Lettre à la revue
Ann Biol Clin 2012 ; 70 (2) : 239-40
Les D-dimères sont-ils toujours révélateurs
de maladie thromboembolique ?
Are D-dimer levels still indicative of thromboembolic disease?
Youssef Qamouss
Issam Serghini
Copyright © 2020 John Libbey Eurotext. Téléchargé par M. FRANCIS KAMBEMBO le 31/07/2020.
Rachid Seddiki
Jaafar Salim Lalaoui
Mohamed Zoubir
Mohamed Boughalem
Service de réanimation, Hôpital militaire
Avicenne, Marrakech, Maroc
<yqamouss@yahoo.fr>
La thrombose veineuse profonde (TVP) est une pathologie
fréquente [1], mais son diagnostic n’est pas toujours aisé car
elle peut être asymptomatique. Le dosage plasmatique des
D-dimères (DD) constitue un des outils diagnostiques. Une
concentration inférieure à une valeur seuil peut éliminer
une TVP lorsque le dosage est réalisé à l’aide de certaines
techniques [2].
Nous rapportons le cas d’un patient âgé de 57 ans aux anté-
cédents d’hypertension artérielle équilibrée sous bithérapie
(bêtabloquants et inhibiteur de l’enzyme de conversion) et
de tabagisme chronique chiffré à 40 paquets années. Ce
patient a été admis au service d’accueil des urgences de
l’hôpital militaire Avicenne de Marrakech pour douleur
du membre inférieur gauche persistant depuis trois jours.
L’examen clinique notait un œdème du membre inférieur
gauche chaud et douloureux, sans signe clinique évocateur
d’embolie pulmonaire. Le reste de l’examen clinique était
sans particularité.
Le bilan biologique initial montrait un syndrome inflam-
matoire (protéine C réactive : 120 mg/L ; vitesse de
sédimentation : 80 mm/h), une discrète anémie inflamma-
toire, une hyperleucocytose à 13,2 G/L et une concentration
de DD inférieure à 220 UI/mL selon la méthode Liatest D-
Dimer. Le taux de prothrombine était de 90 % et le ratio du
temps de céphaline activé de 1.
doi:10.1684/abc.2012.0696
Le patient a été transféré en réanimation sans traite-
ment anticoagulant en raison de la négativité des DD. À
son arrivée dans le service, un traitement héparinique à
visée curative a été instauré car aucune autre étiologie
qu’une TVP pouvant expliquer le tableau inflammatoire
Pour citer cet article : Qamouss Y, Serghini I, Seddiki R, Lalaoui JS, Zoubir M, Boughalem M. Les D-dimères sont-ils toujours révélateurs de maladie thromboembolique ?
Ann Biol Clin 2012 ; 70(2) : 239-40 doi:10.1684/abc.2012.0696
du membre inférieur gauche n’était suspecté. Le patient
a bénéficié en urgence d’un écho-doppler veineux qui a
confirmé la présence de d’une TVP récente du membre
inférieur gauche. Le dosage de l’homocystéinémie réa-
lisé dans le cadre du bilan de thrombophilie était élevé
à 18 ␮mol/L (N : 6 à 14). La radiographie pulmonaire
était normale tandis que l’échographie abdominopelvienne
n’a pas retrouvé d’anomalie susceptible d’expliquer la
TVP ; l’électrocardiogramme n’a pas montré d’anomalie.
Le diagnostic de TVP du membre inférieur gauche pro-
bablement secondaire à une hyperhomocystéinémie a été
ainsi retenu. Outre l’anticoagulation curative, un traitement
par vitamine B12 et acide folique a été introduit, associé
à une contention élastique et à une immobilisation ini-
tiale. Parallèlement, une antibiothérapie par ciprofloxacine
était instaurée. L’évolution était marquée par une régres-
sion progressive de l’inflammation du membre inférieur
gauche, des signes urinaires, du syndrome inflamma-
toire biologique et de l’hyperleucocytose. La concentration
d’homocystéinémie contrôlée six semaines plus tard est
restée élevée.
La certitude du diagnostic de TVP est apportée par l’écho-
doppler veineux [3]. Le dosage des DD serait d’une
aide non négligeable dans un contexte d’urgence en cas
d’impossibilité d’accès à un écho-doppler veineux dans
des brefs délais [4]. En effet, d’après les données de la
littérature, la valeur prédictive négative du dosage des DD
selon la méthode Elisa ou Liatest D-Dimer est de 100 % ;
une concentration inférieure à 500 ng/mL (Elisa) ou à
220 ng/mL (Liatest D-Dimer) écarterait donc une maladie
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thromboembolique veineuse [2, 5]. Cependant, dans
l’observation rapportée, le patient présentait bien une TVP
alors que le dosage des DD, réalisé au cours de cet épisode
par la méthode Liatest D-Dimer, retrouvait une valeur infé-
rieure au seuil. Le dosage des DD manque non seulement de
spécificité par rapport à la maladie thromboembolique [1],
mais aussi un taux de DD bas peut être faussement rassurant
comme nous le prouve le cas ici décrit. Dans une étude, la
prévalence de cas de dosage des DD négatif en présence
d’une TVP (faux-négatifs) a été évaluée à 5,7 % [6]. La
localisation distale de TVP, qui constitue dans la littérature
l’une des circonstances au cours desquelles la recherche
Copyright © 2020 John Libbey Eurotext. Téléchargé par M. FRANCIS KAMBEMBO le 31/07/2020.
des DD par la méthode Elisa peut être négative, pourrait
ici expliquer ce résultat [7]. Ainsi, malgré un dosage de
DD négatif, un écho-doppler veineux doit être réalisé en
cas de forte suspicion clinique de TVP [8]. Dans ce cas, le
dosage des DD ne serait d’aucun intérêt et ne devrait pas
être effectué.
Cette observation nous conforte donc dans l’idée d’une
extrême prudence dans l’interprétation de ces tests cou-
ramment utilisés dans des situations d’urgence. Ainsi, dans
de telles circonstances, il est indispensable de privilégier
l’interrogatoire et la clinique pour la conduite thérapeu-
tique tout en essayant d’obtenir au plus vite un écho-doppler
veineux qui apportera la certitude diagnostique.
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Références
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