des perspectives essentielles pour répondre aux besoins particuliers des élèves.
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Quelques portraits d’enseignants, sous la plume de Guy Lusignan, nous font découvrir de nouvelles facettes permettant de mieux
saisir la réalité de ce milieu trop méconnu des éducateurs de la formation générale.

Camille Marchand
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POURQUOI PAS?

Table ronde d’élèves sur la formation professionnelle

par Camille Deslauriers

« Quand je serai grand, je serai… » Acteur, astronaute, chanteur, médecin, policier, pompier, vétérinaire… Qui n’a pas exprimé
maintes fois semblable souhait, dès l’enfance et tout au long de l’adolescence? Et qui, honnêtement, n’a jamais enchaîné avec
l’une de ces sept réponses un peu convenues? Mais qu’en est-il des métiers moins conventionnels ou beaucoup moins connus,
comme dynamiteur ou mécanicien d’ascenseur? Certains de nos jeunes y rêvent, pourtant! À preuve : aucun des quatre élèves
rencontrés lors de la table ronde qui s’est tenue le 22 février, à la Commission scolaire de Montréal, n’a choisi l’une des sept
professions-cultes énumérées plus haut. Trois des quatre participants ont plutôt opté pour la formation professionnelle, et ce, même
s’ils avaient d’excellents résultats au secondaire – et même si la plupart de leurs enseignants leur suggéraient, de façon implicite ou
explicite, de s’inscrire au cégep en vue de l’université... Qu’ont-ils choisi d’étudier, pourquoi l’ont-ils fait et comment leur décision
s’est-elle prise? C’était la première série de questions posées en début de discussion par Camille Marchand et Judith Alain, les
deux animatrices, aux quatre participants réunis : Steve Murphy, Julie Laberge Claing et Francis Roy, tous trois âgés de dix-sept
ans ainsi que François-Xavier Desrochers, 19 ans.

Steve veut devenir mécanicien d’ascenseur. Il étudie à l’École des métiers du Sud-Ouest de Montréal. Dans son cas, la certitude a
lentement mûri au contact de sa famille, dont plusieurs membres travaillent dans ce domaine : « Mon père et mon oncle sont
mécaniciens d’ascenseurs. Ma mère travaille à la Régie du bâtiment, en inspection d’ascenseurs. J’allais souvent faire des visites
au bureau de ma mère et je l’accompagnais en inspection; je suivais parfois mon père, en maintenance, ou mon oncle, en
installation. J’ai choisi ce métier-là parce qu’il procure une expérience à la fois mentale et physique : tu te casses la tête pour
résoudre des problèmes et, physiquement, tu forces beaucoup. Ça fait bouger et ça fait réfléchir. » Cependant, n’entre pas qui veut
en mécanique d’ascenseur : sur 250 candidats qui ont passé les tests psychométriques en même temps que Steve, il n’y a eu que
20 élus.

Julie, pour sa part, étudie à l’École des métiers des Faubourgs de Montréal, pour devenir assistante technique en pharmacie. Elle a
d’abord posé quelques questions au pharmacien du coin et à son adjointe pour voir en quoi consistait leur travail respectif, et
lorsqu’elle a compris que le taux de placement des finissants dans ce domaine était de 100 p. 100, elle a tenté sa chance et elle a
été admise. Elle avoue toutefois qu’elle s’est décidée à la dernière minute : « Mes parents ne voulaient vraiment pas que je prenne
une année sabbatique, après le secondaire. J’étais à trois semaines de la date limite des inscriptions et je n’avais pas encore
décidé ce que je ferais, alors ils m’ont dit d’au moins m’inscrire et d’essayer. » En cours de formation, elle a découvert ce qui
l’attirait dans ce métier-là : le fait d’aider les gens, de les écouter, de les conseiller. Julie ne ferme pas la porte à d’éventuelles
études universitaires en pharmacologie ou en recherche pharmaceutique, mais elle veut travailler dans le domaine avant de
prendre la décision d’entreprendre ou non ces longues études.

Francis, quant à lui, étudie présentement à l’École des métiers de l’équipement motorisé de Montréal, en mécanique automobile. Il
nous explique qu’il a choisi ce domaine pour deux raisons : parce qu’il a toujours aimé les voitures et… « pour ne pas lâcher
l’école », à l’instar de Julie. Son but réel : devenir dynamiteur. Cependant, comme cette autre formation professionnelle n’est offerte
qu’à Sherbrooke, Francis a préféré patienter, parce que la décision de s’y inscrire aurait nécessité un déménagement, alors il a
choisi la mécanique. En attendant, croyait-il. Or, depuis le début de son cours, il a découvert qu’il a « la piqûre » et il souhaite
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terminer ses études en mécanique, voire acquérir de l’expérience avant de songer à entreprendre un second DEP, en dynamitage.
Fort lucide, il ajoute : « De toute façon, le dynamitage, c’est souvent saisonnier. La mécanique automobile pourrait me permettre de
travailler l’automne et l’hiver; et quand le printemps reviendrait, je pourrais travailler dans la construction ou dans la démolition. » Ce
qui l’a incité à vouloir devenir dynamiteur? Un documentaire présenté dans le cadre de son cours de géographie, en quatrième
secondaire, et des discussions avec son enseignant.

François-Xavier, enfin, termine son secondaire général à l’école Eulalie-Durocher et il souhaite devenir psychologue. Il nous
explique pourquoi : « J’ai choisi cette profession-là à cause de mon vécu, parce que j’ai eu un passé assez rough et parce que j’ai
rencontré beaucoup de gens qui avaient des problèmes et ne se confiaient à personne. Le père d’un de mes amis est psychologue,
alors je suis allé le voir pour qu’il me parle de sa profession et ça m’a vraiment intéressé. » François-Xavier aimerait travailler
auprès des jeunes, à l’hôpital Sainte-Justine, peut-être; sinon, il aimerait œuvrer auprès des jeunes de la rue ou comme
psychologue pour l’association Médecins sans frontières. Mais il ne se contentera probablement pas d’un seul emploi. En riant, il
affirme : « On m’a toujours dit que j’étais un caméléon… Je sais aussi que je voudrais faire des études à l’École nationale de
l’humour. Je veux avoir un contact avec le public, faire rire, divertir. » Deux certitudes demeurent. Il aime l’étude et il veut aller à
l’université. Il avoue que les mathématiques 536 lui donnent actuellement un peu de fil à retordre, mais il ajoute que son
enseignante lui apporte beaucoup de soutien et que sa mère l’encourage à poursuivre son but. Fièrement, il confie : « Si je réussis
à aller à l’université, je serai le deuxième sur 50, dans ma famille! »

Avant de faire leur choix, ces élèves connaissaient-ils l’éventail de tous les programmes possibles en formation professionnelle?
Sans hésiter, Steve répond non. À la polyvalente qu’il fréquentait, on ne lui a jamais offert de visiter les différents centres de
formation professionnelle et il aurait aimé qu’on le fasse. Comme il savait déjà qu’il voulait devenir mécanicien d’ascenseur, il est
allé consulter son conseiller d’orientation et ce dernier lui a indiqué que c’était un programme très contingenté. Il dénonce le fait que
la plupart de ses enseignants l’incitaient plutôt à choisir le cégep; selon lui, cette attitude à l’égard d’élèves qui ont d’excellents
résultats entretient malheureusement les préjugés sur la formation professionnelle. Il raconte une anecdote intéressante : « À part
mon prof d’éducation au choix de carrière, en cinquième secondaire, mes autres profs me répétaient : “ Va à l’université, vas-y, tu
as le potentiel et tout le monde ne l’a pas. ” J’ai quand même choisi un DEP. Et aujourd’hui, j’ai des amis qui sont rendus en
cinquième secondaire et ils me disent que mon ancien prof d’éducation au choix de carrière, cette année, me cite en exemple; il
parle d’un élève qui a choisi de faire un DEP en mécanique d’ascenseur et qui avait des 100 % tout le temps. » Les autres
participants abondent dans le même sens que Steve. Francis mentionne qu’il fréquentait un collège privé où on leur donnait de
l’information « en faisant sentir que choisir un DEP, ce n’était pas l’idéal. Mais quand j’ai visité l’École des métiers de l’équipement
motorisé de Montréal, ça m’a vraiment intéressé. Et ça ne me dérangeait plus que ce soit un DEP. Personnellement, DEC ou DEP,
je crois que l’un vaut autant que l’autre ». Julie, encore plus catégorique, soutient qu’à son école, on leur « mettait le cégep dans la
tête jusqu’en cinquième secondaire. Puis, en cinquième, on faisait faire des recherches sur les DEP et un stage d’un jour dans un
centre de formation professionnelle. Mais il reste qu’on avait fait la promotion du cégep jusque-là, alors beaucoup de finissants
optaient pour un programme général au cégep – la plupart du temps, en sciences humaines – sans trop savoir pourquoi, ou tout
simplement parce qu’ils ne voulaient pas arrêter d’étudier. » François-Xavier, quant à lui, a toujours préféré mener lui-même ses
recherches et interroger directement les gens qui pratiquent les différents métiers dont il rêve. Ainsi, un soir, il est allé mener son
enquête personnelle au Cabaret Juste pour rire : « J’ai pu parler à Martin Matte, ainsi qu’à Dominic et Martin. Tous les trois m’ont
suggéré d’avoir un métier solide, avant de penser à devenir humoriste. Parce tu n’es pas sûr de gagner très bien ta vie là-dedans.
Souvent, ils doivent accepter de tourner des messages publicitaires pour gagner leur vie… » En ce qui concerne les DEP, François-
Xavier, en toute candeur, nous avoue qu’avant de participer à la table ronde, il entretenait certains préjugés à l’égard de la
formation professionnelle. « Pour moi, les DEP, c’était les métiers des pauvres… parce que pour aller au cégep, il faut que tu aies
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un certain budget : il y a plusieurs sessions, et avec les livres, ça peut facilement monter à cinq cents dollars par session. Pour aller
à l’université, il faut que tu aies de l’argent ou que tu acceptes de recourir aux prêts et bourses. Aujourd’hui, en écoutant les autres
participants, je vois que les DEP, ça coûte moins cher et que ça ouvre de bonnes portes. » Julie renchérit aussitôt : « D’ailleurs,
dans un dossier sur la formation professionnelle publié dans le Journal de Montréal, j’ai lu que plusieurs métiers qui demandent une
formation professionnelle – notamment en cimenterie et en mécanique d’ascenseur – étaient plus payants que d’autres, qui
demandent un DEC ou une formation universitaire… » Y a-t-il d’autres idées reçues ou d’autres facteurs d’influence qui incitent les
jeunes à choisir ou à ne pas choisir un DEP, demandent Camille Marchand et Judith Alain? Les quatre participants sont unanimes :
il y a encore des préjugés sexistes liés aux métiers traditionnellement réservés aux hommes ou aux femmes. « Mon ami est entré
en coiffure et il s’est fait traiter de gai », rapporte François-Xavier. Les mêmes idées reçues s’observeraient aussi dans les milieux
de l’esthétique et de la bijouterie, selon Steve. Et vice versa. Francis confirme que sa cohorte de futurs mécaniciens ne comporte
qu’une seule candidate.

« Ce que j’entends, résume Camille Marchand, c’est qu’il faudrait essayer, d’une part, de faire réfléchir les élèves du secondaire sur
leurs perceptions de la formation professionnelle et sur les idées reçues concernant les divers métiers. Et, d’autre part, valoriser la
formation professionnelle autant que le cégep et l’université, en donnant l’occasion de faire davantage de visites ou
d’expérimentation. » Ainsi, Francis raconte qu’il a vécu un stage d’un jour fort éclairant, lorsqu’il était en quatrième secondaire :
« Moi, j’avais choisi le domaine vétérinaire parce que j’aimais beaucoup les animaux et je suis allé passer une journée dans une
clinique vétérinaire. C’est cette expérience qui m’a fait prendre conscience que je n’étais pas fait pour être vétérinaire. » François-
Xavier, en visionnaire, note qu’il serait intéressant de pouvoir vivre plusieurs petits stages en milieu de travail, dès la troisième
secondaire : « Par exemple, au début de l’année, on pourrait nous dire de choisir dix métiers que nous souhaiterions découvrir. Il
n’y aurait pas de notes associées au projet puisqu’il servirait à déterminer si nous sommes vraiment intéressés à vouloir faire ça
plus tard. » En entendant ces propos, les animatrices s’exclament! Judith explique aux participants que les suggestions de
François-Xavier ressemblent étonnamment au projet personnel d’orientation – qui remplacera l’ancien cours d’éducation au choix
de carrière – où les jeunes vivront entre deux et huit projets basés sur l’exploration, à partir du début du deuxième cycle du
secondaire : « Dans un premier cas, il pourrait s’agir de faire une visite virtuelle ou une recherche; dans un autre cas, l’élève
pourrait aller sur place, visiter et tester ses habiletés, en manipulant vraiment les outils. Toutes ces expériences permettront aux
élèves d’apprendre à mieux se connaître et de comprendre les liens entre les matières de base et les différents métiers. Par
exemple, pourquoi c’est important, les mathématiques, lorsqu’on veut devenir assistante technique en pharmacie ou mécanicien
d’ascenseur? » Steve répond qu’il aurait réellement aimé pouvoir vivre ce genre d’expériences, « parce qu’il y a tellement de
métiers que personne ne connaît ».

De toute évidence, aux yeux des trois participants qui ont opté pour la formation professionnelle, les avantages d’avoir fait ce choix
sont nombreux : d’abord, elle leur assurera rapidement un bon emploi et un très bon salaire; ensuite, cette formation développe leur
autonomie et leur sens de la discipline. Julie explique : « Avant, au secondaire, je n’étudiais pas et j’avais de très bonnes notes.
Maintenant, il faut que j’étudie quatre heures chaque soir. Et au secondaire, si tu échoues un examen, c’est moins grave, tes notes
s’additionnent et elles sont compilées lors du bulletin de fin d’étape. Tandis que là, si je coule l’examen sur les médicaments
injectables, par exemple, je n’ai droit qu’à une seule reprise, parce que les modules sont interdépendants et chacun d’eux est
préalable aux autres. » Enfin, le plus gros avantage, à leurs yeux, c’est que leurs enseignants connaissent très bien leur futur milieu
de travail. Ils ont au minimum trois ans d’expérience concrète sur le terrain et la plupart d’entre eux possèdent de nombreuses
années d’expérience dans leurs domaines respectifs. Ils peuvent donc adapter le programme aux besoins réels du milieu, se
concentrer sur la matière importante, donner des exemples de cas concrets et leur enseigner les trucs du métier. Bien sûr, certains
aspects du système actuel, lequel est régi par les programmes du Ministère, restent encore à améliorer. Steve, par exemple,
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souligne ceci : « En mécanique d’ascenseur, il y a 31 modules, dont un sur la santé et la sécurité. Les bureaucrates qui ont bâti le
programme l’ont placé en dixième, dans l’ordre. Or, ce n’est pas normal : dans les neuf modules précédents, on nous a fait travailler
à des hauteurs de cinq étages et nous avons effectué des tâches dangereuses; il y a même quelqu’un qui s’est électrocuté… Je
viens tout juste d’avoir mes cartes de santé et sécurité et j’ai commencé ma formation au mois d’août! Ils auraient dû nous faire
faire ce module-là au début. Et, honnêtement, je pense que ce serait peut-être bien d’ajouter un cours de secourisme… »

Comment nos quatre jeunes entrevoient-ils leur futur? Comment s’imaginent-ils lorsqu’ils auront trente ans? Comment réagiraient-
ils s’ils devaient se réorienter? Steve répond à ces questions en soulignant qu’il ressemble à son père : « Ça fait 35 ans qu’il est à la
même place et je pense que je suis comme lui. Toutefois, si je devais changer de voie, j’irais en politique… » Julie croit qu’elle
pourrait poursuivre des études universitaires dans le domaine pharmaceutique. Francis sait déjà qu’il entreprendra d’autres études
en dynamitage. Et François-Xavier pense qu’il sera encore sur les bancs d’école à trente ans, parce qu’il adore apprendre et parce
qu’il devra sans doute obtenir au moins un baccalauréat, sinon une maîtrise en psychologie...

Les jeunes de cette génération semblent donc ouverts au changement et pleinement conscients qu’ils devront peut-être se
réorienter un jour, car la nouvelle réalité du marché du travail exige de s’adapter, de se renouveler et de se redécouvrir
constamment. Qu’il s’agisse de démarrer leur propre entreprise, de devenir formateurs à leur tour ou de vivre un revirement total,
après tout, comme le dirait François-Xavier, changer, c’est peut-être consentir à jouer les « caméléons »… juste un peu, beaucoup
ou passionnément!

Mme Camille Deslauriers est journaliste pigiste.


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IMAGE ET PERCEPTION : SI ON EN PARLAIT…

par Guy Lusignan

À l'heure où l'Occident est appelé à repenser les grandes orientations de son économie compte tenu de la concurrence des
marchés émergents, plusieurs intervenants sociaux insistent sur la nécessité d’assurer une formation professionnelle de qualité au
Québec, dans la mesure où tous les travailleurs participent à l'essor économique et social d’un pays. Pourtant, un constat
s’impose : il existe une pénurie de travailleurs qualifiés dans plusieurs métiers et techniques. Mais alors, s’il y a de l’emploi,
comment expliquer que si peu de jeunes soient attirés par la formation professionnelle? Celle-ci a-t-elle été dévalorisée au cours
des dernières années au Québec? Est-ce que des décisions prises dans le passé en ont terni l'image? Comment les parents et les
enseignants de la formation générale perçoivent-ils l’apprentissage d’un métier ou d’une technique? Pour répondre à ces questions,
Vie pédagogique a invité1 à une table ronde des parents, des enseignants et différents agents d'éducation de ce secteur de
formation.

EN GÉNÉRAL, QUELLE EST L'IMAGE DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE ET QUELLE REPRÉSENTATION LES PARENTS ET LES ENSEIGNANTS
S’EN FONT-ILS?

Paul Lemay se rappelle que dans les années 1950, les écoles d’arts et métiers étaient perçues comme une richesse incroyable
dans les régions. Selon lui, « il y avait comme une valeur sociale autour de cela ». Malheureusement, cette image s'est dégradée
au cours des années 70, quand la formation professionnelle a été rapatriée dans les polyvalentes avec les programmes
professionnel court et professionnel long. En effet, ce dont se rappellent plusieurs des participants qui fréquentaient les
polyvalentes à cette époque, ces programmes étaient généralement fréquentés par des élèves peu intéressés par l'école ou qui
éprouvaient des difficultés d’apprentissage; les souvenirs qu'ils en ont gardés sont rarement positifs. Selon le témoignage de Lynda
Laurencelle, c’est à partir de cette époque que « l'on a perdu cet intérêt pour la formation professionnelle ». Elle se souvient que
des enseignants lui disaient : « Tu ne peux pas devenir secrétaire, c'est pour quelqu'un qui n'a pas ton talent! » Pour elle, « l'image
était tellement négative que des parents refusaient presque systématiquement que leurs enfants se retrouvent en formation
professionnelle, en oubliant que tous les enfants ne peuvent pas ou n'ont pas le goût de faire des études universitaires ». Quant à
Marjorie Beauchesne, elle se souvient que les élèves de la formation professionnelle et de la formation générale ne se mêlaient pas
dans les salles de la polyvalente qu’elle fréquentait : « C’était deux mondes à part. » Pour Paul Lemay et pour plusieurs des
participants à la table ronde, ce fut une erreur historique et la formation professionnelle « est encore victime de cette image », car il
y a présentement toute une génération de parents qui croient que la situation n’a pas évolué.

Au cours des années, c’est davantage la formation générale qui a été valorisée – au détriment de la formation professionnelle –
puisque pour les parents et les élèves, l’obtention d’un diplôme d'études secondaires « ouvre la porte du cégep et ultérieurement de
l'université, ce qui est perçu comme un filet de sécurité pour l’avenir ». Fanie Couture et d’autres croient que des parents souffrent
du syndrome « pas dans ma cour ». Tout en reconnaissant l'importance des métiers, ils préfèrent que leurs enfants choisissent une
autre voie, particulièrement celle qui conduit aux études universitaires. Ainsi, une mère de deux enfants dyslexiques témoigne
qu’elle n’avait pas considéré la possibilité pour ses enfants d’apprendre un métier, jusqu’au jour où elle a constaté qu’ils ne
pourraient pas aller au cégep ou à l’université. « Si l’apprentissage d’un métier ne faisait pas partie de mes plans pour mes enfants,
c’est parce que c’est souvent très dur, très difficile, le chantier, l’usine... Ce n’est pas nécessairement ce que l’on souhaite pour nos
enfants. » Par contre, elle s’est rendu compte qu’en apprenant un métier, « ils peuvent réaliser qu’ils sont capables d’apprendre, ils
sont heureux et, avec des passerelles, ils peuvent accéder au cégep technique ». Comme le souligne Julie Pellerin, c’est ce qu’il
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faut faire savoir aux parents et aux enseignants de la formation générale : un diplôme d’études professionnelles n'est pas terminal
et des passerelles permettent à l'élève de transiter vers la formation générale ou de poursuivre des études au collégial. Manon
Ricard abonde dans le même sens et met en évidence le fait que même avec un métier, la formation continue est nécessaire. Elle
donne l'exemple de son père, technicien en aéronautique qui, au cours de ses trente ans de carrière, a suivi régulièrement des
cours du soir pour faire des mises à niveau; également celui de son mari, mécanicien depuis plusieurs années, qui doit
annuellement participer à des formations car « les technologies évoluent et il est normal de vouloir toujours se perfectionner ».

Une autre facette de la question a été soulevée au cours de la rencontre, à savoir l'attitude des enseignants du secteur général qui,
encore influencés par les images négatives du passé et une méconnaissance du secteur professionnel, n’encouragent pas leurs
élèves à choisir cette voie et déplorent bien souvent que des cours soient consacrés à l’exploration professionnelle au détriment
des matières de base. Plusieurs participants affirment que, dans leur milieu, « il y a beaucoup de travail à faire auprès des
enseignants du secondaire qui manifestent de la résistance, car il est difficile de les sortir du cadre dans lequel ils sont ancrés ».
Une enseignante mentionne que l'on donne peu de chances aux programmes d'exploration professionnelle dans certaines écoles;
si, après la première année, les résultats ne sont pas aussi probants que ceux attendus, on rejette ces programmes et on dit : « On
avait raison. »

Finalement, les politiques d’embauche de plusieurs entreprises jouent à l’encontre de la formation professionnelle. En effet, selon
Nathalie Bédard, plusieurs d’entre elles « préfèrent employer un jeune qui possède un diplôme général d’études collégiales plutôt
qu’un jeune qui a obtenu un diplôme spécialisé en formation professionnelle ». De même, très souvent, beaucoup d’entreprises ne
reconnaissent pas la valeur de la formation sanctionnée par un diplôme d’études professionnelles au secondaire. De telles
politiques d’embauche semblent convaincre les parents que leurs enfants doivent d’abord obtenir leur diplôme d’études
secondaires, avant d’aller apprendre un métier ou une technique.

QUELS GESTES CONCRETS LE MILIEU SCOLAIRE FAIT-IL Ŕ OU DEVRAIT-IL FAIRE Ŕ POUR VALORISER LA FORMATION PROFESSIONNELLE?

Depuis quelques années, de nombreuses initiatives sont prises par les commissions scolaires et par le ministère de l’Éducation, du
Loisir et du Sport (MELS) pour revaloriser la formation professionnelle auprès des parents et des différents intervenants du milieu
scolaire. Ainsi, certaines commissions scolaires ont investi des sommes importantes dans des centres de formation et ont établi des
synergies avec des entreprises régionales pour offrir une formation de qualité. Paul Lemay donne en exemple le Centre intégré de
mécanique industrielle de la Chaudière (CIMIC) de Saint-Georges-de-Beauce, qui travaille en partenariat avec le cégep Beauce-
Appalaches, la Commission scolaire de la Beauce-Etchemin et plusieurs entreprises régionales, dont CANAM, qui a une excellente
réputation. Pour lui, la renommée et la notoriété d’une institution influencent grandement les perceptions des gens du milieu. Il
affirme : « Maintenant, les parents sont fiers de dire que leur enfant va au CIMIC. » Dans le même ordre d’idées, selon Gaston
Vachon, la Commission scolaire de St-Hyacinthe a été visionnaire en investissant, il y a une quinzaine d'années, quelques millions
de dollars dans la construction d'un centre de formation professionnelle moderne, qui reçoit aujourd'hui 2 000 élèves et qui
dispense trente programmes de formation. Mais un beau centre, ce n’est pas suffisant pour améliorer la perception de la formation
professionnelle : « À notre commission scolaire, il y a une stratégie de valorisation de la FP. » Par exemple, chaque année, tous les
élèves de cinquième année (du primaire) font des visites guidées du centre et les élèves de sixième passent une demi-journée dans
un atelier. De plus, tous les élèves de la deuxième à la cinquième secondaire reviennent année après année faire une visite guidée
du centre. Quant aux élèves de l'exploration professionnelle, ils font un stage de cinq jours dans l'un ou l'autre des départements.
De telles réalisations sont rendues possibles grâce à la collaboration des directions d'école, qui croient que ces initiatives
contribuent à changer la perception que les gens ont de la formation professionnelle. De plus, comme de nombreux enseignants du
Vie pédagogique, no 144 20

secondaire connaissent peu le secteur professionnel, ils sont invités chaque année au centre lors des journées pédagogiques pour
se renseigner sur les programmes offerts et discuter de la formation qui y est donnée.

D'autres commissions scolaires proposent aux élèves des programmes qui les aident à mieux se connaître « par l'exploration d'un
métier sur le marché du travail », selon Nathalie Belleville. Offert aux élèves qui ont terminé leur deuxième secondaire, le cours de
préparation au marché du travail (Volet 2) leur permet de « voir qu'il y a différentes façons d'apprendre et de se former ». Les
élèves fréquentent l’école trois jours par semaine et sont, les deux autres jours, en stage dans une entreprise. Ce programme
permet aux enseignants de les accompagner et de les aider à se donner des méthodes de travail qui favorisent leur réussite.

Trop longtemps, selon les participants, les parents n’ont pas été suffisamment informés pour aider leurs enfants à s’orienter. Alors,
que valent les actions entreprises par les commissions scolaires et le MELS si les informations ne se rendent pas jusqu’aux parents
et aux élèves? Lucien Lavoie pense « qu’il faudrait faire la promotion de la formation professionnelle auprès des parents et de tous
les élèves, et pas seulement auprès des élèves en difficulté d’apprentissage », comme il a pu le constater à maintes reprises. Selon
plusieurs, l'école orientante implantée dans le milieu scolaire depuis quelques années semble répondre à cette exigence puisque,
dès le primaire, « on commence doucement à intégrer ou à faire survoler les différentes professions ou divers métiers aux élèves ».
Marjorie Beauchesne et plusieurs responsables de l’école orientante insistent sur la nécessité de proposer aux élèves une
démarche qui les amène à bien se connaître et à découvrir leurs forces et leurs champs d’intérêt. Dans cette perspective, « il est
essentiel de créer des liens avec les parents », qui sont, selon elle, « les spécialistes de leur enfant ». L’une des pistes à explorer
consiste à demander aux élèves « d’apporter à la maison les activités réalisées en classe dans le cadre de l’école orientante, pour
pouvoir en discuter avec leurs parents et les impliquer dans leur choix de carrière ». Pour Fanie Couture, toutes les activités, que ce
soit les visites de centres de formation ou les conférences données par des représentants des centres, doivent être suivies par des
retours réflexifs, car « lorsqu'ils auront à choisir un parcours de formation, vers l'âge de quinze ou seize ans, il est essentiel qu'ils se
connaissent, qu'ils se soient posé des questions et qu'ils se soient arrêtés pour découvrir ce qu'ils aiment et ce qui les attire ».
Finalement, les participants s’entendent pour dire que l’information transmise aux parents et aux élèves devrait leur faire connaître
les différents débouchés et les parcours que les programmes du secondaire proposent aux élèves.

Martine Morin croit qu’il est encore plus important d'impliquer les parents dont les filles veulent se diriger vers l’apprentissage de
métiers habituellement exercés par des travailleurs masculins. Selon elle, « il existe encore des préjugés » et pour contrer ces
réticences, il importe de proposer des modèles féminins. À titre d’exemple, en Haute-Gaspésie, dans le cadre du projet Un emploi,
une fille, des conférences ont été données par des femmes actuellement sur le marché du travail et qui pratiquent des métiers
traditionnellement « masculins ». Ainsi, une ambulancière, une charpentière-menuisière et une pompière sont venues discuter de
leur métier avec les élèves. Nicole Ladouceur croit à cette approche et souligne le succès du concours Chapeau, les filles!, qui
« rend hommage aux jeunes femmes engagées dans un programme d’études occupé majoritairement par les hommes 2. » Selon
Gaston Vachon, toutes les mesures prises depuis quelques années par les commissions scolaires et le MELS permettront à long
terme de contrer le décrochage scolaire.

LA PERCEPTION DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE EST-ELLE EN TRAIN DE CHANGER AU QUÉBEC?

Les efforts consentis depuis quelques années par le MELS et les commissions scolaires ont certainement contribué à changer la
perception de la formation professionnelle, mais ce qui semble être un facteur encore plus déterminant est la qualité de la formation
dispensée. Selon Paul Lemay, « la formation professionnelle est une belle réussite, elle est peut-être le fleuron du système
d'éducation du Québec, quand on regarde le taux de réussite des jeunes ». Il précise que celui-ci graviterait autour de 80 %, avec
des notes de passage qui oscillent entre 75 % et 85 % selon les modules. De plus, les jeunes sont diplômés en moins de deux ans.
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C'est « une performance de beaucoup supérieure à ce que l'on retrouve en formation générale », comme l'affirme Gaston Vachon.
S’ajoutent d’autres éléments qui contribuent à la qualité de la formation. Mentionnons entre autres l’encadrement qui est donné aux
jeunes, les stages supervisés en milieu de travail et l’équipement moderne dont les centres disposent.

Une autre preuve qui fait dire à Nicole Ladouceur que l’image de la formation professionnelle s’améliore au Québec est qu’il y a de
plus en plus de jeunes pour qui elle est un premier choix. En effet, plusieurs viennent directement au secteur professionnel,
contrairement à ce qui se passait il y a quelques années, quand ils faisaient un détour par le cégep ou dans le monde du travail
avant de se diriger vers les centres de formation professionnelle. D’autre part, Gaston Vachon et Paul Lemay révèlent que chaque
année, des centaines d’étudiants sont refusés dans certains programmes de formation, ce qui, selon leur évaluation, semble
indiquer que la formation professionnelle est de plus en plus attirante pour des jeunes qui veulent apprendre des métiers dans
lesquels un emploi est presque assuré une fois le diplôme obtenu. Toutefois, même si la perception de la formation professionnelle
continue à s’améliorer, il faut toujours demeurer vigilant et continuer à faire la promotion de ces programmes, surtout dans les
secteurs où il y a pénurie de main-d’œuvre.

Un autre facteur qui joue en faveur de la formation professionnelle est que, dans les programmes d’études du primaire et du
secondaire, le domaine général de formation Orientation et entrepreneuriat amène la majorité des enseignants à s’impliquer dans
l’orientation professionnelle des jeunes et à leur faire vivre des expériences entrepreneuriales qui contribuent à leur ouvrir divers
horizons. Selon des participants, l’orientation des jeunes ne relève plus de la seule responsabilité du conseiller d’orientation. Au
secondaire, on peut croire qu’il y aura de plus en plus de partenariats qui s’établiront entre les conseillers d’orientation et les
enseignants pour la réalisation de différents projets, comme il en existe présentement3 dans certaines écoles. Un autre élément de
valorisation de la formation professionnelle est que, dès septembre 2007, au secondaire, il y aura un parcours de formation axé sur
l'emploi, un parcours de formation générale et un parcours de formation générale appliquée, qui proposeront aux élèves soit comme
cours optionnel, soit comme cours obligatoire, le projet personnel d'orientation (PPO), qui les amènera à mieux se connaître et à
explorer le monde des métiers et des professions.

Mais il n'empêche, comme le pense Lucien Lavoie, que le MELS devra intensifier sa promotion grand public de la formation
professionnelle, pour insister sur le fait qu'une société a toujours besoin de gens de métiers compétents.

EN GUISE DE CONCLUSION

Longtemps tributaire de l'image négative créée au cours des années 1970, le secteur de la formation professionnelle commence à
redorer son image tant auprès des jeunes et des enseignants de la formation générale qu’auprès des parents. Des efforts
constants, au cours des dernières années, ont conduit les responsables du domaine à dispenser une formation de qualité dans les
centres spécialisés. De plus, les cours d'exploration professionnelle ainsi que l'approche orientante ont amené bien des jeunes à
mieux se connaître et à découvrir des horizons porteurs d'avenir.

M. Guy Lusignan est consultant en éducation.

1
La rencontre a eu lieu le 27 février 2007.

2
Sur le site du MELS, voir le concours Chapeau, les filles! et son volet Excelle Science.
[www.mddep.gouv.qc.ca/programmes/chapeau/index.htm]

3
Voir l’article L’élève… plus qu’un résultat scolaire, publié dans le présent numéro.
Vie pédagogique, no 144 22

COUPS DE BARRE ET HÉRITAGES, UNE HISTOIRE À RAPPELER

par Arthur Marsolais

L’histoire de la formation professionnelle (FP) met en valeur des dilemmes et des choix stratégiques dont la portée n’est pas
toujours dépourvue d’actualité. On peut d’entrée de jeu en pointer quelques-uns. Est-il préférable pour la FP de graviter d’abord
autour du monde du travail, ou alors de s’insérer étroitement dans le monde scolaire? Doit-elle plutôt travailler de concert sur des
compétences génériques et sur des compétences spécialisées, ou bien seulement sur les secondes? Faut-il faire en sorte que la
FP rejoigne autant de gens intéressés que possible, ou au contraire en restreindre l’accès en fonction de la disponibilité prévisible
des emplois correspondants? D’une époque à l’autre, la formation professionnelle a connu des coups de barre importants, des
changements de cap, pour ainsi dire.

La formation technique du collégial a connu une plus grande continuité que la formation professionnelle des commissions scolaires.
Quant à celle-ci, que l’on pourrait appeler formation aux divers métiers, quelles en furent les grandes époques? On pense
spontanément à trois périodes, fortement contrastées. D’abord, celle d’avant le rapport Parent, de 1950 à 1966, en gros. Puis, celle
des écoles dites polyvalentes, du fait qu’on y trouvait un secteur de formation professionnelle, de 1966 jusqu’à sa lente agonie, de
1982 à 1985. Enfin, l’époque actuelle, depuis 1985. La compréhension des acquis et des difficultés repose particulièrement sur les
jonctions entre « époques » : temps de crise et temps d’adoption de nouveaux cadres et de nouvelles façons de faire.

LES HÉRITAGES D’AVANT LE MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION : ÉCOLES DE MINISTÈRES, ÉCOLES DE FRÈRES ENSEIGNANTS, VOIES
PROFESSIONNELLES FÉMININES

Au milieu du 20e siècle, sauf dans la haute bourgeoisie, le contraste ancien entre les rôles masculins et les rôles féminins demeurait
vivace. Dans le secteur scolaire, déjà avant la Seconde Guerre mondiale, existait une sourde rivalité entre les écoles de garçons
très souvent confiées, au secondaire, à des congrégations de frères enseignants, et les écoles secondaires privées, très sélectives,
qui offraient le programme du cours classique et étaient une chasse gardée, pratiquement, des prêtres séculiers et des
congrégations de prêtres. Les frères enseignants se soucièrent tôt d’outiller les élèves pour la vie du travail grâce aux études,
particulièrement en direction des fonctions dites de « cols blancs » : commerce, comptabilité, assurances, petites entreprises. En
1986, dans un numéro de Recherches sociographiques, portant sur les cégeps (vol. 27, no 3), Jean-Paul Desbiens – notre célèbre
Frère Untel dépouillé de son pseudonyme – pouvait soutenir que les cégeps, plus ouverts que le cours classique sur une mission
de qualification, incarnaient en quelque sorte la victoire de « l’école des frères » sur « l’école des pères »!

Qu’en était-il des écoles secondaires de filles, très souvent confiées à des congrégations de religieuses? Elles réussissaient mieux
que les autres à faire en sorte que les jeunes filles persévèrent aux études. Le Québec paraît avoir connu beaucoup de générations
de femmes possédant une instruction plus poussée que celle des hommes. Hors les cours classiques, réservés en pratique aux
filles de la haute bourgeoisie (alors qu’ils allaient chercher les garçons en milieu ouvrier et en milieu rural), les débouchés
professionnels prestigieux au féminin étaient aussi des rôles sociaux d’altruisme et de dévouement, dans l’enseignement rural en
particulier et dans les soins de santé. Comme les carrières étaient courtes, la plupart du temps interrompues après leur mariage,
des dizaines de milliers de jeunes femmes trouvaient une qualification spécialisée et une formation générale remarquables dans les
écoles normales d’instituteurs et d’institutrices – il y en eut jusqu’à 94! – et dans les écoles d’infirmières.

Avant la création du ministère de l’Éducation, en somme, pour les métiers de base, pour l’agriculture, pour les qualifications
Vie pédagogique, no 144 23

techniques industrielles et pour les soins de santé, les ministères appropriés soutenaient les écoles correspondantes : écoles dites
d’arts et métiers, écoles d’agriculture, instituts de technologie et écoles d’infirmières, d’infirmières auxiliaires et de « garde-bébés »
(ou puéricultrices) dans les principaux hôpitaux.

PREMIÈRE TRANSITION : 1962 À 1968, UN VASTE RAPATRIEMENT

Il y eut d’abord une commission d’enquête importante et très productive sur la formation professionnelle, présidée par Arthur
Tremblay. Avec le rapport Parent, à partir de 1966, l’ordre du jour fut en premier lieu de faire un système cohérent et unifié avec
cette mosaïque de pièces détachées. Donc, de rapatrier presque tout (deux instituts agricoles de haut niveau y échapperont, de
même que les conservatoires de musique) sous la juridiction du ministre de l’Éducation, d’une part; d’intégrer, d’autre part, les
écoles spécialisées, soit dans les cégeps, soit dans des écoles secondaires polyvalentes. En second lieu, on retint comme
structuration de programmes, au secondaire comme au collégial, de pousser en concomitance un complément de formation
générale et la spécialisation professionnelle, cette dernière occupant graduellement un temps croissant. Ainsi, dans les cours de
métiers du secteur dit « professionnel long », la spécialisation occupait environ le tiers du programme de 4e secondaire, puis les
deux tiers de celui de la 5e. Les beaux jours de ce système intégré dans le parcours scolaire ont duré en gros jusqu’en 1980. De
1980 à 1985, il y eut une véritable crise, en formation professionnelle secondaire. Une si grande crise qu’elle a fait mettre de côté
deux grands facteurs jusque-là structurants, en séparant la formation générale de la spécialisation et en retirant la formation
professionnelle des écoles secondaires.

LES COMPOSANTES COMPLEXES D’UNE CRISE

On utilise souvent des justifications simplistes, pseudo-évidentes, pour ce que l’on a désiré faire de toute façon. Ainsi, on a
beaucoup utilisé l’argument voulant que la revalorisation nécessaire de la formation professionnelle passe par ces revirements
radicaux. Mais il faut creuser au-delà. Les facteurs du virage, de la mise de côté de l’ancienne formation professionnelle secondaire
sont non seulement nombreux mais hétéroclites. Les rappeler évoquera des choix et des dilemmes qui, en partie, ne sont pas
totalement disparus.

 PIC, PUIS CREUX DÉMOGRAPHIQUE

De 1972 à 1979, le secondaire recevait non pas cinq mais six classes d’âge, du fait d’une « double promotion », 6e et 7e combinées,
après la suppression de la 7e année du primaire. S’ensuivit, vers 1978-1979, une baisse vertigineuse de l’effectif scolaire
secondaire, depuis un pic historique de 720 000 vers 1972. Il y avait panique sur la sécurité d’emploi, militance pour des tâches
allégées qui augmentent le personnel requis et espoir de garder les élèves à l’école le plus longtemps possible, dans quelque voie
que ce soit...

 BESOINS DES JEUNES OU BESOINS DES EMPLOYEURS?

Après la crise économique relative à l’envolée du prix du pétrole à partir de 1973, un chômage important, entre 1978 et 1982, et une
autre crise de quasi-récession, se manifestent une sorte de restructuration de l’économie, de vastes remaniements par secteurs
d’emploi et de fortes tentations de monopoles ici et là, dans les métiers de la construction en particulier. Du point de vue des
jeunes, donner une chance de s’insérer dans le marché du travail même sans garantie absolue, c’est répondre aux besoins de la
main-d’œuvre. Mais viser un ajustement serré, à partir de la vision patronale des opportunités d’emploi, autrement dit, se guider sur
les besoins prévus en main-d’œuvre, c’est encourager beaucoup moins de formation professionnelle secondaire, malgré une
Vie pédagogique, no 144 24

situation de placement somme toute favorable. En arrière-plan de ce dilemme, on se retrouve – à cause du contingentement – avec
un accès plus difficile à beaucoup de métiers hautement désirés qu’à toutes les études préuniversitaires et à la majorité des
premiers cycles universitaires.

 LE CONTRECOUP DE L’HOMOGÉNÉISATION DE LA FORMATION GÉNÉRALE : UNE ANNÉE CREUSE

Au secondaire encore plus qu’au collégial, les décisions du secteur de la formation générale ont eu un impact très fort sur la
formation professionnelle. À l’université, les baccalauréats ès arts, relativement généralistes, avaient sans résistance cédé la place
aux spécialisations précoces en psychologie clinique, travail social, droit, médecine, etc. Au collégial, on avait ajouté un an aux
programmes de deux ans des instituts de technologie et autres écoles spécialisées. En 1979, on décida en principe de diminuer
considérablement l’espace disponible aux cours optionnels de 4e et 5e secondaire, où logeait la formation professionnelle :
homogénéisation et fort influx d’unités relatives à une formation personnelle et sociale prise au sens large. Quand le nouveau
régime pédagogique d’alors vint à s’appliquer en 4e secondaire (l983), il n’y avait plus l’espace d’options nécessaire pour entrer en
formation professionnelle. On s’en allait inexorablement vers son report en 5e et 6e secondaire à créer. N’ayant pas prévu cet effet
d’année creuse dans le recrutement, on paniqua devant le grand nombre de professeurs et de formateurs bénéficiant, sans élèves,
de la sécurité d’emploi. Dans ce contexte, leur confier la formation professionnelle des adultes au détriment de formateurs
beaucoup plus précaires fut un expédient issu d’une crise transitoire.

 L’EFFET D’IMMORALITÉ PERÇUE DE L’ORIENTATION

Pour des raisons surtout idéologiques – soit le célèbre procès, transposé de la sociologie scolaire française de « l’école complice de
la classe dominante » et réservant activement toutes les bonnes places aux héritiers et héritières de la haute bourgeoisie – on en
vint, entre 1975 et 1980 (voir le célèbre Livre Vert), à postuler qu’il était totalement immoral de pousser des jeunes à choisir à 16 ou
17 ans des cours optionnels pouvant préorienter leurs études ultérieures. Guerre aux choix précoces! Le corollaire en fut, jusqu’à
un certain point, que l’idéal pour tous et toutes serait d’obtenir un baccalauréat. Si on allait ailleurs, aux métiers par exemple, ce
serait par échec et par résignation. Il valait mieux, suivant la même perspective idéologique, commencer ses études collégiales au
secteur préuniversitaire, et il serait toujours le temps de revenir au secteur technique. On voit comment cette émergence de
l’accusation de piéger les pauvres et la classe moyenne par des orientations vers la qualification professionnelle et la spécialisation
aboutissait à déprécier tout ce qui divergeait d’une voie d’études longues, fussent-elles très peu qualifiantes. Cet environnement
dévalorisant ne pouvait que pousser les acteurs de la formation professionnelle en marge et en parallèle par rapport aux parcours
de formation générale du secondaire. Un cas vécu illustre bien cette dérive. Une jeune fille de 4e secondaire, en 1980, se déclare
fermement résolue à devenir infirmière. Mais… elle réussit très bien, trop bien même. Son entourage se « met après elle » :
« Pourquoi ne pas choisir sciences de la santé au secteur préuniversitaire? Tu en es bien capable ». Tel était le refrain des
conseillers d’orientation, des enseignants et des parents. En 1984, DEC de sciences de la santé en poche, elle déclarait : « Cela,
j’ai dû le faire pour les autres. Maintenant, c’est fini : j’étudie pour moi! Je veux être infirmière et je m’inscris au programme de soins
infirmiers. »

SECONDE TRANSITION : AUTONOMISATION ET REVALORISATION

Chez des formateurs qui se percevaient un peu, avec leurs élèves, comme des malaimés de la polyvalente, la restauration de
centres de formation professionnelle indépendants, graduelle à partir de 1987, fut certes un baume. Du même coup, cependant, au
secondaire, une cloison étanche se dressa entre formation générale et formation professionnelle. Malgré une grande ouverture de
principe aux adolescents et adolescentes, même avec un cours secondaire complété, l’accès de fait devenait plus restrictif.
Vie pédagogique, no 144 25

Une révision radicale et méthodique des programmes fut entreprise, étroitement liée à la pratique des divers métiers et à l’analyse
des tâches. Les nouveaux programmes d’alors furent segmentés en modules assez courts, suivant l’usage de la formation
professionnelle des adultes, permettant des allers-retours sans répétition. Il y eut au besoin fusion de programmes et élaboration de
nouveaux. Comme on le demandait depuis longtemps, la formation professionnelle commençait à disposer d’une sanction – ou
reconnaissance des acquis – complètement autonome.

L’opération la plus pénible de cette seconde transition fut sans doute la remise en cause de la « carte des spécialités
professionnelles ». On espérait, au temps du ministre Claude Ryan, au début des années 90, pouvoir rajeunir, alléger et actualiser
la carte grâce à la concertation, mais la défense du statu quo, téléphoniques de pression de députés à la clé, joua beaucoup. Faute
d’une concertation productive, on décida de supprimer tout programme qui ne réussissait pas à recruter le nombre minimal de
candidats et de candidates deux années de suite. Dans certaines régions du Québec à densité de population relativement faible,
l’usage d’une telle règle pour ainsi dire mécanique ne pouvait que faire des ravages…

EN MARGE DES ÉTATS GÉNÉRAUX…

En arrière-plan somme toute rapproché, il faut observer comment la formation professionnelle fut très peu considérée par les États
généraux sur l’éducation (l995-l996), même dans sa projection d’un 2e cycle du secondaire repensé. Le ministre de l’Éducation
d’alors, Jean Garon, avait en effet confié à un groupe de travail ad hoc, présidé par M. Claude Pagé, en toute urgence, de proposer
des améliorations à la formation professionnelle. Son rapport final s’intitulait : La formation professionnelle chez les jeunes : un défi
à relever (Québec, Ministère de l’Éducation, 1995). Ce groupe de travail est à la source de ce qu’on a appelé depuis « les volets ».
Le plus prometteur des trois volets opérationnels fut celui de formations relativement moins spécialisées que celles du DEP, mais
toutefois qualifiantes, et comprenant une bonne mesure de formation générale (retour, un peu marginal, d’une pratique de
concomitance). Le volet consistant à viser une formation collégiale technique via celle du métier correspondant plutôt que par une
5e secondaire ordinaire n’a pas répondu concrètement à un indéniable enthousiasme initial. Enfin, le volet d’une formation en
apprentissage plutôt qu’en école ne s’est pour ainsi dire pas concrétisé.

Les suites des États généraux nous conduisent en pleine actualité, puisque le renouveau pédagogique qui en est issu s’apprête à
marquer le 2e cycle du secondaire. La question-clé est la suivante : si quelque 50 p. 100 de jeunes quittent leur trajet de formation
initiale sans qualification particulière, parfois avec 13 ou 14 ans de fréquentation, la formation professionnelle secondaire peut-elle
contribuer substantiellement à réduire cette quasi-catastrophe? En recrutant plus volontiers des jeunes? En profitant d’une
progression du primaire au secondaire qui fait moins redoubler? On peut croire que le nouveau 2e cycle, doté d’un parcours de
formation générale appliqué, changera peut-être l’arrimage entre les études secondaires ordinaires et diverses formations
professionnelles. Peut-on espérer des jonctions plus naturelles, plus organiques, plus aisées?

Avec les perspectives ouvertes dans l’ensemble du présent dossier de Vie pédagogique, l’affirmation d’une mission de qualification,
parmi les trois missions de l’école, prend tout son relief. Valorisation et renouvellement, en matière de formation professionnelle,
vont toujours de pair.

M. Arthur Marsolais est membre du comité de rédaction.


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UN PASSEPORT POUR UNE PANOPLIE DE DESTINATIONS!

par Marie-Claude Thériault

Lorsqu’il est question de formation professionnelle (FP), certains seraient portés à croire qu’il s’agit d’une formation limitative sur le
plan du cheminement scolaire et du développement professionnel. Cependant, la réalité est tout autre lorsqu’on y regarde de plus
près. Cela est d’autant plus vrai que, depuis quelques années, il existe des passerelles entre certains centres de formation
professionnelle et des collèges d’enseignement général et professionnel (cégeps) de la province, favorisant ainsi l’acquisition de
compétences professionnelles complémentaires à l’intérieur d’un même domaine de formation. Mon propos sera donc de mettre en
lumière les différentes possibilités qu’offre le système scolaire aux élèves, et plus particulièrement à ceux intéressés par la FP.
Ainsi, après cette lecture, vous serez mieux informés concernant les différentes voies d’entrée et de sortie de la FP et serez à
même de constater la diversité des parcours possibles au Québec.

LES VOIES D’ENTRÉE EN FORMATION PROFESSIONNELLE…

Une fois le diplôme d’études secondaires (DES) obtenu, il est possible d’être admis dans n’importe quel programme de formation
professionnelle, à la condition d’être âgé de 16 ans et plus. Cependant, à l’heure actuelle, un élève n’est pas obligé d’obtenir son
DES pour être admissible à la FP. Bien que l’obtention du DES soit fortement encouragé, il est possible d’entrer en FP sans avoir
complété ses études secondaires, sous certaines conditions (voir encadré). Il n’en demeure pas moins important que l’on s’informe
des conditions d’admission particulières à chacun des programmes de formation afin d’éviter toute déception. Par exemple, le
programme Santé et assistance en soins infirmiers demande, comme préalable additionnel, la réussite du cours de langue
d’enseignement de 5e secondaire. De plus, il est à noter que même si une personne est admissible en FP, cela ne veut pas dire
qu’elle y sera automatiquement inscrite. En effet, il arrive que l’on soit convoqué pour une entrevue ou pour la passation de tests
d’admission qui ont pour but de sélectionner les meilleurs candidats pour un programme contingenté.

En plus des critères d’admission généraux et particuliers à chacun des programmes, il faut tenir compte de détails tels que le
contingentement ou l’existence d’une liste d’attente, l’offre de la formule travail-études ou la possibilité de suivre son programme de
formation selon un horaire de jour ou de soir. On doit également porter une attention particulière aux dates de début et de fin de la
formation. En effet, pour différentes raisons, certains programmes peuvent commencer au mois d’août alors que d’autres
débuteront en novembre. Ainsi, tous ces éléments peuvent avoir une incidence sur le parcours de formation choisi.

Au terme d’une formation professionnelle réussie, on décerne le diplôme d’études professionnelles, communément appelé DEP.

Mais une fois le DEP obtenu, quelles sont les trajectoires possibles?

LES VOIES DE SORTIE

 L’attestation de spécialisation professionnelle

Bien que l’insertion professionnelle constitue la suite logique de l’obtention du DEP, il existe d’autres possibilités pour les diplômés.
Que ce soit immédiatement après avoir complété sa formation ou après quelque temps sur le marché du travail, il est possible de
s’inscrire dans un programme menant à l’obtention d’une attestation de spécialisation professionnelle (ASP) en fonction du DEP
d’origine. L’ASP est un programme de courte durée (entre 330 et 900 heures), qui se veut une formation complémentaire au DEP.
Vie pédagogique, no 144 27

Par exemple, après avoir obtenu le DEP Mécanique automobile, une personne serait admissible à l’ASP Mécanique de moteurs
diesel et de contrôles électroniques. Il serait possible également pour une personne titulaire du DEP Service de la restauration de
s’inscrire au programme d’ASP Sommellerie. Cependant, ce ne sont pas tous les centres de formation professionnelle qui offrent
l’ASP correspondant à leurs DEP. Une petite enquête s’impose afin de bien planifier son parcours de formation!

 Les passerelles inter-ordres

Depuis quelques années, il existe des passerelles entre la FP et la formation collégiale technique, identifiées par l’acronyme
DEP/DEC. Issues d’ententes interordres entre certains établissements de formation, ces passerelles permettent aux diplômés de la
FP d’avoir accès au cégep sans toutefois posséder les préalables « traditionnels » pour y accéder. Cette voie est toute indiquée
pour une personne désirant poursuivre ses apprentissages dans un même secteur professionnel. Elle permet ainsi de former des
travailleurs encore plus polyvalents et possédant un éventail plus large de compétences dans leur domaine d’activité, ce qui élargit
d’autant les perspectives professionnelles. Dans le cadre de ces ententes, les établissements collégiaux peuvent reconnaître
également les compétences acquises en ayant complété un DEP, en vue de diminuer la durée de la formation collégiale, offrant
ainsi un avantage supplémentaire aux étudiants et aux secteurs où la main-d’œuvre compétente se fait plus rare. Pour en savoir
davantage sur l’existence de passerelles dans les différentes régions du Québec, on peut consulter un conseiller d’orientation ou
son centre de formation professionnelle local.

Un système de passerelles existe également entre certains cégeps et des universités (DEC/BACC). Par conséquent, un étudiant
pourrait acquérir, dans un même champ d’expertise, des compétences liées aux trois ordres d’enseignement. Son parcours pourrait
débuter, par exemple, par le DEP Électromécanique de systèmes automatisés, se poursuivre par le DEC Techniques de génie
mécanique et se terminer avec un baccalauréat, dans le programme Ingénierie mécanique. Cela peut être aussi possible dans les
secteurs des soins infirmiers, de l’agriculture, de la comptabilité, du tourisme et de l’hôtellerie ou d’autres.

 L’enseignement du métier

Après quelques années d’expérience sur le marché du travail, un diplômé de la FP peut emprunter un autre chemin. Il s’agit de
celui menant à un programme universitaire de 1er cycle (baccalauréat), pour devenir enseignant en formation professionnelle. Cette
formation permet aux futurs enseignants de combiner l’acquisition de compétences pédagogiques (élaboration de situations
d’apprentissage et d’évaluation) et de techniques, en vue d’enseigner son métier.

UNE FOIS CELA DIT…

Comment s’assurer que les élèves soient informés de toutes ces possibilités, afin que les choix qu’ils feront soient ajustés à la
réalité et faits en toute connaissance de cause? Premièrement, il est nécessaire que les élèves connaissent les professionnels de
l’orientation qui travaillent dans leur milieu, de manière à pouvoir entrer en contact avec eux. Il peut également être très facilitant
pour tous que l’école s’approprie le concept d’approche orientante et l’applique de manière cohérente, et ce, en fonction des
besoins des élèves qui évoluent tout au cours de leur scolarité1. Enfin, il faut souligner qu’avec l’arrivée des parcours de formation
au 2e cycle du secondaire, les écoles seront tenues d’offrir aux élèves le cours Exploration de la formation professionnelle parmi
leurs cours à option. Cela permettra sans doute à certains d’entre eux de mieux comprendre la réalité de la formation
professionnelle. De même, avec l’arrivée du cours Projet personnel d’orientation, obligatoire en 3e secondaire dans le parcours
général appliqué, et optionnel pour le parcours de formation générale, les élèves profiteront également d’une autre occasion
d’explorer la formation professionnelle. En effet, ils pourront comprendre les liens et les distinctions entre les contenus de formation
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appartenant au secondaire professionnel, au collégial technique et à l’universitaire dans un même secteur d’activité (par exemple,
en soins infirmiers). Soulignons que cette exploration s’effectuera en fonction des centres d’intérêt des élèves, d’où le nom du
cours. Celui-ci leur permettra d’explorer un domaine professionnel et aussi d’expérimenter certaines fonctions de travail liées à
différentes professions. Cela contribuera non seulement à valider l’intérêt d’une personne pour un domaine, mais également ses
aptitudes par rapport à ce dernier.

Le parent, l’enseignant ou tout autre intervenant en contact avec les élèves ne doit pas nécessairement garder toutes ces
informations en mémoire. Il lui faut cependant retenir qu’il existe une panoplie de sources d’information et que le système scolaire
québécois offre aux élèves intéressés par la formation professionnelle différents chemins menant à la réalisation de soi.

Mme Marie-Claude Thériault est conseillère pédagogique en développement professionnel, à la Commission scolaire des
Hauts-Cantons.

ÉTIEZ-VOUS AU COURANT?

Nouvelles règles de sanction prévues pour 2010

Pour les élèves qui seront en 1re, 2e et 3e secondaire en 2007-2008

Le ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport décerne le diplôme d’études secondaires (DES) à l’élève qui obtient au moins 54
unités de 4e et 5e secondaire, dont 20 unités de 5e secondaire et les unités obligatoires suivantes :

 6 unités de langue d’enseignement de 5e secondaire


 4 unités de langue seconde de 5e secondaire
 4 unités d’histoire et éducation à la citoyenneté de 4e secondaire
 4 unités de mathématique de 4e secondaire

4 unités de science et technologie de 4e secondaire


ou
6 unités d’applications technologiques et scientifiques de 4e secondaire

 2 unités d’arts de 4e secondaire

 2 unités d’éthique et culture religieuse de 5e secondaire


ou
 2 unités d’éducation physique et à la santé de 5e secondaire
PRÉALABLES À L’ADMISSIBILITÉ AU DEP

 Être âgé d’au moins 16 ans au 30 septembre de l’année où la formation débute et avoir obtenu un DES

 Pour les programmes ayant une durée entre 600 et 900 heures : la réussite des cours de langue d’enseignement, de
mathématique et de langue seconde de 3e secondaire

 Pour les programmes ayant une durée entre 900 et 1 800 heures : la réussite des cours de langue d’enseignement, de
mathématique et de langue seconde de 4e secondaire

D’autres conditions peuvent s’appliquer selon les programmes et pour les personnes âgées de plus de 18 ans.
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LE SYSTÈME SCOLAIRE : ACCRO AUX ACRONYMES!

DES : Diplôme d’études secondaires


DEP : Diplôme d’études professionnelles
ASP : Attestation de spécialisation professionnelle
DEC : Diplôme d’études collégiales
AEC : Attestation d’études collégiales
BACC : Baccalauréat (diplôme de 1er cycle universitaire)
EXEMPLES DE PASSERELLES DEP/DEC EXISTANT AU QUÉBEC*

DEP Production laitière / DEC Gestion et exploitation d’entreprise agricole


DEP Secrétariat / DEC Techniques de Bureautique
DEP Soutien informatique / DEC Techniques d’intégration multimédia

DEP ÉLECTROMÉCANIQUE DE SYSTÈMES AUTOMATISÉS / DEC TECHNOLOGIE DE MAINTENANCE INDUSTRIELLE


DEP Aménagement de la forêt / DEC Technologie forestière
DEP Techniques d’usinage / DEC Techniques de génie mécanique
DEP Intervention en sécurité incendie / DEC Sécurité incendie
DEP Ébénisterie / DEC Techniques du meuble et d’ébénisterie

* Passerelles différentes selon les régions.

1
Notamment en s’appuyant sur les enjeux liés aux stades de développement professionnel, qui se conjuguent aux étapes du
cheminement scolaire (passage du primaire au secondaire, choix de parcours, sélection des cours, choix d’études
postsecondaires, etc.). Ainsi, on évite les dédoublements d’activités et on offre à l’élève les occasions de se faire confiance, de
prendre conscience des différentes facettes de la vie adulte et de développer sa capacité à se prendre en charge et à prendre
des décisions éclairées.
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CHARLES CORBET : UN ENSEIGNANT PASSIONNÉ

par Guy Lusignan

Rencontrer Charles Corbet1, c’est rencontrer un enseignant qui aime son travail, un homme passionné. Comme c’est le cas pour
bien d’autres enseignants de la formation professionnelle, il s’agit pour lui d’une deuxième profession. Après dix ans
d’enseignement à l’École des métiers de la construction de Montréal, Charles Corbet est toujours aussi emballé de travailler avec
des jeunes qui assureront la relève du métier de plâtrier.

UN PARCOURS EXEMPLAIRE

Après avoir obtenu son DES en 1976, Charles Corbet occupe différents emplois qui ne lui plaisent guère. Il décide alors de suivre
les traces de son père, plâtrier, qui l’aide à trouver un emploi comme apprenti-plâtrier chez un entrepreneur de sa connaissance. À
cette époque, il n’y avait pas d’écoles ou de centres de formation qui offraient un programme de plâtrage. Le métier s’apprenait
progressivement, au contact des plâtriers de métier. Comme se le rappelle Charles Corbet, « chacun prenait plaisir à me montrer
un petit truc qu’il faisait mieux que les autres! » Pour lui, ce fut un avantage, car durant les vingt ans qu’il a travaillés sur les
différents chantiers, il a pu apprendre son métier au contact de plusieurs spécialistes. C’est en accomplissant diverses tâches qui
présentaient de nouveaux défis ou l’obligeaient à apprendre de nouvelles techniques qu’il a développé ses compétences. À savoir
si cette façon d’apprendre lui convenait, il répond : « J’aimais mon métier, je n’avais pas peur de l’ouvrage, et de relever un défi,
c’était essentiel. »

DU CHANTIER À L’ENSEIGNEMENT

Les quelque vingt années passées sur les chantiers lui confèrent une expérience terrain reconnue par ses pairs et, en 1994,
Charles Corbet accepte de devenir enseignant au département de plâtrage, à l’École des métiers de la construction de Montréal.

Était-ce un passage obligé? Avait-il déjà pensé devenir enseignant? Pas du tout. C’est plutôt un concours de circonstances. Un
ancien partenaire de chantier qui enseignait depuis quelques années à cette école demande à Charles Corbet de venir mettre ses
compétences au service des élèves du département de plâtrage. L’expérience lui plaît, mais après deux ans, il quitte
l’enseignement car « un entrepreneur m’a proposé de prendre en charge un chantier d’envergure que je ne pouvais pas refuser,
tellement les défis étaient importants et correspondaient à mes compétences ». En 1998, lorsque le contrat est terminé, il revient à
l’École des métiers de la construction de Montréal et entreprend des études en éducation, à l’université, pour obtenir son permis
d’enseigner. Commence alors une carrière qu’il considère comme « une expérience de vie remarquable ». Il accepte également de
collaborer à l’élaboration du programme d’études en plâtrage. Depuis maintenant près de 10 ans, il forme des jeunes « pour qu’il y
ait une belle relève ».

LE DÉFI : FORMER UNE RELÈVE COMPÉTENTE

Quand on aime son métier et que l’on désire que des travaux de construction ou de restauration soient pris en charge sur les
chantiers par des ouvriers compétents, il faut s’assurer que les élèves soient bien formés. Pour Charles Corbet, cette réalité va de
soi, d’autant plus qu’il aime transmettre son expertise : « Je suis un homme patient et j’aime montrer aux élèves comment réaliser
de belles choses. Ce que j’aime le plus, c’est quand je fais une démonstration; montrer ce que je sais et leur démontrer comment
faire. »
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Et il y a beaucoup de satisfactions. En effet, plusieurs de ses élèves ont connu des difficultés au cours de leur cheminement
scolaire. Avec le temps, l’enseignant a acquis la conviction qu’en assurant aux élèves un bon encadrement, il est possible de leur
faire apprendre un métier et de les amener à prendre conscience que la formation qu’ils se donnent est garante d’un avenir
prometteur. De nombreux témoignages soutiennent cette perception. Par exemple, après un mois ou deux de formation, plusieurs
élèves vont le voir et lui disent : « Je n’ai jamais autant aimé l’école! » D’autres, « qui avaient souvent eu des difficultés à l’école et
qui ont appris leur métier ici », reviennent lui dire, un ou deux ans après avoir terminé, qu’ils ont un bon emploi ou qu’ils ont fondé
leur entreprise. « Cela prouve qu’ils auront un bel avenir et qu’ils pourront être heureux. Ces témoignages sont formidables et c’est
gratifiant. »

Il y a aussi le plaisir de réaliser des choses concrètes. Charles Corbet avait le goût de continuer à exercer son métier tout en
montrant à ses élèves comment mettre en œuvre certaines techniques. Pour cette raison, lui et ses élèves ont embelli au cours des
ans les corridors de l’école, en exécutant divers travaux de plâtrage : moulures, arc, voûtes, cannelures, etc. Ils ont aussi collaboré
à la rénovation d’un amphithéâtre, en le transformant en salle de spectacle de style Art déco, Le petit opéra. Les travaux de
décoration en plâtre qui s’inspirent des formes classiques sont pour eux un objet de fierté.

Grâce à ses efforts et à ceux de ses collègues, la formation donnée au département de plâtrage à l’École des métiers de la
construction de Montréal est reconnue pour sa qualité et il y a de plus en plus d’élèves désireux d’apprendre le métier de plâtrier.
Maintenant, quatre enseignants dispensent la formation et il y a des listes d’attente pour s’y inscrire.

LA FORMATION PROFESSIONNELLE : UN PARCOURS À VALORISER

Selon Charles Corbet, la formation professionnelle contribue efficacement au développement d’une société en évolution. De
nombreux besoins dans les divers domaines des métiers et des techniques doivent être comblés chaque année. Toutefois, malgré
la qualité de la formation, il est bien conscient qu’il y a beaucoup de travail à faire auprès de nombreux intervenants du monde
scolaire et auprès des parents et de la société en général pour améliorer la perception de la formation professionnelle. Cependant,
la situation s’améliore grandement. Plusieurs moyens sont mis en œuvre pour mieux la faire connaître. Par exemple, des visites
sont organisées dans les centres de formation, pour les élèves de 3e et 4e secondaire, et les élèves de 4e secondaire inscrits dans
des cours d’exploration professionnelle y font des stages d’une semaine. L’enseignant croit que, pour des élèves qui n’ont pas le
goût de poursuivre des études prolongées, la formation professionnelle est une solution intéressante, car elle leur permet
d’apprendre un métier en moins de dix-huit mois, en général, et d’obtenir rapidement un emploi intéressant.

EN GUISE DE CONCLUSION

Après avoir pratiqué son métier de plâtrier pendant près de vingt ans sur différents chantiers, Charles Corbet est venu à
l’enseignement. Conscient de la nécessité d’assurer une relève de qualité, il a contribué au développement du programme de
plâtrage et formé des dizaines de jeunes ouvriers compétents. Dans un horizon lointain, lorsqu’il prendra sa retraite, il pourra se dire
en jetant un regard rétrospectif sur sa carrière : « Mission accomplie. »

M. Guy Lusignan est consultant en éducation.

1
L’entrevue a eu lieu le 5 février 2007.
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TOUT SE JOUE AVANT…

par Judith Alain, Jean-François Dufour, Marie-Claude Thériault et Marcelle Gingras

Il y a des étapes importantes dans la vie d’un individu, qui se vivent à des moments différents. Chacun d’entre nous,
continuellement, doit faire des choix, prendre des décisions importantes, vivre des déceptions ou se réaliser au regard de la famille,
la vie amoureuse, l’amitié, la carrière, la retraite et bien d’autres facettes encore.

Le cheminement scolaire et professionnel est une autre dimension importante dans la vie d’un individu. Il exige une préparation et
un accompagnement continu. L’approche orientante – et le domaine général de formation Orientation et entrepreneuriat, de façon
générale – tentent de répondre à ce besoin d’accompagnement. Ils « provoquent » des expériences significatives qui favorisent la
connaissance de soi et celle du monde scolaire et du marché du travail ainsi que la capacité de l’élève à se prendre en charge dans
l’action. Évidemment, ces « acquis » pourront lui servir dans les moments où il aura à prendre des décisions autres que
professionnelles, tout au long de sa vie.

Le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS), dans une publication intitulée À chacun son rêve, parue en 2002, définit
l’approche orientante comme suit : « Une approche orientante est en fait une démarche concertée entre une équipe-école et ses
partenaires, dans le cadre de laquelle on fixe des objectifs et met en place des services (individuels et collectifs) des outils, et des
activités pédagogiques visant à accompagner l’élève dans le développement de son identité et dans son cheminement vocationnel.
Il s’agit donc d’activités et de services intégrés au plan de réussite et au projet éducatif d’un établissement et non d’un simple cumul
d’actions isolées engageant peu l’équipe-école. » (MEQ 2002, p. 18)

Cela étant dit, qu’en est-il vraiment de l’approche orientante?

En fait, le milieu scolaire, par l’intermédiaire de l’approche orientante, met l’accent sur la connaissance de soi de l’élève en l’aidant à
transposer ce qu’il apprend sur lui-même à l’intérieur de ses activités scolaires et parascolaires (identité personnelle) vers le monde
du travail (identité professionnelle). Des activités et des situations d’apprentissage sont construites dans le but de favoriser cette
connaissance de soi et ce développement vocationnel. L’approche orientante vise également une meilleure connaissance du
marché du travail et de ses réalités. Cela peut se traduire par des stages, des visites en entreprise ou d’autres activités liées au
monde du travail. Il est important de retenir que chaque acteur du milieu devient responsable de l’approche orientante et que tout
peut être prétexte à faire des liens et à mettre en place une culture de l’orientation. Afin de maximiser l’impact des interventions, il
est important de favoriser la concertation entre les différents acteurs de l’école (direction, conseillère ou conseiller d’orientation,
conseillère ou conseiller en information scolaire et professionnelle, enseignante ou enseignant, conseillère ou conseiller
pédagogique ou autres) et ceux de la communauté (entre autres, les parents et les représentants du monde du travail).

De ce concept, nous pouvons dégager les principes clés suivants : interdisciplinarité, partenariat avec la communauté et
apprentissages significatifs en rapport avec le milieu scolaire et le marché du travail. Toutes ces dimensions sont mises à
contribution afin d’aider l’élève à mieux se connaître - autant personnellement que sur le plan professionnel – et à amorcer une
réflexion qui le conduira à prendre des décisions judicieuses concernant son orientation.

Nous sommes en présence d’une approche systémique, plutôt que cloisonnée, isolée et statique. Ce changement de paradigme
provient d’une multitude de facteurs issus du renouveau pédagogique, tels que la mise en place du Programme de formation de
Vie pédagogique, no 144 33

l’école québécoise, la redéfinition des services éducatifs complémentaires ainsi que les recommandations faites à la suite des États
généraux de l’éducation et du Sommet du Québec et de la jeunesse, où plusieurs participants avaient exprimé le désir d’entamer le
processus d’orientation plus tôt et différemment. De plus, les anciens modèles relatifs au choix professionnel ne sont plus tout à fait
adaptés au contexte actuel, principalement en raison de l’évolution de la société. Ces considérations ont donc contribué à définir et
à intégrer dans les écoles le concept de l’approche orientante.

L’approche orientante a donc de nombreux ancrages sur lesquels l’école peut s’appuyer pour construire et actualiser cette nouvelle
vision de l’orientation.

1) D’abord, la Loi sur l’instruction publique, qui stipule que la mission de l’école est d’instruire, de socialiser et de qualifier.

2) Ensuite, le régime pédagogique, qui spécifie pour sa part que « les services d’enseignement scolaire ont pour but de poursuivre
le développement intégral de l’élève, de favoriser son insertion sociale et de faciliter son orientation personnelle et
professionnelle » (art. 2).

3) Puis, les services éducatifs complémentaires, qui ont pour fonction de favoriser la progression de l’élève dans ses différents
apprentissages (art. 3). Plus particulièrement, l’un des quatre programmes définis par ces services (le programme de services
d’aide) vise à accompagner l’élève dans son cheminement scolaire, dans sa démarche d’orientation scolaire et professionnelle
ainsi que dans la recherche de solutions aux difficultés qu’il rencontre.

4) Finalement, le Programme de formation de l’école québécoise (PFEQ), par l’intermédiaire :

 du domaine général de formation « Orientation et entrepreneuriat », dont les axes de développement sont éloquents à cet
égard : conscience de soi, de son potentiel et de ses modes d’actualisation; appropriation des stratégies liées à un projet;
connaissance du monde du travail, des rôles sociaux, des métiers et des professions;

 des compétences transversales comme « Structuration de l’identité », au primaire, et « Actualiser son potentiel », au
secondaire;

 des domaines d’apprentissage et de leurs disciplines, à l’intérieur desquelles on retrouve les compétences disciplinaires qui
peuvent être exploitées relativement à l’orientation pour donner du sens aux apprentissages;

 des trois visées du PFEQ : structuration de l’identité, construction d’une vision du monde et développement du pouvoir
d’action;

 de l’arrivée au deuxième cycle du domaine disciplinaire « Développement professionnel », à l’intérieur duquel on retrouve
le Projet personnel d’orientation, les programmes de formation pratique du parcours axé sur l’emploi et les options des
parcours de formation générale « Sensibilisation à l’entrepreneuriat » et « Exploration de la formation professionnelle ».

Comme on peut le constater, il y a de nombreux points d’ancrage et d’occasions de tisser des liens avec l’approche orientante. Il
suffit de bien cibler les besoins des élèves et de rassembler les personnes concernées pour que toutes aient leur rôle à jouer.

LES ACTEURS ET LEURS RÔLES

L’approche orientante nécessite la participation de toute la communauté éducative. Voici quelques exemples :
Vie pédagogique, no 144 34

L’élève : en s’impliquant et en participant aux activités qui lui seront proposées. Il est le premier concerné par sa démarche
d’orientation.

La direction d’établissement : en assurant un leadership pédagogique. Elle apporte du soutien aux enseignants, en facilitant la
concertation entre les différents intervenants de son école, en incluant les objectifs de cette approche dans le projet éducatif et dans
son plan de réussite, en s’assurant de la cohérence des actions entreprises dans son école et en participant au comité qui y est
constitué pour traiter de l’approche orientante.

L’enseignante ou l’enseignant : en faisant partie du comité sur l’approche orientante; en donnant un sens aux apprentissages par
la démonstration qu’il y a des liens entre les disciplines et les projets des élèves; en planifiant et en organisant de telles activités de
concert avec d’autres membres du personnel de l’école et de la communauté; en s’informant des actions entreprises en ce sens
dans son école (autres activités, formations offertes au personnel, etc.).

La conseillère ou le conseiller d’orientation ou la conseillère ou le conseiller en information scolaire et professionnelle :


Ces spécialistes sont des personnes-ressources de premier plan. En étant à l’affût de ce qui se passe dans ce domaine (nouveaux
outils, exemples de projets, ressources dans le milieu), ils peuvent soutenir les enseignants de différentes façons. Ils peuvent
également jouer un rôle de formation auprès des collègues et agir dans l’animation d’activités ou la coordination de projets plus
importants (portfolio, organisation de stages d’observation, etc.). La personne spécialiste de l’orientation doit également parfois
intervenir directement auprès des élèves, en groupe ou de façon individuelle.

Les autres intervenants de l’école : en aidant les élèves à mieux se connaître, à travers des loisirs, des comités ou toutes autres
activités.

Le conseil d’établissement : en reconnaissant l’importance de l’approche orientante et en soutenant les activités et les sorties qui
sont proposées.

Les parents : en se préoccupant de l’orientation de leur enfant et en parlant avec lui de ses centres d’intérêt, de ses aspirations
scolaires et professionnelles, etc.

La communauté : en offrant des stages et en informant les élèves des réalités du marché du travail, des exigences et des
nouveautés; en participant aux diverses activités de l’école (conférences, journées-carrières, etc.).

La commission scolaire : en offrant du soutien et de l’accompagnement aux équipes-écoles et aux professionnels de l’orientation
ou de l’information scolaire et professionnelle (formations, ressources humaines, financières et matérielles, etc.).

Comme on peut le constater, l’approche orientante, c’est l’affaire de tous. Il suffit de saisir les bonnes occasions pour favoriser la
connaissance de soi, l’exploration du monde du travail et le développement de la capacité à prendre des décisions.

L’APPROCHE ORIENTANTE ET LE PROGRAMME DE FORMATION DE L’ÉCOLE QUÉBÉCOISE

Le Programme de formation de l’école québécoise entraîne, on le sait, une modification en profondeur des pratiques pédagogiques
des enseignants et de l’organisation de leur travail. Ce renouveau a pour objectif de répondre aux changements que vit la société et
aux nouvelles réalités du monde du travail. Face à ces multiples transformations, nous souhaitons, comme société, que les jeunes
d’aujourd’hui et de demain soient capables de relever des défis et en mesure d’apprendre et de développer leurs compétences.
Vie pédagogique, no 144 35

Bref, qu’ils deviennent des adultes autonomes et responsables. Pour cela, nous devons d’abord les outiller, en leur transmettant
des connaissances puis en les valorisant et en les aidant à développer une bonne estime d’eux-mêmes.

Enfin, nous devons offrir aux jeunes des occasions d’apprendre à faire des choix, ce qui leur servira tout au long de leur vie. Nous
pourrons y arriver si nous mettons à la disposition des élèves les moyens nécessaires dont nous parlons dans le présent texte. Car,
en tout dernier lieu, lorsqu’ils feront face à un choix de carrière ou à une décision à prendre, le meilleur outil qu’ils pourront
posséder sera une solide connaissance d’eux-mêmes, qui s’appuie sur une estime de soi bien construite et sur la capacité
d’explorer ce qui les entoure et de mener à bien leurs différents projets. Lorsque la pédagogie offre aux élèves des occasions de se
mesurer à eux-mêmes, de se révéler, de s’évaluer et de se dépasser, ne leur offre-t-elle pas déjà des moyens d’apprendre à mieux
se connaître? L’approche orientante apporte un soutien à cet égard. Elle aide à tracer un parallèle entre la vie actuelle et la vie
future du jeune.

L’approche orientante a également comme objectif de répondre à la grande question du « pourquoi ». Pourquoi telle discipline? À
quoi sert-elle? Elle offre donc la possibilité de donner un sens aux apprentissages en favorisant les liens vers des applications
concrètes de la vie quotidienne et professionnelle. Par exemple, les mathématiques peuvent prendre un sens très différent pour un
élève qui souhaite obtenir le diplôme d’études professionnelles (DEP) Assistance technique en pharmacie. Savoir que la mesure de
petites quantités et le calcul de pourcentages seront nécessaires dans l’élaboration des prescriptions peut augmenter son intérêt
pour les mathématiques, qui sont importantes dans ce programme d’études. Les arts plastiques, pour leur part, favorisent le
développement d’habiletés manuelles ou digitales. Ces mêmes habiletés seront éventuellement très utiles dans une spécialité en
chirurgie ou dans le programme Techniques d’orthèses et de prothèses orthopédiques, par exemple.

UNE APPROCHE EN CONTINUITÉ QUI DÉBUTE DÈS LE PRIMAIRE

Ce qui caractérise l’approche orientante est la continuité. Si l’on souhaite que l’élève bénéficie entièrement des effets positifs de
cette approche, il apparaît essentiel d’agir dès le primaire, notamment chez les plus petits, en travaillant l’estime de soi. « L’identité
constitue la base du développement de l’estime de soi. Avoir un fort sentiment d’identité ou un concept de soi positif signifie avoir
une connaissance réaliste de ses forces, de ses faiblesses, et de la façon dont on est perçu par les autres. » (Reasoner 1982,
Comment développer l’estime de soi). En effet, comment puis-je m’attribuer des caractéristiques personnelles et des qualités si je
doute de ma valeur au départ? Comment puis-je être motivé à l’école et dans la vie si je ne crois pas que je peux réussir quoi que
ce soit grâce à mes forces? L’approche orientante peut contribuer à répondre à ces questions, ou du moins aider l’élève à
développer un sentiment de compétence.

Pour ce qui est des activités telles que l’exploration professionnelle ou la connaissance du système scolaire, elles débuteront
davantage au troisième cycle du primaire et se poursuivront jusqu’à la cinquième année du secondaire, voire au-delà. Au primaire,
nous sommes en présence d’une amorce du processus d’orientation. Il s’agit de considérer le stade de développement vocationnel
des enfants. La dimension fantaisiste est grandement présente chez ces derniers : le rêve, le besoin de participer à des activités
ludiques et l’identification à des héros ou à des vedettes font partie de cette phase. Les intervenants de l’approche orientante et les
activités qu’ils proposent doivent tenir compte de ce stade de développement. Il faut laisser place à l’imagination et au rêve, puisque
ces aspects constituent souvent une expression de soi et une façon de se définir.

Il est souhaitable, également, dans le cadre de l’approche orientante mise en place au primaire, de réaliser des projets simples et
ludiques où seront abordés l’exploration professionnelle, le passage du primaire au secondaire, le système scolaire ou la
Vie pédagogique, no 144 36

connaissance de soi. Par exemple, le simple fait de commencer à travailler les mots de vocabulaire liés aux qualités personnelles
permettra aux élèves d’avoir davantage de vocabulaire pour se définir.

POURSUITE DE L’APPROCHE ORIENTANTE AU 1ER CYCLE DU SECONDAIRE

Tout au long du troisième cycle du primaire – et par la suite à l’école secondaire – l’élève doit nécessairement participer à divers
projets et activités propres à l’approche orientante. Or, il apparaît important que l’enseignante ou l’enseignant et les autres
intervenants scolaires stimulent la réflexion chez l’élève du primaire au regard de ses forces, ses points à améliorer, ses acquis, ses
objectifs et ses réalisations. Ce bilan, en quelque sorte, peut être consolidé et conservé à l’intérieur d’un portfolio d’orientation qui
accompagnera l’élève lorsque celui-ci intégrera l’école secondaire.

Au premier cycle du secondaire, des projets liés à l’approche orientante sont mis sur pied en fonction du portfolio, du bilan et des
activités réalisées au primaire. Il est essentiel que l’on conserve la continuité entre ces deux niveaux scolaires, celle-ci ne pouvant
que faciliter le développement vocationnel chez l’élève. D’abord en favorisant l’approfondissement de sa réflexion et ensuite en
évitant de lui faire revivre les mêmes activités. L’approche orientante, au premier cycle du secondaire, consistera notamment à
poursuivre la réflexion dans une intention d’exploration (de soi, du système scolaire, du marché du travail), dans le but de préparer
l’élève à choisir un parcours – ce qu’il fera au cycle suivant. Alors qu’au primaire l’approche orientante comportait une dimension
grandement fantaisiste, elle a maintenant pour objectif de susciter davantage chez l’élève l’exploration de lui-même et de son
environnement.

L’APPROCHE ORIENTANTE AU 2E CYCLE DU SECONDAIRE

Le deuxième cycle du secondaire a été élaboré dans l’optique de répondre aux besoins et aux intérêts diversifiés des élèves. La
particularité de cette diversification est de pouvoir leur offrir trois parcours différents de formation ainsi qu’une carte de cours à
option qui leur permette d’explorer et de réfléchir à leur vie professionnelle. Le parcours de formation axée sur l’emploi comprend
deux programmes de formation : la formation préparatoire au travail et la formation menant à l’exercice d’un métier semi-spécialisé.
Ce dernier programme n’est pas un choix de l’élève, puisqu’il s’adresse aux jeunes qui accusent des retards scolaires et il vise à ce
qu’ils puissent s’insérer sur le marché du travail et dans leur vie adulte de la façon la plus harmonieuse possible.

Les deux autres parcours, celui de formation générale et celui de formation générale appliquée, offrent la possibilité à l’élève de
s’inscrire au cours Projet personnel d’orientation (PPO) dès la 3e secondaire. Le PPO est obligatoire pour les élèves inscrits au
Parcours de formation générale appliquée et optionnel pour ceux qui auront choisi le Parcours de formation générale. De plus, les
élèves pourront également choisir ultérieurement des cours optionnels tels que « Sensibilisation à l’entrepreneuriat » et
« Exploration de la formation professionnelle ».

Le Projet personnel d’orientation se présente comme une démarche originale qui veut soutenir l’élève dans son développement
vocationnel. Il se substitue, selon des modalités et des orientations différentes, au cours Éducation au choix de carrière. Le PPO est
en complémentarité avec l’approche orientante amorcée au primaire et au premier cycle du secondaire. Ainsi, l’élève pourra
consolider les étapes d’exploration entreprises au premier cycle du secondaire. Le but premier de ce cours est d’amener l’élève à
développer sa capacité à s’orienter, ce qui lui sera utile toute sa vie. Ce développement sera possible par l’utilisation d’outils variés
qui lui permettront d’explorer en profondeur les domaines professionnels suscitant son intérêt, en alternance avec des périodes de
réflexion sur ses façons de procéder et sur lui-même. L’aspect innovateur de ce cours est la possibilité d’explorer de façon
autonome les domaines professionnels qui l’attirent et aussi d’expérimenter, réellement dans l’action, des fonctions de travail.
Vie pédagogique, no 144 37

Le PPO se veut un moment important dans le parcours scolaire, mais il n’est pas son but ultime. L’élève aura développé à travers
ce cours des compétences et possiblement clarifié des préférences. Cependant, il est fort possible que son choix soit partiel et qu’il
nécessite des ajustements ou des précisions. L’objectif du PPO n’est pas de l’amener à faire effectivement un choix, mais plutôt à
développer sa compétence à s’orienter en favorisant les explorations. Il est entendu que les élèves devront poursuivre les
démarches entreprises à la suite à ce cours. À cet égard, voici quelques raisons qui justifient la poursuite de l’approche orientante
au deuxième cycle, simultanément et au-delà du PPO :

 d’abord, mentionnons que les élèves sont en développement et que leur cheminement est évolutif. Il est donc certain que leur
questionnement par rapport à leur orientation se poursuivra encore au cours de leurs études, voire tout au long de leur vie;

 puis, tous les élèves n’auront pas choisi le cours PPO. Certains jeunes n’auront pas la même préparation que d’autres. Malgré
tout, ceux qui auront réalisé des projets à l’intérieur de ce cours auront fort possiblement à clarifier et à préciser leur choix.
Certains devront aussi poursuivre leur exploration professionnelle. D’autres encore, indécis, auront besoin d’un suivi plus
personnalisé avec des professionnels de l’orientation;

 enfin, plusieurs éléments qui autrefois étaient abordés dans le cadre du cours Éducation au choix de carrière ne sont plus
prévus, ni au PPO, ni dans aucune autre discipline. Ces éléments, qui demeurent incontournables à la démarche d’orientation,
requièrent un accompagnement (ex. : demandes d’admission à la formation professionnelle ou au cégep, demandes de prêts et
bourses, visites de centres de formation professionnelle, etc.).

Il est donc essentiel que l’approche orientante débute le plus tôt possible et se poursuive tout au long du deuxième cycle du
secondaire, pour consolider et continuer la réflexion entamée en permettant aux élèves de vivre une variété d’expériences relatives
à leur orientation.

Somme toute, l’approche orientante est nécessaire au cheminement personnel, scolaire et professionnel de l’élève. De même, la
contribution de l’équipe-école et de la communauté éducative dans son ensemble est essentielle à l’orientation de l’élève. Ainsi, en
structurant l’ensemble des interventions dans une vision systémique, il sera possible d’aider davantage l’élève à mieux se connaître
et à transposer ce qu’il est dans une perspective de projets futurs. Les résultats des efforts concertés en matière d’approche
orientante constituent un héritage qui permettra à l’élève de devenir un citoyen autonome et responsable.

Mme Judith Alain et M. Jean-François Dufour sont conseillers pédagogiques en services éducatifs complémentaires, au
Bureau des relations avec la communauté, à la Commission scolaire de Montréal. Mme Marie-Claude Thériault est
conseillère d’orientation et Mme Marcelle Gingras est conseillère d’orientation et professeure titulaire à la Faculté
d’éducation de l’Université de Sherbrooke.
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OÙ EST LAO? – UN JEU AU CŒUR DE L’APPROCHE ORIENTANTE!

Où, dans l’école, se trouve Lao? Quel adulte l’accompagne? Quel objet (ou symbole) ces deux personnes ont-elles en main? Le
mystère plane, en ce début d’après-midi de février, dans une classe de 3e cycle du pavillon Sacré-Cœur de l’école primaire des
Grands-Vents, à Saint-Gabriel-de-Brandon, où une vingtaine de jeunes tentent de trouver la clé de l’énigme en écrivant des indices
sur leur bloc-notes. Oubliant les rigueurs de l’hiver, nos détectives amateurs prennent leur rôle au sérieux. Ce qu’ils ignorent
encore, en plongeant dans l’aventure, c’est que, dans ce contexte ludique, ils apprivoisent ainsi leurs peurs liées au passage du
primaire au secondaire. Bien plus, tout en apprenant à se connaître davantage, ils découvrent le monde du travail ainsi que les
rôles sociaux des métiers et des professions. Si le jeu passionne les élèves, il en va autant des enseignants qui l’utilisent en classe!
À les regarder jouer, on n’a qu’une envie : résoudre l’énigme à son tour. Et vous?

par Louise Sarrasin

À voir les mines réjouies des élèves de la classe de Julie Racette, on comprend qu’ils embarquent d’emblée dans l’aventure que
leur propose Où est Lao?, un jeu pédagogique créé à la Commission scolaire des Samares par Julie Pellerin et Antoine Jolicœur,
deux conseillers pédagogiques en approche orientante. Mais avant de retrouver nos détectives en pleine effervescence, dressons
d’abord un bref portrait de la région où vivent les jeunes limiers et leurs familles.

PORTRAIT DE LA RÉGION

Située dans la partie centre du Québec, la région de Lanaudière couvre une superficie d’environ 13 543 kilomètres carrés1. Son
territoire, plus rural qu’urbain, offre un paysage contrasté. C’est là, sur les rives du lac Maskinongé, long de dix kilomètres, que se
trouve Saint-Gabriel-de-Brandon, une ville de 2 590 habitants2. On compte, parmi les principaux secteurs d’activité économique de
cette ville de la municipalité régionale de comté (MRC) d’Autray, des industries de la fabrication et de la construction, des
commerces, des entreprises agricoles et d’autres industries axées sur les ressources. Les gens travaillent aussi dans la
construction, les métiers du transport et de la machinerie, les affaires (finance et administration), l’enseignement et les soins de
santé. Autant de secteurs où l’employabilité est possible pour la personne qui désire rester ou s’installer dans la région.

Pour l’instant, les élèves de 3e cycle du pavillon Sacré-Cœur de l’école des Grands-Vents (251 élèves) commencent tout juste à
entrevoir que le monde du travail est bien plus vaste qu’ils ne le pensaient. Dans une école où près de la moitié (44,2 %) des
familles ayant des enfants de moins de 17 ans vivent sous le seuil de pauvreté, où 36,2 % des parents n’ont aucun diplôme (45,8 %
pour la mère) et où près du tiers des familles ne compte aucun parent qui travaille à temps plein, il peut sembler difficile d’aider les
jeunes à se projeter dans l’avenir.3 Pourtant, grâce à leur participation à Où est Lao?, les enfants sont en mesure de se construire
une vision du monde de l’école secondaire et, connaissant ce monde, de développer leur pouvoir d’action. Ils prennent ainsi
connaissance des 25 métiers les plus fréquemment exercés dans une école secondaire. Pour ceux qui croyaient que dans une
école, il y avait seulement des enseignants, une directrice ou un directeur, une secrétaire, un concierge, et certains jours, une
infirmière, c’est toute une découverte!

OÙ EST DONC LAO?

L’atmosphère est vraiment fébrile dans la classe de Julie, en cette journée hivernale. Et pour cause! Chaque élève se voit investi
d’une mission très importante : celle de retrouver Lao. Pour résoudre l’énigme, il dispose de peu d’éléments. Commençons donc
par le début. Le jeune disparu est Lao, un élève très motivé qui vit sa première journée à l’école secondaire. Voulant explorer les
Vie pédagogique, no 144 39

lieux de sa future école, Lao décide ce matin-là d’arriver plus tôt que les autres. Depuis, personne ne sait où il est! Alertés par son
absence, ses amis avisent alors la direction. À cette étape, tout ce qu’on sait de l’enquête, c’est que Lao, au cours de son
exploration, a trouvé un objet (ou un symbole) appartenant à un membre du personnel et qu’il a rencontré un adulte de l’école.
Maintenant, ce sont à nos détectives qu’il revient de résoudre l’énigme. Dans une enveloppe se trouvent les trois cartes qui donnent
la solution. À la fin de la partie, on saura qui sont le personnage, le lieu et l’objet ou le symbole mis en cause. Placé en équipe avec
les amis de son choix, chacun espère dénouer l’intrigue grâce à ses capacités de déduction. Pour l’instant, personne ne connaît les
réponses. Cependant, une chose est claire : avant de commencer le jeu, tous doivent lire attentivement les consignes. C’est parti!

DE LA DÉDUCTION À LA RÉSOLUTION DE L’ÉNIGME

Pris au jeu, nos joueurs se montrent animés et suspicieux. Ils sont à l’affût de tout indice sérieux qui leur permettra de faire
progresser l’enquête. À tour de rôle, chaque détective déplace son pion. Il peut changer de direction à chaque lancée de dé, mais il
ne peut pas repasser une deuxième fois sur la même case au cours d’un même tour. Voilà qu’un jeune garçon vient d’avancer sur
la case « Porte », ce qui lui permet d’entrer dans la pièce correspondante. Les lieux où il pourra pénétrer tout au long de son
enquête sont au nombre de dix. Ce sont ceux que l’on trouve généralement dans toutes les écoles secondaires du Québec :
secrétariat, bureau de la direction, local du surveillant d’élèves, bibliothèque, bureau des intervenants, local d’orientation, cafétéria,
conciergerie, local d’informatique et place publique. Le détective amateur peut également consulter, dans le guide, une liste plus
exhaustive des métiers. Il doit profiter de son entrée dans cette pièce pour tenter de faire avancer l’enquête, car il ne peut pénétrer
deux fois dans le même lieu.

Tous semblent heureux de passer un après-midi à jouer, sans vraiment réaliser qu’en fait, ils sont en pleine activité
d’apprentissage. Dans une équipe installée près de la fenêtre, une jeune fille s’exclame, d’un air surpris : « Il y en a des gens qui
travaillent dans une école secondaire! » C’est qu’en mettant des crochets sur la fiche de jeu au fur et à mesure qu’elle élimine un
personnage de ses déductions, elle constate qu’il y a effectivement beaucoup de gens qui travaillent pour les élèves : psychologue,
technicien en loisirs, directrice, bibliothécaire, cuisinier, concierge, secrétaire, technicien en informatique, surveillant d’élèves,
professionnel de l’orientation et bien d’autres. Parmi eux, certains ont vite la cote, comme le technicien en loisirs ou le guide
étudiant, une personne très précieuse pour aider un jeune à résoudre des problèmes, du simple oubli d’un numéro de cadenas à
celui, plus important, de difficultés rencontrées avec un groupe d’élèves plus vieux. Non seulement ces enfants découvrent
plusieurs métiers, mais ils font des liens avec ceux qui sont exercés dans leur communauté locale ou leur entourage. Ce faisant, ils
découvrent une gamme intéressante de métiers qui pourraient les intéresser, lorsqu’ils seront adultes.

Plus loin, un joueur vient de s’arrêter sur une case où apparaît le logo de la Commission scolaire des Samares. Il doit piger une
carte « Question-surprise » et y répondre correctement. Ces questions sont variées et visent à lui faire découvrir plusieurs situations
qui sont des sources possibles de préoccupation ou d’interrogation vécues par les nouveaux élèves qui arrivent à l’école
secondaire. Fort de ces informations, l’élève réalise qu’il est en mesure de résoudre bien des problèmes.

Le jeu continue. On investigue, on émet des hypothèses. Par élimination, le jeune détective doit déterminer où se trouve Lao, avec
quelle personne il est et quel est l’objet ou le symbole qu’ils ont en main, soit les données inscrites sur les trois cartes de
l’enveloppe. Plus loin, le jeu est arrêté, parce que deux membres d’une équipe de quatre garçons ont triché en se soufflant des
indices. Frustré, un des joueurs boude. Piteux, ses compagnons ne savent plus quoi lui dire pour l’inciter à continuer de jouer. Loin
d’être déroutée, Julie Racette, leur enseignante, voit là une belle occasion d’aborder des questions d’ordre moral telles que
l’importance de jouer franc-jeu ou d’apprendre à régler les conflits inhérents à la vie de groupe. Elle prévoit d’ailleurs revenir sur
cette situation à la première occasion.
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Au centre de la classe, une jeune a résolu l’énigme : « Lao est avec la secrétaire, dans le local d’informatique. Ils ont un ballon avec
eux. » Simple comme bonjour, quand on analyse bien les informations qu’on a en main. Aussitôt l’énigme résolue, une fille de
l’équipe demande : « Est-ce que ça vous tente de recommencer? » « Pourquoi pas? », répondent les autres en choeur. Dans tout
ce brouhaha, assise près du pupitre de l’enseignante, une élève trisomique s’emploie à nommer les cartes du jeu, avec l’éducatrice
spécialisée qui l’accompagne. Enjouée, elle participe au jeu à sa manière, essayant de répondre aux questions de l’éducatrice. Un
point fort du jeu Où est Lao?, c’est qu’il peut s’adapter aux différents groupes d’élèves.

La journée d’école s’achève bientôt. Certaines équipes ont terminé, d’autres en sont à leur deuxième partie. Questionnés sur ce
qu’ils ont appris, nos jeunes enquêteurs répondent, comme bien d’autres élèves ayant participé au jeu avant eux : « On connaît
davantage les métiers qu’il y a dans une école secondaire. » ou « Je sais maintenant à qui demander de l’aide. » D’autres
concluent tout simplement : « C’est l'fun! ». De toute manière, l’ambiance est au plaisir dans la classe, en cette fin de journée.
Laissons maintenant nos détectives à leur jeu et découvrons comment cette idée stimulante a fait surface.

UNE NAISSANCE POUR LE MOINS ORIGINALE

Grande amatrice de jeux, Julie s’inspire de Clue, un des jeux de société les plus populaires de son enfance. Elle vient de trouver là
tous les ingrédients pour intéresser les jeunes : le mystère, la déduction, l’amusement. Où est Lao? se veut aussi un clin d’œil au
célèbre Où est Charlie?, un livre-jeu amusant qui invite le lecteur à retracer le sympathique Charlie dans une image surchargée de
lieux et d’objets. Quant au nom LAO, il vient tout simplement de L’Approche Orientante.

Le jeu prend forme. La clientèle est ciblée : Où est Lao? s’adressera aux élèves de 5e année du primaire. Pourquoi? Parce qu’on se
rend compte que 18 % de la clientèle quitte les écoles du territoire au profit de l’enseignement privé. Pour contrer cette désertion, il
est donc important de faire connaître les écoles secondaires publiques. Julie raffine le jeu avec la complicité de son collègue
Antoine Jolicœur et tous deux le présentent à Sylvie Anctil, la directrice des services éducatifs. D’emblée, celle-ci se montre
convaincue de sa pertinence. On fait alors appel à un graphiste qui, après quelques esquisses, fait une version définitive du jeu,
aux couleurs de la Commission scolaire. Chaque école secondaire est représentée à l’aide d’une photographie sur la planche de
jeu. Julie rédige aussi un guide pour expliquer les règles du jeu et pour présenter les 25 métiers. Voilà! Tout est prêt pour passer à
la phase d’expérimentation.

DE L’EXPÉRIMENTATION À L’IMPLANTATION

« Au départ, explique Julie Pellerin, nous avons expérimenté le jeu dans quatre écoles primaires et dans une école de retard
d’apprentissage (RA). Partout, la réaction a été formidable. Avec ce jeu, précise-t-elle, on créait le désir de découvrir l’école
secondaire. Bien plus, Lao venait rassurer les élèves, mais aussi leurs parents. Par la suite, on a présenté le jeu à tous les
enseignants de 5e année de la commission scolaire et on en a remis six exemplaires à chacun d’eux. Tous s’amusaient fermement
en le découvrant. » C’est la deuxième année consécutive que Julie Racette le propose aux élèves de sa classe. Satisfaite des
retombées du jeu sur les enfants, elle observe entre autres que Lao leur permet de découvrir le secondaire autrement. « Plusieurs
ont l’impression que le secondaire, c’est la liberté totale. Par exemple, ils disent souvent qu’ils vont pouvoir mâcher de la gomme ou
mettre des camisoles spaghettis. Voilà qu’ils découvrent qu’il y a aussi un code de vie à l’école secondaire. Le jeu est un prétexte
pour aborder de nombreux sujets. En ce moment, notre défi du mois, c’est d’apprendre à travailler en équipe avec ses amis. Je leur
explique qu’ils doivent savoir s’entraider et non seulement se raconter leurs affaires personnelles. Au secondaire, on ne leur dira
pas qu’ils ne peuvent s’asseoir avec untel parce que ça ne fonctionne pas tous les deux. Non, ils devront le constater par eux-
mêmes. C’est aussi ça, le secondaire. »
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UNE PRÉPARATION ADÉQUATE AU JEU, UN GAGE DE SUCCÈS!

Grâce à la préparation adéquate que leur a offerte leur enseignante, nos jeunes détectives sont familiers avec les personnages, les
lieux et les objets du jeu. En effet, Julie a effectué la plupart des activités de sensibilisation prévues dans le guide. Par exemple, elle
leur a permis d’activer leurs connaissances antérieures, avec l’activité Lao et les réalités du monde du secondaire. Ainsi, ils ont été
amenés à nommer les éléments qui différencient leur école primaire de leur future école secondaire : nombre d’élèves, horaire,
locaux, etc. Puis, dans l’activité Lao et le jeu d’association, elle leur a fait prendre connaissance de manière plus précise des
différents métiers. Parmi les autres activités préalables, elle a fait aussi Lao et les cartes de jeu, familiarisant ses élèves avec
celles-ci. Par ailleurs, Julie constate qu’une des activités les plus appréciées des jeunes est Lao et le jeu de l’Indien. Ici,
l’enseignante divise son groupe en trois équipes. Elle remet ensuite un paquet de cartes d’une catégorie par équipe. Ensuite,
chaque élève pige une carte, l’insère dans le bandeau de carton qu’il porte sur la tête et tente de deviner ce qui y est écrit en posant
des questions auxquelles les réponses ne peuvent être que OUI ou NON. Enfin, une activité qui n’est pas de moindre importance
consiste à lire les règles du jeu. Elle est l’occasion d’aider les élèves à coopérer, puisque chacun doit expliquer à son équipe la
partie du guide qu’il a lue. Il est très important de faire ces activités pour assurer le succès du jeu Où est Lao?

Comme on peut le constater, avec Lao, tout se réalise de manière ludique. L’intérêt du jeu réside aussi dans le fait qu’on peut y
rattacher une multitude d’activités d’apprentissage en rapport avec le programme de formation. Julie Pellerin s’est d’ailleurs
associée aux conseillers pédagogiques pour trouver des idées originales d’exploitation. Par exemple, Robert Bergevin, conseiller en
univers social, a suggéré plusieurs activités intéressantes, telles que dessiner une carte de la classe, trouver la distance en
kilomètres entre les écoles primaires et les écoles secondaires ou le nombre d’habitants des villes où il y a une école secondaire,
ou retracer l’histoire de la construction de la ville. « En français, explique Julie, les élèves peuvent repérer les mots nouveaux,
trouver la définition d’un métier ou classer les mots en ordre alphabétique. Dans le domaine des arts, on peut leur faire créer une
maquette ou dessiner un site. » En fait, tous les domaines d’apprentissage s’y prêtent. Par ailleurs, une fois que les élèves ont
découvert le jeu Où est Lao? avec leur enseignant, ils réclament souvent de pouvoir l’utiliser dans leurs moments de loisir.
Familiarisés avec les personnages, les lieux et les objets, ils prennent toujours plaisir à dénouer l’intrigue.

« Avec ce jeu, précise Julie Pellerin, je désirais augmenter le pouvoir de l’élève et l’aider à développer une meilleure connaissance
de lui-même. De cette manière, il saura faire face aux préjugés comme celui qui veut que la voie générale soit la voie royale. Si un
jeune veut faire une technique, qu’il soit issu d’un milieu favorisé ou défavorisé, il pourra affirmer son choix. Je désire qu’il
augmente sa confiance en lui au point où il pourra dire à ses parents : “ Moi, ma passion, c’est ça! ”. »

Bientôt, les élèves de 6e année auront eux aussi la chance de participer à une quête qui leur permettra d’apprendre à mieux se
connaître, puisque Julie Pellerin vient de concevoir, avec ses collègues, une suite au jeu de Lao, qu’elle a appelé L’énigme de
Socrate. « Cette quête, explique-t-elle, est née d’une expérience douloureuse, alors que le 24 août dernier, mon père mourait d’un
cancer. J’étais très proche de lui. J’ai voulu faire quelque chose à sa mémoire. Enseignant de français au secondaire, il aimait faire
lire Le monde de Sophie – une introduction à la philosophie – à ses élèves. En vivant cette expérience difficile, je me suis
questionnée sur ce qui me permettrait d’avoir confiance en l’avenir et de m’y projeter. La réponse s’est imposée d’elle-même : c’est
en mobilisant mes ressources internes. Mon objectif était de créer quelque chose qui aiderait l’élève à mieux se connaître. J’ai donc
pensé à la philosophie, d’où l’idée de créer L’énigme de Socrate, en collaboration avec mon collègue Antoine Jolicœur, Mijanou
Grave, orthopédagogue de formation et Karine Fréchette, psychoéducatrice. Dans cette quête, l’enseignant devient Socrate et son
rôle est de questionner l’élève. L’énigme de Socrate comporte trois mondes. Il y a d’abord « Socrate et le monde des idées ». Ce
monde touche à la métacognition et aux stratégies cognitives. Il y a ensuite « Socrate et le monde des passions », qui traite de tout
Vie pédagogique, no 144 42

ce qui touche aux passions, aux domaines d’intérêt et aux valeurs. Enfin, dans le dernier monde, « Socrate et l’action », on trouve
des activités sur la résolution de problèmes. L’énigme de Socrate est réellement une activité passionnante, qui vient tout juste
d’obtenir une belle reconnaissance, soit le 1er prix « Les étoiles orientantes 2007 » de l’Association québécoise d’information
scolaire et professionnelle (AQISEP). Le jeu Où est Lao?, pour sa part, avait déjà obtenu le 3e prix « Les étoiles orientantes 2006 »
de l’AQISEP. Deux prix très mérités, qui contribuent encore davantage à accroître l’intérêt du milieu enseignant pour ces deux
activités.

Julie Pellerin n’a pas fini de créer des activités « orientantes » pour les jeunes et de trouver des complices comme Julie Racette
pour les réaliser en classe. Depuis qu’elle enseigne, elle a toujours eu à cœur de transmettre des idéaux à ses élèves et de leur
donner le goût et le droit de rêver. Elle aime leur dire : « Vous avez une place dans la société. Mettez-vous en action, au lieu de
penser qu’il n’y a pas de place pour vous. Regardez quels sont les besoins auxquels vous pouvez répondre. »

N’est-ce pas là l’essence même de l’approche orientante?

Mme Louise Sarrasin est journaliste et enseignante.

1
Source : [http://www.quebecweb.com/tourisme/lanaudiere/introfranc.html]

2
Statistiques Canada 2001.

3
Source : LEMIRE, Louise. Des élèves, des écoles et des communautés plus vulnérables au décrochage scolaire : un portrait
de la diplomation au secondaire dans les MRC Lanaudoises, Saint-Charles-Borromée, RSSS de Lanaudière, Direction de
santé publique et d'évaluation, 2003.
Vie pédagogique, no 144 43

UN TOUR D’HORIZON COMPLET ET CONCRET

par Camille Deslauriers

Pouvoir envisager son avenir en fonction d’une meilleure connaissance de son potentiel : voilà ce qu’offrent l’approche orientante et
le programme Explor-Action à une cinquantaine de jeunes de l’école secondaire Cap-Jeunesse, de la Commission scolaire de la
Rivière-du-Nord, par le biais des stages d’exploration professionnelle qu’ils font au Centre d’études professionnelles Saint-Jérôme.
Lors de l’entrevue qui s’est déroulée en mars 2007, Geneviève Bourdeau, directrice du Centre d’études professionnelles, et Serge
Vincent, intervenant à l’école Cap-Jeunesse, nous ont parlé de la nature et des objectifs du programme, des jeunes qui y sont
inscrits, des applications concrètes qui leur sont proposées et des bienfaits qu’ils retirent de l’expérience.

D’abord, Mme Bourdeau explique que le programme Explor-Action est un « projet pilote qui est mené pour la première fois, en 2006-
2007, avec le Centre d’études professionnelles. Les jeunes qui viennent explorer au centre sont inscrits dans le cadre du parcours
de formation générale appliquée, en 3e et en 4e secondaire, c’est-à-dire dans un parcours ordinaire qui comprend un projet
personnel d’orientation et davantage de formation pratique, par des applications concrètes et diverses possibilités d’exploration ».
Elle ajoute : « Plus concrètement, pour nous, au centre, il s’agit de recevoir 30 jeunes de 3e secondaire et 20 de 4e, qui suivent ce
parcours à l’école Cap-Jeunesse et pour qui nous avons organisé des stages dans les treize programmes que nous offrons. En
collaboration avec l’école secondaire – car nous avons une très belle complicité dans ce projet : les directeurs, tuteurs et
intervenants du centre et de l’école se rencontrent régulièrement pour en discuter – nous avons développé un modèle pour que ces
jeunes puissent venir plus longtemps qu’une journée. Ainsi, ils peuvent explorer un métier pendant une semaine, en compagnie
d’un enseignant dédié, à chacune des quatre étapes de leur année scolaire. Chaque élève pourra donc aborder quatre métiers. Au
mois d’octobre, nous en avions trois à proposer : Secrétariat, Électricité et Mécanique automobile; au mois de décembre, ils
pouvaient choisir Lancement d’une entreprise, Mécanique de véhicules lourds routiers ou Soudage-montage; au mois de mars :
Vente de pièces mécaniques et d’accessoires, Carrosserie ou Dessin industriel. Enfin, en mai : Vente-conseil, Électromécanique de
systèmes automatisés ou Techniques d’usinage. » Mme Bourdeau précise toutefois que le passage du plan élaboré sur papier à
l’expérience concrète au centre a nécessité une adaptation. « Au départ, nous avions prévu que l’élève choisisse en début d’année
les quatre métiers à explorer selon une offre faite en fonction des secteurs de la formation professionnelle. Mais nous avons plutôt
adapté notre modèle au fur et à mesure pour répondre aux besoins des élèves et leur permettre d’avoir accès à des métiers selon
des choix qui pouvaient évoluer en cours d’année. Puisqu’il ne faut pas oublier que le projet initial vise d’abord et avant tout à leur
offrir des applications concrètes et à les motiver! Nous avons donc décidé que dorénavant, avant chacun des stages, nos trois
enseignants dédiés iraient dans les classes, à l’école Cap-Jeunesse, présenter les activités de la semaine pour chacun des métiers
et que les élèves feraient leur choix par la suite. L’impact, c’est que nos classes ne sont pas tout à fait équilibrées : cette fois-ci, par
exemple, il y a vingt élèves qui ont choisi d’aller en carrosserie… C’est un métier très en demande et ça se reflète dans les goûts
des jeunes. Cela dit, l’objectif n’est pas de les faire choisir un métier. En réalité, à la fin du stage, nous avons bien réussi même si le
jeune affirme ne pas aimer le métier abordé, parce qu’il a appris des choses sur lui-même. » M. Serge Vincent, qui accompagne
quotidiennement les élèves pendant les quatre semaines d’exploration au centre, abonde dans le même sens : « Ils en apprennent
beaucoup sur eux-mêmes à travers les stages : leurs forces, leurs faiblesses, ce qu’ils aiment, ce qu’ils n’aiment pas, s’ils sont plus
manuels ou plus intellectuels, etc. Certains, en faisant l’expérience d’un métier, se sont découvert des habiletés, des compétences,
un intérêt ou des aspirations. Et il y en a pour qui le programme est très bénéfique sur le plan de la motivation, parce qu’ils se sont
trouvés un projet de vie, un but à court terme. J’ai vu des jeunes s’épanouir, ici. D’autres se sont remis à travailler à l’école
secondaire grâce à l’expérience qu’ils avaient vécue au centre, parce qu’ils se disaient : “ Dorénavant, j’ai un but. “ ».
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Si un tel projet-pilote implique un véritable partenariat entre la direction du Centre d’études professionnelles Saint-Jérôme, celle de
l’école Cap-Jeunesse et les enseignants du centre, il demande aussi la collaboration des enseignants des matières de base du
secondaire, qui préparent le stage durant les semaines précédentes et qui auront à revenir sur l’expérience vécue dans les
semaines suivantes. Ainsi, au retour en classe, le stage peut très bien devenir le prétexte d’une production écrite en français ou
d’un oral en anglais, tout comme durant la semaine qui précède le stage, les élèves pouvaient faire une recherche en rapport avec
le domaine de formation professionnelle choisi. Par ailleurs, Mme Bourdeau insiste : les stages ne constituent pas une formation
condensée dans chacun des programmes, mais « une semaine où les élèves viennent vivre le métier ». En secrétariat, par
exemple, il est important que l’accent soit mis sur la découverte des multiples applications concrètes où la qualité de la langue est
mise à contribution et que l’élève constate ainsi pourquoi le français est si important, dans ce domaine. Car l’idée, c’est aussi de lier
les applications concrètes aux apprentissages de la formation générale. Il faut réellement se concentrer sur les réalités du métier tel
qu’il est vécu dans nos entreprises aujourd’hui. Il faut que l’élève reparte d’ici le vendredi en disant : « Je sais exactement ce que
fait une secrétaire. » Et non : « Je sais à quoi ressemble le programme en secrétariat du ministère de l’Éducation, du Loisir et du
Sport (MELS) en formation professionnelle. » La nuance est très importante. D’autre part, Mme Bourdeau confie qu’avant chacun
des stages, une rencontre d’équipe avec les enseignants concernés s’impose, pour que tous s’assurent de relever ensemble le défi
avec brio : « Cela demande de varier très souvent ses stratégies pédagogiques et de faire des liens réguliers entre la théorie et la
pratique, mais c’est aussi le défi au quotidien de la formation professionnelle et l’avantage de notre modèle d’enseignement qui est
étroitement lié au marché du travail. Dans tous les programmes, les élèves ont vécu des applications pratiques des métiers, et là où
c’est possible, ils repartent avec un objet qu’ils ont construit. En carrosserie, par exemple, ils fabriquent une voiture d’accélération
miniature. En soudage, ils ont fait leur propre coffre d’outils. En dessin industriel, ils ont innové en mettant en plan un vrai projet
pour répondre à la commande d’un client. »

Mais qui sont ces jeunes inscrits au programme Explor-Action? Serge Vincent précise : « Certains élèves ont d’abord été ciblés par
les conseillers d’orientation de l’école Cap-Jeunesse. Ensuite, on les a rencontrés, avec leurs parents, pour leur expliquer le
programme et les élèves y ont adhéré librement. Certains d’entre eux montraient une certaine fragilité en ce qui concerne la
motivation; d’autres avaient besoin de plus d’applications concrètes ou présentaient certaines difficultés d’apprentissage; d’autres
encore avaient tout simplement le goût de découvrir des métiers, de vivre cette aventure. L’an prochain, s’ils le désirent, ces jeunes
peuvent très bien continuer dans le parcours de formation générale ordinaire. » L’intervenant mentionne qu’en général, à la fin de
leur semaine de stage, les jeunes sont enthousiastes et très reconnaissants. Ils lui disent souvent qu’ils ont déjà hâte de revenir au
centre. À cet égard, la directrice raconte que les liens créés entre ces jeunes et les enseignants du centre sont très révélateurs.
« Les enseignants sont réellement passionnés par leur métier. Le projet est vraiment raccrocheur pour les jeunes et très motivant,
parce qu’il leur fait vivre des applications concrètes. Et à la fin de la semaine, les enseignants constatent, en entendant les
commentaires des élèves, qu’ils ont fait la différence dans le cheminement de certains d’entre eux. Ces jeunes ne se dirigeront pas
nécessairement en formation professionnelle, mais ils auront compris pourquoi il est important d’apprendre les notions de base des
mathématiques ou du français. » En revanche, si le but n’est pas de favoriser les futures inscriptions, on souhaite faire découvrir le
centre au plus grand nombre de gens possible, pour contrer les préjugés et déconstruire les idées reçues au sujet de la formation
professionnelle. Par toutes sortes d’activités, il faut inciter les élèves et les enseignants des écoles secondaires, les conseillers
d’orientation, les parents, les agents d’Emploi-Québec et le grand public à venir visiter ce lieu de formation fascinant qui ressemble
à un labyrinthe pourvu d’ateliers gigantesques et d’outils à la fine pointe de la technologie – dont une imprimante trois dimensions,
qui peut imprimer une pièce par couches successives de fils de polymère colorés, à partir d’un plan. « La plupart du temps, quand
les gens entrent ici pour la première fois, ils apprécient le professionnalisme dont tout le personnel fait preuve et la passion qui nous
anime, sans oublier l’environnement technologique dans lequel nous oeuvrons! Il faut continuer de promouvoir la formation
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professionnelle afin d’éliminer les préjugés; ce choix de carrière est un cheminement tout à fait brillant! Il y a un maillage très
important à tisser, un pont à construire entre la formation générale des jeunes et nous, et c’est ce que notre projet nous amène à
vivre. Il faut continuer dans cette voie, offrir de l’exploration professionnelle, des stages d’un jour et des visites du centre. Parce que
nous savons que lorsque les gens viennent ici, leur perception va changer. » À cet égard, la directrice m’explique qu’en tout temps,
on peut téléphoner au centre pour demander de faire un stage d’un jour. « Un membre de notre personnel a pour tâche de recevoir
les appels des gens qui veulent faire de telles expériences et d’orchestrer ces stages dans les différents secteurs. On accueille les
gens individuellement. Chaque personne est importante. Et selon nos statistiques, 50 p. 100 des gens qui s’inscrivent en formation
professionnelle chez nous sont d’abord venus faire un stage d’un jour… »

Qu’arrivera-t-il dans un avenir rapproché? Mme Bourdeau affirme qu’elle devra faire face à un beau casse-tête si jamais toutes les
écoles secondaires de la Commission scolaire de la Rivière-du-Nord frappent à sa porte pour offrir le programme Explor-Action à
leurs élèves! Compte tenu de la grandeur actuelle des locaux (car le problème le plus criant est le manque d’espace et des
demandes d’agrandissement ont été faites au MELS), il serait difficile d’accueillir des cohortes supplémentaires de stagiaires, en
plus des étudiants en cours de formation. Quoi qu’il en soit, pour les chanceux qui le vivent et qui le vivront, le programme Explor-
Action propose un tour d’horizon aussi complet que concret. Le choix de carrière est un envol? Sans doute. Mais de nos jours, le
défi, c’est peut-être aussi d’accepter de vivre plusieurs envols et plusieurs atterrissages, voire d’avoir plus d’une carrière au cours
de sa vie… À preuve : ces passionnés qui enseignent au Centre d’études professionnelles Saint-Jérôme n’étaient-ils pas des
professionnels bien établis avant de bifurquer vers l’enseignement et de se retrouver dans un atelier, pour partager leur passion
avec des jeunes et des moins jeunes?

Mme Camille Deslauriers est journaliste pigiste.


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UNE ÉCOLE QUI MISE SUR L’ORIENTATION DE TOUS LES ÉLÈVES!

par Donald Guertin

L’école du Tournesol, de la Commission scolaire des Sommets, est établie en Estrie, à Windsor, sur les rives de la rivière Saint-
François. On y retrouve une équipe d’éducateurs qui a choisi l’approche orientante pour favoriser et accroître la qualification de tous
les élèves. Et ce n’est pas seulement cet établissement, mais toutes les écoles primaires et secondaires de la Commission scolaire
qui relèvent ce défi!

Depuis janvier 2001, précise Jacques Pagé, le directeur de l’école du Tournesol, nos écoles se sont peu à peu engagées à mettre
en œuvre dans leur milieu respectif cette approche distincte. Pour les soutenir, un cadre d’intervention a été élaboré par Mme
Danièle Philippon, conseillère pédagogique, qui accompagne les milieux dans la mise en œuvre des différents projets. L’école
secondaire du Tournesol, établie en milieu rural, accueille 800 élèves; le choix de l’approche orientante est une décision de
l’ensemble du personnel scolaire de l’institution. Qui plus est, en 2002, l’école a été choisie par le ministère de l’Éducation, du Loisir
et du Sport (MELS), pour la région administrative de l’Estrie, dans le cadre des activités du renouveau pédagogique au secondaire.

En outre, précise M. Pagé, un sommet socioéconomique régional a permis de préciser les besoins au regard de la formation ainsi
que d’établir un portrait du marché de l’emploi local et l’école a été associée aux activités et aux travaux menés à cette occasion.
Dans la foulée de cet événement, en tant qu’école ciblée privilégiant l’approche orientante, les autorités scolaires ont également
accepté d’expérimenter le nouveau programme Projet personnel d’orientation (PPO), en collaboration avec des responsables de la
direction des programmes du MELS. Dès lors, en septembre 2005, les élèves de 3e secondaire ont eu la possibilité de choisir le
cours PPO. En septembre 2006, deuxième année d’expérimentation du programme, quatre-vingt pour cent des élèves de 3e
secondaire ont choisi ce cours en option. La réaction positive des élèves et les résultats obtenus ont amené l’équipe-école à rendre
obligatoire le cours PPO dès septembre 2007 pour tous les élèves de 3 e secondaire.

L’APPROCHE ORIENTANTE, AU PRIMAIRE ET AU SECONDAIRE

Il est important de rappeler que l’approche orientante a été un choix de la commission scolaire pour l’ensemble de ses écoles
primaires et secondaires. Ainsi, au troisième cycle du primaire ainsi qu’au premier cycle du secondaire, des activités sont planifiées
pour permettre à tous les élèves d’amorcer une réflexion sur l’orientation et sur leur choix de carrière. Ce sont des activités d’éveil
et de sensibilisation. Pour illustrer ce cadre d’intervention, on peut observer comment il est mis en œuvre à l’école du Tournesol.
Sur le territoire, il y a cinq écoles primaires. Une conseillère en information scolaire et professionnelle, membre du personnel de
l’école secondaire, intervient directement auprès des élèves du troisième cycle de ces cinq écoles. En collaboration avec les
titulaires des groupes concernés, elle propose aux élèves des thèmes d’éveil à l’orientation : la persévérance scolaire, l’exploration
du marché du travail, la connaissance de soi et le passage du primaire au secondaire. Cet ensemble d’activités thématiques est
intégré dans le Plan individualisé de formation (PIF). La réalisation de l’ensemble des activités prévues exige environ vingt heures
par cycle. En dehors des périodes de présence de la conseillère en information scolaire et professionnelle, les titulaires des
groupes peuvent poursuivre les activités amorcées. L’intention sous-jacente aux interventions de la conseillère auprès des titulaires
est de développer leur autonomie professionnelle au regard de la mise en œuvre du projet vocationnel au primaire.

AU PREMIER CYCLE DU SECONDAIRE

Au premier cycle du secondaire, les activités élaborées vont dans le sens d’une poursuite de la réflexion amorcée au primaire par
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les activités du PIF; des thèmes similaires sont traités avec les élèves. Isabelle Blais, conseillère en information scolaire et
professionnelle, précise que les élèves qui ont déjà fait des activités d’exploration au primaire arrivent au secondaire avec un
bagage tangible. À la suite de travaux menés avec différents partenaires, il a été convenu qu’au primaire et au premier cycle du
secondaire, les activités iraient dans le sens d’une appropriation de la typologie de Holland, utilisée en orientation; elle permet de
découvrir six traits de personnalité. De façon plus précise, au primaire, cela se fait à partir du conte médiéval Le rituel secret, une
production de la Commission scolaire des Affluents. Au secondaire, dans la même optique, les activités explorent des thèmes
comme le monde scolaire, le marché du travail, la conscience de soi et les parcours diversifiés du 2e cycle du secondaire.

Également, précise Mme Blais, un projet est en cours pour mieux desservir les élèves de l’adaptation scolaire. On vise à élaborer
des activités d’exploration et de recherche qui soient appropriées à ces élèves. Pour le directeur de l’école, « il faut s’assurer du fait
que tous les élèves ont accès à une information adaptée ». Il précise que, selon les données actuelles, la moitié des élèves du
cheminement temporaire se dirige vers la formation professionnelle, et l’autre moitié vers les métiers semi-spécialisés. Dans
l’optique de soutenir encore mieux tous les élèves dans leur démarche d’orientation professionnelle, le directeur ajoute qu’« à partir
de 2007, dans la perspective de l’école orientante, trois profils de formation seront mis en place au premier cycle du secondaire : la
santé globale, les arts et la communication ainsi que l’ouverture sur le monde ». C’est un projet innovateur de l’école, qui est issu
des réflexions et des prises de conscience du milieu.

LE PROJET PERSONNEL D’ORIENTATION (PPO)

En 3e secondaire, le cours PPO est offert en option. Le temps d’enseignement comprend deux périodes de français et deux
périodes d’éducation au choix de carrière (ECC); toutefois, il faut préciser que ce modèle organisationnel a été mis en place avant
l’implantation des parcours diversifiés prévue pour l’automne 2007.

Ainsi, les enseignantes concernées favorisent l’intégration des matières en établissant des liens explicites entre les deux
disciplines. Jusqu’à la mi-octobre, le cours est consacré à une meilleure connaissance de soi et du système scolaire ainsi que du
monde de l’information scolaire et professionnelle. L’élève est amené « à cibler ses champs d’intérêt à partir de la prise de
conscience qu’il fait de lui-même », précise Louise Bergeron, enseignante; c’est la phase de préparation durant laquelle l’élève se
familiarise avec des outils comme Repères, le site répertoire PPO, les coffrets-projets, etc.

Puis, il entreprend sa première « démarche d’exploration »; il en fera entre trois et huit, au maximum, durant l’année scolaire. « On
évite le papillonnage, on amène l’élève à s’ouvrir sans mettre de côté aucune possibilité, même si certains préalables semblent
exigeants au point de départ », ajoute Louise Bergeron. « On avance à notre rythme; on découvre des choses sur sa personnalité
et sur les métiers; et on a des outils pour nous aider », affirme Guillaume Ménard, un élève de 4e secondaire inscrit en PPO un an
plus tôt. Il ajoute que ce fut aussi l’occasion d’apprendre des stratégies de recherche d’emploi. « Le cours amène les élèves à
mieux voir les métiers et les professions avec réalisme », précise Tricia Goyette, une élève de 4e secondaire.

Nathalie Bédard, enseignante, insiste pour bien démontrer l’interdépendance entre les apprentissages faits en PPO et ceux du
cours de français. À titre d’exemple, elle raconte qu’un projet littéraire – amorcé à partir d’un roman policier – a permis aux élèves
d’explorer des métiers et des professions liés à l’univers de la criminalité et du monde judiciaire. Des invités sont venus illustrer
certaines professions et certains métiers moins connus. Également, ajoute-t-elle, il y a eu le projet des « professions inusitées ».
Les élèves devaient produire un dépliant dans lequel ils présentaient un métier ou une profession que les gens connaissent moins.
Comme le précise Guillaume Ménard, ce court projet a permis d’informer les élèves au sujet de certains domaines, par exemple
celui de la muséologie. Nathalie Bédard précise que « le fait d’avoir situé les élèves dans une démarche d’exploration imposée par
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les enseignantes s’est révélé positif; on craignait les effets négatifs, mais cela a au contraire permis une meilleure appropriation du
programme ».

Les enseignantes et les intervenantes précisent que le PPO « est un cours où les élèves sont amenés à expérimenter des fonctions
de travail en explorant des métiers et des professions (à l’aide d’un coffret-projet, de stages, de visites, etc.) ». Les outils sont
principalement déposés sur le site Répertoire PPO et les élèves les consultent en ligne. Cependant, certaines démarches
d’exploration exigent le recours à du matériel tangible; celui-ci est consigné dans le coffret-projet que l’élève, seul ou en dyade,
utilise pour mener à terme la démarche planifiée.

Comme l’exprime Tricia Goyette, « un projet demande beaucoup d’efforts. Je me rends compte qu’en ECC, cette année, je peux
approfondir ce que j’ai appris l’année dernière ». Pour Vincent La Madeleine, « on n’a pas le choix d’aimer ce cours-là; on voit des
choses qu’on aime; je n’ai entendu que des commentaires positifs des élèves ». Guillaume Ménard dit qu’il n’est pas en mesure de
savoir ce que pensent les élèves qui n’ont pas fait le PPO, mais il sait « qu’ils ont simplement raté quelque chose d’utile ». Ce cours
permet de découvrir, d’expérimenter, de connaître ou de préciser certains choix ou préférences et de mieux cerner son projet
d’orientation. Le stage, reconnaissent les élèves rencontrés, est un moment important; tous, selon eux, devraient avoir l’occasion
d’en faire au moins un.

LES STAGES

L’élève fait un stage dans un lieu de travail réel, pour explorer un métier ou une profession de son choix. Pour offrir ces stages
d’observation, l’école a obtenu la collaboration d’entreprises, de commerçants et de professionnels du milieu. Chaque stage a une
durée minimale d’une demi-journée. L’élève choisit son lieu de stage et mène toutes les démarches nécessaires à sa réalisation.
Durant le cours de français, précise Nathalie Bédard, les élèves s’y préparent en apprenant à rédiger une lettre de demande, à
formuler des questions d’information et d’entrevue, à déterminer les démarches pour contacter un employeur et les conditions de
réalisation d’une entrevue et à composer la lettre de remerciement qu’ils expédieront à la suite du stage.

Une autre caractéristique du cours PPO, à l’école du Tournesol, est le fait d’avoir jumelé dans l’horaire des élèves deux périodes de
cours; cela leur permet de pouvoir faire leur stage durant ce temps. Selon Louise Bergeron, les milieux de stage rendent les choix
plus significatifs : « À la suite d’un stage, les élèves se voient ou ne se voient plus dans tel environnement de travail. Aussi, il leur
est plus facile de saisir l’importance de suivre tel cours ou d’entreprendre certaines études pour atteindre leur but professionnel. »
Elle ajoute aussi : « Les stages ont de l’impact dans le milieu. À la suite de l’un d’eux, un professionnel de la santé a signifié son
ouverture à recevoir d’autres élèves en stage, car selon lui, ce fut une expérience enrichissante. » Caroline Langlois, une autre
élève de 4e secondaire, précise que le stage lui a permis de prendre conscience que le métier qu’elle pensait vouloir faire ne
correspondait pas à ses attentes : « Je veux mieux comprendre la vie et ce que les gens ressentent; je ne suis pas déçue de mon
stage, mais ce n’est pas ce que je veux faire de ma vie. »

En parlant de son stage, Vincent La Madeleine affirme que « sur Internet, il y avait beaucoup d’informations sur la mécanique, mais
le garagiste, lui, parlait des vraies choses ». Il a trouvé son lieu de stage en contactant le mécanicien de son père. Même si, au
point de départ, tout n’était pas très clair pour le garagiste, le stage d’observation fut l’occasion de traiter de questions réelles : « Le
stage m’a permis de confirmer mon choix. Et puis, le garagiste m’a aussi posé des questions; c’était intéressant. Néanmoins,
précise-t-il, j’explore actuellement un autre métier, celui d’ambulancier. J’ai toujours aimé cela, depuis que je suis jeune. Sur
Internet, les informations sont vraiment complètes. En prenant des notes, je réussis à avoir une bonne idée de ce qu’est ce métier.
J’aimerais rencontrer quelqu’un qui le pratique ».
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LES COFFRETS

Louise Bergeron rappelle qu’en PPO, il y a une vingtaine de secteurs d’activités professionnelles. En ligne, l’élève trouve sur le site
du programme PPO du matériel correspondant aux différentes démarches d’exploration de professions ou de métiers. Toutefois,
pour certains secteurs d’activités, l’élève dispose d’un coffret-projet contenant du matériel utile à l’exploration de tel métier ou de
telle profession. Par exemple, dans le secteur de la santé, il y a la dentisterie; du matériel propre à ce métier est disponible, à l’aide
duquel l’élève peut apprendre à faire un moule et à sculpter des dents. Pour réduire les coûts d’achat du matériel nécessaire, des
ententes ont été prises avec la Fédération des commissions scolaires. Louise Bergeron mentionne que, parfois, deux ou trois
élèves utilisent en même temps le coffret-projet d’une démarche d’exploration. Les élèves reconnaissent rapidement l’utilité de cet
outil; même si certains coffrets sont encore en construction, affirment-ils, ils les aident à mieux comprendre un métier ou une
profession.

« Moi, c’est la psychoéducation qui m’intéresse. Plutôt qu’un stage, précise Stéphanie Bourrassa, élève de 3e secondaire, c’est le
coffret-projet qui m’aide. Le DVD est pratique; j’obtiens beaucoup d’informations. Selon mes réactions, je peux faire jusqu’à 21
activités. Je trouve cela intéressant. Je le fais avec une compagne. »

LE CARNET DE RÉFLEXION

Nathalie Bédard précise que les enseignantes et les conseillères travaillent actuellement à la réalisation d’un « carnet de réflexion
personnel » qui sera mis à la disposition de chaque élève; à la suite d’une démarche d’exploration, il pourra y consigner ses
commentaires. Ainsi, à la fin de l’année, il « sera en mesure d’établir un meilleur portrait de lui-même et de ses préférences »,
ajoute-t-elle. Le carnet a été élaboré à partir des critères d’évaluation, des composantes et des explicitations des composantes des
compétences du programme PPO. Un espace à l’usage des parents y est prévu : « Il est important que les parents soient associés
à l’orientation professionnelle de leur enfant », ajoute Louise Bergeron.

LA COMMUNAUTÉ

Pour le directeur de l’école, l’ensemble de cette démarche, fondée sur l’approche orientante, s’inscrit dans un projet de
communauté. Dans le milieu, il y a différents regroupements qui étudient des problématiques liées à l’emploi et à la formation. Entre
autres, une table estrienne, qui se penche sur la situation de la formation professionnelle en ville-centre et en région. Les données
actuelles démontrent qu’il est difficile de garder les élèves du secteur de la formation professionnelle en région; ils préfèrent étudier
au centre de formation professionnelle de la ville-centre, Sherbrooke. « Il y a un maillage à faire avec l’industrie pour valoriser la
formation professionnelle secondaire et non seulement la formation collégiale », ajoute Jacques Pagé. Certains projets sont mis en
place pour inciter les jeunes à revenir en région; entre autres, « Place aux jeunes », qui fait découvrir aux nouveaux diplômés leur
milieu et les incite à s’y établir. Également, pour les élèves de 4e secondaire, il y a le projet « Accro du Val », initié par les carrefours
jeunesse-emploi des comtés de Richmond et de Windsor; il s’agit d’une journée de découverte du milieu et de son marché du
travail. « On consolide le projet de carrière », précise le directeur.

La conseillère d’orientation, Roxanne Boutin, constate que les élèves de 4e secondaire qui avaient l’option PPO en troisième sont
plus conscientisés par rapport à leur orientation. Ils sont mieux informés au sujet de professions et de métiers liés à leurs champs
d’intérêt. « Les élèves se mobilisent plus rapidement; ils ont une meilleure perception de leur projet professionnel; dès la 4e
secondaire, ils prennent rendez-vous avec la conseillère pour obtenir des informations plus précises. Trop souvent, en 5e année, on
doit intervenir “ en pompier ”, dans des situations d’urgence. Nous essayons toujours de responsabiliser l’élève dans sa démarche
d’orientation. »
Vie pédagogique, no 144 50

La mise en place de l’approche orientante et l’arrivée du cours Projet personnel d’orientation ont amené les autorités de la
Commission scolaire des Sommets à mieux définir, au deuxième cycle du secondaire, les modalités d’intervention auprès des
élèves. Un comité d’intégration de l’information et de l’orientation scolaires et professionnelles planifie des interventions possibles
pour les élèves du deuxième cycle du secondaire. Il faut que cela soit fait dans le respect des couleurs locales de chaque école.
« La préoccupation, précise le directeur, est d’assurer un suivi auprès de tous les élèves, afin que tous aient accès aux services
d’orientation. Il faut mailler les interventions et les interactions des différents individus du milieu. On constate, ajoute-t-il, que les
élèves engagés dans leurs études sont plus éveillés : le centre de documentation est plus fréquenté. »

Ainsi, après deux années d’expérimentation et de mise en œuvre du PPO et des activités de l’approche orientante, au primaire et
au secondaire, les propos convergent tant chez les élèves que chez les membres du personnel scolaire. Ces mesures soutiennent
l’élève dans la réalisation de son choix professionnel, en lui fournissant des informations claires et précises, en lui faisant faire des
apprentissages signifiants et en l’accompagnant dans la clarification de ses choix. Un choix d’école, un projet de commission!

Nous remercions de leur obligeance le directeur de l’école du Tournesol, les enseignantes, les conseillères et les élèves qui ont
accepté de partager leurs commentaires et leurs expériences : Nathalie Bédard, enseignante de français et de PPO; Louise
Bergeron, enseignante d’ECC et de PPO; Isabelle Blais, conseillère en information scolaire et professionnelle et répondante de
l’approche orientante au primaire et au 1er cycle du secondaire; Roxanne Boutin, conseillère d’orientation; Tricia Goyette, Caroline
Langlois et Guillaume Ménard, élèves de 4e secondaire; Stéphanie Bourassa et Vincent La Madeleine, élèves de 3e secondaire; et
Jacques Pagé, directeur de l’école du Tournesol.

M. Donald Guertin est consultant en éducation.


Vie pédagogique, no 144 51

L’ÉLÈVE… PLUS QU’UN RÉSULTAT SCOLAIRE

par Guy Lusignan

C'est en 2005-2006 que le cours d’exploration professionnelle a vu le jour à l’Académie les Estacades, à Trois-Rivières. Ce
programme local s’adresse à environ 350 élèves de 3e secondaire, réunis dans onze groupes-classes. Élaboré par une
enseignante, Viviane Tremblay, et une conseillère d’orientation, Marie-Claude Lévesque, ce projet d’envergure mobilise sept
enseignants. Vie pédagogique a rencontré les deux instigatrices du projet.1

ORIGINE DU PROJET

Un exemple de l’approche orientante mise en œuvre à l’école depuis 2001, ce projet a pour but de « mettre l’orientation au cœur de
l’école afin de permettre à l’élève de mieux se connaître et d’en apprendre davantage sur le monde du travail et des professions »,
affirme Marie-Claude Lévesque. Selon Viviane Tremblay, « il est important que, dans nos écoles, nous puissions donner à l’élève
l’occasion de se démarquer autrement que par des résultats scolaires, et je crois que nous avons atteint cet objectif à l’intérieur de
ce cours ».

LES GRANDES LIGNES DU PROJET

Le cours d’exploration professionnelle remplace les programmes d’éducation au choix de carrière et de formation personnelle et
sociale.

Il comporte quatre étapes de dix heures chacune – qui se déroulent à l’école – auxquelles s’ajoutent un certain nombre d’activités
obligatoires à réaliser en dehors des heures de cours. Les activités proposées visent à amener l’élève à mieux se connaître et à
explorer le monde du travail. La trame de fond du cours repose sur la théorie des intelligences multiples, développée par le
psychologue américain Howard Gardner.

MIEUX SE CONNAÎTRE

Durant les deux premières étapes, à partir de différents éléments déclencheurs, l’élève est appelé à découvrir son profil
d’intelligence. La démarche mise en place pour l’aider à le faire lui permet de réfléchir sur son identité et ainsi de mieux se
connaître. Il utilise par la suite son profil d’intelligence pour entamer une démarche d’exploration professionnelle.

DÉCOUVRIR LE MONDE DU TRAVAIL

À la troisième étape, les élèves explorent davantage le monde du travail en tenant compte des différents profils d’intelligence. Dans
un premier temps, ils participent à un colloque d’une demi-journée, sous le thème « Mon intelligence sous observation », où vingt
travailleurs issus de la communauté viennent partager leur quotidien et expliquer aux élèves comment ils mettent à profit leur profil
d’intelligence dans l’accomplissement de leur travail. Les élèves choisissent trois ateliers, en tenant compte de leur profil
d’intelligence. Par exemple, l’élève qui se serait reconnu une intelligence langagière assiste à un atelier donné par une journaliste
d’un hebdomadaire régional; un autre, dont le profil est plutôt une intelligence écologique, choisit un atelier donné par un agent de
la conservation de la faune. Selon Marie-Claude Lévesque, les élèves peuvent ainsi « observer leur type d’intelligence à travers les
actions d’un travailleur qui explique comment il a choisi et pratique son métier ». Viviane Tremblay précise que « le but n’est pas de
Vie pédagogique, no 144 52

leur faire choisir une carrière, mais d’ouvrir leurs horizons, de leur faire voir les ouvertures qui se présentent à eux selon leur profil
d’intelligence et de les exposer à des modèles positifs ».

PLACE À L’EXPÉRIMENTATION

Une fois son profil d’intelligence découvert et observé, l’élève va maintenant être amené à l’expérimenter. Il y arrive par la
préparation et la réalisation d’un projet de bénévolat dans la communauté. Tous les élèves d’un groupe décident ensemble d’un
projet à soumettre à un organisme communautaire ou à une entreprise locale. En 2005-2006, onze projets ont été élaborés. En
voici quelques exemples : planter des arbres à l’île Saint-Quentin; nettoyer le quartier historique de Trois-Rivières; organiser une
fête pour des enfants de 1re année. Chaque élève participe à l’élaboration du projet en actualisant son profil d’intelligence : par
exemple, certains seront en charge des communications écrites ou des relations avec la communauté, et d’autres, du volet musical.

UNE BELLE RÉALISATION

À la quatrième étape, les élèves réalisent leur projet de bénévolat. Ils vivent alors une expérience de travail dans la communauté,
expérimentent des facettes de leur intelligence et s’impliquent de façon active et concrète dans un projet qu’ils ont conçu. Selon
Viviane Tremblay, il s’agit là d’un aspect important, car ils peuvent « vivre des expériences dans un milieu différent de celui de
l’école, un milieu dans lequel ils font des découvertes sur eux-mêmes et sur le monde du travail ». Dans l’action, les jeunes
apprennent à mieux se connaître. « Ils sont fiers d’eux, ils augmentent leur estime de soi et se disent qu’ils ont pu réussir une tâche
complète. »

Finalement, les élèves sont invités à participer à « la course à l’emploi ». Les démarches entreprises par Marie-Claude Lévesque et
Viviane Tremblay auprès de différentes entreprises régionales ont permis d’offrir dix emplois d’été aux élèves de l’exploration
professionnelle. Pour proposer sa candidature, il fallait effectuer un processus complet de recherche d’emploi. D’abord, l’élève
devait se procurer deux lettres d’appui auprès du personnel de l’école et ensuite, il devait obtenir une lettre de recommandation
d’une personne du milieu qui l’avait reçu dans le projet de bénévolat. Selon Marie-Claude Lévesque, cette lettre de
recommandation « était la plus belle récompense que l’élève pouvait recevoir au cours de l’année. Il était reconnu pour autre chose
que sa performance en classe : une qualité, un trait de personnalité, etc. ».

Après avoir reçu la formation appropriée, l’élève rédigeait son curriculum vitae, en faisant valoir son expérience de travail et ses
qualités; une fois son dossier complété, il le présentait à un comité de sélection. Trente élèves ont été retenus pour une entrevue et
dix d’entre eux ont été choisis pour occuper l’un des emplois. On expliquait aux élèves qui n’avaient pas les lettres de
recommandation nécessaires les raisons pour lesquelles leur candidature n’avait pas été retenue. Vie pédagogique a rencontré
Katherine Shore, qui a obtenu, l’été dernier, un emploi de secrétaire réceptionniste dans les bureaux de l’Exposition de Trois-
Rivières. Pour cette élève, l’expérience a été extraordinaire, car elle a pu valider ce qu’elle avait découvert sur elle-même au cours
de l’année : « Je me suis aperçue que j’aime prendre des responsabilités, que j’ai du leadership et que je suis capable de gérer
mon stress. » Mais surtout, sa perception du monde du travail a été très positive, car comme elle le dit si bien : « On m’a traitée en
adulte, comme une grande, comme quelqu’un qui avait de la maturité. »

D’autres activités se déroulent également à l’extérieur de l’école. Mentionnons, entre autres, la visite du Salon de la formation
professionnelle et technique de la Mauricie, une sortie pour assister à la pièce de théâtre Indianajob chez les pros, produite par la
troupe Piperni Spectacles sur mesure, ainsi que la visite de centres de formation professionnelle.
Vie pédagogique, no 144 53

EN GUISE DE CONCLUSION

Un projet d’une telle envergure a des retombées positives chez les élèves, comme le mentionne Viviane Tremblay, puisque « le
jeune se rend compte qu’il peut agir minimalement sur son environnement quand il se prend en main ». Il rapporte aussi des
bénéfices aux enseignants impliqués, car en travaillant avec la conseillère d’orientation, ils acquièrent une meilleure connaissance
du monde du travail. Une dernière retombée positive, qui n’est pas la moindre, est l’implication de la communauté, qui fait preuve
d’ouverture envers les jeunes de l’école et dont la collaboration se manifeste par les témoignages des travailleurs de la région et
l’offre d’emplois d’été. Comme on peut s’en rendre compte, de tels résultats constituent bien souvent la réelle récompense des
enseignants et du personnel des services à l’élève qui se sont engagés dans le projet.

M. Guy Lusignan est consultant en éducation.

1
La rencontre a eu lieu le 27 février 2007.
Vie pédagogique, no 144 54

EN ROUTE VERS L’AVENIR, ESCALES DANS UN ARCHIPEL AUX TRÉSORS

Sous un mode ludique, la polyvalente des Baies, à Baie-Comeau, propose à ses 910 élèves une démarche progressive pour fonder
avec justesse leur choix de carrière.

par Paul Francœur

La Commission scolaire de l’Estuaire décidait en 2004 d’instaurer l’approche orientante dans ses écoles secondaires. Cette
politique visait plusieurs objectifs :

 renforcer et rendre plus cohérente et plus efficace la démarche d’orientation de ses élèves, de la première à la cinquième
secondaire;

 stimuler la motivation des élèves à l’endroit de leurs apprentissages, en mettant en valeur leur rapport direct avec l’accès
possible aux métiers ou aux professions de leurs rêves;

 permettre aux jeunes de faire un choix éclairé parmi les divers parcours qui s’offrent à eux dans leur cheminement au
secondaire;

 sensibiliser les élèves à l’importance d’acquérir des compétences fondamentales et globales, en vue de faire face aux
incertitudes d’un marché du travail en évolution accélérée;

 associer plus étroitement tous les partenaires impliqués dans le processus d’orientation : enseignants, parents, conseillers,
chefs d’entreprises et interlocuteurs du primaire, des collèges et des universités.

Nancy Duval, conseillère d’orientation, entra donc en fonction – partageant son temps entre la polyvalente des Baies et la
commission scolaire – avec le mandat de concevoir et de mettre en œuvre une application de l’approche orientante. Afin de retenir
l’intérêt et l’attention des élèves, en particulier ceux du premier cycle, elle utilisa une formule inspirée du jeu de chasse aux trésors,
comme fil conducteur de la démarche. Les trésors à découvrir sont différents d’une année du secondaire à l’autre et vont joindre les
étapes à compléter dans le cheminement de carrière.

 Découvrir ce trésor enfoui en soi-même, qui est le potentiel personnel et la personnalité de chacun : identité, histoire, points
forts et points faibles, centres d’intérêt, valeurs, aptitudes, aspirations;

 Explorer toutes les possibilités et les richesses que réserve aux jeunes le système scolaire du Québec – avec la diversité des
voies de formation – et établir la relation avec leurs aspirations personnelles. Il leur revient de tirer profit de ces possibilités;

 Cibler deux champs d’intérêt personnel et les soumettre à l’épreuve de la réalité dans une quête plus concrète d’information;

 Enfin, inventorier et expérimenter les possibilités réelles et les conditions du marché du travail, l’éventail des métiers et des
professions que requiert le bon fonctionnement de notre société, ainsi que les compétences nécessaires pour les exercer.

VERS LA CONNAISSANCE DE SOI


Vie pédagogique, no 144 55

En septembre, chaque élève de première secondaire trouve dans son portfolio une section intitulée « Orientation », où l’on retrouve
l’outil élaboré par la conseillère d’orientation : « Mon carnet de voyage ». Ce document est le point de départ de la démarche et
s’inscrit sous un thème général : « Ma carrière, une chasse aux trésors. » Il s’agit d’un cahier dont il remplira les blancs à différentes
étapes de l’année, soit en classe de français ou dans une autre classe, soit en activité de tutorat. On le convie à accomplir un
voyage à la polyvalente des Baies, qui comporte diverses escales qui le conduiront à la découverte de la connaissance de lui-
même, pour ainsi mettre au jour un précieux trésor.

Dans ce but, il naviguera à bord d’un bateau dont il sera le capitaine. Il tiendra soigneusement un carnet de voyage où seront
consignées ses observations à chacune des étapes prévues. Ce voyage couvrira le premier cycle du secondaire.

PREMIÈRE ANNÉE

En préparation du départ, on propose à l’élève de décrire un rêve personnel qu’il nourrit pour son avenir dans la vie, en précisant
les efforts qu’il devra déployer pour y arriver. Il nomme le métier ou la profession qu’il songe à pratiquer plus tard, en imaginant
librement l’avenir qui lui serait éventuellement réservé. On l’invite à faire preuve de créativité, tout en étant réaliste par rapport aux
moyens nécessaires pour atteindre son but. Une fois cet exercice achevé, il dépose son rêve dans un coffre, où il sera conservé
jusqu’à la fin du premier cycle. À ce moment, on le lui remettra pour qu’il le confronte à l’état de son évolution personnelle après
deux ans au secondaire.

Avant de larguer les amarres, une deuxième activité consiste à ébaucher le portrait du capitaine, qui sera complété l’année
suivante. Il dresse sommairement la liste de ses activités préférées dans ses temps libres : loisirs, passe-temps, sports, télévision,
cinéma, lecture, etc.

DEUXIÈME ANNÉE

Après les préparatifs de la première année, le bateau lève l’ancre, quitte le port et se dirige vers un groupe de trois îles, où des
escales sont programmées, à la recherche des clés qui ouvriront le trésor de la connaissance de soi-même :

 L’île des Intérêts : l’élève consulte une grille où sont énumérés de nombreux centres d’intérêt, en relation avec les matières
scolaires et avec le milieu du travail. En regard, il coche les énoncés correspondant à ses activités préférées. Il en extrait
ensuite dix champs d’intérêt dominants, représentant autant de clefs pour se connaître lui-même.

 L’île des Aptitudes : il répète la même opération, en rapport avec ses aptitudes personnelles;

 L’île des Valeurs : enfin, la dernière escale lui met sous les yeux l’énoncé d’une cinquantaine de valeurs, dont il extrait celles
qu’il reconnaît comme les siennes. Il en dégage dix valeurs dominantes, qu’il classe par ordre de priorité décroissante.

À la fin de ce voyage, il est en mesure de découvrir les trois principales clefs qui lui ouvriront la porte d’une juste connaissance de
ce qu’il est.

ITINÉRAIRE RECHERCHÉ

Le moment est venu de planifier la suite du périple : les études qu’il envisage de faire (au secondaire, à la formation
professionnelle, au cégep ou à l’université) et faire le bilan des compétences qu’il a déjà acquises et de celles qu’il lui reste à
Vie pédagogique, no 144 56

développer. Il détermine la vitesse actuelle de croisière de son bateau (en fonction des résultats scolaires obtenus). Il précise ses
préférences parmi les matières scolaires et les professions qu’il pourrait choisir en fonction de ces disciplines.

RÉFLEXION DU CAPITAINE

Une pause lui permet de faire un retour réflexif sur le contenu de ses notes de voyage, en synthétisant ses observations. Il prend
alors conscience d’avoir en sa possession le premier trésor convoité : la connaissance de lui-même.

SOUVENIRS DE VOYAGE

Chaque navigateur présente alors son carnet de voyage à ses parents, car tout capitaine a besoin d’un phare pour guider son
navire vers sa destination de façon sécuritaire. On suggère aux parents d’ajouter eux-mêmes trois centres d’intérêt, aptitudes et
valeurs qui, selon leur propre perception, caractérisent la personnalité du jeune, afin d’enrichir et de compléter sa recherche
d’identité.

CONNAISSANCE DES FILIÈRES DE FORMATION

En troisième secondaire, l’élève poursuivra sa navigation en explorant plus à fond les diverses voies disponibles sur le plan des
études et des paliers de formation, de manière à pouvoir, à la fin de l’année, effectuer un second choix de parcours qui soit le plus
satisfaisant possible pour lui, par rapport à ses objectifs personnels et à son niveau d’avancement. Cette démarche est toujours
intégrée à l’horaire scolaire.

CONNAISSANCE DES DOMAINES D’INTÉRÊT PERSONNEL

En quatrième secondaire, le processus se raffine et s’approfondit, toujours dans la perspective du « connais-toi toi-même ». Deux
activités structurées permettent d’inventorier deux champs d’intérêt, ciblés préalablement au moyen d’un questionnaire à remplir en
classe : « À la découverte de mes champs d’intérêt » et « À la découverte du marché du travail ». L’élève pourra ainsi vérifier si ces
domaines répondent effectivement à ses aspirations et s’ils correspondent pratiquement à ses aptitudes. Par la suite, il ira visiter le
Salon des carrières avec une préparation plus adéquate et un meilleur éclairage sur son orientation possible.

Cet événement, qui se tient annuellement à Baie-Comeau depuis juin 1999, offre aux jeunes et aux adultes de la région une
information complète et à jour au sujet des métiers et des professions, des possibilités d’emploi et des programmes de formation.
Le nombre de visiteurs au Salon des carrières a plus que doublé en neuf ans (de 1 020 à 2 320) et le nombre des exposants est
passé de 52 à 82.

À LA DÉCOUVERTE DU MARCHÉ DU TRAVAIL

En cinquième secondaire, une activité décisive, « Un choix pour l’avenir », mobilise les jeunes et le milieu socioéconomique de la
Côte-Nord. Il s’agit d’un stage d’un jour dans une entreprise. En collaboration avec le cégep de Baie-Comeau, la Commission
scolaire de l’Estuaire a conçu un outil de référence, « Mon cheminement de carrière ». Ce matériel aide l’élève à bien préparer sa
journée de stage, qui se déroule durant la semaine précédant la tenue du Salon des carrières et qui lui permet de vivre l’expérience
sur le terrain dans une profession de son choix. Par la suite, il fait le point sur son expérience de stage et en tire des conclusions
pour lui-même : soit une confirmation, soit une infirmation de son choix de carrière, à ce moment crucial de sa vie.
Vie pédagogique, no 144 57

UNE DÉMARCHE ÉVOLUTIVE

Cette forme particulière d’application de l’approche orientante, qui tend à une cohérence et à une continuité tout au long du
secondaire, est encore en évolution. Nancy Duval travaille à la développer et à la mettre au point au fur et à mesure que
l’implantation du renouveau pédagogique progresse dans l’établissement. Des guides pour l’enseignant et des outils pédagogiques
sont en cours d’élaboration pour toutes les étapes du processus. Dans son état actuel, elle illustre l’importance d’une concertation
des paliers d’enseignement (primaire, secondaire, collégial et universitaire), des entreprises régionales et des familles, en vue
d’encadrer efficacement l’orientation professionnelle des jeunes.

Certes, l’école joue un rôle primordial pour préparer adéquatement les jeunes à faire le bon choix de carrière. S’il convient qu’elle
leur donne l’heure juste quant aux exigences pratiques de la société et des entreprises, elle doit cependant, en vertu de l’ampleur
de sa mission éducative, les inciter aussi à développer des compétences plus larges, qui soient transférables dans plusieurs
secteurs d’activité. L’orientation professionnelle est dorénavant une démarche évolutive dans une vie humaine. La polyvalente des
Baies croit aux bons effets de l’approche orientante pour prévenir le décrochage scolaire et favoriser la réussite éducative. Celle-ci
fait maintenant partie intégrante du plan de réussite de l’établissement.

M. Paul Francœur est consultant en éducation.


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DES PORTES OUVERTES

par Lise Lagacé

Je vous invite à faire connaissance avec Anthony, Maxime, Pascal et Shane, des élèves de l’école secondaire des Patriotes-de-
Beauharnois.1 J’ai rencontré ces jeunes à l’atelier de M. Gilles Lefebvre, tailleur de pierres de son métier, où ils poursuivent un
stage de formation. Caroline et Annie, enseignantes des classes de cheminement particulier, accompagnent leurs élèves. M.
Lefebvre est un pédagogue né. Avec sérieux, précision et patience, il explique aux garçons et aux enseignantes – qui participent
elles aussi au projet – comment reproduire un dessin dans la pierre. Tout le monde s’affaire; on ponce, on grave, on taille, on sable,
on compare et on écoute les consignes. Un petit coup de couteau par ci, un petit coup de couteau par là et la pierre prend forme et
s’embellit. Les yeux brillent. Je ne saurais dire si ce sont les yeux des enseignantes ou ceux des gars qui brillent le plus, mais c’est
très excitant de voir un objet se transformer sous ses yeux et être responsable de cette transformation. C’est concret, c’est
palpable, c’est vivant!

Pourtant, il règne dans cet atelier un climat calme et professionnel. L’artisan respecte ces jeunes, mais il attend d’eux du travail bien
fait. Il questionne, démontre, propose et partage des informations sur les règles de sécurité… Diable, on dirait un vrai prof!

« Personne ne m’a aidé, dit-il, quand j’avais leur âge et j’ai dû apprendre seul. Maintenant que j’ai mon entreprise, j’aime bien faire
profiter les autres de mon expérience; et puis il est possible de découvrir des talents chez les jeunes que je reçois. J’ai toujours
besoin de main-d’œuvre. Déjà, dans le groupe des quatre, il y en a un qui montre de l’intérêt et certaines aptitudes. Un futur
apprenti, peut-être! »

Un jeune s’approche de moi pour me faire admirer son œuvre. Avec émotion, il m’explique : « C’est pour mon grand-père! » Un
autre s’étonne de sa réussite : « Comment trouvez-vous mon arbre gravé dans la pierre? » Le dernier s’amuse à comparer le travail
de Caroline et d’Annie. Il semble bien fier de voir que les enseignantes s’impliquent aussi dans ce projet.

Mais, me direz-vous, que font Anthony, Maxime, Pascal et Shane chez un tailleur de pierres? Ces jeunes font partie du projet
Exploration professionnelle, mis en place à l’école des Patriotes-de-Beauharnois, un projet qui veut ouvrir des portes aux élèves
inscrits en cheminement particulier, afin de les aider à mieux s’orienter.

Que faire pour que des jeunes qui décrochent facilement et qui peinent à rencontrer les exigences minimales pour réussir sur le
marché du travail obtiennent un diplôme?

Le projet Exploration professionnelle propose une solution. Il offre à ces jeunes un programme axé sur le développement personnel,
social et professionnel, tout en leur permettant de découvrir différents métiers susceptibles de correspondre à leurs habiletés et à
leurs champs d’intérêt.

Le plan de réussite de cette école vise, entre autres choses, à prendre des mesures pour que l’information et l’orientation scolaire et
professionnelle des jeunes en difficulté d’apprentissage et d’adaptation soient mieux intégrées à l’ensemble des activités scolaires.
Cela permet d’offrir à des élèves comme ceux que nous avons rencontrés un cheminement individuel qui leur permet d’atteindre un
objectif à leur mesure et de vivre ainsi une réussite ayant trait aux défis personnels qu’ils acceptent de relever.

Le projet prend appui sur l’approche orientante, le renouveau pédagogique, la pédagogie par projet, l’entrepreneuriat et l’exploration
professionnelle. Il implique une série d’activités concrètes, réparties tout au long du secondaire, en rapport avec les matières au
programme et avec la formation donnée en entreprise ou au centre de formation professionnelle, de façon que les élèves
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apprennent à mieux se connaître tout en explorant différents métiers. Ces activités leur permettent de découvrir les réalités du
marché du travail, tout en participant activement à l’élaboration d’une stratégie liée à un projet de carrière. Elles peuvent être
réalisées à travers des jeux, des ateliers de travaux manuels, des échanges, des visites ou des stages. Elles sont sélectionnées à
l’aide de plusieurs outils pédagogiques, tels que Collection Azimut, les Éditions Jobboom, les journaux, le jeu « Emploi » ton savoir,
et bien d’autres. Ces activités permettent à l’élève – appuyé par son enseignant – de s’arrêter pour prendre conscience de certains
aspects de sa démarche personnelle et consigner ses réflexions dans son portfolio. Enseignants, parents et conseillers d’orientation
s’affairent autour du jeune pour qu’il documente son journal de bord et qu’il l’enrichisse. Ce journal sert alors de référence pour
planifier un projet de formation scolaire et professionnelle. Les activités se déroulent à l’école, mais également dans des entreprises
de la région, avec la complicité des entrepreneurs, ainsi que dans certains centres de formation professionnelle.

Nos quatre compères se posent souvent des questions : « Suis-je capable de faire telle chose? » « Est-ce que je peux réussir? »
« Est-ce que j’aime mieux travailler en équipe ou seul? » « Est-ce que je peux prendre des responsabilités? » « Est-ce que je peux
terminer une tâche? » « Est-ce que? » « Est-ce que? »… C’est là que Caroline et Annie entrent en scène pour aider chacun à
prendre le temps de se percevoir dans ses actions et ses réflexions et de se visualiser comme acteur dans la société dans laquelle
il vit.

Pour elles, l’un des éléments importants est que chaque élève sous leur responsabilité puisse faire le lien entre ce qu’il apprend et
son avenir, entre les matières scolaires et le marché du travail.

Chaque année, Anthony, Maxime, Pascal et Shane participent, par cette exploration professionnelle, à au moins 50 heures
d’activités variées; ils peuvent ainsi compléter un cahier de formation couvrant l’ensemble de leur passage au secondaire et
planifier les étapes d’un projet de carrière adapté à leur réalité, leurs capacités et leurs aspirations.

Il existe au Canada une trentaine de comités sectoriels de main-d’œuvre où des travailleurs, employeurs et éducateurs travaillent
ensemble pour s’assurer, entre autres, de la diffusion d’informations concernant le secteur de l’emploi. Les élèves ont accès à
plusieurs sources d’information qui leur permettent de découvrir et d’explorer différents métiers. On passe ainsi du travail du verre
aux métiers de l’automobile, de la transformation alimentaire à l’horticulture, à la fabrication métallique, aux technologies de
l’information et des communications, à la construction ou à d’autres domaines.

De plus, chacun participe à un atelier-profession de son choix, trois fois durant l’année scolaire. L’atelier dure en moyenne une
quinzaine d’heures et est structuré comme suit :

 présentation d’un métier et des liens avec les disciplines scolaires;


 présentation du diplôme d’études professionnelles (DEP) lié à ce métier;
 conférence d’une personne oeuvrant dans le domaine concerné ou visite en milieu de travail;
 réalisation d’un projet permettant à l’élève d’explorer concrètement les caractéristiques du métier choisi;
 rétroaction en groupe sur l’expérience en atelier;
 analyse et réflexion consignées dans le portfolio;

 visites de centres de formation professionnelle, d’écoles de métiers et d’entreprises.

C’est à l’intérieur d’un atelier-profession que les jeunes ont pu explorer le métier de tailleur de pierres. Ils ont visité une carrière, où
on leur a offert une pierre à graver, puis ils ont rencontré un chef d’entreprise qui acceptait de partager avec eux toute son
expérience. Au même moment, à l’école, différents enseignants sensibles à l’interdisciplinarité établissaient des liens entre leurs
matières respectives et des expériences concrètes de la vie. Par exemple, l’enseignant de sciences a inclus à ses cours l’étude de
Vie pédagogique, no 144 60

certaines pierres, ce qui a permis aux élèves de se familiariser avec les propriétés de celles-ci; ensuite, il a amené son groupe à
percevoir l’utilité de tel ou tel apprentissage pour comprendre le monde extérieur. D’autre part, il y avait toujours du temps consacré
à la réflexion personnelle et à l’écriture.

Nous avons, en général, une bonne connaissance des projets scolaires et sommes familiers avec certains éléments de ce type de
projet d’exploration professionnelle. Des projets aussi bien écrits et structurés que celui de l’exploration professionnelle, le milieu
scolaire en propose plusieurs, mais il est question ici de bien plus que cela!

Nous sommes en présence d’un travail d’équipe qui fait toute la différence. Annie Desrosiers, l’enseignante responsable du projet,
Caroline Primeau, l’enseignante de nos quatre apprentis, le directeur, Robert Byette, le directeur adjoint au cheminement particulier,
Joël Mercier, Claudia Léonard, la conseillère pédagogique et auteure du projet, ainsi que Diane Paquette, responsable de la gestion
financière, tous s’impliquent afin de créer un environnement propice à l’apprentissage et à la réussite des élèves en difficulté. Leur
enthousiasme, leur travail acharné, leur capacité à trouver ensemble des solutions et surtout leur foi en ces jeunes sont la clé du
succès de ce projet.

Dès le début, la plupart des élèves ont démontré de l’intérêt et de la motivation à y participer. Annie explique : « Ce projet ouvre des
portes à des élèves qui, en général, n’ont pas véritablement le goût de continuer des études. C’est comme si tout à coup, avec
l’aide de leurs parents et de la communauté, on voulait les amener quelque part. On ne les laisse pas tomber. Les parents sont
contents de cette initiative et je leur souligne souvent en riant que, rapidement, certains jeunes gagneront un salaire plus élevé que
le mien! »

Le projet Exploration professionnelle, par son plan de formation varié, stimulant, rigoureux et étalé sur l’ensemble des cycles du
secondaire, vise d’abord à promouvoir l’insertion professionnelle des jeunes en difficulté, mais il a pour but aussi de lutter contre la
pauvreté et l’exclusion et de sensibiliser les jeunes à leur implication dans la société.

Et ça marche! Dès la fin de la première année, 93 % des élèves trouvaient le projet utile; 81 % voulaient participer à trois ateliers-
professions et plus par année; 36 % pensaient ne pas avoir d’avenir et ont changé d’avis; 85 % sont maintenant motivés à
poursuivre des études; 84 % trouvent pertinent de faire des stages et 91 % visent maintenant une attestation de formation
professionnelle (AFP) ou un diplôme d’études professionnelles (DEP).

Anthony, Maxime, Pascal et Shane ne deviendront pas tous des tailleurs de pierres, mais en les voyant, dans cet atelier, travailler
avec minutie à graver leur pierre, j’ai rencontré des jeunes qui apprenaient aussi à se bâtir une personnalité, parce que les adultes
qui les accompagnent ont foi en leurs capacités et les incitent à donner le meilleur d’eux-mêmes.

J’ai vu, cet après-midi-là, des jeunes déterminés à donner un sens à ce qu’ils sont et à ce qu’ils font.

Mme Lise Lagacé est consultante en éducation.

1
École secondaire de la Commission scolaire de La Vallée-des-Tisserands, qui compte plus de 1 200 élèves de la 1re à la 5e
secondaire.
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UN BUREAU D’EMPLOI UNIQUE AU QUÉBEC!

par Claude Beauchesne

Le 23 mars dernier, l’Association québécoise d’information scolaire et professionnelle (AQISEP) dévoilait le nom des récipiendaires
du prix « Les étoiles orientantes 2007 », qui a pour but de reconnaître des artisans dont les réalisations ont contribué à
l’avancement et au rayonnement de l’approche orientante dans leur milieu. Parmi les trois projets primés, figurait « Zoom sur les
métiers », une activité réalisée depuis deux ans dans les écoles primaires de la Commission scolaire du Chemin-du-Roy et de la
Commission scolaire de l’Énergie. En plus de rejaillir sur les deux commissions scolaires mauriciennes, l’honneur venait couronner
les efforts de Martine Lafond et de l’équipe du Bureau d'emploi en formation professionnelle de la Mauricie, dont elle assume la
coordination.

La remise des prix de l’AQISEP et la réalisation du dossier sur la formation professionnelle nous donnent l’occasion de présenter à
nos lecteurs ce bureau d’emploi unique au Québec et ses activités de valorisation de la formation professionnelle, de même que la
coordonnatrice de l’équipe1.

DES SERVICES VARIÉS OFFERTS À PLUSIEURS CLIENTÈLES

Le Bureau d'emploi en formation professionnelle de la Mauricie est un organisme à but non lucratif créé et subventionné presque en
totalité par les commissions scolaires du Chemin-du-Roy et de l’Énergie. Il s’agit donc d’une organisation autonome – et non d’un
« département » ou d’un « service » à l’intérieur de l’organigramme d’une commission scolaire – qui dessert quatre centres de
formation professionnelle : Qualitech et Bel-Avenir, de la Commission scolaire du Chemin-du-Roy, ainsi que le Carrefour formation
Mauricie et l’École forestière de La Tuque, de la Commission scolaire de l’Énergie.

Le bureau d’emploi doit répondre aux besoins de plusieurs clientèles dont, au premier chef, les finissants et les diplômés des 41
programmes de DEP (diplôme d’études professionnelles) et des 7 programmes d’ASP (attestation de spécialisation professionnelle)
offerts par les deux commissions scolaires. Parmi les services offerts, mentionnons la « mise en contact » avec des employeurs qui
recrutent des candidats qualifiés, des consultations individuelles, des cliniques de recherche d’emploi et l’accès à la panoplie
d’outils technologiques utilisés aujourd’hui pour trouver un emploi. Ajoutons que le bureau diffuse régulièrement sur Internet un
bulletin d’information sur le marché du travail, le Mémo de l’emploi, rédigé spécialement à l’attention de ses clientèles.

Les employeurs se voient également offrir divers services : conseils, accès à des banques de candidats ou à de l’information sur les
subventions salariales et autres mesures de soutien à l’emploi, etc. Au cours de l’année 2005-2006, le bureau d’emploi a traité 812
offres d’emplois, dont 65 p. 100 venaient d’employeurs de la Mauricie. En plus d’être considérés comme « clients » – et non
uniquement comme des « donneurs de jobs » – les employeurs sont invités à collaborer étroitement à la formation professionnelle
de la relève et à son intégration sur le marché du travail. À titre d’exemple, un partenariat a été établi entre le bureau d’emploi et un
important employeur de la région, Marmen inc. Au cours des dernières années, cette grande entreprise spécialisée en fabrication
métallique industrielle a accueilli plus de 175 stagiaires, dont plusieurs sont devenus des employés permanents.

Les enseignants de formation professionnelle des deux commissions scolaires constituent également une clientèle à laquelle le
bureau d’emploi apporte son soutien. La recherche active d’emploi faisant officiellement partie des compétences (ou d’éléments de
compétences) qui composent les programmes d’études en FP, le bureau veille à ce que les enseignants soient bien préparés à
Vie pédagogique, no 144 62

assumer ce volet de la formation professionnelle auprès de leurs élèves. En réponse aux besoins exprimés par certains
enseignants et élèves, il a conçu le Guide d’accompagnement en recherche d’emploi, lequel, diffusé en ligne, fournit un grand
nombre de renseignements complémentaires sur les différentes étapes de la recherche d’emploi.

Notons enfin que le bureau d’emploi organise régulièrement des journées d’information sur la situation du marché du travail à
l’intention des conseillers d’orientation, afin que ceux-ci soient en mesure de renseigner le mieux possible les jeunes et les adultes
qui ont à faire un choix de carrière. Il met régulièrement à jour les statistiques sur le taux de placement des diplômés de la formation
professionnelle des deux commissions scolaires. Les derniers chiffres indiquent que pour les diplômés de 2004-2005, ce taux
s’élevait globalement à 93,4 p. 100 en septembre 2006; de plus, 88,3 p. 100 des emplois obtenus étaient liés au domaine d’études
(les résultats sont disponibles pour chacun des programmes offerts dans les deux commissions scolaires).

CHANGER LES MENTALITÉS

Une autre caractéristique particulière du bureau d’emploi en formation professionnelle de la Mauricie est l’intégration à ses activités
d’une importante mission de « valorisation de la formation professionnelle ». Entretenant régulièrement des contacts avec les
employeurs, l’équipe du bureau est en mesure d’apprécier au quotidien l’importance que revêt le recrutement d’une main-d’œuvre
spécialisée et compétente, et ce, dans un grand nombre de métiers. Et puisqu’elle agit en plein cœur du milieu scolaire, elle est
aussi en situation de témoigner directement aux élèves, aux enseignants et aux autres professionnels de l’éducation, de la valeur
de la formation professionnelle du point de vue des employeurs.

Parmi les activités liées à la valorisation de la formation professionnelle, mentionnons la diffusion en ligne des chroniques Branché
F.P., à raison d’une quinzaine par année. L’une des dernières chroniques (vol. 5, no 7, 1er avril 2007) met en vedette Francis Guérin,
un diplômé en Techniques d’usinage (DEP) et en Usinage sur machines-outils à commande numérique (ASP). Avant de s’inscrire
en formation professionnelle, le jeune homme avait d’abord entrepris des études collégiales en informatique. Malgré son attirance
pour les nouvelles technologies, il ne se sentait nullement motivé par la formation. Il quitte le cégep après quelques mois et travaille
en usine comme journalier pendant deux ans. La perte de cet emploi lui donne l’occasion de considérer à nouveau son avenir
professionnel. Il découvre alors le métier de machiniste, qui lui permet de combiner son intérêt et ses aptitudes pour les sciences, la
technologie et la fabrication industrielle. Il obtient ensuite un emploi permanent chez Delastek inc. où, après avoir usiné des pièces
en série pendant quelques années, il travaille maintenant à la fabrication de prototypes.

Le grand intérêt des chroniques Branché sur la F.P. est de présenter des femmes et des hommes – le plus souvent âgés de moins
de 30 ans – ayant eu des parcours scolaires et professionnels « non parfaits » ou « atypiques » d’un certain point de vue, mais
auxquels de nombreux jeunes adultes d’aujourd’hui peuvent s’identifier. Par exemple : Geneviève Séguin, qui a quitté les études
après une 3e secondaire « terminée de justesse » à 16 ans, donné naissance à un fils à 18 ans et occupé un emploi non spécialisé
d’emballeuse pendant quatre ans, est ensuite devenue bouchère, après avoir obtenu un DEP en Boucherie de détail (vol. 4, no 9,
1er mai 2006). Un autre cas est celui de Stéphane Massicotte, qui, malgré une expérience « fort profitable » de pressier acquise au
fil des ans en milieu de travail, a décidé de compléter le programme menant à un DEP en Imprimerie, afin de pouvoir accéder à un
poste de contremaître (vol. 4, no 8, 1er avril 2006).

« Zoom sur les métiers », le projet qui a reçu le 2e prix de l’AQISEP en mars 2007, est certes une activité fort différente des
chroniques, mais qui s’inscrit dans la même volonté d’élargir les horizons des jeunes et de leurs parents. Une animatrice visite
toutes les classes de 6e (ou de 3e cycle) des écoles primaires des commissions scolaires du Chemin-du-Roy et de l’Énergie, pour
faire découvrir aux jeunes des métiers qui, bien souvent, ont peu de visibilité. L’idée consiste d’abord à « nommer » des métiers –
Vie pédagogique, no 144 63

certaines appellations sont pratiquement inconnues des jeunes : infographiste, machiniste, sylviculteur, etc. – et à les décrire
sommairement; l’animatrice cherche aussi à sensibiliser les jeunes à l’importance du travail réalisé quotidiennement par les
hommes et les femmes de métier. L’activité vise également à mettre en lumière la variété et la complexité de l’univers des métiers;
à cet effet, quelques élèves sont invités à endosser une partie de l’équipement utilisé dans l’exercice de certains métiers (par
exemple, l’abattage manuel).

Le but ultime de « Zoom sur les métiers » est de permettre à certains élèves d’entrevoir des possibilités d’avenir, notamment les
jeunes qui, avant même d’entrer au secondaire, ne manifestent que peu d’intérêt pour les études et ne voient pas de quelle manière
l’école pourrait répondre à leurs besoins futurs; bien sûr, les parents sont visés eux aussi. Le matériel distribué aux élèves –
notamment les signets sur lesquels figurent des images et des textes décrivant les métiers – peut être utilisé à d’autres fins par les
enseignants (l’activité peut donc être réinvestie).

L’âme dirigeante

Si le Bureau d’emploi en formation professionnelle de la Mauricie est appuyé par les commissions scolaires du Chemin-du-Roy et
de l’Énergie, le succès qu’il remporte est dû à son équipe, et tout particulièrement à sa coordonnatrice, Martine Lafond. Tout au
long de son parcours professionnel – soit depuis le début des années 80 – Mme Lafond a saisi les occasions qui lui étaient offertes
de développer de nouveaux projets. Elle a notamment travaillé à l’implantation de la micro-informatique et des applications de celle-
ci dans l’organisation du travail, et ce, à une époque où les micro-ordinateurs n’avaient pas encore massivement envahi les
bureaux.

Le souci de répondre aux besoins des diverses clientèles de façon concrète et efficace transparaît dans les propos de Mme Lafond
concernant les activités du bureau d’emploi. Par exemple, « Zoom sur les métiers » est un projet qui a été conçu en quelques
semaines et réalisé avec un budget des plus raisonnables (10 000 $ pour une centaine de rencontres, ressources externes,
matériel et transport inclus). Les ressources technologiques sont utilisées de façon optimum : les chroniques et les bulletins rédigés
spécialement à l’intention des clientèles du bureau sont diffusés en ligne; le site Internet est régulièrement mis à jour; etc. Enfin, les
membres du CA du Bureau d’emploi en formation professionnelle de la Mauricie ainsi que le grand public ont accès à une
information complète sur le fonctionnement de l’organisme : budget, statistiques, etc. Bref, par la pertinence de ses réalisations et
par la qualité de son fonctionnement, l’organisme contribue non seulement à promouvoir la formation professionnelle au
secondaire, mais également à augmenter la valeur et la crédibilité du secteur tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du milieu scolaire.

M. Claude Beauchesne est consultant en éducation.

1
. Vie pédagogique a rencontré Martine Lafond dans les locaux du Bureau d’emploi en formation professionnelle de la Mauricie, à
Shawinigan. Nous avons également assisté à l’atelier qu’elle animait dans le cadre du sixième colloque de l’AQISEP sur
l’approche orientante, tenu à Québec en mars 2007. Le présent article ne donne qu’un bref aperçu des réalisations de
l’organisme et de la coordonnatrice. Pour de plus amples renseignements, on peut visiter le site Internet
[www.emploimauricie.com]
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JOAQUIM MAURICIO : DE LA FORMATION GÉNÉRALE À L’EXPLORATION PROFESSIONNELLE

par Guy Lusignan

Joaquim Mauricio enseigne à l’école secondaire Pierre-Dupuy. Il est convaincu de son rôle social et de la nécessité d’accompagner
les jeunes dans leur cheminement personnel et leur orientation professionnelle. C’est sans doute pour cette raison qu’il y a deux
ans, après avoir enseigné différentes matières en formation générale, il a accepté de s’impliquer dans le programme d’exploration
professionnelle.

UN PARCOURS PROFESSIONNEL BASÉ SUR LA FORMATION CONTINUE

Après une formation universitaire en éducation, axée sur l’enseignement moral et religieux et la formation personnelle et sociale,
Joaquim Mauricio1 obtient son premier poste d’enseignant à l’école secondaire Pierre-Dupuy, qui est située dans un quartier
défavorisé de Montréal. Il y enseigne maintenant depuis dix ans, car il considère « que c’est une école humaine ». Après quelques
années d’enseignement, il s’est rendu compte que le milieu scolaire était en pleine ébullition et que la formation continue était
absolument nécessaire. Pour lui, « les enseignants doivent être à la fine pointe des nouvelles tendances en pédagogie, des
connaissances récentes dans le domaine du savoir, des nouvelles technologies et des recherches en psychopédagogie ». Il croit
qu’il est essentiel d’établir une synergie constructive entre le savoir-terrain que procure l’école et le savoir-savant que l’on trouve à
l’université. Pour cette raison, il a entrepris des études spécialisées en technologie de l’information et des communications et un
certificat en enseignement du français au secondaire. Après avoir enseigné le programme d’initiation aux technologies, il est
devenu enseignant de français au deuxième cycle du secondaire.

L’EXPLORATION PROFESSIONNELLE : UN NOUVEAU DÉFI

M. Raymond Lemaire, le directeur de l’école, a obtenu un budget du programme Stratégie d’intervention Agir autrement (SIAA)2, qui
est une mesure pour contrer le décrochage scolaire. Les sommes consenties ont permis d’offrir aux élèves de 3e et 4e secondaire
un programme d’exploration professionnelle.

À la demande du directeur de l’école, deux enseignants ont collaboré pour développer le programme d’exploration professionnelle.
Isabelle Dion, celui de 3e année et Joaquim Mauricio, celui de 4e. Mais pourquoi avoir relevé ce défi? Parce que ce choix est en
continuité avec des convictions personnelles qui prennent racine dans une approche pédagogique basée sur le continuum Voir-
Juger-Agir, qu’il a expérimentée il y a plusieurs années comme agent sociocommunautaire auprès des populations indigènes de
l’Amazonie. Selon cette approche, l’enseignant est un accompagnateur qui doit « montrer à un jeune comment atteindre un but et
non lui dire ce qu’il peut faire ou ce qu’il doit faire ».

Les élèves sont donc amenés à découvrir leurs forces et leurs faiblesses et à comprendre qui ils sont et comment ils se perçoivent.
Par exemple, la lecture de quotidiens, de magazines et de dépliants d’information procure la matière nécessaire pour « discuter de
l’actualité économique, politique, sociale et culturelle et les amener à se situer par rapport à différents événements, ce qui les aide à
se découvrir à travers leurs perceptions et celles des autres ». Puis, des conférenciers viennent parler aux élèves des métiers qu’ils
pratiquent, des conditions de travail, des salaires, etc. et discuter avec eux. Des visites des huit centres de formation
professionnelle de la CSDM sont organisées, pour qu’à tour de rôle les groupes d’élèves aillent rencontrer, dans les différents
départements, les enseignants et les élèves avec qui ils peuvent échanger. Les élèves de 4e secondaire font un stage de six demi-
journées. Ils choisissent eux-mêmes le métier qu’ils souhaitent expérimenter et doivent expliquer pourquoi ils ont fait ce choix.
Vie pédagogique, no 144 65

Un programme de formation d’une telle envergure nécessite la collaboration et la participation de plusieurs partenaires : Annie
Morin, une enseignante-ressource qui coordonne les activités avec les huit centres de formation professionnelle, les enseignants de
ces centres qui prévoient des activités lors des visites ou qui supervisent les stages des élèves, différentes entreprises privées et
certains cégeps.

LES RETOMBÉES

Il est peut-être trop tôt pour savoir si le programme d’exploration professionnelle a pu contrer le décrochage scolaire à l’école
Pierre-Dupuy, puisque c’est « un travail de longue haleine », selon Joaquim Mauricio. Mais il existe des certitudes quant à la
satisfaction et à la motivation des élèves. Plusieurs d’entre eux, sachant qu’ils peuvent être admis dans un programme de formation
professionnelle après avoir complété leur 3e ou leur 4e année du secondaire, décident de terminer l’année afin d’entreprendre
l’apprentissage d’un métier dans un centre. Il y a aussi des effets positifs chez les parents, puisque les élèves parlent avec eux des
visites et des stages qu’ils ont faits, ce qui a pour effet de modifier leur perception de la formation professionnelle (FP). De même,
devant le succès du programme d’exploration professionnelle et constatant l’enthousiasme des jeunes, les enseignants de la
formation générale voient la FP d’un œil de plus en plus positif. Finalement, les élèves de l’école qui ne sont pas inscrits dans ce
programme demandent de pouvoir eux aussi visiter les centres de formation professionnelle.

Joaquim Mauricio croit en ce qu’il fait et il est convaincu que l’avenir est davantage prometteur pour tous ces jeunes des écoles de
milieux défavorisés, car le système scolaire leur offre une solution de rechange au décrochage scolaire en leur donnant la
possibilité d’explorer différentes pistes pour acquérir une formation professionnelle de qualité. Les retombées bénéfiques des
programmes actuels d’exploration professionnelle lui donnent à penser que la mise en œuvre du projet personnel d’orientation
(PPO) obtiendra les effets attendus.

M. Guy Lusignan est consultant en éducation.

1
La rencontre a eu lieu le 14 mars 2007.

2
La SIAA est un plan de réussite mis en place depuis 2002 par le MELS, qui s’adresse à 200 écoles secondaires situées dans
les milieux les plus défavorisés.
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LE PROJET PERSONNEL D’ORIENTATION (PPO)

par Carole Viel

Le PPO est un espace de découverte, une occasion privilégiée offerte aux jeunes pour construire leur identité. Ce programme
prépare particulièrement les élèves à leur insertion socioprofessionnelle, à court, moyen ou à long terme. Le PPO vise le
développement de compétences à l’aide desquelles l’adolescent apprendra à s’orienter.1 De fait, plongé dans l’action, l’élève se
retrouve en démarche consciente d’apprentissage de l’orientation, ce programme étant à la jonction de la pédagogie soutenue par
le renouveau pédagogique et de nouvelles théories développementales en orientation. Du matériel particulier est essentiel pour
favoriser cette démarche, ce processus de formation de l’identité : les outils d’expérimentation et… les élèves eux-mêmes!

Le PPO est un espace de découverte grâce aux outils d’expérimentation, c’est-à-dire au matériel2 permettant la simulation de
fonctions de travail liées à plusieurs métiers et professions. Les élèves se découvrent au fur et à mesure des expériences et des
essais qu’ils effectuent et aussi à travers leurs erreurs.

Pendant qu’il a procédé à la coulée d’un modèle dentaire et ensuite, sculpté une molaire dans de la cire chaude, Arthur se découvre
particulièrement minutieux, précis et patient. Mais il se dit peu intéressé à travailler dans un contexte de proximité physique.
Ghislain, son confrère de classe, a fait une démarche exploratoire dans le domaine du génie civil et témoigne de ses découvertes
devant ses pairs : une passion pour la lecture de plans et les règles architecturales! Du même coup, Arthur note les exigences en
termes de minutie et de rigueur des diverses tâches démontrées par son camarade. Fort de son sentiment d’efficacité à la suite de
sa première expérience en dentisterie, il décide d’entreprendre sa prochaine démarche exploratoire dans le domaine de
l’architecture. C’est une véritable roue qui tourne, grâce à la panoplie d’outils d’exploration prévue pour le PPO et répertoriée dans
le site qui lui est associé [www.repertoireppo.qc.ca].

Le PPO est un espace de découverte où les jeunes deviennent le moteur principal du cours, tout en étant accompagnés par une
personne soucieuse de favoriser le développement de leur autonomie. L’enseignante ou l’enseignant responsable du PPO3
accompagne son groupe, mais guide aussi chacun de ses élèves. Ceux-ci choisissent les métiers, les professions ou les secteurs
dans lesquels ils souhaitent faire leurs expériences exploratoires. Ils planifient leurs diverses démarches et choisissent les
ressources qui leur permettront de les effectuer. Ils doivent aussi partager leurs apprentissages et leurs découvertes et élaborer des
hypothèses de parcours de formation. Ils prennent littéralement en charge leur propre processus d’orientation et deviennent ainsi de
plus en plus alertes face aux opportunités que leur offrent le PPO, mais aussi leur école, leur communauté, leur travail, etc. Les
activités, les loisirs, les sports et les cours prennent une nouvelle teinte, car ils deviennent des occasions de découvertes d’eux-
mêmes et aussi du monde du travail.

D’ailleurs, de cette belle errance dans l’univers des métiers et des professions se dégage très souvent un nouveau rapport au
savoir.

Tout à coup, les mathématiques deviennent utiles à la compréhension des plans, dans un domaine particulier. Dans un autre
contexte, la qualité du français devient primordiale pour la rédaction d’un rapport par un technicien ou par un professionnel de la
relation d’aide…

Mme Carole Viel est responsable de programmes (PPO et Exploration de la formation professionnelle) à la Direction
Vie pédagogique, no 144 67

générale de la formation des jeunes, au ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport.

1
Un document intitulé Le projet personnel d'orientation : un nouveau programme pour les élèves du 2e cycle du secondaire dans
le cadre du renouveau pédagogique. Bilan d'une expérimentation auprès d'élèves de 3e secondaire sera bientôt rendu
disponible sur le site de la Direction de la recherche, des statistiques et des indicateurs du MELS
[http://www.mels.gouv.qc.ca/stat/recherche/index.htm].

2
Ce matériel est constitué notamment de guides d’activités et de coffrets-projets. Les simulations de fonctions de travail peuvent
être effectuées grâce à de nombreux items tels que des logiciels de dessin, divers instruments et outils ou du matériel
technique propre à certains métiers.

3
Le site du service national du RÉCIT en développement professionnel fournit de multiples informations et ressources aux
enseignants chargés de l’enseignement du PPO : [http://www.recitdevprof.qc.ca/]
Vie pédagogique, no 144 68

MYTHES ET RÉALITÉS SUR LA FORMATION PROFESSIONNELLE

par Marcelle Gingras et Chantale Beaucher

MYTHE # 1 :

Il n’est pas nécessaire de s’inscrire en formation professionnelle pour exercer ce type de métiers.

RÉALITÉ :

Les employeurs préfèrent embaucher des personnes qui ont reçu une formation professionnelle pour exercer des métiers
spécialisés. Il est trop souvent coûteux en temps, en énergie, en ressources (mais aussi en bris, retards et pertes) d’engager
des personnes et de les former « sur le tas », comme ce fut déjà le cas. Désormais, les techniques évoluant et se complexifiant
rapidement, il est jugé préférable d’engager des travailleurs compétents.

MYTHE # 2 :

Les jeunes qui se dirigent en formation professionnelle n’ont qu’un seul but : aller directement sur le marché du travail, peu
importe le métier.

Ou

Les jeunes qui se dirigent en formation professionnelle n’ont qu’un seul but : en finir avec les études.

RÉALITÉ :

Si certaines personnes ont effectivement des hésitations par rapport à leur orientation professionnelle en entrant en FP, il n’en
demeure pas moins qu’un grand nombre y sont pour une raison : on y offre le programme qui va les conduire au métier qu’ils
veulent exercer!

MYTHE # 3 :

C’est facile d’obtenir un diplôme lorsque l’on est inscrit en formation professionnelle.

RÉALITÉ :

Les exigences sont élevées en formation professionnelle et cette réalité est accentuée par le fait que l’évaluation est
dichotomique : réussite ou échec. Autrement dit, il n’est pas possible en FP d’être « un peu compétent »… On l’est ou on ne
l’est pas! Et c’est une très bonne chose! Qui voudrait d’une infirmière-auxiliaire « presque capable » d’administrer des soins?
Vie pédagogique, no 144 69

MYTHE # 4 :

Il n’y a aucune possibilité de poursuivre des études après la formation professionnelle.

RÉALITÉ :

Il existe, entre certains programmes de même secteur de formation professionnelle et de formation technique, des passerelles
qui facilitent le passage d’un programme à l’autre. D’autre part, rien n’empêche qu’une personne titulaire d’un DEP poursuive
éventuellement ses études dans un secteur connexe ou dans un autre secteur, au cégep ou à l’université.

MYTHE # 5 :

La formation professionnelle est faite pour les « poches ».

RÉALITÉ :

Cette réputation peu enviable traîne depuis l’époque du professionnel long et du professionnel court… deux filières disparues
depuis 1987. Depuis, les programmes ont été adaptés aux réalités du marché du travail et découlent d’analyses de situation de
travail finement réalisées. Dans tous les cas, il vaut mieux ne pas avoir les deux pieds dans la même bottine pour réussir en
FP! Soulignons, en dernier lieu, que l’on comptait 84 000 personnes inscrites en FP en 2003-2004 (MELS 2005).

MYTHE # 6 :

Il est difficile de trouver un emploi, avec un diplôme de formation professionnelle.

RÉALITÉ :

Les statistiques pour l’année 2004 montraient déjà une situation tout à fait avantageuse pour les finissants de la formation
professionnelle. Au 31 mars suivant la fin de leurs études, 75,9 % d’entre eux travaillaient (MELS 2005). Le taux de placement
atteignait même 100 % dans certains programmes. Ainsi, la formation professionnelle n’avait pas grand-chose à envier au
collégial, où le taux de placement pour la même année (2004) était de 67,6 % pour les personnes qui détenaient un DEC
technique.
Vie pédagogique, no 144 70

MYTHE # 7 :

La formation professionnelle est réservée aux garçons.

RÉALITÉ :

La situation est plutôt la suivante : 57,3 % des élèves de la FP sont des hommes et 42,7 %, des femmes. Cependant, ce qui
demeure vrai, c’est qu’il existe des programmes où les femmes sont minoritaires. Lorsqu’elles comptent pour moins de 30 %
des effectifs, on considère alors qu’elles se dirigent vers un métier non traditionnel. Mais l’inverse existe aussi, soit des
hommes qui choisissent des métiers traditionnellement féminins.

Mmes Chantale Beaucher et Marcelle Gingras sont professeures à la Faculté d’éducation de l’Université de Sherbrooke,
respectivement au Département de pédagogie et au Département d’orientation professionnelle.

SOURCES :

Système Repères : [www.reperes.qc.ca]

Les étudiantes et les étudiants inscrits à la maîtrise en orientation, à l’Université de Sherbrooke.


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CAPSULES

STATISTIQUES À L'APPUI

Comment traduire autrement la formation professionnelle? En chiffres, bien entendu!

 Plus de 84 000 personnes étaient inscrites en formation professionnelle en 2003-2004 (MELS 2005). Parmi eux, près de 30 %
ont moins de 20 ans.

 9 employeurs sur 10 considèrent que leurs employés sortant de la formation professionnelle sont compétents (MEQ 2001).

 76.3 % des finissants travaillaient, 9 mois après l'obtention d'un DEP (MELS 2006).

 Le salaire hebdomadaire brut moyen est de 570 $ et en hausse depuis 2001.

Évidemment, il s'agit de moyennes : dans certains secteurs, le taux de placement est de 100 % et le salaire moyen brut, beaucoup
plus élevé!

UNE APPROCHE PAR COMPÉTENCE

L'approche par compétence est loin d'être une nouveauté en formation professionnelle (FP). Même s’il n’a pas beaucoup été pris en
compte dans la dernière vague de réflexion et de renouveau pédagogique au Québec, le secteur de la FP aurait pourtant eu des
propositions à faire, puisqu'il fonctionne déjà par compétences depuis sa propre réforme majeure en 1987.

Les tâches de chacun des métiers pour lesquels existe un programme de formation ont été décortiquées dans une analyse pointue.
Il en ressort une liste de compétences générales et particulières qui sont mises en relation dans la matrice des objets de formation.
Celle-ci fournit aux enseignants les indications nécessaires à la compréhension de la structure générale du programme. Chaque
module correspond à une compétence (par exemple : la compétence particulière « sculpter des motifs simples », dans le
programme d'ébénisterie, correspond au module 20, « sculpture d'ameublement »). L'évaluation est dichotomique, l'élève réussit ou
échoue... Il n'y a pas de « presque compétent » possible!

Par ailleurs, les liens entre la FP et les entreprises où sont embauchés les sortants sont très étroits, afin d'assurer que les
programmes soient les mieux adaptés possible à la réalité du marché du travail.

Ainsi, formées sur des équipements utilisés sur le marché du travail, soutenues par des équipes d'enseignants qui connaissent à
fond leur métier, et ayant bénéficié (sauf exception) de périodes de stage, les personnes qui obtiennent leur DEP sont compétentes
et prêtes à entrer sur le marché du travail.
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UN MILIEU DYNAMIQUE

Le dynamisme de la FP se traduit par diverses initiatives locales et nationales. La première – et l'une de celles qui gagnent à être
davantage connues – concerne les services qu'offrent les centres de formation professionnelle (CFP). Par exemple, les centres
qui offrent le programme de coiffure accueillent des clients (pour un prix modique) afin de permettre aux élèves de s’exercer, sous
la supervision de leurs enseignants. Il en va de même pour les programmes rattachés à l'alimentation. Ainsi, si un CFP offre un
programme de boucherie, la population peut se procurer des viandes et différents produits en vente à la boutique du centre. En
service de restauration, une salle à manger est ouverte aux heures des repas. Des produits et des services de qualité, à prix plus
que compétitifs, tout près de chez- vous!

Par ailleurs, à tous les deux ans, se tiennent les Olympiades de la formation professionnelle au niveau local, régional, national et
international. De véritables olympiques où des élèves, qui se sont entraînés pendant des mois, compétitionnent en vue d'obtenir
des prix très convoités (on peut lire, à ce sujet, l’article d’André Balleux, dans le numéro 138 de Vie pédagogique).

Le concours Chapeau les filles! [www.meq.gouv.qc.ca/chapeau] fait l'objet chaque année d'un battage médiatique intéressant. Il
s'agit, pour des filles de la FP, mais aussi pour d’autres, du cégep et de l'université, qui sont inscrites dans des programmes
traditionnellement réservés aux hommes, de faire reconnaître leurs efforts pour y prendre leur place.

Et ce ne sont là que quelques exemples de la vitalité du secteur de la formation professionnelle!

UNE CLIENTÈLE HÉTÉROGÈNE

Qui sont ces élèves qui fréquentent la formation professionnelle? Disons qu'ils sont surtout difficiles à catégoriser…
Paradoxalement, l'hétérogénéité est probablement la caractéristique commune la plus évidente en FP!

En fait, la clientèle de la formation professionnelle est constituée de personnes qui ont au moins 16 ans, mais aussi de certaines
qui peuvent en avoir plus de 60. Les parcours sont variés : formation initiale, retour aux études, réorientation professionnelle,
qualification après une démarche de reconnaissance d'acquis, etc. Imaginez un instant une classe composée d'élèves aussi
différents! C'est pourtant là le quotidien des enseignants de la formation professionnelle.

Tout un défi, c'est évident! Comment stimuler l'intérêt de personnes de générations différentes? Comment maintenir la motivation
d'élèves qui sont inscrits en FP pour des raisons aussi diverses? Comment rejoindre des personnes aux parcours aussi
hétéroclites, autant en classe qu'en atelier?

Les enseignants de la formation professionnelle, d'experts de leur métier qu'ils sont d’abord, deviennent dès lors des pédagogues
aguerris, quand ils doivent faire face à autant de diversité!
Vie pédagogique, no 144 73

POSTFACE

Indubitablement, les données relatives au temps moyen que prennent les collégiens pour compléter un DEC, témoignent de la
difficulté pour plusieurs de trouver une formation répondant réellement à leurs domaines d’intérêt et à leurs capacités. On peut se
demander, que ce soit pour la formation générale ou la formation professionnelle, si les jeunes savent quelle voie emprunter à part
celle qu’on appelle royale, comme si elle était obligatoire.

Ceci est d’autant plus vrai au secondaire, car les autres possibilités sont régulièrement considérées comme des substituts, des
ersatz.

En effet, plusieurs idées reçues circulent à propos de la formation professionnelle au secondaire. Il importe de les déconstruire,
autant auprès des enseignants et des enseignantes qui travaillent en formation générale, que chez les élèves et les parents. Ainsi,
la formation professionnelle est souvent perçue comme assujettie à la formation générale, alors qu’elle a été conçue pour être
équivalente même si le contexte est différent.

La hiérarchie est évidente, dans l’esprit de la majorité des enseignantes, des enseignants, des parents et des gestionnaires. Les
exemples sont légion.

Ces idées reçues relèguent trop souvent la formation professionnelle au dernier rang des possibilités d’études. Toutefois, il est
important de souligner que certains secteurs de formation exigent de la part des élèves des habiletés de haut niveau. Dans le
contexte du renouveau pédagogique, il nous semble important de parler des nouvelles approches (par exemple, l’approche
orientante), des expériences innovatrices, des parcours de formation et de tous les nouveaux encadrements qui réaffirment des
orientations qui remontent au rapport Parent, adaptés au monde actuel à la lumière de l’expérience des 45 dernières années.

Ce dossier devrait donc permettre à tous les intervenants du milieu scolaire d’approfondir leur connaissance du monde de la
formation professionnelle. Il leur sera ainsi possible de mieux la présenter aux élèves, en prenant conscience de la portée de leur
conception de la formation professionnelle sur le choix des élèves.
Vie pédagogique, no 144 74

LUS, VUS ET ENTENDUS

INCHAUSPÉ, PAUL. POUR L’ÉCOLE ― LETTRES À UN ENSEIGNANT SUR LA RÉFORME DES PROGRAMMES,
MONTRÉAL, ÉDITIONS LIBER, 2007, 180 P.

LA RÉFORME : AVANT TOUT UNE RÉFORME DES PROGRAMMES

Huit lettres destinées à l’enseignant – propos faits de commentaires étayés sur la réforme scolaire – dans lesquelles l’auteur
rappelle les origines du renouveau scolaire, en formule les fondements et fait un bref rappel historique de la mise en place de la
réforme, du rapport Corbo à l’énoncé politique de Mme Pauline Marois. Ce livre est l’occasion de clarifier l’intention sous-jacente à la
réforme et de préciser que le Programme de formation de l’école québécoise est le résultat d’un construit social. « Comment
imaginer une démocratie où des citoyens responsables émergeraient des déserts de l’esprit? » (Fernand Dumont, cité par l’auteur
aux pages 7 et 41.)

Dans un langage simple, clair et accessible, M. Inchauspé écrit à cet enseignant qui doit maintenant faire vivre le programme
réformé dans sa classe. Cet enseignant, avant tout « passeur culturel » et « éveilleur d’esprit », a comme responsabilité première
de lire le programme, de s’approprier les contenus à transmettre et de s’inscrire dans la perspective culturelle du programme
d’études, un construit qui exprime les choix sociaux actuels. « Que nous importe une société distincte, dont l’ignorance serait le trait
caractéristique? » (Fernand Dumont)

Dans la première lettre, l’auteur évoque l’idée directrice de la réforme actuelle, soit avant tout une réforme du programme d’études
des élèves du primaire et du secondaire. Ce programme est davantage un ajustement des contenus et des visées à la réalité
sociale actuelle qu’un changement ou un remplacement des programmes précédents. Ainsi, la lecture de programme s’impose en
priorité. D’une part, la culture traverse en perspective toutes les disciplines du programme; d’autre part, l’organisation des contenus
disciplinaires a été révisée de façon à en démontrer les liens plutôt qu’à les juxtaposer les uns aux autres.

Dans la deuxième lettre, l’auteur explique l’option culturelle, qui est le cœur du programme. Il décrit comment cette idée a
progressivement émergé et est devenue la pierre d’angle du nouveau curriculum; le souci était de contrer une approche trop
instrumentale et de donner au programme d’études un caractère unificateur et une vision globale des apprentissages. L’idée de la
culture – qui n’était aucunement limitée aux arts ou aux disciplines à caractère « culturel » – devait être portée par toutes les
disciplines et considérée comme une visée transversale du programme d’études. Un livre de Jérôme Bruner lui a permis de
mesurer l’importance d’agir à la fois sur le contenu et sur le processus d’apprentissage et de rendre l’élève acteur afin de prioriser
l’intégration plutôt que la réception (p. 40). Dans ses réflexions, il ajoute que « ce monde auquel il faut les préparer est un monde
culturel, c’est le produit de représentations et de réalisations humaines. Aussi l’école [est] (…) entrée elle-même dans la culture
puisque les matières qu’on y enseigne sont justement des productions culturelles » (p. 40). Enfin, inspiré par les travaux de
Fernand Dumont sur la migration culturelle (p. 42), l’auteur précise en quoi l’école doit apprécier la migration du jeune, qui passe
d’une culture familiale à la culture du programme d’études, un construit social. Ainsi, l’école « doit aider à résoudre cette tension
pour les jeunes par la qualité culturelle de ses programmes d’études » (p. 43).

La troisième lettre est l’expression du souci de voir aboutir à l’école cette perspective culturelle du programme d’études.
S’interrogeant sur le « pourquoi » de l’école, l’auteur précise qu’elle a la mission de transmettre des savoirs, mais surtout « d’établir
les filiations de ce que l’on transmet » (p. 47). Cela est essentiel quand on observe la crise de sens dans notre société actuelle.
Vie pédagogique, no 144 75

« Or la crise de sens dans une société s’accompagne de la disparition des lieux structurés de transmission. » (p. 47) Ainsi, la mise
à distance s’impose pour mieux mesurer l’impact des connaissances et des savoirs sur la construction de soi-même. « C’est dans
cet écart, cette distance entre la réalité “ étudiée ” et la réalité “ réelle ”, entre le passé et le présent que s’installe la perspective
culturelle. (…) Pour qu’il y ait vraiment culture, les discours de la culture savante doivent venir donner sens à l’expérience, c’est-à-
dire à la culture première » (p. 49). Et l’école devient utile parce que les savoirs culturels qu’elle transmet permettent à l’élève de
« comprendre, vivre et agir dans un monde complexe qui n’est pas un monde naturel, mais un monde construit par les hommes, un
monde culturel » (p. 50). Enfin, l’auteur situe le français, l’histoire, les arts et les sciences dans la perspective culturelle qui prévaut.

La quatrième lettre rappelle que la réforme doit être ancrée dans l’esprit et dans le cœur. « Faire passer un monde dans un autre »
(p. 69), voilà la mission de l’enseignant. « La perspective culturelle (…) est d’abord dans le cœur et l’esprit des enseignants qui
partagent cette perspective, la rendent vivante aux yeux de leurs élèves, en montrant comme elle répond à leur attente de sens, à
leur besoin de comprendre, comme à ceux de tout homme » (p. 70). Les mots, les idées, le temps et les personnages, autant
d’aspects sur lesquels agit le passeur culturel et, pour le faire, il « saisit » l’occasion appropriée. L’auteur, en recourant à des
exemples variés, décrit des situations où l’enseignant passe la culture; cela doit se faire avec générosité.

L’enseignant est aussi éveilleur d’esprit. C’est le thème de la cinquième lettre. Outre la perspective culturelle, les changements
souhaités au programme d’études étaient d’accorder une plus grande place aux savoir-faire et de favoriser une réorganisation des
contenus des disciplines du secondaire. Une autre recommandation visait à valoriser la profession du métier d’enseignant, la
réforme étant une adaptation du programme d’études et non pas l’application d’une approche pédagogique. Dans cette optique,
c’est la transmission de savoirs durables qui préoccupe le professionnel dans la classe. En empruntant à des propos de Jules
Lagneau, l’auteur parle de savoir réel : le savoir-apprendre, le savoir-juger, le savoir-résoudre (p. 88); cela va dans le même sens
que les compétences transversales du programme. Pour y arriver, il faut une meilleure intégration des connaissances, des liens
signifiants entre les savoirs construits et leur mise en réseau. « La formation de l’esprit implique des enseignants qui se
réapproprient l’exercice du jugement. Former des esprits en appliquant des recettes conçues par d’autres est contradictoire » (p.
92). Il faut donc libérer l’espace professionnel; une façon d’y arriver serait de contrer le « verrou de l’évaluation » (p. 95-99). Il faut
oser penser par soi-même, surgissement producteur de liberté (p. 104). « Éduquer, c’est conduire l’enfant, le jeune, de la nature à
la liberté. L’homme est la seule créature qui doive être éduquée » (p. 104). Cela passe par le questionnement, la remise en
question qui ouvre sur la quête intelligente d’une vérité à construire.

Cet enseignant, passeur culturel et éveilleur d’esprit, doit naviguer parfois « à travers les récifs » (p. 111), en eaux troubles. Voilà
l’objet de la sixième lettre. L’auteur traite des questions liées à la profession : Qu’est-ce qu’apprendre? Qu’est-ce qu’enseigner?
Évaluer? Imposer? Écouter? Tout en assurant la transmission des connaissances, l’enseignant doit favoriser la construction de
liens entre elles, leur conjugaison et leur distinction. « Quel est l’équilibre à rechercher dans cette tension enseigner/faire
apprendre? Les qualités nécessaires pour faire ce métier sont l’audace, mais aussi la perspicacité, la clairvoyance, bref la
sagacité » (p. 130). L’école étant une institution sociale, elle a des obligations à assumer. L’apprentissage passe par le désir
d’apprendre; la pédagogie permet à l’élève d’apprécier le plaisir d’apprendre.

Pour exercer le métier d’enseignant, il faut se l’approprier, persister et résister. L’auteur aborde ce sujet dans la septième lettre.
Quant à la question du bulletin, il affirme que ce « n’est jamais seulement une question pédagogique. (…) Elle renvoie aussi à la
confiance que le ministère et la société vous font » (p. 143). Dans cette foulée, l’enseignant doit se réapproprier l’évaluation et
exercer son regard (p. 146) et son jugement professionnel. Pour apprendre, il faut accorder du temps; ainsi, le « cycle est un
espace-temps plus grand que l’année pour approfondir les connaissances. » (p. 147). Il faut mettre fin à l’émiettement des
Vie pédagogique, no 144 76

connaissances et favoriser leur mise en réseau. Il faut du temps au professionnel et du soutien pour s’approprier le programme
d’études. « Le monde moderne a transformé l’éducation en école » (p. 153); l’enseignant, médiateur des connaissances, joue un
rôle social (p. 153 et suivantes), celui d’être un « maître ». « Il faut faire preuve de jugement et chercher, sans cesse, un équilibre
dans l’ajustement des éléments qui constituent les pôles de la relation scolaire : le programme, l’élève, le maître. » (p. 158)
Enseigner est un art! Pour exercer cet art, l’enseignant établit un rapport avec l’élève; cette relation impose une éthique à laquelle
on ne peut se soustraire, qui est fondée sur des valeurs comme l’égalité.

La dernière lettre ouvre sur l’avenir! Ce regard jeté en perspective sur l’avenir impose l’obligation de mémoire, mémoire de notre
héritage, des origines du système d’éducation du Québec et des moments qui l’ont marqué. L’auteur rappelle en quoi le rapport
Parent a été une fracture dans cette histoire de l’éducation et a apporté un nouvel humanisme dans le système scolaire. C’est la
maturation de cette première rupture qui a conduit à la naissance de la réforme du nouveau programme d’études, à partir du
rapport Corbo.

Huit lettres à l’enseignant, huit thèmes pour traiter des questions liées au métier, à la profession. L’auteur replace la réforme
actuelle dans sa perspective originelle. Ses propos bien illustrés invitent à la réflexion; ses commentaires appellent l’enseignant à
assumer dans toute son ampleur ce rôle social qu’il joue dans la classe avec ses élèves. M. Inchauspé se compromet en
partageant les idées qui l’habitent et en démontrant comment elles ont évolué au cours des ans. Un livre à parcourir, un livre à
habiter, un livre à partager, un livre à tenir à portée de la main.

Donald Guertin
Vie pédagogique, no 144 77

VIENNEAU, Raymond. APPRENTISSAGE ET ENSEIGNEMENT. THÉORIES ET PRATIQUES, Montréal, Gaëtan


Morin Éditeur - Chenelière Éducation, 2005, 340 p.

Alors qu’au cours des dernières décennies, le monde de l’éducation a été bousculé par des discours variés, convergents et
divergents, Raymond Vienneau, professeur agrégé à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Moncton, expose en
des mots clairs et précis, dans un langage simple et accessible, les courants qui sous-tendent les options pédagogiques
contemporaines et les orientations scolaires récentes. Il établit des liens explicites et signifiants entre les différentes théories, dans
un discours dépouillé, ni trop savant, ni trop étayé. Les destinataires demeurent les futurs maîtres en formation initiale et les
enseignants sur le terrain en formation continue. « Cet ouvrage a été rédigé avant tout dans une perspective pédagogique. Nous
avons cherché à rendre les plus compréhensibles possible les principales théories et pratiques de l’enseignement-apprentissage1. »
Le défi était de rendre compte de la complexité et de la diversité tout en cherchant à établir des liens2.

Le livre est un exposé; l’auteur décrit, explique, explicite, émet son point de vue, établit des liens, déplie certains concepts,
consolide des notions ou expose une proposition qu’il privilégie; c’est un effort remarquable, car ce livre est un réel outil pour les
maîtres en formation initiale ou continue. Ici, l’auteur n’a pas la prétention de démontrer ni d’argumenter, mais bien de faire valoir la
complexité et la diversité de l’état de la situation. Et, c’est réussi.

Le premier chapitre fait un survol des notions générales et des principaux concepts liés à l’apprentissage et à l’enseignement. Dans
le second, l’auteur expose les grands courants pédagogiques, dont la pédagogie actualisante, dont il décrit les composantes. Les
chapitres 3, 4 et 5 sont construits à partir d’une typologie précise qui a été validée au cours des trente dernières années : il y a le
courant behavioral, le courant cognitif et constructiviste, le courant humaniste et le courant transpersonnel.

Chaque chapitre est construit de la façon suivante : au point de départ, les propositions de lecture et les thèmes du chapitre sont
présentés sous forme de questions; à la fin du chapitre, des pistes de réponse sont formulées pour chaque question exposée au
début. À titre d’exemple, au chapitre 1, l’auteur formule la question suivante : « Quelles sont les diverses conceptions de
l’apprentissage3? » À la page 47, on trouve quatre pistes de réponse qui résument l’exposé de la section du chapitre où cette
question a été traitée. Cette façon de faire permet au lecteur de mesurer son degré de connaissances et d’évaluer la pertinence de
lire en tout ou en partie les sections du chapitre qui traitent du contenu de la question.

Outre cette façon de présenter les contenus des chapitres, le texte est largement illustré de tableaux et de schémas qui soutiennent
le lecteur dans sa compréhension et son organisation en mémoire des sujets exposés. À la fin du chapitre, des lectures sont
recommandées pour poursuivre la réflexion, selon l’intérêt du lecteur. En plus d’avoir ainsi agencé les chapitres, l’auteur a annexé
au livre une bibliographie étayée, un index des thèmes traités et un autre, des auteurs cités.

La proposition de fond de Raymond Vienneau est la pédagogie actualisante, un concept développé par le corps professoral de la
Faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Moncton. Elle est « un processus interactif de socialisation-autonomisation
qui s’adapte aux caractéristiques individuelles de chaque apprenante ou apprenant et qui vise à actualiser le plein potentiel de
chaque élève dans ses dimensions intrapersonnelle, interpersonnelle et sociale. Cette pédagogie comprend plusieurs volets
interdépendants et complémentaires qui, réunis, constituent une conception de vie et une philosophie éducative 4. » La pédagogie
actualisante s’inscrit dans une perspective développementale recherchant l’actualisation; c’est une vision globale et interactive. Elle
débouche sur cinq perspectives : créer un véritable milieu de vie, favoriser une dynamique de socialisation–autonomisation,
favoriser un développement intégral, promouvoir une conception de l’excellence pour tous et créer un climat d’équité5. Selon les
Vie pédagogique, no 144 78

concepteurs, « c’est également un projet porteur de sens, qui s’inspire largement des valeurs véhiculées par le modèle d’éducation
à la citoyenneté démocratique dans une perspective planétaire6 ».

L’auteur reconnaît que cette approche comporte des risques; il en nomme deux : devenir un fourre-tout ou un collage, une
juxtaposition de théories; et provoquer une simplification du geste pédagogique. Pour lui, « l’apprentissage d’un point de vue
humaniste est conçu comme un processus de croissance personnelle, qui amène l’apprenant à mieux se connaître et à
s’autoactualiser en tant que personne unique7 ». « Puisque l’élève ne vient pas à l’école seulement avec sa tête, c’est à la personne
entière de l’apprenant que l’enseignant doit s’adresser, à une personne animée de désirs, d’aspirations et de rêves, à une personne
tentant de répondre, parfois maladroitement, à ses besoins de sécurité, d’appartenance, de pouvoir, de liberté et de plaisir8. »

Certaines réserves sont à considérer. Une distinction entre apprendre et savoir aurait permis de clarifier le concept d’apprentissage.
Également, dans la définition de l’apprentissage dit scolaire, à la page 13, l’auteur évacue la référence explicite à un curriculum
scolaire; c’est une distinction importante pour situer l’apprentissage dans une perspective d’école. L’auteur affirme que sept
principes sont à la base de la conception de l’apprentissage scolaire : l’apprentissage est un processus, interne, constructif,
interactif, cumulatif, produit d’une culture et multidimensionnel9. Un apprentissage en contexte non scolaire ne s’inscrit-il pas dans
un processus similaire?

Ce livre sera un outil pratique pour mieux comprendre les concepts fondateurs et les notions sous-jacentes aux courants
pédagogiques actuels. Selon son rythme, ses champs d’intérêt et ses expériences, le maître en formation – initiale ou continue – y
trouvera une source d’informations agencées de façon intelligente, présentées dans un langage simple et accessible et exposées
dans un souci de soutenir le lecteur dans leur appropriation. Pour approfondir, pour mieux comprendre, une référence intelligente!

Donald Guertin

1
Page IX.
2
Page X.
3
Page 1.
4
Pages 74-75 : citation de FACULTÉ DE L’ÉDUCATION – FSE, Vers une pédagogie actualisante : Mission de la Faculté
des sciences de l’éducation et formation initiale à l’enseignement, Moncton, Université de Moncton, 1999, p. 12.
5
Pages 81-82.
6
Pages 82-83, citation de Ferrer et Allard.
7
Page 274.
8
Page 308.
9
Pages 12-13.
Vie pédagogique, no 144 79

HISTOIRE DE RIRE

Chers lecteurs et lectrices, cette rubrique vous est ouverte. Ne soyez pas égoïstes, faites-nous partager les « bons » mots de vos
élèves ou les faits cocasses, absurdes même, dont vous êtes les témoins dans vos classes ou dans l’école.

Adressez vos envois à : Vie pédagogique, Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, 600, rue Fullum, 10e étage, Montréal
(Québec) H2K 4L1.

Sous la direction de M. Daniel Charest, enseignant d’arts plastiques, les illustrations qui suivent ont été réalisées par des élèves de
la Polyvalente des Monts, de la Commission scolaire des Laurentides.

1. L’enseignante demande à Jean : « Pourquoi fais-tu tes multiplications sur le plancher? » Et Jean répond : « … Parce que
vous m’avez dit de ne pas utiliser mes tables ».

2. « J’ai fait des chaussettes aux pommes avec papa. »

©Vie pédagogique 2007

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