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Année 2014-2015

Droit administratif des biens


Troisième année de licence (droit privé)
Première année de master (mention droit public)
Pr. Charles Vautrot-Schwarz

SESSION DE DECEMBRE 2014

1er semestre

ELEMENTS DE CORRECTION DE L’EXAMEN


L’examen consistait en deux questions de cours, chacune notée sur 6 (la notion de travail public, la théorie des
mutations domaniales) et une question de réflexion notée du 8 (propriété publique et domanialité publique).

Remarques générales

Les notes ont été étirées au maximum en utilisant toute l’échelle de 00 à 20 (les notes vont de 00 à 16) et en
évitant de les regrouper frileusement dans la zone 08-12. L’épreuve d’examen consistait en des questions de
cours. Elle impliquait donc uniquement des éléments de connaissance assimilée et précise. Le 00 a donc
sanctionné des copies dans lesquelles aucun élément de réponse approprié n’était présent, soit qu’ils étaient hors
sujet, soit qu’ils consistaient en un simple remplissage de pages blanches sans rapport avec la question posée.
Les copies ont été corrigées sans indulgence ni sévérité en raison de la nature de l’épreuve (qui consiste encore
une fois à sanctionner des connaissances). Toujours en raison de la nature de l’épreuve, les observations portées
sur les copies sont plus succinctes que sur un exercice de dissertation ou de commentaire d’arrêts.
La qualité stylistique, grammaticale et orthographique a été un élément d’appréciation. Exceptionnellement
bonne, elle a pu entraîner une augmentation de la note, dans une limite de deux points. Mauvaise ou très
mauvaise, elle a pu être sanctionnée par un abaissement de la note dans une limite de deux points.
Le sujet n’était pas difficile et même prévisible pour les étudiants puisque les deux questions de connaissance ont
été largement étudiées en cours et que la question de réflexion a été traitée en cours et ce, dès l’introduction. Les
copies sont très mauvaises et décevantes, compte tenu des questions posées, sans surprise pour les étudiants.

1° LA NOTION DE TRAVAUX PUBLICS (sur 6 points)

ELEMENTS DU COURS

V. aussi Y. Gaudemet, Droit administratif des biens, LGDJ, n°918 et s. ; N. Foulquier, Droit administratif des
biens, n°1285 et s.

La qualification de travail public recouvre plusieurs réalités. L’expression travail public désigne d’abord les
travaux en vue de la construction ou d’aménagement d’un ouvrage ; elle désigne également le résultat de ce
travail, à savoir l’ouvrage lui-même. On va ainsi dire d’un pont ou d’une digue qu’ils sont un « travail public » et
on emploiera indistinctement la notion d’ouvrage ou de travail publics ; Mais constituent aussi des travaux
publics des opérations qui ne débouchent pas sur la réalisation d’un ouvrage : entretien d’une route, d’un parc,
d’un ouvrage …
Toutes ces opérations et leur résultat relèvent ainsi du régime des travaux publics, y compris les opérations
d’approvisionnement, de transports … ce qui illustre le caractère attractif de la notion de travaux publics. Par
exemple, les règles qui régissent la responsabilité du fait des dommages de travaux publics s’appliquent aux
dommages résultant tant de l’exécution du travail que du fonctionnement de l’ouvrage.

Il importe donc de bien identifier la définition de la notion de travaux publics afin d’en maîtriser la mise en
œuvre.

1
I. S’agissant de la définition même de la notion, les éléments de la définition sont au nombre de deux : un
élément stable et des éléments variables.

A. L’élément stable de la définition a trait à la nature du travail. Il est toujours exigé. Pour qu’il y ait travail
public, il faut qu’on se trouve en présence d’un travail portant sur un bien immeuble. Mais ces deux composantes
sont largement entendues en raison toujours du caractère attractif de la notion de travaux publics.

1. L’identification d’un travail public est, d’une part, subordonnée à la condition qu’il porte sur un immeuble. La
jurisprudence retient cependant une conception large de l’immeuble.

L’immeuble auquel se rapporte le travail peut d’abord consister en un immeuble par nature, au sens du Code
Civil. L’identification d’un immeuble par nature dépend de l’existence d’une attache avec le sol. Ainsi, ce
caractère est reconnu à un abri « ancré au sol » au-dessus d’un marché public (TC 12 janvier 1987, Derouet,
Rec. CE, p. 441), ou même à une cage de but sur un stade municipal (CE, 15 février 1989, Dechaume, RFDA
1990.2310, concL. Stirn), ou encore, un conteneur à ordures ménagères (CE, 7 juin 1999, OPHLM d’Arcueil-
Gentilly, Rec. CE, p. 169 ; RFD adm. 1999, p. 879). En revanche, ce caractère n’a pas été reconnu aux couloirs
aériens surplombant un aérodrome, qui n’ont pas un caractère immobilier (CE, 2 décembre 1987, Cie Air Inter,
Rec. CE, p. 393 ; AJDA 1988.156, chron. Azibert et De Boisdeffre ; RDP 1988.278, concl. J. Massot et note F.
Llorens), à un hangar mobile ou une tribune fixée sur des chevalets simplement posés sur le sol (CE, 14
décembre 1984, Association Les Amis du Puys aux images, Rec. CE, tables, p. 767 : les gradins démontables qui
ont été installés par les services d’une commune afin de permettre la représentation d’un spectacle de cirque
donné par une association ne présentent pas le caractère d’un immeuble. Ainsi, l’accident survenu à un
spectateur, dû à l’effondrement d’une partie des gradins, ne peut être regardé comme ayant pour cause
l’exécution d’un travail public).

L’immeuble peut aussi avoir le caractère d’immeuble par destination. C’est le cas d’un élément d’équipement
dans la mesure où il fixé sur l’immeuble à perpétuelle demeure. C’est le cas d’un orgue conçu spécialement en
fonction du studio de la maison de la radio dans lequel il devait être installé (CE, 10 février 1978, Société Muller,
Rec. CE, p. 65 ; RD publ. 1979, p. 543, note M. Waline), d’un lustre installé à perpétuelle demeure au plafond
d’un ministère (CE, 19 décembre 1962, Louve, Rec. CE, p. 695), de travaux réalisés sur une installation de
chauffage existante (TC, 23 octobre 2000, Soc. Solycaf c/ EDF-GDF, req. n° 3195, Rec. CE, p. 772; RDI 2001,
p. 61, obs. F. Llorens et P. Soler-Couteaux).

Sont enfin assimilés à des ouvrages publics des éléments mobiliers qui constituent l’accessoire d’un ensemble
comportant des éléments immobiliers. C’est le cas d’un bac reliant les deux tronçons d’une route (TC, 15 octobre
1973, Barbou, Rec. CE, p. 848 ; AJDA 1974.94, concl. G. Braibant), d’un ascenseur installé dans un édifice
public (CE, 23 mars 1966, Soc. Otis-Lifre, Rec. CE, p. 231), d’une passerelle télescopique destinée à assurer
l’embarquement des passagers dans un aéroport (CAA Lyon, 13 juin 1983, CCI Lyon).

Cela étant, les exigences de la jurisprudence relativement à ce caractère immobilier de l’ouvrage peuvent être
très faibles (CE, 17 octobre 1988, UAP, Rec. CE, p. 733 : à propos des obstacles de parcours complet
d’équitation fait de simples troncs d’arbres).

2. Pour qu’il y ait travail public, il faut, d’autre part, que l’immeuble ait fait l’objet d’un travail – on convoque
avantageusement le pluriel en parlant de travaux.

Ceux-ci doivent être suffisamment importants. Constituent à ce titre des travaux publics une chaîne posée entre
deux bornes à l’entrée de l’allée des Alyscamps à Arles (CE, 11 mai 1959, Dauphin, D 1959, jurisp. p. 314,
concl. Mayras), un site naturel spécialement aménagé par une commune en vue de l’accueil des touristes  (CE, 21
octobre 1983, Boineau, Rec. CE, p. 425), ou encore un petit bassin spécialement aménagé par une commune
dans les rochers d’une plage (CE, 6 mars 1968, Huet, Rec. CE p. 166).
En revanche, ne constituent pas des travaux ou des ouvrages publics une plage non aménagée (CE, 23 juin 1971,
Cne Saint Germain-Langot, Rec. CE, p. 468), des ruisseaux non aménagés (CE, 2 décembre 1955, Commune de
Salie-du-Salat, Rec. CE, p. 571 ; CE, 5 avril 1974, Allieu, Rec. CE, p. 216), des décharges « sauvages »
d’ordures, à la différence des centres d’enfouissement qui ont été aménagés comme tels (TC, 2 décembre 1968,
Toczé, Rec. CE, p. 804 ; CE, 20 décembre 1974, Commune de Barjols, Rec. CE, p. 1195 ; CE, 29 octobre 1980,
Commune d’Yvignac, RD publ. 1981, p. 1128). Et il en est de même pour un site d’observation mis en place pour

2
permettre l’observation d’une éruption, compte tenu du caractère limité des aménagements qu’il comporte (CAA
Bordeaux, 1er avril 2008, n°05BX01994, Dr. adm. 2008, n° 88, note N. Exposta).

Pour finir sur ce point, on notera le cas aujourd’hui anecdotique des pistes de ski car, désormais, l’exploitation
des pistes de ski est un service public industriel et commercial et les litiges opposant les skieurs à la commune en
assurant la gestion relève de la juridiction judiciaire (CE, 19 février 2009, Beaufils, RFDA 2009.777, note D.
Pouyaud ; TC, 6 avril 2009, Ferry, n° 3684, RJEP 2009, P. 50, concl. I. De Silva). Auparavant, la qualification
de la piste (et non du service l’exploitant) avait une grande importance. Une piste de ski ne constitue pas
normalement un ouvrage public, en elle-même (CE, Sect., 12 décembre 1986, Rebora, Rec. CE, p. 281 ; AJDA
1987, p. 354, concl. Bonichot ; Rev. adm., 1987, p. 39, note Ph. Terneyre ; Petites Affiches, 6 mars 1987, p. 4,
note F. Moderne), mais il a été jugé qu’il en allait autrement lorsque la piste avait fait l’objet d’un aménagement
particulier (CE, 13 février 1987, Vieville, Rec. CE, p. 60 : en l’espèce, un poteau soutenant un filet de protection
destiné à empêcher les skieurs de quitter la piste).

Mais la notion même de travail est appréciée de manière extensive. Le travail en cause peut consister en travaux
portant sur la structure de l’immeuble (la construction proprement dite mais également la démolition ou
l’aménagement interne de bâtiment). Mais au-delà, relèvent des travaux publics les opérations préliminaires à la
construction, par exemple, le déblaiement et le nivellement du terrain (CE, 1 er juillet 1959, Min. des Aff.
Etrangères, Rec. CE, p. 477), l’évacuation des déblais (CE, 11 février 1927, Touzé, Rec. CE, p. 202 ; CE, 22 mai
1958, Cie Centrale travaux publics, Rec. CE, p. 290), le transport de matériaux destinés à l’exécution d’un
travail public (CE, 28 mai 1935, Quignard, Rec. CE, p. 627), ou encore les opérations d’entretien et même les
opérations matérielles qui peuvent intéresser directement l’immeuble relèvent des travaux publics (CE, 9 février
1934, Mabille, Rec. CE, p. 201 : le nettoiement, arrosage et balayage des voies publiques).
Ce qui fait qu’en pratique, il n’y a guère que les travaux d’entretien consistant en de simples besognes ménagères
qui ne sont pas considérées comme des travaux publics (lavage des vitres, balayage) car ils ne concernent ni la
structure, ni l’aménagement, ni la conservation des immeubles.

B. Toutefois, la condition relative à la nature du travail ne suffit pas à la caractérisation d’un travail public. Il faut
que s’y ajoute une autre condition relative aux conditions de réalisation du travail. Cette condition a cependant
évolué : à la conception traditionnelle du travail public est venue en effet s’en ajouter une autre en 1955. Ainsi,
la définition comporte des éléments variables, l’un résultant de la jurisprudence Commune de Monsegur, l’autre
résultant de la jurisprudence Effimieff.

1. La conception classique du travail public résulte de l’arrêt Commune de Monségur (CE, 10 juin 1921,
Commune de Monsegur). Trois enfants se suspendent à la vasque d’un bénitier installé dans une église. Le
bénitier se renverse et l’un deux à la jambe sectionnée. Pouvait-on y voir un dommage de travaux publics ? D’un
côté, l’immeuble est un bien appartenant à une personne publique (la commune) ; mais, de l’autre, ce bien n’est
pas affecté à un service public car depuis les lois de Séparation, le service du culte n’est plus un service public.
Le Conseil d’Etat considère que s’il n’y pas service public, les travaux litigieux étaient néanmoins réalisés pour
le compte d’une personne publique et dans un but d’utilité générale, en l’occurrence la mise à disposition des
fidèles de l’édifice religieux. Il considère donc que dans ces conditions le dommage relève bien des travaux
publics. Sont ainsi des travaux publics les travaux immobiliers réalisés pour le compte d’une personne
publique dans un but d’utilité générale.

Il en résulte que la notion de travaux publics est ici dissociée de celle de service public : l’identification d’un
travail public n’implique pas qu’il soit destiné à un service public (CE, 13 février 1942, Ville de Sarlat, Rec. CE,
p. 49 : un travail exécuté sur un immeuble utilisé par un service public peut n’être pas un travail public. Travail
exécuté sur les monuments historiques privés). De même, la notion de travaux publics est dissociée de celle de
domaine public : il importe peu que les travaux soient réalisés ou non sur le domaine public.

Cette définition est toujours appliquée. Mais l’évolution a conduit le Tribunal des Conflits à lui ajouter une
deuxième composante.

2. La conception nouvelle du travail public résulte de la jurisprudence Effimieff (TC, 28 mars 1955, Effimieff).
Après la Seconde guerre mondiale, le législateur a institué des associations syndicales de reconstruction ayant le
statut d’établissement public. Il leur a confié la mission de faire exécuter les travaux de reconstruction pour le
compte de leurs membres qui étaient aussi bien des collectivités publiques que des particuliers. Ces travaux ont
donné lieu à des litiges avec leurs membres (sinistrés dont les associations étaient les mandataires) et les
entrepreneurs. La question s’est alors posée de savoir si des travaux, certes exécutés par des personnes morales
de droit public, mais au profit de personnes privées pouvaient se voir reconnaître le caractère de travaux publics.

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La conception classique ne permettait pas de les qualifier de travaux publics car ils avaient pour destinataires des
personnes privées et non des personnes publiques, comme la condition en était posée par l’arrêt Commune de
Monségur. Pour leur reconnaître le caractère de travaux publics, le Tribunal des Conflits, d’une part, étend la
définition du travail public : Il considère que les travaux en cause sont des travaux publics, alors même qu’ils ont
pour bénéficiaires des personnes privées, mais d’autre part, l’enferme dans une limite, en ce sens que seuls les
travaux réalisés par une personne publique dans le cadre de sa mission de service public – notion plus
restrictive que l’utilité générale de l’arrêt Commune de Monségur – se voient reconnaître le caractère de travaux
publics.
Une telle évolution a ses raisons d’être. Tout d’abord, elle résulte des mutations intervenues dans l’action
administrative. Jusqu’à la seconde guerre mondiale, l’administration réalisait des travaux pour elle-même et les
particuliers intervenaient comme entrepreneurs. A partir de cette date, la répartition des rôles est perturbée  :
l’administration intervient en qualité d’entrepreneur au profit des particuliers dans un but de service public (CE,
20 avril 1956, Ministre de l’Agriculture c/ Consorts Grimouard, GAJA, n° 94 : opération de déboisement ou
reboisement réalisée par l’administration sur des terrains privés en vertu de contrats passés avec les propriétaires
de ces terrains dans le cadre de la politique de reconstitution de la forêt française. Opération de service public,
donc travaux publics ; CE, 12 avril 1957, Mimouni, D 1957, p. 413, concl. J. Tricot, note P.L.J : Travaux
exécutés d’office par les communes sur les immeubles menaçant ruine ; travaux destinés à assurer la sécurité
publique aux frais du propriétaire).
Ensuite, la notion de service public est en plein renouveau. Des travaux immobiliers, même effectués pour le
compte de personnes privées, peuvent être des travaux publics s’ils sont réalisés dans le cadre d’une mission de
service public. Ce critère atteste du renouveau et du poids de la notion de service public dans ces années. Et son
emploi contribue à l’élargissement de la notion de travail public. Mais sa mise en œuvre l’affecte d’une marge
d’imprécision qui a été bien évidemment critiquée par la doctrine.
Enfin, cette évolution tient aussi de considérations propres à l’espèce. Dans le cas particulier de l’arrêt Effimieff,
le Tribunal des Conflits a eu le souci d’assurer l’indivisibilité du régime des travaux des associations de
reconstruction et de ne pas distinguer selon qu’ils sont réalisés pour le compte de l’administration ou pour le
compte de personnes privées.

De ce qui précède, il résulte que le travail public est un travail immobilier réalisé, soit pour le compte
d’une personne publique dans un but d’utilité générale, même s’il n’a pas service public ( Commune de
Monségur : critère de la destination des travaux), soit par une personne publique dans un but de service
public, même pour le compte d’une personne privée (Effimieff : critère des modalités d’exécution des
travaux). Mais dans les deux cas, deux critères donnent son unité fondamentale à la notion par-delà la
diversité de leur déclinaison : il faut que les travaux comportent à un titre ou à un autre l’intervention
d’une personne publique et qu’ils correspondent à une fin d’intérêt général.

II. Toutefois, la mise en œuvre de cette définition peut poser des difficultés. La diversité des critères qui rentrent
dans la définition du travail public rend parfois difficile leur application concrète. C’est ce qui rend nécessaire
d’illustrer les principales applications contemporaines de la notion de travaux publics.

A. La première difficulté tient à l’identification d’une personne publique. La question est essentielle car, dans la
définition classique, il faut que les travaux aient été réalisés pour le compte d’une personne publique et, dans
la définition Effimieff, ils aient été réalisés par une personne publique. Or, par ailleurs, l’Etat et les autres
personnes morales de droit public agissent de plus en plus au travers d’organismes à statut privé, à propos
desquels on peut s’interroger sur la nature des travaux qu’ils réalisent.

1. Dans le cadre de la mise en œuvre de la jurisprudence Commune de Monségur, sont des travaux publics les
travaux réalisés directement par une personne publique pour son propre compte et qu’on appelle travaux en régie
sont des travaux publics. Ainsi, les travaux réalisés par les OPHLM (établissements publics) sont des travaux
publics, qu’il s’agisse de la construction ou de l’entretien de l’immeuble (CE, 13 novembre 1936, Olive, Rec.
CE, p. 989) ou même de travaux d’entretien d’une voie privée dépendant de l’Office (CE, Sect. 20 mai 1960,
OPHLM de Paris c/ Fontenelle, Rec. CE, p. 353 ; D 1960, p. 655, concl. Dutheillet de Lamothe : Défaut
d’entretien normal, à propos d’un accident survenu à un chauffeur de taxi et provoqué par la présence d’un socle
en béton implanté au milieu d’une rue qui était une dépendance d’un groupe d’immeubles appartenant à
l’OPHLM de Paris ; ce socle ne supportant plus la borne munie de chaînes qui avait été installée en 1936 à l’effet
d’interdire la circulation des véhicules dans cette rue, si bien qu’il ne constituait plus qu’un obstacle dangereux) 1.

1
TC, 18 octobre 1999, Caisse primaire d’assurance maladie de l’Essonne, Rec. CE, p. 474 : le locataire d’un
OPHLM, victime d’un accident survenu dans l’ascenseur desservant son immeuble qui est une « dépendance des
locaux dont la jouissance résulte du contrat de bail » détient une action qui ne peut trouver sa source que dans le

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De même, l’immeuble HLM lui-même est un ouvrage public (CE, 21 mars 1980, OPHLM des Bouches-du-
Rhône, Rec. CE, p. 165 ; CE, 8 mars 1985, OPHLM de Haute-Saône c/ Vittet, Droit adm. 1985, n° 222 ; RD
publ. 1985, p. 1407).
Mais l’administration a très souvent recours à des entrepreneurs en vue de l’exécution de travaux publics pour
son compte, notamment par des entrepreneurs. Les travaux publics ainsi réalisés sont des travaux publics, même
s’ils sont réalisés pour le compte d’un établissement public industriel et commercial. En effet, le fait que ces
organismes gèrent un service public industriel et commercial est sans influence sur la qualification publique de
leurs travaux (CE, 19 février 1969, EDF c/ Entreprise Pignatta et Repetti, Rec. CE, p. 107 : à propos des travaux
d’EDF ; (TC, 23 octobre 2000, Soc. Solycaf c/ EDF-GDF, req. n° 3195, Rec. CE, p. 772 ; RDI, p. 61, obs. F.
Llorens et P. Soler-Couteaux : à propos des travaux d’EDF et de GDF).

2. Dans le cadre de la mise en œuvre de la jurisprudence Effimieff, les travaux réalisés par les collectivités
publiques territoriales, par exemple les travaux exécutés d’office sur les immeubles menaçant ruine sont des
travaux publics (CE, 12 avril 1957, Mimouni, D. 1957.284, concl. Tricot), mais aussi les travaux réalisés par les
établissements publics, même si c’est un établissement public et commercial. Par exemple sont des travaux
publics les branchements particuliers de gaz et d’électricité réalisés par EDF-GDF pour le compte de particuliers
qui en sont propriétaires (CE, 22 janvier 1960, Gladieu, RD publ. 1960, p. 686, concl. Fournier).
En revanche, ne sont pas qualifiés de travaux publics, ceux réalisés par des organismes qui ne sont pas des
personnes publiques (Caisses de sécurité sociale ; Sociétés d’HLM, sociétés régies par le droit privé : CE, 7
novembre 1958, Entreprise Eugène Revert, RD publ. 1959, p. 593, concl. Heumann ; Sociétés coopératives de
reconstruction : CE, 18 mai 1960, Epoux Grenet, Rec. p. 340 ; Sociétés d’économie mixte ou entreprises
publiques à statut privé : CE, Sect., 20 mars 1981, Société entreprise Auchan, AJDA 1981, p. 547, note Weber).

B. La deuxième difficulté est de déterminer quel est l’élément d’identification de la réalisation «  pour le
compte  » de la personne publique. La difficulté concerne particulièrement les travaux qui ont pour objet la
réalisation d’un ouvrage dont il faut déterminer s’il a été réalisé « pour le compte » d’une personne publique.
Quel est l’élément permettant d’identifier que l’ouvrage a été réalisé « pour le compte » ? Pour que l’ouvrage
réalisé par un entrepreneur privé soit qualifié de travail public, il faut qu’il soit destiné revenir à la personne
publique. Cet élément d’appropriation par une personne publique est essentiel.

Ainsi, ne peut être qualifié de travail public, un ouvrage qui n’est pas destiné à être remis à une personne
publique. Par exemple, la réalisation du synchrotron destiné à être exploité par une société à des fins
scientifiques et à être démantelé lors de la liquidation de celle-ci, sans être remis au CNRS et au CEA, personnes
morales de droit public français détenant des parts dans son capital, ne peut être qualifiée d’ouvrage public (CE,
17 décembre 1999, Sté Aménagement Lot-et-Garonne, RFDA 2000.200, chron. Ph. Terneyre).
C’est aussi le cas des travaux de construction de logements à usage locatif et à caractère social exécutés par une
société immobilière d’économie mixte, personne de droit privé, bien qu’ils soient financés en partie par une
subvention de l’Etat, dès lors qu’ils resteront dans le patrimoine de la société (CAA Lyon, 10 juillet 2007, Soc.
imm. D’économie mixte Ville de Cours, n° 06LY02110).

Plus généralement, le critère de l’appropriation n’est pas rempli lorsque l’immeuble n’est pas destiné à être
remis à l’administration dès son achèvement. Car, dans ce cas, elle n’est pas destinataire des travaux en qualité
de maître d’ouvrage, c’est-à-dire de propriétaire. Par conséquent, l’ouvrage réalisé n’est pas un ouvrage public.
Cette situation se présente lorsque la personne publique se procure un ouvrage en recourant aux techniques
contractuelles du droit privé, ce qui est parfaitement autorisé, c’est-à-dire dans le cadre de contrats dans
lesquelles elle n’assure pas la maîtrise d’ouvrage. C’est le cas de la vente à terme (CE, 4 octobre 1967, Trani,
Rec. CE, p. 352 : à propos de locaux achetés par l’administration dans un immeuble construit par une entreprise),
de la location avec option d’achat (CE, 12 octobre 1988, Ministère des affaires sociales c/ Société d’études,
réalisation, gestion immobilière et construction (SERGIC), Rec. CE, p. 338, Petites Affiches, 19 juillet 1989, n°
86, p. 10, note F. Llorens ; CJEG, 1990, p. 119, note E. Fâtome : immeuble construit par la SERGIC, société
privée, à la demande de l’administration en vue de l’installation d’une Direction départementale de
l’agriculture).

Les travaux réalisés par les concessionnaires des personnes publiques sont qualifiés de travaux publics. Ces
concessionnaires sont des personnes privées et font réaliser des travaux par des entreprises privées sur les
ouvrages compris dans le périmètre de la concession. Ils sont néanmoins qualifiés de travaux publics car ils sont
contrat de droit privé qui le lie à l’office ; TC, 24 mai 2004, Consorts Garcia c/ OPHLM de l’Aude, AJDA
2005, p. 34, note M. Deguergue : un accident causé par un ouvrage dépendant de l’ensemble immobilier d’un
OPHLM à l’enfant d’un locataire se rattache au contrat de bail privé et l’action en indemnisation du dommage
relève des tribunaux judiciaires

5
réalisés sur des ouvrages concédés par la personne publique et sont destinés à revenir à la collectivité en fin de
concession. Ils sont donc présumés être réalisés pour son compte (CE, 22 juin 1928, De Sigalas, Rec. CE p.
125, concl. Josse : concessionnaire de chute d’eau ; TC, 7 janvier 1972, SNCF c/ Solon et Barrauld, RD publ.
1972, p. 474, concl. G. Braibant ; TC, 12 décembre 1957, Ané c/ EDF, CJEG, p. 56, p. 1, note Carron).
La solution est intéressante car formellement aucune personne publique ne figure à l’opération de réalisation du
travail concerné. Ses applications sont nombreuses. Elles concernent en particulier les sociétés d’aménagement
et d’équipement urbain, de construction d’autoroutes, souvent constituées en la forme de sociétés d’économie
mixte, mais aussi les travaux du concessionnaire d’énergie hydraulique sont des travaux publics, ce qui concerne
les concessions dont EDF est titulaire (CE, 22 juin 1928, Epoux de Sigalas, Rec. CE, p. 125, concl. Josse ; RD
publ. 1928, p. 525, concl. : à propos des concessionnaires de chutes d’eau) ; les travaux réalisés par RFF, EDF,
GDF sur des ouvrages tels que les voies ferrées, les barrages, les centrales thermiques ou les lignes de transports
d’électricité ou de gaz sont des travaux publics.

C. La troisième difficulté est de déterminer l’élément d’identification de la réalisation par une personne publique
« pour le compte »¸ cette fois, d’une personne privée. Ici se pose la question du degré de l’intervention de la
personne publique au côté de la personne privée pour que l’on puisse considérer que la première a agi « pour le
compte » de la seconde. Ainsi, une simple aide ou une simple surveillance ne suffit pas à faire considérer les
travaux comme réalisés par une personne publique (TC, 28 avril 1980, Prunet, AJDA 1980, p. 605, note F.M. :
travaux entrepris par le propriétaire d’un monument historique avec le concours d’un architecte des monuments
historiques sous la surveillance et avec l’aide financière de l’Etat ; CE, 21 décembre 1983, Commune de Liège,
Droit adm. 1984, n° 40 : exhaussement d’une digue entreprise par des personnes privées auquel la commune a
apporté une aide limitée en personnel et matériel).

D. La quatrième difficulté tient à l’identification d’un but d’intérêt général ou de service public.

Le but d’intérêt général au sens de la jurisprudence Commune de Monségur est particulièrement large, plus large
que la notion de service public. Ainsi, dans l’affaire Commune de Monségur, les travaux d’entretien d’une église
postérieurement à la loi de Séparation ont été qualifiés de travaux publics. Sont ainsi qualifiés de travaux publics
ceux réalisés par une commune au profit d’une entreprise privée dans le but de maintenir ou de développer
l’activité économique et l’emploi sur le territoire de cette collectivité (Cass. Civ. 1 ère, 25 février 2003, Bull. civ.
2003, I. n° 57 ; TC, 8 juin 2009,  req. no 3678, Communauté de communes Jura Sud c/ Sté Safege
Environnement,  AJDA 2009. 1175, obs. S. Brondel : La création d'une unité de production d'eau de source,
visant à promouvoir le développement économique et l'emploi sur le territoire communautaire, répond à un but
d'intérêt général. Les travaux litigieux ont donc le caractère de travaux publics).

Néanmoins, un travail dont la réalisation ne poursuit pas un but d’utilité générale ne peut se voir reconnaître la
qualification de travail public. C’est le cas de travaux destinés uniquement à entretenir ou améliorer le
patrimoine de la collectivité publique (CE, 18 janvier 1924, Casino de Saint Malo, Rec. CE, p. 58 : en l’espèce
un casino) ou encore de travaux réalisés par les permissionnaires de voirie car bien que ces travaux soient
exécutés sur le domaine public, le permissionnaire de voirie agit dans son seul intérêt ; il manque donc la
poursuite d’un but d’intérêt général (TC, 25 janvier 1982, Melle Quintard, RD publ. 1982, p. 1142). Cette
solution est même étendue aux travaux de remise en état du domaine, par exemple de la voirie, imposés par la
permission (CE, 11 mai 1962, Dame Vve Ymain, Rec. CE, p. 316 ; D 1962, p. 556, concl. M. Combarnous).

III. La présentation des critères de la notion de travaux publics permet de la mettre en perspective par rapport à
des notions voisines dont on peine parfois à la distinguer.

A. La notion de travaux publics se distingue de la notion de domaine public. Les deux notions n’ont pas la même
fonction. La notion de travaux publics est nécessaire à la détermination de la compétence juridictionnelle et à la
détermination du droit applicable à des matières comme la responsabilité ou les contrats. La notion de domaine
public sert à déterminer le régime juridique applicable au bien qui y est incorporé (inaliénabilité ;
imprescriptibilité).
Ainsi peuvent être qualifiés de travaux publics des travaux réalisés sur le domaine privé des personnes publiques
comme les chemins ruraux appartiennent au domaine privé des communes en vertu d’une mesure législative
mais les travaux les concernant sont des travaux publics (CE, 16 mars 1955, Ville de Grasse, Rec. CE, p. 161),
les travaux réalisés dans les forêts domaniales et sur les routes ouvertes à la circulation générale  (CE, 28
septembre 1990, ONF c/ Demoiselle Dupouy, D 1990, SC. p. 32 : accidents de travaux publics. L’aménagement
des voies consistait en l’espèce en de simples panneaux de limitation de vitesse).

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B. La notion de travaux publics se distingue aussi de la notion d’ouvrage public. Les deux notions sont proches.
Néanmoins, elles ne se confondent pas. En effet, tous les travaux publics n’aboutissent pas nécessairement à la
création d’un ouvrage public. Ainsi, par application de la jurisprudence Effimieff les travaux effectués d’office
sur l’immeuble d’un particulier qui menace ruine sont des travaux publics exécutés sur un immeuble qui n’est
pas un ouvrage public (CE, 12 avril 1957, Mimouni, D 1957, p. 413, concl. J. Tricot). De même, à propos d’une
passerelle appartenant à un particulier et reconstruite par l’administration à laquelle le juge ne reconnaît pas le
caractère d’un ouvrage public même si les travaux de reconstruction sont des travaux publics (TC, 6 février
1956, Consorts Saury, Rec. CE, p. 586).
L’ouvrage public peut exister indépendamment de tout travail public. Ainsi l’ouvrage édifié par un particulier
dans un but purement privé et acquis seulement ensuite par l’administration.

Par ailleurs, les deux notions fonctionnent de manière autonome dans certains cas qu’il faut identifier. D’une
part, la notion de travaux publics conserve son autonomie. Ainsi, tous les travaux effectués sur des ouvrages
publics sont très généralement et en principe des travaux publics. Mais exceptionnellement des travaux exécutés
sur un ouvrage public peuvent ne pas être des travaux publics : c’est le cas des travaux réalisés par les
particuliers permissionnaires de voirie en vertu d’une permission de voirie. Il s’agit, en effet, de travaux réalisés
par le permissionnaire dans son intérêt propre. D’autre part, la notion d’ouvrage public conserve elle aussi son
autonomie. Si sont considérés comme des ouvrages publics, la plupart des immeubles appartenant aux personnes
publiques comme ayant été réalisés pour leur compte, il a été admis que les ouvrages publics puissent appartenir
à des personnes privées. On l’a dit des biens de reprise des concessionnaires affectés au service public (v. supra ;
TC, 12 décembre 1957, Ané c/ EDF, CJEG, p. 56, p. 1, note Carron). Mais la jurisprudence considère également
que présentent le caractère d'ouvrage public notamment les biens immeubles résultant d'un aménagement, qui
sont directement affectés à un service public, y compris s'ils appartiennent à une personne privée chargée de
l'exécution de ce service public (CE, Ass. Avis du 29 avril 2010, n° 323179, Rec. Lebon ; RFD adm. 2010.557,
concl. M. Guyomar et note F. Melleray ; RDI 2010.390, note O. Fevrot : A propos de l’application du régime des
dommages de travaux publics, se posait la question de la qualification à donner à une centrale thermique
exploitée par d’EDF dont le statut a changé par l’effet des lois de 2000 et 2004 relative au statut de l’électricité,
qui ont fait d’EDF une personne morale de droit privé. V. antérieurement, TC, 12 avril 2010, Soc. ERDF, RFDA
2010.551, concl. M. Guyomar ; AJDA 2010.1642, note S-J. Liéber; RFDA 2010.572, note F. Melleray ; JCP
2010, n° 2173, note J. Moreau : Les postes de transformation électrique sont directement affectés au service
public de distribution électrique. Ils constituent par suite des ouvrages publics, même s’ils appartiennent à une
société privée, issue de la transformation d’un ancien établissement public. Voir pour une solution identique :
TC, 12 avril 2010, Société ERDF c/ M. et Mme Michel, n° 3718, Rec. Lebon ; RFD adm 2010.551, concl. M.
Guyomar : pour les ouvrages affectés au service public de distribution de l'électricité ; Comp., s'agissant des
ouvrages détenus par France Télécom, CE, Sect., 11 juillet 2001, Adelée, n° 229486, p. 372).

ELEMENTS DE CORRECTION

Il paraît évident que l’ensemble des éléments présents ici n’était pas requis dans la réponse  ! Toutefois, il était
exigé des réponses une précision importante, notamment dans la détermination d’une définition conceptuelle qui
était le cœur de la réponse – le travail public est un travail immobilier réalisé, soit pour le compte d’une personne
publique dans un but d’utilité générale, même s’il n’a pas service public (Commune de Monségur : critère de la
destination des travaux), soit par une personne publique dans un but de service public, même pour le compte
d’une personne privée (Effimieff : critère des modalités d’exécution des travaux), ainsi qu’une grande rigueur
dans l’analyse de la mise en œuvre de cette définition.
L’élément invariable a été noté sur 1 ; les éléments invariables ont été notés sur 2 ; les éléments tenant aux
difficultés d’identification sur 1 (le plus difficile à faire) ; la mise en perspective par rapport aux autres notions
(domaine public et ouvrage public) sur 2.

REPONSE TYPE (qui ne présuppose évidemment pas qu’une autre manière de répondre a été
admise, pourvu qu’elle fournisse les éléments exigés. Il y a toujours plusieurs manières de
répondre à une question posée).

Un travail public est un travail matériel portant sur un immeuble effectué soit pour le compte
d’une personne publique dans un but d’utilité générale (jurisprudence Commune de
Monségur), soit par une personne publique dans le cadre d’une mission de service public
(jurisprudence Effimieff). Cette définition, qui contient un élément stable – un travail matériel
sur un immeuble – et un élément alternatif – selon les conditions de réalisation du travail –

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résulte d’une jurisprudence constante du Conseil d’Etat qui a su évoluer au gré des besoins
sociaux.
S’agissant de l’élément alternatif, il y a lieu de noter qu’à la conception traditionnelle du
travail public issue de l’arrêt du Conseil d’Etat Commune de Monsegur (10 juin 1921) est
venue en effet s’en ajouter une autre avec l’arrêt Effimieff du Tribunal des Conflits (28 mars
1955). Le premier a posé, propos d’un accident survenu dans une église, que sont des travaux
publics les travaux immobiliers réalisés pour le compte d’une personne publique dans un but
d’utilité générale. Cette branche de l’alternative définitoire est toujours appliquée, mais l’arrêt
Effimieff est venu en ajouter une à propos de travaux réalisés par des associations syndicales
de reconstruction dans le cadre de la reconstruction d’après-guerre. L’arrêt considère que des
travaux immobiliers, certes réalisés par une personne publique et ayant pour bénéficiaires des
personnes privées, sont des travaux publics dès lors qu’ils l’ont été dans le cadre d’une
mission de service public.
S’agissant de l’élément stable, l’immeuble auquel se rapporte le travail peut d’abord consister
en un immeuble par nature, au sens du Code Civil, dont l’identification dépend de l’existence
d’une attache avec le sol, ce qui est le cas d’une cage de but sur un stade municipal ou d’un
conteneur à ordures ménagères, mais pas des couloirs aériens surplombant un aérodrome,
d’un hangar mobile ou d’une tribune fixée sur des chevalets simplement posés sur le sol.
L’immeuble peut aussi avoir le caractère d’immeuble par destination, ce qui est le cas d’un
élément d’équipement dans la mesure où il fixé sur l’immeuble à perpétuelle demeure,
comme un orgue conçu spécialement en fonction du studio de la maison de la radio dans
lequel il devait être installé, ou encore d’un lustre installé à perpétuelle demeure au plafond
d’un ministère. Sont enfin assimilés à des ouvrages publics des éléments mobiliers qui
constituent l’accessoire d’un ensemble comportant des éléments immobiliers, ce qui est le cas
d’un bac reliant les deux tronçons d’une route ou d’un ascenseur installé dans un édifice
public.
Quoi qu’il en soit, il faut que l’immeuble ait fait l’objet de travaux qui soient suffisamment
importants, comme l’installation d’une chaîne posée entre deux bornes à l’entrée de l’allée
des Alyscamps à Arles ou encore d’un site naturel spécialement aménagé par une commune
en vue de l’accueil des touristes, mais pas une plage ou des ruisseaux non aménagés, de même
que des décharges « sauvages » d’ordures, à la différence des centres d’enfouissement qui ont
été aménagés comme tels. Au fond, l’important, c’est qu’il y ait construction ou démolition,
aménagement, destruction ou mise en valeur, tout en étnt conscient que relèvent aussi des
travaux publics les opérations préliminaires à la construction, comme le déblaiement et le
nivellement d’un terrain ou encore le transport de matériaux destinés à l’exécution d’un
travail public, ou encore les opérations d’entretien et même les opérations matérielles qui
peuvent intéresser directement l’immeuble, comme le nettoiement, arrosage et balayage des
voies publiques. Cet élément de la définition implique qu’en pratique, il n’y a guère que les
travaux d’entretien consistant en de simples besognes ménagères qui ne sont pas considérées
comme des travaux publics (lavage des vitres, balayage) car ils ne concernent ni la structure,
ni l’aménagement, ni la conservation des immeubles.
La mise en œuvre de cette notion n’a pas été sans difficulté. La première est venue de
l’identification d’une personne publique, dans la mesure où l’Etat et les autres personnes
morales de droit public agissent de plus en plus au travers d’organismes à statut privé, à
propos desquels on a pu s’interroger sur la nature des travaux qu’ils réalisent, comme les
Caisses de sécurité sociale, les sociétés d’HLM, les sociétés coopératives de reconstruction ou
les sociétés d’économie mixte ou entreprises publiques à statut privé. La deuxième difficulté a
été de déterminer ce que signifiait réalisation « pour le compte » de la personne publique.
Pour que l’ouvrage réalisé par un entrepreneur privé soit qualifié de travail public, il faut qu’il
soit destiné à revenir à la personne publique et ce, dès son achèvement. Cet élément

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d’appropriation par une personne publique est essentiel, en ce qu’il fait de la personne
publique le maître de l’ouvrage. La troisième difficulté a été de déterminer comment pouvait
être considérés des travaux comme réalisés « pour le compte » d’une personne privée, ce qui
posait en filigrane la question du degré de l’intervention de la personne publique au côté de la
personne privée. Il est à tout le moins certain qu’une simple aide ou une simple surveillance
ne suffit pas à faire considérer les travaux comme réalisés par une personne publique. La
quatrième difficulté est apparue à propos de l’identification d’un but d’intérêt général ou de
service public et tient à la difficulté même de qualifier ce qui est d’« intérêt général » et même
de « service public »…
Cette définition, complexe, a le mérite de la précision et permet de mettre en perspective la
notion de travail public par rapport à des notions voisines dont on peine parfois à la
distinguer. Il en est ainsi, d’une part, de la notion de domaine public, dans la mesure où
peuvent être qualifiés de travaux publics des travaux réalisés sur le domaine privé des
personnes publiques comme les chemins ruraux, qui appartiennent au domaine privé des
communes en vertu d’une qualification législative, ou les travaux réalisés dans les forêts
domaniales et sur les routes ouvertes à la circulation générale. Il en est surtout ainsi, d’autre
part, de la notion d’ouvrage public. Si les deux notions sont proches, elles ne se confondent
pas puisque tous les travaux publics n’aboutissent pas nécessairement à la création d’un
ouvrage public (les travaux effectués d’office sur l’immeuble d’un particulier qui menace
ruine sont des travaux publics alors qu’ils sont exécutés sur un immeuble qui n’est pas un
ouvrage public) et qu’un ouvrage public peut exister indépendamment de tout travail public
(cas d’un immeuble édifié par un particulier et acquis par l’administration qui l’affecte à un
but d’utilité générale). Enfin, dans un avis important, le Conseil d’Etat a récemment
considéré, à propos de la qualification à donner à une centrale thermique exploitée par d’EDF
devenue société privée, que présentent le caractère d'ouvrage public les biens immeubles
résultant d'un aménagement, qui sont directement affectés à un service public, y compris s'ils
appartiennent à une personne privée chargée de l'exécution de ce service public (CE, Ass.
Avis du 29 avril 2010).

2° PROPRIETE PUBLIQUE ET DOMANIALITE PUBLIQUE (sur 8 points)

ELEMENTS DE CORRECTION

V. aussi Y. Gaudemet, Droit administratif des biens, LGDJ, n°6 et s. et n°88 et s. ; N. Foulquier, Droit
administratif des biens, n°10 et s. et n°70 et s.

En droit administratif comme en droit civil, il existe une théorie générale des biens. Il s’agit des biens matériels
utilisés par l’administration dans l’exercice de ses différentes attributions. Ces biens peuvent être regroupés dans
deux catégories exhaustives : le domaine public et le domaine privé. La distinction du domaine public et du
domaine privé est aujourd’hui bien établie, ne serait-ce que pour les motifs de compétence contentieuse  : le
dualisme juridictionnel construit sur la base des lois des 16-24 août 1790 a en effet imposé une distinction
fondamentale au sein des patrimoines publics entre domaine public et domaine privé. Aujourd’hui, la confusion,
qu’il faut combattre, est plutôt celle qui consiste à faire de la domanialité publique un régime spécifique de
propriété qui s’opposerait à la propriété du droit privé pour le domaine privé.
Or, le droit de propriété des personnes publiques sur leurs biens est toujours de même nature, et cette nature est
celle de la propriété privée. Le régime de la domanialité publique est simplement un régime fonctionnel,
protecteur de l’utilité publique à laquelle le bien est affecté (tout comme il en existe d’autres, par exemple le
régime forestier), et qui se superpose au régime de la propriété publique.
En effet, à la catégorie juridique « domaine public » est attaché un régime spécifique ; à la catégorie juridique
« domaine privé » également. Nonobstant ces deux régimes juridiques spécifiques, les biens entrant dans ces
deux catégories font l’objet d’un droit de propriété des personnes publiques dont la nature est identique au droit
de propriété de droit privé : seul le régime juridique attaché à ce droit diffère car il est enrichi en raison de la
spécificité des personnes publiques.

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L’un des apports du CG3P est de mettre en évidence cette réalité qui, jusque là, ne faisait pas l’unanimité en
doctrine, alors pourtant qu’elle existait dans la jurisprudence. Problématique des rapports entre propriété
publique et domanialité publique peut donc se ramasser en quelques interrogations. Quelle est la nature du droit
des personnes publiques sur les biens qu’elles détiennent ? Est-ce un droit de propriété sinon identique du moins
analogue (voire en voie de banalisation ?) à celui des personnes privées ou, au contraire, le caractère public de la
personnalité de la collectivité détentrice ainsi que les fins qui les guident (l’intérêt général) justifient-elles (voire
impliquent-elles) un droit sur les biens différent de la propriété ? Et d’abord, pourquoi s’interroger sur la
question même de la spécificité du droit des personnes publiques sur leurs biens ? Tout simplement parce qu’ils
se divisent en deux ensembles et que cette distinction est exhaustive. Or, la doctrine a très rapidement émis l’idée
selon laquelle le régime de la domanialité publique était tellement spécifique qu’il excluait l’idée même de
propriété. Ainsi, cette question ne se pose que pour les dépendances du domaine public car, pour ce qui concerne
le domaine privé, la question ne s’est jamais posée et on a admis très facilement l’idée de propriété.

Les thèses niant l’existence du droit de propriété des personnes publiques sur le domaine public est apparu dès le
19e siècle sur divers fondements, dont deux principaux :
- les formules du Code civil : art. 538 : « Les chemins […] et généralement toutes les portions du
territoire français qui ne sont pas susceptibles d’une propriété privée, sont considérés comme des
dépendances du domaine public ». Il existerait donc des biens insusceptibles de propriété par nature. Le
domaine public exclut donc la propriété et les personnes publiques n’ont sur leur domaine public qu’un
« droit de garde » ou de « surintendance ».
- L’idée selon laquelle les éléments du droit de propriété seraient, s’agissant du domaine public,
introuvables : la personne publique ne détient sur eux ni l’usus qui revient au public, ni le fructus qui
n’existe pas, ni l’abusus puisque ces biens sont réputés inaliénables
Or, tous ces éléments sont facilement réfutables. C’est Maurice Hauriou qui, le premier, a mis en évidence cette
erreur. D’une part, les éléments de la propriété existent sur le domaine public. L’usus existe lorsqu’il est affecté à
un service public, de même que lorsqu’il est affecté au public : la collectivité le décide. Le fructus apparaît dans
les revenus et utilités que l’administration tire de son domaine public (cf. redevance). L’abusus est moins évident
à trouver, mais même en droit civil, celui-ci se trouve largement malmené.
D’autre part, l’idée même d’inaliénabilité implique la propriété. Comment expliquer en effet que la sortie du
domaine public (pour entrer dans le domaine privé) soit créatrice du droit de propriété ? Il est difficile d’admettre
logiquement que la désaffectation ait pour effet de créer un droit de propriété qui n’ait pas préexisté.

Nonobstant ces querelles doctrinales, il faut bien admettre que la jurisprudence témoigne depuis fort longtemps
de l’existence d’un droit de propriété des personnes publiques sur leur domaine public. Ainsi, on trouve
l’affirmation de l’existence de la propriété publique dans des propositions incidentes ou dans la terminologie
employée par de nombreux arrêts. A propos du port d’Oran, le CE fait état de terrains appartenant à l’Etat (CE,
17 janvier 1923, Piccioli). Le CE fait en outre application au domaine public des règles et actions empruntés à
l’institution du droit de propriété en général (action possessoire, action en revendication, acquisition de la
mitoyenneté au bénéfice du domaine public, acquisition des alluvions, application de la théorie de l’accession de
l’art. 552 du C. civ. (CE, 7 mai 1931, Cie nouvelle des chalets de commodité), perception de fruits naturels (CE,
24 février 1911, Jacquemin), appropriation du trésor trouvé (CE, Piccioli).

La thèse antipropriétariste doit donc être abandonnée. C’est le cas aujourd’hui, mais la doctrine des manuels n’en
a toujours pas tiré les conséquences puisque la présentation est toujours celle du domaine public au premier plan
(sauf Gaudemet et Foulquier).

Encore faut-il bien distinguer la domanialité publique de la propriété publique. Il ne faut pas confondre droit de
propriété publique et domaine public, ni faire du régime de la domanialité publique un régime de propriété
publique. L’expression « propriété publique » désigne à la fois le droit de propriété d’une personne publique sur
un bien et le régime attaché à ce droit, alors que l’expression « domaine public » désigne la catégorie juridique à
laquelle est attaché un régime spécifique : la domanialité publique. La domanialité publique, c’est donc le régime
applicable aux biens entrant dans la catégorie « domaine public ».
Ainsi, le fait qu’une personne publique soit propriétaire d’un bien ne signifie pas que celui-ci soit une
dépendance du domaine public. Encore faut-il pour cela qu’il soit affecté à une utilité publique. Ainsi, droit de
propriété publique ne signifie pas nécessairement domaine public

Détaché du domaine public, le droit de propriété est analogue dans sa nature à celui des personnes privées. En
revanche, c’est dans la distinction des régimes attachés d’une part au droit de propriété publique (la propriété
publique) d’autre part à la catégorie domaine public (la domanialité publique) que tout se joue. Le régime de la
propriété publique se superpose au régime de la propriété publique que la personne publique tient de sa qualité

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de propriétaire du bien en cause : métaphore du voile : la domanialité publique serait comme un voile qui
s’étendrait sur certains biens de la personne publique : c’est une réglementation en plus.

La régime de la propriété publique est donc un régime foncier, alors que la domanialité publique est un régime
protecteur de l’affectation dont la dépendance en cause, propriété de la personne publique, est le support.

Le caractère foncier du régime de propriété publique est révélé par son contenu. Ce régime est-il strictement
identique à celui de la propriété privée ou au contraire différent ? En vérité, le droit de propriété des personnes
publiques est d’une nature identique à celui que les personnes privées ont sur leurs biens, et le régime attaché au
droit de propriété publique est identique, mais connaît deux principes spécifiques : celui de l’incessibilité de la
propriété publique en deçà de son juste prix ; et celui de l’insaisissabilité des biens des personnes publiques.

L’incessibilité à vil prix de la propriété publique, qui signifie qu’une collectivité publique ne peut pas céder un
élément de son patrimoine pour un prix inférieur à sa valeur à une personne poursuivant des fins d’intérêt privé,
trouve son fondement, d’une part, dans le principe d’interdiction des libéralités dont il découle que les personnes
publiques ne peuvent céder, aliéner, échanger leurs biens sans contrepartie effective, et d’autre part, dans la
combinaison de l’art. 17 et du principe d’égalité. La jurisprudence du Conseil constitutionnel a fait du principe
d’incessibilité à vil prix de la propriété publique un principe à valeur constitutionnelle (CC, 25-26 juin 1986) en
considérant que « la protection constitutionnelle du droit de propriété tel qu’entendu par la DDHC 89 ne
concerne pas seulement la propriété privée des particuliers mais aussi à un titre égal la propriété de l’Etat et des
autres personnes publiques ». Il a précisé ensuite, sur le fondement du principe d’égalité, que « la constitution
s’oppose à ce que des biens ou des entreprises faisant partie de patrimoines publics soient cédés à des personnes
poursuivant des fins d’intérêt privé pour des prix inférieurs à leur valeur »
Cette idée n’est certes pas nouvelle puisqu’elle existait déjà dans la doctrine du CE (CE, avis, 27 avril 1961,
GACE p. 87). Mais en elle-même la DDHC 89 n’interdit pas la cession à vil prix : c’est la protection contre la
cession forcée qui est assurée. Le Conseil constitutionnel ajoute donc à la protection, mais cet ajout reste limité
puisqu’il ne concerne que la cession à des personnes poursuivant des fins d’intérêt privé : aucune protection
similaire n’existe pour les cessions à une autre personne publique (sauf si elle poursuit une fin d’intérêt privé  ?)
ou aux personnes privées poursuivant des fins d’intérêt général.

Il en résulte qu’une vente contraire à ce principe est nulle et encourt une résolution et le juge civil ne peut
homologuer la restitution de terres autochtones dans les anciennes colonies (T. Civ. Papeete, 4 juillet 2007,
n°06/00027, Consorts Tuuhia c. Polynésie française, AJDA 2007, p. 2380 notre S. Bazile). Elle engage même la
responsabilité de la personne publique venderesse envers les acheteurs évincés s’ils démontrent avoir perdu une
chance sérieuse d’acquérir le bien en cause, ce qui dépend de l’état du marché de l’immobilier (CE, 25
septembre 2009, Commune de Courtenay, rec. CE tables p. 639), ce qui n’empêche évidemment pas des
personnes publiques de brader des terrains manifestement invendables s’ils correspondent de ce fait au prix du
marché (CE, 28 février 2007, Commune de Bourisp, req. n°279948).

"Une règle rigide, une pratique molle" : le jugement de Tocqueville sur l'Ancien Régime donne une bonne idée
de la manière dont l'incessibilité des propriétés publiques est mise en œuvre par le CE qui en a retenu une
conception particulièrement souple. Le principe est peu contraignant pour trois raisons.
Tout d’abord, le CE en a donné une interprétation réaliste dans sa jurisprudence Commune de Fougerolles.
- TA Besançon, 6 avril 1995, Préfet de la Haute-Saône c/ Commune de Fougerolles : le TA refuse qu’une
commune puisse céder une parcelle de son domaine privé à un prix inférieur à sa valeur, notamment
pour un franc symbolique
- CE, 3 novembre 1997, Commune de Fougerolles : le CE considère que « la cession par une commune
d’un terrain (3 600 m²) à une entreprise pour un prix inférieur à sa valeur ne saurait être regardée
comme méconnaissant le principe selon lequel une collectivité publique ne peut céder un élément de
son patrimoine à un prix inférieur à sa valeur à une personne poursuivant des fins d’intérêt privé,
lorsque la cession est justifiée par des motifs d’intérêt général et comprend des contreparties
suffisantes » (en l’espèce, engagement de créer 5 emplois sur 3 ans, sous peine de payer le prix du
terrain évalué à 36 000 francs).
Cette interprétation permissive a été rigoureusement reprise à propos d’activités non économiques (CE, 25
novembre 2009, Commune de Mer, req. n°310208 : construction d’une mosquée, le juge ayant accepté la cession
d’un stade pour un quart de son prix eu égard au fait que l’association bénéficiaire de la cession concourait à
l’intégration d’une population réputée en avoir besoin et « au renforcement de la sécurité publique notamment
pour la circulation » dans les villes.
Ensuite, l’incessibilité ne concerne que les personnes privées. La jurisprudence n’interdit les cessions à vil prix
qu’en faveur des personnes poursuivant des fins d’intérêt privé, si bien le législateur peut très bien imposer un

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transfert de biens gratuits entre personnes publiques (Cons. const. 3 décembre 2009, n°2009-594 DC, Loi
relative à la régulation des transports ferroviaires), de même qu’une personne publique peut céder à vil prix un
de ses biens à une autre personne publique, mais cette cession n’est licite que si elle «  ne prive pas de garanties
légales les exigences constitutionnelles qui résultent de l’existence et de la continuité des services publics
auxquels ils restent affectés ». Ainsi, une personne publique légalement céder ses biens à une autre personne
publique si cette cession complète un transfert de compétence nécessaire au service public auquel est affecté le
bien (ex : cession aux EPCI).
Il en résulte qu’une vente à l’euro symbolique est non seulement possible si l’acheteur concourt à l’intérêt
général dans des proportions comparable à l’avantage qu’il reçoit.

Il doit donc toujours y avoir contrepartie et surtout que les conditions de cette contrepartie soient respectées. Dès
lors, lorsqu’elles ne le sont pas, le Conseil d’Etat considère que cet irrespect soit sanctionné. Il a admis le
principe de la responsabilité contractuelle d’une entreprise qui n’avait pas respecté les engagements pris par elle
envers la commune de création d’emplois en contrepartie la cession d’un terrain aménagé aux frais de la
commune et du département, ce qui justifie le remboursement à la commune des sommes inutilement engagées
par elles (CE, 7 juin 2006, Asselin, RJEP 2006, p. 355). En revanche, la question de l’éventuelle résolution du
contrat de vente pour violation du principe n’a jamais été posée à la juridiction administrative. Elle devrait
pourtant être la sanction normale d’une cession intervenue en méconnaissance du principe constitutionnel
d’incessibilité à vil prix.

L’insaisissabilité des biens des personnes publiques signifie qu’il est impossible d’exercer les voies d’exécution
de droit commun à l’encontre d’un propriétaire publique. Cette position de principe a été retenue par la Cour de
cassation (Cass., 1ère civ., 21 décembre 1987, BRGM) qui affirme l’existence d’un « principe général du droit »
« suivant lequel les biens des personnes publiques sont insaisissables ». Cet arrêt remet en cause les
jurisprudences audacieuses de cours d’appel (Aix) qui admettaient des voies d’exécution de droit commun contre
les établissements publics dépourvus de comptable public et à la conditions que cette procédure ne soit pas de
nature à compromettre le fonctionnement régulier et continu du domaine public.

Cet état du droit est critiqué (Gaudemet et Delvolvé) ou approuvé (Denoix de St Marc, Amlselek). Elle est en
tout état de cause réglée absolument dans le sens de l’insaisissabilité puisque l’article L. 2311-1 du CG3P prévoit
que « les biens des personnes publiques sont insaisissables ». Ses conséquences sont énergiques puisque son
application empêche et paralyse la réalisation de toutes sûretés prises sur les biens des personnes publiques
(hypothèques, antichrèses, etc.).

Toutefois, l’état du droit positif ne semble peut-être pas si absolu qu’il y paraît. Ainsi, le Conseil d’Etat a pu
admettre, s’agissant d’un établissement public financier, qu’un créancier muni d’un titre exécutoire constatant
une créance liquide et exigible, puisse, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d’un tiers les créances
de son débiteur, ce dernier fut-il une personne publique (CE, avis, 30 janvier 1992, EDCE 1992, p. 401). De
même, le Tribunal des Conflits, tout en rappelant le principe d’insaisissabilité des biens publics, a annulé un
arrêté de conflit invoquant ce principe pour contester le prononcé, par le juge judiciaire, d’une astreinte pour
l’exécution d’une condamnation indemnitaire de l’Etat (TC, 19 mars 2007, Préfet de la Haute-Vienne).

Le principe ne semble donc pas si absolu, ce qu’expliquent sans doute les doutes relatifs à son fondement. D’une
part, sa compatibilité avec le droit des aides d’Etat est douteuse dans la mesure où il a pour effet de créer un
avantage concurrentiel pour les personnes publiques marchandes au détriment des opérateurs économiques
privés (v. décision de la Commission européenne du 16 décembre 2003 relative aux aides d’Etat accordées par la
France à EDF et au secteur des activités électriques et gazières. D’autre part, et surtout, le principe
d’insaisissabilité est fondé sur un critère organique qui ne tient pas compte des facultés d’externalisation des
activités publiques par le truchement de personnes privées. Cela a pour conséquence qu’une activité, inchangée,
sera protégée via la protection des biens des personnes publiques. Mais cela a des inconvénients : la paralysie des
suretés contractées par les personnes publiques. Ce fondement personnel témoigne en tout état de cause du
caractère foncier du régime de la propriété.

Voilà ce qu’est le régime de la propriété publique : la même chose que la propriété publique, mais avec deux
principes en plus. Et à ce régime s’en ajoute un autre si le bien appartient au domaine public. Il ne le remplace
pas. Le régime de la domanialité publique, dont l’élément essentiel tient dans le principe d’inaliénabilité des
dépendances du domaine public, est en effet un régime fonctionnel qui a pour objet la protection de l’affectation
à laquelle est attaché le bien. C’est parce que le bien est indispensable à la continuité du service public qu’il se
voit protégé, et non en lui-même.

12
En revanche, pour que le régime de la domanialité publique soit applicable, il faut qu’il appartienne à une
personne publique. L’article L. 2111-1 CG3P prévoit en effet que le domaine public d’une personne publique
« est constitué des biens lui appartenant sui sont soit affectés à l’usage direct du public, soit affectés à un service
public, pourvu qu’en ce cas, ils fassent l’objet d’un aménagement indispensable à l’exécution des missions de ce
service public ».

Le bien en cause doit donc répondre à trois critères : la propriété d’une personne publique, l’affectation à l’usage
direct du public ou à un service public, un aménagement indispensable en cas d’affectation à un service public.

Et c’est d’une pleine et entière propriété publique sur le bien en cause qu’il doit s’agir. Ainsi, u n particulier et
plus généralement une personne privée ne peuvent détenir une dépendance du domaine public (CE, 13 janvier
1933, Chemin de fer de Paris-Orléans). De même, le bien ne peut être détenu en copropriété car le domaine
public est « exclusif de toute appropriation privée » CAA Paris, 20 juin 1989, Cie la Préservatrice foncière,
confirmée par CE, 11 février 1994, Cie la Préservatrice foncière). Et cela vaut pour toutes les personnes
publiques : Etat, collectivités locales, établissements publics, quelque soit leur caractère industriel et commercial
ou administratif (CE, 6 février 1981, Epp ; CE, 21 mars 1984, Mansuy) ou les autres personnes publiques
spéciales, comme les GIP ou la Banque de France.

Ainsi, on peut résoudre l’équation « propriété publique et domanialité publique » par ce truisme : elles sont liées
et diffèrent. Elles sont liées en ce que, pour que le régime de la domanialité publique s’applique, le bien en cause
doit appartenir à une personne publique, mais ce n’est pas une condition suffisante : il y faut aussi une
affectation à une utilité publique. Elles se distinguent en ce que l’un est un régime foncier lorsque l’autre est un
régime fonctionnel.

ELEMENTS DE CORRECTION
A nouveau, l’ensemble des éléments n’était pas nécessaire pour obtenir la moyenne. Il convient de noter que le
rapprochement des deux notions était absolument nécessaire pour répondre correctement à la question et qu’une
réflexion conceptuelle et terminologique devait être menée. Certains ont déployé les critères du domaine public,
ce qui ne répondait pas à la question. D’autres n’ont fait que réciter leur cours sur la question de l’existence de la
propriété publique dans l’envisager dans sa contemporanéité, ce qui ne répondait que partiellement à la question.

REPONSE TYPE (qui ne présuppose évidemment pas qu’une autre manière de répondre a été
admise, pourvu qu’elle fournisse les éléments exigés. Il y a toujours plusieurs manières de
répondre à une question posée)

Propriété publique et domanialité publique sont deux notions à bien distinguer et il faut
combattre la confusion qui consiste à faire de la domanialité publique un régime spécifique de
propriété qui s’opposerait la propriété de droit privé pour le domaine privé. La propriété
publique renvoie aux biens qui appartiennent à une personne publique et au régime qui leur
est applicable alors que la domanialité publique renvoie au régime juridique applicable aux
biens qui appartiennent au domaine public, catégorie juridique définie à l’article L. 2111-1 du
CG3P comme étant l’ensemble des biens appartenant à une personne publique et affectés à
une utilité publique (soit à l’usage direct du public, soit à un service public, pourvu qu’en ce
dernier cas, il bénéficie d’un aménagement indispensable à cette fin).

C’est en raison d’une consécration historique difficile que la distinction a eu du mal à


s’imposer. Autant pour ce qui concerne le domaine privé, la question ne s’est jamais posée et
on a admis très facilement l’idée de propriété de la personne publique, autant la doctrine a très
rapidement émis l’idée selon laquelle le régime de la domanialité publique était tellement
spécifique qu’il excluait l’idée même de propriété. Les thèses antipropriétaristes sont apparues
dès le 19e siècle en s’appuyant sur les formules du Code civil. L’article 538 dispose en effet
que « Les chemins […] et généralement toutes les portions du territoire français qui ne sont
pas susceptibles d’une propriété privée, sont considérés comme des dépendances du domaine
public ». Il existerait donc, selon le Code civil lui-même, des biens insusceptibles de propriété
par nature. Le domaine public exclut donc la propriété et les personnes publiques n’ont sur

13
leur domaine public qu’un « droit de garde » ou de « surintendance ». En outre, les auteurs se
sont fondés sur l’idée selon laquelle les éléments du droit de propriété seraient, s’agissant du
domaine public, introuvables : la personne publique ne détient sur eux ni l’usus qui revient au
public, ni le fructus qui n’existe pas, ni l’abusus puisque ces biens sont réputés inaliénables.
Il revient à Hauriou d’avoir, le premier, mis en évidence cette erreur. D’une part, les éléments
de la propriété existent sur le domaine public. L’usus existe lorsqu’il est affecté à un service
public, de même que lorsqu’il est affecté au public : la collectivité le décide. Le fructus
apparaît dans les revenus et utilités que l’administration tire de son domaine public (cf.
redevance). L’abusus est moins évident à trouver, mais même en droit civil, celui-ci se trouve
largement malmené. D’autre part, l’idée même d’inaliénabilité implique la propriété.
Comment expliquer en effet que la sortie du domaine public (pour entrer dans le domaine
privé) soit créatrice du droit de propriété ? Il est difficile d’admettre logiquement que la
désaffectation ait pour effet de créer un droit de propriété qui n’ait pas préexisté.
Surtout, Hauriou, en s’appuyant sur la jurisprudence, montre que le droit positif admet depuis
longtemps l’idée de propriété des personnes publiques sur le domaine public. Ainsi, à propos
du port d’Oran, le Conseil d’Etat fait état de terrains dépendances du domaine public
appartenant à l’Etat (CE, 17 janvier 1923, Piccioli). Le Conseil d’Etat fait en outre application
au domaine public des règles et actions empruntés à l’institution du droit de propriété en
général (action possessoire, action en revendication, acquisition de la mitoyenneté au bénéfice
du domaine public, acquisition des alluvions, application de la théorie de l’accession de l’art.
552 du C. civ. (CE, 7 mai 1931, Cie nouvelle des chalets de commodité), perception de fruits
naturels (CE, 24 février 1911, Jacquemin), appropriation du trésor trouvé (CE, Piccioli).

Fort de cette démonstration, il est alors aisé de dissocier les régimes de propriété publique et
de domanialité publique, que le CG3P met clairement en évidence. La propriété publique est
un régime foncier, c’est-à-dire protecteur du bien en lui-même en tant que propriété, et ce
caractère est révélé par les règles qui le compose. Si le droit de propriété des personnes
publiques sur le domaine public est d’une nature identique à celui des personnes privées, le
régime attaché au droit de propriété publique est lui aussi identique, tout en connaissant deux
principes spécifiques : celui de l’incessibilité de la propriété publique en deçà de son juste
prix ; et celui de l’insaisissabilité des biens des personnes publiques.
D’une part, le principe d’incessibilité à vil prix de la propriété publique signifie qu’une
collectivité publique ne peut pas céder un élément de son patrimoine pour un prix inférieur à
sa valeur à une personne poursuivant des fins d’intérêt privé. Il trouve son fondement dans le
principe d’interdiction des libéralités dont il découle que les personnes publiques ne peuvent
céder, aliéner, échanger leurs biens sans contrepartie effective, mais aussi, comme le rappelle
le Conseil constitutionnel qui en a fait un principe à valeur constitutionnel (CC, 25-26 juin
1986) dans la combinaison de l’art. 17 et du principe d’égalité. Il en résulte qu’une vente
contraire à ce principe est nulle et encourt la résolution (T. Civ. Papeete, 4 juillet 2007,
n°06/00027, Consorts Tuuhia c. Polynésie française). Une telle engage même la
responsabilité de la personne publique venderesse envers les acheteurs évincés s’ils
démontrent avoir perdu une chance sérieuse d’acquérir le bien en cause (CE, 25 septembre
2009, Commune de Courtenay). Malgré tout, le principe se révèle en pratique peu
contraignant. Le Conseil d’Etat en a en effet donné une interprétation réaliste dans sa
jurisprudence Commune de Fougerolles en considérant que la cession par une commune d’un
terrain à une entreprise pour un prix inférieur à sa valeur ne saurait être regardée comme
méconnaissant le principe selon lequel une collectivité publique ne peut céder un élément de
son patrimoine à un prix inférieur à sa valeur à une personne poursuivant des fins d’intérêt
privé, lorsque la cession est justifiée par des motifs d’intérêt général et comprend des
contreparties suffisantes, en l’espèce, un engagement de créer 5 emplois sur 3 ans, sous peine

14
de payer le prix du terrain évalué à 36 000 francs. Et cette interprétation permissive a été
rigoureusement reprise à propos d’activités non économiques (CE, 25 novembre 2009,
Commune de Mer) à propos de la construction d’une mosquée, les contreparties tenant à
l’intégration d’une population réputée en avoir besoin et « au renforcement de la sécurité
publique notamment pour la circulation » dans les villes. A cela s’ajoute le fait que
l’incessibilité ne concerne que les personnes poursuivant des fins d’intérêt privé, si bien
qu’une personne publique peut céder à vil prix un de ses biens à une autre personne publique
si cette cession ne porte pas atteinte à l’existence et à la continuité des services publics
auxquels ils restent affectés. En revanche, il doit toujours y avoir contrepartie et surtout les
conditions de cette contrepartie doivent toujours être respectées. Et lorsqu’elles ne le sont pas,
le Conseil d’Etat considère que cet irrespect doit être sanctionné. Il a ainsi admis le principe
de la responsabilité contractuelle d’une entreprise qui n’avait pas respecté les engagements
pris par elle envers la commune de création d’emplois en contrepartie la cession d’un terrain
aménagé aux frais de la commune et du département, ce qui justifie le remboursement à la
commune des sommes inutilement engagées par elles (CE, 7 juin 2006, Asselin, RJEP 2006,
p. 355). En revanche, la question de l’éventuelle résolution du contrat de vente pour violation
du principe reste encore en suspens, mais rien ne s’y oppose dans l’ordre des principes.

D’autre part, le principe d’insaisissabilité des biens des personnes publiques signifie qu’il est
impossible d’exercer les voies d’exécution de droit commun à l’encontre d’un propriétaire
publique. Cette position de principe a été retenue par la Cour de cassation (Cass., 1 ère civ., 21
décembre 1987, BRGM) qui affirme l’existence d’un « principe général du droit » « suivant
lequel les biens des personnes publiques sont insaisissables ». Cet arrêt remet en cause les
jurisprudences audacieuses de cours d’appel (Aix) qui admettaient des voies d’exécution de
droit commun contre les établissements publics dépourvus de comptable public à la
conditions que cette procédure ne soit pas de nature à compromettre le fonctionnement
régulier et continu du service public. Si cet état du droit est critiqué, il a été repris par le CG3P
puisque son article L. 2311-1 prévoit que « les biens des personnes publiques sont
insaisissables ». Il demeure cependant des doutes s’agissant de son fondement. Si le principe
semble très solide, ce que confirme ses effets puisque son application empêche et paralyse la
réalisation de toutes sûretés prises sur les biens des personnes publiques (hypothèques,
antichrèses, etc.), il reste à relativiser. D’une part, son application n’est pas si absolue. Le
Conseil d’Etat a ainsi admis, s’agissant d’un établissement public financier, qu’un créancier
muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible, puisse, pour en obtenir le
paiement, saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur, ce dernier fut-il une
personne publique (CE, avis, 30 janvier 1992, EDCE 1992, p. 401). Et le Tribunal des
Conflits, tout en rappelant le principe d’insaisissabilité des biens publics, a annulé un arrêté de
conflit invoquant ce principe pour contester le prononcé, par le juge judiciaire, d’une astreinte
pour l’exécution d’une condamnation indemnitaire de l’Etat (TC, 19 mars 2007, Préfet de la
Haute-Vienne). D’autre part, son application peut être très facilement contournée. Le principe
d’insaisissabilité est en effet fondé sur un critère organique qui ne tient pas compte des
facultés d’externalisation des activités publiques par le truchement de personnes privées. Cela
a pour conséquence qu’une activité, inchangée, sera protégée via la protection des biens des
personnes publiques. Mais cela a des inconvénients : la paralysie des suretés contractées par
les personnes publiques. Enfin, sa compatibilité avec le droit des aides d’Etat est douteuse
dans la mesure où il a pour effet de créer un avantage concurrentiel pour les personnes
publiques marchandes au détriment des opérateurs économiques privés. C’est en tout cas le
point de vue de la Commission européenne dans une décision du 16 décembre 2003 relative
aux aides d’Etat accordées par la France à EDF et au secteur des activités électriques et
gazières.

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Voilà ce qu’est la propriété publique : un régime foncier identique applicable aux biens
privés, mais avec deux principes en plus. A l’inverse, la domanialité publique est un régime
fonctionnel, c’est-à-dire un régime qui protège, non le bien auquel il s’applique, mais l’utilité
que ce bien sert. C’est parce que le bien est indispensable à la continuité du service public
qu’il se voit protégé, et non en lui-même. Et cela s’aperçoit dans le principe essentiel
composant ce régime : le principe d’inaliénabilité des dépendances du domaine public. Mais
pour que le régime de la domanialité publique soit applicable, il faut par principe que le bien
soit la propriété d’une personne publique. L’article L. 2111-1 CG3P prévoit en effet que le
domaine public d’une personne publique « est constitué des biens lui appartenant sui sont soit
affectés à l’usage direct du public, soit affectés à un service public, pourvu qu’en ce cas, ils
fassent l’objet d’un aménagement indispensable à l’exécution des missions de ce service
public ». Et c’est d’une pleine et entière propriété publique sur le bien en cause qu’il doit
s’agir. Ainsi, un particulier et plus généralement une personne privée ne peuvent détenir une
dépendance du domaine public (CE, 13 janvier 1933, Chemin de fer de Paris-Orléans). De
même, le bien ne peut être détenu en copropriété car le domaine public est « exclusif de toute
appropriation privée » (CE, 11 février 1994, Cie la Préservatrice foncière). Et cela vaut pour
toutes les personnes publiques : Etat, collectivités locales, établissements publics, quelque soit
leur caractère industriel et commercial ou administratif (CE, 6 février 1981, Epp ; CE, 21
mars 1984, Mansuy) ou les autres personnes publiques spéciales, comme les GIP ou la
Banque de France. Toutefois, en raison des privatisations de nombreux établissements
publics, comme France Telecom, EDF, GDF, La Poste ou ADP, on voit ce principe de
l’appartenance publique quelque peu battu en brèche puisque les lois de privatisation
prévoient des règles similaires à celle composant la domanialité publique, de sorte à les
appliquer à des personnes privées chargées de la gestion d’un service public. Et c’est toujours
cette affectation à un service public qui justifie cette protection.
Ainsi, on peut résoudre l’équation « propriété publique et domanialité publique » par ce
truisme : elles sont liées et diffèrentes. Elles sont distinctes en ce que les deux expressions
désignent des régimes différents : l’un est un régime foncier quand l’autre est un régime
fonctionnel. liées en ce que, pour que le régime de la domanialité publique s’applique, le bien
en cause doit appartenir à une personne publique. Une dépendance du domaine public se voit
donc appliquer le régime de la propriété publique et le régime de la domanialité publique.
Mais cette liaison est aujourd’hui à relativiser dans la mesure où on voit de plus en plus
apparaître une domanialité publique sans propriété publique du fait du phénomène des
privatisations.

3° LES MUTATIONS DOMANIALES (sur 6 points)

ELEMENTS DE COURS

V. aussi Y. Gaudemet, Droit administratif des biens, LGDJ, n°269 et s. ; N. Foulquier, Droit administratif des
biens, n°610 et s.

Les données du problème de la théorie des mutations domaniales sont les suivantes. Quand un collectivité décide
qu’une dépendance a cessé d’être utile au service, elle peut sans difficulté et en toute liberté en modifier
l’affectation. Il faut juste garder à l’esprit le principe de l’arrêt Préfet de la Meuse. En revanche, que se passe-t-il
lorsque c’est une personne publique qui entend modifier l’affectation du bien appartenant à une autre personne
publique ? La question ne se pose évidemment que pour les pouvoirs de l’Etat à l’égard du domaine public des
collectivités locales, voire de ses établissements publics. Cette question est celle des mutations domaniales qui
porte sur la possibilité pour l’Etat de modifier unilatéralement l’affectation des dépendances domaniales des
collectivités locales ou des établissements publics.

16
La mutation domaniale est en effet la faculté réservée à l’Etat de prononcer des transferts de gestion autoritaire
vis-à-vis de dépendances du domaine public des collectivités territoriales. Ces transferts qui ne peuvent
intervenir que pour des motifs d’intérêt général, consistent dans un changement d’affectation laissant à la CT qui
en fait l’objet le droit de propriété dont elle recouvrera la plénitude en cas de déclassement. La mutation
domaniale permet à l’Etat de réaliser un changement de destination du bien sans changement de propriété, à son
propre profit ou pour le profit d’une autre personne publique (CE, 20 février 1981, Association pour la
protection du site du Vieux-Pornichet, rec. CE p. 93 ; AJDA 1981, p. 259, concl. B. Genevois).

La consécration de la théorie, en dehors de toute loi, remonte à un vieil arrêt (CE, 16 juillet 1909, Ville de Paris,
Rec. p. 707, concl. Teissier ; S 1909, 3, 97, note Hauriou) rendu à propos de la décision du gouvernement qui
avait autorisé la compagnie des chemins de fer d’Orléans à installer les voies de chemin de fer de la ligne
Sceaux-Paris sur des dépendances du domaine public routier de la ville de Paris, malgré l’opposition de celle-ci
et l’échec d’une tentative d’expropriation. Le Conseil d’Etat, saisi par la Ville de Paris, va confirmer la légalité
de cette décision et rejeter sa demande d’indemnisation. Pour ce faire, il a considéré qu’en l’absence de
déclassement du domaine public, « aucune mutation de propriété » n’avait eu lieu. La ville de Paris restait
propriétaire des terrains en cause et en recouvrirait la pleine jouissance lorsque leur nouvelle affectation au
service public des transports ferroviaires cesserait. Dès lors, en l’absence d’atteinte à son droit de propriété la
Ville de Paris n’avait pas droit à une indemnité.

Cette solution, singulière en droit, confère donc à l’Etat le pouvoir de modifier unilatéralement l’affectation
d’une parcelle du domaine public d’une autre personne publique.

Cette faculté est réservée à l’Etat car le domaine a toujours été regardé comme une « affaire d’Etat » et ce denrier
considéré comme le garant de l’unité du domaine et de l’intérêt général par-delà les intérêts publics particuliers :
l’unité de la République et de la domanialité justifie cette prérogative reconnue à l’Etat. Le fondement en est que
« l’Etat est le régulateur de l’utilisation, et donc de l’affectation, au mieux des exigences de l’intérêt général, des
dépendances du domaine public dans son ensemble ».

Toutefois, l’état du droit a varié dans le temps. Le Tribunal des conflits avait d’abord fourni une réponse
négative sur cette possibilité (TC, 28 novembre 1899, Ville de Périgueux : seule l’entente amiable ou
l’expropriation à la suite d’une désaffectation pouvait permettre une mutation domaniale). Par la suite, la Cour
de cassation et le Conseil d'Etat ont au contraire nettement admis la possibilité de changements d’affectation
prononcés au profit de l’Etat par voie d’autorité, en adoptant un point de vue très particulier de la propriété du
domaine public et en des termes différents. La juridiction judiciaire a consacré à cette occasion la thèse de l’unité
du domaine public : la propriété du domaine public ne serait pas répartie entre les diverses collectivités
publiques, la division en domaine national, régional, départemental et communal ne concernant que l’affectation
des biens. Le Conseil d'Etat a, lui, adopté une théorie juridique différente pour cependant parvenir au même
résultat : l’affectation est une servitude d’intérêt général extérieure à la propriété qui peut par conséquent
s’accommoder d’un changement autoritaire d’affectation ; cependant, comme le collectivité locale n’est pas
forcément lésée, elle n’a pas automatiquement droit à une indemnité de dépossession mais peut avoir droit à
réparation pour dommage de travaux publics.

La théorie a fait l’objet de peu d’application car les collectivités territoriales s’étaient fait une raison au cours
XXe siècle

Que penser de cette prérogative ? Pour ce qui concerne la construction jurisprudentielle, d’un point de vue
pratique, elle paraît consacrer un droit éminent permettant de véritables spoliations, même si aujourd’hui, on
peut estimer qu’elle est un correctif, un tempérament aux réformes de la décentralisation. D’un point de vue
juridique, la thèse judiciaire de l’unité du domaine public aboutit à nier l’existence d’un droit de propriété des
collectivités locales sur leur domaine public. De même, la thèse administrative, bien que subtile, est difficilement
acceptable car elle fait de l’affectation une prérogative qui échappe, au moins pour partie et dans certains cas, au
propriétaire, ce qui en fait une donnée jurisprudentielle défavorable au droit de propriété du domaine public.
Pour ce qui concerne la théorie en elle-même, elle a évidemment une raison d’être. Elle répond avant tout à des
considérations pratiques : « la volonté de faire de l’Etat le régulateur de l’utilisation et donc de l’affectation, au
mieux des exigences de l’intérêt général, des dépendances du domaine public dans son ensemble » (R. Chapus).

Cependant, cette sorte de « police des affectations domaniales entre les mains de l’Etat » rencontre aujourd’hui
des limites d’ordre constitutionnel :

17
- la protection du droit de propriété publique (protection tant constitutionnelle que conventionnelle, ce
qui implique que, si le législateur peut disposer de la propriété publique, il ne le peut que dans le respect de l’art.
17 et de l’art. 1er du protocole n° 1. C’est surtout l’absence d’indemnisation qui posait le plus de difficultés.
- la libre administration des collectivités locales : selon R. Schwartz, il n’est plus possible d’invoquer la
jurisprudence sur les mutations domaniales et c’est pourquoi il a invoqué les lois de décentralisation et les
dispositions spéciales sur l’enseignement pour légitimer les désaffectations autoritaires

On a donc pu douter de sa pérennité, mais le Conseil d'Etat a eu l’occasion de réaffirmer l’existence des
mutations domaniales dans un arrêt de 2004 (CE, 23 juin 2004, Commune de Proville, Rec. CE, p. 259 ; AJDA,
2004, p. 2148 ; RJEP/CJEG fév. 2005, p. 75, concl. M. Guyomar) dans lequel il a rappelé que la faculté reconnue
à l’Etat par la loi du 27 février 2002 dans l’hypothèse d’une déclaration d'utilité publique de prononcer avec
l’arrêté de cessibilité le transfert de gestion des dépendances du domaine public de la personne concernée n’a eu
« ni pour objet ni pour effet de priver le Premier ministre ou les ministres intéressés du pouvoir qu’ils tiennent
des principes généraux qui régissent le domaine public de décider pour un motif d’intérêt général de procéder à
un changement d’affectation d’une dépendance du domaine public d’une CT ».

Surtout, le CG3P est venu codifier la théorie à l’article L. 2123-4. C’est que, si elle se heurte bien à des
exigences constitutionnelles (libre administration des CT et droit de propriété), ces exigences sont loin d’être
absolues. D’une part, l’exigence d’intérêt général peut tempérer la libre administration. D’autre part, la CT n’est
pas privée de son droit de propriété mais uniquement de l’usage du bien comme elle l’entend, moyennant
désormais une indemnisation.

Le législateur de 2002 avait en effet corrigé en partie cette absence d’indemnisation en prévoyant à l’article 11-8
du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique que lorsqu’une dépendance du domaine public se trouve
dans le champ d’une expropriation, l’Etat peut modifier l’affectation de cette dépendance, à condition d’en
indemniser le propriétaire. Mais le CE en avait limité la portée en refusant de considérer que le législateur avait
mis fin à la théorie de 1909. C’est pourquoi, désormais, Le CG3P reconnaît à la CT un véritable droit à
indemnisation (art. L. 2123-6).

Il en résulte qu’il existe aujourd’hui deux procédures de mutations domaniales : le régime général et le régime
issu du code de l’expropriation, le premier protégeant moins les intérêts financiers des collectivités dépossédées
que le second.
D’une part, en vertu de l’article L. 2123-4 du CG3P, lorsqu’un motif d’intérêt général justifie de modifier
l’affectation de dépendance du domaine public appartenant à une collectivité territoriale, un groupement de
collectivités territoriales ou un établissement public, que celui-ci soit local ou étatique, l’Etat peut procéder à
cette modification en l’absence d’accord de la personne publique concernée. L’indemnisation pèse sur l’Etat ou
le bénéficiaire du transfert de gestion, mais elle ne couvre que les dépenses et les privations de revenus qui
résultent du transfert de gestion.
En revanche, et d’autre part, le CG3P protège mieux les collectivités territoriales si la mutation domaniale
s’inscrit dans le cadre d’une procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique. Avant le CG3P, la
déclaration d’utilité publique était illégale si elle portait sur des parcelles du domaine public (CE, 13 janvier
1984, Commune de Thiais, rec. CE p. 6 ; D. 1984, J, p. 605, note P. Bon). Avec l’adoption de l’article L. 2123-5
du CG3P, la présence d’une parcelle du domaine public dans l’assiette de la DUP ne peut entraver l’opération
d’expropriation. Une fois la déclaration d’utilité publique prononcée, l’arrêté de cessibilité emporte transfert de
gestion de la dépendance du domaine public au profit du bénéficiaire de la DUP. Ce transfert de gestion ne prive
cependant pas la collectivité territoriale de sa propriété dans la mesure où elle ne perd que les attributs attachés à
ce droit, à savoir tout ce qui fait son intérêt. Cette perte est toutefois définitive puisqu’il n’existe pas
d’expropriation temporaire. C’est pourquoi l’article 2123-5 du CG3P offre deux autres garanties aux
collectivités : d’une part, le transfert n’intervient qu’après enquête publique ; d’autre part, la collectivité a droit à
une indemnisation de tous les préjudices qu’elle subit. Le juge de l’expropriation se prononce sur son montant en
cas de désaccord et ce n’est pas nécessairement l’Etat qui indemnise : il n’indemnise que s’il est bénéficiaire de
l’expropriation, alors même qu’il lui appartient de décider du transfert.

Cette ressemblance forte entre la théorie des mutations domaniales et une expropriation la rende difficile à
admettre. Ses détracteurs préféreraient que soit reconnue la possibilité d’exproprier le domaine public. Or, le
CG3P refuse toujours la possibilité pour une personne publique d’exproprier les parcelles du domaine public
d’autres collectivités publiques.

Ces deux cas sont pourtant intimement liés puisque les mutations domaniales ont été élaborées pour contrer
l’inaliénabilité du domaine public et donc l’interdiction d’exproprier le domaine public. En effet, il s’agit dans

18
les deux cas de reconnaître à l’Etat un rôle de régulation des affectations du domaine public au service de
l’intérêt collectif. Mais à la différence de la mutation domaniale, l’expropriation donnerait lieu, si elle était
admise, d’abord à un véritable transfert de propriété, ensuite à un véritable indemnisation de ce transfert.

Toutefois, l’expropriation du domaine public est possible par la loi :


- cf. loi de décentralisation du 7 janvier 1983 qui prévoyait le changement d’affectation lié au transfert de
compétence au profit des collectivités locales (cependant, transfert de gestion sans transfert de propriété).
- Cf. ordonnance législative du 4 février 1959 qui a permis le transfert de la ville de Paris à l’Etat de la
halle Saint Bernard pour la construction de la faculté des sciences (CE, avis, 27 avril 1961, GACE n° 4)

En dehors de toute intervention du législateur, elle demeure impossible. Et ce principe (le domaine public ne
peut être exproprié) ne fait plus aucun doute même si des auteurs ont soutenu le contraire (Hauriou) et qu’elle a
été autrefois admise par le Conseil d'Etat (CE, 15 mai 1858, Département de la Gironde) et la Cour de cassation
(CCass. 8 mai 1863) Cette jurisprudence fut abandonnée au tournant du XX ème siècle (CE, 21 novembre 1884,
Conseil de Fabrique de l’Eglise de Saint Nicolas-des-champs ; CCass. 20 décembre 1897, Chemin de fer
Orléans).

Ce principe, fondé sur les textes de l’expropriation et sur le principe d’inaliénabilité, connaît cependant des
aménagements. L’impossibilité d’exproprier le domaine public n’emporte pas nécessairement l’illégalité d’une
DUP englobant des dépendances du domaine public. Ainsi, une DUP au profit de l’Etat peut inclure des
parcelles appartenant à l’Etat dès lors que leur changement d’affectation a été régulièrement autorisé (CE, 6
juillet 1973, Michelin et Vernet). De même, l’Etat peut inclure dans une DUP des biens d’une collectivité locale
appartenant à son domaine public dans la mesure où la DUP, si elle permet le transfert de propriété, ne
l’emporte pas par elle-même (CE, 13 janvier 1984, Commune de Thiais). Enfin, un arrêt de la Cour
administrative d'appel de Paris (CAA Paris, 22 novembre 1984, Conservatoire de l’espace littoral et des rivages
lacustres) permet l’inclusion d’une parcelle du domaine public dans une DUP « eu égard à la très faible
importance de la surface de cette parcelle ».

Malgré tous ces éléments, le CG3P ne l’a pas consacré, alors que le Conseil d'Etat avait proposé de la retenir
lorsqu’il a été saisi du texte du code. Une telle solution serait d’ailleurs davantage en adéquation avec l’idée de
propriété publique. Cela n’a pas été reconnu, y compris par le CG3P qui lui a préféré la construction
jurisprudentielle des mutations domaniales.

Ainsi, la théorie est reprise par le CG3P à l’article L. 2123-4 du code dispose : « Lorsqu'un motif d'intérêt
général justifie de modifier l'affectation de dépendances du domaine public appartenant à une collectivité
territoriale, un groupement de collectivités territoriales ou un établissement public, l'Etat peut, pour la durée
correspondant à la nouvelle affectation, procéder à cette modification en l'absence d'accord de cette personne
publique ».
Mais le CGPPP prend soin d’aménager le principe en introduisant des possibilités d’indemnisation afin de la
rendre plus conforme au droit de propriété publique (art. 17 DDH et article 1 er Protocole n° 1 CEDH). Ainsi,
dans tous les cas, le transfert de gestion « donne lieu à indemnisation à raison des dépenses ou de la privation de
revenus qui peuvent en résulter pour la personne dessaisie », ce qui semble exclure l’indemnisation de la seule
perte de jouissance (art. L. 2123-6 CGPPP).

ELEMENTS DE CORRECTION

A nouveau, l’ensemble des éléments n’était pas requis, mais il fallait évidemment : une définition conceptuelle
complète (sur 1 points), une explication de son origine (1 point) et la signification de la théorie (2 points), et ses
limites (1 point) et ses rapports avec l’expropriation (1 point).
Beaucoup de copies n’ont pas répondu à la question en traitant d’autre chose (les transferts de gestion
conventionnels ou les principes d’entrée et de sortie du domaine public notamment).

REPONSE TYPE (qui ne présuppose évidemment pas qu’une autre manière de répondre a été
admise, pourvu qu’elle fournisse les éléments exigés. Il y a toujours plusieurs manières de
répondre à une question posée)

La mutation domaniale est la faculté réservée à l’Etat de prononcer des transferts de gestion
autoritaire vis-à-vis de dépendances du domaine public des autres collectivités publiques. Ces
transferts qui ne peuvent intervenir que pour des motifs d’intérêt général, consistent dans un

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changement d’affectation laissant à la collectivité publique propriétaire qui en fait l’objet le
droit de propriété sur le bien dont elle recouvrera la plénitude en cas de déclassement. Son
intérêt pour l’Etat est de réaliser un changement de destination du bien sans changement de
propriété, à son propre profit ou au profit d’une autre personne publique (CE, 20 février 1981,
Association pour la protection du site du Vieux-Pornichet).
Cette théorie a été consacré au début du 20e siècle par le Conseil d’Etat (CE, 16 juillet 1909,
Ville de Paris) à propos de la décision du gouvernement autorisant la compagnie des chemins
de fer d’Orléans à installer les voies de chemin de fer de la ligne Sceaux-Paris sur des
dépendances du domaine public routier de la ville de Paris, malgré l’opposition de celle-ci et
l’échec d’une tentative d’expropriation.
Cette faculté, singulière en droit, confère donc à l’Etat le pouvoir de modifier unilatéralement
l’affectation d’une parcelle du domaine public d’une autre personne publique. Cette faculté
est réservée à l’Etat car le domaine a toujours été regardé comme une « affaire d’Etat » et ce
dernier considéré comme le garant de l’unité du domaine et de l’intérêt général par-delà les
intérêts publics particuliers. C’est donc l’unité de la République qui justifie cette prérogative
reconnue à l’Etat. Le fondement en est que « l’Etat est le régulateur de l’utilisation, et donc de
l’affectation, au mieux des exigences de l’intérêt général, des dépendances du domaine public
dans son ensemble ».
Peu appliquée, on a pu douter de sa pérennité. Elle consacre en pratique un droit éminent
permettant de véritables spoliations puisque, à l’origine, en l’absence d’atteinte à son droit de
propriété, la collectivité publique n’avait pas droit à une indemnité. En outre, cette sorte de
« police des affectations domaniales entre les mains de l’Etat » rencontre des limites d’ordre
constitutionnel. D’une part, la protection tant conventionnelle que constitutionnelle du droit
de propriété publique implique que, si le législateur peut disposer de la propriété publique, il
ne le peut que dans le respect de l’art. 17 et de l’art. 1 er du protocole n° 1, ce qui rend
l’absence d’indemnisation problématique. D’autre part, la libre administration des
collectivités locales semble d’opposer à la possibilité pour l’Etat d’imposer de tels transferts
de gestion aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics.
Le Conseil d'Etat a pourtant eu l’occasion de réaffirmer leur existence (CE, 23 juin 2004,
Commune de Proville) en affirmant que le Premier ministre ou les ministres intéressés
tiennent des principes généraux qui régissent le domaine public le pouvoir de décider pour un
motif d’intérêt général de procéder à un changement d’affectation d’une dépendance du
domaine public d’une Collectivité territoriale. Surtout, le CG3P est venu codifier la théorie,
mais expurgé de ce qui posait difficulté depuis le début : l’absence d’indemnisation.
Désormais, le CG3P prévoit à l’article L. 2123-4 que « lorsqu'un motif d'intérêt général
justifie de modifier l'affectation de dépendances du domaine public appartenant à une
collectivité territoriale, un groupement de collectivités territoriales ou un établissement
public, l'Etat peut, pour la durée correspondant à la nouvelle affectation, procéder à cette
modification en l'absence d'accord de cette personne publique ». Et l’article L. 2123-6 prévoit
que, dans tous les cas, le transfert de gestion « donne lieu à indemnisation à raison des
dépenses ou de la privation de revenus qui peuvent en résulter pour la personne dessaisie  »,
ce qui exclut tout de même l’indemnisation de la perte de jouissance.
Il y a donc une ressemblance forte entre la théorie des mutations domaniales et une
expropriation, ce qui rend difficile la cohabitation des deux. En effet, il s’agit dans les deux
cas de reconnaître à l’Etat un rôle de régulation des affectations du domaine public au service
de l’intérêt collectif. Mais à la différence de la mutation domaniale, l’expropriation donnerait
lieu, si elle était admise, d’abord à un véritable transfert de propriété, ensuite à un véritable
indemnisation de ce transfert. Les détracteurs de la théorie des mutations domaniales
préféreraient que soit reconnue à l’Etat la possibilité d’exproprier le domaine public. Mais le
CG3P refuse toujours cette possibilité.

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