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Marie-Josèphe Dhavernas-Lévy

Prométhée stigmatisé
In: Mots, septembre 1995, N°44. pp. 25-39.

Resumen
PROMETEO ESTIGMATIZADO A la culpabilización nativa del nombre роr el cristianismo, se puede anadir una actitud laica de
desconfianza hacia el deseo de conocer el mundo y de actuar sobre él. El cientificismo, con el que la ciencia conduce el mundo,
antes para bien ahora para mal, niega la autonomia de las selecciones humanas. Pero estas posiciones no van sin
contradicciones.

Abstract
THE STIGMATIZATION OF PROMETHEUS The guilt complex caused by Christianity is now intensified by a secular attitude of
mind, that suspects desiring to know the world and to act on it. The scientistic ideology, implying that science rules the world,
lately for better, today for worse, denies human choice's autonomy. However, such positions are hardly consistent.

Résumé
PROMÉTHEE STIGMATISÉ A la culpabilisation native de l'homme par le christianisme s'est ajoutée une attitude laïque de
défiance vis-à-vis du désir de connaître le monde et d'agir sur lui. Le scientisme, pour lequel la science mène le monde, naguère
pour le meilleur, aujourd'hui pour le pire, nie l'autonomie des choix humains. Mais ces positions ne vont pas sans contradictions.

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Dhavernas-Lévy Marie-Josèphe. Prométhée stigmatisé. In: Mots, septembre 1995, N°44. pp. 25-39.

doi : 10.3406/mots.1995.1991

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mots_0243-6450_1995_num_44_1_1991
Marie-Josèphe DHAVERNAS-LEVY°

Prométhee stigmatisé

L'humain ennemi de l'humanité ?

H est curieux de voir le sort actuellement accordé au mythe de


Prométhee; traditionnellement, il s'agit d'un héros positif: quelle
que soit la version du mythe, c'est un ami et bienfaiteur de
l'humanité, révolté contre des dieux injustes et égoïstes, et porteurs
de tous les défauts humains, la puissance en plus (et l'impunité,
concernant Zeus leur chef). C'est Prométhee qui sort les humains
de l'animalité et de la sauvagerie asservie, qui leur apprend la
culture et la civilisation, qui leur donne des moyens d'agir contre
un sort indigne et injuste... Aussi, l'adjectif « prométhéen », tel qu'il
est défini par le dictionnaire Robert, signifie-t-il « caractérisé par le
gout de l'action, la foi en l'homme » (il est d'ailleurs caractéristique
que le « Commentaire » par F. Mounier de la récente encyclique
pontificale Evangelium Vitae dans le journal La Croix s'intitule
précisément «Contre Prométhee»1. Il n'y a pas à supputer ici les
raisons de cette perte de la foi en l'homme, qui font que la
référence à Prométhee n'est plus, depuis une décennie et quelque,
utilisée que de manière péjorative ; catastrophes écologiques,
désastres des utopies, nationalismes massacreurs, « nous cédons
parfois à la séduction prométhéenne et à l'engouement scientifique »,
écrivent Boné et Malherbe, signalant la synonymie largement attr
ibuée à ces deux expressions et leur identification (qu'ils nuancent
pour leur part) à la « technologie amorale ou même immorale » 2.
La nature, fantasmatiquement personnifiée, apparait agressée, et, soit
vengeance de sa part, soit maladresse humaine auto-destructrice, ne
saurait manquer de nous ramener sévèrement à plus de modestie :

° CNRS, Institut international de philosophie, 8 rue Jean Calvin, 75005 Paris.


1. La Croix, 31 mars 1995
2. Edouard Boné, Jean-François Malherbe, Engendrés par la science, Paris, Le
Cerf, 1985, p. 14.

Mots, 44, septembre 95, p. 25 à 39 25


l'ordre marchand « remplace des actes vivants par des artefacts,
transforme la nature en marchandise, menace de faire de l'homme
lui-même un objet produit en série » l. Le désastre ne vient plus
de l'extérieur, il est imputé à l'action humaine et à elle presque
exclusivement, au point que, dans les cas limites, tout vaudrait
presque mieux à l'humanité que de faire usage de ses facultés
propres. L'objet de ce texte n'est pas de proposer une analyse de
cette situation, mais d'en montrer quelques manifestations à travers
le discours bioéthique, et singulièrement dans ce qui fait l'objet de
la génétique, c'est-à-dire ce qui est ressenti — quoiqu'en même
temps refusé, contradiction sur laquelle on reviendra plus loin —
comme le noyau dur de notre spécificité ; d'où ce paradoxe, qui
fait que la particularité mentale même de l'humanité est conçue et
présentée par nombre d'auteurs comme ce qui nuit à l'humanité
comme telle, comme une sorte de maladie auto-immune qui envah
irait la civilisation « prométhéenne », « technicienne » et, en défi
nitive, moderne.
En fait, on constate une forte convergence entre le discours
traditionnel chrétien2, d'après lequel tout ce qui risque d'entrer en
rivalité avec l'action divine créatrice est sacrilège et, d'une certaine
manière, « dénaturé », et un discours qui se veut indépendant de
toute affiliation religieuse, mais qui fait référence de manière presque
constante à la sacralité. €e discours se présente assez volontiers
comme le discours des Droits de l'homme, mais peut aussi bien
s'affirmer comme celui de la critique de l'humanisme. Toute atteinte
à la sacralité y est présentée, sur le mode de l'évidence, comme
inhumaine ou déshumanisante, mais aussi, par postulat ou même à
titre d'axiome, comme inhérente à cette déshumanisation ; tout se
passe comme s'il y avait, ce qui n'est guère le cas, consensus sur
ce qui est « sacré » ; bien sûr, la vie humaine, mais alors le
problème se repose : qu'est-ce au juste que la « vie humaine » ?
Est-ce une personne ? Un organe ? Un amas de cellules, éventuel
lementindifférenciées ? Un descendant d'humain, fût-il dénué de ce
qui est nécessaire au propre de l'humanité (cas de l'anencéphalie

1. Jacques Attali, Lignes d'horizon,.Paris, Fayard, 1989, cité par Robert Maggiori,
«Le nouveau songe ď Attali», Libération, 11 janvier 1990, p. 26.
2. L'adage protestant selon lequel l'homme est ouvrier avec Dieu permet certes
une plus grande latitude, dont témoigne d'ailleurs la divergence entre les positions
morales de l'Eglise réformée et celles de l'Eglise romaine ; les variétés anglo-
saxonnes sont si diverses qu'elles rendent difficile une quelconque généralisation, et
la violence des antagonismes en matière de morale biomédicale est frappante aux
Etats-Unis. Toutefois, l'impératif d'humilité finit toujours par poser des restrictions à
l'action humaine sur la création divine.

26
par exemple)1 Qu'en est-il d'un être dont le cerveau est clinique-
ment mort mais les autres organes maintenus en état de survie
artificielle ? Et ceux qui sont en état de coma végétatif chronique
depuis des années ? On ne s'étonnera pas de constater que plus les
réponses sont floues, plus elles sont consensuelles, et que tout
surcroit de précision et de rigueur dans les définitions est cause de
polémique.
Dans l'optique a-religieuse de la position antiprométhéenne, l'hu
manité, dans son projet constructeur, apparait en rivalité avec la
nature, celle-ci étant seule habilitée à introduire des transformations.
Les espèces évoluent, certes, mais ce n'est pas à elles d'en décider,
et comme l'espèce humaine, pour autant qu'on le sache, est la
seule à même de contribuer volontairement à une telle œuvre, elle
est a priori suspecte de nourrir ce désir blasphématoire et cette
ambition aussi téméraire que dénuée d'humilité. F. Isambert décrit
ainsi ce courant de pensée :

« Déjà, il y a quelques années, s'élevaient outre-Atlantique des voix qui,


rappelant la célèbre hatchery du Meilleur des mondes, s'insurgeaient
contre le passage de la procréation à une "fabrication" de l'homme,
inquiétante certes à cause de ses excès possibles, mais aussi pour le
principe, à cause de la transgression de l'ordre naturel, du remplacement
de la nature avec ce qu'elle a d'imprévisible, par l'artifice, dont les
résultats sont déterminés par la volonté de l'homme»2.

La nature apparait comme agressée, elle est personnalisée, an-


thropomorphisée, ce qui du reste est indispensable à l'idée de
rivalité entre elle et son humaine création ; il y a une quinzaine
d'années déjà, un groupe de scientifiques contestataires publiait sous
un nom collectif, dans un ouvrage concernant les risques liés aux
recombinaisons génétiques, cette citation fort pieuse ď Erwin Char-
gaff:

« Sommes-nous sages lorsque nous nous préparons à mélanger ce que la


nature a gardé d'instinct ; à savoir les génomes des cellules eucaryotes
et procary otes ? /.../ Avons-nous le droit de contrecarrer de manière
irréversible la sagesse évolutionnaire de millions d'années, pour satisfaire
l'ambition et la curiosité d'une poignée de scientifiques ? /.../ Ma
génération, ou peut-être celle qui a précédé la mienne, a été la première

1. Absence de cerveau ou d'une de ses parties essentielles.


2. François Isambert, « Nouvelles parentés, point de vue d'un sociologue », Actes
du Colloque Génétique, procréation et droit, Arles, Actes Sud, 1985, p. 301.

27
à engager, sous la direction des sciences exactes, une guerre coloniale
destructrice contre la nature. Pour cela, l'avenir nous maudira»1.

De telles imprécations, fréquentes dans leur inspiration, évoquent


de manière frappante les malédictions des prophètes bibliques.
De même, Jean-Louis Baudoin et Catherine Labrusse-Riou posent
une question en somme un peu étrange : Produire l'homme : de
quel droit ? Bien que ce ne soit pas précisé, il est clair qu'il s'agit
de production artificielle, la production spontanée ou « naturelle »
d'humains n'étant évidemment mise en cause par personne (sous
réserve d'une éventuelle doctrine exterminationniste de quelque secte
actuellement inconnue). D s'agit donc, ainsi qu'il est d'ailleurs
indiqué sur la 4e de couverture, de l'activité de la médecine
moderne qui «ne se borne plus à guérir un ordre perturbé, elle
modifie un ordre naturel»2. Question posée plus curieusement
encore dans une émission télévisée : « Peut-on fabriquer
l'homme?»3. Mais que signifie cette interrogation? Il ne peut
s'agir de fabriquer l'humanité, qui existe déjà, ni des humains,
projet très hypothétique et pour le moins prématuré ; il reste toutefois
une troisième signification possible : la fabrication d'un « autre
homme », l'intervention sur le processus de spéciation, de telle
manière que l'on en obtienne une « post-humanité », objectif certes
lointain et dont nul ne sait en quoi il pourrait précisément consister,
mais à la forte charge affective et fantasmatique, sans parler des
connotations historiques.
Une piste toutefois nous est offerte par Jacques Testait : « Viendra
le jour où le solde de l'humanité sera tout entier contenu dans le
souvenir de l'homme », écrit-il, en prédisant la disparition de Yhomo
sapiens au profit d'une nouvelle espèce, d'ores et déjà baptisée
homo biœconomicus. Encore cette disparition de l'espèce n'est-elle
pas même due à une modification génétique opérée par l'humanité
sur elle-même, mais à un changement culturel (la procréation
médicalement assistée), perçu comme mutagène au point de suffire
à provoquer une mort programmée de notre espèce. Si « la nature
ne fait pas de sauts », c'est la culture elle-même, du moins la
culture actuelle, qui est ici accusée de faire un saut dans l'abime :
«Le genre humain va mourir puisque notre survivant sera culturel-

1. Erwin Chargaff, «Prométhee et Erostrate», dans Agata Mendel, Les manipul


ations génétiques, Paris, Le Seuil, 1980, p. 82.
2. Jean-Louis Baudoin, Catherine Labrusse-Riou, Produire l'homme: de quel
droit ?, Paris, PUF, 1987.
3. « Océaniques », France 3, 15 février 1988.

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lement incomparable ; ce suicide n'a pas été décidé, il est le résultat
d'un consensus auquel tous participent car il n'y a pas d'autre
façon de durer qu'en avançant /.../ il n'y a aucune chance que le
possible échappe à l'agir. L'éthique /.../ est le régulateur d'une
harmonie entre l'homme d'aujourdhui et son fantôme de demain » l.
Aux critiques de type chrétien ou néo-païen qui voient du sacrilège
dans l'action de l'humanité sur elle-même, action apparaissant
comme auto-créatrice (ou auto-destructrice) et non plus seulement
procréatrice, et usurpant ainsi le pouvoir dont seuls ont l'apanage,
selon le cas, le Dieu Père ou la Mère Nature, s'ajoute un discours
tenu par certaines féministes, sur un mode écologiste2 réclamant
une sorte de fusion quasi incestueuse avec cette même nature : la
« désassimilation du masculin » (celui-ci identifié à la civilisation
conquérante et inventrice, d'une manière qui retrouve involontaire
ment les croyances d'un Freud ou d'un Tarde attribuant aux seuls
humains mâles la participation active à la civilisation) doit apporter
de nouvelles valeurs, par l'intermédiaire de la femme qui, à partir
de son expérience corporelle sexuée, exprimera « un autre rapport
au corps, à soi, au monde, au pouvoir, à la propriété, à la société
et au sacré /.../ la vertu de savoir parfois "ne pas agir sur", "ne
rien faire"3 le besoin de se ressourcer dans le maternel: l'idée
que l'énergie dépensée dans "l'avoir" manque à "l'être" et que
l'espace féminin est situé au-delà de la dualité»4.

Entre mégalomanie masculine et paranoïa féminine

De manière générale, du côté des féministes, si nombre d'entre


elles ne montrent pas d'hostilité particulière à l'égard de la
biomédecine, en revanche une tendance, fortement reliée au niveau
international, manifeste une méfiance allant souvent jusqu'au rejet
d'emblée de tout ce qui agit sur la reproduction ou sur le génome

1. Jacques Testait, L'œuf transparent, Paris, Flammarion, 1986, p. 164-165.


2. En France, ces positions sont tenues au sein du pôle différentialiste, ou
« féminitude », et ne se retrouvent guère à l'autre pôle, chez les féministes égalitaristes
et universalistes, qui, par une homonymie trompeuse avec le féminisme anglo-saxon,
est qualifié de féminisme radical.
3. Souligné dans le texte.
4. Anne-Marie de Vilaine, « Paris féministe », Bulletin d'information et de liaison,
25, 15 avril 1986-30 avril 1986.

29
(ou même seulement vise à le déchiffrer)1, où s'expriment à la
fois l'indignation contre l'imposture masculine qui s'arroge le droit
d'intervenir sur la procréation (« pouvoir des femmes »), insulte la
maternité en prétendant améliorer son fonctionnement et même,
dans le cas de l'eugénisme, sa production, et qui, enfin, joue avec
le feu, eu égard à la performance incomparable des mécanismes
naturels vis-à-vis des prétentions de l'artifice: «D'après le Pr.
Edwards, le "père" de Louise Brown, les embryons obtenus par
fécondation in vitro sont de bien "meilleure qualité" que ceux que
les femmes produisent naturellement ! », se scandalise A.-M. de
Vilaine2. Fantasmes féminins d'ailleurs tout à fait confirmés par
ceux-là mêmes qu'expriment des hommes, praticiens de la biomé
decine : « Pour des personnes incroyantes comme moi, ce n'est pas
sacrilège de le dire : en quelque sorte nous devenons Dieu /.../
notre puissance devient identique à celle de celui qui a donné la
vie»3. Ici nous n'en sommes plus aux conséquences concrètes ou
aux effets réels des pratiques mentionnées, mais dans une sorte de
lutte de fantasmes et de désirs avoués ou prêtés, où ce qui compte
n'est pas la réalité effective, mais le contenu moral de ces désirs
et fantasmes ; dans ce cas, ceux-ci sont, soit tenus pour marquant
de manière indélébile l'acte considéré, et lui donnant sa finalité et
donc son contenu éthique et social, soit même vus comme anticipant
par leur seule existence une réalité proche ou à moyen terme.
Jalna Hanmer et Pat Allen, chercheuses féministes très préoccupées
par un éventuel gynocide à venir, argumentent contre la biomédecine
en prenant appui sur des citations telles que celle de J. Postgate
projetant dans l'avenir un imaginaire de science-fiction : proposant
de réduire le nombre de femmes, « il dit (qu'elles) pourraient être
enfermées dans des harems et ne plus avoir le droit de travailler
ou de voyager librement ; on pourrait instituer la polyandrie et
traiter les femmes comme les Reines chez les fourmis»4. Pour les
mêmes auteurs, le probable gynocide à venir est confirmé par cette
affirmation d'un transsexuel : « Les femmes génétiques tombent en
désuétude, c'est évident, et l'avenir appartient aux femmes trans-

1. Ce qui produit des attitudes hésitantes parfois et pas toujours extrêmement


cohérentes à l'égard de la contraception et de l'avortement.
2. Anne-Marie de Vilaine, « Les mâle-médias », dossier « De la parenté à
l'eugénisme », Les Cahiers du GRIF, 36, 1987, p. 59-60,
3. Jean Cohen, interrogé dans Marie-Ange d'Adler, Marcel Teulade, Les sorciers
de la vie, Paris, Gallimard, 1986, p. 83.
4. J. Postgate, «Bat's chance in hell», New Scientist, 5 avril 1973, p. 12-16,
cité par Jalna Hanmer, Pat Allen, « Les sciences de la reproduction — solution
finale ? », Questions féministes, 5, février 1979, p. 37.

30
sexuelles /.../ tout ce qui vous reste c'est votre " aptitude " à mettre
des enfants au monde et, dans un monde qui gémira d'avoir à
nourrir six milliards de personnes en l'an 2000, c'est un atout
négatif » *.
Le caractère excessif de ces craintes pourrait les faire croire
marginales ; en fait, elles ont un soubassement assez répandu, en
particulier au croisement du féminisme et de l'écologie, où l'on
trouve l'idée que « l'agression contre la nature » afin de la contrôler
est une « agression contre le féminin » : « La peur que l'homme a
de la femme et du féminin rejoint la peur qu'il a de la nature, la
peur de la possibilité de la nature à produire du vivant. La nature
n'est pas du tout inerte. Elle peut être terrifiante. La forêt vierge,
c'est terrifiant. Il y a une force très impressionnante. L'oppression
exercée par l'homme est là pour tenter de l'enrayer»2.

Peur de la réussite parfaite et de l'échec sans appel

Par-delà les références historiques (où l'ensemble des pratiques


eugéniques, quelles que soient les divergences de leurs buts et de
leurs présupposés sur l'humain, est subsume sous la volonté d'auto-
engendrement du nazisme), la méfiance ou parfois l'horreur à
l'égard de l'idée même d'eugénisme s'expriment selon deux modes
concomitants et néanmoins difficilement compatibles.
L'un est la peur de la perfection : l'eugénisme risquerait de
provoquer des « enfants parfaits », d'une désespérante uniformité ;
or cela donne à supposer non seulement que la perfection des
individus est celle de leur génome, mais que la perfection, puis
qu'elle implique l'uniformité, est associée à un génotype et un seul
(ou peut-être deux, si l'on accepte l'idée relativement récente
qu'aucun sexe n'est plus parfait que l'autre) ; on redoute une société
utilisant la technique médicale « dans le but de n'accepter au monde
qu'un enfant parfait, sous-entendu supérieur ou surhomme»3.
La deuxième crainte, évidemment antinomique de la perfection,
est celle de la catastrophe provoquée par les « apprentis sorciers »,
«Frankenstein» et autres «Docteur Folamour». Des savants fous,

1. Sister (New York), août-septembre 1977, p. 47.


2. Xavière Gauthier dans Françoise Cledat, Xavière Gauthier, Luce Irigaray,
Anne-Marie de Vilaine, «L'autre de la nature», Sorcières, 20, s.d., p. 18.
3. René Frydman, «La procréatique », Pouvoirs, 56, 1991, p. 69.

31
voire des parents « dénaturés » ou plutôt « déculturés » exerceraient
leurs « lubies »" sur les enfants l, et l'on ne sait quels monstres
risquent de sortir des laboratoires. A. Fagot-Largeault, pourtant,
souligne le décalage entre la tolérance dont on fait preuve vis-à-
vis des risques pris dans la plupart des activités sociales, profes
sionnelles ou ludiques, et le caractère sourcilleux envers le danger
en matière biomédicale (en l'occurrence, elle parle ici de l'expér
imentation thérapeutique) : « On a beaucoup dit au début des années
1970 que notre espèce a vendu son âme à la science, et que le
projet techno-scientifique instrumentalise l'être humain. Or, si l'on
compare le coût humain consenti pour la recherche, au coût humain
consenti pour l'extraction des ressources naturelles, ou pour l'exploit
sportif, ce sentiment de culpabilité apparait sous un autre jour»2.

L'argument de la diversité est invoqué pour alerter contre les


dangers de perte de gènes actuellement délétères mais supposés
potentiellement utiles et devant à ce titre être soigneusement
conservés : « Bref, avant d'éliminer à tort et à travers les gènes
indésirables, encore faudrait-il établir des simulations pour l'évolution
à venir de notre environnement; et ça, c'est impossible»3.

L'idée en elle-même de diversité n'est certes mise en cause par


personne, quelle que soit la position à l'égard de l'eugénisme ;
outre les arguments scientifiques, le principe de totale similitude
est, si ce n'est peut-être pour quelques maniaques de l'uniforme,
des plus rebutants, et tout à fait contraire au « narcissisme de la
petite différence » observé par Freud : que le premier venu puisse
être identique à moi, voilà qui est plutôt désobligeant ! Il n'en reste
pas moins remarquable que la notion de diversité soit à ce point
valorisée en elle-même, et tenue pour bonne par principe en matière
de patrimoine génétique (et, semble-t-il, en cette matière exclus
ivement : qui se plaint de Г eradication de la variole ?). De plus, la
pathologie héritée est largement exprimée dans les termes de la
sociologie du droit ou de la criminologie, voire de la bienséance :

1. Antoine Danchin, «Nature ou culture?», Le Débat, 36, septembre 1985, p.


24.
2. Anne Fagot-Largeault, «La réflexion philosophique en bioéthique», dans Les
fondements de la bioéthique, textes réunis par Marie-Hélène Parizeau, Bruxelles, De
Bœck-Wesmael, 1992, p. 22.
3. Rolande Girard, Le fruit de vos entrailles; du bébé éprouvette à la guerre
bactériologique ; le trafic des fœtus, Paris, Suger, 1985, p. 190.

32
il s'agit de « cellules déviantes », d'œufs « inconvenants » \ de
«bébé(s) hors-la-loi»2, etc.
En fait, de tels glissements langagiers, de la description biologique
au jugement social, ne sont pas surprenants, car ils sont liés à la
conviction que les porteurs de gènes pathologiques, une fois ceux-
ci connus et dépistés, seront condamnés à supporter des discrimi
nations sociales, voire légales, comme si, loin d'être des victimes,
ils s'étaient rendus coupables de quelque faute ; et ces discriminat
ions redoutées s'étendraient même, pense-t-on, aux handicapés en
général. L'exclusion prophétisée ne vise pas seulement les barèmes
d'assurance ou les réticences patronales au sujet de l'emploi, dangers
très réels qui concernant d'ores et déjà les maladies acquises, et
contre lesquelles les citoyens se doivent à l'évidence d'être vigilants ;
elle vient aussi de ce que «l'écart existant entre les méthodes de
diagnostic et les moyens thérapeutiques peut faire craindre que le
recours fréquent au diagnostic prénatal ne renforce le phénomène
social de rejet de sujets considérés comme anormaux et ne rende
encore plus intolérable la moindre anomalie du fœtus ou de
l'enfant»3. Que rien dans la société n'aille actuellement dans le
sens d'une pénalisation admise ni d'une mise à l'écart accrue des
handicapés n'affaiblit pas cette croyance. On peut y observer une
simple inversion du biologisme réductionniste et raciste largement
répandu à la fin du siècle dernier ainsi qu'entre les deux guerres,
qui voyait dans les êtres asociaux comme d'ailleurs dans les
contestataires politiques des « anormaux » et autres « tarés » mentaux.
A l'ancienne réduction de la marginalité à un cas de folie, succède
la réduction de la souffrance à une déviance sociale. La maladie
héréditaire est niée dans sa réalité, comme si l'unique douleur de
la personne qui en est frappée était la malveillance ď autrui :
« D'après Marsha Saxton, ce sont les normes sociales de beauté,
productivité, prouesses athlétiques et autres qui définissent le han
dicap. Ce sont la répression sociale et le manque de support qui
transforment souvent une déficience en un handicap»4.

1. Jacques Testait, «Le spectre de l'enfant parfait», Le Nouvel Observateur,


dossier « Va-t-on modifier l'espèce humaine ? Les prodiges et les menaces de la
révolution bio», documents n° 10, 1990, p. 73.
2. Anne-Marie de Vilaine, op. cit., p. 64.
3. Yvette Grenier, «Le diagnostic prénatal et les minorités», Sortir la maternité
du laboratoire, p. 244.
4. Micheline Boivin, «Synthèse du débat de l'Atelier. Une société sans handi
cap », Sortir la maternité du laboratoire, op. cit., p. 250.

33
Le «politiquement correct», objet de risée ou d'indignation
hexagonale lorsqu'il s'exprime sur les campus anglo-saxons, montre
ici un visage à la française ; certes on ne se croit pas obligé
d'appeler les handicapés des «capables autrement», mais on dénie
toute existence en soi à la pathologie, à l'anomalie, à la douleur
physique, mentale ou morale de la personne dont la maladie est
d'origine génétique, en ramenant son problème à la seule « diffé
rence ». Et pourtant, cette sociologisation, si l'on peut se permettre
un terme aussi malheureux du point de vue esthétique, montre
parfois ses limites ; elle ne peut être soutenue en tous points de
l'argumentation contre l'eugénisme, car pour en repousser le prin
cipe, il est parfois nécessaire d'admettre la réalité des anomalies
biologiques sans lesquelles sa notion même n'aurait pas de sens :
Testait lui-même, devant définir pour ses lecteurs les maladies
géniques, écrit qu'elles sont «consécutives à la substitution de
gènes anormaux à la place des gènes normaux que portent les
chromosomes » l.
Selon les moments du discours, les anomalies génétiques auraient
donc une réalité objective, ou à l'inverse n'existeraient que dans le
regard de l'autre, et se réduiraient à de simples « différences ». Le
« droit à la différence » va parfois jusqu'à prendre l'aspect d'une
sorte de revendication de « droit à la maladie », substitution d'autant
plus notable qu'il paraîtrait fort incongru d'invoquer, par exemple,
le « droit à la différence » de l'enfant diphtérique pour mettre en
cause les soins que sa santé nécessite. Dès lors qu'il s'agit du
génome, donc de l'inné et non plus de l'acquis, la cure parait à
certains, dans son principe même, être plus oppressive que libéra
trice:

« Imposera-t-on une thérapie génétique à tout individu porteur d'un gène


défectueux ? Jusqu'à quel échelon individuel se manifestera l'exigence
d'une qualité de vie néo-natale et ultérieure aussi parfaite que possible ?
Sera-t-elle imposée par la société ? L'individu a-t-il le droit de conserver
un patrimoine génétique n'ayant subi aucune manipulation ? Peut-il
conserver ce droit à la différence ou va-t-on lui imposer cette rectification
de son patrimoine génétique ? Cette préoccupation a été vivement ressentie
au niveau international par l'Assemblée parlementaire du Conseil de
l'Europe dans la recommandation 934 du 26 janvier 1982 relative à
l'ingénierie génétique », écrit M. M. Revillard2.

1. Jacques Testart, Le désir du gène, Paris, F. Bourin, 1992, p. 107.


2. Marie M. Revillard, «Ethique, droit et procréation», Prospective et santé, 31,
automne 1984.

34
Cet aveuglement à la souffrance et cet attachement à l'identité
pathologique du sujet concerné ne peuvent s'expliquer que si l'on
accorde aux gènes le rôle de noyau central identitaire de la
personnalité, bien plus essentiel que l'acquis, les pathologies acquises
lors de l'existence ne voyant pas opposer à leur cure de telles
résistances de principe ; or cette position s'accompagne de critiques
sévères de toute réduction de l'humain à son substrat biologique,
proclamant le devoir de «respecter ce qui reste, malgré tout,
fondamental : le mystère de l'homme et sa liberté » *. I. Rieusset
Lemarié propose une explication de cette contradiction qui anathe
matise ou valorise la prévention, selon qu'il s'agit de la transmission
par l'hérédité ou par l'environnement :

« Dans l'imaginaire de notre société, observe-t-elle, la fonction héréditaire


est paternelle. Et c'est à ce titre qu'elle est tabou, comme si tout ce
qui touche à l'hérédité risquait de commettre un sacrilège, comme si
tout interventionnisme sur le patrimoine génétique était assimilable à un
meurtre du père. L'impératif: "On ne doit pas toucher à ce qui relève
de l'inné, du patrimoine", revient à une soumission à la loi du père.
Une attitude surdéterminée par des siècles de culture chrétienne monot
héiste, qui se fonde sur le culte d'un Dieu le Père»2.

Peut-être, s' agissant de celles des féministes qui adoptent de telles


positions, peut-on y voir un simple report sur la mère de l'unili-
néarité assumée par le père ?
Il faut ici remarquer que le postulat de bienfaisance de la diversité
est, sous une apparence de neutralité, d'essence naturaliste. En effet,
la peur d'interventions catastrophiques provoquant le malheur des
petits humains expérimentaux (le Meilleur des mondes créé par des
« apprentis sorciers ») n'est aucunement désamorcée par l'idée qu'un
surcroit de diversité serait ainsi apporté à l'humanité ; cette diversité
n'est pas un bien à acquérir, mais seulement à ne pas perdre, le
« patrimoine génétique de l'humanité » devant être préservé par ce
qu'on appelait naguère une gestion de père de famille, et transmis
tel quel, sauf à se modifier de lui-même, mais sans que quelque
héritier aventureux ne risque de ruiner le lignage sous prétexte de
lui faire espérer de bénéfices fabuleux autant qu'aléatoires. Ainsi,
ce patrimoine génétique, malgré quelques petites misères, est par

1. Jean Rivero, «Compte rendu analytique», Actes du Colloque Génétique,


procréation et droit, op. cit., p. 145.
2. Isabelle Rieusset Lemarié, « Viras et rétrovirus : transmission et contagion :
l'hérédocontagion », dans François Gros, Gérard Huber (dir.), Vers un antidestin ?
Patrimoine génétique et droits de l'humanité, Paris, Odile Jacob, 1992, p. 245.

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nature bon pour ses dépositaires ; vouloir l'améliorer est volontariste
et donc outrecuidant, périlleux et même immoral : c'est un pas de
plus vers cette autonomie non seulement condamnée par l'Eglise,
mais assez mal considérée par nombre de nos concitoyens qui ne
se réclament pas particulièrement de l'enseignement évangélique, et
qui déjà s'inquiètent de la liberté récemment, quoiqu'incomplètement,
acquise au niveau individuel : « Dans notre société, la tendance est
libertaire (chacun estime avoir un droit absolu à disposer de son
corps et de sa vie) » l. On voit ici du reste que la diversité perd
quelque peu de son aura dès lors qu'elle est celle des choix de
vie et de morale ; elle devient alors hédonisme et individualisme,
considérés comme attitudes asociales ou peccamineuses. « II faudra
bien qu'un jour l'on fixe les bornes du pouvoir et du désir de
l'homme sur lui-même après avoir exalté comme il le fallait son
autonomie et sa liberté face au pouvoir ď autrui»2. Que chacun
prétende choisir ce qui vaut pour lui-même, de la vie et de la
mort, de la souffrance et du bien-être, est alors compris comme un
rejet de la communauté humaine.
Même chez des auteurs hostiles au laisser-faire social de Г ultra-
libéralisme anticonstructi viste3, on trouve souvent un soupçon contre
l'action eugénique se référant à la seule question de la souffrance :
celle-ci est perçue comme quelque faux-semblant qui renvoie « à
une arithmétique des plaisirs sans réelle portée morale. Aurait-on
déterminé les moyens les plus appropriés pour éviter les désagré
mentsdes uns sans pénaliser les autres ; serait-on parvenu à satisfaire
les pulsions et les aspirations des individus sans renoncer à l'intérêt
collectif, il resterait à apprécier la qualité des plaisirs ainsi équita-
blement répartis et il en est qui sont indignes de l'humanité»4.
Le problème, bien sûr, est de savoir quelle autorité pourra décider
ce qui est digne ou indigne de l'humanité, si ce n'est chacun de
ceux qui la composent. Plus cohérente est la position papale
lorsqu'elle fustige « la liberté voulant s'émanciper de toute tradition
et de toute autorité » 5, à cause de laquelle « la prétendue " qualité
de la vie" se comprend essentiellement ou exclusivement comme

1. Marie- Ange d'Adler, Marcel Teulade, Les sorciers de la vie, op. cit., p. 39.
2. Catherine Labrusse-Riou, « Don et utilisation de sperme et d'ovocytes », Actes
du Colloque Génétique, procréation et droit, op. cit., p. 267.
3. Cf. Jean-Michel Besnier, Jean-Paul Thomas, Chronique des idées d'aujourd'hui.
Eloge de la volonté, Paris, PUF, 1987.
4. Jean-Paul Thomas, Misère de la bioéthique. Pour une morale contre les
apprentis sorciers, Paris, Albin Michel, 1990, p. 51.
5. Jean-Paul П, «Evangelium Vitae», La Croix.

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l'efficacité économique, la consommation désordonnée, la beauté ou
la jouissance de la vie physique, en oubliant les dimensions les
plus profondes de l'existence, d'ordre relationnel, spirituel et rel
igieux » l.
Les critiques avancées contre les pratiques biomédicales visant à
écarter des gènes délétères, qu'il s'agisse d'une éventuelle modifi
cation (fût-elle fort minime) du génome, ou de l'empêchement de
faire naitre des êtres qui en seraient affligés, sont de plusieurs
ordres ; parfois, la virulence des condamnations est surprenante eu
égard au fait de l'inutilité affirmée de la tentative, du point de vue
de la transformation de l'espèce : « Que veut dire /.../ " modifier
une espèce " ? S'il ne s'agit que d'incorporer dans un patrimoine
collectif des gènes qu'elle ne possède pas, cela ne fait qu'ajouter
un peu de diversité à ce patrimoine. Cette diversité est naturellement
si grande qu'un tel ajout est dérisoire, sauf s'il provoque une
barrière interdisant Г interfécondité ; dans ce cas, il constitue moins
une modification de l'espèce qu'une scission de celle-ci en deux
espèces distinctes », écrit A. Jacquard dubitatif quand à cette poss
ibilité2.
D'autres s'inquiètent de la sélection ainsi réalisée, ce qui est
cohérent dans la perspective d'une croyance en l'existence de l'âme
préexistant au corps, mais n'a pas de sens hors de ce cadre, car
enfin, pour sélectionner des personnes ou des choses, il faut qu'il
y ait déjà quelqu'un ou quelque chose à sélectionner : dès lors,
l'évitement d'une naissance ou a fortiori d'une procréation suppose
qu'il y ait déjà, là, une personne à qui l'on peut porter un tort ou
que l'on peut discriminer, position explicitement refusée par certains
de ceux qui s'indignent néanmoins du choix exercé en faveur de
l'existence comportant les atouts les meilleurs autant que l'on puisse
le savoir ; car, à moins d'affirmer, comme peu d'auteurs s'y risquent
encore, que le tout de l'individu est inscrit dans les gamètes grâce
auxquels il a été conçu, il est difficile de nier que donner les
meilleurs cartes possibles au futur enfant n'indique en rien comment
sera réparti l'ensemble du jeu et que, quoi qu'il en soit, la façon
de jouer la partie sera la sienne. Il y a quelque contradiction à
soutenir que l'on porte atteinte à l'identité foncière d'une personne

1. Ibid, p. 23.
2. Cf. notamment Albert Jacquard, «Le cauchemar d'Albert Jacquard», Le
Nouvel Observateur, dossier « Va-t-on modifier l'espèces humaine ? Les prodiges et
les menaces de la révolution bio », documents n° 10, 1990, p. 100 ; cf. également
Jacques Testait, « Les risques de la purification génique : questions à Pierre- André
Taguieff », Esprit, 2, février 1994, p. 178 et suiv.

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future en exerçant une action ou un choix sur sa partie physique
à laquelle on refuse pourtant un statut autre que celui de simple
substrat, de tremplin vers une existence faite d'influences environ
nementales, de dépassement et de hasards.

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Résumé / Abstract / Compendio

PROMÉTHEE STIGMATISÉ

A la culpabilisation native de l'homme par le christianisme s'est ajoutée


une attitude laïque de défiance vis-à-vis du désir de connaître le monde et
d'agir sur lui. Le scientisme, pour lequel la science mène le monde,
naguère pour le meilleur, aujourd'hui pour le pire, nie l'autonomie des
choix humains. Mais ces positions ne vont pas sans contradictions.
Mots clés : bioéthique, eugénisme, humanité, nature, culture

THE STIGMATIZATION OF PROMETHEUS

The guilt complex caused by Christianity is now intensified by a secular


attitude of mind, that suspects desiring to know the world and to act on
it. The scientistic ideology, implying that science rules the world, lately for
better, today for worse, denies human choice's autonomy. However, such
positions are hardly consistent.
Keywords : bioethics, eugenics, mankind, nature, culture

PROMETEO ESTIGMATIZADO

A la culpabilización nativa del nombre рог el cristianismo, se puede


anadir una actitud laica de desconfianza hacia el deseo de conocer el
mundo y de actuar sobre él. El cientificismo, con el que la ciencia conduce
el mundo, antes para bien ahora para mal, niega la autonomia de las
selecciones humanas. Pero estas posiciones no van sin contradicciones.
Palabras cloves : bioética, eugenismo, humanidad, naturaleza, cultura

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