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Ohadata D-07-41

L’AVANT PROJET D’ACTE UNIFORME OHADA SUR LE DROIT


DES CONTRATS : LES TRIBULATIONS D’UN UNIVERSITAIRE.
Pr. Paul Gérard POUGOUE

UN PEU D’HISTOIRE POUR COMMENCER.

Le 17 Octobre 1993 à Port-Louis, le traité OHADA est signé. Ce dernier a pour


objectif d’harmoniser le droit des affaires dans les Etats parties. Aux termes de son
article 2, « entre dans le domaine du droit des affaires l’ensemble des règles relatives
au droit des sociétés et au statut juridique des commerçants, au recouvrement des
créances, aux sûretés et aux voies d’exécution, au régime du redressement des
entreprises et de la liquidation judiciaire, au droit de l’arbitrage, au droit du travail,
au droit comptable, au droit de la vente et des transports, et tout autre matière que
le Conseil des ministres déciderait, à l’unanimité d’y inclure… »

Le 23 mars 2001 à Bangui, le Conseil des ministres étend le domaine


d’harmonisation au : droit de la concurrence, droit bancaire, droit de la propriété
intellectuelle, droit des sociétés civiles, droit des sociétés coopératives et mutualistes,
droit des contrats, droit de la preuve.

Le 18 février 2002 à Brazzaville, le Conseil des ministres décide de


l’harmonisation du droit des contrats. Pour ce faire, il instruit le Secrétaire Permanent
de l’ OHADA de prendre contact avec l’institut international pour l’unification du droit
privé (UNIDROIT). Le Professeur Marcel Fontaine, expert retenu sur proposition de
UNIDROIT, élabore un avant-projet. Ce dernier est actuellement en examen par les
commissions nationales, première étape dans le processus vers l’adoption des actes
uniformes OHADA.

Le 27 juillet 2007 à Niamey, le Conseil des ministres décide de l’harmonisation


du droit de la preuve, mais dans le cadre de l’harmonisation du droit des contrats.

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Doit donc être envisagé un acte uniforme unique sur le droit des contrats et le droit
de la preuve.

Beaucoup d’égards pour continuer.


Il faut rendre un vibrant hommage au Professeur Marcel Fontaine. Le travail
abattu est considérable et d’une qualité exceptionnelle. Comment cela aurait été
autrement quand on connaît la science et l’autorité de ce dernier !

D’abord, sur le plan méthodologique, le Professeur Marcel Fontaine a sillonné


l’espace OHADA – neuf pays ont été visités – pour sonder l’état du droit des contrats.
L’initiative était heureuse : il fallait vérifier le fonds de culture juridique de l’espace
OHADA, tout en étant attentif aux nuances d’un pays à l’autre ; il fallait évaluer la
modernité et l’attractivité des solutions positives, tout en anticipant sur la réceptivité
de nouvelles normes à proposer ; il fallait rester proche des principes d’UNIDROIT,
tout en tenant compte des spécificités africaines.

Ensuite, sur le plan de fond, l’avant-projet fait œuvre originale sur bien de
points. Il s’agit en premier lieu de ce qu’on peut considérer comme des principes
directeurs modernes et largement partagés en droit comparé des contrats. Les
principes de bonne foi et de loyauté, la prise en compte des attentes légitimes du
cocontractant, le principe de non-discrimination, la possibilité de renégocier le
contrat en cas de bouleversement des circonstances, le principe de résolution
unilatérale pour inexécution essentielle, même si le débat rebondit sur la
procédure… Il s’agit aussi des domaines revisités ou nouveaux : la situation
précontractuelle, les contrats électroniques, la preuve des obligations contractuelles…

Quelques observations pour aller plus loin.

L’avant projet fait l’objet de sérieuses difficultés quant à son aboutissement.


Les commissions nationales le dépouillent péniblement. Il faut rechercher les voies
et moyens de sortir de l’impasse.

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En effet, en dépit des dispositions originales et modernes contenues dans
l’avant – projet, ce dernier laisse son lecteur perplexe. Ainsi les contours ne sont pas
nettement définis. L’avant-projet embrasse trop ou trop peu. Véritablement, prima
facie, apparaît une question de cohérence.

Ce n’est là en réalité que la partie émergente de l’iceberg. Les solutions


proposées prises isolement sont assurément attractives. Mais mises ensemble, elles
dévoilent à peine un fil d’Ariane. On sent péniblement l’âme de l’entreprise ou, plus
fondamentalement, le système juridique qui constitue la toile de fonds à lisser et à
embellir. Franchement, au second degré, pointe une question de référence.

La cohérence (I) et la référence (II) de l’avant-projet sont sujets à caution et


partant font l’objet de nos tribulations

I. La cohérence

L’embarras sur la cohérence d’ensemble arrive très vite. L’hésitation est nette.
A-t-on affaire à un droit commun des contrats en général ou à un droit commun des
contrats commerciaux. Si, et c’est la préférence de l’auteur de l’avant-projet, le
nouvel acte doit s’appliquer à tous les contrats, civils et commerciaux, internes et
internationaux, alors il est incomplet car toutes les questions de la théorie générale
ne sont pas abordées. Par ailleurs, l’option étant faite pour une approche globale, on
peut se demander si l’on ne s’écarte pas trop du domaine d’harmonisation retenu
dans le traité créant l’OHADA.

a) Par rapport à la théorie générale du contrat

La lecture de l’avant-projet montre des hésitations de la part de l’auteur lui-


même.

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La première hésitation est relative au genre de contrat à harmoniser. Fallait-il
aborder tous les contrats, qu’ils soient civils ou commerciaux, internes ou
internationaux, ou s’en tenir aux seuls contrats commerciaux ?

Mais pouvait-on élaborer des règles générales pour les seuls contrats
commerciaux ? La réponse est absolument négative. Il n’est pas possible de
dégager des règles générales applicables les unes aux contrats civils, les autres aux
contrats commerciaux : par exemple, en matière de conditions de fond de formation
du contrat (capacité, consentement, objet, cause, sanction de la violation des
conditions de formation), la force obligatoire du contrat, l’interprétation du contrat.

L’auteur est tout à fait conscient de la délicatesse du problème. Aussi suggère


–t-il que l’acte uniforme sur le droit des contrats soit d’application générale. Mais,
comme toutes les matières relevant de la théorie générale ne sont pas couvertes, il
laisse le soin au législateur de décider si le nouvel acte devient le droit commun des
contrats en général ou s’il ne s’applique qu’aux contrats commerciaux.

Le législateur OHADA aura du mal à trancher. S’il considère que le nouvel


acte s’applique uniquement aux contrats commerciaux c’est incohérent, car, comme
il a été déjà dit, il ne saurait y avoir une théorie générale réservée aux seuls contrats
commerciaux. S’il souhaite que le nouvel acte soit le droit commun des contrats en
général, il faudra alors revenir à la tâche puisque toutes les matières relevant de la
théorie générale ne sont pas couvertes. On le ressent nettement dans l’avant-projet.
Les morceaux choisis ne permettent pas toujours de cerner la cohérence de
l’ensemble. Ainsi, par exemple, l’article 3/3 relatif à l’impossibilité initiale suppose
qu’on ait auparavant définit l’objet du contrat ; la sous-section 4 relative à la durée
du contrat se limite au seul contrat à durée indéterminée, sans allusion aucune au
contrat à durée déterminée ; la section consacrée à la résolution traite des aspects
particuliers et des effets de la résolution, alors même que le droit à la résolution n’est
pas évoqué dans son principe…

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La seconde hésitation de l’auteur est relative précisément aux matières
couvertes. L’auteur indique clairement que son avant-projet ne concerne que les
obligations contractuelles et quelques matières de la théorie générale des
obligations.

La restriction est difficilement soutenable. Il aurait été logique d’étendre la


réforme à la théorie générale des obligations. Et l’on sait que celle-ci embrasse
toutes les questions suivantes :
- les obligations d’après leurs sources : les actes juridiques y compris
l’engagement unilatéral de volonté, le fait juridique ;
- le régime général des obligations, dont les règles ont trait : à la preuve des
obligations ; aux effets généraux des obligations ; aux modalités des
obligations ; à la transmission des obligations ; à la transformation des
obligations ; à l’extinction des obligations.

Toute cette analyse invite à s’interroger sur l’opportunité même d’un acte
uniforme sur le droit des contrats. La question se ressent d’autant plus qu’un tel
acte est assez éloigné du domaine général d’uniformisation du traité de l’OHADA

b) Par rapport au domaine général d’uniformisation du


traité de l’OHADA

Le traité de l’ OHADA a délimité son champ matériel dans son article 2,


comme nous l’avons vu.

Certes, on peut estimer que la liste de l’article 2 est purement indicative et


avoir une conception très large du droit des affaires. Dans cet ordre d’idée, on peut
même soutenir que le domaine de l’OHADA est les activités économiques.

Il faut toutefois avoir raison gardée, car alors toute matière pourrait faire
partie du droit des affaires ou du droit économique. L’OHADA n’a de sens que si l’on
a une conception stricte du droit des affaires. C’est l’esprit du législateur OHADA,

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sinon c’est tout le droit qui sera uniformisé. Et quand on sait la place du contrat
dans la vie juridique quotidienne, comment imaginer un seul instant que tout contrat
puisse entrer dans le schéma mis en place par l’OHADA. Sinon, il y aurait un
abandon général de souveraineté législative et judiciaire. Ce n’est assurément pas le
dessein des pères fondateurs de l’ OHADA. Dans le cadre de l’OHADA,
l’uniformisation recherchée et l’abandon de souveraineté législative et judiciaire
invitent à une compréhension prudente du domaine défini dans le traité fondateur.
Cette double contrainte commande d’exclure totalement la théorie générale du
contrat du domaine d’uniformisation. Autrement, on atteint un degré d’abandon de
souveraineté préjudiciable à la cohérence de l’OHADA et susceptible de
compromettre son avenir, l’espace OHADA n’étant ni une union politique ni une
communauté économique, mais simplement un espace juridique.

La logique de l’OHADA devrait par conséquent amener à s’en tenir aux seuls
contrats commerciaux. Comme une théorie générale des contrats commerciaux n’a
pas de sens, il s’agit de recenser des actes économiques spécifiques dont le régime
juridique sera uniformisé. C’est du reste la démarche qui a été menée par l’OHADA
jusque-là en s’intéressant au contrat de vente commerciale, au bail commercial, au
courtage, à la commission, au contrat de transport de marchandises par route. De
ce point de vue, certains autres contrats spécifiques de la vie des affaires,
singulièrement ceux qui sont le fait des commerçants pour les besoins de leur activité
pourraient retenir l’attention : le contrat de franchise, le contrat de commission
exclusive, tous les contrats relatifs à la production et à la distribution…

En somme, l’option pour un acte uniforme sur le droit des contrats est assez
périlleuse. L’avant-projet met en exergue cette difficulté en n’abordant que
partiellement les questions de théorie générale et n’entrant que très marginalement
dans le domaine d’uniformisation du traité de l’OHADA.

Comme si le trouble jeté ne suffisait pas, une autre option a été faite de se
référer presque exclusivement aux principes d’UNIDROIT pour dégager les règles
générales du droit des contrats. La voie ainsi tracée n’est-elle pas pavée d’embûches

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infranchissables. On ne sent pas l’âme de la réforme proposée. C’est bien là l’autre
objet de nos tribulations.

II. La référence

Conformément aux orientations données par le Conseil des Ministres de


l’OHADA, l’expert s’est abondamment référé aux principes d’UNIDROIT relatifs aux
contrats du commerce international pour concevoir et rédiger l’avant-projet de l’acte
uniforme sur le droit des contrats. Les réalités africaines prises en compte se
limitent à des cisconstances de fait et à des données sociologiques. Or les principes
d’UNIDROIT ne constituent pas un système juridique. C’est un ensemble de
principes, de définitions, qui pourrait ’inspirer la recherche de solution à des points
précis, mais il n’est pas un modèle qui viendrait supplanter globalement un système
juridique donné. C’est bien ce qui s’est passé dans les législations qui se sont
inspirées ces dernières années des principes d’UNIDROIT pour se moderniser : entre
autres l’Allemagne, l’Argentine, la Chine, l’Estonie, la Lituanie, la Russie.

Dans l’espace OHADA, il y a un système juridique de tradition civiliste. C’est


lui qui doit être modernisé avec recours, là où c’est opportun, aux principes
d’UNIDROIT principalement si l’on veut, mais aussi aux solutions des droits étrangers
– notamment ceux qui viennent de réformer leur droit du contrat, par exemple, le
nouveau code civil Néerlandais, le nouveau code civil Suisse, le code civil du Québec
– voire aux initiatives en discussion, notamment les principes de droit européen des
contrats, le projet Catala de reforme du droit français des obligations.

a) Les Principes d’UNIDROIT

La référence de l’avant-projet est le corpus des principes d’UNIDROIT. Tout le


problème se trouve précisément là. Si les principes d’UNIDROIT comportent des
avantages appréciables pour améliorer et moderniser un système juridique, ils ne

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peuvent que très imparfaitement servir de base pour une théorie générale du droit
des contrats à la fois civils et commerciaux, internes et internationaux.

S’agissant en effet des contrats du commerce international, les principes


d’UNIDROIT sont tout à fait indiqués. C’est du reste pour ces types de contrat qu’ils
sont imaginés. Les contrats du commerce international sont plus flexibles que les
contrats nationaux. Du coup, peuvent être conçues pour eux des règles souples. On
a même inventé pour eux ce qu’on appelle la lex mercatoria, véritables usages de
commerce international a-nationaux. Les principes d’UNIDROIT sont de la même
veine. C’est moins une synthèse des différents systèmes juridiques qu’un assemblage
de « principes » adaptés à la pratique du commerce international. Au fil des
années, des sujets nouveaux sont abordés en fonction de l’intérêt qu’ils présentent
pour le commerce international. L’édition de 1994 comportait 120 articles alors que
celle de 2004 en a 185, sans que d’ailleurs toutes les questions soient épuisées.
S’agissant des contrats civils ou même des contrats commerciaux internes, les
principes d’UNIDROIT ne peuvent dès lors être maniés qu’avec prudence. Les
contrats internes relèvent exclusivement du droit national. Les principes
d’UNIDROIT, incompatibles avec ce dernier, ne pourraient pas être retenus. Or, on
le sait, le droit OHADA a avant tout un caractère national, les actes uniformes tenant
lieu de loi dans chaque Etat-partie.

Du coup, l’on perçoit les limites des principes d’UNIDROIT pour une réforme
globale. En voulant les transposer, on court le grave risque d’opérer une réforme qui
ne respecte pas la cohésion de son propre système. 0r, c’est bien la situation avec
l’avant-projet en question.

D’abord, on ne sent pas l’âme de l’avant-projet. La « cause » comme la


« considération » sont écartées, renvoyant ainsi dos à dos les systèmes romano -
germanique et anglo-saxon que l’on rencontre dans l’espace OHADA. C’est vrai que
l’aspect le plus concret est abordé à travers l’illicéité, c’est-à-dire la contrariété aux
bonnes moeurs et à l’ordre public.

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Ensuite l’avant-projet, en dépit de ses originalités, apparaît plus comme un
texte international que national. La même remarque est faite pour l’acte uniforme
relatif au contrat de transport des marchandises par route. Et on se rend compte
déjà combien cet instrument est difficilement applicable au contrat interne de
transport des marchandises par route.

Enfin, l’avant-projet crée une rupture épistémologique dans l’espace OHADA.


Il consacre des règles tout à fait étrangères au droit et aux pratiques judiciaires de
l’espace OHADA : par exemple la lésion qualifiée, la révision judiciaire pour
imprévision, la présomption de solidarité, la cession de dette, l’éviction du juge en
cas de résolution pour inexécution essentielle, pouvoir reconnu au juge de compléter
les contrats incomplets, notamment pour fixer le prix, etc. De même, il est en
disharmonie avec de nombreuses dispositions d’actes uniformes en vigueur. Il en est
ainsi du régime de la vente commerciale dans l’acte uniforme relatif au droit
commercial général. C’est d’autant plus gênant que l’on peut considérer que
certaines solutions de ce régime, à cause de leur abstraction, alimentent la théorie
générale du contrat : la définition de l’offre ; la distinction de deux types d’offre ;
l’engagement unilatéral de volonté ; fait juridique révocable ; l’application aux
contrats entre absents de la théorie ou le système de la réception ; le transfert de la
propriété à la livraison de la chose vendue ; l’instauration de la coopération
contractuelle ; la résolution judiciaire anticipée pour « manquement essentiel » ; la
possibilité pour une partie de demander au juge l’autorisation de différer l’exécution
de ses propres obligations. On trouve de pareilles incompatibilités avec certaines
dispositions de l’acte uniforme portant organisation des sûretés, l’acte uniforme
portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies
d’exécution et l’acte uniforme portant organisation des procédures collectives
d’apurement du passif. L’auteur en est conscient, et, au nom de la coordination,
propose de modifier ces différents actes uniformes en conséquence. Les
modifications sont d’une telle ampleur que l’équilibre du droit OHADA s’en trouve
rompu quant à l’esprit et à la lettre et que toute coordination avec des actes
uniformes en vigueur est quasiment impossible. C’est un ouragan qui entraîne sur
son passage des pans entiers, souvent innovants et appréciés, des actes uniformes

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préexistants et, au-delà, menace, jusque dans ses racines les plus profondes, le
système juridique de l’espace OHADA. Or l’enjeu est de moderniser ce système et
non de transposer à tout prix les principes d’UNIDROIT.

b) Le système juridique de l’espace OHADA

Une autre directive retenue était de tenir compte des réalités africaines. Une telle
directive n’invitait-elle pas, en réalité, à aller au-delà des circonstances de fait comme
l’analphabétisme et à « coller » au système juridique de l’espace OHADA.

L’espace OHADA est très largement de tradition civiliste. Mais comme elle est
susceptible de l’ouvrir au système anglo-saxon par l’admission dans l’OHADA des
pays anglophones, on a pensé que le recours aux principes d’UNIDROIT serait un
compromis. Nous avons vu combien les principes d’UNIDROIT ne forment pas un
droit complet. Surtout, un tel compromis relèverait de l’utopie. En revanche, ce qui
est possible – et l’on l’observe déjà – c’est l’enrichissement réciproque des divers
systèmes juridiques. On assiste à une sorte de métissage juridique, sans pour autant
que chaque système juridique perde son identité propre. L’expérience du
Cameroun, pays bi-juridique à la recherche de l’unification de son droit, est édifiante
à cet égard. La jurisprudence et les réformes récentes montrent une unification
puisant dans la tradition romano - germanique et la tradition anglo-saxonne mais à
dominante civiliste. La pratique notariale se généralise. Les régimes matrimoniaux,
ignorés en principe du système de common law, sont consacrés par la jurisprudence
dans la partie anglophone. L’ « évidence » du common law pénètre le droit de la
preuve dans la partie francophone. Le nouveau code de procédure pénale, sans
renier son passé hérité du code d’instruction criminelle, a renforcé ses sources de
common law.

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L’ouverture est ainsi possible et souhaitable, à condition qu’elle n’ignore pas le
fonds juridique et les pratiques judiciaires de l’espace OHADA. Quoi qu’on dise, une
famille juridique dominante existe dans l’espace OHADA et constitue la spécificité
africaine dont il fallait tenir compte. Elle s’est formée au fil du temps en trois
couches successives. La strate de fond est le système juridique romano-
germanique, ou plus précisément la tradition civiliste à travers le droit français hérité
de la colonisation tel que réinterprété au contact de la culture juridique personnaliste
de l’Afrique noire. La strate intermédiaire est l’ensemble des réformes intervenues
depuis les indépendances dont les innovations ont eu un impact considérable sur la
théorie générale des contrats : le code sénégalais des obligations civiles et
commerciales issu de la loi du 10 juillet 1963, le code civil de Guinée Conakry de
1983, la loi Malienne du 29 août 1987 fixant le régime général des obligations. La
strate supérieure est formée des actes uniformes OHADA en vigueur dont certaines
dispositions, nous l’avons vu, contiennent des éléments intéressants et innovants de
la théorie générale du contrat. Dans la grande famille civiliste, la famille juridique de
l’espace OHADA se déploie avec ses marques propres. Elle prend ses distances avec
le droit français, de telle sorte que tout raisonnement par analogie avec ce dernier
s’avère hasardeux. Dès lors, toute ouverture ne peut être que des greffes des
principes d’UNIDROIT ou des solutions issues des usages internationaux ou des
droits étrangers efficaces et compatibles. C’est du reste la démarche de l’OHADA
jusque-là. Ainsi, la vente commerciale entre professionnels réglementée par l’acte
uniforme relatif au droit commercial général garde son fonds latin, mais le régime est
enrichi par la pratique internationale et certaines solutions de la Convention de
Vienne sur la vente des marchandises.

De façon générale, l’uniformisation du droit des contrats dans l’espace OHADA


ne peut réussir que si elle part de cette spécificité juridique latine, prend en compte
des réformes effectives comme le code sénégalais des obligations civiles et
commerciales, s’ouvre aux principes d’UNIDROIT et aux systèmes étrangers. C’est
une approche de droit comparé et non un problème de substitution d’un système ou
de recours tous azimuts à des principes comme ceux d’UNIDROIT.

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Les contours de la conclusion ressortent nettement.
L’avant-projet, même avec des solutions originales, modernes et attractives
sur certaines questions épineuses, reste globalement insaisissable. Insaisissable
parce qu’il ne précise pas clairement son champ, contrats en général ou contrats
commerciaux seulement, singulièrement internationaux ; insaisissables parce qu’il
embrasse, sans l’épuiser, la théorie générale des contrats. Insaisissable, parce qu’il
déborde largement le domaine strict du droit des affaires. Insaisissable, parce qu’il
est très éloigné de la tradition juridique et des pratiques judiciaires des pays de
l’espace OHADA, alors même que les principes d’UNIDROIT ne constituent pas une
famille juridique pouvant se substituer à tout un système juridique donné.

Il vaudrait mieux abandonner l’initiative même d’un acte uniforme sur le droit
des contrats en faveur d’une des deux démarches suivantes, afin de tirer le meilleur
parti du travail considérable du Professeur Marcel Fontaine.

En premier lieu, il pourrait être très utile d’envisager d’uniformiser, dans le


cadre de l’OHADA, le régime juridique de certains contrats d’affaire, tel que le contrat
de franchise, les contrats de la production et de la distribution, le contrat de
concession exclusive… On serait alors tout à fait en cohérence avec la démarche de
l’OHADA jusque-là. Alors, les principes UNIDROIT pourraient être une précieuse
référence de modernisation.
En second lieu, si uniformiser la théorie générale des obligations ne paraît pas
opportune dans le cadre de l’OHADA, le besoin de la moderniser se fait sentir tout de
même au niveau des différents Etats, même du Sénégal qui dispose déjà d’une loi
interne assez avancée en la matière. Le Conseil des ministres pourrait alors
commander une espèce de loi-type qui, tout en respectant la tradition juridique et les
pratiques judiciaires de l’espace OHADA, serait enrichie des principes d’UNIDROIT,
des modèles -types d’autres organismes, des enseignements du droit comparé.
Cette loi-type serait alors proposée aux Etats de l’OHADA qui pourraient, à leur
convenance, s’en inspirer à de degrés divers pour moderniser leur législation
nationale. Ce qui aurait le grand avantage de moderniser et d’harmoniser, cette fois

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au vrai sens du mot, la théorie générale des contrats dans divers Etats. L’approche
est peu ambitieuse. Mais ce qui est perdu est gagné en réalisme et en efficacité.

On l’aura senti, le devenir de l’OHADA est, in fine, le véritable objet de nos


tribulations. L’OHADA est une belle épopée, il ne faut pas entraver sa chevauchée.
Il faut plutôt canaliser ses randonnées, pour assurer la coexistence pacifique et
dynamique de l’OHADA avec les Etats et autres organisations régionales d’intégration
juridique (OAPI, CIMA, UEMOA, CEMAC notamment) et maintenir l’attractivité de
l’arsenal juridique OHADA.

Pour cela, il faut toujours avoir à l’esprit la conception originelle des pères
fondateurs. L’univers OHADA est un espace juridique spécifique, mais pas une
communauté économique encore moins une union politique. Dès lors l’OHADA n’est
pas une machine à uniformiser tout le droit, mais un outil technique de
modernisation intégrée d’un droit spécial.

Yaoundé, 17 octobre 2007

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