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ENCYCLOPÉDIE MÉDICO-CHIRURGICALE 23-400-D-10

23-400-D-10

Approche psychologique de l’enfant


au cabinet dentaire
S Dajean-Trutaud R é s u m é. – L’expérience dentaire constitue, pour l’enfant, une épreuve plus ou moins
C Fraysse difficile à surmonter. Pour y faire face, il adopte des comportements variables en fonction de
J Guihard son évolution psychique, de sa personnalité, de son environnement et de son histoire.
Parfois, ses attitudes rendent impossibles les soins dentaires, ou limitent leur qualité, donc
leur pérennité. Ces comportements non coopérants peuvent avoir pour origine les peurs-
anxiété, mais aussi révéler des rapports éducatifs, fruits des transformations de la société.
Une approche psychologique adaptée est alors nécessaire. Un certain nombre de
techniques comportementales peuvent venir appuyer la participation de l’enfant aux soins.
Cependant, pour conserver la reconnaissance de l’enfant comme sujet et non comme objet
de soins, une approche plus humaniste que technique semble préférable. Ainsi, le praticien
faisant preuve d’empathie, d’authenticité, usant de ses capacités de communication et
d’écoute peut proposer à l’enfant et à ses parents un contrat de soins. Celui-ci prend en
compte la responsabilité du jeune patient et se présente sous une forme « demande-
promesse » dans laquelle chacune des parties en cause doit tenir ses engagements. Les
termes du contrat s’adaptent aux étapes de l’évolution de l’enfant devenu partenaire. Les
parents sont associés. Une approche empathique contribue à l’établissement d’une relation
praticien-enfant-parents de qualité. Elle rend les soins dentaires plus acceptables pour
l’enfant et lui assure un avenir dentaire favorable.

Introduction La capacité du praticien à reconnaître le jeune patient dans sa dimension de


sujet contribue à la qualité de la prise en charge en y associant une dimension
éthique.
La consultation et les soins en odontologie pédiatrique peuvent poser des
problèmes particuliers dans la mesure où l’enfant, qu’il exprime ou non de la
douleur physique, est, dans la plupart des cas, accompagné dans sa démarche
par un ou des parents, à la fois porteurs de sa demande et de la leur. Praticien, enfant et parents
La démarche vers le chirurgien-dentiste, voire la conduite du traitement
peuvent rencontrer des aléas mettant en cause l’efficacité même des soins. Il est difficile de traiter de façon univoque la question des rapports de l’enfant
L’enfant anxieux, angoissé ou phobique, l’enfant dépressif ou inhibé, l’enfant aux soins dentaires. Tout d’abord, de quel enfant parlons-nous ? De l’enfant
agressif ou réactif peut présenter des comportements complexes à déchiffrer, docile, soumis au désir parental et à sa souffrance ; de l’enfant confiant en
difficiles à gérer. l’adulte ou au contraire rebelle ou encore angoissé ; du jeune enfant ; du
L’évolution sociale, les changements éducatifs tendent à modifier les préadolescent ?
« techniques » d’approche. En effet, si l’on réserve les techniques dites de Dans la plupart de ces cas de figure, trois partenaires sont à considérer : le
contrainte aux situations d’urgence, on s’oriente généralement vers des praticien, l’enfant et ses parents.
approches plus empathiques associant l’écoute et la participation de l’enfant
aux soins.
Il paraît en effet inutile et néfaste de perpétuer l’image archaïque du praticien Praticien
« agressant pour son bien » le patient.
Au redoutable « c’est pour ton bien ! », on préfère une communication centrée Du praticien, on attend son authenticité. Quelle que soit sa personnalité, et
sur des relations du type « demande-promesse » ou « contrat-engagement » chacun sait à quel point elle peut être différente d’un praticien à l’autre, il
qui présentent l’intérêt d’associer le jeune patient à son propre traitement et devra se mettre à l’écoute de son jeune patient, déceler, au-delà de la
lui confèrent un statut et une responsabilité. souffrance et de l’inquiétude, la personnalité plus profonde, voire les
problématiques qui sont susceptibles de se cristalliser autour de la demande
de soins. Un certain nombre de techniques peuvent venir appuyer la
participation de l’enfant à ses propres soins. Des techniques
Sylvie Dajean-Trutaud : Maître de conférences des Universités, praticien hospitalier des
centres de soins, d’enseignement et de recherche dentaires. comportementales basées sur les théories de l’apprentissage existent. Ici, le
Christine Fraysse : Professeur des Universités, praticien hospitalier des centres de soins, chirurgien-dentiste décide des limites du comportement de l’enfant admises
d’enseignement et de recherche dentaires, chef du département de pédodontie. pendant les soins [30] . Ces techniques sont supposées modifier le
Unité de formation et de recherche (UFR) d’odontologie, 1, place Alexis-Ricordeau, BP comportement difficile, non coopérant de l’enfant et l’amener, ainsi, à une
84215, 44042 Nantes cedex 1, France.
Jacques Guihard : Psychologue clinicien, psychanalyste, chargé de cours à l’université de
attitude rendant possibles les traitements dentaires.
Nantes, UFR d’odontologie, UFR des lettres et des sciences humaines, département de Il ne s’agit pas de décrire les nombreuses méthodes existantes. Rappelons-les
psychologie, 6, rue Linné, 44100 Nantes, France.
© Elsevier, Paris

seulement. Autoritaire, le contrôle de la voix, autoritaires et musclés le doigt


qui frappe le sternum, la main sur la bouche, Hand Over the Mouth (HOM ou
Toute référence à cet article doit porter la mention : Dajean-Trutaud S, Fraysse C et HOME, exercice) et son dérivé HOMAR (with air restricted, avec restriction
Guihard J. Approche psychologique de l’enfant au cabinet dentaire. Encycl Méd Chir
(Elsevier, Paris), Odontologie, 23-400-D-10, 1998, 4 p.
d’air), ou les contraintes physiques plus fortes (technique de la serviette,
équipement de stabilisation du corps) [6, 28, 30], agressives, invasives, ces
23-400-D-10 APPROCHE PSYCHOLOGIQUE DE L’ENFANT AU CABINET DENTAIRE Odontologie

techniques, grâce à l’évolution des mentalités et de la législation sur la s’adresse pas de la même façon à un très jeune enfant et à un préadolescent.
protection de l’enfance, sont heureusement délaissées en règle générale [1, 19]. On peut néanmoins considérer, qu’en termes appropriés, un tel contrat
Elles requièrent plus que toutes autres, si elles sont utilisées, le consentement puisse être proposé à l’enfant dès l’âge de 3 ans et être adapté jusqu’à
éclairé des parents, une explication à l’enfant et des conditions d’utilisation l’adolescence [29]. La situation est la suivante : l’enfant a besoin de soins
strictement contrôlées [1, 6]. dentaires. Il s’agit pour le praticien de réaliser un soin acceptable tant sur le
Une autre catégorie de techniques, des stratégies non invasives, font plan odontologique (accomplir un traitement efficace) qu’humain. Le plan
clairement appel à la communication : la désensibilisation et le odontologique relève de sa maîtrise et de son savoir. Le plan humain relève
renforcement [19, 28]. Là, l’enfant commence à être reconnu. de son éthique et de la place qu’il laisse à la parole dans son acte. Pour
obtenir la coopération de l’enfant et de ses parents, le praticien est amené à
Les deux méthodes de base de la désensibilisation sont l’expérience de la
émettre des demandes et à recevoir en retour des promesses du soigné. Une
préexposition, où l’enfant se familiarise avec l’inconnu (découverte du
promesse établit un engagement. Les demandes peuvent être partielles
chirurgien-dentiste, inspection du cabinet dentaire et du matériel) et le
(entrer dans la salle de soins, puis monter sur le fauteuil, etc), au cours de la
classique et efficace Expliquer-Montrer-Faire (Tell-Show-Do) applicable à
même séance ou de séances successives. À chaque fois, elles supposent
tout âge. Ces approches aident l’enfant à vaincre ou à réduire ses peurs du
l’accord de l’enfant. Tout acte doit être expliqué, décidé d’un commun
chirurgien-dentiste, celles des soins, celles d’avoir mal et/ou celles de
accord (ouverture de la bouche, utilisation d’instruments, etc). Les
l’inconnu [5, 28].
promesses devront être tenues. Elles engagent le praticien qui doit pouvoir
Avec le renforcement, l’enfant est soutenu, encouragé au cours du soin et aller au bout du traitement entrepris, ainsi que l’enfant qui doit être reconnu
récompensé pour son comportement coopérant par des louanges ou des petits jusque dans la responsabilité de sa parole. Un « oui » formulé les yeux dans
cadeaux [2, 28]. La difficulté du soin et le temps de travail sont augmentés les yeux scelle le contrat. Chaque étape doit permettre d’avancer dans le
graduellement [2]. Le chirurgien-dentiste ne doit initier que ce que le jeune traitement et, s’il est important de dire ce qui doit être fait, il est aussi
patient est capable d’accepter [4]. important de faire ce qui a été dit. Au début de la séance, le praticien rappelle
Désensibilisation et renforcement se rejoignent dans la communication le contrat mis au point à la fin du rendez-vous précédent. Après le soin,
verbale ou non verbale [28]. Là encore, l’authenticité du praticien est nécessaire praticien et enfant font un bilan et établissent le contrat valable pour la
et attendue par l’enfant et ses parents. Sans authenticité, sans parler et gestes prochaine fois. Dans certains cas, en fonction des circonstances, les parents
vrais, sans regard franc, sans sourire et voix encourageants, la technique ne peuvent être informés de l’évolution du contrat. Dans d’autres cas, il est
portera pas ses fruits [19]. préférable que l’engagement garde une certaine confidentialité entre le
Des techniques non intrusives comme le modèle (filmé ou in vivo), la praticien et l’enfant. Demande et promesse concernent de façon réciproque
distraction (divertissement audio ou vidéo) [5, 19], le contrôle du soin donné à le praticien et l’enfant.
l’enfant (échappement grâce à une communication non verbale comme le Ce contrat, qui le reconnaît comme sujet de son histoire, y compris dans
lever de la main ou temps de repos offert en récompense d’un comportement la demande de soins, semble être la base minimale pour que puisse
coopérant) ne nécessitent pas de formation particulière [19]. s’instaurer dans de bonnes conditions un traitement dentaire. Sa remise
Ce n’est pas le cas des techniques non traditionnelles de relaxation, de en cause par l’enfant reste possible à tout moment à condition de
musicothérapie ou d’hypnose. Elles doivent être apprises avant d’être s’effectuer dans l’échange. La communication doit toujours être
applicables. Chacune des méthodes de relaxation ou de relaxation musicale maintenue. Dans tous les cas, quelles que soient les causes du
(application de la musicothérapie) possède plusieurs protocoles [12, 13, 14, 15, 35]. comportement difficile, cette référence au contrat permet à l’enfant de se
L’accord du jeune patient et de ses parents est indispensable [13]. De même, sentir associé au projet et en retour, de reconnaître le praticien comme
l’utilisation de l’hypnose impose un praticien formé, un patient réceptif aux interlocuteur véritable. L’enfant doit sentir que le praticien ne lui impose
suggestions hypnotiques, une motivation de l’enfant à vaincre son anxiété pas un comportement par le biais d’une technique mais qu’il accepte, qu’il
face aux soins dentaires [34]. Différentes stratégies existent [32]. L’approche comprend sa vision de l’expérience dentaire. L’empathie qui anime le
peut associer relaxation et hypnose [26]. L’utilisation de telles techniques praticien doit l’y aider [30].
d’approche, souvent facilitantes, ne doit pas faire perdre de vue l’importance Les problèmes de comportement qui rendent le soin impossible ou inefficace
de la place du praticien lui-même et de son équipe [31]. Toute technique, aussi sont, la plupart du temps, liés à l’anxiété ou à la peur de l’expérience dentaire.
aidante soit-elle, ne tire en effet son efficacité que de la position « éthique » de L’expression comportementale de cette peur ou de cette anxiété varie [23].
celui qui l’utilise. Ces approches techniques, qui peuvent aider le praticien à L’enfant, qui a peur ou est anxieux, peut ne pas avoir un comportement
se situer, ne doivent pas faire oublier que l’élément principal de la relation difficile. Un comportement non coopérant peut également concerner un
entre l’enfant et le praticien est lié au transfert qui peut s’instaurer entre eux enfant hyperactif, handicapé mental, correspondre à une période où l’enfant a
deux et à la reconnaissance de l’enfant comme sujet et non comme objet de besoin d’affirmer sa personnalité, survenir lors de problèmes relationnels avec
soins. les parents [18]. L’enfant peureux craint quelque chose de spécifique, comme
Empathie et communications verbale et infraverbale vraies sont une piqûre. L’anxieux ressent une appréhension non spécifique de ce que va
essentielles [31, 36]. ou risque de faire le chirurgien-dentiste [3, 24]. Ces peurs-anxiété sont souvent
multifactorielles et complexes à analyser. Certains facteurs contribuent
Écouter au-delà de la demande de soins, portée par d’autres la plupart du grandement au développement de la peur-anxiété de l’enfant dans le domaine
temps (les parents), suppose qu’on accorde à l’enfant un droit de choisir, dentaire. L’âge de l’enfant intervient. Plus l’enfant est jeune, plus forte est
d’être informé, voire de dire « non ». On se rend compte qu’une telle son inquiétude car la probabilité qu’il trouve la situation dentaire menaçante
attitude peut très souvent vaincre des appréhensions apparemment est grande [18]. Plus encore, le niveau d’évolution psychique de l’enfant joue
insurmontables. Cette authenticité de la relation devrait pouvoir positionner un rôle. À partir de 6-7 ans, entrant dans la phase de latence, il est plus armé
l’enfant comme responsable dans ce qui lui arrive, et à ce titre véritable pour faire face à cette circonstance particulière qui peut être inconnue et
interlocuteur. Elle demande de la part du praticien une réelle disponibilité sembler dangereuse [8].
d’écoute, tout particulièrement lors de la ou des premières consultations [30],
véritables plaques sensibles de la relation future qui pourra L’anxiété maternelle face aux soins dentaires influence négativement l’enfant
s’instaurer [4, 5, 36]. dans sa capacité à réagir face à l’expérience dentaire [8, 18].
Des facteurs individuels comme la personnalité même de l’enfant, ses peurs
générales, sa peur de la douleur, sa tolérance à la douleur ; des facteurs
Enfant médicodentaires antérieurs traumatisants ; des facteurs environnementaux
tels l’entourage familial ou social [3, 17, 33] et également la qualité de la relation
Les approches comportementales et les théories du développement ne doivent enfant-praticien-parents [23] , les capacités d’empathie du chirurgien-
pas faire oublier que dès son arrivée dans le monde, le « petit d’homme » est dentiste [3, 18] sont autant d’éléments qui peuvent avoir des répercussions sur
amené à se constituer comme sujet dans son rapport à l’Autre, dont la le développement de la peur-anxiété chez un enfant, sans oublier la
représentation primordiale consiste en un Autre maternel (la mère ou son composante de la peur sur laquelle nous reviendrons dans les aperçus
substitut). Sa survie en dépend totalement. De cette aliénation à l’Autre, il psychanalytiques.
devra se séparer pour devenir sujet [20].
Les transformations de la société au cours de ces 30 dernières années ont
Sa participation et sa responsabilité dans ce qui lui arrive sont donc à considérablement modifié les statuts et les rôles au sein de la famille. Les
prendre en compte chaque fois que cela est possible, et ce, quel que soit son changements intervenus dans le domaine de l’éducation ont d’indéniables
âge. effets sur les comportements des hommes, des femmes et de leurs enfants.
Dans tous les cas, il s’agit de sa bouche, de ses dents. Sa collaboration est L’évolution de la structure familiale elle-même n’est probablement pas sans
requise. Un contrat de soins pourra par conséquent lui être proposé. Contrat conséquence sur la façon dont l’enfant peut se situer dans son environnement
dans lequel il sera partenaire à part entière et auquel ses parents pourront social. Certains comportements particuliers, voire difficiles, de l’enfant ne
être associés. Ce contrat, qui prend en compte sa responsabilité, peut prendre sont donc pas uniquement liés à la peur ou à l’anxiété face aux soins dentaires,
la forme d’une « demande-promesse » dans laquelle il s’agit pour les parties mais peuvent relever de rapports éducatifs spécifiques mettant en cause la
en cause de tenir leurs engagements [28, 29]. Bien évidemment, les termes de structure même de la famille et la nature des échanges intrafamiliaux [29]. En
ce contrat s’adaptent aux étapes mêmes de l’évolution de l’enfant. On ne raison de ces éléments, le praticien peut être appelé à incarner différents rôles

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Odontologie APPROCHE PSYCHOLOGIQUE DE L’ENFANT AU CABINET DENTAIRE 23-400-D-10

auprès de l’enfant : associé, défenseur, protecteur, ou personnage « neutre », parents dans la salle de soins si les explications fournies ne suffisent pas à les
teinté de bienveillance. Ceci met en évidence l’importance des premières rassurer [7, 27]. On peut alors s’interroger sur la qualité de la relation de
séances, tant dans leur fréquence que dans leur durée : procéder à des soins confiance avec le praticien.
partiels en fonction de ce que l’enfant peut supporter, et ne pas hésiter à
utiliser la parole pour expliquer, dédramatiser, convaincre. Les parents ont là
une place importante, car il faut s’assurer de leur compréhension. Le praticien Aperçus psychanalytiques
doit donc être capable de sortir d’une position de maîtrise et de savoir qui
pourrait exclure le sujet. Le savoir, il le possède, et il est préférable qu’il ait la
maîtrise de ses actes ; toutefois, il semble important qu’il puisse en Peur du dentiste : mythe et réalité
permanence se convaincre que l’autre, qui se trouve livré à ses soins, s’y Pour l’enfant, le chirurgien-dentiste est parfois susceptible de représenter
trouve comme sujet et non uniquement comme objet de soins [30]. Il lui faut un objet phobique particulier, et l’on se rend compte aisément que son
expliquer, convaincre, expliquer et convaincre de nouveau. Il est évident que angoisse repose moins sur une réalité du soin que par avance il ignore le
certaines situations d’urgence peuvent amener à relativiser cette position en plus souvent, que sur une représentation fantasmatique qu’il peut se faire
privilégiant l’acte. de la pratique du chirurgien-dentiste et de sa personne, représentation qu’il
peut situer sur une ligne imaginaire quelque part entre l’Ogre… et Dracula,
Parents deux personnages dont le rapport à la dentition ne fait que renforcer le
fantasme.
Il n’existe pas d’enfants seuls ! Porteurs de la demande de soins, les parents Psychiatres, psychologues ou psychanalystes sont témoins de la persistance
sont à considérer comme des associés inévitables de la relation qui va se de telles angoisses chez leurs patients adultes.
mettre en place. Il est important de tenter de repérer, dans la mesure du De là peut se poser la question de la place de l’approche psychologique en
possible et ce, dès la première visite, la place que l’enfant est amené à occuper odontologie et particulièrement l’approche psychologique de l’enfant. Au-
dans la constellation familiale, dans le complexe réseau des liens de parenté. delà de la restitution ad integrum de l’organe lésé, se pose la question de la
Certes, nous l’avons dit, l’enfant est à considérer dans sa dimension de sujet souffrance humaine à travers la douleur éprouvée. Il ne s’agit plus
responsable de son histoire, mais nous ne pouvons ignorer le fait qu’il soit uniquement d’un organe qui dysfonctionne mais d’une personne qui
pris dans un discours parental et une dépendance familiale, voire dans des souffre physiquement mais également dans une dimension psychique.
rapports de force inconscients. Si la souffrance de l’enfant lui appartient en L’angoisse face au personnage mythique, que peut être amené à incarner
propre, il paraît essentiel de prendre en compte la position des parents tant le chirurgien-dentiste, les phénomènes dépressifs parfois éprouvés par
vis-à-vis du soin, du praticien que de l’enfant lui-même. Méfiants, ils auront rapport à une atteinte narcissique de l’image de soi rendent souhaitable une
besoin d’être mis en confiance ; anxieux, ils voudront être rassurés ; approche psychologique dans la perspective même de la continuité des
impatients, ils auront besoin d’explications ; laxistes, ils auront besoin d’un soins.
soutien ferme et bienveillant ; contrôleurs, il conviendra de les amener à Ouvrir la bouche, en livrer l’intimité profonde et sensible à un Autre en
prendre une certaine distance ; protecteurs, il faudra ménager la place de position de maîtrise, animé d’un désir énigmatique et d’intentions secrètes,
l’enfant lui-même ; devant leur possible agressivité, il faudra engager le relève d’un abandon et d’une confiance absolue. L’angoisse qui peut saisir le
dialogue [22]. Dans tous les cas, il est bien évidemment préférable de s’assurer sujet contraint à recourir aux soins dentaires paraît relever d’affects
de l’alliance ou du consentement parental, sauf dans les cas où cette alliance archaïques liés aux profondeurs de sa propre histoire.
s’effectuerait contre l’enfant.
Autant d’attitudes, qui, on le voit bien, sollicitent le praticien dans sa
Oralité
disponibilité, voire dans sa personnalité. Il faudrait pouvoir enseigner aux
parents comment préparer les enfants aux visites chez le chirurgien-dentiste Pour la psychanalyse, l’oralité représente le premier investissement
et surtout à cette première consultation déterminante pour l’avenir de la libidinal. Dès l’aube de son existence, le petit d’homme, sujet à part entière,
relation thérapeutique [37]. Au cours d’une rencontre praticien/patient, sans la associe le besoin de s’alimenter au plaisir qu’il retire de cette situation. La
présence de l’enfant, avant le premier contact avec le praticien, des conseils bouche est alors instaurée comme zone érogène et trouvera des
peuvent être donnés aux parents [5], notamment à la mère, puisqu’elle est prolongements dans des plaisirs ultérieurs (manger, boire, embrasser,
souvent l’accompagnatrice et que son attitude est un facteur déterminant dans etc) [10, 25].
le degré d’anxiété de l’enfant [37]. Le chirurgien-dentiste devrait également La succion associe l’activité proprement alimentaire et sa charge libidinale.
informer les parents sur les possibilités pour l’enfant d’adopter et de En l’absence de l’aliment proprement dit, le pouce, objet prélevé sur le corps
développer leur propre peur [33]. propre, vient dès lors tenter de satisfaire la pulsion orale. L’apparition des
L’évolution scientifique et sociale met les parents en situation de dents chez l’enfant met fin à la béatitude d’une relation faite de « lait et de
méconnaissance par rapport aux soins. Il n’apparaît pas superflu de miel » avec le surgissement de la pulsion sous sa forme agressive et
consacrer un peu de temps pour annoncer et décrire ce qui doit être fait ou destructrice à travers la capacité à mordre. Mordre confère au sujet une forme
sera à faire. Une telle attitude peut permettre aux parents de mieux de puissance qui remodèle son rapport à l’Autre maternel. Il paie alors cette
accepter le soin et de transmettre à l’enfant un sentiment de confiance audace d’un sevrage « castrateur » qui l’oriente vers un autre rapport à la zone
suffisant [21]. érogène qu’est devenue la bouche. La persistance de la succion du pouce avec
Les parents doivent-ils être présents dans la salle de soins ? ses éventuelles conséquences va pouvoir éventuellement prendre une
nouvelle dimension.
La présence du parent est importante lors de la première visite [31, 36] pour
compléter l’histoire médicale au sens large, l’histoire dentaire de l’enfant, La perte des dents dites de « lait » au moins dans nos sociétés occidentales va
décider de l’avenir dentaire du jeune patient. Au cours de cette rencontre, le faire l’objet de ritualisations destinées à compenser la perte et à valoriser le
praticien informe les parents, répond à leurs questions. pas franchi par l’enfant dans son évolution.
Cette même présence au cours des séances suivantes peut être discutée [31, 36].
Il n’y a pas de règle absolue, tout dépend du parent, de l’enfant, du praticien. Dent
C’est au nom d’une relation directe de qualité praticien-jeune patient, que la
présence des parents est traditionnellement rejetée. L’anxiété des parents peut Sa qualité d’objet séparable lui confère un caractère phallique et la lie à
également influencer négativement le comportement de l’enfant [7, 16]. Les l’angoisse de castration. La mutilation rendue possible dans le réel en
parents qui souhaitent être présents ont, en général, de jeunes enfants (3-5 ans) accentue le poids [11].
ou des enfants venant pour la première fois. Selon eux, leur présence est une La possibilité de perdre cet équivalent phallique, particulièrement lorsque le
aide à la coopération et au bien-être de leur enfant [16]. Ceci est d’autant plus praticien est placé en position d’Autre tout-puissant et intrusif, vient réactiver
vrai que l’enfant est jeune. Plus il est jeune, plus l’absence des parents, les problématiques œdipiennes du sujet réduit à l’impuissance, et dépendant
notamment de la mère, a des répercussions néfastes sur son de la volonté obscure de cet Autre.
comportement [7, 9]. Parfois les parents apprécient d’être présents pour calmer
leur propre anxiété [9].
Bouche
Une demande de présence des parents peut venir d’un ou de plusieurs
intervenants. Le praticien, par son écoute attentive, ses explications simples, Comme réceptacle et lieu vital de la sphère ororespiratoire (respirer,
tentera de trouver la meilleure solution. Il gardera à l’esprit la nécessité incorporer) mais également comme lieu de la parole ou du cri, elle vient
d’établir avec l’enfant responsable un dialogue constructif. également s’intégrer au processus d’érotisation et participe de cette angoisse
La société évolue, les parents changent. Ils veulent protéger leur enfant, archaïque. Son caractère manifestement sexuel ne fera que se préciser au
souhaitent contrôler ce qui lui est fait. La montée de la violence envers les cours de l’évolution de l’individu.
enfants y est pour beaucoup, ils peuvent donc être plus inquiets. Le Zone fortement investie aux plans sensoriel et émotionnel, la bouche se
chirurgien-dentiste doit comprendre ce sentiment et parfois accepter les présente en premier comme un lieu de sensations agréables ou désagréables,

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un contenant à la fois affectif et symbolique. Espace relationnel privilégié dès •


les premiers instants de l’existence où le sujet se confond encore avec l’autre, • •
elle tient un rôle primordial dans les liens avec l’extérieur et façonne la
relation au monde comme empreinte émotionnelle primordiale. Ainsi que nous venons de le voir, la prise en charge de l’enfant au
Ne pas pouvoir crier, ne pas pouvoir mordre, se sentir étouffer, à la merci de cabinet dentaire présente des caractéristiques psychologiques
l’autre, voir éventuellement son sang s’écouler peuvent représenter un « point complexes. Il a semblé nécessaire de prendre en compte la dimension
d’horreur » ou d’« impossible à supporter » le réel d’une souffrance, globale du sujet en soins. Sans minimiser l’apport des techniques
favorisant la régression. spécifiques (comportementales ou autres), il paraît souhaitable de
Dans certains troubles de la personnalité latents (personnalités psychotiques), mettre l’accent sur la position « éthique » du praticien, véritable base
les interventions dentaires peuvent constituer des éléments déclencheurs ou de la relation à l’enfant dans cette prise en charge singulière. Il semble
révélateurs et renforcer une angoisse de morcellement ou des réactions en effet illusoire de penser remplacer l’authenticité de la relation par
dépressives. Une écoute plus particulière de tels patients s’avère alors des « recettes » ou des « techniques » extérieures. Seule la qualité du
nécessaire. Un travail en collaboration avec un psychiatre, un psychologue rapport interindividuel peut ici faire sens dans un véritable contrat de
ou un psychanalyste peut être envisagé. soins.

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