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161 Janvier
Avril/ /
Février
Mai/ /
Mars
juin 2012
2020

RÉFÉRENCES
EN SANTÉ
AU TRAVAIL

>>Revue
Revuetrimestrielle
trimestriellede
del’INRS
l’INRS

CYBERCINÉTOSE EN MILIEU EFFETS SUR LA SANTÉ DES NOIR DE CARBONE


PROFESSIONNEL HORAIRES LONGS DE TRAVAIL NANOSTRUCTURÉ
La maladie de la réalité Revue de la littérature Vers une valeur limite
virtuelle d’exposition professionnelle
RÉFÉRENCES
EN SANTÉ
AU TRAVAIL

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STÉPHANE PIMBERT
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COMITÉ DE RÉDACTION des services de santé
au travail. L'abonnement
Rédacteur en chef : BERNARD SIANO
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Rédactrice en chef adjointe : ANNE DELÉPINE une durée de deux ans.
Rédactrice : EMMANUELLE PERIS Un avis de réabonnement
est envoyé à échéance.
Secrétaire générale de la rédaction : ANNE SCHALLER
+ D’INFOS
Chargée d’études bibliographiques et de veille : ANNIE BIJAOUI www.rst-sante-travail.fr
Correctrice : CYNDIE JACQUIN-BRISBART
Chargée de rubrique Allergologie professionnelle :
NADIA NIKOLOVA-PAVAGEAU
Relecteurs et conseillers médicaux : CATHERINE AUBRY,
MARIE-CÉCILE BAYEUX-DUNGLAS, STÉPHANE MALARD
Assistante de gestion : DÉBORAH PAYAN

COMITÉ SCIENTIFIQUE
AGNÈS AUBLET-CUVELIER, Département Homme au travail, INRS
CATHERINE AUBRY, Direction des Études et recherches, INRS
CHRISTINE DAVID, Département Expertise et conseil technique, INRS
MARIA GONZALEZ, Service de pathologie professionnelle, hôpital civil de Strasbourg
GUY HÉDELIN, Département Épidémiologie en entreprise, INRS
PATRICK LAINE, Département Expertise et conseil technique, INRS
FAHIMA LEKHCHINE, Département Information et communication, INRS
SERGE MÉSONIER, Association française des intervenants en prévention des risques
professionnels de services interentreprises de santé au travail, Cergy-Pontoise
GÉRARD MOUTCHE, Département Formation, INRS
SYLVIE ODE, Groupement des infirmier(e)s du travail, Paris
CHRISTOPHE PARIS, Centre de consultation de pathologie professionnelle et de médecine
environnementale, Centre hospitalier de Rennes
ALAIN ROBERT, Département Toxicologie et biométrologie, INRS

ONT PARTICIPÉ À CE NUMÉRO


DOMINIQUE ABITEBOUL, LAURELINE COATES-VERLEY, PHILIPPE HACHE ET L’ATELIER CAUSSE

Dépot légal 1er trimestre 2020. N° 19120217 - ISSN 2261 - 544X


ACTUALITÉS CONNAISSANCES
ET RÉFÉRENCES
RÉF. PAGE RÉF. PAGE

INFOS À RETENIR GRAND ANGLE


AC 143 P. 5 Contaminations professionnelles par le TC 168 P. 19 Noir de carbone nanostructuré :
VIH, le VHC et le VHB chez le personnel vers une valeur limite d'exposition
soignant : le point au 31 décembre 2018 professionnelle
sommaire

AC 144 P. 8 Avis de l'ANSES relatif aux « Risques TC 169 P. 39 Effets sur la santé des horaires
sanitaires pour les travailleurs liés aux longs de travail : revue de la
activités de gestion des déchets » littérature

AC 145 P. 9 Prévention des conduites addictives : VU DU TERRAIN


un outil de sensibilisation ludique TF 276 P. 49 Évaluation de l'impact
psychologique du télétravail
AC 146 P. 10 Particules fines : pour un nouveau
souffle dans le BTP TF 277 P. 59 Bisphénol S dans le papier
thermique : quelle exposition
PARTICIPEZ À LA RECHERCHE cutanée pour les agents de caisse ?
P. 13 Exposition professionnelle
aux diisocyanates : étude de TF 278 P. 67 Appareils de protection
biosurveillance dans le cadre du projet respiratoire utilisés dans les
européen HBM4EU
établissements de santé français
dans le cadre des précautions
NOUVEAUTÉS DE L’INRS « air » en 2018
P. 14 Brochures, affiches, dépliants,
documents en ligne… SUMER : quels sont les salariés
TF 279 (16 p.) concernés par le télétravail ?
(uniquement sur le site de la revue)

SUIVI POUR VOUS


TD 270 P. 75 Consommations (avec ou
sans produits) et milieux
professionnels : quelle prévention
en 2019 ? Colloque de la SFMT.
Paris, 20 septembre 2019

TD 271 P. 83 Infirmier de santé au travail :


un expert pour la santé des
salariés. 13es Journées d'études et
de formation du Groupement des
infirmiers de santé au travail (GIT).
Toulouse, 9-11 octobre 2019

MISE AU POINT
TP 38 P. 89 Bruits impulsionnels, un danger
mal connu ?

TP 39 P. 97 L'infection à cytomégalovirus : où
en est-on ?

TP 40 P. 107 Cybercinétose en milieu


professionnel

2 N° 161 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2020


OUTILS
REPÈRES www.rst-sante-travail.fr

RÉF. PAGE
EN LIGNE :
VOS QUESTIONS/NOS RÉPONSES Enquête SUMER 2016-2017 : quels sont les
QR 145 P. 117 Exposition aux rayonnements salariés concernés par le télétravail ?
ionisants : quelles informations TF 279, 16 p.
dosimétriques peuvent être

sommaire
transmises ?

QR 146 P. 119 Vibrations transmises par les


ABONNEZ-VOUS
machines portatives : faut-il
GRATUITEMENT
privilégier les machines thermiques
À LA REVUE
ou électriques?
EN UN CLIC
QR 147 P. 120 Travailleurs prestataires ou sous-
traitance : quelles sont les obligations
ET POUR 2 ANS :
des différents employeurs,
notamment en matière de risques www.rst-sante-travail.fr
psychosociaux ?

RISQUES PSYCHOSOCIAUX
FRPS 13 P. 123 Hospital Anxiety and Depression Scale Chaque mois, la rubrique « Juridique » est
(HADS) à retrouver sur : www.inrs.fr/header/actua-
lites-juridiques.html

À VOTRE
SERVICE
PAGE

P. 129 AGENDA

P. 131 FORMATIONS

P. 135 À LIRE, À VOIR

P. 137 RECOMMANDATIONS
AUX AUTEURS

MARS 2020 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 161 3


1
ACTUALITÉS
P. 5 INFOS À RETENIR

P. 13 PARTICIPEZ À LA RECHERCHE

P. 14 NOUVEAUTÉS DE L’INRS

N° 161 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2020


AC 143
INFOS À RETENIR

Contaminations professionnelles
par le VIH, le VHC et le VHB chez
le personnel soignant : le point
au 31 décembre 2018

L a transmission possible aux professionnels


de santé de virus tels que le virus de l’immunodé-
ficience humaine (VIH) mais aussi de l’hépatite C
gique, prophylaxie post-exposition). Elle est complé-
mentaire de celle des AES.

(VHC) et de l’hépatite B (VHB) lors d’accidents expo- Définitions


sant au sang (AES) a incité à analyser les facteurs de
risque de ces accidents et à développer des stratégies Séroconversion professionnelle
de prévention pour améliorer la sécurité des soi- Dans le cadre de cette surveillance épidémiologique,
gnants. L’application des précautions standard ainsi une séroconversion professionnelle chez un person-
que l’utilisation de matériels de sécurité ont notam- nel de santé est définie par l’ensemble des critères
ment permis de diminuer la fréquence des AES [1, 2]. suivants :
Le caractère évitable de ces accidents n’est cependant O une exposition professionnelle accidentelle per-
pas absolu, d’où l’importance d’une surveillance des cutanée ou cutanéo-muqueuse à du sang ou à un
AES, mise en place au sein de chaque établissement liquide biologique potentiellement contaminant ;
de soins par le médecin du travail, afin de suivre O un statut viral négatif au moment de l'exposition
leurs circonstances de survenue, qui peuvent varier (anticorps (Ac) anti-VIH, Ac anti-VHC ou antigène HBs
en fonction de modifications dans l’organisation du et Ac anti-HBc négatifs) ;
travail, la formation des personnels, le choix de maté- O une séroconversion VIH, VHC ou VHB dans les 6
* Ce délai de riels... mois* après l’exposition (apparition des Ac anti-VIH
6 mois est à visée
Parallèlement à la surveillance des AES, un recense- ou des Ac anti-VHC ou des AgHBs et Ac anti-HBc né-
de surveillance.
En revanche, le ment des contaminations virales survenues chez des gatifs, ou détection de l’ARN du VIH ou du VHC par
délai actuellement soignants dans les suites d’un AES est essentiel afin de PCR suivie d’une positivation des anticorps).
retenu comme caractériser les accidents à haut risque de transmis- En l’absence d’une sérologie de base négative réali-
critère médico- sion. sée au moment de l’exposition, un profil d’infection
légal de
Une surveillance des contaminations professionnelles récente dans les suites d’une exposition accidentelle
reconnaissance
d’une VIH, VHC et VHB survenues après un AES a ainsi été permettra aussi de définir une séroconversion profes-
séroconversion mise en place par l’InVS (Institut de veille sanitaire) sionnelle, tout comme une comparaison des souches
professionnelle (devenu Santé Publique France), en lien avec le GERES virales montrant la similitude du virus du patient
est de 6 semaines (Groupe d’étude sur le risque d’exposition des soignants source et de la victime.
(arrêté du 27 mai
aux agents infectieux) en 1991 pour le VIH, en 1997 pour
2019.)
le VHC et en 2005 pour le VHB. Depuis le 1er mai 2017, elle Infection présumée
a été transférée, par Santé Publique France, au GERES Concernant le VIH, sont aussi recueillies les infections
qui en assure la mise en œuvre. L’analyse des données présumées, qui sont définies par la découverte d’une
est assurée en collaboration avec Santé Publique France séropositivité VIH chez un personnel de santé ayant
dans le strict respect de la confidentialité. exercé au contact de patients infectés par le VIH, ce
Les objectifs de la surveillance sont de participer à soignant n’ayant pas d’autre mode de contamination
l’identification et à la prévention des expositions pro- pour le VIH retrouvé. Cette définition n’est pas utilisée
fessionnelles à haut risque et d’aider à l’amélioration pour les hépatites, car il est plus difficile d’éliminer les
de la prise en charge après exposition (suivi biolo- facteurs de risque non professionnels.

MARS 2020 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 161 5


INFOS À RETENIR

,Encadré

Sources d’information Déclaration de contamination


professionnelle par le VIH, le VHC ou
Les sources d’information sont principalement les le VHB après accident exposant au
médecins du travail mais aussi les CPIAS (Centre de sang (AES)
prévention des infections associées aux soins), infec-
tiologues, hépatologues. Elles sont complétées par Tout médecin ayant connaissance d’une
l’analyse des déclarations obligatoires d’infections contamination professionnelle par le VIH, le
VIH chez les professionnels de santé et les signale- VHC ou le VHB après un AES, doit la déclarer
ments éventuels d’infections nosocomiales. en utilisant les formulaires disponibles sur le
Les données sont recueillies sur la base de question- site du GERES (www.geres.org/aes-et-risques/
naires non nominatifs, disponibles sur le site du epidemiologie-du-risque-infectieux/).
GERES (encadré). Les informations collectées font
l’objet d’un traitement informatique autorisé par la Les formulaires sont à adresser sous pli confidentiel au :
Commission nationale de l’informatique et des liber- GERES
tés (CNIL) et sont publiées de manière totalement Dr Dominique ABITEBOUL
anonyme, sans faire notamment apparaître le nom UFR de Médecine Bichat
des établissements d’appartenance des soignants. 16, rue Henri Huchard
75018 PARIS
Résultats
que chez 4 d’entre eux, qui ont poursuivi leur traite-
Contaminations professionnelles VIH ment pendant au moins 15 jours avec une observance
Le nombre de contaminations VIH chez le personnel semble-t-il correcte (3 monothérapies par AZT en
de santé déclarées au 31 décembre 2018 sur près de 1990, 1994 et 1996 et une trithérapie en 1997).
30 ans, s’élève à 14 et le nombre d’infections présu-
mées à 35. La distribution des contaminations VIH au Contaminations professionnelles VHC
cours du temps est présentée en figure 1. La dernière Depuis la mise en place de cette surveillance, et
remonte à 2004. jusqu’au 31 décembre 2018, ont été recensées 73
Il s’agit de 13 piqûres avec aiguille creuse, majori- contaminations professionnelles VHC chez le person-
tairement lors de prélèvements veineux chez des nel de santé (figure 2).
infirmier(ière)s et d’une projection massive au visage Il s’agit essentiellement de piqûres avec des aiguilles
chez un secouriste. Au moins 8 étaient évitables par intra-veineuses, mais parfois aussi avec des aiguilles
l’application des précautions standard. creuses ne contenant a priori pas de sang (9 sous-
Parmi les 6 personnels de santé ayant bénéficié d’une cutanées, 2 intra-musculaires) ou avec des aiguilles
prophylaxie antirétrovirale, on ne peut parler d’échec pleines (2 cas, suture et lancette). Il faut noter que 3

Figure 1 : Contaminations professionnelles par le virus de l’immunodéficience humaine chez le personnel de santé
selon l’année de l’accident exposant au sang (AES) (au 31/12/18)

*AZT : azithromycine (date des premiers


traitements)
**PEP : prophylaxie post-exposition
***ARV avec IP : anti-rétroviraux avec
inhibiteur de protéase

(l'année précise de l’AES est inconnue


pour 8 infections présumées anciennes)

6 N° 161 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2020


Figure 2 : Contaminations professionnelles par le virus de l’hépatite C documentées chez le personnel de santé selon
l’année de l’accident exposant au sang (AES) (au 31/12/18)

*IFN : interféron
**RIB : Ribavirine
***Peg IFN : interféron pegylé
****IP : inhibiteur de protéase

séroconversions sont survenues après coupure et 2 VIH dès la découverte de la séropositivité VIH est une
suite à un contact sanguin sur peau lésée. La moitié source d’information utile et complémentaire par
était évitable par le respect des précautions standard. rapport aux notifications de contamination profes-
Le dernier cas recensé en 2017 concerne un chirurgien sionnelle VIH faites par les médecins du travail.
chez qui une contamination professionnelle a été La surveillance montre que le nombre de contami-
évoquée devant une hépatite C aiguë. Un AES cau- nations par le VIH ou le VHC a diminué au cours du
sal a été recherché : un AES survenu plusieurs mois temps, en particulier concernant le VIH, puisqu’au-
auparavant a été retrouvé mais le patient source était cun cas n’a été déclaré depuis 2004. Le faible nombre
négatif pour le VHC. Cet AES n’est donc pas en cause. de contaminations pendant les années les plus ré-
Néanmoins, à cette occasion, une sérologie J0 a été centes peut s’expliquer par la poursuite des efforts de
réalisée chez le chirurgien montrant une séronéga- prévention des AES, ayant permis une diminution de
tivité VHC. Ce chirurgien a opéré 100 patients entre leur incidence.
cette dernière sérologie VHC négative et le diagnos- D’autres facteurs jouent également un rôle impor-
tic de son hépatite clinique. Ils ont tous été reconvo- tant, comme les traitements antirétroviraux post-ex-
qués. Une seule patiente s’est révélée VHC+ avec une position au VIH dont l’efficacité a été démontrée et
charge virale élevée : son infection VHC était connue les progrès thérapeutiques accomplis en matière de
depuis 1998 mais n’avait jamais été ni explorée ni prise en charge des patients infectés par le VIH ou le
traitée. Le chirurgien l’avait opérée d’une prothèse VHC qui permettent une chute voire une négativa-
de hanche quelques semaines avant l’apparition de tion de leur charge virale et donc une baisse de leur
l’hépatite aiguë. Il ne se souvenait pas d’un AES précis infectiosité.
lors de l’intervention mais celle-ci fut longue, hémor- L’absence de contamination VHB témoigne de l’effica-
ragique, avec fracture du trochanter nécessitant une cité de la vaccination, obligatoire chez les soignants.
ostéosynthèse, ce qui rend les piqûres hautement
probables et les projections abondantes. La respon- Remerciements à tous les médecins qui participent
sabilité de cette patiente dans la contamination a à cette surveillance.
été affirmée par génotypage et séquençage des virus
permettant d’en assurer l’identité.

Contaminations professionnelles VHB BIBLIOGRAPHIE


Aucune séroconversion VHB n’a été déclarée depuis [1] FLORET N, ALI BRANDEMEYER O - Surveillance des accidents avec exposition
2005. au sang dans les établissements de santé français. Réseau AES-RAISIN.
France. Résultats 2015. Santé Publique France, 2017 (https://www.san-
Discussion et conclusion tepubliquefrance.fr/docs/surveillance-des-accidents-avec-exposition-au-
sang-dans-les-etablissements-de-sante-francais.-reseau-aes-raisin-france.-
Même si l’exhaustivité de cette surveillance est dif- resultats-2015).
ficile à évaluer, l’existence de sources d’information [2] LAMONTAGNE F, ABITEBOUL D, LOLOM I, PELLISSIER G ET AL. - Role of safety-engi-
multiples permet de limiter la sous-déclaration. En neered devices in preventing needlestick injuries in 32 French hospitals.
particulier, la déclaration obligatoire des infections Infect Control Hosp Epidemiol. 2007 ; 28 (1) : 18-23.

MARS 2020 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 161 7


AC 144
INFOS À RETENIR

Avis de l’ANSES relatif aux


« Risques sanitaires pour les
travailleurs liés aux activités
de gestion des déchets »

L’ Agence nationale de sécurité sanitaire de


l’alimentation, de l’environnement et du travail
(ANSES) a rendu un avis concernant les risques pro-
Lors de cette première phase, une terminologie com-
mune a été établie par le groupe de travail, fournie
dans le rapport, et qui définit notamment le terme
fessionnels dans le secteur de la gestion des déchets. de filière comme l’ensemble des étapes unitaires
Il s’agit de la première phase de son travail sur ce su- (collecte, tri, recyclage…) mises en œuvre pour la ges-
jet, dont l’objectif était d’identifier les filières ou flux tion d’un type de déchet, de sa production jusqu’à sa
de déchets d’intérêt en termes de risques sanitaires valorisation ou son élimination. Une liste de filières
pour les travailleurs. La deuxième phase consistera a ainsi été dressée pour être analysées en termes de
en des études de cas pour approfondir les connais- risques sanitaires pour les salariés. Le groupe de tra-
sances issues de la première. vail a également défini les critères à étudier : quanti-
L’ANSES rappelle que ce secteur, parmi les plus sinis- tés de déchets, effectifs de travailleurs, dynamiques
trés en termes d’accidents de travail, comprend les ac- socio-économiques et techniques (ancienneté de la
tivités de collecte, de valorisation (transformation des filière et évolution probable à 5 ans), risques sanitaires
déchets en matière première ou en énergie) et d’élimi- pour les travailleurs et leur niveau de documentation
nation. L’activité de valorisation est en plein essor du (classification réglementaire en dangerosité des dé-
fait des politiques d’économie circulaire. chets, risques chimiques et biologiques, autres types
De par la grande variété de déchets et de procédés de de risques), permettant de catégoriser les filières et de
gestion, les expositions professionnelles potentielles faire des recommandations ciblées.
sont multiples : risques chimiques (cancérogènes, Ainsi, trois filières présentent un intérêt particulier
par exemple), biologiques (bactéries, moisissures, par pour la deuxième phase de cette expertise : les filières
exemple), physiques (bruit, vibrations, par exemple), « déchets du BTP », « bois » et « emballages ménagers ».
risques liés à l’organisation du travail (manutentions, L’ANSES conduira en premier lieu une évaluation des
gestes répétitifs, contraintes posturales, par exemple), risques dans cette dernière filière.
risques d’accident liés aux équipements, à la circula- Par ailleurs, les filières « véhicules hors d’usage » et
tion ou aux déchets eux-mêmes (risques électrique, in- « biodéchets valorisés par méthanisation » sont priori-
cendie, explosion, risque routier, risque de coupure, par taires en termes d’acquisition de connaissance, raison
exemple), risques pour la santé psychique (manque pour laquelle l’ANSES propose de les inclure aux pro-
de reconnaissance, horaires atypiques, violences ex- jets de recherche du programme national de recherche
ternes, par exemple). Sont à noter également le risque Environnement-Santé-Travail qu’elle finance.
d’exposition aux poussières et la problématique de la Enfin, l’ANSES formule des recommandations pour
poly-exposition. Par ailleurs, les risques sanitaires se améliorer les connaissances concernant les risques
modifient du fait de l’évolution des produits à traiter professionnels, la sensibilisation à la prévention de ces
(panneaux solaires, par exemple), des activités profes- risques et le suivi médical des salariés de ce secteur.
sionnelles (augmentation des activités de tri) et des Elle recommande également d’intégrer les impacts
technologies de collecte, tri et traitement. pour la santé de ces professionnels dans les activités
L’ANSES fait le constat d’un manque de données pré- d’écoconception.
cises sur les risques sanitaires pour les professionnels
de la gestion des déchets. Lorsque des données sont Pour en savoir plus : https://www.anses.fr/fr/content/
disponibles, elles concernent essentiellement les nui- gestion-des-d%C3%A9chets-mieux-conna%C3%AEtre-
sances chimiques. les-risques-sanitaires-pour-les-professionnels

8 N° 161 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2020


AC 145

Prévention des
conduites addictives :
un outil de
sensibilisation ludique
F. Tallandier, Groupement interprofessionnel médical
et social aubois, Troyes

D ans le cadre de la prévention des risques liés


aux conduites addictives, notamment en lien avec
le cannabis, une entreprise de recyclage de déchets
électriques et électroniques a sollicité son service de
santé au travail (SST) pour l’accompagner dans cette des informations sur la chicha (pratique souvent bana-
démarche. Le SST a pris en charge l’organisation lisée en termes de conséquences pour la santé).
d’une action de sensibilisation et d’information de Devant la difficulté de trouver un support de commu-
l’ensemble des salariés de cette entreprise. nication adapté aux participants, une plaquette d’in-
Pour ce faire, l’équipe pluridisciplinaire a recherché des formation « cannabis et travail » a été parallèlement
outils adaptés aux différents métiers de l’entreprise rédigée à l’intention des salariés et validée en réunion
(direction, personnel administratif, maintenance, opé- pluridisciplinaire du SST. Elle reprend les thèmes abor-
rateurs des chaînes de tri…) et a contacté l’antenne lo- dés dans les outils d’information en insistant sur les
cale de l’institut régional d’éducation et de promotion conséquences en milieu de travail. Un test d’évalua-
de la santé (IREPS), qui met à la disposition des préven- tion de la consommation est également proposé, avec
teurs ses ressources documentaires. les adresses utiles des différentes associations dans le
Un outil a particulièrement retenu l’attention du SST : département.
le jeu de l’oie « Kancèton ». Cet outil pédagogique, habi- L’intervention du SST a été annoncée par une cam-
tuellement utilisé en milieu scolaire et médico-social, pagne utilisant les affiches de l’INRS concernant les
permet d’animer des temps d’échanges pour tout pu- addictions. Les informations/sensibilisations délivrées
blic. Il est développé par l’association Oppelia (https:// par le médecin du travail et l’infirmière de santé au
www.oppelia.fr/), dont l’objet est d’apporter une aide travail ont concerné des groupes d’une dizaine de sala-
aux personnes rencontrant des difficultés psycholo- riés constitués à la fois de personnel de production et
giques, sociales et sanitaires, en particulier celles liées de bureau. Deux à trois équipes se sont formé lors des
à l’usage de drogues et aux addictions. Ce jeu a pour séances pour participer au jeu de l’oie « Kancèton ».
objectifs, notamment, d’apporter des connaissances sur Cette approche ludique a favorisé les échanges. Les
les drogues et de faire réfléchir à son positionnement réactions assez libres au cours de la partie montrent
face aux addictions avec ou sans produit. Il est constitué une perception des risques parfois très différente des
d’un plateau, de pions, de dés et de 120 cartes abordant uns et des autres. Ces séances ont montré une certaine
4 thèmes : les idées reçues, les usages et effets, les pro- confusion dans la compréhension d’informations re-
duits et leurs modes de consommation, les lois. layées par les médias sur le cannabis thérapeutique et
Une sélection des cartes thématiques du jeu « Kancè- l’éventuelle dépénalisation de la consommation, ainsi
ton » a été réalisée, en privilégiant celles concernant le qu’une relative méconnaissance du dépistage en en-
cannabis. Des cartes supplémentaires ont été rédigées treprise et de ses modalités (en particulier du risque de
par le médecin du travail et l’infirmière de santé au sanction). Les conséquences sur la santé ont été parfois
travail pour prendre en compte l’impact des conduites minimisées.
addictives sur l’activité professionnelle, la conduite À la fin de chaque séance, la plaquette d’information a
de véhicule et la pratique du dépistage en entreprise été remise en expliquant son contenu et la possibilité
(conditions du dépistage et organisation…), ainsi que de retrouver les différents thèmes abordés.

MARS 2020 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 161 9


AC 146
INFOS À RETENIR

Particules fines : pour un nouveau


souffle dans le BTP

L es 35es Journées nationales de santé au travail


du Bâtiment et travaux publics (BTP), organisées à
Metz en 2019 par le Service interentreprises de santé
gènes respiratoires. En revanche, pour la nuisance
« amiante », le suivi post-exposition, puis post-profes-
sionnel, défini par la Commission d’audition réunie
au travail du Bâtiment, des travaux publics et activi- par la Haute Autorité de santé (HAS) en 2010, pour
tés connexes (SIST BTP) de la Lorraine, en partenariat mettre en évidence d’éventuelles pathologies pleu-
avec le Groupement national multidisciplinaire de rales ou parenchymateuses bénignes chez les sujets
santé au travail dans le BTP (GNMST BTP), avaient antérieurement exposés, reste d’actualité dès lors que
pour thème : « Particules fines : pour un nouveau les sujets ont eu un niveau d’exposition cumulée jugé
souffle dans le BTP ». Elles s’articulaient autour de intermédiaire ou fort.
quatre grands titres : les particules fines passées au
tamis ; silice : la transparence cristalline ; soudage : Effets sanitaires de la silice : résultats de
derrière l’écran de fumée ; pleins phares sur le diesel. l’Expertise collective de l’ANSES 2019
L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimen-
Effets sur la santé des particules fines et tation, de l’environnement et du travail (ANSES) a mis
ultrafines en place un groupe de travail « silice cristalline » afin
Les conséquences sanitaires de l’inhalation de par- d’actualiser l’ensemble des connaissances concernant
ticules sont bien établies dans la littérature. Les don- les risques pour la santé des professionnels exposés.
nées recueillies permettent de dépasser le modèle Concernant la silicose, l’analyse de la littérature met
traditionnel des pneumoconioses sur lequel est basée en évidence la fréquence de l’atteinte ganglionnaire,
la réglementation tant sur les aspects d’évaluation de avec présence de nodules silicotiques, isolée ou asso-
risque, de prévention que de réparation. Les principaux ciée à l’atteinte pulmonaire. Il existe des arguments
déterminants des effets délétères des particules inha- démontrant que cette forme ganglionnaire précède
lées sont : la taille des particules et la distribution gra- la silicose pulmonaire et que cette forme devrait être
nulométrique de l’aérosol ; la surface totale et la réacti- incluse dans la définition de la pathologie. Concer-
vité de surface ; la structure cristalline ou amorphe ; la nant le CBP, l’analyse des données récentes de la lit-
chimie intrinsèque et celle de surface ; la solubilité et térature est en faveur d’un lien avéré entre silice et
la biopersistance ; le rapport d’élongation ; la dose et le CBP et ce indépendamment de la présence d’une
débit de dose. Les effets peuvent être locaux au niveau silicose. Le lien entre exposition à la silice et plusieurs
broncho-pulmonaire mais aussi à distance du fait de la pathologies auto-immunes et respiratoires est égale-
translocation régionale et systémique des particules, ment confirmé. Enfin, l’analyse des relations dose-ré-
sans oublier des effets indirects secondaires aux réac- ponse silice-silicose, montre clairement que la valeur
tions inflammatoires pulmonaires. limite d’exposition professionnelle (VLEP) actuelle
(0,1 mg/m3) est associée à une évaluation de risque
Quelle surveillance en cas d'expositions à individuel supérieur à 1/1000 et doit donc être révisée.
des cancérogènes bronchiques ?
Les cancers bronchopulmonaires (CBP) sont les plus Évaluation des expositions à la silice cris-
fréquents des cancers professionnels en France. Les talline dans le métier de maçon finisseur
étiologies professionnelles des CBP sont importantes à Le risque lié aux travaux exposant aux poussières de
connaître pour un repérage des situations d’exposition silice, reconnus cancérogènes par l’Union européenne,
par l’équipe de santé au travail et la mise en place de demeure sous-estimé et sous-évalué. Une étude mé-
mesures de prévention. En l’état actuel des connais- trologique a donc été engagée pour estimer l’exposi-
sances, et en dehors de l’expérimentation, il n’est pas tion à la silice cristalline dans le métier de maçon finis-
recommandé de pratiquer en routine des scanners seur afin d’optimiser les moyens de prévention et de
thoraciques dans la perspective d’un dépistage du protection des travailleurs. Cette étude s’est intéressée
CBP après exposition professionnelle à des cancéro- aux situations de travail de tronçonnage, de décou-

10 N° 161 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2020


page, de ponçage, de carottage et de piquage de béton. En ce qui concerne le risque de CBP, les recommanda-
Treize services de santé au travail et des laboratoires tions HAS/INCa (Institut national du cancer), de 2015,
interrégionaux de chimie ont réalisé un total de 87 pré- prévoient une expérimentation sur le dépistage de
lèvements dans 37 entreprises. Un indice d’exposition CBP par scanner thoracique faiblement dosé chez les
supérieur à la valeur limite a été trouvé dans 43 % des sujets exposés ou ayant été exposés professionnelle-
cas, et 63 % des travailleurs ne bénéficiaient d’aucune ment à des agents cancérogènes pulmonaires (comme
protection collective. Néanmoins, 88 % des salariés la silice cristalline) et à haut risque de CBP. Pour les
observés portaient un appareil de protection respira- autres effets sanitaires établis (insuffisance rénale,
toire individuel prouvant la prise de conscience de la maladie auto-immune), il n’y a pas actuellement de
problématique « poussières ». dispositions envisagées autre que le suivi clinique à
la recherche des manifestations systémiques de ces
Caractérisation d’aérosols de silice cristal- affections. Ces propositions feront l’objet d'une éva-
line lors de sollicitations de matériaux BTP luation dans le cadre de l'élaboration de recommanda-
en chambre d’émission tions sous l'égide de la Société française de médecine
Une étude a été menée afin de disposer de données du travail.
sur l’exposition à la silice cristalline d’ouvriers présents
sur les chantiers de travaux publics ou de maçonnerie Exposition à la silice, aux fumées de sou-
bâtiment. Le protocole de laboratoire mis au point par dage et aux émissions de moteur diesel :
l’Institut national de l’environnement industriel et résultats de l’enquête SUMER 2017
des risques (INERIS) et le GNMST BTP porte sur trois En 2017, près de 330 000 salariés du secteur privé
échantillons : une bordure en béton, un pavé en granit étaient exposés à la silice (1,8 % de l’ensemble des
et un parpaing. Les deux premiers sont découpés par salariés), 712 000 aux fumées diesel (3,9 %) et 460 000
disqueuse et le dernier percé à l’aide d’une perceuse en aux fumées de soudage (2,5 %). Les durées d'exposition
vue de simuler les sollicitations usuelles des chantiers. courtes de moins de 2 heures par semaine concer-
De nombreuses émissions de nano-silice cristalline naient 36 % des salariés exposés à la silice, 33 % aux
libre ont été observées pendant les études en labora- fumées diesel ainsi que 48 % aux fumées de soudage.
toire des découpes de béton et granit. En revanche, le Dans le secteur de la construction, les ouvriers qualifiés
perçage du parpaing a généré préférentiellement des restaient les plus exposés à ces 3 agents. Il est constaté
composites de diamètres moyens inférieurs au micro- une nette diminution des durées d'exposition pour la
mètre sans émission de nano-silice observable. Par silice et les fumées de soudage depuis 2003. Entre 2003
ailleurs, la Caisse de retraite et de la santé au travail et 2017, la mise en œuvre de la ventilation générale a
(CARSAT) Aquitaine a procédé à la détermination de progressé mais les autres moyens de protection col-
la concentration moyenne de la fraction alvéolaire de lective sont restés insuffisants. Le port d’équipements
silice cristalline montrant des teneurs élevées. Ceci est de protection individuelle respiratoire a augmenté. La
de nature à alerter sur les niveaux d’exposition dans multi-exposition à au moins trois produits chimiques
les chantiers de BTP et montrent l’intérêt de pour- concernait, en 2017, 73 % des salariés exposés à la silice,
suivre ces travaux de recherche. 75 % aux fumées diesel et 85 % aux fumées de soudage.
La connaissance de ces résultats est un levier essentiel
Proposition de surveillance médico-pro- pour améliorer la prévention.
fessionnelle des salariés exposés à la silice
cristalline Exposition aux fumées de soudage : quel
Une réflexion est lancée pour élaborer des recomman- impact sur la santé humaine ?
dations de surveillance médicale des sujets exposés Les fumées de soudage émises sont composées d’un
ou ayant été exposés à la silice cristalline. Des propo- aérosol chimique complexe, comportant une phase
sitions ont été formulées concernant les effets respi- gazeuse et une phase particulaire (micro- et nanopar-
ratoires non cancéreux et non infectieux (différentes ticulaire), dont la composition chimique varie notam-
formes cliniques de silicose, bronchopneumopathie ment en fonction du type de technique de soudage,
chronique obstructive, emphysème), le dépistage se- du métal d’apport et du décapant employés. En 2018,
rait basé sur les tests fonctionnels respiratoires, voire le Centre international de recherche sur le cancer
sur l’imagerie thoracique. En ce qui concerne le risque (CIRC) a classé les fumées de soudage, d’une part, et
de tuberculose maladie (TM), celui-ci étant augmenté les radiations ultraviolettes issues du procédé, d’autre
même en l’absence de silicose déclarée, il semblerait part, dans le groupe 1, c'est-à-dire comme agents can-
judicieux de proposer un dépistage de la TM mais éga- cérogènes pour l’homme (CIRC 1). Les déterminants
lement de l’infection tuberculeuse latente (ITL). Le rap- de la toxicité respiratoire des fumées de soudage sont
port coût-efficacité n'apparaît pas en faveur d'un dé- encore méconnus, mais le rôle des particules métal-
pistage de l’ensemble des salariés, lequel devrait être liques émises est fortement suspecté dans la survenue
réservé aux populations à haut risque d’ITL ou de TM. de certaines pathologies, en particulier celui des nano-

MARS 2020 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 161 11


INFOS À RETENIR

particules représentant environ 5 à 10 % de la masse (monoxyde de carbone, oxydes d’azote, benzène, for-
totale et 80 % du nombre de particules émises, expli- maldéhyde, hydrocarbures aromatiques polycycliques
quant en partie la survenue de fibroses pulmonaires - HAP - légers) ainsi que des polluants adsorbés sur les
chez les soudeurs. particules fines (carbone organique et élémentaire,
nitroarènes, HAP lourds). Certains chantiers incluent
Exposition aux fumées de soudage et stra- l’application d’enrobés bitumineux. Du fait de la toxi-
tégies de surveillance biologique de l’expo- cité des gaz d’échappement des moteurs diesel (CIRC 1)
sition pour le médecin du travail et des fumées de bitumes (CIRC 2B), classés peut-être
L’évaluation des risques liés aux fumées de soudage est cancérogènes pour l’homme), l’évaluation des expo-
complexe du fait de la multiexposition qui rend néces- sitions professionnelles est indispensable. Face à une
saire la priorisation des polluants à mesurer. La nature exposition aux fumées de diesel et/ou bitumes, une
à la fois locale (irritative, inflammatoire) et systémique première caractérisation des polluants atmosphé-
(cancérogénicité, syndromes pseudoparkinsoniens) riques principaux (particules fines, CO, oxydes d’azote,
de la toxicité des fumées doit orienter les préventeurs HAP, indice global fumées de bitumes) permet d’éva-
conjointement vers la métrologie atmosphérique et luer le cocktail de polluants et les expositions respi-
la surveillance biologique. Le choix des biomarqueurs ratoires. La surveillance biologique des expositions
est guidé par la composition des métaux d’apport professionnelles est utile en complément pour mesu-
(chrome et nickel pour les aciers inox, manganèse…), rer l’imprégnation réelle des travailleurs. La stratégie
de la nature des métaux de base (aluminium) ou de recommandée consiste à mesurer les métabolites
leurs revêtements (cadmium), des alliages spéciaux urinaires des HAP majoritaires dans ces fumées. Le
(cobalt, béryllium). Des travaux de recherche montrent 1-hydroxypyrène, les 2- et 3-fluorénols ainsi que les 2-
qu’il est possible d’aller plus loin dans la surveillance et 3-phénanthrols sont à privilégier du fait d’une meil-
biologique, par l’analyse des polluants dans d’autres leure corrélation avec l’exposition et d'une moindre
matrices telles que le condensat d’air exhalé, le liquide interférence du tabagisme.
de lavage nasal ou les cheveux. Le développement de la
métabolomique offre également de nouvelles perspec- Contrôle sur site du bon fonctionnement
tives, par l’identification de molécules traceurs reflé- des filtres à particules pour engins non-
tant les conséquences biologiques de cette exposition routiers
au niveau métabolique, inflammatoire, protéique… Les émissions diesel sont à l’origine d’altération de la
fonction pulmonaire, d’induction et d’aggravation de
Fumées de soudage : dispositions régle- l’asthme, d’augmentation de la mortalité par mala-
mentaires et mesures de prévention dies cardiovasculaires et respiratoires. La nouvelle
Dans les ambiances de travail, les concentrations réglementation européenne relative à l’émission
de fumées de soudage peuvent être très élevées et en polluants par les engins non-routiers, applicable
atteindre plusieurs dizaines de mg/m3. En France, depuis 2017, se traduit par une exigence de diminu-
la VLEP pour la totalité des particules composant les tion drastique de l’émission en particules d’un fac-
fumées de soudage est de 5 mg/m3 (fraction alvéo- teur environ 100 par rapport aux limites antérieures.
laire). Il existe également des VLEP pour de nom- Seuls les systèmes de filtres à particules (FAP) sont en
breux constituants des fumées tels que le chrome VI, mesure d’éliminer efficacement les particules ultra-
l’ozone ou le nickel. Afin de limiter les expositions fines hautement toxiques de suie et d’oxydes métal-
aux fumées de soudage, il convient de sélectionner liques émises par les moteurs à combustion. Mais les
les procédés les moins émissifs et les moins polluants FAP montés sur les engins non routiers subissent des
ainsi que les matériaux de base et d'apport les moins contraintes mécaniques et thermiques importantes
toxiques. Il peut être nécessaire de mettre en place pouvant conduire à leur dégradation, ce qui se tra-
des dispositifs de captage à la source des fumées, de duit par une augmentation de la concentration en
disposer en complément d’une ventilation générale particules à l’émission du moteur qui nécessite d’être
de l’air des lieux de travail ou, à défaut, de porter des contrôlée. Différents moyens de mesure simplifiés de
équipements de protection individuelle. Ces mesures la concentration en particules à l’émission des engins
de prévention doivent être adaptées au procédé et aux sont étudiés et testés dans différentes configurations
matériaux utilisés mais également au lieu de travail. de fonctionnement en laboratoire et sur le terrain.

Surveillance biologique de l'exposition aux L’ensemble des interventions est disponible sur le
fumées de diesel et aux fumées de bitumes site : www.sistbtp-lorraine.fr.
Les fumées de diesel générées par les engins de chantier
renferment en proportions variables de nombreux gaz

12 N° 161 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2020


Exposition professionnelle PAR
TIC
aux diisocyanates : étude de REC
IPE
Z
à la
biosurveillance dans le cadre HER
CHE
du projet européen HBM4EU

L e projet HBM4EU a pour objectifs d’utiliser


et d’harmoniser au niveau européen la biosurveil-
lance pour évaluer les expositions humaines, envi-
et sang). Les biomarqueurs d'exposition étudiés seront :
O les diamines urinaires,
O les adduits à l’ADN dans l’urine,
ronnementales et professionnelles aux substances O les adduits à l’hémoglobine,
chimiques. Ce projet devra contribuer à l'établisse- O les immunoglobulines spécifiques aux diisocyanates.
ment d'une base de données sur les niveaux d’exposi- En option, des biomarqueurs de l’inflammation pour-
tion aux substances chimiques d’intérêt rencontrées ront être étudiés.
en Europe, pour permettre à l'Union européenne (UE) Des prélèvements dermiques seront aussi réalisés
d'établir des valeurs de référence pour les populations pour des activités fortement contaminantes. Des pré-
générales (VBR), ainsi que des valeurs limites bio- lèvements atmosphériques pourront également être
logiques (VLB) en milieu professionnel. D’avantage effectués pour les procédés les plus émissifs (pulvéri-
de détails sont disponibles sur le site web : https:// sation, procédés à chaud).
www.hbm4eu.eu/about-hbm4eu/. Les diisocyanates Une équipe de l’INRS interviendra durant une semaine
4,4'-méthylènediphényl diisocyanate (MDI), toluène dii- de travail pour le recueil des différents échantillons
socyanate (TDI) et diisocyanate d'hexaméthylène (HDI) suivant le protocole établi. Afin de mieux interpréter
sont utilisés dans différentes applications, incluant la les résultats, un questionnaire sur les activités profes-
fabrication de mousses de polyuréthane (PU), de pein- sionnelles et l’hygiène de vie sera proposé à chaque
tures industrielles, de colles ou de vernis. Ils sont res- participant volontaire.
ponsables de sensibilisations cutanée et respiratoire, Les résultats seront restitués anonymement à chaque
pouvant conduire à une dermatite allergique ou à de entreprise participante qui pourra ainsi bénéficier
l’asthme. Par ailleurs, les produits de dégradation et d’un diagnostic personnalisé et de conseils de mesures
métabolites du MDI et TDI sont classés mutagènes cat. de prévention.
2 et cancérogènes cat 1B. Des mesures de restriction de
l’utilisation du MDI, du TDI et du HDI sont actuellement Entreprises recherchées
en discussion au niveau de la Commission européenne. O utilisant des mousses PU flexibles (literie…) ou ri-
En outre, il est prévu de fixer une valeur limite d'exposi- gides (isolation, pièces automobiles, produits d’étan-
tion professionnelle aux diisocyanates dans le cadre de chéité…) ;
la directive sur les agents chimiques. O utilisant des produits de revêtement (peinture/ver-
Cependant, les données d’exposition professionnelle nis PU) pour la fabrication et la réparation de bateaux,
aux diisocyanates disponibles proviennent majoritai- avions, camions, automobiles ; pour le finissage des
rement d’études antérieures à 2010 et pourraient ne sols et chapes… ;
pas refléter l'exposition actuelle sur le lieu de travail. O utilisant des colles à base de diisocyanates dans
Par ailleurs, il existe peu de données dans des secteurs différents secteurs (ameublement…) et d’élastomères
comme la fabrication d’avions, de bateaux, d’adhésifs (enduction de tissus, joints…).
ou le secteur de la construction.

Objectif de l’étude
O Fournir de nouvelles données sur l'exposition aux Responsables d’étude à contacter :
diisocyanates, sur la base d'un protocole d’étude har- Sophie Ndaw (03 83 50 85 13) - sophie.ndaw@inrs.fr
monisé au niveau européen, pour alimenter les discus- Radia Bousoumah (03 83 50 20 00) - radia.bousoumah@
sions en cours et soutenir les mesures réglementaires inrs.fr
récentes. Laboratoire de biométrologie, département
Toxicologie et biométrologie, INRS
Méthodologie 1, rue du Morvan
La campagne d’évaluation des expositions en entre- CS 60027
prise repose sur des prélèvements biologiques (urines 54519 Vandœuvre-lès-Nancy Cedex

MARS 2020 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 161 13


NOUVEAUTÉS DE L’INRS

Affiches, brochures, dépliants,


documents en ligne…

Moins fort le bruit


Sensibiliser sur les risques
professionnels liés aux nuisances Électricité : 10 règles
sonores en entreprise élémentaires de sécurité
Le bruit constitue une nuisance majeure en L'électricité ne se voit pas, ne se
milieu professionnel. Il peut provoquer des sur- sent pas, ne s'entend pas. Présente
dités mais aussi du stress et de la fatigue qui, à en permanence dans notre vie
la longue, ont des conséquences sur la santé des professionnelle et privée, l'énergie
salariés et la qualité de leur travail. Pour sensi- électrique nous est familière au
biliser sur ce risque, l’INRS propose aux entre- point d'en oublier presque ses dan-
prises une série de six nouvelles affi ches et trois gers. Aussi, il semble essentiel de
nouveaux autocollants. présenter quelques règles élémen-
cf. p.  taires de prévention.
Réf. ED 6344, 16 p.

Meopa
Soulager les patients
sans exposer les soignants

Nettoyage
des locaux de travail.
Que faire ?

Meopa
Soulager les patients sans
exposer les soignants
Le Meopa est un gaz utilisé dans Nettoyage des locaux de L'électricité
de nombreux services hospita- travail. Que faire ? Cette brochure a pour but de ré-
liers pour permettre la réalisation Les surfaces mal entretenues, pondre aux questions que toute
d'actes douloureux de courte durée. comme les plans de travail, les sols personne non spécialisée en élec-
Il peut avoir des effets dangereux et les murs peuvent favoriser le dé- tricité est susceptible de se poser
pour les soignants. Ce dépliant pré- veloppement de micro-organismes. sur les risques professionnels
sente les modes de contamination, Ce document explique la stratégie d'origine électrique. Elle explique
les effets sur le personnel exposé à suivre pour entretenir correcte- ce qu'est l'électricité et présente
régulièrement et propose des me- ment ces surfaces, en respectant les dommages corporels causés
sures de prévention à mettre en les mesures de prévention des par le courant électrique, leurs
œuvre pour préserver la santé des risques professionnels. origines, ainsi que les principales
soignants Réf. ED 6347, 24 p. règles de prévention.
Réf. ED 6365, 8 p. Réf. ED 6345, 44 p.

14 N° 161 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2020


Tout savoir sur les dangers
liés aux substances chimiques !

BASE DE DONNÉES
FICHES
TOXICOLOGIQUES
www.inrs.fr/fichetox
La collection des Fiches toxicologiques de l’INRS est rassemblée
dans une nouvelle base de données accessible en ligne.

Pratique, ergonomique et consultable sur ordinateur, tablette et smartphone,


elle offre un accès simplifié aux données disponibles sur plus de 300 substances
chimiques : dangers pour la santé, valeurs limite d’exposition, étiquetage…

Pour faciliter l’utilisation au poste de travail, la collection s’enrichit également


de fiches synthétiques qui condensent les informations essentielles
sur chaque substance.

Des outils précieux


pour mieux
évaluer et prévenir
les risques chimiques
en entreprise !

Exposition professionnelle Silice, la fiche toxicologique


aux rayonnements optiques Sensibilisation à l'exposition n° 232, entièrement revue
artificiels aux rayonnements optiques www.inrs.fr/publications/bdd/fiche-
Guide d'évaluation des artificiels (ROA) sur les lieux tox.html
risques sans mesure de travail (hormis les lasers La fiche toxicologique (FT n° 232) Silice
La réglementation impose d'éva- et appareils à laser) a été entièrement revue par les experts
luer l'exposition des travailleurs aux Ce document est destiné aux res- de l’INRS et vient d'être publiée. Un
rayonnements optiques artificiels. ponsables des TPE, PME et PMI, travail conséquent de synthèse du rap-
Les textes n'imposent pas le mesu- aux responsables sécurité et aux port d’expertise collective de l’Agence
rage, cependant il n'est pas toujours acteurs de la santé au travail. Son nationale de sécurité sanitaire de l'ali-
simple d'évaluer les risques sans objectif est de donner les informa- mentation, de l'environnement et du
mesure : où trouver l'information tions utiles pour identifier les situa- travail (ANSES) sur la silice cristalline *,
nécessaire, comment exploiter tions de travail qui comportent des complété par une analyse d’articles
les documents ou quels sont les sources de rayonnements optiques scientifiques sur des données en toxi-
moyens de calcul disponibles ? Ce artificiels et décider s'il est néces- cologie expérimentale mais surtout en
guide propose de répondre à ces saire ou non de mettre en œuvre toxicologie humaine a été réalisé. La
interrogations. Il s'adresse plus par- les nouvelles dispositions régle- réglementation spécifique à la silice, les
ticulièrement aux personnes ayant mentaires. Il présente les effets expositions professionnelles, les recom-
des compétences techniques en nocifs produits par les ROA sur la mandations du point de vue technique
prévention des risques profession- santé, les nouvelles dispositions et médical sont aussi particulièrement
nels. Il rappelle les valeurs limites réglementaires ainsi que des listes : détaillées. L’essentiel des informations
d'exposition associées à chacun des O de sources de ROA non dange- récentes liées à la silice sont disponibles
risques, dresse un état des princi- reuses pour des conditions d'usage dans cette fiche toxicologique.
paux documents disponibles pour normal ; * Dangers, expositions et risques relatifs à
réaliser la première étape d'évalua- O de sources de ROA dont les expo- la silice cristalline. Avis de l’ANSES, Rapport
tion des risques et décrit les moyens sitions répétées et mal maîtrisées d’expertise collective, avril 2019.
de calculs existants pour quantifier pourraient induire des effets délé-
les niveaux d'exposition, et notam- tères pour la santé des salariés,
ment le logiciel CatRayon. ainsi que les secteurs d'activité où
Réf. ED 6343, 36 p. elles sont utilisées.
Réf. ED 6113, 12 p. (mise à jour). MILIEUX
DE SOINS
S’INFORME
R POU R AGIR

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CAT ALO GUE


DES PRO DUC
TIO NS

Napo dans... Le travail en hauteur


Travailler sur une charpente, un toit, un pylône, une plate-
forme, un échafaudage… peut être une activité à risque. Les Milieux de soins. Catalogue
chutes liées au travail en hauteur constituent en effet la des productions
seconde cause d’accidents du travail mortels. Ce nouveau S'informer pour agir
film d’animation Napo dans... Le travail en hauteur aborde Ce catalogue propose l'essentiel
la question des risques liés au travail en hauteur. Avec légè- des productions de l’INRS (bro-
reté et humour, le nouvel épisode des aventures de Napo chures, dépliants, affiches, vidéos...)
dresse un rapide inventaire des principales situations à sur la prévention dans les milieux
risques. Le film comprend dix histoires courtes. de soins.
Réf. DV0411, 10 min Réf. ED 4703, 15 p.

MARS 2020 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 161 15


NOUVEAUTÉS DE L’INRS

Dossier web : Radon en milieu de travail


www.inrs.fr/risques/radon/ce-qu-il-faut-retenir.html
Le radon est un gaz radioactif naturel émis par les sols, en concentration plus ou moins importante en fonction
de leur nature (surtout émis par les roches granitiques, volcaniques, certains schistes). Il est à l’origine de can-
cers broncho-pulmonaires et on lui attribue environ 3 000 décès annuels en France. Des mesures de prévention
simples à mettre en œuvre permettent de réduire le risque engendré par la présence de radon dans les lieux de
travail.

Conduite d’un véhicule pour le travail : quelles obligations pour le salarié et l’employeur ?
www.inrs.fr/publications/juridique/focus-juridiques/focus-conduite-vehicule-pour-le-travail.html
De nombreux salariés conduisent un véhicule dans le cadre de leur travail, que cela soit de façon occasionnelle
ou régulière (commerciaux, artisans, conducteurs routiers…). L’employeur peut-il avoir connaissance du relevé de
points ? Le salarié doit-il informer son employeur d’une éventuelle suspension ou annulation de son permis ? Ce
focus fait le point sur les obligations pour le salarié et l’employeur.

Droit à la déconnexion : comment le mettre en œuvre dans l’entreprise ?


www.inrs.fr/publications/juridique/focus-juridiques/focus-droit-deconnexion.html
Le droit à la déconnexion peut être mis en œuvre dans l’entreprise par accord collectif ou par la voie d’une charte
élaborée par l’employeur. Il a pour objectif de respecter les temps de repos et de congé, de préserver la vie person-
nelle et familiale du salarié. Ce focus présente les modalités de sa mise en place.

Nanoparticules au travail : les appareils de protection


respiratoire sont-ils efficaces ?
Sandrine Chazelet et son équipe reviennent sur les résultats de l'étude menée
à l'INRS sur les « Performances des appareils de protection respiratoire filtrant
vis-à-vis des nanoparticules ». Un banc d’essai a permis d'étudier l'efficacité de
différents types d'appareils de protection respiratoire.
Réf. Anim-231, 2 min 51

Exosquelettes au travail : étudier leur impact sur la santé des


salariés
L'INRS étudie l'impact en santé et sécurité des exosquelettes sur les salariés
et accompagne les entreprises dans leur réflexion quant à l'intégration de ces
équipements. Jean Theurel, physiologiste du mouvement à l'INRS, présente des
études en laboratoire et en milieu professionnel réalisées pour mieux com-
prendre l'intérêt et les limites de ces exosquelettes.
Réf. Anim-198, 2 min 47

16 N° 161— RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2020


Vous agissez pour la prévention
des risques professionnels en entreprise ?

Abonnez-vous à

Formule magazine :
• Des informations opérationnelles
et diversifiées • Des articles d’analyse

HYGIÈNE • Des outils et des méthodes

& SÉCURITÉ Au sommaire du n° 258 (mars 2020) :


Décryptage / La prévention des TMS centrée
U TRAVAIL
DU sur le soin
Dossier / « Prévention assistée par ordinateur » :
LA REVUE Maîtriser les risques à l’ aide d’outils numériques
Notes techniques / Risques chimiques et biologiques
TRIMESTRIELLE en thanatopraxie : cadre règlementaire et mesures
TECHNIQUE de prévention
Congrès / Les risques biologiques professionnels,
DE L’INRS état des lieux des connaissances
Plus d’autres articles ou infos dans les rubriques :
Actualité juridique, Normalisation, Notes techniques,
Bases de données, Formation…

Et sur : www.hst.fr

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Bâtiment Copernic - 20, avenue Édouard-Herriot
de réabonnement me sera adressé à échéance. 92 350 Le Plessis-Robinson
Tél. : 01 40 94 22 22

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E-mail : inrs@cometcom.fr
À remplir en lettres capitales :
Q MME Q M.
NOM : …………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… PRÉNOM : .............................................................................................................................................

SOCIÉTÉ : ................................................................................................................................................. CODE APE : ...................................................................................................................………..............

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Q Intervenant en prévention des risques professionnels (IPRP) Q DOM : 78 €

Q Médecin du travail Q TOM et Europe : 84 €


Q Reste du monde : 90 €
Q Formateur
* exonération TVA
Q Ressources humaines
Q Chef d’entreprise
Je règle comptant :
Q Chercheur Q Par chèque à l’ordre de l’INRS
Q Autre Q Par virement bancaire sur le compte de l’INRS
(IBAN : FR44 3000 2005 7200 0000 0309 D24 –
BIC : CRLYFRPP) et recevrai une facture acquittée.

Le traitement des données recueillies a fait l’objet d’une déclaration à la CNIL (récépissé n°1677876 du 11 juin 2013). Elles sont conservées dans un fichier géré par l’INRS. Conformément à l’article 34 de la loi
Informatique et libertés du 6 janvier 1978 modifiée en 2004, vous disposez d’un droit d’accès, de modification, de rectification et de suppression des données qui vous concernent. Pour l’exercer, adressez un courrier à
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2
CONNAISSANCES
ET RÉFÉRENCES
P. 19 GRAND ANGLE

P. 49 VU DU TERRAIN

P. 75 SUIVI POUR VOUS

P. 89 MISE AU POINT

N° 161 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2020


TC 168
GRAND ANGLE

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vers une valeur limite d’exposition
professionnelle
AUTEURS :
S. Binet 1, E. Belut 2, S. Chazelet 2, L. Gaté 3, R. Guichard 2, G. Hedelin 4, S. Malard 5, B. Oury 6, M. Ricaud 7
et D. Rousset 6

1
Direction Études et recherches, 2 Département Ingénierie des procédés, 3 Département Toxicologie et biométrologie, 4 Département Épidémio-
logie en entreprise, 5 Département Études et assistance médicales, 6 Département Métrologie des polluants, 7 Département Expertise et conseil
en technique, INRS
résumé

MOTS CLÉS
Cet article a pour objectif
Valeur limite /
d’engager des réflexions sur Risque chimique /
la possibilité de définir une Évaluation
valeur limite d’exposition des risques /
professionnelle (VLEP) Nanoparticule /
Particule
pour le noir de carbone
nanométriques en proposant

© Gaël Kerbaol/ INRS


une démarche pour
l’évaluation de l’exposition
à ces aérosols ainsi que
les principales mesures de
prévention à recommander.

Les NC sont produits par combus-


GÉNÉRALITÉS tion partielle ou par décomposi-
tion thermique d’hydrocarbures
Le noir de carbone (NC), nommé liquides ou gazeux dans des condi-
également noir d’acétylène, noir tions contrôlées. Ils présentent une
de fumée, noir de fourneau, noir large répartition granulométrique,
au tunnel ou noir thermique, est une surface spécifique élevée et un
composé de carbone élémentaire état d’agrégation variable.
pratiquement pur (98 à 99,7 %) et Les NC diffèrent de la suie, sous–
se présente sous la forme de parti- produit incontrôlé de la combus-
cules primaires quasi sphériques tion incomplète de toutes sortes de
de diamètres moyens compris matières carbonées, qui présente
entre 10 et 500 nanomètres (nm). une composition imprécise et va-
Les particules primaires forment riable (elle peut notamment conte-
des agrégats (de 50 à 600 nm) de nir plus de 50 % de cendres).
morphologie acineuse (grappe) qui Les NC diffèrent en fonction des
se regroupent en agglomérats (de 1 matières premières utilisées, des
à plus de 100 μm). conditions de combustion et de

MARS 2020 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 161 19


GRAND ANGLE
Noir de carbone nanostructuré :
vers une valeur limite d’exposition
professionnelle

décomposition thermique [1, 2] : chacune, leur diamètre varie en La surface spécifique des NC s’étend
O le noir de fourneau (diamètre fonction du type de NC (tableau I). de 6 m2/g pour le noir thermique à
moyen des particules primaires de Les agrégats peuvent s’assembler 240 m2/g pour le noir de fourneau.
10 à 400 nm), produit principale- à leur tour en amas peu compacts En raison des matières premières
ment par combustion incomplète sous l’action des forces attractives utilisées, de leur mode de produc-
de résidus pétroliers lourds ou de du type Van der Waals pour former tion et de leur surface spécifique, les
gaz naturels. Il est le plus commer- des agglomérats de taille inférieure NC présentent généralement des
cialisé (95 % de la production mon- à 2 mm (figure 1). Ils peuvent égale- substances adsorbées à leur surface
diale) ; ment être comprimés pour former (hydrocarbures aromatiques poly-
O le noir thermique (diamètre des billes pouvant atteindre 0,5 cm cycliques et leurs dérivés nitrés et
moyen des particules primaires de de diamètre, dont la cohésion peut soufrés), toutefois dans de faibles
120 à 500 nm), obtenu par décom- être renforcée par des liants de type quantités. Des traces de composés
position thermique de gaz natu- mélasses. Un NC présentant un fort inorganiques peuvent également
rels. Il est composé des particules état d’agrégation est dit de struc- être présentes : calcium, fer, potas-
les moins fines. Il représente 2 % ture élevée, la structure étant déter- sium, plomb, arsenic, chrome, sélé-
de la production aux États-Unis, en minée par le diamètre et la mor- nium.
Europe de l’Ouest et au Japon ; phologie des agrégats, le nombre de Le noir de carbone est insoluble dans
O le noir d’acétylène (diamètre particules primaires par agrégat et l’eau et les solvants organiques.
moyen des particules primaires de leur masse moyenne. L’état d’agré- La fabrication du NC remonte à des
30 à 50 nm), produit par craquage gation (le diamètre et la répartition temps très anciens : en 1 500 avant
de l’acétylène à des températures des agrégats) est un critère impor- notre ère, les Chinois produisaient
très élevées. Il est l’un des NC le tant d’applicabilité, notamment déjà du NC à partir d’huiles végé-
plus pur ; en ce qui concerne l’adsorption tales. La production mondiale est
O le noir de fumée (diamètre d’huile (capacité du NC à absorber actuellement d’environ 11 millions
moyen des particules primaires de des liquides du fait d’une porosité de tonnes par an. Près de 60 %
60 à 200 nm), obtenu par combus- ouverte). proviennent d’Asie-Pacifique, 15 %
tion incomplète d’hydrocarbures
,Tableau I
de goudron. Initialement destiné
à fournir le pigment de l’encre de > PROPRIÉTÉS DIMENSIONNELLES DU NOIR DE CARBONE [1]
Chine (noir de lampe), il montra Diamètre des Surface Diamètre des
fortuitement en 1912 ses qualités Noir de carbone particules spécifique agrégats
exceptionnelles de renforcement primaires (nm) (m2/g) (nm)
des pneumatiques en caoutchouc ; Noir de fourneau 10 à 400 12 à 240 50 à 400
O le noir au tunnel (diamètre Noir thermique 120 à 500 6 à 15 400 à 600
moyen des particules primaires de Noir d’acéthylène 30 à 50 15 à 70 350 à 400
10 à 30 nm), produit par combus- Noir de fumée 60 à 200 15 à 25 300 à 600
tion incomplète de gaz naturels. Il
Noir au tunnel 10 à 30 90 à 500 50 à 200
représentait la forme la plus com-
mercialisée au début du XXe siècle,
il n’est actuellement plus fabriqué, Figure 1 : Des particules primaires aux agglomérats (d'après [1, 2])
sauf en Allemagne. Il est composé
de très fines particules peu agré-
gées.
Les particules primaires (nommées
parfois nodules) de NC se lient entre
elles par des liaisons covalentes et
s’organisent pour former des enti-
tés tridimensionnelles complexes
denses appelées agrégats. Ces struc-
tures en branches, ouvertes et rami-
fiées, peuvent inclure jusqu’à une ParticuleS primaireS AgrégatS AgglomératS
centaine de particules primaires g nanomètres à 00 nanomètres g micromètres

20 N° 161 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2020


d’Amérique du Nord, 12 % d’Europe professionnels interagissant avec la
et 16 % du reste du monde. La plu- production (emballeurs, agents de LES EXPOSITIONS
part des nombreux acteurs sont nettoyage…). En effet, les expositions PROFESSIONNELLES
réunis dans l’Association internatio- sont très variables dans les chaînes
nale du noir de carbone. Les NC com- de production et d’un site géogra- L’extraction des données de concen-
merciaux sont vendus sous forme phique à l’autre ; les améliorations trations atmosphériques en NC
de poudres (agrégats liés entre eux techniques ont conduit à leur dimi- contenues dans la base de don-
pour former des agglomérats) ou de nution progressive. Les concentra- nées COLCHIC a été réalisée sur
billes (agrégats comprimés). tions atmosphériques sont ainsi l’ensemble de la période 1985 - mai
Environ 90 % des NC produits passées de 1 000 mg/m3 dans les 2018. Néanmoins, les premières
sont utilisés dans l’industrie du années 1960 à moins de 1 mg/m3 au données en NC enregistrées dans la
caoutchouc pour le renfort, notam- début des années 1990. Vers la fin base datent de 1994, ce qui n’exclut
ment des pneumatiques et des des années 1990, les concentrations pas l’existence d’expositions profes-
chambres à air (pour 65 %) ainsi que en fraction alvéolaire étaient infé- sionnelles au NC avant cette date.
dans d’autres pièces mécaniques rieures à 0,5 mg/m3. Des niveaux Au total, 326 données sont dispo-
comme les bandes transporteuses, d’exposition moindres ont été obser- nibles pour les NC. Les prélèvements
les câbles et les courroies. Une pro- vés chez les travailleurs utilisant des atmosphériques représentent 278 1. American
portion additionnelle de 9 % sert NC dans la fabrication de matériaux résultats, dont 2 par analyse directe Conference of
de pigment noir dans les encres en caoutchouc, d’encres et de pein- (compteur) et 276 par gravimétrie. Governmental
(d’imprimerie, de lithographie, de tures (à l’exception de ceux qui ma- Sur ces 276, 2 résultats renvoient Industrial
Hygienists
typographie et de photographie), nipulent de grandes quantités). Il est « non déterminé » ou « analyse
les peintures, les laques, les vernis, admis que l’utilisation de matériaux impossible ». Les prélèvements en
les enduits, les plastiques, les fibres, dans lesquels les NC sont inclus fraction alvéolaire représentant 8
* 2013B Fabrication
les émaux et les céramiques. Le 1 % dans une matrice, comme les caout- mesures : ces données ont égale-
d'autres produits
restant est utilisé dans la fabrica- choucs ou les encres, n’entraîne vrai- ment été exclues du fait du nombre chimiques
tion de centaines de produits divers semblablement pas d’exposition trop restreint de résultats. Ainsi, au inorganiques de
et variés, notamment de batteries, significative [3, 4]. total, 266 résultats d’analyse de la base n.c.a
d’électrodes, de balais de carbone, En France, il n’existe pas de valeur concentration atmosphérique de 2211Z Fabrication
et rechapage de
de conducteurs électriques, de blin- limite d’exposition professionnelle NC ont été pris en compte sur la
pneumatiques
dage contre l’interférence électro- (VLEP) réglementaire pour les NC ; il période 1994-2018. 2219Z Fabrication
magnétique, de produits en caout- existe néanmoins, depuis 1993, une Les valeurs sont comprises entre d'autres articles en
chouc et en plastique conducteurs VLEP à caractère indicatif mesurée 0,005 et 33,73 mg/m3 avec une caoutchouc
et antistatiques, de vidéodisques et sur une durée de travail de 8 heures médiane à 0,6 mg/m3 (tableau II). 2720Z Fabrication
de piles et
bandes vidéo [1, 2]… de 3,5 mg/m3 équivalente à celle de Le secteur « Fabrication d'autres
d'accumulateurs
Les plus fortes expositions aux NC l’ACGIH 1. Il n’existe pas de valeur produits chimiques inorganiques électriques
sont observées dans les secteurs correspondante en Allemagne. de base n.c.a » (code NAF 2013B) 2790Z Fabrication
d'autres matériels
,Tableau II
électriques
> STATISTIQUES RÉSUMÉES DES DONNÉES DE CONCENTRATIONS ATMOSPHÉRIQUES EN NOIR DE CARBONE 2829B Fabrication
(NC) CONTENUES DANS LA BASE DE DONNÉES COLCHIC (1994-2018) EN FONCTION DU SECTEUR D’ACTIVITÉ d'autres machines
(lorsque le nombre de mesures est inférieur à 10, seuls le minimum et le maximum sont renseignés). d'usage général
2932Z Fabrication
Secteur d’activité (code NAF ci-contre*) d'autres
[NC] Total équipements
(mg/m3) (n=266) 2013B 2211Z 2219Z 2720Z 2790Z 2829B 2932Z 3109B 4669A 5819Z
automobiles
(n=217) (n=6) (n=13) (n=4) (n=4) (n=5) (n=4) (n=2) (n=3) (n=8)
3109B Fabrication
Moyenne 1,56 1,61 2,13 d’autres meubles et
Médiane 0,6 0,64 0,83 industries connexes
de l’ameublement
Écart-type 3,37 3,47 2,27 4669A Commerce
Minimum 0,005 0,005 0,2 0,1 0,11 0,02 0,145 0,25 0,52 0,04 0,01 de gros (commerce
Maximum 33,73 33,73 18,08 7,1 0,17 0,1 2,07 1,01 2,17 0,04 3,2 interentreprises) de
matériel électrique
er
1 quartile 0,15 0,20 0,3 5819Z Autres
3e quartile 1,56 1,60 3,4 activités d'édition

MARS 2020 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 161 21


GRAND ANGLE
Noir de carbone nanostructuré :
vers une valeur limite d’exposition
professionnelle

représente à lui seul 82 % des don- CLAIRANCE ALVÉOLAIRE solubles étant d’environ 60 j, la sur-
nées (tableau II). Les tâches liées à (DEMI-VIE) charge pulmonaire a été observée
ce secteur d’activités sont essen- La rétention des particules inso- dès 7 mg/m3.
tiellement des tâches d’ensachage lubles ou très peu solubles dans le
ou de chargement de trémies ou de système respiratoire résulte de la TRANSLOCATION
silos (tableau III). balance entre les vitesses de dépôt Les études expérimentales ont
et d’élimination (clairance). Les montré que la taille des particules
particules se déposant dans l’arbre influence leur probabilité de trans-
trachéo-bronchique sont éliminées location vers des compartiments
DEVENIR DANS par la clairance mucociliaire qui extra-pulmonaires tels que les gan-
L’ORGANISME ET est relativement rapide. Celles qui glions lymphatiques associés aux
MÉCANISME DE TOXICITÉ se déposent dans le compartiment poumons, le sang, le foie, la rate,
alvéolaire subissent une phago- l’encéphale ou les reins [12]. Ainsi,
Le tableau IV présente les princi- cytose par les macrophages puis, chez le rat, la translocation des al-
pales caractéristiques des noirs de après migration vers les bronches, véoles vers la circulation sanguine,
carbone commercialisés et ayant sont éliminées par la clairance le foie, la rate, les reins, le cœur et le
fait l’objet d’études toxicologiques mucociliaire puis expectorées ou cerveau serait comprise entre 0,1-
mentionnées dans l’article. dégluties. La surcharge pulmo- 1 %, 24 h après l’inhalation (1 h) par
naire, un concept qui a été défini voie endotrachéale de nano-agré-
TOXICOCINÉTIQUE par Morrow [8] pour les particules gats de carbone radio-marqués à
Les particules sont inhalées soit dites sans effet spécifique, apparaît l’iridum 192 (192Ir) (20-80 nm) [13].
sous forme unitaire, soit nano- lorsque les mécanismes de clai- Ce pourcentage pourrait être consi-
structurées, en agrégats et/ou rance médiés par les macrophages déré comme un maximum car ces
agglomérats, ce qui affecte leur sont dépassés. particules, produites en laboratoire,
comportement dans l’air et les pro- Chez le rongeur [1], les particules étaient massivement nanomé-
babilités de dépôt dans les diffé- ultrafines de NC ont provoqué une triques. La translocation des nano-
rents compartiments de l’appareil diminution dose-dépendante de matériaux (NM) après instillation
respiratoire ainsi que leur ciné- la clairance par les macrophages intratrachéale, intranasale et aspi-
tique d’élimination. Ainsi, et selon alvéolaires, se produisant à des ration pharyngée est plus élevée
la Commission internationale de doses plus faibles par rapport aux que par inhalation et pourrait être
protection radiologique (ICRP) [5], particules plus grosses (micromé- la conséquence du débit de dose,
le dépôt de ces particules dans triques). la même quantité étant déposée
l’ensemble du tractus respiratoire Dans l’étude de Elder et al. [9], un en quelques secondes par instil-
concerne environ 20-30 % des des objectifs était de déterminer les lation et plusieurs jours par inha-
particules de 100 nm, 40-50 % des demi-vies de rétention (T1/2) chez lation. Selon la revue générale de
particules de 50 nm et près de 90 % le rats F344, selon un protocole d’ex- Kermanizadeh et al. [14], les don-
des particules de 10 nm. Les parti- position subchronique par inhala- nées actuelles indiquent que l'ex-
cules entre 10 et 100 nm se répar- tion (6 h/j, 5 j/sem, 13 sem) au NC position par inhalation est associée
tissent majoritairement au niveau Printex® 90 (P90, noir de fourneau) à une translocation faible pour
alvéolaire, avec un pic de dépôt à 0, 1, 7 ou 50 mg/m3 (14 nm ; Dae 1 1. Dae (diamètre les NM pratiquement insolubles
entre 50 et 60 % pour les particules agrégats 1,2-2,4 μm ; 300 m2/g). Les aérodynamique comme l'iridium, le NC, l'or et le
équivalent) :
de 10-20 nm. Les études de toxico- demi-vies de rétention des parti- polystyrène (0,0001 à 1 % de la dose
diamètre
cinétique chez l’animal exposé par cules indiquées pour le rat, recalcu- d’une particule totale sur 24 h chez la souris).
inhalation ne sont pas exactement lées à partir des données de Elder et sphérique et de Chez l’homme, les études d’expo-
transposables à l’homme du fait de al. [9], ont été publiées par Pauluhn densité 1 g/cm3, sition contrôlées indiquent que la
différences de géométrie de l’arbre et al. [10, 11] : 107 j (1 mg/m3), 329 j ayant la même fraction de nanoparticules trans-
vitesse de chute
trachéo-bronchique et de localisa- (7 mg/m3) et 667 j (50 mg/m3) res- loquées serait inférieure à 1 % en
dans l’air que
tion d’impaction des particules [6] pectivement. La demi-vie norma- la particule masse de la dose délivrée aux pou-
mais aussi leur devenir au niveau lement admise pour les particules concernée. mons [15]. À titre d’exemple, dans
alvéolaire [7]. faiblement toxiques, faiblement l’étude d’exposition contrôlée chez

22 N° 161 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2020


,Tableau III

> STATISTIQUES RÉSUMÉES DES DONNÉES DE CONCENTRATIONS ATMOSPHÉRIQUES EN NOIR DE CARBONE (NC)
CONTENUES DANS LA BASE DE DONNÉES COLCHIC (1994-2018) EN FONCTION DE LA TÂCHE (lorsque le nombre de
mesures est inférieur à 10, seuls le minimum et le maximum sont renseignés).
Effectif Ecart- 1er 3e
Tâche (nom) Moyenne Médiane Minimum Maximum
total (2013B) type quartile quartile
TOTAL 266 (217) 1,56 0,60 3,37 0,01 33,73 0,15 1,56
Conduite et surveillance d'installa-
47 (44) 2,93 0,92 6,50 0,01 33,73 0,35 2,35
tions d'ensachage
Ensachage (y compris le conditionne-
13 (13) 1,97 1,63 1,30 0,52 4,41 1,19 2,97
ment en caisses, big-bags...)
Ensachage manuel 4 (4) 0,06 0,22
Magasinage manuel (chargement,
20 (20) 1,78 0,73 2,39 0,13 9,09 0,19 2,07
déchargement, empilage…)
Opérations de chargement/décharge-
137 (136) 1,11 0,45 1,75 0,09 10,80 0,12 1,30
ment de silos et trémies
Chargement, déchargement (silos/
5* 0,15 3,40
trémies, big-bags…)
Conduite et surveillance de machines
d'impression offset et imprimeries 8 0,01 3,20
autres tâches n.c.a
Conduite et surveillance de mélan-
9 0,11 3,00
geurs
Dépose de matériaux ou de produits
3 0,04 0,04
isolants
Opérations de dépotage (camions,
3 1,42 18,08
citernes, wagons, bateaux...)
Application par pulvérisation pneu-
2 0,52 2,17
matique
Conduite et surveillance d'installa-
1 0,39 0,39
tions de broyage et de tri
Pesage, dosage manuel 1 0,66 0,66
Autres travaux de préparation
4 0,02 0,10
mécanique des surfaces
Réparation, maintenance, contrôle
1 2,07 2,07
sur site
Travail dans des locaux à pollution
non spécifique (bureaux, salles de 1 0,25 0,25
réunion)
Travaux particuliers : autres tâches
5 0,10 7,10
non codifiées par ailleurs
Usinage par déformation de la
matière : presses à forger, estampage, 2 0,31 1,01
roulage, cintrage, étirage, pliage...

* À partir de cet item, les activités n'étant pas dans le code NAF 2013B, il n’y a aucune mesure pour ce dernier.

,Tableau IV

> PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES DES NOIRS DE CARBONE COMMERCIALISÉS ET AYANT FAIT L’OBJET
D’ÉTUDES CITÉES DANS L’ARTICLE
Diamètre moyen des particules Surface spécifique
Nom commercial Type de noir de carbone
primaires (nm) (m2/g)
Printex® 90 Noir de fourneau 12 à 16 254 à 337
Huber® 990 Noir thermique 260 8
Monarch® 880 Noir de fourneau 16 220
Elftex® 12 Noir de fourneau 37 43
Flammruss® 101 Noir de fumée 95 20

MARS 2020 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 161 23


GRAND ANGLE
Noir de carbone nanostructuré :
vers une valeur limite d’exposition
professionnelle

l’homme, de Wiebert et al. [16] : la lésions cellulaires, une prolifération cueillies immédiatement, 16 et 48h
clairance pulmonaire et la translo- cellulaire, une fibrose, l’induction de après l'exposition. Le P90 ultrafin
cation vers la circulation sanguine mutations et le cancer. Étant donné a provoqué une augmentation du
de particules de carbone de 35 nm que nombre de ces étapes se pro- nombre total de leucocytes dans
radiomarquées au technétium 99 duisent également chez les travail- le liquide de lavage bronchoalvéo-
métastable (99mTc) ont été suivies leurs dans des environnements em- laire (LLBA). Ainsi, une exposition
pendant 24h chez 15 sujets (neuf poussiérés, les données sur le cancer unique de 7 heures, qui entraîne-
en bonne santé et quatre asthma- chez les animaux dont la clairance rait selon les auteurs un dépôt de
tiques). Aucune différence signifi- alvéolaire est altérée ont été consi- seulement 3,9 μg dans le poumon
cative n’a pu être objectivée entre dérées comme pertinentes pour les profond, était responsable d’une
les sujets sains et asthmatiques. La humains. En outre, une diminution inflammation pulmonaire mo-
rétention de particules après 24h de la clairance pulmonaire chez les deste mais détectable, contraire-
était supérieure à 95 % et la trans- rongeurs exposés à des particules ment à une exposition similaire au
location inférieure à 1 %. ultrafines se produit à des concen- NC fin. Une leucocytose sanguine
Les données actuelles précisent trations de masse beaucoup plus a également été détectée chez les
donc qu’après inhalation, la trans- faibles qu'avec des particules fines, rats exposés au P90, suggérant
location de particules virtuelle- ce qui ajoute à la pertinence hu- qu'une inflammation locale stimu-
ment insolubles telles que le NC maine. lait la libération de granulocytes
est faible mais pourrait s’avérer Gallagher et al. [18] ont exposé des par la moelle osseuse.
significative en cas d’exposition rats Fischer 344 par inhalation sub- Par instillation intratrachéale, Chen
chronique (risque d’accumulation chronique (6 h/j, 5 j/sem, 13 sem) à et al. [20] ont exposé des souris
dans certains organes) ou d’inflam- du Printex® 90 (1, 7 ou 50 mg/m3 ; C57BL/6 à 20 μg de NC ultrafin (7-
mation. En effet, les preuves expé- 16 nm, surface spécifique 300 m2/g). 12 nm, agglomérats moyen 190 nm).
rimentales disponibles indiquent Les résultats de cette étude corro- La très grande surface spécifique
que la translocation systémique ne borent l'hypothèse de mécanisme (800 m2/g) induisant une forte
se produit pas de manière appré- concernant les particules ultrafines inflammation confirme l’impor-
ciable à des niveaux d’exposition de faible toxicité selon laquelle tance du paramètre surface dans
non inflammatoires [17]. La litté- les dommages oxydatifs de l'ADN l’évaluation du potentiel inflam-
rature recense différents effets dans les poumons de rat pourraient matoire des particules nanostruc-
toxicologiques après translocation jouer un rôle dans l'effet tumori- turées. Selon les résultats de cette
pulmonaire des nanoparticules : gène, en raison notamment de leur étude, les macrophages alvéolaires
stress oxydatif, inflammation, cy- importante surface spécifique et ne seraient pas impliqués dans l’ini-
totoxicité et dysfonctionnement non de la masse des particules. La tiation de la réponse inflammatoire
des processus cellulaires et physio- cancérogenèse induite chez le rat alors que les cellules épithéliales al-
logiques. par les particules nanostructurées véolaires de type II (ATII), qui indui-
de faible toxicité présenterait ainsi saient une forte et précoce expres-
MÉCANISME DE TOXICITÉ un mécanisme en partie compa- sion de cytokines inflammatoires
Le Centre international de recherche rable à celui identifié pour les par- (chimioattractants neutrophiles),
sur le cancer (CIRC) [1] a noté que ticules fines de faible toxicité mais pourraient au contraire être le mo-
l'exposition prolongée aux parti- pour une exposition totale plus teur de l'inflammation neutrophile
cules inhalées à des concentrations faible. aiguë lors d'une exposition pulmo-
suffisamment élevées chez l’animal Dans l’étude de Gilmour et al. [19], naire au NC ultrafin.
pouvait altérer des mécanismes de des rats Wistar mâles ont été ex- La charge pulmonaire exprimée
clairance normale dans la région posés pendant 7 h par inhalation en fonction de la surface des parti-
alvéolaire du poumon, entraînant au NC fin (1,40 mg/m3 ; Huber® cules instillées semble être ainsi un
une accumulation continue de par- 990, 260 nm, diamètre médian en indicateur commun pour le seuil
ticules, des charges pulmonaires nombre (DMN) 268 nm) ou ultra- de surcharge susceptible d'être
excessives et une inflammation fin (1,66 mg/m3 ; NC P90, 14 nm, généralisé aux particules de faible
alvéolaire. Cette réponse inflam- DMN 114 nm). La concentration en toxicité [21].
matoire peut donner lieu à une nombre des particules du P90 était En résumé, selon Carter et al. [22],
augmentation de la génération plus de 10 fois supérieure à celle le modèle de réponse génotoxique
d'espèces réactives d'oxygène, des du Huber®. Les données ont été re- indirecte survient à des niveaux

24 N° 161 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2020


d’exposition générant une inflam- subchronique chez le rat sur la protéinose alvéolaire, métapla-
mation chronique. L'effet résultant base d’une inhalation de P90 sie alvéolaire, fibrose focale avec
est un environnement favorable sur 4 semaines (6 h/j, 5 j/sem) de hyperplasie épithéliale alvéolaire,
aux transformations néoplasiques, 2,87±0,68 mg/m3 sur la base de métaplasie squameuse et kystes
à la progression de la fibrose et la l’absence de réaction inflamma- squameux. Des lésions pulmo-
formation de tumeurs. Aux ni- toire. Le DMAM était compris entre naires graves survenaient pour les
veaux inférieurs à ceux générant 0,3 et 0,5 μm, sans indication de la deux sexes à 2,5 et 6,5 mg/m3.
l’inflammation, aucun risque ne surface spécifique.
devrait être anticipé selon ce mo- Antérieurement, Elder et al. [9] SENSIBILISATION
dèle mécanistique. avaient estimé un NOAEL subchro- Le Comité scientifique européen
nique à 1 mg/m3 pour les rats, souris pour la sécurité du consomma-
et hamsters après une exposition teur (CSSC) [27] a estimé qu’il était
de 13 semaines (6 h/j, 5 j/sem) à difficile de conclure à partir des
TOXICITÉ du P90 (surface spécifique esti- tests de sensibilisation cutanée
mée à 300 m2/g) : aucune variation vu la faible probabilité que les
Chez les rongeurs, les réponses morphologique ou inflammatoire particules de NC aient pénétré la
pulmonaires indésirables au NC n’était observée. Les concentrations peau pour atteindre les cibles cel-
inhalé sont de type effet-dose et 7 et 50 mg/m3 induisaient des alté- lulaires du système immunitaire.
comprennent une inflammation, rations pathologiques du poumon Le potentiel de sensibilisation du
une lésion des cellules épithéliales chez les souris et les rats persis- NC ne peut donc pas être exclu,
pulmonaires et des lésions pulmo- tantes au bout de la période de récu- notamment dans les cas de peau
naires plus sévères et prolongées pération, 11 mois après l'exposition. endommagée.
chez les rats comparativement aux Ce NOAEL confirmait celui de Lindner et al. [28], après des études
souris et hamsters. La génotoxicité Driscoll et al. [25] obtenu avec un réalisées chez la souris sensibilisée
directe du NC a été évaluée et s'est autre NC de fourneau (Monarch® à l’ovalbumine (OVA) montrant
révélée négative dans la plupart 880 ; 16 nm ; DMAM 0,88 μm, Geo- que le P90 était susceptible d’ag-
des tests de mutagénicité in vitro metric Standard Deviation – GSD – graver l’inflammation respiratoire
ou in vivo [1]. Chez le rat, contraire- 3,3;220 m2/g)à0,1,1,7,1ou52,8 mg/m3. allergique et l’hyperréactivité
ment aux deux autres espèces de Ils ont estimé que l’inhalation sub- bronchique, ont testé un modèle
rongeurs, un effet cancérogène est chronique (6 h/j, 5 j/sem, 13 sem) de provocation par instillation
observé, qui serait lié au dépasse- suivie d’une période de récupé- intra-trachéale de NC sur souris
ment du seuil de surcharge pulmo- ration de 3 et 8 mois chez le rat à sensibilisée aussi à l’OVA. Deux
naire [1]. 1,1 mg/m3 en NC n’avait entraîné administrations de 70 μg de NC
aucun effet indésirable (inflam- ultrafin (P90) n’ont pas aggravé
TOXICITÉ À DOSES RÉPÉTÉES mation, histologie, mutation, clai- de manière aiguë l'inflammation
CHEZ L’ANIMAL rance) détectable sur les poumons, allergique établie des voies respi-
Les effets d’une exposition subai- d’où leur proposition de NOAEL ratoires chez la souris (nombre de
guë par inhalation de NC (50- pour cette exposition. cellules ou profils de chémokines
100 nm, 37 m2/g, diamètre médian En ce qui concerne la toxicité chro- ou cytokines dans le LLBA).
aérodynamique en masse (DMAM) nique pour les effets non cancé-
0,6-0,9 μm) chez le rat ont été étu- rogènes, les travaux de Nikula et GÉNOTOXICITÉ
diés par Ma-Hock et al. [23]. Onze al. [26] ont consisté à exposer des Selon le CIRC [1], les études de
rats/groupe ont été exposés 6 h/j rats des deux sexes durant 24 mois, génotoxicité primaire (altération
pendant 5 j (de J0 à J4) à 0,5, 2,5 16 h/jour, 5 j/sem à du NC ultrafin génétique, en l'absence d'inflam-
ou 10 mg/m3. Aucun effet n’a été (Elftex®12 furnace black, 37 nm, mation) se sont révélées essen-
constaté à ces trois concentrations 43 m2/g) à 2,5 ou 6,5 mg/m3. Les tiellement négatives dans nombre
à la fin de l’exposition et jusqu’à 3 auteurs ont observé les réponses de tests et le mécanisme le plus
semaines de récupération post-ex- morphologiques non néoplasiques probable relève d’une génotoxi-
position. suivantes : hyperplasie des macro- cité secondaire résultant de l'at-
Lim et al. [24] ont déterminé une phages alvéolaires, hyperplasie taque oxydative de l'ADN par les
concentration maximale sans épithéliale alvéolaire, inflamma- espèces réactives de l’oxygène ou
effet néfaste observable (NOAEL) tion chronique, fibrose septale, de l’azote générées au cours d'une

MARS 2020 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 161 25


GRAND ANGLE
Noir de carbone nanostructuré :
vers une valeur limite d’exposition
professionnelle

inflammation provoquée par des talle et les rats développent des TOXICITÉ POUR LA
particules. tumeurs pulmonaires. REPRODUCTION
Il est habituellement considéré À titre d’exemple, le NC Elftex®12
que la génotoxicité secondaire (43 m2/g) a été administré chez le D’après les résultats des études
implique un seuil dont la valeur rat par inhalation chronique à 0, expérimentales sur les nanopar-
est estimée par le niveau d'exposi- 2,5 ou 6,5 mg/m3 (16 h/j, 5 j/sem, ticules (NP) insolubles, la translo-
tion qui déclenche l'inflammation 24 mois). Des augmentations cation des NP déposées dans les
et surcharge les capacités antioxy- significatives de l'incidence des poumons vers la circulation systé-
dantes et de réparation de l'ADN adénomes et adénocarcinomes mique est faible (< 1 % pour le NC)
dans les poumons. pulmonaires ont été observées à et la majorité des NP transférées
À titre d’exemple, l’étude sub- 2,5 et 6,5 mg/m3 chez les femelles s'accumulent dans des organes
chronique par inhalation menée et particulièrement à la plus forte cibles secondaires tels que le foie,
par Carter et al. [22] concluait sur concentration ; aucune augmen- la rate et le placenta. Des études
l’absence d’augmentation de la tation tumorale significative n'a montrent que la translocation des
fréquence de mutations (test Hprt été constatée chez les rats mâles NP insolubles à travers le placenta
des cellules du LLBA de rats, de [26]. Les auteurs estimaient une est très faible (0,005 à 0,018 %),
souris et de hamsters exposés à concentration minimale avec ef- d'où un transfert des particules
1 mg/m3, NOAEL basé sur l’absence fet (LOAEC) chez les rats des deux très limitée vers le fœtus [30]. Ainsi,
d’inflammation pulmonaire) sexes à 2,5 mg/m3 basée sur les l'exposition maternelle au NC peut
contrairement à l’exposition à données d’histopathologie. Il est potentiellement affecter le déve-
7 mg/m3. Des études ont aussi été très vraisemblable qu’à la concen- loppement du fœtus, aussi bien
réalisées par instillation intratra- tration 6,5 mg/m3, les rats aient été directement qu'indirectement. La
chéale démontrant des cassures en surcharge pulmonaire : le CIRC fertilité chez les femelles n'a été
de l’ADN des cellules du LLBA mais [1] considérait qu’une exposition à abordée dans aucune étude [27].
à des doses déclenchant un pro- 7,1 mg/m3 pendant seulement 13 La revue générale d’Ema et al.
cessus inflammatoire [29]. Par ail- semaines induisait une altération [31] fait état d’une atteinte de la
leurs, du P90 administré par aspi- de la clairance pulmonaire. spermatogénèse chez des souris
ration pharyngée (162 μg/souris) La cancérogénicité pulmonaire adultes après instillation intratra-
pouvait induire des dommages à du NC a été testée chez le rat et la chéale de P90 et Flammruss® 101.
l’ADN au niveau hépatique. ; ces souris, par inhalation et par voie Cette même publication rapporte,
effets ont été associés à la capacité intratrachéale. Le CSSC [27] et le également dans cette espèce, des
du Printex® d’induire des espèces CIRC [1] estiment que le NC peut effets sur le développement de la
réactives de l’oxygène. provoquer des tumeurs malignes descendance touchant plusieurs
chez les rats après une exposition organes ou fonctions dont le sys-
CANCÉROGÉNICITÉ par inhalation ou instillations tème immunitaire, le cerveau,
Le CIRC [1] estime que les études intratrachéales. Le CSSC [27] note le testicule et le rein. Des effets
de cancérogénicité in vivo chez le que les études par instillation sont génotoxiques et sur le comporte-
rat confirment l’hypothèse selon souvent positives du fait de forts ment sont notamment rapportés.
laquelle la génotoxicité secondaire dosages administrés aux animaux L'exposition maternelle aux parti-
du NC serait basée sur un méca- et ne peuvent pas être utilisées cules peut avoir des effets sur les
nisme de surcharge conduisant à pour la caractérisation quantita- lignées germinales des générations
la génération d'espèces réactives tive des risques liés à l'exposition suivantes, avec une sensibilité dif-
de l'oxygène à partir de cellules in- humaine par inhalation ; cepen- férente selon qu’il s’agit de mâles
flammatoires infiltrées, à l'oxyda- dant, ces études fournissent des ou de femelles. En particulier, dans
tion de bases d’ADN, à des cassures informations sur la capacité des plusieurs études réalisées par ins-
de l’ADN, à une peroxydation lipi- nanoparticules de NC à induire tillation intratrachéale chez des
dique, à la sécrétion de médiateurs des tumeurs. Les données issues souris gestantes, les petits mâles
inflammatoires (classement en 2B, des études de cancérogénicité présentaient une diminution de la
« L’agent est peut-être cancérogène chez l'animal ne permettent pas production journalière de sperme
pour l'homme »). Lorsque le seuil de de préciser une concentration et des modifications histopatholo-
surcharge pulmonaire est dépassé, seuil sans effet néfaste observable giques testiculaires (vacuolisation
une inflammation chronique s’ins- (NOAEC). des tubes séminifères et diminu-

26 N° 161 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2020


tion de l'adhérence cellulaire de Chez les mâles de 6 semaines, a conduisait à une accélération de la
l'épithélium séminifère). Pour cer- été constatée une altération dose- formation de plaques d’athérome
tains de ces travaux, des informa- dépendante des macrophages chez des animaux déficients pour
tions insuffisantes étaient fournies périvasculaires cérébraux et des l’Apolipoprotéine E [36].
sur la toxicité maternelle or celle-ci astrocytes. Lors du test en champ
est classiquement susceptible de libre (open field), le comportement
provoquer des effets sur la descen- a été modifié à l'âge de 90 jours ; les
dance. auteurs remarquent que certains EFFETS CHEZ L’HOMME
Ces résultats n’ont cependant pas des effets observés présentent des
été confirmés par Skovmand et al. similitudes frappantes avec ceux Des symptômes respiratoires et
[30, 32]. La publication de 2018 (ins- décrits dans des modèles murins une altération de la fonction pul-
tillation intratrachéale avec du P90 de troubles du développement monaire, associés à une augmen-
ou du Flammruss® 101 ; 1x100 μg/ neurologique. L’absence de mesure tation des marqueurs circulants
sem, 7 semaines consécutives) pendant l’exposition ou immé- de l’inflammation ont été mis en
montre qu’en dépit d’une réponse diatement à la fin des expositions évidence dans les études épidé-
inflammatoire pulmonaire pro- n’exclut pas une inflammation miologiques. Dans les études les
longée, cette exposition n'a pas pulmonaire maternelle lors de la plus anciennes où les travailleurs
affecté la production quotidienne gestation, contribuant aux effets étaient exposés aux niveaux les
de sperme ni la concentration de constatés chez leur descendance. plus importants, des tableaux de
testostérone chez les souris mâles pneumoconioses ont été observés.
adultes exposées. La publication EFFETS CARDIOVASCULAIRES Les données épidémiologiques,
de 2019 n’a pas objectivé l’appari- Les effets des nanoparticules sur le analysées dans leur ensemble, ne
tion des effets transgénérationnels système cardiovasculaire sont peu sont pas suffisamment probantes
de la 1re à la 4e génération (F1 à F4) compris. Chez l’homme et l’ani- pour conclure à la cancérogéni-
sur la fonction de reproduction mal de laboratoire, les particules cité du noir de carbone inhalé chez
des mâles, provenant de souris inhalées induisent localement l’homme. Des modifications réver-
femelles (F0) exposées par inha- une réponse inflammatoire pul- sibles des paramètres de l’inflam-
lation corps entier à 4,6 et 37 mg/ monaire menant à la libération de mation pulmonaire et systémique,
m3 de P90, 45 min/jour entre les médiateurs pro-inflammatoires ainsi que de certains paramètres
4e et 18e jours de la gestation. Au- et/ou pro-thrombotiques dans la cardiovasculaires, ont été obser-
cune inflammation pulmonaire ni circulation [34]. En raison de leur vées à faible dose dans le cadre
réponse aiguë en termes d'afflux taille, certaines nanoparticules d’expositions contrôlées de courte
de neutrophiles n’a été constatée pourraient également passer la durée.
chez les mères ni aucun change- barrière alvéolo-capillaire puis af-
ment significatif dans aucune des fecter l’homéostasie et l’intégrité DONNÉES D’EXPOSITION
quatre générations de la lignée cardiovasculaire en interagissant DANS LES ÉTUDES
germinale mâle ou dans la 2e géné- avec des cellules ou des macromo- EXPERTISÉES PAR LE CIRC [1]
ration provenant de la lignée ger- lécules de la circulation sanguine Les expositions au NC indiquées
minale femelle. Bien que les résul- ou d’organes secondaires [13]. Chez dans les études expertisées par
tats obtenus par inhalation soient la souris, en accord avec des tra- le CIRC [1] variaient considéra-
rassurants, il serait prématuré de vaux antérieurs, Ganguly et al. [35] blement d'une installation de
conclure, en termes de transposi- ont estimé que les effets cardiovas- production à l'autre et au fil du
tion à l’homme, que l'exposition culaires observés après une inhala- temps. Aucune donnée disponible
aux particules de carbone ne pré- tion de 4 ou 24h d’un aérosol très ne permettait de caractériser ou
sente aucun risque pour la repro- massivement nanométrique de NC de quantifier l'exposition aux
duction masculine. (0,44 mg/m3 ; 800 m2/g ; décharge particules primaires ultrafines.
Dans l’étude de Umezawa et al. d’étincelle) seraient plus la consé- Les emballeurs et les nettoyeurs
[33], des souris femelles ont été quence d’une réponse inflamma- de sites subissaient les niveaux
exposées par inhalation à un aéro- toire pulmonaire que d’une trans- d'exposition les plus élevés. Cer-
sol de P90 (14 nm, 182 à 338 m2/g), location des particules. L’exposition taines études antérieures à 1970
45 min/jour à 0, 4,6 ou 37 mg/m3 de de souris par instillation endotra- ont révélé que le secteur de la fa-
P90 du 4e au 18e jour de gestation. chéale à des nanoparticules de NC brication aurait pu être exposé à

MARS 2020 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 161 27


GRAND ANGLE
Noir de carbone nanostructuré :
vers une valeur limite d’exposition
professionnelle

des niveaux extrêmement élevés naire ont été observées chez les obstruction des petites voies aé-
d'exposition au NC. Des études mineurs. riennes chez les travailleurs expo-
réalisées dans cette industrie Plus récemment, l’étude chinoise sés au NC comparativement aux
aux États-Unis et en Europe occi- de Zhang et al. [37] a été réalisée sujets du groupe témoin [38]. Ces
dentale après la fin des années chez 81 travailleurs employés de- altérations fonctionnelles étaient
1970 ont montré que l'exposition puis au moins 1 an (en moyenne associées à des modifications des
moyenne géométrique person- 12,5 ans) dans un atelier de condi- taux sériques de 2 biomarqueurs
nelle à la poussière inhalable était tionnement de NC, afin d’évaluer précoces de toxicité pulmonaire :
inférieure à 5 mg/m3. Vers le milieu les effets du NC ultrafin (taille des une diminution des taux de pro-
des années 90, les niveaux géomé- particules unitaires comprise entre téine CC16 et une augmentation
triques moyens de poussières in- 30 et 50 nm ; 50,8 % des particules des taux de protéine SP-A.
halables et respirables étaient res- inférieures à 523 nm et 96,7 % infé- Une étude transversale iranienne
pectivement inférieurs à 2 mg/m3 rieures à 1 μm) sur la fonction pul- a été réalisée chez 72 travailleurs
et 0,5 mg/m3. L'exposition dans les monaire, comparativement à un exposés ou ayant été exposés au
industries utilisatrices est difficile groupe de 104 travailleurs non ex- NC dans une entreprise fabriquant
à évaluer en raison du manque de posés, issus d’une autre entreprise des pneus et des chambres à air, et
données et de l'exposition conco- de la ville. Chez les sujets exposés, le 69 employés de bureau en bonne
mitante à de nombreuses autres niveau d’exposition moyen évalué santé, non exposés et sélection-
particules, mais les niveaux d'ex- en fraction inhalable à l’aide de pré- nés au hasard [39]. Les niveaux
position sont supposés être plus lèvements individuels chez 15 vo- d'exposition aux poussières de
faibles, à l'exception peut-être lontaires était de 14,9 mg/m3. Tous NC inhalables et respirables ont
des travailleurs qui manipulaient les sujets du groupe exposé présen- été estimés à 6,2 ± 1,75 mg/m3
du NC. L'exposition au NC ne se taient une toux et/ou une expec- et 2,3 ± 0,29 mg/m3 respective-
produit pas lors de l'utilisation de toration chronique sans anomalie ment (moyenne ± écart-type). Les
produits dans lesquels le NC est lié particulière sur les radiographies symptômes respiratoires tels que
à d'autres matériaux, tels que le de thorax standards. Après ajus- toux régulière, expectorations, res-
caoutchouc, les encres d'imprime- tement sur l’âge, l’index de masse piration sifflante et essoufflement
rie ou les peintures. corporelle, le statut tabagique et la étaient significativement plus fré-
consommation de boissons alcoo- quents chez les travailleurs expo-
EFFETS RESPIRATOIRES HORS lisées, une altération significative sés. En outre, des diminutions signi-
CANCERS de différents paramètres fonction- ficatives de certains paramètres de
Parmi les effets respiratoires non nels respiratoires, en faveur d’une la fonction pulmonaire, évocatrices
cancérogènes chez les travailleurs obstruction bronchique, a été mise d’un trouble ventilatoire restrictif,
expertisés par le CIRC [1] figurent en évidence chez les travailleurs étaient observées entre le début
la toux, la production d'expecto- exposés au NC, comparativement et la fin du poste de travail chez les
rations, la bronchite, les opacités aux sujets du groupe témoin. Ces travailleurs exposés.
radiographiques thoraciques (par altérations fonctionnelles étaient
exemple, la pneumoconiose) et la associées à des modifications des CANCÉROGÉNICITÉ
diminution de la fonction pulmo- taux sériques de diverses cytokines Dans sa dernière évaluation datant
naire. Les asthmatiques présen- pro-inflammatoires (IL-1`, IL-6, IL-8, de 2010, le CIRC a classé les NC dans
taient un dépôt total plus élevé de MIP-1`, TNF-_). le groupe 2B, peut-être cancéro-
particules de carbone ultrafines L’actualisation de cette étude par gènes pour l’homme, en raison de
dans les voies respiratoires par Yang et al. [38] et son extension à preuves suffisantes de cancéro-
rapport aux individus en bonne 99 travailleurs exposés (médiane 9 génicité chez l’animal, mais ina-
santé. La quantité de NC déposée ans) et 115 non exposés ont permis déquates chez l’homme [1]. Chez
peut également croître avec l’aug- de mettre en évidence, après ajus- l’homme, les données les plus infor-
mentation du volume minute, par tement sur l’âge, l’index de masse matives sont celles qui sont issues
exemple chez les personnes qui corporelle, le statut tabagique et la des études de cohortes réalisées
font de l’exercice ou lors de lourdes consommation de boissons alcoo- dans le secteur de la production de
charges de travail. Des charges lisées, une altération significative noir de carbone en Allemagne, au
pulmonaires massives et une di- de différents paramètres fonction- Royaume-Uni et aux États-Unis. Les
minution de la clairance pulmo- nels respiratoires en faveur d’une deux études menées en Allemagne

28 N° 161 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2020


et au Royaume-Uni ont révélé un servé des risques excessifs par rap- ne montraient aucun profil cohé-
risque excédentaire par rapport port à la population générale, ont rent d'augmentation du risque de
aux références externes. La confu- fourni des preuves faibles ou peu cancer du poumon par rapport aux
sion causée par le tabagisme ne concluantes. Globalement, le CIRC estimations de l'exposition au NC
pouvait être exclue, même s’il était [1] a considéré que les résultats épi- ou à la durée de l'emploi. Les esti-
peu probable qu’elle explique tout démiologiques étaient incohérents mations des risques relatifs (RR)
le risque excédentaire. Cependant, et ne permettaient pas de détermi- par rapport à une population de ré-
dans les deux cohortes, les ana- ner de manière suffisante si le NC férence (<20 mg.an/m3) étaient les
lyses internes par niveau d'exposi- était cancérogène chez l'homme. suivants RR=1 [IC 95 % : 0,6-1,6] pour
tion au NC ont donné des résultats Plusieurs autres études sur la can- 20-50 mg.an/m3, RR=1,3 [IC 95 % :
équivoques mais principalement cérogénicité du noir de carbone 0,8-2,1] pour 50-100 mg.an/m3,
nuls. L’étude sur les travailleurs ont été publiées postérieure- et RR=1,4 [IC 95 % : 0,9-2,1] pour
du NC aux États-Unis n’a suggéré ment au rapport du CIRC [1]. Une 100 mg.an/m3 ou plus. Les auteurs
aucune surmortalité, mais n’a pas nouvelle analyse statistique des concluent que les niveaux d’expo-
évalué le risque en fonction du ni- données issues des études cas-té- sition (10 à 50 mg/m3) qui préva-
veau d’exposition. Dans les études moins québécoises réalisées dans laient dans l’industrie du NC aux
évaluant les risques de cancer du la population de Montréal, portant États-Unis dans les années 1970-
poumon parmi les industries utili- uniquement sur le risque de can- 1990 ne sont pas associés au risque
satrices, l’étude la plus informative cer du poumon, ne retrouve pas de cancer du poumon [43].
sur les travailleurs allemands de d’excès de risque statistiquement Pour pallier le manque d’évalua-
l’industrie du caoutchouc a mon- significatif de cancer du poumon tion quantitative des trois études
tré des signes d’excès de risque en relation avec les expositions sur les cohortes des salariés de
qui ont disparu avec l’ajustement au NC [40]. Une méta-analyse des l’industrie de production du NC, et
sur l’amiante et le talc, dans l’ana- études de mortalité réalisées dans surtout pour élargir la plage des
lyse. Parmi les études restantes, le secteur de la production du NC niveaux d’exposition, Yong et al.
deux autres ont montré des excès en Allemagne, au Royaume-Uni [44] ont fait une méta-régression.
non significatifs (cohorte de sala- et aux États-Unis n’a pas mis en Ils notent une augmentation du
riés exposés au formaldéhyde aux évidence d’excès de risque signifi- RR de 1,03 [IC 95 % : 0,96 – 1,10], non
États-Unis et étude cas-témoins catif de cancers des appareils res- statistiquement significative, pour
basée sur une communauté cana- piratoire et urinaire en lien avec les une augmentation de l’exposition
dienne) et une ne présentait aucun expositions au NC [41]. de 10 mg.an/m3. Les analyses de
risque excessif de cancer du pou- L’étude de mortalité américaine ré- sensibilité, incluant entre autres la
mon lié à la manipulation du NC alisée initialement sur une cohorte prise en compte d’une latence de
(dockers italiens). Pour les cancers de 5 011 travailleurs employés dans 20 ans avant l’apparition du cancer
de la vessie, des reins, de l'esto- 18 usines de production de NC du poumon, ne modifient pas les
mac et de l'œsophage, des résul- [42] a été actualisée avec un suivi estimations. Les auteurs concluent
tats isolés indiquent des risques jusqu’en 2011, ce qui a conduit à qu’un lien causal entre exposition
excédentaires, mais ils ne sont pas une cohorte globale de 6 634 su- au NC et cancer du poumon n’est
suffisants pour appuyer une éva- jets. Une estimation de l’exposition pas confirmé par les observations
luation de la cancérogénicité chez individuelle cumulée a été réalisée sur les salariés des trois grandes
l'homme. Il n’existe aucune preuve à partir d’une matrice emploi-ex- cohortes (plus de 9 000 personnes
d’un effet du NC sur d’autres can- position. La relation entre l’expo- sur plusieurs dizaines d’années).
cers. En conclusion, deux des trois sition cumulée au NC (fraction
études sur les travailleurs de la pro- inhalable) et la survenue d’un AUTRES EFFETS
duction de NC ont observé un excès cancer du poumon a été analysée. Une méta-analyse publiée en 2016,
de risque de cancer du poumon Aucune surmortalité par cancer du portant sur 3 cohortes de travail-
et d'autres études ont fourni des poumon ou par maladie respira- leurs exposés au NC dans le secteur
preuves mitigées d'un risque accru toire non maligne n’a été mise en de la production aux États-Unis,
de cancer du poumon et d'autres évidence. Par ailleurs, les auteurs au Royaume-Uni et en Allemagne
cancers. Les quelques études ayant considèrent les résultats en accord s’est intéressée à la mortalité car-
évalué une relation dose-réponse, y avec ceux des études réalisées au diovasculaire. Aucun excès de
compris les deux études ayant ob- Royaume-Uni et en Allemagne, qui risque statistiquement significatif

MARS 2020 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 161 29


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de mortalité n’a été mis en évi- Chaque sujet, sain ou légèrement sujets sains ayant inhalé 25 μg/m3
dence pour les 3 causes de décès asthmatique, a été exposé à de l’air de particules de carbone ultrafines,
considérées (maladies cardiaques, filtré et à un aérosol de carbone ultra- une baisse du taux de monocytes
cardiopathies ischémiques, infarc- fin (diamètre médian en nombre = et une activation des lymphocytes
tus du myocarde) [45]. 23 - 28 nm) pendant 2 heures avec T, une réduction dose-dépendante
Une étude épidémiologique trans- 2 à 3 semaines de repos entre deux de l’expression de la molécule
versale réalisée en Chine chez 106 séances d’exposition. Les sujets sains d’adhésion ICAM-1 sur les mono-
employés travaillant sur une chaîne ont été exposés à 10, 25 et 50 μg/m3 cytes, ainsi qu’une réduction tran-
de conditionnement d’une usine de et les asthmatiques à 10 μg/m3. sitoire du tonus parasympathique
production de NC (particules uni- Aucune différence n’a été montrée et des troubles de la repolarisation
taires de 30 à 50 nm de diamètre chez les sujets sains ou asthma- à l’électrocardiogramme étaient
associées à des agglomérats de 200 tiques exposés à 10 ou 25 μg/m3 constatés. Chez les sujets asthma-
à 400 nm) et 112 sujets témoins non pour les paramètres de la fonction tiques, l’inhalation de 10 μg/m3 de
exposés appariés sur le sexe, l’âge pulmonaire ou d’inflammation des particules de carbone ultrafines
et le statut tabagique. L’évaluation voies respiratoires. En revanche, les était associée à une baisse des taux
de l’exposition était réalisée à l’aide auteurs ont observé, 21 heures après sanguins d’éosinophiles et de lym-
de prélèvements individuels sur les l’exposition de sujets sains à la plus phocytes T CD4+, à une réduction
travailleurs. Chez les travailleurs haute concentration de 50 μg/m3, de l’expression du cluster de diffé-
employés sur la chaîne de condi- une réduction du débit expiratoire renciation CD11b sur les monocytes
tionnement, les niveaux d’exposi- maximal médian (témoin d’une et les éosinophiles, à une baisse de
tion aux particules dont le diamètre légère résistance des petites voies l’expression de la molécule d’adhé-
est inférieur à 2,5 μm (PM2,5), car- aériennes) et de la capacité de dif- sion ICAM-1 sur les polynucléaires
bone total et carbone élémentaire, fusion du monoxyde de carbone. neutrophiles, ainsi qu’à une at-
étaient respectivement de 800, 696 Ces réductions étaient temporaires teinte de la variabilité de la repola-
et 657 μg/m3 (vs 71, 42 et 4 μg/m3 et réversibles, puisqu’elles n’étaient risation à l’ECG. Aucun effet signifi-
respectivement chez les témoins). plus observées lors des tests effec- catif n’était constaté en termes de
Après ajustement sur le tabagisme, tués 45 heures après l’exposition. symptomatologie, de fonction pul-
une augmentation statistiquement Une autre étude en conditions monaire, de marqueurs d’inflam-
significative du taux d’éosinophiles d’exposition contrôlée a été réali- mation des voies aériennes et de
circulants a été mise en évidence sée chez des volontaires sains et marqueurs solubles d’inflamma-
chez les sujets exposés compara- des sujets asthmatiques afin d’éva- tion systémique et de coagulation.
tivement aux sujets du groupe té- luer l’impact de l’inhalation de Une étude complémentaire a été ré-
moin [46]. particules de carbone élémentaire alisée par la même équipe selon un
ultrafines en termes d’inflamma- protocole comparable, à l’exception
ÉTUDES SUR LES PARTICULES tions pulmonaire et systémique du fait qu’un groupe supplémen-
DE CARBONE ULTRAFINES [48]. Le protocole de l’étude consis- taire avait été ajouté, comprenant
EN CONDITIONS tait à exposer 12 volontaires sains 16 sujets exposés lors d’un exercice
EXPÉRIMENTALES au repos à de l’air ou à 10 μg/m3 de intermittent à de l’air ou à 50 μg/m3
CONTRÔLÉES particules de carbone ultrafines, 12 de particules de carbone ultrafines,
Plusieurs études ont été réalisées volontaires sains pendant un exer- afin d’évaluer l’impact de l’exposi-
aux États-Unis par différentes cice physique à de l’air ou à 10 et tion aux particules de carbone ultra-
équipes, consistant à évaluer les 25 μg/m3 de particules de carbone fines sur l’expression des molécules
effets potentiels de l’inhalation de ultrafines et enfin, 16 volontaires d’adhésion à la surface des leuco-
faibles doses de particules de car- asthmatiques pendant un exercice cytes circulants [49]. Chez les sujets
bone ultrafin chez des sujets sains, physique à de l’air ou à 10 μg/m3 sains exposés à l’effort, une réduc-
asthmatiques ou diabétiques. de particules de carbone ultra- tion de l’expression des molécules
Une série de 4 études randomisées fines. La durée de chaque exposi- d’adhésion CD54 et CD18 était mise
en double aveugle a été réalisée par tion était de 2 heures et l’intervalle en évidence sur les monocytes ainsi
une même équipe, afin d’évaluer entre chaque exposition de 2 à 3 que des molécules CD18 et CD49d
l’effet d’un aérosol de particules de semaines. Aucun effet significa- sur les granulocytes. Il y avait éga-
carbone ultrafin sur la fonction et tif n’a été observé au repos chez lement une réduction dose-dépen-
l’inflammation pulmonaires [47]. les sujets sains. À l’effort, chez les dante des taux de monocytes, baso-

30 N° 161 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2020


philes et éosinophiles, ainsi qu’une plaquette ainsi qu’à une diminution une démarche plus spécifique doit
augmentation de l’expression du du taux de ligand CD40 soluble. Une être mise en place pour l’évaluation
marqueur d’activation lymphocy- augmentation du taux plasmatique des expositions professionnelles
taire CD25. Chez les asthmatiques, de facteur Willbrand était égale- [53]. Pour le NC, cette démarche doit
une réduction de l’expression des ment observée immédiatement également être adaptée au carac-
marqueurs CD11b sur les monocytes après cessation de l’exposition [51]. tère ubiquitaire du carbone dans
et les éosinophiles et CD54 sur les Un ECG était également enregistré l’atmosphère.
granulocytes était constatée, ainsi afin de déterminer si cette exposi- Concernant le NC, la métrique
que des taux circulants de lym- tion avait un effet sur la fréquence et actuellement basée sur la mesure
phocytes T CD4+, de basophiles et la variabilité du rythme cardiaque. de la concentration massique du
d’éosinophiles. Au total, l’inhalation L’exposition aux particules de car- carbone élémentaire reste la plus
de faibles doses de particules de car- bone ultrafines était associée à une adaptée pour répondre au besoin
bone ultrafines modifie la distribu- réduction significative de la variabi- d’une évaluation de l’exposition.
tion des leucocytes périphériques lité du rythme cardiaque. À distance Deux approches sont envisageables
et altère l’expression des molécules de l’exposition (21 à 45 heures post- pour mesurer l’exposition aux NC :
d’adhésion. exposition), la fréquence cardiaque O la mesure en différé, qui comporte
Deux groupes de 12 volontaires était légèrement mais significative- une phase de collecte des particules
sains et non-fumeurs (18 à 40 ans) ment plus élevée dans le cas de l’in- dans l’air sur une durée définie,
ont été exposés à des particules de halation des particules de carbone suivie d’une analyse a posteriori en
carbone ultrafines élémentaire (dia- ultrafines par rapport à l’inhalation laboratoire ;
mètre moyen de 25 nm) pendant d’air [52]. O la mesure en temps réel à l’aide
2 heures, au repos (12 sujets) ou à Les études en conditions expé- d’un dispositif qui va évaluer en
l’effort (12 sujets), afin de déterminer rimentales contrôlées montrent continu la concentration dans l’air,
si l’exposition entraînait des modifi- des modifications des paramètres dessiner un profil d’exposition per-
cations électrocardiographiques, en de l’inflammation ainsi que car- mettant d’identifier d’éventuels pics
particulier en termes de variabilité diaques. Néanmoins il n’y a pas d’exposition et intégrer la concen-
du rythme cardiaque et de repola- de relation dose-effet claire avec, tration sur la durée du prélèvement.
risation. Aucun effet cardiaque si- parfois, des augmentations suivies Pour ces deux approches, les na-
gnificatif n’a été observé aux doses de diminutions. Les effets les plus noaérosols de carbone étant sus-
testées (10 μg/m3 au repos ; 10 et marqués ne sont pas observés avant ceptibles de se déposer majoritaire-
25 μg/m3 à l’effort), bien que, pour 50 μg/m3 chez les personnes saines. ment dans les alvéoles pulmonaires,
certains sujets, il ait été observé une Les expositions étant de courte du- ce sont, a minima, les dispositifs de
tendance à l’augmentation du to- rée, souvent 2 heures, il est difficile prélèvement ciblant la fraction
nus du système nerveux autonome de savoir si les phénomènes obser- conventionnelle alvéolaire de l’aéro-
parasympathique et des troubles de vés sont à caractère adaptatif et sol qui sont utilisés.
la repolarisation ventriculaire infra- transitoire ou représentent un effet
cliniques [50]. qui, en devenant chronique, serait MESURE EN DIFFÉRÉ
Dix-neuf sujets atteints de diabète susceptible d’entraîner des états Les méthodes en différé ne sont uti-
de type 2, non-fumeurs, ont été morbides. lisables que si l’atmosphère consi-
exposés pendant 2 heures, au repos, dérée est identifiée comme ne ren-
à de l’air et à une dose unique de fermant que des nanoaérosols de
50 μg/m3 de particules de carbone NC. Elles ne sont pas spécifiques des
ultrafines (diamètre moyen de MÉTROLOGIE particules de taille nanométrique
32 nm), afin d’évaluer les éventuels et/ou du carbone élémentaire
effets sur l’activation plaquettaire En hygiène industrielle, les mé- constituant le NC mais aussi pré-
et sur l’endothélium vasculaire. L’ex- thodes conventionnelles d’évalua- sent dans d’autres particules d’ori-
position aux particules de carbone tion de l’exposition par inhalation gines variées.
ultrafin était associée, 3,5 heures des salariés à des aérosols reposent Pour les méthodes en différé, le pré-
après la fin de l’exposition, à une sur la caractérisation de leur lèvement est réalisé dans la sphère
élévation transitoire de l’expression concentration massique dans l’air. respiratoire du salarié avec un dis-
du ligand CD40 sur les plaquettes et Dans le cas d’aérosols contenant positif de prélèvement, relié à une
du nombre de conjugués leucocyte/ des particules nanostructurées, pompe régulée et fixée sur le salarié,

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professionnelle

apte à prélever la fraction alvéolaire est porté à des paliers de tempéra- de la fraction alvéolaire. Le dosage
de l’aérosol comme, par exemple, le ture successifs jusqu’à 980 °C, sous repose sur la mesure de l’atténua-
sélecteur cyclonique, dit « cyclone », une atmosphère inerte puis oxy- tion, due à l’absorption par les parti-
de type Dorr-Oliver, Higgins-Dewell, dante. Sous atmosphère inerte, le cules de carbone-suie collectées sur
GK 2.69 ou tout autre dispositif [54]. carbone élémentaire est thermique- une membrane téflon, de l’intensité
Dans ce dispositif, les particules pé- ment stable et seuls les composés d’un faisceau infra-rouge à la lon-
nètrent de façon tangentielle pour organiques sont volatilisés, oxydés gueur d’onde de 880 nm. Assez sé-
subir un mouvement circulaire. Les par catalyse en dioxyde de carbone lectif, il comptabilise l’ensemble des
grosses particules, de grande iner- et dosés en coulométrie ou après particules issues de combustions
tie, sont entraînées sur la périphérie réduction en méthane par détec- renfermant un noyau de carbone
interne du cyclone par la force cen- tion spectrométrique. Le carbone élémentaire. En théorie, la concen-
trifuge ; les fines particules, de plus résiduel sur le filtre correspond au tration en carbone-suie donnée par
faible inertie, s’éloignent moins de carbone élémentaire qui, à haute l’aéthalomètre n’est pas rigoureu-
l'axe du cyclone et sont entraînées température et en présence d’oxy- sement équivalente à la concen-
par un vortex ascendant vers une gène, s’oxyde en dioxyde de carbone tration en carbone élémentaire, les
sortie axiale en partie supérieure du qui sera détecté et dosé. Par un suivi coefficients d’adsorption des deux
cyclone où elles sont collectées dans laser de la variation des propriétés substances diffèrent légèrement,
une cassette porte-filtre. La sensibi- optiques de la surface du filtre, la mais les deux valeurs sont proches.
lité de la méthode peut être nota- version thermo-optique de cet ana-
blement augmentée en utilisant lyseur, postérieure à la version ther- Ces méthodes, en différé ou en
un dispositif de prélèvement de la mique, permet de différencier plus temps réel, gravimétrique ou de
fraction alvéolaire fonctionnant à finement la fraction organique de quantification du carbone élémen-
un débit élevé (> 4 L/min). la fraction élémentaire du carbone. taire, ne sont fiables que si l’utilisa-
Pour l’analyse, si les nanoparticules Dans la mesure où les nanoparti- teur s’est assuré de la nature nano-
de NC forment l’unique source d’ex- cules de NC sont essentiellement métrique de l’aérosol carboné et du
position et qu’aucun autre aérosol formées de carbone élémentaire caractère mono-pollué de l’atmos-
n’est susceptible d’être présent, la ([Célém.] > 97 %) et ne contiennent phère. Il est primordial de distin-
gravimétrie peut être utilisée. Une que de faibles quantités de carbone guer l’aérosol cible, les nanoparti-
membrane, généralement en PVC, organique, les méthodes thermique cules de NC, des autres aérosols qui
disposée dans le porte-filtre des et thermo-optique peuvent être uti- peuvent le masquer [58] :
cyclones, collecte les particules ; la lisées sans biais important. O aérosols carbonés, nano ou micro-
différence de masse entre la mem- métriques générés conjointement
brane pesée au laboratoire avant et MESURE EN TEMPS RÉEL dans le procédé industriel, pour
après le prélèvement, rapportée au Combinant la détermination de la l’élaboration de matériaux compo-
volume d’air prélevé, permet de cal- nature chimique de la particule et la sites, résines, agents de réticulation,
culer la concentration massique des mesure en temps réel, l’évaluation huiles, élastomère, pigments… ;
particules [55]. de l’exposition peut être menée avec O « aérosol de fond » provenant de
Une autre méthode est utilisée par un micro-aéthalomètre, appareil sources anthropogéniques ou na-
de nombreux organismes sur la conçu pour la mesure de la concen- turelles telles les particules fines
base du dosage spécifique du car- tration des particules de suies dans d’émissions diesel, de chauffages
bone élémentaire [56, 57]. La collecte l’air. De petites dimensions, léger et domestiques...
des particules, dans un cyclone ou autonome, le micro-aéthalomètre a En cas de doute, pour estimer les
sur le plateau d’un impacteur, est été développé pour être porté dans biais dus aux interférents, le Natio-
réalisée sur un filtre en fibre de la sphère respiratoire du salarié. Il nal Institute for Occupational Safety
quartz, préalablement décarboné renferme une pompe qui prélève and Health (NIOSH) préconise la
par chauffage pendant 48h à haute l’atmosphère à un débit compris réalisation de prélèvements en
température (> 450 °C). Après prélè- entre 50 et 150 mL/min et peut être extérieur, pour évaluer le fond en
vement, la masse de carbone dans équipé d’un mini cyclone dont le particules carbonées, et dans un
les particules collectées est quan- diamètre de coupure (correspon- local non suspecté d’être pollué
tifiée à l’aide d’un analyseur spé- dant à une probabilité de collecte de par les nanoparticules de NC mais
cifique du carbone, thermique ou 50 %) de 2,5 μm échantillonne une proche de celui où évolue le salarié
thermo-optique. Le filtre de collecte fraction granulométrique proche dont on désire évaluer l’exposition

32 N° 161 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2020


[59]. D’autres techniques utilisées L’avancée des travaux de recherche permettant de confiner les procé-
conjointement au prélèvement sur les effets toxicologiques du dés de production ou de manipu-
individuel peuvent aussi permettre NC ultrafin pointe la nécessité de lation des poudres nanométriques
de vérifier la nature et la taille des réduire l’exposition des salariés par (sorbonnes, postes de sécurité cyto-
particules prélevées et ainsi confor- la mise en place de moyens de pré- toxique, enceintes ventilées en dé-
ter la qualité de l’évaluation réalisée. vention. Dans le cas des nanoparti- pression…) seront utilisés de préfé-
Ainsi, le prélèvement sur une grille cules, il est recommandé d’adopter rence ; ceux-ci sont particulièrement
dédiée à la microscopie électro- le principe d’une double barrière de bien adaptés aux installations de
nique, combiné à des techniques de protection entre les nanoparticules type laboratoire (de dimensions ré-
microanalyse ou de spectroscopie, et l’opérateur, la première barrière duites). Pour les procédés industriels,
doit permettre de contrôler la na- devant être placée au plus près de des dispositifs de captage inducteur
ture nanométrique des particules, la source potentielle d’émission. (anneaux aspirants pour le remplis-
l’homogénéité de la population et La barrière peut être matérielle sage de sacs ou containers, dosserets
sa nature chimique [60]. (conteneur, boîte à gants, réacteur aspirants, cabines ouvertes d’aspira-
Le tableau V regroupe les limites fermé) ou immatérielle (confine- tion…) pourront aussi être utilisés ;
de quantification habituellement ment dynamique réalisé par une certains dispositifs décrits dans le
retenues pour les techniques évo- enceinte ventilée ou un captage guide de ventilation « Emploi de
quées. Ces valeurs sont indicatives inducteur) [62]. matériaux pulvérulents » [64] sont
et varient en fonction des para- Les moyens de protection collective transposables au cas des nanopar-
mètres inhérents au prélèvement et utiliseront, par ordre décroissant ticules. Le degré de confinement
à l’analyse. d’efficacité, les dispositifs de confi- des procédés devra être adapté à
nement, les systèmes de captage l’intensité des sources générées par
inducteurs et la ventilation des la fabrication ou la manipulation de
locaux (barrières de pression). Les NC ainsi qu’aux valeurs limites rete-
MESURES DE PRÉVENTION dispositifs de ventilation compren- nues pour l’évaluation des risques
dront un étage de filtration à très [65 à 67].
Les mesures de prévention qui haute efficacité (filtre H14, selon NF Lorsque la double barrière de confi-
doivent être prises pour réduire EN 1822-1) situé au plus proche de nement n’est pas assurée, le port de
l’exposition des salariés aux parti- la source pour éviter la contamina- protections individuelles peut s’avé-
cules de NC sont de deux ordres : tion des équipements. rer indispensable (par exemple lors
des moyens de protection collec- Plusieurs résultats de la littérature des opérations de maintenance et
tive et des moyens de protection montrent que les enceintes de confi- de nettoyage). Il est recommandé
individuelle. Comme indiqué dans nement et les dispositifs de captage de porter un appareil de protection
l’article de Ling et al. [61] la combi- ont une efficacité similaire lorsqu’ils respiratoire filtrant anti-aérosols
naison de ces deux types de moyens sont utilisés pour maîtriser les émis- (filtre de classe 3), à ventilation libre
de protection est à même de réduire sions de gaz ou d’aérosols nano- ou assistée en fonction de l’expo-
très fortement l’exposition. métriques [63]. Des équipements sition attendue (concentration en
nanoparticules, durée…), ainsi que
,Tableau V
des vêtements de protection contre
> LIMITES DE QUANTIFICATION POUR LES DIFFÉRENTS DISPOSITIFS ET TECHNIQUES le risque chimique de type 5 et des
UTILISÉS gants [62].
Limite Le choix de l’appareil de protection
Dispositif Particules visées Mode de détermination de quantification respiratoire (APR) approprié doit se
8h de prélèvements faire suite à une analyse des risques
Cyclones (GK 2.69, Gravimétrie ≈ 25 à 100 μg/m3 * au poste de travail qui intègre le
Dorr-Oliver, Higgins-
Øa.e. moyen )4 μm risque d’exposition au NC mais éga-
Dewell) Analyse thermique ou
≈ 1 à 5 μg/m3 lement les autres risques pouvant
Ø filtre 37 ou 25 mm thermo-optique
Suies être présents simultanément au
micro-aéthalomètre Optique ≈ 10 μg/m3 poste de travail (chaleur, bruit, autre
Øa.e. moyen ) 2,5 μm
polluant…). L’étape de choix du type
* Données calculées selon NF ISO 15767 et issues d’un circuit inter-laboratoire sur filtre PVC, dispositif de
de protection individuelle respira-
prélèvement cyclone Dorr-Oliver au débit de 1,5 L/min : 65 à 93 μg/m3 ; dispositif de prélèvement cyclone
GK 2.69 37 mm au débit de 4,2 L/min : 23 à 33 μg/m3 [55]. toire repose sur l’estimation de la

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professionnelle

réduction de l’exposition nécessaire secondaire associée à une inflam-


pour garantir la protection du salarié ÉLÉMENTS ET DISCUSSION mation pulmonaire persistante et
[68]. La protection minimale requise EN VUE DE L’ÉTABLISSEMENT conduisant à des effets potentiels
sera estimée par le rapport entre la D’UNE VLEP pulmonaires tels que la fibrose et le
concentration individuelle mesurée cancer. Pour y parvenir, des études
au poste de travail et la valeur limite Cet article a pour objectif d’engager comme celles d’Elder et al. [9] et
d’exposition professionnelle recom- des réflexions sur la possibilité de Driscoll et al. [25] peuvent être uti-
mandée. Différents niveaux de définir une VLEP pour le noir de car- lisées. Dans les deux cas, il s’agis-
protection minimale pourront être bone nanométrique en proposant sait d’expositions subchroniques
définis en fonction des différents une démarche pour l’évaluation de de 13 semaines par inhalation à
niveaux d’exposition individuelle l’exposition à ces aérosols ainsi que des NC de fourneau dont la surface
mesurés lors des différentes phases les principales mesures de préven- spécifique est importante (300 et
de travail. Dans chaque cas, l’APR tion à recommander. 220 m2/g), permettant d’obtenir
choisi devra avoir un facteur de pro- Le corpus de données publiées, chez le rat, espèce la plus sensible,
tection assigné (FPA) supérieur ou tant toxicologiques qu’épidémio- les NOAEL respectifs de 1 mg/m3
égal à ce niveau de protection mini- logiques, semble suffisant pour et 1,1 mg/m3.
mal. En effet le FPA prend en compte construire une VLEP au sein d’une À partir de ces NOAEL, une modé-
l’efficacité de filtration de l’APR mais expertise collective. Les études épi- lisation permet ensuite d’obtenir
également les fuites au visage démiologiques chez les travailleurs la concentration équivalente chez
lors de son utilisation puisque les américains du NC n'ont montré au- l’homme (CEH) [70, 71]. Ces calculs
valeurs de FPA sont issues de cam- cun excès de cancer du poumon. Les peuvent faire intervenir la surface
pagnes de mesure en situation de études chez l’animal sont contras- spécifique de particules déposées
travail [68]. Le ou les type(s) d’APR tées : positives chez le rat, négatives dans les poumons correspondant
étant défini(s), l’étape suivante de chez la souris ou le hamster. Plu- au NOAEL chez le rat comme dans
choix du modèle d’APR doit garantir sieurs études expérimentales par l’expertise du NIOSH [72] : d’après
son adaptation à la tâche réalisée et inhalation ont montré que le NC la littérature, cette métrique décrit
au porteur en intégrant le confort. induisait des tumeurs pulmonaires bien les relations dose-réponse
Les caractéristiques faciales du por- chez le rat lorsqu'il est administré à pour les particules faiblement
teur seront prises en compte pour des doses entraînant une surcharge solubles et de faible toxicité intrin-
le choix du modèle et de la taille de pulmonaire en particules, ainsi sèque [73, 74] malgré les différences
l’APR qui seront validés par un test qu'une inflammation chronique et de taille, de composition chimique
d’ajustement du masque choisi une hyperplasie épithéliale. Bien et de structure cristalline des parti-
sur le porteur, conformément aux que le mécanisme de cancéroge- cules [71].
recommandations de l’INRS [69]. nèse chez le rat ne soit pas en tota- L’approche appliquée dans le rap-
L’utilisation des APR mis en place ne lité transposable à l’homme du fait port de la Commission allemande
sera efficace que si un programme de différences en termes de toxico- Deutsche Forschungsgemeinschaft
de protection respiratoire est déve- cinétique et de sensibilité à l’induc- (DFG) relatif aux valeurs limites
loppé en parallèle. Outre le choix tion d’une réponse inflammatoire d’exposition (valeurs MAK, Maxi-
des APR, ce programme doit com- pulmonaire, ce résultat positif a male Arbeitsplatzkonzentrationen)
porter un volet de formation des conduit le CIRC [1] à ne pouvoir [70] et utilisée récemment dans un
opérateurs au port et à la mainte- exclure chez l’homme le risque des rapport de l’Agence nationale de
nance de ces APR [68]. conséquences résultant d’une sur- sécurité sanitaire de l'alimentation,
Le comportement aéraulique des charge pulmonaire et à classer le NC de l'environnement et du travail
nanoparticules favorise leur captage dans le groupe 2B (l’agent est peut- [75], prend notamment en compte
par des systèmes de ventilation et être cancérogène pour l’homme) : les différences de temps d’élimi-
par des filtres mais également leur cette évaluation reposait sur des nation entre le rat et l’homme et
dépôt sur les surfaces. Ceci nécessite preuves insuffisantes chez l'homme conduit pour le NC à des CEH de
d’établir des procédures de mainte- et suffisantes chez l’animal de labo- 0,122 et de 0,169 mg/m3 à partir res-
nance des installations, notamment ratoire. pectivement des NOAEL de Elder et
de ventilation et de filtration, qui L’objectif de la future VLEP sera donc al. [9] et Driscoll et al. [25].
intègrent le risque d’exposition à ces de prévenir une surcharge pulmo- Afin d’obtenir la VLEP, des facteurs
dépôts de particules ultrafines. naire entraînant une génotoxicité d’incertitudes conventionnels

34 N° 161 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2020


peuvent être aussi appliqués sur plasie épithéliale. Ce mécanisme
la CEH. Un de ces facteurs pourra CONCLUSION a conduit le CIRC [1] à conclure que
considérer les effets potentiels le NC est « peut-être cancérogène
sur les organes distants suite à la Le corpus de données publiées, pour l’homme » (groupe 2B).
translocation pulmonaire au long tant épidémiologiques que toxi- En conséquence, l’objectif est de
cours du dépôt alvéolaire telle cologiques, semble suffisant pour prévenir une surcharge pulmo-
qu’identifiée par des expérimenta- construire une VLEP au sein d’une naire conduisant à une inflamma-
tions court terme chez le rongeur. expertise collective. Les études épi- tion pulmonaire persistante suivie
Cette translocation décrite dans la démiologiques chez les travailleurs d’une fibrose ou d’un cancer. Ce
littérature est certes de très faible américains du NC n'ont montré mécanisme d’action ainsi que les
intensité mais, sur le long terme ou aucun excès de cancer du poumon. caractéristiques physicochimiques
pendant la grossesse, pourrait se Les études expérimentales par d’insolubilité et de (faible) réacti-
révéler significative et éventuelle- inhalation sont négatives chez la vité du noir de carbone ont permis
ment néfaste pour la santé. souris ou le hamster mais positives la sélection d’études clés et le calcul
La valeur de la future VLEP devra chez le rat, avec l’induction de tu- d’une concentration équivalente
être exprimée en masse pour des meurs pulmonaires lorsque le NC humaine (CEH) sur laquelle un
raisons pratiques liées au contrôle est administré à des doses entraî- groupe d’expertise collective déci-
des expositions professionnelles. nant une surcharge pulmonaire dera de l’application de facteurs
Pour être qualifiées, les méthodes en particules, ainsi qu'une inflam- d’incertitude permettant de finali-
de mesure doivent permettre mation chronique et une hyper- ser une VLEP 8 h.
d’atteindre 1/10e de la VLEP. La
méthode actuelle la plus sensible
ne permettrait pas d’évaluer des
expositions inférieures à 10 μg/m3
POINTS À RETENIR
pour un prélèvement de 8 h, ce qui Le noir de carbone est composé de carbone élémentaire pratiquement pur
pourrait poser des problèmes en structuré en particules primaires quasi sphériques de diamètres moyens compris
termes de prévention. Le contrôle entre 10 et 500 nanomètres et de particules nanostructurées.
des expositions professionnelles
En France, à partir des données d’exposition issues de la base COLCHIC, la
devra également intégrer le fait médiane des concentrations atmosphériques sur la période 1994-2018 est de
que, dans la plupart des atmos- 0,6 mg/m3. Les données disponibles concernent principalement le secteur de la
phères de travail concernées, fabrication et les tâches d’ensachage et de chargement de trémies ou de silos.
l’aérosol comprendra des parti-
Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a classé le noir de
cules alvéolaires micrométriques,
carbone comme « peut-être cancérogène pour l’homme » (groupe 2B).
en plus des nanométriques et
nanostructurées. Il sera aussi né- Chez le rat, l’inhalation de noir de carbone induit des tumeurs pulmonaires
cessaire de tenir compte qu’une à des doses entraînant une surcharge pulmonaire en particules, ainsi qu'une
part significative de la masse inflammation chronique et une hyperplasie épithéliale.
prélevée sera représentée par les Une concentration équivalente humaine comprise entre 0,122 et 0,169 mg/m3,
poussières micrométriques pro- a pu être déterminée, sur laquelle un groupe d’expertise collective pourrait
venant de la pollution atmosphé- construire une valeur limite d’exposition professionnelle (VLEP) 8 h, après
rique : le Haut Conseil de la santé application de facteur(s) d’incertitude.
publique [76] soulignait en effet La sensibilité des techniques analytiques disponibles doit être considérée.
qu’« en l’absence de sources inté-
rieures, la contribution des sources
A minima, les dispositifs de prélèvement ciblant la fraction conventionnelle
alvéolaire seront utilisés. Des mesures en différé ou en temps réel peuvent être
extérieures permet d’expliquer
réalisées, en s’assurant de la nature nanométrique de l’aérosol carboné et du
une large part des concentrations caractère mono-pollué de l’atmosphère.
mesurées dans les espaces clos, les
teneurs dans une pièce étant bien Les mesures de prévention à mettre en œuvre sont en priorité des mesures
corrélées aux concentrations exté- de protection collective, basées sur le principe de double barrière entre les
nanoparticules et l’opérateur. Une information et une formation des opérateurs
rieures » et que « 80 % des niveaux
doivent accompagner ces mesures.
de PM2,5 dans l’air ambiant étaient
retrouvés dans l’air intérieur ». BIBLIOGRAPHIE

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GRAND ANGLE
Noir de carbone nanostructuré :
vers une valeur limite d’exposition
professionnelle

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MARS 2020 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 161 37


GRAND ANGLE
Noir de carbone nanostructuré :
vers une valeur limite d’exposition
professionnelle

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38 N° 161 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2020


TC 169
GRAND ANGLE

Effets sur la santé des horaires


longs de travail : revue de la
littérature
AUTEURS :
M.A.Gautier, G.Caëtano, Département Études et assistance médicales, INRS

en
résumé

La pratique des organisations MOTS CLÉS

© Gaël Kerbaol/ INRS


en horaires atypiques au Horaire atypique /
Horaire de travail /
travail est de plus en plus
Organisation du
habituelle, en particulier les travail / Affection
horaires longs, fréquents, qui cardiaque / Santé
seraient à l’origine d’effets mentale / Appareil
propres sur la santé. Une revue cardiovasculaire
bibliographique a recensé
les articles traitant des effets
spécifiques de ces horaires
longs, en dehors des autres
effets pouvant être liés à
l’exposition au travail de nuit.
Deux catégories d’horaires longs
sont identifiées : celle due à une
organisation stricte des horaires,
tels que les postes en 2x12
heures et celle correspondant

L’
à des horaires flexibles, choisis
par les salariés et appelés
« longs horaires de travail ».
Des effets cardiovasculaires et
sur la santé mentale semblent organisation des ho- Cependant, d’autres organisations
être plus souvent rencontrés raires de travail dans les pays oc- horaires existent et sont de plus en
chez ces salariés. Cependant, cidentaux répond à une norme so- plus répandues. EUROSTAT, l’orga-
des travaux supplémentaires ciale majoritairement répandue. nisme communautaire de statis-
doivent être menés pour De façon habituelle, la semaine tiques, publie, depuis 2011, les pour-
confirmer ces éléments, de travail standard se déroule centages de personnes actives qui
notamment en s’affranchissant du lundi au vendredi pendant ont des horaires atypiques. En 2018,
du travail de nuit. Des mesures cinq jours consécutifs et les sala- 38,1 % de la population active euro-
de prévention pourront alors riés travaillent en journée avec péenne (Europe des 15) travaillaient
être plus facilement dégagées une pause méridienne, selon des selon ce type d’horaires. En France,
et proposées pour limiter horaires prévus à l’avance et qui la proportion était de 35,5 % [1].
les impacts sur la santé. ne varient pas (8 heures par jour, Ces horaires atypiques peuvent
entre 5 et 23 heures). être définis comme toute « forme

MARS 2020 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 161 39


GRAND ANGLE
Effets sur la santé des horaires longs
de travail : revue de la littérature

d’organisation du travail où le gé du Travail (DARES), a publié une


travail se fait en horaires décalés DÉFINITIONS ET étude sur les horaires atypiques et
en dehors du cadre de la semaine GÉNÉRALITÉS les contraintes dans le travail en
standard ». Le terme va donc mettant en évidence une typologie
s’appliquer à tous les aménage- Par convention, les horaires longs de groupes professionnels selon
ments du temps de travail situés sont définis comme des horaires leurs horaires. Il y avait six catégo-
en dehors de la configuration de de travail correspondant à une ries dont une pour les « horaires nor-
la semaine standard. Les plus étu- durée hebdomadaire de 40 heures maux ou standards » qui représen-
diés et connus sont le travail de ou plus. En Europe, la directive tait seulement 37 % de l’ensemble
nuit et le travail posté (incluant les 93/104/CE du 23 novembre 1993 des salariés. Les cinq autres catégo-
nuits) dont les effets sur la santé du Conseil, modifiée par la direc- ries, soit deux salariés sur trois, cor-
semblent maintenant établis. De tive 2000/34/CE du 22 juin 2000 respondaient à des temps de travail
nombreuses autres organisations du parlement et du Conseil, fixe « atypiques ». Parmi celles-ci était
horaires existent, mais elles ont « l’aménagement du temps de tra- distinguée la catégorie de « ceux
été moins étudiées car la méthodo- vail » et définit précisément pour dont les horaires sont longs, flexibles
logie d’étude est plus compliquée tous les pays membres de l’Union et peu contraints tels que les cadres »
à mettre en place du fait de leur européenne « le temps de travail », et travaillant très fréquemment au-
multiplicité. Un article récemment les « périodes de repos » et les « pé- delà de leurs horaires sans que cela
publié dans la revue Références en riodes nocturnes ». Ainsi, par cette leur soit imposé [7] (tableau I).
Santé au Travail a pu cependant directive, la durée hebdomadaire Plus récemment, les premiers ré-
faire une synthèse de premiers du travail est limitée à quarante- sultats de l’enquête SUMER 2017,
résultats les concernant [2]. huit heures en moyenne, y compris publiés en septembre 2019, ont
Une catégorie d’horaires est un peu les heures supplémentaires pour trouvé qu’environ 20 % des salariés
à part : ce sont les horaires longs. En chaque période de sept jours. Cette avait travaillé plus de 40 heures la
effet, ils ont été particulièrement définition sert de référence pour de semaine précédant l’enquête et que
étudiés dans certains pays, tels nombreuses études qui cherchent ces salariés étaient principalement
ceux d’Asie du Sud-Est, où ces orga- à évaluer les effets sur la santé des des cadres et des professions intel-
nisations horaires sont fréquentes. longs horaires de travail. lectuelles supérieures (43,5 %) [8].
La culture du travail excessif, avec Cependant, il est important de dis- Dans les pays d’Asie du Sud-Est, la
des horaires de travail de plus de tinguer les horaires longs de tra- situation est différente car cette
45 heures par semaine chez une vail tels que ceux pratiqués dans pratique des longs horaires de tra-
grande majorité de travailleurs, y le travail posté en deux fois douze vail est très répandue et certains
est plus développée que dans les heures (appelés aussi « postes évoquent même une « culture des
pays occidentaux. Par exemple, en longs »), fixés dans le cadre d’une horaires excessifs », à tel point que
2013, 23 % des employés japonais organisation stricte du temps de les pouvoirs publics au Japon, en
de la classe moyenne travaillaient travail [4], des longs horaires de Corée et à Taïwan, ont décidé de
plus de 50 heures par semaine [1]. travail qui n’ont pas de cadre fixé, reconnaître en tant que maladies
Ainsi, le syndrome de mort subite pas forcément de périodes de nuit, professionnelles les maladies car-
par surcharge de travail, ou Karoshi, mais qui correspondent à des orga- diovasculaires en lien avec une sur-
étudié et décrit au Japon pour la nisations horaires flexibles et liées charge d’heures de travail [3].
première fois dans les années 1970 aux habitudes et à la charge de tra- Ces horaires peuvent avoir des
[3], y est fréquent. Or, ces dernières vail des salariés qui les pratiquent. répercussions sur l’état de santé
années, en Europe et en France, Dans l’Union européenne, la durée des salariés qui les pratiquent.
la pratique des horaires longs est de travail hebdomadaire moyenne Malgré cela, ils sont plébiscités par
un phénomène en constante évo- des salariés à temps complet est certains employeurs et salariés
lution. Des travaux de recherche de 40,3 heures. En France, en 2018, car ils présentent des bénéfices
concernant leurs impacts spéci- elle est comprise entre 37,1 et 39,1 secondaires qui sont mis en avant
fiques sur la santé se multiplient, heures par semaine selon les et jouent un rôle primordial dans
que ce soit dans les pays asia- études [5, 6]. leur acceptation et leur tolérance.
tiques ou occidentaux, et des effets En 2009, la Direction de l’anima- Ainsi, quand ces horaires relèvent
propres sur la santé semblent être tion de la recherche, des études et d’une planification hebdomadaire
en lien avec cette exposition. des statistiques, au ministère char- du temps de travail, comme les

40 N° 161 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2020


,Tableau I

> CONTRAINTES D’HORAIRES DES DIFFÉRENTES CATÉGORIES DE SALARIÉS (en pourcentage) [7]
“Horaires
“Horaires “Horaires “Horaires “Horaires
“Horaires variables
Catégories de salariés décalés décalés longs et à temps Ensemble
normaux” au cours de
habituels” occasionnels” flexibles” partiel”
l’année”
Durée hebdomadaire de 40 heures ou
21,5 29,8 26,5 22,6 74,2 1,8 25,2
plus
Dépassements d’horaires fréquents sans
14,3 21,8 11,9 14,4 55,7 12,4 19,1
compensation
Reçoit des appels professionnels hors du
8,6 12,3 14,3 3,6 31,7 11,4 12,2
temps de travail
Soumis à des astreintes 9,1 10,5 14,1 2,1 22,3 3,8 9,8
Emporte du travail chez soi 3,6 14,4 9,3 7,2 32,7 7,9 10,0
Commence le travail avant 7 heures 12,4 20,6 17,3 14,3 2,8 4,0 12,7
Termine le travail après 20 heures 4,5 14,1 2,4 0,9 11,3 8,0 7,2
Travaille habituellement la nuit 4,6 22,3 5,0 4,0 1,3 2,9 7,3
Travaille occasionnellement la nuit 3,8 7,9 29,3 3,2 13,6 2,8 7,9
Travaille habituellement le samedi 6,5 96,8 0,0 4,7 1,3 30,3 26,6
Travaille occasionnellement le samedi 7,6 0,3 98,6 27,7 44,4 13,8 21,4
Travaille habituellement le dimanche 0,4 48,8 0,0 2,2 0,7 12,4 11,9
Travaille occasionnellement le dimanche 2,5 13,9 59,9 8,7 24,1 10,3 14,3
Ne connaît pas ses horaires pour la
9,4 8,4 10,6 3,6 25,1 9,7 10,3
semaine à venir
Horaires fixés par l’entreprise 69,6 81,5 74,7 73,1 4,4 64,0 65,4
Horaires libres 2,7 7,5 4,9 1,8 73,9 12,6 12,3
Modulation de la durée du travail 9,4 24,0 17,5 99,9 31,2 24,7 23,9
ENSEMBLE 37,1 19,1 10,2 6,7 9,5 17,5 100,0

Champ : salariés.
Lecture : 21,5 % des salariés de la catégorie « horaires normaux » ont une durée du travail supérieure à 40 heures hebdomadaires.
Source : enquête Conditions de travail 2005, INSEE-DARES.

« deux fois douze heures », le temps de permettre une meilleure conci- les années de publication. Les ar-
de travail est concentré sur seule- liation vie personnelle-vie profes- ticles ont été trouvés à partir des
ment quelques jours, ce qui permet sionnelle. bases de données Pubmed et INRS
ensuite d’avoir plusieurs jours de biblio, interrogées sur la base d’une
repos et de gagner du temps libre, liste de mots clés en anglais et en
pouvant être mis à profit pour français. Cette liste, initialement
l’organisation de la vie familiale et REVUE DE LA LITTÉRATURE importante, a été affinée par des
sociale, et simplifier la gestion des mots et expressions associés, pro-
contraintes de la vie quotidienne. MÉTHODOLOGIE posés dans les premiers résultats
De plus, ces postes en horaires Le travail de recherche bibliogra- trouvés et semblant les plus perti-
longs peuvent présenter des avan- phique a consisté à recenser les ar- nents. Ainsi, les termes « overtime
tages financiers avec des salaires ticles traitant de l’exposition à ces work », « long working hours »,
plus élevés par rapport à ceux obte- horaires longs et de leurs effets sur « long hours », « extended hours »,
nus dans des postes aux horaires la santé. Puis une analyse des diffé- « extended work », ont été particu-
standards. Quand ces horaires sont rents documents trouvés a été réa- lièrement retenus.
pratiqués dans le cadre de « débor- lisée pour aboutir à une synthèse Cette première phase de recherche
dements » des horaires prévus par de leurs résultats. a ensuite été complétée à partir
choix propres des salariés, c’est en La recherche bibliographique a d’articles trouvés par une veille
général pour permettre une meil- porté sur la littérature scientifique bibliographique réalisée dans le
leure auto régulation de la charge internationale au travers d’études département Études et assistance
de travail et une certaine flexibilité expérimentales et surtout épidé- médicales de l’INRS depuis janvier
avec, comme argument principal, miologiques, sans limitation sur 2018, portant également sur la

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GRAND ANGLE
Effets sur la santé des horaires longs
de travail : revue de la littérature

littérature internationale, et effec- psychiques, mais que des études heures de travail ont été étudiées.
tuée à partir de Pubmed essen- complémentaires devaient être réa- Au Japon, en 2009, une étude a
tiellement. Les derniers articles lisées pour caractériser les risques été réalisée dans une population
sélectionnés remontent au dernier de cette exposition. En effet, peu d’ouvriers afin de rechercher une
trimestre 2019. d’études spécifiques portaient sur association entre le fait de travail-
Les articles trouvés ont ensuite été ces horaires alors que celles sur le ler plus de 10 heures par jour et
sélectionnés à partir de leurs titres travail de nuit et le travail posté d’avoir un syndrome métabolique.
et résumés. Et, dans un second étaient nombreuses [9]. Neuf cents trente-trois ouvriers de
temps, les articles retenus ont été A contrario, dans les pays d’Asie sexe masculin ont répondu à un
analysés et synthétisés pour être du Sud-Est, ces horaires longs et questionnaire et ont eu un bilan de
intégrés au travail de revue de la leurs effets étaient étudiés depuis santé pour dépister un syndrome
littérature. plusieurs années. En effet, cette métabolique. Les résultats ont mis
Il a été constaté que les différents organisation horaire y est très fré- en évidence une augmentation du
documents sélectionnés (articles quente et est suspectée être à l’ori- risque de syndrome métabolique
scientifiques, rapports d’expertises, gine de Karoshi. Ce syndrome se (odds ratio [OR] : 2,32) chez ceux tra-
revues de la littérature) souffraient traduit par des morts subites pour vaillant plus de 10 heures par jour
fréquemment d’une faiblesse mé- lesquelles des études ont montré (même quand ils n’étaient pas en
thodologique quant à la caractéri- que plus de 60 % étaient dues à des travail posté en équipe). Ce résultat
sation de l’exposition à ces horaires accidents vasculaires cérébraux était augmenté (OR : 3,14) quand ils
longs. En effet, dans la grande ma- (AVC) (hémorragies subarachnoï- avaient plus de 40 ans [12]. Cepen-
jorité des études, seule la durée du diennes et intracérébrales, infarc- dant d’autres travaux viennent
temps de travail hebdomadaire est tus intracérébraux) et que seule- modérer ces résultats. En Corée,
précisée et les caractéristiques de ment 10 % étaient provoquées par la recherche de liens entre la pré-
ce temps de travail (en particulier des infarctus du myocarde [10, 11]. sence de syndrome métabolique et
la présence de travail de nuit, de Plus récemment, les recherches l’exposition à différents emplois du
travail décalé…) ne sont pas défi- bibliographiques montrent que le temps en horaires postés (horaires
nies. De plus, de nombreux effets travail en horaires longs semblerait de journée, 3*8 et 2*12) a montré
ou impacts sont parfois recherchés, être à l’origine d’autres effets sur que les salariés travaillant en deux
sans structuration logique, et la la santé : des troubles psychiques fois douze heures, donc également
présence de biais ne peut être tota- surtout, mais ils pourraient aussi la nuit, avaient aussi plus fréquem-
lement exclue. favoriser les addictions, d’autres ment un syndrome métabolique.
altérations de l’état de santé géné- L’attribution de la causalité du syn-
RÉSULTATS : LES EFFETS SUR ral, voire des anomalies lors de la drome métabolique au travail en
LA SANTÉ grossesse. horaires longs plutôt qu’au travail
de nuit y est donc moins évidente
GÉNÉRALITÉS DES EFFETS CARDIOVASCULAIRES [13]. En Espagne, une étude de co-
À la fin des années 1990 était CONNUS DEPUIS PLUSIEURS horte réalisée sur une population
proposé un projet de publication DÉCENNIES d’universitaires suivie pendant 8
d’une directive européenne sur Comme déjà évoqué précédem- ans environ, n’a pas pu mettre en
la limitation du temps de travail. ment, il semblerait que les horaires évidence de relation entre le syn-
Certains partis politiques et des longs aient un impact sur le sys- drome métabolique et le fait de
dirigeants de pays y étaient oppo- tème cardiovasculaire. Ces effets travailler plus de 40 heures par se-
sés en arguant de son inutilité. sont étudiés depuis une quaran- maine [14]. Au regard de ces contro-
Des chercheurs ont alors réalisé et taine d’années en Asie du Sud-Est verses, une méta-analyse, réalisée
publié une revue de la littérature et des travaux scientifiques se récemment en 2019, à partir de
relative aux effets sur la santé des poursuivent à la recherche de liens 259 articles, a montré que le fait de
horaires longs pour démontrer entre ces horaires longs, les effets travailler de longues heures était
que cette limitation était fondée. cardiovasculaires et également cer- corrélé de façon significative et pro-
Le travail réalisé a mis en évidence tains facteurs de risque spécifiques. portionnelle avec l’augmentation
qu’il existait des effets sur la santé C’est ainsi que les relations entre de l’indice de masse corporelle [15].
liés au travail en horaires longs, la présence d’un syndrome méta- D’autres études ont également
en particulier cardiovasculaires et bolique et la pratique de longues cherché à mettre en évidence le

42 N° 161 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2020


lien entre le travail en horaires cident coronarien et d’AVC chez les cun lien significatif n’a pu être mis
longs et le risque de maladie coro- personnes travaillant en horaires en évidence, que ce soit entre une
narienne, d’incident coronarien longs. Les résultats statistiques pathologie ischémique et le travail
et d’AVC. Les différents résultats ont mis en évidence un surcroît en horaires longs ou la prise de trai-
semblent aller dans le même sens de risque d’AVC pour les salariés tement hypotenseur et le travail en
qu’au Japon pour le Karoshi, à qui avaient de longues journées de horaires longs [21].
savoir que le risque d’AVC semble travail (RR : 1,10 pour des horaires Pour élargir les connaissances,
être plus important. Concernant hebdomadaires compris entre 41 des enquêtes ont étudié d’autres
la maladie coronarienne, en 2012, et 48 heures, RR : 1,27 pour des se- pathologies pouvant être en lien
une revue de la littérature et méta- maines entre 49 et 54 heures et 1,33 avec l’exposition à des horaires
analyse de grande portée a mis en pour des semaines travaillées plus longs. Ainsi, une importante revue
évidence, avec un niveau de preuve de 55 heures). Cependant, le risque de la littérature réalisée en 2014 a
élevé, une association entre de lon- d’incident coronarien était estimé cherché l’association entre l’expo-
gues heures de travail et la maladie comme plus modéré (1,13 pour sition à de longs horaires de travail,
coronarienne. Cette revue, réalisée des semaines de plus de 55 heures définis comme plus de 8 heures par
à partir de 12 études sélectionnées travaillées) [18]. Enfin, très récem- jour ou 40 heures par semaine, et
pour leurs qualités scientifiques ment, une étude européenne réali- l’existence de plusieurs effets sur la
et portant sur 22 518 participants, sée à partir de la cohorte française santé (maladies de l’appareil circu-
a montré que le risque de mala- Constances a cherché à évaluer ce latoire, diabète, syndrome métabo-
die coronarienne était augmenté même lien entre les horaires longs lique, syndrome dépressif, anxiété,
d’environ 40 % chez les salariés de travail et la survenue d’AVC. Les troubles psychologiques, sommeil,
exposés aux horaires longs [16]. horaires longs y étaient définis à fonctions cognitives, bon état gé-
Mais cette même équipe suédoise partir de durée journalière de plus néral). L’originalité de cette étude
a publié quelques années plus tard de 10 heures et ce plus de 50 jours était de préciser n’avoir sélectionné
une nouvelle revue de la littérature par an. Les résultats ont mis en évi- que des études où l’exposition au
mettant en évidence cette fois-ci dence un surcroît de risque d’AVC travail de nuit avait été exclue (ce
un lien plus modéré entre l’exis- lorsque le temps d’exposition des qui n’est pas fréquent). Après ana-
tence de maladie coronarienne salariés à ces horaires dépassait 10 lyse, les auteurs ont conclu que
(risque relatif [RR] : 1,12), d’AVC (RR ans [19]. l’exposition à ces horaires longs re-
: 1,21) et le travail en horaires longs D’autres travaux minimisent présentait un risque accru d’avoir
de plus de 55 heures par semaine. ces résultats. En 2013, une étude un état dépressif, de l’anxiété, des
Les mécanismes en cause étudiés a comparé deux groupes de tra- difficultés de sommeil et des mala-
suggèrent une instabilité élec- vailleurs coréens en cherchant le dies coronariennes [22].
trique cardiaque et une hypercoa- « sur-risque » d’incidents cardio- Une autre approche du problème
gulation sanguine. Cependant, la vasculaires selon la durée hebdo- a consisté à caractériser les expo-
force des liens statistiques étant madaire de travail pratiquée la sitions et à rechercher les cumuls
faible et l’existence de facteurs de semaine précédente ou les 3 mois de facteurs de risque. Ces derniers
confusion non nulle, ces mêmes antérieurs. Le risque, à court ou comprenaient l’exposition à des
auteurs suggèrent de réaliser des long terme, était plus élevé dans le horaires de plus de 50 heures par se-
recherches supplémentaires pour groupe de ceux ayant travaillé plus maine, à des facteurs de risque car-
déterminer la part attribuable aux de 60 heures ; il l’était également diovasculaires tels que l’inactivité
facteurs individuels tels que la sen- pour ceux travaillant selon des ho- physique, le tabagisme, la privation
sibilité au stress, la présence d’athé- raires considérés comme normaux de sommeil (moins de 5 heures par
rosclérose ou encore des anomalies (moins de 40 heures par semaine) jour), le surpoids et/ou l’obésité, le
du contrôle glycémique [17]. [20]. Une autre enquête, au Dane- stress et la consommation excessive
Un autre travail de grande am- mark, a cherché à établir un lien d’alcool. C’est surtout l’association
pleur, réalisé en collaboration avec entre la présence d’une pathologie de la pratique d’horaires longs avec
plusieurs équipes de recherche eu- ischémique cardiaque, la prise de le stress et la privation de sommeil
ropéennes, australiennes et nord- traitement antihypertenseur et la qui a été mise en évidence comme
américaines, à partir de 25 études pratique d’horaires de travail longs facteurs de risque cardiovascu-
provenant de 24 cohortes, a été réa- sur la semaine dans une cohorte de laire [23]. Le niveau de revenu et la
lisé pour quantifier les risques d’in- 145 861 travailleurs. Là encore, au- pratique d’horaires longs comme

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GRAND ANGLE
Effets sur la santé des horaires longs
de travail : revue de la littérature

facteurs de risque cumulés ont Ainsi, la recherche d’un impact sur D’autres auteurs ont recherché la
également été étudiés. Dans une la santé mentale de la pratique présence de symptômes de fatigue
cohorte coréenne de 11 602 indivi- d’horaires longs a été fréquem- chronique. En Corée, chez 238 opé-
dus pour laquelle les données ont ment investiguée. C’est le cas de rateurs masculins de trois entre-
été recueillies durant 9 ans (2007- l’étude australienne réalisée entre prises du secteur de l’électronique,
2016), il a été mis en évidence une 2001 et 2012 au sein de la cohorte les salariés ont été interrogés à par-
augmentation de 4,1 % du risque HILDA (Household, Income and tir d’auto-questionnaires portants
cardiovasculaire pour les personnes Labour Dynamics in Australia, soit sur leurs horaires de travail (moins
qui travaillaient quotidiennement Ménages, revenus et dynamiques de 60 heures, entre 60 et 70 heures
10 heures ou plus et dont le revenu de travail en Australie). Cette co- et plus de 70 heures par semaine),
était élevé. Ce surcroît de risque horte est constituée d’une popu- leur état de santé (heures de som-
n’était pas retrouvé chez les per- lation de « ménages » australiens. meil, pratique d’exercice physique,
sonnes travaillant autant mais avec Chaque année, ont été recueillies consommation d’alcool, antécé-
un revenu plus faible. Ces résultats des données sur leur bien-être dents et problèmes médicaux, prise
ont permis aux auteurs de conclure économique et social, et sur leur de médicaments), leur fatigue sub-
que l’effet du niveau de revenu sur vécu professionnel et familial. Les jective (somnolence et léthargie,
le risque cardiovasculaire, et ce qu’il questions posées portaient sur la difficultés de concentration…) et
implique probablement au niveau durée des horaires de travail et dis- leur stress professionnel. Les résul-
psychosocial, était plus important tinguaient 5 catégories de salariés tats les plus significatifs ont trouvé
que l’exposition à des horaires longs selon qu’ils travaillaient moins de que la fatigue chronique était plus
[24]. Le travail en horaires longs 34 heures par semaine, entre 35 et fréquente quand les horaires de
pourrait également affecter les 40 heures, entre 41 et 48 heures, travail étaient longs (60 heures et
recours et les accès aux soins, ainsi entre 49 et 59 heures et plus de 60 entre 60 et 70 heures par semaine)
que l’état de santé général. Une heures hebdomadaires. Les per- et que l’auto-questionnaire peut
équipe de chercheurs coréens a mis sonnes répondaient également à permettre la détection précoce de
en évidence que le fait de travailler un questionnaire SF-36 (The Short la fatigue chronique lors de la pra-
plus de 60 heures par semaine pour Form (36) Health Survey, Question- tique d’horaires longs [28].
des salariés âgés de 20 à 54 ans était naire court d'étude de la santé per- De plus, la somnolence semble être
à l’origine d’accès aux soins non sa- çue) qui est un questionnaire stan- rencontrée chez les personnes qui
tisfaits et pouvait donc être préjudi- dardisé de mesure de l'état de santé ont de longs horaires de travail. Une
ciable à leur santé [25]. Toujours en global. Les résultats étaient rappor- étude réalisée récemment aux États-
Corée, une analyse des données de tés au temps travaillé et comparés Unis a mis en évidence de fortes
santé auto-déclarées de travailleurs à ceux obtenus par des salariés qui altérations des résultats de l’échelle
âgés de 25 à 64 ans, selon leur temps travaillaient une durée considérée d’Epworth (qui évalue la somno-
de travail hebdomadaire, a mis en comme référente (35 à 40 heures lence) chez des sages-femmes tra-
évidence un sur-risque « d’état de par semaine). Le statut du contrat vaillant plus de 12 heures par 24
santé altéré » chez les salariés qui de travail, le niveau de compé- heures. Les auteurs rapportent ce
travaillaient plus de 60 heures par tences, le genre et l’âge des parti- résultat principalement à la durée
semaine [26]. cipants étaient également pris en du poste, mais ne précisent pas la
Ces derniers résultats montrent compte. Les résultats de cette étude temporalité des postes (de nuit, de
que les effets sur la santé mentale ont montré que les groupes ayant jour ou les deux) [29].
et psychique de ces horaires sont les horaires hebdomadaires les Les horaires longs peuvent être
fréquemment rencontrés et d’im- plus longs (49 à 59 heures et plus également incriminés dans la sur-
portance. de 60 heures par semaine) avaient venue d’accidents, et en particulier
une santé mentale évaluée comme d’accidents de travail, du fait de la
EFFETS PSYCHIQUES, mauvaise au questionnaire SF-36, fatigue et des troubles cognitifs
PSYCHOLOGIQUES ET ADDICTIONS surtout chez les femmes qui tra- qu’ils semblent pouvoir engen-
Dans les enquêtes ou études por- vaillaient entre 49 et 59 heures par drer. Une étude cas-témoin réalisée
tant sur les horaires longs, les effets semaine. Cette altération de l’état en milieu hospitalier en Égypte a
sur la santé mentale et les troubles de santé mentale était également recherché le sur-risque de piqûres
psychiques sont fréquemment plus marquée quand le niveau de accidentelles avec une aiguille chez
retrouvés. qualification était élevé [27]. le personnel soignant, en lien avec

44 N° 161 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2020


certaines pratiques ou conditions et la pratique de longs horaires de mation d’alcool. Une méta-ana-
de travail. Plusieurs facteurs de travail chez des salariés employés lyse réalisée en 2014 a étudié cette
risques sont significatifs, parmi les- de maison. En 2001, puis en 2002 et relation à partir de 61 études cas-
quels la pratique d’horaires longs 2004, 2 960 employés à temps plein témoins réalisées dans 14 pays
(entre 8 et 12 heures et plus de 12 ont été suivis en comparant la pré- (33 693 participants) et 20 études
heures travaillées par jour) (OR : sence de symptômes psychiques de cohorte provenant de 9 pays
2,28) [30]. selon la durée hebdomadaire du (100 602 participants). Les longs
L’anxiété et la dépression semblent travail (35-40 heures par semaine horaires de travail étaient défi-
également être des symptômes et et plus de 55 heures par semaine). nis comme ceux dépassant les 48
troubles psychiques fréquemment Les employés de maison travail- heures hebdomadaires. Les résul-
retrouvés chez les personnes tra- lant plus de 55 heures par semaine tats ont mis en évidence un sur-
vaillant de longues heures. Une avaient de façon significative un croît de risque de consommation
méta-analyse et une revue de la lit- risque plus élevé de développer des d’alcool chez les personnes tra-
térature réalisées à partir d’études symptômes dépressifs et anxieux vaillant entre 49 et 55 heures par
portant sur des travailleurs adultes, et ce, d’autant plus que ce sont des semaine et ceux qui travaillaient
exposés à de longs horaires de tra- femmes [33]. Au Japon, c’est un plus de 55 heures. Il n’a pas été mis
vail et souffrant de symptômes échantillon de 1 241 médecins rési- en évidence de différences entre les
dépressifs diagnostiqués, ont cher- dents hospitaliers qui a également sexes [36].
ché à mettre en évidence ce lien. été étudié. Ces derniers ont été sui- Enfin, les horaires longs et les
Les résultats n’ont pas été signifi- vis trois mois au début de leur exer- revenus pourraient être incrimi-
catifs, bien qu’ils aient montré que cice et trois mois plus tard. Les don- nés dans le suicide d’adultes mas-
les travailleurs ayant des horaires nées recueillies concernaient leur culins au Japon. En effet, devant
dépassant 50 heures par semaine durée de travail hebdomadaire, de le nombre important de suicides
avaient une tendance aux troubles sommeil, leur temps libre, le tra- dans ce pays, une étude à grande
dépressifs, d’autant plus chez les vail de nuit et leurs symptômes échelle y a été réalisée pour re-
femmes [31]. D’autres travaux ont dépressifs (avec le questionnaire chercher quels pouvaient être les
des résultats plus concluants. Ain- utilisé par le Center for Epidemiolo- facteurs de risques associés au
si, en Grande-Bretagne, les effets gic Studies - Depression Scale pour passage à l’acte suicidaire. D’après
des horaires longs ont été étudiés Centre d'études épidémiologiques les auteurs, la pratique d’horaires
dans une population d’officiers de - Échelle de dépression). Les résul- longs de travail semblerait être un
police. Ces agents ont été soumis à tats ont montré que le temps de facteur de risque de suicide plus
des questionnaires à la recherche travail moyen était de 79,4 heures important que d’autres, tels que le
de troubles mentaux et de signes par semaine et que 7,8 % travail- faible niveau de salaire, le manque
d’épuisement professionnel (Gene- laient plus de 100 heures par d’activités de loisirs et l’absence de
ral Health Questionnaire GHQ-12, semaine. Les médecins résidents hobbies [37].
soit Questionnaire de santé géné- travaillant entre 80 et 99,9 heures
ral, et Maslach Burnout Inventory par semaine, ainsi que ceux travail- AUTRES EFFETS
ou MBI, soit Inventaire de burnout lant 100 heures ou plus, avaient un Un lien entre des douleurs chro-
de Maslach). Les résultats ont mis risque élevé et proportionnel de niques de l’appareil locomoteur et
en évidence que 27 % des 1 226 ré- développer une dépression, compa- le fait de travailler plus de 9 heures
pondants travaillaient plus de 49 rés à ceux travaillant moins de 60 par jour a été évoqué. C’est ce qu’a
heures par semaine de façon habi- heures par semaine [34]. Dans une démontré une étude réalisée dans
tuelle et que ces derniers avaient population d’enseignants japonais, une population de travailleurs ja-
des scores statistiquement signifi- le lien entre la présence de symp- ponais, où ceux travaillant plus de
catifs entre leurs horaires longs et tômes dépressifs et la pratique de 9 heures par jour avaient plus de
la présence de détresse psycholo- longs horaires de travail (plus de 50 risque d’avoir des douleurs mus-
gique, d’un épuisement émotion- heures par semaine) a également culosquelettiques chroniques. Ce
nel et de dépersonnalisation [32]. été mis en évidence et, cette fois-ci, risque était atténué quand leur
Toujours en Grande-Bretagne, un surtout chez les hommes [35]. quantité de sommeil journalier
travail épidémiologique a évalué La pratique d’horaires longs pour- dépassait les 7 heures [38].
le lien entre la présence de symp- rait également être responsable Au niveau gynécologique, les ho-
tômes d’anxiété et de dépression d’une augmentation de la consom- raires longs pourraient avoir éga-

MARS 2020 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 161 45


GRAND ANGLE
Effets sur la santé des horaires longs
de travail : revue de la littérature

lement des effets sur la grossesse avec les performances des entre- nelles, peuvent rapidement avoir
et son déroulement. Quelques prises, pour permettre une meil- des temps de travail journaliers qui
travaux ont étudié ce risque. Aux leure adaptation aux contraintes dépassent les 10 heures.
États-Unis, une méta-analyse et horaires liées à l’activité, ou encore Historiquement, les effets sur la
une revue de la littérature récentes pour répondre à une demande de santé des horaires longs ont été
ont cherché à mettre en évidence flexibilité et à un désir de concilia- étudiés en Asie du Sud-Est et ce,
les impacts que pouvaient avoir tion vie personnelle-vie profession- devant l’existence de syndromes
respectivement le travail en ho- nelle de la part des salariés. de mort subite par surcharge de
raires postés ou en nuits fixes ou Parmi ces horaires atypiques, on travail liés à la culture du travail
en horaires longs sur le déroule- distingue les « horaires longs » excessif avec la pratique d’horaires
ment de la grossesse de salariées qui sont, par convention, caracté- de plus de 45 heures par semaine
exposées, comparativement à des risés par une durée hebdomadaire [3]. Dans les pays occidentaux, et
femmes enceintes travaillant selon de travail de 40 heures ou plus (et en particulier dans les pays scan-
des horaires dits « normaux ». Les limités à 48 heures en moyenne dinaves, avec l’extension du travail
femmes qui travaillaient plus de sur 7 jours par les directives euro- flexible, les recherches portant sur
40 heures par semaine avaient un péennes). Ces horaires longs sont leurs impacts sanitaires se sont
risque significatif de fausse couche, étudiés depuis plusieurs décennies également développées. Mais ces
d’accouchement prématuré, en Asie du Sud-Est car ils y sont très travaux se sont avérés compliqués
d’avoir un enfant de bas poids de répandus pour des raisons socio- à réaliser, et, en particulier, la carac-
naissance ou hypotrophique. Les culturelles. Ils commencent à l’être térisation de l’exposition à des ho-
résultats montraient également également dans les pays occiden- raires longs s’est avérée difficile. En
que le risque d’accouchement pré- taux du fait de leur expansion. effet, que ce soit au sein de la popu-
maturé était accru de 10 % quand On distingue deux grandes typolo- lation générale ou de populations
le temps de travail hebdomadaire gies : de travailleurs choisies pour les
dépassait 55 heures [39]. Les ho- O les « deux fois douze heures » études, les organisations horaires
raires de travail pourraient aussi appelés aussi « postes longs » qui en place sont souvent multiples
être à l’origine de cycles menstruels correspondent à des postes de jour et difficiles à répertorier. En parti-
irréguliers. En Corée, des liens entre et de nuit d’une durée de douze culier, les études recherchent très
les caractéristiques du travail (la heures, et qui sont fixés par une souvent l’exposition des salariés à
classification professionnelle, le organisation stricte du temps de des longs horaires hebdomadaires,
nombre d’heures travaillées, l’exis- travail. Ils sont imposés par l’orga- sans préciser s’il s’agit de travail de
tence de travail posté) et des cycles nisation du travail ; journée, de travail de nuit ou les
menstruels irréguliers ont été re- O les « longs horaires de travail » deux. Or la présence de travail de
cherchés, et le fait de travailler plus qui n’ont pas de cadre fixé, mais nuit est problématique car elle peut
de 60 heures par semaine semble qui sont des horaires flexibles liés influencer les résultats trouvés par
être un des facteurs de risque signi- aux habitudes et à la charge de ses effets propres sur l’horloge bio-
ficatif d’avoir des cycles menstruels travail des salariés. C’est le cas des logique et le rythme circadien.
irréguliers [40]. cadres qui les choisissent et les Cependant, et malgré ces difficul-
pratiquent sans que cela leur soit tés, des travaux scientifiques sont
imposé de façon formelle, afin de de plus en plus nombreux pour
gérer une meilleure conciliation essayer de mettre en évidence les
SYNTHÈSE entre leur vie personnelle et pro- effets sur la santé pouvant être
fessionnelle mais peut-être aussi attribués au travail en horaires
Les organisations de travail en pour « absorber » leur surcharge de longs. Les effets cardiovasculaires
horaires atypiques sont de plus travail éventuelle [7]. La pratique semblent maintenant bien établis
en plus fréquentes dans le monde de longs horaires par pluriactivité avec le Karoshi, l’accroissement du
du travail, dans tous les secteurs professionnelle peut également risque de maladie ischémique car-
d’activité. Les raisons de leur mise se concevoir dans ce groupe. En diovasculaire, et aussi la suspicion
en place sont plurifactorielles et effet, les personnes qui cumulent de perturbations métaboliques
semblent répondre à des motiva- plusieurs travails à temps partiels, rencontrées plus fréquemment.
tions variées : économiques en lien ou plusieurs activités profession- D’autres groupes de maladies

46 N° 161 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2020


semblent être liés à l’exposition gynécologiques qui pourraient être les auteurs concluent sur la néces-
à ces horaires. Les troubles psy- rapportées également à la pratique sité de poursuivre les recherches
chiques tels que la dépression, l’an- de longues journées de travail. sur ces horaires longs et leurs
xiété sont fréquemment retrouvés La question se pose donc d’un impacts sur la santé en les carac-
dans les études. Les problèmes de risque spécifique lié à cette sur- térisant mieux afin de mettre en
sommeil, de somnolence ou en- charge d’heures travaillées, qui évidence leurs effets propres en de-
core d’addictions pourraient être pourrait, selon les contextes de hors de toute autre exposition ho-
en rapport avec la pratique de ces travail et les postes, se cumuler à raire, et en particulier de celle liée
horaires longs. Quelques études d’autres risques tels que ceux pro- au travail de nuit. Le but recherché
retrouvent de façon plus ponc- voqués par le travail de nuit, entre est en priorité de pouvoir dégager
tuelle des éléments en faveur de autres. des pistes de prévention au niveau
douleurs chroniques de l’appareil Dans une grande majorité des de l’organisation du travail.
locomoteur ou des répercussions études recensées dans cet article,

POINTS À RETENIR
Les organisations de travail en horaires atypiques sont de plus en plus
fréquentes.
Parmi ces derniers, on distingue les « horaires longs », par convention,
caractérisés par une durée hebdomadaire de travail de 40 heures ou plus.
Parmi les horaires longs, les « postes longs » sont imposés par
l’organisation du travail et correspondent à des postes de jour et de nuit
d’une durée de douze heures ; les « longs horaires de travail » sont des
horaires flexibles choisis par les salariés.
Les effets cardiovasculaires des horaires longs sont connus depuis plusieurs
années ; d’autres effets sur la santé sont en cours de caractérisation.
Le travail de recherche doit se poursuivre afin de mieux caractériser
l’exposition et évaluer les effets du travail lors d’une exposition aux seuls
horaires longs, sans exposition au travail de nuit.
Des conseils de prévention sur l’organisation du travail en horaires longs
pourront alors être proposés et mis en pratique pour limiter leurs impacts sur
la santé.

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MARS 2020 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 161 47


GRAND ANGLE
Effets sur la santé des horaires longs
de travail : revue de la littérature

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48 N° 161 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2020


VU DU TERRAIN TF 276

Évaluation de l’impact
psychologique du télétravail
AUTEURS :
J.H. Planchard, Z. Velagic, Centre hospitalier universitaire (CHU), Nice

en
résumé

L
Le service de Médecine et MOTS CLÉS
Conditions
santé au travail du Centre
de travail /
hospitalier universitaire de Organisation du
Nice a conduit une étude travail / Risque
qualitative sur les effets psychosocial / e télétravail est défini Dans ce contexte, le service Qualité
du télétravail auprès de RPS / Surveillance dans l’article L. 1222-9 du Code de vie au travail (QVT) de la direc-
médicale / Suivi
dix agents après six mois du travail comme « toute forme tion des ressources humaines du
médical
d’expérimentation. Ont été d'organisation du travail dans Centre hospitalier universitaire
retrouvées une amélioration laquelle un travail qui aurait éga- (CHU) de Nice a créé, en avril 2017
de la qualité de vie et la lement pu être exécuté dans les et en collaboration avec le service
diminution de la sensation locaux de l'employeur est effectué autonome de Médecine et santé au
de stress. Cependant, une par un salarié hors de ces locaux travail (MeST), un groupe de travail
augmentation du temps de de façon volontaire en utilisant sur cette thématique. Dans le cadre
travail et une dégradation les technologies de l'information d’une démarche participative, en-
des relations avec le collectif et de la communication » (TIC). viron 30 salariés se sont réunis sept
de travail ont conduit à En France, faisant suite à l’accord fois entre le 23 mai 2017 et le 2 juil-
proposer une stratégie cadre européen de 2002 et à l’ac- let 2018 afin de le mettre en place
de prévention spécifique cord national interprofessionnel de au sein de l’établissement. Avant
pour ces travailleurs : 2005, le régime juridique du télé- le déploiement général prévu en
adaptation du suivi médical travail est inscrit dans le Code du 2019, une phase d’expérimenta-
avec guide d’entretien travail depuis 2012 et le statut et les tion, proposée uniquement aux
spécifique et élaboration droits du télétravailleur ainsi que agents ayant participé au groupe
de deux supports destinés les conditions de mise en place du de travail, a été conduite pour ajus-
aux agents télétravailleurs télétravail dans un établissement y ter leurs propositions.
et à leurs collègues. sont définis. Dans le secteur public, Les effets possibles du télétravail
la loi dite « Sauvadet » de 2012 et le en termes d’activité réelle de travail
décret du 11 février 2016 relatif aux et de santé sont peu connus. Il est
conditions et modalités de mise légitime de supposer qu’il apporte-
en œuvre du télétravail dans la rait de nombreux avantages à l’em-
fonction publique et la magistra- ployé et à l’employeur, notamment
ture fixent le cadre de la mise en sur les problématiques de santé et
place de cette forme d’organisa- QVT : limiter les déplacements et
tion, notamment pour la Fonction donc réduire la fatigue, le stress, les
publique hospitalière (FPH). accidents de trajet, limiter l’absen-

MARS 2020 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 161 49


VU DU TERRAIN
Évaluation de l’impact
psychologique du télétravail

téisme, mieux concilier vie privée sion sur la vie privée, a été retrou-
et vie professionnelle, favoriser le vée chez 5 % des sujets. Les facteurs MATÉRIEL ET MÉTHODE
maintien dans l’emploi d’une per- les plus impactants en termes de
sonne en situation de handicap, risque d’excès de stress étaient le POPULATION
augmenter les capacités de concen- harcèlement (témoin ou victime), L’expérimentation a débuté le 9
tration et de productivité, donner les relations dégradées avec les col- avril 2018 et ne concernait que les
aux employés une plus grande lègues, le soutien des collègues et participants au groupe de travail
autonomie dans la réalisation des la perte de sens du travail [4]. Une mis en place par le service QVT.
activités. Toutefois, cette organi- étude américaine, publiée en 2016, Il fallait être volontaire, avoir au
sation du travail pourrait aussi portant sur l’intensité du télétravail, moins un an d’ancienneté, réaliser
présenter des effets négatifs pour montrait que ses effets bénéfiques des tâches éligibles au télétravail,
l’employeur, avec une éventuelle sur la santé suivent une relation en être dans un service qui pouvait
baisse de performance et, pour les U inversé : la pratique modérée du mettre en place le télétravail sans
télétravailleurs, avec possiblement télétravail offrirait le maximum de être désorganisé, disposer d’un
baisse de la qualité des relations, bénéfices pour la santé, compara- environnement propice au télétra-
isolement du collectif de travail, su- tivement à une très faible ou à une vail au domicile, avec une pièce ou
rengagement, inadaptation de l’en- très forte intensité. Les télétravail- une zone spécifique conforme aux
vironnement ou de l’équipement leurs seraient moins susceptibles normes d’hygiène et de sécurité.
de travail, empiètement des activi- de vivre des épisodes de dépression Les accords de l’agent, de son cadre
tés professionnelles sur les activités que les travailleurs traditionnels. et de la direction étaient néces-
familiales. Or, les effets des risques Par ailleurs, des effets potentiel- saires. L’ordinateur portable était
psychosociaux (RPS) liés à la situa- lement positifs du télétravail en fourni par l’hôpital.
tion de travail sur les maladies car- termes de réduction d’abus d’alcool, Les critères d’inclusion dans l’étude
diovasculaires, la santé mentale et de consommation de tabac, d’inacti- du MeST étaient de participer à
les troubles musculosquelettiques vité physique et d’obésité ont aussi l’expérimentation.
(TMS) sont connus [1]. En 2003, été montrés [5]. En 2007, une étude
Allen, Renn et Griffeth ont dévelop- publiée aux États-Unis montrait MÉTHODOLOGIE POUR LE
pé un modèle théorique selon le- que les effets positifs sur le stress et RECUEIL DES DONNÉES
quel le télétravail impacterait l’état la santé mentale des télétravailleurs Il s’agit d’une étude transversale
psychologique d’un individu à tra- reposeraient surtout sur la diminu- qualitative réalisée entre le 15 oc-
vers trois items : qualité de vie au tion des déplacements en automo- tobre et le 5 novembre 2018 dans
travail, relations interpersonnelles bile [6]. une population d’agents expéri-
au travail et conciliation entre vie De ce fait, le projet d’expérimenta- mentant le télétravail depuis au
privée et vie professionnelle [2]. Ce- tion du télétravail au CHU de Nice moins six mois.
pendant, la littérature fournit peu a amené le MeST à proposer une Parmi le large éventail de méthodes
de données sur l’impact psycholo- étude sur les effets du télétravail, de recherche qualitatives, la plupart
gique du télétravail. Les principaux notamment sur l’état psycholo- des publications décrivent l’utilisa-
effets positifs seraient une meil- gique des agents. L’objectif était tion des entretiens individuels et
leure qualité du travail, une aug- d’identifier des contraintes ou des entretiens de groupes. Dans
mentation de productivité et une des risques professionnels spéci- cette étude, afin de comprendre
meilleure qualité de vie person- fiques qui pourraient donner lieu les perceptions de chacun sans
nelle, avec moins de fatigue et de à des actions de prévention ciblées phénomène d’influence au sein du
stress [3]. En revanche, existerait un avant son déploiement général au groupe, la réalisation d’entretiens
paradoxe du télétravail avec aug- sein du CHU. Les objectifs secon- individuels a été choisie. Lors de ces
mentation du temps de travail et daires étaient de mieux connaître entretiens, chaque télétravailleur
de la charge de travail ressentie [3]. les motivations des agents pour ce a signé une note d’information et
Dans une étude récente, le niveau choix, de connaître leur perception un consentement éclairé pour la
de stress et les symptômes anxio- des risques professionnels en lien participation à l’étude et l’enregis-
dépressifs étaient diminués mais avec le télétravail et de détermi- trement numérique des entretiens.
certains salariés présentaient des ner les modalités de suivi de santé Ces entretiens ont été conduits par
effets contraires [4]. Une hausse du au travail spécifique à mettre en une interne en médecine du travail
temps de travail, voire une submer- œuvre. à l’aide d’un guide d’entretien.

50 N° 161 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2020


ÉLABORATION DU GUIDE la secrétaire médicale du service en 50 et 60 ans. Parmi les participants,
D’ENTRETIEN fonction de ses disponibilités. 8 étaient mariés, un en concubi-
La rédaction du guide d’entretien Les entretiens individuels ont été nage et un célibataire. Seuls les 9
a été effectuée après une analyse menés dans un bureau confiden- agents qui étaient mariés ou en
de la bibliographie existante en tiel de médecin du travail, dans une concubinage avaient des enfants.
relation avec l’objet de l’étude. La ambiance favorable et sans distrac- Parmi eux, 4 vivaient avec leurs en-
première version du guide d’entre- tion, en la seule présence de l’en- fants au domicile. Tous étaient titu-
tien a été discutée et validée par un quêteur et du sujet. Les entretiens laires de la FPH : 4 agents travaillant
médecin du travail du CHU et un ont été enregistrés au moyen d’un à Cimiez, 4 à l’Archet et 2 à Pasteur.
médecin spécialisé en recherche dictaphone numérique. Chaque en- Leur ancienneté au CHU de Nice
qualitative au Département de tretien a duré environ 45 minutes. était de 10 à 20 ans pour 5 d’entre
santé publique de l’hôpital de l’Ar- eux, de 20 à 29 ans pour 2 d’entre
chet (annexe 1). La passation d’un MÉTHODOLOGIE POUR eux et de plus de 30 ans pour les 3
entretien-pilote a permis d’ajuster L’ANALYSE DES DONNÉES derniers. Parmi les 10 participants, 6
le guide d’entretien initial. Chaque entretien a été, dans un se- travaillaient à temps plein, 1 agent
Par ailleurs, le guide d’entretien est cond temps, retranscrit en verba- à 90 % et 3 à 80 %. Les postes de
évolutif et ainsi adapté au fil des tim sur un document Word, sans travail étaient : cadre pédagogique
entretiens afin de toujours mieux reformulation, ni correction. Après dans l’école des sages-femmes, chef
cerner le sujet de l’étude [7]. retranscription, les entretiens de projet, cadre administratif, res-
ont été importés dans le logiciel ponsable syndical, secrétaire médi-
Le guide était constitué de six par- « NVivo 12 », programme destiné cal, médecin, représentant syndical,
ties principales : à identifier du contenu, à l’orga- responsable service de paie, chargé
Omotivations ; niser par thèmes et à les lier entre de déploiement, ingénieur.
O qualité de vie au travail ; eux selon des arborescences per- Quatre agents avaient 2 jours de
O santé au travail ; mettant d’identifier de nouvelles télétravail par mois, 3 en avaient
O climat social et relations idées, de nouvelles catégories et 1 par semaine, 2 en avaient 2 par
interprofessionnelles ; d’en faire une analyse descriptive semaine et le dernier avait un jour
Oconciliation vie privée et vie [10]. Dans le but d’augmenter la par mois.
professionnelle ; validité et la qualité des résultats La distance domicile-travail aller-
O avantages et inconvénients. obtenus, une triangulation a été retour chaque jour a été évaluée
réalisée avec un médecin du tra- entre 0 et 40 km pour 6 personnes,
ENTRETIENS SEMI-DIRIGÉS vail du CHU pour trois entretiens entre 40 et 80 km pour 3 personnes
Le rôle essentiel de l’enquêteur est tirés au sort [11]. et à 160 km pour le dernier. Les
de recueillir les données descrip- temps de trajet étaient quotidien-
tives, guider l’entretien en laissant nement de 0 à 60 minutes pour
parler son interlocuteur et l’écouter 5 personnes, de 60 à 120 minutes
de façon bienveillante et empa- RÉSULTATS pour 3 personnes et de plus de 120
thique [8] tout en restant neutre minutes pour deux personnes.
afin d’assurer une communication DESCRIPTION DE
authentique et indépendante [9]. L’ÉCHANTILLON ÉTAT PSYCHOLOGIQUE
Ces entretiens semi-dirigés per- Parmi 14 volontaires, 4 n’ont pas pu DÉCRIT PAR LES
mettaient d’avoir des échanges intégrer l’expérimentation à cause TÉLÉTRAVAILLEURS
libres et ouverts avec les télétra- des autres critères d’éligibilité du Tous les sujets de cette étude ont
vailleurs interrogés sur les thèmes groupe de travail (organisation du témoigné que leur état psycholo-
abordés. service). L’échantillon de l’étude gique était meilleur au moment
était donc de 10 sujets. Les profils de l’entretien qu’avant la mise en
ORGANISATION ET DÉROULEMENT sociodémographiques et profes- place du télétravail. Les phrases les
DES ENTRETIENS sionnels étaient variés. plus utilisées ont été :
Les entretiens ont été réalisés dans Les 10 participants étaient 6 - « je suis plus détendu » (huit fois) ;
les services de MeST sur 3 sites : à femmes et 4 hommes. Un agent - « je suis plus serein » (cinq fois) ;
l’Archet, Cimiez et Pasteur. Chaque avait entre 30 et 40 ans, 2 agents - « je suis moins fatigué » (cinq fois) ;
télétravailleur a été convoqué par entre 40 et 50 ans et 7 agents entre - « je suis moins stressé » (trois fois).

MARS 2020 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 161 51


VU DU TERRAIN
Évaluation de l’impact
psychologique du télétravail

Ils expliquaient que la journée de était meilleure à la maison car ils dix agents gardaient un contact ré-
travail démarre favorablement avec étaient moins dérangés et dans un gulier par courrier électronique ou
davantage de sommeil (trois fois) et environnement plus favorable. par téléphone avec leurs collègues
l’absence de trajet (cinq fois) et que et leur hiérarchie.
le travail est facilité car il y a moins CONDITIONS DE TRAVAIL
de sollicitations et d’interruptions DÉCRITES RELATIONS AVEC LA HIÉRARCHIE
par les collègues (quatre fois). Concernant l’organisation du temps Huit télétravailleurs disposaient
Quatre télétravailleurs relevaient de travail, cinq télétravailleurs décri- d’une forte latitude décisionnelle
également un côté potentiellement vaient des horaires de travail iden- dans leur travail quotidien. Pour
négatif du télétravail sur l'état psy- tiques en télétravail et à l’hôpital. six d’entre eux, le télétravail n'a
chologique. Trois télétravailleurs Ils respectaient les temps de pause pas changé leur relation avec la
évoquaient une augmentation de durant la journée, dont la pause mé- hiérarchie de proximité. Un agent
la charge de travail pouvant engen- ridienne. Les cinq autres télétravail- qui travaille avec plusieurs res-
drer un stress supplémentaire. Cette leurs signalaient qu'ils travaillaient ponsables rapportait que, d’une
situation était bien tolérée aux dires plus à la maison qu’à l'hôpital, trois manière générale, ses responsables
de deux d’entre eux. Le troisième té- d’entre eux respectant les mêmes trouvaient une plus-value dans le
létravailleur concerné précisait que horaires mais en étant plus rigou- télétravail sauf une personne qui
cette augmentation résultait d'un reux, en perdant moins de temps aurait tenu quelques réflexions
sentiment de culpabilité : se sentant à la maison, tout en respectant des négatives du fait du manque de
privilégié, il souhaitait compenser coupures. Les deux derniers aug- disponibilité physique à l'hôpital.
ce sentiment négatif en travaillant mentaient leur amplitude horaire Concernant spécifiquement l'auto-
davantage. Le quatrième sujet évo- et diminuaient leurs temps de nomie, elle était difficile à évaluer
quait un sentiment de mise à l’écart pauses, travaillant ainsi une heure car huit agents disposaient déjà
provoquée par la jalousie de ses col- et demi de plus qu’à l'hôpital. L’un d’une large latitude décisionnelle.
lègues ne bénéficiant pas de l’expé- d’eux faisait une coupure à midi de Les deux seuls télétravailleurs en-
rimentation. 45 minutes et l'autre ne prenait pas cadrés par une hiérarchie directe
Cinq télétravailleurs indiquaient, de pause méridienne. disaient ne pas avoir rencontré
en moyenne, une heure de som- Concernant l’environnement de de difficultés. Ils estimaient avoir
meil supplémentaire par rapport travail au domicile, huit télétravail- assez d'autonomie pour organiser
aux jours sans télétravail. leurs estimaient leur poste de tra- librement leur journée de télétra-
vail adapté et deux d’entre eux le vail et évoquaient la satisfaction,
QUALITÉ DU TRAVAIL trouvaient mieux qu’à l'hôpital. Ils en termes de qualité et de quan-
DÉCRITE avaient tous un poste dédié au télé- tité, de leur hiérarchie par rapport
Les télétravailleurs étaient una- travail. Cinq agents utilisaient un au télétravail. Ils insistaient sur la
nimes concernant l’amélioration bureau, trois agents une table dans relation de confiance, primordiale
de leur productivité. Six d’entre eux la salle à manger et deux agents selon eux.
estimaient effectuer en une journée alternaient entre ces deux pièces.
de télétravail ce qu'ils réalisaient Six télétravailleurs signalaient que RELATIONS AVEC LES COLLÈGUES
habituellement en un jour et demi les écrans des ordinateurs portables NON-TÉLÉTRAVAILLEURS
voire deux jours, soit une augmen- fournis étaient trop petits. Parmi Cinq télétravailleurs témoignaient
tation de productivité de 150 %, eux, deux agents utilisaient leur d’avis mitigés sur ce sujet. Certains
voire 200 %. La majorité pense qu'ils ordinateur personnel et trois agents collègues trouvaient le télétravail
sont « meilleurs » car ils ne sont pas un grand écran personnel. Un télé- très positif. Deux télétravailleurs
dérangés à la maison. D’ailleurs, six travailleur estimait que la qualité relataient notamment l’intérêt de
télétravailleurs utilisaient le mot d'écran pourrait être améliorée. leurs collègues, qui souhaitaient son
« concentration » en parlant de leur déploiement général. D’autres en
qualité de vie au travail. Un agent RELATIONS avaient un jugement négatif, avec
estimait qu'elle était très bonne INTERPERSONNELLES AU des commentaires sur l’absence
mais sans noter de différence entre TRAVAIL DÉCRITES physique. Parmi les propos rappor-
la maison et l'hôpital. Cinq agents Aucun des sujets n'a rapporté un tés, les plus notables étaient :
estimaient que leur concentration sentiment d'isolement social. Les - « il est encore absent » ;

52 N° 161 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2020


- « bonnes vacances » (la veille d’un pas de différence entre le télétra- Ils évoquaient :
jour de télétravail) ; vail et le travail habituel. Trois télé- O la sérénité au travail ;
- « de toute façon, il n’est jamais là » ; travailleurs, dont deux mariés avec O un moindre sentiment de stress
- « tu es encore planqué à la mai- des enfants présents à la maison, ou de fatigue ;
son ». considéraient que la conciliation O un meilleur état d'esprit ;
Deux télétravailleurs avaient même était meilleure depuis la mise en O une meilleure concentration et
le sentiment d’un regard très néga- place du télétravail. Pour un agent, une meilleure productivité ;
tif sur leur activité en tant que télé- le télétravail a permis de gagner du O l’avantage de ne pas utiliser les
travailleur. temps sur le temps de transport, lui transports ;
Enfin, un télétravailleur évoquait permettant d'aller chercher son en- O une meilleure qualité de vie au
l’indifférence de ses collègues sur ce fant à l'école. Un agent précisait que travail et hors travail.
sujet. le télétravail améliorait la qualité Deux personnes pensaient que le
de vie familiale. Il partageait plus télétravail permettrait à l’établis-
ORGANISATION ET AMBIANCE AU de temps avec sa famille et avait sement de diminuer l’absentéisme
TRAVAIL plus de temps libre pour ses loisirs. dans les services, notamment si les
Quatre télétravailleurs estimaient Quatre télétravailleurs, dont trois absences sont liées à des difficultés
que la mise en place du télétravail mariés avec des enfants présents à à se déplacer sur le lieu de travail.
n'avait pas désorganisé le fonc- la maison, évoquaient l'importance Enfin, un agent évoquait le gain sur
tionnement de leur service. En tant d'être rigoureux et organisé pen- le plan économique, en lien avec la
que télétravailleurs, ils estimaient dant les jours de télétravail car ils réduction des trajets.
ne pas ajouter de charge de travail pourraient être facilement tentés Cinq télétravailleurs considéraient
à leurs collègues. Deux télétravail- par la gestion de la famille ou du que le télétravail ne présentait
leurs, travaillant en équipe, préci- domicile. aucun inconvénient, sous réserve,
saient que le télétravail facilitait les selon deux agents, d’un nombre de
tâches de leurs collègues. Un télétra- MOTIVATIONS jours télétravaillés inférieur ou égal
vailleur notait qu'il y avait davan- Une majorité d’agents avançait à deux par semaine.
tage de solidarité dans son service. comme principale motivation Cependant, des aspects négatifs ont
Un télétravailleur relevait quelques l'augmentation de la qualité du tra- été rapportés par trois télétravail-
tensions dans son service. Selon lui, vail et de la productivité. Quatre té- leurs au sujet du regard des autres,
elles étaient probablement provo- létravailleurs voulaient être moins d’une forme de jalousie ou d’un sen-
quées par la jalousie de ses collè- dérangés et deux télétravailleurs timent de culpabilité chez les télé-
gues ou par une frustration car le té- recherchaient plus de concentra- travailleurs.
létravail ne leur avait pas encore été tion, loin de l'agitation quotidienne De plus, deux personnes signa-
proposé. Un autre agent évoquait du bureau. Pour cinq personnes, laient une augmentation de leur
une dégradation de l'ambiance au une des principales motivations temps de travail.
travail avec certaines personnes de était aussi la diminution du temps
son service, où des tensions étaient de trajet. L'une de ces cinq per- RISQUES PROFESSIONNELS
préexistantes à la mise en place sonnes mettait en avant les écono- SELON LES
du télétravail. Un télétravailleur mies financières réalisées comme TÉLÉTRAVAILLEURS
relatait que son équipe avait été en motivation supplémentaire. Deux Neuf télétravailleurs évoquaient
difficulté au début du fait de son ab- autres télétravailleurs évoquaient le risque de dépassement de l'ho-
sence deux fois par semaine. Selon également des raisons médicales. raire de travail, le fait d'avoir une
ses dires, l'organisation de son ser- Deux télétravailleurs ont parlé de connexion permanente au domi-
vice s'est améliorée dans le temps. curiosité. cile facilitant cette augmentation
du temps travaillé. Un agent ajou-
CONCILIATION ENTRE PERCEPTION DU tait qu'il y aurait un lien entre le
VIE PRIVÉE ET VIE TÉLÉTRAVAIL PAR LES dépassement des horaires et le
PROFESSIONNELLE TÉLÉTRAVAILLEURS sentiment de culpabilité envers
La conciliation entre vie privée et vie Les témoignages des télétravailleurs ses collègues. Se sentant privilé-
professionnelle a été explorée. Six étaient homogènes concernant les gié, il travaillait davantage pour
agents ont répondu qu'il n'y avait aspects positifs du télétravail. compenser. Un télétravailleur

MARS 2020 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 161 53


VU DU TERRAIN
Évaluation de l’impact
psychologique du télétravail

évoquait des risques similaires à disait qu'une sensibilisation indi- vail. Uniquement deux aspects né-
ceux du travail traditionnel, no- viduelle, avant la mise en place du gatifs étaient signalés :
tamment le travail sur écran, avec télétravail, réalisée en médecine O socioprofessionnels : stigmatisa-
un impact sur le système muscu- du travail, est importante et néces- tion et regard négatif des collègues
losquelettique et oculaire. Un télé- saire pour donner les informations non-télétravailleurs ;
travailleur mentionnait le risque relatives aux risques profession- O organisationnels : augmentation
d'isolement social. Quatre télétra- nels, à l’ergonomie du poste de du temps de travail.
vailleurs notaient la diminution travail et donner des conseils de Les résultats de cette étude doivent
du risque routier. bonnes postures à domicile. Trois être interprétés en tenant compte
télétravailleurs évoquaient aussi de limites méthodologiques et de
PISTES D’AMÉLIORATION l’intérêt de proposer le télétravail divers biais. En effet, l’effectif dis-
PROPOSÉES PAR LES comme aménagement de poste ponible était faible. Les dix agents
TÉLÉTRAVAILLEURS temporaire ou définitif pour cer- interrogés, souhaitant que le pro-
Après six mois d’expérimenta- tains agents victimes de patholo- jet de déploiement du télétravail
tion, tous les télétravailleurs sou- gies sévères ou lors d’une reprise aboutisse, ont pu sous-estimer
haitaient poursuivre le télétravail à temps partiel thérapeutique. les impacts négatifs et les risques
et le voir déployé et proposé aux Concernant l’organisation du suivi professionnels, consciemment ou
autres agents. Une majorité des de santé au travail, cinq télétravail- non. La spontanéité, la sincérité
sujets demandait une améliora- leurs jugeaient utile de mettre en et l’authenticité de leurs réponses
tion sur le plan informatique avec place un suivi médical spécifique ont pu être réduites du fait de phé-
une meilleure connexion. Parmi au télétravail. Un télétravailleur nomènes de timidité face à l’en-
eux, trois personnes évoquaient considérait qu’une visite tous les quêteur ou à cause de l’enregis-
également la mise en place d'un six mois était suffisante. Un télé- trement numérique. La méthode
numéro dédié pour l’assistance travailleur demandait une visite à employée, avec des entretiens
informatique. Deux agents sou- domicile avec une étude ergono- semi-dirigés et une interprétation
haitaient une messagerie instan- mique de son poste. Quatre télé- subjective, a pu conduire à des
tanée qui aiderait à garder plus de travailleurs pensaient qu'un suivi influences ou des erreurs d’inter-
contact avec leurs collègues. Un adapté n'était pas nécessaire pour prétation. Le manque d’expérience
télétravailleur aurait aimé avoir un les télétravailleurs sans restriction de l’enquêteur a pu altérer la tech-
organigramme décisionnel écrit en médicale. nique des entretiens, du recueil
cas de problème informatique. Une et de l’analyse des données. Par
personne demandait un écran d'or- ailleurs, les résultats obtenus ne
dinateur plus adapté à son activité. sont pas aisément extrapolables
Trois télétravailleurs évoquaient la DISCUSSION à d’autres structures, hospitalières
nécessité de sensibiliser tous les ou non, compte tenu des activités
agents du CHU sur le télétravail Les principaux avantages décrits et de l’organisation propres au
avant son déploiement, afin d'évi- par les télétravailleurs étaient, par CHU de Nice. Ils ne peuvent pas
ter un éventuel regard négatif sur ordre d’importance : non plus être généralisés à tous les
l'image du télétravailleur. O professionnels : productivité, postes de l’hôpital du fait de l’au-
concentration, diminution de l’ab- tonomie et de la latitude décision-
RÔLE DU MÉDECIN DU sentéisme ; nelle généralement importantes
TRAVAIL SELON LES O personnels : diminution du stress des agents inclus dans cette étude.
TÉLÉTRAVAILLEURS et de la fatigue physique, qualité Toutefois, cette étude est l’une
Sept télétravailleurs pensaient que de vie au travail, sérénité, meilleur des premières études qualitatives
le rôle du service de santé au travail état d’esprit, gain de temps au pro- concernant l’impact psychologique
était important. Pour ces agents, fit de la vie privée ; du télétravail dans la FPH. Elle a été
un suivi adapté est primordial afin O environnementaux : journée sans initiée, coordonnée et menée par un
de diminuer un éventuel impact transport ; service de santé au travail, garantis-
négatif du télétravail sur leur état O financiers : gain économique sur sant aux participants le respect de
psychologique, d’améliorer l’ergo- les frais de transport. la confidentialité et l’indépendance
nomie et le bien-être au travail. La majorité des télétravailleurs n’a vis-à-vis de la hiérarchie. Cette
Ainsi, la plupart des télétravailleurs pas vu d’inconvénients au télétra- étude s’est affranchie de certains

54 N° 161 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2020


biais. Tous les agents « testeurs » concordants avec les données de la tude horaire ni diminué le temps
inclus ont accepté l’étude et ont été littérature [12]. de pause. Simplement, leur façon
interrogés, probablement du fait de L’augmentation du temps de travail de travailler était plus rigoureuse,
l’implication du service de santé au pourrait être liée à un impact indi- se concentrant davantage sur les
travail dès les premières réunions rect sur la santé des TIC qui jouent tâches professionnelles. Ces agents
du groupe de travail, favorisant le un rôle dans l’intensification du tra- ne dépassaient pas la durée légale
suivi et la confiance entre enquê- vail. Néanmoins, en tant qu’outils de travail par jour, ils respectaient
teur et télétravailleurs. Ce lien a de communication, elles peuvent des pauses régulières et leur temps
également permis la qualité des permettre de favoriser l’entraide libre restait identique. En fait, dans
entretiens en minimisant le risque et la coopération entre collègues, ce cas-là, l’augmentation du temps
de barrières ou de mécanismes de ce qui atténue les risques pour la de travail semblait simplement
défense. La méthode qualitative santé [13]. Il est possible de suppo- être le synonyme d’une meilleure
préconise une « proximité » entre ser que les télétravailleurs sont plus productivité liée à un environne-
l’enquêteur et le sujet, un « enga- productifs car leur journée com- ment matériel plus stimulant. L’im-
gement » réciproque à la recherche mence plus favorablement, sans pact psychologique est positif ;
d’une information authentique et stress et sans fatigue causés par les O dans le deuxième cas, deux télé-
sincère, ce qui a été le cas ici. Les trajets domicile-travail. Les agents travailleurs dépassaient l’ampli-
questions semi-ouvertes abordées anticipent leurs tâches éligibles au tude horaire journalière et dimi-
sur plusieurs items appelaient des télétravail, celles nécessitant une nuaient le temps de pause. Selon
réponses riches, qui reflétaient bonne concentration. Selon eux, eux, il s’agissait d’un choix per-
très précisément le ressenti et le leur productivité est meilleure car sonnel d’organisation et non d’une
vécu des personnes interrogées. La ils ne sont pas interrompus comme contrainte. En augmentant le
quantité et la qualité des résultats au bureau, le plus souvent partagé. temps de travail en télétravail, ils
obtenus ont permis la mise en place À domicile, ils arrivent à travailler diminuaient leur stress durable au
pertinente d’une démarche de pré- en continu à leur propre rythme, travail qui pourrait avoir des consé-
vention en lien avec le déploiement dans le silence. Le fait d’avoir cette quences sur leur santé. Les deux
du télétravail au CHU de Nice. journée productive leur permet de travailleurs occupaient un poste
Cette étude suggère que le télé- mieux organiser leur activité men- impliquant la réalisation de leurs
travail occasionne une améliora- suelle et de moins s’inquiéter s’ils missions professionnelles dans un
tion nette de la qualité de vie des ont du retard. Ils savent qu’ils pour- délai défini.
agents. Leur sentiment de bien- ront avancer pendant la journée de Concernant les relations au travail,
être est augmenté. Ils évoquent télétravail. De ce fait, ils sont rassu- la grande majorité des télétra-
un épanouissement et une séré- rés. Les télétravailleurs travaillant vailleurs n’a pas signalé d’impact
nité en lien avec leur autonomie en équipe ont bonne conscience négatif sur leurs relations avec
pour l’organisation de leur travail. car, grâce à leur travail fourni en un leur hiérarchie. Ils ont indiqué que,
L’équilibre entre vie privée et vie jour de télétravail, leurs collègues grâce à leur performance et à la
professionnelle est amélioré. Cette avancent également. Le télétravail quantité du travail fourni, ce mode
qualité de vie au travail a un effet présente ainsi un enjeu pour le télé- de travail présente un avantage
positif sur le plan psychologique : travailleur mais également pour le pour les responsables et le fonc-
moins de stress, moins de fatigue collectif. Les résultats concernant tionnement des services. Avec les
et plus de motivation les autres le temps de travail sont également collègues, le ressenti était généra-
jours de la semaine lorsqu’ils se concordants avec les données de lement bon malgré des réflexions
déplacent au bureau. la littérature [3] : 50 % des agents et un regard des autres sur le télé-
Cependant, 30 % des télétravailleurs télétravailleurs indiquaient que leur travail parfois négatifs. Cela peut
ont décrit une exposition au facteur temps de télétravail journalier était être ressenti comme du mépris, de
de risque organisationnel « aug- identique à celui effectué au bureau. la jalousie ou du jugement. Il est
mentation du temps de travail » et L’autre moitié des agents signalait à noter que deux télétravailleurs
un télétravailleur a décrit un facteur une augmentation du temps de tra- signalaient un regard négatif sur
de risque psychosocial au travers du vail effectif. Cela peut s’expliquer de leur travail. Un sentiment de
« manque de soutien de la part de ses deux manières : culpabilité était très fort dans le
collègues non-télétravailleurs ». Ces O trois agents expliquaient qu’ils cas d’un télétravailleur, ce qui peut
facteurs bénéfiques et adverses sont n’avaient ni augmenté l’ampli- être analysé comme une nouvelle

MARS 2020 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 161 55


VU DU TERRAIN
Évaluation de l’impact
psychologique du télétravail

source de RPS. Ainsi, cette étude cité était lié à la volonté de réduire la santé du télétravail, un support
suggère le regard négatif comme les déplacements entre le domicile concernant les RPS, le poste de té-
étant potentiellement un facteur et le lieu de travail. Quatre télétra- létravail à domicile et le travail sur
de RPS, à l’origine de sentiments vailleurs parcourent chaque jour ordinateur portable a également
de culpabilité pour lequel des plus de 40 km de trajet domicile- été élaboré. Ce document destiné
mesures de prévention primaire travail. aux télétravailleurs est basé sur les
peuvent être mises en place. Pour résultats de cette recherche quali-
améliorer la considération de leurs tative, sur la bibliographie exis-
collègues pour les télétravailleurs, tante et sur les recommandations
un triptyque pour les agents non- CONCLUSION de l’Institut national de recherche
télétravailleurs a été élaboré. Le et de sécurité (INRS) relatives au
but était de sensibiliser la popula- Cette étude a montré que le télé- travail sur écran [16, 17].
tion générale du CHU de Nice afin travail représente un avantage es- Au niveau de la direction du CHU,
d‘éviter les préjugés concernant sentiel pour les travailleurs qui en l'expérimentation, satisfaisante,
les télétravailleurs. ont fait l’expérimentation au CHU a permis de pérenniser le télétra-
La conciliation entre vie privée de Nice. Lorsqu’un agent devient vail en le proposant à 50 agents
et vie professionnelle semblait télétravailleur, il est confronté à supplémentaires depuis la réalisa-
dépendre de l’apprentissage, par une réorganisation profession- tion de l'étude dans le cadre de la
le télétravailleur et son entourage, nelle nécessitant l’acquisition de démarche QVT de l'établissement.
de cette nouvelle situation profes- nouvelles compétences. Ce chan- Dans le prolongement de ce tra-
sionnelle. Ceci est concordant avec gement offre une amélioration vail, il serait intéressant de mener
une étude canadienne réalisée de la qualité de vie au travail et une étude prospective sur une
en 2006 sur les conflits possibles une évolution dans la carrière de durée plus importante et sur un
entre vie professionnelle et vie l’agent. Toutefois, le télétravail plus grand échantillon d’agents,
personnelle et familiale [14]. peut également présenter des afin de mesurer quantitativement
La plupart des articles et revues effets délétères s’il n’est pas enca- l’éventuel impact sur la santé. Une
scientifiques consacrées au télé- dré par un programme de préven- nouvelle recherche serait d’autant
travail mentionne comme princi- tion qui doit être mis en place par plus enrichissante si était élabo-
pale motivation la possibilité de l’employeur, le secteur QVT et le rée une comparaison de l’impact
travailler dans un environnement service MeST. Cette étude a permis entre les télétravailleurs, les non-
familier, calme et autorisant une d’enrichir les connaissances sur ce télétravailleurs et leurs cadres de
flexibilité supplémentaire en mode de travail et de réaliser un proximité.
matière de temps de travail et de diagnostic approfondi dans le but
conciliation des rôles [15]. Dans de préciser la nature et l’impor-
cette étude, la principale moti- tance des facteurs psychosociaux
vation conduisant les agents à et organisationnels, ainsi que
opter pour le télétravail était liée d’évaluer les contraintes des télé-
à la volonté d’augmenter leur travailleurs, aboutissant à la mise
productivité et leur concentration en place d’une approche de pré-
au travail. Lors des entretiens, six vention spécifique au télétravail
télétravailleurs sur dix ont évo- concernant la visite d’information
qué le problème d’interruptions et et de prévention et des modali-
d’interactions entre les collègues tés de surveillance. Ainsi, chaque
au bureau. Cette ambiance ne leur télétravailleur sera vu en consul-
permet pas un travail conscien- tation à la prise de ses nouvelles
cieux ni une bonne concentra- fonctions et un guide d’entretien
tion. Aucun des télétravailleurs de spécifique au télétravail, utilisable
cette étude n’a cité une meilleure en visite médicale a été élaboré, à
conciliation vie privée-vie profes- partir de celui de l’étude et des ré-
sionnelle comme motivation. Le ponses des salariés testeurs. Afin
deuxième motif régulièrement de prévenir les effets négatifs sur

56 N° 161 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2020


POINTS À RETENIR
La mise en place du télétravail offre une amélioration de la qualité de vie et une
valorisation des télétravailleurs dans cette étude au CHU de Nice.
De manière générale, l’impact psychologique du télétravail est positif.
L’augmentation du temps de travail et la dégradation des relations
interpersonnelles sont préoccupants dans cette étude.
Le rôle du médecin du travail est de diminuer les éventuels effets délétères dus au
télétravail.
La sensibilisation individuelle par le médecin du travail est importante et
nécessaire pour donner les informations relatives aux risques professionnels,
à l’ergonomie du poste de travail et donner des conseils de bonnes postures à
domicile.
La sensibilisation collective sur le télétravail est primordiale afin d’éviter les
préjugés concernant les télétravailleurs.

BIBLIOGRAPHIE

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des conditions de travail et de l’Association pour la recherche sur les conditions de vie et sur écran. Informations
l’ergostressie (OBERGO), 2018 au collégial (ARC). Centre de de travail des salarié(e)s. importantes pour votre bien-
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4 | ROBIEUX A - Déterminants (CDC), 2000 (https://cdc.qc.ca/ des conditions de travail et de Lucerne : SUVA , 2014 : 23 p.

ANNEXE

MARS 2020 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 161 57


VU DU TERRAIN
Évaluation de l’impact
psychologique du télétravail

ANNEXE 1 Guide d’entretien élaboré par le service de


santé au travail du CHU de Nice pour son étude sur l’impact
psychologique du télétravail

THÈME QUESTIONS
1. Vous êtes télétravailleur depuis 6 mois. Pouvez-vous me dire
MOTIVATION pourquoi vous avez choisi le télétravail ?
2. Comment évaluez-vous votre productivité quand vous exercez du
QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL ET TÉLÉTRAVAIL télétravail ?
3. Pensez-vous être suffisamment autonome dans votre télétravail ?

4. Quelles difficultés avez-vous rencontrées en télétravail (au niveau


relationnel, technique, organisationnel) ?
5. Comment gérez-vous votre temps de travail en tant que
télétravailleur (horaires de travail, pause déjeuner/café/cigarettes) ?
6. Comment évaluez-vous votre poste de travail à domicile ?
7. Comment vous sentez-vous dans votre travail depuis que vous
SANTÉ AU TRAVAIL ET TÉLÉTRAVAIL exercez du télétravail ?
8. Comment évaluez-vous votre état psychologique en tant que
télétravailleur (niveau de stress, sommeil) ?
9. Selon vous, quelles sont les risques professionnels en exerçant le
télétravail ?
CLIMAT SOCIAL ET RELATIONS INTER- 10. Qu’est-ce que vos collègues non-télétravailleurs pensent de votre
PROFESSIONNELLES nouvelle vie professionnelle en tant que télétravailleur ?
11. Que pense votre hiérarchie de votre nouvelle vie professionnelle en
tant que télétravailleur ?
12. Gardez-vous des contacts fréquents avec vos collègues, votre
hiérarchie quand vous exercez du télétravail ?
13. Comment se passent les relations entre collègues lorsque certains
exercent du télétravail et d’autres pas ?
14. Comment gérez-vous votre équilibre vie privée/ vie professionnelle
CONCILIATION VIE PRIVÉE ET VIE PROFESSIONNELLE quand vous exercez du télétravail ?
15. Quelles sont les attentes de votre famille quand vous travaillez à
domicile ?
AVANTAGES ET INCONVÉNIENTS 16. Selon vous, quels-sont les aspects positifs du télétravail ?
17. Quels sont les aspects négatifs du télétravail ?
18. Quels sont vos souhaits dans le futur en tant que télétravailleur ?

58 N° 161 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2020


VU DU TERRAIN TF 277

Bisphénol S dans le papier


thermique : quelle exposition
cutanée pour les agents de caisse ?
AUTEURS :
S. Ndaw 1, D. Jargot 2, A. Rémy 1, C. Champmartin 1 , L. Chedik 1, F. Marquet 1, A. Robert 1

en 1. Département de Toxicologie et biométrologie, INRS


résumé 2. Département de Métrologie des polluants, INRS

L
Le bisphénol S (BPS) est l’un MOTS CLÉS
Caissier / Risque
des principaux substituts du
chimique /
bisphénol A dans le papier Surveillance
thermique. En raison de biologique /
la similarité structurelle Bisphénol / es bisphénols sont une sence de BPA dans des échantillons
des deux molécules, la Biométrologie famille de composés chimiques d'urine recueillis dans la popula-
toxicité du BPS suscite couramment utilisés dans di- tion générale a été fréquemment
des interrogations qui verses applications industrielles rapportée dans la littérature, avec
nécessitent d’évaluer les comme la production de plas- des fréquences de détection très
risques d’exposition par tiques en polycarbonate, de élevées (90 %) [1, 3]. Le BPA est ac-
contact cutané. Pour ce résines époxy et de papier ther- tuellement classé dans la catégorie
faire, une évaluation de mique. Ils sont retrouvés, de fait, 1B des substances toxiques pour
l’exposition des agents de dans de nombreux produits de la reproduction (présumé toxique
caisse a été réalisée dans la vie courante : les équipements pour la reproduction humaine)
deux hypermarchés, en de sport, les revêtements alimen- dans le règlement CLP 1 de l'Union
mesurant les concentrations taires, les reçus de vente, les pein- européenne et il est interdit dans
en BPS dans leurs urines, tures, les équipements électro- de nombreux produits de consom-
comparées à celles d’un niques, les lunettes de soleil mais mation destinés aux bébés et aux
échantillon témoin. également dans les textiles qui enfants.
Une augmentation contiennent des fibres synthé- L'exposition au BPA lors de la ma-
significative de l’excrétion tiques (nylon, polyester…) [1]. Le nipulation de papier thermique a
urinaire de BPS a été bisphénol A (BPA) est le plus large- également suscité un intérêt accru
observée chez les agents ment utilisé parmi ces composés ; ces dernières années. Le BPA, uti-
de caisse, indiquant que la il est associé à un large éventail lisé comme révélateur thermique
manipulation fréquente 1. Le règlement d’effets toxiques, principalement dans ce papier, peut être transféré
CLP désigne
de papier thermique est à en raison de ses propriétés œstro- sur la peau lors du contact avec le
le règlement
l’origine d’une exposition n° 1272/2008 géniques [2]. La libération de BPA papier, ce qui constitue une source
professionnelle au BPS. du Parlement des contenants en plastique et de potentielle d’exposition, notam-
européen relatif différents produits serait à l’origine ment pour les agents de caisse. Des
Remerciements à la classification, de la contamination des aliments, études menées à l’INRS [4], par des
à l’étiquetage
Les auteurs remercient les de l’eau de boisson, des poussières approches in vivo et in vitro chez
et à l’emballage
services de santé au travail, les des substances et de l’air, conduisant à des expo- le rat, puis in vitro chez l’homme,
entreprises et les salariés pour chimiques et des sitions environnementales à large avaient permis d’estimer le passage
leur participation à l’étude. mélanges. échelle des populations. La pré- percutané du BPA chez l’homme.

MARS 2020 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 161 59


VU DU TERRAIN
Bisphénol S dans le papier
thermique : quelle exposition
cutanée pour les agents de caisse ?

Ainsi, une exposition cutanée Les données toxicologiques sur le par ailleurs plus persistant que le
d’une heure sur les mains et avant- BPS sont rares, comparativement BPA dans l'environnement.
bras, correspondant à une surface au BPA. Deux revues récentes [7, Des expositions de la population
de 2 000 cm2, équivaudrait à une 8] ont identifié plusieurs études in générale ont été rapportées dans
contamination de 240 μg de BPA. vitro et in vivo rapportant un large plusieurs pays. En 2012, des concen-
Pour un sujet de 60 kg, l’absorp- éventail d'effets toxiques du BPS, trations de BPS, comprises entre
tion cutanée serait alors de 4 μg/ dont des perturbations du système 0,02 et 21,0 μg/L, avec une concen-
kg/jour, ce qui correspond à la dose endocrinien, une cytotoxicité, une tration médiane de 0,191 μg/L,
journalière admissible proposée mutagénicité et des effets sur la ont été mesurées dans 81 % des
par l’EFSA (Autorité européenne reproduction et le développement. échantillons d'urine provenant
de sécurité des aliments) dans son L’exposition au BPS conduit à une des États-Unis et de sept pays asia-
évaluation des risques de 2015. Par augmentation de la concentration tiques [13]. En 2013-2014, les résul-
la suite, l'exposition profession- en lipides dans différentes cellules tats de l’enquête nationale amé-
nelle des agents de caisse lors de la murines et humaines [9]. Dans une ricaine sur la santé et la nutrition
manipulation des tickets a été rap- étude in vivo, Ivry Del Moral et al. [14] indiquent une concentration
portée par Thayer et al. [5] et Ndaw [10] ont montré que le BPS était médiane de 0,40 μg/L chez 1 812
et al. [6], qui ont montré une aug- obésogène à faibles doses, après adultes de 20 ans et plus, avec un
mentation significative des excré- une exposition périnatale et chro- 95e percentile de 3,80 μg/L. Les
tions urinaires du BPA par rapport nique chez les souris mâles. La ré- principales sources d'exposition
à une population témoin. Le BPA a cente étude de l’Institut national de de la population générale sont pro-
ainsi été ajouté à la liste de subs- la santé et de la recherche médicale bablement les aliments, l’eau de
2. Registration, tances réglementées de REACH 2 en (INSERM), basée sur une méta-ana- boisson et les poussières. Mais ces
Evaluation, 2016 (règlement 2016/2235) et son lyse des données toxicologiques données restent à confirmer dans
Authorization utilisation a été interdite dans le sur le BPS, à partir de la littérature la mesure où il est encore difficile
and restriction papier thermique à une concentra- et de différentes bases de don- d’identifier tous les usages du BPS.
of CHemicals :
tion égale ou supérieure à 0,02 % nées, confirme la relation entre le Celui-ci a cependant été détecté et
règlement du
Parlement en poids depuis le 2 janvier 2020, ce BPS et le risque d’obésité [11]. Pelch quantifié dans des tickets de caisse
européen et du qui revient à l’interdiction de son et al. [12] ont identifié 15 études provenant de plusieurs pays [8, 15].
Conseil de l'Union utilisation dans les tickets de caisse épidémiologiques conduites ces 5 En France, sur 176 échantillons de
européenne, qui à partir de cette date. dernières années sur le BPS. Elles papier thermique analysés, 28 %
met en place
Ces règlements successifs ont pour étaient principalement focalisées contenaient du BPS [6]. Dans une
un système
intégré unique conséquence la substitution du sur les perturbations métaboliques étude plus récente, publiée par
d'enregistrement, BPA par d’autres composés dans et les effets sur la reproduction. Si Molina-Molina et al. [16], 21 % des
d'évaluation et ses différentes applications indus- des associations positives ont pu reçus de caisse collectés en région
d'autorisation trielles. Dans le papier thermique, être mises en évidence entre les parisienne contenaient du BPS
des substances
le bisphénol S (BPS) est l’un des concentrations urinaires en BPS et avec une moyenne géométrique de
chimiques.
substituts les plus fréquemment l’obésité, les effets sur le diabète, la 21 mg/g de papier. La manipulation
utilisés. En raison de sa similarité croissance fœtale ou la durée de la de papier thermique pourrait donc
structurelle avec le BPA (figure 1), grossesse, relatés dans ces études, constituer une source d’exposition
la toxicité du BPS suscite des inter- sont encore sujets à discussion. au BPS, notamment pour les agents
rogations et son utilisation dans le Toutes ces données renforcent ce- de caisse.
papier thermique incite à évaluer pendant l'hypothèse selon laquelle Certains auteurs ont estimé l'ab-
les risques d’exposition des agents le BPS pourrait avoir des effets sorption cutanée quotidienne de
de caisse par contact cutané. toxiques similaires au BPA. Il serait BPS après la manipulation de papier

Figure 1 : Structures chimiques du bisphénol A (à gauche) et du bisphénol S (à droite).

60 N° 161 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2020


thermique en utilisant les données de quantification de la méthode ment exposés, au nombre de 17,
toxicocinétiques du BPA. Pour les a été estimée à 0,1 μg/L [20]. Pour ont été regroupés sous le terme
personnes exposées professionnel- prendre en compte la dilution des générique « Agents de caisse » ; ils
lement, la voie cutanée pourrait urines, un dosage de la créatinine manipulaient quotidiennement
représenter un apport de BPS com- urinaire a également été réalisé un nombre plus ou moins impor-
pris entre 15,6 et 71 μg/jour, pour un sur tous les échantillons par la mé- tant de tickets et reçus de caisse.
taux d'absorption de 27 % et une thode colorimétrique de Jaffé, puis Les concentrations urinaires de BPS
fréquence de manipulation corres- les résultats ont été exprimés par ont été également déterminées
pondant à 150 fois un contact de 5 gramme de créatinine. chez 15 travailleurs non exposés
secondes [17, 18]. Ces éléments sont La quantification du BPS dans le professionnellement, considérés
cependant à considérer avec précau- papier thermique a été effectuée comme un groupe « Témoins ».
tion dans la mesure où le BPA a des comme décrit précédemment par Des recueils urinaires de 24 h et des
propriétés physicochimiques diffé- Ndaw et al. [6], avec une limite de urines spot (recueil à un moment
rentes de celles du BPS. L'absorption détection de 0,03 % (0,03 mg de donné) ont été collectés. Pour les
de BPS par la peau après un contact BPS dans 100 mg de papier). Briè- urines de 24 h, deux volontaires
direct doit encore être démontrée. vement, le BPS est extrait du papier exposés ont recueilli la totalité de
Cet article présente les résultats thermique par sonication dans un leurs mictions du matin au réveil
d’une étude portant sur l’évalua- mélange de méthanol et d’eau puis jusqu’au réveil du lendemain,
tion des expositions profession- l'extrait est analysé par chromato- chaque miction étant collectée sé-
nelles d’agents de caisse au bis- graphie liquide haute performance parément. Les urines spot, recueil-
phénol S. Dans l’organisme, le BPS avec détection fluorimétrique. lies durant 1 à 3 jours, sont celles
est métabolisé majoritairement du début de poste de travail, de la
en BPS-glucuronide et éliminé DESCRIPTION DES fin de poste de travail ainsi que la
sous cette forme dans les urines, SECTEURS INVESTIGUÉS première miction au réveil du len-
la forme non conjuguée représen- ET RECRUTEMENT DES demain. Ce protocole de recueil a
tant environ 3 % [19]. Le BPS total SALARIÉS concerné les 30 autres participants
(somme des formes conjuguées et Les entreprises participantes ont à l’étude.
de la forme libre) est donc le prin- été recrutées avec l’aide des méde- Des échantillons de papier ther-
cipal biomarqueur d’exposition au cins du travail, sollicités notam- mique ont été prélevés lors des
BPS. Le dosage du BPS libre (sous sa ment par l’intermédiaire de la campagnes de recueils urinaires
forme non conjuguée) peut égale- revue Référence en Santé au Travail, pour confirmer la présence de BPS
ment constituer un biomarqueur dans la rubrique « Participez à la re- dans le papier effectivement mani-
pertinent dans la mesure où il cherche ». Dans un premier temps, pulé par les participants à l’étude.
s’agirait de la forme biologique- des échantillons de papier ther- Un questionnaire, destiné à fournir
ment active. L’excrétion urinaire mique utilisé par ces entreprises des renseignements sur l’activité
du BPS (libre et total) a été mesurée ont été envoyés pour analyse à professionnelle, l’alimentation et
dans une population de salariés l’INRS afin de déterminer la nature les activités extra-professionnelles,
manipulant quotidiennement des du révélateur thermique présent a été soumis aux participants sous
reçus de caisse et comparée à celle (bisphénol S, bisphénol A ou autre). la forme d’une interview. Les don-
d’une population témoin. N’ont été retenues, pour participer nées recueillies portaient sur :
à l’étude, que les entreprises dans O le sexe, le poids, la taille, l’âge ;
lesquelles le papier thermique ma- O l’emploi occupé, l’ancienneté au
nipulé contenait effectivement du poste, les tâches effectuées ;
MÉTHODOLOGIE BPS. Dans ces entreprises ont en- O la consommation d’aliments et
suite été sollicités des salariés vo- de boissons susceptibles d’être
DOSAGE DU BPS DANS LES lontaires. Toutes les informations des sources de BPS (aliments en
URINES ET DANS LE PAPIER relatives à la recherche leur ont été conserve, abats, boissons en ca-
THERMIQUE transmises et leur consentement nette…) ;
Le BPS urinaire, libre et total, a été éclairé écrit a été recueilli. O la consommation de tabac ;
dosé par chromatographie liquide Au total, 32 salariés de deux hy- O la manipulation de colles et de
couplée à la spectrométrie de permarchés ont été inclus dans peintures, susceptibles d’être à
masse et exprimé en μg/L. La limite l’étude. Les salariés potentielle- base de résines époxy.

MARS 2020 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 161 61


VU DU TERRAIN
Bisphénol S dans le papier
thermique : quelle exposition
cutanée pour les agents de caisse ?

Le nombre de tickets et reçus mani- laires dans les deux hypermarchés : de caisse, à des concentrations
pulés par les agents de caisse a été de l’ordre de 1,2 mg/100 mg dans comprises entre 0,1 à 3,0 μg/L.
estimé en analysant les transac- l’hypermarché A et 1,4 mg/100 mg Le tableau III présente la moyenne
tions de la journée de travail enre- dans l’hypermarché B. Le nombre géométrique, la médiane, l’étendue
gistrées pour chaque participant. de tickets manipulés quotidienne- (valeurs minimales et maximales)
ment était très variable en fonction et le 95e percentile des concentra-
ANALYSES STATISTIQUES des agents de caisse, allant de 10 tions en BPS total dans les groupes
Les analyses statistiques ont été ré- à 400 tickets par jour. Le nombre « Témoins » et « Agents de caisse »,
alisées à l’aide du logiciel Stata 13.0. médian de tickets était de 95 et 200 ajustées ou non par la créatinine.
Le modèle de régression linéaire dans les hypermarchés A et B, res- Dans le groupe « Témoins », la
mixte a été utilisé pour tester l’effet pectivement. concentration médiane de BPS
de différentes variables sur le BPS total était de 0,67 μg/L. Les concen-
urinaire. Ce type de modèle permet CONCENTRATIONS trations variaient de la limite de
de tenir compte de la non–indé- URINAIRES EN BISPHÉNOL S quantification (0,1 μg/L) jusqu'à
pendance des données (recueils Au total, 90 échantillons d'urine une valeur maximale de 229 μg/L.
urinaires issus des mêmes sujets, ont été prélevés auprès des agents Cette concentration maximale
eux-mêmes issus des mêmes de caisse et 73 échantillons d'urine mesurée chez un témoin était
entreprises) en intégrant un effet auprès des témoins. Le BPS total a aberrante, au regard de la valeur du
aléatoire sujet et un effet aléatoire été quantifié dans 96 % des échan- 95e percentile des concentrations
entreprise. Une transformation tillons témoins et dans 100 % des urinaires mesurée à 12,6 μg/L. Tou-
logarithmique a été appliquée aux échantillons des agents de caisse. Le tefois, aucune explication d’ordre
données de BPS urinaire et le seuil BPS libre a été détecté dans moins environnementale n'a pu être trou-
de significativité statistique était de 20 % des échantillons d'urine du vée par l'analyse du questionnaire
fixé à 5 %. groupe « Témoins » (14/73), à des pour expliquer cette valeur très éle-
Les urines dont la créatinine était concentrations comprises entre 0,1 vée. Dans la mesure où l’exposition
inférieure à 0,3 g/L et supérieure à et 8,8 μg/L. Ce pourcentage attei- au BPS dans le groupe « Témoins »
3 g/L n’ont pas été prises en compte gnait 46 % (42/90) chez les agents est uniquement d’origine environ-
dans l’analyse statistique des don- ,Tableau I
nées ajustées à la créatinine.
> RÉPARTITION DES AGENTS DE CAISSE ET DES TÉMOINS DANS LES
HYPERMARCHÉS SUIVIS. ESTIMATION DU NOMBRE DE TICKETS MANIPULÉS ET
CONCENTRATION EN BPS DANS CES TICKETS
RÉSULTATS PRINCIPAUX
Nombre de tickets manipulés/
Population suivie % BPS
jour (pour les agents de caisse)
Le tableau I présente la répartition Hypermarché (mg BPS/100 mg
des agents de caisse et des témoins Agents de papier)
Témoins étendue médiane
caisse
dans les deux hypermarchés, l’esti-
mation du nombre de tickets mani- A 8 11 10 - 400 95 1,4
pulés et la concentration de BPS B 7 6 14 - 292 200 1,2
dans ces tickets.
Tous les agents de caisse suivis
étaient des femmes, âgées de 19 ,Tableau II
à 52 ans. L’âge médian était de 44 > DISTRIBUTION DES POPULATIONS ÉTUDIÉES EN FONCTION DU SEXE, DE L’ÂGE
ans (tableau II). Dans le groupe ET DE L’ANCIENNETÉ AU POSTE
« Témoins », il y avait 7 femmes et
8 hommes et l’âge médian était de Ancienneté médiane
Âge médian (années)
41 ans. La médiane de l’ancienneté Total Femmes Hommes (années)
[étendue] [étendue]
au poste était de 11,5 années pour
les agents de caisse et de 3,5 années Témoins
41 3,5
15 7 8
pour le groupe « Témoins ». [21 - 55] [1 - 31]
Les concentrations de BPS dans les Agents de
17 17 -
44 11,5
tickets et reçus étaient assez simi- caisse [19 - 52] [<1 - 27]

62 N° 161 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2020


,Tableau III

> CONCENTRATIONS URINAIRES EN BPS TOTAL (EN μg/L ET EN μg/g de créatinine) DANS LE
GROUPE « TÉMOINS » ET DANS LE GROUPE « AGENTS DE CAISSE »

Moyenne
Nombre 95e
d’échantillons
Min Médiane
percentile
Max géométrique
(déviation standard)

Témoins - BPS total (μg/L) 73 <0,10 0,67 12,6 229 0,72 (3,68)
Agents de caisse - BPS total (μg/L) 90 0,15 2,53 19,9 28,4 2,48 (3,07)
Témoins - BPS total
(μg/g créatinine)
70 <0,10 0,52 9,65 77,8 0,52 (3,60)

Agents de caisse - BPS total


(μg/g créatinine)
90 0,30 2,07 10,9 33,8 2,12 (2,60)

nementale (et donc non dépen- ,Tableau IV


dante des horaires de travail), au-
cune distinction n’a été faite entre
> CONCENTRATIONS URINAIRES EN BPS TOTAL DANS LES
PRÉLÈVEMENTS DE DÉBUT DE POSTE, FIN DE POSTE ET DU LEVER
les prélèvements de début de poste,
DANS LE GROUPE « AGENTS DE CAISSE »
fin de poste ou urines du lever.
La concentration médiane en BPS Nombre Médiane μg/L
Moyenne
total dans le groupe « Agents de géometrique (μg/L)
d’échantillons (μg/g creatinine)
(déviation standard)
caisse » était de 2,53 μg/L, avec une
étendue de 0,15 à 28,4 μg/L. Cette Début de poste
2,35
27 1,90 (5,7)
médiane était de 1,69 μg/L chez (1,47)
les agents de caisse de l'hypermar- Fin de poste
2,93
27 2,99 (3,05)
ché A et elle était plus élevée, de (2,34)
l’ordre de 4,57 μg/L, pour ceux de Urines du lever
2,62
26 3,15 (2,55)
l'hypermarché B. Certains agents (2,43)
de caisse de l'hypermarché B ont
rapporté l'utilisation d'un désin- Les concentrations de BPS total du L’effet de la variable « Nombre de
fectant pour les mains qui pourrait groupe « Agents de caisse », en fin tickets » a été testé sur l’excrétion
augmenter l'absorption cutanée du de poste et au lever suivant, étaient du BPS urinaire. Aucune relation
BPS. Mais dans la mesure où cette significativement plus élevées que n’a été trouvée entre le nombre
information n'a pas toujours été celles du groupe « Témoins » ; la de tickets manipulés et la concen-
correctement renseignée dans le même différence significative a été tration en BPS total. Cette relation
questionnaire, cette hypothèse n'a constatée entre les concentrations n’a pas été testée pour le BPS libre
pas pu être testée. Les médianes et de BPS total des agents de caisse étant donné le faible pourcen-
les moyennes géométriques des en début de poste et celles des té- tage d’échantillons quantifiés. Le
concentrations de BPS, calculées à moins (p < 0,003 pour début poste, nombre de lavages des mains, l’âge,
partir des prélèvements de début fin de poste et urines du lever). Au l’ancienneté au poste et la consom-
de poste, de fin de poste et du lever sein du groupe « Agents de caisse », mation de tabac n’ont eu aucune
des salariés appartenant au groupe des différences significatives ont influence sur les excrétions de BPS
« Agents de caisse », sont présen- également été constatées en fonc- total.
tées dans le tableau IV. tion du moment de prélèvement :
Les questionnaires sur les habi- les concentrations urinaires en BPS CONCENTRATIONS EN BPS
tudes alimentaires (aliments et total étaient plus élevées en fin de DANS LES URINES DE 24 H
boissons) des populations suivies poste et au lever par rapport au dé- Les profils d’excrétion urinaire du
ont été analysés avec le test de but de poste (p = 0,011 et p = 0,027). BPS (figure 2, page suivante), tra-
Pearson. Aucune différence signi- Quel que soit le moment de prélè- cés à partir des échantillons d'urine
ficative n’a été mise en évidence vement, la concentration de BPS de 24 heures recueillis auprès de
entre le groupe « Témoins » et le total était significativement plus deux agents de caisse, étaient dif-
groupe « Agents de caisse ». Par élevée chez les agents de caisse que férents et peu caractéristiques, no-
conséquent, des modèles de régres- chez les témoins (p <0,000). Cette tamment pour l’agent de caisse 2.
sions linéaires mixtes ont été utili- différence est également signifi- Le profil de ce dernier ne présentait
sés afin de tester, sur les données cative pour chacun des hypermar- pas de pic d'excrétion attribuable à
de BPS urinaire log-transformées, chés (p = 0,002 pour l'hypermarché une exposition professionnelle. Le
les effets de différentes variables. À A et p = 0,001 pour l'hypermarché BPS total excrété par jour était de
noter que la manipulation de colle B). Ces conclusions restent iden- 3,42 μg/24 h pour l’agent de caisse 1
et de peinture n’a pas été rapportée tiques pour les données ajustées et de 1,50 μg/24 h pour l’agent de
dans les questionnaires. par la créatinine. caisse 2.

MARS 2020 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 161 63


VU DU TERRAIN
Bisphénol S dans le papier
thermique : quelle exposition
cutanée pour les agents de caisse ?

des échantillons analysés dans le trations en BPS libre ont été éva-
DISCUSSION cadre du programme français de luées dans certaines études. Les
biosurveillance Esteban [22]. En fréquences de détection étaient
L’objectif principal de cette étude 2014-2016, la concentration mé- néanmoins faibles, inférieures
était d’établir les niveaux d’impré- diane de BPS total urinaire était de à 7 % des échantillons analysés
gnation au BPS d’une population 0,31 μg/L (0,42 μg/g de créatinine) [23, 24]. Le BPS non conjugué a été
d’agents de caisse afin de détermi- dans une population française de quantifié dans 20 % des échan-
ner si la manipulation fréquente 900 adultes. Le BPS urinaire total tillons urinaires recueillis auprès
de papier thermique induisait une a également été quantifié dans des témoins de cette étude, les
sur-exposition, en comparant les pratiquement la totalité des échan- concentrations variant de la limite
concentrations urinaires à celles tillons du groupe « Témoins » de de quantification de 0,1 μg/L à
d’une population témoin. cette étude, avec une concentration 8,8 μg/L. Dans l’étude Esteban, dont
Quelques études de biosurveil- médiane de 0,67 μg/L (0,52 μg/g de la méthode de dosage était dix fois
lance ont documenté l'exposition créatinine), de l’ordre de deux fois plus sensible, le BPS non conjugué a
de la population générale au BPS. supérieure à celle mesurée chez été quantifié dans 56 % des échan-
Les concentrations médianes de ces 900 adultes français. Ce groupe tillons, les concentrations variant
BPS urinaire total rapportées dans « Témoins » a été recruté parmi de 0,01 μg/L à 8,28 μg/L.
la littérature étaient de 1,04 μg/L les employés des hypermarchés ; Pour déterminer si la manipulation
pour la population japonaise [13] ils ne manipulaient pas de papier fréquente de papier thermique
et de 0,36 μg/L chez des femmes thermique contenant du BPS du- est associée à une augmentation
néerlandaises [21]. La concentration rant leur poste de travail. Cepen- de l’excrétion urinaire, la concen-
médiane de BPS urinaire plus éle- dant, d’autres sources d'exposition tration urinaire en BPS total des
vée dans la population japonaise professionnelle ne peuvent être agents de caisse a été comparée
est probablement due à une subs- exclues pour ce groupe. Toutes ces à celle des témoins. Les résultats
titution du BPA amorcée dès la fin données confirment l’imprégna- montrent une augmentation de
des années 1990 dans ce pays. Dans tion de la population générale. l’excrétion urinaire de BPS to-
l’enquête nationale américaine sur Dans la mesure où le BPS non conju- tal chez les agents de caisse. La
la santé et la nutrition de 2013-2014 gué (libre) serait la forme biologi- concentration médiane était de
[14] chez 1 812 adultes, une concen- quement active, sa concentration 2,07 μg/g de créatinine, significati-
tration médiane de 0,40 μg/L pourrait être considérée comme vement supérieure à la concentra-
était retrouvée. Plus récemment, un indicateur pertinent des effets tion médiane de 0,52 μg/g chez les
le BPS a été quantifié dans 100 % potentiels du BPS. Les concen- témoins. La fréquence de détection
de la forme non conjuguée de BPS
Figure 2 : Cinétiques d’élimination du BPS total. était également plus élevée chez
Horaires de travail : agent de caisse ™ (09h45 – 17h15) ; agent de caisse š (10h00 – 19h30). les agents de caisse (46 % vs 19 %
chez les témoins).
Les quantités de BPS dans les tic-
kets de caisse étaient proches dans
les deux hypermarchés suivis (14 et
12 mg/g de papier) et similaires à
celles rapportées dans la littérature
[8]. Aucune relation n’a été mise en
évidence entre le nombre de tickets
manipulés et l'excrétion urinaire
de BPS.
Des niveaux urinaires de BPS total
ont déjà été rapportés dans la litté-
rature par Thayer et al. [5] dans une
population de 32 agents de caisse.
Les concentrations en fin de poste
étaient significativement plus éle-
vées que celles en début de poste,

64 N° 161 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2020


,Encadré 1

> LE BPS VU SOUS UN AUTRE ANGLE


L’INRS a engagé depuis 2018 des études sur le
passage percutané du BPS. Les chercheurs se
sont intéressés à l’absorption de cette substance
à travers des échantillons de peau humaine
provenant de chirurgie plastique, grâce à un
dispositif in vitro. Ces expérimentations ont
avec des moyennes géométriques quantités sont nettement infé- d’ores et déjà permis de déterminer la quantité
allant de 0,23 à 0,54 μg/g de créa- rieures aux 15,6 μg/jour rapportées de BPS traversant la barrière cutanée et celle
restant stockée dans la peau, ainsi que la vitesse
tinine pour le début et la fin de par Russo et al. [17].
à laquelle ce composé diffuse. En parallèle, la
poste, respectivement. Cependant, L’ensemble de ces données indique
biotransformation des molécules de BPS par
ces concentrations n’étaient pas que la manipulation de papier des enzymes présentes au niveau cutané a
significativement plus élevées que thermique pourrait être une source été explorée. Le métabolisme de ce bisphénol
celle déterminée dans le groupe d’exposition au BPS. La limite prin- au niveau local est susceptible de diminuer
témoin, de 0,41 μg/g de créatinine. cipale de cette étude est cepen- ou, au contraire, de renforcer son potentiel
Les auteurs ont cependant souli- dant le nombre réduit d’agents toxique. Enfin, la toxicocinétique du BPS chez
gné certains biais dans leur étude. de caisse suivis. D’autres études, à l’homme sera caractérisée par des approches
Les échantillons de début et de fin plus grande échelle, seraient néces- numériques qui modélisent les grandes fonctions
de poste n’avaient pas été prélevés saires pour conforter ou non ces physiologiques. Ces modèles numériques
le même jour. Par ailleurs, aucune premiers résultats. permettront de prédire le passage de composés
dans le sang pendant la phase d’absorption, la
information contextuelle n’avait En complément, l’INRS met en
translocation dans différents organes pendant
été recueillie : durée du temps de œuvre une approche expérimentale
la phase de distribution, la transformation due
travail journalier, nombre de tic- pour évaluer le passage par le BPS au métabolisme et enfin l’élimination (modèle
kets manipulés, intervalle entre la de la barrière cutanée (encadré 1). pharmacocinétique physiologique dit « PBPK »).
fin de poste et le prélèvement, ha- Les nouveaux éléments appor- Toutes ces données devraient permettre, à terme,
bitudes alimentaires. En revanche, tés par ces travaux devraient per- de mieux évaluer les risques liés à la manipulation
dans la présente étude, des infor- mettre, à terme, de mieux évaluer de papier thermique contenant du BPS par les
mations détaillées ont été recueil- les risques liés à la manipulation de agents de caisse mais également d’extrapoler la
lies au moyen d’un questionnaire papier thermique contenant du BPS. toxicocinétique du produit à d’autres scénarios
sur les habitudes alimentaires, la L’ensemble de ces données pourra d’exposition (doses différentes, personnes
consommation de tabac et le la- également nourrir les discussions souffrant d’insuffisance hépatique, d’insuffisance
rénale, femmes enceintes…). Enfin, les modèles
vage des mains. Aucune différence concernant d’éventuelles évolutions
numériques permettront de limiter le nombre
n’a été observée entre les témoins réglementaires pour ce substitut
d’expérimentations à réaliser pour s’assurer de
et les agents de caisse concernant du BPA, notamment dans le cadre l’innocuité de nouvelles molécules.
ces facteurs. Il était donc pertinent de l’évaluation du BPS par l’ECHA
de comparer les excrétions uri- (Agence européenne des produits
naires des deux groupes. De plus, chimiques) pour son utilisation
afin de réduire le biais qui pourrait dans le papier thermique. POINTS À RETENIR
être induit par la variabilité des Le bisphénol S est le principal substitut du
concentrations urinaires en raison bisphénol A dans le papier thermique.
des différentes sources d’exposi-
Les données toxicologiques, bien que rares,
tion, trois échantillons d’urine spot CONCLUSION confortent l’hypothèse selon laquelle le BPS
ont été recueillis chaque jour par
pourrait avoir des effets toxiques similaires au
participant. Il a ainsi été montré Cette étude présente des données BPA.
que les concentrations urinaires originales sur les concentrations
en BPS étaient plus élevées dans en BPS dans les urines des agents Les données de biométrologie urinaire
les échantillons de fin de poste de caisse. Les données recueillies
recueillies auprès d’une population non
professionnellement exposée attestent d’une
que dans les échantillons de début indiquent que la manipulation
exposition environnementale au BPS.
de poste chez les agents de caisse. quotidienne de papier thermique
De plus, les concentrations en BPS provoque une augmentation de La manipulation quotidienne de papiers
total des agents de caisse étaient l’excrétion urinaire de BPS chez les thermiques fait augmenter l’excrétion urinaire
significativement plus élevées que agents de caisse par rapport à des de BPS (libre et total) chez les agents de caisse ;
celles des témoins, quel que soit le
cette augmentation de l’excrétion urinaire est
travailleurs non professionnelle-
significative par rapport à celle d’agents non
moment de prélèvement. ment exposés. Ces résultats devront
exposés professionnellement à des tickets
La quantité de BPS total excrétée, être consolidés par des études à plus thermiques.
calculée à partir des échantillons large échelle.
d’urine de 24 h, était, pour deux Le papier thermique est donc une source
agents de caisse, de 1,50 μg/jour et d’exposition au BPS en milieu professionnel.
3,42 μg/jour respectivement. Ces
BIBLIOGRAPHIE

MARS 2020 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 161 65


VU DU TERRAIN
Bisphénol S dans le papier
thermique : quelle exposition
cutanée pour les agents de caisse ?

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66 N° 161 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2020


VU DU TERRAIN TF 278

Appareils de protection
respiratoire utilisés dans les
établissements de santé français
dans le cadre des précautions
« air » en 2018
AUTEURS :
G. Pellissier 1, I. Lolom 1,2, I. Balty 3, L. Simon 4, M.G. Leroy 4, M.C. Bayeux-Dunglas 5
1. Groupe d’étude sur le risque d’exposition des soignants aux agents infectieux (GERES)
2. UHLIN, CHU Bichat – Claude-Bernard APHP
en 3. Département Expertise et conseil technique, INRS
résumé 4. Société française d’hygiène hospitalière (SF2H)
5. Département Études et assistance médicales, INRS

L
MOTS CLÉS
L’utilisation d’appareils de Équipement
protection respiratoire (APR) de protection
de type FFP est recommandée individuelle -
dans le cadre de la mise EPI / Protection es précautions « air » sieurs tailles. Pour que la protection
individuelle /
en place de mesures de Appareil de
lors de la prise en charge de pa- soit effective, il est indispensable de
prévention des infections protection tients atteints d’infections trans- disposer d’un APR adapté au visage
respiratoires (précautions respiratoire / missibles par voie respiratoire du porteur. Pour cela le choix doit
complémentaires « air ») Masque / Enquête sont bien connues et appliquées être guidé par un essai d’ajustement
dans les services de dans les milieux de soins [1]. Elles (fit test) [4] réalisé pour différents
soins. Une enquête a été ont conduit à une diminution de modèles ou tailles de masques. Ce
conduite pour recenser les l’incidence de la tuberculose chez test est systématiquement réalisé
APR disponibles dans les les soignants [2]. Dans ce cadre, la dans d’autres pays, conformément
établissements de santé dans protection des personnes exposées aux recommandations [5 à 7]. Ceci
le cadre de ces précautions à un risque infectieux aéroporté implique que chaque établissement
« air ». Dans les 258 repose, notamment, sur le port d’un puisse proposer plusieurs modèles
établissements participant, appareil de protection respiratoire et/ou tailles de masque, une seule
97 % disposaient d’APR de (APR) de type pièce faciale filtrante référence ne pouvant convenir aux
classe FFP2, représentés (FFP) FFP2, voire FFP3 dans certaines différentes morphologies de visage
majoritairement par le indications. Ces APR répondent à des personnels, comme l’a montré
modèle Bec de canard. Plus la norme NF EN 149 + A1 [3] et per- une précédente enquête du Groupe
de 70 % des établissements mettent de filtrer l’air inspiré. L’effi- d’étude sur le risque d’exposition
ne disposaient que d’un cacité de la protection repose sur des soignants aux agents infectieux
seul modèle d’APR en une les qualités du média filtrant et sur (GERES) [8]. Les établissements de
seule taille. Des études sont l’étanchéité du masque au visage. soins passent par l’intermédiaire
poursuivies pour proposer Les performances minimales exi- de centrales d’achat. Dans le cadre
des méthodes à mettre en gées par la norme pour ces APR des appels d’offre, actuellement les
place pour améliorer la tolèrent une fuite totale vers l’inté- établissements ne retiennent, dans
procédure de choix des APR. rieur qui ne doit pas dépasser 8 % le cas général, qu’un seul modèle
pour les FFP2 et 2 % pour les FFP3. d’APR en une seule taille pour une
Il existe différents modèles/formes classe FFP donnée. La Société fran-
d’APR : bec de canard, à plis, à coque çaise d’hygiène hospitalière (SF2H)
moulée, parfois disponibles en plu- a publié le 23 mars 2018 un avis

MARS 2020 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 161 67


VU DU TERRAIN
APR utilisés dans les établissements
de santé français dans le cadre des
précautions « air » 2018

sur le choix et l’utilisation adaptés APR de type FFP : il s’agit de demi-


d’un APR de type FFP2, voire FFP3 MATÉRIELS ET MÉTHODES masque filtrant à usage unique ré-
dans certaines indications [9]. Cet pondant au règlement UE 2016/425
avis a été élaboré par un groupe de L’enquête a été conduite de no- [11] et à la norme NF EN 149 +A1 [3].
travail suite à la survenue d’un cas vembre 2018 à février 2019. Une Les filtres antiaérosols sont classés
de tuberculose résistante chez une page de présentation de l’enquête selon la norme en 3 classes d’effica-
soignante malgré la mise en place et le questionnaire d’enquête cité croissante : FFP1, FFP2, FFP3. Les
d’une procédure d’isolement « air » ont été mis en ligne sur le site du APR se présentent sous différentes
pendant toute la durée d’hospita- GERES. L’annonce de l’enquête avec formes/modèles : masques à plis,
lisation du patient, sans incident mention des liens vers la page de masques bec de canard, ou coques
notable [10]. Les conditions d’utilisa- présentation de l’enquête et le moulées. Certains modèles sont
tion d’un APR y sont rappelées, no- questionnaire a également fait disponibles en plusieurs tailles. La
tamment les bonnes pratiques de l’objet d’une diffusion large en référence de l’APR est la référence
port, et la nécessité de réaliser sys- direction des équipes opération- produit du fabricant ou du fournis-
tématiquement un contrôle d’étan- nelles hygiène (EOH) et des méde- seur.
chéité (fit-check) avant chaque uti- cins du travail des établissements Essai d’ajustement ou fit-test :
lisation d’un APR pour en vérifier de santé publics et privés, via diffé- c’est le test permettant de com-
le bon positionnement. Il souligne rents réseaux : GERES, SF2H, centres parer différents modèles et tailles
également l’importance de réaliser d’appui pour la prévention des in- d’APR pour retenir celui garan-
en amont un essai d’ajustement (fit- fections associées aux soins (CPias), tissant le meilleur ajustement et
test) et en précise ses modalités afin médecins du travail des hôpitaux donc la meilleure étanchéité au
de pouvoir proposer des APR FFP2 (Centres de ressources informa- visage de la personne. Il peut être
adaptés à chacun. Il suggère que tiques de Haute-Normandie - CRI- qualitatif (détection d’une odeur
des tests d’ajustement pourraient HAN-, Association nationale de ou d’un goût) ou quantitatif (dis-
être réalisés sur un échantillon médecine du travail et d’ergonomie positif de comptage des particules
de soignants, dans le cadre d’une du personnel des hôpitaux - ANM- dans le masque vs à l’extérieur). Le
étude multicentrique, pour préci- TEPH), SPILF. test quantitatif permet de calculer
ser l’adéquation entre différents La participation à l’enquête était pour chaque individu un coeffi-
modèles ou tailles de masques volontaire et il était demandé de cient d’ajustement (plus le coeffi-
et les différentes morphologies remplir un seul questionnaire cient est élevé plus l’étanchéité du
de visages. En effet, les données par établissement. Les question- masque est importante). Les pro-
manquent pour guider les établis- naires ont été retournés au GERES tocoles de ces tests demandent la
sements dans le choix des modèles à l’adresse e-mail indiquée, créée réalisation d’une série d’exercices
les plus adaptés et la généralisation spécifiquement pour cette enquête. durant l’essai d’ajustement [4].
des essais d’ajustement. Contrôle d’étanchéité ou fit-
Face à cette problématique, une CRITÈRES D’INCLUSIONS check : c’est un test qualitatif appe-
enquête préliminaire a ainsi été Tout établissement de santé public lé également « essai à pression né-
conduite en 2018 par le GERES, ou privé volontaire. gative » (Le principe du test repose
l’INRS et la SF2H, en lien avec la Di- Tous les APR de type FFP (demi- sur une obturation de la surface
rection générale de l’offre de soins masques jetables, filtrants anti- filtrante avec les mains ou un film
(DGOS) et la Société de patholo- aérosols) mis à disposition dans le plastique : le masque tend à se pla-
gie infectieuse de langue fran- cadre des précautions « air ». quer sur le visage à l’inspiration si
çaise (SPILF), en s’appuyant sur l’étanchéité est bonne) ou « essai à
les réseaux SF2H et GERES, afin de DÉFINITIONS RETENUES pression positive » (obturer la sur-
recenser le plus exhaustivement Précautions « air » : il s’agit des face filtrante avec la paume de la
possible les modèles et tailles précautions complémentaires pour main ou un film plastique et souf-
d’APR de type FFP disponibles dans éviter la transmission aéroportée fler dans le masque : si l’étanchéité
les établissements de santé dans d’un agent infectieux à partir d’un est bonne, le masque bombe légè-
le cadre des précautions complé- porteur identifié, à des individus rement). Il doit être fait à chaque
mentaires « air » et savoir si un non infectés et non porteurs mais mise en place d’un APR, pour en
essai d’ajustement était pratiqué. réceptifs [1]. vérifier l’étanchéité au visage.

68 N° 161 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2020


MODALITÉS DE RECUEIL un pharmacien. Le service qui com- pectivement 8,5 et 0,4 % des éta-
DES DONNÉES mande le plus souvent les APR est blissements. Un total de 116 960 lits
Le recueil des données a été la Pharmacie (53 % des établisse- d’hospitalisation complète (min. =
conduit à l’aide d’un questionnaire ments), les Achats-économats et le 24 ; max. = 3 400 ; med. = 298) a
sous forme d’un formulaire Word Magasin-lingerie venant ensuite été recensé dans les 250 établisse-
protégé, dont seuls les champs à dans 17 et 14 % des cas respective- ments disposant de lits d’hospitali-
renseigner étaient accessibles et ment. sation (8 structures ne comptabili-
actifs (annexe p. 74). Les données à sant aucun lit).
documenter se rapportaient à l’éta- CARACTÉRISTIQUES
blissement et à son organisation DES ÉTABLISSEMENTS LES APR DISPONIBLES DANS
(statut de l’établissement, fonction PARTICIPANTS LES ÉTABLISSEMENTS DANS
de la personne ayant renseigné le La majorité des 258 établissements LA PÉRIODE DE L’ENQUÊTE
questionnaire, service en charge était de statut public (58 %, n = 149) Deux cent quarante-neuf établis-
des commandes de masques, réali- et dans 50 % des cas un établisse- sements ont mentionné disposer
sation d’essai d’ajustement) et aux ment de type Centre hospitalier d’APR. La grande majorité des éta-
APR mis à disposition dans l’éta- ou Hôpital local. Le détail des sta- blissements (76 %, n = 195) ne dis-
blissement (modèles, noms, réfé- tuts et types des établissements posait que d’une seule référence (en
rences et classes, nombre de tailles est renseigné dans le tableau I. Ils une seule taille). Le tableau II, page
disponibles, fournisseurs, quanti- étaient très majoritairement situés suivante, présente la répartition
tés commandées en 2017). en province (91,1 %), l’Île de France des établissements selon le nombre
Le nombre de lits d’hospitalisation et les Outre-mer représentant res- d’APR différents disponibles (APR
complète des établissements par-
ticipants a été extrait de la base
,Tableau I
2018 de la statistique annuelle des
établissements de santé (SAE) de la > CARACTÉRISTIQUES DES 258 ÉTABLISSEMENTS PARTICIPANTS
DREES (Direction de la recherche,
des études, de l’évaluation et des Établissements Lits*
statistiques) du ministère chargé Nombre Médiane [min-max]
de la Santé. Type CHU / CHR 17 (6,5 %) 26 947 1 690 [351 – 3 400]
CH / HL / HIA 129 (50 %) 71 060 450 [113 – 2 322]
SAISIE ET TRAITEMENT
Clinique MCO 32 (12,5 %) 5 940 174 [69 – 392]
DES DONNÉES
Les données ont été centralisées, SSR / SLD 43 (16,5 %) 5 655 98 [24 – 534]
saisies et analysées par le GERES à CHS 18 (7 %) 5 743 281 [40 - 853]
l’aide du logiciel Epidata 3.1 et du EHPAD 7 (2,5 %) 1 000 113 [65 – 499]
module d’analyse Epidata Analysis CLCC 4 (1,5 %) 615 143,5 [101 – 227]
V2.2.1.171.
HAD / Centre de dialyse 8 (3,5 %) /
Statut Public 149 (58 %) 98 766 474 [65 – 3 400]
ESPIC 32 (12,5%) 5 206 146 [24 -455]
RÉSULTATS Privé 75 (29 %) 12 374 135 [30 – 1 328]
Non renseigné 2 (0,5 %)
Deux cent soixante-sept question-
Total 258 116 960 298 [24 – 3 400]
naires ont été reçus dans la période
de l’enquête et, après élimination * Nombre de lits pour 250 établissements, 8 établissements ne comptabilisant aucun lit (7 centres de
des doublons, 258 questionnaires dialyse et une unité d’HAD), dont 3 de statut ESPIC et 5 de statut privé.
se rapportant à autant d’établisse- CHU : Centre hospitalier universitaire ; CHR : Centre hospitalier régional ; CH : Centre Hospitalier ;
ments de santé ont été analysés. HL : Hôpitaux locaux ; HIA : Hôpital d’instruction des armées ; MCO : Médecine, chirurgie, obstétrique ;
Le questionnaire a été documenté SSR : Soins de suites et réadaptation ; SLD : Soins de longue durée ; CHS : Centre hospitalier spécialisé ;
dans 67 % des cas par un membre EHPAD : Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes ; CLCC : Centre de lutte contre
le cancer ; HAD : Hospitalisation à domicile ; ESPIC : Établissement de santé privé d’intérêt collectif.
de l’EOH et dans 22 % des cas par

MARS 2020 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 161 69


VU DU TERRAIN
APR utilisés dans les établissements
de santé français dans le cadre des
précautions « air » 2018

,Tableau II

> RÉPARTITION DES 258 ÉTABLISSEMENTS


SELON LE NOMBRE D’APPAREILS DE
PROTECTION RESPIRATOIRE (APR) cialisé en psychiatrie et 7 SSR) et 2 sement a initialement été men-
DIFFÉRENTS DISPONIBLES structures de type SSR uniquement tionnée par 40 établissements.
Établissements
un APR de classe FFP1. Une vérification auprès des cor-
Les 3 modèles de masques étaient respondants de chacun de ces 40
Nombre %
retrouvés : coquille, bec de canard établissements a été conduite et
0 9 3,5 et masque à plis. Le modèle d’APR un seul a confirmé ce point. Dans
Nombre
1 195 75,6 le plus fréquemment retrouvé les 39 autres établissements il y
d’APR 2 41 15,9 (dans 75,5 % des établissements) avait confusion : c’était en fait un
différents était celui type bec de canard, suivi fit-check (contrôle d’échanchéité) et
3 12 4,7
du modèle à plis (27 % des établis- non pas un fit-test (essai d’ajuste-
4 1 0,4
sements) puis du modèle coquille ment) qui était réalisé.
(6,4 % des établissements).
,Tableau III
Au total, 317 APR ont été réperto-
> RÉPARTITION DES 249 ÉTABLISSEMENTS riés, sachant qu’un hôpital peut
DISPOSANT D’APPAREILS DE PROTECTION disposer de plusieurs modèles DISCUSSION
RESPIRATOIRE (APR) SELON LES CLASSES d’APR. Le tableau IV indique la fré-
D’APR DISPONIBLES quence respective des différents Deux cent cinquante-huit établis-
Nombre de Classe de Établissements :
modèles d’APR commandés et le sements de santé ont participé à
classes performance n (%) nombre de références différentes l’enquête conduite sur la base du
par modèle. Vingt-deux fournis- volontariat dans une période de 4
FFP1 2 (0,8)
seurs (fabricants et distributeurs) mois, soit environ 8 % des établis-
1 classe d’APR FFP2 210 (84,3) et 67 références différentes d’APR sements français (Métropole, DOM
(n = 214 ; 86 %) FFP3 1 (0,4) (20 données manquantes) ont été et ROM), estimés à un peu plus de
N95 * 1 (0,4) recensés. Seuls 9 % des APR (6/67) 3 000 et comptant 400 000 lits
FFP1 – FFP2 13 (5,2) étaient disponibles en au moins 2 d’hospitalisation [12]. Les 250 éta-
2 classes d’APR
FFP2 – FFP3 17 (6,8)
tailles différentes. blissements participants disposant
(n = 32 ; 13 %) de lits en totalisaient 116 960, soit
FFP2 - N95 2 (0,8)
LES COMMANDES D’APR environ 29 % des lits d’hospitalisa-
3 classes d’APR PAR LES ÉTABLISSEMENTS EN tion, ce qui traduit une participa-
FFP1 – FFP2 – FFP3 3 (1,2)
(n = 3 ; 1 %)
2017 tion préférentielle de structures de
Cent quatre-vingt-seize établis- taille importante à l’enquête.
* APR répondant à une certification par le NIOSH (National
Institute for Occupational Safety and Health) et ayant des sements ont renseigné des com- Les unités d’hygiène et les services
caractéristiques proches de celles des FFP2, le « N » indiquant mandes d’APR pour l’année 2017 de pharmacie des établissements
« ne résiste pas à l’huile » et le « 95 » un taux d’efficacité de pour un total de 1 809 340 unités. sont des relais importants sur les
filtration de 95 %. Seize établissements n’ont pas questions de choix et de gestion
renseigné leurs commandes et des APR dans les établissements de
de classes FFP différentes ainsi que 46 n’ont pas commandé d’APR santé. Ainsi, en termes d’organisa-
modèles différents dans une même en 2017. La répartition des com- tion autour des APR, dans plus de
classe). mandes d’APR selon la classe et la moitié des cas, le questionnaire
Le tableau III présente la réparti- le modèle de l’APR est présentée d’enquête a été renseigné par un
tion des établissements selon les dans le tableau V. Les APR de classe membre de l’EOH et la Pharmacie
classes d’APR disponibles dans les FFP2 et les modèles bec de canard était en charge de la commande
249 établissements disposant de représentaient la plus grande part des APR.
ces appareils. Quatre-vingt-six des commandes, soit 85 % et 90 % Si 40 établissements avaient décla-
pour cent (214/249) des structures respectivement du total des unités ré réaliser un essai d’ajustement,
ne disposent que d’une seule classe commandées. après vérification, un seul a confir-
de performance. Cependant, des mé ce point, un fit-check (contrôle
APR de type FFP2 sont présents RÉALISATION D’ESSAI d’étanchéité) étant en fait réalisé
dans la plupart des structures (97 %, D’AJUSTEMENT (FIT-TEST) dans les autres établissements. La
242/249). Neuf établissements ont Parmi 253 établissements ayant connaissance de ces tests de véri-
indiqué ne pas disposer d’APR (1 renseigné cet item, la réalisation fication de l’ajustement de l’APR au
clinique, 1 centre hospitalier spé- d’essai d’ajustement dans l’établis- visage, qui sont complémentaires,

70 N° 161 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2020


,Tableau IV

> FRÉQUENCE RESPECTIVE DES DIFFÉRENTS MODÈLES


D’APPAREILS DE PROTECTION RESPIRATOIRE (APR) PARMI
L’ENSEMBLE DES APR COMMANDÉS ajustement au visage avant d’en-
Fréquence parmi Nombre de
trer dans la chambre du patient.
Modèle l’ensemble des APR références Des APR sont disponibles dans 249
commandés : n (%) différentes* des 258 établissements partici-
Bec de canard pants, qui sont de type FFP2 dans
plus de 97 % des cas. Ce choix est en
accord avec les recommandations
42 (14 données
222 (70,0) « air » de la SF2H [1], indiquant que
manquantes)
« le choix du FFP2 est une exigence
minimale, le FFP1 n’apportant en
situation réelle qu’une faible protec-
À plis
tion ».
Si 214 établissements ont indiqué
16 (2 données
79 (25,0) ne disposer que d’une seule classe
manquantes)
d’APR, c’était pour la plupart (n =
210) un APR FFP2.
Quelques établissements (n=21)
Coquille ont mentionné disposer de FFP3,
plus performants et recommandés
9 (4 données dans des indications très spéci-
16 (5,0)
manquantes)
fiques (un établissement ne dispo-
© Gaël Kerbaol

sait que de FFP3). Deux établisse-


ments ont indiqué ne disposer que
67 (20 données de FFP1 et 3 ne disposer que de N95,
Total 317 (100)
manquantes)
APR répondant à une certification
* Une même référence peut être utilisée dans plusieurs établissements par le NIOSH (National Institute for
Occupational Safety and Health) et
,Tableau V
ayant des caractéristiques proches
> RÉPARTITION DES COMMANDES D’APPAREILS DE de celles des FFP2, le « N » indiquant
PROTECTION RESPIRATOIRE (APR) SELON LA CLASSE « ne résiste pas à l’huile » et le « 95 »
ET LE MODÈLE DE L’APR (N= 196 ÉTABLISSEMENTS) un taux d’efficacité de filtration
de 95 %. Deux établissements ont
Classe Unités commandées, n (%) indiqué disposer de FFP2 et de N95.
FFP1 244 935 (13,5) Tant le FFP1 que le N95 ne corres-
FFP2 1 530 814 (84,7) pondent pas aux APR recomman-
FFP3 33 591 (1,8) dés dans le cadre des précautions
« air ». Les 9 établissements ne
Total 1 809 340
disposant pas d’APR sont des éta-
Modèle Unités commandées, n (%) blissements peu exposés au risque
Coquille 29 714 (1,6) de tuberculose, même si ce dernier
À plis 143 097 (8,0) n’est pas nul.
Bec de canard 1 636 539 (90,4) Un total cumulé de 317 APR a
été recensé dans les 249 établis-
Total 1 809 340
sements. Si les 3 modèles d’APR
étaient représentés (coquille, bec
et de leurs indications respectives réalisé selon des protocoles précis de canard et à plis), le modèle bec
n’est pas toujours bonne. L’essai nécessitant un matériel spécifique, de canard était le plus fréquem-
d’ajustement est un test précis, qui décrits dans un guide INRS [4]. Le ment retrouvé dans 70 % des cas
permet en amont de sélectionner fit-check (contrôle d’étanchéité) (222/317). Soixante-sept références
le modèle de masque qui convient doit être réalisé par le personnel à différentes ont été identifiées (20
pour chaque individu, en fonc- chaque fois qu’il est amené à por- données manquantes) et seules
tion de sa morphologie. Ce test est ter un APR, pour en vérifier son bon 6 références étaient disponibles en

MARS 2020 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 161 71


VU DU TERRAIN
APR utilisés dans les établissements
de santé français dans le cadre des
précautions « air » 2018

2 tailles différentes. La majorité des aéroportés, ne peut prétendre être visages des personnels amenés
établissements (76 %) ne disposait représentatif de l’ensemble des à le porter. Le processus d’appels
que d’un seul modèle d’APR en une établissements de santé. d’offres pour les APR est en cours
seule taille, impliquant pour les Cette enquête doit être complétée de révision, par certaines centrales
personnels l’absence de choix entre par un deuxième volet en direc- d’achat, pour prendre en compte
plusieurs formes ou tailles d’APR, ce tion des fournisseurs d’APR, visant les recommandations récentes de
qui est susceptible de conduire à à recenser les modèles d’APR qu’ils la SF2H concernant les APR et faire
des défauts d’ajustement et donc proposent aux établissements de en sorte que le marché propose plu-
une protection insuffisante ; en santé. sieurs types d’APR en différentes
effet, un seul APR ne peut, dans le Une étude complémentaire sur tailles aux établissements.
cas général, convenir à toutes les les méthodes d’évaluation de La réalisation systématique d’essai
formes de visages des personnels l’ajustement de ces APR tenant d’ajustement individuels à l’échelle
dans un établissement. compte de critères morpholo- de l’établissement implique une
Il faut noter qu’il persiste, au sein giques est conduite en laboratoire logistique et des coûts associés
de certains établissements, des de recherche à l’INRS sur un panel (achat d’appareillage, formation et
confusions entre APR et masque de « sujets-test », afin de préciser mobilisation de personnels pour
médical/chirurgical/de soins et éventuellement certaines préconi- la réalisation des tests). La mise en
entre APR FFP filtrant les aérosols sations. Dans une étape ultérieure, place de ces procédures est compli-
et APR filtrant les gaz. une étude de terrain est envisa- quée, ce d’autant que la plupart des
Près de 22 fournisseurs (fabricants gée dans des établissements de établissements ne dispose actuel-
ou distributeurs) ont été identifiés santé volontaires, qui comporterait lement que d’un seul modèle d’APR
et, pour un même APR, la référence notamment la réalisation d’essai en une seule taille. Des études
du produit, pour un même modèle, d’ajustement chez des soignants. complémentaires apparaissent
pouvait varier selon le canal de La finalité est de mieux définir les nécessaires afin de proposer des
distribution (fabricant, fournis- caractéristiques des APR que le pistes pour simplifier la procédure
seur) et selon les marchés, publics GERES pourrait référencer dans sa de choix des APR, notamment en
ou privés. Le nombre important de base de données des matériels de fonction de critères morpholo-
sociétés présentes sur ces marchés, protection. L’objectif serait égale- giques de visages.
de produits différents commercia- ment de conseiller les établisse-
lisés et la variabilité des références ments sur les méthodes d’ajuste-
pour un même produit ont rendu ment les plus appropriées à mettre Remerciements :
difficile le recensement et l’identi- en place dans ce secteur, ainsi que O aux établissements participants ;
fication des APR disponibles dans leurs modalités de réalisation. Au- à la SF2H, la SPILF, la DGOS et
les établissements. delà des milieux de soins, les résul- aux CPias, pour leur soutien
Des remarques ont été formulées tats pourraient être valorisés en di- méthodologique ou leur
par certains établissements sur rection d’autres secteurs d’activité contribution à la mise en place
la nécessité de consulter des soi- dans lesquels les APR sont utilisés. de l’enquête ;
gnants dans le cadre de la rédac- Oà l’INRS, pour sa participation
tion du cahier des charges des au Comité de pilotage et son
appels d’offres et de disposer de cri- soutien à l’enquête ;
tères de choix des APR pour aider à CONCLUSION Oaux fournisseurs qui ont contribué
la décision. Il faut également men- à renseigner les données
tionner que des établissements ont Les APR disponibles dans les éta- manquantes.
signalé être en cours d’acquisition blissements de soins étudiés sont
de références ou de tailles supplé- à 97 % conformes aux recomman-
mentaires d’APR. dations qui entrent dans le cadre
L’échantillon des établissements des précautions « air ». Cependant,
de santé participants, recrutés la grande majorité des établisse-
sur la base du volontariat et pro- ments ne disposent que d’un seul
bablement plus sensibilisés à la modèle d’APR en une seule taille,
problématique de choix des APR ce qui ne convient vraisemblable-
en regard des risques infectieux ment pas à toutes les formes de

72 N° 161 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2020


POINTS À RETENIR
Une enquête sur le type d’appareils de protection respiratoire (APR)
mis à disposition dans les établissements de santé, dans le cadre des
précautions « air », a recueilli une participation satisfaisante.
La grande majorité des établissements ne disposait que d’un seul
modèle d’APR en une seule taille.
Des APR FFP2 étaient présents dans la plupart des établissements et
représentaient l’essentiel des commandes d’APR conformément aux
recommandations.
Des établissements étaient en cours d’acquisition de références ou
tailles supplémentaires d’APR.
L’essai d’ajustement ou fit-test, permettant d’évaluer l’ajustement
de l’APR à la forme du visage, n’est quasiment pas réalisé dans les
établissements.
Il y a confusion entre essai d’ajustement (fit-test) et contrôle
d’étanchéité (fit-check), lequel permet de vérifier que l’APR est bien
étanche au moment de son usage.

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MARS 2020 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 161 73


VU DU TERRAIN
APR utilisés dans les établissements
de santé français dans le cadre des
précautions « air» 2018

ANNEXE 1 Questionnaire utilisé pour l’enquête

74 N° 161 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2020


TD 270
SUIVI POUR VOUS

Consommations (avec ou
sans produits) et milieux
professionnels : quelle prévention
en 2019 ?
Colloque de la Société française de
médecine du travail (SFMT). Paris,
20 septembre 2019
AUTEURS :
P. Chaussarot (interne en médecine du travail), P. Hache, A. Schaller, B. Siano, département Études
et assistance médicales, INRS
en
résumé

Cette journée de la Société MOTS CLÉS mesures. C’est dans l’axe 1 « Une
française de médecine du Addiction / LE PL AN NATIONAL DE prévention pour tous et tout au long
travail (SFMT), qui portait Dépistage / MOBILISATION CONTRE LES de la vie » que se décline la stratégie
Substance
sur la prévention des psychoactive /
ADDICTIONS 2018-2022 : LA gouvernementale de prévention en
conduites addictives, Toxicomanie PLACE DE L’ENTREPRISE milieu de travail au moyen de 5 ob-
a présenté les politiques P. Coursault, Mission interminis- jectifs : améliorer les connaissances
publiques de prévention térielle de lutte contre les drogues et les compétences des acteurs du
et les apports de la cohorte et les conduites addictives (MIL- monde du travail dans le domaine
Constances. La place du DECA). des addictions avec, notamment,
dépistage dans la démarche la consolidation du rôle des acteurs
de prévention, le repérage Placée sous l’autorité du Premier de la santé au travail par la généra-
précoce et l'intervention ministre, la MILDECA anime, coor- lisation du repérage précoce et de
brève (RPIB)… ont donne l’action du Gouvernement l’intervention brève (RPIB) et leur
également été abordés. en matière de lutte contre les dro- implication dans la mise en place
gues et les conduites addictives et de démarches de prévention collec-
élabore la stratégie gouvernemen- tive en lien avec les services de res-
tale, notamment en ce qui concerne sources humaines ; mettre en place
la santé, la recherche, la préven- des mesures ciblées pour des sec-
tion, la police, la justice, la lutte teurs ou des catégories profession-
contre les trafics et la coopération nelles particulièrement exposés
internationale. Le plan national de aux conduites addictives ; encoura-
mobilisation contre les addictions ger les expériences permettant de
2018-2022 s’articule autour de 6 lutter contre la désinsertion profes-
axes, 19 priorités et comprend 200 sionnelle en lien avec les conduites

MARS 2020 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 161 75


SUIVI POUR VOUS
Consommations (avec ou sans
produits) et milieux professionnels :
quelle prévention en 2019 ?

addictives ; réduire les accidents du public augmente significativement


travail en lien avec la consomma- APPORT DE LA COHORTE l’usage chronique de benzodiazé-
tion de substances psychoactives ; CONSTANCES SUR LA pines. Par ailleurs, il existe une rela-
sensibiliser les acteurs de forma- CONNAISSANCE DES tion dose dépendante sur le risque
tion professionnelle des jeunes. CONDUITES ADDICTIVES de perte d’emploi à un an et l’usage
Les enjeux globaux du plan EN MILIEU DE TRAVAIL d’alcool, de tabac et de cannabis.
concernent à la fois l’une des pre- G. Airagnes, Institut national de la Pour G. Airagnes, l’implication des
mières causes de mortalité, les santé et de la recherche médicale professionnels de la santé au travail
conséquences dommageables pour (INSERM), Paris. est essentielle dans le repérage pré-
la société, les niveaux de consom- coce des conduites addictives, dans
mation qui restent élevés, le coût Les conduites addictives consti- la réalisation d’interventions brèves
élevé pour la société, une consom- tuent un enjeu prioritaire de santé et dans la prévention des risques
mation importante chez les jeunes publique (1re cause de mortalité psychosociaux.
et des niveaux de consommation évitable, 1re cause d’hospitalisa-
importants chez les salariés (28 % tion), alors que moins de 10 % des
fument régulièrement, 18,6 % patients bénéficient d’une prise
ont eu un épisode d’alcoolisation en charge médicale. La cohorte TESTS DE DÉPISTAGE
ponctuelle dans le mois, 9,6 % ont Constances est constituée de plus ACTUELLEMENT
consommé du cannabis dans l’an- de 200 000 personnes volontaires DISPONIBLES :
née et 16,7 % ont consommé des affiliées au régime général de la CARACTÉRISTIQUES ET
médicaments psychotropes). Les Sécurité sociale et âgées de 18 à 69 LIMITES
enjeux spécifiques pour l’entreprise ans. Ces personnes bénéficient d’un E. Szwarc-Tracqui, Organisme pour
sont au nombre de quatre : contri- suivi annuel par questionnaire et la prévention des risques profes-
buer à décloisonner la santé au tra- d’un examen de santé standardisé sionnels et de la santé au travail en
vail et la santé publique, réduire les tous les 4 ans. Par ailleurs, un suivi Franche-Comté (OPSAT).
facteurs de risques professionnels passif est réalisé par appariement
des consommations de substances annuel avec les bases, entre autres, Dans le milieu professionnel, l’in-
psychoactives et des addictions du SNDS (Système national des don- toxication éthylique reste la pro-
comportementales, développer nées de santé) et de la Caisse natio- blématique la plus importante. Les
une véritable politique de préven- nale d’assurance vieillesse (CNAV). méthodes de dépistage disponibles
tion pour tous les salariés, promou- Par questionnaires sont évalués sont principalement biologiques.
voir un environnement de travail les usages d’alcool, de cannabis, de Une augmentation des Gamma GT,
protecteur. Face à ces enjeux, des tabac et de benzodiazépines (BZD). des CDT (Carboxy Deficient Trans-
actions ont été mises en œuvre, no- Cette dernière donnée est croisée ferrin), ou encore une macrocytose,
tamment une formation de forma- avec les données du Système natio- peuvent signer une intoxication
teurs pour les médecins du travail nal d’information inter régimes de éthylique chronique. Cependant, les
et de prévention ainsi que les infir- l’Assurance maladie (SNIIRAM). cinétiques de ces marqueurs sont
miers de santé au travail. Cette for- Les données de la cohorte différentes et les étiologies de ces
mation vise à acquérir les connais- Constances ont montré que les perturbations diverses. L’utilisation
sances nécessaires pour développer situations stressantes chez les sala- d’un autre indicateur biologique, le
un argumentaire sur l’intérêt de riés en contact quotidien avec le pu- phosphatidyléthanol sanguin (Peth)
concevoir une démarche globale blic sont associées à une augmen- se développe. Sa cinétique d’appari-
de prévention en milieu profes- tation des consommations d’alcool, tion se situe entre 2 à 3 semaines
sionnel et à animer des séances de de tabac et de cannabis. Dans le après la dernière consommation
formation sur la prévention. Les cas des boissons alcoolisées, cette d’alcool et son absence du milieu
autres actions concernent, entre surconsommation se traduit chez sanguin signe une abstinence. Sa
autres, le développement du portail l’homme sous forme d’épisodes sensibilité se situe entre 86 et 95 %,
Addict’aide, le développement de d’alcoolisation paroxystique inter- tandis que sa spécificité est de 100
la recherche, avec notamment, les mittente et, chez la femme, sous %. En cas de prélèvement, le Peth est
travaux de la cohorte Constances, forme d’une augmentation de la peu stable et le prélèvement doit
et l’organisation de journées natio- consommation hebdomadaire. De être transféré sur buvard.
nales de prévention. même, l’exposition stressante au Une autre problématique en santé

76 N° 161 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2020


au travail est l’usage du canna- séparatives par chromatographie procéder à un test biologique de
bis, consommé sous différentes est nécessaire. Ces méthodes ont dépistage. La prescription d’un
formes, avec des teneurs en THC l’avantage d’être exhaustives, sen- examen complémentaire ne peut
(tétrahydrocannabinol) variables. sibles et spécifiques mais leur coût être contrainte ou limitée tant qu’il
Les effets apparaissent sans seuil, est plus important et l’usage moins permet de répondre à la question
en quelques minutes, et le THC est simple. de la compatibilité entre la santé
détectable entre 6 à 12h après la Pour conclure, il est intéressant du salarié et l’aptitude à son poste
prise en milieu sanguin. Il possède pour le médecin du travail de se de travail ou le dépistage d’une
des propriétés liposolubles, et des tenir au courant des avancées tech- affection dangereuse pour l’entou-
relargages de substances sont ainsi niques dans le domaine des tests de rage professionnel (article R. 4624-
fréquents. Les méthodes de dépis- dépistage car ce sont des outils à sa 35 du Code du travail). Cependant,
tage salivaires demandent une disposition. Maîtriser ces données hors réglementation particulière,
interprétation prudente en raison permet notamment de donner des il ne paraît pas pertinent de procé-
notamment du risque de résultat éléments de réponse à l’employeur der à des tests de dépistage biolo-
faussement positif. La confirma- s’interrogeant sur les mesures de gique de manière systématique, y
tion se fait par dosage sanguin. dépistage des SPA. compris pour des postes de sûreté
Globalement, pour le dépistage des et de sécurité. Lorsqu’il existe un
substances psychoactives (SPA), il règlement intérieur, ou lorsque
existe différents prélèvements pos- l’employeur définit une liste de
sibles, avec des fenêtres de détec- CONSOMMATION postes présentant des risques par-
tion variables : moins de 8 heures DE SUBSTANCES ticuliers, le médecin du travail reste
dans le sang et la salive, entre 3 et PSYCHOACTIVES (SPA) ET libre de prescription et doit garder
4 jours dans les urines et plusieurs TRAVAIL : PROBLÉMATIQUES son indépendance professionnelle.
semaines voire mois dans les poils DU MÉDECIN DU TRAVAIL De même, un règlement intérieur
et les cheveux. Le sang permet une AUTOUR DU DÉPISTAGE ET ne peut imposer à un infirmier
interprétation quantitative là où DE L’ACCOMPAGNEMENT d’entreprise de réaliser un test sali-
les urines sont une méthode de DU SALARIÉ vaire. Cependant, l’employeur peut
dépistage uniquement qualitative. S. Fantoni, Centre hospitalier ré- adresser un salarié au médecin du
Les tests salivaires actuellement gional et universitaire, Lille. travail, mais doit alors en expliciter
disponibles sont eux moins fiables, la raison, cette information appar-
un prélèvement sanguin est alors Pour le médecin du travail, la pro- tenant aussi au dossier médical en
indispensable. Les cheveux per- blématique autour de la consom- santé au travail du salarié.
mettent une analyse rétrospective mation de SPA est de savoir si De plus, le médecin du travail est
mais peu précise. Le recueil sur plu- le salarié est sous l’effet d’une soumis au secret professionnel.
sieurs jours par patch de la sueur consommation et en capacité de Dans l’hypothèse de la prescription
est peu utilisé. Le dépistage des stu- tenir son poste. Les tests de dépis- d’un test biologique, il doit s’assurer
péfiants par analyse de l’air expiré tage peuvent être une aide mais de la confidentialité du circuit de
est une nouvelle approche encore ne permettent pas de saisir l’enjeu cet examen y compris les résultats
au stade de développement. global individuel et collectif autour mais aussi la facturation. Le test
Un test de dépistage doit répondre de cette problématique. de dépistage biologique reste donc
à plusieurs critères de spécificité, De manière générale, un entretien un outil pour aider le médecin à
sensibilité, robustesse, simplicité, individuel doit toujours précéder conclure sur un éventuel aména-
exhaustivité rapidité et faible coût. un éventuel dépistage biologique. gement du poste de travail, des ré-
Une première stratégie de dépis- Cet entretien peut s’appuyer sur serves ou des restrictions. Avant sa
tage est l’utilisation d’une méthode l'utilisation de questionnaires réalisation, une information claire
qualitative par méthodes non sépa- validés comme l’AUDIT ou le FACE et loyale doit être donnée à chaque
ratives immuno-enzymatiques. Or, complétée par un examen médical salarié, ce dernier pouvant refuser
si les tests actuels sont simples et complet. Il doit permettre une éva- de se soumettre à cet examen. Il
rapides, ils posent des problèmes luation de la nature, de la gravité et est donc essentiel pour le médecin
de spécificité et de sensibilité. Une des conséquences d’une consom- de peser l’intérêt à réaliser un test
confirmation quantitative par mation. S’il le juge nécessaire, le biologique de dépistage avant de
dosage au moyen de méthodes médecin du travail a le droit de le proposer. Si un travailleur refuse

MARS 2020 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 161 77


SUIVI POUR VOUS
Consommations (avec ou sans
produits) et milieux professionnels :
quelle prévention en 2019 ?

l’examen, deux possibilités existent l’information, la modification du repérage, par l’entretien clinique
alors pour le médecin du travail : délai de réponse et la rupture des et l’utilisation de questionnaires
avertir l’employeur que le salarié n’a repères temporels et spatiaux. Elles adaptés (WART ou WorkBAT). Il est
pas respecté les contraintes liées à provoquent un déphasement des important de préciser la cyberdé-
la visite médicale, ou émettre des limites entre vie privée et vie pro- pendance pouvant masquer une
réserves sur l’aptitude au poste de fessionnelle soit par la sollicitation autre addiction comportementale.
travail. La prise en charge du sala- du travail sur les temps de repos ou L’orientation du salarié en consul-
rié après un dépistage positif doit à l’inverse un usage personnel des tation d’addictologie (exemple :
être globale et pluridisciplinaire si NTIC au travail. Ces modifications CSAPA) est recommandée ainsi que
une addiction existe, avec pour but engendrent de nouveaux risques : l’aménagement du poste de travail
un maintien dans l’emploi. Cepen- l’information non désirée, les inter- si nécessaire. La prise en charge
dant, une situation individuelle doit ruptions de tâches, la confusion est multidisciplinaire, bio-psycho-
faire explorer les facteurs de risque entre l’urgence et l’importance mais sociale, reposant principalement
collectifs de consommations et les aussi un risque d’addictions par l’ac- sur des thérapies cognitivo-com-
actions en milieu du travail qui tivation du système de récompense portementales. L’objectif princi-
peuvent en résulter. dopaminergique. pal est le maintien dans l’emploi
Pour conclure, le rôle du médecin D’une part, l’addiction au travail et nécessite une restructuration
du travail répond aux règles géné- ou workaholisme peut être définie cognitive, un travail sur les repré-
rales de la déontologie ; il doit gar- d’après les critères de Goodman sentations du travail et de soi. Des
der son indépendance et préserver comme l’échec de contrôle d’un axes de réflexion sur la prévention
le secret professionnel. Un dépis- comportement et sa poursuite se développent tels que des actions
tage biologique ne doit pas être malgré les conséquences néga- éducatives sur l’individu ou encore
seul pris en compte. Les obligations tives qui en résultent. Elle concer- la sensibilisation, la formation de
de l’employeur et du médecin du nerait de 8 à 13 % des actifs selon conduite au changement et le res-
travail se complètent pour concilier différentes études internationales. pect au travail d’un contexte collec-
contrôle et prévention. L’addiction au travail peut résulter tif favorable. Depuis 2017, la ques-
de la convergence de contraintes tion du droit à la déconnexion est
internes à l’individu, une faible à aborder obligatoirement lors des
satisfaction au travail et une impli- négociations annuelles sur la qua-
ADDICTIONS cation forte. Les conséquences de lité de vie au travail. Il peut revêtir
COMPORTEMENTALES ET cette addiction sont l’envahisse- la forme d’un accord, d’une charte…
NOUVELLES TECHNOLOGIES ment cognitif et une souffrance au Ce peut être, par exemple, la ferme-
EN CONTEXTE PROFESSION- travail. Les risques associés sont le ture des serveurs de messagerie
NEL : QUELS LIENS ? développement de troubles anxio- durant le week-end. La prévention
D. Lever, Centre hospitalier univer- dépressifs, d’une co-addiction et des risques psychosociaux en lien
sitaire, Brest les risques psychosociaux (RPS) ; avec les NTIC doit se faire avec le
avec d’importantes conséquences management de proximité.
Les nouvelles technologies d’infor- extra-professionnelles. D’autre part,
mation et de communication (NTIC) les addictions comportementales
recouvrent l’ensemble des outils et propres aux NTIC dépendent aussi
techniques utilisant des données de facteurs personnels, comme une DÉMARCHE COLLECTIVE
numériques et permettant une faible estime de soi ou la recherche DE PRÉVENTION, RÔLE DE
communication efficace. Elles ont de reconnaissance. Elles sont aussi L’ÉQUIPE PLURIDISCIPLINAIRE
connu un développement massif et liées à la porosité entre vie privée et CO O R D O N N É E PA R L E
rapide, entraînant une accélération vie professionnelle renforcée par la MÉDECIN POUR CONSEILLER
de l’usage des outils et de la diffu- vision sociétale du travail, du statut L’ENTREPRISE
sion de l’information. Ainsi, les NTIC social et la valorisation de la perfor- P. Hache, Institut national de re-
ont modifié la communication, la mance. Un facteur semble protec- cherche et de sécurité (INRS).
production, la prise de décision et teur : l’extraversion, c’est-à-dire le
impactent la vie personnelle et pro- collectif de travail. Depuis 2011, le service de santé au
fessionnelle. Les NTIC entraînent La prise en charge de ces addic- travail a pour mission de conseil-
une disponibilité immédiate de tions commence en premier lieu au ler l’employeur, les salariés et leurs

78 N° 161 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2020


représentants afin de prévenir la définir, comprenant notamment la vigueur, respect du secret médical,
consommation d'alcool et de drogue prise systématique d’un avis médi- conseil et orientation des salariés
sur le lieu de travail. La connais- cal. S’ensuivent l’information et la en cas de difficultés, aménagement
sance de la réglementation, l’étude communication au sein de l’entre- du poste de travail, visite à la de-
de la bibliographie, l’échange avec prise sur ces actions. Au préalable, mande… De même le rôle de l’infir-
les pairs et les addictologues, une il est nécessaire que le groupe de mier d’entreprise est à expliquer.
bonne connaissance de l’entreprise travail suive une formation sur les Enfin, il est utile de rappeler que le
et le suivi individuel des travailleurs pratiques addictives (les différents dépistage ne supprime pas les fac-
sont les bases sur lesquelles l’équipe niveaux de consommations et leurs teurs de consommation liés au tra-
pluridisciplinaire peut s‘appuyer origines, les principes de prévention, vail. De plus, les tests salivaires ac-
pour élaborer ses conseils. les bases de la réglementation…). tuels sont insuffisamment fiables,
Il est recommandé que la dé- La prévention des facteurs profes- notamment pour le cannabis (cf.
marche de prévention des pra- sionnels qui amènent à consom- plus haut Les tests de dépistage).
tiques addictives en milieu de tra- mer des SPA est à prendre en En conclusion, les pratiques addic-
vail se construise dans un esprit compte : stress, travail posté, postes tives sont à aborder avec les mêmes
de concertation et d’accompagne- de sécurité, travail en plein air, port moyens que tout autre risque pro-
ment et non de stigmatisation ou de charges lourdes... De même, si la fessionnel. Dans la démarche de
de répression. consommation de boissons alcooli- prévention, l’équipe pluridiscipli-
La première étape est l’inscription sées est autorisée dans l’entreprise, naire du service de santé au travail
du risque lié aux pratiques addic- des mesures de prévention sont à est un acteur incontournable, tant
tives dans le document unique (DU). mettre en œuvre, notamment lors par sa connaissance du poste de
En effet, des facteurs liés au travail des pots ou des repas d’affaires : travail que de l’état de santé global
peuvent favoriser les consomma- alcool limité au cidre, vin, bière ou des salariés.
tions de SPA, celles-ci pouvant por- poiré, délai de reprise d’une activité
ter atteinte à la santé et à la sécu- dangereuse après consommation,
rité des salariés. Ainsi, l’entreprise limitation des quantités d’alcool
va mettre en œuvre l’ensemble de disponibles, fournir des boissons LES ACTEURS EXTERNES
ses moyens pour la prévention des non alcoolisées et des aliments… AIDANT LE SST DANS LA MISE
conduites addictives. Il est utile de Ces mesures sont à inscrire dans le EN PLACE D’UNE DÉMARCHE
rappeler que l’évaluation par l’em- règlement intérieur. Enfin, la ques- DE PRÉVENTION ET LA PRISE
ployeur du risque lié aux boissons tion de la mise à disposition d’al- EN CHARGE D’UN SALARIÉ.
alcoolisées sur le lieu de travail est cool lors de la présence de mineurs PRÉSENTATION DE L’OUTIL
obligatoire (article R. 4228-20 du ou d’apprentis est à poser. ADDICT’AIDE
Code du travail). Les actions d’information et de M. Reynaud, président du fond
Il est conseillé qu’un groupe de tra- formation des salariés sont à inté- Actions Addictions.
vail pluridisciplinaire soit créé, com- grer sur des plages horaires suffi-
prenant l’employeur ou son repré- santes du temps de travail. Il s’agit Le portail Addict’Aide Pro (www.ad-
sentant, le service des ressources de définir ce que sont les pratiques dictaide.fr/pro/), conçu avec le sou-
humaines, les représentants du per- addictives et les risques associés, tien de la MILDECA, s’adresse aux
sonnel et les membres du service de de connaître les aides existantes, dirigeants, préventeurs, membres
santé au travail. Il est recommandé la réglementation… Les encadrants du service de santé au travail (SST),
que ce dernier ne soit pas pilote du sont un public prioritaire. Leur for- représentants du personnel ou
groupe mais reste dans son rôle de mation doit permettre d’échanger chargés des ressources humaines.
conseiller. Les objectifs du groupe sur ce sujet et de garantir l’ano- Construit sur le modèle du portail
de travail sont d’établir un état des nymat des éventuelles situations Addict'Aide (grand public), cet es-
lieux de la problématique, d’élabo- concrètes qui seraient abordées. pace propose des données utiles à la
rer et de programmer les actions de Il est utile que l’ensemble des sala- prévention des addictions en milieu
prévention adaptées à l’ensemble riés connaisse le rôle du service professionnel. Il met à disposition
des travailleurs de l’entreprise quelle de santé au travail lors du suivi les outils nécessaires pour mener
que soit leur catégorie socio-profes- individuel : anamnèse relative aux une démarche de prévention des
sionnelle. De même, une procédure consommations de SPA dans le addictions en entreprise et réagir en
« Trouble du comportement » est à cadre des recommandations en cas de problème sur le lieu de travail.

MARS 2020 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 161 79


SUIVI POUR VOUS
Consommations (avec ou sans
produits) et milieux professionnels :
quelle prévention en 2019 ?

Dans la partie « Outils et bonnes qui entame le dialogue adresse, en


pratiques » se trouvent des infor- REPÉRAGE DES cas de besoin, le salarié au médecin
mations sur toutes les addictions CONSOMMATIONS ; du travail pour qu’il le poursuive, et
pour mieux les comprendre : alcool, OUVRIR LE DIALOGUE le médecin à son tour peut profiter
tabac, cannabis, autres drogues, AVEC UN SALARIÉ des compétences de l’infirmier(e)
comportements, médicaments, SOUS SUBSTANCES pour prolonger le suivi.
écrans, rangées en 3 catégories : PSYCHOACTIVES : POUR Concernant le « comment faire », les
« se renseigner », « prévenir », « réa- QUELLES RAISONS ET outils disponibles sont le RPIB (cf.
gir ». Par thème, une trentaine de COMMENT FAIRE ? plus loin), la parole, à travers la dis-
fiches téléchargeables récapitule D. Duquesne, Pôle santé travail, cussion, et des questionnaires. Un
l’essentiel sur une question don- Lille. auto-questionnaire avant l’entre-
née. Par exemple, une fiche « SPA, tien est un élément intéressant, s’il
qu’est-ce que mon entreprise gagne Les recommandations de bonne est suivi d’un échange : « un entre-
à avoir une politique de préven- pratique « Dépistage et gestion du tien bien mené est plus efficace pour
tion ? » présente de façon simple 3 mésusage de substances psychoac- repérer une consommation que la
bonnes raisons démontrant que le tives (SPA) susceptibles de générer passation simple de questionnaires ».
développement d’une politique de des troubles du comportement En 2002, M. Reynaud préconisait
prévention est un facteur de crois- en milieu professionnel », élabo- déjà une évaluation systématique
sance et un axe de développement. rées par la SFA (Société française de la consommation d’alcool lors
Pour connaître le protocole en cas d’alcoologie) et la SFMT en 2013, de l’entretien, sans attendre de
de crise potentiellement liée à une apportent aux équipes de santé au signes cliniques ou biologiques.
consommation de substances psy- travail des outils et des procédures Enfin, les nouvelles technologies
choactives, il existe une fiche « SPA, pour améliorer le repérage et la (intelligence artificielle, e-santé,
comment bien réagir face à un col- prise en charge des consomma- application sur le smartphone du
lègue en situation de crise ? ». teurs à risque de SPA. salarié…) interrogent sur le sens et
La gestion des conduites addictives La question posée est celle du la manière de rencontrer ou non le
au travail appelle plusieurs ques- contexte dans lequel se déroule salarié et de l’accompagner.
tions : « Comment gérer une situa- l’entretien en santé travail. Il est Pour l’intervenant, le sens à donner
tion de crise ? Comment inscrire les important de se placer dans un au repérage des consommations se
addictions dans une démarche de contexte relationnel et humain, définit en trois points :
prévention ? Quels sont les éléments en favorisant une rencontre avec O « bilanter » la situation et com-
juridiques relatifs aux addictions la personne. La thématique de la prendre la consommation (élé-
en milieu professionnel ? »… Des consommation/addiction inter- ments de la vie professionnelle
réponses aux questions les plus fré- pelle au-delà du pourquoi et du mais aussi personnelle) ;
quemment posées (FAQ) sont dis- comment. Il est souhaitable de s’in- O orienter le salarié vers un centre
ponibles dans « Les réponses à vos terroger sur le « vers quoi souhai- d’addictologie (CSAPA,…) ;
questions » classées selon 4 catégo- tons-nous aller en santé au travail O suivre en santé au travail (définir
ries de public : services de santé au dans le cadre de la rencontre d’un le bon rythme des visites).
travail, représentants du personnel, salarié ? ». Par exemple, aujourd’hui,
collaborateurs, dirigeants et char- certains services déconseillent
gés de ressources humaines. voire interdisent aux intervenants,
La partie « Ils vous accompagnent », médecins ou infirmiers, de four- REPÉRAGE DES
propose des listes d’acteurs insti- nir des documents sur le cannabis CONSOMMATIONS : QUELS
tutionnels et de terrain pouvant arguant qu’il s’agit d’une subs- OUTILS ? PLACE ET APPORT
aider à mettre en place une dé- tance illicite… Le débat doit s’ouvrir. DU RPIB
marche de prévention. Enfin, « Ils Lorsque l’entretien passe par un G. Demortière, AMETIF, Cergy Pon-
témoignent » offre la parole à des logiciel, celui-ci est au service de la toise.
dirigeants, des salariés, des méde- rencontre et non l’inverse ; remplir La mise en place du repérage pré-
cins du travail, des patients ex- un dossier informatique doit être coce et de l’intervention brève
perts... qui font part de leurs expé- le résultat d’un dialogue. Par ail- (RPIB) représente 20 années de tra-
riences, de leurs bonnes pratiques leurs, ce travail de prévention est vail : en 1999, l’addictologue P. Batel
ou de leurs démarches. un travail d’équipe : l’infirmier(e) demande à l’intervenant, dans le

80 N° 161 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2020


cadre de la Société de médecine rogent systématiquement sur la cannabis chez l’adulte » préconisent
du travail de l’Ouest Île-de-France consommation de tabac et 17 % son utilisation par les profession-
(SMTOIF), d’expérimenter un au- sur le cannabis… Pour les deux pro- nels. Pour les autres SPA (produits
to-questionnaire de repérage des duits licites, pourquoi s’intéresser illicites, médicaments psycho-
consommations d’alcool, mélan- davantage à la consommation de tropes, traitement de substitution
geant les questionnaires AUDIT tabac qu’à l’alcool ? Une enquête aux opiacés), les recommandations
et DETA en 14 questions. Une cin- de la Mutualité sociale agricole de la SFA et de la SFMT de 2013 ap-
quantaine de médecins du travail (MSA) de 2016 montre que 64,4 % portent des outils pour la pratique
questionne près de 1 800 salariés, des IST (infirmiers en santé au tra- clinique. Pour l’intervenant, il serait
avec un très faible taux de refus. La vail) répondants ont une approche intéressant de réaliser des études
généralisation de ce type de repé- systématique de la consommation de validation du RPIB pour toutes
rage clinique prendra du temps d’alcool vs 38,7 % des médecins du les SPA.
mais, depuis 2011 : « nous sommes travail. Ces résultats expriment la Enfin, il est très important pour
dans l’implication ». légitimité des IST et leur intérêt à la l’équipe de santé au travail de bien
L’étude d’envergure EIST (Efficacité pratique de l’IB. se former à la pratique du RPIB. Il
de l'intervention brève en santé au En 2017, de nouvelles recommanda- s’agit d’informer, de motiver et de
travail) réalisée de 2004 à 2006, dé- tions sur le risque alcool de l’Insti- conseiller le salarié en exprimant
montre l’efficacité de l’intervention tut national contre le cancer (INCA) son empathie, en renforçant son
brève (IB) visant la consommation et de Santé publique France sont sentiment d’efficacité personnelle
d’alcool chez les buveurs non dé- publiées, modifiant fortement les et dans le respect de son autono-
pendants. Un questionnaire (AU- niveaux de consommation recom- mie. L’importance de développer
DIT, FACE) est remis au salarié par mandés : ne pas consommer plus une approche motivationnelle est
une secrétaire en santé au travail de 10 verres standard/semaine à souligner.
en salle d’attente. Près de 33 000 (auparavant 21 verres pour les
salariés sont questionnés, avec un hommes…). Pas plus de 2 verres/
taux de refus du questionnaire de jour (contre 4 précédemment).
1,8 %. Cette étude montre que 7,1 % Avoir des jours dans la semaine
des salariés présentent un mésu- sans consommation. Ces évolu-
sage d’alcool, sans dépendance, et tions ne modifient pas les pra-
0,9 % ont un résultat compatible tiques du RPIB.
avec une dépendance. Ce travail Utiliser le temps de présence du
confirme aussi les résultats mé- salarié en salle d’attente pour pro-
diocres des tests biologiques (VGM poser le test de repérage (AUDIT,
et aGT) par rapport au repérage cli- FACE) ou s’aider de l'intelligence
nique. artificielle (autoquestionnaires
Les résultats montrent également intégrés aux logiciels) sont des
que les IB en santé au travail sont pistes intéressantes. Se servir d’un
efficaces comparées à la remise support visuel définissant l’unité
d’un livret d’information, qui a lui- d’alcool par type de boisson ou évo-
même une influence positive sur quant les risques pour la santé (pla-
les consommations. L’IB concerne quette, dépliant, affiche…) permet
7,1 % des salariés consommateurs d’amorcer et de faciliter l’échange
d’alcool. Pour les 72,5 % d’usagers avec le salarié. Après avoir parlé du
à faible risque une information est verre standard et expliqué le risque
donnée sur les risques pour la san- alcool, la restitution des résultats
té et la sécurité. du test de repérage est déjà une
En 2009, les résultats d’une enquête intervention en soi.
INRS/INPES/SMTOIF montrent que Publiées en 2015, les recomman-
sur 750 médecins interviewés, dations de bonnes pratiques de
46 % ont une approche systéma- la Haute Autorité de santé (HAS)
tique de la consommation d’alcool, « Outil d’aide au repérage précoce
alors que 87 % d’entre eux inter- et intervention brève : alcool, tabac,

MARS 2020 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 161 81


Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles • 65 bd Richard-Lenoir 75011 Paris • www.inrs.fr • Designer graphique : Éva Minem • © INRS 2020 • AD 837

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TD 271
SUIVI POUR VOUS

Infirmier de santé au travail :


un expert pour la santé des
salariés
13es Journées d'études et de formation du
Groupement des infirmiers de santé au
travail (GIT). Toulouse, 9-11 octobre 2019

AUTEURS :
en S. Dewitte, B. Juillard, S. Ode, I. Padritge, Groupement des infirmiers de santé au travail (GIT)
résumé

Ces journées ont permis MOTS CLÉS

E
de faire le point sur des Infirmier /
Perturbateur
risques professionnels
endocrinien /
auxquels sont de plus en Nanoparticule /
plus souvent confrontés Exosquelette /
les infirmiers de santé au Technologie n ouverture de ces Il soutient le Conseil national de
travail (IDEST) : la cobotique avancée / journées, la présidente du Grou- la profession (CNP) et le GIT, pour
Pluridisciplinarité /
et les exosquelettes, les pement des infirmiers de santé l'obtention du statut de salarié
Dysrupteur
perturbateurs endocriniens endocrinien au travail (GIT) rappelle que le protégé pour l’IDEST, et reconnaît
et les nanomatériaux. Ont système de santé français évolue l'intérêt de la présence d'IDEST
également été abordés les vers davantage de prévention. Le dans les Directions régionales des
moyens de valoriser les nombre de médecins, notamment entreprises, de la concurrence, de
compétences au sein de du travail, décline ; l’infirmier de la consommation, du travail et de
l’équipe pluridisciplinaire santé au travail (IDEST) se trouve l’emploi (DIRECCTE).
à partir de nombreux au cœur de ce changement, avec Pour le Dr C. Piron, cheffe de l'inspec-
exemples. Enfin a été un rôle prédominant. tion médicale du travail, l'arrivée des
évoquée la notion de Le président de l'Ordre national infirmiers dans les services de santé
pratiques avancées. des infirmiers (ONI) a rappelé au travail est une évidence : ils sont
qu’un Code de déontologie existe rigoureux, ils ont un rôle important
pour tous les infirmiers, quels que à jouer dans le recueil des données,
soient leur mode et lieu d'exercice. la veille sanitaire, le suivi, la préven-
Il précise que l’ONI met à la dispo- tion et l'information des salariés.
sition de ses adhérents, un service Pour elle, il faut créer des ponts
juridique et un service d'entraide. entre la santé et la santé au travail.

MARS 2020 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 161 83


SUIVI POUR VOUS
Infirmier de santé au travail :
un expert pour la santé des salariés

triques et thermiques, ils peuvent s’agir de systèmes passifs, consti-


LES RISQUES ÉMERGENTS être sources de troubles musculos- tués de ressorts ou d’élastiques,
quelettiques (TMS) et de risques ou bien de systèmes actifs fonc-
COBOTIQUE ET EXOSQUELETTES. psychosociaux (RPS) (peurs, problé- tionnant avec des moteurs. Depuis
J.J. Atain-Kouadio et D. Tihay, INRS matique d'acceptation…). quelques années, des applications
Les robots sont de plus en plus utili- Une installation robotisée est consi- médicales redonnent la capacité de
sés dans l'industrie car ils sont très dérée par la directive 2006/42/CE marcher ou de soulever des objets
rapides, précis et ne se fatiguent comme une machine. Elle doit, à aux patients atteints de handicaps
jamais. Ce sont des machines auto- ce titre, répondre aux exigences moteurs ; les militaires testent éga-
matiques utilisées pour des tâches essentielles de santé et de sécu- lement ces nouvelles technologies.
répétitives, dangereuses ou néces- rité relatives à la conception et la Leur introduction dans l'industrie
sitant une grande précision. Il est construction des machines, telles est très récente : les premiers tests
possible de combiner les actions que spécifiées dans ladite directive. ont été réalisés en 2015 avec 3 pro-
du robot et celles de l'homme ; ce Ces exigences ont pour objectif de totypes. En 2019, sur le marché,
dernier assurant les tâches qui supprimer ou réduire les risques on compte 14 exosquelettes pour
nécessitent un savoir-faire, la ma- d'accident ainsi que les contraintes le dos, 24 pour le membre supé-
chine effectuant les tâches contrai- physiques et psychiques. Afin de rieur, 5 pour le corps entier. Portés
gnantes et répétitives. Il peut y mettre en œuvre des solutions dans tous les cas par l'opérateur, ils
avoir plusieurs types de collabora- permettant de répondre à ces aident au mouvement. Il existe des
tion : exigences, les fabricants, les inté- dispositifs d'assistance physique
O une collaboration directe dans grateurs et les industriels pour- (DAP) ou des robots d'assistance
laquelle l’opérateur et le robot tra- ront s’appuyer sur les différentes physique (RAP). Ils présentent un
vaillent simultanément à la réali- normes, dont les NF EN ISO 10218-1 potentiel pour assister physique-
sation d'une même pièce ; et -2, spécifiques aux robots. ment les opérateurs mais ont aussi
O une collaboration indirecte dans La démarche de prévention des des limites liées, par exemple, à leur
laquelle l'opérateur et le robot risques liés à la collaboration conception et aux possibilités de ré-
travaillent en alternance sur une homme-robot doit être globale : glages. Ils peuvent réduire la charge
même pièce ; analyse du besoin, analyse des physique avec une diminution de
O une troisième option dans la- risques, mise en œuvre des solu- 10 à 80 % de l'activité musculaire.
quelle l'opérateur et le robot effec- tions de prévention en tenant Cependant, ils peuvent avoir une
tuent des tâches différentes, mais compte des facteurs humains et incidence sur les muscles postu-
ils peuvent être amenés à partager techniques. La mise en sécurité raux, les muscles antagonistes. Ils
le même espace de travail. de l'opérateur est primordiale : le doivent correspondre à une tâche,
Hier, l'opérateur était isolé du ro- robot surveille son environnement exigent un apprentissage et la
bot. La majorité des risques était et, selon l’application envisagée, reconfiguration de la situation de
alors maîtrisée par la mise en place arrête ses mouvements ou modi- travail. L'interaction exosquelette/
de barrières autour du robot. Avant fie ses trajectoires lorsque l'opéra- homme/tâche doit être évaluée
toute intervention dans la cellule, teur est détecté. Dans certains cas, en temps réel, au poste de travail.
l’opérateur commandait l'arrêt du lorsque les résultats de l’analyse L'INRS a produit des documents
robot. Aujourd'hui, les barrières de risque le permettent, il sera pos- pour aider les entreprises dans la
tendent à être supprimées, il y a sible d’envisager un contact entre prise de décision d’acquisition et
une continuité des procédés et l’opérateur et le robot. Pour cela, d’intégration d’un exosquelette. Le
une interaction entre le robot et il est indispensable que le robot choix de celui-ci passe obligatoire-
l’homme est possible. Il est cepen- intègre des capteurs capables de ment par une définition précise du
dant nécessaire, lors de son instal- détecter la collision et d’arrêter ins- besoin d'assistance physique et la
lation, de prendre en compte tous tantanément ses mouvements. rédaction d’un cahier des charges
les risques liés, non seulement aux Les exosquelettes sont des struc- pour identifier les fonctions d'as-
mouvements du robot, mais aussi tures mécaniques revêtues par un sistances souhaitées. Un projet
à la nature de l’activité, aux outils utilisateur, qui transmettent de exosquelette s’inscrit dans le cadre
dont il est pourvu et aux pièces l’énergie au corps humain dans d’une démarche participative.
manipulées. Outre les risques mé- le but de réduire les sollicitations L'opérateur, le collectif, l’environne-
caniques (choc, coupure...), les élec- musculaires excessives. Il peut ment doivent être pris en compte

84 N° 161 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2020


car le processus d’acceptation de Si l’analyse du besoin d’assistance il prodigue des conseils aux sala-
l’usage d’un exosquelette doit tenir physique n’est pas menée correcte- riés lors des visites individuelles
compte de toutes ces variables. Des ment, le cobot ne répondra pas tou- de prévention (VIP) et assure la
évaluations à court, moyen et long jours aux espoirs de l’entreprise en veille sanitaire. Ainsi, le service de
termes doivent être menées par les termes de réduction des TMS. santé au travail peut signaler sur la
entreprises afin de s’assurer, dans plateforme du Groupe d'alerte en
le temps, des apports de l’usage PERTURBATEURS ENDOCRINIENS santé travail (GAST), créé par Santé
d’un exosquelette. M. Cuevas, A. Raffetin et J. Vonarx, Publique France, tout événement
La cobotique est le domaine de la équipe pluridisciplinaire, service de santé inhabituel : cas groupés
collaboration de l'homme et du de santé au travail Centre-Val de d'une même maladie, de mêmes
cobot, robot à assistance physique Loire symptômes, d'une exposition qui
multipliant la force de l'opéra- L’Organisation mondiale de la san- met potentiellement en danger la
teur qui le pilote. Il peut limiter té (OMS) propose la définition sui- santé de travailleurs.
les accidents de travail et les TMS vante pour les perturbateurs endo-
en réduisant le port de charge, les criniens (PE) : « une substance, ou un NANOMATÉRIAUX
vibrations. Il faut toujours prendre mélange de substances, qui altère les N. Renaudie, DIRECCTE Nouvelle
en compte l'homme, ses interac- fonctions du système endocrinien et Aquitaine
tions avec le robot et le rapport à de ce fait induit des effets néfastes Selon la définition de l’Agence
la tâche. Ces dispositifs ne néces- dans un organisme intact, chez sa nationale de sécurité sanitaire de
sitant pas de force importante, ils progéniture, ou au sein de sous-po- l’alimentation, de l'environnement
peuvent être proposés à tous, y pulations ». Ils peuvent agir à faible et du travail (ANSES), « les nano-
compris à des personnes avec des dose, notamment sur la croissance, matériaux (NM) sont des maté-
restrictions médicales. Cependant, le métabolisme, la reproduction, riaux dont la taille ou la structure
ils peuvent présenter certains in- avec un effet plus ou moins retardé, comporte au moins une dimension
convénients, comme des mises en voire transgénérationnel. L’expo- comprise entre 1 et 100 nanomètres
sécurité fréquentes, la limitation sition à un mélange de plusieurs environ. Cette taille nanométrique
des possibilités de déplacements PE pourrait avoir des effets très leur confère des propriétés phy-
des opérateurs, l'utilisation du pont différents de l’exposition aux subs- siques, chimiques ou biologiques
roulant ; ils peuvent être pour- tances seules ; on parle alors d’effet particulières ». Ils sont de forme
voyeurs de pathologies articulaires. cocktail. Ils représentent une pro- variable : particule, feuillet, fibre,
Pour intégrer un cobot, le chargé de blématique de santé publique et de tube, agglomérat… Environ un
projet doit résoudre des équations santé au travail du fait de leur utili- demi million de tonnes est utilisé
quelques fois complexes. Lors de sation ubiquitaire. Les salariés sont par an en France. Présents dans de
la mise en place dans l'entreprise, exposés lors de la manipulation nombreux secteurs d'activité, no-
beaucoup de questions se posent : des matières premières et de pro- tamment l'agriculture, la santé, la
qui a la maîtrise du geste : l'homme duits manufacturés, mais le sont cosmétique, le bâtiment, l'industrie
ou le cobot ? Quelles perturbations aussi en fonction des substances et la recherche, leur utilisation est
sensorielles entraîne-t-il ? Quel est émises par certains procédés, il est en plein essor. Les connaissances
le degré de liberté de l'opérateur ? difficile d'en évaluer le nombre. sur les effets potentiels des NM
Quelle est sa charge attention- En 2017, une entreprise du Cher a sont parcellaires mais, d’une façon
nelle ? Quel temps d'appropriation mené une étude sur les PE présents générale, les particules à l’échelle
sera nécessaire ? L'opérateur peut dans ses installations et l'exposi- nanométrique semblent caractéri-
changer de statut, les repères du tion potentielle des salariés. Dans sées par une plus grande réactivité
collectif sont modifiés, avec poten- un deuxième temps, l'étude a été biologique qu’à l’échelle micromé-
tiellement une impression de perte élargie à 481 entreprises, soit 21 trique. La pénétration dans l'orga-
de son expertise. Cette technolo- 000 salariés de la région Centre- nisme par la voie respiratoire est
gie d'assistance physique est une Val de Loire. Ainsi, 370 préventeurs la plus préoccupante, ainsi que la
contribution à la réduction de la ont été sensibilisés à la démarche possible migration des nanoparti-
charge physique qui nécessite des de repérage des PE. Dans ce cadre, cules vers le système nerveux cen-
périodes de familiarisation et d’ap- l'IDEST intervient dans la traçabi- tral. Le rapport d'activité 2018 du
prentissage ainsi qu’une évolution lité (repérage des produits, de leur Haut Conseil de la Santé publique
du travail et de son organisation. utilisation, des salariés exposés) ; (HCSP) préconise des mesures de

MARS 2020 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 161 85


SUIVI POUR VOUS
Infirmier de santé au travail :
un expert pour la santé des salariés

précautions vis-à-vis du dioxyde les paramètres les plus importants dispense les soins suivants visant à
de titane (TiO2). En mars 2019, le sont la taille des particules et l’ajus- identifier les risques et à assurer le
rapport de l’OMS donne les lignes tement du masque. Il doit rester confort et la sécurité de la personne
directrices pour la protection des prudent dans les messages qu'il et de son environnement et com-
travailleurs contre les risques transmet et ne pas être anxiogène. prenant son information ». L'Asso-
potentiels des NM en recomman- D'autre part, il contribue à la veille ciation nord-américaine du dia-
dant l'application du principe de sanitaire, recueille les informations gnostic infirmier (ANADI) définit
précaution et la hiérarchisation des et les observations pour alimenter le rôle propre de l’infirmier comme
moyens de protection. Le HCSP re- les enquêtes permettant de faire le « l’énoncé d’un jugement clinique
commande une vigilance pour les lien entre une exposition aux NM sur les réactions aux problèmes de
femmes enceintes, allaitant ou en et la survenue d'une pathologie. Il santé présents ou potentiels d’une
âge de procréer. Le risque doit être peut participer au dispositif Epi- personne, d’un groupe ou d’une
inscrit dans le plan de prévention Nano, étude épidémiologique coor- collectivité ». Dans ce contexte,
des risques de l’entreprise et men- donnée par Santé Publique France. S. Rousseau et A. Le Piouffle, infir-
tionné aux entreprises extérieures Avec les NM, les enjeux écono- miers de santé au travail, rap-
intervenantes. Il n’existe pas de dis- miques sont majeurs. Il est essentiel portent l’existence de Groupe
position spécifique aux NM dans de créer et maintenir le dialogue d’analyse de la pratique entre pairs
le Code du travail. Les principes avec les entreprises, de s'adapter (GAPEP), dans le cadre du déve-
généraux de prévention définis à à leurs niveaux de connaissance loppement professionnel continu
l’article L. 4121-1 s'appliquent : l’em- pour délivrer le bon niveau d'infor- (DPC). Lors de ces réunions, un
ployeur doit évaluer les risques, les mations et de conseils. Il faut lutter infirmier présente une monogra-
supprimer ou les réduire, informer contre les idées fausses, tous les phie qu'il a rédigée, détaillant un
les salariés comme pour les agents NM ne présentent pas le même cas vécu personnellement et pro-
chimiques dangereux (ACD) ou niveau de danger. L'action doit être fessionnellement ainsi que les
ceux classés CMR. La fiche d’entre- axée sur trois volets : les risques problèmes rencontrés. Les pairs
prise doit intégrer les NM dans la pour la santé, les moyens de pro- l'écoutent de manière bienveil-
partie risque chimique. L’équipe tection et la cohorte EpiNano. Le lante, sans jugement, et l’inter-
de santé au travail applique ses manque d'uniformisation des logi- rogent. Ils apportent leurs propres
missions réglementaires : traçabi- ciels complique le regroupement expériences, font des propositions.
lité des expositions, surveillance des données pour les évaluations Un compte-rendu est rédigé, vali-
de l’état de santé, veille sanitaire, collectives. dé lors de la séance suivante puis
information et formation des sala- envoyé à un binôme infirmier
riés et des employeurs. L'IDEST joue expérimenté d'accompagnement
un rôle important dans l'équipe qui enverra ses commentaires. Le
pluridisciplinaire et doit être formé VALORISER LES GAPEP contribue à l'affirmation
à la spécificité des NM. Lors des VIP, COMPÉTENCES du rôle propre par l'analyse d'une
il recueille tous les éléments de situation du point de vue infirmier
santé négatifs : problèmes respira- Le rôle propre infirmier a été illus- et apporte un enrichissement des
toires, cardiaques, neurologiques, tré par le biais de plusieurs présen- pratiques. Le travail est abordé
maladies auto-immunes... Il les tations. L'article R. 4311-3 du Code de comme un soin, chacun prend
note dans le dossier médical de la Santé publique stipule : « l’infir- de la distance avec ses émotions.
santé au travail (DMST), évalue la mier a compétence pour prendre Pour Dominique Loreau, essayiste,
capacité au port d'équipement de les initiatives et accomplir les soins « écrire, c'est réfléchir deux fois »
protection individuelle (EPI) ; l'étan- qu'il juge nécessaires (...). Il identifie tandis que Walter Hesbeen, infir-
chéité des équipements au niveau les besoins de la personne, pose un mier chercheur, affirme que « nous
de la peau est primordiale. L'IDEST diagnostic infirmier, formule des avons été formés à l’écriture d’un
effectue les examens complémen- objectifs de soins, met en œuvre acte, nous devons acquérir l'acte
taires, oriente vers le médecin du les actions appropriées et les éva- d’écriture ».
travail si besoin, informe le salarié lue ». L'article R. 4311-5 du même C. Chazette, infirmière de santé
sur les risques et le sensibilise aux Code précise que « dans le cadre au travail, rappelle que le référen-
moyens de prévention en sachant de son rôle propre, l'infirmier ou tiel de compétences, créé en 2009
que, pour la protection respiratoire, l'infirmière accomplit les actes ou par le GIT, a été réactualisé pour

86 N° 161 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2020


répondre à l'évolution de la profes- VIP, l'IDEST interroge le salarié O sympathie : rôle important, la
sion, suite aux différentes réformes ou lui remet un questionnaire bienveillance aide pour l’accepta-
depuis 2012. Il est le document de d’auto-évaluation pour dépister tion du projet.
référence de la profession, consul- une conduite addictive ; il le sen- Il faut du temps, travailler en sy-
table sur le site internet du GIT. sibilise au risque et l'oriente, si nergie, parler le même langage,
D. Blaise, infirmier de santé au besoin, vers le médecin du travail organiser et donner de la visibilité,
travail, présente l'entretien moti- ou le médecin traitant. Au sein de planifier, adapter les outils, forma-
vationnel, issu de la psychiatrie et l'entreprise, l’IDEST apporte des liser l'objectif pédagogique qui
utilisé notamment en addictologie. connaissances sur les produits et doit être observable, atteignable et
Son but est de renforcer les moti- leurs effets, favorise la prise de évaluable. La réalisation de l'action
vations pour un engagement vers conscience sur les pratiques addic- sera suivie de l'évaluation et de la
le changement : chacun se persua- tives et leurs conséquences en mi- restitution aux différents parte-
dant mieux pour les raisons qu'il a lieu de travail. Il participe à la dé- naires. Surtout s'il est chef de pro-
lui-même trouvées que pour celles marche de prévention collective. Il jet, la communication de l’IDEST
amenées par autrui. La notion d'in- collabore à des études et assure la doit s’adapter à l'interlocuteur : le
tention positive et les actions déjà veille sanitaire. directeur sera probablement plus
mises en place sont valorisées et C. Boucher, psychologue du tra- sensible aux coûts ; le manager à la
des objectifs SMART (Spécifique, vail, insiste sur la nécessité, pour production, au turnover ; le respon-
Mesurable, Atteignable, Réaliste l’IDEST, de savoir communiquer sable des ressources humaines à
et Temporellement définis) sont autant au sein de l'équipe pluridis- l'absentéisme ; les représentants du
fixés. Cet entretien motivationnel ciplinaire qu’au sein de l’entreprise personnel aux conditions de travail ;
peut être utilisé pour sensibiliser pour déployer son rôle propre et le salarié à la fatigue, aux douleurs.
les salariés à la prévention de leurs son rôle prescrit. Élaborer un pro- Il faut être sûr de soi, préparer son
risques professionnels, notam- jet de prévention ou une forma- argumentaire, se poser les bonnes
ment le port des EPI quand ceux-ci tion nécessite une méthodologie questions. La légitimité de l’IDEST
sont indispensables. prenant en compte les enjeux de repose sur 4 piliers : le personnel
Les conduites addictives en milieu l'entreprise et ceux de la santé au (histoire de chacun), l’impersonnel
de travail ont été abordées par travail. Dans un premier temps, les (cadre réglementaire), l'interperson-
A. Crignon, infirmière de santé besoins seront identifiés et analy- nel (relations) et le transpersonnel
au travail. Les substances psycho- sés : quelle est la demande ? Quelle (échanges entre pairs). Il est impor-
actives favorisent les accidents et, est la problématique de l'entre- tant de communiquer en gardant
vraisemblablement, l'absentéisme, prise ? Y a-t-il une corrélation une attitude positive, souple dans
les conflits interpersonnels, l'altéra- entre la demande et les besoins ? la forme, ferme dans le fond, conci-
tion des performances individuelles La conception se construit autour liant l'affirmation de soi-même et
et collectives, la perte de l'emploi. d'une argumentation efficace en le respect d'autrui. La qualité de la
Dans le cadre du travail, trois mé- prenant en compte le comment relation améliore la compréhension
canismes d’usage peuvent être faire percevoir et accepter ; d'où mutuelle. La posture et le position-
définis : la nécessité d'un projet réaliste et nement sont primordiaux : la pos-
O l'importation : l'usage privé peut réalisable. Pour se faire l'IDEST dis- ture concerne la position du corps, le
s’étendre au travail (smartphone) ; pose de l'outil SONCAS : positionnement est un mouvement
Ol'acquisition : les pots, repas dans O sécurité : besoin fondamental de interne dynamique, tourné vers
la culture de l'entreprise pour en- l'homme, problématique de l'entre- l'extérieur (attitude morale, poli-
tretenir du lien social ; prise ; tique, sociale, économique). Les liens
O l'adaptation : l’usage de produits O orgueil : s'appuyer sur le besoin entre le travail prescrit, le travail réel,
pour tenir, être plus performant, de reconnaissance des interlocu- le travail réalisé et le travail vécu
oublier un travail peu reconnu. teurs ; doivent être pris en compte : écarts,
Le Plan santé au travail 2016- O nouveauté : beaucoup de per- méconnaissance du quotidien de
2020 (PST3) et le Plan national de sonnes y sont sensibles ; chacun, de la qualité et quantité
mobilisation contre les addictions O confort physique et psycholo- d'investissement personnel. Il faut
2018-2022 font de la lutte contre gique ; différencier les faits et les émotions,
les conduites addictives en milieu O argent : argumentation finan- rester vigilant et rigoureux dans la
de travail une priorité. Lors des cière ; retranscription et la rédaction.

MARS 2020 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 161 87


SUIVI POUR VOUS
Infirmier de santé au travail :
un expert pour la santé des salariés

le travail en s'appuyant sur les 14 1. Il s’agit d’une


L’EXPERTISE INFIRMIÈRE EN besoins fondamentaux de Virginia liste ordonnée
SANTÉ AU TRAVAIL Henderson 1. Il a un rôle à jouer par de concepts
qui définissent
rapport au travail qui doit répondre
l’autonomie des
D. Lecordier, infirmier chercheur aux normes de sécurité en vigueur individus sur les
et rédacteur de la revue Recherche et à son environnement : présence pans physiques,
en soins infirmiers, a proposé une de vestiaires, de douches. Il s'inter- psychologiques et
réflexion sur la notion de pratiques roge sur la possibilité, pour le sala- sociaux : besoin de
respirer, besoin de
avancées en commençant par dif- rié, de boire, se nourrir, se reposer ;
boire et manger,
férencier l’expert, le consultant et y a-t-il un restaurant d'entreprise ? éliminer, se mouvoir
le chercheur. Un expert possède des un lieu réservé à la pause repas ? et maintenir une
savoirs spécifiques et des connais- Lors des VIP, il questionne les tra- bonne posture,
sances pratiques, dans un domaine vailleurs postés et dépiste les pro- dormir et se reposer,
se vêtir et se dévêtir,
particulier ; sa légitimité repose sur blèmes de sommeil ou alimentaires,
maintenir sa
son diplôme et son expérience. Il informe et conseille. Il s'assure qu'il température, être
se conforme à une procédure, dans n'y a pas de problème de commu- propre, protéger
un cadre étroit. Il est sollicité sur nication entre collègues ou avec la ses téguments,
un cas clinique qui pose problème. hiérarchie. Dans l'entreprise, il par- éviter les dangers,
communiquer,
Le consultant évalue les pratiques, ticipe aux études de postes, à l'éva-
pratiquer sa religion
produit des études ; il est sollicité, luation des risques professionnels et agir selon ses
par exemple, pour analyser les dé- et de la qualité de vie au travail. Ce croyances et ses
fauts d'une organisation, suite à un raisonnement clinique permet de valeurs, s’occuper
événement indésirable. Il propose reconnaître les signes et les symp- en vue de se réaliser,
besoin de se récréer,
des changements. Le chercheur tômes, de soulever des hypothèses
se divertir, besoin
observe, mobilise les savoirs théo- et de poser un diagnostic. Le vécu de d’apprendre.
riques pour contribuer au devenir la personne est évalué, ses besoins
de sa discipline. Il répond à une de- sont analysés, l'IDEST effectue alors
mande sociale sur le plan théorique les soins relevant de son rôle propre.
et technique. L'infirmier mobilise A. Harriss, professeur émérite à
ses savoirs, développe un point de l’université en santé au travail de
vue sur la santé de l’homme et son Londres, précise qu’au Royaume-
environnement, soutient la disci- Uni, les infirmiers en santé au
pline. Il connaît le travail et ceux qui travail sont reconnus comme des
font le travail. Le clinicien, suite à spécialistes. Certains, très expéri-
délégation d'actes médicaux, réalise mentés assument des responsa-
des dépistages, des actions d'édu- bilités plus élevées que ceux qui
cation, suit des patients atteints travaillent au niveau des soins
de maladie chronique. Un infir- généraux. Ils assurent, maintenant, L’ensemble des interventions sont
mier exerçant en pratique avancée des rôles autrefois réservés aux mé- disponibles sur le site :
est un professionnel qui a acquis decins. Dans d’autres disciplines, https://jef.git-france.org/
des connaissances théoriques, le les infirmiers exerçant en pra-
savoir-faire nécessaire aux prises tiques avancées ont pu enregistrer Les prochaines journées nationales
de décisions complexes ainsi que leur qualification par le biais d'une d’études et de formation du GIT
les connaissances cliniques concer- accréditation. Les quatre piliers sont prévues en 2021 en région
nant sa profession. Les pratiques de leur activité sont la clinique, le Pays de la Loire.
avancées sont mentionnées dans le management, la formation et la
Code de la Santé publique (articles recherche. « Ni le nombre de forma-
L4301-1 et R4311-15). De par son expé- tions, ni le nombre d’années d’exer-
rience, ses facultés d’observation cice professionnel ne sont suffisants
et de raisonnement, l’IDEST déve- pour se prévaloir infirmier de pra-
loppe la capacité à s'interroger sur tiques avancées ».

88 N° 161 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2020


MISE AU POINT TP 38

Bruits impulsionnels, un danger


mal connu ?
AUTEUR :
J. Terroir, département Ingénierie des équipements de travail, INRS
en
résumé

L
De nombreuses études MOTS CLÉS
épidémiologiques ont Bruit / Audition /
démontré la dangerosité des Fatigue auditive /
Réglementation
bruits impulsionnels pour
l’audition. Ces bruits, dont les e risque pour la santé spectacle, pétards d’alerte), de nom-
spécificités sont des temps de auditive des salariés exposés à des breux métiers ou secteurs d’activi-
montée très courts associés bruits de niveaux élevés n’est plus tés sont concernés, à plus ou moins
à des niveaux élevés, se à démontrer : acouphènes, hype- grande échelle. L’enquête SUMER
retrouvent dans un nombre racousie (sensibilité anormale), 2010 dresse d’ailleurs une liste des
important de secteurs diplacousie (distorsion entre les secteurs d’activités les plus exposés :
professionnels, exposant de deux oreilles), pertes auditives métallurgie et fabrication de pro-
nombreuses personnes à un temporaires ou fatigue auditive, duits métalliques, construction, fa-
risque encore mal connu. puis déficit auditif permanent. brication, réparation et installation
Face à cette méconnaissance, Les troubles auditifs peuvent résul- de machines et d'équipements, tra-
de nombreuses questions ter, à long terme, d’une exposition vail du bois, industries du papier et
se posent. Existe-t-il une chronique au bruit mais également imprimerie, fabrication de produits
définition précise d’un bruit survenir immédiatement, à la suite en caoutchouc et en plastique ainsi
impulsionnel ? Comment d’une exposition brève à des bruits que d'autres produits minéraux non
ces bruits sont-ils pris de très forte intensité. On parle métalliques, production et distribu-
en considération dans la alors de traumatisme sonore aigu. tion d'eau (assainissement, gestion
réglementation ? Quelles Cet article s’intéresse à ces bruits des déchets et dépollution), fabrica-
activités sont concernées ? « impulsionnels » qui peuvent dé- tion de matériels de transport, fabri-
Quels sont les effets sur grader, sur de longues comme sur cation d'équipements électriques,
la santé ? Comment s’en de très courtes périodes, le système fabrication de denrées alimentaires,
protéger ? En tentant de auditif des salariés exposés. de boissons et de produits à base
répondre à ces questions, cet Les bruits émis par les sources so- de tabac, industrie chimique, trans-
article fait le point sur l’état nores dangereuses varient dans le ports et entreposage, fabrication de
actuel des connaissances temps. Lorsque le niveau sonore des textiles, industrie de l'habillement,
et de la réglementation. bruits évolue lentement (moteur industrie du cuir et de la chaussure,
tournant à vitesse régulière par agriculture, sylviculture et pêche,
exemple), les bruits sont qualifiés activités de services administratifs
de « continus ». Dans le cas d’une et de soutien, réparation d’automo-
apparition très brusque - et généra- biles et motocycles [1]. L’exposition à
lement très énergétique -, on parle des bruits impulsionnels ne consti-
de « bruits de choc » ou de « bruits tue donc pas un problème marginal
impulsionnels ». Ces derniers se re- et ne doit pas être sous-estimée, en
trouvent dans un grand nombre de particulier par les services de santé
secteurs professionnels. Si l’on pense au travail.
spontanément aux détonations Si de nombreux travaux ont été
d’armes à feu ou d’explosifs (mines, menés depuis plus de cinquante

MARS 2020 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 161 89


MISE AU POINT
Bruits impulsionnels,
un danger mal connu ?

ans afin de caractériser ces bruits, la pondération (C) qui est d’usage nicité apparente, n’en demeure
d’évaluer les risques auditifs induits pour les bruits impulsionnels. Cette pas moins très vague : l’impulsi-
par ces derniers en milieu profes- dernière, prenant plus en compte vité y est seulement considérée via
sionnel et d’identifier les moyens les basses fréquences que la pon- une émergence de niveau sur une
de s’en protéger au mieux, la problé- dération (A), conduit, à spectre durée « courte » t non précisée. La
matique des bruits impulsionnels équivalent, à « pénaliser » le bruit norme NF EN 458 (2016) (dédiée
et les questionnements associés impulsionnel par rapport au bruit aux recommandations d’usage
demeurent d’actualité. continu : cet usage fait donc l’hy- des protections auditives) [4] décrit
pothèse implicite d’une dangero- quant à elle un bruit impulsionnel
sité accrue de ce type de bruits (cf. comme un « brusque changement
paragraphe Quels effets sur la santé de pression acoustique consistant
QUELLE EST LA DÉFINITION auditive ?). Comme pour les bruits en un événement unique ou une sé-
D’UN BRUIT IMPULSIONNEL ? continus, les sources de grandes rie irrégulière d’impulsions » (2). Ain-
dimensions (tir d’un canon par si, à l’heure actuelle, aucune défini-
1. dB SPL : Sound Contrairement au bruit continu, le exemple) génèrent des sons conte- tion précise et quantifiée des bruits
Pressure Level. bruit impulsionnel a une durée très nant plus de basses fréquences que impulsionnels n’est en vigueur.
Niveau de pression courte et sa dangerosité est direc- ceux des petites sources. Ce constat
sonore mesuré tement liée à son niveau élevé. En aura de l’importance lorsqu’il s’agi-
ayant pour
référence le seuil
fonction de l’activité, il peut aussi ra de se protéger efficacement (cf.
d’audition absolu se répéter avec une certaine récur- paragraphe Comment se protéger ?), L’HYPOTHÈSE D’ÉNERGIE
de l’oreille humaine rence (on pensera par exemple les basses fréquences étant plus dif- ÉQUIVALENTE
(0 dB). à tous les travaux de martelage, ficiles à atténuer par les matériaux
photo 1). La figure 1 présente de absorbants ou isolants. Aujourd’hui, les niveaux crêtes,
manière schématique la différence La définition d’un bruit impulsion- sous l’hypothèse d’énergie équi-
2. On peut tout de
même noter une de répartition temporelle existant nel a évolué dans le passé [2] et n’a valente (EEH - Equivalent Energy
volonté de prendre entre un bruit continu et une suc- pas toujours fait l’unanimité d’un Hypothesis), sont les seuls critères
en compte le cession de bruits impulsionnels. pays à l’autre. En France, même au- d’estimation des risques auditifs
contenu fréquentiel Concernant la forme de l’onde jourd’hui, on retrouve différentes dus aux bruits impulsionnels. En
des bruits
acoustique, on peut caractériser le définitions. La norme ISO 1996-2 effet, la norme ISO 1999 : 2013 (en
impulsionnels dans
la norme bruit impulsionnel via différentes [3] (dédiée à la détermination des application actuellement) se base
NF EN 458 [4]. En grandeurs : le niveau maximum niveaux de bruit de l'environne- sur une généralisation de l’EEH
effet, en annexe atteint (niveau pic ou niveau crête ment) qualifie le caractère impulsif qui suppose que le traumatisme
B de cette norme en dB SPL (1)), le temps de montée, d’un son pendant un intervalle de associé à une exposition sonore
dédiée aux
la durée de l’impulsion, l’énergie temps t spécifié. La définition com- donnée est fonction de l’énergie
recommandations
relatives à la acoustique transportée. La figure 2 plète de la norme, malgré une tech- sonore totale reçue par l’oreille [5].
sélection, à illustre ces grandeurs sur une
l’utilisation, aux onde acoustique schématique. Les
précautions formes d’ondes réelles étant très
d’emploi et à
variées et parfois complexes, les
l’entretien des
protecteurs grandeurs citées ci-dessus sont
individuels contre parfois difficiles à quantifier avec
le bruit, on trouve exactitude.
une classification La forme de l’onde est étroitement
des bruits
liée à la répartition de l’énergie
© Gaël Kerbaol – INRS

impulsionnels par
contenu fréquentiel selon les fréquences (spectre). Plus
(3 types de bruits l’impulsion est courte, plus l’éta-
sont différenciés) lement en fréquence est large : le
et une décote de la spectre des bruits impulsionnels
protection estimée
s’étale ainsi généralement sur la
des protecteurs
est proposée en totalité des fréquences audibles.
fonction de la Mais si la pondération (A) est appli-
classe. quée pour les bruits continus, c’est Photo 1 : Martelage manuel lors de la fabrication de tonneau.

90 N° 161 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2020


Figure 1 : Schématisation de la différence temporelle entre bruit impulsionnel et bruit continu.

Bruit Récurrence
Niveau de pression

impulsionnel éventuelle
acoustique (0)

Durée inter-
impulsion

Bruit
continu

Temps

Figure 2 : Forme d’onde idéalisée et grandeurs caractéristiques.

Niveau
Cette hypothèse considère donc le crête
niveau d’énergie comme unique
.IVEAUDEPRESSIONSONORE

indicateur des risques potentiels mnergie


de dommages pour l’audition, sans
AireSOUSLACOURBE
considération des autres propriétés
de l’onde sonore. La figure 3 illustre
ce principe : l’aire sous la courbe re-
D"

présente l’énergie sonore qui pour-


rait être reçue par l’oreille (la dose de
bruit). En tenant compte de l’échelle
logarithmique des décibels, cela
consiste à tolérer deux fois moins de Temps de
temps d’exposition chaque fois que montée
le niveau augmente de 3 dB (4 fois Temps
moins pour 6 dB, 10 fois moins pour
10 dB). Au final, on note qu’une dose Durée
de bruit d’un niveau L1 reçu pendant
un temps T1 de 8 heures est équiva-
lente à une dose d’un niveau L2 = L1
+ 53 dB reçu pendant un temps très Figure 3 : Illustration de l’hypothèse d’équivalence énergétique.
court T2 = 125 ms (3). 3. Cette durée
Mais l’hypothèse énergétique est- n’est pas donnée L2
elle vraiment valide pour les bruits au hasard mais
impulsionnels ? En 1980, une étude a constitué une
.IVEAUDEPRESSIONSONORED"

limite courante de
trouve que, pour des niveaux d’ex-
la métrologie des
position similaires, des travailleurs années 60.
53 dB

officiant dans un environnement


sonore « hautement fluctuant »
ou exposés à des « valeurs crêtes
élevées ponctuelles » présentent
des dommages auditifs significati-
vement plus importants que ceux
travaillant dans un environne-
ment sonore relativement stable L1
[6]. Le même constat a été fait pour
les travailleurs confrontés à un
environnement superposant bruit 4EMPS
continu et impulsions [7]. En 1991, T2 125 ms T1 8h
après avoir trouvé des pertes plus

MARS 2020 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 161 91


MISE AU POINT
Bruits impulsionnels,
un danger mal connu ?

,Encadré 1

> LES LIMITES PRÉVUES PAR LA RÉGLEMENTATION ET


LES OBLIGATIONS DE L’EMPLOYEUR
importantes chez des employé(e)s La directive 2003/10/CE [15] transposée dans le Code du travail (articles
des chemins de fer que chez une R. 4431-1 et suivants) impose les limites suivantes :
population témoin, des pertes addi- Ole niveau d'exposition quotidienne au bruit LEX,8h ne doit pas
tionnelles sont identifiées pour les dépasser une valeur limite d’exposition (VLE) de 87 dB(A) sous
fréquences les plus élevées chez protecteur, des protecteurs individuels contre le bruit (PICB) devant
les sujets ayant utilisé des armes à être mis à disposition à partir d’une valeur d’exposition de 80 dB(A)
feu à un moment de leur vie [8]. En et portés obligatoirement à partir de 85 dB(A) (valeur d’exposition
2007, des pertes auditives sont rap- supérieure déclenchant l’action, VAS) sans protecteur ;
portées chez 65 % des travailleurs O le niveau acoustique de crête LpC ne doit pas dépasser une VLE de 140
d’une forge américaine utilisant dB(C) sous protecteur, des PICB devant être mis à disposition à partir
pourtant des protections auditives d’une valeur d’exposition de 135 dB(C) et portés obligatoirement à
[9]. Les quelques exemples précé- partir de 137 dB(C) (VAS) sans protecteur.
dents illustrent parfaitement les L’employeur se doit d’évaluer les risques auxquels sont exposés
conclusions d’un très grand nombre ses salariés. De même, l’employeur doit prendre des mesures de
d’études (par exemple [10 à 14]) me- prévention visant à supprimer ou à réduire au minimum les risques
4 Pour une étude nées en milieu professionnel (4). Ain- résultant de l'exposition au bruit (réduction à la source, organisation
bibliographique si, à énergie équivalente, les bruits du travail, protections individuelles contre le bruit).
détaillée, on se
impulsionnels impliquent un
référera à [2].
risque auditif plus important que
les bruits continus. Les conclusions deurs caractéristiques) et malgré
de ces différentes études mettent la contestation possible de l’EEH, il QUELS EFFETS SUR LA SANTÉ
donc à mal la base même de la existe une réglementation basée AUDITIVE ?
norme actuelle et des méthodes sur les connaissances scientifiques
d’évaluation des risques pour et les possibilités techniques de me- LE RISQUE INDUIT PAR UNE
les bruits impulsionnels [2]. Afin surage. Comme expliqué précédem- EXPOSITION À DES BRUITS
d’intégrer ce constat, des facteurs ment, l’énergie équivalente et les IMPULSIONNELS EST-IL
correctifs (pénalités attribuées aux niveaux crêtes sont les seuls critères LE MÊME QUE POUR DES
bruits impulsionnels) ont été pro- d’estimation des risques auditifs BRUITS CONTINUS ?
posés par le passé. La diversité des indiqués dans la norme ISO 1996-2 L’hypothèse d’énergie équivalente
approches internationales quant à [3] et aucune pénalisation n’est est contestée, cela a été discuté plus
la définition des bruits impulsion- plus appliquée. Les limites régle- haut. Si, d’un point de vue géné-
nels se retrouve d’ailleurs dans ces mentaires d’exposition sont donc ral, les effets du bruit sur l’audition
pénalisations. Ainsi, une variété basées sur le même principe d’équi- peuvent se retrouver, tant pour les
de valeurs correctives (allant de 3 valence énergétique, que ce soit bruits continus que pour les bruits
dB à 10 dB) a été jadis suggérée en pour les bruits impulsionnels ou impulsionnels, sous forme de pertes
se basant sur des critères énergé- pour les bruits continus, les valeurs auditives temporaires (Temporary
tiques (énergie pondérée, niveau limites d’exposition étant fixées à Threshold Shift), de pertes auditives
crête), temporels (durée d’expo- un niveau de pression acoustique permanentes (Permanent Threshold
sition, durée de repos), d’impulsi- de crête de 140 dB(C) ou un niveau Shift), d’acouphènes, d’hyperacou-
vité, de nombre d’impulsions, voire d’exposition quotidienne au bruit sie…, l’exposition à des bruits impul-
du type d’environnement. Au- de 87 dB(A) (encadré 1). Concernant sionnels de niveaux élevés (pouvant
jourd’hui aucune correction n’est la réparation en cas de traumatisme coexister avec un bruit de fond
plus appliquée, si ce n’est d’utiliser lié à une exposition à des bruits im- continu élevé lui aussi) engendrent
la pondération (C). pulsionnels, aucune spécificité n’est des pertes plus importantes ou
envisagée dans le tableau n° 42 des apparaissant plus rapidement que
maladies professionnelles, si ce chez les travailleurs soumis à un
n’est une citation des bruits impul- bruit continu de niveau équivalent.
QUE DIT LA sionnels en filigrane : travaux sur Dans certaines conditions, les bruits
RÉGLEMENTATION ? métaux par percussion, emploi ou impulsionnels seraient donc, de par
destruction de munitions ou d’ex- leur nature, potentiellement plus
Malgré la difficulté à définir un plosifs, utilisation de pistolets de dangereux qu’un bruit continu de
bruit impulsionnel (et ses gran- scellement, par exemple. niveau équivalent. Des pertes per-

92 N° 161 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2020


manentes peuvent également ap- les dommages subis par l’oreille que la latence du réflexe stapédien
paraître à la suite de traumatismes [16]. Ceci explique en partie les la- peut être altérée par des agents
sonores aigus (TSA) liés à la soudai- cunes quant à la définition même chimiques [18]. Il convient donc, par
neté et l’intensité de ces derniers. des bruits impulsionnels et quant exemple, dans le cas d’une reprise
Pour les bruits impulsionnels, les aux paramètres à considérer afin du travail après un traitement mé-
pertes ne sont donc pas exclusive- d’estimer leur dangerosité. En se dical donné, de prendre en consi-
ment liées au niveau (elles peuvent basant sur l’énergie, tout en igno- dération cet aspect afin de ne pas
également dépendre du spectre, de rant la manière dont celle-ci est mettre en danger l’audition du/de
l’enveloppe temporelle…), même absorbée par le récepteur auditif la travailleur/se.
s’il n’en demeure pas moins le pre- périphérique, la législation actuelle L’impulsivité, les aspects temporels
mier paramètre à considérer dans fait fi de certains fonctionnements ou le spectre sont donc totalement
la relation entre les propriétés des de l’oreille. Or, outre les niveaux ignorés, tant, on l’a vu, dans la défi-
bruits impulsionnels et les risques crêtes élevés, la nocivité des bruits nition même d’un bruit impulsion-
encourus pour l’audition. Au final, impulsionnels peut également nel que dans les mesures préven-
l’EEH s’avère donc insatisfaisante s’expliquer par l’opposition entre tives. En faisant abstraction de ces
du fait qu’elle ignore de nombreux leur rapidité de pénétration dans aspects, on ignore, en plus du ré-
attributs du bruit tels que la dis- le système auditif et la latence flexe de protection, certains méca-
tribution temporelle, le temps de d’un mécanisme de protection de nismes de l’oreille tels que le temps
montée ou la distribution spectrale l’oreille moyenne : le réflexe sta- de récupération ou la sensibilité
(considérant toutes les fréquences pédien. Ce réflexe correspond à la fréquentielle. Le temps de pause
de manière similaire et indépen- contraction involontaire des deux inter-impulsions va, par exemple,
dante). Ainsi, si l’EEH est séduisante muscles de l’oreille moyenne (le permettre une récupération de
de par sa simplicité d’application muscle stapédien et le muscle du l’oreille. L’impact du pattern tem-
(elle nécessite uniquement des me- marteau), permettant l’atténua- porel va d’ailleurs être corrélé aux
sures de niveaux), le risque de sous- tion des niveaux sonores transmis deux points précédents : (1) l’oreille
estimation de la dangerosité de à l’oreille interne. Le seuil du réflexe est plus vulnérable si une impul-
l’exposition à des environnements stapédien se situe, chez l’homme, à sion trop rapide prend de vitesse
impulsionnels est important. Plu- environ 80 dB, son amplitude aug- le réflexe ; (2) si les impulsions sui-
sieurs travaux ont d’ailleurs tenté mentant avec le niveau de la stimu- vantes arrivent lorsque le réflexe
de chiffrer cette sous-estimation des lation (environ 0,6 dB/dB) [17]. La est enclenché, alors, en plus du
pertes : les risques de pertes pour protection induite pour l’oreille in- choc initial et des dommages pos-
des employés exposés à des bruits terne est d’environ 10 dB et la durée sibles, une fatigue intervient ; (3)
impulsionnels de types industriels potentielle de protection du muscle si la veille protectrice arrive à son
sont alors de 6 à 20 dB (en fonction stapédien diminue avec le niveau terme, l’impulsion suivante prend
des propriétés des stimuli) supé- de la stimulation. La latence du ré- à nouveau de vitesse le réflexe et
rieurs à la prédiction théorique pour flexe varie ainsi de 150 ms à 80 dB à aggrave les dommages.
une exposition à un bruit continu 25-35 ms à fort niveau, impliquant
de niveau LAeq équivalent [9, 14]. une dangerosité accrue des bruits
impulsionnels pour l’oreille, de par
QUELS MÉCANISMES leur temps de montée très court (de PEUT-ON MESURER
PHYSIOLOGIQUES SONT MIS l’ordre de quelques millisecondes), FACILEMENT UN BRUIT
EN ŒUVRE ? une unique impulsion pouvant IMPULSIONNEL ?
Les effets sur l’audition des bruits provoquer des dommages immé-
impulsionnels peuvent être diffé- diats. La mise en place du réflexe Étant données les propriétés des
rents de ceux induits par des bruits est alors suivie d’une période de bruits impulsionnels, leur carac-
continus. Dès 1986, Erdreich fait re- veille protectrice laissant suppo- térisation nécessite un matériel
marquer que, pendant longtemps, ser que les dommages causés par et un protocole appropriés. En
les tentatives visant à évaluer les l’exposition à une série d’impul- effet, compte tenu des niveaux
risques induits par une exposi- sions dépendent également du de crête importants, le recours à
tion à des bruits impulsionnels rapport entre le taux d’apparition des dosimètres peu performants
ont omis de prendre en compte des impulsions et la durée de cette peut parfois être inadapté en rai-
les mécanismes impliqués dans veille. Il est important de noter son des risques de saturation des

MARS 2020 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 161 93


MISE AU POINT
Bruits impulsionnels,
un danger mal connu ?

microphones. Ainsi, afin de pou- l’encoffrement des machines, le Le problème peut alors venir des
voir caractériser avec certitude les traitement acoustique des locaux, valeurs limites réglementaires trop
impulsions (et donc l’exposition), l’éloignement des sources de bruit, élevées, d’un mauvais positionne-
il est nécessaire d’avoir recours à la modification des procédés ou de ment des protecteurs affectant leur
un microphone « forts niveaux » l’organisation du travail, etc. Si ces efficacité réelle ou d’une mauvaise
pouvant tolérer jusqu’à 170 dB(C). mesures sont parfois efficaces pour connaissance (ou considération)
La rapidité du temps de montée l’opérateur proche du procédé géné- de l’exposition réelle subie sous les
des impulsions (souvent de l’ordre rateur de bruits impulsionnels, elles protecteurs... Concernant le dernier
de quelques millisecondes) peut le sont d’autant plus pour les opéra- point, les altérations subies par le
également fausser les résultats des teurs qui subissent une exposition signal acoustique sont effective-
mesures. En effet, les constantes indirecte. En cas d’insuffisance de ment omises (il est considéré que
d’intégration des appareils de ces actions collectives, le port de l’effet du protecteur se résume à
mesure doivent être adaptées PICB devient nécessaire. D’ailleurs, une réduction du niveau par bandes
aux caractéristiques de l’environ- la législation se base sur des valeurs de fréquence d’octave ou tiers
nement sonore. Pour des bruits d’exposition (limites, supérieures d’octave) et les différences entre le
impulsionnels, même la constante et inférieures), imposant ou suggé- signal en champ libre et le signal
d’intégration la plus faible géné- rant (selon ces valeurs), l’utilisation entrant dans l’oreille interne sont
ralement disponible aujourd’hui de PICB. Le rôle de ces derniers sera ignorées. On peut alors se trouver
dans les appareils courants (35 ms) alors de ramener l’exposition effec- face à une mauvaise évaluation des
peut s’avérer trop longue pour les tive sous ces valeurs, afin d’assurer risques. On pourra citer en exemple
impulsions très courtes et fournir la santé auditive des travailleurs (cf. l’étude de l’efficacité du serre-tête
une valeur de crête plus faible que encadré 1). Or, il est important de anti-bruit utilisé par l’armée finlan-
la réalité. Il convient donc de consi- garder à l’esprit que l’efficacité des daise [22]. Celle-ci a été évaluée pour
dérer les mesures avec prudence protecteurs individuels, objectivée différents types d’armes et, si pour
lorsque l’on se trouve en présence par les valeurs d’atténuation four- les petits calibres, la réduction du ni-
d’un environnement sonore im- nies par les fabricants, est toujours veau crête est de quasiment 30 dB,
pulsionnel. Pour toutes ces raisons, mesurée par les organismes de elle chute à 4 dB pour un canon
une évaluation fine nécessitera de certification pour des bruits conti- 130 mm. Cette différence d’efficacité
faire appel à des spécialistes dis- nus. Rien ne permet d’affirmer que est certainement liée au contenu
posant de l’équipement adéquat, cette efficacité est similaire pour basses-fréquences de ce type de
ainsi que du savoir-faire nécessaire les bruits impulsionnels, même si bruits ainsi qu’au niveau très élevé.
à l’analyse des données. Malgré l’atténuation fournie par les pro- Ainsi, si des travailleurs sont soumis
tout, il demeure possible d’établir tecteurs est en général supposée à des impulsions de forts niveaux et
une première évaluation en effec- constante jusqu’à un certain niveau portent des protecteurs, la protec-
tuant par exemple un comptage d’exposition (140 dB SPL) [19]. Au- tion effective peut fortement varier
du nombre de fois où, quotidien- delà, cette atténuation varie avec le en fonction des propriétés du bruit
nement, les niveaux 135 dB(C), niveau sonore de manière plus ou et de celles du protecteur. Les dom-
137 dB(C) et 140 dB(C) sont dépassés moins importante en fonction des mages potentiels ne sont donc pas
(encadré 1). De cette manière, il est protecteurs testés [19]. Pour certains forcément complètement élimi-
possible d’estimer dans quelle me- protecteurs une non-linéarité peut nés par le port de protections et il
sure les salariés apparaissent, du même apparaître à partir de 110 dB convient d’être toujours prudent en
point de vue de la norme, exposés SPL [20]. sLa question se pose donc cas d’exposition à des bruits impul-
à des situations à risque pour leur de la protection effective des per- sionnels de niveaux importants.
audition et d’agir en conséquence. sonnes pour des bruits impulsion-
nels, comme le suggère une récente
étude menée auprès d’officiers de
police présentant, à long terme et CONCLUSION
COMMENT SE PROTÉGER ? dans le cas d’une exposition chro-
nique à des bruits impulsionnels La dangerosité des bruits impul-
Réduire l’exposition au bruit doit (entraînement au tir), des pertes sionnels est un fait avéré. Or, même
d’abord passer par des mesures plus importantes, malgré l’utilisa- si l’enquête SUMER 2010 [1] indique
de protection collectives telles que tion de (doubles) protections [21]. un pourcentage trop élevé de per-

94 N° 161 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2020


sonnes n’utilisant toujours pas de veaux d’exposition mais également
protections auditives, cette même du spectre des bruits.
enquête montre que la majorité des Un problème se pose tout de même
personnes exposées à des niveaux pour les environnements peu
élevés ont conscience des dangers bruyants et pour lesquels des bruits
du bruit et se protègent en consé- impulsionnels peuvent apparaître
quence. L’effet des protecteurs audi- de façon impromptue. Soit les tra-
tifs est estimé via la valeur de pro- vailleurs portent des protecteurs
tection affichée par les fabricants qui risquent de les surprotéger la
(leur atténuation). En complément, majeure partie du temps et poten-
pour les bruits impulsionnels, la tiellement réduire les possibilités
distribution fréquentielle peut éga- de communication, l’intelligibilité,
lement être considérée via un fac- voire les mettre en danger si des
teur correctif dépendant du type signaux d’alerte ne sont pas enten-
de bruit (cf. norme NF EN 458 [4]). dus, soit les travailleurs ne portent
Malgré tout, on ignore encore l’effet pas de protecteurs mais sont poten-
des protecteurs sur certaines pro- tiellement exposés à des bruits im-
priétés du signal sonore : réduction pulsionnels pouvant engendrer des
effective des niveaux, augmenta- dommages immédiats. De nos jours,
tion du temps de montée, étale- ces environnements sont peut-être
ment temporel et augmentation les plus problématiques. Les risques
de la durée, distorsion etc. Ceci pose sont d’ailleurs probablement mal
la question de la protection réelle compris des entreprises et des tra-
des travailleurs et de la validité des vailleurs, du fait de la ponctualité
critères de prévention, l’efficacité des impulsions et du manque de
étant liée aux propriétés du bruit communication concernant les
reçu et à celles du protecteur. Ceci risques immédiats pour l’audition
confirme la nécessité, à terme, de (ceci pourrait expliquer le fort pour-
prendre en considération l’effet des centage de travailleurs exposés ne
protecteurs via d’autres critères que se protégeant pas). Le port préventif
les niveaux de crête et équivalent et de protecteurs va alors dépendre
de développer des protocoles d’éva- du type d’activité et des besoins de
luation de l’efficacité des PICB pour communication avec l’extérieur.
une variété de bruits impulsion- Dans certains cas, une atténuation
nels 5. Malgré tout, il n’en demeure 5. Un travail dépendant du niveau d’exposition
pas moins qu’en cas d’exposition est engagé devra alors être envisagée (grâce
à des environnements bruyants et actuellement par à un système électronique, l’atté-
les groupes de
fortement impulsionnels qu’on ne normalisation
nuation est ajustée en fonction du
saurait pas combattre immédiate- (CEN/TC159 niveau sonore environnant).
ment par des protections collectives, Protecteurs
les travailleurs doivent être absolu- de l’audition)
ment protégés. En l’état actuel des pour définir des
méthodes de
connaissances, on considère donc certification de
que le port d’un protecteur (simple l’atténuation
ou double) est indispensable afin de des bruits
limiter l’exposition des travailleurs impulsionnels par
et de préserver leur audition. En les protecteurs
auditifs.
plus de la prise en compte de tous
les critères ergonomiques habituels BIBLIOGRAPHIE
de sélection des protections, le choix PAGE SUIVANTE
doit être effectué, pour les bruits
impulsionnels, en fonction des ni-

MARS 2020 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 161 95


MISE AU POINT
Bruits impulsionnels,
un danger mal connu ?

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96 N° 161 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2020


MISE AU POINT TP 39

L’infection à cytomégalovirus :
où en est-on ?
AUTEUR :
D. Abiteboul, département Études et assistance médicales, INRS
en
résumé

L’
Souvent bénigne, l’infection MOTS CLÉS
à cytomégalovirus (CMV) Grossesse / Femme
peut être grave et entraîner enceinte / Risque
biologique / Agent
des séquelles importantes
biologique
en cas d’infection in utero ou infection à cytomégalo- tomégaliques 1 (d’où son nom), est
chez les immunodéprimés. virus (CMV), en général bénigne, finalement isolé en 1956. Il appar-
En milieu professionnel, les est préoccupante pour deux caté- tient à la famille des herpesviridae ;
femmes enceintes travaillant gories de personnes : les immuno- son unique réservoir est l’homme.
en crèche ont un risque déprimés avec des formes sévères Le CMV infecte de nombreux types
accru de contracter le CMV. et les femmes enceintes du fait cellulaires chez l’hôte infecté, expli-
Le strict respect des mesures du risque encouru par le fœtus quant la variété des manifestations
d’hygiène et l’information en cas d’infection in utero. C’est cliniques. Il peut rester latent dans
des femmes enceintes ou en l’infection congénitale la plus fré- de nombreux organes, comme les
âge de procréer constituent quente dans les pays développés. autres virus du groupe Herpès, et
les seules recommandations En milieu de travail, la conduite à être ainsi à l’origine de réactiva-
qui font consensus. Le tenir face aux femmes susceptibles tions et aussi de transmission au
dépistage systématique d’être exposées en âge de procréer receveur lors de transplantation.
1. L’étude de la
n’est pas recommandé [1]. morphologie des ou enceintes soulève des questions. Des réinfections avec une nouvelle
cellules infectées Des évolutions récentes dans les souche virale sont également pos-
Annule et remplace l’article a montré la méthodes de diagnostic, les outils sibles.
référencé TP 28 de 2017 présence de permettant d’évaluer le pronostic On le retrouve dans de nombreux
grandes cellules
portant le même titre. et les traitements ont justifié que le liquides biologiques : sang, urines,
à inclusion
intranucléaire Haut Conseil de la Santé publique sécrétions des voies aériennes su-
dites inclusions (HCSP) actualise, en 2018 [1], les périeures, sécrétions génitales, sa-
cytomégaliques. recommandations sur les modali- live, lait, liquide lacrymal [1 à 3]. La
tés de prévention de cette infection période de contagiosité va de plu-
et notamment sur l’indication du sieurs jours à plusieurs semaines,
dépistage systématique chez les voire des mois chez les jeunes en-
femmes enceintes et le nouveau-né. fants et les immunodéprimés.
Il s’agit d’un virus fragile, sensible
aux méthodes de désinfection
habituelles mais qui peut résister
PRINCIPALES quelques heures sur des surfaces et
CARACTÉRISTIQUES des objets [4].
DE L’INFECTION À Il se transmet le plus souvent par
CYTOMÉGALOVIRUS contact avec les muqueuses par
l'intermédiaire des gouttelettes de
LE CYTOMÉGALOVIRUS (CMV) sécrétions oro-pharyngées ou des
Le CMV, connu depuis 1904, à tra- mains souillées par des liquides
vers l’observation d’inclusions cy- biologiques infectés (urines, sa-

MARS 2020 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 161 97


MISE AU POINT
L’infection à cytomégalovirus :
où en est-on ?

2. La déleucocytation
est un processus qui
consiste à diminuer le
nombre de leucocytes
(globules blancs) dans
le sang, les globules
blancs hébergeant des live...) ou, plus rarement, par un interstitielle, ou troubles neurolo- aussi détectées en cas de ré-infec-
agents pathogènes support inerte fraîchement souillé giques avec syndrome de Guillain tion ou de réactivation. Leur pré-
dont ils peuvent être (le virus perd en quelques heures Barré... Les infections secondaires, sence peut également être due à
les vecteurs : cette
son pouvoir infectant dans le mi- qui surviennent soit par réactiva- des stimulations non spécifiques
technique permet
de limiter le risque lieu extérieur) [3]. Une transmis- tion du virus primo-infectant soit du système immunitaire induites
d’infection transmise sion sexuelle (sperme, glaire) est par ré-infection par une souche par une autre infection ou à des
par transfusion. également possible, prédominant exogène différente, sont en général réactions croisées [3]. En cas de
3. Un syndrome chez l’adulte. La déleucocytation asymptomatiques [1]. nécessité de confirmer une primo-
mononucléosique des concentrés globulaires 2 a réduit Chez la personne immunodépri- infection récente (< 3 mois), notam-
se caractérise par le risque transfusionnel mais il per- mée, la réactivation du CMV peut ment en cas de grossesse, l’indice
la présence dans siste lors des greffes d'organes ou rester également asymptomatique d’avidité 4 des IgG pour l’antigène
le sang d’une
proportion accrue de
de moelle. Une transmission de la ou donner lieu à une fièvre et des viral doit être mesuré. L’objectif est
certaines catégories mère à l’enfant est également pos- atteintes multi-viscérales : on parle de différencier les primo-infections
de globules blancs : sible. Celle-ci sera développée plus alors de maladie à CMV. Ainsi, chez récentes où cet indice est faible
plus de 50 % de loin (cf. infra). les personnes infectées par le VIH, des infections anciennes ou secon-
cellules mononucléés la maladie à CMV (en particulier daires où il est élevé. L’interpréta-
et plus de 10 % de
lymphocytes activés
ÉPIDÉMIOLOGIE la chorio-rétinite) peut survenir tion en reste néanmoins délicate
(taille augmentée, L’infection à CMV est répandue en cas d’immunodépression pro- en cas de taux d’IgG faible ou de
coloration basophile). dans le monde entier et sa préva- fonde (taux de lymphocytes CD4 valeur intermédiaire de l’indice et
Les pathogènes les lence est variable selon les régions inférieur à 50/mm3). Cependant sa doit être réservée à un laboratoire
plus fréquemment géographiques et les statuts socio- fréquence a été beaucoup réduite expert.
en cause sont : l’EBV
(virus Epstein-
économiques. Elle peut atteindre par l’efficacité des traitements
Barr, agent de la 90 à 100 % à l’âge adulte dans les anti-rétroviraux actuels [3]. En cas TRAITEMENT
mononucléose pays en voie de développement [3, de greffe d’organes ou de cellules, L’infection à CMV de l’adulte im-
infectieuse), le CMV, le 5, 6]. les conséquences d’une infection à munocompétent ne requiert qu’un
VIH et le toxoplasme. L’infection est principalement CMV peuvent être gravissimes. traitement symptomatique. Pour
4. Le test de mesure acquise dans la petite enfance par les immunodéprimés, les femmes
d’avidité des IgG l’allaitement et les contacts rappro- DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE enceintes et les nouveau-nés, les
anti-CMV permet
chés en collectivité, avec un 2e pic [1, 3, 8] indications prophylactiques et
de différencier une
primo-infection à l’adolescence par transmission Il peut se faire de deux façons : thérapeutiques des molécules anti-
récente d’une infection sexuelle [3]. En France, la préva- Q Détection de l’ADN viral virales disponibles (aciclovir, val-
ancienne. En effet, les lence est voisine de 50 % [1]. Dans Elle est réalisée par PCR (Polyme- ganciclovir, foscarnet, cidofovir et
immunoglobulines de une enquête menée en 2010 sur rase Chain Reaction) en temps réel, valaciclovir) relèvent d’une prise
type IgG synthétisées
1 306 femmes, la séroprévalence technique rapide de plus en plus en charge spécialisée.
au moment d’une
primo-infection était de 45,6 % [7]. utilisée et qui peut être réalisée sur
récente possèdent une de nombreux liquides biologiques
faible avidité pour MANIFESTATIONS CLINIQUES (sang, urines, liquide cérébrospinal,
l'antigène par rapport (HORS GROSSESSE ET liquide amniotique, tissus fœtaux… L’INFECTION CONGÉNITALE
à celles synthétisées
INFECTION CONGÉNITALE) en fonction du contexte clinique). À CMV
lorsque l’infection
est plus ancienne et La primo-infection ou infection Q Sérodiagnostic
lors des infections primaire à CMV reste inapparente La détection des anticorps de type L’infection congénitale à CMV est
secondaires. En dans 90 % des cas chez l’enfant et Immunoglobulines IgG et IgM est la cause non-héréditaire la plus
pratique, on mesure l’adulte immunocompétent. Dans réalisée actuellement par tech- fréquente de surdité chez l’enfant.
après traitement par
10 % des cas, elle se manifeste par nique Elisa (Enzyme Linked Immu- En France, elle concerne 0,43 % des
un agent dénaturant
la dissociation de la un syndrome pseudo-grippal avec nosorbent Assay). La détection nouveau-nés (0,2 à 0,61 %), soit
liaison antigène- fièvre, fatigue, myalgies, lympha- d’IgM permet de suspecter une environ 3 400 nouveau-nés pour
anticorps. Les dénopathies. Biologiquement on primo-infection mais pas toujours 800 000 naissances annuelles [1]
niveaux d’avidité peut retrouver un syndrome mo- d’en affirmer le caractère récent, (figure 1). Elle survient après pri-
sont rapportés
nonucléosique 3 voire parfois une sauf si l’on dispose d’un sérum mo-infection maternelle (PIM) :
comme des indices
d’avidité, exprimant le cytolyse hépatique. Les complica- précoce négatif. En effet, les IgM environ 1 % des femmes enceintes
pourcentage d’IgG lié tions sont très rares : atteinte pul- peuvent persister plusieurs mois séronégatives acquièrent une in-
à l’antigène. monaire à type de pneumopathie après la primo-infection et être fection primaire pendant leur gros-

98 N° 161 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2020


Figure 1 : Estimation des infections materno-fœtales en France d’après [1]

54,4 % 800 000 femmes enceintes 45,6 %

Séronégativité CMV Séropositivité CMV


1% ?

Primo-infection Infection secondaire


30-40 % ?

Incidence chez le fœtus Incidence chez le fœtus


1 741 * 1 699 *

Total infections fœtales


9% 3 400 (0,43 %)

Mort fœtale
Décès néonatal
Interruption médicale de
grossesse (5 %) Infection du nouveau-né
320 3 120

13 % 87 %

Symptomatique Asymptomatique

40 % 85-95 %

60 % 5-15 %
Développement normal Développement normal

Séquelles modérées : 400-450


Séquelles sévères : 40-50

* Même proportion d'anomalies et de séquelles dans les 2 groupes

sesse. Elle peut aussi survenir après étudiés chez les femmes séroné- vers une mère séronégative a été
infection secondaire (réinfection gatives. Les contacts fréquents et étudié dans les couples consultant
ou réactivation). En effet, contrai- prolongés avec de jeunes enfants pour infertilité. Le risque relatif a
rement à d’autres maladies infec- représentent un des principaux été estimé à 1,72 si le partenaire est
tieuses (rubéole, toxoplasmose…), facteurs de risque de contamina- séropositif et à 6,55 en cas de séro-
une immunité préexistante contre tion. Ainsi 12 à 20 % des enfants conversion chez celui-ci, comparé
le CMV ne protège pas complète- en bonne santé excrètent du CMV au risque de 2,65 en cas d’exposi-
ment de la transmission au fœtus dans la salive ou les urines [2]. tion aux jeunes enfants de moins
[1]. Les données issues de pays à Un enfant de moins de deux ans de trois ans [10] (encadré 1).
forte séroprévalence montrent atteint d’une infection CMV est
que le taux d’infection congénitale le plus souvent asymptomatique
,Encadré 1
dans ces populations est plus élevé mais excrète le virus dans sa salive
que celui observé dans les popula- et ses urines pendant 6 à 42 mois
tions à faible séroprévalence [5]. (moyenne 18 mois) [9]. > PRINCIPAUX FACTEURS DE RISQUE
En France, environ la moitié des Sont également des facteurs de DE PRIMO-INFECTION CMV CHEZ
nouveau-nés ayant une infection risque pour la femme séronégative, LES FEMMES ENCEINTES
congénitale à CMV est née de le jeune âge des enfants (moins de
mères déjà séropositives pour le 3 ans), le fait qu’il soit gardé en col- • Femme séronégative
CMV avant la grossesse [1] (figure 1). lectivité, le bas niveau socio-écono- • Bas niveau socio-économique
mique mais aussi la séropositivité • Mère d’un enfant )3 ans
TRANSMISSION MÈRE- du conjoint, notamment en cas de • Mère d’un enfant gardé en collectivité
ENFANT DU CMV séroconversion chez celui-ci [10]. • Profession exposée : crèches, garderie
Les facteurs de risque de trans- Ce risque de transmission sexuelle • Sérologie positive du conjoint
mission ont essentiellement été du CMV d’un partenaire séropositif

MARS 2020 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 161 99


MISE AU POINT
L’infection à cytomégalovirus :
où en est-on ?

La transmission au fœtus survient typique : la maladie des inclusions ce qui complique leur repérage. Le
principalement in utero par voie cytomégaliques. Les anomalies diagnostic est le plus souvent évo-
transplacentaire au cours d’une cliniques les plus fréquentes sont qué à l’occasion de la découverte
primo-infection ou d’une infec- alors : retard de croissance, hépatos- d’anomalies à l’échographie chez
tion secondaire chez la mère ; elle plénomégalie, microcéphalie, ictère, le fœtus. Il est basé sur la sérologie
peut également se produire lors de pétéchies, hypotonie/léthargie, avec recherche d’IgG + d’IgM anti-
l’accouchement par contact avec convulsions, associées à diverses CMV. La détection d’IgM anti-CMV
les sécrétions génitales contami- anomalies biologiques. En cas de fait suspecter une primo-infection
nées ou par l’allaitement. Ces 2 forme disséminée, la mortalité est mais ne permet pas de la dater pré-
derniers modes de transmission ne élevée (20-30 %) et 90 % des en- cisément, ni d’en affirmer le carac-
donnent jamais lieu à des atteintes fants qui survivent présentent des tère primaire. Seules 10 à 30 % des
sévères, sauf chez le grand prérma- séquelles neurosensorielles : retard femmes avec des IgM détectables
turé [1, 11, 12]. mental, psychomoteur, surdité pro- sont atteintes d’une primo-infec-
gressive sévère, troubles visuels… tion récente [11].
CONSÉQUENCES POUR LES Parmi les enfants modérément On ne peut conclure à une infection
ENFANTS INFECTÉS IN UTERO symptomatiques à la naissance, la récente qu’en cas de séroconver-
PAR LE CMV majorité aura un développement sion des IgG anti-CMV (apparition
(figure 1) normal mais 25-35 % seront por- d’IgG spécifiques du virus chez une
Le taux de transmission au fœtus teurs de handicaps plus ou moins femme enceinte antérieurement
lors d’une primo-infection mater- importants à long terme ; séronégative) ou, en l’absence de
nelle est de 30 à 40 %. Ce taux aug- Q87 % des enfants infectés naissent test de référence, en cas de consta-
mente avec l’âge de la grossesse et asymptomatiques. Environ 5 à 15 % tation d’un indice d’avidité des
serait maximal au 3e trimestre. À développeront néanmoins des IgG anti-CMV faible. Lorsqu’une
l’inverse, c’est lorsque la transmis- séquelles à type de perte auditive infection est suspectée et que l’in-
sion survient au 1er trimestre que neurosensorielle, retard de dévelop- dice d’avidité est intermédiaire ou
les atteintes du fœtus sont les plus pement psychomoteur et altération proche des seuils d’interprétation,
graves [1, 11, 13]. En ce qui concerne visuelle. Les surdités (séquelles les l’interprétation des résultats en
les infections secondaires, leur plus fréquentes) sont bilatérales matière de datation est délicate : il
fréquence et le taux de transmis- dans 50 % des cas, en général lé- est alors souhaitable qu’un contrôle
sion sont mal connus en l’absence gères et n’apparaissent parfois que soit réalisé par un laboratoire spé-
d’études fiables pour les évaluer secondairement, plusieurs mois ou cialisé pour éviter les erreurs dia-
mais leur responsabilité dans l’in- années après la naissance. Les nou- gnostiques. Quant au diagnostic de
fection in utero de l’enfant est éga- veau-nés infectés et asymptoma- réactivation ou de réinfection, il ne
lement importante [14]. tiques nécessitent donc une surveil- peut être fait en dehors des études
En cas d’infection fœtale, la fré- lance clinique, avec un dépistage de recherche [1,8].
quence des anomalies congénitales des troubles de l’audition.
et le risque de séquelles persis- En France, le nombre d’issues défa- CHEZ L’ENFANT
tantes semblent similaires quelle vorables de grossesse liées à l’infec-
que soit la sérologie maternelle en tion par le CMV (morts fœtales in En prénatal
début de grossesse, contrairement utero, décès néonataux et interrup- Un diagnostic anténatal peut être
à ce qui était affirmé antérieure- tions de la grossesse pour raisons réalisé en cas d’infection maternelle
ment [1, 14, 15]. médicales) est estimé à plus de 300 récente (diagnostiquée ou suspec-
Parmi les nouveau-nés infectés, chaque année. Néanmoins, 4 en- tée, surtout pendant la 1re moitié
quel que soit le type d’infection fants sur 5 nés infectés seront nor- de grossesse) et/ou du fait de l’exis-
maternelle (primo-infection ou maux et n’auront aucune séquelle. tence de signes échographiques
réinfection/réactivation), les esti- compatibles avec une infection
mations récentes pour la France DIAGNOSTIC congénitale à CMV. Une infection
montrent que (figure 1) [1] : congénitale peut être suspectée
Q 13 % sont symptomatiques à la CHEZ LA FEMME ENCEINTE devant des anomalies échogra-
naissance. Environ la moitié de L’infection à CMV chez la femme phiques : signes d’infection géné-
ces nouveau-nés symptomatiques enceinte n’a pas de spécificité : 90 % ralisée (retard de croissance intra-
présente une atteinte disséminée des formes sont asymptomatiques, utérin, hépatosplénomégalie, ascite

100 N° 161 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2020


,Encadré 2

> PRINCIPAUX CRITÈRES PRÉDICTIFS


DE L’ATTEINTE FŒTALE ET/OU DE SA
GRAVITÉ
Q Âge gestationnel au moment de la
transmission : risque maximal d’atteintes
fœtale ou anasarque fœto-placen- tant un faisceau d’informations neurologiques avec séquelles si infection pré-
taire…) ou anomalies plus rares et mais aucun n’est reconnu comme conceptionnelle ou pendant le 1er trimestre de
plus tardives témoignant d’une permettant d’établir un pronostic grossesse.
atteinte neurologique (calcifica- fiable [1, 8] (encadré 2). QAnomalies cérébrales à l’échographie
tions périventriculaires, ventriculo- confirmée par l’IRM au 3e trimestre : risque
mégalie, atteintes cérébelleuses…) ; PRISE EN CHARGE MÉDICALE majeur de séquelles mais l’absence de
ces anomalies neurologiques re- ET THÉRAPEUTIQUE malformation cérébrale visible ne donne pas de
présentent le facteur pronostique certitude de normalité du développement.
majeur, avec un risque élevé de PENDANT LA GROSSESSE QNourrisson symptomatique à la naissance.
séquelles et qui doivent faire prati- En cas de diagnostic d’une infection
quer une IRM. par le CMV pendant la grossesse, Autres paramètres discutés
Une amniocentèse est réalisée au aucun des traitements visant à pré- • Primo-infection maternelle : la très grande
moins 6 à 8 semaines après la pri- venir la transmission au fœtus qui majorité des études récentes conclut à un risque
mo-infection maternelle (délai pour ont été tentés n’est à ce jour validé. et une gravité des séquelles identiques après
le développement de l’infection Le Valaciclovir est un antiviral bien primo-infection ou infection secondaire.
fœtale) et après la 21e semaine de toléré pendant la grossesse : une • Niveau de la charge virale dans le liquide
grossesse (terme après lequel la ma- seule étude a montré que son uti- amniotique : fiabilité discutée.
turité du système urinaire fœtal est lisation chez des mères porteuses • Traitement de la femme enceinte visant
acquise, permettant une excrétion d’un fœtus infecté présentant des à minimiser la transmission et la gravité
du CMV dans le liquide amniotique), anomalies échographiques mi- de l’atteinte fœtale (protocoles en cours) :
pour prélèvement de liquide amnio- neures permettrait d’obtenir une actuellement aucun traitement n’est validé.
tique à partir duquel la présence du proportion plus importante de nou-
virus est recherchée par PCR (sensi- veau-nés strictement asymptoma-
bilité de 78 à 98 %) [1, 3, 8, 10, 11]. tiques mais des études randomisées avec des anomalies neurologiques
avec groupe contrôle sont indispen- a montré son efficacité en amélio-
En post-natal sables [16]. rant ou stabilisant l’audition et le
L’excrétion de virus par le nouveau- L’obtention d’une immunisation développement psychomoteur [17].
né est recherchée sur les urines passive par l’injection intravei- Cependant, en l’absence d’AMM
et la salive par PCR au cours des neuse d’immunoglobulines hyper- pour le nouveau-né et compte-tenu 5. Les immuno-
deux premières semaines de vie. immunes anti-CMV 5 a fait l’objet de la pauvreté des données dispo- globulines
anti-CMV n’ont
Au-delà, l’infection peut avoir été de quelques études avec des résul- nibles sur la tolérance à long terme
pas d’autorisation
acquise en post-natal. Tous les tats discordants [8, 11, 13]. du traitement dans cette popula- de mise sur le
enfants confirmés à la naissance La grossesse doit bénéficier d’un sui- tion, les attitudes thérapeutiques marché (AMM)
comme ayant contracté une infec- vi spécialisé avec réalisation d’écho- sont hétérogènes en France [1]. en France mais
tion congénitale à CMV doivent graphies mensuelles à la recherche Les traitements chez les nouveau- font l’objet d’une
ATU (autorisation
être suivis régulièrement, en par- d’anomalies évocatrices d’infection nés asymptomatiques ne sont pas
temporaire
ticulier du point de vue de l’audi- congénitale, éventuellement com- recommandés et aucune étude n’a d’utilisation)
tion. En effet, la surdité liée au CMV plétée d’une IRM cérébrale fœtale. été publiée sur le sujet. nominative.
survient dans un délai moyen de En cas de dépistage d’anomalies Tous les enfants confirmés infectés
33 mois chez les enfants sympto- cérébrales graves ou d’atteinte dis- à la naissance doivent faire l’objet
matiques et de 44 mois chez les séminée, une interruption médi- d’un suivi régulier, en particulier
enfants asymptomatiques [1]. cale de grossesse (IMG) peut être pour dépister une surdité, même si
proposée ; devant des anomalies le bilan initial est normal.
PRONOSTIC échographiques plus mineures, un
Lorsque le diagnostic d’infection pronostic sera établi à la suite d’un PRÉVENTION
fœtale est posé, l’enjeu devient de bilan poussé incluant des résultats
prédire le niveau de sévérité pos- de biologie fœtale afin de conseiller MESURES D’HYGIÈNE
sible de l’infection pour l’enfant à les parents. Il s’agit du seul moyen à l’heure ac-
naître. Ce pronostic est difficile à tuelle pour éviter la transmission
établir car ce n’est pas parce qu’il y APRÈS LA NAISSANCE de l’infection à la femme enceinte
a infection qu’il y a atteinte fœtale. Un traitement par Valganciclovir et par conséquent prévenir l’infec-
Il existe différents critères appor- de nouveau-nés symptomatiques tion congénitale à CMV. Le CMV se

MARS 2020 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 161 101


MISE AU POINT
L’infection à cytomégalovirus :
où en est-on ?

,Tableau I

> MESURES DE PRÉVENTION PROPOSÉES PAR LE HAUT CONSEIL DE SANTÉ transmet surtout lors de l’exposi-
PUBLIQUE [1] tion aux liquides biologiques d’un
enfant de moins de 3 ans infecté

peut-on
(urines, salive). L’information des
Ne pas faire Faire femmes et l’application de règles
rencontrer
le CMV ? d’hygiène simples, décrites dans
Salive Embrasser un bébé ou un enfant sur la Le prendre dans ses bras. L’embrasser le tableau I, sont préconisées dans
bouche. sur le front ou sur les cheveux. toutes les recommandations offi-
Gouter dans l’assiette du bébé. Ou faire un câlin. cielles [1, 18 à 24]. Certaines études
Partager l’assiette, la bouteille ou un Avoir des assiettes, des verres
aliment (gâteau...). et des couverts individuels.
ont montré l’efficacité de cette
Finir le plat du bébé. Tester la température du information sur les risques liés à
Sucer la tétine du bébé ou gouter au repas avec le dos de la main. l’infection CMV chez des femmes
biberon. Gouter le plat avec
séronégatives [9, 25, 26].
une autre cuillère.
Avoir une brosse à Néanmoins, elles ne sont pas évi-
dent individuelle. dentes à appliquer au quotidien par
Larmes Embrasser un bébé ou un enfant qui Le prendre dans ses bras. une mère vis-à-vis de son enfant. Il
pleure sur les joues. L’embrasser sur le front est donc indispensable, pour espé-
ou sur les cheveux. rer avoir un impact positif de ces
Ou lui faire un câlin.
mesures, que les médecins soient
eux-mêmes sensibilisés et qu’en
Sécrétions Aspirer le nez d’un bébé enrhumé sans Aspirer les sécrétions du bébé avec précau-
conséquence ils informent les
nasopha- précautions. tions (et en cas d’utilisation d’un mouche-
ryngées Embrasser un bébé très enrhumé sur bébé, le nettoyer immédiatement en femmes enceintes ou ayant un pro-
les joues. suivant la notice). jet de grossesse du risque lié à une
Ou utiliser des mouchoirs en papier et les infection CMV congénitale et des
jeter immédiatement après usage.
Se laver les mains 15 à 20 secondes tout de moyens de s’en protéger. C’est loin
suite après avoir mouché un enfant ou un d’être le cas comme en témoignent
bébé, et si ce n’est pas possible, nettoyer les plusieurs études [10, 27 à 29].
mains et utiliser du gel
hydro-alcoolique.
Le prendre dans ses bras. VACCINATION
L’embrasser sur le front Il n’y a actuellement aucun vac-
ou sur les cheveux.
Ou lui faire un câlin.
cin disponible, même si de nom-
breuses recherches sont menées.

Urines Toucher un pyjama mouillé avec les Jeter les couches mouillées
mains. immédiatement. DÉPISTAGE
Prendre un bain avec le bébé (qui risque Se laver les mains 15 Le dépistage sérologique systéma-
d’uriner). à 20 secondes après les tique de l’infection à CMV chez la
changes ou après avoir
touché un vêtement mouillé.
femme enceinte ou ayant un désir
Et si ce n’est pas possible, de grossesse continue à faire débat.
utiliser du gel hydro-alcoolique. Il aurait pour objectif de réduire l’in-
Avoir ses propres affaires de toilette.
cidence des complications graves
de l’infection congénitale à CMV,
Sécrétions Toutes ces précautions concernent aussi Utiliser un préservatif si changement de
génitales le futur père. partenaires ou si suspicion d’infection à en repérant les femmes séronéga-
CMV chez le conjoint. tives. En France, en 2004, l’Agence
La survie du virus sur les jouets, les vêtements mouillés ou les aliments nationale d’accréditation en santé
secs (biscuits…) peut être de 6 h . (ANAES), aujourd’hui Haute Autori-
Se laver les mains après avoir touché ou rangé les jouets.
Lavez les jouets régulièrement et en particulier dès qu’un enfant est malade.
té de santé (HAS), soulignait que ce
dépistage n’était pas recommandé
du fait notamment des incertitudes
Pour les professionnelles de la petite enfance :
diagnostiques, de l’absence de thé-
- utiliser des gants jetables pour les changes ;
- et se laver les mains avant et après le change ; rapeutiques validées et des difficul-
- utiliser le gel hydro-alcoolique. tés à établir un pronostic fœtal avec
le risque d’IMG indue [18].

102 N° 161 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2020


En 2015, le Collège national des liste d’infectiologie fœtale au sein tion, le travail en crèche plutôt
gynécologues et obstétriciens d’un centre pluridisciplinaire de qu’en halte-garderie, la réalisation
français (CNGOF) réaffirmait que diagnostic prénatal. de tâches de nettoyage et un anté-
les critères d’un bon dépistage Cette position quant à l’absence de cédent de travail en maternité. En
tels que définis par l’Organisa- dépistage systématique en popula- revanche, contrairement à d’autres
tion mondiale de la santé (OMS) tion générale est la même dans les études [36, 38], l’âge des enfants
n’étaient toujours pas réunis pour autres pays industrialisés [12, 15, 20 pris en charge n’influe pas, proba-
envisager de revoir cette position à 24, 33]. blement du fait que les personnels
[19]. Néanmoins, devant les progrès tournent sur les différentes sections
des connaissances et l’avènement au cours de leur carrière. Cependant,
de techniques beaucoup plus per- la part du risque attribuable à l’ex-
formantes en termes de diagnostic EN MILIEU DE TRAVAIL position professionnelle n’est que
(PCR, échographie, IRM cérébrale), de 30 % ; des facteurs tels que la pré-
certains plaident pour le dépistage PROFESSIONNELS À RISQUE sence d’enfants à la maison et aussi
systématique [3, 9, 30, 31]. D’autres Compte-tenu des modes de trans- leur mode de garde influent tout
prônent un dépistage ciblé sur les mission du CMV, deux modes de autant. Le fait d’avoir un conjoint
mères de jeunes enfants gardés en contamination sont possibles en travaillant en crèche majore égale-
collectivité et celles travaillant au milieu professionnel. ment le risque. Une étude menée
contact de ces derniers [12, 22]. En Q Par contacts étroits et répétés aux États-Unis par Adler montre
France, une femme enceinte sur avec des liquides biologiques de que le taux annuel de séroconver-
quatre a au moins une sérologie personnes excrétant du virus : il sion CMV chez les femmes séro-
CMV durant sa grossesse [32]. s’agit principalement des jeunes négatives travaillant en crèche est
Le HCSP a donc réuni en 2018 un enfants et des patients immuno- de 11 % vs 2 % seulement chez les
large groupe d’experts afin d’actua- déprimés. témoins [36]. Il faut néanmoins sou-
liser les recommandations de 2004 Dans une étude française réalisée ligner que quelques études n’ont
en pesant l’ensemble des argu- chez 256 enfants de 6 crèches (âge pas retrouvé ce risque professionnel
ments pour et contre le dépistage. moyen de 20 mois), 52 % excrètent accru [18, 41].
Il en est ressorti que le dépistage, du CMV dans leur salive [34]. S’agissant des personnels travail-
tant général que ciblé, reste non L’étude CrechMV montre une pré- lant en pédiatrie et dans les services
recommandé. Un des éléments valence d’excrétion salivaire chez prenant en charge des patients im-
pris en compte a notamment été les enfants en crèche de 40 % dans munodéprimés, aucun sur-risque
que les résultats les plus récents un échantillon de 80 crèches repré- n’a pu être démontré [42, 43]. À
des études de séroprévalence et sentatives du territoire national noter qu’une étude française [42]
de cohortes ont montré que, dans [1, 35]. Ces études dans les crèches confirme l’absence de sur-risque
les zones où la séroprévalence est françaises montrent que les en- chez les infirmières de pédiatrie et
proche de 50%, comme en France, fants s’infectent dans les six mois de service d’immunodéprimés mais
des infections congénitales avec suivant l’arrivée à la crèche et que montre que les auxiliaires de puéri-
séquelles peuvent également sur- les charges virales les plus élevées culture travaillant à l’hôpital ont un
venir chez des femmes séroposi- sont retrouvées chez les « petits », risque accru : il faut cependant sou-
tives lors d’une infection secon- avant 18 mois. ligner que, dans cette étude, sont
daire (réinfection ou réactivation) Plusieurs études ont montré que la regroupées celles qui travaillent en
avec une fréquence et une gravité séroprévalence du CMV est supé- crèche et celles qui sont en unités
similaire à celle constatée suite à rieure chez les personnels de crèche de soins. Cette différence entre les
une primo-infection [1]. et de garderies par rapport à une crèches et les services hospitaliers
Seul est préconisé un dépistage population de référence [36 à 40]. est probablement due à l’effet pro-
orienté sur des signes cliniques Dans l’étude française de Billette de tecteur des précautions standard
chez la mère (symptômes grip- Villemeur et al. portant sur 395 per- appliquées systématiquement dans
paux, syndrome mononucléosique) sonnes exposées [40] (personnels les services de soins.
ou sur la découverte d’anomalies de crèche et de halte-garderie), les En résumé, le risque profession-
échographiques compatibles : en facteurs associés à cette prévalence nel de contamination par le CMV
cas d’infection CMV, la femme en- accrue sont, comme dans d’autres est avéré parmi les personnels de
ceinte sera orientée vers un spécia- études, l’ancienneté de l’exposi- crèche mais il semble du même

MARS 2020 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 161 103


MISE AU POINT
L’infection à cytomégalovirus :
où en est-on ?

niveau que celui induit par le fait sur les risques et les moyens de s’en moins de 3 ans comme excréteur
d’être en contact à domicile avec protéger. Cependant, ce type de et respecter scrupuleusement les
des enfants, où les règles d’hygiène dépistage peut induire une fausse règles d’hygiène [12, 45]. Une option
sont moins bien pratiquées qu’en sécurité laissant croire aux femmes choisie par certaines équipes de
milieu professionnel [1, 40, 42, 44]. séropositives qu’elles sont immuni- santé au travail en France est de pri-
Q À l’occasion d’un accident expo- sées et donc protégées, comme par vilégier les postes en contact plutôt
sant au sang (AES). exemple pour la rubéole, alors que avec les grands (moins de changes)
Il pourrait y avoir transmission du ce n’est pas le cas pour le CMV : elles pour les femmes enceintes.
virus en cas d’AES lors de la mani- doivent en être informées. Il serait
pulation d’un liquide biologique en outre logique de refaire une séro-
contaminé : aucun cas n’a été logie en tout début de grossesse, au
retrouvé dans la littérature, ni en mieux juste avant, chez la femme CONCLUSION
milieu de soins, ni en laboratoire. séronégative. L’indication d’un
suivi sérologique ultérieur ne fait Le cytomégalovirus est à l’origine
CONDUITE À TENIR VIS-À-VIS l’objet d’aucune recommandation des infections congénitales et péri-
DU RISQUE CMV EN MILIEU officielle : il est de toute façon indis- natales les plus fréquentes, avec
PROFESSIONNEL pensable, dans ce cas, d’orienter la des conséquences parfois graves
Un consensus existe pour amé- femme vers son obstétricien afin pour l’enfant. En milieu de travail,
liorer le niveau de connaissance d’évaluer l’opportunité d’un suivi et si un risque accru a été mis en évi-
des femmes en âge de procréer et ses modalités. dence pour les femmes enceintes
travaillant au contact de jeunes Même en l’absence de dépistage travaillant en crèche, il est discuté
enfants sur la gravité de l’infection en santé au travail, de nombreuses pour celles travaillant au contact de
néonatale à CMV et les moyens de femmes sont dépistées en début patients infectés dans les services
s’en protéger. La prévention passe de grossesse et la question de la de soins, probablement du fait de
par le respect de règles d’hygiène conduite à tenir devant une femme l’application, au quotidien, des pré-
de base (tableau I) qui doivent être enceinte séronégative travaillant cautions « standard ». Les seules
rappelées à l’embauche et lors du au contact d’enfants de moins de recommandations en matière de
suivi individuel en santé au travail. 3 ans peut se poser. Il est indis- prévention qui fassent consensus
La remise d’un document écrit d’in- pensable de l’informer des risques sont l’information sur le risque des
formation peut être utile. et de l’importance du respect des femmes enceintes quel que soit leur
En revanche, il n’y a pas d’indication règles d’hygiène pour éviter tant statut vis-à-vis du CMV, travaillant
au dépistage dans les postes expo- une primo-infection qu’une réin- au contact des enfants de moins de
sés pour les raisons décrites plus fection (tableau I). 3 ans, qui est souvent insuffisante,
haut [1]. Certes, la connaissance d’un En ce qui concerne une éventuelle et le respect scrupuleux des règles
statut séronégatif chez une femme éviction temporaire des femmes d’hygiène. En ce qui concerne le dé-
enceinte peut l’inciter à mieux res- enceintes travaillant au contact pistage des femmes séronégatives
pecter les règles d’hygiène mais ces d’enfants, là encore les avis sont pour le CMV, il reste non recom-
mesures ne sont pas spécifiques : partagés. Ainsi, en Suisse et en mandé tant en population générale
elles sont indispensables aussi Belgique, les femmes enceintes qu’en milieu professionnel. En effet,
pour protéger contre d’autres virus travaillant en crèche ou garderie le risque d’infection congénitale
notamment celui de la grippe. En ne doivent pas être en contact avec doit être pris en compte aussi bien
outre, la personne séropositive peut des enfants de moins de 3 ans [20, chez les femmes séropositives que
se réinfecter et doit donc elle aussi 21]. Ces restrictions ne s’appliquent chez les femmes séronégatives en
respecter les règles d’hygiène. qu’aux femmes séronégatives pour début de grossesse.
Certaines équipes de santé au tra- le CMV en Allemagne [44].
vail ont néanmoins mis en place D’autres soulignent que le CMV est
un dépistage pour les personnels ubiquitaire, que les femmes séro- Remerciements à A. Billette de
travaillant au contact de jeunes positives peuvent se réinfecter avec Villemeur, présidente du groupe de
enfants (établissements de santé, les mêmes conséquences pour l’en- travail « Prévention de l'infection à
crèches) [41]. Il est en général réa- fant et ne conseillent donc pas le CMV de la femme enceinte et
lisé à l’embauche avec une infor- retrait des femmes séronégatives : du nouveau né » du HCSP, pour sa
mation des femmes séronégatives il faut considérer tout enfant de relecture attentive.

104 N° 161 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2020


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L’infection à cytomégalovirus :
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106 N° 161 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2020


MISE AU POINT TP 40

Cybercinétose
en milieu professionnel
AUTEUR :
L. Brun, laboratoire Ergonomie et psychologie appliquées à la prévention (EPAP), département Homme au
travail, INRS

en

L
résumé

L’exposition à la réalité MOTS CLÉS es technologies de réa-


Technologie
virtuelle peut déclencher lité virtuelle (RV) sont aujourd’hui QU’EST-CE QUE LA RÉALITÉ
avancée /
un ensemble de symptômes Organisation du intégrées dans divers secteurs VIRTUELLE ?
proches de ceux du mal travail professionnels. Elles sont utili-
des transports (nausées, sées en complément des outils La RV apparaît comme une techno-
vertiges, sueurs) et appelé traditionnels, par exemple pour logie mature d’après la courbe de
mal de la réalité virtuelle ou la formation, la prévention, le Gartner 1 [2] pour les technologies
cybercinétose. Il est possible soin ou la conception des postes émergentes. L’expression « réalité
d’évaluer la cybercinétose de travail. Elles ouvrent de nou- virtuelle » revêt un sens paradoxal
à travers de nombreux velles perspectives sur les modes en associant deux termes qui
outils pour connaître de travail avec des caractéris- semblent opposés. Elle correspond
son impact et sa sévérité. tiques d’immersion, d’interaction à la construction d’un monde arti-
Les salariés sont exposés et d’appropriation physique d’un ficiel en trois dimensions et permet
en tant qu’utilisateurs environnement déterminé. Elles d’immerger l’utilisateur dans cet
d’applications de réalité constituent ainsi un lien dans l’ex- environnement de synthèse avec
virtuelle, notamment dans périence professionnelle entre les lequel il peut interagir. L’utilisateur
des objectifs de formation et éléments théoriques conceptuels est capable de modifier l’environ-
de prévention. Ils peuvent et les éléments pratiques de ter- nement virtuel (EV) mais est aussi
l’être également dans le rain. Cependant, de 20 à 80 % des impacté à travers des stimulus de
cadre d’activités récréatives. 1. La « Hype utilisateurs de RV souffrent du mal retour haptiques 2. Des dispositifs,
Des pistes pour limiter la Cycle » de Gartner de la réalité virtuelle, appelé aussi tels que des joysticks, des gants, des
cybercinétose sont énoncées. est une courbe cybercinétose [1]. Les symptômes pédales à retour d’effort et d’autres
qui détermine le de la cybercinétose sont proches de outils spécialisés permettent ces
cycle de vie des
ceux du mal des transports et leurs interactions.
technologies et
permet de situer effets peuvent persister plusieurs Plusieurs technologies existent
l’évolution de heures voire plusieurs jours selon pour immerger totalement ou par-
chacune d’entre la durée d’exposition à l’environne- tiellement l’utilisateur dans un EV :
elles. ment virtuel. L’usage de la RV est O les casques de réalité virtuelle, vi-
2. L’haptique donc susceptible de perturber l’acti- siocasques ou casques HMD (Head
désigne le sens vité à court terme. Cet aspect néces- Mounted Display) permettent de
du toucher et site d’être attentif à la façon dont recréer l’effet tridimensionnel de
les phénomènes
elle est déployée auprès des utilisa- l’environnement. L’utilisateur est
kinesthésiques,
c'est-à-dire teurs en termes de temporalité et de complètement immergé dans le
la perception contenu ; ce qui pourrait également monde qui s’affiche devant ses
du corps dans impacter l’utilisation récréative de yeux. Deux petits écrans (un pour
l’environnement. cette technologie. chaque œil) lui fournissent une

MARS 2020 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 161 107


MISE AU POINT
Cybercinétose
en milieu professionnel

vision en relief (ou stéréoscopique) situation sont contrôlées par les


du monde virtuel ; LA RÉALITÉ VIRTUELLE instructeurs. Les simulations sont
O les lunettes polarisantes per- COMME OUTIL donc bien plus flexibles que les
mettent de conserver l’avantage de PROFESSIONNEL situations réelles [4]. Par exemple,
la vision en relief tout en n’immer- les simulateurs de vol pleine-
geant pas totalement l’utilisateur Les technologies de RV sont dé- échelle, qui utilisent de vrais cock-
dans le monde virtuel. Équipé de ce ployées dans de nombreux do- pits d’avion, placent l’apprenant
type de lunettes, l’utilisateur peut maines, en particulier le divertis- dans une situation proche du vol
visualiser des images en relief sur sement (jeux vidéo), mais aussi réel. Le simulateur est alors sup-
un écran classique ; le domaine médical, la culture, le posé réagir comme le système
O les salles immersives sont consti- marketing, la formation, la concep- réel qu’il figure, permettant un
tuées d’écrans projetés sur toutes tion et le développement. Auprès apprentissage utilisable en situa-
les surfaces (murs, sol et plafond) des salariés, la RV est largement tion réelle.
avec des capteurs de position de la utilisée comme outil de forma- Par rapport à d’autres médias in-
personne. tion et, dans une moindre mesure, formatiques, la RV permet d’enga-
comme outil de prévention. ger le corps dans la simulation et
LES AVANTAGES constitue ainsi un support pour la
La RV apporte plusieurs avantages LA FORMATION formation au geste. Elle permet,
en proposant une expérience im- Les technologies de RV favorisent en plus, de faciliter les apprentis-
mersive et ludique dans un environ- de nouveaux modes d’apprentis- sages grâce à l’enrichissement de
nement sécurisé en grandeur réelle. sage, permettant de concrétiser la réalité. Grâce à leurs fonction-
En matière de formation ou de pré- l’invisible pour mieux s’approprier nalités pédagogiques, les outils de
vention des risques professionnels l’environnement de travail réel. RV servent ainsi à la validation des
par exemple, cela permet de pous- Elles présentent de nombreux compétences.
ser la simulation jusqu’à l’accident, avantages pour la formation. Elles La RV comme outil de formation
sans mettre en danger la personne offrent notamment la possibilité est déployée dans de nombreux
qui utilise l’outil. De plus, l’informa- de simuler l'activité sans danger secteurs professionnels :
tion en trois dimensions peut être réel, la reproductibilité de situa- O l’éducation [5, 6], notamment
présentée de façon flexible. Ainsi, la tions rares, difficiles ou chères à les apprentissages en situation de
RV permet d’engager le corps dans recréer, la flexibilité dans la présen- handicap [7] ;
la simulation, impliquant l’utilisa- tation de l'information, ou encore O la médecine, en particulier pour
teur physiquement, et ,par exemple, le contrôle précis des paramètres les procédures chirurgicales et
de le former au geste. de la simulation afin de reproduire autres procédures intervention-
des situations particulières [4]. nelles [8, 9] ;
LES LIMITES Elles permettent aussi d’améliorer O l’armée et les forces de l’ordre
Cependant, malgré une démocrati- l’apprentissage en termes d’écoute (par exemple la police aux États-
sation qui assure une plus grande active, d’attention, de gain de Unis [10] ou en Allemagne [11]) ;
accessibilité, la RV soulève, d’une temps [5] et de motivation. O l’industrie, par exemple pour for-
part, le problème de la fracture Historiquement, les simulateurs mer à la réalisation de la tâche de
numérique avec certaines popu- informatiques constituent les pre- soudage [12], au travail avec des ro-
lations, surtout en situation de mières applications de technolo- bots industriels [13], à la conduite de
précarité [3] et, d’autre part, elle ne gies informatiques ayant donné chariots élévateurs [14], pour former
couvre pas tous les aspects d’une naissance aux EV d’apprentissage. des opérateurs en centrale nucléaire
problématique donnée (de forma- L’un des principaux avantages [15] ou encore dans l’industrie mi-
tion, de prévention, d’éducation, de ces systèmes est de pouvoir nière [16, 17] ;
de thérapie…). Elle doit donc être changer les contextes de pratique O la grande distribution (par
utilisée comme une méthode com- et de déclencher des événements, exemple le groupe Walmart aux
plémentaire dans une démarche comme des perturbations ex- États-Unis [18]).
globale. Enfin, elle peut déclencher ternes, des dysfonctionnements
la cybercinétose chez certains uti- ou des pannes. Ils permettent de LA PRÉVENTION
lisateurs, ce qui en limite la durée reproduire de manière très réaliste L’utilisation de la RV dans le dis-
d’utilisation. des parties du réel. Les variables de positif de prévention est liée à la

108 N° 161 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2020


conception des outils et des postes De nombreux facteurs peuvent
de travail ou constitue une décli- QU’EST-CE QUE LA déclencher la cybercinétose et il
naison de son application en for- CYBERCINÉTOSE ? n’existe pas de méthode infaillible
mation, ici appliquée aux risques pour éliminer le problème.
professionnels. L’utilisation de la RV engendre chez
Pour le versant conception, la RV certains utilisateurs des symp-
permet de mieux appréhender les tômes proches de ceux du mal des
futures interactions homme-sys- transports ou cinétose, à la fois D’OÙ VIENT LA
tème-environnement en faisant pendant et après l’expérience de RV CYBERCINÉTOSE ?
intervenir physiquement l’opéra- [23]. Ce type de maladie, appelée cy-
teur dans le cycle de conception. La bercinétose, cybermaladie (cyber- Trois théories principales sont
conception assistée par RV permet sickness en anglais) ou mal de la RV, avancées pour expliquer les causes
d’identifier certains risques rela- est différent du mal des transports de la cybercinétose : la théorie du
tifs à l’utilisation d’équipements dans la mesure où l’utilisateur est conflit sensoriel, celle du poison et
de travail avant leur phase de pro- souvent immobile mais a une sen- celle de l’instabilité posturale.
totypage physique. Par exemple, sation irrésistible de mouvement à
des simulations de montage et travers une imagerie visuelle mou- LA THÉORIE DU CONFLIT
démontage de pièces dans des ap- vante. De 20 à 80 % des utilisateurs SENSORIEL
plications automobile et aéronau- de RV sont sujets au mal de la réa- Cette théorie est la plus ancienne et
tique, avec des systèmes à retours lité virtuelle [1]. reconnue des théories liées au mal
d’effort, facilitent l’identification Les symptômes de la cybercinétose des transports et à la cybercinétose
des futures fonctions d’usage et la sont nombreux. Ils incluent fatigue [30 à 32]. Elle se base sur le postulat
rétroaction en conception. Au tra- visuelle ou troubles oculomoteurs, que les écarts entre les informa-
vers de tels outils, le processus de maux de tête, pâleur, sueurs, sé- tions sensorielles relatives à l’orien-
conception devrait s’enrichir d’une cheresse de la bouche, sensation tation du corps et celles relatives au
composante humaine, en passant d’estomac plein, désorientation, mouvement entraînent un conflit
de la prise en compte du système vertige, ataxie (déséquilibre pos- perceptuel que le corps ne sait pas
technique au système de travail tural ou manque de coordination), comment gérer. Dans la cyberci-
dans sa globalité [19]. De plus, en nausées et vomissements [23, 24]. nétose et la cinétose, les systèmes
tant qu’instrument d’échange Les symptômes de la cybercinétose sensoriels qui entrent en conflit
d’informations, les maquettes et apparaissent d’une gravité plus sont le sens de l’équilibre (perçu au
environnements virtuels jouent élevée que ceux de la cinétose [25], moyen du système vestibulaire si-
un rôle important dans la commu- approximativement trois fois plus tué dans l’oreille interne), le sens de
nication et la coordination entre d’après Stanney et al. [26]. la proprioception (perception de la
préventeurs et ingénieurs [20]. Ces effets indésirables peuvent position relative des membres dans
Concernant la formation, il s’agit se manifester pendant plusieurs l’espace) et la vision.
de d'identifier les risques profes- heures [23, 27] et, dans certains cas, Bien que la théorie du conflit sen-
sionnels rencontrés par les salariés pendant plusieurs jours [28, 29]. soriel constitue l’explication la plus
dans leur travail en les formalisant Plus la durée d’exposition à la RV largement acceptée de la cyberci-
de façon virtuelle. Les personnes est longue, plus les symptômes nétose, elle présente des limites,
ne sont pas formées à l’apprentis- sont susceptibles de persister. De et, notamment, n’explique pas
sage d’un métier de façon globale ce fait, plusieurs bases aériennes pourquoi certains individus sont
mais à la gestion des risques sus- ont mis en place des politiques malades et d’autres non dans des
ceptibles d’être rencontrés dans « au sol » obligatoires qui stipulent conditions similaires.
leur cadre professionnel. La for- qu’un pilote ne peut pas piloter un
mation à la prévention des risques avion pendant 12 à 24 heures après LA THÉORIE DU POISON
à travers la RV est présente dans l’exposition à un simulateur de vol La théorie du poison propose une
plusieurs secteurs : par exemple, la en EV. Pour les mêmes raisons, plu- explication sur les raisons de la
prévention des risques chimiques sieurs centres d’entraînement en survenue du mal des transports et
[20], celle des risques sur chantier EV exigent que les utilisateurs ne du mal de la RV d’un point de vue
[21] ou celle des troubles muscu- conduisent pas avant au moins 30 évolutionniste [33]. L’ingestion de
losquelettiques [22]. à 45 minutes après l’exposition [23]. poison provoque des effets physio-

MARS 2020 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 161 109


MISE AU POINT
Cybercinétose
en milieu professionnel

logiques impliquant notamment la dantes. Ainsi, si les deux systèmes qui concerne la modulation émo-
coordination des systèmes visuel sont en désaccord, c’est que l’in- tionnelle et cognitive, la tendance
et vestibulaire. Ces effets physiolo- formation n’est pas redondante. à exagérer la douleur d’un individu
giques agissent comme un signal Dans de nombreux cas, cette non est corrélée positivement à son his-
d’alarme précoce qui augmente redondance de l’information n’in- toire de mal des transports et à son
la survie de l’individu en déclen- duit pas de cinétose (par exemple ressenti de cybercinétose [48].
chant le vidage du contenu de son lorsque l’on prend un ascenseur, Q La durée d’exposition à l’EV. De
estomac pour en retirer les toxines. un tapis roulant ou un escala- façon prévisible, il est généralement
Dans certains EV, les systèmes teur). Les résultats des études sur observé que la durée a un effet cu-
visuel et vestibulaire sont pertur- la théorie de l’instabilité postu- mulatif sur les symptômes et reste
bés d’une façon telle que le corps rale sont contradictoires, certains actuellement l’une des meilleures
décode mal l’information et l’inter- la soutenant [37 à 40], d’autres la manières d’en contrôler la sévérité
prète comme une intoxication, ce contredisant [41]. ou l’impact.
qui est susceptible de déclencher Q La fréquence d’exposition à
une réponse adaptative se tradui- FACTEURS CONTRIBUANT À l’EV. Généralement, si les sessions
sant par un vomissement. LA CYBERCINÉTOSE d’exposition sont suffisamment
Comme la théorie du conflit senso- De nombreux facteurs influencent proches dans le temps les unes des
riel, celle du poison n’explique pas la cybercinétose, sans être directe- autres, un phénomène d’adapta-
non plus les raisons pour lesquelles ment liés à l’une des trois théories tion se produit et les symptômes
certaines personnes sont malades évoquées précédemment. s’atténuent.
et d’autres non dans des EV aux sti- Q Les caractéristiques techniques Q Les facteurs « cinématiques »
mulus identiques. telles que la distorsion optique, l’er- [49] font référence à toutes les
reur de position de suivi de la tête de 3. La dépendance variations dans le contenu de la
LA THÉORIE DE L’INSTABILITÉ l’utilisateur, le champ de vision, le indépendance scène et aux interactions sujet-sys-
POSTURALE scintillement, le taux de rafraîchis- à l’égard du tème qui sont affectées par ce que
champ est un
Développée par Riccio et Stoffregen sement, la résolution ou les oscilla- style perceptif lié
le sujet fait pendant la simulation.
[34], cette théorie est centrée sur tions visuelles. Par exemple, pour ce à la verticalité. La position du sujet dans l’EV (assis
l’idée que l’un des buts comporte- dernier paramètre, la combinaison Pour déterminer ou debout) peut aussi jouer un rôle
mentaux primaires chez l’homme de la vitesse et de l’amplitude des la verticale, dans la sensibilité individuelle à la
est de maintenir une stabilité pos- mouvements visuels influence la les personnes cybercinétose. La position assise
« indépendantes
turale dans l’environnement. sévérité des symptômes de la cyber- à l’égard du
semble être préférable pour ré-
Elle suggère que les malaises dus cinétose [42]. champ » se duire les symptômes de cyberciné-
à la cinétose et à la cybercinétose QLes caractéristiques de l’EV telles basent sur des tose dans la mesure où elle réduit
sont causés par une instabilité que le réalisme, le niveau de détails, indices internes les demandes de contrôle postural
posturale prolongée. Cette théorie le type de contenu d’action. Ainsi, corporels alors (voir la théorie de l’instabilité pos-
que les personnes
prédit l’apparition des instabilités un niveau de détail élevé dans « dépendantes
turale présentée précédemment).
posturales avant celle de la ciné- les graphismes au fort réalisme à l’égard du Lorsqu’il y a plusieurs utilisateurs
tose : « ce n’est pas parce que nous visuel augmente la cybercinétose champ » se basent simultanément dans l’EV, ceux qui
sommes malades que nous sommes [43, 44]. Un contenu d’action forte- sur des indices agissent sont moins susceptibles
instables, c’est parce que nous ment dynamique provoque plus de externes environ- de souffrir de cybercinétose que les
nementaux.
sommes instables que nous sommes symptômes de cybercinétose qu’un participants passifs [50].
malades »[35, 36]. La sévérité des contenu neutre et statique [45]. 4. La rotation
mentale est
symptômes augmente directe- Q Les caractéristiques indivi-
la capacité à
ment avec la durée de l’instabilité : duelles telles que l’expérience, le se représenter
plus celle-ci est longue, plus les genre, la dépendance indépendance dans l’espace des COMMENT ÉVALUER LA
symptômes seront sévères. à l’égard du champ 3, l’âge, l’état de objets en 2 ou 3 CYBERCINÉTOSE ?
La théorie de l’instabilité posturale santé, la capacité de rotation men- dimensions et à
les faire tourner
contredit celle du conflit sensoriel. tale 4, la stabilité posturale et la sen- Les symptômes du mal de la RV
mentalement
Selon la théorie de l’instabilité sibilité au mal des transports. Les en lien avec la peuvent être évalués par des auto-
posturale, les systèmes visuel et femmes ressentent la cybercinétose représentation évaluations subjectives et par des
vestibulaire sont en accord s'ils plus fortement que les hommes [38] visuelle de telles mesures objectives de variations de
reçoivent des informations redon- et y sont plus sujettes [46, 47]. En ce rotations. paramètres physiologiques.

110 N° 161 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2020


Le questionnaire du mal du simula- différents champs de recherche, y exhaustive l’expérience de l’utilisa-
teur (Simulator Sickness Question- compris la mesure de la détresse teur, c’est-à-dire qu’elles mesurent
naire - SSQ [51, 52]), dérivé du ques- dans des applications de RV [45, à la fois les aspects d’utilisabilité
tionnaire du mal des transports 60]. L’échelle visuelle analogique classiques (efficacité, efficience,
(Motion Sickness Questionnaire - (Visual Analogue Scale - VAS [61]) satisfaction, fiabilité) et les aspects
MSQ [53]), est le questionnaire constitue une autre alternative d’expérience utilisateur (originalité
d’auto-évaluation le plus fréquem- basée sur un unique item pour éva- et stimulation).
ment utilisé pour mesurer le mal luer les niveaux d’inconfort subjec-
du simulateur et la cybercinétose. tif.
À l’origine, il a été développé pour Le questionnaire de profil de nau-
évaluer le degré des symptômes sée (Nausea Profile questionnaire - COMMENT LIMITER LA
dans différents simulateurs de NP [62]) est aussi largement utilisé. CYBERCINÉTOSE ?
vol [54] et a été utilisé avec succès Il consiste en 17 descripteurs éva-
dans d’autres domaines, comme lués sur une échelle de 0 (pas du Plusieurs stratégies permettent
les simulateurs de conduite [55] et tout) à 9 (sévèrement). de réduire les effets de la cyberci-
la réhabilitation dans des EV [56]. La mesure de paramètres psycho- nétose (encadré 1 page suivante).
Il consiste en 16 symptômes notés physiologiques, tels que la fré- L’approche la plus communément
sur une échelle en 4 points (aucun, quence cardiaque, la fréquence et utilisée est celle d’un programme
léger, modéré et sévère). Les scores l’amplitude respiratoires, la tem- d’adaptation à l’EV [71]. En aug-
sur chaque échelle sont cumulés pérature cutanée et la réponse mentant progressivement le temps
pour former un score total de ma- en conductance cutanée 5 (Skin 5. La conductance d’exposition à l’EV, les utilisateurs
ladie (SSQ-T) et trois sous-scores Conductance Response - SCR), ap- cutanée est un s’y adaptent et les symptômes de
phénomène
– Nausée (SSQ-N), Oculomoteur portent un autre éclairage sur la cy- la cybercinétose s’estompent, voire
électrique se
(SSQ-O) et Désorientation (SSQ-D) – bercinétose [63]. Son effet apparaît produisant à disparaissent. Par exemple, en me-
en accord avec la formule donnée particulièrement lorsqu’on mesure la surface de la surant les effets de cybercinétose
par Kennedy et al. [51]. la SCR [45, 64, 65]. D’autres indices peau. Elle est par le questionnaire SSQ présenté
Pour évaluer de façon plus perti- comme l’activité gastrique [66, 67] une composante précédemment, Moraes et Paivia
de la réponse
nente les symptômes déclenchés et la pâleur du visage [68] varient [72] observent que le premier
électrodermale
par l’exposition à la RV, Kim et al. aussi lors de la cybercinétose. avec la résistance contact avec le dispositif de RV est
[25] ont élaboré un questionnaire de Enfin, ces évaluations des symp- et le potentiel généralement l’expérience évaluée
mesure de la cybercinétose : le Vir- tômes du mal de la RV peuvent être électrique cutanés. comme étant la pire pour les parti-
tual Reality Sickness Questionnaire - complétées par celle de l’expérience cipants qui rapportent de sévères
VRSQ, basé sur le questionnaire SSQ. perçue par l’utilisateur. En effet, nausées, des vertiges, un inconfort
Il consiste en 9 items, inclus dans c’est de la qualité de l’expérience de général et des sueurs. L’intensité de
deux composants, à savoir Oculo- l’utilisateur final que dépendent le ces symptômes décroit au cours des
moteur et Désorientation. succès et l’adoption des technolo- différentes sessions jusqu’à dispa-
La méthode de l’échelle subjective gies de réalité virtuelle. Somrak et raître complètement. Malheureu-
d’unités de détresse (Subjective al. [59] ont utilisé le questionnaire sement, ce phénomène d’adapta-
Unit of Distress Scale - SUDS [57, d’expérience utilisateur (User Expe- tion ne fonctionne pas dans le sens
58]) est bien plus simple mais ce- rience Questionnaire - UEQ [69]) inverse : il n’aide pas l’utilisateur à
pendant aussi efficace que le SSQ qui permet une évaluation rapide se réadapter au monde réel une fois
pour mesurer à la fois l’inconfort de l’expérience de l’utilisateur avec qu’il en a fini avec l’EV.
physique et émotionnel. Alors que des produits interactifs et donne Limiter la durée d’exposition à
le SSQ est une méthode basée sur un aperçu des aspects plus com- l’EV reste également un moyen
des questions multiples, la SUDS plexes de l’expérience utilisateur. simple pour limiter les effets de la
ne comporte qu’une seule ques- Le format du questionnaire fournit cybercinétose. Par exemple, dans
tion d’échelle linéaire, allant typi- un support aux utilisateurs pour leur étude sur le traitement des
quement de 0 à 100, 0 indiquant exprimer immédiatement leurs phobies dentaires, Gujjar et al. [73]
l'absence d'une détresse et 100 une ressentis, impressions et attitudes proposent à leurs participants des
détresse maximale. Il est ainsi fa- qui surviennent lorsqu’ils uti- pauses de deux minutes toutes les
cile et rapide de l’implémenter [59]. lisent un produit. Les échelles du dix minutes lors des sessions.
Elle a été utilisée avec succès dans questionnaire couvrent de façon Le contrôle de la posture permet

MARS 2020 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 161 111


MISE AU POINT
Cybercinétose
en milieu professionnel

aussi de réduire les effets de la ,Encadré 1


cybercinétose (voir la théorie de
l’instabilité posturale présentée > CONSEILS DE PRÉVENTION (d’après [70])
précédemment). Des astuces tech-
nologiques telles qu’un nez vir- Dans son travail, Benmehidi [70] n’a pas L’information/formation des salariés
tuel entre les deux hémi champs trouvé de publications faisant référence portera sur :
visuels ou un repère fixe offrant aux mesures préventives spécifiques au O les types des symptômes qui peuvent

un ancrage, ainsi que des scénarios milieu de travail et, néanmoins, d’après les survenir (nausée, troubles de l’équilibre,
limitant les mouvements saccadés caractéristiques de la maladie ainsi que fatigue et flou visuel…) ;
de la tête et des yeux et favorisant la connaissance des activités, quelques O la durée éventuellement courte de la

des situations de contrôle actif de conseils simples à l’usage des préventeurs plupart des symptômes ;
la posture, limitent la cyberciné- sur les lieux du travail et avant l’utilisation O les moyens possibles pour réduire les

tose [36]. La position assise semble de la réalité virtuelle (RV) peuvent être effets et leurs conséquences ; par exemple,
être préférable à la station debout proposés. la réduction du temps d’immersion
dans la mesure où elle diminue les durant les premières expériences, puis une
demandes de contrôle postural. Comme pour toute implémentation augmentation progressive (sans dépasser les
d’une nouvelle technologie, il s’agira de 30 min), des pauses toutes les 10 à 20 min,
réinterroger l’organisation du travail, pour mieux s'habituer et l’espacement de
notamment, dans le cas présent, ces pratiques tous les 2 à 5 jours ;
CONCLUSION l’articulation des différentes activités O le caractère possiblement anxiogène de
effectuées avec les séquences de RV, et l’expérience de la RV.
Les technologies de RV constituent de définir des temps de pauses. Il s’agira
des outils de travail intéressants également d’associer le personnel et ses Certains symptômes, notamment les
en complément de ceux déjà exis- représentants à l’introduction de cette troubles de l’équilibre et les troubles visuels,
tants et éprouvés. Leur caractère nouvelle technologie dans les activités de peuvent durer plus d’une heure, donc il y a
nouveau et les effets indésirables l’entreprise, à leur formation et information. lieu d’éviter les déplacements, la conduite
de cybercinétose associés ne per- et l’utilisation de machines dangereuses,
mettent pas aujourd’hui d’avoir un immédiatement après une immersion.
recul suffisant sur leur utilisation.
Les avantages présentés par la RV
sont nombreux et représentent
un réel apport, en particulier en vité ultérieure des utilisateurs, par descripteur mesuré sur une échelle
terme d’apprentissage. La possibi- exemple leurs comportements de linéaire à des questionnaires à plu-
lité d’immerger l’utilisateur dans conduite automobile ou de réalisa- sieurs dimensions. De plus, choisir
un environnement artificiel avec tion de tâches dangereuses. un EV dont les graphismes sont peu
lequel il peut interagir, de mani- Afin de réduire le risque de cyber- détaillés et faiblement réalistes, et
puler, contrôler et mesurer sans cinétose, des mesures simples dont le contenu est assez statique,
risque pour l’utilisateur, de créer peuvent être prises : limiter et permet de diminuer les symptômes
des situations dangereuses et répé- contrôler le temps d’exposition de cybercinétose. Enfin, placer les
tables ou encore de simuler des in- à la RV en prévoyant des durées participants dans une position
teractions avec des agents virtuels d’exposition courtes (par exemple qui demande peu de contrôle pos-
sont autant d’éléments attractifs et de 10 à 20 minutes consécutives tural (assis plutôt que debout par
facilitateurs. La RV n’est cependant maximum), proposer des pauses exemple) réduit également la sur-
pas la réponse à tout et il faut rester régulières lors des sessions, expo- venue de la cybercinétose.
vigilant quant aux champs d’appli- ser progressivement les utilisateurs
cation et à la façon de l’intégrer et évaluer le ressenti de cyberci-
dans des démarches plus globales. nétose après chaque session. Des
Les symptômes de cybercinétose, outils d’évaluation de la cyberci-
susceptibles de persister bien après nétose plus ou moins approfondis
l’exposition, peuvent affecter l’acti- sont disponibles, allant d’un seul

112 N° 161 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2020


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3
OUTILS
REPÈRES
P. 6/315%34)/.3./32b0/.3%3

P. RISQUES PSYCHOSOCIAUX

N° 1 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS


QR 145

Vos questions / nos réponses


Exposition aux rayonnements
ionisants : quelles informations
dosimétriques peuvent être transmises ?

La réponse du Dr Anne Bourdieu, département Études et


assistance médicales, et
de Jennifer Shettle, service juridique,
de l'INRS.

Médecin du travail, je suis en charge du suivi des Le travailleur peut également solliciter le conseiller en
La réponse de
personnels Stéphane
d’un serviceMalard,
de médecine nucléaire. radioprotection (CRP) pour ce qui concerne les résultats
Dans le domaine
Département de l’exposition
Études et assistance médicales,aux
INRS.rayonnements auxquels ce dernier a accès. À compter du 1er juillet
1. Les organismes ionisants (RI), à quelles informations dosimétriques 2020, il pourra également demander à l'organisme
accrédités Dansacteurs
les Question/Réponse
impliqués : dans 04-Textela et radioprotection
pour le gras accrédité 1 de communiquer à lui-même ainsi qu’au
regroupent les
peuvent-ils
Dans style de avoir accès etQuestion/réponse
caractère que peuvent-ils échanger ?
04-Texte médecin qu'il aura désigné le cas échéant, les résultats
organismes de
dosimétrie, les Bold individuels de la dosimétrie le concernant, sur les vingt-
services de santé Les modalités de communication des résultats issus quatre mois précédents. À compter de cette même
au travail ou les
de la surveillance dosimétrique individuelle et des date et jusqu’au 1er juillet 2023, il pourra obtenir auprès
laboratoires de
biologie médicale doses efficaces sont encadrées par les articles L. 4451-2 de cet organisme, et selon les mêmes modalités, ses
mentionnés à et suivants et R. 4451-1 à R. 4451-144 du Code du travail résultats individuels de dosimétrie du cristallin sur les
l'article R. 4451-65
(CT) ainsi que par un arrêté du 26 juin 2019 relatif à la cinq années précédentes 2. À partir du 1er juillet 2023, les
du CT.
surveillance individuelle de l'exposition des travailleurs résultats seront comparés à la VLEP annuelle.
2. Du 1er juillet 2018 aux rayonnements ionisants, en vigueur à compter du L’IRSN répond par ailleurs aux demandes de
au 30 juin 2023,
1er juillet 2020. L’instruction DGT/ASN/2018/229 du reconstitution d’historique dosimétrique (dose carrière
la valeur limite
cumulée pour le 2 octobre 2018 a explicité certains points du CT. cumulée) émanant des travailleurs ou des médecins du
cristallin est fixée La surveillance dosimétrique individuelle comprend des travail. Les résultats fournis sont établis en se fondant
à 100 millisieverts
données d’exposition externe dites doses équivalentes sur les informations enregistrées dans SISERI depuis
(mSv), pour autant
que la dose reçue (peau, extrémités, cristallin) et d’exposition interne sa mise en service en 2005 et sur les informations
au cours d’une an- qualifiées de doses engagées. La dose efficace agrège dosimétriques antérieures collectées à partir des
née ne dépasse pas
l’ensemble des doses reçues. Les examens de dosimétrie divers supports d’archivage en vigueur aux différentes
50 mSv. À compter
du 1er juillet 2023, interne (anthroporadiométrie et radiotoxicologie) époques concernées.
la valeur limite sont réalisés sur prescription médicale, leurs résultats « Le médecin désigné (…) par le travailleur et, en cas de
d’exposition pour
peuvent être considérés comme des données relevant décès ou d’incapacité, par ses ayants droit », a accès « sous
le cristallin est
fixée à 20 mSv sur du secret médical. leur forme nominative aux résultats de la surveillance
12 mois consécutifs. Pour mémoire, la dosimétrie opérationnelle ne constitue dosimétrique ainsi qu’à la dose efficace ».
pas une surveillance dosimétrique individuelle du
travailleur. Il s’agit d’un outil de pilotage permettant Résultats accessibles au médecin du travail
une optimisation des mesures de radioprotection. Pour mémoire, l’employeur doit réaliser les évaluations
individuelles de l’exposition aux RI préalablement à
Résultats accessibles au travailleur l’affectation des travailleurs. Le médecin du travail
(art. R. 4451-67 et R. 4451-68 du CT) donne un avis sur la proposition de classement faite
Le travailleur a accès à tous les résultats issus de la par l’employeur suite à cette évaluation, classement qui
surveillance dosimétrique individuelle dont il fait BIBLIOGRAPHIE
détermine pour partie les modalités de la surveillance
l’objet (interne, externe), ainsi qu’à la dose efficace dosimétrique individuelle.
le concernant. Il peut, à cet égard, en demander Le1 |médecin
EN STYLE DEduCARACTÈRE
travail aDANSaccès, BIBLIOGRAPHIE
via SISERI,
DOSSIER à l’ensemble
communication au médecin du travail ou à SISERI desENCADRÉ : 01-Tdosimétriques
résultats EXTE CAP ROUILLEet à laBibliographie
Dans dose efficace, sous
(Système d’information de la surveillance de l’exposition leur forme
Encadré nominative,
01-Texte En syle dedecaractère
chaqueDanstravailleur
dossier dont il
aux rayonnements ionisants). Géré par l’Institut de assure le suivi.Encadré : 01-Texte Ital
Bibliographie
radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), SISERI Il communique à SISERI les doses internes dès lors
est en effet l’outil de centralisation des données que1 | Ecelles-ci
N STYLE DEsont significatives
CARACTÈRE du Bpoint
DANS DOSSIER de vue de la
IBLIOGRAPHIE
dosimétriques communiquées par les organismes de ENCADRÉ : 01-TEXTE
radioprotection CAP11,RIV
(art. de Dans
OUILLE l’arrêté du 26 juin 2019).
Bibliographie
dosimétrie, les laboratoires de biologie médicale et les Il Encadré
dispose01-Texte
également
En syled’un accès, Dans
de caractère pourdossier
rectification,
services de santé au travail accrédités. à Bibliographie
tous les résultats
Encadréde la dosimétrie
: 01-Texte Ital individuelle des

MARS 2020 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 161 117


travailleurs dont il assure le suivi (art. 21, b de l’arrêté du L’employeur ou, selon le cas, le responsable de
26 juin 2019). Une telle démarche doit être tracée dans le l’organisme compétent en radioprotection doit assurer
dossier médical en santé au travail. la confidentialité vis-à-vis des tiers, des données
Par ailleurs, quand il est informé d’un dépassement nominatives auxquelles les CRP ont accès et doit mettre
des valeurs limites d’exposition professionnelle à la disposition de ces derniers les moyens nécessaires
ou s’il constate un événement significatif pour la pour qu’ils puissent respecter les exigences liées au
3. Constitue un radioprotection 3, le médecin du travail procède à une secret professionnel.
événement signifi- analyse de la situation afin de confirmer, ou non, la dose Lorsque l’un des résultats de la surveillance
catif pour la radio-
effectivement reçue avec le concours de l’employeur et dosimétrique individuelle dépasse l’une des valeurs
protection tout
événement suscep- du CRP. « Il informe SISERI et l’organisme de dosimétrie limites d’exposition professionnelle, l’organisme de
tible d’entraîner le de l’enclenchement de cette analyse et de ses conclusions dosimétrie accrédité informe sans délai le CRP de la
dépassement d’une
sur la dose effectivement reçue » (art. 14 de l’arrêté dose reçue par le travailleur de manière nominative.
valeur limite fixée
aux articles R. 4451- du 26 juin 2019). Si le médecin du travail constate la
6 à R. 4451-8 du CT. contamination d’un travailleur ou estime qu’une Résultats accessibles à l’employeur
exposition peut constituer un événement significatif et au Comité social et économique
pour la radioprotection, il en informe l’employeur et le Sur le fondement des résultats qu’il détient, le CRP doit
CRP, en excluant toute notion quantitative de dose (art. informer l’employeur lorsqu’il constate que l’une des
R. 4451-75 du CT). doses estimées dans le cadre de l’évaluation individuelle
Sous sa responsabilité, il peut communiquer au CRP des préalable de l’exposition aux RI est susceptible d’être
informations couvertes par le secret médical relatives atteinte ou dépassée.
à la dose interne, lorsque celle-ci est liée à l’exposition L’employeur a en outre la possibilité de demander
professionnelle (par opposition à un examen de au CRP que celui-ci lui communique les données
médecine nucléaire pratiqué à visée diagnostique chez dosimétriques nominatives des travailleurs lorsque
un travailleur par exemple) et que ces données sont celles-ci sont susceptibles d’atteindre ou de dépasser
strictement utiles à la prévention. l’une des doses estimées dans le cadre de l’évaluation
Le médecin du travail d’un établissement où individuelle préalable de l’exposition aux RI.
interviennent des travailleurs temporaires ou d’une Lorsque l’un des résultats de la surveillance
entreprise extérieure a accès à l’ensemble des résultats dosimétrique individuelle dépasse l’une des valeurs
dosimétriques et des doses efficaces de ces salariés, sous limites d’exposition professionnelle, l’organisme de
leur forme nominative. dosimétrie informe sans délai l’employeur de la dose
Lorsque la surveillance de l’exposition interne de reçue par le travailleur de manière nominative.
salariés d’une entreprise extérieure est réalisée par le Par ailleurs, « au moins une fois par an, l’employeur
médecin du travail de l’entreprise utilisatrice pour le présente au Comité social et économique (CSE), un
compte de l’entreprise extérieure, les chefs d’entreprise bilan statistique de la surveillance de l’exposition des
et les médecins du travail en formalisent les modalités travailleurs et de son évolution, sous une forme excluant
dans l’accord prévu par l’art. R. 4513-12 du CT. Le médecin toute identification nominative des travailleurs » (art.
du travail de l’entreprise utilisatrice communique les R. 4451-72 du CT). Afin d’établir ce bilan, l’employeur a
résultats au médecin du travail de l’entreprise extérieure accès aux résultats de la surveillance de l’exposition
afin que celui-ci se prononce sur l’aptitude du salarié. des travailleurs sous une forme excluant toute
identification nominative. Le CSE est également informé
Résultats accessibles au conseiller des dépassements de valeurs limites d’exposition
en radioprotection professionnelle.
Le CRP peut être une personne physique (personne
compétente en radioprotection (PCR), salariée de Résultats accessibles aux inspecteurs de
l’employeur) ou morale, extérieure à l’établissement la radioprotection, aux agents de contrôle
(organisme compétent en radioprotection). Il a de l’inspection du travail et aux agents des
accès, sous une forme nominative et sur une période services prévention des CARSAT
n’excédant pas celle durant laquelle le travailleur est (art. R. 4451-71 et R. 4451-135 du CT)
contractuellement lié à l’employeur, à la dose efficace Les agents de contrôle de l’inspection du travail, les
ainsi qu’aux résultats de la surveillance dosimétrique inspecteurs de la radioprotection ainsi que les agents des
individuelle liée à l'exposition externe. services prévention des caisses de retraite et de santé au
Tel que le prévoit l’art. L. 4451-3 du CT, le CRP « est tenu travail (CARSAT) ont accès, sous leur forme nominative,
au secret professionnel (…) au titre des données couvertes aux doses efficaces reçues par les travailleurs ainsi
par le secret qui lui ont été communiquées par le médecin qu’aux résultats de la dosimétrie externe, soit auprès du
du travail ». CRP, soit auprès de SISERI.

118 N° 161 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2020


QR 146

Vos questions / nos réponses


Vibrations transmises par
les machines portatives :
faut-il privilégier les machines thermiques ou
électriques ?
La réponse de Pierre Donati, département Ingénierie des
équipements de travail de l’INRS.

Des tronçonneuses et autres outillages sur batteries des pistons et des bielles) vibrent plus que les moteurs
commencent à apparaître sur le marché et en électriques où seul l’arbre d’entraînement de l’outil est
utilisation dans les entreprises du paysage. Existe- en mouvement.
t-il des études sur les vibrations provoquées par ce En conséquence, le choix d’un mode d’énergie plutôt
type d'équipements ? Quelles différences y aurait-il que d’un autre, pour des machines équivalentes, ne
par rapport à des machines thermiques ? peut pas se faire sur le critère d’une exposition aux
vibrations plus faible mais sur d’autres considérations :
Chaque année se vendent en France, à des fins bruit, gaz d’échappement, poids, ergonomie…
professionnelles, plusieurs dizaines de milliers de Pour réduire les vibrations émises par ces machines, les
tronçonneuses, taille-haies, débroussailleuses, coupe- fabricants intègrent dès leur conception des systèmes
fils. Les modèles les plus répandus sont les machines antivibratiles (ressorts métalliques ou silent blocks
thermiques. Des modèles analogues avec batterie suspendant l’ensemble moteur–transmission-outil de
commencent néanmoins à être achetés par les coupe, augmentation du moment d’inertie...).
professionnels. Ces dispositifs anti vibratiles réduisent les vibrations
Quel que soit leur mode de production d’énergie, mais cela ne suffit pas toujours à limiter l’exposition des
ces machines vibrent et exposent les mains de leurs salariés en dessous de la valeur d’action. Aussi, pour une
utilisateurs à des niveaux vibratoires suffisants pour prévention efficace, il est nécessaire de limiter la durée
que, en fin de journée, la valeur déclenchant l’action d’exposition quotidienne en tenant compte des autres
de prévention fixée réglementairement à 2,5 m/s2 soit machines vibrantes employées par l’opérateur. Ainsi le
dépassée. choix d’une machine, de sa puissance et des outils se
À long terme, les risques liés à cette exposition fait en fonction de la tâche, tout particulièrement des
vibratoire d’amplitudes et de fréquences élevées sont dimensions des végétaux à couper ou à élaguer. Il faut
bien connus. Pour l’essentiel, les affections potentielles s’assurer du bon état de l’outil coupant conformément
sont de nature vasculaire (syndrome de Raynaud) aux instructions du constructeur. L’entretien permet à
ou neurologique (moindre sensation du toucher, de la machine de conserver toute sa performance et donc
la perception du chaud et du froid, diminution de la de réduire la durée nécessaire à la réalisation d’une
préhension, perte de dextérité manuelle) et reconnues tâche donnée. Quelle que soit la vitesse de rotation, c’est
en maladies professionnelles au titre du tableau n° 69 l’efficacité du tranchant qui permet à l’outil d’avoir un
du régime général et n° 29 du régime agricole. bon rendement.
L’amplitude des vibrations sur les zones de préhension Enfin, il faut rappeler que les opérateurs doivent se
dépend principalement de la vitesse de rotation de la protéger contre le froid qui favorise le déclenchement de
machine, du type d’outil de coupe employé et de son crises du syndrome de Raynaud. C’est pourquoi le port de
entretien... Les principales sources de vibration sont la gants et de vêtements appropriés est particulièrement
rotation de la transmission moteur-outil et celle de l’outil recommandé même si les gants déclarés anti-vibratiles,
de coupe. À ce jour, le nombre de mesures de vibrations en référence à la norme EN 10819, s’avèrent peu
en situation réelle faites par l’INRS est insuffisant efficaces pour réduire les vibrations basses-fréquences
pour vérifier si les machines avec batterie sont plus ou (< 150 Hz, rotation < 9000 tours/minute) transmises aux
moins vibrantes que les machines à moteur thermique travailleurs qui les portent. Mais ils ont l’avantage de
équivalentes. Mais l’expérience acquise avec d’autres tenir la main au chaud.
familles de machines et les valeurs déclarées par les
fabricants montrent, en règle générale, que le mode POUR EN SAVOIR +
d’énergie n’affecte pas significativement les valeurs de vibrations transmises aux membres supérieurs (www.
vibrations. Ce résultat peut surprendre car, en raison de inrs.fr/risques/vibration-membres-superieurs/ce-qu-il-faut-
leur conception, les moteurs à deux temps (va-et-vient retenir.html)

MARS 2020 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 161 119


QR 147

Vos questions/nos réponses


Travailleurs prestataires ou santé
a té
au travail
r
sous-traitance : obligations des
différents employeurs, notamment en matière Code
du
il
trava
de risques psychosociaux arrêté loi L. 2241-9
L. 3231-6 article
L. 3231-6
LOI n°2008-1258 du 3 décembre 2008 - art. 24 (V)
R. 2261-1 articles L. 3231-6 et L. 3231-10
arrêté L. 2241-9
livre V R. 2261-1
LOI n°2008-1258 du 3 décembre 2008 - art. 24 (V)

La réponse de Jennifer Shettle, service juridique de l’INRS.


Code dutravail
Code du travail - art.
- art. L2241-9
L2241-9 (V) (V)
décret

Quelles sont les obligations en matière d’évaluation O un flou sur le rôle de chacun, la répartition des
et de prévention des risques pour des travailleurs tâches ou des moyens matériels ou financiers ;
prestataires ou des sous-traitants de prestataires O un flou sur la façon dont le travail doit être fait ;
qui sont sur le site d’une entreprise ? Plus Odes objectifs, des enjeux différents ou contradictoires
particulièrement, pour les situations les exposant déterminés par l’organisation du travail entre des
à des risques psychosociaux (RPS), quelles sont salariés qui doivent coopérer ;
les obligations des différents employeurs ? Est-il O une dépendance vis-à-vis d’un autre salarié qui fait
possible d’interdire aux sous-traitants de parler que l’un ne peut pas travailler si l’autre n’a pas réalisé
aux salariés de l’entreprise d’accueil ? une partie de son propre travail.
Ces causes fréquentes de désaccords professionnels
Lorsque des salariés d’une entreprise extérieure (EE) peuvent évoluer vers des faits de violence s’ils ne sont
sont amenés à intervenir au sein d’une entreprise pas ou s’ils sont mal arbitrés.
utilisatrice (EU), dite « entreprise d’accueil », il Ainsi, dans le cadre de la démarche de prévention et
incombe à chaque employeur : d’une manière plus générale :
- d’évaluer les risques liés à ses propres salariés et aux
métiers qui leurs sont propres (dont les RPS), afin de Q L’employeur du salarié de l’entreprise extérieure
retranscrire les résultats dans le document unique ; doit :
- d’évaluer, en concertation cette fois, les risques O d’une part, évaluer les risques potentiels auxquels
« communs », pouvant résulter de l’interférence des le salarié est exposé du fait de son métier (risques
activités, des installations et des matériels, afin de chimiques, de chute, stress, violence…) et prévoir des
définir les mesures de prévention adaptées qui seront, mesures de prévention adaptées ;
pour leur part, prévues par le plan de prévention. O d’autre part, s'assurer que le plan de prévention
Une attention particulière devra être portée sur (élaboré en concertation avec l'employeur de l'EU)
l'organisation des activités en cas d'interventions prévoit des mesures de prévention adaptées pour
de prestataires extérieurs et, en particulier, sur protéger ses propres salariés des risques liés à
l'évaluation des risques liés à l'organisation du travail l'interférence des activités.
en commun, avec des salariés d'entreprises différentes. Ainsi, l’employeur du salarié prestataire doit prendre
À titre d’exemples, certaines organisations ou en compte et évaluer les différents risques, d’une part
modalités de travail peuvent générer des RPS chez dans le cadre de l’évaluation des risques propre à son
les salariés extérieurs si, par exemple, le chef de l'EU entreprise, mais également dans celui du plan de
surveille les salariés extérieurs ou si ces derniers sont prévention envisagé pour une prestation spécifique ;
obligés de travailler rapidement pour laisser la place certains risques, et notamment des RPS, pouvant
aux salariés de l'EU. résulter de l'organisation du travail et de l’interférence
Des situations de violences internes peuvent des activités.
notamment apparaître entre les salariés des EU et
des entreprises prestataires, pour les mêmes raisons Q L’employeur de l’entreprise d’accueil, étant
que dans une entreprise unique, à savoir : lui-même sur le site en général, doit pour sa part
O un manque d’information, de formation ou s’assurer que les mesures de prévention envisagées
d’expérience pour une tâche pour un des salariés lors de l’élaboration du plan de prévention sont bien
concernés ; respectées. Même s’il ne s’agit pas de son propre

120 N° 161 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2020


Dans Question/Réponse :
salarié, il doit s’assurer que celui-ci travaille dans de
bonnes conditions et que la protection de sa santé
01-Titre 24pt
physique et mentale est garantie.
Dans Question/Réponse : 01-Titre 14pt
Concernant le partage des responsabilités (en cas
d’accident par exemple), le chef de l'EU assure la
coordination générale des mesures
La réponse de Stéphanede prévention
Malard,
qu’il met en place Département
et de celles prises
Études par l'ensemble
et assistance médicales, INRS.
des chefs des entreprises intervenant dans son
établissement. Toutefois chaque chef d'entreprise
Dans Question/Réponse : 04-Texte et pour le gras
reste responsableDans de style
l'application
de caractèredes Question/réponse
mesures 04-Texte
de prévention nécessaires
Bolds à la protection de son
personnel (art. R. 4511-5 du Code du travail).
Enfin, il convient de noter que la règle interdisant
aux salariés de l’entreprise de communiquer avec les
autres sous-traitants est inacceptable car elle porte
atteinte aux droits fondamentaux des salariés et
en particulier à leur liberté d’expression. Il serait en
outre inenvisageable de sanctionner un salarié au
motif que celui-ci aurait parlé avec un autre salarié
de l’entreprise et, plus largement, de prévoir une
telle règle dans un règlement intérieur ou un plan de
prévention.

BIBLIOGRAPHIE

1 | EN STYLE DE CARACTÈRE DANS DOSSIER BIBLIOGRAPHIE


ENCADRÉ : 01-TEXTE CAP ROUILLE Dans Bibliographie
Encadré 01-Texte En syle de caractère Dans dossier
Bibliographie Encadré : 01-Texte Ital

1 | EN STYLE DE CARACTÈRE DANS DOSSIER BIBLIOGRAPHIE


ENCADRÉ : 01-TEXTE CAP ROUILLE Dans Bibliographie
Encadré 01-Texte En syle de caractère Dans dossier
Bibliographie Encadré : 01-Texte Ital

MARS 2020 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 161 121


Drring... Tac, tac, tac, tac...
Bwaah !
drring... Biiiiiiiip... Biiiiiiiip...

BBRUIT
RUIT
Objectif,
demain...

EN OPEN-SPACE :
PREVENTION
Tschac,
Quels acteurs ?
tschac... Quelles solutions ?

JEUDI 25 JUIN 2020


UIC-P ESPACES CONGRÈS — 16 RUE JEAN REY — 75015 PARIS

Le bruit est la première nuisance citée aujourd’hui Pour corriger ces situations dégradées,
par les nombreux salariés en open-space (bureaux les acteurs de terrain sont souvent démunis.
ouverts ou paysagers). Cette journée technique de Qui peut les aider à évaluer la nuisance et à
l’INRS s’adresse aux préventeurs, services de santé v­®v—ŒÀË®®³Ëی¨ŒÃ½vƒŒvƒ³ËÃȜ¿ËŒvï®
au travail et chefs d’entreprise qui souhaitent ˆŒÀˆËœÀŒˆËÀv‚¨Œ­Œ®ÈŒÈŒíƒvƒŒ­Œ®È¨Œ‚À˜È
améliorer ces situations de travail bruyantes. en open-space ?
Ces espaces sont censés faciliter la communication Cette journée technique a pour objectif de
et la collaboration. Cependant, l’aménagement présenter une approche complète couplant
acoustique, souvent négligé à la conception, conduit les méthodes et les analyses d’ergonomes et
à de la gêne pour l’accomplissement de l’activité, de d’acousticiens. Des exemples d’améliorations
la fatigue pour les salariés et de la perte de effectuées en entreprise illustreront
performance pour l’entreprise. l’approche.

INSCRIPTION : CONTACT :
www.inrs-bruit-openspace.fr bruit-openspace@inrs.fr

Annonce A4 14 01 2019.indd 1 14/01/2020 11:50


FRPS 13

RISQUES PSYCHOSOCIAUX Risques psychosociaux : outils d'évaluation

HOSPITAL ANXIETY AND DEPRESSION


SCALE (HADS)
CATÉGORIE
ATTEINTE À LA SANTÉ PHYSIQUE ET MENTALE

RÉDACTEURS :
Boini S., département Épidémiologie en entreprise, INRS
Langevin V., département Expertise et conseil technique, INRS

Ce document appartient à une série publiée régulièrement dans la revue.


Elle analyse les questionnaires utilisés dans les démarches de diagnostic
et de prévention du stress et des risques psychosociaux au travail. L’article,
par les mêmes auteurs, « Les questionnaires dans la démarche de prévention
du stress au travail » (TC 134, Doc Méd Trav. 2011 ; 125 : 23-35), présente cette série et
propose au préventeur une aide pour choisir l’outil d’évaluation le mieux adapté.
Annule et remplace la fiche FRPS 13 publiée en 2011 et portant le même titre.

Noms des auteurs Langue d'origine Modalités de réponse et


Zigmond A.S., Snaith R.P. Anglais (britannique). cotation
Pour chaque item, quatre modali-
Objectifs Traduction tés de réponse codées de 0 à 3.
Évaluation de la symptomatologie De nombreuses traductions existent. Les items d’anxiété (n° 1, 3, 5, 7, 9, 11,
dépressive et anxieuse, en écartant On peut citer la version française qui 13) et de dépression (n° 2, 4, 6, 8, 10,
les symptômes somatiques suscep- a fait l’objet de différentes validation 12, 14) sont alternés. De plus, une al-
tibles d’en fausser l’évaluation, chez [1 à 5]. ternance dans l’ordre des cotations
des patients vus en médecine (et (de 0 à 3 ou de 3 à 0) a été réalisée
présentant fréquemment des pro- Vocabulaire pour éviter le biais lié à leur répéti-
blèmes organiques). Pas de difficulté particulière, mais tion (items inversés).
rappeler aux personnes de bien lire Un score global est calculé en fai-
Année de première les instructions avant de compléter sant la somme des réponses aux
publication le questionnaire. 14 items (varie de 0 à 42), ainsi que
1983. deux sous-scores correspondant
Versions existantes aux deux sous-échelles (varient de 0
Cadre, définition, Une seule version à 14 items. à 21). Plus les scores sont élevés, plus
modèle la symptomatologie est sévère.
Cet outil cherche à identifier une Structuration de l'outil Selon Zigmond et Snaith [8], les
symptomatologie anxiodépres- Auto-questionnaire à compléter en seuils pour les deux sous-scores
sive et à en évaluer la sévérité. Il fonction de son état au cours de la permettant d’identifier les cas pré-
ne cherche pas à distinguer les semaine écoulée. sentant des symptômes dépressifs
différents types de dépression ou Les items sont répartis en deux ou anxieux, sont les suivants :
états anxieux. Cette échelle a été sous-échelles : O de 0 à 7 : absence de troubles an-

construite en excluant tout item O7 items pour évaluer la dépression : xieux et de troubles dépressifs ;
concernant les aspects somatiques, un item pour la dysphorie, un item O de 8 à 10 : troubles anxieux ou

aspects qui pourraient être confon- pour le ralentissement et cinq items dépressifs suspectés ;
dus entre la maladie physique et pour la dimension anhédonique ; O de 11 à 21 : troubles anxieux ou

mentale. O 7 items pour évaluer l’anxiété qui dépressifs avérés.


sont issus du Present State Exami- Selon Ibbotson et al. [9], les seuils
Niveau d'investigation nation [6] et de la Clinical Anxiety pour le score global sont :
Diagnostic. Scale [7]. O de 0 à 14 : pas de troubles anxio-

MARS 2020 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 161 123


RISQUES PSYCHOSOCIAUX
CATÉGORIE
ATTEINTE À LA SANTÉ PHYSIQUE ET MENTALE

dépressifs ; psychiatriques non hospitalisés comprise et facile à compléter [14].


O de 15 à 42 : existence de troubles [13] ; La validité apparente a été vérifiée
anxio-dépressifs. ORazavi et al. (1989) : validation de en testant la compréhension des
La revue de la littérature conduite la version française sur 228 patients items auprès des malades interrogés.
par Bjelland et al. en 2002 [10] cancéreux [3] ; Par ailleurs, deux items présents
conclut que le seuil recommandé O Herrmann (1997) : revue de la initialement ont été supprimés
pour ne pas exclure des cas de dé- littérature sur des données de (un dans chaque dimension) car ils
pression ou d’anxiété est 8. Concer- validation de la version originale étaient peu ou pas corrélés au sous-
nant le score total, bien que son uti- et de la version allemande [14] ; score correspondant, faisant passer
lisation ne soit pas recommandée OFriedman et al. (2001) : validation l’échelle de 16 à 14 items [8].
par Zigmond et Snaith [8], le seuil de la version française sur 2 669
de 13 [11] voire 16 [12] a été proposé patients souffrant de troubles OValidité critériée prédictive

par certains auteurs. dépressi f s avérés, a ig u s ou Dans la revue de littérature effectuée


chroniques [15] ; par Herrmann[14], la validité pré-
Temps de passation OBjelland et al. (2002) : revue de dictive de l’échelle a été démontrée
Rapide (2 à 6 minutes selon les littérature sur des données de sur l’adhésion aux traitements des
études) et facile d’utilisation. validation de la version originale patients, sur la qualité de vie (pour
et de différentes versions traduites le sous-score dépression) et sur
Disponibilités et (dont la version française) issues l’apparition de symptômes physiques
conditions d’utilisation de 747 articles [10] ; (pour le sous-score anxiété).
Le questionnaire original ainsi O Untas et al. (2009) : validation

que ses traductions sont soumis de la version française sur 107 OValidité de structure interne

à copyright (cf. https ://www.gl- patients hémodialysés [16] ; Les analyses factorielles réalisées sur
assessment.co.uk/products/hospital- ORoberge et al. (2013) : validation les données observées à partir des ver-
anxiety-and-depression-scale-hads/). de la version française canadienne sions anglaise et allemande suggèrent
Son utilisation est autorisée par sur 14 298 sujets vus en cliniques une structure à deux dimensions,
GL Assessment (cf. https://www.gl- de soins primaires, dont 3 291 avec comme les auteurs de l’échelle [14].
assessment.co.uk/contact/#contact) . des problèmes de santé mentale La corrélation entre la sous-échelle
Un contrat de licence doit être (diagnostic ou symptômes de anxiété et la sous-échelle dépression
complété à l'avance et des frais dépression ou d’anxiété, traitements est de l’ordre de 0,63, indiquant que ces
d'utilisation sont exigés pour tous médicamenteux pour anxiété deux sous-échelles ne sont pas indé-
les utilisateurs (commerciaux, ou dépression) + validation de la pendantes. De même, dans la revue
organismes de santé et utilisateurs version anglaise canadienne sur 535 de littérature de Bjelland et al. [10], la
universitaires). sujets, dont 91 avec des problèmes majorité des études (11/19) conclut sur
La liste des traductions existantes de santé mentale [12] ; une structure à 2 facteurs (5 études
peut être obtenue auprès de Mapi OBocéréan et Dupret (2014): vali- identifient une structure à 3 facteurs
Research Trust (cf https://eprovide. dation de la version française sur et 2 études une structure à 4 facteurs).
mapi-trust.org/instruments/hospital- 20 992 employés salariés [4] ; La corrélation moyenne calculée dans
anxiety-and-depression-scale) . O Maatoug et Gorwood (2019) : 21 études est de 0,56 entre les échelles
validation de la version française de dépression et d’anxiété.
Qualités su r u n éc ha nti l lon de 9 706 Dans la validation réalisée par Untas
psychométriques patients déprimés vus en médecine et al. [16] sur la version française, les
Les qualités psychométriques de générale, séparés en deux sous- analyses factorielles exploratoires
l’HADS sont renseignées à partir échantillons : 4 853 sujets pour réalisées suivie de rotations obliques
des publications suivantes : l’échantillon test et 4 853 sujets (par hypothèse de non indépendance
O Zigmond et Snaith (1983) : vali- pour l’échantillon de validation [5]. entre anxiété et dépression) ont
dation de la version originale sur 100 confirmé la structuration bidimen-
patients de médecine générale [8] ; VALIDITÉ sionnelle proposée par Zigmond et
OSnaith et Taylor (1985) : validation OValidité apparente Snaith[8]. La corrélation entre anxiété
de la version originale sur 63 patients Globalement, l’échelle est bien et dépression est statistiquement

124 N° 161 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2020


significative mais reste modérée posaient problème en appartenant externe satisfaisante. Le sous-score
(r=0,47). aux deux facteurs. La corrélation dépression de l’HADS est mieux cor-
Cependant, l’analyse factorielle entre les deux facteurs « anxiété » et rélé avec des instruments mesurant
réalisée sur la version française par « dépression » est de 0,62. Enfin, des le même concept ; de même pour le
Razavi et al. [3] dégage trois facteurs. analyses factorielles confirmatoires sous-score anxiété de l’HADS avec
Les analyses factorielles effectuées ont été réalisées, confirmant que la des instruments mesurant le même
sur la version française par Friedman structure à deux facteurs proposée concept. Pour ces études de validité
et al. [15] avec rotations orthogonales par Zigmond et Snaith [8] est parmi externe, différentes échelles ont été
et obliques sur l’échantillon total, celles qui s’ajustaient le mieux aux utilisées : l’échelle de dépression
puis selon deux sous-groupes défi- données. C’est donc cette structure MADRS (Montgomery and Asberg
nis selon le genre, puis selon deux à deux facteurs qui a finalement été Depression Rating Scale), l’échelle
sous-groupes définis aléatoirement, retenue par Bocéréan et Dupret [4] d’anxiété Clinical Anxiety Scale,
aboutissent au même résultat : trois pour la version française. l’échelle de dépression de von Zerssen
facteurs (et non deux comme sug- Maatoug et Gorwood [5] ont égale- (BFS : Befindlichkeits-Skala), l’échelle
gérés par Zigmond et Snaith dans ment réalisé une analyse factorielle d’anxiété de Hamilton, l’échelle
la version originale [8]) : un facteur exploratoire avec rotation ortho- d’anxiété de De Bonis, le General
qui regroupe les items « dépression », gonale dans leur sous-échantillon Health Questionnaire (GHQ) 12 ou
alors que les items « anxiété » se ré- test. Une structure à deux facteurs 28 (cf. FRPS17), le State-Trait Anxiety
partissent sur deux facteurs (4 items a été retenue, avec toutefois 2 items Inventory (STAI) (cf. FRPS27), le Beck
sur le facteur « anxiété psychique » problématiques appartenant au fac- Depression Inventory (BDI). Dans une
et 3 items sur le facteur « agitation teur « anxiété » : « j’ai la bougeotte et étude, les scores de l’HADS ont été
psychomotrice »). La corrélation entre n’arrive plus à tenir en place » et « je corrélés aux résultats d’une évalua-
les deux facteurs « anxiété » est de peux rester assis à ne rien faire et me tion clinique.
0,34. La corrélation entre le facteur sentir décontracté ». Deux analyses
« anxiété psychique » et le facteur factorielles confirmatoires ont été OValidité discriminante

dépression est de 0,31 et la corrélation réalisées (une sur les 14 items et une Bocéréan et Dupret [4] retrouvent
entre le facteur « agitation psycho- sans les 2 items problématiques). comme attendu des scores plus éle-
motrice » et le facteur dépression est La version à 12 items semble plus vés de dépression et d’anxiété chez
de 0,18. satisfaisante [5]. les femmes comparées aux hommes,
Bocéréan et Dupret [4] ont réalisé Roberge et al. [12] ont confirmé par ainsi que chez les employés compa-
des analyses factorielles explora- des analyses factorielles explora- rés aux cadres. De même, les scores
toires avec rotation oblique sur la toires la structure bidimensionnelle de dépression et d’anxiété augmen-
version française : une solution à de la version française canadienne, tent avec l’âge.
trois facteurs a été identifiée. Cepen- avec un facteur « dépression » où les Dans la revue de littérature effectuée
dant, comme cette méthode tend à 7 items sont tous fortement contri- par Herrmann [14], la validité discri-
surestimer le nombre de facteurs, butifs et un facteur « anxiété » où minante est satisfaisante puisque
les auteurs ont considérés d’autres l’item « je peux rester assis à ne rien des hauts scores HADS (anxiété et
critères pour déterminer la struc- faire et me sentir décontracté » est dépression) ont été observés chez des
ture interne du questionnaire : le moins contributif que les autres. La patients psychiatriques alors que des
poids de chaque item sur le facteur corrélation entre les deux facteurs faibles scores HADS ont plutôt été
qui doit être supérieur à >0,30 ; peu « anxiété » et « dépression » est de observés chez des personnes a priori
ou pas d’item à charge forte sur 0,62. Cette même structure bidi- saines.
plusieurs facteurs ; pas de facteur mensionnelle a été retrouvée pour
avec moins de trois items. Au final, la version anglaise canadienne [12]. FIDÉLITÉ
la structure à deux facteurs a été Fidélité test-retest
O

retenue puisque seuls les items « je OValidité de structure externe La fidélité, évaluée par la méthode
peux rester assis à ne rien faire et me La validité de structure externe test-retest, est satisfaisante : le coef-
sentir décontracté » (facteur anxiété) convergente et divergente, dans ficient de fidélité est supérieur à 0,80
et « j’ai l’impression de fonctionner les publications citées plus haut, après deux semaines et diminue
au ralenti » (facteur dépression) montrent une validité de structure après de plus longues périodes [14].

MARS 2020 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 161 125


RISQUES PSYCHOSOCIAUX
CATÉGORIE
ATTEINTE À LA SANTÉ PHYSIQUE ET MENTALE

Consistance interne
O 2±2,4 points et 1,2±1,6 points a été Elle a été utilisée auprès d’un nombre
La consistance interne, évaluée par observée après deux semaines de très important de salariés français
le coefficient alpha de Cronbach, est traitement pour respectivement (8 072 femmes et 12 920 hommes) [4].
également satisfaisante. Selon les le score total HADS, le sous-score Ces auteurs ont produit des tableaux
études, il varie entre 0,68 et 0,93, avec dépression, le sous-score « anxiété avec les scores moyens de dépression
une moyenne de 0,83 pour la sous- psychique » et le sous-score « agita- et d’anxiété en fonction du genre, de
échelle d’anxiété, et entre 0,67 et 0,90 tion psychomotrice ». Par ailleurs, l’âge et du statut professionnel (cadre
avec une moyenne de 0,82 pour la l’amélioration des scores et sous- ou employé).
sous-échelle de dépression [10]. Les scores HADS était significative-
coefficients alpha de Cronbach valent ment corrélée avec l’amélioration Biais, critiques, limites
0,70 pour la sous-échelle de dépres- du score total selon Hamilton après Tous les auteurs ne sont pas d’ac-
sion et 0,53 pour la sous-échelle 45 jours de traitement [15]. cord sur la structure dimension-
d’anxiété dans la version française nelle de l’outil : celle-ci varie de deux
à 14 items ; ils sont meilleurs dans OSensibilité/spécificité dimensions à trois voire quatre
la version à 12 items [5]. Les coeffi- En prenant les seuils donnés par les dimensions.
cients alpha de Cronbach du score auteurs de l’échelle (cf. § « Modalités Les symptômes de dépression sont
global valent respectivement 0,89 de réponse et cotation »), les pour- mieux évalués que ceux relatifs à
et 0,87 pour les versions française centages de faux positifs et de faux l’anxiété [5]. Le questionnaire HADS
et anglaise canadienne [12]. négatifs varient selon les études pourrait potentiellement gagner en
La consistance interne, évaluée par [14]. Il n’y a donc pas de consensus cohérence dans la détection de l'an-
l’analyse d’items, confirme cette sur les seuils à utiliser pour discri- xiété, notamment par la révision de
qualité psychométrique. Selon les miner les cas. Cependant, dans la deux items de la sous-échelle d’an-
études citées plus haut, les corréla- revue de Bjelland et al. [10], les au- xiété [5].
tions item-tout pour la sous-échelle teurs concluent que le seuil optimal Même si certaines valeurs semblent
d’anxiété varient entre 0,25 et 0,78. pour la sous échelle d’anxiété et la se détacher, il n’y a pas de consen-
Les corrélations item-tout pour la sous-échelle de dépression est 8, sus sur la valeur des seuils à utiliser
sous-échelle de dépression varient permettant d’atteindre des valeurs pour classer les patients en cas (pré-
entre 0,37 et 0,79. Les corrélations de sensibilité et de spécificité de sentant des troubles anxieux et/ou
item-score global à l’échelle HADS l’ordre de 0,80 pour les deux sous- dépressifs) ou non-cas. La référence
varient entre 0,41 et 0,60 pour les échelles. Concernant le score total, externe utilisée pour établir les
items de la sous-échelle d’anxiété aucun seuil ne semble s’imposer, valeurs de sensibilité et de spécifi-
et entre 0,39 et 0,63 pour la sous- avec des propositions variant de 8 cité n’est jamais la même selon les
échelle de dépression (après avoir à 21 selon les études [10]. études.
écar té pour chacune des deux En utilisant le Composite Interna-
sous-échelles un item « faible »). tional Diagnostic Interview Simpli- Observations particulières
La corrélation entre le sous-score fied (CIDIS) comme gold standard Le questionnaire HADS a prouvé
anxiété et le score global est de 0,83 pour le diagnostic de dépression sa capacité à identifier et évaluer la
et la corrélation entre le sous-score et/ou d’anxiété, Roberge et al. [12] gravité des troubles anxieux et de la
de dépression et le score global est identifient des seuils différents de dépression dans les cas somatiques et
de 0,84 (après avoir écarté pour cha- ceux recommandés par Zigmond et psychiatriques, chez des patients de
cune des deux sous-échelles un item Snaith [8] : 10 pour le score d’anxiété soins primaires et dans la population
« faible »). (sensibilité=66 % ; spécificité=73 %) générale (et pas seulement dans la
et 7 pour le score de dépression (sen- pratique hospitalière pour laquelle il
SENSIBILITÉ sibilité=65 % ; spécificité=75 %). a été initialement conçu) [10].
Sensibilité au changement
O Les sous-échelles « anxiété » et
Un changement précoce dans les Étalonnage « dépression » sont corrélées mais
scores HADS a été défini comme L’échelle HADS a été utilisée dans mesurent tout de même des concepts
une réduction des scores à l’inclu- divers contextes médicaux (patients différents, car les corrélations obser-
sion après deux semaines de traite- hospitalisés, malades, personnes vées entre chaque sous-échelle et des
ment antidépressif. Une diminution a priori saines) avec quelques outils mesurant le même concept
de 7,3±6,4 points, 4,1±3,8 points, descriptions des scores. sont plus fortes que les corrélations

126 N° 161 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2020


observées entre ces deux sous-
échelles.
Le questionnaire HADS a été utilisé
dans l’enquête SUMER (Surveil-
lance médicale des expositions aux
risques professionnels) 2010 de la
DARES (Direction de l’animation,
de la recherche et des statistiques
du ministère chargé du Travail).

BIBLIOGRAPHIE

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BRUN P, LEMPÉRIÈRE T - Anxiety and Depression Scale 10 | BJELLAND I, DAHL AA, Br J Clin Pharmacol. 1985 ; 19
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dépression chez des patients version. Psychiatry Res. 2019 ; The validity of the Hospital 14 | HERRMANN C - International
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3 | RAZAVI D, DELVAUX N, CLAYDEN AD, HUSAIN A ET AL. - depression scale (HADS) in the Three-dimensional structure
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une population de patients Psychiatry. 1982 ; 141 : 518-23. 12 | ROBERGE P, DORÉ I, suffering from major
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4 | BOCÉRÉAN C, DUPRET E - A 1983 ; 67 (6) : 361-70. of the Hospital Anxiety and CHAUVEAU P, LEGUEN E ET
validation study of the Hospital 9 | IBBOTSON T, MAGUIRE P, Depression Scale in a large AL. - Anxiété et dépression
Anxiety and Depression scale SELBY P, PRIESTMAN T ET AL. - primary care population. J en hémodialyse : validation
(HADS) in a large sample Screening for anxiety and Affect Disord. 2013 ; 147 (1-3) : de l’Hospital Anxiety and
of French employees. BMC depression in cancer patients: 171-79. Depression Scale (HADS).
Psychiatry. 2014 ; 14 : 354. the effects of disease and 13 | SNAITH RP, TAYLOR CM - Néphrol Thér. 2009 ; 5 (3) : 193-
5 | MAATOUG R, GORWOOD P - The treatment. Eur J Cancer. 1994 ; Rating scales for depression and 200.

MARS 2020 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 161 127


4
À
VOTRE
SERVICE
P. 129 AGENDA

P. 131 FORMATIONS

P. 135 À LIRE, À VOIR

N° 161 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2020


AGENDA/FORMATIONS

Agenda

2-5 JUIN 2020 L’INRS PRÉSENT AU 36E CONGRÈS NATIONAL DE MÉDECINE ET SANTÉ
STRASBOURG (France) AU TRAVAIL
36e Congrès national de
médecine et santé au travail Un stand INRS et CARSAT Alsace-Moselle
w Pendant toute la durée du congrès, des experts (documentalistes, conseillers
Thèmes : médicaux, ingénieurs, contrôleurs, assistantes sociales…) se tiendront à la disposition
wEnjeux de la révolution des congressistes afin de répondre aux différentes interrogations.
numérique et de l'innovation
technologique : impact sur le Le prix INRS de thèse de médecine du travail
travail, les risques professionnels w Créé en 1984 par l’Institut, ce prix est attribué tous les deux ans à un ou plusieurs
et la santé au travail auteurs de thèse de santé au travail qui apporte une contribution intéressante à la
wPréserver la santé des soignants connaissance ou à la prévention des risques professionnels.
et des médecins : de l'hôpital au
domicile, en passant par le secteur L’INRS anime ou participe à des ateliers le mardi 2 juin
médico-social w Actualités sur les maladies professionnelles en 2020
wAllergies professionnelles - w Enjeu des poly-expositions en milieu de travail
immunotoxicité - interactions w Apport du logiciel Altrex dans l’évaluation de l’exposition aux agents chimiques
gènes-environnement - w Exosquelettes et prévention des troubles musculosquelettiques
épigénétique et travail w Comportement sédentaire et travail
wMaintien dans l'emploi et santé w Passer de la communication à l’article (par les revues Archives des maladies
au travail : recommandations, professionnelles et de l’environnement et Références en Santé au Travail)
expériences et bonnes pratiques
wNouvelles pratiques en santé Un symposium organisé par l’INRS en partenariat avec la CARSAT
au travail pour une meilleure Alsace-Moselle et l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire,
prévention : retours d'expériences, le jeudi 4 juin 17 h 45-19 h 15, salle Marie Curie
nouvelles modalités d'exercice en w Le radon, un risque méconnu
pluridisciplinarité, nouveaux outilsLe radon est un gaz radioactif issu du radium naturellement présent à des teneurs
wUne organisation du travail variables dans le sol. Sa concentration dans l’environnement diffère donc en fonction
peut-elle être bienveillante ? : de la géologie et il tend à s’accumuler dans les sous-sols et les locaux mal ventilés.
implications pour le travailleur, Cancérogène avéré, il serait responsable de 10 % des cancers broncho-pulmonaires, soit
l'entreprise et la société approximativement 3 000 décès par an en France (2e facteur de risque de ce cancer après
wŒil et travail : évolutions des le tabac).
affections de l’œil et de leur La réglementation définit un niveau de référence, à savoir une concentration dans
prise en charge, œil et étiologies l’air au-delà de laquelle il n’est pas souhaitable que les travailleurs soient exposés.
professionnelles, impact sur le L’employeur est tenu d’évaluer le risque radon pour l’ensemble des lieux de travail en
travail et suivi médical sous-sol et en rez-de-chaussée, quelle que soit la nature de l’activité qui y est menée.
wSecteur des transports et de la En 1re analyse, l’employeur peut s’appuyer, notamment, sur la cartographie qui définit
logistique : évolution du travail etau plan communal trois « zones à potentiel radon » en fonction de la probabilité de
des risques, impact sur la santé et dépassement du niveau de référence dans les bâtiments. Le mesurage, quand il s’avère
prévention indiqué, doit être réalisé sur deux mois au moins à l’automne-hiver. Si son résultat
dépasse le niveau de référence, l’employeur doit mener des actions de réduction de
RENSEIGNEMENTS la concentration en radon (étanchéification des points d’entrée et renouvellement
https://www.medecine-sante-travail. de l’air) puis en vérifier l’efficacité. En fonction de ces résultats, des dispositions
com complémentaires doivent être mises en place (délimitation d’une zone radon,
surveillance dosimétrique individuelle, suivi renforcé de l’état de santé…).
Ce symposium présentera les effets sur la santé du radon, la démarche d’évaluation
réglementaire et de prévention. Seront également abordés l’action des CARSAT et le rôle
des services de santé au travail.

MARS 2020 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 161 129


AGENDA/FORMATIONS

Agenda 31 AOÛT-3 SEPTEMBRE


2020
Parmi les thèmes :
w Cœur et droit au travail
w Quand ne pas demander un
MONTRÉAL (Canada) test d’effort ?
28th International w Troubles du sommeil et
19 JUIN 2020 Symposium on conséquences au travail
PARIS (France) Epidemiology in w Tako tsubo et travail
15e Journée nationale de Occupational Health
l’Association française (EPICOH 2020) RENSEIGNEMENTS
des intervenants en contact@coeur-et-travail.com
prévention des risques RENSEIGNEMENTS
professionnels de services https://epicoh2020.org
interentreprises de santé 4-10 OCTOBRE 2020
au travail (AFISST) : Le TORONTO (Canada)
temps de la prévention, 16-18 SEPTEMBRE 2020 22e congrès mondial sur
de l’intervention du PARIS (France) la sécurité et la santé au
SSTI à l’intégration par 55e congrès de la Société travail : La prévention
l’entreprise d’ergonomie de langue dans le cadre de l’ère de la
française (SELF) : connectivité
Parmi les thèmes : L’activité et ses frontières,
wConvaincre les entreprises penser et agir sur les Parmi les thèmes :
de passer à l’action et mettre en transformations de nos w Innovations visant à relever
œuvre les préconisations sociétés des défis de longue date liés à la
wDu « faire pour » au « faire sécurité et à la santé
avec » et au « faire faire » Parmi les thèmes : w Conséquences de l’évolution du
wLa pluridisciplinarité monde du travail au niveau de la
RENSEIGNEMENTS wLa diversité culturelle et le sécurité et de la santé au travail
www.afisst.fr multiculturel w Promotion d’une culture de
wLe travail aux frontières de prévention
l’entreprise et de son cadre
7-10 JUILLET 2020 juridique RENSEIGNEMENTS
PARIS (France) wL’activité au-delà des frontières XXII World Congress on Safety
XXIe congrès international du travail rémunéré and Health at Work 2020 (www.
de psychologie du safety2020canada.com)
travail : Changements RENSEIGNEMENTS
et innovations au https://ergonomie-self.org/congres-
travail, quels enjeux self/congres-2020/presentation/ 22-23 OCTOBRE 2020
pour les personnes et les ANGERS (France)
organisations ? Société de médecine et de
22 SEPTEMBRE 2020 santé de l’Ouest : Gestion
Parmi les thèmes : PARIS (France) des situations d’urgence en
wChangements organisationnels La journée ADEREST 2020 : milieu de travail, avant,
et technologiques, digitalisation, La prévention en santé au pendant, après
transformations sociotechniques travail
du travail RENSEIGNEMENTS
w Sens, valeurs, efficacité au RENSEIGNEMENTS www.smsto.fr
travail https://www.aderest.org/la-
wÉmotions et activités de travail journee-aderest-2020
wSécurité, risques professionnels, 24-25 NOVEMBRE 2020
pénibilité et santé au travail LYON (France)
wEnvironnement de travail, 24 SEPTEMBRE 2020 12es Rencontres des
espace de travail, poste de travail PARIS (France) personnes compétentes en
5e journée Jean Bertran : radioprotection
RENSEIGNEMENTS L’indispensables en
https://www.aiptlf2020.fr/ cardiologie pour votre RENSEIGNEMENTS
inscription/fr/accueil/3 exercice en santé au travail https://www.sfrp.asso.fr/

130 N° 161 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2020


Formations
en santé et sécurité au travail

Stage de l'INRS : Mettre en place


une surveillance biologique de
l'exposition aux agents chimiques
PUBLIC
wMédecins du travail et infirmiers en santé au travail.

PRÉREQUIS
wPrérequis demandés pour cette formation : bonnes connaissances du risque chimique
(plus d’informations sur www.inrs.fr).

OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES
wIdentifier les principes et les méthodes pour mettre en place une surveillance biologique
de l’exposition aux produits chimiques.
wInterpréter les résultats de façon pertinente.

CONTENU
wPrincipes et méthodes de la surveillance biologique de l'exposition aux agents
chimiques : objectifs, définitions, intérêts et limites, contexte réglementaire, outils de
recherche d'informations, stratégie de mise en œuvre.
wInterprétation des résultats : valeurs biologiques d'interprétation, sources d'erreurs.
wÉtude de cas pratiques.
wTémoignages sur la mise en place de la surveillance biologique des expositions
professionnelles (service de santé au travail, laboratoire d'analyses biologiques).
wTable ronde.

MÉTHODES PÉDAGOGIQUES
wExposés, études de cas concrets, table ronde et échanges de pratiques.

VALIDATION
wÀ l'issue de la formation, une attestation de fin de formation est délivrée à chaque
participant.

DATES ET LIEU
wDurée 2,5 jours : du 1 au 3 décembre 2020 à Paris.

RENSEIGNEMENTS ET INSCRIPTIONS
Programme complet et inscriptions sur www.inrs.fr -> taper BI1530
Christine Hartmann
INRS, département Formation
secretariat.forp@inrs.fr

MARS 2020 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 161 131


AGENDA/FORMATIONS

Stage de l'INRS : Organiser


le suivi médical des salariés
exposés aux agents chimiques
PUBLIC
wMédecins du travail

OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES
wDétecter, évaluer et hiérarchiser les risques liés aux agents chimiques aux postes de travail.
wParticiper à la mise en œuvre des moyens de prévention et en apprécier la validité et l’efficacité
en tant que médecin du travail.

MÉTHODES PÉDAGOGIQUES ET CONTENU


wLe stage se déroule en deux séquences distinctes. Une partie à distance (estimée à 3 jours)
permet d’acquérir la démarche de prévention du risque chimique. Une partie en face-à-face
(estimée à 1 jour) est centrée sur des cas cliniques de salariés exposés aux agents chimiques.

wL’autoformation C@1501 permet d’acquérir les notions de bases sur les produits
chimiques. Cette formation est entièrement en ligne, gratuite et s’adresse à un large
public. Elle aborde les produits chimiques de façon générale. Elle peut être suivie à son
rythme. Elle est intégrée dans le parcours de formation B@1501 mais peut-être suivie
toute seule.

DATES ET LIEU
w1 session de formation mixte du 7 au 19 novembre 2020 :
- du 7 septembre au 23 octobre pour la partie à distance ;
- le 19 novembre pour la partie en présentielle à Paris.

RENSEIGNEMENTS ET INSCRIPTIONS
Programme complet et inscriptions sur www.inrs.fr -> taper B@1501 et C@1501
Rachid Boudjadja
Tél. : 01 40 44 31 82
INRS, département Formation
secretariat.fad@inrs.fr

132 N° 161 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — MARS 2020


Retrouvez sur le site de l'INRS (www.inrs.fr/services/formation)
toutes les informations sur les stages de formation organisés par l'Institut,
ouverts aux publics suivants :

Ofonctionnels « sécurité et santé au travail »,


Omédecins du travail,
Ointervenants en prévention des risques professionnels (IPRP),

Oinfirmiers en santé au travail et autres acteurs des services de santé au


travail,
Oresponsables des ressources humaines, managers,

Oformateurs d’organismes de formation et d'entreprises,

Oformateurs en prévention des risques liés à l’activité physique,

Oformateurs en sauvetage-secourisme du travail,

Omembres de CSE/CSSCT,
Oet tout autre préventeur d’entreprise.

Un calendrier des stages liste l’ensemble des disponibilités des


prochaines sessions : http://www.inrs.fr/services/formation/
calendrier.html

Enseignement post-universitaire et formation


continue

Université de Bretagne occidentale (UBO). Formations courtes santé


au travail 2020
RENSEIGNEMENTS ET INSCRIPTIONS
Université de Bretagne occidentale
Pôle Formation continue en santé
Tél. : 02 98 01 73 89
fcs.medecine@univ-brest.fr
www.univ-brest.fr/fcsante

Formations de l’association Cœur et travail


Stages destinés aux médecins, infirmier(e)s, assistant(e)s en santé au
travail et aux intervenants en prévention des risques professionnels
(IPRP) 2020
RENSEIGNEMENTS ET INSCRIPTIONS
Cœur et travail
Tél. : 01 42 80 10 28
contact@coeur-et-travail.com
www.coeur-et-travail.com

MARS 2020 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 161 133


Le 7 avril 2020 à 11 h

LE RISQUE ROUTIER
LORS DES DÉPLACEMENTS
PROFESSIONNELS
Vous et vos équipes conduisez dans le cadre de votre travail.
Comment prévenir les risques routiers en mission ?

Travail & Sécurité propose une nouvelle table ronde en ligne.


Des experts en prévention et des entreprises
répondront à vos questions.

POSEZ VOS QUESTIONS DÈS À PRÉSENT

SUIVEZ L’ÉMISSION EN DIRECT


OU EN REPLAY
© Gael Kerbaol/INRS/2020

Inscription sur : inrs-rendezvous-ts.fr


À LIRE, À VOIR

À lire, à voir
Le choix de Gérard Moutche, membre du Comité scientifique de la revue Références
en Santé au Travail
décret permet d’identifier ce qui peut seulement pour les entreprises de
être caractérisé comme une formation moins de 50 salariés, via le plan de
type AFEST : elle doit intégrer l’analyse développement des compétences. Le
de l’activité de travail, désigner un financement est une des conditions
formateur pouvant exercer une de la réussite du déploiement de ce
fonction tutorale et comprendre la dispositif vers les TPE-PME, mais pas
mise en place de phases réflexives la seule.
distinctes des phases de mises en Qu’en est-il de l’adaptation de
situation de travail, qui permettent cette modalité pour les formations
d’observer les réalisations effectuées, à la prévention des risques
les acquis, les pistes de progrès, professionnels ? La synthèse n’évoque
afin de consolider et expliciter les pas directement cette question car
apprentissages. les expérimentations sont encore
Ainsi, l’AFEST est une action de trop récentes et les communications
formation au même titre que le peu diffusées. Pour autant, ce type de
stage en présentiel ou la formation formation est par nature très adapté à
L’action de formation à distance. Les avantages pour le l’apprentissage intégrant la prévention
en situation de travail – AFEST salarié et pour l’entreprise sont des risques professionnels, et ce
nombreux : favoriser les relations directement via le geste professionnel,
Centre Inffo a fait paraître, en février professionnelles entre apprenants et en situation de travail. Ainsi, des
2020, une synthèse documentaire managers, valoriser des métiers ou possibilités sont maintenant données
sur l’AFEST - l’action de formation certaines activités constituantes d’un à beaucoup d’entreprises pour mettre
en situation de travail - dispositif métier, sécuriser des savoir-faire liés en place, en leur sein, des formations
récent issu des nouvelles dispositions à l’expérience, les documenter ou les métier ou techniques où la prévention
permises par la loi du 5 septembre préciser. peut être entièrement présente,
2018 pour la liberté de choisir son La synthèse faite par Centre Inffo inscrite au cœur des compétences
avenir professionnel. Centre Inffo montre que cette modalité de professionnelles attendues. Il
est une association, sous tutelle du formation se révèle particulièrement appartient dorénavant aux branches
ministère chargé de la Formation adaptée à certaines situations. Par professionnelles, et aux nouveaux
professionnelle, dotée d’une mission exemple, lorsque les compétences OPCO conseillant ces branches en
de service public dans le champ de formateurs ne sont disponibles matière de formation professionnelle
de l’emploi, de la formation et de ou accessibles qu’au sein de continue, de proposer aux entreprises
l’orientation professionnelles, qui l’entreprise, ou bien quand il s’agit d’intégrer de façon systématique et
assure un rôle d’animation du débat de former à un savoir-faire singulier, explicite tout savoir-faire ou toute
public. à un environnement spécifique, ou compétence en santé sécurité au
L’AFEST est une modalité de formation encore de s’adapter à une évolution travail dans les formations faisant
en situation de travail existant depuis technologique ou organisationnelle. appel à ce dispositif. Un des moyens
longtemps, hors de tout cadre formel, Ce document indique néanmoins est de les inclure dans les documents
connue sous le vocable de « formation que l’enjeu de la réussite de cette décrivant l’activité (ex : fiche de poste,
sur le tas », mais historiquement modalité de formation repose sur une référentiel métier, mode opératoire,
trop peu valorisée ou trop peu visible véritable ingénierie pédagogique en procédure…) et de les mettre au cœur
au regard des critères juridiques ou amont, ainsi que sur l’implication du de la réflexivité prévue dans les
financiers amenant à la reconnaître management ou des RH tout au long modalités elles-mêmes.
comme étant une vraie action de du processus d’apprentissage.
formation. Sous réserve du respect des critères Document téléchargeable à cette
Une des nouveautés de la loi de définissant l’action comme étant adresse : https://www.ressources-de-
septembre 2018 est que la définition éligible à l’AFEST, les OPCO (opérateurs la-formation.fr/index.php?lvl=notice_
de l’action de formation s’ouvre à la de compétences – ex OPCA) peuvent display&id=71472
formation sur le lieu de travail. Un financer ces formations, mais

MARS 2020 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 161 135


LES

Quels secteurs ?
Quels risques ?
Quelle prévention ?

Mardi 13 octobre 2020


Maison de la RATP, Espace du Centenaire, 189 rue de Bercy, 75012 Paris
Les biotechnologies sont présentes dans impliqués dans la prévention des risques
de nombreux secteurs professionnels liés aux biotechnologies vous présente-
(santé, industrie, agroalimentaire, ront le contexte réglementaire, leurs
environnement). Elles mettent en œuvre retours d’expériences et les bonnes
des organismes vivants ou leurs compo- pratiques à mettre en œuvre.
sants et peuvent présenter des risques Cette journée s’adresse aux chargés de
ĨīďåÐĮĮðďĊĊÐăĮĮĨÑÆðťĪķÐĮȘ prévention, aux services de santé au
Des experts et des acteurs d’entreprises travail et aux chefs d’entreprise.

INSCRIPTION : www.inrs-biotechnologies2020.fr CONTACT : biotechnologies2020@inrs.fr

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sur les risques liés aux déplacements professionnels

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RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL
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TOUS LES ARTICLES PUBLIÉS DANS LA REVUE
RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL
RECOMMANDATIONS Ces recommandations aux
auteurs s’inspirent des
exigences uniformes éditées

AUX AUTEURS par le groupe de Vancouver.


Ce groupe de rédacteurs
de revues biomédicales,
réuni en 1978 afin d’établir
des lignes directrices sur le
format des manuscrits, est
devenu depuis le Comité
international des rédacteurs
de revues médicales
LA REVUE (CIRRM) et a produit une
La revue Références en Santé au Travail a pour objet d’apporter aux cinquième édition des
équipes des services de santé au travail des informations médi- exigences uniformes. Le style
cales, techniques et juridiques utiles à l’accomplissement de leurs Vancouver de ces exigences
missions. est inspiré en grande partie
Cette revue périodique trimestrielle est publiée par l’INRS, Institut d’une norme ANSI (American
national de recherche et de sécurité. National Standards Institute)
La rédaction se réserve le droit de soumettre l’article au comité de que la NLM (National
rédaction de la revue ou à un expert de son choix pour avis avant Library of Medicine) a
acceptation.
adoptée pour ses bases de
données (ex. Medline).
Les énoncés ont été publiés
LE TEXTE dans le numéro du 15
Le texte rédigé en français est adressé à la rédaction sous la forme février 1997 du JAMC,
d’un fichier Word, envoyé par mail (ou fourni sur une clé USB). Journal de l’Association
Les règles élémentaires de frappe dactylographique sont respec- Médicale Canadienne.
tées ; le formatage est le plus simple possible, sur une colonne,
sans tabulation ni saut de pages. La frappe ne se fait jamais en Les directives aux auteurs
tout majuscules : Titre, intertitre ou noms d’auteurs sont saisis en sont également disponibles
minuscules. en français sur le site Internet
La bibliographie est placée en fin de texte par ordre alphabétique de la CMA, Canadian Medical
de préférence, suivie des tableaux et illustrations, et enfin des Association, à l'adresse
annexes. suivante : www.cma.ca
Tout sigle ou abréviation est développé lors de sa première appa-
rition dans le texte.
Les sous-titres de même niveau sont signalés de façon identique
tout au long du texte.
Un résumé en français (maximum 10 lignes) accompagne l’article,
ainsi que des points à retenir : il s’agit, en quelques phrases brèves,
de pointer les éléments essentiels que le ou les auteurs souhaitent
que l’on retienne de leur article.
La liste des auteurs (noms, initiales des prénoms) est suivie des
références du service et de l’organisme, ainsi que la ville, où ils
exercent leur fonction.
Des remerciements aux différents contributeurs autres que les
auteurs peuvent être ajoutés.

LES ILLUSTRATIONS ET LES TABLEAUX


Les figures, photos, schémas ou graphiques… sont numérotés et
appelées dans le texte.
Tous les éléments visuels sont clairement identifiés et légendés.
Les photographies sont fournies sous format numérique (PDF, EPS,
TIFF OU JPG…), compressés (zippés) et envoyés par mail. Leur réso-
lution est obligatoirement de qualité haute définition (300 dpi).
LES RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Les références bibliographiques sont destinées :
- à conforter la crédibilité scientifique du texte,
- à permettre au lecteur de retrouver facilement le document cité.
La bibliographie, placée en fin d’article, de préférence par ordre alphabétique, est toujours saisie en minuscules.
Dans le texte, les éléments bibliographiques sont indiqués entre crochets (auteurs, année de publication, et lettre
alphabétique lorsque plusieurs articles du ou des mêmes auteurs ont été publiés la même année).
Si la bibliographie est numérotée, elle suit l’ordre d’apparition des références dans le texte.
Lorsqu’il y a plus de quatre auteurs, ajouter la mention : « et al. »
Les titres des revues sont abrégés selon la liste de l’Index Medicus : www.nlm.nih.gov
Forme générale pour un article :
Nom(s) prénom(s) (initiales) – Titre de l’article. Titre de la revue abrégé. année ; volume (numéro, supplément ou
partie*) : première - dernière pages de l’article.
* Si données disponibles.
Pour les auteurs anonymes, la référence bibliographique commence par le titre de l’article ou de l’ouvrage.
Pour un article ou un ouvrage non encore publié mais déjà accepté par l’éditeur, joindre la mention « à paraître ».
Si volume avec supplément : 59 suppl 3 - Si numéro avec supplément : 59 (5 suppl 3) - Si volume et partie : 59 (Pt 4)
Exemple article de revue : Souques M, Magne I, Lambrozo J - Implantable cardioverter defibrillator and 50-Hz
electric and magnetic fields exposure in the workplace. Int Arch Occup Environ Health. 2011 ; 84 (1) : 1-6.
Forme générale pour un ouvrage :
Nom(s) prénom(s) (initiales) – Titre de l’ouvrage. Numéro d’édition*. Collection*. Ville d’édition : éditeur ; année :
nombre total de pages*.
* Si données disponibles.
Exemple ouvrage : Gresy JE, Perez Nuckel R, Emont P - Gérer les risques psychosociaux. Performance et bien-être
au travail. Entreprise. Issy-les-Moulineaux : ESF Editeur ; 2012 : 223 p.
Exemple chapitre dans un ouvrage : Coqueluche. In: Launay O, Piroth L, Yazdanpanah Y. (Eds*) - E. Pilly 2012.
Maladies infectieuses et tropicales. ECN. Pilly 2012. Maladies infectieuses et tropicales. 23e édition. Paris : Vivactis
Plus ; 2011 : 288-90, 607 p.
* On entend ici par « Ed(s) » le ou les auteurs principaux d’un ouvrage qui coordonnent les contributions d’un en-
semble d’auteurs, à ne pas confondre avec la maison d’édition.
Exemple extrait de congrès : Bayeux-Dunglas MC, Abiteboul D, Le Bâcle C - Guide EFICATT : exposition fortuite à
un agent infectieux et conduite à tenir en milieu de travail. Extrait de : 31e Congrès national de médecine et santé
au travail. Toulouse, 1-4 juin 2010. Arch Mal Prof Environ. 2010 ; 71 (3) : 508-09.
Exemple thèse : Derock C – Étude sur la capillaroscopie multiparamétrique sous unguéale des expositions chro-
niques professionnelles en radiologie interventionnelle. Thèse pour le doctorat en médecine. Bobigny : Université
Paris 13. Faculté de médecine de Bobigny « Léonard de Vinci » : 177 p.
Forme générale pour un document électronique :
Auteur - Titre du document. Organisme émetteur, date du document (adresse Internet)
Exemple : Ménard C, Demortière G, Durand E, Verger P (Eds) et al. - Médecins du travail / médecins généralistes :
regards croisés. INPES, 2011 (www.inpes.sante.fr/CFESBases/catalogue/pdf/1384.pdf).
Forme générale pour une base de données
Nom de la base de données. Organisme émetteur, année de mise à jour de la base (adresse Internet)
Exemple : BIOTOX. Guide biotoxicologique pour les médecins du travail. Inventaire des dosages biologiques dis-
ponibles pour la surveillance des sujets exposés à des produits chimiques. INRS, 2012 (www.inrs.fr/biotox).
Forme générale pour un CD-Rom ou un DVD
Auteurs Nom(s) prénom(s) (initiales) – Titre du CD-Rom. Numéro d’édition*. Collection*. Ville d’édition : éditeur ;
année : 1 CD-ROM.
*Si données disponibles.
Exemple : TLVs and BEIs with 7th edition documentation. CD-ROM 2011. Cincinnati : ACGIH ; 2011 : 1 CD-Rom.

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