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Des lasers

pour les télécommunications


optiques par fibres :
un luxe ou une nécessité ?
Mehdi Alouini (mehdi.alouini@univ-rennes1.fr)
Institut de Physique de Rennes, UMR CNRS 6251, Université de Rennes 1, 35042 Rennes Cedex,
Ingénieur-conseil à Thales Research and Technology.

L’invention du laser, suivie Cinquante ans nous séparent du premier lumière correspond à un bit « 1 », alors
du développement des lasers laser. Pourtant, qui aurait pensé que cette que son absence correspond à un bit « 0 ».
expérience de physique allait paisiblement On transcrit ainsi l’information sur une
à semi-conducteurs, a été révolutionner nos modes de vie ? Cette porteuse optique, qui va se propager le
un élément clef dans l’essor lumière aux propriétés si étranges s’est en long de la fibre sur plusieurs dizaines, voire
effet immiscée dans notre quotidien en milliers, de kilomètres avant d’atteindre le
des télécommunications changeant nos modes de communication, détecteur. Ce dernier convertit enfin la
par fibres optiques. sans même qu’on s’en aperçoive. Les télé- modulation optique en signal électrique.
communications optiques ne se seraient L’utilisation d’une porteuse optique
sans doute pas démocratisées sans ces présente deux intérêts majeurs.
Nous exposons ici lasers : si petits et pourtant si complexes ! Le premier intérêt est la large bande
les raisons pour lesquelles Nous tentons ici de montrer pourquoi les passante, qui est directement liée au nombre
propriétés du rayonnement laser ont été d’informations que l’on peut transférer par
certaines des propriétés déterminantes dans l’essor des télécommu- unité de temps. En effet, à la longueur
du rayonnement laser, nications optiques. d’onde des télécommunications optiques
qui est de 1,5 µm, la fréquence lumineuse,
telles que la brillance
et la cohérence, sont
Pourquoi transmettre ν0, est de l’ordre de 200 THz. Moduler
l’intensité d’une onde lumineuse avec un
l’information dans le domaine signal sinusoïdal à la fréquence ν induit
aujourd’hui incontournables optique ? l’apparition dans le domaine spectral de
pour réaliser des liaisons deux raies à ± ν de la fréquence lumi-
Pour comprendre en quoi les lasers ont neuse ν0 (fig. 1a). Dans le cas où le signal
pour les télécommunications aidé à révolutionner le domaine des télé- de modulation est quelconque et où sa
à longue distance et de haut communications, revenons quelques instants fréquence la plus élevée est ν, des bandes
sur le principe de fonctionnement et les latérales apparaissent de part et d’autre de la
débit. Les besoins dans caractéristiques d’une liaison optique. Dans fréquence lumineuse, couvrant un spectre
ce domaine nous amènent le cas le plus simple, une liaison optique est de largeur 2ν centré autour de ν0. Ce sont
constituée d’un laser, d’une fibre et d’un ces bandes spectrales qui contiennent l’in-
ensuite à comprendre détecteur. Quelle que soit l’origine du formation utile. Ainsi, en se limitant à une
pourquoi les lasers à semi- signal à transmettre, celui-ci est d’abord largeur de spectre utile de 16 nm autour
numérisé puis compressé dans le domaine de 1550 nm, la bande passante est déjà
conducteurs se sont imposés électrique, en une succession de bits « 1 » potentiellement de 1 THz.
comme les sources optiques et « 0 ». Le passage dans le domaine opti- Le deuxième intérêt majeur d’utiliser
que se fait via un laser, dont on module une porteuse optique est que les fibres
de prédilection. l’intensité de sorte que la présence de présentent aujourd’hui des pertes faibles,

70 Reflets de la Physique n° 21 / Le Bup n° 927


Article disponible sur le site http://www.refletsdelaphysique.fr ou http://dx.doi.org/10.1051/refdp/20102170
Quelques exemples d’application des lasers
Coupe d’une préforme permettant de réaliser une fibre optique air-solide de 125 μm de diamètre (XLIM, Limoges). © CNRS Photothèque / VRIGNAUD François.

Multiplexage en longueur d'onde de l’ordre de 0,2 dB/km. Ceci correspond


à une atténuation de l’intensité lumineuse
d’un facteur 2 au bout de 15 km de pro-
λ1 λ2 λ3 λ4 pagation. Si l’on devait rester dans le
domaine électrique, les pertes de propaga-
tion augmenteraient avec la fréquence du
c signal. Pour donner un ordre de grandeur,
l’atténuation d’un câble hyperfréquence à
50 GHz
20 GHz se compte en dB/m. L’atténuation
de la puissance électrique est déjà consé-
Atténuation (dB/km)

10 quente au boutMultiplexage en longueur


de quelques mètres.d'onde
Ce
5 THz Modulation d'amplitude :
spectre optique problème ne se pose plus lorsque le signal
est porté par l’onde optique, car les fibres
1 λ1
sont parfaitement λ2
transparentes λ3
et présentent λ4
Puissance (u.a.)

Sans modulation
peu de pertes sur une plage de longueur
1542,8
b d’onde qui excède la centaine de nanomètres
0,1
800 1000 1200 1400 1600 1800 autour de 1,5 µm (ce qui représente une
Longueur d'onde (nm) plage spectrale supérieure à 5 THz, voir la
50 GHz
figure 1b).
Atténuation (dB/km)
Puissance (u.a.)

10 donc comment l’utilisation de


On voit
20 GHz Avec modulation 5 THz
la lumière comme vecteur de l’information
a ouvert la voie aux transmissions de haut
1
débit. Encore fallait-il pouvoir moduler
a rapidement cette lumière et garantir qu’elle
1542,2 1542,35 1542,50 1542,65 1542,8
se propage sans pertes d’information. Nous
Longueur d'onde (nm) 0,1
verrons800plus 1000
loin comment
1200 1400les 1600
lasers à1800
1. Le domaine optique offre une bande passante gigantesque. © Inst.(a)Phys.
Spectre optique
Rennes d’un laser. La modula-
- M. Alouini semi-conducteursLongueur
remplissent parfaitement
d'onde (nm)
tion de son intensité fait apparaître dans le spectre deux bandes latérales, espacées de la fréquence de modula- la première condition. Retenons pour
tion. (b) Atténuation d’une fibre optique en fonction de la longueur d’onde. L’atténuation augmente aux petites l’instant que la source lumineuse doit pou-
longueurs d’onde à cause de la diffusion Rayleigh, et aux grandes longueurs d’onde à cause de l’interaction voir être rapidement modulée, et voyons
photons-phonons. Le pic à 1380 nm correspond à une transition de l’ion OH–. La fenêtre de transparence se situe pourquoi la deuxième condition lui impose
entre 1530 nm et 1600 nm. (c) Le multiplexage en longueur d’onde consiste à compartimenter le spectre optique en plus d’avoir une grande brillance. Pour
en plusieurs canaux de communication. Chaque canal possède sa propre porteuse optique, autour de laquelle cela, intéressons-nous à la propagation de
sont transposés les signaux électriques à transmettre (en rouge sur la figure). © Inst. Phys. Rennes - M. Alouini la lumière dans une fibre.
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Reflets de la Physique n° 21 / Le Bup n° 927 71


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Pourquoi une source lumineuse elle se retrouve étalée en sortie de la fibre, c’est-à-dire celui qui parcourt le moins
de forte brillance ? liaison (fig. 2b-1). Ceci est d’autant plus
rédhibitoire que le débit est élevé, c’est-à-
de distance, voit un indice élevé. À l’inverse,
un mode qui serpente de part et d’autre du
Une fibre optique est constituée d’un dire que les impulsions sont courtes et centre du cœur parcourt plus de distance,
cœur qui guide la lumière et d’une gaine, rapprochées les unes des autres, et que la mais voit en moyenne un indice plus faible
tous deux en silice (fig. 2a). Pour que la liaison est longue. Pour que les impulsions (fig. 2b-2). On montre que le profil d’indice
lumière reste guidée, on joue sur le restent bien séparées sur le détecteur, on idéal est parabolique. Alors, le produit BL de
dopage de la silice pour que l’indice de montre que, dans le cas d’une fibre à saut la liaison devient borné par : BL < 8c/(n1Δ2).
réfraction du cœur soit supérieur à celui d’indice (où le profil d’indice à l’interface En prenant les mêmes hypothèses que
de la gaine. Lorsque le diamètre du cœur cœur-gaine forme une marche d’escalier), le précédemment, notre liaison de 10 km
est très grand devant la longueur d’onde, produit de la bande passante en fréquence, offre maintenant un débit de 360 Gb/s.
les lois de la réfraction de l’optique géo- B, par la longueur de liaison, L, doit rester
métrique s’appliquent. Ainsi, il existe un inférieur à une certaine valeur donnée par la Bien sûr, cela est loin d’être suffisant dès
angle d’incidence critique (avec la normale relation : BL < n2c/(n12Δ), où Δ = 1 – n2/n1. lors que les distances à parcourir se comptent
à l’interface entre le cœur et la gaine), Dans ces expressions, n1 et n2 sont respec- en milliers de kilomètres. C’est là que la
au-delà duquel se produit la réflexion totale. tivement les indices du cœur et de la brillance de la source lumineuse utilisée
La lumière se trouve ainsi guidée le long du gaine, et c la célérité de la lumière. À titre devient capitale. En effet, dans ce cas, on
cœur. Cependant, elle peut emprunter d’exemple, une liaison de 10 km de long a recours aux fibres dites « monomodes ».
plusieurs chemins tout en restant guidée, utilisant une fibre multimode à saut d’indice, Celles-ci ont un cœur, dont le diamètre est
pourvu que l’angle d’incidence soit supérieur avec une différence d’indice de 10- 3 entre si petit qu’elles n’autorisent la propagation
à l’angle critique. Dans ce cas, la fibre est le cœur et la gaine, autorise un débit que d’un seul mode spatial. En effet, lorsque
dite « multimode », car plusieurs modes de maximum de seulement 30 Mb/s. les dimensions transverses du guide sont
propagation sont possibles (fig. 2b). Le calcul Pour minimiser la dispersion modale comparables à la longueur d’onde, les lois
rigoureux montre qu’il existe une multi- tout en gardant de grands diamètres de de l’optique géométrique ne s’appliquent
tude de modes de propagation, chacun ayant cœur, une solution consiste à utiliser des plus. Il faut alors faire appel aux équations
son propre indice effectif, de sorte que les fibres à gradient d’indice. Dans ces fibres, de propagation de Maxwell, en tenant
chemins optiques(1) vus par chaque mode on s’arrange pour que la valeur de l’indice de compte des conditions aux limites (celles
sont différents. On parle alors de dispersion réfraction dans le cœur diminue radialement imposées par l’interface cœur-gaine). La
modale. Un tel schéma de propagation n’est du centre vers les bords. Le profil d’indice résolution de ces équations montre que
pas adapté à une transmission de haut débit. est calculé pour que tous les modes voient plus on cherche à confiner l’onde, plus le
En effet, une impulsion lumineuse pouvant le même chemin optique. Ainsi, le mode nombre de modes pouvant se propager
emprunter plusieurs chemins optiques, se propageant parallèlement à l’axe de la diminue. Cette propriété est très générale

1 - Fibreàmultimode
1 - Fibre multimode à saut d'indice
saut d'indice
Indice
Indice

Gaine
Gaine en silice pureen silice pure
φ = 125 μm φ = 125 μm
Rayon Rayon δt
δt
2 - Fibreàmultimode
2 - Fibre multimode à gradient d'indice
gradient d'indice
Indice
Indice

Rayon Rayon
δt δt
Cœur en silice dopée 3- Fibre monomode
3- Fibre monomode
Cœur en silice dopée
a φ = 8 μm φ = 8 μm
Indice
Indice

b
Rayon Rayon

2. Fonctionnement d’une fibre optique. (a) Section d’une fibre monomode. (b) Propagation de la lumière dans trois types de fibres en fonction de leur profil d’indice.
Dans une fibre multimode, une impulsion lumineuse (en gris) peut parcourir différents chemins optiques à la fois. Une impulsion empruntant le chemin tracé en rouge
met pour arriver au détecteur un temps supérieur de δt à celui qu’elle aurait mis si elle avait emprunté le chemin tracé en orange. La dispersion modale produit donc un
élargissement des impulsions et, par conséquent, le chevauchement des différents bits contenus dans le signal à transmettre. L’utilisation d’une fibre monomode permet
de s’affranchir de ce problème, puisque l’impulsion ne peut emprunter qu’un seul chemin optique. © Inst. Phys. Rennes - M. Alouini

72 Reflets de la Physique n° 21 / Le Bup n° 927


Quelques exemples d’application des lasers
en physique ondulatoire, y compris en rigoureusement le même indice effectif, recours au multiplexage temporel et fré-
mécanique quantique. Ainsi, il devient elles se propagent à des vitesses légèrement quentiel. Le multiplexage temporel consiste
nécessaire de coupler la puissance lumineu- différentes. Autrement dit, les composantes à comprimer puis à entrelacer dans le
se, typiquement une dizaine de milliwatts, spectrales d’un signal quelconque n’arrivent temps les signaux issus de différents canaux
dans un guide de 8 µm de diamètre (fig. 2a). pas au même moment sur le détecteur électriques. Le multiplexage fréquentiel
Dans les fibres monomodes, la lumière se situé en bout de ligne. Ceci résulte en un consiste, quant à lui, à placer les différents
propage suivant l’axe de la fibre et ne voit étalement des impulsions formant le signal. canaux côte à côte dans le spectre. Dans
qu’un seul indice effectif, dont la valeur On parle alors de dispersion chromatique. les deux cas, on cherche à remplir de
est comprise entre celles du cœur et de la Cette dispersion s’exprime en ps/km/nm et manière optimale la bande utile afin d’ex-
gaine (fig. 2b-3). La dispersion modale vaut 17 ps/km/nm dans une fibre mono- ploiter efficacement le débit disponible
n’existe plus, puisque seul le mode fonda- mode standard. Ce chiffre traduit le fait dans un canal optique, à savoir la dizaine
mental est guidé. qu’une impulsion qui s’étalerait dans le de Gbit/s.
Notons que la fabrication des fibres domaine spectral sur 1 nm s’élargit de Une fois dans le domaine optique, on
monomodes est une vraie prouesse techno- 17 ps dans le domaine temporel tous les fait appel au multiplexage en longueur
logique. On est capable aujourd’hui de kilomètres. Supposons que la fréquence de d’onde (fig. 1c). Le principe est similaire à
tirer plusieurs centaines de kilomètres de modulation ν vale 10 GHz. Le signal cou- celui du multiplexage fréquentiel dans le
fibre monomode, en garantissant un dia- vrirait alors une largeur spectrale de domaine électrique, hormis qu’il intervient
mètre de cœur de 8 µm. Cela correspond à 20 GHz, ce qui correspondrait à 0,16 nm à l’échelle des fréquences optiques. Pour
un facteur de forme supérieur à 1010 ! à la longueur d’onde de 1,5 µm (fig. 1a). cela, on couple dans une seule fibre plusieurs
Signalons aussi que les travaux liés au Au bout de 100 km de propagation, il signaux issus d’un ensemble de lasers dont
développement des fibres optiques ont s’étalerait dans le domaine temporel de les longueurs d’onde sont légèrement
valu à Charles K. Kao le prix Nobel 2009 270 ps, c’est-à-dire du même ordre de décalées, chaque canal optique offrant un
de physique. grandeur que la période de modulation. Il débit d’une dizaine de Gbit/s. En pratique,
La transmission de signaux de haut débit deviendrait alors difficile de distinguer on arrive à multiplexer une centaine de
passe donc par l’utilisation de fibres mono- deux bits successifs. longueurs d’onde, formant un peigne qui
modes. On peut alors se demander en Contrairement à la dispersion modale, la couvre le domaine spectral 1530 nm à
quoi il est important d’injecter dans des dispersion chromatique n’est pas handica- 1570 nm, et dont les raies sont espacées de
guides si petits plusieurs milliwatts de puis- pante. Cet effet physique est réversible. En 0,4 nm. La gamme de longueurs d’onde
sance optique. En réalité, cela va de pair plaçant le long de la liaison des tronçons choisie correspond au minimum d’atté-
avec l’augmentation du débit à transmet- de fibre à dispersion négative, on donne nuation des fibres et à la fenêtre spectrale
tre. Plaçons-nous en bout de liaison, au de l’avance aux composantes spectrales qui d’amplification des amplificateurs optiques
niveau du détecteur. Pour dépasser le seuil ont pris du retard et vice-versa, de sorte dopés en erbium (voir dernière section).
de détection relatif au bit « 1 », l’impulsion que la dispersion cumulée en bout de Le multiplexage en longueur d’onde
lumineuse doit contenir un certain nombre liaison est quasiment nulle. On parle alors impose donc que les sources lumineuses
de photons. Augmenter le débit revient à de gestion de la dispersion ou encore de utilisées soient fines spectralement et que
raccourcir la durée des impulsions et à en dispersion management. leurs longueurs d’onde ne dérivent pas plus
augmenter le nombre par unité de temps. que 0,01 nm. Sinon, les différents canaux
Ceci nécessite une augmentation du nom- Pourquoi une source lumineuse optiques de communication se mélange-
bre moyen de photons par unité de temps,
et donc de la puissance moyenne de la
spectralement fine ? raient (fig. 1c). Cette contrainte supplé-
mentaire trouve, là encore, une réponse
source optique utilisée. La propriété de cohérence inhérente au dans une des propriétés du rayonnement
rayonnement laser joue aussi un rôle laser : sa cohérence.
Même monomodes, déterminant dans les réseaux de haut débit.
les fibres restent dispersives Les liaisons les plus performantes possèdent
aujourd’hui des débits de l’ordre du Tbit/s
La fenêtre de transparence des fibres
optiques permet des débits largement
Bien que la dispersion modale soit nulle dans une seule fibre. Or, la cadence des supérieurs à la dizaine de Tbit/s. Pour
dans les fibres monomodes, il subsiste impulsions lumineuses issues d’un laser est cela, il suffirait d’augmenter le nombre de
néanmoins un autre effet de dispersion de l’ordre de la dizaine de Gbit/s. On canaux optiques, mais cela s’accompagnerait
beaucoup plus petit, lié à la nature même arrive à obtenir des cadences de 40 Gbit/s, d’une augmentation démesurée de la puis-
du matériau et au profil d’indice de la mais au prix d’efforts conséquents. Cette sance optique circulant dans la fibre. On
fibre. En effet, l’indice effectif vu par le mode limitation provient principalement de la se retrouverait alors rapidement confrontés
dépend très légèrement de sa longueur difficulté qu’on rencontre à convertir un à une multitude d’effets non linéaires qui
d’onde. Pour mieux comprendre, revenons signal électrique de très haute fréquence dégraderaient la qualité des signaux transmis.
à notre signal optique modulé sinusoïdale- en modulation optique. Elle provient aussi En réalité, ce sont souvent les fenêtres
ment à la fréquence ν. Comme nous l’avons des circuits électroniques eux-mêmes. Les d’amplification des répéteurs optiques, ainsi
vu précédemment, le spectre de ce signal signaux électriques à transmettre ont souvent que la saturation de leur gain, qui limitent
est constitué de la porteuse optique à ν0 et une cadence bien plus faible que le Gbit/s. la bande passante utile, notamment dans
de deux raies latérales à ± ν de ν0. Ces Cependant, pour remplir la bande avant les liaisons à longue distance où ils sont
trois composantes spectrales ne voyant pas de passer dans le domaine optique, on a insérés tous les 150 km.
>>>

Reflets de la Physique n° 21 / Le Bup n° 927 73


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Pourquoi un laser semi-conducteurs permettent de répondre à de données. On doit leur succès à l’invention
de petites dimensions ? ce besoin, puisque τinv est de l’ordre de la ns.
En tenant compte de ces deux temps
des hétérojonctions, notamment par
Jores Ivanovitch Alferov, qui s’est vu
Les contraintes que nous venons d’évoquer caractéristiques, τp et τinv, la réponse fré- décerner en 2000 le prix Nobel de physique.
montrent clairement que les sources lumi- quentielle du laser à une modulation de la En confinant spatialement le courant d’in-
neuses utilisées en télécommunications pompe se calcule assez aisément. Elle est de jection, les hétérojonctions ont permis
optiques ne pouvaient être autre chose que la forme : d’obtenir l’inversion de population dans
des lasers. Encore fallait-il pouvoir moduler |H(ν)| = [(1 – ν2/νr2)2 + (γν/νr2)2]– 1/2, les semi-conducteurs avec des courants
le signal optique à des fréquences GHz, où νr est la fréquence des oscillations de ridiculement faibles, de l’ordre du mil-
c’est-à-dire allumer et éteindre le flux relaxation et γ est le taux d’amortissement liampère (mA).
lumineux un milliard de fois par seconde. (exprimé en hertz). On voit que le laser se
Il existe, pour moduler la puissance lumi- comporte comme un filtre passe-bas du Les lasers à semi-conducteurs ont
neuse, deux grandes approches : soit on deuxième ordre (fig. 3a), dont on peut aujourd’hui envahi le marché. Ils sont
module directement la source lumineuse, calculer la fréquence de coupure. La fré- présents dans à peu près tous les équipements
soit on place derrière une source continue quence des oscillations de relaxation est contenant un laser, qu’ils soient scientifiques,
un modulateur d’amplitude. La première proportionnelle à [(η – 1) / (τp τinv)]1/2, où militaires ou civils. Ces lasers sont très
approche est la plus répandue, car elle est η est le taux de pompage, c’est-à-dire la compacts, très robustes, consomment peu
économiquement viable et moins compliquée puissance de pompe normalisée à celle du et, avec le temps, sont devenus très fiables.
à intégrer. seuil d’oscillation. La bande passante d’un laser Un laser télécom a, par exemple, une
est légèrement supérieure à la fréquence durée de vie de l’ordre de 106 heures. Il
Contrôler la puissance lumineuse d’un des oscillations de relaxation. Comme nous existe aujourd’hui un large éventail de
laser à des cadences extrêmement élevées le présentions, τp et τinv doivent être les plus lasers télécoms.
peut paraître incongru. En effet, l’oscillation petits possible. Le taux de pompage doit, Les plus utilisés pour les liaisons de haut
laser repose sur la présence d’une cavité quant à lui, être le plus grand possible. débit sont les lasers rubans à émission par
optique dans laquelle la lumière fait plu- Dans un laser à semi-conducteurs, toutes la tranche (voir p. 23 et figure 3b). Ils sont
sieurs allers-retours. Ce processus prend un ces conditions sont réunies. En effet, constitués d’un empilement de couches
certain temps. On le caractérise par la durée comme nous venons de le voir, τp est de semi-conductrices plus ou moins dopées.
de vie des photons, τp, qui correspond au l’ordre de la ps, τinv est de l’ordre de la ns Le confinement et le guidage de la lumière
temps que met la cavité à se vider en et le taux de pompage est de l’ordre de 10, sont assurés par les contrastes d’indices entre
l’absence du milieu actif. τp dépend de la de sorte qu’on arrive à atteindre des bandes multicouches. Ces lasers sont généralement
longueur d’un aller-retour dans la cavité, passantes de 20 GHz. Les lasers à semi- monomodes transverses, c’est-à-dire qu’ils ne
lcav, et de ses pertes p suivant la relation conducteurs sont, pour l’instant, les seuls guident qu’un seul mode de propagation,
τp = lcav/cp, où c est la célérité de la lumière. lasers à répondre à tous ces critères comme pour les fibres monomodes. Pour
Cette relation montre que la durée de vie simultanément. C’est pourquoi ils se sont les rendre monomodes longitudinaux,
des photons dans la cavité est d’autant plus imposés naturellement dans le domaine c’est-à-dire monofréquences, on grave le
petite que la cavité est courte et qu’elle des télécommunications optiques. long du guide un réseau de Bragg, qui sert
présente des pertes élevées. Ainsi, un laser en outre à fixer la longueur d’onde
qui répond rapidement doit avoir une
cavité courte et des miroirs faiblement
Les lasers à semi-conducteurs : d’oscillation pour les besoins de multi-
plexage en longueur d’onde. La puce ainsi
réfléchissants. La conséquence directe est que des sources techniquement formée n’excède pas un millimètre cube
le milieu actif doit, d’une part, être court et, et économiquement viables (fig. 3c). Elle est généralement soudée sur
d’autre part, fournir un gain suffisamment un support d’alumine, sur lequel sont
élevé pour compenser les pertes de la cavité. Nous venons de voir que les liaisons disposés les circuits d’accès électriques et
Dans un laser à semi-conducteurs, les optiques de haut débit imposaient aux une photodiode de contrôle. Le tout est
cavités sont extrêmement petites : infé- sources lumineuses utilisées un nombre posé sur un élément Peltier, dont le rôle
rieures au millimètre. Le gain lors d’un important de contraintes. Celles-ci trouvent est de réguler la température. Un isolateur
simple passage est de l’ordre de 100, ce qui leur réponse dans les propriétés du rayon- optique et une optique d’injection dans la
autorise des pertes élevées : de l’ordre de 10. nement laser et, plus particulièrement, dans fibre viennent compléter l’ensemble. Un tel
La durée de vie des photons dans la cavité les lasers à semi-conducteurs (voir l’article laser tient dans un boîtier d’un centimètre
est alors de l’ordre de la ps. de S. Forget et al., p. 23). D’un point de cube (fig. 3d).
Mais ce n’est pas tout ! Le milieu actif vue économique, les télécommunications Lorsque les débits recherchés ne sont pas
doit, en plus, pouvoir répondre rapidement optiques ne se seraient sûrement pas élevés, on a recours à des lasers non refroi-
à une sollicitation extérieure. Autrement démocratisées sans ces derniers. En effet, dis, moins performants, mais beaucoup
dit, l’inversion de population doit pouvoir quelle que soit l’origine des signaux à plus compacts et plus économiques.
s’établir et disparaître très rapidement. Pour transmettre, ils finissent toujours par se D’autres technologies existent comme,
cela, la durée de vie du niveau excité, τinv, présenter sous forme électrique. Les lasers par exemple, les lasers à émission par la
doit être courte, ce qui est a priori antino- à semi-conducteurs ont, en plus, le mérite surface (voir p. 23), qui sont bien adaptés
mique avec l’obtention d’un gain élevé. d’être pompés électriquement. Ils sont aux fibres multimodes, donc à des liaisons
De nouveau, les milieux actifs à base de donc parfaitement adaptés à la transmission courtes ou à faible débit.

74 Reflets de la Physique n° 21 / Le Bup n° 927


– 30

Fonction de tra
– 35

– 40
0 5 νr 10 15 20

Fréquence (GHz)
– 20 Module laser

Quelques exemples d’application des lasers


Laser
(dB) (dB)

–– 20 – 3 dB Puce laser Puce laser Fibre optique


25
10 μm Laser
de transfert

γ – 3 dB Guidage optique
– 25
– 30
de transfert

γ
–– 30 1 μm
Fonction

35
Milieu actif
Fonction

– 35
– 40
0 5 νr 10 15 20
a – 40 Fréquence 500 μm
(GHz)
0 5 ν r 10 15 20
100 μm Module
c laser
Fréquence
Puce laser (GHz) Émission
Puce laser laser Fibre optique 3 cm
© Inst. Phys. Rennes - M. Alouini Module laser
10 μm
Puce laserGuidage optique Puce laser Fibre optique
– 20
10 μm Laser
Guidage optique
Fonction de transfert (dB)

– 3 dB
1 μm – 25
γ
1 μm Milieu actif
– 30

Milieu actif
– 35
500 μm
100 μm
500 μm – 40
b © Inst. Phys. Rennes - M. Alouini 0 Émission 5laser νr 10 15 3 cm d20
100 μm
Fréquence (GHz)
Émission laser 3 cm
© Inst. Phys. Rennes - M. Alouini
Module laser
Puce laser
laser RLC, quiFibre optique
3. Lasers à semi-conducteurs pour les télécommunications optiques. (a) Un laser télécom se comporte commePuce un circuit présente une fréquence de
10 μm
résonance νr et un taux d’amortissement γ. La rapidité avec laquelle on peut Guidage
moduler leoptique
laser dépend de ces deux paramètres. (b) Section d’un laser à semi-conducteur à
émission par la tranche. (c) Intégration de la puce laser dans un boitier télécom. Ce dernier contient, en plus de la puce laser, une optique d’injection dans la fibre, les
accès électriques et une photodiode de contrôle. L’ensemble est posé sur un module à effet Peltier qui régule la température du laser. (d) Vue d’un laser télécom dans son
compartiment d’alimentation. © Inst. Phys. Rennes - M.1 μm
Alouini

Milieu actif

Finalement, il est important de mentionner


500 μm
que ce sont aussi des lasers à semi-conducteurs 100 μm
Conclusion Pour en savoir plus
qui pompent les amplificateurs ©à Inst. fibre Nous avons essayé en quelques pages, et
Émission laser • I. Joindot et M. Joindot, Les Télécommunications par
3 cm
Phys. Rennes - M. Alouini
dopée en erbium (EDFA). sans trop entrer dans les détails techniques, Fibres Optiques, Dunod, Paris (1996).
Dans les liaisons excédant 200 km de de donner au lecteur un aperçu des raisons • G. P. Agrawal, Fiber-Optic Communication Systems,
long, comme les liaisons sous-marines par qui font que les propriétés du rayonnement 3e édition, Wiley, New York (2002).
exemple, ces amplificateurs sont disposés laser ont été déterminantes dans le déve- • G. P. Agrawal, Lightwave Technology, Wiley, New York
tous les 150 à 200 km, afin de compenser loppement des communications optiques (2005).
les pertes de propagation. Ils sont constitués par fibre. Les percées scientifiques qui ont
• E. Rosencher et B. Vinter, Optoélectronique, 2e édition,
d’une vingtaine de mètres de fibre mono- permis ce développement sont si nombreuses Dunod, Paris (2002).
mode, dont le cœur est dopé à l’erbium. qu’il serait illusoire de vouloir les dénombrer
L’inversion de population est obtenue en sans en oublier. Hormis les lasers, elles • G. P. Agrawal and N. K. Dutta, Semiconductor Lasers,
2e édition, Springer, Berlin (1993).
pompant optiquement la fibre à l’aide concernent notamment le guidage de la
d’une ou plusieurs diodes laser émettant à lumière, le traitement optique de l’infor- • E. Desurvire, Erbium-Doped Fiber Amplifiers, Wiley,
980 nm ou à 1480 nm. L’amplification a mation, l’amplification optique à l’aide de New-York (2002).
lieu ainsi directement dans le domaine terres rares, les technologies de détection,
optique, sans avoir à reconvertir le signal l’électronique rapide, le traitement du signal,
dans le domaine électrique. Il va de soi les algorithmes de correction d’erreur, les
que ce schéma d’amplification est incon- protocoles de codage, etc. Les télécom-
tournable lorsque la liaison est multiplexée munications optiques ont constitué, et
en longueur d’onde. Sans ces amplificateurs constituent encore, un prodigieux terrain
optiques, les liaisons optiques transocéaniques de jeux pour des techniciens, ingénieurs et
(1) Le chemin optique entre deux points A et B est
et transcontinentales de haut débit n’auraient chercheurs d’horizons divers. Certaines de défini comme la distance AB parcourue par un rayon
jamais vu le jour. ces percées scientifiques ont été décisives. lumineux multipliée par l’indice de réfraction que le
L’invention du laser en fait partie. ❚ rayon a rencontré lors de son trajet.

Reflets de la Physique n° 21 / Le Bup n° 927 75

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