ENCYCLOPÉDIE MÉDICO-CHIRURGICALE 44-241

44-241

Techniques de scapulectomie
C Kenesi R é s u m é. – Les scapulectomies peuvent être parfois indiquées dans des
malformations régionales ou des anomalies dynamiques de type « omoplate à
ressaut ». C’est exceptionnel.
L’indication la plus fréquente, et de loin, est la tumeur. L’infinie variété des lésions
nécessite une importante palette de techniques, allant de l’exérèse limitée par voie
étroite, aux suites courtes et aux résultats fonctionnels excellents, jusqu’aux ablations
élargies très importantes, longues, hémorragiques et aux résultats décevants.
C’est en fonction du type, du siège, des dimensions et de l’extension de la tumeur que
l’on choisira parmi les différentes possibilités de scapulectomies partielles, totales ou
totales élargies, qui peuvent poser de difficiles problèmes de reconstruction.

Introduction recouvre la couche profonde, continue, des muscles de la coiffe des

La scapula est un os très particulier, de par sa conformation et de par sa
situation. C’est pourquoi, avant toute chose, il est bon de faire un rappel
d’anatomie chirurgicale. Puis nous envisagerons les différentes
techniques possibles sous trois rubriques : scapulectomie partielle,
totale, totale élargie.
courts rotateurs de l’épaule : en avant de l’articulation, le muscle sous-
scapulaire (subscapularis), en haut, le sus-épineux (supraspinatus), en
arrière le sous-épineux (infraspinatus) surplombant le muscle petit rond
(teres minor).
Tous ces muscles peuvent être assez développés, surtout chez le sportif.
Leur dissection, leur section, peut être hémorragique.

Rappel d’anatomie chirurgicale Rapports vasculonerveux de la scapula [6]

Situation Vaisseaux (fig 1)

La scapula se comporte comme un grand os sésamoïde complètement
enchâssé dans des muscles. C’est dire que sa chirurgie comportera
toujours un temps important de dissection et de résection musculaire.
Elle n’a aucun contact osseux avec le tronc, à l’exception des
2 centimètres carrés de l’articulation acromioclaviculaire.
À son angle supéroexterne, le bras est accroché à la cavité glénoïde.
En avant, un grand muscle fixe l’omoplate à la cage thoracique : le grand
dentelé (serratus anterior) se fixe sur la totalité du bord spinal de
l’omoplate. Il est renforcé en arrière par les muscles angulaires (levator
scapulae) et le muscle rhomboïde (rhomboideus). La scapula reste
séparée du gril costal par l’espace celluleux interscapulothoracique.
En arrière, la scapula est recouverte par le vaste muscle superficiel
trapèze (trapezius) qui recouvre toute la partie sus-épineuse et la partie
interne de la fosse sous-épineuse. Plus en dehors, le muscle grand dorsal
(latissimus dorsi) recouvre la pointe de l’omoplate.
L’angle supéroexterne de l’omoplate supporte l’articulation
scapulohumérale. Celle-ci est recouverte par deux couches musculaires,
une couche superficielle constituée par le deltoïde (deltoideus) qui
Ils sont nombreux. Ils peuvent être assez gros. Ils peuvent être
accompagnés de grosses veines dilatées. Après section, ils peuvent se
rétracter de l’autre côté de l’omoplate et devenir pratiquement
inaccessibles. C’est pourquoi il faut d’emblée les repérer et les ligaturer.
Le « cercle artériel de l’omoplate » est alimenté par trois gros vaisseaux :
– l’artère scapulaire postérieure (scapularis dorsalis) est une branche de
la sous-clavière. Elle aborde l’omoplate au niveau de son angle supéro-
interne. Elle descend le long du bord spinal, derrière le muscle
rhomboïde. L’artère sus-scapulaire (suprascapularis) est une branche de
l’artère axillaire, elle se dirige d’avant en arrière en traversant
l’échancrure coracoïdienne contre le pied de l’apophyse coracoïde. La
section trop basse de l’apophyse risque de blesser cette artère. Elle
contourne ensuite la racine de l’épine de l’omoplate et donne la
vascularisation au sus-épineux et au sous-épineux ;
– l’artère scapulaire inférieure (subscapularis) est une branche plus
basse de l’artère axillaire qui, elle aussi, se dirige vers l’arrière,
contourne le bord latéral de l’omoplate dans le triangle omotricipital,
passe sous le petit rond avant de se diriger vers la pointe de l’omoplate.
Elle peut être accompagnée de veines volumineuses.

Nerfs
Claude Kenesi : Professeur, chirurgien des hôpitaux de Paris, hôpital Henri Mondor, Le nerf spinal (accessorius) descend le long des muscles paravertébraux
service de chirurgie orthopédique, 51, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, sous le trapèze.
94010 Créteil, France.
© Elsevier, Paris

Le nerf sus-scapulaire (suprascapularis) est une branche collatérale du

Toute référence à cet article doit porter la mention : Kenesi C. Techniques de
scapulectomie. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Techniques chirurgicales –
Orthopédie-Traumatologie, 44-241, 1998, 9 p.
plexus brachial qui franchit l’échancrure coracoïdienne plus
profondément que l’artère sus-scapulaire. Il contourne la racine de
l’épine de l’omoplate, en restant environ à 15 mm du rebord glénoïdien.
Il assure l’innervation motrice du sus-épineux et du sous-épineux. Le
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1 Artères de la région scapulaire. a. Scapulaire postérieure ; b. sus-scapulaire ;
c. scapulaire inférieure ; d. circonflexe postérieure ; e. angulaire ; f. rhomboïde ;
g. trapèze ; h. sus-épineux ; i. sous-épineux ; j. petit rond ; k. grand rond ; l. long
triceps.
nerf chemine de dehors en dedans. Conclusion, la désinsertion médiale
de ces muscles ne compromet théoriquement pas leur innervation et leur
vascularisation.
Le nerf circonflexe (axillaris) est une branche terminale du tronc
postérieur du plexus brachial. Il se dirige vers l’arrière en passant sous
l’articulation glénohumérale, accompagné des vaisseaux circonflexes.
Il franchit le quadrilatère de Velpeau en passant sous le bord inférieur du
petit rond. Il est situé à 25 ou 30 mm du bord inférieur de la glène. Il
contourne le col chirurgical de l’omoplate au contact de l’os et il faut
faire attention d’éviter de mettre un écarteur contrecoudé à ce niveau
pour ne pas risquer de le comprimer.
Le plexus brachial est situé plus en avant et en dedans. Il est cependant
assez proche de la face antérieure du sous-scapulaire.
Scapulectomies partielles [5, 9, 11, 18, 22]
Voies antérieures
Elles ne sont pratiquement jamais utilisées, sauf cas tout à fait
exceptionnel : petite lésion limitée à l’apophyse coracoïde ou au bord
antérieur de la glène. La voie deltopectorale classique est alors
suffisante.
Voies postérieures
Installation du malade
Toutes les voies externes ou postérieures peuvent être effectuées sur le
malade assis. Nous préférons, de beaucoup, la position couchée sur le
côté. L’installation doit être rigoureuse : un appui postérieur sur le
sacrum, un appui antérieur pubien en veillant à ne pas comprimer les
veines fémorales. Un coussin sous le thorax pour libérer le creux
axillaire et éviter les compressions vasculonerveuses du côté opposé. La
tête doit être posée sur un coussin mince pour bien dégager toute la partie
latérale du cou. Un jersey isole les cheveux. Il faut veiller à ce que la
sonde d’intubation soit mise en place du côté opposé à l’intervention.
Le malade est fixé à la table par deux élastoplastes : un sur le thorax,
l’autre au niveau des genoux en veillant à séparer les genoux par un petit
coussin. Les membres inférieurs sont en extension et calés sur une
planche. La table sera disposée en léger déclive. Dans cette position,
l’épaule à opérer se trouve au point culminant du malade. Sous petite
hypotension, le champ opératoire est quasiment exsangue. Toute la
région scapulaire est badigeonnée en avant et en arrière jusqu’à la ligne
page 2
Techniques chirurgicales
médiane et jusqu’à la ceinture. Le membre supérieur est entièrement
désinfecté et enveloppé d’un jersey. On a ainsi un excellent accès à la
partie antérieure et à la partie postérieure de l’épaule et l’on peut
manipuler le membre supérieur.
Lésions limitées à l’acromion
Elles peuvent être abordées facilement par une incision transversale
menant directement sur l’os. Celle-ci a le gros avantage de pouvoir être
agrandie vers le dehors (côté deltoïde) ou vers le dedans (côté trapèze)
en dissociant simplement les fibres musculaires sans les couper. Ces
gestes non délabrants seront très facilement réparés par un simple point
de rapprochement.
Abord de la fosse sus-épineuse
Il se fait par une voie transversale qui traverse le trapèze.
Les dangers se trouvent aux deux extrémités de la voie d’abord : en
dedans, l’artère scapulaire postérieure qui se trouve au niveau de l’angle
supéro-interne de l’os ; en dehors, l’artère et le nerf sus-scapulaires au
ras du pied de l’apophyse coracoïde.
L’angulaire est désinséré au bistouri électrique, libérant ainsi l’angle de
l’omoplate. La conduite à tenir vis-à-vis du sus-épineux dépend du
siège, des dimensions et de la nature de la lésion. Si on veut respecter le
muscle, il faut inciser son bord supérieur et son bord interne et le ruginer
de dedans en dehors. On a ainsi toute chance de conserver un muscle
fonctionnellement utilisable avec sa vascularisation et son innervation.
Accès à la fosse sous-épineuse
Il est plus difficile : le plan superficiel comporte en haut et en dedans le
trapèze, en haut et en dehors le deltoïde, en bas le grand dorsal. Une voie
verticale le long du bord spinal de l’omoplate donne un jour insuffisant
sur le dehors.
Une voie transversale sur la fosse sous-épineuse est la plus couramment
utilisée. La voie classique est celle de Dupont et Evrard : sur le bras en
abduction à 90°, elle part du bord spinal de l’omoplate à sa partie
moyenne et se dirige oblique en haut et en dehors vers la terminaison du
deltoïde. Elle croise le bord axillaire de l’os à l’union tiers inférieur-
deux tiers supérieurs.
Il faut repérer le bord postérieur du deltoïde qui sera décollé et remonté
vers le haut et le bord supérieur du grand dorsal qui sera décollé et
repoussé vers le bas. Ce n’est pas toujours facile car les deux muscles
peuvent intriquer leurs fibres.
On peut alors aborder le plan profond et découvrir trois muscles obliques
vers le haut et vers le dehors, de haut en bas le sous-épineux, le petit
rond, le grand rond. L’interstice entre sous-épineux et petit rond n’est
pas toujours facile à repérer. Ce dernier muscle se tend dans l’abduction
du bras et ses fibres sont parallèles alors que celles du sous-épineux sont
de type penniforme. Perpendiculairement à ces muscles se trouve le
tendon du triceps. C’est en dehors de celui-ci que l’on peut repérer le
paquet circonflexe, en dedans que l’on trouve le paquet scapulaire
inférieur. L’accès à la partie supéro-interne de la fosse sous-épineuse
n’est pas toujours très commode par cette voie et l’on peut être amené à
sectionner en partie les fibres les plus internes du deltoïde. Cette section
peut être assez hémorragique chez les sujets musclés et la réparation
n’en est pas toujours très facile.
C’est pourquoi j’ai mis au point une voie « transacromiospinale »
(fig 2) : la voie d’abord est parallèle à l’épine de l’omoplate, environ
2 cm sous celle-ci et se prolonge loin en dehors jusqu’à l’angle
postérieur de l’acromion. Un petit décollement cutané vers le haut
permet d’accéder à l’épine. Celle-ci sera ostéotomisée parallèlement à
son bord postérieur. L’ostéotomie peut être poussée très loin, jusqu’à
l’acromion. On peut s’agrandir par une dicision des fibres
supéroexternes du deltoïde. Le muscle est facilement décollé et rabattu
vers le bas. L’accès au plan profond est alors facile. Comme dans le cas
précédent, on repère le paquet circonflexe et le paquet scapulaire
inférieur.
Comme pour le sus-épineux, la rugination éventuelle des muscles
postérieurs doit se faire de dedans en dehors, après avoir libéré le bord
interne de l’omoplate, du rhomboïde et du grand dentelé.
La section de la scapula peut se faire au ciseau frappé ou à la scie
oscillante. Une simple pince coupante suffit le plus souvent pour
l’écaille. Le pilier est un peu plus délicat à sectionner car il est plus épais
et plus proche des éléments vasculonerveux.
Techniques chirurgicales TECHNIQUES DE SCAPULECTOMIE 44-241

2 Voie transacromiospinale (Kenesi). a. Épine de l’omoplate ; b. deltoïde rabattu

en arrière, emportant deux baguettes osseuses d’épine ; c. circonflexe ; d. artère
scapulaire inférieure ; e. sous-épineux ; f. petit rond.

La réparation est très facile : après avoir laissé en place un drainage

aspiratif, on remonte le deltoïde et les baguettes d’insertion seront
remises en place grâce à deux ou trois points transosseux.

Exérèse totale ou partielle des deux fosses sus- et sous-épineuses

Elle est parfois indiquée (tumeur à cheval sur l’épine, malformation ou
omoplate à ressaut). La voie d’abord cutanée longe alors le bord spinal
de l’os. Trapèze et grand dorsal sont écartés le plus haut possible et
parfois un petit peu débridés. Le bord spinal est complètement libéré au
bistouri électrique après avoir repéré l’artère sus-scapulaire en haut et
l’anastomose qui contourne l’angle inférieur de la scapula. L’épaule est
alors portée en forte antépulsion pour faire saillir l’omoplate.
L’angulaire, le rhomboïde, le grand dentelé sont sectionnés au bistouri
électrique. Les insertions proximales du sus-épineux et du sous-épineux
sont, elles aussi, décollées. On peut même, en avant, désinsérer le bord
interne du sous-scapulaire. On a alors une vue globale sur toute l’écaille
de l’omoplate que l’on pourra enlever à la demande.

Résultats fonctionnels
Les résultats fonctionnels de ces scapulectomies partielles sont en règle
excellents : ils sont fonction des lésions musculaires. L’exérèse osseuse,
même large, de l’écaille de l’omoplate ne compromet pas le pronostic
fonctionnel. Lorsqu’on a pu respecter le trapèze et le deltoïde, les
muscles de la coiffe, on récupère une mobilité normale et indolente. Sur
le plan cosmétique, seule la cicatrice est visible et souvent assez grande.
Il n’y a aucune modification du relief de l’épaule (fig 3).
Scapulectomie totale [1, 3, 17]
Technique opératoire
Elle a été parfaitement codifiée par Lecène et Huet au cours des années
1920. Elle comporte plusieurs temps.
– L’incision cutanée est en forme de T avec une branche verticale
longeant le bord spinal de la scapula, une branche oblique longeant
l’épine.
– Un décollement sous-cutané permet de rabattre deux lambeaux
triangulaires, l’un vers le haut, l’autre vers le bas. On a ainsi accès à la
couche musculaire superficielle.
3 Scapulectomie partielle des fosses sus- et sous-épineuses. Seuls la glène et le
pilier de l’omoplate ont été conservés. Résultat fonctionnel à 20 ans.
– La section du trapèze se fait au bistouri électrique de haut en bas, en
commençant assez près de l’épine de l’omoplate. On peut alors rabattre
son chef supérieur vers le dedans et chercher à sa partie profonde le nerf
spinal qui sera respecté. La section du muscle se poursuit le long du bord
de l’omoplate, jusqu’en bas.
– Le dégagement de l’angle supéro-interne de l’omoplate est assez
délicat (fig 4) : il faut sectionner l’angulaire de l’omoplate, et c’est juste
sous ce muscle que l’on trouvera l’artère scapulaire postérieure. Il est
impératif de la repérer, de la ligaturer et de la sectionner en essayant de
conserver ses branches internes destinées au trapèze.
– Le dégagement du bord spinal se fait de haut en bas (fig 5). On
commence par sectionner le rhomboïde et le grand dentelé. Un solide
davier à griffes est posé sur ce bord et sa traction va faire basculer
l’omoplate et permettre d’accéder un petit peu en avant et de compléter
le dégagement jusqu’en bas.

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44-241 TECHNIQUES DE SCAPULECTOMIE
4 Scapulectomie totale. Dégagement de l’angle supéro-interne de l’omoplate.
a. Trapèze sectionné ; b. angulaire sectionné ; c. artère scapulaire postérieure liée et
sectionnée.
5 Scapulectomie totale. Dégagement des bords supérieur et interne de l’omopla-
te.a. Trapèze sectionné ; b. angulaire sectionné ; c. artère scapulaire postérieure liée
et sectionnée ; d. omohyoïdien sectionné ; e. ligaments coracoclaviculaires section-
nés ; f. désarticulation acromioclaviculaire ; g. rhomboïde sectionné ; h. deltoïde.
Le pointillé indique le tracé de la section.
– Libération du bord supérieur de l’os : elle se fait de dedans en dehors
après avoir sectionné l’omohyoïdien, on accède à l’échancrure
coracoïdienne. L’artère sus-scapulaire est repérée, liée et coupée.
– Dégagement de l’acromion : un solide bistouri est introduit dans
l’interligne acromioclaviculaire, il va sectionner la capsule et permettre
la désarticulation. Le deltoïde est désinséré du bord inférieur de l’épine
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Techniques chirurgicales
6 Scapulectomie totale. Désarticulation scapulohumérale. a. Trapèze sectionné ;
b. angulaire sectionné ; c. artère scapulaire postérieure liée et sectionnée ; d. omo-
hyoïdien sectionné ; e. ligaments coracoclaviculaires sectionnés ; f. désarticulation
acromioclaviculaire ; g. rhomboïde sectionné ; h. deltoïde sectionné et rabattu vers le
bas. À sa face profonde : le nerf circonflexe ; i. sus-épineux sectionné (partie distale ;
la partie proximale de la section est cachée par l’acromion) ; j. sous-épineux sec-
tionné ; k. petit rond sectionné ; l. long triceps sectionné ; m. capsule antérieure. Le
pointillé indique le tracé de section.
et de l’acromion, le plus près possible de l’os. Il est rabattu vers le dehors
et donne alors un excellent accès sur l’articulation scapulohumérale.
– Désarticulation scapulohumérale (fig 6) : l’arthrotomie est faite en
haut et en arrière en sectionnant les muscles de la coiffe, sus-épineux en
haut, sous-épineux en arrière. Avant d’aller plus bas, il faut repérer
l’artère scapulaire inférieure au bord inférieur du sous-épineux et la lier.
On peut alors descendre plus bas et couper le petit rond. Le tendon du
long triceps est désinséré du tubercule sous-glénoïdien après repérage
du paquet circonflexe. On peut alors ouvrir très largement l’articulation
en arrière et sectionner de l’intérieur vers l’extérieur la capsule
antérieure puis le sous-scapulaire avec précautions. La pièce est
complètement libérée et retirée en bloc.
– Réparation (fig 7) : une hémostase très soigneuse est réalisée,
plusieurs drains aspiratifs sont mis en place et on va procéder à de
nombreuses sutures musculaires :
– quand on a conservé des moignons de coiffe suffisamment longs,
on peut essayer de recouvrir la tête humérale en les suturant les uns
aux autres ;
– suspension de la tête humérale : elle est réalisée par un gros fil de
Nylon qui passe dans un tunnel horizontal foré dans l’extrémité
externe de la clavicule. Ce fil passera soit dans un tunnel foré dans la
tête humérale, soit à travers la coiffe et la capsule si l’on a pu
conserver un manchon suffisamment cohérent ;
– les plans superficiels : il faut très soigneusement suturer le trapèze
au deltoïde, c’est en règle facile. En bas, on peut combler la perte de
substance en essayant de ramener le grand dentelé. La suture sous-
cutanée et cutanée ne pose pas de problème.
Suites opératoires
Il faut impérativement mettre en place une solide écharpe qui soutienne
très bien le coude. Le poids du membre supérieur risque de mettre en
tension les sutures qui sont encore fragiles et de tirer sur le paquet
vasculonerveux axillaire, provoquant en particulier une névralgie du
plexus brachial.
Techniques chirurgicales TECHNIQUES DE SCAPULECTOMIE 44-241

7 Scapulectomie totale : répara-

tion. Les moignons des muscles de la
coiffe recouvrent partiellement la tête
humérale. Celle-ci est suspendue par B
un gros fil à l’extrémité externe de la
clavicule. Le deltoïde sera suturé au
B 44-20306.08c
trapèze.

Au mois de septembre 1995, Anract, Vinh, Tomeno ont présenté au

groupe d’étude des tumeurs osseuses une nouvelle voie d’abord de
scapulectomie totale qui pourrait même peut-être être utilisée pour la
scapulectomie totale élargie : il s’agit d’une très longue incision cutanée
en S dont la branche supérieure suit la clavicule jusqu’à l’acromion puis
s’incurve en passant sous l’épine de l’omoplate. La branche inférieure
contourne le bord spinal et s’incurve vers la pointe de la scapula. Cette
incision libère donc deux grands lambeaux fasciocutanés, un supéro-
interne qui comporte le muscle trapèze, et l’autre inféroexterne qui
emporte le muscle deltoïde. Lorsqu’ils sont relevés, ils exposent
largement la scapula et les insertions musculaires. L’exposition du
processus coracoïde, de l’articulation glénohumérale, des bords de la
scapula est facile. Les angles de l’incision étant arrondis, le risque de
nécrose cutanée est diminué. La réparation est facile avec un plan sur les
muscles et un plan sur la peau en prévoyant évidemment un large 8 Scapulectomie totale. Résultat
drainage (fig 7 B). C fonctionnel à 27 ans.

Résultats fonctionnels (fig 8)

L’épaule est évidemment ballante. Sa mobilité passive reste importante,
mais sa mobilité active est très limitée. L’abduction active ne dépasse
que rarement 45°, la rotation externe est en général totalement perdue.
Cependant, ces malades peuvent s’habiller seuls, manger et faire leur
toilette. Le plus souvent, ils ne peuvent pas se coiffer avec la main
opérée.
Sur le plan esthétique, la perte du galbe de l’épaule est assez
disgracieuse. Elle peut être facilement corrigée par un artifice
vestimentaire.

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44-241 TECHNIQUES DE SCAPULECTOMIE Techniques chirurgicales

Scapulectomies totales élargies

Les tumeurs malignes de la ceinture scapulaire peuvent obliger à une
désarticulation interscapulothoracique. Parfois même, en cas
d’envahissement du gril costal, à une intervention encore plus large avec
sacrifice d’une partie de la paroi du thorax, voire une pneumonectomie
partielle [10, 12, 14, 25]. Leur description n’entre pas dans le cadre de ce
chapitre. Il faut simplement signaler qu’il s’agit de mutilations
épouvantables (forequarter amputation), d’autant plus inadmissibles
qu’elles conduisent à sacrifier un membre supérieur normal (fig 9).
Il revient à Tikkor, de Tomsk, en 1908, d’avoir pratiqué la première
intervention à visée conservatrice. Elle a été perfectionnée 20 ans plus
tard par Linberg. Plus récemment, des techniques de reconstruction ont
été proposées pour la compléter. Il s’agit d’une scapulocléidectomie
associée à une résection de l’extrémité supérieure de l’humérus plus ou
moins étendue selon le siège de la lésion et l’envahissement
articulaire [2, 4, 7, 13, 15, 16, 19-21].

A
Voie d’abord
Le malade est couché sur le côté sain, la face antérieure et postérieure du
thorax est largement dégagée, iodée. Le membre supérieur est enveloppé
dans un jersey. L’incision cutanée antérieure part de l’articulation
sternoclaviculaire et se dirige légèrement en oblique vers le dehors, en
longeant la clavicule 2 cm au-dessous de celle-ci. En dehors, elle
contourne la face externe du moignon de l’épaule en restant à distance
de l’acromion et en arrière se dirige vers la pointe de l’omoplate.
Une deuxième incision part de la partie moyenne de la voie d’abord
antérieure, enjambe l’omoplate en son milieu et descend vers l’arrière
rejoindre la pointe de l’omoplate. Nous avons donc en avant une voie
d’abord simple transversale, en arrière un très volumineux quartier
d’orange.

Temps antérieur (fig 10)

Après repérage du sillon deltopectoral, on se porte en dedans pour
libérer le tiers interne de la clavicule. Si la lésion est très interne, on fera
une désarticulation sternoclaviculaire, si elle est plus externe, on se
contentera d’une section de la clavicule à la scie de Gigli à l’union de
son quart interne et de ses trois quarts externes. La face inférieure de la
clavicule est ruginée et dégagée. Un solide davier permet de basculer la
clavicule vers le dehors et d’exposer les plans sous-jacents. La section
au niveau de l’apophyse coracoïde du petit pectoral du coracobrachial et
du court biceps ouvre encore mieux l’espace et donne un excellent abord
sur le creux axillaire. Le plexus brachial est repéré. Le paquet vasculaire
B
9 Désarticulation interthoracopulmonaire avec thoracoplastie de six côtes.
est disséqué de dedans en dehors en ligaturant toutes ses branches
supérieures. Il faut essayer de conserver le nerf circonflexe si c’est
carcinologiquement possible.
La branche verticale en « bretelle » est commencée. La section du
trapèze et de l’omohyoïdien dégage le bord supérieur de l’omoplate.

A B
10 Huméro-cléido-scapulectomie conservatrice de Tikkor-Linberg. Abord antérieur. a. Clavicule sectionnée dans son quart interne et soulevée par un davier ; b. petit pectoral
sectionné ; c. coracobiceps sectionné ; d. grand pectoral (intact) ; e. paquet axillaire (les veines ne sont pas représentées) et plexus brachial disséqués sur leur bord supérieur ;
f. artère scapulaire postérieure ; g. artère sus-scapulaire liée ; h. artère scapulaire inférieure.

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Techniques chirurgicales TECHNIQUES DE SCAPULECTOMIE
11 Huméro-cléido-scapulectomie
conservatrice de Tikkor-Linberg. Abord
postérieur. a. Trapèze sectionné ; b. del-
toïde sectionné (à sa face profonde, le
nerf circonflexe) ; c. grand dorsal sec-
tionné ; d. long triceps sectionné.
Les pointillés indiquent : e. en dedans :
sections de l’angulaire, du rhomboïde
puis du grand dentelé ; f. en dehors : sec-
tion de l’humérus (ici au niveau de son
col).
A moignon de ce muscle que seront accrochés l’humérus, le deltoïde, les
B
Temps postérieur (fig 11)
Les deux branches du quartier d’orange sont poussées jusqu’à la pointe
de l’omoplate. Elles circonscrivent un triangle de peau qui sera sacrifié.
La branche externe permet la section du deltoïde à un niveau variable, le
plus haut possible avec conservation de son innervation lorsque ce n’est
pas trop risqué. La branche interne sectionne le trapèze à quelque
distance de l’épine de l’omoplate. Sous celui-ci, la section de l’angulaire
et du rhomboïde donne accès au paquet scapulaire postérieur et en
permet la ligature comme dans la scapulectomie totale.
44-241
Temps huméral
On peut alors dégager circonférentiellement l’extrémité supérieure de
l’humérus. La section osseuse se fait à la scie oscillante à un niveau
variable selon le siège et le type de la lésion. Il est évidemment
souhaitable de n’enlever que la tête et les tubérosités, conservant ainsi le
circonflexe. Parfois, on est obligé de descendre beaucoup plus bas et de
sacrifier ce nerf, il est alors nécessaire de repérer le radial et de le mettre
à l’abri avant la section osseuse.
La section dernière du grand dentelé permet de retirer en monobloc
l’omoplate, la clavicule, l’extrémité supérieure de l’humérus,
l’articulation glénohumérale et la coiffe des courts rotateurs. Le reste du
membre supérieur ne tient plus au thorax que par la peau et le pédicule
axillaire.
Réparation (fig 12) [8, 23, 24]
Deux canaux transosseux sont forés dans l’humérus et deux solides fils
de Nylon y seront passés. De même, les moignons de biceps et de triceps
sont récupérés et amarrés par de gros fils. La seule structure qui permette
la suspension du membre supérieur est le trapèze et c’est après le
muscles biceps et triceps. Le bras se trouve alors fortement raccourci, le
coude très surélevé. Il est impératif de bien les soutenir pour éviter les
tiraillements sur le plexus brachial et sur le paquet axillaire.
Lorsque la tumeur atteint préférentiellement l’extrémité supérieure de
l’humérus, on peut parfois se contenter d’une intervention plus limitée
et conserver une partie d’omoplate ou de clavicule. On peut alors tenter
soit une arthrodèse en utilisant un péroné vascularisé et une
ostéosynthèse par plaque vissée, soit une prothèse, soit un simple
spacer. Il ne s’agit là que de cas particuliers publiés à de très rares
exemplaires mais qui ne peuvent pas donner lieu à une description
technique générale.
Résultats (fig 13)
Le résultat esthétique est disgracieux, le moignon de l’épaule ayant
totalement disparu et le coude apparaissant remonté de plusieurs
centimètres par rapport au côté opposé.
Sur le plan fonctionnel, il ne faut pas compter sur une mobilité
quelconque de la racine du membre. Cependant, quelques mouvements
de flexion-extension du coude restent possibles et surtout, on peut
conserver une main fonctionnelle, sensible, avec une pronosupination
normale et une bonne flexion des doigts. Les gestes du coiffage et de la
toilette ne sont pas possibles mais la main peut être utilisée pour se
nourrir, écrire, tenir un instrument léger ou un livre.
•
• •
En conclusion, la grande variabilité de siège, de nature, de
dimension des lésions de l’omoplate nécessite une importante
panoplie de techniques chirurgicales variées. C’est ce qui
explique cette énumération un peu longue et fastidieuse.
C’est aussi dire l’intérêt d’un bilan préopératoire et d’un planning
aussi précis que possible de l’intervention en sachant que l’on
peut être amené en cours de route à changer de tactique ou à faire
appel à des artifices imprévus. C’est alors que l’imagination,
l’habileté, l’expérience du chirurgien prennent toute leur valeur.
Fig 12 et 13 ➤
page 7
44-241 TECHNIQUES DE SCAPULECTOMIE Techniques chirurgicales

A B C
12 Scapulectomies élargies conservatrices. Possibilités de réparation. B. Après scapulectomie partielle, reconstruction par : a. plaque ; b. allogreffe ;
A. Suspension du moignon huméral au trapèze. Le deltoïde sera solidement c. péroné vascularisé (d’après O’Connor et al).
suturé au trapèze et, si possible, aux muscles thoraciques restants. C. Reconstruction par prothèse humérale (d’après O’Connor et al).

A B C
13 Scapulectomie totale élargie de Tikkor-Linberg sans reconstruction. Résultats fonctionnels.

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