Dans notre discussion sur la « soif dispersion » XiaoKe ou soif
consomption comme cela peut être traduit, il ne serait pas surprenant que le lecteur associe cette maladie à la conception moderne du diabète, qui est aussi caractérisé par une augmentation importante de la soif et des urines et un dépérissement du corps. Si nous passons en revue la littérature nous voyons que proche de la dynastie Sui ( 581-618 ), le même terme XiaoKe ( ici traduit par soif consomption ) était utilisé en référence à une maladie équivalente à ce que nous appelons diabète. Quel est donc le lien entre la maladie décrite dans le chapitre de la maladie de JueYin et notre conception moderne du diabète ? Quand j’étais à l’université, lorsque nous discutions des contours de la maladie de JueYin dans le ShangHanLun, je me rappelle que le professeur disait précisément qu’il était une erreur de confondre XiaoKe du chapitre de JueYin avec la conception moderne de diabète et nos livres réitéraient ce point. Cependant, un des symptômes clés de la maladie de JueYin est la soif consomption/dispersion et il s’agit également d’un des symptômes clés du diabète. Le symptôme de soif dispersion/consomption auquel il est fait référence dans les lignes d’ouverture du chapitre de JueYin n’est pas identique au diabète, cela signifie t’il pour autant que XiaoKe et Diabète n’ont aucun rapport ? Cette question m’a trotté dans la tête pendant longtemps sans me laisser de répit.
Comme nous le savons tous, un changement directement observable
dans le diabète est l’augmentation de la concentration de glucose dans le sang. Lorsque la concentration du glucose dans le sang du patient atteint un certain point, les reins ne sont plus en mesure d’empêcher le glucose de passer dans les urines. C’est pourquoi les anciens observaient les urines afin de voir si elles contenaient du sucre pour diagnostiquer le diabète. Comment savaient ils qu’elles contenaient du sucre ? Grâce aux fourmis. Les fourmis ont un excellent odorat, particulièrement pour le sucre. Normalement les urines n’attirent pas les fourmis, leur odeur peut même les repousser. Les urines d’un patient diabétique attirent les fourmis en grand nombres. Ainsi les anciens médecins chinois utilisaient les fourmis pour diagnostiquer le diabète.
Dans le corps, le sucre sert de source d’énergie, approvisionnant tous
les tissus en carburant. Pourquoi la glycémie est elle élevée chez les diabétiques ? Depuis la perspective moderne, le facteur principal est l’insuffisance d’insuline. Par conséquent les traitements se basent sur la supplémentation d’insuline ou la stimulation de la sécrétion d’insuline. Cependant les dernières recherches semblent montrer que l’insuffisance d’insuline n’est qu’un des aspects de la maladie. Un autre, et non des moindre est une obstruction du métabolisme du glucose au niveau cellulaire. A première vue le glucose paraît surabondant, mais au niveau cellulaire le glucose manque. C’est la dé privation au niveau cellulaire qui provoque la saturation du sang en glucose. En outre, le patient devient affamé et ses prises alimentaires augmentent. Du point de vue biomédical, le problème reste toujours le taux élevé de sucre dans le sang. Nous devons garder en tête que depuis la perspective du corps humain, il n’y a pas trop de glucose mais pas assez. La difficulté dans le traitement du diabète est donc de concevoir un traitement qui permet de lever l’obstacle dans le métabolisme du glucose au niveau cellulaire. Une fois l’obstacle levé, la maladie perd son fondement.
Nous avons déjà dessiné les contours da la maladie du diabète depuis
la perspective de la science moderne. Comment la médecine chinoise explique-t-elle le diabète, et plus spécifiquement d’après la théorie des 6 divisions du ShangHanLun ? Le diabète est le résultat d’une obstacle dans le métabolisme du sucre dans le sang. À quelle catégorie appartient le sucre d’un point de vue de la médecine chinoise ? Le sucre est de saveur douce, et dans les WuXing le doux appartient à la terre. Donc le sucre appartient à la terre. Du point de vue de la médecine chinoise un dysfonctionnement dans le métabolisme et l’utilisation du glucose est un dysfonctionnement de l’élément terre dans le corps humain. Comment l’élément Terre est il entravé ou obstrué ? De nos précédentes observations, nous savons que le diabète est un excès de sucre dans la sang. Quelle est la correspondance du sang dans la nature ? La sang s’écoulant dans les vaisseaux est semblable aux fleuves et aux ruisseaux. Ainsi les anciens disaient: l’homme a les vaisseaux sanguins, la terre a les fleuves et les ruisseaux. Si le sucre est trop abondant dans le sang cela signifie par analogie que l’eau des fleuves et des rivières contiennent trop de terre.
Par le passé, les eaux du fleuve YangZi étaient turquoises, et les
collines et les montagnes traversés par ces eaux claires étaient recouvertes d’une verdoyante végétation, créant un véritable spectacle pour les yeux. À présent si nous retournons au YangZi, nous trouvons maintenant des collines dénudées de leurs forêts et de leur feuillage luxuriant, et les eaux de la rivière jadis turquoises sont devenues jaune et trouble. Comment une eau turquoise devient elle trouble et jaune ? Elle charrie trop de terre. Le sol doit rester la où il est, et non être emporté dans les eaux de la rivière. Pourquoi donc se retrouve-t-il dans le YangZi ? Nous avons parlé de cette cause dans le chapitre de TaiYin: l’érosion du sol emporte la terre dans les voies d’eau. Une fois que les forêts ont été coupées et que le tissu végétatif est décimé, le sol ne parvient plus à maintenir sa cohésion. Le vent souffle, la pluie tombe et progressivement la terre du sol finit dans les eaux de la rivière. À partir de cela, nous voyons que l’excès de terre retrouvé dans l’eau, et qui la rend boueuse et trouble est dû en réalité à la pauvreté de la végétation. Au premier regard il semble que la terre dans l’eau est le problème. Mais si nous remontons à la source du problème, il s’avère que c’est le bois qui est en cause et non la terre.
Si nous comprenons l’adage de LaoZi « le dao s’accorde à la nature »,
alors nous savons que bien que l’agent pathologique principal du diabète est le sucre dans le sang ( qui appartient à la terre ), le vrai coupable est le bois, JueYin. Pourquoi le premier signe de la maladie de JueYin est il la « soif consomption » ( XiaoKe ) ? Y a t’il une relation entre XiaoKe et la soif du diabétique décrite depuis la dynastie Sui ? Il est clair que si l’on place le diabète dans le contexte de la maladie de JueYin, cela nous libère du concept contraignant de la « doctrine des 3 dispersions » proposé au début de la dynastie Qing et maintenant intégré dans tous les textes modernes. Cette perspective nous fournit une véritable source de traitement pour le diabète. Par la compréhension et le traitement du diabète depuis la perspective de la maladie de JueYin, nous élevons la discussion à un autre niveau, celui du monde naturel. A l’heure actuelle, la biomédecine considère le diabète comme une maladie incurable et qui nécessite un traitement à vie. Est il envisageable que nous, du point de vue de la maladie de JueYin soyons en mesure de trouver un traitement curatif au diabète ? Je suis persuadé qu’un tel traitement est possible. Utiliser les concepts et les méthodes de la médecine chinoise pour guérir une maladie considérée comme incurable par la biomédecine n’est pas de la « modernisation », c’est bien plus que ça. Pour le bien de l’humanité, j’espère que la médecine chinoise sera capable de fournir de nouvelles stratégies par lesquelles la médecine moderne fera de nouvelles avancées dans le traitement et la guérison des maladies. Nous ne sommes pas limités à nous armer des dernières technologies médicales dans notre exercice de la médecine chinoise. Plus important que les outils technologiques, nous devons nous armer en approfondissant notre compréhension de la médecine chinoise, et obtenir la capacité d’exercer à travers les techniques traditionnelles. C’est le seul moyen pour que le chemin de la médecine soit long et prospère.