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Université Omar Bongo

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Faculté de Lettres et Sciences Humaines
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Département D’anthropologie
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Option : patrimoine et dynamiques sociales

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme de Master Recherche en anthropologie


culturelle

Thème : Processus de transmission du patrimoine culturel lors d’un retrait de deuil d’une
Nkoumou-A-Ebenga chez les femmes Mitsogo de Mimongo

Présenté et soutenu publiquement par : Supervision scientifique de :

Jean Bertrand Mogangue Pr Pierre Ondo Mebiame


Sous la direction de :
Dr Claudine-Augée Angoué
Maître-assistant CAMES

Année académique 2016-2017


SOMMAIRE

Dédicace

Remerciements

Epigraphe

Introduction…………………………………………………………………………………....1

Chapitre préliminaire : Les préalables épistémologiques………………… …………….........6

Chapitre1 : Présentation de la population dans son milieu de vie……………………………45

Chapitre2 : Description culturelle…………………………………………………………….51

Chapitre3 : La cérémonie de Boho dans le retrait de deuil de la Nkoumou-a-Ebenga……...62

Chapitre4 : Le processus de transmission du pouvoir culturel et intronisation du


successeur……………………………………………………………………………………103

Conclusion…………………………………………………………………………………..113

Bibliographie………………………………………………………………………………...116

Sources orales……………………………………………………………………………….120
Dédicace

A mes enfants :

Silia Omayi Mogangué et Destrie Ministria Tsono Mogangué.

Qui, âgées de douze saisons de pluie et Cinq saisons sèches, m’ont contraint à devenir
responsable avec le statut de père de famille.
Remerciements

« Sur les sentiers de la connaissance, on ne chemine jamais seul » Emile Durkheim.

Nous devons beaucoup à notre directrice de mémoire Claudine-Augée Angoué (Maître-


assistant CAMES), qui m’a offert un chemin dans le monde de la recherche, qui m’a fait
confiance, m’a encouragé et m’a toujours soutenu. Merci pour tous ces moments partagés
qu’ils soient de réflexion ou de détente, ils m’ont beaucoup appris et apporté des orientations
idoines à notre travail. Merci pour l’intérêt de ces recommandations vis-à-vis de la question
du transfert du patrimoine culturel d’une Nkoumou-a-Ebenga à une autre, lors du retrait de
deuil d’une Nkoumou-a-Ebenga chez les Mitsogo de Mimongo.

Nous remercions également l’ensemble des enseignants du département d’anthropologie


(2011-2017) pour la formation remarquable.

Nos remerciements vont également à l’endroit de Docteur Maixent Mébiame Zomo, (Maitre-
assistant CAMES) pour nous avoir pris comme fils adoptifs de la science en nous octroyant
un cadre propice à la recherche, le laboratoire d’anthropologie.

A mes enseignants des Lycées et Collèges, Monsieur Mitogo Moto, pour son orientation
depuis notre classe de 3eme, comme un ange sur notre chemin nous a orienté vers le chemin
de la réussite et Symphorien Gnondou, pour son aide multiforme.

A mes aînés Gustave BOKANDZA et Timothée MÉMÉ.

Merci à ma défunte mère Tsono Marie Clarisse pour ses sacrifices.

Il convient de remercier également nos parents particulièrement notre oncle maternel Paul
Odambo, pour nous avoir inscrits à l’école et mes papa Jean Pierre Madouma, Hugues
Boucka.
Epigraphe

« Ce n’est pas par la vanité, qui va toujours de pair avec le manque de pudeur, que la femme peut
accomplir sa mission sur cette terre, mais bien par la grâce qui lui est offerte à elle seule! Chez la
femme, chaque expression, chaque mouvement, chaque parole doit porter le sceau de sa noblesse
d’âme! C’est en cela que réside sa mission de même que son pouvoir et sa grandeur ».

Abd-Ru-Shi, Dans la lumière de la vérité, message du Graal,


Paris, éditions françaises du Graal, Tome III, 1991, p. 58.
Introduction

Chez les Mitsogo, le retrait de deuil est réservé aux personnes qui ont un statut particulier
dans la communauté. C’est le cas d’une Nkoumou-a-Ebenga. Ainsi, comme l’affirme
Claudine-Augée Angoué1 seuls les chefs et les hommes riches font l’objet de rituel durant la
période de deuil. Ce culte, ayant pour fonction d’aider l’esprit du mort à se libérer des
pesanteurs terrestres pour intégrer le panthéon des ancêtres. Ce moment permet d’initier des
novices au rite Boho. Le retrait de deuil est aussi un moment particulier où la plupart des rites
sont mobilisés. Certaines femmes abandonnent leurs travaux champêtres pour participer à
l’organisation du rite Boho. Aucun autre moment de la vie, chez les femmes Mitsogo ne
présente un intérêt aussi particulier que celui de l’organisation d’un retrait deuil, surtout d’une
Nkoumou-a-Ebenga car c’est une femme importante dans l’initiation au Boho. Certaines
femmes voient cette période comme une opportunité, un moment particulier de leur vie à ne
pas rater, surtout pour l’initiation de leurs enfants parce que la mort d’une Nkoumou-a-
Ebenga n’arrive pas tout le temps dans la communauté.

Chez les Mitsogo, à chaque fois qu’une Nkoumou-a-Ebenga meurt, les membres de la
communauté organisent un retrait de deuil en initiant des novices au Boho.

En 2015 à Mikodi, quartier de la commune de Mimongo, ville située dans la province de la


Ngounié, une grande cérémonie de retrait de deuil est organisée en mémoire de Suzanne
Mobouassé, une Nkoumou-a-Ebenga.

La récurrence de ce phénomène a suscité en nous un questionnement scientifique à ce sujet.

C’est pourquoi nous nous sommes posé la question de savoir pourquoi les femmes Mitsogo
initient-elles les novices lors d’un retrait de deuil d’une Nkoumou-a-Ebenga ?

La Nkoumou-a-Ebenga est une femme qui a atteint le plus haut grade dans le Boho.
N’importe quelle femme initiée au rite Boho ne peut accéder a cette fonction car conférée aux
femmes ayant la maîtrise de la société initiatique et capables de garder les secrets de son
institution. En effet, si toutes les femmes accèdent au même niveau de connaissance de la

1
C.-A. Angoue, « La coutume du diable, Politique économique et institutions initiatiques au Gabon » Rupture-
Solidarité, Annales de l’université Omar BONGO, n˚5-2004, p144.
société Boho, la Nkoumou-a-Ebenga n’aura qu’un pouvoir limité. Plusieurs femmes et
hommes initiés de la région ont été invités à assister à ses funérailles.

La Nkoumou-a-Ebenga, est une fonction conférée aux femmes initiées. Pour devenir
Nkoumou-a-Ebenga, il faut être une femme ; être initiée au Boho; savoir garder les secrets liés
aux institutions initiatiques; avoir une connaissance approfondie de cette société ; être
désignée par les femmes où l’une des prêtresses ayant une parfaite connaissance du Boho ;
être une femme qui a perdu son père ou sa mère parce qu’une personne qui a perdu sa mère ou
son père a subi des rites que d’autres femmes n’ont pas encore subi. Une fois ces critères
remplis, la candidate peut être nommée Nkoumou-a-Ebenga.

Le retrait de deuil de la Nkoumou-a-Ebenga est un moment où les femmes procèdent à la


transmission du patrimoine culturel d’une Nkoumou-a-Ebenga à une autre chez les Mitsogo.

A la mort d’une Nkoumou-a-Ebenga un certain nombre de rites est organisé à savoir : Boho à
wèèba (Boho organisé dans la maison du deuil); Makonga mon Omanda ou ma pitchi (rite
organisé dans la maison pendant le jour ou au milieu de la nuit. Ce rite consiste à faire sortir
le masque des femmes. Il ne dure qu’environ une ou deux heures de temps ; Eagho (rite
propitiatoire qui consiste à implorer les ancêtres par un ensemble de prières et de sacrifices
offerts aux esprits afin qu’ils soient présents lors de cette cérémonie.) ; l’initiation des jeunes
filles ; l’organisation du Bwété a Mayaya (Bwiti où participent les non-initiés. Ils assistent
sans aller là où tous les autres hommes préparent le Bwété) ; la sortie des novices à
l’initiation ; le Ngoyi (retrait définitif du deuil moment marqué par l’esquisse des pas de danse
et imitation de la prêtresse et de son mari) ; l’organisation du Bodinga (rite où les femmes
écrasent une partie des denrées offertes par les membres de la famille aux femmes qui dansent
le Boho lors du retrait de deuil de la Nkoumou-a-Ebenga). Enfin les Mitchandja : les petits
feux allumés par les femmes pour se séparer de l’esprit de la défunte.

L’initiation des novices au Boho permet aux femmes (Amenga-Menga et doyennes au Boho)
de transférer le pouvoir culturel qu’elles détiennent de leurs ancêtres mais surtout celui que
détenait la défunte Nkoumou-a-Ebenga à son successeur, de perpétuer l’institution Boho pour
que les générations futures s’imprègnent des rites du Boho. Ce transfert du pouvoir culturel se
fait à huis clos, à l’abri des regards des autres initiées et en présence des femmes ayant occupé
les fonctions de, Amenga-Menga ; Tchéndé ; Ghébègha et de Nkoumou-a-Ebenga.
Pour les femmes, la mort d’une Nkoumou-a-Ebenga est une perte mais aussi un moyen pour
les doyennes du Boho de transférer non seulement le pouvoir à une nouvelle Nkoumou-a-
Ebenga et aussi une opportunité pour organiser la plupart des rites qui n’ont plus été organisés
depuis longtemps dans la société.

Cela permet aux femmes de ne pas oublier les différents rites que l’on retrouve dans la société
initiatique Boho, de ramener la sérénité au sein de la société parce que la mort a occasionnée
le désordre, perturbé la quiétude du groupe. En effet, dans la société Mitsogo en général et en
particulier chez les femmes, la mort cause un désordre. L’ordre qui a été perturbé ne peut
revenir dans la communauté que grâce à l’organisation de ces rites. C’est ainsi que
l’organisation de ces différents rites permet à la société de retrouver son fonctionnement
habituel car la mort la souille et entraine un changement au sein de la société d’une part, la
réorganise en ce sens qu’on assiste à l’intronisation d’une nouvelle prêtresse qui accède à sa
nouvelle fonction de Nkoumou-a-Ebenga d’autre part. Nous nous intéressons à la
transmission du pouvoir culturel à l’occasion du retrait de deuil d’une Nkoumou-a-Ebenga.
Cette transmission du pouvoir à une nouvelle Nkoumou-a- Ebenga permet à cette dernière
d’avoir le contrôle des rites initiatiques et de la vie sociale des Mitsogo.

Cette transmission se fait lors de l’initiation des novices au Boho pendant le retrait de deuil
d’une Nkoumou-a-Ebenga tout en mobilisant les rites présents de la culture Mitsogo. Les
femmes organisent ces rites non seulement pour se séparer de la prêtresse de Boho mais aussi
pour s’approprier son capital culturel qu’elle détenait afin de le transférer à une autre femme
qu’elles désignent pour succéder à la défunte. Ainsi, comme l’affirme Pierre Bourdieu 2 le
capital culturel donne du pouvoir à son détenteur.

Cette transmission du pouvoir se fait pendant les rites de Makonga organisés à l’intérieur de la
maison du deuil et dans la forêt sacrée, lors des rites Ghésamba, Ngoyi, Mitchandja organisés
dehors et les objets rituels à savoir la machette bêche que la défunte utilisait pour
débroussailler ses plantations, les plumes de touraco, et de la pintade qui protégeaient les
novices lors de leur initiation, les fibres des feuilles de bananier que les novices nouaient
autour des hanches pendant les séances de danse de Boho, les habits que portait la défunte
Nkoumou-a-Ebenga que les doyennes Boho remettent à la nouvelle Nkoumou-a-Ebenga pour
voyeuse de la connaissance du Boho. Cependant, la transmission du pouvoir culturel n’est pas

2
P. Bourdieu, La distinction : Critique sociale du jugement, éd de Minuit, 1979, p95.
propre à la société Boho. En effet, Georges Balandier3 a observé ce même transfert du pouvoir
culturel dans une société Béninoise par la mise à mort du roi ou de la reine pour s’approprier
son capital culturel.

Les objets récupérés auprès de ce dernier sont remis à la nouvelle prêtresse ou au nouveau roi
afin que ces derniers lui servent comme objets culturels pour contrôler la société et exercer
son pouvoir. De même Maurice Godelier4 dans la société Baruya a observé le même transfert.
En effet, dans cette société, les femmes consomment le sperme rituel pour avoir la force et le
pouvoir afin d’avoir le contrôle partiel de leur société. Le retrait de deuil s’inscrit dans le
cadre théorique de l’anthropologie culturelle, parce qu’elle permet d’avoir une connaissance
approfondie sur la culture5 et les comportements des individus. En plus, ce champ étudie les
caractères distinctifs des conduites des êtres humains appartenant à une même culture,
considérée comme une totalité irréductible à une autre. L’anthropologie culturelle permet
d’observer directement les comportements des individus tels qu’ils s’élaborent en interaction
au groupe et au milieu dans lesquels naissent et grandissent ces individus. Tandis que les
femmes Mitsogo organisent le Boho pour transmettre le patrimoine culturel à la nouvelle
Nkoumou-a-Ebenga. Cela permet de reproduire l’institution Boho et construit en même temps
un modèle de femme telle que se le représente la culture Mitsogo.

Sur le plan méthodologique, cette étude s’appuie sur d’importantes données de terrain.

En effet, le travail de terrain qui passe pour être l’apanage distinctif de la recherche
ethnologique reste le propre de l’anthropologue. Ainsi, pour la réalisation de cet objet d’étude
nous avons eu recours aux entretiens semi directifs et directifs mais aussi aux observations
directes et indirectes et organisé des débats dans les forums de réseaux socio notamment
WhatsApp où nous ciblions nos interlocuteurs. Nous avons aussi privilégié la participation
observante ou l’immersion du chercheur dans son terrain d’étude pour mieux saisir notre objet
d’étude parce que tout mode de connaissance est de réfléchir à partir des observations du réel.
Pour la collecte de nos données, nous avons utilisé le crayon à papier, un journal de terrain, un
appareil photographique, un dictaphone comme moyen d’enregistrement des données
collectées. Ces outils étant nécessaires pour la collecte des données nous ont été

3
G. Balandier interview accordé à Alexandre Bloche au sujet de la transmission des pouvoirs dans les sociétés
primitives, paris 2010.
4
M. Godelier, la production des Grands Hommes, Paris, Fayard, 1996, p. 91.
5
P. Laburthe-Tolra et J.-P. Warnier, ethnologie anthropologie, Paris PUF, 1993, p.161.
indispensables car ce que nos yeux ne peuvent voir nos oreilles ne peuvent entendre, notre
cerveau ne pouvait enregistrer, nous ont facilités l’enregistrement des données de terrain.

Le champ empirique de ce travail est Mimongo, ville dans laquelle on trouve majoritairement
le peuple que nous étudions. Mimongo se situe au Sud Est de la province de la Ngounié au
Gabon, lieu où nous avons observé le phénomène que nous traitons dans ce travail.

Le choix du terrain de recherche pour la réalisation de ce travail n’est pas fortuit. En effet, Il
relève d’un constat, le département de l’Ogoulou Mimongo est le bastion des Mitsogo,
peuples autochtones au même titre que les pygmées Babongo. En outre, ce département est
non loin de Dibwa, lieu d’origine des Mitsogo mais également le noyau de la culture Mitsogo
parce que les Mitsogo du département de l’Ogoulou Mimongo sont réputés être un peuple
conservateur et gardien de la culture Mitsogo.

Notre travail se subdivise en quatre chapitres. Le premier, s’intéresse aux problèmes de


construction épistémologique. Le deuxième s’intéresse à la présentation de la population dans
son milieu de vie, également notre terrain d’enquête. Le troisième présente le déroulement du
retrait de deuil de la Nkoumou-a-Ebenga et enfin le dernier chapitre de notre travail planche
sur le processus de transmission du pouvoir culturel et intronisation du successeur.
Chapitre préliminaire : Les préalables épistémologiques

1-Choix du sujet

Pour notre part, le choix de notre objet d’étude relève d’un constat : celui de l’absence des
travaux sur le retrait de deuil d’une Nkoumou-a-Ebenga, prêtresse de l’initiation Boho chez
les femmes Mitsogo alors que cette dernière est un personnage de grande importance dans
l’initiation des novices au Boho. Pourtant depuis la découverte du pays Mitsogo par un jeune
explorateur anglais, Paul du Chaillu, cette société fait l’objet de nombreuses investigations
parmi les membres de la communauté scientifique dont : Raponda Walker et Roger Sillans
(L’art et l’artisanat Tsogo), Otto Gonhoffer (Motombi Ghétété za Maghanga), Julien
Bonhomme (Masque Blanc danse De Gaul), Amélie Mogoa (Monai), Célestine Koumba
Boupho (le Mariage chez les Mitsogo), Paulin Kiallo (L’économie chez les Mitsogo) et Guy
Serge Mogomba (Ethno écologie des Mitsogo du Gabon : ethnobotanique et ethno zoologie)
pour ne citer que ces quelques chercheurs.

La société Mitsogo est connue pour sa richesse culturelle et nous ne comprenons pas pourquoi
l’étude de la femme Nkoumou-a-Ebenga est passée sous silence malgré l’investigation de
nombreux chercheurs sur la société Mitsogo. Depuis les premiers missionnaires, cette société
est connue pour sa richesse cultuelle. Cette richesse est rendue visible grâce à des personnages
tels que la Nkoumou-a-Ebenga qui est une femme de la société initiatique Boho difficile à
explorer par les non-initiés à la société initiatique Boho, pire encore par la communauté
scientifique. Cette méconnaissance de la Nkoumou-a-Ebenga aussi bien par les chercheurs
gabonais qu’étrangers, ne pouvait qu’attirer notre curiosité.

De plus, nous avons constaté que le retrait de deuil de ce personnage dans la société Mitsogo
mobilise la plupart des rites que l’on retrouve chez les Mitsogo. Le nettoyage des cimetières,
l’organisation d’un rite propitiatoire pour obtenir la bénédiction des défunts, l’initiation des
novices au Boho, l’organisation d’un rite masculin pendant le retrait de deuil d’une femme,
l’organisation des Mitchandja, le transfert du patrimoine culturel d’une Nkoumou-a-Ebenga à
une autre, l’organisation de Boyoyi et l’organisation du Bodinga.

Nous nous sommes donc posé la question de savoir pourquoi les femmes initient-elles les
novices lors du retrait de deuil d’une Nkoumou-a-Ebenga ?
Les femmes Mitsogo initient les novices lors du retrait de deuil d’une Nkoumou-a-Ebenga
pour transmettre le patrimoine culturel à la nouvelle Nkoumou-a-Ebenga.

Cela permet de reproduire l’institution Boho et construit en même temps un modèle de femme
telle que se le représente la culture Mitsogo.

Notre travail veut apporter une modeste contribution à la compréhension du retrait de deuil
d’une Nkoumou-a-Ebenga chez les Mitsogo par le biais de la société initiatique des femmes
réputées être fermées et inaccessibles aux non-initiés.

2-Objet d’étude

Notre objet d’étude porte sur la transmission du patrimoine culturel Boho chez les femmes
Mitsogo de Mimongo. Cette étude pose ainsi le problème de la transmission du pouvoir
culturel Boho chez les femmes Mitsogo de Mimongo. Ainsi, les femmes qui détiennent le
savoir culturel sont détentrices d’un pouvoir politique, économique, social et culturel de leur
communauté. Cette transmission passe par le nettoyage des cimetières afin de prendre la
bénédiction auprès de la défunte mais aussi auprès des personnes décédées appartenant à la
société secrète Boho, l’organisation d’un Eagho, rite propitiatoire pour solliciter la
bénédiction auprès des membres décédés. Ce rite permet de bénir le déroulement de la
cérémonie, l’organisation du rite Boho a Ovanga, rite de préparation de la cérémonie Boho ;
l’organisation du rite Bôghoa, tèmèda Mikoussa qui marque l’effectivité du retrait de deuil
dans le village ; l’initiation des Bassendés (novices à l’initiation Boho) pour leurs permettre
d’intégrer la communauté initiatique et de perpétuer l’institution Boho afin d’espérer la
réincarnation de l’esprit de la défunte chez l’une des filles que l’on initie ;

la consommation des crustacées dans un cadre rituel afin de permettre à la Nkoumou-a-


Ebenga d’assoir son autorité ; l’organisation du rite Enoungou qui montre comment les
novices sont ‘’dévorés’’ par la Nkoumou-a-Ebenga lors de leur initiation au Boho ;
l’organisation d’un deuxième rite Makonga pour l’intronisation des novices à l’initiation
Boho ; l’organisation du Boho-a-ghô Mokiyi ; l’organisation d’un Bwiti qui permet d’honorer
la défunte ; l’organisation du Ngoyi, rite de séparation entre la défunte et la communauté ; et
le retrait du pagne noir qui n’est autre que la face cachée du pouvoir que la défunte exerçait
dans la communauté. Enfin l’organisation du Boyoyi, rite d’adieu à la défunte.
L’organisation d’un Bwiti se justifie par le fait qu’elle fait partie des personnalités qu’il faut
honorer aussi bien chez les hommes que chez les femmes.

Le transfert du pouvoir culturel d’une Nkoumou-a-Ebenga à une autre dans la culture Mitsogo
se fait également par l’intronisation d’une nouvelle Nkoumou-a-Ebenga grâce aux objets
rituels que les femmes donnent à la nouvelle Nkoumou-a-Ebenga dans le rite Boho. Ainsi, la
nouvelle Nkoumou-a-Ebenga rentre en possession des objets tels que la machette bêche pour
avoir le contrôle sur les plantes et les arbres ; la garde de la bouture des cannes à sucre
appelée Ghémbimbi qui représente l’esprit de la défunte ; la peau de la genette qu’elle porte
au-dessus de sa tête lors de ses sorties de séance de danse de Boho ; la garde des plumes de
touraco et de pintade, l’une pour la protection et l’autre pour la beauté des novices.
L’imitation des animaux symboliques tels que les félins ; l’éléphant lors du retrait de deuil de
la défunte, symbole de respect et de crainte des autres initiées à l’égard de la Nkoumou-a-
Ebenga. La garde et la fabrication des amulettes de protection des novices lors de l’initiation
au Boho ; l’implantation des costus lucasianusianus ; la consommation des crustacées avec les
doigts de bananes lors du retrait de deuil permettent d’obtenir la bénédiction des esprits mais
aussi de faire face aux attaques sorcellaires.

Cette transmission des objets culturels à la nouvelle Nkoumou-a-Ebenga lui permet d’avoir le
pouvoir sur les autres femmes et de reproduire l’institution sociale Boho pour qu’elle continue
à fabriquer un modèle de femme de la culture Mitsogo.

Le retrait de deuil de la Nkoumou-a-Ebenga permet à la communauté d’organiser la plupart


des rites que l’on retrouve chez les Mitsogo. Ce rappel des rites permettent aux profanes, aux
novices et aux initiées de connaître la plupart des rites présents dans la culture Mitsogo pour
que les membres de cette culture se souviennent de leur existence afin d’éviter de les oublier
car ils constituent le patrimoine matériel et immatériel de la culture Mitsogo, leur identité.

L’objet de la science étant un objet de raison, on se doit d’opérer une rupture avec la réalité
immédiate, le discours commun, afin de permettre non seulement l’élaboration d’une
problématique, de dégager la portée scientifique du sujet mais également de procéder à la
formulation des hypothèses.
Pour que cette opération soit réalisable, il faut que nous ayons une idée précise de ce que nous
voulons faire et de ce qu’il faut faire, affirme Gaston Bachelard.6

En ce qui concerne les rites initiatiques, chez les Mitsogo, il faut souligner qu’ils ont été
observés pour la première fois par un aventurier de dix-sept ans qui débarque pour la première
fois dans l’Estuaire du Gabon. Comme l’affirme Claudine-Augée Angoue7, les initiés sont
formés à devenir des gardiens du culte des ancêtres et à promouvoir des relations
harmonieuses entre leur communauté et la nature.

Paul Belloni du Chaillu8, fera connaître au public occidental « les mœurs et coutumes des
populations de l’intérieur et la richesse d’une faune et d’une flore jusqu’ici inconnues ».
C’est, en effet, grâce aux deux récits qu’il fera que l’on découvrira l’existence des Shira, des
Punu, des Mitsogo et des Sangu.

Plus tard cette découverte des Rites et Croyances des peuples du Gabon9 sera mieux connues
grâce aux travaux d’André Raponda Walker et Roger Sillans, véritables hommes de terrains.
Au point où à la préface de cet ouvrage les qualifient de ‘’prophètes’’ des rites gabonais parce
qu’ils consacrèrent toutes leurs vies à écrire et à valoriser les différents rites des peuples du
Gabon.

L’étude de notre objet permettra de montrer, à partir des rites présents dans la société
Mitsogo, comment les femmes, à travers le retrait de deuil d’une Nkoumou-a-Ebenga
(prêtresse de Boho), procèdent au transfert du pouvoir culturel qu’elle détenait pour le
transférer à une autre femme afin de permettre à une nouvelle Nkoumou-a-Ebenga de
posséder le patrimoine culturel de la société pour faire d’elle un modèle de femme grâce à son
intronisation à son nouveau grade de Nkoumou-a-Ebenga lors du retrait de deuil de son
prédécesseur.

Nous essayerons, dans ce travail, de décrire le cheminement de l’organisation d’un retrait de


deuil d’une Nkoumou-a-Ebenga chez les Mitsogo. Ce cheminement permet aux femmes de la
culture de préserver l’institution Boho.

6
G. Bachelard, 1965, La formation de l’esprit scientifique, Paris, Libraire philosophie Jean Vin, p.19.
7
Ibid., p7.
8
J. M. Hombert et L. Perrois, Cœur d’Afrique, éditions CNRS, Paris, 2007, p9.
9
A. Raponda-Walker et R. Sillans, Rites et Croyances des peuples du Gaon, Paris, Présence Africaine. 3eme
édition. , 1995.
La scolarisation de la femme de nos jours permet non seulement d’acquérir le savoir
scientifique mais aussi de faire d’elle une femme influente du point de vue occidental.

Or ce qui était totalement méconnu par les sociétés africaines avant la pénétration et
l’installation de la puissance coloniale dans nos différentes communautés.

Chaque communauté avait des rites spécifiques pour fabriquer un modèle type d’individu
propre à sa communauté. Telle est le cas du rite Boho chez les Mitsogo. Ainsi, pour façonner
une femme influente dans la communauté, les membres du groupe notamment les initiées
procédaient à l’intronisation de l’un de leur pendant la période des retraits de deuil d’une
Nkoumou-a-Ebenga. C’est pourquoi l’intronisation de la femme Mitsogo pendant le retrait de
deuil d’une Nkoumou-a-Ebenga était l’une des conditions de construction de la femme
Mitsogo car chez les Mitsogo, la véritable femme, c’est celle qui a subi les rites d’initiation à
la société secrète du Boho mais surtout celle qui est intronisée lors des cérémonies
d’initiations et de retrait de deuil. Ainsi, l’institution Boho joue un double rôle : celui de
modélisation et de construction de la femme selon les canaux de socialisation de la culture
Mitsogo.

Il est vrai que l’initiation des novices fait face aux nombreux défis dus aux effets dévastateurs
de la modernité. En effet, les parents préfèrent envoyer leurs enfants dans les écoles
occidentales pour qu’elles apprennent la science.

Le choix de notre objet d’étude peut se comprendre en ce sens que le retrait de deuil d’une
Nkoumou-a-Ebenga c’est l’occasion des femmes initiées Mitsogo de permettre à une autre
femme de devenir une véritable femme grâce à sa double intronisation.

C’est dans ce contexte que nous rappelons avec Simone de Beauvoir10 « qu’il ne suffit pas
d’avoir un corps de femme ni d’assumer comme amante, comme mère, la fonction de femme
pour être une « vraie femme ».

La « vraie femme » est une construction sociale ». Maurice Gadellier11 quant à lui
renchérit : « Une femme ne devient véritable femme qu’après avoir subi les rites
d’initiations ». Ainsi, il ne suffit pas d’avoir les critères morphologiques attribués aux femmes
ou bien avoir un corps développé qui permet d’attirer le regard des hommes et d’être un objet
sexuel, ou être mariée pour être considérée comme une femme dans la culture Mitsogo, la

10
S. de Beauvoir, le deuxième sexe 1 les faits et les mythes Ed Gallimard, 1949 p.394.
11
M. Godelier, op.cit. p.91.
vraie femme c’est celle qui a été enseignée, celle qui sait comment les membres de sa culture
procèdent pour protéger les membres de sa communauté. La vraie femme c’est celle qui
contrôle le fonctionnement de la société et impose son point de vue dans la société. C’est celle
aussi qui a le contrôle social de la gestion du patrimoine culturel de sa communauté et qui
contribue à la gestion de la communauté. Elles-mêmes la désignent comme « A ma vagnio »
qui signifie probablement, elle est protégée, elle connait les secrets qui régissent les initiations
et ceux qui régulent la vie en communauté.

Il s’en suit la question suivante : Pourquoi les femmes Mitsogo initient-elles les novices lors
du retrait de deuil d’une Nkoumou-a-Ebenga ?

3- Champ théorique

Pour mieux expliquer notre hypothèse liée à la transmission du pouvoir culturel à la nouvelle
Nkoumou-a-Ebenga qui permet de reproduire l’institution sociale Boho et construire en même
temps un modèle de femme telle se le représente la culture Mitsogo, nous avons fait référence
au culturalisme.

Cette grille de lecture nous permettra de rendre compte des différents et multiples rôles que
joue l’initiation des femmes dans le Boho. En effet, elle constitue un rite de passage qui
permet aux femmes de devenir de véritables femmes grâce à leur initiation.

Notre travail s’inscrit dans le domaine de l’anthropologie culturelle telle que décrite par
François Laplantine parce que ce champ théorique explique comment le chercheur doit
procéder pour appréhender son objet, il fait partie des théoriciens de la culture. En s’inscrivant
dans ce cadre théorique cela nous a permis de comprendre notre objet d’étude et de déceler ce
qu’il faut faire pour notre travail. C’est ainsi que notre objet d’étude qui porte sur le retrait de
deuil d’une Nkoumou-a-Ebenga peut être explicité grâce à ce cadre théorique. En effet, le
retrait de deuil d’une Nkoumou-a-Ebenga est un lieu de transmission du pouvoir culturel chez
les femmes Mitsogo.

Dans son mémoire de master Herman Junior Moussoudou12 note que : « Les rites assurent la
totalité de l’identité du groupe sécréteur de connaissance dans le groupe ».

12
H. J. Moussoudou, identité et dynamique : Le rite de Mbété Nguba des Eviya, entre stratégie de défense et
arme de conquête, Mémoire de master recherche, université Omar Bongo, 2016. P. 26.
Le retrait de deuil permet l’initiation des novices mais également la transmission du pouvoir
culturel d’une Nkoumou-a-Ebenga à une autre. La transmission du pouvoir culturel étant liée
à la culture alors, le courant de pensée qui sied à notre objet est l’anthropologie culturelle.
Elle s’intéresse, selon François Laplantine13, aux différents comportements « des individus
qui sont considérés comme des acteurs de la culture à laquelle ils appartiennent ».

François Laplantine14 définit « la culture comme l’ensemble des comportements, savoirs et


savoir-faire caractéristiques d’un groupe humain ou d’une société donnée, ces activités étant
acquises par un processus d’apprentissage, et transmises à l’ensemble des membres.»

Notre inscription dans le champ d’étude de l’anthropologie culturelle de François Laplantine a


été motivée par trois raisons essentielles:

L’anthropologie culturelle étudie les caractères distinctifs des conduites des êtres humains
appartenant à une même culture, considérée comme une totalité irréductible à une autre.
Attentive aux discontinuités, elle met l’accent sur l’originalité de tout ce que nous devons à la
société à laquelle nous appartenons. Ainsi, la soumission des novices lors de l’organisation du
Boho lors des cérémonies du retrait de deuil d’une prêtresse, Nkoumou-a- Ebenga apparait à
la fois comme un témoignage de son rang social et comme un processus de transmission, donc
de reproduction de l’institution qu’elle représentait.

Il est vrai que parler d’initiations dans le cadre traditionnel renvoie d’emblée à l’anthropologie
religieuse ; mais ce qui nous intéresse dans notre travail n’est pas l’analyse du fait religieux
qui y est omniprésent mais le processus de transmission des éléments qui constituent le Boho :
en un mot, le processus de socialisation des Bassendés au phénomène du Boho.

En outre, l’anthropologie culturelle est un domaine de l’anthropologie des religions qui s’est
intéressée à l’étude des personnalités de base de chaque individu. Elle permet d’appréhender à
travers les comportements particuliers des membres d’un groupe donné, les façons spécifiques
en tant qu’hommes et femmes d’une culture donnée, de penser, de parler, de travailler, de
réagir à l’égard des évènements tels que la mort et les initiations.

13
F. Laplantine, L’anthropologie, Paris, Payot, 1987, p. 123.
14
Ibid., p. 124.
Aussi accorde-t-elle une très grande attention moins au fonctionnement des institutions
qu’aux comportements des individus eux-mêmes qui sont considérés comme des révélateurs
de la culture à laquelle ils appartiennent. Elle met l’accent sur l’originalité de tout ce que nous
devons à la société que nous étudions.

De plus l’anthropologie culturelle nous a permis d’observer directement les comportements et


les conduites des différents acteurs présents lors de l’initiation des novices au Boho. Il s’agit
de la Nkoumou-a-Ebenga et des femmes qui organisent l’initiation des novices et le transfert
du pouvoir culturel à la nouvelle Nkoumou-a-Ebenga, la manière dont-elles transmettent
leurs savoirs et savoir-faire. Cette transmission du pouvoir d’un individu à un autre grâce aux
canaux de l’initiation et de rite de séparation de la défunte et de la communauté des vivants.

Ce champ de recherche, désigné par l’expression « culture et personnalité », permet de voir


comment le membre d’un groupe est socialisé.

Dans la même perspective, Margareth Mead cité par Florence Bikoma15, analyse différents
modèles d’éducation pour comprendre le phénomène d’inscription de la culture chez l’enfant
et expliquer ensuite les aspects dominants de la culture dans sa personnalité. En effet, elle
définit la culture comme l’ensemble des connaissances acquises par l’individu uni par une
tradition commune que les adultes d’une même société transmettent aux enfants qui viennent
s’incorporer au groupe.

Pour Jean-Loup Amselle16 : « la culture est un réservoir, autrement dit un ensemble de


pratiques internes ou externes à un espace social donné que les acteurs sociaux mobilisent en
fonction de telle ou telle conjonctures politique.»

Et le retrait de deuil de Nkoumou-a-Ebenga nous a permis de saisir l’influence qu’à cette


Femme institution dans la culture Mitsogo, notamment dans son fonctionnement lors de
l’initiation des novices au Boho. Elle représente l’institution Boho qui produit la femme et
participe à la transmission de la culture et parler politique avec les hommes du Bwiti.

15
F. Bikoma, enseignant chercheur à l’université Omar Bongo, Cours Histoire et Théorie en anthropologie,
2011-2012.
16
J.-L. Amselle, Logiques métisses. Anthropologie de l’identité en Afrique et ailleurs, Paris, Payot, 1990. p. 156.
4-Problématique

La problématique d’un travail de recherche est définie par le petit Robert comme une question
qui prête à discussion, dans une science. C’est un ensemble d’ouvrages ayant abordé un pan
de notre thème de recherche. Pour les auteurs spécialisés en occurrence Luc Van Kampenhout
et Raymond Quivy17, la problématique est : « l’approche ou la perspective théorique qu’on
décide d’adopter pour traiter le problème posé par la question de départ. Elle est l’angle sous
lequel les phénomènes vont être étudiés, la manière dont on va les interroger. Les pistes
théoriques qu’elle définit devront être opérationnalisées de manière précise dans l’étape
suivante de construction du modèle d’analyse. A ce stade-ci, c’est le type de regard porté sur
l’objet qui importe, pas encore la mécanique et les outils précis de ce regard. A ce titre, la
problématique représente une étape charnière entre la rupture et la construction. Elle va
souvent conduire à reformuler la question de départ qui, réélaborée en cours de travail,
deviendra progressivement la question effective de la recherche.»

Bon nombre de chercheurs en science sociale ont apporté une contribution quant à la
compréhension de certaines institutions de socialisation des membres appartenant à une même
culture. Parmi ses auteurs on cite:

Maurice Godelier, dans ses travaux sur les Baruya de la nouvelle Guinée, cherche à
comprendre comment se construit l’individu dans cette culture Baruya. Chez les Baruya, la
construction de la femme découle des rites de passage propres à leur société. Ainsi, pour
devenir femme, il faut en effet subir les différentes initiations de la société notamment les
rites pubertaires qui permettent à la femme de quitter son statut de jeune fille pour devenir une
véritable femme. Ces rites pubertaire, sont notamment la parution des menstrues, moment
pour lequel la femme quitte la maison familiale pour désormais loger dans la hutte
menstruelle où la femme est accueillie par ses aînées (les femmes mariées). Maurice
Godelier18 affirme que : « Pendant les menstrues, la femme prend sa retraite et intègre
l’espace réservé aux femmes, pour s’isoler sous un abri de feuillage et attendre, sans boire ni
manger pendant que se prépare sa cérémonie d’initiation ». Cette étape permet à la femme
Baruya d’être socialisée et d’intégrer progressivement la communauté des femmes.

De plus, au cours de ce séjour dans la hutte menstruelle, l’adolescente change de nom pour
désormais prendre celui de son initiation.

17
L. V. Campenhoudt et R. Quivy, Manuel de recherche en Sciences Sociales, Paris, Dunod (4ed), 2011, p. 81.
18
Maurice Godelier, op. Cit., p. 68.
Ce changement de nom est une étape fondamentale pour son statut dans sa communauté. Chez
les femmes Mitsogo cette étape correspond au nom Ngondjet qui signifierait probablement
une personne initiée. Chaque initiée garde jalousement son nom et n’est livré qu’aux initiées
notamment lors des vérifications de son initiation par d’autres femmes. Ainsi comme
l’affirme Maurice Godelier19 : « l’appeler sur son ancien nom c’est une insulte grave que
d’appeler une femme par son premier nom. C’est l’accuser de n’avoir pas grandi, d’être restée
une irresponsable comme les enfants ».

Cette pratique existe aussi chez les femmes Mitsogo que chez les Baruya. Le nom obtenu au
moment de son initiation est rappelé par l’une des anciennes prêtresses pendant les
retrouvailles entre la nouvelle prêtresse et les doyennes de l’initiation au Boho. Cela permet
de retracer ses origines. Son nouveau nom symbolise la maturité de celle-ci.

Au cours de leur initiation, elles sont assistées par une marraine qui les aide physiquement et
psychologiquement à supporter l’épreuve, à traverser la ligne entre deux états, puis surtout, la
révélation qu’elles auront à boire le sperme rituel qui fera désormais leur force, enfin, l’envoi
de l’esprit des jeunes filles vers la cime des arbres, par une aînée qui soulève leur cape
d’écorce et l’agite vers le ciel, comme le font les maîtres des initiations chez les hommes.

Cette consommation n’est autre que le changement de la femme du statut de non initiée à
celui d’initiée mais surtout permet à cette dernière d’être chargée de la force masculine pour
faire d’elle une femme.

Dans le Boho, la femme n’a pas besoin d’incorporer la force masculine pour être une véritable
femme ou encore pour consolider le pouvoir et le statut de l’homme. Au contraire, la
construction de l’identité de la femme Mitsogo se fait sans avoir recours à la force masculine.
Ainsi, bien que dans les deux cultures, Baruya et Mitsogo, les femmes ont besoin d’être
initiées pour remplir les critères culturels qui en font une véritable femme, chez les Mitsogo,
leur identité n’est pas définie par rapport à celle de l’homme comme nous le remarquons chez
les Baruya.

Après avoir subi moult humiliations qui lui permettent de devenir une véritable femme au
cours de son initiation, elle est désormais considérée comme une véritable femme. Cependant,
dans la culture Baruya, l’initiation de la femme aux différents rites ne lui donne pas quitus de
faire d’elle une femme de pouvoir, son rôle se limite à la garde des enfants.

19
Ibid., p.85.
Lorsque ces derniers sont devenus majeurs, elle se les voit déposséder car ils ont déjà atteint
l’âge de l’initiation. La gestion du patrimoine culturel par cette dernière est quant à elle aussi
limitée parce qu’elle a un rôle secondaire. Dans sa culture, la femme Baruya est isolée,
écartée lors des prises des décisions qui régulent la société, malgré son initiation. A contrario,
les femmes Mitsogo initiées, participent à la prise de décisions qui régulent la communauté,
même si son rôle est aussi limité que celui de la femme Baruya. Néanmoins elle joue un rôle
de conseillère de l’homme dans la société.

Toutes fois Maurice Godelier aborde quelques aspects de notre objet notamment celui de la
construction de la femme, bien même qu’ayant travaillé sur des femmes non initiées qui vont
subir une initiation pour devenir de véritables femmes, selon leur culture.

Pour notre part, nous nous intéressons, à la construction de la femme qui a déjà subi ses rites
de passage et d’intégration à la société secrète Boho mais dont la mort de la prêtresse induit la
transmission de son pouvoir culturel. C’est de cette femme dont-il est question dans notre
travail, contrairement à la femme Baruya, la femme (Nkoumou-a-Ebenga) dont-il est question
participe aux grandes décisions qui régulent le fonctionnement de la culture Mitsogo.

Ce qui n’est pas le cas chez la femme Baruya dont le rôle ne se limite qu’à la garde des
enfants et à la préparation des repas. Le rôle de la Nkoumou-a-Ebenga dans la gestion de la
société est extensible et traverse les frontières féminines.

Nous nous intéressons à la transmission du patrimoine culturel.

Cette transmission du patrimoine culturel fera de la nouvelle détentrice une femme de pouvoir
selon la culture Mitsogo. Cette transmission se fait grâce à une double initiation c’est-à-dire
avant de devenir Nkoumou-a-Ebenga, la femme dont-elle est question est d’abord initiée au
Boho contrairement à la femme Baruya qui est encore novice à l’initiation.

Louis-Vincent Thomas20, observe les attitudes face à la mort et considère le concept de mort
comme étant un concept traversant une pluralité de champs anthropologiques. Loin
d’énumérer tous les aspects développés dans cet ouvrage, nous nous arrêterons sur quelques
points qui paraissent, à notre avis, édifiants. Toute société se voudrait immortelle et ce qu’on
appelle culture n’est rien d’autre qu’un ensemble organisé de croyances et de rites, afin de
mieux lutter contre le pouvoir dissolvant de la mort individuelle et collective.

20
L.-V. Thomas, L’anthropologie de la mort, Paris, PUF, 1990, p. 25.
La société, plus encore l’individu, n’existe que grâce aux différents rites dédiés à la mort.
Celle-ci du moins l’usage social qui en est fait, devient l’un des grands révélateurs des
sociétés et des civilisations, donc le moyen de leur questionnement.

L’auteur explique méthodiquement la forte croyance à la mort matérialisée par les rites basés
sur l’organisation sociale et culturelle. En Occident, la mort est sans retour tandis qu’en
Afrique, le mort n’est jamais parti, il continue de vivre en esprit avec les Hommes.

En d’autres termes, en Occident, la mort est un fait dissolvant ; tandis que, chez les femmes
« Mitsogo », la mort est un changement d’état, un passage qui permet de quitter le monde
visible pour le monde invisible, peuplé par les défunts. Les Mitsogo le désignent comme étant
« A kèyi Gho Edenga Mioungou Mboka et tchatcha Minanga » qui signifie probablement la
personne est repartie pour retrouver ses parents qui l’ont précédés.

La lecture de cet ouvrage nous a permis de savoir que l’usage social de la mort est révélateur
de la société Mitsogo et de sa civilisation. Par l’étude de la mort chez les « Mitsogo », le
chercheur peut comprendre le fonctionnement de la société. La mort devient un prétexte qui
permet aux membres de la communauté de se reproduire en tant qu’individus mais aussi en
tant que collectivité.

D’ailleurs, Louis-Vincent Thomas21, souligne en effet, qu’il n’est point d’organisation sociale
sans exercice direct ou indirect du pouvoir. L’analyse des grands rites funéraires souligne bien
l’effet de mobilisation collective qui se propose de neutraliser la perte du mort.

Tous les rapports sociaux, qu’ils soient de parenté, d’alliance, de sexe, de classes d’âge, de
propriété, se conjuguent étroitement dans un vaste drame liturgique tissé de métamorphose et
de déplacement symboliques joué pour que le groupe humain maintienne sa pérennité.

Nous retenons aussi que la mort elle-même permet aux différentes sociétés de rendre compte
des logiques sous-jacentes du deuil à savoir, les dépenses et la mobilisation accordée par la
société Mitsogo pendant le retrait de deuil.

La mort permet donc la manifestation du pouvoir et de son transfert d’une communauté à une
autre, d’un homme à un autre à travers un passeur, un médiateur.

Que l’on soit en Afrique ou en Occident, il y a des rites particuliers qui permettent à chaque
société d’accompagner le mort dans son nouveau monde et de se séparer de lui.
21
L.-V. Thomas, Mort et Pouvoir, Paris, Payot, 1978, p. 89.
Chez les femmes Mitsogo, l’initiée décédée est accompagnée par les rites Boyoyi, Mitsandza
et Ghépongo qui sont des rites de séparation.

Georges Balandier22 dans une interview accordée à un journaliste écrivain, Alexandre


Bonche, s’intéresse aux questions de la transmission des pouvoirs dans les royautés,
notamment chez les fon (Bénin).

L’auteur, s’intéresse au désordre provoqué par le décès d’un roi ou d’une reine dans la
royauté Béninoise. La mort d’un roi ou d’une reine entraine une période de complète anarchie
aussi bien dans la société que dans tout le pays. Voilà pourquoi, pour établir l’ordre dans cette
société, il faudrait donc choisir un nouveau souverain qui serait investi de tous les pouvoirs de
l’ancien roi. La société retrouve alors sa vie habituelle, l’ordre revient, et la lumière revient.

Cette étape correspond ainsi à celle de la société23 Mitsogo, période marquée par la perte
d’une Nkoumou-a-Ebenga appelée « mbokanè tè étoté étévo ». Cela suppose que le village
n’est pas une entité géographique, spatiale mais un ensemble de règles et institutions qui
organisent la vie.

Balandier montre qu’il y a des rites qui permettent à la fois au roi ou à la reine de contrôler le
peuple d’une part et d’autre part les rites qui permettent au peuple de contrôler les actes du
roi. Le retour de l’ordre permet par conséquent de féconder la relation sociale parce que
l’ordre a été rétabli, confirmé, validé, renforcé, sacralisé par le rétablissement d’une nouvelle
reine au même titre que l’organisation du Boho qui vient rétablir l’ordre bouleversé par le
décès de la Nkoumou-a-Ebenga confondu à l’institution qu’elle représente, elle participe de ce
fait à la production de la société qui la célèbre.

La lecture de cet ouvrage nous a permis de faire un parallèle entre la société que nous
étudions et celle de la royauté béninoise notamment sur la transmission du pouvoir quand
bien même que d’un côté la transmission du pouvoir passe par la mise à mort du roi ou de la
reine pour s’approprier son pouvoir contrairement à la société Mitsogo ou le transfert du
pouvoir se fait après sa mort.

22
Interview de Georges Balandier accordée à un journaliste Français en 2011, Alexandre Bonche, qui enquête
sur la transmission du trône royale dans une société Béninoise.
23
Mboka nè tè étoté étévo, Le village n’existe plus, les hommes n’existe plus, par extension plus de règle sociale.
Nous nous rendons compte que la mort d’un homme de pouvoir dans cette société entraine un
remplacement systématique de celui-ci par un autre, à travers des rites d’accompagnement
ensuite la communauté organise des rites d’intronisation afin de transférer le pouvoir à une
autre personne. C’est le cas de « Nkoumou-a-Ebenga » dans la société « Mitsogo » qui est
intronisée par les autres femmes en lui confiant la charge de garder les secrets liés au Boho car
elle a été jugée digne de la recevoir a cause de sa maturité en esprit et son comportement
exemplaire vis-à-vis des membres de sa communauté. Il est bien vrai que les rites Mitsogo
sont différents de ceux observés dans la société béninoise parce que le transfert de pouvoir se
fait par un moment de chaos, de mise à plat, moment cathartique de libération d’énergie qui a
longtemps existé dans la société. Néanmoins nous pouvons faire un rapprochement avec les
rites du « Boho » que nous avons observé chez les femmes « Mitsogo ». Dans ces deux
sociétés, le rétablissement de l’ordre est occasionné d’abord par un désordre, le décès ; ensuite
l’ordre ne revient qu’après avoir organisé un certain nombre de rites présents dans ces deux
sociétés.

Ainsi, pour revenir à l’ordre, il faut, en effet, organiser des rites pour se séparer du mort mais
également pour s’approprier son capital culturel.

Arnold Van Gennep24, Dans « Rites de Passage », privilégie l’étude systématique des rites.
Parmi ces rites, les rites d’initiation et de séparation.

Ces rites permettent aux membres des groupes sociaux de passer d’un stade de profane à celui
d’initié et de statut de mort à celui d’ancêtre. La belle mort, pour lui, résulterait de cette mort
où le mort est accompagné avec différents rites de la société. Ainsi, dans les sociétés
initiatiques, sont considérées comme ancêtres des personnes bénéfiques qui peuvent intervenir
dans la vie quotidienne des hommes, des personnes vénérées et consultées pour solliciter leur
aide.

Le lien entre les Rites de Passage et notre travail se trouve dans le fait que le Boho est un rite
d’initiation pour les novices mais également un rite de séparation entre les vivants et les
morts, qui entrainent l’intronisation chez les femmes Mitsogo, par le biais des rites
d’intégration au Boho de la Nkoumou-a-Ebenga. Il consiste aussi en l’affirmation de son rôle
social de construction de la femme Mitsogo.
24
A. V. Gennep, Les rites de passage, De l’initiation, de l’ordination du couronnement, Des fiançailles et du
mariage, Des funérailles, des saisons etc., document produit en version numérique par Réjeanne Toussaint
Ouvrière bénévole, Chomedey, ville : Site. Web http/Classiques Uqac.Ca/, Dictionnaire de l’ethnologie et de
l’anthropologie, Paris, PUF, 2004. P.75.
Cet ouvrage nous a permis de comprendre que la période de la mort permet à la société de
procéder à la transmission des savoirs culturels, du pouvoir culturel dans un cadre strictement
initiatique pour permettre à la femme qui reçoit ce pouvoir de s’affirmer dans la communauté
comme leader et véritable institution de la communauté. Cette période permet au profane
d’accéder au statut d’initié.

Jean Paul Eschlimann25, traite des rites qui accompagnent le mourant, l’agonisant, jusqu’au
moment du retrait de deuil du défunt. L’ordre de la société ne revient qu’après l’organisation
des rites qui accompagnent le défunt vers son séjour mais aussi de la transmission de son
pouvoir à un autre roi ou à une autre reine.

L’auteur nous livre une réflexion sur la mort et le mourir, les attitudes et les rites, les
angoisses et les espérances, l’appréhension du rite funéraire en tant que rite de naissance :
d’où la confrontation judicieuse et pertinente de la mise au monde, du rite pubertaire chez les
filles, de la liturgie thanatiques, des règles du veuvage et de l’intronisation royale.

La ritualisation de la mort en pays « Agni-Bona », quelle que soit la diversité des statuts
sociaux, met en évidence non seulement la cohésion du groupe que l’évènement de la mort
menace à un moment, mais aussi la contrainte exercée par les hiérarchies en place. En ce sens,
la mort apparait ici étroitement dépendante du pouvoir et de ses détenteurs. L’opposition entre
la mort désordre et la mort renaissance, entre la hantise et le stoïcisme se trouve ici formulée
et explicitement mise en scène.

Le traitement de la disparition du vieux ou de la vieille ne gâte pas la mort, en ce sens que la


personne n’est pas morte prématurément donc aucun soupçon sur son meurtre contrairement à
la mort du jeune qui pèse sur la société, pervertit la parole, défait les comportements, inverse
les activités quotidiennes, détruit les liens, culpabilise le lignage.

D’après Claudine-Augée Angoué26, la mort avec son cortège de rites qu’elle suscite, devient
une sorte de refuge privilégié de l’idéologie traditionnelle devant les assauts de l’Etat
moderne qui veut codifier les coutumes archaïques et les agressions des idéologies politiques
et religieuses, venues de l’étranger, dont le pouvoir destructeur s’avère considérable.

25
J. P. Eschlimann, les Agni devant la mort, Paris, Karthala, 1985, p10.
26
C.A. Angoué, « le retrait de deuil : Déconstruction du système de don et contre don dans les patrilignages du
Nord et Nord Est du Gabon », in Annales de l’Université Omar BONGO, Paris L’Harmattan numéro11, 2013,
p. 15.
Les funérailles occupent une place particulière tant sur le plan individuel que social. Le
phénomène de la mort manifeste une importance économique considérable.

Les funérailles endettent les uns, la plus grande masse peut-être et permet d’étaler le prestige
social d’un individu ou d’une famille. Elles demeurent aussi le lieu d’expression privilégiée
des pouvoirs traditionnels.

Florence Bikoma27, traite de la socialisation de la femme accomplie, grâce aux rites de


passage féminins. Ces rites permettent à la femme d’accéder au statut de femme. La femme
va, dans certains cas, atteindre un statut spécifique qui lui vaudra d’être reconnue au sein de la
société grâce à son initiation au rite « ichimbou ». Ainsi, la femme, Mukaas, va dans certains
cas atteindre un statut spécifique qui lui vaudra d’être reconnue au sein de la société comme
« mukaas wadya mako ma bya », c’est-à-dire la femme qui a mangé la banane cuite.

L’auteure montre comment le processus initiatique, l’ordonnancement du rite, s’appliquent à


chaque moment de l’évolution biologique de la femme afin de déterminer les traits distinctifs
des différentes catégories qui leur sont appliquées par la société.

Elle met au jour les processus qui donnent la force aux femmes au point de leur permettre
d’imposer leur point de vue à la société.

Cette thèse nous a permis de retenir que pour devenir véritablement femme chez les Nzébi, il
faut nécessairement être initié au « ichimbou », ce rite qui donne à la femme un espace de
parole pour s’identifier à la société. Elle s’inscrit donc dans le même fil d’idée que Simone de
Beauvoir28 qui affirme : qu’ « On ne nait pas femme on le devient ». Mais aussi de Margareth
Mead29, qui pour sa part, pense que : « le comportement des individus vivant dans une société
est le fruit de leur culture ». Cette initiation permet à la femme d’accéder à un statut nouveau
celui de femme socialement définie. Une femme initiée exerce son pouvoir dans la société
grâce aux différentes orientations et conseils qu’elle donne aux autres membres de la
communauté parce qu’elle aurait atteint une dimension initiatique importante de la vie sociale
chez les Nzébi.

27
F. Bikoma, Socialisation de la femme accomplie, ‘’Mukass wadya Makoma bya,’’ chez les Nzébi du Gabon,
2004.
28
S. de Beauvoir, le deuxième sexe, les faits et les mythes éditions Gallimard, 1949.
29
M. Mead, cours de première année, Histoire des Théories en anthropologie dispensé par Florence BIKOMA
enseignante au département d’anthropologie 1ere année 2011-2012.
La femme dont-elle est question est la femme qui a mangé la banane cuite serait alors cette
femme qui a atteint des degrés supérieurs, la maitresse, celle qui a su faire la jonction de tous
les aspects fondamentaux de la vie, la jonction des mondes visible et invisible, des clans des
hommes et des femmes, celle qui sait voir les choses que tout le monde ne voit pas.

Son travail étudie les faits et rites qui entourent la vie de la femme de l’adolescence à la
maturité. Alors que notre sujet s’intéresse à la transmission du pouvoir culturel d’une
Nkoumou-a-Ebenga à une autre lors d’un retrait de deuil de la défunte Nkoumou-a-Ebenga.

Bien que nous travaillons sur la femme qui voit ce que les autres femmes ne voit pas mais nos
travaux sont différents. Florence Bikoma travail sur les faits et rites qui entourent la vie de la
femme de l’adolescence a la maturité. Elle travaille sur la femme symbole alors que nous
travaillons sur la femme institution ayant atteint la maturité mais qui se voit socialiser grâce à
son intronisation et son transfert du pouvoir culturel pour faire d’elle une véritable femme ou
la femme accomplie si nous pillons l’expression de Florence Bikoma.

Dans la présente étude, le retrait de deuil d’une Nkoumou-a-Ebenga est un lieu de


transmission du patrimoine culturel et du savoir ancestral des rites de la culture Mitsogo. Pour
pouvoir réaliser notre travail de recherche nous nous sommes posé la question suivante.
Pourquoi les femmes Mitsogo de Mikodi organisent-elles le Boho lors d’un retrait de deuil
d’une Nkoumou-a-Ebenga ? Cette question telle que formulée, nous amène à l’hypothèse
suivante :

Notre perspective théorique

Notre travail porte sur la construction d’une femme (Nkoumou-a-Ebenga)30 lors de l’initiation
des filles au « Boho » pendant le retrait de deuil d’une prêtresse de « Boho ». Ainsi que
l’organisation de ses obsèques ; les rites de passage du monde des vivants à celui des morts
par la «Nkoumou-a-Ebenga ». Grâce au décryptage de ses funérailles.

5-Hypothèse

Les femmes Mitsogo organisent le Boho lors d’un retrait de deuil d’une Nkoumou-a-Ebenga
pour transmettre le patrimoine culturel à la nouvelle Nkoumou-a-Ebenga. Cela permet de
reproduire l’institution initiatique Boho et construit en même temps un modèle de femme telle
se le représente la culture Mitsogo.

Nkoumou-a-Ebenga30 : Femme, initiée qui s’occupe de la transmission du savoir culturel lors de l’initiation des
filles au « Boho ».
6-Définitions des concepts

a) Femme

D’après Florence Bikoma31, la femme se construit à travers les rites de socialisation qui
donnent lieu à la promotion d’un modèle de féminité. Il y a une structure sociale interne de
socialisation qui engendre la femme qui a mangé la banane cuite. Il semble qu’au sein de cette
société les femmes soient construites à partir des rites de socialisation pour une modélisation
d’une femme qui a des qualités, quelles participent au modèle de la féminité dans la société
Nzébi. Pour elle, la femme doit être travailleuse ; serviable ; généreuse ; patiente ; obéissante
et respectueuse ; soumise. Pour devenir une femme dans cette société Nzébi, il faut qu’elle
soit initiée aux rites que lui propose sa société.

De même, la femme, Mukaas est celle qui a mangé la banane cuite chez les Nzébi du Gabon
qu’ils appellent « Mukaas wadya Mako Ma Bya » qui signifie la femme accomplie.

Cette femme réfléchit avant d’agir. C’est une femme qui se courbe lorsqu’elle passe devant
les hommes. C’est une femme symbole.

Selon Prince Birinda32 cité par Florence Bikoma, la femme est considérée dans nos sociétés
comme « le berceau du monde », une terre fertile qui ne sera féconde que si elle est bien
« cultivée ». Elle est la clé de la main de l’ordre de l’entente familiale, de la fraternité
humaine, elle est la mère de la société ».

Simone de Beauvoir33 pour sa part définit la « femme comme un être humain en quête de
valeurs au sein d’un monde de valeurs, monde dont il est indispensable de connaitre la
structure économique et sociale. Elle entreprend des travaux champêtre, elle demeure au
foyer, fabrique des poteries, des tissages, jardinage et par là elle a un rôle dans la vie
économique, défricher les forêts, sarcler les champs. Elle est pour l’homme une partenaire
sexuelle une productrice, un objet érotique, une autre à travers laquelle il se cherche lui-
même».

31
F. Bikoma, Socialisation de la femme accomplie, « Mukaas Wadya Mako Ma Bya », chez les Nzébi du Gabon,
p. 172.
32
P. Birinda, La bible sécrète des noires selon le Bwiti, Paris, imprimerie de l’omnium, 1952, p. 141.
1
Ibid., p.95.
Les Mitsogo34, définissent la femme comme celle qui à vue ses menstrues ; celle qui est initiée
au Boho où a acquis une expérience de la vie, est arrivée « ghô endo »35, a assisté au rite
Makonga et qui détient les secrets de son initiation. Celle qui est nommée Nkoumou-a-Ebenga
et bénéficie du lègue des savoirs culturels des anciens de la culture Mitsogo pour pérenniser
le savoir culturel. Pour devenir femme il faut avoir subi les rites des femmes mais surtout
accéder à certaines étapes telles que Miomba, Tchéndé, Nkoumou-a-Ebenga ; A menga-menga
qui sont des grades acquis dans le Boho. Ces personnes sont détentrices du savoir culturel
Boho.

Une ‘’femme’’ non initiée est considérée comme étant un homme et un homme non initié est
considéré comme une femme. Cette inversion d’appellation pousse la personne à l’initiation
car le nom du sexe qui se retrouve dans l’autre sexe est perçu par la plupart des Mitsogo
comme une humiliation vis à vis de la personne que l’on appelle ainsi car l’Homme prend son
véritable sexe qu’après son initiation aux différents rites admis dans la culture. En effet,
chaque sexe subi une initiation propre à sa condition féminine ou masculine. C’est pour quoi
Simone de Beauvoir36 affirme :

« Il ne suffit pas d’avoir un corps de femme ni d’assumer comme amante, comme mère, la
fonction de femelle pour être une « vraie femme » à travers la sexualité et la maternité. La
« vraie femme » est celle qui s’accepte comme Autre ou celle qui a subi ses rites de passage.»

a) Présentation succincte du Boho.

Au cours de ces funérailles, nous nous rendons compte que les assistantes à cette cérémonie
sont réparties en cinq classes majeures.

La « Nkoumou-a-Ebenga », prêtresse du « Boho » celle qui purifie les filles de leurs


impuretés, décide qui peut être initiée ou non, détient le savoir approfondi sur le Boho.

Le « Tchéndé ou le Ghébèghâââ », celle qui accompagne « Nkoumou-a-Ebenga », pendant


ses sorties de danse de « Boho », veillent à sa sécurité, sa toilette et ses repas quotidiens au
« Boho » et encadrent la « Nkoumou-a-Ebenga », lors de ses prestations de « Boho ».

34
Ethnie du Gabon
35
Ghô endo, lieu d’initiation pour femme, mais aussi une forêt sacrée des femmes.
36
Ibid., p. 394.
Le Ghébèghâââ37 pour être nommée Ghébèghâââ, il faut être initiée au Boho, avoir une
connaissance du Boho. Car le Ghébèghâââ est une femme qui seconde le Nkoumou-a-
Ebenga. C’est la deuxième coordonatrice du rite Boho. La Nkoumou-a-Ebenga, détentrice du
pouvoir est responsable de l’initiation des filles au Boho; elle maitrise les contours liés au
Boho ; elle est l’interface de la société car elle détient les secrets des initiations dans la
société Mitsogo.

Les « A menga-menga », les doyennes du « Boho » celles qui détiennent le savoir du rite
« Boho ».

Les « Miomba », les jeunes filles qui animent le « Boho » et se chargent d’encadrer les
candidates à l’initiation au « Boho ».

Les « Bassendés », les novices à l’initiation au « Boho », qui constituent la relève de demain
de l’initiation au « Boho».

C’est ainsi, qu’à la mort d’une « Nkoumou-a-Ebenga », les femmes « Mitsogo » sont obligées
d’initier les filles pour permettre à la communauté de perpétuer l’institution et de transmettre
le savoir aux novices au « Boho». Car le retrait deuil est un moment propice pour les femmes
de transférer le pouvoir à une nouvelle « Nkoumou-a-Ebenga ». En effet, dans la société des
femmes, une fois atteint le grade « Nkoumou-a-Ebenga », elle le demeure jusqu’à la fin de sa
vie. A cette initiation, s’ajoute la participation des rites masculins dans le retrait de deuil de
cette femme notamment lors des nettoyages des cimetières pour solliciter la bénédiction
auprès de la défunte, mais aussi auprès des ancêtres ; l’organisation d’un « Eagho » (rite
propitiatoire) qui permet de bénir le déroulement de la cérémonie.

D’après Jeannette Miondjo38 : « le « Boho » est définie en ces cinq éléments majeurs comme
les cinq doigts de la main parce qu’une « Nkoumou-a-Ebenga » doit être capable de soigner,
de lutter et de protéger les siens pendant et après le retrait de deuil car elle est la responsable
du rite « Boho ». Cette transmission du pouvoir se fait tôt le matin dans la maison du deuil ou
« Ghô-Endo »39.

37 Ghébèghâââ, celle qui accompagne la prêtresse de Boho.


38
J. Miondjo clan : « Ndjobèt », Age : Environ 53 ans, Fonction : sans, Quartier : Mikodi, Commune de :
Mimongo, Province : Ngounié, Ethnie : « Mitsogo», Initiée au « Boho » et ayant occupé la fonction de
« Ghébèghâââ », grade de la société initiatique « Boho » chez les femmes « Mitsogo ».
39
« Endo », partie de forêt interdite aux non-initiés au rite « Boho ».
En effet, c'est pendant l'organisation du rite « Boho » qu'une « Nkoumou-a- Ebenga » acquiert
auprès des autres femmes ses différents pouvoirs parce que « Nkoumou-a-Ebenga » est la
détentrice suprême des connaissances liées à la société. C’est elle qui est chargée de protéger
le village et les membres de sa communauté.

De plus, c'est pendant l'organisation du rite « Boho » que « Nkoumou-a- Ebenga » connaîtra
les rouages du « Boho ». En effet, chaque organisation du « Boho » est un moyen
d’acquisition de nouvelles connaissances. Ainsi, c’est au cours de l’organisation du « Boho »
que la « Nkoumou-a-Ebenga » acquiert les différents types de pouvoir à savoir le pouvoir de
la parole. Quand elle parle, elle est écoutée de toutes les femmes, le pouvoir de rétention
quand les « Miomba » ou « A menga-menga » ont oublié la composante du « Boho » c’est
« Nkoumou-a-Ebenga » qui trouve la solution. Parce qu’elle est l’une des femmes qui détient
la connaissance du « Boho », plus que qui conque.

C’est quoi le Boho ? « Le Boho c’est l’ensemble des secrets liés à son propre corps que
chaque initiée détient, depuis son entrée jusqu’à la fin de sa vie. Le Boho c’est l’ensemble des
ascendants et parents disparus. Le Boho est une école où les filles apprennent certaines
choses qui ne sont pas enseignées dans leurs familles respectives car, au cours d’une
initiation un groupe de femmes expérimentées s’en chargent d’apporter une éducation
supplémentaire aux nouvelles filles qui intègrent le monde des initiées. Le Boho, c’est ta
mère, c’est ton propre corps, il faut savoir garder son corps et celui des autres, éviter de
blaiser le corps d’autrui afin de faire couler son sang. Le Boho, est une relique, une ordalie
qui a été découverte par un homme mais dont l’initiation est réservée aux femmes. L’esprit
Boho est doté d’un pouvoir surnaturel, mystique et qui est capable de se déplacer seul.

Le Boho c’est être solidaire avec autrui dans ses moments les plus sombres. Le Boho est le
savoir ancestral détenu par chaque doyenne initiée au Boho afin de transmettre aux nouvelles
générations. Ce savoir est constitué des secrets de l’environnement c’est-à-dire comment
faire pour soigner une personne malade à travers les plantes naturelles. Ce savoir ancestral
lié au Boho n’est pas détenu par n’importe qu’elles femmes seules les doyennes sont les
principales détentrices de ce savoir. Et maman Mobouassé était de cette catégorie de femme
qui savait ce qu’est réellement le Boho.» Ces informations nous les avons recueillies auprès
de madame Jeannette Miondjo.
Le « Boho » sert à socialiser la femme initiée. C’est ainsi que Margareth Mead40
affirme : « L’homme est le fruit de sa société ». Il sanctionne le mauvais comportement de la
femme dans la société. Par conséquent, la femme initiée au « Boho » a appris les secrets de
l'amour dans toutes ses formes : physiques, car la femme est éduquée à pouvoir bien garder
avec soins, ses enfants et ceux de sa communauté. Elle prend soin de toute la famille. Une
femme initiée au « Boho » doit aimer le prochain dans ses diversités culturelles c’est tout le
sens de leur initiation. Une femme initiée au « Boho » est désormais une personne à qui l’on
peut confier certaines charges notamment la garde des enfants, car elle maîtrise les secrets de
la maternité. Le « Boho » est aussi un lieu de rencontre entre initiées et non initiées et favorise
la communication entre les initiées sur le plan rite. L’initiation au « Boho » est un moment
privilégié pour les femmes de reconnaître celles qui détiennent les connaissances sur le
« Boho ».

Le « Boho » est l’ensemble des connaissances que détiennent les doyennes du rite. En effet,
chaque doyenne au « Boho» détient un savoir culturel sur l’initiation qu’il faudra transmettre
aux nouvelles initiées au « Boho ».

Le « Boho » est l’ensemble des secrets que chaque femme détient sur son propre corps et de
celui des autres (défaut naturel du corps dont son odorat, les déformations cachées de son
corps, faiblesses physique, psychologique et sexuelle). Chaque femme initiée doit être capable
de les dissimuler pour ne pas choquer son homme. En outre, il faut savoir protéger son corps
et celui des autres afin d’éviter la honte dans la société.

Le « Boho » est aussi une école pour femme où il est enseigné comment il faut vivre en
communauté afin d’éviter le mauvais comportement constaté chez certaines femmes à savoir
la méchanceté, vis-à-vis d’autrui.

Le « Boho » est enfin un justicier, qui permet aux femmes de condamner ou d’innocenter les
coupables qui transgressent les lois établies dans la communauté, de consulter les personnes
malades et de les soigner de certaines maladies culturelles que l’on retrouve chez les
« Mitsogo» tels que le ventre ballonné (ébouillie andangha), les jambes atrophiés
(Mingondzong) et un amaigrissement du corps (kassagha) maladies inconnues du corps
médicale. Ces maladies proviennent des interdits transgressées de la société Mitsogo.

40
M. Mead, spécialiste des cultures du pacifique où elle étudie la vie des jeunes filles adolescentes à Samoa en
1925-1926, Dictionnaire des ethnologues et des anthropologues, Armand-Colin, Paris, 1997, p. 117.
L’organisation du « Boho » sert à transmettre le pouvoir de protection contre les attaques des
féticheurs, le pouvoir de purifier les novices lors de leur initiation dans la communauté, le
pouvoir de la vision de « Nkoumou-a-Ebenga ». Ainsi, une « Nkoumou-a-Ebenga » doit être
capable de démasquer les personnes qui veulent perturber de façon mystique l’initiation des
novices au « Boho » ou le bon déroulement de la cérémonie. Le pouvoir de fabriquer les
baguettes de goélettes pour protéger les assistants au rite « Boho ». En effet, c'est pendant
l'organisation du rite « Boho » qu’une « Nkoumou-a-Ebenga » acquiert auprès des autres
femmes le pouvoir et l'accès à certains secrets liés à l’initiation au rite « Boho».

Le « Boho » sert à connaître les rouages de la tradition, c'est-à-dire la connaissance du monde


des initiées.

Aussi, l’initiation au « Boho » sert à perpétuer le patrimoine culturel légué par les anciens
pour le transmettre aux nouvelles générations. Mais aussi à perpétuer le pouvoir de
« Nkoumou-a-Ebenga » qui se transmet de génération en génération chez les femmes.

De même, le « Boho » sert à mettre l’ordre dans la vie d’une femme initiée. En effet, une
initiée au « Boho » doit adopter un comportement digne car l’initiation au rite « Boho »
permet de respecter les règles de vie qui orientent la femme en société. Il sanctionne le
mauvais comportement dans la société.

Par conséquent, la femme initiée au « Boho » a appris les secrets de la vie, l’amour du
prochain dans toutes ses formes.

De plus, l’initiation au « Boho » permet à ses adeptes de respecter les règles de vie à savoir :
ne pas provoquer, ne pas injurier, ne pas tuer, ne pas menacer, ne pas empoissonner. Mais
plutôt de bien se comporter dans la vie. Ce sont ses règles établies dans la société qui
orientent et organisent la vie sociale chez les femmes « Mitsogo ».

Une femme initiée au « Boho » respecte la ligne de conduite édictée dans la communauté.

Car dans nos sociétés il n’est pas souvent rare de voir des femmes mal se comporter tels que :

Le rejet des enfants de son mari, le rejet de sa belle-famille, injurier les autres, empoissonner
sa rivale.

L’initiation au rite « Boho » vient mettre alors l’ordre chez ses adeptes.
Par ailleurs, le « Boho » sert à favoriser les échanges sur le plan politique, les femmes initiées
participent aux grandes décisions qui régulent le fonctionnement de la vie sociale, prises lors
des réunions secrètes.

Sur le plan économique, l’organisation du « Boho » est un lieu privilégié d’échanges entre
initiées tels que des colliers de valeur, les paniers et les animaux domestiques. Il permet à
l’initiée de connaître l’origine de ses différents objets, leurs rôles dans la société.

L’initiation au « Boho» permet de reconnaître les paresseuses parce qu’elles sont considérées
comme des personnes sensibles, moins courageuses et qui ne participent pas au bon
fonctionnement de la société et donc ne respectent pas les valeurs culturelles qui encouragent
l’humain à manger à la sueur de son front.

L’initiation sert à transmettre l’héritage culturel pour maîtriser les rapports entre les clans et
permettre la cohésion sociale. Une femme initiée est à même de connaître la provenance des
membres d’un clan.

Le « Boho » est aussi un lieu de réjouissance où les femmes peuvent s’amuser, et discuter les
problèmes de la société.

Le retrait de deuil permet d’initier les filles au rite « Boho ». En effet, c’est par l’initiation au
« Boho » qu’elles intègrent la société initiatique des femmes.

On peut organiser le « Boho » pour faire le retrait de deuil d’une femme initiée. Ainsi, selon
Raponda Walker41 : « les femmes Mitsogo dansent le « Boho », à la mort de l’une d’elles, soit
le jour même du décès, soit une semaine après ; quand le mari de la défunte doit quitter la
retraite où il se tient caché et reprendre ses travaux ordinaires, et aussi, au bout d’un an à la
fin du deuil. En dehors de cela, on consulte aussi le « Boho »42 pour savoir si un malade
guérira ou non, pour chercher un objet perdu ou découvrir un voleur ».

L’organisation du « Boho » sert à transmettre le savoir-faire culturel à la nouvelle Nkoumou-


a-Ebenga pour qu’elle protège, oriente et soigne si nécessaire l’individu pour s’imposer
comme véritable pourvoyeuse du bien-être sociale.

41
A. Raponda-Walker, Au pays des « Tsogo» ou « Au pays des Ishogo », Publié in Messager du St-Esprit 1910,
p36.
42
« Ndjembè », initiation au rite des femmes « Myéné » qui n’est autres que le « Boho » chez les « Mitsogo ».
Porté sociale du Boho. « Le Boho a pour but de former et d’éduquer ses adeptes sur la vie
quotidienne, et sociale, une école qui se charge de l’éducation des filles aussi bien familiale
que conjugale. Le Boho vise la formation physique et morale de l’individu. Il met l’ordre
dans la société chez la femme initiée. Il sanctionne le mauvais comportement de la femme
dans la société. Par conséquent une femme initiée au Boho a appris les secrets de
l’initiation ; l’amour dans toutes ses formes : Physique, parce que la femme au cours de son
initiation a subi une brimade pour la rendre forte dans la société. Maternel car elle maîtrise
la sensualité, elle aime le prochain sans intérêt tout en respectant ses valeurs culturelles. En
plus de cela l’initiation au Boho forme et éduque ses adeptes. Il est difficile de voir une initiée
au Boho se battre, ou injurier quelqu’un en public. Le Boho permet donc à toute initiée,
d’être sobre et de respecter les règles de la vie pour une meilleure collaboration en société.
Une initiée ne parle pas n’importe comment, elle supporte tout et accepte tout. L’initiation au
Boho permet d’avoir un comportement exemplaire vis-à-vis d’autrui. Avant votre initiation,
vous rentrez rebelle et orgueilleuse mais une fois que vous avez subi l’initiation vous sortez de
là éduqué par les doyennes mais aussi par les autres initiées qui vous donnent des codes et
des modes de conduite vis-à-vis de l’altérité. Ces conseils vont dans le sens de toucher votre
sensibilité et votre esprit. Au cours de votre initiation on vous porte conseil en vous
demandant de suivre le modèle de vie vécu par la défunte prêtresse car désormais vous êtes
son reflet dans la communauté. Cela oblige les filles à adopter un comportement exemplaire
dans la société dans le but de garder une bonne image de la défunte.

On vous oblige à être sobre, parce que la personne qui est partie est désormais représentée
par ceux qui ce sont fait initier lors de son retrait de deuil. Au sortir de l’initiation au Boho,
vous sortez avec un plus. Une fille qui ne savait pas danser et chanter sort de là avec un
savoir en la matière. Parce qu’au cours de l’initiation on vous apprend à chanter et à danser
en public, cela permet d’enlever la honte qui habite les femmes Mitsogo. Les conseils sont
suivis de brimades cela pour tester la solidité de votre esprit et les conseils reçus.

Celles qui sont initiées avant vous viennent, vous humilier, en vous frottant du sable, de la
boue, en mettant dans vos repas de la poussière et on vous demande par la suite de le
manger. Si vous refusez d’exécuter ce sont vos propres parents qui donnent l’ordre aux
femmes de vous infliger la brimade. Ils montrent l’exemple aux autres membres du groupe
puis tous viennent te frapper, te brimer et tu es obligé de te soumettre parce que lors de
l’initiation on ne boude pas ce sont les aînées qui t’éduquent.
On n’a pas de droit, dans l’initiation, on à juste des devoirs, le devoir d’exécuter c’est en
quelque sorte, la formation militaire culturelle chez les Mitsogo. Même si tu étais une fille
orgueilleuse tu changes pendant les deux ou trois semaines d’initiation. Au départ c’était
dure pour moi mais aujourd’hui cela m’a fait du bien. Parce que avant je ne pouvais pas
accepter qu’on me fasse certaine chose telle qu’une petite fille me talocher. Aujourd’hui je
l’accepte car c’est l’initiation qui m’a permis de comprendre le fonctionnement de la vie. Or
lorsque tu n’es pas encore initiée il y a des choses que tu ne peux même pas accepter que l’on
te le fasse alors que c’est rien du tout. Ce qui n’est pas souvent le cas lorsque vous n’êtes pas
encore initiée, d’accepter de telle humiliation. Un ensemble d’interdits vous est dicté afin de
vérifier la solidité de l’éducation que vous avez reçue pendant l’initiation. Les novices ne
doivent pas regarder les anciens dans les yeux sous peine de sanction. Ces sanctions varient
en fonction de la faute commise par la nouvelle initiée. Ainsi, les anciens participent à
l’éducation et la formation des filles en phase d’initiation. Cette éducation et formation passe
par le faite que vous êtes tenue de respecter l’aînée sociale c'est-à-dire celle qui est initiée
avant vous. La société Mitsogo notamment celle des femmes a deux types d’aînées, l’aînée en
âge et l’aînée sociale. L’aînée sociale est celle qui est initiée avant vous. C’est la personne
qui détient le savoir initiatique avant que vous ne vous initiez. Lorsque vous allez vous initier
cette aînée vous impose un mode de vie et une conduite à suivre pendant l’initiation. Tel a été
le cas de notre interlocutrice qui a subi au cours de son initiation, les sévices corporels infligés
par l’une de ses petites sœurs en âge mais son aînée sociale car elle est initiée avant elle au
rite initiatique Boho. Aussi, il y a de rapport de domination entre les anciennes initiées au
Boho et les nouvelles initiées.

Les anciennes dominent les novices en imposant leur dictat. Ce dictat est sanctionné par une
brimade des filles récalcitrantes dont les parents sont les premières personnes à montrer
l’exemple aux autres femmes initiées. Les parents briment leur propre fille, récalcitrantes afin
de montrer à cette dernière qu’elle n’est plus dans le cadre familiale mais plutôt qu’elle
appartient à la communauté des femmes initiées et que son éducation ne dépend plus de sa
famille mais plutôt de l’ensemble des femmes présentes au rite Boho. Cette façon d’agir
montre à l’assistance la sincérité de la famille à voir leur fille changer mais surtout une façon
de transférer leur pouvoir parental aux femmes du Boho qui désormais constituent une
seconde famille pour leur fille.» Nous confie Clémentine Pao. En effet, une fille orgueilleuse
doit être sanctionnée au moment de son initiation.
C’est dans ce sens que Gollnhofer Otto, Pierre Salle et al affirment : « La société
traditionnelle Boo, permet le maintien de l’ordre public et le respect des traditions, un peu
comme le fait la société masculine Mwéyi ».

Combien de temps dur l’initiation ? L’initiation au Boho dure plusieurs semaines. Deux
semaines dans le cas des funérailles. Dans les temps anciens, cela pouvait durer 3 mois c'est-
à-dire de juin à août. De 3 à 6 jours en fonction des situations et de la disponibilité
temporaire des acteurs. Dans ce cas, on dit qu’elle est rentrée Ghébéa. Cette initiation est
accordée aux parents des enfants qui n’étaient pas présent au moment de l’initiation des
autres enfants. Cela se pratique aussi pour les personnes qui veulent échapper à la brimade
liée à l’initiation au Boho notamment les fillettes. On les facilite l’initiation afin qu’elles ne
subissent pas comme de véritables femmes car les fillettes sont fragiles. Cela permet à ces
dernières d’échapper aux sévices corporels infligés aux initiées. C’est un moyen qui permet
de faire prendre les raccourcis aux personnes fragiles. C’est le cas des petites filles car elles
ne sont pas encore capables de supporter la souffrance.

Le Boho est-il encore important dans la société Gabonaise d’aujourd’hui ?

Le Boho est encore important en zone rurale, Mitsogo. Parce que dans les villages ces
pratiques culturelles sont encore respectées. Lorsque l’on organise une cérémonie de Boho
tous les éléments qui concourent à l’organisation du rite sont présents notamment les
instruments et les détentrices du savoir. Moins pertinent en zones urbaines, car le
christianisme comme élément culturel et religieux qui menace le Boho en zone urbaine
participe au déclin du Boho mais aussi certains instruments traditionnelles sont remplacés
par des instruments modernes tels que les bidons à la place des balafons et des tambours.
Moins d’assistants parce que pour la majorité des initiées au Boho présents dans les villes
sont pour la plupart convertis à la religion chrétienne ou vaquent à d’autres occupations
autres que les veillées d’initiation au Boho ». Ces propos ont été recueillis auprès de madame
Alphonsine Mondoumbé.

A travers ces informations nous déduisons que la Nkoumou-a-Ebenga choisit son héritière en
fonction de plusieurs critères à savoir : le respect des valeurs culturelles ; la proximité avec la
Nkoumou-a-Ebenga ; le faite qu’elle était connue de tous ; elle était initiée au Boho ; elle se
confiait à la future héritière.
En outre, on ne peut pas léguer un héritage à une personne qui n’est pas notre protégé ou une
personne éloignée de notre environnement de peur de voir notre héritage culturel s’envoler.
On constate aussi dans ce récit qu’il y a deux types d’héritages. L’héritage matériel et
physique ; l’héritage culturel.

L’héritage matériel et physique composé essentiellement des maisons de la défunte et de son


épouse du bétail de nombreuses parcelles de forêt. Ce qui va permettre à la nouvelle héritière
d’avoir un pouvoir au sein de la société. Ce lègue ne se limite pas seulement à l’héritage
matériel et physique il va au-delà notamment l’héritage culturel. En effet, à travers la
proximité avec la Nkoumou-a-Ebenga sa famille a appris beaucoup de connaissance à travers
elle.
7- Construction des concepts

Au cœur de ce travail, nous avons deux concepts clés à savoir : Le Boho et la femme.

Le Boho :

Concept Dimensions

Politique Social Culturel

-Organisation de la -Consolidation des -Les habits de la


vie sociale dans la liens sociaux. défunte.
culture Mitsogo.
-Lieu de transmission -Le savoir culturel
-Lieu de transmission du patrimoine ancestral
Boho du patrimoine culturel.
-La machette bêche
culturel de la culture
Mitsogo. -Lieu de fabrication
des baguettes qui
-Lieu d’exercice de
servent à la
pouvoir culturel.
protection des
-Production de la novices lors de
femme politique. l’initiation Boho.
La femme :

Concept

Dimensions

Culturelle Sociale et culturelle Politique

-Celle qui a subi son -Education des -Elle oriente les


initiation au Boho en enfants, membres de la
obtenant les grades communauté,
- Prend soins de son
Femme de :
prochain, -Elle dirige dans
-Tchéndé, l’ombre,
-Production de la
-Ngondjet, femme. -Participe aux
grandes décisions,
-Amenga-menga,
-Contre-pouvoir des
-Nkoumou-a-Ebenga.
hommes,

-Travailleuse,

-Serviable,

-Généreuse,

-Patiente,

-Obéissante,

-respectueuse,

-Soumise.
8- Approche méthodologique.

Une première remarque s’impose sur la notion de « terrain ». En effet, « faire du terrain, c’est
avoir envie de se connecter avec les faits, de discuter avec les enquêtés, de mieux comprendre
les individus et les processus sociaux »43. Il va de soi qu’il n’y a pas de recherche sans terrain,
surtout en science humaines. Parce que l’anthropologue s’astreint à un long travail de
description et d’interprétation, « il met au jour la complexité des pratiques sociales les plus
ordinaires des enquêtés, celles qu’on croit ‘’naturelles’’ parce qu’elles ont été naturalisées par
l’ordre social : pratiques économiques, alimentaires, scolaires, culturelles, religieuses ou
politiques, etc. »44

Aucune recherche scientifique ne peut se faire sans cadre méthodologique préalable. Ce cadre
permet au chercheur de mieux axer sa recherche et de la conduire avec raison. En
anthropologie, la recherche obéit à des procédures particulières, étant donné qu’il n’y a pas de
méthode type universellement utilisée. Cependant, la nature du sujet et celle du terrain nous
permettent d’orienter nos choix sur des techniques reconnues et attestées en sciences sociales
pour une meilleure collecte des données de terrain.

Nous nous référons à un schéma classique comprenant cinq phases.

9- La pré-enquête.

L’univers d’enquête est le lieu par excellence où le chercheur va puiser les informations dont
il a besoin pour rendre compte du phénomène qu’il étudie. A ce propos, il est important pour
nous de préciser que notre étude s’est réalisée à Mimongo et ses environs que nous aurons à
préciser au cours de notre argumentaire. Nous avons commencé notre pré-enquête par des
lectures préalables : des revues, des articles, des ouvrages, etc. susceptibles de nous fournir
des informations sur le retrait de deuil d’une Nkoumou-a-Ebenga.

Cette pré-enquête s’est déroulée dans les différentes bibliothèques de l’université Omar
BONGO notamment la bibliothèque d’anthropologie et celle de sociologie, bibliothèques des
deux départements en sciences sociales qui s’intéressent à l’étude de l’homme dans sa
diversité culturelle.

43
S. Beaud et F. Weber, Guide de l’enquête de terrain. Produire et analyser des données ethnologiques,
Nouvelle édition, Paris, éd. La découverte, 2003, p.16.
44
Ibid., p.9.
Cette pré-enquête s’est poursuivie également à la bibliothèque des sciences du langage, à la
bibliothèque centrale de l’université Omar Bongo et au centre culturel français. Notre visite
dans ces lieux de culture visait à vérifier s’il y a des travaux antérieurs qui ont été réalisés en
rapport à notre objet d’étude.

En dehors des lectures faites, nous avons eu recours aux personnes ressources détentrices ou
gardiennes des traditions, capables de nous fournir des informations liées au retrait de deuil
d’une Nkoumou-a-Ebenga.

Pendant ce premier moment, il était question, non seulement d’établir des contacts avec ces
personnes, mais aussi de leur faire savoir nos attentes. Et finalement nous avons pris rendez-
vous avec ces personnes pour nos entretiens futurs.

10- L’enquête de terrain.

Durant celle-ci nous avons essentiellement interrogé les femmes âgées de plus de 25 ans parce
que nous estimons que par rapport à cet âge elles sont suffisamment outillées car chez les
Mitsogo l’initiation au Boho commence dès l’âge de 10 ans ou au moment de l’apparition des
menstrues de la femme. Cette apparition des menstrues est perçue chez les femmes Mitsogo
comme signe de maturité de la femme. Elle est considérée comme étant une femme capable
de garder véritablement les secrets que confère son initiation.

Notre enquête dans l’ensemble s’est déroulée dans huit villages et trois quartiers que l’on
retrouve à Mimongo dans la province de la Ngounié.

En ce qui concerne les villages, nous avons procédé nos différentes enquêtes notamment sur
l’axe Mouila-Mimongo dans les villages suivant:

Mokabo, Bandi, Petit Mamba, Mossingué, Ekémbélé, Mamba Evova, Yéno, Séka-Séka, et
quelques quartiers de Mimongo dont Poungui, Mandji et Mikodi.

Tous ces villages et quartiers sont habités, pour la plupart par les Mitsogo, même s’il faut
signaler la présence d’autres ethnies que l’on peut retrouver dans ces villages.

Enfin notre pré-enquête s’est déroulée auprès de nos interlocuteurs femmes initiées au Boho
de l’ethnie Mitsogo résidant, pour la plupart, à Libreville, capitale du Gabon.

Notre question de départ est de savoir pourquoi les femmes Mitsogo organisent-elles le Boho
lors d’un retrait de deuil d’une Nkoumou-a-Ebenga ?
La réponse à cette question nous a permis de construire un guide d’entretien avec lequel nous
nous sommes entretenus avec nos différents interlocutrices et interlocuteurs parce que
l’initiation des filles au Boho concerne aussi les hommes car ils participent à la réussite de cet
évènement important dans la vie de la femme.

L’enquête de terrain est la phase cruciale de toute recherche ethnographique. Notre enquête
est le résultat de l’utilisation d’un outil majeur en anthropologie : il s’agit d’un guide
d’entretien (enquête qualitative).

Il faut noter que l’enquête qualitative est définie par Jean Pierre Olivier de Sardan45 comme :
« une enquête de terrain prolongée où le chercheur produit lui-même ses données, fait recours
à des entretiens approfondis ou semi-directifs, à des observations ou encore à des études de
cas ».

La présentation des approches qualitatives est relativement sous-développée dans les


universités comme dans les livres. Il y a peu d’enseignements universitaires qui portent sur les
méthodes qu’il faut utiliser pendant le séjour du chercheur sur le terrain. Et peu d’explications
méthodologiques aussi bien dans les ouvrages que par les chercheurs assermentés exposent la
façon dont le chercheur doit se comporter sur le terrain et collecter les informations en
respectant une grille préétablie du comportement que le chercheur doit adopter sur son terrain
d’enquête. En quelque sorte, le chercheur lui-même est responsable des techniques qu’il
faudrait utiliser afin d’avoir les informations nécessaires pour l’aboutissement de son travail.

La démarche qualitative est une démarche rigoureuse, qui permet au chercheur de mieux
construire son objet.

Pour certains, la démarche qualitative se présente comme enrobée de mystère, comme si le


travail de terrain était une sorte d’initiation, un rite de passage pour le novice. Cette démarche
est entourée d’une sorte de mysticisme pour le chercheur néophyte.

Dans l’approche qualitative, l’inconvénient est de ne pouvoir donner une représentativité


statistique. Le chercheur travaille en revanche en situation naturelle, au plus proche des
situations vécues par chaque acteur. Le chercheur prend en compte les ambigüités, les
ambivalences qui sont au centre de la vie sociale du groupe étudié. Tout le problème de la
démarche qualitative est qu’elle échappe aux manuels de procédures à suivre.

45
P. O. de SARDAN, « La politique du terrain, sur la production des données anthropologique », in enquête Les
terrains de l’enquête, Paris, n°1, 1995, pp71-109.
Il n’y a pas de procédures formalisées, les enquêtes sont basées sur l’improvisation, sur le rôle
personnel, direct du chercheur.

Nous avons utilisé la démarche qualitative car elle nous permet d’avoir des entretiens directs
de converser avec l’interlocutrice ou l’interlocuteur ordinaire et de nous éloigner avec
l’entretien du questionnaire qui est artificiel.

J. O. de Sardan46 définie l’entretien comme une négociation invisible entre le chercheur et


l’interlocuteur, tous deux ont leurs propres agendas. Un des aspects de l’entretien est de
transformer les questions que se pose le chercheur en questions qu’on pose. Ces questions
font sens pour lui, pas pour les gens ; si elles faisaient sens pour les gens ; ils seraient aussi
chercheurs.

L’une des marques de l’anthropologue est d’arriver à poser ces questions. Chaque entretien
permet normalement de donner lieu à d’autres pistes de travail, et de faire bouger un peu notre
problématique. Apprendre quelque chose, c’est déplacer les curiosités, rendre les questions
plus pertinentes pour soi-même, pour sa démarche de recherche.

Contrairement au questionnaire, nous avons utilisé les entretiens car elles m’ont permis de
poser de nouvelles questions que nous n’avons pas pu établir lors de notre guide d’entretien
pendant notre pré-enquête. Ces entretiens nous ont amené à nous entretenir avec les personnes
de notre choix sur plusieurs jours voire plusieurs semaines en fonction de la fertilité de nos
échanges avec nos enquêtés. Nous avons pris certains de nos interlocuteurs comme des
consultants. Cela nous a permis de collecter les informations liées à notre objet. Puis nous
avons utilisé les observations circonscrites (ciblées) ou nous avons observé le rite Boho et
nous ont permis d’écrire quelque chose sur le rite Boho. En effet, l’écriture est un matériau à
partir duquel on a écrit, notre mémoire.

11- Les techniques de collecte et de traitement des données.

Pour rester fidèle à Emile Durkheim, pour qui « les faits sociaux doivent être traités comme
des choses »47, l’anthropologue dispose de plusieurs méthodes et techniques de travail à
savoir : les entretiens, etc.

46
J. O. de SARDAN, op.cit., p.34.
47
E. Durkheim, Les règles de la méthode sociologiques, Paris, PUF / Quadrige (11e édition), 2002, p. 27.
Par ailleurs, nous savons également que le choix des méthodes de travail dépend strictement
de l’objet d’étude. Par conséquent, pour notre étude, nous avons eu recours aux entretiens
non- directifs et les entretiens directifs.

a) Les entretiens non-directifs.

Les entretiens non directifs ont été utilisés notamment pour les interlocutrices. Cela permettait
à ces dernières de s’exprimer librement face a notre objet d’étude. Mais aussi permettre aux
interlocutrices d’organiser leurs discours et l’expression de leurs idées sans se voir imposer
un cadre de questions préétablies.

Cette méthode nous a permis d’éviter de brûler le terrain comme nous le faisons quand nous
étions en Licence1, Licence2 et Licence3 d’années d’études à l’université lorsqu’il s’agissait
de traiter nos exercices confiés par nos enseignants.

Chez les femmes Mitsogo, un homme qui cherche à comprendre le rite Boho est suspect et
peut être considéré comme une offense à l’esprit Boho. Cette offense peut vous entrainer à
une amende si la faute est moins lourde mais si la faute est grave, la plupart de cas, le curieux
peut payer même au prix de sa vie car les initiées se croient trahis ou offensées par le curieux.

Laisser nos interlocuteurs nous parler eux-mêmes du Boho nous a permis d’avoir des
informations sur l’initiation des filles lors d’un retrait de deuil d’une Nkoumou-a-Ebenga du
moins cela nous évitait d’attirer des soupçons ou des préjugés sur notre objet d’étude.

b) Les entretiens directifs.

Au cours de notre recherche nous avons utilisé les entretiens directifs qui nous ont permis de
poser directement les questions à nos interlocuteurs. Cela nous a permis d’analyser et cerner
le but de l’initiation des filles lors d’un retrait de deuil d’une Nkoumou-a-Ebenga. Cette
attitude nous a permis d’avoir un maximum d’informations sur le Boho que les femmes ne
pouvaient nous donner.

Nous, nous sommes ainsi, servis d’un guide d’entretien dans lequel étaient consignés le thème
et les sous-thèmes qui ont été soumis aux interviewés.

Notre enquête s’est déroulée à Mimongo notamment au quartier Mikodi où nous avons
observé les rites organisés pendant le retrait de deuil d’une Nkoumou-a-Ebenga.
Les interlocuteurs qui acceptaient de nous entretenir nous donnaient les informations à chaque
fin de séquence des rites organisés. Notre enquête était parfois improvisée à chaque fois
qu’une occasion se présentait à nous.

Nous avons procédé aussi aux entretiens individuels avec les doyennes du Boho. Cela nous a
permis de rentrer dans la psychologie des interlocutrices qui se sont à plusieurs fois, mieux
sentis. Etant seule, elles sont à l’aise que lorsqu’elles sont en groupe car pour les femmes
Mitsogo, parler du rite Boho c’est vouloir découvrir leur monde initiatique. C’est pourquoi
elles ne veulent pas généralement aborder les conversations avec les non-initiés (ées) au Boho

Cette catégorie d’entretiens a connu certaines difficultés avec des initiées qui ne voulaient pas
s’exprimer devant les autres. Les entretiens nous ont donc permis de recueillir les
informations dont nous avions besoins auprès de ces initiées.

12-Les limites de l’enquête.

Les problèmes liés aux conditions de restitution des difficultés de terrain ne datent pas
d’aujourd’hui. Malinowski, considéré comme premier chercheur à avoir exposé les difficultés
rencontrées sur le terrain nous conseil en effet, de les exposer. Malheureusement, plusieurs
chercheurs n’en tiennent pas compte. Ils préfèrent garder le secret des conditions dans
lesquelles ils ont menées et réalisé leur travaux de recherches. A cet effet, très peu
d’ethnologues racontent comment ils ont travaillé sur le terrain. Ils préfèrent rester discrets
concernant les conditions du déroulement de l’enquête. Nous ne nous sommes pas inscrits
dans cette logique qui consiste à dissimuler les difficultés rencontrées sur le terrain de
recherche au contraire nous exposons nos difficultés pour que nos prédécesseurs s’imprègnent
des conditions d’enquête. Cela leur permettra de les améliorer.

Une des difficultés majeures dans notre travail se trouve être la documentation sur la question
que nous soulevons dans cette recherche. En effet, Jean Ferdinand Mbah affirme que « le
problème de la documentation au Gabon constitue un réel handicap autant qu’une difficulté
pour la recherche »48. A cela il faut ajouter que peu d’auteurs ont abordé la question. Ceux qui
l’ont abordé ne sont pas allé en profondeur nous pensons à André Raponda- Walker et Roger
Sillans49 qui ont juste survolé la question notamment en abordant quelques aspects liés à
l’initiation des novices au Boho et les conditions d’organisation du Boho sans pourtant dire

48
J. F. Mbah, La recherche en sciences sociales au Gabon, Paris, l’Harmattan, 1987, p. 123.
49
A. Raponda-Walker et Roger Sillans, Rites et Croyances du Gabon, Présence Africaine, Paris, 1995.
dans les détails ce qu’est réellement le Boho à part la comparaison du Boho qu’ils donnent à
l’initiation masculine Mwéyi.

La seconde difficulté, est en rapport avec l’herméticité des cercles initiatiques. Ces dernières
lorsqu’elles refusent en bloc de vous donner l’information, elles vous rappellent que le Boho
est un rite féminin et non un rite masculin donc il n’est pas question qu’un homme puisse
connaître ce qui se passe dans le Boho organisé lors d’un retrait de deuil d’une Nkoumou-a-
Ebenga puis que nous ne faisons pas parti de cette confrérie. Chercher à percer ses mystères
serait s’exposer à des sanctions pouvant vous entrainer à la mort.

La troisième difficulté est liée au fait que les femmes portent un soupçon à l’endroit des
hommes de science qui écrivent les secrets de la société initiatique. Ce soupçon a failli nous
bruler le terrain car nous devenions, à un moment donné un élément suspect pour ces femmes
avec les risques et péril d’être repoussé par les membres de cette communauté. Ainsi toute
curiosité liée au Boho est suspecte pour les initiées.

Etant de la communauté et notre statut d’homme initié aux rites masculins cela occasionnerait
un conflit entre les hommes et les femmes et dans ce genre de conflit, le coupable pourrait
payer le plus cher, même au péril de sa vie, afin de laver la colère des personnes dont la
société initiatique a été souillée. Du fait que nous soyons de l’ethnie Mitsogo, les femmes ne
voulaient pas que nous parlions du Boho car le Boho est un rite féminin fermé aux profanes.
Malgré les méthodes que nous avons utilisées.

L’autre difficulté est d’ordre personnel, à un moment donné, notre travail n’était pas structuré
eu égard à notre directeur de mémoire qui nous a aidé considérablement à mieux organiser
notre travail. Sans elle, nous nous en sortirons pas et peut-être jamais. De même, elles nous
accusaient de vouloir vendre la culture comme nos différents prédécesseurs qu’elles accusent
de livrer les secrets des initiations à ceux qui détiennent le pouvoir financier.

Allusion faite à l’artiste musicien Vickos Ekondo50 qui lors de son clip Bovenga montre un
masque qui donne la harpe cithare à une dame. Pour les initiés, cela constituait une insulte
voire une trahison à l’initiation des hommes.

Le problème étant posé de cette manière, vous convenez avec nous que beaucoup
d’informations n’ont de ce fait, été recueillies que partiellement ou parfois même tronquées
par la volonté de ceux qui les détiennent.
50
Artiste musicien Gabonais de l’ethnie Mitsogo.
En plus, notre effort étant engagé dans les catégories de la recherche scientifique, lesquelles
ont pour credo majeur le principe de rupture épistémologique manifesté à travers un ensemble
d’arcanes méthodologiques parmi lesquelles, la rigoureuse règle de distanciation avec l’objet
de recherche, nous ne pouvions donc au-delà de toutes considérations personnelles d’ordre
moral ou religieux, accéder à certaines informations clés liées au Boho.

Il est donc évident, que notre travail n’ambitionne pas de revendiquer un statut de chef
d’œuvre sur le thème que nous abordons mais un outil qui pourrait aider nos prédécesseurs à
comprendre le retrait de deuil d’une Nkoumou-a-Ebenga chez les Mitsogo.

Enfin enquêter sur le retrait de deuil d’une Nkoumou-a-Ebenga c’est comprendre la


construction de la femme chez les Mitsogo en générale et en particulier ceux de Mikodi.

Cependant, la volonté et la détermination de soumettre à la lecture des tiers un travail


rigoureux, nous a emmené à faire parfois preuve d’opiniâtreté et surtout de vigilance.

En somme, cette partie nous a permis de montrer nos conditions d’enquête pour permettre à
tous ceux qui n’ont pas encore reçu le baptême de feu, lié à l’enquête de terrain de
s’imprégner des difficultés et des techniques d’enquêtes qui existent dans une telle situation
où les interlocuteurs refusent d’aborder le sujet pour qu’ils améliorent le rendement de leurs
travaux de recherche prochaine.
Chapitre I : Présentation de la population dans son milieu de vie

1- Migration des Mitsogo

Le récit du deuxième voyage de Paul du Chaillu accompli au Gabon entre 1863 et 1865 peut-
être considéré comme un récit fondateur, comme l’est assurément celui de ses expéditions
menées entre 1835 et 1858. Dans l’un et l’autre cas, il s’agit bien de la première mise en
place, dans les écrits européens, des lieux et des hommes de notre pays. C’est dans cette
optique que les Mitsogo ont été identifiés pour la première fois par un aventurier anglais de 17
ans, Paul du Chaillu51. Il qualifia les Mitsogo comme un peuple de montagnards établi sur la
ligne de partage du tissu du fleuve Ngounié, affluent principal de la rive gauche de l’Ogooué
et de l’Ikoye. Selon les informations recueillies par Raponda Walker52 dans son ouvrage, les
Notes d’Histoire du Gabon, les Mitsogo seraient, initialement, descendus le long de la rivière
Divindè jusqu’à l’Ogooué dont ils auraient atteint la rive gauche pour pénétrer à l’intérieur du
pays par la vallée de l’Offoué. Puis ils auraient pénétré le bassin de l’Ikoye afin de s’établir sur
ses affluents et sur ceux de la rive droite de la Ngounié et l’Oano, au sud jusqu’au nord ».

Avant de parler des ethnies voisines des Mitsogo, il convient, tout d’abord, de rappeler que
celles-ci peuvent être rattachées selon la classification adoptée, soit au « groupe Mitsogo » de
Malcolm Guthrie53 (Mitsogo, Apindji et Okandé), soit au « groupe Okandé » de Marcel Soret
(Mitsogo, Apindji, Simba, Okandé, Puvi et Evia), soit enfin au « groupe central » d’Hubert
Deschamps54 (Mitsogo, Apindji, Simba, Okandé, Puvi et Massango). Sans entrer dans les
détails, précisons cependant, que la seule classification, qui ne laisse place à aucune
ambigüité, est celle basée sur le critère linguistique. Elle repose, en effet, essentiellement sur
l’identité des structures des langues prises en considération car à cause de leur proximité
linguistique, l’ethnie Mitsogo ne peut qu’être rapprochée de ces différents groupes ethniques.

Mais il est bien évident qu’une classification purement linguistique ne peut faire ressortir
suffisamment les tiers culturels unissant (entre elles diverses ethnies) susceptibles de
constituer un groupe homogène par l’histoire et la situation géographique.

51
P. Beloumi du Chaillu, 1er Voyage en Afrique Equatoriale, édition Centre culturel Saint-Exupéry et Sépia, p.
411.
52
A. Raponda-Walker, Notes d’Histoire du Gabon : Toponyme de l’Estuaire, Libreville et Toponyme du
Fernand-Vaz, de Port-Gentil, 1960, p09.
53
Malcolm Guthrie, 1967-1971, Comparatives Bantu, 4 volumes Farnborough : Gregg international Publisher
Ltd.
54
H. Deschamps, Traditions orales et archives au Gabon ; contribution à l’ethnohistoire, Paris éd Berger-
Levraut, 1962, p. 146.
Ainsi que le souligne, Raponda Walker dans ses Notes d’Histoire du Gabon55 « des tribus
s’exprimant aujourd’hui à peu près pareillement dans une langue différente se ressemble car
ils appartiennent, à la même souche ». Ces propos illustrent bien le fait que le groupe de
Guthrie Malcom56 n’est vrai qu’à la condition de demeurer un groupe linguistique, c'est-à-dire
un ensemble de langues réunies arbitrairement pour des considérations structurales ou
lexicales et ou les deux à la fois.

De nos jours, les villages « Mitsogo » se trouvent essentiellement dans la province de la


Ngounié et plus précisément au nord de cette province dans le district d’Ikobey-Sindara, au 2e
siège du département de Tsamba Magotsi, et communique avec le canton Dibwa relié par une
piste qui mène vers les villages Motada, Massima et Etéké.

La plus grande partie des villages Mitsogo se retrouvent sur la nationale1 à partir du kilomètre
zéro de Mouila vers la route qui mène dans la province de l’Ogooué-Lolo (Koulamoutou). On
les retrouve généralement le long de la route Mouila-Mimongo, sur l’axe Etéké-Massima,
Etéké-Mebé et sur la route Yéno-Lebamba. Toute cette aire géographique accidentée est
recouverte d’une forêt dense. C’est cette aire géographique qui constitue ce qui est
communément appelé le « pays des Mitsogo ».

Cette carte montre les villages occupés par les Mitsogo, peuple soumis à notre étude

55
A. Raponda-Walker, Notes d’Histoire du Gabon, Toponymie de L’Estuaire, Libreville et Toponymie du
Fernand-Vaz, Port-Gentil, éditions Raponda Walker, Libreville(Gabon), 1996, p. 9.
56
Ibid., p. 53.
Les points rouges localisent les villages Mitsogo ayant un carrefour57

57
Légende réalisée par Percyss Mezemé Mba, étudiant en Master1 Géographie, université Omar BONGO, 2017.
Ces données sont tirées de Google EART en collaboration avec les Mitsogo eux même.
Les points rouges sur la légende marquent les villages ayant un carrefour. Tel est le cas des
villages : Yéno ; le district d’Etéké et Bilengui. Et les autres points constatés marquent les
villages habités par les Mitsogo.

2- Situation géographique.

Les Mitsogo, environ 13000 ressortissants selon Gollnhofer Otto, Sillans Roger, Louis Perrois
et Pierre Sallée58 sont limités au Nord par les Gisir, Punu et Apindji, au sud par les Massango.
La répartition des Mitsogo dans les districts, canton et région administrative de la Ngounié ne
s’est pas effectuée que dans le district d’Etéké et dans le département de l’Ogoulou Mimongo,
mais aussi dans la ville de Mouila. D’une façon générale, l’administration coloniale a eu du
mal à regrouper les villages Mitsogo en regroupement de villages. Toutefois, il est à noter que
malgré les résistances des peuples autochtones l’administration coloniale ont pu faire
regrouper ces peuples dans les grands centres de regroupement. Il en est de même dans toute
la région de la Ngounié où ce regroupement des villages ne s’est pas effectué sans heurt. Il en
est de même dans toute la région de Mimongo, notamment des méthodes particulièrement
draconiennes, furent appliquées. Les populations ne voulaient pas quitter leur terre fertile pour
d’autres où elles seraient étrangères. Il est donc possible que les pourcentages d’individus par
district et surtout par canton ne soient plus rigoureusement valables. C’est ainsi, par exemple,
le canton de Dibwa où se trouvait la plus forte concentration de Mitsogo, se trouve réduit à
trois grands centres repartis d’une part, du côté de la route Etéké, Massima et d’autre part, de
la route Etéké/Ovala.

Sur la route Etéké/Massima on relève trois grands centres : Mebé (quatre villages de Dibwa,
nouveau centre) et Mobegho (trois villages qui se trouvaient le long de la route, ramenés à un
centre) sur la route Etéké-Ovala, on note également trois centres de regroupement : Mokona
(deux villages), Mamba (nouveau centre formé de sept villages) et Ngwassa-Mopaka
(nouveau centre formé de villages.

Les autres villages se sont réfugiés vers Sindara (district de Fougamou) proche d’un chantier
forestier afin d’échapper au regroupement, d’où les difficultés insurmontables du point de vue
administratif.

58
G. Otto, R. Sillans, L. Perrois et Pierre Sallée, 1975 : « Art et Artisanat Tsogo », Musée des Arts et Traditions
du Gabon, Travaux et documents de l’Orstom, n°442, Orstom édit, Paris, 1 Plaquette 21/27, 125P, nombreuses
figures in disque 33t, 1/3, Orstom-Ceto 749.
D’ailleurs le village de ambigüité, un des plus grands villages conséquents, a refusé de quitter
ambigüité. Dans le district d’ambigüité neuf villages d’ambigüité se sont réfugiés en
demeurant près de Sindara, sur la route ambigüité/Sindara. Ce groupement s’est poursuivi
également à 11km de Mimongo sur la route Mimongo-Koulamoutou, au centre de Mokabo.

Les Mitsogo résident également au centre de Mouila, dans le canton Dikoka, c'est-à-dire à
l’Est de la ville.

En effet, il est constitué de trois grands regroupements de villages Ghéghoma (Pk3km),


Dikoka (10km), Mokabo (Pk18km) et Bandi (Pk 25km) sur l’axe routier Mouila-Yéno. Le
département de l’Ogoulou Mimongo est la plus grande agglomération habitée par les
Mitsogo ; Etavo, Ghesuma et Dissengué. Etavo est en quelque sorte le continuum du canton
Dikoka et comprend les villages Massika, Mossingué, Ekémbélé, Evova auxquels on pourrait
ajouter dans le prolongement Yéno, Seka-Seka et Mimongo.

Le canton Dibwa quant à lui est constitué par la boucle Etéké-Ovala-Mebé-Massima et


Motada alors que la zone Ghesuma englobe Yéno, Nombo, Etava et Kanda.

Enfin, le canton Dissengué est l’ensemble de trois grands regroupements de villages


Egoumbi- Epamboa et Bilengui, sur la route Lebamba-Egoumbi.

On retrouve également les Mitsogo disséminés un peu partout dans d’autres provinces du
Gabon à savoir: La Nyanga, le Moyen Ogooué, L’Ogooué Ivindo, L’Estuaire. De nos jours on
ne saurait cependant délimiter avec exactitude l’implantation de ce peuple dans tout le Gabon
en ce sens qu’avec l’exode rural chacun préférant s’établir là où bon lui semble.

Retenons que les villages Mitsogo se retrouvent essentiellement dans le département de


l’Ogoulou Mimongo, dans le canton Dikoka, Ghézouma, dans le district d’Ikobey, Sindara et
dans le district d’Etéké. Pour se rendre dans ces localités on y accède par voie terrestre.

Signalons que dans chaque regroupement de villages ce sont des anciens villages regroupés
qui forment un quartier, gardant le nom de l’ancien village et dispose d’un chef de village qui
lui est propre. Inutile d’insister sur le fait que les villages Mitsogo n’ont plus un caractère
traditionnel d’autres fois.

De plus, de pareilles concentrations (parfois jusqu’à 700 villageois) causent des entraves aux
relations intercommunautaires ; entraves soit sur le plan socio religieux, soit sur le plan
politique.
Ces entraves sont dues au plan social, du fait que les populations qui se déplacent pour
s’établir dans un autre milieu dépendent des populations autochtones. Au plan social c’est un
déséquilibre total car il va falloir se familiariser avec les originaires pour espérer des parties
de terre par exemple.

Au plan religieux, le bouleversement est total car ces populations sont souvent complètement
coupées de leurs sites sacrés qui leur permettaient d’avoir une vie normale.

Au niveau des champs ces communautés continuent toujours à les pratiquer dans leurs
anciens villages. Ce qui a pour conséquence une réintégration dans leur ancien habitat, d’où
des complications administratives considérables.

Actuellement l’ethnie (eonghô) Mitsogo se compose de six clans (Mabota) au pluriel et Ebota
au singulier, exogames et matrilinéaires. Ces clans sont repartis en douze « groupes
territoriaux » traditionnels, qui constituent un ensemble géographique plus ou moins
homogène, sur lequel sont repartis les Mitsogo. Ces « groupements territoriaux », au nombre
de douze, sont ainsi délimités : le Mapanga se situe entre le Nord-Ouest de Lebamba et la
rivière Oano (en direction de Mbigou).

Le Dissengué part du village de Bilengui jusqu’à Egoumbi Bac. Le Ghesuma (« qui


descend ») se situe entre les rivières Ogoulou et Mikondjo (en partant d’Egoumbi Bac).

Le Motongô (le lointain. Part de l’Est de Mouila jusqu’à l’Onoye). Le Mopondi se situe entre
les rivières Ogoulou et Mighoto (à l’Est d’Etéké) jusqu’à la source Ikoye occidental.

Le Waka se trouve entre les rivières Okobi et Waka (vers Sindara).

Le Matende (dans le bassin de Louga) se situe entre Sindara et la chute Tsamba Mogotsi
(Fougamou), d’une part, et la Ngounié en direction de l’est jusqu’à la rivière Okobi, d’autre
part, l’Okobi (le grand affluent de l’Ikoye) entre les rivières Okobi et Omba.

Le Dibwa (l’aire où se trouve la plus grande concentration de Mitsogo) est localisé entre les
rivières Omba ; l’Ikoy occidental et la limite Sud Est d’Etéké et enfin, Etavo (nom d’un
village) entre les rivières Onoy et Mikondjo, le Mbatsi entre Ndéndé et Moabi ; le Matséghé
entre Lebamba et Bilengui.
Notons que Matséghé59 n’existe plus.

La plupart de ces « regroupements territoriaux traditionnels » correspondent aux « terres »


reparties par le clan Motoka.

Celui-ci détenait initialement la totalité des régions où s’étaient fixés les Mitsogo après leurs
grandes migrations qui les ont conduits dans l’actuel territoire du Gabon.

Il est supposé qu’il n’y eut à l’origine que six « groupements territoriaux » qui correspondent
chacun à l’un des six clans Mitsogo.

Ce n’est vraisemblablement qu’à la suite de la subdivision des clans que de nouveaux


morcellements des terres sont intervenus. Ainsi, il semble que la région de Mbatsi, par
exemple soit de formation relativement récente.

Les Mitsogo d’un Ebiye donné ne pouvaient s’installer dans un autre Ebiye sans autorisation
préalable du clan Motoka. Ainsi, ils n’avaient pas le droit de chasser, pêcher, s’établir, faire
une plantation et enterrer un des leurs. En outre, il y avait une solidarité entre les membres
d’un Ebiye donné où celui se trouvait en conflit avec les représentants d’un autre Ebiye
(mariages, adultères, sorcellerie, fétichisme, meurtres etc.).

Pour clore sur la situation géographique Mitsogo, nous avons dû faire certaines réserves en
raison de l’absence d’informations précises concernant le recensement des Mitsogo mais aussi
sur son installation partout sur le territoire Gabonais. C’est ainsi nous n’avons pas abordé des
questions liées à la densité moyenne du village Mitsogo par rapport à celle des villages
appartenant à d’autres ethnies dominantes et environnantes.

59
Matséghé, regroupement de village, situé dans le département de l’Ogoulou Mimongo dans la province de la
Ngounié, mais dont ces regroupements de villages n’existent plus.
Chapitre II : Description culturelle

Le vocabulaire de l’ethnologie a été utilisé à tort et à travers depuis cent ans par les
administrateurs. Ce n’est pas que la définition des réalités soit flottante, mais l’usage courant
a figé certains termes dans des acceptions impropres Raymond Mayer60. On parlait encore de
« tribu » pour désigner les « ethnies » et le même terme « tribu » pour désigner les formations
familiales non européennes. A l’intérieur de l’Europe, l’usage du terme « tribu » est maintenu
pour signifier une phase archaïque de formations familiales. On parlera de tribus gauloises ou
franges, pour expliquer l’origine de ces peuples.

Au Gabon, les cartes d’identités de l’époque coloniale portaient une rubrique d’identité
ethnique qui était intitulée suivant le cas : « tribu », voire « race » ! Ce vocabulaire a
malheureusement survécu dans le français courant des villageois, mais n’est pas du tout
conforme ni à la terminologie passée, ni à la terminologie présente des administrateurs.

Il ne suffit pas à un administrateur de parler de tribus dans ses rapports administratifs pour
dire qu’il est ethnologue ; pas plus qu’il n’est linguiste par le simple fait de parler des langues
locales. Quant au présent, il faut savoir que les ethnologues ont affiné leur méthode
d’approche des concepts endogènes de parenté. Ils préfèrent partir du terme de langue locale
et essayer de savoir ce qu’il signifie, plutôt que de plaquer sur ces réalités des concepts
étrangers.

1-Les clans

Les clans (Ebota/ma) Mitsogo sont au nombre de six : Motoka, Poghéo, Ndjobèt, Ghéongo,
Ossembé et Ghassanga. Seul un ancêtre mythique (Mokuku) est reconnu comme étant à
l’origine de la fondation du clan. Le clan61 se défini comme un groupe d’uni-filiation dont les
membres ne peuvent établir les liens généalogiques réels qui les relient à un ancêtre commun,
souvent mythique.

L’exogamie de clan est de rigueur. Actuellement chaque clan Mitsogo sauf les clans Ghéongo
et Ghassanga est scindé en deux clans de façon suivante :

Le clan initial Motoka comprend le lignage Motoka et Ghavemba ; le clan Ndjobèt est
composé du lignage Ndjobèt et Moghènè ; le clan initial Ossembé comprend les Ossembé et

60
R. Mayer, Histoire de la famille Gabonaise, Libreville, Edition du Luto 2002, p43.
61
P. Bonte et M. Izard, op.cit., p152.
Ghassanga. En ce qui concerne le clan Poghéo, il est souvent considéré comme étant divisé
en quatre lignages : Poghéo-Bendjé ; Sima-a-Tsimba. Ces lignages ne font pas partie de
l’ethnie Mitsogo parce qu’ils viennent des Massango.

En effet, les deux dernières ne font partie du clan Ghétsogho et Poghéo à proprement parler,
qu’à titre de parenté parallèle à celle du groupe Massango. Car les mariages entre les Mitsogo
et Massango ont entrainé dans le clan Poghéo cette appartenance fictive concernant les
subdivisions classiques Massango, de Sima-a-Tsimba. Selon toute probabilité, il semblerait
que cette présence des deux lignages Massango au sein du clan Poghéo, se justifiait en raison
de la nécessité de maintenir les règles de l’exogamie. Car entre les deux ethnies il y a mariage
à filiation matrilinéaire et il semblerait que ces deux lignages Massango dérivent du clan
Ghétsogho, Poghéo. En effet, il y a de nombreux points communs entre l’ethnohistoire
Massango et celle des Mitsogo.

Les clans se subdivisent à leur tour en lignages appelés Mbumu auxquels appartiennent de
nombreuses unités familiales. Celles-ci sont les foyers de segments locaux qui constituent de
petites communautés formant soit des villages à part souvent éloignés les uns des autres soit
des regroupements dans un grand village. Là, les hommes d’une lignée vivent avec leurs
femmes et leurs enfants, formant ainsi des communautés économiques dirigées par le père.

Du point de vue de l’éducation, c’est l’oncle maternel qui est le responsable et reconnu en tant
que père. De nos jours, ce règlement est devenu moins strict. Et il arrive très souvent que les
hommes aillent s’installer ailleurs avec leur lignée. Autrement dit, on passe de la résidence
virilocale à la résidence néolocale. C’est au niveau des lignages que la solidarité, entre les
membres d’une même ethnie est bien réelle. C’est ainsi que le juge Pape Daniel62 précise :
« l’Ebota (clan) c’est le bras (Oghôghô), les Mbumu (lignages), ce sont les doigts (Mizavi).

Seul le Mbumu est responsable du problème causé par l’un des leur mais si le problème est
grave cela peut toucher les membres du clan. Si un membre du clan Motoka tue par
inadvertance un membre du clan Ghéongo, les Mitsogo peuvent suspendre le problème et si
dans quelques années un membre du clan Ghéongo tue un membre du clan Motoka les juges
peuvent compenser le problème avec celui qui s’était passé la dernière fois.

62
D. Pape, interlocuteur Mitsogo du village Bilengui, initié aux rites masculin Mitsogo, marié et Père d’une
nombreuse famille.
Plus loin dans notre entretien avec un juge coutumier, emprunte le proverbe d’un autre juge
Modandi a Ghé Tombo : «Ebota tè gho Midédé» qui signifie littéralement « le clan est
constitué des affluents ». Par exemple, le clan n’est jamais responsable des manœuvres
maléfiques commises par l’un de ses membres.

En cas de problème, le lignage est entièrement responsable du tort causé par l’un de ses
membres, même s’ils appartiennent à un même clan. Entre membres de lignage différents, les
litiges peuvent être très graves mais entre membres d’un même clan le litige se règle en
famille », comme pour dire c’est un problème en famille.

En résumé, les Mitsogo s’apparentent de très près, par la langue et probablement aussi, du
point de vue de la culture, aux Apindji, aux Simba, aux Okandé et aux Ivéa. De plus loin, ils
se rattachent, du point de vue linguistique aux populations Myèné : Mpongwé, Galoa ;
Orungu.

2-Société et corporations initiatiques

« Chez les Mitsogo, cette petite population forestière de quelques 13000 individus repartis en
six clans dualistes exogènes, matrilinéaires, polygames, à résidence virilocale, la vie
religieuse, très intense, se manifeste au travers de sept principales sociétés et corporations
initiatiques des deux sexes, sans compter diverses pratiques rituelles » Gollnhofer OTTO63.
Tous ces ordres sont indépendants mais leurs activités s’exercent indépendamment les uns
aux autres. Une des particularités sur le plan formel, c’est qu’il n’y a pas de chef religieux
unique à la tête de chacune de ces formations.

En principe, chaque village, sauf là où la densité d’habitants est trop faible, détient un chef
religieux à la tête de chaque formation qui exerce localement les pratiques du culte.

Par ailleurs, dans la plupart des cas, ce même chef cumule plusieurs fonctions religieuses ou
parareligieuses.

C’est ainsi qu’il peut être à la fois Kumu-a-mboka « chef de village », Ghévovi « juge »,
Nganga « guérisseur », Povi64 « intermédiaire entre les initiés au Bwiti et les entités de ce
rite » etc. il est fréquemment appelé en sa qualité de spécialiste dans d’autres localités, pour y
faire valoir ses compétences en matière de juridiction traditionnelle.

63
G. Otto, Les rites de passage de la société initiatique chez les Mitsogo : la manducation de l’Iboga, thèse de
doctorat de 3eme cycle, ethnologie, paris 1974, V, p. 229.
64
Povi, griot détenteur de la connaissance liée au Bwiti.
Les sociétés et corporations initiatiques masculines les plus importantes chez les Mitsogo sont
le Bwiti, le Mwiri, le Kono et l’ordre des Evovi.

Les formations féminines sont nettement minoritaires car elles ne comprennent qu’un seul à
savoir ‘’le Boho appelé à tort Gnémbet’’. Le culte des ancêtres est pratiquement répandu sur
l’ensemble du territoire mais présente toutefois des variables en fonction des ethnies. Chez les
Mitsogo, il existe plusieurs corporations rituelles à savoir :

Le Mwéyi, le Ngongô et le Kônô (corporation Mitsogo d’obédience masculine axée sur le


maintien de l’ordre public par le respect des interdits claniques et de la vie morale), Ils sont
connus sous diverses appellations chez un certain nombre d’ethnies du Gabon.

Le Bwiti société secrète masculine qui a ses rites, son règlement, ses séances et ses
réjouissances. Ce rite préside au culte dit des ancêtres, est presque rependue dans tout le
Gabon. C’est ainsi qu’un harpiste Mitsogo au nom de Migonguè65 affirme dans l’une de ses
chansons dédiée au Bwiti: « Papa Bwiti, tu es aimes voyager dans le monde, de nos jours on te
retrouve chez les Fang, les Puvi, les Massango, les Punu etc. Mais au faite qu’est-ce que tu
cherches dans le monde? ». Aujourd’hui, il est difficile de savoir avec exactitude les origines
du Bwiti si le chercheur ne se renseigne véritablement pas auprès des initiés afin d’en déceler
ses origines Mitsogo.

L’Omboundi corporation mixte. Elle joue un rôle thérapeutique.

Le Boho66 confrérie des femmes Mitsogo aux fonctions bien souvent sécrètes, mais qui
généralement visent à la socialisation des femmes, mais aussi pour la majorité soit lié à des
pratiques thérapeutique. Les initiées au Boho comme l’affirme Claudine-Augée Angoué67,
reçoivent un traitement proche des recrues militaires dont les premiers objectifs sont la
maîtrise de soi, l’endurance et la résistance aux épreuves difficiles. Les novices apprennent à
dominer leurs états d’âme, leur nervosité et les accès de colère en s’inclinant devant les
paroles et les coups qu’elles reçoivent dans le dos de la part de leurs ainées dans la confrérie.

Mais son importance est cependant très grande dans les domaines sociaux et religieux.
L’Omboundi est un ordre initiatique mixte.

65
Migonguè, harpiste Gabonais de l’ethnie Mitsogo.
66
Brochure, Regards croisés sur les patrimoines naturels et culturels Gabonais, édition 2017, Université Omar
Bongo, Muséum République Française Institut Français.
67
Ibid. p.7.
Cet ordre remplit plus une fonction thérapeutique que juridique. Si dans la forme, on constate
d’une région à l’autre du « pays des Mitsogo de légères variations dans de nombreux rites, le
fonds, constitué par l’enseignement initiatique, demeure immuable.

Toutes ses corporations participent à l’organisation de la société Mitsogo.

3-Pratiques religieuses

Tout comme pour les sociétés initiatiques, nous n’exposerons que les pratiques religieuses les
plus importantes. Parmi ces pratiques, nous avons celles concernant le culte des ancêtres, la
circoncision. Mais avant de donner le contenu de chaque pratique, disons en quelques lignes
ce que nous pensons des pratiques religieuses Mitsogo. Nous nous ferons un devoir de
préciser ici, que c’est à G. Dieterlen que nous devons d’avoir complètement changé notre
optique en matière des pratiques rituelles africaines et en particulier celles de Calame Griaule
Geneviève68, concernant l’initiation chez les Dogon, nous ont permis d’entrevoir l’importance
de l’acquisition de la connaissance dans la vie du « Noir » et aussi le degré de savoir
ésotérique que ce dernier possède quand il atteint la maîtrise initiatique.

A ce propos, Raponda Walker et Roger Sillans, constatent que certains érudits ayant
longtemps vécu parmi les populations d’Outre-mer, semblent émettre quelques doutes au
sujet du degré de connaissance que possèderaient les initiés de certaines sociétés secrètes
africaines. Ils constatent que ces érudits disent à propos de ces adeptes, ou devins-guérisseurs,
que s’ils détenaient de pareilles connaissances cela transparaîtrait dans leur genre de vie.
Personnellement, nous pensons qu’il s’agit là d’une optique toute occidentale.

En effet, comment pouvons-nous comparer le genre de la vie des Mitsogo avec celui des
autres populations du globe ? La réalité est que chacun veut voir son semblable, le reflet de
son propre comportement et des coutumes de son pays. Dès qu’on constate des différences, ce
sont alors tous les qualificatifs surannés qui entrent en jeu : rites « bizarres étranges »,
statuettes « grossièrement sculptées hideuses », geste « horribles, indécents », chansons
« obscènes, érotiques » etc. La religion étant différente, on parle alors d’idées de dieux, de
fétiches. Mais si l’on s’efforce de pénétrer quelque peu les rites gabonais, sans préjugé, on
constate qu’il est tout autrement.

68
G. Calame Griaule, op.cit, p. 105.
Nous pouvons voir en effet, que les Mitsogo croient en un Dieu unique qu’ils conçoivent
d’ailleurs d’une façon bien plus abstraite que la plupart des autres peuples de la planète et
qu’aucune figuration n’en existe.

Les Mpongwé « population du Gabon » n’avaient aucune notion sur la forme de Dieu, plus
loin, Raponda-Walker et Roger Sillans69 font remarquer que ce qui est trop souvent appelé
« idoles, (dieux) » qui souvent « grimacent » dans l’ombre des temples du Bwiti par exemple,
ne sont en réalité que des représentations relevant d’un art conventionnel, est un rite présent
dont les différentes forces sont naturelles et cosmique, ou encore d’âme désincarnée.

L’union constante des morts est l’élément essentiel que nous devons retenir dans ce que l’on
appelle habituellement le « culte des ancêtres ». Le culte des ancêtres en tant que culte
familial chez les Mitsogo, se réduit à quelques brèves cérémonies. Celles-ci ont lieu, soit dans
la case familiale, où seuls les hommes sont présents, soit au cimentière dans le cas où l’on a
enfreint un interdit, ou si l’on désire obtenir une faveur. C’est en effet, à cette occasion, que
l’on sollicite les faveurs des ancêtres en vue de l’obtention des richesses d’une nombreuse
progéniture, etc. Par contre, cette pratique est infiniment plus développée dans le cadre du
Bwété-à-Mombé70. Elle n’avait pas pour exclusivité de solliciter les faveurs des ancêtres en
termes de fertilité abondante, mais visait aussi à éloigner tout mal lors des travaux
champêtres, à minimiser les accidents. Aujourd’hui, celle-ci ne faisant que l’ombre d’elle-
même, se pratiquait par l’intermédiaire des statuettes appelées Ghéonga disposées chacune
sur le sommet d’un crâne humain. Celui-ci, autrefois, surtout le crâne d’un des propriétaires
du clan fondateur du village : Kumu-a-Mboka. Les autres ressortissants sont considérés
comme des étrangers. Cette statuette est maintenue ajustée au crâne par un Ebundi « pagne
noir en raphia » qui enveloppe le crâne et la base du Ghéonga. Elle avait un interprète, le
Kôkô qui transmettait aux hommes les messages des ancêtres.

Le culte des ancêtres ne doit pas être pris dans le sens d’une « divinité que l’on adore » ; on
les craint dans la mesure où on leur manque de fidélité.

Le culte des ancêtres n’est autre que le symbole du souvenir : une élévation de l’âme vers
ceux qui ont franchi le seuil du monde invisible.

69
A. Raponda-Walker et Roger SILLANS, op.cit., p. 265.
70
Bwété-à-Mombèt, Bwiti d’invocation propitiatoire chez les Mitsogo.
Cette union constante se trouve par ailleurs reprise par le Gouverneur Deschamps Hubert 71 en
ces termes : « dans ce courant de forces vivantes qui parcourt toute la création, on ne
distingue pas, non plus, entre le surnaturel et la nature ».

L’idée qu’il développe est que le Noir est, en effet, constamment aux prises avec ses forces, et
c’est précisément sur cette notion de « forces », de « puissances », dont seuls les initiés
comprennent la réalité significative, qu’il nous faut insister le plus.

Aussi, quand on parle de « génies » ou de « chasser les mauvais esprits », aucune figuration
n’existe, mais on constate que les Mitsogo en donnent parfois certaines descriptions
fantastiques. Mais que valent-elles réellement ? Ne sont à ce point-là que des figurations
subjectives, faites pour satisfaire le profane, Blanc ou Noir, incapable de comprendre le
langage initiatique ? S’interroge Guy Serge Mogomba72.

Il faut noter que les Mighési ne nous sont en réalité connus que par leurs actes, ils ne se
manifestent donc bien pour la forme des forces.

D’ailleurs P. Idrart en rappelant que les africains discutent plus de « bruits » que de « choses
vécues », rejoint le constat que nous avons fait chez les Mitsogo. Il y a des génies qui ne sont
caractérisés que par les bruits qu’ils émettent, certains font entendre des coups de canon ;
d’autre au contraire, sont ennemis de tout bruit.

Ces multiples manifestations des forces cosmiques, qui sont conçues par les profanes comme
personnalités mythiques, ne doivent jamais être confondues avec Dieu dont elles émanent.

Ce ne sont que des principes spirituels, intermédiaires entre Dieu et les Hommes, liés à ces
derniers et aux éléments, car « il n’est de forces qui n’émanent de quelque chose » (G.
Dieterlen). Une personne, un objet, pour obtenir un pouvoir, magique, sacré doivent
préalablement recevoir une force.

La circoncision (ghètagha en Mitsogo), quant à elle, semble avoir revêtu, à une certaine
époque, une grande importance.

71
H. Deschamps, traditions orales et archives au Gabon, contribution à l’ethnologie, édit, Berger-Levraut,
1962, p146.
72
G. S. Mogomba, Ethnoécologie/Anthropologie, Ethnoécologie des Mitsogho du Gabon, Thèse de doctorat,
Université de Lorraine, Octobre, 2013, p.82.
De nos jours, elle se ramène à une brève cérémonie qui n’est d’ailleurs obligatoire que pour
les jumeaux et seulement dans le but de consacrer leur appartenance définitive à la société
initiatique du Ya Mwéyi.

La circoncision s’effectue toujours en saison de pluies, généralement vers l’âge de dix ans,
mais il n’est pas rare de le voir se pratiquer dès les premiers jours de la naissance. L’opération
a lieu au cours de la journée qui suit la nouvelle lune, au pied du bananier Motuka (Musa
pradisicial), variété à grands régimes de fruits violacés.

Le circonciseur (Moghetani) coupe les ongles du pied droit ou gauche du patient, de ceux des
doigts de la main, pouces et index exceptés. Il coupe également les cheveux au-dessus du
front et de la nuque.

Le tout est disposé dans un paquet de feuilles que l’on enterre au pied d’un bananier
(Motuka), le dos appuyé contre le tronc dudit bananier, les jambes maintenues écartées.

Le circonciseur après avoir coupé la peau du prépuce, applique sur la plaie de la poudre de
banane calcinée. Puis, il incise le tronc du bananier avec la sagaie (Ekongo) et y glisse la peau
du prépuce. Le végétal devient alors la propriété du nouveau circoncis.

En définitive, ce chapitre consistait à présenter le peuple Mitsogo sur sa situation


géographique, migratoire et administrative. Puis nous avons présenté la description culturelle
des Mitsogo. De cette présentation nous retenons toutefois que les Mitsogo bien que n’ayant
pas subi des migrations connues, d’un pays à un autre, néanmoins cette communauté a
effectué des migrations au sein même des terres du territoire Gabonais. Sur la description
culturelle, la communauté Mitsogo présente, une pluralité de corporations initiatiques liées à
des pratiques thérapeutiques.

a- Les noms attribués à Dieu créateur du ciel et la terre chez les Mitsogo.

Chez les Mitsogo, le nom de Dieu (l’Être suprême, créateur de l’Univers et de la terre) est
Mwanga, connu également sous diverses appellations.

Ce sont : Koko-Akandja « aïeul de l’univers », Ghé-vanga-vanga ou Mabaka « celui qui crée


sans cesse ». Mwanga-Benda (Mwanga qui fabrique, qui parle, autrement dit, « verbe divin »,
Nzambé-a-pongo « Nzambé le vent », Kumu-a-Tsengue « le propriétaire du monde »,
« Nzambé kana-ama-kanaka Mbéyi na Ngongô na ététéa Mionda » ( Nzambé premier être à
goûter les fruits que nous mangeons, les arbres qui nous servent de médecine traditionnelle)
Mwanga est l’inconnaissable par excellence : « on ne le voit pas » dit Alphonse Ndoh73 qu’au
travers des signes et des contes. En réalité, toutes ces appellations ne ramènent qu’à un seul
être qui est Mabaka. Les différentes dénominations qui sont données, font ressortir chacune,
des caractéristiques de cet être suprême.

A propos de la mort, les Mitsogo pensent que le principe spirituel ghédidi « l’esprit » quitte le
Otto « corps » et le reflet de ghédidi, qui est Ghé-dina-dina « l’ombre », disparait en même
temps que ghédidi.

C’est pour cela qu’il est admis communément dans cette société qu’un cadavre n’a pas
d’ombre ; car, par analogie, l’ombre « Ghé-dina-dina » étant la forme matérielle de ghédidi
« esprit ».

C’est-à-dire ce qui est à l’origine du souffle de l’homme, celui-ci n’existe plus dans l’Otto
« corps » de l’homme, l’ombre disparaît. Mais les Mitsogo croient à une ex corporation des
principes spirituels.

Pour eux, ils sont vivants, mais dans le monde invisible. Cette idée rejoint l’affirmation
suivante « l’humanité est constituée de plus de morts que de vivants ».

En Afrique noire en général, et chez les Mitsogo en particulier, rien de plus vrai puisque les
vivants invisibles, surtout s’ils sont parvenus à l’état d’ancêtre, côtoient les vivants visibles
(qui souvent les sollicitent) et interviennent fréquemment, sous des formes variées sans doute
dans leurs existences.

Et qu’est-ce que l’ancêtre pour l’africain ? Comment devient-on ancêtre ? L’état d’ancêtre
partiellement interrompu par la réincarnation réalise le stade le plus important du destin post
mortem.

En règle générale, les personnes qui décèdent de mauvaise mort74 (c’est-à-dire anomique, non
conforme aux règles de lieu, de temps, de modalité, à la limite seule, la mort du vieillard est
normale) ne peuvent que très difficilement, voire jamais arriver à l’état d’ancêtre. Cette
affirmation peut sembler vraie dans la société Mitsogo car ceux-ci pensent à l’errance des
esprits de ceux qui meurent à la fleur de l’âge.

73
A. Ndoh est initié à tous les rites masculin Mitsogo, père d’une nombreuse.
74
L.-V. Thomas, Civilisations et divagations. Mort, fantasmes Science-fiction, Paris, Payot, 1979, p. 100.
4- L’économie Mitsogo.

La collecte procure des aliments et des condiments, mais aussi des plantes médicales, des
matières premières et du bois de chauffage. Sous ce terme global, on regroupe l’extraction
(tubercules, écorces, sèves, larves du bois ou des palmiers) le ramassage (noix tombées,
escargot) et la cueillette (fruits, feuilles, tiges).

Certains produits sont prélevés tous les jours (bois de chauffage), d’autres toute l’année au gré
des besoins (médicaux,), d’autres enfin, sont saisonniers (fruits, insectes). Les aliments
sauvages prélevés sont les champignons (en saison de pluie), les fruits de cula edulis, noisette
(Kuda en Mitsogo), dont l’amende est mangée fraîche ; préparée ou séchée, les fruits de
l’Iryingia gabonensis (Miba). Les amendes séchées puis grillées et pilées, produisent une pâte
condimentaire gluante utilisée comme condiment. Cette pâte est très appréciée des Mitsogo
pour ses digestifs.

Les Mitsogo ont une perception très fines des saisons, fondées sur l’apparition des cris de
certains oiseaux tels que le martin pêcheur et les canards d’eau.

A chaque saison correspond des activités complexes dans les domaines de l’agriculture, de la
chasse, de la pêche, de la récolte et de la collecte.

Parlant de la chasse, il faut dire que cette activité est intense pendant les cinq (5) mois Janvier,
Février, Mars, Avril, Mai. Ces cinq premiers mois de l’année selon nos interlocuteurs, est une
période propice à la capture du gibier.

Car c’est en ce moment précis que les arbres produisent des fruits abondants dans la forêt
mais aussi parce que leur reproduction est déjà terminée.

Les endroits d’abondance des fruits sont bien ciblés et c’est autour de ces derniers que se
pratique la chasse au piège et au fusil.

La période intense revient vers septembre avec l’arrivée des premières pluies très favorable
aux pièges après une durée de deux à trois mois de saison sèche. Il faut dire que pendant la
saison sèche, la chasse, qu’elle soit au fusil ou aux pièges, se pratique aux abords des cours
d’eau. Ces endroits sont très fréquentés par les animaux pour leurs besoins en eau. Nous
terminons, enfin notre aperçu sur l’économie Mitsogo en exploitant l’état des échanges en
pays « Mitsogo » où l’on note l’absence de marché, au sens occidental du terme.
Il ne s’agit pas en effet du commerce proprement dit mais (d’échange ou de trafique) dans le
cadre ethnique, tous précédés de rites et s’étendant à certains échanges interethniques avant
l’arrivée des européens, l’unité monétaire était la barre de fer (Mwanga). Avec la pénétration
occidentale, on utilisa trois types de rubans de fer blanc, courts moyens et longs.

De nos jours, les Mitsogo utilisent maintenant comme tout autre commerçant les balances, les
unités de mesure pour écouler leur produit. Tandis que les anciennes mesures sont en
désuètes.
CHAPITRE III: La cérémonie de Boho dans un retrait de deuil de la Nkoumou-a-Ebenga

Il n’existe qu’une occasion qui mobilise profondément la société Mitsogo que le retrait de
deuil. Qu’on habite au campement, dans un autre village ou en ville, ce moment privilégié de
la vie constitue pour les Mitsogo un appel urgent, voire même un impératif, à revenir au
village pour participer à la démarche rituelle collective. Chez les Mitsogo, les rites Mwéyi
(Mwiri), Bwété (Bwiti), Kônô, Boho sont des rites qui ont pour objectif l’organisation de la
vie sociale Mitsogo. Mais pour la plupart de cas, il s’agit de confréries aux fonctions bien
souvent secrètes, mais qui généralement visent la socialisation de ses adeptes, mais aussi pour
la majorité soit lié à des pratiques thérapeutiques.

Au sein de chaque rite il y a un chef à la tête qui coordonne l’organisation du rite. C’est ainsi
que dans le rite Boho, on retrouve à sa tête une Nkoumou-a-Ebenga, prêtresse du rite. Cette
fonction peut être occupée par toute femme initiée au rite Boho mais dont les critères
d’accessibilité sont très sélectifs pour y accéder. Chez les Mitsogo, les femmes mariées à la
coutume Mitsogo ayant atteint le grade de Nkoumou-a-Ebenga dans le rite Boho, se voient
organiser un retrait deuil particulier avec l’introduction d’un rite masculin dont le Bwété pour
honorer sa personne. Ainsi, le retrait de deuil d’une femme mariée et ayant atteint le grade de
Nkoumou-a-Ebenga dans la société Mitsogo compte environ dix-neuf rites repartis de la
manière suivante : Les rites propitiatoires à savoir : le nettoyage des cimetières, l’organisation
d’un Eagho. Les rites d’avertissement dont l’envoie d’une pièce d’argent et le kaolin blanc
aux villages voisins. L’initiation des novices au rite Boho marquée par l’épreuve de pêche aux
crabes et la présentation des novices à l’esprit de Boho Bopéza. Et les rites de séparation à
savoir : Les coups de canon, la sortie des novices, l’organisation du Ngoyi, des Mitchandja,
enlever le Ghémbimbi, le Bodinga, la distribution du repas rituel et enfin le conseil de famille.
L’organisation de ces rites participe à la séparation progressive de la défunte du monde des
vivants.

D’après les propos que nous avons recueillis auprès de Monsieur Paul Mondjo le 19 Août
2015 vers 10 heures du matin l’organisation du retrait de deuil d’une femme mariée ayant
atteint le grade de Nkoumou-a-Ebenga chez les Mitsogo commence d’abord par le nettoyage
du cimetière de la défunte et des parents de son mari.

Il affirme en effet : « Ce nettoyage de cimetière par les initiés permet de prendre


l’autorisation d’organiser la cérémonie auprès de la défunte Nkoumou-a-Ebenga mais
également demander la bénédiction auprès des ancêtres, car il n’est pas rare de voir
certaines cérémonies de retrait de deuil s’achever par des discordes, non seulement entre la
famille mais aussi entre les invités à la cérémonie. Aller nettoyer au préalable le cimetière de
la morte est aussi une façon chez les Mitsogo de rappeler au mort que la famille est en train
d’organiser ses funérailles. Par ce signe les Mitsogo interpellent le mort afin qu’il ait un
regard protecteur pour les vivants, mais surtout de leur porter bonheur et bénédiction car le
mort chez le Mitsogo est considéré comme un excellent intermédiaire entre le monde des
morts où règne le bonheur et la tranquillité et celui des vivants désirant accéder à ce
bonheur. Si la communauté organise le retrait de deuil de la Nkoumou-a-Ebenga sans
procéder au nettoyage des cimetières cela les expose à des sanctions tels que : L’avènement
d’un évènement malheureux (fracture d’un membre de l’une des danseuses), d’ordre
cosmique, la présence d’une forte pluie pour gâcher l’organisation de la
cérémonie. Finalement le but d’aller nettoyer les tombes avant l’organisation de la cérémonie
est de rechercher la bénédiction, avertir la défunte, offrir du vin rouge aux morts et leur
montrer l’attachement des vivants à leur égard. Les parents du mari, propriétaires de la
femme donnent trois ou quatre pièces de pagnes aux petits fils du lignage de la femme. Ces
derniers se rendent au cimetière muni de ces trois ou quatre pièces de pagnes pour le
nettoyage du cimetière de la défunte Nkoumou-a-Ebenga. Une pièce de pagne pour aller
l’installer au lieu où fût enterrée la défunte, deux pièces de pagnes pour les deux petits-fils
qui avaient enterré la défunte. Et l’autre pièce de pagne, c’est une pièce de pagne qu’ils se
partageront les deux sous forme de récompense que la morte a décidée de leur donner. Un
groupe d’initiés au Bwiti ou au Mwiri est conduit par les petits-fils au cimetière appelé
Ghégnonga75. Cette étape consiste à nettoyer les tombes des parents du mari pour honorer,
ses parents parce qu’ils sont responsables de son arrivée dans ce village par le biais du
mariage.

Avant de nettoyer le cimetière, l’un des petits fils s’adresse aux esprits des morts notamment
les parents de son mari présent au cimetière. Il se présente et décline l’objet de leur visite à
ce cimetière et dit : « Je suis Ekamo ton petit fils, nous ne sommes pas venus vous bousculer
gratuitement encore moins prendre des amulettes, mais nous sommes venus vous bousculer
pour vous nettoyer pour que vous soyez aussi propre comme nous car ta cérémonie va être
organisée dans les jours qui suivent, pour cela il faudrait que vous veniez veiller sur nous
voilà les raisons de notre visite dans votre village.».

75 Ghégnonga, qui signifie la joie. Le cimetière de la joie. Chez les Mitsogo du village Mikodi, le cimetière est
perçu comme un lieu de joie où l’homme trouve son repos éternel.
1- Nettoyage des tombes

Les Khôkhô76 offrent le vin rouge aux défunts en professant les paroles suivantes : « Vous
nos grands-parents nous voici réunis ici une fois de plus auprès de vous signe que nous ne
vous oublions pas et que nous pensons à vous tous qui êtes partis donnez-nous la souplesse,
la sagesse nécessaire pour que nous ayons la force d’assister à la cérémonie de madame
MOBOUASSE afin que cette cérémonie se passe dans de bonnes conditions sans bagarre, ni
dispute violente pouvant occasionner le désordre». A la fin de ces paroles, les petits-fils
offrent à leur tour la part d’alcool aux ancêtres en s’adressant à eux surtout au défunt qui a
précédé sa femme afin que la cérémonie qui va être organisée se déroule sans problème. Puis
les khôkhô aspergent le vin rouge tout autour de la tombe de son époux ensuite auprès des
voisins. Le reste de boisson, les assistants au rite sont conviés à consommer la boisson que les
parents ont prévue pour la circonstance car cela fait partie du début de la cérémonie de
retrait de deuil. Ils font de même pour celle de la femme en professant les mêmes paroles en
avertissant cette dernière que cela a été fait à la demande de sa famille qui les envoie nettoyer
sa tombe. « Nous ne sommes pas venus ici pour te profaner pour la fabrication des amulettes
mais nous sommes venus vous demander de bonnes choses, les mauvaises choses vous les
éloignez de nous ». Puis les Khôkhô donnent l’ordre de nettoyer le cimetière. Cette première
étape consiste à nettoyer le cimetière pour rendre propre le lieu où la défunte a été inhumée.
En effet, avant sa mort, elle avait émis le souhait d’être inhumée auprès de son mari. Cela
permettra à cette dernière de se reposer auprès de ce dernier. Pendant le nettoyage, plusieurs
objets appartenant à la défunte Nkoumou-a-Ebenga sont visibles à savoir : des assiettes ; des
bouteilles ; des haches ; des calebasses ; des paniers ; des verres.

Ces objets représentent l’abondance de biens matériels que détenait cette dernière dans la
communauté. Parce que, selon l’imaginaire des Mitsogo, la tombe de la défunte Nkoumou-a-
Ebenga doit être entourée par une partie de ses objets. Aussi cela signifie le pouvoir
économique que la défunte a dans la communauté. D’autre part, ces objets ont servi soit à la
veillée mortuaire soit ce sont ses objets personnels. En effet, pour les Mitsogo, il faut toujours
apporter les effets de la personne décédée parce qu’il y a une autre vie après la mort. Mais
aussi ces effets permettent à délimiter les tombes ou ont été à l’origine de la mort de cette
dernière.

76 Khôkhô, petit fils.


C’est l’exemple de la présence d’un panier posé sur la tombe d’une femme. Cela peut
signifier que la défunte est tombée avec le panier chargé de nourriture ou de boutures de
manioc ce qui a été à l’origine de sa mort. Après avoir nettoyé les Pèèsi de la défunte et de
son défunt mari, on verse autour de la tombe le vin rouge. On commence par verser le vin
autour de la tombe de son défunt mari pour éviter sa colère mais avant le petit fils s’adresse
au défunt par les paroles suivantes : « C’est moi ton Khôkhô qui vient te rendre visite puis
que c’est moi qui t’ai accompagné en ta dernière demeure il y a plusieurs années mais, c’est
toi qui est à l’origine de la venue de toutes les personnes présentes ici dans ce village. Tu as
été le responsable de la famille, c’est toi qui a fait venir cette femme que nous allons pleurer
comme nous l’avons fait pour toi. Donne-nous ta part de bénédiction pour la réussite de cet
événement ». Puis les Khôkhô versent le vin rouge au tour de la tombe du défunt puis sur celle
de la défunte Nkoumou-a-Ebenga. En professant les paroles suivantes : « Nous sommes venu
ici pour que tu nous apportes ta part de bénédiction et ton savoir-faire culturels que tu avais
car tu étais une grande femme aimée dans notre contrée. Donc donne nous ton savoir-faire
pour la réussite de ton retrait de deuil.» Dans la société initiatique, les personnes ayant
accédé au statut de prêtresse de Boho doivent être inhumées sans caveau, cela permettra à la
défunte de se réincarner dans l’une des filles qui va s’initier à sa cérémonie ou dans son
successeur Nkoumou-a-Ebenga afin de continuer à exercer son pouvoir. Aussi selon la culture
Mitsogo, la tombe d’une personne de son rang ne doit pas être vue par tout le monde car elle
reste discrète parce que c’est un lieu sacré pour la communauté. Cela évite la profanation de
sa tombe et permet de garder sa dignité auprès de sa communauté.

De nos jours, cette pratique de garder en secret les tombes de personnes ayant atteint le degré
de la connaissance des rites initiatiques Mitsogo tend à disparaître. En effet, certains parents
estiment qu’il y a des pratiques qui doivent cesser afin de permettre à la famille de se
recueillir auprès de la tombe de leur parent.

a) On nettoie le cimetière de la défunte pour plusieurs raisons. La première à trait à la


recherche des bénédictions pour la cérémonie. Les hommes Mitsogo nettoient la
tombe de la défunte pour offrir du vin à la défunte et en échange cette dernière protège
les assistants aux différentes cérémonies prévues pour la circonstance.

Puis permet à la défunte de venir donner la bénédiction aux personnes qui vont assister à sa
cérémonie cela est nécessaire pour la réussite de l’organisation de cet évènement.
Le nettoyage de la tombe de la défunte offre l’occasion aux petits fils présents au cimetière de
demander à la défunte d’apporter les bénédictions au cours de l’organisation prochaine du
retrait de deuil. De plus cela permettra aux membres de la communauté d’être épargnés des
accidents que l’on constate lors des veillées de retrait de deuil notamment les bagarres, les
blessures ou une fracture d’un membre assistant aux différents rites organisés lors de ce retrait
deuil. En outre permet aux initiés d’être protégés contre les mauvais esprits et d’en éloigner
tout esprit de bagarre pouvant gâcher le bon déroulement de la cérémonie. C’est ainsi que
Louis Vincent Thomas, René Luneau, et al, dans l’ouvrage intitulé : La religion d’Afrique
Noire : « les textes sacrés » affirment : « les noires vivent en étroite collaboration avec
l’invisible et le sacré ». Ainsi les Mitsogo lors du rite propitiatoire accordent une place très
importante aux esprits qu’ils considèrent comme étant présents lors de leur cérémonie de
retrait de deuil. C’est ainsi que Birago Diop, in Léopold Sédar Senghor affirme : « ceux qui
sont morts ne sont jamais partis. Il s’épaissit. Ils sont dans l’ombre. Les morts ne sont pas
sous la terre : ils sont dans l’arbre qui frémit ; ils sont dans l’eau qui coule ; ils sont dans l’eau
qui dort ; ils sont dans la case ; ils sont dans la foule ; les morts ne sont pas morts » comme
pour dire les morts sont avec nous partout où nous sommes il faut les respecter et il faut
implorer leur pardon pour qu’ils nous donnent leur bénédiction. Le nettoyage des cimetières
permet également aux initiés d’avertir le mort de l’organisation prochaine de sa cérémonie.
Au cours de ce nettoyage les petits-fils demandent à la défunte une assistance spirituelle face
aux esprits perturbateurs des cérémonies, mais aussi facilité, l’accès aux ressources humaines
et financières.

Ces ressources permettront à la famille d’accroitre leur pouvoir au sein de la communauté.


Au cours de ce nettoyage les petits-fils demandent le travail pour toute la famille, la réussite
scolaire, l’abondance d’ignames et de bananes.

Signe d’aisance et d’abondance. Aussi pour donner du vin aux voisins de la défunte afin qu’à
leur tour ils donnent leur part de bénédiction. Parce que la demande de bénédiction ne doit pas
s’arrêter tout simplement chez la défunte mais aussi l’étendre jusqu’aux voisins afin qu’ils
donnent leur part de bénédiction pour la réussite de la cérémonie. En effet, si vous vous
limitez seulement à demander la bénédiction auprès de ses propres morts cette demande peut
ou ne pas aboutir car certains esprits peuvent détourner votre demande de bénédiction. C’est
pour cette raison qu’il faut donc inviter les voisins de vos défunts à donner à leur tour leur
part de bénédiction.
Cela permet d’éviter certains blocages car cela peut venir des voisins. Si à la fin du nettoyage
des cimetières et l’offre de boisson aux esprits, vous constatez, un crachin, cela signifie que
les morts ont a accepté votre offrande. Et à leur tour ils vous offrent la bénédiction.

Mais si vous remarquez la présence d’un grand soleil ou le temps menace cela signifie qu’ils
n’ont pas accepté votre demande de bénédiction. Vous êtes alors tenu de la refaire.

La nature ne parle pas mais elle s’exprime à travers des signes qu’elle envoie, c’est à nous de
les interpréter. S’il y a un grand soleil cela signifie que les esprits vous offrent la sécheresse,
quant à la foudre cela représente le malheur qui va s’abattre sur la communauté. Seuls, les
Khôkhô peuvent calmer ces esprits en prononçant les paroles suivantes : « Vous êtes tenu
d’accepter votre nouveau séjour et votre nouvelle existence. Il est vrai qu’il est difficile de
l’accepter mais sachez que la mort est un passage obligatoire pour nous les humains. Nous
demandons protection et bénédiction de votre part pour la réussite de cet évènement ». Nous
confie l’un des Khôkhô.

2- L’organisation d’Eagho (Rite propitiatoire)

D’après les propos que nous avons recueillis auprès de Monsieur Jean Pierre Massandé « Les
Mitsogo préparent à partir de 18 heures un repas constitué de banane plantain. Ils pillent
cette banane provenant du champ de la défunte pour plus d’efficacité à la demande de la
bénédiction, puis ils la transforment en petites boulettes (Mbombé) dans l’une des maisons du
retrait de deuil de la famille. Une partie de ce repas est acheminée par les enfants vers les
lisières du village. Ce repas est composé de : crevettes ; boulettes de banane ; petits crabes
installés sur les feuilles rituels (Mèmbèmbèt) et de petits feux de torche indigène (Vidiot)
allumés autour du repas. Ce repas est destiné aux esprits. Ces derniers laissent par la suite
ces petits repas sont déposés en bordure de la route entre 19 heures et 20 heures, heures de
communion entre les défunts et les vivants.

L’officier principal qui est le Khôkhô invoque les génies de la chance (Mombèt) afin qu’ils
apportent la chance qui se trouve en haut, et en bas en professant les paroles suivantes : « Au
bout à l’autre bout du village apporte nous la chance, apporte nous igname, banane, canne,
taro sauvage, beaucoup d’enfants, la santé. Eloigne nous de la maladie. Tout ce qu’il y a de
bon doit être de nos côtés ».

A l’aller pour le dépôt des petits repas le petit fils et les membres de la communauté
chantent la chanson suivante :
1er chant « Mozinghè-Wagnéndé-Tenghooh-Tenghooh-tenghoyéééé-Mozinghè-Wagnéndé-é
Tenghooh-Tenghooééé ».

Ce qui signifie le sable va chercher beaucoup de sable (traduction littérale). Au sens du rite
cela signifie probablement qu’il faut que la famille reçoive beaucoup d’argent pendant et
après le rite comparable aux graines de sable.

Selon Les Mitsogo cette expression veut dire que lorsque vous fouillez le sable, il y a toujours
plusieurs graines jamais une graine de sable sans plusieurs autres graines dans un trou. Cela
signifie apporte nous beaucoup de bénédiction, une bénédiction comparable au grain de
sable, c'est-à-dire plusieurs bénédictions. Ce repas est accompagné de chants entonnés par le
petit fils. Voici quelques chants qui accompagnent le dépôt de nourriture destiné aux
ancêtres.

2eme chant : « Azigho-tsèndia-Ogouma-Zouma-Niééé. Ghétayé-na-ghébondzé,-Azi-gho-


tsèndia-ogouma-zoumaniééé-Mossavou-na-Mossounda. Azigho-tsèndia-ogouma-zoumaniééé-
Ngoubou-na-Nzokou, Ghétayé-na-ghébondzé » ce qui veut dire les gens avares du bout du
village venez nous donner votre part de bénédiction, Ghétayé-na-Ghébondzé, Ngoubou-na-
Nzoukou-Mossavou-na-Mossounda-Tsétsayééé-tsayé-tsétsa-yééétsayé-Ngoubou-na-Nzoukou-
Mossavou-na-Mossounda,-Ghétayé-na-Ghébondzé, sont des noms attribués aux jumeaux et
jumelles dans la société Mitsogo. En effet, l’univers est peuplé des êtres invisibles qui
s’incarnent chez les jumeaux mais aussi chez certaines personnes. Ces êtres sont considérés
comme des êtres exceptionnels parce qu’ils détiennent des pouvoirs innés capables de
modifier l’ordre des choses d’où leur invocation à travers ce chant. Cette chanson interpelle
les esprits de personnes mortes fâchées donc susceptibles d’empêcher la bénédiction que les
bons esprits veulent donner aux vivants. En plus il faut aussi solliciter la clémence des
jumeaux, parce qu’ils sont considérés comme des êtres exceptionnels du point de vu de
l’imaginaire des Mitsogo. Car les jumeaux disent-ils communiquent de façon consciente ou
inconsciente avec les esprits. C’est pour cette raison qu’il faut implorer leur pardon.

De retour à la maison

1er chant : « Penga-na-ngouleu » bis, voir autant de fois que les petits-fils veulent. Cette
chanson permet aux petits fils de frotter le kaolin blanc afin d’identifier les membres de la
communauté mais surtout les membres de la famille présents à ce rite.
Cette identification est aussi un début pour les deuilleurs de faire purifier leur corps car la
période de deuil est une période d’impureté non seulement pour les personnes qui le porte
mais également pour les membres de la société. Parce que la mort est perçue chez les
Mitsogo comme une période dont l’ordre de la société est perturbé et bouleversée par le
décès de la défunte.

2è chant

« Moghodioooh,-Moghodioooh-oyooh-Tchèètchéa-yéééééé-Tchèayééé-Diakéta-a-pèki-Gho-
Mokôdi » On chante autant de fois. Ce chant sert à dévaloriser l’étoffe de la mère des
jumeaux afin que les génies soient apaisés.

De plus ce chant permet aux petits-fils qui officient la cérémonie, d’arnaquer l’assistance. Ce
racket se manifeste par la demande d’une somme d’argent symbolique aux membres de la
famille mais aussi à l’assistance à la cérémonie. Toutes ces paroles sont accompagnées par
des chants et des paroles que les petits-fils chantent et professent à l’endroit des personnes
décédées. Ces paroles ont pour rôle de permettre à la cérémonie de se dérouler dans les
bonnes conditions et apporter à la famille organisatrice plus de force et de moyens pour
qu’elle ne sorte pas de là ruiné. Hormis les présents que les Khôkhô prennent à la fin de la
cérémonie auprès de la famille comme récompense. Les Khôkhô doivent également prendre
de l’argent auprès de l’assistance. Cet argent permettra à ces derniers de se nourrir durant
toute la période du retrait de deuil. Pendant que les enfants déposent les petits repas, les
membres de la famille et quelques habitants du village les attendent à la maison du deuil puis
à leur retour ils mangent ensemble le reste du petit repas. Le lendemain signe que les génies
sont venu prendre leur part de nourriture, les petits repas disparaissent. Ne restent au sol que
les feuilles et la torche qui ont été éparpillées à cause de leur présence à ce lieu. Dans le cas
contraire cela signifie que le rite Eagho n’a pas été accepté par les esprits ou il a été mal
préparé. Dans le cas échéant on réorganise le même rite.»

a) Le but de Eagho est de donner à manger aux morts, pour qu’ils facilitent l’accès à la
richesse aux habitants du village où il y a eu l’organisation de ce rite. Cette
bénédiction se manifeste par la chance à croiser le bonheur qui est un indicateur de la
manifestation de la bénédiction. Lorsque tu cherches du travail par exemple, un
inconnu peut te trouver du travail. Cet inconnu est ton propre parent qui est revenu
sous forme d’un inconnu. Au moment de l’entretien, il ne va jamais vous fixer droit
aux yeux de peur que tu ne puisses l’identifier.
b) Si tu le regardes droit aux yeux il risque de ne plus revenir la prochaine fois, il va
préférer te fouir et envoyer une autre personne pour qu’il travaille avec toi ou te
donner une forte somme d’argent pour que tu ne l’identifies point.
c) En réalité ce sont ces génies qui viennent te parler et t’apportent cette chance par le
biais d’Eagho. C’est dans cette même perspective que Julien Bonhomme affirme :
d) « Les Mitsogo, au lieu de faire venir les ancêtres, ils faisaient parfois atterrir à
proximité du village un avion duquel descendait un Européen qui venait leur remettre
une quantité incommensurable de marchandise. Il s’agissait plutôt d’un pourvoyeur
de travail salarié par exemple un forestier s’installe magiquement dans la région et
embauchant généreusement la main d’œuvre locale. Paul Belloni Du Chaillu, premier
explorateur de l’inter-land forestier du Gabon dans les années 1850-1860 est ainsi
régulièrement accueilli comme une sorte de génie de marchandise : l’esprit qui fait
des fusils, des étoffes, des perles, des baguettes et des anneaux de cuivre.» En claire,
les Mitsogo organisent le rite propitiatoire (Eagho) pour demander aux esprits leur part
de bénédiction, de laver la colère de ces esprits et enfin de laver les corps de la famille
endeuillée. Ce rite est généralement animé par les enfants de moins de 15 ans car ils
sont considérés comme plus proches de ces derniers, mais aussi comme innocents du
point de vu des conflits au sein du groupe social. Le culte des esprits n’est qu’en ce
sens le symbole du souvenir, une élévation de l’âme vers ceux qui ont franchi le seuil
du monde invisible où seuls les initiés (ées) parviennent au plus haut degré du savoir
en saisit toute la saveur et toute la portée du rite.

3-L’envoie d’une initiée pour annoncer l’organisation prochaine du retrait de deuil de


Nkoumou-a-Ebenga.

Pour Madame Tsono-a-Mengo « Cet envoyé est appelé Nkima. Une femme reconnue pour ses
qualités oratoires est mandatée par le conseil restreint des femmes initiées au Boho annoncer
l’organisation du retrait de deuil du Nkoumou-a-Ebenga dans le village.

Nkima, femme spéciale maîtrisant, du point de vue culturel, les paroles annonciatrices des
rites de Boho. Cette femme est généralement une vieille femme respectée dans la communauté
car sa parole est sacrée chez les Mitsogo. Lorsqu’elle parle les membres de la communauté
sont à l’écoute. Cette dernière se saisit du Mokiki qu’elle joue tôt le matin en se baladant
dans tout le village. Après avoir joué à ce petit balafon elle rentre dans la maison concernée
par le retrait de deuil.
Sur place, les initiées se rendent là où elles ont été interpelées par la femme qui a joué le
balafon. Puis quelques minutes après les initiées se mettent à chanter et à danser dans la
maison où elles sont ointes de kaolin blanc par la prêtresse (afin de s’identifier), au moment
du rite et pour inviter les autres femmes du village de les rejoindre. Au sortir de ce rite, une
femme du village est désignée, puis mandatée par ces dernières pour apporter le kaolin blanc
et une pièce de monnaie vers d’autres femmes du village voisin signe d’invitation à se joindre
à elles.

Après avoir chanté et dansé, elles se rendent à la forêt sacrée des femmes (Endo) pour
harmoniser et organiser en amont le cérémoniel.

La prêtresse organise le rite Boho en fixant les heures et les moments de danse. Elle prodigue
des conseils. Le but de ce rite est non seulement d’informer la communauté d’initiée mais
également d’identifier les femmes qui assisteront à cette cérémonie. Ce rite permet aussi de
signaler la présence de la cérémonie dans le village aux autres membres de la communauté
qui seront de passage ou qui viennent d’intégrer le village.

4- Organisation de Boho-a-Ovanga (rite de préparation du Boho)

Cette cérémonie commence à 20h et se termine vers 7h du lendemain. Elle permet de fixer
l’organisation des autres rites qui se dérouleront pendant le retrait de deuil. Ce rite s’appelle
Boho-a-Ovanga.

Au cours de cette cérémonie, la prêtresse rappelle le parcours initiatique de la disparue à


travers son Monengué. Le Monengué est un chant que chaque femme initiée au Boho doit
connaître. Ce chant retrace le lieu de l’initiation ; les acteurs présents lors de l’initiation
notamment la Nkoumou-a-Ebenga (la prêtresse qui officiait la cérémonie de Boho), le
Ghébègha (celle qui suit la prêtresse de Boho), le Motébo (le joueur de tambour désigné pour
l’initiation), la rivière qui a servi de pêche pour attraper les crabes de l’initiation de l’initiée,
enfin la marraine de son initiation.

Au cours de cette cérémonie les femmes rappellent à la communauté des initiées la place
qu’occupait la défunte dans leur initiation. Ce rite permet aux initiées de savoir s’il y aura ou
non initiation des filles pendant le retrait de deuil. Au cours de ce rite, les femmes n’auront
plus besoin de construire une hutte pour l’initiation des filles étant donné qu’elles utiliseront
la maison de la défunte Nkoumou-a-Ebenga appelée Mossosso Contrairement au Mossoumba
construit lors d’une initiation des novices appelée Bassendés.
5- Organisation des Makonga.

Le Makonga est un rite qui consiste à faire sortir l’esprit des femmes appelé Bopéza. Cet
esprit contribue à enlever les filles l’esprit de la peur parce qu’elles sont appelées à se rendre
elle-même en forêt pour cultiver les champs. En effet, une femme non initiée a souvent peur de
se rendre toute seule en forêt parce qu’elle ne connaît pas le fonctionnement de la forêt.

Une femme non initiée à peur de tout même la présence d’un mille pattes sur son chemin
pourtant les mille pattes sont des arthropodes myriapodes inoffensif.

L’esprit Bopéza sort généralement la nuit vers 24heures jusqu’au petit matin. En effet cette
heure est la rencontre entre le monde de la nuit et celui du jour. N’assiste à ce rite que les
initiées. Tandis que les novices sont misent à l’écart. Les initiées dont la maturité s’exprime
ou est décelée sont présentées à cet esprit afin de les intégrer dans la société secrète Boho. »
C’est ainsi qu’Arnold Van Gennep affirme : « l’initiation est un rite de passage qui permet
aux profanes de quitté le stade profane à celui d’initiés ».

6- Organisation de Boho à Mikoussa

Cette cérémonie consiste à planter les costus lucanusianus (Mikoussa) à l’entrée de la maison
du deuil. Cela permet de mettre la cérémonie au sein de la maison, dans la famille. Cette
étape est suivie par l’organisation d’un rite Boho-à-wèèba. Ce rite se passe en soirée
(dikôoh) appelé Boho-a-dikôh, la cérémonie du soir. Elle est organisée le soir pour permettre
aux femmes de mieux ficeler le rite Boho mais aussi une entrée en la matière du rite. Dans ce
rite, les acteurs majeurs sont généralement les vieilles femmes initiées qui coordonnent le rite
d’implantation de costus lucanusianus en appuie à la prêtresse (Nkoumou-a-Ebenga) du rite.

A la fin du rite, la prêtresse préside une réunion pour demander aux initiées et aux différentes
familles présentes à la réunion s’il y a des filles qui vont être initiées pendant le retrait de
deuil. A la suite de cette interrogation les familles se déclarent ou non.

L’objet du rite est de : Marquer la présence du retrait de deuil au sein du village en deuil
mais aussi rendre identifiable la maison et la famille qui organise le retrait de deuil. Cette
présence des costus lucanusianus (Mikoussa) permet donc à tous les membres de la
communauté de connaître qu’il y a l’organisation prochaine de Boho de retrait de deuil d’une
Nkoumou-a-Ebenga au sein de cette famille mais aussi dans le village. Cette cérémonie
d’implantation de costus lucanusianus (tèmèda Mikoussa) ne s’organise pas pour n’importe
quelle femme. On organise ce rite pour les doyennes qui détiennent un savoir culturel
important dans l’initiation au Boho. Mais aussi pour les parents qui savent les raisons de
l’organisation de la cérémonie de tèmèda Mikoussa. Seules, les femmes ayant acquis un
savoir culturel du Boho font l’objet d’organisation du rite tèmèda Mikoussa. Si les femmes
procèdent mal à l’implantation, l’un des membres de la famille sera capable de pouvoir
orienter les autres.

Cette cérémonie ne dure qu’une demi-journée. C’est d’Endo que les femmes initiées au Boho
ramènent ces costus lucanusianus.

De plus l’implantation de ces Mikoussa permet de tracer le chemin à suivre pour la suite des
cérémonies de retrait de deuil de la défunte Nkoumou-a-Ebenga. La présence des Mikoussa
plantées de part et d’autre de l’entrée de la porte de la maison endeuillée marque le passage
de l’homme du monde des vivants au monde des esprits. Ces deux Mikoussa ont pour rôle de
recueillir la bénédiction que les ancêtres viendront donner par le biais des différents rites
organisés par les hommes et les femmes.

Aussi ces Mikoussa représentent, le Ngobi77 de la défunte, et c’est à travers ces costus que la
défunte visite la cérémonie et bénit à son tour les membres de sa famille et le village en
général. C’est pourquoi pour se séparer de la défunte, les femmes plantent les Mikoussa de
part et d’autre de la maison où a vécu la défunte et lorsqu’il s’agira de se séparer
définitivement avec son esprit elles vont les défaire parce que, l’esprit de la défunte est
toujours présent à la maison jusqu’au moment où sa cérémonie sera organisée. Si nous
n’organisons pas une cérémonie de séparation avec la défunte, son esprit sera toujours
présent dans la maison mais aussi son esprit continuera toujours de roder dans le village. Ce
qui va être dangereux pour les vivants car la rencontre entre les vivants et les morts est fatale
pour les humains. Une cérémonie que l’on a plantée les Mikoussa peut durer entre six mois et
un an pour des raisons de préparatifs de la cérémonie parce que pour rassembler les
éléments qui permettent l’organisation de ce rite est difficile à trouver. En effet à cause de
leur rareté, les femmes sont obligées de mettre à contribution les hommes pour les aider à
rassembler certains objets liés à la cérémonie comme par exemple, la fabrication des
tambours, des balafons et autres objets sacrés tels que les reliques.

77 Ngobi, Cordon ombilical.


b) La responsabilité de désigner les filles qui vont se faire initier lors du retrait de deuil d’une
Nkoumou-a-Ebenga incombe aux parents parce qu’ils sont les premiers responsables dans
l’organisation d’une cérémonie de retrait de deuil, mais aussi cette responsabilité est
partagée par tous les membres du village notamment les initiées.

En effet, une fois que la cérémonie est présente dans le village, toutes les initiées au rite Boho
sont concernées par cette cérémonie.

En outre si la cérémonie est perturbée par les personnes de mauvaises foi, les parents payent
une amende aux hommes parce qu’elles n’ont pas pris au sérieux leur propre cérémonie.

Ensuite la responsabilité va aussi incomber à la personne ayant gâchée la cérémonie.


Généralement l’amande varie en fonction de la faute commise par la personne.

Ce dernier peut payer en nature : Cela peut être un mouton ; des régimes de bananes ;
quelques pièces de pagnes ; une forte amande. Mais aussi payer de sa propre vie (les femmes
mettent sur son chemin le fusil nocturne pour le tuer) si la personne qui a commis le désordre,
refusait de payer son amande ou elle avait été déjà sanctionné pour les mêmes faits. Les
femmes peuvent lui infliger une maladie telle que l’hydrocèle (Mwango) qui est une maladie
de la honte chez les Mitsogo. Ces sanctions ont pour but de décourager d’autres
perturbateurs de cérémonie.».

7- Initiation des novices au Boho

Les jeunes novices sont mises assises devant la maison du deuil à côté des Mikoussa plantés
devant la maison du deuil.

Cela signifie que les novices rentrent au Boho lors d’un retrait de deuil. Chez les Mitsogo, les
filles qui s’initient pendant le retrait de deuil d’une Nkoumou-a-Ebenga ont un statut
particulier.

En effet, elles sont choyées et elles reçoivent plus de connaissances sur le rite Boho que celles
qui s’initient lors d’une initiation ordinaire parce que pendant le retrait de deuil d’une
Nkoumou-a-Ebenga les doyennes au Boho rappellent la genèse du rite Boho en présence des
filles qui s’initient pendant cette cérémonie ce qui n’est pas le cas pour celles qui s’initient en
dehors du retrait de deuil.

Ces dernières pour avoir la connaissance liée au rite du Boho il faudra qu’elles se
rapprochent individuellement des doyennes en déboursant une somme d’argent à chaque fois
qu’elles voudront la connaissance de ce rite.
Ce qui n’est pas le cas pour celles qui s’initient pendant le retrait de deuil, qui reçoivent au
même moment la connaissance du Boho pendant leur initiation.

Lors d’un retrait de deuil d’une Nkoumou-a-Ebenga, l’initiation des filles de la famille qui
organise le retrait de deuil est obligatoire parce que pendant le retrait de deuil la famille est
dispensée de payer la somme et les repas exigés lors des initiations des filles en période
d’initiation ordinaire mais aussi parce qu’il faut deux représentantes de la famille aux
extrémités du fil des initiées pendant le rite Boho appelés Momba-o-Mbènè et Momba-o-
Nguima ces filles sont les propriétaires du lignage qui organise non seulement le retrait de
deuil mais aussi l’initiation des filles pendant le retrait de deuil.

Et avant que les autres membres du village ne puissent faire initier leurs enfants pendant le
retrait de deuil d’un membre d’une autre famille, ce sont d’abord les parents qui doivent
montrer l’exemple en initiant leurs propres enfants pendant le retrait de deuil du parent
disparut. Cela permet en effet, d’encourager les autres familles à faire initier leurs enfants. Le
retrait de deuil est aussi un moment propice pour la famille qui a le privilège d’initier
gratuitement leurs filles au Boho. Ainsi, les membres de la famille ayant des enfants non
initiées profitent de la circonstance pour faire initier leurs enfants. Faire initier les enfants en
période de retrait de deuil permet à la famille de faire l’économie en termes de dépense
financière. Aussi, cela permet à la famille de rendre immortel la mémoire de la personne
disparue et inscrire dans la psychologie des filles initiées sous le retrait de deuil de la prêtresse
une image de grandeur pour la Nkoumou-a-Ebenga décédée. Ces dernières garderont en
mémoire l’image de la défunte car c’est grâce à elle que les filles ont été initiées et instruites
dans le Boho.

Il n’est pas souvent rare d’entendre les filles initiées sous les funérailles glorifier le nom de la
prêtresse de leur initiation. Selon notre interlocutrice Jeannette Omaye. « L’initiation au cours
d’un retrait de deuil permet à la personne de vivre à travers le chant d’identification de
chaque initiée ces dernières où qu’elles aillent, glorifieraient toujours le nom de leur défunte
en prononçant le nom du retrait deuil de la défunte. Exemple de Monengué. Monenguééé
wèèndiaéééééé ghééé wèèèndiaééé. Tchinguééé ghô Mossoumba na-ma-Iguééa-ghô-Mossosso
Kady khôkhô Mouandza. Nkâaah ndiami di ma tsopoughô ghévatchatcha. Motsopinèè à
ndiangotèè mono Mondoumbé. Koumounèè-a-Ebenga tèèndia Tsango-a-Modenda.
Ghébèghâah-ghêêê-zami-tèndia Mossavou-a-Massinga. Motéboèèè-wami-tè-têta
MABIOKHOOH Monenguééé -wèèndiaéééééé ». Ce qui signifie en Français Je suis rentrée
au Boho à l’occasion d’un retrait de deuil de la grand-mère Mouandza mes crabes ont été
attrapés dans la rivière que l’on appelle Ghévatchatcha78. Celle qui était chargée de les
attraper c’est ma grande sœur Mondoumbé. La prêtresse de la cérémonie Tsango-a-Modenda
celle qui la secondait Mossavou-a-Massinga et le joueur de tam-tam c’est papa
Mabiokhooh». Ces personnes constituent les animateurs du Boho mais aussi les conservateurs
du rite de Boho car le joueur de tambour appelé Motébo détient aussi quelques secrets liés au
rite initiatique de Boho. Le Monengué est un chant, d’identification qui permet à chaque
initiée au Boho de retracer ses origines initiatiques et de permettre aux autres initiées de
reconnaître les siens lors des cérémonies de Boho car chaque femme inconnue par l’une des
adeptes au Boho est soumise à un ensemble de questions qui permettent aux doyennes de
Boho de vérifier l’appartenance ou non de la postulante à assister au rite de Boho. Cela permet
de vérifier si cette dernière est belle et bien initiée au Boho. L’oublier vous contraint en
conséquence de vous ré-initié de plus belle, de payer une amende car ce chant constitue votre
code d’accès aux rites initiatiques Boho. Cette chanson est un moyen d’intégration
partiellement à la cérémonie de Boho avant que les autres femmes ne puissent poursuivre
d’autres renseignements sur l’inconnue désirant assister au rite de Boho. Ce chant permet à
toute femme initiée au Boho de prouver à d’autres femmes son appartenance à la société
secrète du Boho tout en rappelant les origines de ce chant aux femmes, les animateurs du rite
présents lors de son initiation et leur rôle. En conséquence toute initiée au Boho doit être
capable de chanter ce chant et de le garder pour toute sa vie si elle veut faire partie de
l’assemblée des femmes.

Il faut noter que chez les Mitsogo les rites initiatiques ont un rôle particulier dans la vie
sociale. Certains de ces rites ont pour but la formation de l’individu à affronter les difficultés
de la vie quotidienne c’est le cas du rite qui consiste à faire attraper les filles les crabes au
moment de leur initiation au Boho.

Ainsi, le rite qui consiste à emmener les Bassendés à la rivière afin d’attraper les crabes est un
rite de socialisation qui permet aux jeunes filles d’apprendre les techniques de pêche car à
l’absence des gibiers de chasse du mari, la femme doit pouvoir nourrir sa famille grâce aux
produits de pêche. Ce rite est aussi un moyen pour les Ngondjets d’observer et d’apprécier, les
techniques de pêche utilisées par les novices.

78 Ghévatchatcha, nom d’une rivière située à Yéno à 21 kilomètres de Mimongo, département de l’Ogoulou
dans la province de la Ngounié au Gabon.
En effet, une femme initiée au Boho est une femme forte et habile dans les techniques de
pêche. Cela permet à la femme de ne pas tout attendre des produits de chasse ramenés par son
mari afin de nourrir la famille.

Attraper les crabes au cours d’une initiation est un rite qui permet à la femme de maîtriser les
techniques de pêche car l’initiation est une période propice pour la socialisation des filles.
Avant l’initiation chaque fille doit avoir une marraine au cours de son initiation. Cette
dernière est chargée d’aider et de guider la nouvelle initiée au Boho tout au long de son
initiation. Elle joue le rôle d’une mère. Cette dernière peut être sa propre sœur (grande ou
petite sœur), une amie. Jamais une mère génitrice parce qu’une femme ne peut mettre au
monde deux fois le même enfant. En effet, l’initiation est aussi une seconde naissance selon
André Mary. L’éducation, l’acquisition de la connaissance du Boho du novice dépend de sa
marraine. Cette dernière est chargée de lui montrer la connaissance élémentaire ou
approfondie du Boho. En outre la marraine est chargée de faire répéter sa filleule le
Monengué.

Ce chant permet à toute initiée de rendre immémorial le nom de la personne pour laquelle on
a organisé la cérémonie de retrait de deuil mais également toutes personnes ayant joué un rôle
majeur pour la réussite de cet évènement notamment la prêtresse de la cérémonie et son
adjointe, le joueur de tambour. Ce chant constitue, le premier élément identifiant toute femme
initiée au Boho parce que toute initiée doit pouvoir décliner son chant d’initiation au Boho.
Ainsi, cette initiée avant d’assister à une cérémonie de Boho doit pouvoir le décliner et le
maitriser là où on ne la connait pas. Cela va permettre à cette dernière de ne pas se faire initier
pour une deuxième fois ou à payer une amande comme c’est souvent le cas.

a) Ce qu’elles vont apprendre au sortir de leur initiation au Boho.

Le Boho est une structure de socialisation et de complément d’éducation familiale.


Désormais, les initiées n’appartiennent plus aux familles respectives, mais à la communauté
initiatique et culturelle. Au sortir d’une initiation au Boho les filles ont appris : l’humilité ;
l’enseignement de l’exécution des danses ; l’enseignement de l’émancipation ; l’enseignement
à exécuter les tâches réservées à priori à la gente féminine pour tenir un foyer, une famille,
une maisonnée. Au sortir de cette initiation, elles ont appris à danser, et chanter en public.
Mais aussi à subir les humiliations et les injures en public sans pourtant réagir.
Elles ont appris aussi à se débrouiller car lorsqu’elles partaient en forêt, les anciennes initiées
les ont appris à chercher du bois, sans machette, à pêcher sans nasse, ni outils.

b) Les personnes qui initient.

L’organisation de la société rend compte de trois catégories de membres les Nkoumou-a-


Ebenga : prêtresse de Boho, celle qui détient la connaissance du Boho ou encore celle qui
oriente, enseigne et soigne les candidates à l’initiation de leur impureté. Le Ghébègha, celle
qui seconde le Nkoumou-a-Ebenga : elle détient aussi la connaissance du Boho. Les
Ngondjets, ensemble des initiées au Boho. Ainsi, ceux qui initient ce sont les premières
personnes initiées au Boho notamment les doyennes du Boho, les vieilles femmes qui
détiennent la connaissance du Boho (savoir lier au Boho, c’est l’ensemble des connaissances
que détiennent les prêtresses de Boho).

Ce savoir s’acquiert auprès des doyennes, auprès de la prêtresse de Boho, mais surtout lors
des rites d’initiation, en partant avec elle dans leur champs, en acceptant d’être envoyé par ces
dernières, en leur offrant des présents et en achetant leur savoir et savoir-faire mais surtout en
ayant un caractère apprécié par les membres de sa communauté, être respectueuse des valeurs
culturelles. Les jeunes filles initiées se chargent dans l’animation du rite. Pour la rendre
inoubliable.

C’est dans ce contexte qu’un proverbe Mitsogo dit : «â-ma-ota ghô-ô Mbènè-tèè-â-ma
ôôngôôô-mokèèdi », ce qui veut dire celui est qui est passé devant c’est la personne qui
oriente l’autre ou les autres. En effet, n’importe qui n’est pas appelé à détenir la composante
du Boho. Ainsi, tous les fidèles n’accèdent pas au même degré d’initiation. Il y a trois paliers
à franchir. Le premier est le moment d’initiation au Boho. Toutes les novices sont appelées
Bassendés. Le deuxième palier est l’accès à certain secret du Boho. Le novice devient alors
Ngondjet ou atteint le grade de Tchéndé, celle qui accompagne la prêtresse. Enfin le dernier
palier est celui de Nkoumou-a-Ebenga. C’est ce dernier palier qui permet aux initiées de
détenir le savoir profond du Boho. Ce palier est strictement réservé aux initiées ayant atteint le
niveau le plus élevé de l’initiation. Il s’agit probablement de Ghébèghâââ et Nkoumou-a-
Ebenga mais aussi à toutes les doyennes de Boho. Parce qu’il faut évité que les femmes et les
hommes non-initiés sachent la composante du Boho sinon cela ne va être un secret pour
personne parce que le Boho est un rite féminin.
c) La place des prêtresses initiées au Boho lors du rite Boho

Chaque initiée au Boho se doit de transmettre son savoir aux novices.

D’après Styvia Modanga « les prêtresses se chargent de transmettre la connaissance du Boho


aux femmes déjà initiées mais aussi aux filles nouvellement initiées au Boho, car elles aussi,
l’ont reçue des doyennes. Il ne faut pas que ces dernières s’en aillent sans qu’elles ne les
transmettent à leur tour à la nouvelle génération. Leurs rôles est de protéger les femmes et de
permettre le bon déroulement du rite grâce à leur pouvoir qui lutte contre les mauvais sorts
envoyés par les sorciers perturbateurs des rites. Ce sont elles qui détiennent les baguettes
confectionnées par la prêtresse du rite afin de contrer les attaques sorcellaires extérieures.
Sans elles, le rite n’aura pas lieu.

Dans les rites de Boho, c’est la prêtresse de la circonstance qui est chargée de veiller sur le
reste des femmes car c’est elle qui à le pouvoir de déjouer les attaques sorcellaires venues de
l’extérieur par le biais d’un arbuste appelé Kouta cette dernière est chargée de protéger les
autres initiées du début du rite jusqu’à la fin de la cérémonie. Cette dernière est secondée par
le Ghébègha. En cas de déplacement pour aller faire des scelles où faire mixtion, la
Nkoumou-a-Ebenga est couverte d’un pagne de la tête au pied. Elle éduque et oriente les
jeunes initiées lors de leur initiation au rite Boho. Lorsqu’il y a un conflit chez les Mitsogo
elle est sollicitée pour qu’elle donne son avis. Elle peut être aussi consultée par les hommes
lorsque ces derniers sont en difficultés. La prêtresse constitue l’interface de la communauté
Mitsogo. En effet, elle est comme une porte, elle écoute ce que l’on parle dehors et ce que l’on
parle à l’intérieur.

C’est-à-dire elle détient certains secrets aussi bien chez les femmes que les hommes. Pendant
ce moment elles subissent une brimade devant toute l’assistance venue nombreuse pour la
circonstance. Elles sont assises à même le sol, a moitié dénudées, le regard orienté vers le
sol. Elles sont par la suite chicotées par des brindilles de fougères vivantes.»

Après cette étape elles sont acheminées vers la forêt sacrée (Endo) où elles doivent subir leur
initiation et intégrer désormais la communauté des femmes initiée au Boho : Dans cette forêt
sacrée, elles vont subir des sévices corporels, où chaque initiée est appelée à attraper un crabe.
Cette étape est une épreuve de bravoure pour les novices et leur permettre d’acquérir l’esprit
de compétition.
Ainsi, comme l’affirme Stéphanie Nkoghe :

« Ces épreuves sont pour la plupart extrêmement rudes et sévères. L’épreuve de pêche aux
crabes consistant à creuser dans le lit d’un marigot une fosse où l’on dilue une boue avec du
piment. Les initiées font ensuite défiler les candidates dans cette fosse boueuse d’abord a
genoux puis à plat ventre. Deux initiées obligent les candidates à s’exécuter tandis qu’une
troisième débout à l’une des extrémités de la fosse les aides à se relever en leur demandant
d’ouvrir les yeux.

Les yeux brulant de piment chaque initiée doit se débrouiller pour se retrouver dans la rivière
afin de se baigner les yeux ». La fille qui attrape la première un crabe après ce rite est félicité
par les anciennes initiées et fait objet d’un traitement particulier pendant l’initiation. Cette
fille porte le nom de Motouba.

Cette photo a été prise à Mimongo le 28 août 2013 lors d’une séance de danse de Boho du
dehors. Sur cette photo on voit une plume rouge de touraco (kogha) attrapée par Momba-o-
Mbènè.

Source : Cliché réalisé par Jean Bertrand Mogangué, le 28 Août 2013 à Mikodi.

Sur cette photo nous apercevons une jeune fille qui attrape une plume rouge celle du touraco.
Cette plume permet de protéger les filles qui sont initiées au Boho. Cette plume est attrapée
par l’enfant du lignage. Et chez les Mitsogo l’enfant du lignage permet de protéger les autres
novices contre les attaques sorcellaires.
Cette photo a été filmée à Mikodi 79 le 29 août 2013 lors d’une séance de danse de Boho.

Source cliché réalisé par : Jean Bertrand Mogangué, le 20 Août 2013 à Mimongo, au quartier
Mikodi.

Sur cette photo une fille attrapant une plume de pintade (Kanga) attrapée par Momba-o-
Nguima. Cette fille joue le rôle, celui de protéger les filles lors de l’initiation mais aussi
pendant le rite de danse de Boho du dehors contre les sorciers. Dans ces photos nous pouvons
a percevoir deux novices attrapant l’une la plume de touraco et l’autre la plume de la pintade
au cours d’une séance de danse de Gnémbet. La première symbolise, la détermination, la
résistance face aux sortilèges que les esprits malveillants essayeront de lancer sur les novices.
Cette plume permet de protéger toutes les personnes présentes lors de cette cérémonie
d’initiation contre les attaques sorcellaires. La deuxième celle de la pintade. Elle est symbole
de prudence, de vitesse, de rapidité à s’échapper à un éventuel danger. La présence de ces
deux plumes d’oiseaux est symbole de lutte contre les sorciers. Une fois ces deux filles
représentées, les autres filles peuvent maintenant se faire initier. Pour initier, les enfants
pendant le retrait de deuil, il faut que ces deux enfants soient présents. Car ce sont eux qui
servent de couverture aux autres enfants. C’est à l’intérieur de ces deux baguettes que les
éventuelles attaques extérieures vont être anéanties.

79 Mikodi, quartier que l’on retrouve dans la Commune de Mimongo, dans la province de la Ngounié au Sud du
Gabon.
Cela peut être des fusils nocturnes, ou des attaques mystiques. Pour ces raisons, les deux filles
sont obligées d’être présentes dans les extrémités sinon l’initiation n’aurait pas lieu.

D’après Kassa Mabendé Epouse Mockambo, « lors des initiations chez les femmes notamment
au Boho le Momba-o-Mbènè ou Nkoumou-a-Ebota ( propriétaire du clan) c’est la fille qui est
chargée de protéger les autres filles même s’il y a des sorciers ou des sorcières qui veulent
tuer l’une des candidates à l’initiation leur attaques tombent sur l’enfant du clan et si elle
meurt les propriétaires de la cérémonie n’auront des comptes à rendre à personne si ce n’est
que chercher l’origine de la mort de l’enfant au sein de la famille le problème sera un
problème de la famille. Or si c’est une fille issue d’une autre famille il y aura plus de comptes
à rendre que l’enfant de la famille. Et mwana-a-ebota (enfant issu du clan du père), c’est
l’enfant du frère à la défunte. Lors des initiations c’est cette fille qui ferme le rang. Cette fille
joue le même rôle que celui de la fille du clan. Car les sorciers ou les sorcières pour attaquer
passent soit par la porte d’entrée ou par la porte de sortie. Si au cours de leur attaque ils
passent par les extrémités ils trouveront cette fille. Si tout se passe mal c’est-à-dire la fille
meurt et il n’y aura pas de comptes à rendre à une autre famille. Le problème reste au sein
même de la famille. Ce qui n’est pas le cas si cela arrive à une autre fille qui n’est pas du
même clan ou du même lignage que la famille organisatrice du rite. Un problème survenu
dans le clan se règle toujours en famille. La présence de ces deux représentant de la famille
dans les extrémités est primordiale car sans ses deux filles il n’y peut y avoir organisation de
Boho car avant de penser à initier des filles il faut la présence de ses deux filles dans les
extrémités. Leur présence est nécessaire pour la protection des candidates mais aussi pour
repousser les attaques sorcellaires. On ne peut pas initier, les filles sans ses deux filles. En
effet, ce sont elles qui vont protéger les autres filles contre les attaques des sorciers ou des
personnes qui veulent perturber le bon déroulement du rite en envoyant des sortilèges auprès
des candidates à l’initiation. Une fois la fille propriétaire du clan et du lignage réunit, on
peut maintenant faire initier les autres filles dont les parents désirent faire initier. Mais avant
de procéder à l’initiation des filles au cours d’un retrait de deuil. Il faudrait que les petites
filles de la défunte soient représentées pour les besoins de protection des autres filles. Pour
une initiation au Boho, on aura besoin d’un Momba-ô-Nguima na-Momba-ô-Mbènè pour
servir de bouclier.

La fille qui est au début du rang ou à la porte d’entrée est l’enfant du clan et celle qui ferme
le rang ou la porte de sortie est la fille du lignage dont on organise le retrait de deuil.
Ces deux filles représentent la sécurité pour les autres filles même s’il y a un esprit maléfique
qui voudrait perturber le bon fonctionnement de la cérémonie, cela est stoppé par ces deux
filles car elles portent en elles le pouvoir de protection.»

d) Pourquoi on initie pendant le retrait de deuil ?

Les femmes Mitsogo initient pendant le retrait de deuil pour plusieurs raisons: « Parce que,
pendant le retrait de deuil, il est facile de trouver le Boho, qui est l’ensemble des éléments qui
constituent le Boho. Il s’agit des connaissances liées autour de la composition du Boho. En
effet, on a par exemple l’histoire du Boho, le premier ancêtre ayant trouvé l’idée de
l’organisation du Boho ; les symboles ; les reliques rituelles liés a l’organisation du Boho ;
les instruments qui seront utilisés lors des différentes cérémonies ; les différents repas ; les
doyennes qui détiennent la connaissance du Boho. Au lieu que ça soit les femmes en générale
qui partent chercher le Boho en forêt, ce sont les femmes initiées de la famille qui cherchent
ces symboles au préalable et les autres femmes ne viennent que pour l’organisation de la
cérémonie. Sans ce Boho réunis il n’y aura pas d’organisation de Boho. Pour cette raison, les
parents trouvent là une opportunité de faire initier leurs enfants lors du retrait de deuil.

On initie pour rendre inoubliable le plus longtemps possible cet évènement car à chaque fois
que les initiées vont réciter leurs formules de reconnaissance auprès des autres initiées, elles
ne manqueront jamais de citer le nom de la défunte pendant le rappel du Monengué qui est
une forme d’arbre généalogique initiatique de chaque initiée au Boho. L’initiation lors des
funérailles permet aux nouvelles initiées de connaître le but de l’initiation des filles au Boho
ce qui n’est pas pareille pour celles qui s’initient lors d’une initiation simple c'est-à-dire lors
d’une initiation au Boho où il y a implantation d’une hutte des initiées appelé Mossumba. Ce
sont elles-mêmes les candidates à l’initiation qui construisent leur case de retraite. Toutes les
filles qui s’initient au Boho lors des funérailles sont doublement éclairées. En effet, il y a des
choses qui se passent lors des veillées qui ne peuvent pas se passer au cours d’une initiation
simple au Boho. Par exemple l’absence de désordre et la bonne organisation des rites du
Boho sont au rendez-vous. Tous les rites sont suivis or ce qui n’est pas souvent le cas lors
d’une initiation simple au Boho. Il y a le respect de la mémoire de la personne mais
également le respect de la tradition car les funérailles font partie des évènements où les
humains prennent réellement conscience de la finitude d’autrui et de soi-même.
On initie aussi pendant le retrait de deuil, pour prendre la bénédiction auprès de la
personne à qui l’on organise le retrait de deuil, mais aussi auprès des ancêtres car lorsqu’on
organise les funérailles d’une personne qui nous a quittée cela donne une joie à tous ceux qui
sont partis parce qu’ils estiment que les vivants pensent aussi à eux. Les novices sont logées
dans une maison, tandis que celles qui se font initier au Mossumba sont logées dans une
hutte. Ces dernières ne sont pas biens traitées non seulement sur le plan psychologique mais
aussi sur la transmission des connaissances liées au Boho. Au cours d’un retrait de deuil elles
bénéficient de plusieurs avantages que les autres n’auront pas et peut-être jamais, car l’esprit
de la princesse décédée peut se réincarner parmi les nouvelles initiées. Ces dernières
bénéficient aussi de la renommée de celle qui est partie car au cours de leur vie et lorsqu’il
s’agira par exemple de chanter le chant d’identification initiatique auprès des autres femmes.
Elles déclineront l’identité de la prêtresse de leur initiation. On initie lors des funérailles
parce que, on espère que l’esprit de la défunte va se réincarner chez l’une des filles que l’on
va initier car celle a qui on dédie cette initiation représentait, pour les femmes initiées, un
modèle à suivre ou à perpétuer. Il y a aussi la crainte de la sanction. Toute personne qui
perturbe l’initiation sous les funérailles s’expose a une sanction sévère d’abord par la famille
ensuite par la société. Enfin par la défunte qui voit en cela l’outrage à sa personne. On initie,
les filles pendant le retrait de deuil parce qu’il y à la rigueur. N’importe qui ne peut venir
faire du désordre lors de cette initiation en effet, si une personne fait le désordre, il ne le fait
pas pour les candidates à l’initiation mais elle le fait dans le but de perturber le bon
déroulement des funérailles. Et en perturbant les funérailles, cette personne rencontre les
parents qui sont les premiers responsables de la cérémonie et ce sont les parents qui vont
ramener cette personne à l’ordre. Une personne qui perturbe une cérémonie de retrait de
deuil s’expose à des sanctions et ces sanctions varient en fonction des fautes. Ainsi,
l’initiation lors des funérailles vise plusieurs objectifs. Cela permet aux novices de quitter le
monde de profane pour intégrer le monde des initiées dans un environnement sécurisé et suivi
par le comité de femmes initiées au Boho. Pérenniser le nom de la prêtresse en initiant les
jeunes filles lors des funérailles de Nkoumou-a-Ebenga au Boho. Permettre aux novices de
Boho lors des funérailles d’une prêtresse d’être doublement éclairé sur le Boho.

Enfin espérer la réincarnation de Nkoumou-a-Ebenga80 chez l’une des filles.» Ses propos ont
été recueillis auprès de Jeannine Kassa.

80 Nkoumou-a-Ebenga, prêtresse de Boho.


C’est en ce sens que Jean Paul Eschlimann affirme :

« Lorsque les femmes entonnent les chants, elles élaborent une sorte de biographie du mort,
qui retrace les moments importants dignes d’éloges de sa vie ». Du joueur de tambour, en
passant par la prêtresse du rite, le Monengué permet de mettre en lumière les doyens ayant
présidé à l’initiation des filles. La femme qui chante ce chant doit préciser si elle est rentrée
au cours d’une initiation ordinaire du Boho ou au cours d’un retrait de deuil. Lorsque la
personne est partie avec un âge avancé, on souhaite que les filles qui vont s’initier lors de son
retrait de deuil vieillissent comme elle. Finalement l’initiation au rite Boho est un lieu de
socialisation pour fille et permet de quitter le monde profane pour accéder au monde des
initiées chez les femmes initiées. Mais aussi permet de perpétuer le rite Boho dans la société
Mitsogo. Au-delà de ce fait, le Boho permet aux femmes de se protéger contre les sorciers et
les mauvais esprits. Mais aussi l’accès véritable au statut de femme car chez les Mitsogo n’est
femme qu’une femme initiée au Boho. Une femme non initiée est considérée comme une
bonne à rien dans la société Mitsogo parce que ne détenant pas les secrets de l’initiation qui
amène ses adeptes à avoir le contrôle de la société.

e) Les liens avec la personne pour qui l’on organise le retrait de deuil.

Il existe des liens particuliers avec la personne dont on organise la cérémonie. Ces liens
varient en fonction des personnes. Il s’agit en effet des liens de sang ; des liens du lignage ;
des liens d’amitié ; des liens d’esclave. En ce qui concerne les liens de sang, tous les enfants
qu’elle a mis au monde contractés pendant le mariage avec son mari. Pour ceux du lignage
toutes personnes faisant partie du même lignage que la personne décédée sont considérées
comme parents. Mais aussi comme descendants d’un même ancêtre ou les gens issus du
même lignage sont définit comme parents.

Les liens d’esclaves : les personnes qui se soumettent volontairement ou involontairement à


la défunte. Ce sont des personnes que la défunte a acquis grâce à sa nourriture ou à ses forêts
que ses ancêtres l’ont léguées. Quant aux autres liens ce sont des liens d’amitié. Il s’agit des
amis et connaissances que la défunte a eu pendant qu’elle vivait.

Lors d’un retrait de deuil les parents veulent profiter d’initier leurs enfants lors des funérailles
d’une femme renommée pour mettre dans l’esprit de ces enfants l’esprit de la défunte car les
Mitsogo croient à la réincarnation des personnes disparues ayant fait preuve de sagesse. Toute
personne étrangère à la communauté, l’initiation reste ouverte à toutes les femmes du monde.
En effet, le Boho reste un rite féminin et destiné à être perpétué de génération en génération
par les femmes.

Chez les femmes, lorsqu’une Nkoumou-a-Ebenga (prêtresse) meurt, elle n’accepte pas qu’elle
parte sans qu’il y ait des filles qui s’initient car le faire signifierait accepté de bruler
volontairement une bibliothèque. Ainsi, Amadou Hambaté-Ba affirme dans l’un de ses
poèmes : « Quand un vieillard en Afrique meurt c’est toute une bibliothèque qui brule ». Ce
qui n’est pas le cas chez les femmes initiées au rite Boho parce qu’elles organisent ce rite pour
transférer à une nouvelle héritière le capital culturel qu’elle détenait. En effet, lorsque les
femmes initient les filles pendant le retrait de deuil, c’est pour que l’esprit de la défunte puisse
se réincarner chez l’une des filles issue de cette initiation lors du retrait de deuil de la
prêtresse de Boho. Si l’incarnation peut ne pas se faire auprès de l’une des filles de la famille,
cela peut se faire auprès des autres filles qui s’initient et cela est au bénéfice des femmes
initiées car la connaissance ne va pas disparaître avec la défunte.

f) Combien de temps dur l’initiation ?

L’initiation au Boho peut durer plusieurs semaines. Dans le cas du retrait de deuil, elle dure
environs deux semaines et pour ce qui est d’une initiation simple, elle peut durer trois à quatre
semaines. Dans les temps anciens, cela pouvait durer 3 mois c'est-à-dire de juin à août. Mais il
peut arriver qu’on initie en trois jours des initiées. Cela s’appelle Ghébéa pour les personnes
qui veulent s’initier en urgence en fonction des situations et de la disponibilité temporaire des
acteurs. Dans ce cas, on dit qu’elle est rentrée Ghébéa81. Cette initiation est accordée aux
parents des enfants qui n’étaient pas présents au moment de l’initiation des autres enfants.
Cela se pratique aussi pour les personnes qui veulent échapper à la brimade liée à l’initiation
au Boho notamment les fillettes. On leur facilite l’initiation afin qu’elles ne la subissent pas
comme de véritables femmes car les fillettes sont fragiles. Cela permet à ces dernières
d’échapper aux sévices corporels infligés aux autres initiées. C’est un moyen qui permet de
faire prendre les raccourcis aux personnes fragiles.

g) Qu’est-ce que les novices au Boho ont appris au sortir de leur initiation ?

D’après Ndoki-a-Odada, le Boho est : « Une structure de socialisation où les femmes


apprennent comment il faut se comporter en société.

81Ghébéa, situation des personnes qui s’initient quelques jours avant la sortie des initiées Boho.
Désormais, les initiées n’appartiennent plus aux familles respectives, mais à la communauté
initiatique et culturelle du Boho. Au sortir de l’initiation, les filles ont appris : l’humilité ;
comment faut-il vivre en société ?

L’enseignement à exécuter les tâches réservées à priori à la gente féminine pour tenir une
famille, une maisonnée. Au sortir de cette initiation, elles ont appris à chanter en public.

Mais aussi à subir les humiliations et les injures sans pourtant réagir. Cela permet à une
femme initiée d’avoir la maîtrise de soi. En effet, le silence et le respect d’autrui sont des
qualités très appréciées en milieu Mitsogo car l’initiation contraint l’individu à se taire
malgré la colère et la douleur. Elles ont appris aussi à se débrouiller car lorsqu’elles
partaient en forêt, les anciennes initiées leur ont appris à chercher du bois, sans machette, à
pêcher sans nasse.»

h) La consommation des crabes.

Après cette étape, vient celle de la consommation des crabes par la prêtresse de Boho. En
effet, la prêtresse consomme le 1er crabe attrapé et les plus gros. Ainsi, chez les Mitsogo, le
crabe est un crustacé, un aide-mémoire pour la doyenne de Boho qui la consomme. Mais aussi
cela représente le rapport entre les néophytes et la Nkoumou-a-Ebenga. Les crabes
représentent le corps des nouvelles initiées que la Nkoumou-a-Ebenga dévore sans condition.
En effet, les candidates à l’initiation constituent son patrimoine alimentaire. La consommation
des crabes représente le corps symbolique des novices. Cela permet aux initiées de sceller
culturellement l’initiation des filles mais également d’assoir le pouvoir de Nkoumou-a-
Ebenga dans le Boho et auprès de ces novices. Les candidates à l’initiation sont conduites
dans la maison du retrait de deuil. Mais avant d’entrer, elles font le tour de la maison. Ce rite
signifie pour les initiées de laisser la fatigue prise en forêt par l’ensemble des femmes qui
reviennent de la forêt.

8- Organisation du rite Enoungou.

Enoungou : Période où les candidates à l’initiation sont frappées par des petites chicottes
coupées par les femmes notamment les arbustes ayant des épines et des fourmis. Enoungou
signifie, aussi que l’ennemie vient attaquer les novices qui à leur tour sont défendus par l’une
des doyennes de Boho appelée Ghépongo. C’est une période de sévices corporels subis par les
novices. En effet avant l’initiation les filles se comportent mal vis-à-vis de leur aînées.
C’est pendant l’initiation que la fille qui se comportait male dans la société paie le prix de son
impolitesse lors de son initiation. Pendant ce rite, chaque candidate est encadrée par une
marraine appelée « Idièè-a-ghô-Boho » qui signifie la marraine qui s’en charge de la novice
lors de son initiation. Cette marraine encadre aussi bien la novice pendant et après son
initiation parce qu’elle doit en effet, enseigner sa candidate les connaissances liées au Boho.

9- Organisation du rite Makonga.

Le Makonga s’organise à partir de 24heures, heure à laquelle l’esprit (Bopéza) du Boho sort
pour reconnaître les siens. Le Makonga est un rite où les candidates passent du statut de
profane à celui d’initiée. Celui « d’homme » à celui de femme. En effet, une femme non
initiée est considérée comme un homme, car on devient véritablement femme chez les
Mitsogo qu’après avoir subi les rites de passage liés à l’initiation Boho. Pour les femmes
Mitsogo, l’initiation au Boho est la seule condition d’accès aux secrets du Boho et de la vie en
société. C’est pour cette raison que chaque femme Mitsogo souhaite voir ses filles s’initier au
Boho. Puis vient la période où les filles sont gardées dans la hutte de l’initiation que l’on
appelle Mossoumba pour celle qui sont rentrées au Boho lors d’une initiation au Mossoumba
et celle qui sont rentrées lors d’une initiation au retrait de deuil appelée Mossosso pour celles
qui sont rentrées pendant l’initiation au retrait de deuil. Pendant une semaine ou deux
semaines les filles vont apprendre à chanter et à danser de jour comme de nuit devant les
habitants venus nombreux les assister. Pendant cette période, les novices donnent l’occasion à
l’assistance d’apprécier leur pas de danse mais surtout leur formation qui a duré deux à trois
semaines. Chez les Mitsogo, la période de la danse de gnémbet permet de séduire les hommes
et c’est en ce moment que les garçons choisissent leurs futures épouses.

Moment propice aux chefs de faire le choix de leurs épouses et de rentrer en compétition avec
d’autres chefs qui veulent affirmer leur autorité. C’est pendant cette période que la plupart des
hommes et des femmes perdent leurs conjoints. En effet, la tenue portée par les novices lors
de l’initiation est faite à dessein notamment. Il est question de susciter chez l’homme
l’attirance pour la nouvelle initiée.

j) La participation des novices lors du retrait de deuil en tant que jeunes membres du Boho.

En tant que jeunes membres initiés au Boho elles ont participé à travers les chants et la danse
lors du retrait de deuil de Nkoumou-a-Ebenga. En effet, durant leur initiation, elles chantaient
et dansaient lorsqu’on leur demandait de danser et chanter.
Cette participation se poursuit aussi dans le maintien et la pérennisation du Boho à travers la
transmission des connaissances aux nouvelles initiées mais aussi aux anciennes initiées.

Ce sont les initiées qui vont rendre la cérémonie de la défunte inoubliable car elles ont chanté
et dansé pendant les deux semaines de cérémonie, organisée en mémoire de la défunte.

Grâce à ces initiées, la cérémonie de la défunte sera gravée dans les mémoires des sages de la
communauté et servira d’exemple pour les autres membres. Certaines femmes citeront cette
cérémonie en exemple voudront qu’à leur tour leur cérémonie soit organisée de la sorte.

10- Organisation du Boho-a-ghô moki (Cérémonie du dehors).

Le Boho-a-ghô-moki est un rite de danse de Gnémbèt que les femmes organisent en présence
des initiés et des non-initiés au Boho. Ce rite commence vers 3 heures du matin et s’achève
vers 08 heures. Les femmes invitent les non initier et initiées du village à assister au rite du
dehors par le biais du petit fils de la disparue. Ce rite est destiné à rendre un hommage à la
disparue. Mais aussi permet à l’esprit de la forêt de constater la disparition de l’une des
siennes car elle faisait partie des personnes qui détenaient les secrets du Boho et de sa mort, il
faut annoncer la disparition de Nkoumou-a-Ebenga à l’esprit du Boho parce qu’elle faisait
partie des personnes qui étaient destinées à pérenniser la connaissance sur le Boho. Et
lorsqu’une personne d’une telle dimension meurt, les femmes ont le droit d’organiser les
funérailles dues à son rang mais aussi parce qu’elle était mariée.

Au départ, le Mwéyi, le Bwété, et le Ngoyi étaient des rites féminins et le Boho un rite
masculin.

Compte tenu que ces rites occupaient les femmes aussi bien en saison de pluie qu’en saison
sèche et les empêchait d’exercer librement leur travaux champêtres, les femmes ont alors
décidées de céder le Mwiri aux hommes moins occupés en ces périodes de l’année que les
femmes. En échange, les hommes ont cédé leur rite Boho aux femmes car ce rite
correspondait plus ou moins à leur occupation. A partir de ce moment les hommes se sont
alors appropriés ce rite parce qu’ils pouvaient le pratiquer en toute circonstance.

Ainsi, pour garder ses origines féminines, les hommes en guise de reconnaissance, dédient
une cérémonie de Bwété aux femmes notamment ceux ayant atteint le niveau le plus élevé de
l’initiation.
C’est le cas de Nkoumou-a-Ebenga parce que le Mwiri était un rite féminin. L’organisation du
Bwété aux funérailles d’une femme permet aux hommes de reconnaître ses origines
féminines. Cela est un hommage rendu aux femmes car le Mwiri faisait partie de leur
patrimoine culturel.

Après l’organisation du Boho du dehors, tôt le matin, les garçons organisent à leur tour un
Bwété pour le retrait de deuil de la défunte Nkoumou-a-Ebenga. Un groupe d’initiés se trouve
au corps de garde et commence à entonner des chansons.

« Les Mitsogo organisent le Bwété lors d’un retrait de deuil d’une femme parce qu’elle était
une prêtresse du Boho donc détentrice de certains secrets liés au Bwété. D’autre part, un
membre de sa famille notamment les hommes initiés au Bwété, peuvent décider d’enlever le
deuil de la défunte au cours d’une cérémonie de Bwété. Cela pour leur permettre de rendre
inoubliable le retrait de deuil de la défunte aussi bien chez les hommes que chez les femmes.

Les hommes initiés de la famille payent une somme et apportent des présents aux hommes qui
constituent le comité des sages parce que le Bwété est désormais une propriété masculine
donc si la famille décide d’organiser un rite de Bwété pour une femme, il faut le payer auprès
de ses derniers parce que, une partie de leur rite va être organisé pour la Nkoumou-a-
Ebenga.

En organisant un Bwété en mémoire de la Nkoumou-a-Ebenga on est assuré que son statut est
respecté puisqu’elle détenait certains secrets liés à l’initiation des hommes notamment au
Ndéa. De plus cela contribue à rendre plus crédible la fonction de Nkoumou-a-Ebenga dans
la société et à reconnaître le statut qu’avait la défunte aussi bien chez les hommes que chez
les femmes. L’organisation du Bwété pour une prêtresse permet de rendre hommage aux
femmes mais aussi de reconnaître que le rite Mwiri était leur propriété quand bien même ce
rite est devenu un rite masculin. Cela permet aussi de reconnaître la place et le rôle de la
femme dans les rites masculins. Le Bwété organisé en l’honneur de la femme est classé parmi
les Bwété de réjouissance au même titre que le Bwété organisé pour accueillir des visiteurs de
marque ; implorer la bénédiction des esprits du fait qu’elle n’appartient pas totalement à la
société secrète des hommes puisqu’elle ne détient que partiellement certains secrets liés au
Bwété. Par exemple, les initiés n’ont pas besoin de se rendre à la forêt sacrée des hommes
appelée (Ndzimbèt) afin de ficeler au préalable le déroulement de la cérémonie. Ce Bwété ne
se limite qu’au niveau de la sortie de quelques masques appelés Nkoumou-a-Ebenga.
Ces esprits (Mighondji) portent notamment des paniers (Ghézambi) ; un Costus
lucanusianus(Mokoussa). En d’autres termes cela justifie l’organisation d’un Bwété féminin
au cours du retrait de deuil de la défunte. Dans ce Bwété, toute la communauté est autorisée à
assister au Bwété dédié à Nkoumou-a-Ebenga car elle était une femme importante dans la
société. Ce Bwété ne dure qu’environ 16 heures. Il commence vers 16 heures et se termine
vers 07 heures du matin. Parce que c’est un Bwété dédié à une femme.

Enfin la prêtresse sera désormais leur interlocutrice auprès de ceux qui les ont précédés, les
vivants vont invoquer ceux qui sont déjà partis pour leur demander bénédiction et ceux sont
ces mêmes esprits qui les guideront lors de leur initiation au bois sacré, au Omboundi.

Ce sont ces mêmes esprits qui seront invoqués, puis, ils participeront à guider ceux qui se
feront initier afin qu’ils ne puissent se perdre dans le monde de la lumière.» Informations
recueillies auprès de Paul Massandé.

11-Organisation du rite Ngoyi (retrait du pagne noir et du Costus lucanusianus (Mikoussa).

C’est une période où les parents de la défunte versent une importante boisson au sol pour
donner la part de boisson aux esprits et à la défunte Nkoumou-a-Ebenga. Parce que cela est la
dernière boisson que les parents offrent symboliquement à la défunte Nkoumou-a-Ebenga. Ce
rite se déroule dans la cour de la maison de la défunte. Un groupe de femmes maquillées de
kaolin blanc (Pemba) se met à danser sur les pagnes que la famille de la défunte a au
préalable installés dans la cour. Pendant que ces femmes défont les pagnes, les petits-fils
versent le vin de qualité à même le sol.

La photo ci-dessus présente des filles exécutant une séance de Ngoyi lors d’un rite de Boho de
retrait de deuil organisé en mémoire d’une Nkoumou-a-Ebenga.
Source cliché réalisé par : Jean Bertrand Mogangue le 30, Août 2013 à Mimongo, au quartier
Mikodi

Dans cette photo nous apercevons plusieurs danseuses de Boho, plus loin en polo noir la futur
Nkoumou-a-Ebenga accompagnant les danseuses.

Lors du Ngoyi, les femmes dansent sur les pagnes que les parents de la défunte ont installés
dans le but de faire danser la future prêtresse sur des pièces pagnes car désormais elle
occupera le trône de la défunte.

C’est une période où la nouvelle Nkoumou-a-Ebenga prend petit à petit le pouvoir culturel de
l’ancienne Nkoumou-a- Ebenga.
La photo, ci-dessus montre un homme attrapant un récipient et prêt à renverser à même le sol
du vin rouge.

Source cliché réalisé par : Jean Bertrand Mogangue, le

Source : Cliché réalisé par Jean Bertrand Mogangué, le 30 Août 2013 à Mimongo, au quartier
Mikodi.

Dans cette photo, nous observons des pièces pagnes sur lesquelles le Khôkhô versera la
boisson de vin rouge. Cette boisson est la part donnée à la défunte Nkoumou-a-Ebenga car elle
ne consommera plus le vin de ses enfants et petits fils d’où il faut donner sa part pendant son
retrait de deuil. Ce gaspillage de boisson est une forme de richesse pour la famille et marque
le statut qu’occupait la défunte dans la société. Cette période de tristesse doit être marquée
aussi par la spoliation de la famille de leur pouvoir financier pour prouver à l’assistance
l’aisance de la famille en procédant au sacrifice d’un nombre important des animaux
domestiques tels que le sacrifice des chèvres, des moutons, de la volaille et du bœuf.

C’est pendant cette période de Ngoyi que les Mitsogo jugent la richesse et la supériorité d’une
famille à une autre en procédant par comparaison des biens gaspillés lors de ce rite organisé
d’une famille à une autre. Nous entendons une expression telle que : « adéyi momanè
wouaghô », qui signifie probablement, les parents ont réellement pleurés leur personne. Pour
signifier la réussite de l’évènement et le gaspillage important des biens matériels et financier
distribués gratuitement aux assistants à ce rite.
12- Sortie d’un masque féminin portant un panier.

Comme l’affirme Louis Vincent Thomas ce masque « représente à la fois le monde de la vie
et de la mort. Le monde de la vie c’est le monde de la communicabilité. Les masques
interviennent ainsi, au cours de réjouissances diurnes et publiques pour figurer l’esprit,
représentant, la puissance d’une société secrète. Il revêt une double fonction objet sacré
réservé aux seuls initiés. La nuit, il représente le sacré le même masque apparaît le jour, il
représente le profane. Le tout, assumant alors le rôle ambiguë ». On peut observer également
au cours des réjouissances du rite Ngoyi de véritables mises en scène des personnages qui se
métamorphosent.

Pendant que le masque défait les Mikoussa82 présentes à l’entrée du corps de garde (Ebandza)
les femmes retirent les pagnes installés pour la circonstance sur lequel elles ont dansé. Cette
étape s’appelle Ngoyi. Vers le milieu de ce rite, pendant qu’on défait les costus lucanusianus
un homme se saisi d’un calibre douze et tire trois coups de feux vers le ciel.

« -Le 1er coup de fusil signifie l’annonce symbolique du décès de la prêtresse aux profanes.

-Le 2eme coup de fusil l’annonce de la mort de la prêtresse à la communauté des initiées au
Boho. Société sécrète à laquelle elle appartenait.

-Le 3eme coup de fusil annonce la mort de la prêtresse aux esprits puis son entrée au séjour
des morts.»

Nous confie une interlocutrice qui a voulu garder l’anonymat, visiblement meurtri par ce rite.
C’est ce dernier rite qui permet aux initiés de prendre réellement conscience de la disparition
d’un de leur car c’est pendant ce rite que les sages pleurent les larmes chaudes parce qu’ils
savent qu’ils ne se verront plus en chair et en os.

C’est en ce moment précis qu’ils prennent conscience de la finitude de l’homme et tous ses
mouvements, que l’homme cesse à travailler et accepte enfin le décès de l’un des leur. Les
petites filles dansent sur les pagnes, se maquillent au kaolin blanc, prennent l’apparence de la
défunte et de son époux (en arborant les vêtements de l’un de l’autre). Ces trois coups de fusil
de type calibre douze est l’annonce aux esprits de l’entrée de la défunte Nkoumou-a-Ebenga
au séjour des morts.

82
Costus lucasianusianus
On chasse parfois son âme à coup de fusil, pour qu’elle s’éloigne de son village tandis que,
dans la période de deuil, sa famille demeure dans la tristesse d’avoir perdu un être cher.

Cette séparation provisoire ou définitive est réelle que du point de vue de l’expérience
sensible, c'est-à-dire de l’imaginaire humain.

Mais ontologiquement si l’on se réfère à la pensée des initiés de la société Mitsogo, on se rend
compte que la mort n’est autre que le changement d’état ou l’homme vit non plus par le corps
mais plutôt par son esprit. C’est ainsi qu’il peut exister une période de latence ou de pré-
mortalité bien connue des femmes Mitsogo (A-niki), la personne est répartie comme pour dire
la personne est décédée. Mais cette expression attenue la mort de la défunte et les membres de
la communauté la considère comme vivant, une période de transformation plus profonde qui
fait de l’après mort un mort authentique, une période de sublimation qui transforme celui que
nous crayons mort. Ainsi, si nous n’organisons pas bien ses funérailles, la défunte fera des
apparitions inattendue dans le village et elle sera considérée comme un fantôme qui ère sans
que la société n’est véritablement le contrôle sur son esprit. C’est dans ce sens que Louis
Vincent Thomas affirme en effet que pour la plupart des africains, la mort n’est pas vraiment
la négation de la vie, mais plutôt une mutation, un changement d’état pouvant comparer une
destruction relative qui porterait plus spécialement sur l’aspect matériel (corps +ombre) de la
personne. Donc tout se passe comme si le groupe social voulait minimiser l’aspect annihilant
de la mort et sauvegarder par un jeu de croyances optimistes de la défunte.

On organise le Ngoyi pour faire l’adieu à la défunte, une sorte de séparation dans un cadre
strictement rituel. C’est de cette manière que les initiées se séparent de l’esprit de la défunte
Nkoumou-a-Ebenga après avoir canalisé et orienté son esprit vers le chemin emprunté par
tous les morts normal appelés la belle mort. Cette mort est celle dont l’organisation des
différents rites est accepté et admise dans la société. Ce mort est la mort du vieillard qui
n’affecte pas les humains contrairement à la mauvaise mort, la mort du jeune qui suscite chez
les autres de la peur, de l’inquiétude et des lamentations chez la famille et de son entourage.

L’organisation d’un « Bwiti » par les hommes sonne comme un adieu a « Nkoumou-a-
Ebenga », une façon pour les hommes de se séparer à leur tour de la défunte dans un rite
masculin parce qu’elle était une personnalité culturelle respectée dans la communauté. C’est
dans cette optique qu’elle doit être honorée par tous car elle prenait part à leurs débats du fait
que « Nkoumou-a-Ebenga » détient certains secrets liés à l’initiation chez les hommes.
En clair, « Nkoumou-a-Ebenga » est une autorité féminine qui est reconnue chez les Mitsogo
du fait de sa position de leader chez les femmes.

13- Sortie des novices de l’initiation au Boho puis retrait du pagne noir.

A la mort d’un être humain, l’homme Mitsogo considère que l’homme vient d’une rivière.
Cette rivière est symbolisée par un morceau de pagne, Mokanda. A sa mort, il faut
définitivement le retirer du village parce que cette personne vient de nous quitter.

C’est ainsi que lors de son retrait de deuil les femmes, retirent le pagne noir symbole de la
personne décédée qui marque son retour vers ses origines.

a) Le lien entre la sortie des novices et le retrait du pagne noir.

« La sortie des initiées avant le retrait du pagne noir. Pour éviter que la famille ait des
problèmes parce que c’est à cause du deuil, voire du retrait de deuil qu’elles sont présentes.
Il faut les sortir avant le retrait définitif du pagne noir. En fait, cela sert de protection aux
nouvelles initiées afin d’éviter que les sorciers ne puissent les attaquer car si un sorcier
parvient à atteindre l’une des novices pendant l’initiation, ce sont toutes les femmes qui
devront se justifier auprès des hommes mais aussi devront s’expliquer comment est-ce que
cela a pu arriver alors que les femmes savent comment il faut empêcher un sorcier à atteindre
sa cible. Si une novice meurt pendant l’initiation, les femmes sont responsables de sa mort et
l’initiation au Boho peut perdre en crédibilité donc il faut protéger au maximum les filles
jusqu'à la fin des cérémonies parce qu’elles sont rentrées au compte d’une cérémonie de
retrait de deuil appartenant d’abord à une famille. Une fois que les novices initiées finissent
de se faire initier, elles sont conduites en forêt afin d’être lavés pour les laver de leur
impureté car une femme non initiée est perçue comme étant impure donc il faut la laver pour
qu’elle devienne propre parce que le corps et l’esprit ont besoin d’être purifiés non seulement
pendant la période marquée par le deuil mais aussi celle marqué par l’initiation.

Le retrait du pagne noir signifie la séparation définitive d’avec la défunte. Le retrait du pagne
noir constitue un moment particulier, c’est à dire un moment d’adieu.

Ce moment d’adieu est une séquence destinée à faire respecter les étapes de l’organisation
d’un retrait de deuil. Ce rite est accompagné des offrandes offertes aux esprits pendant le rite.
C’est un moment particulier et d’émotion de gaspillage important des boissons de haute
marque.
Chaque membre de la famille notamment les petits fils et petites filles (les khôkhô déchirent
les pièces pagnes, jettent dans la foule les billets de banque, en renversant la boisson a même
le sol). Tout cela permet de faire respecter les étapes du rite qui est d’une importance capitale
dans la survie du rite Boho dont la prêtresse avait accédé à la plus haute fonction (Nkoumou-
a-Ebenga) mais aussi de faire respecter la mémoire de la défunte car elle était une grande
dame dans la famille et surtout dans la communauté des femmes. C’est un rite qui s’organise
à la fin d’un retrait de deuil. Cela signifie aussi la séparation avec la défunte une façon de
donner à la défunte sa part de boisson car elle n’en consommera plus. Raison pour laquelle il
y a eu un tel gaspillage. Les deux petites filles se dirigent vers la maison du deuil en guise de
visite et repartent dans la forêt sacrée des femmes appelée endo. C’est la dernière visite
effectuée par la défunte dans sa maison, afin de marquer la rupture entre le monde des
vivants et intégrer désormais le monde des esprits.

Les petites filles font ces tours afin de signifier aux initiées qu’à la naissance d’une personne,
l’Homme ne vient pas seul. Le premier tour cela signifie la naissance ou l’arrivée de la
personne. Le deuxième tour effectué par les deux petites filles signifie, l’arrivée du placenta,
frère symbolique de l’homme. Cela signifie que l’Homme ne vient pas seul il se fait
accompagner toujours par quelque chose tel que son frère placenta (Ghédouma).

Les personnes qui ont porté le pagne noir sont : Les initiées au Boho; les initiées aux
différents rites masculins (Mwéyi ; Maboghè; au Nkônooh ; Nokéyo ; Itchogho-Evovo) ; Les
enfants de la défunte ; Les belles filles de la défunte ; Les petits enfants de la défunte ; Les
filleules de la défunte ; Les esclaves de la défunte.

b) Les personnes les plus concernées par l’organisation du retrait de deuil sont :

Les personnes initiées au Boho ; Les personnes initiées aux rites masculin dont le Mwéyi
(Mwiri) ; ceux initiés au bois sacré; les amies et connaissance de la défunte.

c) Que signifie pour ces personnes le retrait du pagne noir ?

Le retrait du pagne noir signifie la séparation définitive entre les vivants et le décédé.
Séparation de la défunte avec le Boho auquel elle était initiée. Séparation de la défunte avec
ses parents.

Le retrait du pagne noir c’est aussi ôter la souillure causée par la mort.
Car c’est une période de souillure parce que la mort est considérée comme un moment qui
souille le clan et cause le désordre au sein de la société surtout le Boho dont-elle a occupé la
plus haute fonction. Il faut alors se libérer de cette période de souillure en lavant le corps par
un ensemble de rite dont l’initiation au Boho des filles ; l’organisation des Makonga ; enlever
le deuil (khèmbôt). Ces rites permettent en sorte que les personnes qui ont porté le deuil
puissent enlever la souillure causée par la période de deuil et enfin d’accompagner le mort au
séjour des morts.

Les liens avec la personne pour qui l’on organise la cérémonie.

Les personnes pour qui on organise la cérémonie peuvent être la mère, la tante, l’arrière-
grand-mère, les belles filles.» D’après Kassa Mockambo

14) Organisation du Boyoyi,

« Le Boyoyi, c’est un rite organisé par les femmes pour la séparation définitive avec la
défunte. C’est un moment émotionnel causé par la mort de la défunte. C’est en ce moment que
les parents amis et connaissances consomment la mort, accepte le départ de la défunte vers le
séjour des esprits.

15) Organisation des Mitchandja,

Période à laquelle les femmes allument les petits feux qui servent à griller les doigts de
banane. Ce rite est exécuté pour se séparer aussi de l’esprit de la défunte, et le permettre de
passer du monde des vivants pour accéder au monde des morts. Si nous ne mangeons pas vite
ces doigts de banane son esprit risque de rester avec nous et ce qui peut entrainer des
perturbations au sein de la famille mais aussi au sein de la communauté.» Nous confie
Hortense Komba.

Le feu, fréquemment lié au soleil, est associé aux graines comestibles, la terre (féminin),
correspond aux mammifères sauvages. C’est pendant cette période que les initiées lors du
retrait de deuil de la défunte Nkoumou-a-Ebenga sont acheminées vers la forêt sacrée des
femmes appelée endo pour être purifiée, soigné et enfin, laver, et maquillée. Cette étape
permet aux novices de quitter leur statut de non initiée pour rentrer dans l’univers des initiées
au Boho où la femme est désormais, détentrice du savoir ancestral.

Les petits feux allumés dans la cours symbolisent le feu que la défunte allumait tous les jours
où elle préparait la nourriture et distribuait à tous les habitants du village.
Ainsi, la femme Mitsogo initiée, sait que le feu est à l’origine de la vie de l’homme en société.
C’est par le feu que l’homme cuit ses aliments, se réchauffe en cas de fraicheur, se protège
contre les animaux, à le pouvoir de confectionner des outils plus complexes, et surtout pour
mieux se nourrir (la nourriture cuite est davantage digeste et nutritive). En plus de ces
bienfaits, la flamme du feu suscite à la fois aversion ou admiration et on interprète facilement
la maitrise du feu comme une victoire de l’homme sur la nature, comme preuve de sa
supériorité. Facteur de sédentarisation et de création de l’agriculture, de la famille, puis
donner sens à la vie de l’homme dans son processus de l’évolution en société. C’est grâce au
feu que l’Homme vie en société puis a permis d’amorcer le processus de l’évolution de
l’humanité. En allumant les petits feux dans la cour du retrait de deuil, les femmes Mitsogo
rendent publiquement hommage au créateur des cieux et de la terre. En effet, les femmes
initiées considèrent que l’être humain est créé par un Être supérieur (Mabaka). Les femmes
Mitsogo par ce rite de Mitchandja donnent à leur tour l’origine de la création de l’Homme.
Les femmes initiées considèrent que l’homme provient de la chaleur donc du feu. Ce feu n’est
autre que le sperme de l’homme qui est déposé dans l’utérus de la femme. Lors de la
séparation avec l’esprit de la morte le dernier rite dédié à la femme initiée au Boho est le
Mitchandja qui n’est autre qu’une comparaison avec les millions de spermatozoïdes déposés
dans le col de l’utérus de la femme par l’homme. L’esprit de la défunte est accompagné vers
ses origines mais également une façon pour elles de rendre hommage au feu qui est à l’origine
de sa venue au monde. Le feu symbolise aussi l’accouplement entre l’homme et la femme,
symbole de force et de mystère. C’est en ce sens que Robert Jacques Thibaud affirme : « Le
feu est symbolisé par le cœur, le foyer, l’athanor et d’autre part il manifeste la foi et l’amour,
l’esprit Saint et l’illumination ».

16- Organisation du Bodinga ou le Nzokou

Les parents apportent plusieurs régimes de banane+ un gigot de viande. Les femmes sortent
du lieu sacré en entonnant des chants interpelant un félin pour signaler l’arrivée du gaspillage,
du pillage et du piétinement. Le chant:« Ghémpongoghuèèè-bodinga-Bodinga-Bodinga-
ghégnamba-Tchakinda-Bodingaghéééé » elles se mettent à chanter autant de fois tout en
esquissant des pas et gestes de la terreur. Ce rite se déroule sur la cours du village notamment
celle où la défunte restait. A ce moment, les parents font sortir un ou deux régimes de bananes
et un gigot de viande notamment la viande d’antilope car pour la plupart des félins, la viande
d’antilope est très délicieuse et facile à attraper et à dévorer.
A la vue de ces présents, les femmes se précipitent vers ces présents pour s’emparer de la plus
grande partie. Cette période est une période à risque car seules les plus fortes de la partie du
rite peuvent se saisir des doigts de banane et d’un morceau de viande. Ce rite signifie que la
personne qui est décédée part avec sa nourriture à vous les vivants de semer la vôtre. Cette
chanson est symbole de la dévoration, la force, l’invincibilité, et l’intolérance. Mais aussi
l’expression de la séparation en offrant un dernier repas à la communauté des vivants car la
défunte ne reviendra plus, sauf dans les rêves et dans le bois sacré.

Séparation avec les vivants, surtout avec le monde du Boho, et la personne disparue à travers
le partage d’un repas. La mort est consommée et acceptée par tous. « Le Bodinga c’est
l’adieu de la défunte qui est marqué par la présence de deux bêtes féroces à savoir l’éléphant
et le félin (Ghépongo). Sa présence au village est désormais comparée à celle des bêtes
féroces. Le félin représente, la force, l’intolérance et l’invincibilité, la beauté et la malice.
Quant à l’éléphant il est considéré comme un animal qui écrase tout sur son passage et
lorsque celui-ci arrive dans un champ il écrase tout et ne laisse rien. L’esprit de la défunte est
comparé à celui de ces deux animaux de la forêt parce qu’ils sont considérés comme les plus
forts et les plus redoutables de la forêt donc peuvent décider de la vie ou de la mort de ses
compatriotes.» Ces informations nous ont été livrées par Jeannine Kassa Ainsi, les rapports
entre l’homme et l’animal sont susceptibles d’épouser des formes variées. Si nous écartons la
simple utilisation des techniques (élevage, pêche, chasse) quatre possibilités s’offrent à nous.
L’animal n’est qu’un double de l’homme (phénomène correspondance, totémique élargi). Il
est lié à l’homme par un pacte mythique ou quasi contrat qui aboutit au seul respect mutuel
des partenaires. Il est protecteur de l’homme auquel, on sacrifie de par la volonté des dieux et
en vertu de sa force particulière (animisme, culte de l’antilope, du félin). Enfin, il est avec
l’homme en relation de filiation (totémisme rigoureux). Les animaux occupent toute fois
plusieurs niveaux dans la hiérarchie de l’homme.

15-Noto’a Ghémbimbi (le retrait de la canne à sucre de couleur noire)

Cette bouture symbolise le pouvoir que les khôkhô remettent à la nouvelle Nkoumou-a-
Ebenga. Le Ghémbimbi est le corps périssable de la défunte qui est acheminé vers la forêt
sacrée car ce corps n’est qu’un objet périssable et encombrant pour la société. C’est aussi une
manière pour les initiées de se séparer du corps périssable de la défunte qui va vers un autre
monde.
Et l’esprit qui est ramené au village et remis à la nouvelle Nkoumou-a-Ebenga qui le garde
soigneusement pour l’utiliser quant-il s’agira d’exercer son pouvoir culturel de Nkoumou-a-
Ebenga. Au-delà du vrai corps de la défunte, il faut se débarrasser symboliquement du corps
de la défunte selon les règles de l’initiation. Car pour les femmes initiées le corps est
débarrassé du village que lorsque l’on a respecté cette étape consistant à couper rituellement
le Ghémbimbi.

En effet, les femmes se débarrassent définitivement des impuretés du corps de la défunte


qu’après avoir respecté ce rite qui consiste à couper le Ghémbimbi selon les initiées. Ainsi, le
corps retrouve donc son enveloppe originelle qui n’est autres que la terre. Une partie du tronc
de la canne est acheminée vers le village. C’est la partie non périssable qui remplace la
défunte destinée à se réincarner chez des filles initiées lors de son retrait de deuil. Cette partie
est symbolisée par la bouture de la canne (Ghézagha). Cela constitue l’esprit de la défunte
qui est ramené au village et destiné à se régénérer et à reproduire d’autres Ghémbimbi ou
Nkoumou-a-Ebenga de Boho. Cette partie de la canne est remise à la Nkoumou-a-Ebenga du
Boho. Cette dernière gardera la bouture plantée dans son futur champ de canne à sucre. Cela
constitue aussi l’esprit de la défunte qui est gardé soigneusement et est transmis de génération
en génération. Cette partie de Ghémbimbi, les doyennes au Boho doivent expliquer à celle qui
la reçoit, ses origines, le premier ancêtre l’ayant planté. Cette connaissance sera transmise de
génération en génération. Ensuite cette connaissance sera complétée par d’autres doyennes
qui traceront l’histoire de cette famille à travers ce que l’on appelle Bokoudou83 de la famille.
Il s’agira pour la prêtresse de transmettre l’histoire a celle qui reçoit la bouture de la canne à
sucre, l’origine de leur famille, et de connaître les femmes qui ont fait l’objet d’implantation
de la cérémonie de Tèmèda-Mikoussa-miè. Aussi cette canne à sucre va être plantée dans un
coin de la plantation des cannes de cette dernière. Et on coupera l’une des cannes issues de
cette bouture pour deux raisons. Il s’agira d’aller recycler cette canne à sucre pour la
multipliée et la pérennisée. Mais aussi s’il y a eu un décès d’une femme de la même famille
qui fait l’objet de l’implantation de la cérémonie de Mikoussa. Enfin, cette canne à sucre va
constituer la richesse de la famille.

La canne à sucre noire plantée devant la maison de retrait de deuil est symbole de l’esprit de
la défunte et le Bokoundou de la famille. Le retrait du pagne noir se fait au même moment que
celui du masque. Ceci pour la levée du retrait de deuil.

83 Bokoundou, histoire d’une famille ou d’une communauté racontée par les Povi, détenteur du savoir ancestral.
16- Les femmes distribuent par la suite le Ghéambo

La famille offre aux initiées, amies et connaissances présents à la cérémonie un repas. Ce


repas est divisé en deux parts. Une part pour les femmes propriétaires de la cérémonie. Et
l’autre part pour les hommes qui ont assisté et contribué à l’organisation de la cérémonie. Ce
repas est le dernier repas de la défunte quelle offre solennellement à la communauté des
vivants.

17- Organisation d’Evovoa-a-ghémbenda

Moment de retrouvailles pour discuter des problèmes de la famille. « La personne pour


laquelle on organise un retrait de deuil peut ou ne pas être initiée au Boho. On peut acheter
le Boho à une femme qui n’est pas initiée au Boho mais l’organisation de cette cérémonie ne
sera pas pareille à celle organisée pour l’initiée. Celle qui n’est pas initiée au Boho les
femmes ne pourront pas aller à la forêt sacrée des femmes car elle n’appartenait pas à la
société secrète des femmes mais on achète cette cérémonie parce qu’on sait que tôt ou tard
elle pourrait faire partie de la société secrète des femmes mais aussi parce que dans le Boho
il y a une partie destinée à tout le monde hommes et femmes. Celle à qui on organise le retrait
de deuil était initié et avait accédée au plus haut niveau de l’initiation au Boho qui est le
Nkoumou-a-Ebenga. Pour accéder à une fonction qu’elle soit Ministérielle ou Présidentielle ;
Chef d’entreprise ou manœuvre ; Enseignant chercheur ou étudiant il y a un ensemble de
critères qui permettent à l’homme d’appartenir à la société, à la fonction ou au domaine. Cet
ensemble de critères est aussi présent dans nos sociétés traditionnelles ou archaïques quand
bien même que les critères d’accès aux sociétés traditionnelles notamment initiatique ne sont
pas partout les mêmes. C’est ainsi que chez les femmes Mitsogo le choix du Tchéndé ; de
Ghébèghâââ et du Nkoumou-a-Ebenga est effectué en fonction d’un certain nombre de
critères qui permet aux initiées d’exercer certaines fonctions dans les rites initiatiques de
Boho. Le Tchéndé (celle qui montre les pas de danse au novice du Boho). Ainsi, pour occuper
cette fonction il faut être initiée au Boho ; maitriser les pas de danse liés au Boho car une
femme Tchéndé c’est une femme qui connait esquisser tous les pas de danse, des chants du
Boho. Etre disponible parce que pendant l’initiation des femmes il y a trois moments de sorti
de danses. Le matin ; à midi puis le soir.
Un rite de danse peut durer environ deux heures de temps. Ainsi jouer le rôle de Tchéndé
demande une disponibilité pour la femme qui exerce ce rôle. Elle est considérée comme l’ami
des novices. Son rôle est pédagogique parce qu’elle enseigne les pas de danse aux filles qui
s’initient.

Son statut au sein de la structure. Elle est la Nkoumou-a-Ebenga de la cérémonie de Boho.


C’est elle qui coordonne la cérémonie, elle donne les ordres, elle décide du lieu où on
implante les Mossumba (huttes) qui accueillent les novices si la cérémonie aura lieu ou non
c’est elle qui donne le dernier le mot. Avant sa mort, elle est, une dame d’honneur, elle fait
partie du comité des femmes qui décident d’une organisation ou d’une annulation de la
cérémonie. Lorsque les autorités administratives séjournaient à Mimongo elle était consultée
pour qu’elle donne son avis du lieu où les autorités pouvaient être logées elle s’assaillait à
côté des autorités administratives. Lorsque les cérémonies s’organisaient à Mimongo et
même dans les villages environnants tels que Mokabo, Poungui, Diyanga, Mandji, on invitait
toujours cette dame avant de faire rentrer les filles au Boho. Elle était tout pour nous, elle
dirigeait avec respect et rigueur la cérémonie.

A-t-elle choisi une personne qui sera son héritière ? Avant sa mort elle avait désigné sa fille
comme son héritière parce qu’elle était proche d’elle, respectait tout le monde elle était
initiée au Boho et était connue de tous les hommes et femmes du village, elle vivait auprès
d’elle, elle avait une complicité infaillible, elle demandait toujours l’avis de sa fille avant de
donner sa position. Ensuite parce que les autres filles étaient toutes parties en mariage,
d’autres en ville à la recherche du travail et des meilleurs conditions de vie.

Aussi parce que cette dernière était mariée dans la même ville qu’elle a Mimongo donc elle
avait tout le temps de communiquer avec elle et lui transmettre le savoir nécessaire. A chaque
fois qu’elle était invitée pour une cérémonie dans un quartier ou un village voisin, elle était
toujours accompagnée de sa fille. Donc elle faisait partie de son école. Son héritage était
constitué essentiellement de bétail ; de plusieurs maisons ; des parcelles de forêt qu’elle avait
héritées de ses parents. Hormis cet héritage matériel et physique, elle détenait des secrets liés
à l’initiation mais aussi, elle connaissait la généalogie de chaque famille qui réside à Mikodi.
Avant de mourir, elle disait ouvertement « Si je meurs comme aujourd’hui et que les enfants
décident d’organiser une cérémonie de Boho en mon honneur, je veux que ma fille Moghoa
puisse être la prêtresse de ma cérémonie ». Non seulement elle l’avait dit mais également elle
s’était confiée à Ekamo le khôkhô (petit fils) qui se chargerait de l’inhumer.
Comment et pourquoi ?

Elle avait choisi son successeur lors des différentes cérémonies que cette dernière officiait car
avant de la nommer comme son successeur légitime, elle l’avait d’abord fait nommer
plusieurs fois, Tchéndé ; Ghébègha lors des cérémonies d’initiation au Boho des jeunes filles
du village, lors des cérémonies de retrait de deuil. Vu toutes ces prestations elle était rassurée
que la succession sera bien faite par cette dernière.
Chapitre IV: Le processus de transmission du pouvoir culturel et intronisation du successeur.

1-Pourquoi « Nkoumou-a-Ebenga » est-elle au-dessus des autres femmes ?

Chez les « Mitsogo », le savoir de l’initiation au « Boho » est détenu par les personnes
initiées. Au moment qu’elle se retire du lieu où se déroule le rite « Boho » pour rejoindre son
lieu de retraite, les candidates à l’initiation « Boho » doivent éviter de fixer le regard de
« Nkoumou-a-Ebenga » pour éviter d’offenser l’autorité de leur prêtresse et montrer qu’au
niveau de l’initiation elles ne sont que des novices. Au cas où il arrivait que l'une des
Bassendés fixe cette dernière, elle doit payer une forte amende. Cela peut être un mouton
accompagné d’autres types de présents.

Elle est la marraine spirituelle des Bassendés (novices) c'est elle qui a la charge de les éduquer
et d’inculquer les valeurs culturelles du « Boho » tout en leur dictant, les lois qui régissent
l'initiation mais aussi les lois traditionnelles qui organisent la société « Mitsogo » en
particulier.

« Nkoumou-a-Ebenga », enseigne, les novices comment il faut faire pour organiser une
cérémonie de « Boho », prodigue des conseils et prescrit les interdits tels que ne pas faire des
rapports sexuels avant d’aller danser au « Boho ». Cet interdit épargne les danseuses du
« Boho » des accidents que l’on enregistre pendant les cérémonies d’initiations ou de
réjouissance.

Parmi les doyennes du « Boho », « Nkoumou-a-Ebenga » est au cœur de la conservation, la


perpétuation et la transmission de la connaissance du « Boho » aux autres femmes. D’après
Raponda Walker84 : « Celle-ci est ordinairement une vieille femme de soixante à soixante-dix-
ans. C’est elle qui règle l’heure des exercices de chant et de danse, ainsi que des repas et du
coucher ». Elle est en plus chargée avec les doyennes (vieilles personnes qui maîtrisent les
secrets du « Boho »), de présenter aux nouvelles initiées l'esprit « Bopéza »85.

Quand elle sort pour danser, les autres femmes notamment les doyennes et les « Tchéndé »
86
débarrassent la saleté qui se trouve sur son passage.

84
A. Raponda-Walker, Au pays des Ishogo, simple récit de voyage, in Messager du St. Esprit, op.cit., p. 8.
85
« Bopéza », masque de femme au « Boho ».
86
« Tchendés », la femme qui accompagne la prêtresse au rite Boho lors de l’initiation chez les femmes.
Avant que les filles ne puissent sortir danser, la « Nkoumou-a-Ebenga » sort de sa retraite
pour aller piétiner les postulantes parce qu’elle marque non seulement sa présence mais
également son autorité auprès des novices lors de leur initiation au « Boho » à travers le rite
diéta ghéboko diéta87. En effet, sans elle la cérémonie n'aura pas lieu.

Pendant la cérémonie, elle est logée sur un lit particulier où elle est nourrit choyée, lavée par
les autres femmes. Elle fait l'objet d'une attention particulière car c'est elle qui est la première
responsable des filles qui s'initient.

En effet, si elle tombe dans la cour d'un village elle doit être relevée par les femmes qui la
couvrent de pagnes ; d'un mouton ou par des marchandises.

En effet, l’honneur de « Nkoumou-a-Ebenga » a été sali par le faite qu'elle soit tombée.
« Nkoumou-a-Ebenga » est une femme sacrée dans la société « Mitsogo ». Cette marchandise
doit être donnée aux hommes afin de laver son autorité qui a été souillée.

Elle est chargée de confectionner les baguettes de « Mibango» (Goélettes) qui protègent
l'ensemble des personnes qui assistent à l'organisation du rite « Boho ». Car elle a le pouvoir
de déjouer les attaques sorcellaires lancées par les sorciers. Elle veille sur tout le monde.

C'est la seule, femme qui a des gardes corps pendant la cérémonie. Elle est maquillée avec de
la sciure du padouck et de l'argile blanche mais aussi du charbon. Symbole de distinction
entre la prêtresse et les autres femmes que l’on retrouve à la cérémonie. Cela marque aussi la
beauté et la pureté de la prêtresse lors du « Boho ». En effet, lorsqu’il y a le « Boho » les
assistantes au rite « Boho » doivent être pures. Cette pureté doit commencer par la prêtresse.
En effet, pour assister à une cérémonie de « Boho » il faut être pur. Etre impure c’est attirer au
sein de la cérémonie des accidents tels que les fractures des organes du corps ou les accidents
mortels.

Elle décide du lieu où on implante le Mossoumba88. Son implantation se fait généralement à la


lisière du village.

87
Diéta Ghéboko diéta : Selon notre interlocutrice Miondjo Jeannette, diéta ghéboko est un morceau de rite de
danse qui permet à « Nkoumou-a-Ebenga » de piétiner les postulantes à l’initiation « Boho ».
Ce rite permet a « Nkoumou-a-Ebenga » de voir si les bassendés sont soumisses. Au-delà de la soumission
« Nkoumou-a-Ebenga » montre aux candidates a l’initiation que tout être humain est appelé à mourir.
88
Mossoumba : hutte d’initiation au Boho.
Elle partage l'argent issue de la cérémonie lors de la sortie des filles initiées parce qu’elle
donne les consignes sur l’utilisation de ces pièces de monnaie. Elles symbolisent la richesse
prochaine des novices.

Elle consomme le premier crabe et les plus gros crabes issus du rite « tchopagha ka’a »
attraper les crabes. Parce qu’elle est la prêtresse de la cérémonie. Cette étape consistant à
attraper les crabes est un rite de passage qui permet au novice de montrer sa bravoure de
femme auprès des autres femmes. Chez les femmes « Mitsogo », la consommation des plus
gros crabes par la prêtresse du « Boho » permet à cette dernière d’asseoir son autorité vis-à-
vis des autres femmes mais aussi un aide-mémoire pour la « Nkoumou-a-Ebenga » pour lui
permettre de se souvenir de toutes les connaissances liées au « Boho ».

La « Nkoumou-a-Ebenga » garde d’un côté les secrets des hommes et de l'autre les secrets des
femmes. En effet, son statut de « Nkoumou-a-Ebenga » lui permet d’avoir accès à des
informations secrètes qui régulent la communauté « Mitsogo» que d’autres femmes ne
peuvent détenir. Elle occupe une place de choix chez les femmes.

A sa mort, on organise le Bwété qui est un rite masculin parce qu’elle est une femme
exceptionnelle dans la communauté car elle détient des secrets que certaines femmes initiées
au « Boho » ne connaissent mais surtout parce qu’elle détient certains secrets chez les
hommes. Parce qu’une femme de son niveau doit être capable d’intervenir aussi bien dans la
société des femmes que dans la société des hommes. En effet, la société initiatique des
hommes exige la présence d’une femme. Cela permet de mettre l’équilibre dans l’initiation. Il
faut bien que les deux sexes (féminin et masculin) soient représentés afin d’éviter de s’accuser
mutuellement de sorcellerie.

2-Le pouvoir culturel d’une Nkoumou-a-Ebenga dans le Boho.

Pierre Bonte et Michel Izard89 affirment : « les premiers anthropologues ne pouvaient


manquer de s’interroger sur l’origine du pouvoir. Leurs analyses ont porté sur les conditions
d’apparition de figures emblématiques plutôt que d’institutions, le « magicien » ou le guerrier
préfigurant le « chef » et le « roi ». Les thèses de l’origine magico religieuse ou militaire du
pouvoir n’en concernaient pas moins leur objet, si l’on considère les affinités
qu’entretiennent l’une avec l’autre la relation rituelle au surnaturel et l’adhésion qu’elle
implique, d’une part, la guerre et la violence, d’autre part».

89
P. Bonte et M. Izard, op.cit., p. 385.
De même Georges Simmel suggère aux observateurs de distinguer le contenu des relations
entre les acteurs sociaux et les formes qu’elles revêtent.

Le conseil nous semble bienvenu car les critiques sociaux et parfois les anthropologues de
profession usent avec abondance du terme « pouvoir » sans prendre soin de préciser. La
présence des animaux symboliques à l’organisation du retrait de deuil du Nkoumou-a-Ebenga
permet à la communauté des femmes de montrer aux autres membres de la société que
Nkoumou-a-Ebenga est bien différente des autres femmes car les rites organisés lors de son
retrait de deuil diffères de ceux organisés pour le décès d’une femme initiée mais n’ayant pas
été intronisée Nkoumou-a-Ebenga. C’est pourquoi le retrait de deuil d’une Nkoumou-a-
Ebenga fait intervenir l’introduction d’un rite masculin lors de son retrait de deuil à savoir
l’organisation d’un Bwété. Ce pouvoir culturel de la Nkoumou-a-Ebenga lors du Boho est
visible aussi par l’introduction de la danse de l’éléphant qui écrase tout sur son passage. En
réalité la Nkoumou-a-Ebenga est comparée à l’éléphant lors du rite Ghésamba qui n’est autre
que la matérialisation du pouvoir de la défunte auprès des autres femmes, mais aussi au sein
de la communauté car durant son existence elle jouissait du pouvoir culturel auprès des autres
femmes à savoir : la détention des connaissances traditionnelles du Boho, le pouvoir de la
parole, le pouvoir de la fabrication des amulettes de protection non seulement des novices au
Boho mais également les assistants au Boho. Il ajoute bien sur son autorité au niveau de
l’initiation des novices au Boho. Chez les Mitsogo, l’éléphant est perçu comme un animal
imposant du point de vue de la forme mais également comme un excellent protecteur contre
les mauvais esprits parmi les animaux à pattes. La Nkoumou-a-Ebenga est comparée a cet
animal parce qu’elle est importante dans la société Mitsogo.

Pour les femmes Mitsogo, l’éléphant étant l’un des plus gros des animaux, l’un des plus
rapides est considéré aussi comme l’animal qui est source de vie et de sagesse.

Ainsi, Nkoumou-a-Ebenga étant la propriétaire du rite Boho est comparée à cet animal afin
de la rendre hommage. C’est pour ces raisons que la Nkoumou-a-Ebenga est comparée à
l’éléphant parce qu’elle est une grande personnalité dans la communauté et quand elle meurt,
les Hommes ont l’obligation de lui rendre l’hommage qu’elle m’hérite. De même, le pouvoir
de Nkoumou-à-Ebenga s’élargit dans la société initiatique des hommes notamment au Bwété
car elle fait partie des personnes, détentrices du savoir « lourd » ou « profond » qui n’est
guère connu des masses. Pendant l’initiation des novices hommes, elle est consultée pour
donner son avis et bénir les candidats à l’initiation.
Elle demeure l’apanage des aristocrates de la connaissance, maître de la parole. Ainsi, à sa
mort, les hommes initiés sont obligés d’organiser un Bwété en hommage à celle qu’ils
appelaient le propriétaire des rites initiatiques chez les Mitsogo, pour manifester leur solidarité
à la doyenne de Boho et montrer aux profanes combien de fois la prêtresse du Boho est
indispensable dans la communauté malgré qu’elle soit une femme.

En effet, à la mort de cette dernière, les femmes se mobilisent afin de rendre un hommage à
Nkoumou-a-Ebenga car elle est la mère spirituelle des filles qui s’initient sous sa tutelle et
qu’à sa mort les femmes sont obligées de lui rendre un dernier hommage en initiant des jeunes
femmes. Son pouvoir ne se limite pas seulement à l’imitation de l’éléphant symbole de
pouvoir dans la société Mitsogo encore moins à l’organisation de Bwété dans un rite féminin.
Son pouvoir va au-delà de la symbolique. Il traverse les frontières des rites féminins pour se
retrouver dans les rites masculins dont-elle détient certains secrets. En effet, elle joue un rôle
de premier plan dans la réussite des initiations aussi bien des filles que des hommes dans la
société Mitsogo. Elle est parmi les premières personnes qui viennent bénir le corps de garde et
les néophytes hommes lors de leurs initiations. Chez les femmes, Nkoumou-a-Ebenga
transmet les connaissances du Boho aussi aux anciennes initiées comme aux novices. Elle est
un véritable trésor culturel de la société Mitsogo où chaque femme initiée peut aller se
procurer la connaissance sur le Boho. Quant aux interférences survenues lors des cérémonies
du Boho, elle est chargée de les régler. Sans sa présence au Boho, la cérémonie n’aura pas
lieu. En effet, elle est la véritable matrone du rite Boho parce qu’elle sait comment il faut faire
pour protéger les novices contre les attaques des sorciers. Elle a le dernier mot lors des
initiations et lors des retraits de deuil. Mais aussi elle est chargée de nommer les femmes qui
vont amener le Boho au village y compris celles qui vont transporter les Mikoussa de la forêt
au village et du village vers la forêt. Chez les femmes initiées au Boho, elle est la femme la
plus crainte. En effet, elle est autorisée à danser avec une machette bêche. Lorsque la
prêtresse sort pour danser, elle est accompagnée de deux femmes, une Ghébèghâââ et l’autre
Tchéndé.

Ces deux femmes sont chargées d’assurer la sécurité de la prêtresse de Boho. A chaque fois
que cette dernière sort de son lieu de retraite. Ces deux femmes nettoient son passage. Il est de
même pour les Bassendés qui ont une interdiction formelle de la regarder dans les yeux.
Avant de rentrer à son lieu de retraite, elle piétine les novices symbole de prêtresse qui
marche sur ses sujets.
Quand il s’agit de partager l’argent reçu lors de la danse Gnémbèt, c’est elle qui distribue aux
autres femmes. Ainsi, comme l’affirme Julien Bonhomme90 : « Elle ne se livre à aucun travail
ménager et peut se plaindre sans cesse à propos de la propriété qui laisse à désirer, telle une
maîtresse de maison européenne qui admoneste ses boys africains on lui affecte en effet des
domestiques et un « aide de camp ».

En somme, Nkoumou-a-Ebenga est une femme indispensable dans le rite Boho.

En effet, elle oriente les novices, règles les problèmes lors des initiations, interdit et donne
l’ordre d’exécuter ou non un rite, incarne l’autorité culturelle chez les initiées ou non initiées
dans la société Mitsogo. Elle est incontournable dans les prises de décision au niveau des rites
initiatique Boho. Aussi dans les rites masculins Mitsogo où elle intervient. Par le fait qu’elle
détient plus que quiconque le savoir lié au Boho, Nkoumou-a-Ebenga à travers cette
connaissance à le pouvoir dans la société initiatique Boho. Dans le Boho, Nkoumou-a-Ebenga
est l’une des femmes qui détient la connaissance liée au Boho. En effet, c’est elle qui fabrique
les baguettes chargées de pouvoir qui permettent aux initiées d’être protégées contre les
attaques des sorciers. Une ayant le pouvoir du Touraco, qui représente la force et la résistance
lors des luttes sorcellaires et l’autre ayant la plume de la pintade qui symbolise d’une part la
malice, la rapidité, le camouflage afin d’échapper aux attaques sorcellaires et d’autre part qui
est le symbole de la beauté. En plus, elle détient les secrets du Boho dans ses profondeurs les
plus absolues aussi bien les secrets de l’initiation que les secrets de l’organisation de
l’implantation des Mikoussa et le retrait de ces derniers de la maison du deuil. Elle officie la
veillée et détient l’histoire de chaque initiée au Boho.

Aussi Nkoumou-a-Ebenga est invitée dans toutes les cérémonies qui se déroulent dans son
propre village, mais aussi dans les villages voisins parce que sans elle la cérémonie ne peut
avoir lieu. C’est elle qui connaît les éléments qui constituent le Boho. Nkoumou-a-Ebenga
est une femme influente parce qu’elle détient plus de connaissances que les autres femmes du
Boho.

Il sied de retenir que Nkoumou-a-Ebenga est une mère spirituelle de toute femme initiée au
Boho. Elle protège les initiées et les non initiées parce qu’elle est détentrice des secrets du
Boho et de sa connaissance.

90
J. Bonhomme, op.cit., p.75.
3-Intronisation du successeur.

Les femmes Mitsogo initiées au Boho organisent des rites qui permettent à la communauté des
initiées de se séparer définitivement avec la défunte Nkoumou-a-Ebenga le jour de son retrait
de deuil. Parmi ces rites, il y a le Ngoyi, les femmes se mettent à danser dans la cour de la
maison de la défunte. Ces dernières imitent la défunte et son mari tout au long de ce rite. Elles
sont maquillées sur tout le corps par le kaolin blanc, symbole de la séparation de la défunte
entre le monde des vivants et celui des morts, qui est source de force, de pureté et de victoire
face à la mort. En d’autres termes, les initiées, par cet acte, orientent la défunte vers le monde
des esprits. A cela s’ajoute l’organisation du Bodinga, moment où la défunte fait ses adieux
aux parents mais aussi aux initiées par le biais du gaspillage des régimes de bananes et de la
viande fraîche de l’antilope.

Les parents versent une importante quantité de boisson entre autres les liqueurs et du vin
rouge. Mais aussi ils déchirent les tissus de pièces pagnes achetés dans les magasins pour
signifier leur séparation avec la défunte qui selon eux ne la reverront plus et ne bénéficieront
plus des biens de ses petits-fils. Les parents coupent la canne en deux morceaux, un morceau
est acheminé vers la forêt sacrée. C’est le corps périssable de la défunte que l’on a enlevé
définitivement de la communauté des vivants pour l’orienter vers un autre monde. L’autre
morceau qui reste au village est remis à la nouvelle prêtresse symbole de son héritage qui
désormais détiendra le pouvoir lors des cérémonies et de la vie quotidienne. Pendant
l’exécution du Bodinga, et le Ghésamba, les femmes imitent l’éléphant dans la destruction de
la nourriture présentée par la famille à la communauté des femmes initiées au Boho. Cette
destruction symbolique permet à la famille et aux femmes initiées d’honorer la défunte mais
aussi de se séparer d’elle. C’est pour cette raison que Jean Ziegler91 affirme : « la défunte est
ainsi définitivement délivrée de toute matérialité de toute incarnation sur terre. Elle peut s’en
aller librement vers ses origines».

De même, la séparation avec la défunte Nkoumou-a-Ebenga se fait grâce à la consommation


de la viande et des doigts de banane grillée par les femmes initiées lors du rite Mitsandza. Ce
qui permet à la défunte de quitter le monde des vivants pour accéder au monde des morts. Les
femmes préparent la défunte à connaître désormais la sécheresse car elle n’aura jamais
l’occasion d’allumer un feu pour cuir ses aliments.

91
J. Ziegler, les morts et les vivants, essai, Paris, Seuil, 1975, p. 69.
Cette séparation définitive est marquée aussi par la remise de Ghézagha92 qui est l’esprit de la
défunte ramené au village et destiné à se régénérer et se réincarner chez l’une des filles
nouvellement initiée au Boho. En plus, les femmes chantent le Boyoyi qui est un chant
d’adieu, de séparation entre le mort et la communauté des initiées. Ce chant d’adieu est
accompagné de trois coups de fusil de type calibre douze qui marquent le départ définitif de la
défunte vers ses ancêtres. Le masque qui accompagne ce rite est appelé Nkoumou-a-Ebenga
ama-nanga-na-tchenguè93. Le masque défait à son tour le Mokoussa94 planté au corps de
garde et l’emmène en forêt, loin des regards des profanes et proche de celui des initiés.
Comme l’affirme Jean Ziegler95 : « Les cérémonies funéraires précèdent l’acte public de
l’adieu et sont accessibles, qu’aux initiées, plus précisément à chaque degré de la hiérarchie
du savoir et de la fonction sacerdotale correspondent un geste, un acte, une visualisation
particulière».

Ainsi, seuls les initiés aux différents rites masculins et féminins chez les Mitsogo peuvent
décoder le message livré par cet esprit qui se trouve à la lisière du village. C’est ainsi que
Julien Bonhomme96 affirme : « Le contact avec les Mighondji peut néanmoins être dangereux
pour les non-initiés. Ils apparaissent à la lisière du village tandis que l’assistance reste
massée près du corps de garde. Lorsqu’ils s’approchent trop, cela entraîne la débandade des
femmes et des enfants. Ce mélange de crainte, d’amusement et d’excitation, fait du spectacle
une occasion à ne pas manquer pour les présents à la cérémonie d’adieu à la défunte». Louis
Vincent Thomas97, ajoute pour sa part que pour la plupart des africains, la mort ne soit pas
vraiment la négation de la vie, mais plutôt une mutation, un changement d’état pouvant
comporter une destruction relative qui porterait plus spécialement sur l’aspect matériel.

Tout se passe comme si le groupe social minimise l’aspect annihilant de la mort et par un jeu
de croyances optimistes la présence de la défunte.

C’est pourquoi la mort, entant que fait social rapproche deux dimensions du temps à la fois,
opposées et complémentaires : le temps éternel (Grand temps, dont parle Mircea Eliade98),

92
Ghézagha, bouture de la canne à sucre.
93
Nkoumou-a-Ebenga ama-nanga-na- Tchenguè, la prêtresse va se balader avec le monde.
94
Mokoussa, Costus lucasianusianus
95
J. Ziegler, les morts et les vivants, Essai, Points édition du seuil paris, 1975, p.171.
96
J. Bonhomme, Masque Chirac et danse De Gaulle, images rituelles du Blanc au Gabon, revues, org, n°11,
pp.81-98, 2010.
97
L.V. Thomas, Mort et Pouvoir, Paris, Payot, 1978, p. 56.
98
M. Eliade, « le Sacré et le Profane », In revue Française de Sociologie, Vol-8, N° 1, 1967, p.27.
puisque tout se passe comme si la collectivité se voudrait éternelle, puis le temps concret qui
est rupture, à la fois imprévisible et usure, en l’occurrence le temps où s’installe la mort. Le
temps mythique de la pyramide des êtres qui se veut immuable comme l’être de Dieu, le
temps existentiel, l’existence individuelle. Enfin le temps dialectique, domaine du symbole
dont dépend la réaction du groupe contre la mort individualisant et que les diverses
cérémonies mortuaires s’efforcent d’expliciter. En conséquence, la mort du point de la
conscience collective est un fait social qui occasionne le désordre qu’il faut immédiatement
réorganiser la société, afin que la société retrouve son ordre habituel.

Pour clore cette partie, il sied de reconnaître que l’exode rural, l’arrivée d’autres formes de
socialisation telles que l’école et les religions chrétiennes ont entrainé des effets collatéraux
dans l’initiation au rite Boho chez les femmes Mitsogo. En effet, de nos jours, l’initiation au
Boho tant à connaître un déclin aussi bien dans les villages que dans les villes.

Désormais, l’initiation au Boho qui était le seul moyen d’accès à la connaissance de la société
Mitsogo se voit concurrencer par d’autres formes d’apprentissage chez la femme à savoir
l’école cause de l’introduction du savoir occidental. Ainsi, les parents préfèrent scolariser
leurs enfants à l’école occidentale afin d’accroître leur pouvoir économique et assurer leur
relève.

C’est ainsi que le Boho n’est plus que l’ombre de lui-même. Pour éviter la mort éventuel du
Boho, les femmes Mitsogo doivent réadapter ce rite au contexte actuel et s’adapter au
modernisme parce qu’aucune société ne peut rester statique de nos jours si l’on croit à
Georges Balandier. Cette adaptation permettra une bonne pérennisation des savoirs
ancestraux. Ce qui permettra de pérenniser les valeurs culturelles Mitsogo et d’autre part
s’ouvrir aux autres formes d’éducation pour s’adapter aux nouveaux contextes pour ne pas
rester en marge de la mondialisation. Cela permettra à la communauté de mieux comprendre
l’école occidentale pour mieux assoir leur culture. Aussi, Nkoumou-a-Ebenga est une femme
respectée dans la société initiatique Mitsogo parce qu’elle incarne une autorité culturelle. Elle
est chargée de l’éducation des novices et du maintien de l’ordre et de la stabilité sociale.

Elle donne la connaissance aux initiées Boho. Elle oriente les femmes lors de leur initiation.
Elle interdit et ordonne la reprise des rites. Nkoumou-a-Ebenga est une véritable pourvoyeuse
des connaissances traditionnelles. Le transfert de pouvoir d’une Nkoumou-a-Ebenga à une
autre peut se faire pendant l’organisation du retrait deuil mais aussi lors des initiations des
filles au Boho.
Conclusion

Le retrait de deuil d’une prêtresse de Boho chez les Femmes Mitsogo de Mimongo nous a
permis de formuler la question de départ qui est la suivante: Pourquoi les femmes Mitsogo
organisent-elles le retrait de deuil d’une Nkoumou-a-Ebenga avec l’introduction des rites
masculin ? La réponse à cette interrogation passe par l’hypothèse suivante : Les femmes
Mitsogo, organisent le retrait de deuil d’une Nkoumou-a-Ebenga avec l’introduction des rites
masculins pour transmettre à la nouvelle Nkoumou-a-Ebenga le patrimoine culturel que
détenait la précédente ; mais également pour que cette institution continue à fonctionner telle
que les anciennes l’ont laissé. Cette organisation des rites comme l’affirme Julien
Bonhomme99 permet de : « normaliser les relations entre les vivants et les morts ». En effet,
Nicolas Metegué N’nah100 pour sa part affirme: « Mort, l’homme est considéré encore plus
puissant, puisque son âme, immortelle, part séjourner pour toujours dans un monde invisible
mais proche de celui des vivants dans lequel elle intervenait en permanence. » Les femmes
Mitsogo, sont persuadées que tous ceux qui sont morts continuent de côtoyer les vivants et
d’influencer leur destin. Ainsi, la construction de cette hypothèse nous a permis d’adopter la
méthode de l’observation participante mise au point par à Bronislaw Malinowski. Cette
méthode consiste en « l’immersion du chercheur dans la société qu’il entend étudier et
pendant une période assez longue, habituellement une à deux années.»101. C’est pourquoi le
chercheur, tâche alors de s’immiscer, autant que faire se peut, dans la vie de ce groupe afin de
rendre sa présence le moins dérangeante possible. En tant que méthode de recherche,
l’observation participante est donc nécessairement dirigée vers les ensembles sociaux
numériquement réduits et relativement stables. Cette méthode nous a permis d’observer de
plus près les funérailles d’une prêtresse de Boho qui permettent aux initiés de se séparer
définitivement de l’esprit de celle-ci. Mais aussi d’observer la transmission du pouvoir qui
passe par la remise des objets symboliques et culturels à la nouvelle Nkoumou-a-Ebenga de
jour comme de nuit, pendant l’initiation des novices au Boho.

99
J. Bonhomme et M. Cros, Déjouer la mort en Afrique : Or, Orphelins, Fantômes, trophées et fétiche, Paris,
L’Harmattan, 2008, p65.
100
N. Metegue N’nah, Histoire du Gabon, Des origines à l’aube du XXe siècle, Paris, L’Harmattan, 2006, p. 46.
101
R. Deliège, Une histoire de l’anthropologie. Ecoles, auteurs, théories, Paris, Seuil, 2013. p. 186.
Nous avons aussi collecté les données liées à notre objet d’étude. Le terrain révèle en effet, les
concepts opératoires Femme et Boho que nous avons analysés au cours de notre travail. Mais
aussi des étapes liturgiques du processus du retrait deuil à savoir :

Nettoyage des cimetières ; l’organisation du rite Eagho (cérémonie de bénédiction


religieuse) ; l’organisation des Makonga ; l’initiation des novices au Boho ; l’organisation du
Bwiti ; la sortie des novices au Boho ; le retrait des Mikoussa et du retrait du pagne noire et
enfin le Bodinga.

Cette démarche nous a permis de savoir le rôle de l’initiation au Boho et la place qu’occupe la
Nkoumou-a-Ebenga lors de cette initiation.

Pour ce qui est du Boho, il sert à connaître les rouages de la tradition, c'est-à-dire la
connaissance du monde des initiées que la Nkoumou-a-Ebenga dispense aux autres femmes.

Cette initiation sert à perpétuer le patrimoine culturel légué par les anciens pour le transmettre
aux femmes nouvellement initiées et le pouvoir de Nkoumou-a-Ebenga entant qu’institution
qui se transmet de génération en génération.

L’initiation des filles au Boho met l’ordre dans la vie de la femme. Elle sanctionne son
mauvais comportement dans la société. Alors, la femme initiée au Boho a appris, l’amour du
prochain sous toutes ses formes : physique, maternel et conjugal.

L’adhésion à cette institution permet à ses adeptes de respecter les règles de vie établies dans
la société. Une femme initiée au Boho respecte la ligne de conduite édictée dans la
communauté. Car dans cette société il n’est pas souvent rare de voir des femmes mal se
comporter ignorant que chaque société à ses règles qu’il faut respecter.

Encore, le Boho favorise les échanges sur le plan politique, économique et social. Il permet à
l’initiée de s’approprier son histoire et celle de sa communauté.

Le Boho est une école des femmes où elles apprennent comment il faut vivre en société et
comment chaque femme doit tenir un foyer.

L’initiation au Boho permet de reconnaître les faibles et les forts, les courageuses et moins
courageuses.
Le Boho est aussi un lieu de réjouissance.

De même la femme Nkoumou-a-Ebenga joue un rôle très important au cours des initiations
des filles au Boho, entre autres leur protection par la fabrication des baguettes qui protègent
non seulement les novices au Boho mais aussi les assistants à la cérémonie du Boho.

Par l’étude du retrait de deuil de la Nkoumou-a-Ebenga, nous nous rendons compte que la
société Boho est stratifiée. En effet, dans le Boho nous retrouvons la Nkoumou-a-Ebenga,
prêtresse qui détient le savoir lourd du rite. Les Tchendés, chargées de la sécurité de la
Nkoumou-a-Ebenga, lors de ses sorties. Les Amenga-menga, doyennes, détiennent le savoir
ésotérique ; Les Miomba, celles qui animent le Boho et enfin les Bassendés, les candidates à
l’initiation. Toutes ces femmes sont sous la protection de la Nkoumou-a-Ebenga qui veille de
nuit comme de jour à leur sécurité, car elle a la responsabilité de les protéger et de la
socialisation de ses membres dans cette institution.

Aussi à travers l’organisation du retrait de deuil d’une Nkoumou-a-Ebenga, nous nous


rendons compte que la répartition des rites selon les sexes en milieu Mitsogo n’est qu’une
répartition formelle en ce sens que l’organisation du retrait de deuil d’une Nkoumou-a-Ebenga
permet de dévoiler l’organisation sociale de la société Mitsogo. Finalement à un certain
niveau d’initiation dans la culture Mitsogo, les détenteurs du savoir culturel aussi bien chez
les femmes que chez les hommes se retrouvent. Nous avons donc l’impression qu’on
disqualifie ceux qui n’ont pas encore atteint le niveau de l’initiation le plus élevé. Le rite des
jumeaux (Ghéombo) peut mieux nous renseigner sur le rôle de la mère jumeaux, qui une fois a
connu quelques secrets du Bwiti est astreinte à rejoindre la société masculine.

Les quelques lignes que nous venons de poser sur ce mémoire de Master n’épuisent pas la
richesse de notre objet d’étude, ni les divers aspects qu’il peut revêtir dans sa complexité.

Néanmoins, le lecteur curieux, l’Homme épris de science et surtout l’anthropologue trouvera


là quelques bribes de connaissances de la société Mitsogo grâce à l’étude du retrait de deuil de
la Nkoumou-a-Ebenga, prêtresse du Boho que nous avons effectuée pour la fin de notre
formation de master recherche en anthropologie.
Bibliographie :

Ouvrages

Angoué Claudine Augée, Pour une anthropologie du pouvoir au Gabon. La dialectique du


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Articles

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Mémoire

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Rapports de Licence

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Autres documents

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Sources orales

Hommes

Madouma Jean Pierre, clan Motoka, 53 ans, pko8 (Libreville), 2016.

Madouma Maxime, clan Ndjobèt, 40 ans (Pk12), Libreville, 2016.

Massendé Ogondo Paul, clan Ndjobèt, 57ans, Ekémbélé (Mimongo), 2016.

Pango Fidèle, clan Poghéo, 67 ans, Mikodi (Mimongo), 2016.

Femmes

Gnangué Hortense, clan Ndjobèt, 47 ans, Ekémbélé (Mimongo), 2016.

Kassa Yolande, clan Poghéo, 53 ans, Mikodi (Mimongo), 2016.

Komba Hortense, clan Ossembé, 53 ans, Yéno (Mimongo), 2016.


Mbamba Kouta Iris, clan Poghéo, 25 ans, Mikodi (Mimongo), 2016.

Miondjo Jeannette, clan Ndjobèt, 53 ans, Yéno (Mimongo), 2016.

Modanga Antoinette, clan Ndjobèt, 63 ans Mikodi (Mimongo), 2016.

Modanga Styvia, clan Ndjobèt, 28 ans, Mikodi (Mimongo), 2016.

Modoumbe Pascaline, clan Ossembé, 48 ans, Mikodi (Mimongo), 2016.

Moghoa Clémence, clan Ghazanga, 51 ans, Mikodi (Mimongo), 2016.

Mouyalou Vivino, clan Poghéo, 40 ans, Mikodi (Mimongo), 2016.

Ndokia Odada, clan Ndjobèt, 65 ans, Mikodi (Mimongo), 2016.

Paho Clémentine, clan Moghénin, 56 ans, Mikodi (Mimongo), 2016.


Table des matières

Introduction ……………………………………………………………………….…………...1

Chapitre préliminaire : Les préalables épistémologiques ……………………………………..6

1/ Choix du sujet ………………………………………………………………………………6

2/ Objet d’étude …………………………………………………………………….….………7

3/ Champ théorique ………………………………………………………………….…….....11

4/ Problématique ……………………………………………………………………..………13

5/ Hypothèse……………………………………………………………………………........22

6/ Définition des concepts…………………………………………………………………….22

7/ Construction des concepts …………………………………………………………………32

8/ Approche méthodologique………………………………………………………...……….35

9/ Pré-enquête…………………………………………………………………………….......35

10/ Enquête de terrain ………………………………………………………………………..36

11/ Techniques de collecte et de traitement de données ……………………………….….....38

12/ Limite de l’enquête ………………………………………………………….…………...40

Chapitre I : Présentation de la population dans son milieu ………………………………......43

1/ Migration des Mitsogo ………………………………………………………………….....43

2/ Situation géographique …………………………………………………………………....46

Chapitre II : Description culturelle ……………………………………………...…………...50

1/ Les clans ………………………………………………………………………...…………50

2/ Société et corporations initiatiques ………………………………………………………..52

3/ Pratiques religieuses …………………………………………………………………….…54


4/ L’économie Mitsogo ……………………………………………………………..………..59

Chapitre III : La cérémonie de Boho dans un retrait de deuil de la Nkoumou-a-Ebenga…….61

1/ Nettoyage des tombes ……………………………………………………………………..63

2/ L’organisation d’Eagho …………………………………………………………...……....66

3/ Annonce de l’organisation du retrait de deuil ……………………………………………..69

4/ Organisation de Boho-a-Ovanga (rite de préparation du Boho) …………………………..70

5/ Organisation des Makonga …………………………………………………………..……70

6/ Organisation de Boho à Mikoussa ………………………………………………...………71

7/ Initiation des novices au Boho ……………………………………………………...……..73

8/ Organisation par les initiés : le rituel Enoungou ……………………………………..…...85

9/ Organisation du rite Makonga ……………………………………………………...……..86

10/ Organisation du Boho-a-ghô Moki (Cérémonie du dehors) …………………….………..87

11/ Organisation du rite Ngoyi ………………………………………………………….…....89

12/ Sortie d’un masque féminin portant un panier par les initiés ……………………..……..91

13/ Sortie des novices de l’initiation au Boho puis retrait du pagne noir ……………...….....93

14/ Organisation du Boyoyi …………………………………………………………….…….95

15/ Organisation des Mitchandja ………………………………………………….…………95

16/ Organisation du Bodinga ou le Nzokou…………………………………………..………96

17/ Noto’a Ghémbimbi …………………………………………………………….…………98

18/ Les femmes distribuent par la suite le Ghéambo ……………………………….………..99

19/ Organisation d’Evovoa-a-ghémbenda …………………………………………...………99

Chapitre IV : Processus de transmission du pouvoir culturel et l’intronisation du


successeur…………………………………………………………………………..……….102
1/ Pourquoi « Nkoumou-a-Ebenga » est-elle au-dessus des autres femmes ?........................102

2/ Le pouvoir culturel d’une Nkoumou-a-Ebenga dans le Boho………………………..…..104

3/ L’intronisation du successeur ……………………………………………………..……..107

Conclusion ………………………………………………………………………….………111

Bibliographie ………………………………………………………………………………116

Sources orales………………………………………………………………………….……120
Résumé

Dans ce mémoire de Master recherche, il est question du retrait de deuil d’une femme ayant
occupée la fonction de Nkoumou-a-Ebenga chez les Mitsogo. Nkoumou-a-Ebenga est une
fonction conférée à une doyenne des maîtresses initiées pour succéder à celle dont on organise
le retrait de deuil. Cette intronisation est l’occasion pour une initiation des novices au Boho.
Cette dernière reçoit de la part de A menga-menga (doyennes du Boho et détentrice du savoir
culturel) le patrimoine culturel Boho de son successeur. A sa mort, les femmes Mitsogo
particulièrement celles qui détiennent le savoir lié à l’initiation au Boho organisent celles des
novices pendant le retrait de deuil de la Nkoumou-a-Ebenga. Cette initiation participe au
processus de transmission du patrimoine culturel de la nouvelle Nkoumou-a-Ebenga et permet
de reproduire l’institution sociale Boho tout en construisant un modèle de femme telle que se
le représente la culture Mitsogo. Nous nous intéressons à la transmission du pouvoir culturel à
l’occasion du retrait de deuil d’une Nkoumou-a-Ebenga. Cette transmission du pouvoir
permet à la nouvelle Nkoumou-a-Ebenga d’avoir le contrôle social des rites initiatiques et de
la vie sociale des Mitsogo parallèlement aux hommes.

L’organisation de ces rites permet de normaliser non seulement les rapports entre les vivants
et le mort mais aussi de permettre à l a défunte de se séparer avec l’esprit Boho.

Mots clés : Boho, Femme

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