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03/09/2020 PROPOSITION DE DURKHEIM

EXPLIQUER ET DISCUTER CETTE


PROPOSITION DE DURKHEIM :

La première règle et la plus fondamentale est


de considérer les faits sociaux comme des
choses.

Pour saisir le sens exact de cette célèbre proposition, il


convient de la situer et de la dater. C'est la première des
règles de la méthode sociologique de Durkheim. Or quelle
est la fin que Durkheim se propose en cherchant à
déterminer les règles de la méthode sociologique ? C'est de
faire sortir la sociologie du stade pré-scientifique, d'aider à
la constituer en une science qui se distingue de la
spéculation philosophique autant que les sciences
naturelles. D'ailleurs pour Durkheim la sociologie est une
science naturelle. L'homme n'est pas un empire dans un
empire.
Quelle est alors la démarche propre de la pensée de
Durkheim ? C'est de se tourner vers les sciences déjà
constituées, et de leur demander le modèle de ce que doit
être une méthode scientifique. Si nous situons et si nous
datons la proposition de Durkheim que nous avons à
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examiner, si nous la soumettons à un examen historique,


nous repérons dans les premières œuvres de Durkheim
(cela vaut pour sa thèse sur la Division du Travail Social,
aussi bien que pour les Règles) nous repérons, dis-je, cette
idée implicite que la sociologie doit être scientifique; elle
doit donc, pour Durkheim, se mettre , quant aux méthodes,
à l'école des sciences déjà constituées.
Mais pourquoi doit-elle se mettre à l'école de la
biologie, et non point, par exemple, des mathématiques, ou
des parties les plus mathématiques de la physique ? A cette
question il y a deux réponses qui d'ailleurs se composent :
D'une part la génération philosophique de Durkheim
était très attentive aux théorie d'Herbert Spencer, qui
fondait la science des sociétés, et la vue qu'il avait de
l'homme, sur une interprétation de l'évolutionnisme
biologique - hypothèse très en vogue à la fin du XIXe
siècle.
D'autre part Durkheim avait profondément subi
l'influence d'Auguste Comte. On se souvient de la
classification des sciences d'Auguste Comte :
mathématiques, physique, chimie, biologie, sociologie; cet
ordre d'abstraction décroissante est aussi selon Comte,
l'ordre où elles doivent historiquement se constituer. Or la
biologie dans la deuxième moitié du XIXe siècle vient juste
d'accéder au statut scientifique. C'est donc le tour de la
sociologie qui la suit dans le tableau comtien (car Comte ne
fait point de place à part à la psychologie).
Si l'on compare les sciences mathématiques aux
sciences naturelles, qu'est-ce qui caractérise ces dernières ?
C'est, contrairement aux disciplines qui ont comme objet
l'esprit humain, et qui à la fin du XIXe siècle se dégagent
encore très mal de la philosophie, que ces sciences, les
sciences naturelles, ont comme objet quelque chose
d'extérieur à l'homme. Elles ont comme objet des choses.
L'observateur s'y place en face du phénomène observé qu'il
nomme chose pour bien poser cette extériorité réciproque,
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qui est la meilleure garantie contre l'immixtion de la


subjectivité dans l'observation, dans le travail de
l'observateur. On peut donc reconstituer ainsi la démarche
fondamentale de Durkheim :
Pour fonder la sociologie en tant que science il faut
traiter les faits sociaux qui en sont l'objet de la manière la
plus scientifique possible. En quoi consiste la manière la
plus scientifique possible ? Elle consiste, répond
implicitement Durkheim, à faire comme la biologie, traiter
les faits à étudier comme des choses.

Qu'est-ce que cela signifie exactement : traiter les faits


sociaux comme des choses ? C'est, dit Durkheim, les
"détacher des sujets conscients qui se les représentent".
Qu'entend-il par là ? Il en a donné maints exemples dans
ses travaux, ainsi que ses disciples.
C'est, par exemple, dans l'étude sociologique des
religions, ne pas considérer les croyances subjectives des
porteurs de religion, mais faire une étude objective des rites
de la religion; se demander quelle est la fonction des rites
(Ainsi MM. Hubert et Mauss ont étudié la nature et la
fonction du sacrifice, c'est-à-dire des rites sacrificiels, dans
la religion védique); ne pas considérer le sentiment que
dans une société les personnes ont du droit, mais considérer
le droit du dehors, comme somme d'institutions objectives
et se demander quelle est la fonction sociale des normes
juridiques, les considérer comme les organes de cette
fonction et ainsi leur trouver une signification qui ne peut
être ramenée à aucun état de conscience particulier
d'individu particulier.
Ce point de vue a rendu de très grands services en
sociologie. Il était indispensable. Mais est-il suffisant ? Il
serait suffisant si l'étude sociologique de la religion pouvait
se ramener à l'étude des rites, et si l'étude sociologique du
droit pouvait se ramener à l'étude des corpus juridiques.
Mais il saute au yeux que ce point de vue masque deux
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réalités, qu'il peut être de bonne méthode de mettre entre


parenthèses, c'est-à-dire d'ignorer provisoirement pour des
raisons méthodologiques, mais auxquelles on est ramené
tôt ou tard.
Ces deux réalités sont connexes :
L'homme est le sujet du droit et de la religion. Il a une
attitude psychologique envers les rites de sa religion et le
corpus des lois existantes. Cette attitude est sujette à
variation. Un rite et une loi peuvent rester les mêmes, et
leur signification changer. Quand Durkheim publia Les
règles de la méthode sociologique, Charles Andler, dans un
article de la Revue de Métaphysique et de Morale, émit un
doute formel : la sociologie est-elle possible sans
psychologie et sans histoire ? La caractéristique
différentielle de l'être-homme (du Dasein comme dit
Heidegger) c'est l'historicité, la Geschichtlichkeit. L'homme
est l'être dont le temps est le tissu même, ce qui signifie que
les mêmes faits changent de signification pour lui. Pour
traiter les faits sociaux comme des choses, il faut, comme
dit Husserl, mettre entre parenthèses cette historicité. Une
telle opération, bien entendu, est légitime et nécessaire. La
science elle-même est à ce prix. Mais cette opération doit
être consciente d'elle-même. C'est-à-dire que l'historicité de
l'homme dans la réalité n'étant pas entre parenthèses, le
savoir auquel on aboutit par cette mise entre parenthèses,
est un savoir limité, hypothétique et conditionnel. Il faut
savoir le corriger discrètement par des coordonnées de
situation et de date, analogues aux précautions
méthodologiques que prend la physique quand elle dit :
"dans les mêmes conditions de température et de pression";
et "toutes choses égales d'ailleurs". L'erreur de méthode qui
guette le chercheur enclin à oublier ces précautions,
consiste à confondre une restriction de méthode avec une
réalité substantielle, à hypostasier cette précaution de
méthode, à prendre des résultats hypothétiques,
conditionnels et limités pour des vérités de fait identiques à
celles qu'on atteint en géologie ou en archéologie, par
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exemple lorsqu'on date des couches de terrain à l'aide de la


radioactivité du carbonne 14. Là, on atteint à des résultats
rigoureux quant à la chronologie des strates. Bref il n'est de
bonne méthode de traiter les faits sociaux comme des
choses que si l'on n'oublie pas qu'ils ne sont pas des choses.
Qu'est-ce en effet que traiter les faits sociaux comme
des choses ? C'est mettre entre parenthèses tous les aspects
des faits sociaux par lesquels ils ne sont pas des choses.
Mais cette restriction volontaire du champ visuel de
l'observateur, devient une limitation involontaire, bref,
bascule de la vérité à l'erreur si le sociologue, au lieu de
traiter comme des choses les faits sociaux qui n'en sont pas,
les confond avec des choses.
On peut dire, pour user de l'expression commode de
Husserl, que chaque objet de science a un mode propre de
se donner. Comme je l'ai dit, il y a une pluralité et une
diversité irréductible de modes propres de se donner : "Tout
être n'est pas comme la table, il n'y a pas qu'un mode
propre de se donner et d'être appréhendé, celui de la table".
Mais il faut aller plus loin. De chacune des grandes
divisions de la science on peut dire qu'elle fait correspondre
à un mode propre pour l'objet de se donner, un mode propre
pour l'esprit de le saisir. Le mode de connaissance qui
atteint la vérité en mathématiques est irréductible au mode
de connaissance qui atteint la vérité en philologie, ou la
vérité en histoire.
En réalité, traiter les faits sociaux comme des choses est
une règle de méthode analogue à celle à quoi nous devons
la psychologie behaviouriste. Cela peut nous apprendre
beaucoup de choses d'étudier la conduite humaine comme
si la conscience n'existait pas. A condition de ne pas finir
par croire que la conscience n'existe pas, et finir par
confondre psychologie et physiologie.
A quoi se ramène le débat ?

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Durkheim a entendu traiter scientifiquement les faits


sociaux et cette fin est la nôtre, mais considérant le moyen
de les traiter scientifiquement, il a identifié deux
propositions qui ne s'identifient pas :
1- Traiter les faits sociaux scientifiquement
2- Traiter les faits sociaux comme des choses.
On peut à cette proposition de Durkheim appliquer la
maxime de Leibniz et dire qu'elle est vraie par ce qu'elle
affirme et fausse par ce qu'elle nie. Durkheim a raison : il
faut en effet traiter les faits sociaux scientifiquement si l'on
veut:
1- les connaître
2- agir sur le réel par cette connaissance (Naturae non
imperatur nisi parendo)
Mais cette proposition : "traiter les faits sociaux comme des
choses", contient implicitement un élément négatif et même
négateur au sens de Leibniz. Elle semble nier qu'il y ait des
moyens de traiter scientifiquement les faits sociaux autres
que de les traiter comme des choses, et c'est le sens d'une
autre règle de la méthode sociologique qu'on appelle règle
de la spécificité des faits sociaux. Durkheim l'énonce ainsi :
"La cause déterminante d'un fait social doit être recherchée
parmi les faits sociaux antécédents et non parmi les états de
la conscience individuelle". Il y a là en effet une véritable
infraction à la règle du déterminisme qui commande toutes
les sciences expérimentales. Si l'on recherche la vérité, on
ne doit pas s'interdire par préjugé de la trouver dans une
certaine direction. Affirmer comme le fait Durkheim qu'il y
a un déterminisme proprement sociologique, exclusif du
déterminisme psychologique, c'est courir le risque de
sectionner arbitrairement des autres certaines séries
causales, les relier arbitrairement entre elles en écartant les
autres. Cette opération de sélection n'est pas conforme aux
canons scientifiques, le résultat n'en peut être la science,
mais ce genre d'œuvre d'art qu'on nomme un système
philosophique.
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Quand un phénomène mérite le nom de social, par


exemple un mythe, une mode, et qu'on dit que c'est un
phénomène social, cela ne signifie pas que l'origine de ce
phénomène ne peut pas se trouver dans "un état de
conscience individuelle", cela veut dire que ce mythe ou
cette conduite n'est pas un fait social en raison de cet
antécédent, mais qu'il ne devient un fait social que parce
qu'il ne se renferme pas dans la conscience individuelle :
une aberration individuelle qui dépasse les limites
individuelles, par les facilités qu'elle offre aux affectivités
d'une époque et d'un lieu, devient contagieuse, n'est plus un
"état de la conscience individuelle", mais le "fait social"
connu communément sous le nom d'idéologie. Le fait qu'un
mythe, une épopée, soient des faits sociaux, ne prouve pas
qu'ils n'ont pas eu un auteur individuel, mais seulement que
l'identité de cet auteur individuel n'importe pas à leur statut
de fait social. Ce qui compte c'est en effet - là Durkheim a
raison - la fonction que ce mythe remplit pour un groupe.
Si nous étudions les faits sociaux, nous ne devons pas
nous interdire d'en rechercher les facteurs déterminants
dans aucune direction.
La proposition de Durkheim est donc vraie si l'on se
souvient qu'elle ne peut l'être que d'une vérité relative et
conditionnelle et si l'on n'en oublie pas les conditions. Dans
le cas contraire, elle n'est plus que ce genre de vérités que
Spinoza nommait erreur ("L'erreur est une vérité
moindre"). La conception que nous avons aujourd'hui de la
sociologie et qui est caractéristique de notre époque comme
celle de Durkheim l'était du XIXe siècle finissant, éclaire,
et selon nous justifie, l'examen que nous venons de faire de
cette célèbre proposition.
Nous ne pensons pas que la sociologie soit exclusive des
autres sciences de l'homme, mais qu'au contraire "ce qui
fait le sociologue c'est moins le sujet qu'il étudie que le
genre d'intérêt qu'il y porte" (Monnerot). La sociologie ne
délimite pas une catégorie de faits irréductibles aux autres.
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Elle consiste plutôt dans le point de vue selon lequel


peuvent être étudiées des classes de faits, qui en tant que
faits spécifiques peuvent relever des disciplines les plus
diverses, par exemple : la démographie, l'ethnologie,
l'économique, l'histoire, l'histoire comparée des
représentations humaines, la psychologie, etc… etc… Et
cette diversité de faits qui ont leur mode propre de se
donner entraîne un pluralisme nécessaire. Il n'y a pas une
mais des méthodes sociologiques, puisque "la nature de
l'objet impose la manière dont on l'approche" (Monnerot).
L'unité de la sociologie ne vient pas de la nature uniforme
de son objet, mais de la nature de l'intérêt que lui porte le
sociologue - qui par exemple n'étudie pas des faits pour
leur intérêt de vérité historique (Il ne lui suffit pas de savoir
qu'en tel lieu telle chose s'est passée, et même, cela ne
l'intéresse pas) mais pour leur signification par rapport à
autre chose.
Ce qui fait que la sociologie met à contribution un grand
nombre de méthodes tout autres que celles des sciences de
la nature à la fin du XIXe siècle. Aujourd'hui le calcul des
probabilités sert non seulement aux prévisions
démographiques, mais à toutes sortes de prévisions et
d'évaluations. On construit des courbes dont il est possible
de tirer connaissance et prévision. En économie, on peut
établir les revenus moyens de toutes les catégories d'une
population et étudier la variation corrélative de ces
ressources avec un certain nombre de facteurs. Il suffit de
bien choisir ces facteurs, de prendre des indices de repérage
également bien choisis, et de ne pas leur faire signifier plus
qu'ils ne signifient, ou ce qu'ils ne signifient pas.
En science politique des méthodes nouvelles comme
"l'analyse du contenu" qui s'apparente aux études
stylistiques des philologues, ou les enquêtes d'opinion
publique qui peuvent apporter des éléments d'appréciation
très valables si on sait les critiquer, peuvent permettre une
étude expérimentale des opinions nécessaires à une
politique en connaissance de cause.
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La plupart des résultats auxquels atteint la sociologie


aujourd'hui, ne sont pas du type de la recherche
substantielle des causes d'un effet. Ce sont souvent des
relations constantes entre phénomènes variant
corrélativement (exemple : criminalité et chômage, troubles
mentaux et urbanisation, troubles mentaux et guerre,
etc…). Ce à quoi peuvent prétendre ces résultats, ce ne sont
pas des vérités absolues, mais la détermination
d'"uniformités", de "régularités tendancielles" qui sont
susceptibles d'être interprétées de plusieurs façons, qui
n'excluent aucun complément d'information, et qui peuvent
être redressées par la suite. Ce sont des connaissances
relatives, limitées et conditionnelles, qui ne sont des
connaissances que si l'on a conscience de ce caractère
relatif, limité et conditionnel. Autrement, ce sont des
erreurs. La sociologie qui se place sous le signe de la
probabilité et où le rôle du calcul des probabilités ne cesse
de grandir, ne vise qu'un savoir efficace et limité. Ce n'est à
aucun degré une description de l'être dans sa vérité. Elle
n'est utile que si l'on n'en oublie pas la relativité. Ces
connaissances peuvent être nocives lorsque les hypostasiant
en idéologie, on tente de leur faire donner plus qu'elles ne
possèdent.
Les fins que vise la sociologie ne sont souvent que des
options probabilitaires sur la conduite future de l'homme,
destinées à éclairer l'action de ceux dont la destination est,
comme dit Nietzsche, de faire prospérer la plante
"homme". En définitive il s'agit de la connaissance de ce
qui n'est pas une chose. La sociologie ne doit pas
méconnaître, lorsqu'elle établit des régularités ou lois "de
tendance", que l'homme a jusqu'à présent été l'animal qui
renverse la tendance, celui qui ne peut pas prédire ses
propres découvertes.
L'erreur - noble - de Durkheim, vient de ce qu'il a cru
trouver dans la sociologie une réponse à son exigence

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philosophique de vérité absolue, alors qu'en aucun cas cette


réponse ne pouvait s'y trouver.

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