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MÉMOIRE ORIGINAL
a
Service de dermatologie, CHR de Metz-Thionville, rue du Friscaty, 57100 Thionville, France
b
Service de dermatologie, CHRU de Brabois, rue du Morvan, 54500 Vandoeuvre-lès-Nancy,
France
c
Plateforme d’aide à la recherche clinique, UMDS, CHRU de Brabois, rue du Morvan, 54500
Vandoeuvre-lès-Nancy, France
d
Service de dermatologie, GPT hôpitaux institut catholique Lille, rue du Grand-But, 59000
Lille, France
e
Service de dermatologie, CHR d’Argenteuil, rue du Lieutenant-Colonel Prudhon, 95100
Argenteuil, France
f
Service de rééducation vasculaire, CHRU de Grenoble, avenue Maquis du Grésivaudan, 38700
La Tronche, France
g
Service de médecine vasculaire, CHRU de Grenoble, avenue Maquis du Grésivaudan, 38700
La Tronche, France
h
Service de dermatologie, CHRU de Reims, rue du Général-Koenig, 51092 Reims, France
i
Service de dermatologie, CHR de Chalon, rue Capitaine Drillien, 71100 Chalon-sur-Saône,
France
∗ Auteur correspondant. Service de dermatologie, CHR de Bel Air, rue du Friscaty, 57100 Thionville, France.
Adresse e-mail : h.martin@chr-metz-thionville.fr (H. Martin).
https://doi.org/10.1016/j.annder.2019.09.004
0151-9638/© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
794 H. Martin et al.
j
Service de dermatologie, CHRU d’Amiens, place Victor-Pauchet, 80054 Amiens, France
k
Service de dermatologie, CHR Corentin-Celton, Parvis Corentin-Celton, 92130 Issy Les
Moulineaux, France
l
Service de dermatologie, CHRU de Monptellier, avenue du Augustin Fliche, 34090
Montpellier, France
m
Service de dermatologie, CHR le Mans, avenue Rubillard, 72037 Le Mans, France
n
Service de dermatologie, CHRU de Rouen, boulevard Gambetta, 76000 Rouen, France
o
Service de dermatologie, CHRU de Caen, Côte de Nacre, 14000 Caen, France
p
Service de dermatologie, hôpital Tenon, rue de la Chine, 75020 Paris, France
Reçu le 14 avril 2019 ; accepté le 3 septembre 2019
Disponible sur Internet le 21 octobre 2019
KEYWORDS Summary
Chronic wounds; Background. — Drug addiction causes chronic wounds (CW) responsible for severe complications.
Leg ulcers; Very few studies are available on this topic. The aim of our study was to describe the demogra-
Drug abuse phic, clinical and etiological characteristics as well as the course of CW in drug addicts.
Patients and methods. — This was a retrospective and prospective multicenter study including
all drug addicts with CW.
Results. — We included 58 patients (17 prospectively), 84.5% of whom were male, of median
age 43 years, presenting multiple CW as a result of intravenous (78.2%), inhaled (41.1%) and/or
snorted (20%) drug abuse. Addiction to opioids (68.4%), cocaine (47.4%) and/or cannabis (40.4%)
was ended and/or treated through substitution in 79.3% of patients. CW were fibrinous and
necrotic (42.9 to 53.6%), recurrent (54.2%), and in some cases had been present for more than
1 year (61.5%). Intravenous drug addiction was associated with large, fibrinous, ulcers in a
setting of venous and lymphatic insufficiency (74%). Only 23% of these wounds involved the
upper limbs. Necrotic ulcers associated with clinical arteriopathy were described mainly with
inhaled addiction. Abscesses (50%) and erysipelas (29.3%) were the most common cutaneous
complications. After 3 months, 50% of CW were improved and 29.2% of patients were lost to
follow-up.
Caractéristiques des plaies chroniques chez les toxicomanes 795
Discussion. — Drug abuse-related CW occurred preferentially in young men with history of intra-
venous abuse. For the most part, CW were seen on the legs and were associated with venous and
lymphatic insufficiency, and the resulting major risk for cutaneous infection increased morbidity
and mortality in this population in whom medical follow-up is inherently complicated.
© 2019 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
La toxicomanie est un problème de santé publique mon- aspect, existence de signes cliniques d’insuffisance vei-
dial [1,2]. Selon le rapport de 2018 de l’Office des nations neuse, artérielle ou lymphatique, douleur, complications),
unies contre la drogue et le crime, 275 millions de per- les résultats des échographie-dopplers artérielles ou vei-
sonnes seraient concernées. Il s’agit d’une maladie dont les neuses et l’évolution clinique à 3 mois. L’évolution favorable
complications cutanées sont les plus fréquentes, affectant était définie comme une diminution de la taille de l’ulcère
60 à 86 % des usagers de drogues [2,3]. Parmi celles-ci, ou une régression de la fibrine et de la nécrose au cours
les ulcères de jambe sont fréquents, avec une préva- du suivi. La voie inhalée correspondait à l’action de fumer
lence estimée à 15 % et une morbi-mortalité importante la substance, la voie nasale à celle de la « sniffer » et la
[3]. Néanmoins très peu d’études sur les plaies chroniques voie orale à celle de l’ingérer. Le terme opiacé désignait
(PC) du toxicomane sont disponibles. Notre objectif était l’héroïne, la buprénorphine et la méthadone. L’insuffisance
de déterminer les caractéristiques épidémiologiques, cli- veineuse clinique était caractérisée par la présence d’un ou
niques, étiologiques et évolutives des PC au cours des plusieurs des éléments suivants : télangiectasie, veine réti-
toxicomanes. culaire, varice, œdème, dermite ocre, eczéma variqueux ou
atrophie blanche. Une artériopathie clinique était retenue
devant un ou plusieurs des éléments suivants : diminution
Patients et méthodes ou abolition des pouls périphériques, allongement du temps
de recoloration cutanée ou claudication. Enfin un lymphœ-
Nous avons réalisé une étude descriptive comprenant à la dème, l’impossibilité de pincer la peau du second orteil, un
fois un recueil rétrospectif, de janvier 2013 à décembre éléphantiasis, une pachydermie ou des lymphangiectasies
2017 et un recueil prospectif de janvier 2018 à août 2018. témoignaient d’une insuffisance lymphatique.
Tous les patients vus en consultation ou en hospitalisa- L’analyse statistique a été effectuée avec le logiciel
tion répondant aux critères d’inclusion ont été inclus, IBM SPSS Statistics v22. En fonction de leur nature et de
de manière consécutive dans les services de dermatolo- leur distribution, les variables ont été décrites par leur
gie, de médecine vasculaire ou de rééducation vasculaire effectif (pourcentage) ou par leur médiane (intervalle inter-
des centres hospitalo-universitaires d’Amiens, Caen, Lille, quartile ; IQR). L’étude de la relation entre les variables
Montpellier, Nancy, Reims, Rouen, Tenon (Paris), Grenoble catégorielles a été étudiée grâce au test du Chi2 avec si
et les centres hospitaliers régionaux de Metz-Thionville, nécessaire la méthode exacte de Fisher. La comparaison des
de Chalon-sur-Saône ainsi que les centres hospitaliers variables quantitatives a été réalisée avec le test de Mann
d’Argenteuil, du Mans et d’Issy les Moulineaux. Les critères et Whitney. Le risque de première espèce est pris à 5 %.
d’inclusion était la présence d’au moins une PC et d’une
toxicomane active, sevrée ou substituée. La toxicomanie
était définie par une addiction à au moins une substance Résultats
psychoactive (illicite ou détournée de son usage primaire).
Une plaie chronique était considérée comme une perte de Cinquante-huit patients ont été inclus dont 17 en prospec-
substance cutanée ou muqueuse évoluant depuis au moins tif. Les âges s’échelonnaient de 27 à 60 ans. Les principales
4 semaines. Les critères de non-inclusion étaient la prise caractéristiques démographiques, cliniques, étiologiques et
concomitante de médicaments inducteurs d’ulcères cuta- évolutives sont décrites dans le Tableau 1.
nés (cétuximab, géfitinib, gemcitabine, hydroxycarbamide, Le groupe prospectif était comparable au groupe
méthotrexate, nicorandil, pazopanib, sirolimus, sorafénib, rétrospectif pour l’âge, le sexe, l’utilisation de la voie intra-
sunitinib). À l’aide d’un questionnaire type établi par les veineuse, la durée d’évolution, la localisation aux jambes
dermatologues des centres hospitaliers de Nancy et de et la surface. Le groupe prospectif comportait significa-
Thionville et validé par le groupe d’angiodermatologie de tivement plus de patients atteints d’insuffisance veineuse
la SFD, des données cliniques et paracliniques ont été que le groupe rétrospectif. Les PC étaient majoritaire-
recueillies dont l’âge, le sexe, le statut social, les comor- ment associées à une toxicomanie sevrée aux opiacés
bidités, les traitements, les informations relatives à la intraveineux (IV). Trois patients présentaient une toxico-
toxicomanie (âge de début, voie utilisée, substance), les manie aux amphétamines et/ou au diéthylamide de l’acide
caractéristiques de l’ulcère (nombre, délai d’apparition lysergique (LSD). Les patients étaient porteurs de PC mul-
après le début de la toxicomanie, durée d’évolution, locali- tiples, fibrineuses (53,6 %) et/ou nécrotiques (42,9 %),
sation, surface de la plus grande en cas de PC multiples, de grande taille et hyperalgiques (Tableau 1). Plus de la
796 H. Martin et al.
Tableau 1 Principales caractéristiques démographiques, cliniques, étiologiques et évolutives des 58 patients toxico-
manes porteurs de plaies chroniques.
Femme/homme 9 (15,5)/49 (84,5)
Âge à l’inclusion (année) 43 [36,5—48]
Statut social [n = 53]
En activité 15 (28,3)
Chômage ou invalidité 34 (64,2)
Autres 4 (7,5)
Comorbidités
HTA 4 (6,9)
Diabète 2 (3,4)
Tabagisme 54 (93,1)
Âge de début de la toxicomanie 22 [18,00—27]
Statut de la toxicomanie
Active 12 (20,7)
Substituée ou sevrée 46 (79,3)
Voie utilisée
Intraveineuse 43 (78,2)
Nasale 11 (20)
Inhalée 23 (41,1)
Orale 0 (0)
Produit illicite consommé [n = 57]
Opiacé 39 (68,4)
Cocaïne 27 (47,4)
Cannabis 23 (40,4)
Autres 3 (5,3)
Polyconsommation 27 (47,4)
Nombre de plaies 2 [1—4]
Délai d’apparition de la plaie après début de la toxicomanie en mois [n = 38] 144 [96—228]
Récidive [n = 50] 26 (54,2)
Localisation de la plaie [183 pour 58 sujets]
Cuisses 2 (1)
Jambes 113 (62)
Pieds 31 (17)
Bras ou avant-bras 12 (6)
Mains 24 (13)
Autres 1 (1)
Surface de la plaie (cm2 ) [n = 52] 12 [4—65]
Durée d’évolution de la plaie (mois) [n = 54] 13 [6—45,75]
Présence de signes cliniques [n = 57]
Insuffisance veineuse ou lymphatique 34 (59,6)
Artériopathie clinique 11 (19,3)
Absence de pathologie vasculaire clinique 12 (21,1)
Douleur [n = 56]
Absente 10 (17,9)
Modérée ou intense 46 (82,1)
Évolution à 3 mois [n = 48]
Favorable 24 (50)
Aggravation ou stagnation 10 (20,8)
Perdus de vue 14 (29,2)
Complications
Abcès 29 (50)
Érysipèle 17 (29,3)
Fasciite nécrosante 2 (3,4)
Ostéite 7 (12,1)
Endocardite infectieuse 4 (7)
VIH 1 (2)
VHB 7 (12)
VHC 29 (50)
[n] : effectif indiqué (si différent de 58) pour lequel la variable était disponible. Les résultats sont exprimés soit en effectif (%), soit en
médiane [intervalle inter-quartile].
Caractéristiques des plaies chroniques chez les toxicomanes 797
Tableau 2 Comparaison du mode d’injection en fonction du terrain vasculaire identifié chez les toxicomanes porteurs
de plaies chroniques.
Insuffisance veineuse Insuffisance artérielle Absence de pathologie
clinique clinique vasculaire clinique
n = 34 n = 11 n = 12
Présente Absente p Présente Absente p Présente Absente p
Voie intraveineuse, n = 43 31 11 0,001 1 41 0,0001 10 32 0,094
Voie inhalée, n = 23 9 14 0,012 10 13 0,0001 4 19 1
Voie nasale, n = 11 9 2 0,170 1 10 0,426 1 10 0,745
Les résultats sont exprimés en effectif.
798 H. Martin et al.
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