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LE MAGAZINE LE MANOIR DE LA HAYE
LE MYSTÈRE DU DERNIER  DISCRÈTE ARRIÈRE­BOUTIQUE 
TABLEAU DE VAN GOGH DES LECLERC

WEEK-END
UNIQUEMENT EN FRANCE MÉTROPOLITAINE,
EN BELGIQUE ET AU LUXEMBOURG

SAMEDI 1ER AOÛT 2020 - 76E ANNÉE - NO 23502 - 4,70 € - FRANCE MÉTROPOLITAINE - WWW.LEMONDE.FR - FONDATEUR : HUBERT BEUVE-MÉRY DIRECTEUR : JÉRÔME FENOGLIO

Effondrement historique de l’économie française
▶ Le produit intérieur brut ▶ Ce chiffre est notam­ ▶ Les Etats­Unis subissent ▶ Après d’autres grandes ▶ Toutefois, l’économie
(PIB) a reculé de 13,8 % au ment dû au plongeon également un ralentisse­ entreprises, Air France connaît un rebond en mai,
deuxième trimestre, selon de la consommation ment sans précédent, annonce une forte dégra­ en attendant le plan de
les données de l’Insee des ménages pendant la tout comme l’ensemble dation de ses comptes, relance annoncé fin août
publiées vendredi 31 juillet période de confinement de la zone euro et la SNCF de sa dette PAG E S 1 3 - 1 4

TRUMP, GRAND 
PERDANT  L’été en séries
DE LA BATAILLE  L’AFFAIRE RUSSIER

DE PORTLAND Les derniers


jours de la
▶ Les troupes fédéra­ condamnée
les envoyées par le PAGES 20-21
président américain
dans la ville de l’Ore­ Idées
gon se sont retirées, Les semences
face à la pugnacité paysannes, un bien
des manifestants commun à préserver
et à la désapproba­
PAGE 25
tion d’une partie
de la population
Crises mystiques
▶ Après ce départ, d’artistes
le mouvement Mondrian, adepte
s’interroge désormais de la théosophie
sur les suites à donner Le 28 juillet, à Portland
(Oregon). CAITLIN OCHS/REUTERS PAGE 23
PAG E S 2-3 ÉDITORIAL PAG E 2 7

À NOS LECTEURS Biélorussie Tsikhanovskaïa mène Hongkong UN CANAPÉ-LIT ACHETÉ ICI,


Douze candidats C’EST UN EMPLOI PRÉSERVÉ LÀ
ces dernières années, nous
nous sommes efforcés de ralentir
la « révolution des femmes » de l’opposition
le rythme d’augmentation de no­
tre prix de vente en kiosque, tout En meeting
écartés des
en investissant résolument dans la à Minsk, législatives
qualité et la diversité de nos conte­ le 19 juillet. PAGE 5
nus éditoriaux. La hausse régulière SERGEI GRITS/AP PHOTO
de notre diffusion payée depuis
plusieurs années a récompensé
cette stratégie et permis à votre Mixité sociale
journal de devenir en début d’an­
née le premier quotidien national La ségrégation
français par la taille de sa diffusion.
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la crise due au Covid­19 sur notre


modèle économique avec, à la fois,
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démocratiques secouent le pays, à
féminines. Parmi elles, Svetlana
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louis dreyfus du 9 août. L’opposition au prési­ senté sa candidature contre le dic­
aux aidants toutes nos adresses sur www.topper.fr
(président du directoire) dent Alexandre Loukachenko s’in­ tateur et mène le combat.
et jérôme fenoglio (directeur) carne largement dans des figures PAGE 4 PAGE 10
Algérie 220 DA, Allemagne 3,70 €, Andorre 3,50 €, Autriche 3,80 €, Belgique 4,90 €, Canada 5,80 $ Can, Chypre 3,20 €, Danemark 36 KRD, Espagne 3,50 €, Gabon 2 400 F CFA, Grande-Bretagne 3,10 £, Grèce 3,50 €, Guadeloupe-Martinique 3,30 €, Guyane 3,50 €,
Hongrie 1 440 HUF, Italie 3,50 €, Luxembourg 4,90 €, Malte 3,20 €, Maroc 22 DH, Pays-Bas 3,80 €, Portugal cont. 3,50 €, La Réunion 3,30 €, Sénégal 2 400 F CFA, Suisse 4,40 CHF, TOM Avion 500 XPF, Tunisie 4,10 DT, Afrique CFA autres 2 400 F CFA
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INTERNATIONAL
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2| SAMEDI 1ER AOÛT 2020

É TAT S ­ U N I S

A Portland, 
la défaite 
du président de 
« la loi et l’ordre »
L’envoi de troupes fédérales par Washington
a fait de la ville de l’Oregon l’épicentre
de la révolte qui agite les Etats­Unis
depuis la mort de George Floyd.
Après le retrait annoncé des « feds »,
le mouvement s’interroge sur son avenir

portland (oregon) ­ envoyé spécial ouvrière, protestataire et parfois potache.


C’est la « Petite Beyrouth », comme l’avaient

I
l est trop tôt pour dire, à l’issue de la surnommée les hauts responsables des ad­
bataille qui s’est jouée à Portland ministrations Reagan et Bush à la fin des an­
(Oregon) durant le mois de juillet, s’il nées 1980 – irrités d’être accueillis par des
y aura un gagnant. Mais il y a au manifestations. Lors de l’une d’elles, décrite
moins une certitude : il y a bien un par l’écrivain local Chuck Palahniuk dans son
perdant, et son nom est Donald livre Fugitives and Refugees (2003, Crown
Trump. Jeudi 30 juillet, les officiers fédéraux Journeys, non traduit), ils s’étaient gavés de
que le président américain avait déployés purée colorée artificiellement pour vomir en
unilatéralement pour protéger les bâti­ rouge, blanc et bleu – les couleurs du drapeau
ments officiels se sont retirés pour laisser la américain – devant l’hôtel abritant la suite
place aux polices locales. Et celui qui voulait présidentielle (un échec, le bleu tournant au
prouver dans la ville qu’il était le président vert sous l’effet des sucs gastriques). Magasins barricadés
de « la loi et l’ordre » est apparu comme le Après la mort de George Floyd, Portland et inscriptions
vecteur de l’arbitraire et du chaos. est descendue dans la rue, comme ailleurs. contestataires
Depuis quinze jours, l’épicentre de la ré­ La chef de la police, blanche, a démissionné à Portland, manifestants à Hongkong », se souvient le 20 heures, sur les rives de la rivière Willa­
volte qui agite les Etats­Unis depuis la mort en faveur de l’un de ses adjoints, noir, plus jeudi 30 juillet. père de famille. Le 20 juillet, il participe à sa mette, à trois blocs du bâtiment fédéral, des
de George Floyd, un Afro­Américain, lors de apte, selon elle, à mener les réformes. Le MORIAH RATNER POUR « LE MONDE » première manifestation – et il est arrêté, pris femmes affluent comme chaque soir pour
son interpellation, le 25 mai, à Minneapolis, conseil municipal a adopté un budget pré­ dans la mêlée avec les agents fédéraux. Le 22, s’équiper : casques de vélo, souffleurs de
s’est déplacé dans la cité de la Côte ouest. Pas voyant 15 millions de dollars de coupes le maire démocrate, Ted Wheeler, venu par­ feuilles. Elles répondent à l’appel informel
un jour sans que Donald Trump ne fustige la pour la police. Puis, fin juin, les manifesta­ ler à la foule, est lui­même aspergé de gaz la­ du « mur des mères », devenu les « mères
ville, « une ruche de terroristes », ses élus, « in­ tions ont baissé en intensité. Zack Duffly, un crymogènes. La tension s’étend à d’autres unies pour que les vies noires comptent » à
compétents », et ses manifestants, « des anar­ avocat blanc de 45 ans, fait partie de ceux villes durant le week­end du 25 juillet. la suite de dissensions internes.
chistes qui détestent notre pays ». Pas un jour qui ont longtemps préféré mener des ac­ La colère des manifestants de Portland se Les volontaires font connaissance et discu­
sans que les présentateurs pro­Trump de la tions locales dans leurs quartiers résiden­ concentre sur une soixantaine de mètres, tent : « Trump dit qu’il va retirer les troupes
chaîne conservatrice Fox News ne la présen­ tiels plutôt que se joindre aux rassemble­ loin d’un chaos généralisé : la palissade d’Allemagne, mais il ne peut pas les retirer de
tent comme à feu et à sang, ou sans que les ments de centre­ville : « J’avais peur des vio­ dressée devant le palais de justice fédéral Portland ? », plaisante l’une d’elles. Demetria
démocrates ne s’indignent, au contraire, de lences policières », assume­t­il. Mark­Hatfield, dans lequel sont retran­ Hester, qui coordonne le groupe, affiche son
la présence des troupes fédérales. chés les « feds ». En face, dans un square, un scepticisme : « J’y croirai quand ils seront par­
Tout s’est dénoué mercredi, avec l’annonce « COMME DANS UNE VIDÉO DE HONGKONG » petit campement s’est installé : à peine une tis. C’est une manœuvre politique. La gouver­
de la gouverneure démocrate Kate Brown as­ Mi­juillet, la situation bascule. Entre­temps, dizaine de tentes, des barbecues et une in­ neure a eu l’occasion de monter au front plu­
surant sur Twitter : « Le gouvernement fédé­ des agents fédéraux en tenue camouflage et firmerie. Dans les alentours, la vie suit son sieurs fois mais elle ne l’a pas fait. »
ral a accepté ma demande et va commencer à équipement paramilitaire ont été déployés, cours normal – c’est­à­dire très ralenti Le groupe de femmes s’ébranle et rejoint la
retirer ses agents » dès le lendemain pour à la suite d’un décret présidentiel du 26 juin par l’épidémie de Covid­19. Le Starbucks si­ foule déjà dense devant le palais de justice.
laisser place à la police d’Etat de l’Oregon. Le sur la « protection des monuments améri­ tué derrière le bâtiment est ouvert, tout Les orateurs – tous afro­américains – se sont
revers est net pour Washington, dont les dé­ cains ». Un homme assure avoir été « en­ comme les restaurants du quartier. Seules installés sur les marches du bâtiment voisin.
mentis partiels provoquent la confusion. levé » le 15 juillet par des hommes qui ne se les vitrines des commerces sont protégées Ils ont la voix cassée par soixante­trois jours
« L’Etat d’Oregon a finalement accepté de coo­ sont pas identifiés dans un premier temps. contre les pillages. de mobilisation. Une jeune femme, Elona
pérer avec nos forces fédérales, exactement ce Des vidéos d’incidents similaires ou de bru­ Pendant la journée, la police locale est om­ Wilson, exprime le climat de défiance : « On
que nous demandions depuis que les violen­ talités sont diffusées. Pour Daryl Turner, le niprésente, avant de disparaître à la nuit savait que ce matin était beaucoup trop beau
ces ont éclaté voici deux mois. Nous sommes président de l’Association des policiers de tombée quand les manifestations débutent. pour être vrai, non ? Et c’est pour ça qu’il y a
heureux que l’Oregon corrige ses erreurs », ré­ Portland (PPA), « voir des policiers fédéraux Le 22 juillet, le conseil municipal lui a or­ encore plus de personnes ce soir ! » Les mani­
plique sur Twitter le secrétaire à la sécurité protéger les bâtiments fédéraux, ça n’a rien donné de ne pas travailler avec les forces fé­ festants approuvent. Chaque soir, les organi­
intérieure par intérim de Donald Trump, d’inhabituel. Mais l’anomalie, c’est qu’ils en dérales. « Nous n’avons pas eu d’informations sateurs les appellent à se disperser après les
Chad Wolf, assurant que les policiers fédé­ aient fait venir autant. » sur les règles d’engagement des fédéraux, sur prises de parole. Chaque soir, c’est en vain :
raux resteraient « jusqu’à ce que nous A Portland la rebelle, il n’en fallait pas plus leurs méthodes d’interpellation…, explique tous se massent devant les grilles du bâti­
voyions que le plan fonctionne ». pour relancer la mobilisation. Beaucoup, Daryl Turner, de la PPA. C’est très déroutant – ment fédéral, alternant les slogans « Feds go
Comment Portland, à 1 500 km de Minnea­ comme Zack Duffly, quittent leur réserve. des deux côtés – de ne pas savoir ce que l’autre home ! » et « Black Lives Matter ! »
polis, est­elle devenue le point de fixation du L’apparition, le 18 juillet, d’un « mur des mè­ côté est en train de faire. »
mouvement de protestation, six semaines res » s’interposant entre les manifestants et Mercredi soir, le rituel qui s’était mis en DÉFIANCE ENVERS LES ÉLUS
après la mort de George Floyd ? La ville est, les forces fédérales, provoque un déclic chez place depuis quinze jours a été à peine per­ Baroud d’honneur ? Mercredi, la réplique des
certes, l’une des plus blanches des Etats­Unis le juriste, qui crée un groupe pour les pères turbé par la déclaration de la gouver­ officiers fédéraux a été encore plus agressive
(72 %), avec seulement 6 % de résidents noirs : sur les réseaux sociaux et passe à l’action. neure sur l’accord pour un retrait des qu’à l’accoutumée, face à une foule pacifi­
l’Oregon a longtemps été l’unique Etat améri­ « Je me suis acheté des équipements de sécu­ agents fédéraux. De toute façon, plus per­ que. La place est rapidement noyée dans un
cain leur interdisant de résider sur son terri­ rité, un casque de baseball avec une grille de sonne ne fait confiance aux responsables nuage de gaz lacrymogènes lancés indistinc­
toire, et porte une longue histoire de racisme protection et un souffleur de feuilles contre les politiques, démocrates – ils dominent lar­ tement. Après plusieurs vagues de tirs, des
décomplexé. Mais elle est aussi étudiante et lacrymos, comme j’avais vu dans une vidéo de gement l’Oregon – ou républicains. A officiers ont surgi dans le dos des manifes­
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SAMEDI 1ER AOÛT 2020 international | 3

Acculé, Donald Trump suggère


de reporter la présidentielle
Le président dit vouloir que ses concitoyens votent sans crainte
du Covid­19. Seul le Congrès a le pouvoir de repousser un scrutin

washington ­ correspondant la date prévue dans ce pays et


nous allons faire en sorte que cela
Depuis des mois,

E n 2016, redoutant mani­


festement d’essuyer une
déroute face à la candidate
démocrate, Hillary Clinton,
Donald Trump avait multiplié les
continue », a assuré le premier.
« On ne va pas déplacer la date de
l’élection, l’opposition des répu­
blicains à cette idée est écra­
sante », a assuré sur Twitter la nu­
le président
américain
milite contre
accusations préventives contre méro trois républicaine à la
l’extension
un scrutin présenté comme « tru­ Chambre, Liz Cheney (Wyo­ du vote par
qué ». Il a renoué avec cette vo­ ming).
lonté de jeter le trouble sur l’élec­ Donald Trump s’avance en la
correspondance
tion présidentielle en évoquant matière sur un terrain hasardeux.
pour la première fois un report du Selon la Constitution, seul le Con­
scrutin, jeudi 30 juillet, dans un grès a le pouvoir de repousser une notre pays sont débarrassées du
message publié en début de mati­ élection. Dans le cas d’un report [Covid­19] », a­t­il assuré.
née sur son compte Twitter. important, il faudrait d’ailleurs Cet optimisme tranche avec
Déplorant par anticipation une modifier également la Loi fonda­ l’augmentation du nombre de dé­
généralisation du vote par corres­ mentale américaine qui fixe la cès, qui a dépassé le seuil de
pondance pour cause de pandé­ date de la fin d’un mandat prési­ 150 000 mercredi, et avec la publi­
mie de Covid­19, dont il juge sans dentiel au 20 janvier suivant cation des chiffres de la crois­
preuves qu’il favorise la fraude, le l’élection. sance pour le second trimestre
président américain a assuré : L’extrême polarisation politi­ qui font état d’un plongeon de
« 2020 sera l’élection la plus que que le président a renforcée 32,9 %, dans un pays entré en ré­
INEXACTE et FRAUDULEUSE de par sa pratique non convention­ cession.
l’histoire. Ce sera un grand embar­ nelle de la politique et la division En fin d’après­midi, interrogé au
ras pour les Etats­Unis. Repousser entre une Chambre démocrate et cours d’un point de presse sur la
l’élection jusqu’à ce que les gens un Sénat républicain rendent im­ pandémie, Donald Trump a as­
puissent voter correctement, de probable un accord entre les deux suré ne pas vouloir déplacer la
manière sûre et sécurisée ??? » grandes familles politiques sur ce date de l’élection tout en affichant
En avril, son adversaire démo­ point. Les tractations ardues ac­ la défiance que lui inspire un
crate, Joe Biden, avait affirmé que tuellement en cours pour un plan scrutin dans lequel la part du vote
le président serait tenté par cette de soutien à l’économie améri­ par correspondance serait pré­
idée. « Souvenez­vous de ce que je caine en attestent. pondérante, même si aucune
vous dis, je pense qu’il va essayer étude n’a prouvé que ce mode
de faire reporter les élections d’une Plongeon de l’économie d’expression du suffrage facilite
manière ou d’une autre, trouver L’histoire ne plaide pas en faveur les tricheries.
des raisons pour lesquelles elles ne du président. Comme l’a rappelé « Je veux avoir le résultat de l’élec­
peuvent pas avoir lieu », avait­il Mitch McConnell, les Etats­Unis tion. Je ne veux pas attendre des se­
lancé. Il s’était attiré la réplique vi­ ont, en effet, tenu leur élection maines et des mois. Et, littérale­
rulente de l’équipe de campagne présidentielle à la date prévue ment, potentiellement des années,
du président qui avait dénoncé pendant la guerre civile, en 1864, parce que vous ne saurez jamais »,
« des divagations incohérentes » et comme après leur entrée dans la a assuré le président des Etats­
des « théories du complot ». seconde guerre mondiale, Unis, convaincu que les votes par
« Pourquoi est­ce que je ferais en 1944. Donald Trump, enfin, correspondance seront l’objet de
cela ? », avait répondu Donald évoque un report pour que ses contestations interminables.
Trump quelques jours plus tard. concitoyens puissent voter sans Depuis des mois, Donald Trump
Le message de jeudi a suscité crainte du Covid­19 tout en plai­ milite contre l’extension du vote
instantanément un tollé dans les dant pour la réouverture générale par correspondance. Ce travail de
va tenir, sous une forme plus solide que si les fé­ rangs démocrates, où l’évocation des écoles pour la rentrée. sape a porté en partie ses fruits
« JE PENSE déraux n’étaient jamais venus, veut croire d’un report a été expliquée par Mardi, lors d’un point de presse dans le camp républicain, où seu­
QUE LA MOBILISATION  Zack Duffly. Certains vont passer à autre chose, les mauvais chiffres, en termes consacré à l’épidémie, le prési­ lement 50 % des électeurs y sont
mais beaucoup se sont radicalisés sous l’effet d’intentions de vote, que récolte dent s’est d’ailleurs montré très favorables contre 88 % des démo­
VA TENIR. BEAUCOUP des violences policières. » « On obtiendra gain actuellement le président, à un optimiste sur la situation du crates, selon un sondage Harvard
de cause pour 100 % de nos revendications ou peu plus de trois mois de l’élec­ pays. « Nous constatons des amé­ CAPS­Harris Poll effectué entre le
SE SONT RADICALISÉS  on sera là tous les soirs ! », assure la militante tion du 3 novembre. « Alors que liorations dans les principales ré­ 21 et le 23 juillet auprès de
Elona Wilson, qui, avec l’organisation Reima­ nous sommes assis ici, ceux qui gions métropolitaines et dans la 1 932 électeurs inscrits sur les lis­
SOUS L’EFFET gine Oregon, créée après la mort de George sont au pouvoir font tout leur plupart des foyers [de conta­ tes électorales. 
DES VIOLENCES  Floyd, a développé des dizaines de proposi­ possible pour décourager les gens mination]. De grandes parties de gilles paris
tions concrètes pour mettre fin au « racisme d’aller voter », a dénoncé Ba­
POLICIÈRES » systémique » dans l’Etat, de la santé à l’éduca­ rack Obama à Atlanta (Géorgie),
ZACK DUFFLY
tion, en passant par la police et la prison. dans son oraison funèbre en
avocat et manifestant Même Daryl Turner voit la mobilisation hommage à John Lewis, figure de

Festival
de 45 ans durer « jusqu’à l’élection présidentielle, sous la lutte pour les droits civi­
une forme ou sous une autre ». Le représen­ ques des Afro­Américains, dé­
tant policier – qui, « en tant qu’Afro­Améri­ cédé le 17 juillet.
cain », estime « légitime » le mouvement né Non seulement aucun républi­
après la mort de George Floyd – partage avec cain n’a emboîté le pas du prési­
tants pour les enfermer dans une nasse. Gre­ les manifestants un jugement sévère pour la dent, mais les responsables qui
Théâtre, patrimoine, gastronomie locale

d’Eté
nades assourdissantes, lumières strobosco­ classe politique locale démocrate, qui lou­ se sont exprimés jeudi ont fer­
piques, lanceurs de balles de défense… les voie entre progressisme affiché et réalité du mement écarté une telle
heurts ont duré une partie de la nuit. pouvoir. « La question, ce n’est pas simple­ perspective. Le chef de la majo­
Pendant quinze jours, le mouvement de ment quand les émeutes vont s’arrêter, c’est de rité républicaine au Sénat, Mitch
protestation s’est interrogé – et parfois di­ reconstruire la confiance, pas seulement en­ McConnell, et celui de la mino­
visé : la lutte contre les agents fédéraux vers les forces de l’ordre, mais aussi envers la rité conservatrice à la Chambre
n’était­elle pas en train d’éclipser celle pour ville. Nos élus ont perdu la confiance des habi­ des représentants, Kevin McCar­
les droits des Noirs et le mot d’ordre d’aboli­ tants », assène­t­il. thy, se sont montrés intraitables.
tion de la police ? Désormais, après le retrait Défiance envers les élus, hostilité aux for­ « L’élection a toujours été tenue à
fédéral, la question cruciale, c’est la survie de ces de l’ordre, rejet du pouvoir fédéral… L’at­
la mobilisation. Au petit matin, jeudi, la po­ mosphère à Portland est à l’image de l’été
lice de Portland a évacué le campement et 2020 qui vient clore le mandat de Donald
fermé le square, allant jusqu’à scier et retirer Trump. « Abracadabra, je vois Trump arrêté « 2020 sera
© Christophe Raynaud de Lage

les bancs publics. Les policiers d’Etat se sont par la police, avec un genou sur sa nuque.
affichés, bien visibles, pour démentir les Abracadabra, je vois Trump dire : “Je ne peux
l’élection la plus
doutes sur le départ des fédéraux et mar­ pas respirer.” [Comme George Floyd.] Abraca­ INEXACTE et Visite contée
Goûter-spectacle 27 juillet
au
Apéro-spectacle
quer leur prise de contrôle. dabra, je vois la police abolie », imagine, mer­
FRAUDULEUSE Dîner-spectacle
Domaine de la Vergne
La victoire contre les « feds » sera­t­elle un
mirage ? Jeudi, cela n’a pas empêché les « mè­
credi soir, l’un des orateurs au micro. De la
magie, il en faudra sûrement un peu, dans les de l’histoire », a
16490 Alloue
mmcasares.fr 20 août
res » et les autres manifestants de se rassem­ mois qui viennent, pour réconcilier cette
Réservation indispensable
05 45 31 81 22 2020
bler comme tous les soirs – moins nom­ Amérique avec elle­même. 
tweeté Donald
breux toutefois. « Je pense que la mobilisation laurent borredon Trump, jeudi
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4 | international SAMEDI 1ER AOÛT 2020

La Biélorussie, théâtre d’une « révolution de femmes »


Svetlana Tsikhanovskaïa confirme son statut de figure d’une opposition déterminée à renverser Loukachenko

moscou ­ correspondance
LE CONTEXTE

I
l y a encore quelques mois,
elle n’était qu’une simple
femme au foyer. Une mère de
famille sans histoire, mo­ MANIFESTATION
deste et effacée, vivant dans l’om­ Des dizaines de milliers
bre d’un mari devenu la star des ré­ de partisans de Svetlana
seaux sociaux, un homme volu­ Tsikhanovskaïa ont participé,
bile et politisé, prêt à en découdre jeudi 30 juillet, à Minsk, au plus
avec le pouvoir. Mais ce dimanche grand rassemblement d’oppo-
26 juillet, à la nuit tombée, devant sants depuis au moins une
une foule de plusieurs milliers de décennie en Biélorussie.
personnes à Gomel, petite ville de Au moins 63 000 personnes,
Biélorussie, c’est elle, Svetlana selon l’organisation de défense
Tsikhanovskaïa, qu’on acclame en des droits humains Vasnia,
faisant tanguer les lumières des té­ se sont retrouvées dans un parc
léphones sur l’air de L’Estaca, que de la capitale en soutien
les Espagnols entonnaient pour se à la principale candidate de
libérer de Franco. Celui que fre­ l’opposition à l’élection prési-
donnaient aussi les Polonais de dentielle du 9 août. Et ce malgré
Solidarnosc avant de faire tomber les pressions des autorités,
le régime communiste. qui accusent des opposants
Cette nuit­là, Svetlana Tsikhano­ emprisonnés d’avoir voulu
vskaïa, 37 ans, a confirmé son sta­ organiser des « émeutes » avec
tut de figure d’une opposition dé­ l’aide de paramilitaires russes.
terminée à mettre fin au règne
d’Alexandre Loukachenko, pre­
mier et unique président de Biélo­ chenko menace de ne pas en res­
russie depuis l’effondrement de ter là. « Il n’y aura pas de Maïdan
l’empire soviétique. « Je n’ai plus en Biélorussie », a­t­il prévenu en
peur », a­t­elle dit à l’assemblée. juin, en référence à la révolte po­
A Minsk, la capitale, comme pulaire en Ukraine parvenue
dans la province biélorusse où la en 2014 à renverser le pouvoir.
trentenaire mène campagne pour L’homme est convaincu que le
l’élection présidentielle du 9 août, soulèvement biélorusse est le
la même scène se répète, subju­ Maria Kolesnikova, Svetlana Tsikhanovskaïa et Veronika Tsepkalo à Minsk, jeudi 30 juillet. VASILY FEDOSENKO / REUTERS fruit d’une manipulation des for­
guant les politistes qui croient voir ces de l’étranger.
naître une « révolution de fem­ Cette thèse a été appuyée par
mes ». Une révolution « des » fem­ Mais, depuis, Agnia, 4 ans et lité serait moins cruelle. Si aucun « Loukachenko pensait pouvoir l’arrestation, mercredi 29 juillet,
mes car Svetlana n’est pas seule. A demi, et Korney, 7 ans, à qui elle
« Loukachenko sondage n’est autorisé, les études tromper la société devenue silen­ d’une trentaine de membres pré­
ses côtés, Veronika Tsepkalo et avait assuré que leur père était « en pensait pouvoir officieuses lui octroient de 25 % à cieuse, lui raconter des histoires, lui sumés de la milice privée russe
Maria Kolesnikova. Toutes trois voyage d’affaires », ont été mis à 35 % des suffrages. Un score bien faire peur. Rien de tel ne s’est pro­ Wagner. Accusés d’être des nervis
parlent au nom de leur homme. l’abri quelque part dans l’Union
tromper la société. moindre que les 80 % qu’il reven­ duit. Une nouvelle génération a du Kremlin, ces hommes sont sus­
Svetlana Tsikhanovskaïa, la pre­ européenne. Et Svetlana, épaulée Rien de tel ne dique à chaque élection depuis grandi [et] les gens ont repris cons­ pectés par les autorités biélorusses
mière, a lancé sa candidature pour par Veronika et Maria, s’est décou­ 1994, et désormais inférieur à celui cience », a commenté le 22 juillet la « de préparation d’actes de terro­
remplacer son mari, Sergueï vert une nouvelle force. « Ce qui
s’est produit. de sa rivale, Svetlana Tsikhanovs­ prix Nobel de littérature Svetlana risme », visant à déstabiliser la
Tikhanovski, youtubeur ultra­po­ nous arrive est sans précédent. Les gens ont repris kaïa, créditée d’un peu plus de 35 % Alexievitch, lors d’un entretien à campagne présidentielle. La Rus­
pulaire, qui avait sondé dans les Nous pensions tous que Svetlana des intentions de vote. Radio Free Europe. sie a démenti toute interférence.
campagnes biélorusses la colère ne serait qu’une candidate “techni­
conscience » Pourquoi ? Et surtout pourquoi « La Russie et le Bélarus sont des al­
des petites gens contre les dérives que’’ mais elle parvient à remuer les SVETLANA ALEXIEVITCH maintenant ? Après vingt­six ans Menace d’une répression armée liés, les partenaires les plus pro­
de Loukachenko et sa gestion dé­ foules, à Minsk, comme ailleurs. autrice biélorusse au pouvoir, il semble que la pan­ Face à ce qui pourrait signer le dé­ ches », a assuré Dmitri Peskov, le
sastreuse du Covid­19 avant d’être Habituellement, la contestation se démie de Covid­19 ait fait basculer but de sa fin, Alexandre Louka­ porte­parole du Kremlin. « Cette
placé en détention fin mai. concentre uniquement dans la ca­ les derniers électeurs acquis à chenko s’isole et brandit la me­ histoire se répète à chaque élection.
La seconde, Veronika Tsepkalo, pitale, c’est inouï », observe Andrej « Svetlana doit jouer le rôle de la l’autocrate. « Après des années de nace d’une répression armée. Mais c’est la première fois que Lou­
est l’épouse de Valery Tsepkalo, Dynko, journaliste biélorusse. Jeanne d’Arc biélorusse. Je le lui ai crise qui ont usé le pouvoir, le coro­ Fuyant les meetings, rechignant à kachenko accuse la Russie », note le
candidat refoulé par la commis­ « Alexandre Loukachenko comp­ dit. Je crois en elle », affirme Valery navirus a servi de déclencheur », at­ octroyer des accréditations à la chercheur Tadeusz Giczan.
sion électorale le 14 juillet, qui a, tait sans doute sur la misogynie du Tsepkalo, interrogé mercredi teste Tadeusz Giczan, chercheur presse étrangère, il passe en revue A l’approche du scrutin, per­
depuis, fui la Biélorussie avec ses peuple biélorusse. Mais Svetlana a 29 juillet depuis Moscou où il s’est biélorusse basé à Londres. « Il y ses bases militaires. « Notre tâche sonne n’ose croire à un grand soir
enfants. La troisième, Maria Koles­ été plus fine. Elle reste une femme, réfugié, confiant toutefois « avoir avait une sorte de contrat social est de prévenir la destruction de en Biélorussie. Mais l’on se prend à
nikova, est directrice de campagne au sens traditionnel du terme, qui peur pour sa femme ». Le lende­ entre le président et les Biélorusses l’Etat », a expliqué Andreï Ravkov, espérer que Loukachenko puisse
de Viktor Babariko, ancien ban­ agit par amour de son pays et de main, cette dernière affirmait que fondé sur l’idée que l’absence de li­ le secrétaire d’Etat au conseil de la envisager sa succession. « On ne
quier mis en prison pour de présu­ son mari », souligne Alesia Rudnik, des inconnus avaient kidnappé sa bertés était compensée par la pro­ sécurité nationale. Mardi, la télévi­ croit pas à des élections libres, mais
mées exactions fiscales. analyste politique membre du cer­ sœur durant quelques heures, tection qu’il offrait contre le voisin sion progouvernementale a dif­ on pense que le président compren­
cle de réflexion biélorusse Center mais restait déterminée à poursui­ russe. Avec lui, il n’y aurait pas fusé les images de l’entraînement dra que son temps est fini. Les gens
Une nouvelle force for New Ideas. De fait, Svetlana vre le combat. « Nous avons, cette d’annexion comme en Crimée. Il de l’unité « 3 214 », rattachée au mi­ ne veulent plus de lui », explique
Pensant que le pays mépriserait, Tsikhanovskaïa ne prétend pas fois, une vraie chance de gagner la était le président qui protège », nistère de l’intérieur. Les troupes, Svetlana Tsikhanovskaïa.
comme lui, une femme qui ne sait prendre le pouvoir mais le redon­ présidentielle. On sent que le mur souligne­t­il. qualifiées de « zombies » – elles « Cela ne peut durer plus long­
même pas tenir une arme, Louka­ ner. Si elle venait à être élue, elle commence à craquer. Tout dépen­ En méprisant la dangerosité du auraient subi un lavage de cer­ temps/C’est sûr, il tombera, tom­
chenko a autorisé la candidature promet d’organiser des élections dra des commissions électorales », Covid­19 – selon lui une « psy­ veau, dit­on, afin de se consacrer à bera, tombera/Bien vermoulu, il
de Mme Tsikhanovskaïa, refusant démocratiques et transparentes insiste M. Tsepkalo. chose » que l’on soigne au grand air « sauver le pays et le président » –, doit être déjà/Si tu le tires fort par
celle de tous les autres candidats pour que le peuple puisse, enfin, De fait, le chef de l’Etat semble et à coups de vodka –, le « père du seraient sollicitées pour disperser ici/Et que je le tire fort par là/C’est
« sérieux ». Personne n’imaginait choisir son président. Dans ses avoir définitivement perdu le peuple » a trahi. « Les Biélorusses la foule en cas d’émeutes. sûr, il tombera, tombera, tombera/
alors que l’épouse du blogueur meetings, il n’est donc pas ques­ cœur des électeurs. Dans les rues étaient devenus apolitiques et rési­ Selon l’ONG de défense des Et nous pourrons nous libérer », dit
mènerait une vraie campagne. La tion d’idéologie, de gauche, de de Minsk, les graffitis moquent sa gnés. Ils observaient les répressions droits de l’homme Viasna, plus de la chanson L’Estaca, reprise en
trentenaire, apolitique et apeurée, droite, de libéralisme ou de socia­ disgrâce d’un « Sacha 3 % », présu­ à Minsk mais cela les concernait 1 100 personnes ont déjà été inter­ chœur par la foule de Gomel, pe­
savait que les autorités pourraient lisme. L’enjeu se résume à mettre mant qu’Alexandre (Sacha) Louka­ peu. Le coronavirus les menace di­ pellées et placées en détention tite ville de Biélorussie. 
lui retirer la garde de ses deux en­ fin au règne de plus d’un quart de chenko ne recueillerait plus que rectement. Cela les a obligés à réflé­ depuis les premières manifesta­ nicolas ruisseau
fants au moindre prétexte. siècle de Loukachenko. 3 % d’opinions favorables. La réa­ chir », pense Alesia Rudnik. tions de mai. Et Alexandre Louka­ et claire gatinois

En Jordanie, la fronde des enseignants étouffée par le pouvoir


Le syndicat des professeurs, seule organisation professionnelle indépendante du royaume, a été fermé par une descente de police

beyrouth ­ correspondant justice restreignant la marge de temps arabe », a été fermé sa­ professeurs avaient obtenu la pro­ sans ressources qui vit des perfu­ sociations. Cet arrêt a été relayé
manœuvre des Frères musul­ medi 25 juillet de manière expé­ messe d’une hausse substantielle sions de ses alliés arabes et occi­ avec enthousiasme par la presse

L e climat politique se durcit


en Jordanie. Mercredi
29 juillet, une manifesta­
tion de plusieurs centaines d’en­
seignants, qui protestaient dans le
mans, le principal mouvement
d’opposition à la couronne haché­
mite. Ces deux dernières années,
des militants critiquant les mesu­
res d’austérité du gouvernement,
ditive : par une descente de police
à son siège d’Amman et dans les
locaux de ses onze branches à
travers le pays. Tout porte à croire
que l’offensive contre cette orga­
de leur salaire, entre 35 % et 75 %,
selon le mérite et l’ancienneté.
Mais, en avril, en raison de la crise
économique causée par la pandé­
mie de Covid­19, les autorités ont
dentaux –, a incité le pouvoir à sé­
vir. En plus de fermer le syndicat
pour une durée de deux ans, les
autorités ont interdit aux médias
locaux de couvrir les protesta­
officielle d’Arabie saoudite et des
Emirats arabes unis.
Les principaux bailleurs de
fonds arabes d’Amman, qui consi­
dèrent la confrérie comme une or­
centre d’Amman contre la ferme­ aux prises avec un endettement nisation résulte de considéra­ gelé toutes les hausses de salaire tions de ses membres. ganisation « terroriste », seraient
ture de leur syndicat, la seule orga­ galopant, ont aussi été emprison­ tions politiques. du secteur public. En coulisses, des partisans de la probablement ravis que le roi Ab­
nisation professionnelle véritable­ nés. « On assiste à un glissement Cette décision unilatérale a pro­ couronne arguent que le syndicat dallah décide de bannir aussi la
ment indépendante du pays, a été vers un ordre politique plus répres­ Un mois de grève voqué la colère du syndicat, qui est noyauté par les Frères musul­ branche politique du mouve­
brutalement dispersée par la po­ sif », s’inquiète Adam Coogle, de A l’automne 2019, fort de ses laissait planer ces derniers jours mans. Une accusation infondée ment, pour l’instant tolérée. Le
lice antiémeute. Des dizaines de l’organisation Human Rights 100 000 adhérents, le syndicat la menace d’une relance de la mais dans l’air du temps. Le Front d’action islamique, qui avait
professeurs ont été arrêtés et un Watch. Une dérive qui rompt peu à avait mené et remporté une ba­ grève à la rentrée de septembre. 16 juillet, la Cour de cassation jor­ remporté 16 sièges sur 130 aux
journaliste qui filmait la scène a peu avec la tradition jordanienne taille inédite contre le gouverne­ La perspective d’un nouveau con­ danienne a acté la dissolution dé­ élections de 2016, envisage de par­
été matraqué. d’autoritarisme modéré. ment. Au bout d’un mois de grève, flit social, s’ajoutant à la crise sa­ finitive de la branche sociale et ca­ ticiper aux prochaines législatives,
Ces événements interviennent Le syndicat des professeurs, rare exemple de mouvement so­ nitaire et aux difficultés écono­ ritative de ce mouvement, jugée programmées en novembre. 
dix jours après une décision de fondé en 2011, en plein « prin­ cial réussi au Moyen­Orient, les miques du royaume – un pays en infraction avec la loi sur les as­ benjamin barthe
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0123
SAMEDI 1ER AOÛT 2020 international | 5

Hongkong
écarte douze
candidats
de l’opposition
Le gouvernement pourrait
s’appuyer sur l’épidémie
pour repousser les législatives

hongkong ­ correspondance certains députés ou militants


sont allés à Washington deman­

A
lors que selon diverses der l’appui des Etats­Unis ou en
sources citées dans la Europe pour alerter sur l’étrangle­
presse locale, l’éven­ ment progressif des libertés fon­
tualité d’un report de damentales ou sur les abus de la
plus d’un an des élections législati­ police. Dans d’autres cas encore,
ves prévues le 6 septembre semble les examinateurs ont simplement
se confirmer, une douzaine de fi­ jugé que la déclaration d’allé­
gures connues de l’opposition ont geance à la constitution locale, la
appris jeudi 30 juillet que leurs Basic Law, des candidats « man­ Le militant prodémocratie, Joshua Wong, lors d’une conférence de presse à Hongkong, le 31 juillet. KIN CHEUNG / AP
candidatures étaient irrecevables. quaient de sincérité ».
« C’est une décision purement poli­ La faiblesse des explications
tique déguisée dans du verbiage lé­ fournies semble indiquer que les rait se donner ainsi le temps de électorales ont ratissé très large en fenseur de l’Etat de droit et de l’in­
gal inexistant », a estimé, furieux, fonctionnaires responsables de la verrouiller encore davantage le écartant non seulement des can­
« Pékin a voulu dépendance de la justice, a
jeudi après­midi, Dennis Kwok, validation des candidatures ont scrutin, en s’appuyant sur sa nou­ didats d’obédience localiste, pro­ éviter une prise d’ailleurs déposé son propre dos­
42 ans, l’un des députés les plus fait du zèle. « Pékin a voulu éviter velle loi, comme le montrent les che des idées indépendantiste, sier de candidature sans affilia­
respectés et les plus éloquents de une prise de contrôle hostile du Par­ disqualifications en cours. mais même un député modéré
de contrôle tion de parti à l’approche de la
l’opposition, interdit de briguer lement », estime Lau Siu­kai, vice­ Leur annonce a suscité des con­ comme Kenneth Leung, 57 ans, hostile date limite, indiquant : « Je laisse
un troisième mandat pour le Parti président de l’Association chinoise damnations internationales. Le qui, depuis 2012, occupe le siège au public le soin de déterminer
civique, le parti des avocats. des études de Hongkong et Macao dernier gouverneur britannique représentant la profession de
du Parlement » dans quel camp je me situe. »
Les motifs pour lesquels douze pour qui il ne fait aucun doute que de Hongkong jusqu’à la rétroces­ comptable dans l’hémicycle. LAU SIU-KAI Le gouvernement hongkongais,
candidats du camp pro­démocra­ le gouvernement central a con­ sion de 1997, Chris Patten qualifié « L’examinateur des candidatu­ vice-président de l’Association dans un style de plus en plus pro­
tie ont été éliminés sont des plus trôlé cette opération coup de balai. cette élimination des candidats res nous a clairement posé des chinoise des études che de celui de Pékin, s’est félicité
variés. Aux uns, les inspecteurs de Au même moment, la chaîne de de l’opposition de « scandaleuse questions politiques et a fait de de Hongkong et Macao de ces révocations dans un long
la procédure électorale ont repro­ télévision Cable TV et le quotidien purge politique » estimant qu’un toute évidence un tri politique, ce commentaire. Il indique qu’un
ché leurs déclarations sur la ré­ South China Morning Post évo­ « tel comportement était attendu qui est en infraction flagrante de « candidat doit non seulement res­
cente loi draconienne de sécurité quaient une probable annonce d’un état policier ». nos droits garantis par le Pacte in­ de la course et le président du pecter la Basic Law mais y être fa­
nationale imposée par Pékin un imminente par l’exécutif local du ternational sur les droits civiques parti, Alan Leong, qui fait partie vorable, en faire la promotion et y
mois plus tôt, visant à punir toute report des législatives initiale­ Premier grand coup de balai et politiques, [dont Hongkong est des disqualifiés, craint désormais adhérer pleinement. » « Sur cette
forme de critique du gouverne­ ment prévues en septembre. Le Plus que jamais, l’opposition a dé­ signataire et] qui est repris dans que les deux autres représentants base, quiconque s’est opposé à la
ment central. A d’autres, ils ont motif invoqué serait alors la nou­ noncé le régime de terreur qui l’Article 39 de la Basic Law », a dé­ du parti qui n’ont pas encore reçu promulgation de la nouvelle loi de
pointé leurs contacts avec des velle vague de contaminations au s’installe. Il y a quelques jours, le claré Dennis Kwok. Même si offi­ de réponse, le soient aussi. « Il sécurité nationale, quiconque pré­
gouvernements étrangers, car Covid­19 qui touche la ville, leader étudiant Joshua Wong, ciellement il briguait un troi­ s’agit d’une tentative pure et simple conise l’indépendance de Hon­
même s’il ne fait nullement illu­ 23 ans, visage le plus célèbre à sième mandat, il s’attendait tou­ de faire taire toute opposition au gkong ou l’auto­determination,
sion. Face à la répression, le camp l’étranger de la contestation de la tefois depuis quelques semaines à sein du parlement », a estimé Alan quiconque sollicite l’intervention
prodémocratie était parvenu à jeunesse hongkongaise, avait déjà être sanctionné d’une manière ou Leong. Cependant, aucun candi­ de gouvernements étrangers de
La gifle a été mobiliser 600 000 citoyens lors dénoncé « l’interrogatoire voué à d’une autre pour le rôle clé qu’il dat affilié au parti démocratique, même que ceux qui menacent
particulièrement de premières primaires à grande fabriquer des preuves » auquel il eut pour retarder au maximum qui dispose de 7 sièges au parle­ d’utiliser leur veto pour faire pres­
échelle, organisées le 12 juillet. Pé­ avait été soumis. Jeudi, il a estimé l’adoption, intervenue en juin, ment, n’a encore été disqualifié. sion sur le gouvernement à des fins
douloureuse kin a tout lieu de craindre que la que les autorités avaient disquali­ d’une loi sur le respect du dra­ Face à ce premier grand coup de politiques, tous ceux­là ne sont pas
pour le Parti colère des Hongkongais se fasse fié « presque tous les candidats peau et de l’hymne national. balai, le camp prodémocratie a dignes de devenir députés. » L’exé­
entendre dans les urnes, même si prodémocratie, depuis les groupes La gifle a été particulièrement cherché à recruter, in extremis, de cutif local assure qu’il n’est « en
civique, seconde le système électoral est déjà très progressistes les plus récents aux douloureuse pour le Parti civique, nouveaux candidats avant aucun cas question de censure po­
plus importante fortement biaisé en sa faveur, par partis modérés traditionnels ». Le actuellement seconde plus im­ l’échéance vendredi à minuit litique, ni de réduire la liberté de
une représentation en partie par positionnement des douze candi­ portante formation de l’opposi­ pour le dépôt des dossiers. Le pré­ parole ni de limiter le droit de par­
formation secteurs économiques, loyaux au dats éliminés de la course montre tion avec 6 sièges. Quatre de ses sident du barreau de Hongkong, ticiper à des élections. » 
de l’opposition pouvoir chinois. La Chine pour­ effectivement que les autorités six candidats sont déjà éliminés Philip Dykes, 67 ans, fervent dé­ florence de changy

Le second report des élections tend la situation en Bolivie


Les opposants accusent le gouvernement intérimaire issu de la crise d’octobre 2019 de vouloir prolonger abusivement son mandat

lima ­ correspondance au lieu du 18 octobre. L’annonce flètent pas la situation en temps de contrats avaient été conclus un parti d’opposition, laissant sur
du report des élections générales
« La droite réel en raison d’un décalage de avec deux entreprises pour des lo­ la touche 228 candidats aux élec­
putschiste a
L e gouvernement aura vai­
nement tenté d’empêcher
les rassemblements, mul­
tipliant les déclarations offensi­
ves contre les appels à manifes­
pour cause de pandémie, le
23 juillet, avait déclenché la fureur
d’une partie des Boliviens qui exi­
gent le droit d’exercer leur vote au
plus vite, alors qu’ils sont gouver­
comme objectifs
de proscrire
deux à trois semaines, dû au retard
des analyses provenant des labora­
toires.
Pour les opposants, ce nouveau
report n’est qu’une tentative de
giciels dont la livraison n’aurait
jamais été honorée.
Pour le politiste Marcelo Are­
quipa, toutes ces affaires visent
avant tout à nuire à l’image du
tions régionales et municipales.
Une sanction qui avait permis au
MAS de triompher dans la région
tropicale du Beni, dans l’est du
pays. « C’est une norme dispropor­
ter. Jamais avare de formules nés par des autorités transitoires
le MAS et prolonger abusivement le man­ MAS, dans une « tentative de dis­ tionnée, inconstitutionnelle, qui
chocs, le ministre de l’intérieur, non élues, depuis le départ con­ de prendre dat de Jeanine Añez. « La droite créditer le parti dans l’opinion pu­ viole les principes de la légalité »,
Arturo Murillo, n’a pas hésité à traint de Morales en novem­ putschiste a comme objectifs de se blique, de l’associer au terrorisme estime aujourd’hui l’avocat cons­
vilipender les dirigeants qui bre 2019 – à la suite d’élections
d’assaut l’Etat » prolonger, de proscrire le MAS et et à la corruption ». Des centaines titutionnaliste Ivan Lima Magne.
« envoient à la mort » les mani­ contestées et d’accusations de EVO MORALES de prendre d’assaut l’Etat », a écrit de fonctionnaires de l’ex­adminis­ Un jeu dangereux effectivement
festants. D’autres membres du fraude –, avec à la tête la prési­ ancien président Evo Morales sur Twitter le tration font l’objet d’enquêtes et mais auquel tous les partis sem­
gouvernement avaient, eux, pré­ dente par intérim, Jeanine Añez. 24 juillet, depuis son exil argen­ Evo Morales est lui­même pour­ blent goûter. D’autres demandes
venu que ces marches allaient Les manifestants ont lancé un tin. Selon l’ancien chef d’Etat, il suivi pour terrorisme, une peine d’interdiction visent les forma­
être des « foyers de contagion ultimatum de soixante­douze préfèrent attendre une baisse du s’agit d’une manœuvre pour ga­ passible de vingt ans de prison. tions de l’actuelle présidente, du
massifs », pointant notamment heures au Tribunal suprême élec­ rythme des contagions sur au gner du temps afin de mettre son « Le MAS représente l’ensemble candidat de la droite conserva­
la présence de marcheurs con­ toral, l’organe en charge des élec­ moins « quatorze jours continus » parti hors jeu en interdisant son de la gauche bolivienne, est­ce trice et celui du centre, Carlos
vergeant de plusieurs régions du tions, pour qu’il abandonne pour convoquer les électeurs. La inscription à la campagne électo­ qu’un pays serait plus démocrati­ Mesa, soit l’ensemble des mouve­
pays vers la ville d’El Alto, près de l’ajournement, menaçant de blo­ date du 18 octobre sera « défini­ rale. Le MAS est en effet accusé que si uniquement les partis de ments politiques les plus impor­
La Paz, et transportant selon eux quer les routes du pays et de me­ tive », rassurent­elles, et ne pourra d’avoir enfreint l’interdiction de droite peuvent participer à une tants du pays.
une « forte charge virale ». ner une grève générale indéfinie plus être repoussée, rappelant diffuser des sondages internes en élection ? Ils ne cherchent pas sim­ Selon Marcelo Arequipa, cette
Mais à l’appel de la Centrale dès le lundi 3 août. l’« obligation constitutionnelle » public et plusieurs plaintes ont plement à proscrire le MAS, ils veu­ course « à la destruction » des con­
ouvrière bolivienne (COB) et que les nouvelles autorités soient été déposées à son encontre. lent proscrire une idéologie », s’in­ currents, comme il l’appelle, ne
d’autres formations syndicales Enjeu sanitaire réélues et mises en place en 2020, Luis Arce, candidat du MAS, fait digne Alejandra Claros, ancienne fait que révéler le niveau de dé­
proches du Mouvement vers le Les instances électorales assu­ tandis qu’un éventuel second également l’objet d’une plainte au chef de cabinet d’Evo Morales. fiance et le climat politique veni­
socialisme (MAS) de l’ancien pré­ rent, de leur côté, que l’enjeu est tour aurait lieu le 29 novembre. pénal déposée par le parquet pour Toutefois en 2015, c’est un autre meux dans lesquels se retrouve
sident Evo Morales, des milliers avant tout sanitaire. Selon les pro­ Les autorités ont enregistré à ce délit de fraude présumée dans parti qui avait fait les frais de la rè­ plongée la Bolivie. Un climat de
de manifestants se sont néan­ jections, le pic de l’épidémie est jour plus de 75 200 cas positifs et l’achat de logiciels pour l’admi­ gle « draconienne » de diffusion mauvais augure pour le prochain
moins réunis mardi 28 juillet, prévu « quelque part entre fin 2 894 morts. Une situation qui ris­ nistration publique des retraites, des sondages, votée sous le gou­ scrutin, qui s’annonce sous
pour exiger le maintien des élec­ juillet et les premiers jours de sep­ que de s’aggraver ces prochains lorsqu’il était ministre de l’écono­ vernement du MAS. Le Tribunal « haute turbulence ». 
tions générales au 6 septembre, tembre ». Dans ce contexte, elles jours : les chiffres en Bolivie ne re­ mie. Plusieurs millions de dollars électoral avait sortir de la course amanda chaparro
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PLANÈTE
0123
6| SAMEDI 1ER AOÛT 2020

En Inde, le coton équitable, espoir de l’Odisha
Des milliers de cultivateurs frappés par la crise due au Covid­19 comptent sur cette filière pour rebondir

kanikupa (odisha, inde) ­


envoyé spécial CHINE

New Delhi

P
our accéder aux petits lo­
pins de cotonniers, il faut RAJASTHAN
BIHAR
se frayer un chemin en­
GUJARAT JHARKHAND Calcutta
tre les buissons de len­
tilles jaunes, qui peuvent monter INDE ODISHA
jusqu’à 2 mètres de haut. La terre Bhubaneshwar
Bombay
est rouge, les herbes sèches cra­
Kanikupa
quent sous la semelle et des grap­
MAHARASHTRA Golfe
pes d’insectes virevoltent. Dans
cette région reculée de l’Odisha, Madras du Bengale
(Chennai)
Etat indien situé au sud­ouest de
Calcutta, le relief est accidenté par 500 km
les collines de Niyamgiri, dont le
sous­sol recèle bauxite, charbon,
fer et manganèse.
Akshaya Kumar Sahu raconte autre se vante de ramasser « 25 ki­
que les sommets alentour, au los de coton par jour ».
profil bleuté, sont « le royaume Parmi les grands producteurs de
des léopards et des éléphants sau­ coton au monde, l’Inde est
vages ». Cet homme, âgé d’une aujourd’hui au coude­à­coude
quarantaine d’années, pilote de­ avec la Chine, à 5,9 millions de ton­
puis 2016 un programme de sécu­ nes par an, devant les Etats­Unis
rité alimentaire qui concerne (4 millions de tonnes), le Brésil
500 petits propriétaires terriens (2,6 millions) et le Pakistan
et une cinquantaine de paysans (1,7 million). Son territoire fournit
sans terre. Il les aide à améliorer 90 % du coton équitable produit
leur niveau de vie et à réduire leur dans le monde, soit environ
impact sur l’environnement en 20 000 tonnes de coton fibre.
les faisant entrer dans la filière du Au bord du sentier, des hommes
coton équitable. s’affairent autour de quatre puits
Un système qui protège les culti­ en cours de creusement. L’Odisha,
vateurs de toute vente à perte, réputé avant­gardiste dans la cul­
grâce au respect du prix mini­ ture du coton équitable, a déblo­
mum garanti par l’Etat. Et qui per­ qué pour ce projet une aide de Cette femme passe ses journées à récolter le coton à la main près du village de Kanikupa (Odisha). JOSÉPHINE LEFEBVRE
met d’obtenir une prime de déve­ 1,5 million de roupies (environ
loppement financée par les mar­ 17 000 euros). « Ce n’est pas une rai­
ques de textile sous forme de son pour se laisser aller au gas­ coton étrangères qui n’ont pas
droits de licence, à condition que pillage, tient à préciser Akshaya. La manqué d’introduire dans le pays
les paysans se regroupent en coo­ gestion de la ressource est l’une des de nouvelles maladies et aug­
pérative et investissent cet argent premières choses que l’on enseigne menté les besoins en produits chi­
dans des projets collectifs (micro­ à la communauté. » Le coton, c’est miques pour les circonvenir.
crédit, irrigation, logement, éduca­ connu, est gourmand en eau. Mais C’est que la plante est particuliè­
tion…). A condition, aussi, de ne en Inde, il l’est plus que partout rement vulnérable aux préda­
pas cultiver d’OGM, de proscrire le ailleurs. Alors qu’il faut en teurs. Dans l’Odisha, les agricul­ Certaines
travail des enfants et de respecter moyenne 10 000 litres pour pro­ teurs se méfient notamment de la cueilleuses
toutes les conventions de l’Organi­ duire 1 kg de fibres, il faut ici cicadelle, une sorte de sauterelle peuvent
sation internationale du travail 22 500 litres, d’après Water Foot­ qui se nourrit de sa sève, mais ramasser
touchant à la santé et à la sécurité. print Network. aussi de l’aleurode, une mouche jusqu’à
Cet immense gâchis vient de blanche aux ailes cornées, du ver 25 kilos
Une culture gourmande en eau l’inefficacité des systèmes d’irriga­ rose, qui s’installe dans les capsu­ de coton par
L’épidémie de Covid­19, qui conti­ tion et d’arrosage, mais aussi de les de coton, et du gendarme, com­ jour. JOSÉPHINE
nue de battre son plein en Inde, a l’emploi de pompes électriques munément appelé colorant rouge. LEFEBVRE
posé de graves problèmes de tréso­ subventionnées par l’Etat, lesquel­ Akshaya Kumar Sahu intervient
rerie du fait des fermetures de ma­ les encouragent les paysans à creu­ sous l’égide de Chetna Organic, un
gasins d’habillement et des annu­ ser des puits et à se servir dans les groupe de douze coopératives la­
lations de commandes de la filière nappes phréatiques. En outre, si bellisées « équitables » par Fairtra­
textile. Au printemps, les paysans l’Odisha, comme le Jharkhand et le de­Max Havelaar, qui réunit
n’ont eu d’autre choix que de ven­ Bihar, bénéficie d’un climat hu­ 33 500 paysans de l’Odisha, du Ma­
dre leur coton sur le marché con­ mide où l’évaporation demeure li­ harashtra et du Telangana. Faute
ventionnel après la levée du pre­ mitée, c’est loin d’être le cas dans d’arriver à attirer des filateurs
mier confinement, à des prix ridi­ les Etats semi­désertiques du Gu­ dans la filière équitable, l’ONG in­
culement bas. Mais le système du jarat et du Rajasthan, où pousse ternationale ne garantit pour l’ins­
commerce équitable permet pour l’essentiel du coton et où les pertes tant que la production de la fibre, tes du coton, comme les coccinel­ regroupées sous la bannière de
l’instant de tenir vaille que vaille, en eau sont colossales. contrairement à la World Fair les et les araignées. Les coton­ « Nous apprenons Chetna Organic.
grâce aux primes de développe­ A ce sombre panorama s’ajoute Trade Organisation qui vérifie le niers, eux, peuvent être pulvérisés aux cultivateurs Dans les collines de Niyamgiri,
ment et aux distributions gratui­ l’usage sans limite des pesticides. respect des critères du commerce avec des décoctions d’ail, de pi­ les femmes de Kanikupa ont pu, el­
tes de semences de coton non La culture du coton ne représente équitable jusqu’aux confection­ ment rouge, de feuilles de papayer à laisser les, monter un dispositif de micro­
OGM pour la saison 2020­2021. que 2 % à 3 % des terres cultivées de neurs. Par ailleurs, le label n’oblige ou de margousier, mélangées à l’écosystème agir crédit qui offre aux familles la pos­
Aux abords du village de Ka­ la planète, mais elle capte un quart pas les coopératives à rendre des du purin et de la bouse de vache. » sibilité d’acheter des semences et
nikupa, où travaillent soixante­ des substances chimiques em­ comptes sur l’usage des pesticides, S’agissant des engrais, l’ONG de lui-même » des engrais, d’acheter des vête­
dix agriculteurs, les femmes arri­ ployées pour tuer les parasites, comme le font les labels GOTS, pousse à l’usage du compost, en ARUN CHANDRA AMBATIPUDI ments aux enfants, de financer les
vent à l’aube. Elles ont entre 45 et dont certaines sont considérées Oeko­Tex, bioRe ou Eko Skal. montrant aux agriculteurs l’inté­ directeur de Chetna Organic mariages, de s’équiper d’un télé­
70 ans et passent leurs journées à comme « extrêmement dangereu­ rêt de planter aux abords des phone… Elles appellent leur sys­
décrocher de leurs mains délicates ses » par l’Organisation mondiale « Une toute petite niche » champs de coton des rangées de tème le e­Shakti, en hommage à la
la ouate blanche qui parsème les de la santé. En Inde, la proportion « Nous sensibilisons les paysans à tecks et d’anacardiers (l’arbre qui à renouvellement tous les trois déesse hindoue qui symbolise la
champs brûlés par le soleil. Le co­ est deux fois plus élevée : le coton l’agriculture biologique, et près de produit la noix de cajou), dont les ans », précise Gourachandra Dal­ force créatrice primordiale.
ton, perlé de rosée, atterrit dans un consomme à lui seul la moitié de la moitié de ceux avec lesquels feuilles en état de décomposition pati, membre du conseil d’admi­ Pour que tous ces projets réussis­
pli de leur sari, avant de rejoindre tous les pesticides pulvérisés dans Chetna Organic travaillent sont fournissent un excellent terreau. nistration de la licence Fairtrade sent, encore faut­il que le consom­
de grands sacs. L’une des cueilleu­ les campagnes. Des produits que déjà certifiés bio, explique néan­ « Le coton équitable reste une International en Inde. mateur s’intéresse au sujet. En
ses, qui s’exprime dans la langue l’on retrouve dans la nature, sans moins Valeria Rodriguez, porte­ toute petite niche, tempère un Le sous­continent a la particula­ France, cela fonctionne assez bien
de sa tribu, les Khond, dit venir là aucun contrôle, depuis que la « ré­ parole de Fairtrade­Max Havelaar grand négociant européen, qui rité de développer des variétés de dans l’agroalimentaire, où la no­
« huit heures par jour après deux ki­ volution verte » des années 1960 a en France. Le coton équitable est souhaite conserver l’anonymat. coton hybride qui font baisser les tion d’aide au producteur est facile
lomètres de marche », afin de pou­ poussé à la production intensive, en fait un levier, car il donne les En Afrique, ça ne prend pas, et l’Inde rendements. Mais selon Fairtrade­ à appréhender : 10 % des bananes
voir nourrir ses trois filles. Une en faisant venir des variétés de moyens de passer progressive­ a fait marche arrière, après avoir Max Havelaar, l’hybridation est le et 3 % du café vendus dans l’Hexa­
ment au coton bio, grâce à l’attri­ découvert que de fausses certifica­ meilleur moyen, sur le terrain, de gone sont « équitables ».
bution d’une prime supplémen­ tions circulaient dans les campa­ lutter contre le coton génétique­ Mais dans le textile, il y a « un blo­
La mode « durable » encore minoritaire taire aux coopératives. »
Le contexte local est favorable :
gnes. Résultat, nombre d’acheteurs
européens intéressés par la filière
ment modifié en laboratoire. « La
lutte contre les OGM fait partie de
cage », déplore Fairtrade­Max Ha­
velaar. Le client final est éventuel­
Les vêtements présentés comme écoresponsables, c’est-à-dire l’Inde produit déjà 47 % du coton équitable se tournent aujourd’hui nos priorités », affirment ses diri­ lement sensible à la condition des
confectionnés à plus de 50 % dans des tissus durables – à base de bio mondial, soit près de vers la Turquie. » geants, qui rappellent que 97 % du petits ateliers de confection, sur­
coton biologique ou fibres recyclées –, ne constituent que 10 % en 90 000 tonnes par an de coton fi­ Depuis, les contrôles ont été coton indien est aujourd’hui issu tout depuis le drame du Rana
moyenne des collections des grandes enseignes de la mode. C’est bre (la ouate débarrassée de ses renforcés par Flocert, l’orga­ des OGM. Au début des années Plaza, cet immeuble qui s’était
le résultat d’une étude menée par la start-up belge Retviews graines), d’après un rapport de nisme basé en Allemagne qui 2000, c’était 5 %. effondré en 2013 au Bangladesh,
– achetée en 2019 par l’entreprise française Lectra –, qui a passé l’ONG Textile Exchange publié en audite Fairtrade International, la « Avec la prime de développement tuant plus d’un millier d’ouvriers
en revue ce que les principales marques de la fast fashion propo- novembre 2019. « Nous appre­ fédération à laquelle appartient reçue de Fairtrade International, de l’habillement. « En revanche,
sent à la vente sur Internet en Allemagne, Espagne, France et nons aux cultivateurs à laisser Fairtrade­Max Havelaar. « Avant nous achetons des semences non le consommateur ne pense pas
Italie. La part des vêtements de la collection « #Weatherchange » l’écosystème agir de lui­même, même de déposer une demande OGM auprès d’une pépinière bio, aux cultivateurs du coton », souli­
de C&A représente 30 % de son assortiment ; « Join Life », de Zara, précise Arun Chandra Ambatipudi, de label, il y a deux ans de tra­ nous équipons deux écoles publi­ gne Fairtrade­Max Havelaar, qui
correspond à 14 % de ses offres ; « Conscious », chez H&M, est à directeur de Chetna Organic. On vail préparatoire pour répondre ques de matelas, de draps et de cou­ se prend à rêver que les organisa­
9 % ; tandis que Mango et Uniqlo plafonnent à 2 %. Retviews a les incite, par exemple, à faire aux exigences économiques, so­ vertures, et nous installons des pan­ teurs des Jeux olympiques de
aussi comparé les prix de tee-shirts et robes en coton biologique pousser des œillets d’Inde, du ciales et environnementales. En­ neaux solaires pour faire fonction­ 2024, à Paris, imposent le coton
avec des pièces de collections conventionnelles de Zara, H&M et millet et du maïs entre les rangs suite, la coopérative fait l’objet ner un système d’irrigation », rap­ équitable à tous les sports et à tous
C&A : contrairement à une idée reçue, les premiers sont fréquem- de coton, pour attirer dans le d’un audit de six mois et une porte Kamalini Naik, dirigeante les pays participants. 
ment moins chers, sans doute grâce à un moindre gaspillage. champ les prédateurs des parasi­ fois attribué, le label est soumis de l’une des douze coopératives guillaume delacroix
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0123
SAMEDI 1ER AOÛT 2020 planète | 7

La convention pour couvert que, si l’accueil des con­


clusions de la convention était
unanimement favorable, des ré­
l’économie se demande si « ce
n’est pas la facilité que d’interdire
la publicité des SUV », estimant
les menus bio, le maire (Les Répu­
blicains) de Reims (Marne), Ar­
naud Robinet, représentant de

le climat confrontée
serves apparaissaient çà et là que l’on ne pouvait pas compa­ l’organisation France urbaine, a
dès que la discussion devenait rer ce type de véhicule « à une expliqué l’impossibilité de mise
plus concrète. Porsche Cayenne ». en œuvre de telles mesures. « Nos
Ainsi, lors de la première sé­ Idem pour le moratoire de­ cantines pour le scolaire produi­
quence, avec les partenaires so­ mandé par les citoyens sur la sent près de 10 000 repas par jour,

au passage aux actes ciaux, Elisabeth Borne, ministre


du travail, de l’emploi et de l’in­
sertion, et Bruno Le Maire, minis­
tre de l’économie, des finances et
construction des plates­formes
logistiques pour l’e­commerce.
« On peut se concentrer sur les en­
trepôts Amazon, c’est très grand
c’est impensable. Nous préférons
faire jouer les circuits courts plutôt
que de faire venir des produits de
l’étranger, car la production fran­
Trois réunions au ministère de la transition de la relance, les conventionnels
ont bien compris que certaines de
public, mais cela ne représente que
0,5 % de l’artificialisation des sols,
çaise de bio est insuffisante », a­t­il
fait valoir. « La cantine représente
écologique ont mis face à face les « 150 » leurs propositions avaient peu de
chance d’être reprises telles quel­
alors que les maisons individuelles
en représentent 48 %. Mais c’est fa­
quatre repas sur dix­sept par se­
maine, elle est le seul endroit, pour
avec les partenaires sociaux et les élus les, « sans filtre », ainsi que l’avait
formulé le chef de l’Etat.
cile de mettre Amazon en tête de
gondole », a avancé M. Le Maire.
certains jeunes enfants, d’un repas
équilibré, ils ont parfois besoin de
« On a vu des syndicats qui ac­ Certains sujets – en fait, peu ont manger de la viande », a ajouté
cueillaient favorablement nos été réellement abordés concrè­ M. Robinet, récoltant une remar­

C
ette fois, les membres une vraie envie que tout ce travail mesures et d’autres, comme le pa­ tement – ont révélé l’état des dés­ que de Barbara Pompili, qui lui a
de la convention ci­ « Ce n’est se concrétise et contribue à chan­ tronat, plus prudents, qui avaient accords. « On aura une levée de rétorqué qu’« un vrai repas végé­
toyenne pour le climat ger la vie des gens, notre société, besoin de tout repasser à leur ta­ boucliers d’un côté ou de l’autre. tarien est équilibré ».
sont entrés dans le vif
qu’une étape. notre économie. Ce n’est qu’une mis, jugeait Grégoire Fraty. Le Il faut avoir le courage politique, Au­delà des joutes, de nom­
du sujet. Après moult réceptions Les citoyens étape dans un processus qui va du­ pragmatisme économique pour­ ne pas foncer dans le tas, mais breux sujets demandent encore à
à l’Elysée et à Matignon lors des­ rer encore longtemps. Les citoyens rait avoir raison de certaines de beaucoup aider. Cela demande être travaillés, précisés, voire mo­
quelles Emmanuel Macron et
nous passent nous passent le témoin, mais ils nos mesures. » d’avoir les nerfs solides », est in­ difiés. « Pour toutes les mesures, on
Jean Castex ont accusé récep­ le témoin restent associés », a déclaré la mi­ tervenue Mme Pompili. pourrait nous dire que ce n’est pas
tion de leurs 146 propositions, nistre de la transition écologique. Approches différentes Lors de la rencontre avec les re­ possible », s’est interrogée, un peu
les représentants des « 150 »,
mais ils restent Dès l’accueil de la petite ving­ De fait, si Patrick Martin, pour le présentants des collectivités loca­ énervée, Sylvie Jover, de Nancy,
nom de l’association qui réunit associés » taine de conventionnels – une di­ Medef, a salué le travail des con­ les, d’autres thèmes ont révélé une des citoyennes présentes.
dorénavant les membres de la zaine étant aussi présents en vi­ ventionnels, il a tenu à les mettre des approches différentes. Sur la La troisième séquence du jour a
BARBARA POMPILI
convention, ont participé, mer­ sioconférence –, Barbara Pompili a en garde sur plusieurs points. demande des citoyens de deux re­ mis face à face les citoyens avec
ministre de la transition
credi 29 juillet, à trois réunions assuré que plus du tiers de leurs Ainsi de l’interdiction de la publi­ pas végétariens dans les cantines des députés, de tous les groupes
écologique
de travail au ministère de la tran­ mesures seraient reprises dans le cité pour les produits les plus scolaires à partir de 2025, ou sur (à l’exception de La France insou­
sition écologique. projet de loi, le reste pouvant être polluants, comme les SUV, évo­ mise et du Rassemblement na­
Les échanges avec les partenai­ traduites par voie réglementaire quant « la liberté de choix » des tional). Il a alors surtout été ques­
res sociaux, dans un premier Parlement, annoncée pour jan­ ou encore abordées dans la discus­ citoyens, ou encore « le modèle tion de méthode.
temps, avec les représentants des vier 2021, d’un projet de loi « con­ sion du projet de loi de finances. économique de la presse », en par­ « Il faut s’assurer « On a besoin de la vigilance des
collectivités locales ensuite, puis, vention citoyenne pour le cli­ Pour la forme encore, des grou­ ticulier régionale, dans lequel citoyens sur l’ambition que le
en fin d’après­midi, avec les parle­ mat » est encore longue. « On va pes de travail avec les parlementai­ « la publicité est essentielle ».
que l’ensemble gouvernement donnera finale­
mentaires, leur ont donné un rentrer dans une phase d’écriture, res vont être constitués et se réu­ Un argument repris par Bruno des propositions ment au projet de loi. Il faut sur­
aperçu de la complexité du travail d’échange avec les parlemen­ niront dès la fin du mois d’août. Le Maire, qui a cité le modèle de la tout s’assurer que l’ensemble des
qui reste à faire. « Cette première taires, les citoyens, une phase de Les cinq thèmes retenus par les Peugeot 3008 hybride, « un SUV
permette bien propositions permette bien d’at­
étape est une bonne chose, cela débat parlementaire et une phase citoyens durant leurs neuf mois produit à Sochaux, qui en sort une diminution teindre l’objectif de diminution
fait du bien de toucher enfin au de suivi du texte qui sera voté », a de travaux – se loger, se déplacer, 1 000 par jour ». Alors que, selon de 40 % des émissions de gaz à
concret », confiait, à l’issue de la résumé Marc Fesneau, le minis­ se nourrir, consommer, travailler­ lui, ce véhicule n’émet que 49 g de
de 40 % effet de serre d’ici à 2030, ce qui
réunion, Grégoire Fraty, l’un des tre délégué chargé des relations produire – devraient être repris CO2 par kilomètre – en fait 29 g des émissions était leur mission », a insisté Mat­
membres de la convention et co­ avec le Parlement et de la partici­ par ces groupes de travail. pour le modèle hybride et 113 g thieu Orphelin, député (Ecologie
président de l’association Les 150. pation citoyenne. Sur le fond, les citoyens ont tou­ pour le modèle essence –, « loin
d’ici à 2030 » Démocratie Solidarité) du Mai­
Première étape, donc. Mais la Un marathon de réunions que ché du doigt la complexité des des limites des normes européen­ MATTHIEU ORPHELIN ne­et­Loire. 
route jusqu’à la discussion au Barbara Pompili a salué. « Il y a futurs travaux. Ils ont aussi dé­ nes de 95 g/km », le ministre de député rémi barroux

Les projets d’abattage à la ferme


DIMANCHE

27
connaissent un coup d’accélérateur
Des éleveurs espèrent mettre en œuvre, courant 2021, des unités
mobiles pour garantir un meilleur traitement des animaux

E lle s’était fixé un délai de


soixante jours, six au­
ront suffi. L’éleveuse bour­
Ne plus avoir
de transport
sud de la Loire­Atlantique et le
nord de la Vendée, on n’a plus de
capacité d’abattage de proximité
SEPTEMBRE
guignonne Emilie Jeannin a bou­ depuis la fermeture de l’abattoir de
clé, jeudi 30 juin, son appel à
d’animaux Challans [placé en liquidation ju­
financement participatif de vivants est ce qui diciaire en février 2019] », expli­
250 000 euros, lancé sur la plate­ que Guylain Pageot, éleveur lai­
forme Miimosa, dans le but de
a principalement tier à Villeneuve­en­Retz (Loire­
mettre en œuvre le premier abat­ motivé Atlantique) et président d’Aalvie.
toir mobile en France. Le projet, Ne plus avoir de transport d’ani­
qu’elle espère voir se concrétiser
ces projets maux vivants est ce qui a princi­
en 2021, consiste en un camion en­ palement motivé ces projets :
tièrement aménagé, qui se dépla­ « Généralement, les animaux sont
© SolStock - istockphoto.com / juillet 2020

cerait sur les exploitations pour y tre les fermes et l’unité centrale. achetés par un maquignon et ra­
abattre des bovins à la ferme, en Les animaux seraient étourdis sur massés par un camion qui fait le
présence des éleveurs. Un tel mo­ leur ferme, en présence de leur tour des fermes, décrit Mme Jean­
dèle était jusqu’à peu interdit, éleveur, puis chargés sur un cais­ nin. Les bêtes se mélangent, se cha­
l’abattage devant impérativement son où serait réalisée la saignée, et maillent pour remettre une hiérar­
être effectué dans une structure enfin transportés, sous une heure chie, et sont le soir déposées dans
agréée. Mais une disposition de la au maximum, dans l’unité fixe un centre d’allotement, avant de
loi agriculture et alimentation pour la mise en carcasse. repartir le lendemain vers un abat­
(EGalim) a ouvert la voie, en toir où elles sont manipulées par
avril 2019, à l’expérimentation de Réduire le stress des personnes à qui on impose des
l’abattage mobile, sans qu’aucun Dans les deux modèles, les gestes cadences. C’est ainsi qu’on arrive à
projet ait encore abouti. seraient effectués par des abat­ de la maltraitance. »
En Loire­Atlantique, le projet teurs professionnels, avec des con­ Pour l’éleveuse, abattre à la
d’un collectif de 150 éleveurs a, lui trôles vétérinaires ante et post ferme même où ont grandi les bê­
Réalisation :

aussi, connu une franche accéléra­ mortem. En Loire­Atlantique, les tes permet de réduire le stress de
tion. L’association Aalvie (pour services départementaux de la l’animal. « Quand le camion vient
Abattage des animaux sur leur
lieu de vie) a lancé, début juillet, un
protection des personnes et la di­
rection générale de l’alimentation
s’installer sur la ferme, les ani­
maux restent dans leur environne­ #gardonslesouffle
appel à financement sur la même ont assisté à un premier test et ment. Comme l’éleveur est présent
plate­forme Miimosa pour créer l’ont contrôlé, fin février. « On sent jusqu’au bout, l’abatteur est obligé
une filière d’abattage à la ferme une forte mobilisation autour de de bien se comporter. »
dans le département et en Vendée. nous, d’éleveurs, bouchers, restau­ Le projet de camion d’abattage Les Virades de l’espoir : un formidable élan de mobilisation
Quelques semaines plus tard, elle rateurs et consommateurs », dit bourguignon nécessite un inves­ au profit de la lutte contre la mucoviscidose.
a récolté près de 50 000 euros, loin Emilie Jeannin. Pour l’éleveuse de tissement de 1,8 million d’euros,
Depuis leur création il y a plus de 35 ans, les Virades de l’espoir donnent à Vaincre la Mucoviscidose
de l’objectif final de 1 million Côte­d’Or, « l’avenir, c’est de ne plus celui de caissons mobiles d’Aalvie
les moyens de poursuivre son combat contre la maladie.
d’euros, mais suffisant pour fran­ transporter des animaux sur de est évalué à 3,5 millions d’euros.
Cette année, vous pouvez non seulement participer à des activités sportives et ludiques
chir un premier palier. longues distances et de ne pas re­ Le financement participatif organisées le dimanche 27 septembre partout en France, mais aussi relever des défis en famille
La démarche diffère légèrement construire ces grandes cathédrales « nous donne une assise finan­ durant tout l’été sur virades.org. En vous mobilisant, vous aidez Vaincre la Mucoviscidose à faire
du projet bourguignon – où toutes que sont les abattoirs industriels ». cière, mais c’est aussi un témoi­ avancer la recherche.
les étapes d’abattage, jusqu’à la La France a connu un fort mou­ gnage du bien­fondé de notre dé­
mise en carcasse, se dérouleraient vement de concentration de marche », argue Guylain Pageot. Ensemble, gardons le souffle du combat.
dans le camion. Les éleveurs d’Aal­ l’abattage, passant de 1 200 éta­ L’enjeu est également territorial : Pour connaître le programme ou faire un don, rendez-vous sur virades.org.
vie envisagent eux une filière blissements en 1970 à 263 en 2016 « Si on veut garder un peu de sou­
structurée autour d’unités fixes, à (hors abattoirs de volailles). Con­ veraineté alimentaire, il faut avoir
construire, et d’une flotte d’une séquence : les infrastructures se des outils de transformation lo­
LE PROGRAMME ET PLUS D’INFORMATIONS SUR VIRADES.ORG
douzaine de « caissons », des re­ sont de plus en plus éloignées des caux », défend Emilie Jeannin. 
morques faisant l’aller­retour en­ fermes. « Dans notre secteur, le mathilde gérard
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FRANCE
0123
8| SAMEDI 1ER AOÛT 2020

Le dispositif
de végétalisation
temporaire
de la place
Pey­Berland,
à Bordeaux,
en juillet 2019.
CLAIRE MAYER/« LE MONDE »

A Bordeaux, les écologistes 
fortement critiquées, étaient sans
doute de bonnes mesures » et
qu’elle « découvre la réelle politi­
que. Tant mieux, on est d’accord
avec ça, mais il aurait fallu avoir

au défi de verdir la « ville de pierre »
l’humilité de reconnaître qu’ils
s’étaient trompés ».
Il est vrai que Didier Jeanjean
connaît encore peu les rouages
de la politique, mais il sait
pourtant qu’il devra faire face à
Une passe d’armes oppose l’ancienne équipe à la nouvelle, élue en juin, des railleries. Réutiliser le maté­
riel existant est pour lui du bon
sur les installations permettant à la ville lutter contre les fortes chaleurs sens. « J’ai élevé mes enfants en al­
lant chez Emmaüs. Donc recycler
des choses existantes, je trouve
même ça sain. Je ne vais pas faire
bordeaux ­ correspondance place Pey­Berland. Face à la mai­ blonde. Mais on n’en a rien à faire Tourny du centre­ville. Mais une position de principe car c’est
rie, une cinquantaine d’arbres en de ces belles façades si demain l’air aussi « à la Victoire, et place An­
« La nouvelle la mandature précédente qui a

L
es Bordelais gardent un pot (lauriers, hibiscus et oliviers) est complètement irrespirable et dré­Meunier, où l’on va installer majorité est en investi là­dedans. »
souvenir amer de la der­ avaient été disséminés, agrémen­ que l’on commence à avoir des pro­ des brumisateurs. On recycle les Pour lui, l’utilisation faite de ce
nière canicule. Alors, tan­ tés de toiles, tandis que, le blèmes de santé publique », avait voiles blanches installées l’année
train de réaliser dispositif, qui devrait être en
dis que jeudi 30 juillet les 23 juillet 2019, le mercure indi­ déclaré Sandra Barrère, la prési­ dernière à Pey­Berland et des ar­ que les mesures place début août, sera toute
températures frisaient les 40 °C, quait 42,6 °C à 16 heures, battant dente de l’association. Pierre Hur­ bres en pot. On a essayé de créer différente. « Ce qui m’intéresse,
tous les regards se tournaient le précédent record établi lors de mic, alors dans l’opposition, avait des espaces à la fois humides, om­
qu’on avait pu c’est comment on fait, et là, il est
vers la nouvelle municipalité et la canicule qui avait frappé la brocardé le maire, dénonçant bragés, et plutôt dans des endroits prendre étaient, hors de question que je fasse de la
les solutions qu’elle entend pro­ France en 2003. « une politique des petits pas et des qui s’y prêtent ». peinture et une ombrière sur la
poser. A l’été 2019, l’ancien maire Le dispositif avait rapidement petits pots ».
sans doute, de place Pey­Berland qui nous coûte
de Bordeaux, Nicolas Florian, provoqué colère et sarcasmes, La nouvelle équipe tout juste Lourds défis bonnes mesures » un fric fou. »
remplacé le 28 juin par l’écolo­ à commencer par l’association installée, Didier Jeanjean, adjoint La municipalité va également
FABIEN ROBERT
giste Pierre Hurmic – mettant fin Aux arbres, citoyens. « C’est de­ chargé de la nature en ville et des étendre l’ouverture des parcs et « Les attentes sont immenses »
ancien premier adjoint
à soixante­treize ans de gouver­ venu un leitmotiv, c’est la ville de quartiers apaisés, a dévoilé un jardins jusqu’à 22 h 30, et mettre En revanche, recycler un équipe­
de l’ex-maire Nicolas Florian
nance à droite –, avait fait instal­ pierre, on est extrêmement or­ plan canicule qui a suscité de vi­ en place des « canopées urbai­ ment dans lequel les Bordelais
ler avec son équipe une ombrière gueilleux de cette belle pierre ves réactions dans l’opposition. nes », « une forme assez innovante ont investi – « car c’est nous qui
Le nouvel élu âgé de 48 ans, issu pour créer de l’ombrage, qui nous l’avons payé, tout de même » – lui
de la société civile, n’a pas caché permet de contourner les places L’ancien premier adjoint de Ni­ convient parfaitement. « Comme
les tenants et aboutissants de ce sur lesquelles on ne peut pas colas Florian, Fabien Robert, n’a à la Benauge, sur la place
plan d’urgence, déroulé en quel­ planter profond, ou au­dessus pas manqué de réagir lors du der­ commerçante, où les gens vont
ques semaines à peine. Ces arbres d’un parking. Ce sont des sortes de nier conseil municipal avant la tous les jours acheter leur pain, où

DE CAUSE
en pot, qui appartiennent aux es­ grillages sur lesquels on met des trêve estivale. « Nous sommes ex­ ils ne peuvent pas discuter parce
paces verts de Bordeaux, « je vais plantes grimpantes », explique trêmement surpris des propos de que c’est du bitume noir »,
les mettre sur des endroits straté­ Didier Jeanjean. M. Jeanjean, qui dit des choses que commente­t­il.

À EFFETS.
giques. L’idée n’est pas de décorer Mais s’il assure avoir « l’ambi­ nous partageons, quand on se S’il doit agir dans l’urgence en
la place Pey­Berland pour faire de tion de rendre Bordeaux un peu souvient de ce que vous aviez pu vue de l’épisode caniculaire,
la communication, mais d’être comme une ville symbole de ce dire à l’époque », a­t­il déclaré à la Didier Jeanjean souhaite mettre
© Radio France/Ch. Abramowitz

Le magazine de utile », a­t­il expliqué.


Ainsi, sur certaines places très
que peut devenir une ville nature,
après avoir été la ville de pierre
nouvelle majorité. Et de poursui­
vre : « Quand on a été qualifiés
en place « une forme d’urbanisme
tactique, prospectif. On installe,
l’environnement minérales, l’adjoint souhaite que l’on connaît », il doit sur­ comme nous d’anti­climat, ça on regarde ce que ça donne, on se
« générer un peu d’ombre, afin que monter quelques lourds défis. nous surprend un peu que vous re­ fixe une période d’un an, peut­être
les Bordelais puissent aller s’y ins­ En particulier des délais de li­ preniez nos idées. Mais pourquoi deux, on voit comment les utilisa­
taller, que ce soit agréable », en vraison de matériaux longs et pas. Les ombrières, vous allez les teurs s’approprient l’espace. Et en
Chaque particulier sur la récente place compliqués, ou encore prendre réutiliser, tant mieux. Les cano­ parallèle, en consultation avec les
samedi en compte les caractéristiques pées urbaines, j’ai reçu moi­même habitants, on réfléchit à une im­
archéologiques des sous­sols de l’entreprise et passé la première plantation pérenne, définitive et
8H05-9H00 certains espaces, comme la place commande. » plus globale ».
Aurélie La municipalité de la mairie. L’ancien adjoint à la culture a Pour le nouvel élu, tout semble
Luneau va étendre « On est conseillés, aidés par les conclu : « Je me rappelle de ce jour possible, et il juge que « les atten­
pompiers, les fouilles archéologi­ où vous nous avez dit : “Je ne suis tes sont immenses ». Celui qui a
l’ouverture des ques et les architectes des Bâti­ pas là pour vous inspirer, mais passé les vingt dernières années
parcs et jardins ments de France. Il y a pas mal pour vous remplacer.” Vous nous de sa vie « à marcher dans la rue,
d’impératifs à prendre en compte, avez remplacés, mais je note que signer des pétitions, militer, sans
En partenariat
L’esprit jusqu’à 22 h 30, reconnaît M. Jeanjean. La pre­ nous vous inspirons, tant mieux. » que jamais ce soit suivi de faits »
avec
d’ouver- et installer mière action que j’ai menée, c’est Fabien Robert ajoute que la nou­ veut répondre aux attentes de la
un petit bilan de ce qui avait été velle majorité est « en train de « majorité des Bordelais qui ont
ture. des « canopées entrepris, des projets en cours. La réaliser que les mesures qu’on manifesté cette envie­là ». 
urbaines » réponse a été : rien. » avait pu prendre, après les avoir claire mayer
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SAMEDI 1ER AOÛT 2020 france | 9

Macron décide d’un vaste mouvement de préfets


Des proches du chef de l’Etat sont promus. Les jeunes, les femmes et les nouveaux profils ont été privilégiés

L
e président de la Républi­
que, Emmanuel Macron,
La prestigieuse
a profité du dernier préfecture
conseil des ministres
avant la pause estivale, mercredi
d’Ile-de-France
29 juillet, pour nommer 18 nou­ revient à Marc
veaux préfets, procéder à 15 muta­
tions et changer un certain nom­
Guillaume, évincé
bre de directeurs d’administra­ du secrétariat
tion centrale. Préparé de longue
date mais retardé par la crise sani­
général du
taire, ce mouvement est le plus gouvernement
important depuis des années,
alors que 13 nouveaux préfets ont
déjà été nommés en janvier. l’Elysée, devient préfet des Hauts­
S’il n’est pas inédit, un change­ de­Seine et le chef de cabinet
ment d’une telle ampleur est rare. adjoint du palais, Rodrigue Furcy,
Plus de cinquante nominations est nommé dans les Hautes­Pyré­
de préfets étaient intervenues à nées. Le conseiller en commu­
l’été 1981, au lendemain de l’élec­ nication du président, Joseph
tion de François Mitterrand. Un Zimet, devait quant à lui hériter
vaste mouvement préfectoral de la préfecture de la Haute­
avait également suivi l’arrivée de Marne, mais son nom a été retiré
Pierre Joxe à l’intérieur, en 1984. de la liste juste avant le conseil des
En 1993, une cinquantaine de ministres ; il pourrait être
préfets avaient également bougé, nommé fin août pour une prise
après la nomination d’Edouard de poste plus tardive.
Balladur à Matignon. « Mais, Emmanuel Macron récompense
en 1981 comme en 1993, il s’agissait aussi son précieux directeur de
de débarquer des préfets marqués campagne en 2017, Jean­Marie
politiquement, ce n’est pas le cas Girier, qui, à 36 ans, devient préfet
ici, rappelle Gildas Tanguy, maître du Territoire de Belfort, après
de conférences à Sciences Po Tou­ avoir dirigé le cabinet de Richard
louse. Ce mouvement, en cours de Ferrand à l’Assemblée nationale.
mandat, n’est pas une épuration, Fin politique, ce Lyonnais, ancien
au contraire. Il s’agit vraisembla­ collaborateur de Gérard Collomb,
blement d’imposer une rupture et devient l’un des plus jeunes pré­ Le nouveau préfet du Territoire de Belfort, Jean­Marie Girier, à Paris, le 1er octobre 2019. VINCENT ISORE/IP3 PRESS/MAXPPP
une nouvelle ligne politique, plus fets de France, derrière Pierre Su­
territorialisée, décentralisée. » dreau, nommé préfet à 32 ans seu­
Soucieux d’affirmer son auto­ lement, en 1951. Plusieurs anciens nale. Il était programmé pour la plus importante que la nomina­ Salima Saa, qui avait des respon­ la promotion ou le retour de plu­
rité et d’insuffler un nouvel élan conseillers de Matignon sont éga­ prestigieuse préfecture d’Ile­de­ tion de tous les autres préfets réu­ sabilités au sein de l’UMP, est par sieurs ex­collaborateurs de l’ex­
pour les six cents jours qui lui lement promus. Eric Jalon, ex­chef France, mais ce poste revient fina­ nis. Jean Castex veut signifier qu’il y exemple nommée en Corrèze. premier ministre Bernard
restent, le chef de l’Etat, qui vient du pôle intérieur à Matignon, est lement à Marc Guillaume, évincé a un nouveau maître à Matignon. » Autre bénéficiaire du mouve­ Cazeneuve à Beauvau, dont son
de remanier son gouvernement, nommé préfet de l’Essonne, sans ménagement du secrétariat ment, Frédérique Calandra, l’an­ ancienne conseillère spéciale,
poursuit son grand ménage. « Le Xavier Brunetière, ex­conseiller général du gouvernement (SGG). « Il y en a pour tout le monde » cienne maire du 20e arrondisse­ Marie­Emmanuelle Assidon,
président a fait le choix de gens outre­mer, préfet du Gers, ou « Ils ont voulu rattraper les choses Plusieurs critères ont guidé ces ment de Paris, nommée déléguée nommée secrétaire générale de la
frais, compétents et motivés, sur encore Anne Clerc, ex­chef de avec Guillaume pour ne pas don­ nominations, explique l’Elysée. interministérielle à l’aide aux vic­ zone de défense et de sécurité à Pa­
qui s’appuyer, dit­on dans son en­ cabinet d’Edouard Philippe, pré­ ner l’impression d’un licenciement Le rajeunissement : trois nou­ times. Cette socialiste de 57 ans ris. « Il y a des ex de chez Cazeneuve,
tourage. Il veut montrer que la fète déléguée pour l’égalité des sec », explique un fin connaisseur veaux préfets ont moins de avait été la seule maire de l’équipe mais aussi de chez Valls, il y a égale­
transformation se poursuit avec chances dans les Hauts­de­Seine. de l’administration. 40 ans. La féminisation : 8 primo­ Hidalgo à rejoindre le camp ma­ ment des promus à droite, observe
force et non pas au fil de l’eau, ce Côté Beauvau, l’ex­directeur Il est en effet très rare qu’un SGG nommés sur 18 sont des femmes ; croniste et à se présenter en mars un fin connaisseur de l’adminis­
qui est souvent le cas à ces de cabinet adjoint de Christophe soit remercié après un change­ la France compte désormais sous les couleurs de La République tration. Il ne faut pas voir de sens
moments du quinquennat. » Castaner, Etienne Stoskopf, de­ ment de gouvernement, souligne 38 préfètes, contre 24 en 2017, et en marche. Une évolution sanc­ politique à ce mouvement, il y en a
Ces nominations ont été l’occa­ vient préfet des Pyrénées­Orien­ Jean­Michel Eymeri­Douzans, pour la première fois, une femme, tionnée par les électeurs : elle n’a pour tout le monde. » Emmanuel
sion pour Macron de remercier et tales, l’ancien directeur de cabi­ professeur à Sciences Po Tou­ Pascale Regnault­Dubois, prend obtenu que 9 % des voix au second Macron pourrait réunir ces nou­
promouvoir plusieurs proches et net, Stéphane Bouillon, est louse. « Cela ne s’est produit qu’une la tête des CRS. La diversification tour, et n’a été réélue ni maire d’ar­ veaux préfets à la rentrée. 
conseillers. Laurent Hottiaux, qui nommé secrétaire général de la fois, en 1986, lors de la première co­ des profils, enfin : la cadre diri­ rondissement ni même con­ denis cosnard, benoît floc’h
suivait les affaires intérieures à défense et de la sécurité natio­ habitation, dit­il. Cette décision est geante d’une entreprise privée, seillère. Ce mouvement voit aussi et solenn de royer

Les soignants intérimaires ne bénéficieront Soral mis en examen


pas de la prime Covid promise par l’Etat pour des propos haineux
Le polémiste d’extrême droite est de nouveau
Les partenaires sociaux, unanimes, dénoncent une « discrimination incompréhensible » poursuivi pour des vidéos publiées sur son site

L es soignants employés en
intérim viennent de subir
une profonde injustice : ils
ont été bannis du dispositif de
prime exceptionnelle créé pour
dès le mois de juin. Une note
diffusée par l’agence régionale de
santé du Grand­Est indiquait que
cette catégorie de main­d’œuvre
« n’était pas concernée par le
« C’est comme
si on disait
aux intérimaires
des motivations budgétaires ou à
des considérations techniques ?
Difficile d’être affirmatif à 100 %,
dit­il en substance : ce qui est sûr,
en tout cas, c’est que l’arbitrage a
D éjà condamné à plu­
sieurs reprises, le polé­
miste d’extrême droite
Alain Soral a été mis en examen,
jeudi 30 juillet, après quarante­
truction n’a pas saisi le juge des li­
bertés et de la détention, seul ha­
bilité à statuer sur son incarcéra­
tion, et Alain Soral est sorti libre,
jeudi soir, avant sa comparution à
les personnels ayant accompagné dispositif », rapporte Isabelle qu’ils sont des été rendu « sans les partenaires so­ huit heures de garde à vue, à la venir devant le tribunal.
les malades du Covid­19. C’est, en Eynaud­Chevalier, déléguée géné­ ciaux » et sans qu’un effort de suite de propos tenus sur le site
substance, ce que dénoncent le pa­ rale de Prism’emploi – une orga­
sous-salariés » « pédagogie » ait été accompli. Egalité et réconciliation, qu’il a Chaînes YouTube supprimées
tronat et les syndicats de la bran­ nisation qui regroupe plusieurs LAETITIA GOMEZ D’après Prism’emploi, les intéri­ fondé en juin 2007. Alain Soral a déjà été condamné à
che du travail temporaire, dans centaines d’entreprises de travail secrétaire générale maires, potentiellement éligibles Il est poursuivi pour « provoca­ Bobigny, en 2019, à vingt­quatre
une « lettre paritaire » envoyée, temporaire. Des explications ont de la CGT-Intérim à la prime, représentent un effec­ tion publique, non suivie d’effet, mois de prison, dont dix­huit
mercredi 29 juillet, au ministère été demandées au ministère de la tif d’un peu moins de 13 000 équi­ à la commission d’atteinte aux fermes, pour « injure raciale,
des solidarités et de la santé. A tra­ santé. Sans succès, selon Mme Ey­ valents temps plein. « Mais le intérêts fondamentaux de la provocation et incitation à la
vers cette démarche – rarissime naud­Chevalier. Les personnels laissés pour nombre de ceux qui pourraient en nation », une incrimination rare­ haine raciale », puis, quelques
du fait de son caractère unanime – compte « sont dans l’incompré­ bénéficier serait inférieur puisque ment utilisée, mais aussi pour mois plus tard à Paris, à un an
, les partenaires sociaux souhai­ « C’est inadmissible » hension », déclare Laetitia Gomez, le versement de la somme est sou­ « injure publique et provocation de prison ferme, assorti d’un
tent obtenir la suppression d’une Finalement, le troisième projet de secrétaire générale de la CGT­Inté­ mis à certaines conditions, souli­ publique à la haine ou à la mandat d’arrêt, pour contesta­
« discrimination incompréhensi­ loi de finances rectificatives pour rim. « C’est comme si on leur disait gne Mme Eynaud­Chevalier. Nous violence, à l’égard d’une per­ tion de l’existence de la Shoah. Le
ble », synonyme de « mépris » pour 2020, définitivement adopté par qu’ils sont des sous­salariés, pour­ ne sommes pas face à une popula­ sonne ou d’un groupe de person­ parquet n’avait pas mis à exécu­
celles et ceux qui en sont victimes. le Parlement le 23 juillet, « a tra­ suit­elle. Alors même qu’ils ont été tion gigantesque, et le coût pour nes à raison de l’origine ou de tion le mandat, faute, avait­il
La controverse porte sur une duit en termes juridiques cette sur le pont comme les autres, et les finances publiques n’aurait rien l’appartenance ou de la non­ap­ expliqué, de base légale, ce qui
gratification financière, dont le exclusion », affirme la déléguée dans des conditions difficiles d’exorbitant. » partenance à une ethnie, une éclaire sans doute aujourd’hui sa
principe avait été annoncé, le générale de Prism’emploi. « Une parfois, les équipements de protec­ L’instauration de « primes nation, une race ou une religion position. Alain Soral avait fait
25 mars, par Emmanuel Macron. telle mesure entre en contradic­ tion pouvant faire défaut. C’est Covid » pour les soignants avait déterminée », tous délits prévus appel du jugement.
Dans l’esprit du chef de l’Etat, il tion avec un principe fondamen­ inadmissible. » Présidente de la déjà suscité des remous, certains par la loi sur la presse de 1881. Son Il a finalement été condamné en
s’agissait de faire un geste à tal, celui de l’égalité de traitement, CFTC­Intérim, Agnès Marchat dé­ syndicats déplorant que les multi­ domicile aurait été perquisiti­ juin et en appel à 5 000 euros
l’égard de « nos soignants qui se inscrit dans le code du travail, nonce une disposition « discrimi­ ples critères d’attribution débou­ onné, selon son site Internet qui a d’amende, avec un possible
battent aujourd’hui pour sauver ajoute­t­elle. C’est assez terrible, natoire » : « C’est pour cette raison chent sur des « ruptures d’égalité » suivi heure par heure les mésa­ emprisonnement en cas de
des vies ». Les mécanismes mis en sur le plan symbolique, car les que nous nous sommes insurgés. entre salariés. « Il serait temps que ventures de son patron. non­paiement. Ses deux chaînes
place, en plusieurs étapes, soignants, quel que soit leur statut, Nous espérons que l’Etat va revenir des règles claires soient définies Le parquet, après avoir ouvert, YouTube ont été supprimées le
prévoient le versement d’une ont tous été actifs. Et le virus, lui, dessus. » Olivier Guivarch, le res­ pour que l’on ait un tout petit peu jeudi, une information judiciaire, 6 juillet par la plate­forme améri­
somme pouvant aller jusqu’à n’a fait aucune distinction. » Les ponsable de la fédération CFDT d’équité », plaide Didier Birig, se­ avait requis son incarcération, caine, mais il multiplie toujours
1 500 euros, dans les établisse­ risques de contamination furent des services, partage cette indi­ crétaire général de FO­Santé. Sol­ une mesure particulièrement sur son propre site les provoca­
ments publics et privés. en effet les mêmes pour l’ensem­ gnation et confie aussi sa licité par Le Monde, le ministère rare pour des délits de presse, tions, souvent antisémites, dans
Le sort réservé aux intérimaires ble des personnels, titulaires ou perplexité face à l’absence de jus­ de la santé n’a pas donné suite.  même si Alain Soral est un récidi­ d’interminables vidéos. 
a commencé à retenir l’attention non de leur poste. tifications. La décision obéit­elle à bertrand bissuel viste d’habitude. Le juge d’ins­ franck johannès
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0123
10 | france SAMEDI 1ER AOÛT 2020

GRAND  ÂGE

A Fondettes, du répit pour les aidants


Unique en France, le village vacances accueille des personnes âgées dépendantes et leur conjoint « aidant »

De gauche
à droite et de
haut en bas :
au village
Vacances
répit familles
de Fondettes
(Indre­et­
Loire),
le 20 juillet.
Un cours
d’aquagym
pour des
aidants ;
Jean
Chevalier
s’occupe
de sa femme,
Jeanne,
victime
d’un AVC ;
une activité
de soins de
beauté ; un
jeu de balle
proposé
aux binômes
aidant­aidé :
Anne­Marie
Brigout
(à gauche)
est venue
avec son
mari, René
(au centre),
atteint de
la maladie de
Parkinson.
CONSTANCE
DECORDE/HANS LUCAS
POUR « LE MONDE »

REPORTAGE die de Parkinson, d’Alzheimer ou


des séquelles d’un AVC. Jour et
Le village se targue d’un taux
d’occupation moyen de 70 %. A ce « CE MOMENT DE RÉPIT 
même quelques heures, l’aidé. Le­
quel ne lui épargne pas toujours
leurs soixante années de mariage
savent que « les voyages, c’est
fondettes (indre­et­loire) ­
envoyée spéciale
nuit, une équipe médicale peut jour, il est le seul de son genre en EST ARRIVÉ JUSTE  ses reproches. « Ici, notre rôle est fini ». Ici, Jean, économe de ses
prendre le relais de leur proche. France. « Le plan de soutien aux de “narcissiser” les aidants, pour­ mots, se dit « content de l’am­

H
ormis deux transats Le jardin sécurisé prévient les aidants dévoilé en octobre 2019 AVANT QUE JE DEVIENNE  suit­elle, de les recentrer sur eux biance. Que demander de plus ?
dépliés dans son sa­ escapades des patients coutu­ doit se traduire par la création de pour que chacun retrouve sa place Quand on s’occupe de nous,
lon, un jour d’été, miers des fugues. 10 000 places d’hébergement AGRESSIVE. J’AIME  dans le couple. On leur propose comme ça, c’est agréable ».
« pour faire vacan­ Ce matin­là, Anne­Marie Bri­ temporaire, dont une partie une palette d’activités dans la­ Malgré les fauteuils roulants, les
ces », Anne­Marie Brigout peine à gout a confié René aux soignants pourrait correspondre à ce que
BIEN MA LIBERTÉ ET  quelle piocher. » lits releveurs, les repas donnés à
exhumer le souvenir récent d’une le temps de se laisser glisser dans l’on fait », se réjouit Jacques J’AI L’IMPRESSION DE LA  A l’atelier manucure de l’après­ la cuillère à certains résidents,
trêve estivale, d’une parenthèse la moiteur de la piscine couverte, Cécillon, directeur de l’associa­ midi, Marie Dequidt s’est installée le centre tente de camoufler les
de légèreté. Son mari, René, ingé­ puis du Jacuzzi. « Quelle détente tion Vacances répit familles, qui PERDRE AVEC SA MALADIE » à deux tables de Jules. Atteint de apparences d’un établissement
nieur à la retraite, est atteint de­ fabuleuse, soupire­t­elle. Je n’avais recense 25 projets en cours de MARIE DEQUIDT
troubles obsessionnels compul­ médico­social. « Il n’y a pas de
puis dix­sept ans de la maladie de pas nagé depuis une éternité. » A développement, portés par diffé­ pensionnaire du village sifs et cognitifs, son compagnon blouses blanches qui se baladent,
Parkinson. « Ça s’accélère depuis 11 heures, le couple se retrouve, rents acteurs. Depuis 2016, la loi Vacances répit familles s’accroche d’ordinaire à elle insiste Patrick Brunerie. C’est im­
cinq ans, raconte la septuagé­ avec d’autres, pour une partie de relative à l’adaptation de la comme à une bouée. « Il se sent portant d’être un lieu de congés,
naire. Il a du mal à marcher et à balle sous les peupliers. René société au vieillissement recon­ perdu quand il ne me voit pas. Il avec une équipe de soins noyée
s’exprimer. » L’ex­infirmière veille semble d’abord prostré, mais lève naît le « droit au répit ». En 2019, le faudrait presque qu’il me suive dans l’espace festif des vacances. »
sur lui à chaque instant. « Je suis soudain le bras et tire avec la force ministère des solidarités estimait « Il lui faut un lit médicalisé, un jusque dans le garage », résume Lui­même se présente comme
aidée le matin pour la toilette, du handballeur qu’il était à 18 ans. à 3,9 millions les personnes fauteuil, et maintenant de l’oxy­ Marie. Il lui arrive, à elle, de « cra­ « un peu GO [gentil organisa­
mais les aides­soignantes le bous­ Son épouse rit de le voir retrouver soutenant un proche de plus de gène. Le Kangoo est déjà bien quer ». « Ce moment de répit est ar­ teur] » et ne renâcle pas à « pousser
culent… Et elles le couchent à « les gestes de son adolescence ». 60 ans en France métropolitaine. plein, il nous faudrait une four­ rivé juste avant que je devienne la chansonnette » certains soirs.
17 heures, le pauvre. » Oubliés les « Ici, assure­t­elle, je renais. » Parmi les conjoints, 64 % obser­ gonnette. » Christiane éprouve le agressive, estime­t­elle. J’aime bien Cette année, la crise sanitaire a
sorties au théâtre, à la bibliothè­ vaient des effets néfastes sur leur besoin « de retrouver du temps ma liberté et j’ai l’impression de la sévi ici comme ailleurs. Mi­mars,
que et autres loisirs. Anne­Marie a « André le ressuscité » propre santé. libre, de laisser aller les tensions ». perdre un peu avec sa maladie. Ça les clients ont été priés de partir.
bien essayé d’installer René dans Ouvert en 2015, le « village » réu­ A Fondettes, les aidants sont en « Pour mon mari aussi, ce n’est me fait du bien qu’on se décolle. » Le centre n’a rouvert que le
un Ehpad, mais elle a vite re­ nit 41 chambres d’hôtel et 26 pla­ majorité des femmes, devenues pas facile de se sentir diminué, 10 juillet, avec une jauge réduite
noncé. « Il était tout chamboulé. Le ces semblables à celles d’un hé­ au fil des années les « infirmières note­t­elle. Surtout pour un « Pas de blouses blanches » et des places vides à la table des
personnel me disait : “Il vous cher­ bergement temporaire en mai­ de leur mari », constate Christiane homme. Il y a un peu d’orgueil. » Souvent, c’est un proche qui a repas. Les soirées musicales sont
che toute la journée, il vous ap­ son de retraite. L’agence régionale Lapeyre, 76 ans. Son époux, An­ Charline Rouvre, l’infirmière du insisté pour que les pensionnai­ maintenues à condition que les
pelle : Chérie, chérie…” Mes amis de santé finance ce qui a trait au dré, « grand fumeur devant l’Eter­ centre, met un point d’honneur à res brisent leur huis clos, s’ex­ vacanciers ne dépensent pas trop
me disaient qu’il se laisserait mou­ soin, du matériel au salaire des nel », a subi tant de calamités ne pas parler d’aidants ni de pa­ traient d’une spirale de fatigue et d’énergie sur la piste de danse.
rir. Je ne veux plus m’en séparer. » soignants. Le volet hôtelier est en qu’elle renonce à les lister. Après tients, mais de vacanciers. « Beau­ de crispation. « Notre fille m’a dit : « On a demandé à l’orchestre des
Mi­juillet, le couple a quitté les partie couvert par les caisses de un cancer, deux opérations à coup subissent leur quotidien, dé­ “Il faut changer d’air, penser à airs qui ne risquaient pas de trop
Yvelines pour poser ses valises à retraite de l’Agirc­Arrco. La pre­ cœur ouvert et un foie défaillant, crit­elle. Il consiste à organiser les autre chose” », confirme Jean Che­ leur mettre le diable au corps »,
Fondettes, commune des bords mière année, pour deux semai­ le Covid­19 l’a laissé sous oxy­ repas et le passage des auxiliaires valier, en se laissant pétrir la plaisante Charline Rouvre, l’infir­
de Loire. Là se trouve le village nes de congé, un foyer non impo­ gène. Ça n’empêche pas « André le de vie qui, tout en étant utiles, main à l’huile d’argan par l’ani­ mière. Un soir de juillet, les pen­
Vacances répit familles, centre as­ sable s’acquitte de 15 % du coût, ressuscité », casquette de football constituent des intrusions dans matrice de l’atelier. Cet ancien sionnaires ont quand même
sociatif, mi­hôtel mi­Ehpad, qui « soit autour de 200 euros » par américain sur le crâne, de faire leur intimité. Ce sont des choses employé d’une société de carre­ insisté pour danser quelques mi­
accueille les personnes dépen­ personne, calcule Patrick Brune­ plier de rire ses coéquipiers à la qu’ils acceptent par amour, mais lage prend soin de sa femme, nutes sur la terrasse. Alors le di­
dantes de plus de 60 ans et leur rie, le directeur du centre. Le reste partie de balle. « Il a toujours sa qui finissent par les placer dans Jeanne, invalide depuis un AVC. Il recteur a dit oui, mais à un mètre
« aidant » – conjoint le plus sou­ à charge s’élève à 30 % pour ceux joie de vivre », s’amuse Christiane une relation soignant­soigné par­ l’aide à se lever et à se doucher. de distance. Cela tombe bien,
vent – pour souffler. La majorité soumis à l’impôt et double la Lapeyre. Mais le couple a renoncé fois un peu perverse. » L’aidant en Eux qui ont « fait le Vietnam, le c’était un madison. 
des « aidés » souffrent de la mala­ deuxième année. aux étés sur la côte vendéenne. vient à culpabiliser de laisser, Mexique, le Canada » au cours de alexia eychenne
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SAMEDI 1ER AOÛT 2020 france | 11

La ségrégation
résidentielle recule,
sauf en Ile­de­France
Selon une étude, les différentes catégories
sociales de population étaient mieux
Brigitte réparties dans les villes en 2015 qu’en 1990
Bourguignon,
ministre
déléguée

U
chargée de ne telle étude sur le long
l’autonomie, terme et concernant la
Paris échappe
à Lumbres France entière est iné­ complètement
(Pas­de­Calais), dite. « La mixité sociale, la ghettoï­
le 18 juillet. sation, la gentrification sont des
à la stabilité
MARC DEMEURE/MAXPPP thèmes très présents dans les dé­ ou au recul de
bats publics et nous avons voulu
cerner la réalité de la ségrégation
la ségrégation
résidentielle », explique Clément observée ailleurs
Dherbécourt, économiste, qui,
aux côtés de Hugo Botton, Pierre­
sur le territoire
Yves Cusset et Alban George, si­
gne cette étude publiée en juillet
par France Stratégie, organisme des ouvriers et employés, déjà
gouvernemental de réflexion. faible en 1990, à 16 %, qui est des­
Les chercheurs ont passé au cri­ cendue à 12,4 % en 2015, la désin­
ble les 55 unités urbaines de plus dustrialisation de la ville ayant
de 100 000 habitants, d’Amiens à contribué à la disparition de

Brigitte Bourguignon, ministre Perpignan, de Brest (Finistère) à


Montbéliard (Doubs), et épluché
leurs recensements entre 1990 et
2015. La conclusion est surpre­
quartiers ouvriers entiers.
Paris échappe complètement à
la stabilité ou au recul de la ségré­
gation observée ailleurs. « La po­

en tandem pour plus d’autonomie


nante : hormis dans l’aggloméra­ pulation de cette énorme agglo­
tion parisienne, la ségrégation mération parisienne et ses 10 mil­
résidentielle n’a pas augmenté. lions d’habitants est très spécifi­
Elle a même baissé pour les cadres que, détaille M. Dherbécourt. La
et pour les immigrés d’origine présence des cadres et chefs d’en­
La ministre déléguée auprès d’Olivier Véran a la charge de porter la extra­européenne, désormais
mieux répartis entre quartiers
treprise n’a fait que se renforcer
depuis 1990 et est devenue mas­
réforme du grand âge. Elle lancera bientôt le « Laroque de l’autonomie » qu’en 1990. En un quart de siècle,
la population française a eu beau
sive, dans des proportions que l’on
ne retrouve nulle part ailleurs.
évoluer, la part des cadres et chefs Leur indice de ségrégation est
d’entreprise parmi les actifs de 25 passé de 32 % en 1990 à 36 %
PORTRAIT tes (Ehpad). M. Véran a promis
« 1 milliard d’euros de plus » dans le « ELLE CONNAÎT BIEN LE 
Claude Bartolone s’en porte ga­
rant : « Brigitte est une vraie mili­
à 54 ans progresser de 15 % à 22 %,
celle des employés et ouvriers
en 2015, attestant de leur surrepré­
sentation. » Corrélativement, la

L
e cap Gris­Nez battu par prochain projet de loi de finances SECTEUR DU DOMICILE.  tante du social, un concentré passer de 45 % à 39 %, cela n’a eu part des ouvriers et employés
les flots. Brigitte Bourgui­ de la Sécurité sociale (PLFSS), con­ d’énergie. Sur la question de l’auto­ que peu d’impact sur la réparti­ présents dans Paris intra­muros
gnon a accroché cette sacré à la nouvelle branche auto­ UNE MINISTRE QUI SAIT  nomie, qui lui tient à cœur, elle tion des uns et des autres. était, en 1990, inférieure de 26 %
seule photo de la falaise nomie. Une part permettra d’aug­ existera ! », confie au Monde à la moyenne de l’agglomération,
de la côte d’Opale dans son nou­ menter le personnel des Ehpad, DE QUOI ELLE PARLE,  l’ancien président de l’Assemblée Disparition de quartiers ouvriers mais de 42 % en 2015.
veau bureau au ministère de la s’est­il engagé. « Les taux d’enca­ nationale, qui a suivi et encouragé Pour cette étude, un indice de La même dichotomie Paris­pro­
santé, situé au même étage que ce­ drement doivent être revus très
C’EST RASSURANT » son parcours au PS depuis les an­ ségrégation a été calculé à vince s’observe à propos de la
lui d’Olivier Véran. Députée LRM largement à la hausse », martèle MARIE-REINE TILLON nées 1990. M. Bartolone avait re­ l’échelle des quartiers définis par présence des immigrés extra­
de la 6e circonscription du Pas­de­ Mme Bourguignon. présidente de l’Union nationale péré le caractère de la jeune mili­ l’Insee et comptant environ européens et de leurs enfants :
Calais, la ministre déléguée char­ Mais la « priorité des priorités ab­ de l’aide aux domiciles tante – qui tenait tête aux caci­ 2 500 habitants. Cet indice va de en 1990, ils représentaient 16 %
gée de l’autonomie a pris ses mar­ solues » sera pour elle la revalori­ ques de la fédération du Pas­de­ zéro, lorsque la catégorie sociale de la population dans les agglo­
ques discrètement, début juillet, sation des métiers du domicile. Calais. Pour être investie par le PS considérée est également répar­ mérations de plus de 100 000 ha­
dans le gouvernement de Jean « Il faut arrêter de penser à ces mé­ nancement de la cinquième bran­ aux législatives en 2012, se sou­ tie dans tous les quartiers, à 100 bitants, mais 26 % en 2015. La
Castex. Avec la ferme intention de tiers après tous les autres ! 60 % che de la « Sécu », sur lequel un rap­ vient­elle, « j’ai dû donner un gros lorsqu’elle est concentrée dans un hausse de la population immi­
porter « la grande réforme sociale des personnes âgées dépendantes port confié à l’ancien directeur de coup de pied dans la porte ». « Faire seul. Sur la France entière, dans la grée s’est relativement bien
du quinquennat », celle qui pren­ vivent chez elles. » En conseil des la CNSA, Laurent Vachey, doit don­ preuve de caractère, c’est l’histoire période 1990­2015, l’indice de sé­ répartie sur le territoire, son in­
dra en charge la perte d’autono­ ministres, son « premier », dit­elle, ner des pistes mi­septembre. de ma vie », résume­t­elle. grégation des cadres et chefs d’en­ dice de ségrégation ayant, en
mie liée au grand âge, promise par elle a pris la parole pour déplorer Une fois le rapport rendu, Députée d’une circonscription treprise est resté stable, autour de vingt­cinq ans, baissé de 36 % à
Emmanuel Macron en juin 2018 et le manque de « reconnaissance » Mme Bourguignon lancera dans la rurale, devenue le terreau du RN, 31 %. Autrement dit, il faudrait 33 %, sauf dans quelques villes
sans cesse repoussée. du rôle de cette profession pen­ foulée une ultime concertation elle a rallié Emmanuel Macron en­ que 31 % d’entre eux déménagent comme Avignon (où il est passé
Un projet « immense », selon dant la crise sanitaire et l’urgence avec les professionnels. Afin d’en tre les deux tours de la présiden­ pour que leur proportion soit la de 37 % à 44 %), Marseille (de
M. Véran. Au point que le ministre d’y remédier. Edouard Philippe souligner l’ambition, elle a bap­ tielle. Ce qui lui a permis de même dans tous les quartiers. 18,6 % à 24 %), Nice (de 28,6 % à
des solidarités et de la santé avait promis, mi­avril une « prime tisé l’exercice « le Laroque de conserver son siège en 2017. Mais Pour les ouvriers et employés, cet 34,2 %) et Paris, où il est resté
n’aurait pas refusé de garder main Covid » pour les aides à domicile, l’autonomie », en référence à elle a été la première à regretter indice augmente à peine, de 20 % élevé mais quasi stable, à 32 %.
sur un sujet qui lui tient à cœur. mais aussitôt chargé les départe­ Pierre Laroque, « père » de la Sécu­ que le gouvernement d’Edouard à 21 %, et témoigne qu’ils sont
« On va le porter tous les deux… », ments de la financer. A ce jour, rité sociale et auteur d’un rapport Philippe oublie « la jambe mieux répartis que les cadres Parc HLM mieux réparti
glisse­t­elle avec malice. Ministre plus des deux tiers d’entre eux ont fondateur, en 1962, sur la politique sociale » du projet du candidat dans les territoires urbains. L’étude s’intéresse également à la
déléguée placée sous sa tutelle, fait la sourde oreille. de la vieillesse. Ce sera dans son d’En marche ! Depuis, elle incarne Dans certaines villes, les présence de logements sociaux,
elle sait qu’elle va devoir jouer des esprit le pendant du Ségur de la l’aile gauche de la majorité. auteurs de l’étude observent que plus concentrés dans les années
coudes. Elle opte d’emblée pour la « Trois nœuds » santé. Il réunira les professionnels A droite aussi, elle passe pour la ségrégation a chuté. A La Ro­ 1990 qu’aujourd’hui. L’indice de
stratégie de la complémentarité. Le 21 juillet, dix­neuf fédérations et les partenaires sociaux, se décli­ une combative. « Je l’ai souvent chelle, par exemple, l’indice de ségrégation des ménages HLM a
« On ne m’a pas faite venir pour du secteur ont écrit à Jean Castex nera « dans tous les territoires » trouvée aussi pugnace à gauche ségrégation des cadres et chefs ainsi, dans la période considérée,
m’asseoir sur une branche ! », sou­ et Dominique Bussereau, prési­ pendant plusieurs semaines. Ils que je le suis à droite ! », s’esclaffe d’entreprise est passé de 32 % baissé de 11 points, passant de
rit celle qui vient de quitter la dent de l’Assemblée des départe­ visent à dégager des conclusions Eric Ciotti, député (Les Républi­ en 1990 à 21 % en 2015, car ils ont 61 % à 50 %. C’est une évolution
commission des affaires sociales ments de France, pour que soit « opérationnelles », afin que des cains) des Alpes­Maritimes et rap­ diversifié leurs quartiers de pré­ remarquable pour un parc d’im­
de l’Assemblée nationale, qu’elle corrigée cette iniquité. Mme Bour­ mesures puissent être prises dès porteur de la commission d’en­ dilection en achetant notam­ meubles par nature figé, qui sup­
présidait depuis juin 2017. guignon, elle, estime avoir la solu­ l’automne, dans le PLFSS. quête sur la gestion de la crise ment des pavillons en zone pé­ pose que les bailleurs sociaux ont
La création d’une cinquième tion et mise sur un feu vert du D’autres décisions feront l’objet Covid. Celle que Mme Bourgui­ riurbaine, à l’est de l’aggloméra­ fait des efforts pour mieux le
branche de la Sécurité sociale con­ premier ministre : une cagnotte d’une loi déposée « avant la fin de gnon a présidée jusqu’en juillet. tion. « Il y a en France douze quar­ répartir, en démolissant là où il
sacrée à l’autonomie, une initia­ 70 millions d’euros qui dort à la l’année », indique le ministère de M. Ciotti loue la manière « objec­ tiers où les 5 % les plus aisés de était pléthorique et en construi­
tive de M. Véran, votée le 23 juillet, Caisse nationale de solidarité la santé, notamment « pour le sec­ tive dont elle a dirigé les travaux ». chaque agglomération consti­ sant là où il était rare.
est « historique », dit­elle. Mais la pour l’autonomie (CNSA). Il suffi­ teur du domicile ». L’examen au Des auditions des ministres de tuent plus de 40 % de la popula­ « Cette évolution, largement
politique de l’autonomie n’est pas rait de la verser aux départements Parlement n’interviendra pas la santé menées lors de la com­ tion, un à Villeneuve­d’Ascq dans entamée dans la décennie 1990­
qu’une question financière. C’est pour qu’ils octroient une prime, avant le printemps voire l’été 2021. mission d’enquête, Mme Bourgui­ l’agglomération de Lille, un autre 1999, ne semble cependant pas
d’abord « un sujet social », registre moyennant un apport supplé­ « On a six mois pour préparer une gnon a tiré une leçon. Celle de « ne à Mont­Saint­Aignan dans celle imputable à la loi relative à la soli­
sur lequel elle se sait plus à l’aise. mentaire de leur part. copie », résume l’entourage de la pas trop faire confiance à son de Rouen, huit à Paris intra­muros darité et au renouvellement ur­
Etre ministre de l’autonomie, c’est Mais le secteur du grand âge est ministre déléguée. Pour mener de administration », erreur com­ et deux à Neuilly [Hauts­de­ bains [loi SRU] du 13 décem­
par exemple faire en sorte que en attente de bien d’autres mar­ front ces chantiers, Mme Bourgui­ mise, juge­t­elle, par Agnès Buzyn. Seine] », précise M. Dherbécourt. bre 2000, mais l’adoption de cette
« des résidents en maison de re­ ques de considération. Mme Bour­ gnon estime avoir deux atouts : Elle a aussi découvert les effets A Mulhouse, c’est la ségrégation loi est le signe d’une dynamique
traite ne soient plus obligés d’at­ guignon a identifié « trois nœuds » son tempérament « militant » et à d’un « manque de portage politi­ déjà à l’œuvre », analyse M. Dher­
tendre une heure avant d’être mis qui restent à solutionner. Primo, sa « connaissance du sujet ». « Je que ». Le plan pour les « aidants » bécourt. La meilleure répartition
sur les toilettes. C’est se battre pour l’augmentation des salaires des n’ai pas appris le social dans les annoncé en grande pompe par le des HLM a­t­elle favorisé la
que la société permette à chacun aides à domicile implique de con­ bouquins », rappelle cette an­ gouvernement en octobre 2019 L’étude mixité sociale ? Pas sûr, car « elle
de s’appartenir jusqu’au bout de sa vaincre les départements de met­ cienne secrétaire médicale qui est resté lettre morte. Sa mesure­ s’est accompagnée du mouve­
vie ». D’un mot, « c’est avoir le souci tre la main à la poche. Deuxième s’est formée sur le tas. En 1983, son phare : le congé indemnisé de
s’intéresse ment contraire dans l’accueil des
de la dignité de chacun ». sujet sensible : la simplification de « premier boulot », au centre d’ac­ trois mois pour les salariés également locataires, avec plus d’ouvriers et
La kyrielle de rapports au gou­ la gestion des Ehpad suppose de tion sociale de Boulogne­sur­Mer, aidants n’existe toujours pas. d’employés, dont la proportion est
vernement et de travaux parle­ revoir à la baisse le rôle des agences a été de créer le premier service « J’ai obtenu l’assurance que le dé­
à la présence passée de 29 % à 33 %, et plus d’im­
mentaires sur le grand âge, ces régionales de santé (ARS) au profit d’aide à domicile de la ville. « Elle cret sera signé en septembre. Le de logements migrés extra­européens, de 38 % à
dernières années, alertent tous des départements. Or, les profes­ connaît bien le secteur du domicile. dispositif sera créé en octobre, 43 % », concluent les auteurs. Le
sur la « maltraitance institution­ sionnels du secteur sont farouche­ Une ministre qui sait de quoi elle comme prévu par la loi », pré­
sociaux, plus parc HLM se spécialise, en effet,
nelle » induite par le nombre de ment hostiles à une tutelle unique parle, c’est rassurant », a constaté tend­elle. Elle s’empresse d’ajou­ concentrés dans parfois à son corps défendant,
soignants insuffisant dans les des collectivités. Le dossier est en Marie­Reine Tillon, présidente de ter : « Je vais suivre le dossier, dans l’accueil des ménages les
établissements d’hébergement cours d’examen à l’Elysée et Mati­ l’Union nationale de l’aide aux j’aime autant vous dire ! » 
les années 1990 plus modestes. 
pour personnes âgées dépendan­ gnon. Troisième « nœud » : le fi­ domiciles qui l’a rencontrée. béatrice jérôme qu’aujourd’hui isabelle rey­lefebvre
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12 | sports 0123
SAMEDI 1ER AOÛT 2020

La Route
d’Occitanie,
test d’avant
Tour de France
Course de reprise pour les stars du
peloton, l’épreuve permet d’évaluer Egan Bernal
les mesures sanitaires et de jauger (à gauche)
et Thibaut
les favoris de la Grande Boucle Pinot,
lors de
la 15e étape
du Tour de
France, sur

P
our son édition 2020, la Angel Lopez, sont annoncés, sa­ le plateau
Route d’Occitanie (du 1er medi, au départ de la course à du Prat
au 4 août) est passée sur Saint­Affrique, commune avey­ d’Albis,
le grand plateau. Le Co­ ronnaise de 8 000 habitants. le 21 juillet
lombien Egan Bernal, vainqueur De mémoire de suiveurs locaux, 2019. MARCO
sortant du Tour de France, le Bri­ on n’avait plus connu une telle BERTORELLO/AFP
tannique Christopher Froome, les concentration de talents depuis
Français Thibaut Pinot, Romain 1998. L’épreuve s’appelait alors
Bardet et Warren Barguil, ou en­
core un autre Colombien, Miguel
encore la Route du Sud et l’Alle­
mand Jan Ullrich (vainqueur sor­
fuge fin octobre, à un moment
où le Giro (le tour d’Italie) et la
au printemps, victime elle aussi
d’un peloton à l’arrêt pour cause
autour des équipes avant et après
ses quatre étapes. « Tous les orga­
Casting royal
tant du Tour de France) était venu Vuelta (le tour d’Espagne) de­ de coronavirus. « Vous savez, on nisateurs français vont observer ce au Tour de l’Ain
finir d’y perdre les derniers kilos vront cohabiter pendant six est très têtu en Occitanie, revendi­ qu’il se passe sur notre course », Après deux dernières éditions
de l’hiver aux côtés d’un Richard jours, la normalité est un con­ que­t­il. On a décidé de ne pas an­ poursuit son directeur. A com­ avancées à la fin du mois de
« Ce ne sera pas Virenque pas encore rattrapé par cept dépassé. Il s’agit d’abord de nuler tout de suite et de tout faire mencer par ceux du Tour de mai, le Tour de l’Ain a retrouvé
l’affaire Festina. s’adapter et de sauver sa course. pour continuer à exister et se lais­ France, qui ont déjà annoncé des ses habitudes en août. Mais les
l’année des « Dans un calendrier normal, on ser une chance. » mesures de distanciation sociale organisateurs de l’épreuve n’ont
selfies, des bises aurait eu une grosse tête d’affiche, Un parcours accidenté Course de préparation au Tour drastiques autour des coureurs. pas à se plaindre de ce change-
comme lors des éditions précé­ Le 23 juillet, les organisateurs du de France par nature, la Route En Occitanie, l’organisation s’est ment imprévu. Sur le papier, leur
et des bidons dentes, plus trois ou quatre très Grand Prix de Fourmies et de Pa­ d’Occitanie dépendait de la tenue aussi rapprochée d’un laboratoire casting n’a rien à envier à un Pa-
récupérés sur le bons coureurs », observe Pierre ris­Bourges ont finalement re­ ou non de la Grande Boucle toulousain en mesure d’effectuer ris-Nice ou à un Tour de Suisse.
Caubin, directeur de l’épreuve noncé à leur édition 2020. Pierre en 2020. Une fois le Tour calé à des tests PCR 24 heures sur 24, et Dans la foulée de la Route d’Oc-
bord de la route » depuis 2013. Mais, dans un Caubin a fait ses comptes : « On a ses nouvelles dates (du 29 août qui promet des résultats en citanie, l’équipe Ineos s’alignera
PIERRE CAUBIN agenda bousculé par l’épidémie 17 épreuves annulées cette année au 20 septembre), l’espoir était moins de deux heures. Toutes ces sur les routes de l’Ain du 7 au
directeur due au coronavirus et dans le­ en France. » Sa Route d’Occitanie a autorisé. « Avec d’autres courses, mesures exceptionnelles entraî­ 9 août avec Egan Bernal, Chris
de la Route d’Occitanie quel Paris­Roubaix a trouvé re­ bien failli connaître le même sort comme le Tour de l’Ain et de Poi­ nent un surcoût de 70 000 euros, Froome et Geraint Thomas, soit
tou­Charentes, on a attendu en partie pris en charge par la ré­ les vainqueurs des cinq derniè-
qu’ASO cale ses dates pour établir gion Occitanie. res éditions du Tour de France.
un calendrier d’épreuves de pré­ Redoutant toujours une mau­ La formation britannique aura
paration indispensable au Tour », vaise nouvelle de dernière mi­ l’occasion de s’évaluer face à
poursuit Pierre Caubin. nute, M. Caubin reconnaît aussi l’autre puissance du peloton : la
Cette ténacité a été saluée par avoir développé un début de réu­ Jumbo-Visma. L’équipe néerlan-
Christian Prudhomme. « Vous nionite aiguë. « La course tra­ daise a décidé de présenter son
êtes les premiers de cordée », a re­ verse neuf départements et nous trio de leaders : le Slovène
mercié le directeur du Tour, dans avons eu jusqu’à cinq réunions Primoz Roglic et les Néerlandais
HORS-SÉRIE une métaphore macronienne. par département », confesse celui Tom Dumoulin et Steven
« Un travail de stakhanoviste », qui a tracé avec son fils, Romain, Kruijswijk. Homme en forme du
confirme le patron de la Route un parcours accidenté idéal pour début de saison, le Colombien
d’Occitanie, dont les nuits sont jauger l’état de forme des uns et Nairo Quintana, désormais à la
courtes et agitées. Malgré le cas­ des autres après quatre mois tête de l’équipe française Arkéa-
ting royal qui s’annonce sur sans aucune course. Samsic, sera à suivre sur les
son épreuve, M. Caubin avoue pentes du Grand-Colombier lors

L’ATLAS
avoir moins l’esprit tourné vers Conditions caniculaires de la 3e étape. S’il n’est pas au
le volet sportif que sur les diffé­ Lundi 3 août, les favoris sont ainsi départ de la Route d’Occitanie,
rentes mesures liées à une situa­ attendus sur un tracé digne d’une le vainqueur du Tour 2020
tion sanitaire toujours aussi grande étape pyrénéenne du pourrait bien être dans l’Ain.
incertaine. « Ce ne sera pas l’an­ Tour, avec au programme le port
née des selfies, des bises et des bi­ de Balès, le col de Peyresourde et

DES
dons récupérés sur le bord de la le méconnu mais redoutable col tions dans notre équipe », a déclaré
6000 ANS 200 route », prévient­il. de Beyrès comme juge de paix fi­ Carsten Jeppesen, responsable des
D’HISTOIRE CARTES Tant pis pour les chasseurs nal. Certains masques pourraient opérations techniques chez Ineos,
d’autographes. La proximité en­ alors tomber, notamment au sein à la chaîne danoise TV2. Une con­

AFRIQUES
tre le public et les cyclistes n’est de l’équipe britannique Ineos. tre­performance sur cette étape
plus d’actualité et l’épreuve occi­ Tout quadruple vainqueur du donnerait l’occasion idéale au
tane a prévu une bulle sanitaire Tour soit­il, Chris Froome (35 ans) grand patron de l’équipe, Dave
n’est toujours pas assuré d’être du Brailsford, pour écarter un
grand départ de la Grande Boucle Froome avec lequel les relations
à Nice, surtout depuis l’annonce sont passées de fraîches à franche­
« Vous êtes de son engagement avec la forma­ ment glaciales ces derniers mois.
tion Israel Start­up Nation à partir Du côté des Français, Thibaut Pi­
les premiers de la saison prochaine. En in­ not peut se préparer à rencontrer
de cordée », terne, certains s’interrogent sur des conditions caniculaires, lui
l’intérêt de retenir le coureur bri­ qui préfère des climats plus tem­
a dit le directeur tannique, dont la dernière perfor­ pérés, voire humides. « Les cou­
du Tour de France mance notable est une 3e place reurs risquent d’avoir très chaud,
sur le Tour en… 2018. confirme Pierre Caubin, mais ça
aux organisateurs, « Chris a encore vieilli d’une an­ sera un très bon test en vue du
dans une née et, l’année dernière, il a connu Tour. » Un test de plus, mais sans
une chute terrible. Avec Thomas et doute pas le plus stressant pour
métaphore Bernal, nous avons également les l’organisateur. 
macronienne lauréats des deux dernières édi­ alexandre pedro
L’Afrique sans masque
L’Afrique habite nos imaginaires mais son histoire reste méconnue. Ce récit
passionnant court de l’aube de l’humanité au XXIe siècle et fait revivre les
pharaons noirs, les richissimes royaumes médiévaux, les temps tragiques BASKET-BALL à terre pendant l’hymne amé­ FORMULE 1
de l’esclavage et de la colonisation, l’enthousiasme des indépendances... Les joueurs genou ricain. Pour le premier match Le pilote Sergio Perez
jusqu’à s’arrêter sur les grands enjeux d’une Afrique émergente qui à terre pour la reprise de la reprise à huis clos chez positif au Covid-19
de la NBA Disney World (Floride), le Le pilote mexicain de F1 Ser­
retrouve peu à peu sa place dans le monde.
Les acteurs de la ligue nord­ Français Rudy Gobert – qui a gio Perez a été déclaré positif
Servi par une cartographie inédite, cet atlas met enfin en lumière, américaine de basket ont inscrit les premiers et les der­ au Covid­19 et sera forfait
par-delà les clichés, ce continent devenu incontournable. profité de leur retour sur les niers points du match – et ses pour le Grand Prix de Gran­
parquets, après quatre mois coéquipiers de l’Utah Jazz se de­Bretagne, dimanche
Retrouvez le débat en ligne
« Dessine-moi ton Afrique » L’ATLAS DES AFRIQUES et demi d’interruption due
au Covid­19, pour afficher,
sont imposés (106 ­ 104)
contre les New Orleans Peli­
2 août, ont annoncé jeudi les
organisateurs ainsi que son
sur lemonde.fr/afrique jeudi 30 juillet, leur soutien cans. Dans l’autre rencontre équipe, Racing Point. Perez,
Un hors-série au mouvement Black Lives de la soirée, les Lakers ont qui devra rester confiné, est
188 pages - 12 € Matter contre les injustices remporté le derby de Los le premier pilote de F1 à être
En partenariat avec
Chez votre marchand de journaux raciales. Comme ils s’y étaient Angeles contre les Clippers déclaré positif au coronavi­
et sur laboutiquelavie.fr engagés, joueurs, entraîneurs (103 ­ 101), grâce à un ultime rus depuis le début la saison,
et arbitres ont posé un genou panier de LeBron James. le 5 juillet en Autriche.
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ÉCONOMIE & ENTREPRISE
0123
SAMEDI 1ER AOÛT 2020 | 13

Plongeon historique de l’économie française
En raison de la pandémie et du confinement, le produit intérieur brut a reculé de 13,8 % au deuxième trimestre

D
ifficile de ne pas être
saisi de vertige à la Des indicateurs en chute libre
vue de ces chiffres. Au
deuxième trimestre, Variation trimestrielle du PIB, en % Variation trimestrielle des dépenses de consommation des ménages, en %
le produit intérieur brut (PIB)
0,1 0,2 0,4 0,7 0,5 0,2 0,2 0,3 0,3 0,4 0,6 0,3 0,4
français s’est effondré de 13,8 %, 0,3
selon les données publiées ven­ 2018 2019 2020 2018 2019 2020
dredi 31 juillet par l’Institut natio­
nal de la statistique et des études – 0,2 – 0,3
économiques (Insee). « Il s’agit du
plus fort recul enregistré depuis la T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4
seconde guerre mondiale », cons­
tate Mathieu Plane, de l’Observa­ — 5,9 — 5,8
toire français des conjonctures
économiques (OFCE).
Le confinement instauré en­
T1 — 11
tre le 17 mars et le 11 mai, avec la — 13,8 T1 T2
fermeture des commerces non
essentiels, l’arrêt des sites de pro­ T2
duction et des chantiers, s’est tra­
duit par un net recul de l’activité, Variation trimestrielle des investissements des entreprises Variation trimestrielle des exportations, en %
plus fort encore qu’au premier tri­ (non financières), en % Prévisions de croissance
mestre, au passage révisé à la de la Commission européenne,
baisse (− 5,9 %, contre − 5,3 %).
1,2 2 0,3 en %
C’est un peu mieux qu’anticipé 0,2 1 1 0,8 0,9 1,1 0,1 0,5 0,9 0,5 7,6
par l’Insee, qui tablait sur un plon­ 2018 2019 2020 2018 2019 2020
geon de 17 %. « C’est la preuve que
– 0,1 – 0,5 – 0,5 – 0,8 1,5
l’action politique (…) est efficace »,
a déclaré le ministre de l’écono­
mie, Bruno Le Maire, après la pu­ 2019 2020 2021
T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 — 6,1
blication des chiffres, sur CNews.
« Nous ne sommes pas impuis­ — 8,9
sants face à la crise. » La chute est — 16
néanmoins plus forte qu’en Alle­
magne (− 10,1 %) ou qu’aux Etats­ T1 T2 T1 T2
Unis (− 9,5 %). — 10,6
Dans le détail, la consommation — 25,5 Prévisions
des ménages, inférieure de 35 % à
la normale pendant le confine­ T2
ment, a chuté de 11 %. Sans sur­ Infographie : Le Monde Source : Insee
prise, les Français, dont le pouvoir
d’achat a commencé à reculer au
premier trimestre (− 0,3 %) ont vrait se creuser encore », pronosti­ l’enquête Insee sur le moral des de 19 % à 16 % jusqu’au 31 décem­ un rebond de croissance de 19 %.
moins dépensé dans les services que Ludovic Subran, économiste ménages en juillet indique que les bre, et le taux réduit de 7 % à 5 %.
« Il s’agit « Attention aux effets d’optique :
(− 15,3 %). Leur consommation a du groupe Allianz. intentions d’épargner de ces der­ « Une telle disposition, ciblée sur du plus fort cela n’effacera pas la baisse de
néanmoins rebondi dès la réou­ A quoi faut­il s’attendre sur le niers sont au plus haut depuis six les services les plus touchés et limi­ 13,8 % enregistrée entre avril et
verture des magasins : sur l’en­ reste de l’année ? Cela dépendra de ans. Cela n’a rien d’étonnant : en tée dans le temps, ferait également
recul enregistré juin », rappelle M. Colombier. Le
semble de mai, elle a progressé de l’évolution de la pandémie et des dépit des mesures de chômage sens chez nous », estime M. Plane. depuis la véritable test sera le quatrième
36,6 %, selon l’Insee, et elle est re­ éventuelles mesures prises pour partiel, qui ont sauvé des milliers Du côté de Bercy, on estime que la trimestre : il révélera à quelle vi­
passée au­dessus de son niveau freiner sa propagation. « Cela dé­ d’emplois, les plans de licencie­ revalorisation de 100 euros de l’al­
seconde guerre tesse notre pays sera capable, ou
de février en juin. pendra aussi de la consommation ment se multiplient et pourraient location de rentrée scolaire et les mondiale » non, d’effacer les pertes liées à la
des ménages », souligne M. Su­ s’intensifier à l’automne. Selon la mesures encourageant l’emploi pandémie. L’Insee prévoit une
MATHIEU PLANE
Incertitude sur la consommation bran. Durant le confinement, les Banque de France, le taux de chô­ des jeunes feront déjà beaucoup. croissance de 3 % entre octobre et
Observatoire français des
Les exportations, elles, ont dé­ Français ont réduit leurs dépenses mage pourrait grimper de 8,1 % Par ailleurs, la rentrée s’an­ décembre, tandis que sur l’en­
conjonctures économiques
gringolé de 25,5 % (après − 6,1 % au et ont gonflé leur bas de laine. Se­ fin 2019 à 11,8 % au premier se­ nonce difficile pour les PME. L’in­ semble de 2020, le PIB devrait re­
premier trimestre), soit plus que lon l’OFCE, l’épargne « forcée » mestre 2021. vestissement a reculé de 17,8 % culer de 10,6 %, selon la Commis­
les importations (− 17,3 %). « Au to­ ainsi accumulée s’élève à 75 mil­ entre avril et juin, dont − 16 % sion européenne, soit plus que la
tal, le commerce extérieur contri­ liards d’euros. Passé le rebond mé­ « Effets d’optique » pour les entreprises non financiè­ Espagne (42 %). Dans ces condi­ moyenne de la zone euro (8,7 %).
bue négativement à la croissance, canique des achats à la fin du con­ « A cet égard, on peut s’étonner res, et − 26,8 % dans la construc­ tions, beaucoup d’entreprises Le gouvernement, lui, envisage
de − 12,3 points », détaille l’Insee. finement, les ménages continue­ que le plan de relance envisagé par tion. Le 29 juillet, le gouverne­ vont tailler dans leurs investisse­ un recul de 11 %.
En mai, le déficit commercial a at­ ront­ils, ces prochains mois, de se le gouvernement ne comporte pas ment a annoncé le prolongement ments − à l’exemple de l’équipe­ « Dans tous les cas, on ne retrou­
teint 7,1 milliards d’euros, soit rendre dans les magasins ? « C’est plus de mesures destinées à encou­ du chômage partiel jusqu’en dé­ mentier automobile Faurecia qui, vera pas le PIB de fin 2019 avant
2 milliards de plus qu’en avril, une question absolument centrale rager la consommation », juge Da­ cembre (contre septembre) pour le 27 juillet, a indiqué envisager de 2022 », conclut Daniela Ordonez.
s’approchant du record de pour la reprise : ces 75 milliards niela Ordonez, chez Oxford Eco­ le secteur du tourisme. Les condi­ réduire de 40 % ses dépenses d’in­ L’an prochain, la croissance pour­
7,4 milliards de janvier 2017, selon d’euros, s’ils sont dépensés, se­ nomics. Les détails de ce plan ne tions économiques dégradées ris­ vestissement sur l’exercice 2020. rait rebondir de 7 %. Sauf dans le
les douanes. La reprise modérée raient l’équivalent d’un plan de re­ seront annoncés que le 24 août, quent d’entraîner malgré tout « Or, une telle baisse aura des con­ scénario noir, loin d’être encore
de la consommation se traduit lance massif », résume M. Plane. alors que l’Allemagne a dévoilé le une hausse du chômage et des séquences de long terme : elle va se exclu, d’une deuxième vague sé­
par une hausse des importations, Face aux incertitudes, préfére­ sien début juin. Entre autres me­ faillites. Celles­ci devraient bon­ traduire par une croissance future vère de l’épidémie. Dans ce cas, le
tandis que nos secteurs exporta­ ront­ils plutôt garder leurs écono­ sures, nos voisins vont profiter dir de 25 % entre 2019 et 2021, se­ moins dynamique », prévient pays pourrait replonger dans une
teurs, tels que l’aéronautique, mies et mettre de côté, transfor­ d’une baisse temporaire de la lon les économistes d’Allianz. Soit Charles­Henri Colombier, écono­ récession de l’ordre de 5 %, estime
sont à la peine. « Ces prochains mant ce pécule en épargne de pré­ TVA, susceptible de gonfler les plus qu’en Allemagne (12 %). Mais miste chez Rexecode. Pour le troi­ encore Oxford Economics. 
mois, notre déficit commercial de­ caution ? On peut le craindre : achats : le taux normal est abaissé moins qu’en Italie (27 %) et qu’en sième trimestre, l’Insee table sur marie charrel

Ralentissement sans précédent et récession aux Etats­Unis


Le produit intérieur brut a accusé une chute de 32,9 % au deuxième trimestre, en rythme annualisé, sous l’effet de la pandémie de Covid­19

washington ­ correspondante res du chômage, en hausse pour la tion de nouveaux emplois. Selon tions dans les activités commer­ sant « du plus bas niveau de chô­ de voitures et de maisons ont
deuxième semaine consécutive, des statistiques officielles, 51,1 % ciales et de loisirs. Au deuxième mage en cinquante ans, aux plus même connu des hausses nota­

L es mauvaises nouvelles
s’enchaînent pour l’écono­
mie américaine, désormais
officiellement entrée en réces­
sion. L’annonce, jeudi 30 juillet,
ajoutent aux sombres perspecti­
ves de l’été, marqué par une résur­
gence de la pandémie. Jeudi,
1,43 million de personnes supplé­
mentaires s’étaient inscrites au
des foyers avaient enregistré une
baisse de revenus au 21 juillet, con­
tre 48,3 % un mois plus tôt. Ces
données rompent avec les don­
nées encourageantes de juin, lors­
trimestre, la plupart des secteurs
d’activité ont été affectés : les ven­
tes dans l’habillement, les trans­
ports, l’hôtellerie, la santé ou la
restauration ont chuté. Les entre­
hauts niveaux depuis quatre­vingt­
dix ans, et cela en deux mois », a­t­il
aussi affirmé. En conséquence,
l’institution a maintenu ses taux
au plus bas, à zéro, et assuré qu’elle
bles. Mais alors que les mesures de
soutien, qui se sont révélées plutôt
efficaces, arrivent à leur terme,
vendredi 31 juillet, le Congrès ne
parvient pas à s’accorder sur un
d’une contraction de 32,9 % du chômage. Ce chiffre, en hausse de que la réouverture des commer­ prises ont été pénalisées par le ra­ soutiendrait aussi longtemps que deuxième plan de relance. Le
produit intérieur brut (PIB) en 12 000 personnes en huit jours, ces et des entreprises, parfois trop lentissement du commerce inter­ nécessaire l’économie américaine. camp républicain plaide pour un
rythme annualisé au deuxième confirme la tendance de la se­ rapides, avait permis de recréer un national : les exportations ont paquet de 1 000 milliards de dol­
trimestre, confirme un ralentis­ maine précédente, qui pour la pre­ tiers des emplois perdus. plongé de 64,1 %. Et, en l’absence Impasse politique lars, qui prévoit une baisse de deux
sement historique de l’activité mière fois depuis mai, enregistrait Les nouvelles statistiques con­ de progrès notables dans l’endi­ Parallèlement, depuis avril, le re­ tiers des aides aux chômeurs ; les
économique dû à la crise sani­ un ralentissement dans la créa­ tredisent aussi les annonces pré­ guement de la maladie, le troi­ venu global disponible des fa­ démocrates, défendant un pro­
taire. Le Fonds monétaire interna­ maturées de l’administration sième trimestre pourrait se révé­ milles a augmenté de près de 10 % gramme de 3 000 milliards de dol­
tional tablait, lui, sur une contrac­ Trump, qui souligne depuis le ler aussi catastrophique. « Contrô­ grâce notamment aux mesures lars, souhaitent reconduire les
tion de 37 %. mois de mai les signes d’une re­ ler le virus est une condition sine d’urgence garanties en avril aux aides actuelles. Quelle que soit la
Entre avril et juin, la diminution
Au mois de juin, prise de l’économie américaine. Le qua non pour une véritable re­ ménages et aux entreprises pour décision et faute d’un accord tem­
a atteint 9,5 % par rapport à la les ventes rebond amorcé a été freiné par prise », a souligné, mercredi, le pré­ faire face à la baisse d’activités, poraire, l’impasse politique, accen­
même période en 2019, un record une recrudescence des cas de Co­ sident de la Réserve fédérale amé­ dont la somme de 600 dollars tuée par les désaccords entre les
d’une ampleur sans précédent de­
de voitures vid­19 à travers le pays dans les ricaine (Fed), Jerome Powell, qui hebdomadaires versée aux chô­ républicains et la Maison Blanche,
puis 1947, date des premières sta­ et de maisons Etats du sud et de l’ouest, dont la s’est inquiété d’une reprise au ra­ meurs. En juin, encouragées par va, dans les prochaines semaines,
tistiques. Elle fait suite à la baisse, puissante Californie. Plusieurs di­ lenti. « Cette pandémie est le plus des taux d’intérêt très bas et tirées priver des millions d’Américains
déjà forte, de 5 % au premier tri­
ont connu des zaines d’entre eux ont été con­ grand choc pour l’économie améri­ par des consommateurs dispo­ d’une partie de leurs revenus. 
mestre. Les chiffres hebdomadai­ hausses notables traints de réintroduire des restric­ caine de mémoire humaine », pas­ sant d’un emploi stable, les ventes stéphanie le bars
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0123
14 | économie & entreprise SAMEDI 1ER AOÛT 2020

Air France­KLM : l’Etat n’écarte Malgré la crise,


les résultats des GAFA
pas une recapitalisation dépassent les prévisions
Le groupe a accusé une perte semestrielle de 4,4 milliards d’euros. Alors que les Etats­Unis entrent en récession,
les géants du numérique se renforcent
Le trafic s’est effondré de 62 % par rapport à la même période de 2019

P
our Air France­KLM, la
présentation des résul­
tats semestriels de la
compagnie franco­néer­
« Ce contexte
nous pousse à
Air France servent à supprimer
des emplois dans la compagnie. La
CGT demande d’ailleurs « une re­
capitalisation et une renationali­
Alors que le retour à la normale
du trafic moyen­courrier est at­
tendu d’ici à 2022­2023, la reprise
du long­courrier sera plus longue
L e contraste est saisissant :
avec – 32,9 %, les Etats­Unis
annoncent le plus fort recul
trimestriel de leur PIB en rythme
annualisé depuis la seconde
Le chiffre
d’affaires
d’Apple a crû
landaise, jeudi 30 juillet, a illustré
accélérer notre sation d’Air France ». Interrogé sur et hasardeuse que prévu. La com­ guerre mondiale, mais les géants de 11 %, alors
l’ampleur du désastre provoqué transformation » CNews vendredi, le ministre de pagnie note que ses clients préfè­ du numérique dépassent toutes
que les analystes
par la pandémie due au coronavi­ l’économie, Bruno Le Maire, a in­ rent désormais attendre la der­ les attentes des analystes dans
LA DIRECTION
rus. Lors du seul second trimestre
D’AIR FRANCE-KLM
diqué qu’« Air France pourra nière minute avant de réserver leurs résultats d’avril à juin : + 40 % prévoyaient
de 2020, le groupe dirigé par le Ca­ compter sur le soutien de l’Etat ». leur billet. de chiffre d’affaires pour Amazon.
nadien Ben Smith a accusé une Sa ministre déléguée chargée de Une démarche sans doute renfor­ Les PDG de Google, Amazon, Face­
un recul de 3 %
perte colossale de 2,6 milliards l’industrie, Agnès Pannier­Runa­ cée par les difficultés rencontrées book et Apple ont subi mercredi
d’euros. Toutefois, ce recul com­ la direction. La compagnie franco­ cher, a été plus explicite sur LCI : par les passagers pour se faire un interrogatoire inédit dans le ca­
prend aussi les coûts liés aux re­ néerlandaise a été l’une des pre­ « S’il faut monter au capital, on le rembourser leurs billets après dre d’une enquête parlementaire pour les services (App Store, Apple
traits de la flotte des A380 et des mières à bénéficier des aides de fera », mais « ce n’est pas le sujet du l’annulation de leurs vols. Outre sur leurs possibles abus de posi­ Music, Apple Pay…). La marge reste
A340 d’Air France, soit 592 mil­ l’Etat. Il lui a été promis 4 milliards jour ». Parallèlement aux suppres­ cette prudence, Air France a aussi tion dominante, mais vingt­qua­ très élevée, avec un résultat opéra­
lions d’euros. Un trou d’air qui d’euros de prêts garantis par l’Etat sions de postes, la direction a pris remarqué que le « rétablissement tre heures après, leur capitalisa­ tionnel de 13 milliards de dollars.
n’est pas une véritable surprise. et 3 milliards d’euros de prêts di­ le prétexte des conditions envi­ de la classe affaires s’engage de tion boursière a grimpé de Alors qu’Apple a dû, en raison de
Depuis la mi­mars, l’activité de la rects par le ministère des finances. ronnementales imposées par le manière plus lente que le tou­ 250 milliards de dollars (210 mil­ la pandémie, fermer des maga­
compagnie est presque à l’arrêt. Du côté néerlandais, les autorités gouvernement pour l’obtention risme ». De fait, avec la généralisa­ liards d’euros), en raison des bons sins, les ventes de ses nouveaux
Pire, contrairement aux espoirs ont été un peu moins généreuses des prêts pour faire le ménage tion du télétravail pendant les se­ chiffres annoncés, a calculé l’agen­ iPhone, notamment SE, sont bon­
de la direction, le déconfinement pour KLM, avec un prêt limité à dans son réseau domestique. L’ac­ maines de confinement, les entre­ ce Bloomberg. nes. Le chiffre d’affaires en Chine
ne s’est pas accompagné d’une vé­ 3,4 milliards d’euros. Ebranlée par tivité de la filiale Hop va ainsi être prises pourraient être moins en­ Les GAFA pèsent désormais se rétablit (+ 1,9 %). Le fabricant
ritable reprise du trafic. En juin, la pandémie, Air France­KLM veut drastiquement réduite. Les lignes clines à l’avenir à faire voyager 4 900 milliards dollars en Bourse. d’appareils bénéficie aussi du con­
l’activité a été de 8 % de la nor­ se mettre en ordre de bataille pour déficitaires et celles desservant leurs cadres, les meilleurs clients L’analyste Dan Ives, de la société finement, qui pousse les gens à
male. Confrontée à cette molle re­ passer la crise : « Ce contexte nous des destinations accessibles en des classes affaires. Une tendance d’investissement Wedbush Se­ passer plus de temps en ligne.
prise, Air France­KLM a indiqué pousse à accélérer notre transfor­ TGV en moins de deux heures qui pourrait mettre à mal la straté­ curities, anticipe déjà qu’Apple va Facebook voit ses revenus grim­
que les compagnies du groupe mation », indique la direction. trente seront fermées ou passe­ gie de relance de la compagnie dé­ devenir la première entreprise à per de 11 %, à 18,7 milliards de dol­
« augmentent prudemment leur ront sous le pavillon de Transavia, finie par M. Smith, basée sur le dépasser les 2 000 milliards. lars, avec un résultat opérationnel
capacité pour les mois d’été ». Il Le coût de la crise la filiale à bas coût d’Air France. Du haut de gamme. Faute de pouvoir en hausse de 29 %, à 5,9 milliards.
n’empêche, au premier semestre, En pratique, la compagnie a dé­ côté de KLM, la compagnie a an­ lutter à coûts égaux avec les com­ « Du jamais-vu » L’effet du boycott publicitaire or­
les comptes ont viré au rouge vif, cidé de tailler dans le vif et d’opé­ noncé, vendredi 31 juillet, la sup­ pagnies low cost telles EasyJet et Amazon a publié les résultats les ganisé par la campagne StopHate­
avec une perte de 4,413 milliards rer des coupes claires tant dans pression de 5 000 emplois dans Ryanair, le directeur général a plus impressionnants. Ses reve­ forProfit de lutte contre les dis­
d’euros. La conséquence d’un tra­ ses effectifs que dans ses réseaux. les années à venir. choisi de miser sur les passagers nus ont atteint 88,9 milliards de cours de haine n’a pas d’effet visi­
fic en chute libre. Il a reculé de Air France va supprimer près de Si, une fois de plus, ce sont les sa­ « haute contribution ». dollars au deuxième trimestre et ble. « Nous ne dépendons pas de
62 % comparé à 2019. Le chiffre 7 600 postes d’ici à 2 022. Des dé­ lariés du groupe qui paieront le Faute de visibilité, le groupe joue son résultat opérationnel a pres­ grands annonceurs mais plutôt des
d’affaires s’est effondré au second parts qui se feront sous la forme coût de la crise, il n’est pas sûr que la prudence pour les prochains que doublé, à 5,8 milliards. Le con­ PME : nous avons 9 millions d’an­
trimestre. Il s’est établi à 1,182 mil­ d’une rupture conventionnelle leurs efforts suffisent. La crise mois avec une montée en puis­ finement favorise l’e­commerce. nonceurs », a expliqué le fonda­
liard d’euros, en recul de collective chez les pilotes et les semble s’installer plus durable­ sance graduelle. Au troisième tri­ Les clients se mettent même à teur, Mark Zuckerberg. Or, malgré
5,839 milliards d’euros par rap­ personnels navigants commer­ ment que prévu. Pire, les compor­ mestre, Air France­KLM va propo­ acheter chez Amazon des produits le recul de la publicité lié à la réces­
port à 2019. ciaux et d’un plan de départs vo­ tements des passagers pourraient ser une offre de seulement 45 % d’épicerie, dont les ventes ont tri­ sion, ces entreprises se tournent
Face à cette crise sans précédent, lontaires pour les personnels au s’en trouver modifiés. « La visibi­ par rapport à la même période plé par rapport à l’année dernière. vers le numérique pour tenter de
Air France­KLM affirme avoir des sol. En outre, la direction n’écarte lité sur la courbe de reprise de la de­ l’année dernière et de 65 % au qua­ « La demande générale est très éle­ vendre et apprécient les annonces
atouts pour assurer sa survie. « Au pas de recourir à des licencie­ mande est limitée, car le comporte­ trième trimestre. L’an prochain, la vée », commente l’entreprise. Les de marketing direct ciblé propo­
30 juin 2020, le groupe Air France­ ments si les volontaires ne sont ment de réservation des clients est compagnie franco­néerlandaise ventes du deuxième trimestre, ha­ sées par le réseau social, explique
KLM dispose ainsi de 14,2 milliards pas assez nombreux. Une straté­ beaucoup plus orienté vers le court prévoit de proposer des capacités bituellement plus basses, dépas­ Facebook.
d’euros de liquidités ou de lignes de gie qui provoque la colère de cer­ terme qu’avant la crise du Covid­19, toujours en retrait de 20 % par rap­ sent celles du dernier trimestre Alphabet, la maison mère de
crédit pour faire face à la crise et tains syndicats, qui s’étonnent en particulier sur le réseau long­ port à 2019.  2019, « du jamais­vu ». Le nombre Google, a connu un trimestre
restructurer son activité », assure que les fonds publics apportés à courrier », se défend la direction. guy dutheil des abonnés du programme de fi­ moins flamboyant, avec pour la
délisation Prime augmente et leur première fois un recul de son chif­
consommation de vidéo en ligne fre d’affaires : – 2 %, à 38 milliards
a doublé en un an. L’activité d’hé­ de dollars. Sa rentabilité baisse
bergement de données dans le mais reste élevée, à 6,4 milliards,

Le Covid­19 gonfle la dette de la SNCF, cloud AWS bénéficie aussi du con­


finement. Signe du boom : Ama­
zon prévoit d’augmenter sa capa­
soit une marge de 17 %. La publi­
cité a reculé (– 8 %), surtout sur le
moteur de recherche, qui souffre
cité mondiale de stockage jusqu’à de la récession économique et de

qui dépasse les 38 milliards d’euros 50 % en 2020, alors que l’implanta­


tion de ses entrepôts d’e­com­
merce fait débat en France.
l’effondrement du tourisme. Mais
Google dit voir « du mieux » en
juillet et ses activités cloud vont
Le groupe présidé par Jean­Pierre Farandou a enregistré une perte de 2,4 milliards d’euros Le chiffre d’affaires d’Apple a crû bien. Et les analystes financiers ne
de 11 %, alors que les analystes pré­ semblent pas inquiets : le cours
voyaient un recul de 3 %. Il atteint grimpait de 1 % en après Bourse. 
59,7 milliards de dollars, dont 13 alexandre piquard

L a SNCF est repartie dans le


rouge à grande vitesse. Au
premier semestre, selon les
résultats publiés jeudi 30 juillet,
l’entreprise présidée par Jean­
sans commune mesure avec un
trou estimé à 3,9 milliards d’eu­
ros. « Avant la grève, le groupe
SNCF avait relativement sécurisé
ses fondamentaux », a regretté
mènera à bien « sans toucher à l’ef­
fectif de production », c’est­à­dire
sans suppressions de postes. Tou­
tefois, le groupe prévoit de
reporter ou d’abandonner des pro­
rie, la compagnie veut partir à la
reconquête de ses clients. Pour
l’heure, crise du Covid oblige,
beaucoup manquent encore à
l’appel. Selon les chiffres du
TOURISME
Les syndicats de TUI
GrandVision et HAL », déplore
le leader de l’optique. – (AFP.)
Pierre Farandou a enregistré une Laurent Trévisani, directeur fi­ jets. La direction a ainsi annoncé groupe, la fréquentation est tou­ France demandent
perte de 2,4 milliards d’euros, liée nancier et de la stratégie. qu’elle renonçait à environ 10 % jours en berne avec un trafic pas­ une médiation ÉNERGIE
en grande partie à la pandémie de des 5 milliards d’investissements sagers en retrait de 20 % par Les syndicats de TUI France Hinkley Point : EDF
Covid­19 mais aussi aux grèves Abandonner des projets que la SNCF devait autofinancer rapport à la normale. Pour rem­ (CGT, CFE­CGC, FO, CFDT) ont condamné par l’AMF
contre la réforme des retraites. Il y Dans le détail, toutes les activités cette année, ne gardant « que les in­ plir ses trains, la SNCF a lancé « un annoncé jeudi 30 juillet L’Autorité des marchés finan­
a un an, à la même période, le n’ont pas été touchées avec la vestissements qui sont strictement plan d’action commerciale ». demander une « médiation » ciers (AMF) a infligé une sanc­
groupe avait dégagé un petit bé­ même ampleur. Ainsi, la logisti­ indispensables et correspondant à Son but est de faire revenir les afin d’obtenir de « véritables tion de 5 millions d’euros à
néfice de 20 millions d’euros. que regroupée au sein de la filiale [ses] priorités stratégiques », a ajou­ clients avec des petits prix négociations » avec la direc­ EDF pour avoir diffusé en 2014
Au premier semestre, la dette Geodis a bien résisté, avec un chif­ té Laurent Trévisani. comme produits d’appel. L’objec­ tion sur les conditions de une fausse information quant
s’est gonflée de près de 3 milliards fre d’affaires quasi stable de tif de cette stratégie marketing est départ de « près de 600 sala­ à la centrale nucléaire d’Hin­
d’euros pour atteindre 38,327 mil­ + 0,3 %. En revanche, SNCF Voya­ Manque de clients de « faire revenir le (passager) loisir riés » que le voyagiste prévoit kley Point, au Royaume­Uni.
liards d’euros. Elle aurait pu être geurs, qui comprend le TGV, le Curieusement, la SNCF qui croule dans le TGV ». La SNCF va s’em­ de licencier. – (AFP.) Son ancien PDG Henri Proglio
encore plus importante, mais, TER et les transports publics en sous une montagne de dettes ployer à minimiser les effets du a écopé d’« une sanction
en 2019, l’Etat s’est engagé à re­ banlieue parisienne, s’est effon­ conserverait toute son agilité stra­ télétravail qui limitent les dépla­ OPTIQUE pécuniaire de 50 000 euros ».
prendre 35 milliards d’euros sur dré, avec une baisse de 37 % au tégique. « A ce jour, la trésorerie du cements des voyageurs d’affaires. GrandVision ouvre une L’actuel patron, Jean­Bernard
les 60,3 milliards de dettes cumu­ cours du premier semestre. Sur la groupe est solide et ses capacités La reconquête de ces passagers à procédure d’arbitrage Lévy, a été mis « hors de
lées à l’époque. Conformément à même période, l’activité trans­ de financement sont préservées », haute contribution, « va être une contre EssilorLuxottica cause ». – (AFP.)
ses engagements, il a déjà repris port public, réunie au sein de affirme la direction. Il n’empêche, de nos cibles à la rentrée, a déjà EssilorLuxottica a annoncé
une première tranche de 25 mil­ Keolis, a plongé de 12 %, tandis le proche avenir de la compagnie prévenu Laurent Trévisani, ac­ jeudi 30 juillet que le distribu­ ÉDITION
liards d’euros en janvier. que le fret et SNCF Réseaux per­ ne s’annonce pas radieux. « Nous tuellement, [les] TGV ne sont pas teur néerlandais GrandVision, Lagardère étudie
Comme toutes les entreprises daient chacun 20 %. Il faut dire ne sommes pas sortis de la crise. Il suffisamment remplis ». qu’il souhaite racheter, et la une offre sur l’éditeur
de transport, la SNCF, à l’instar des que, pendant la crise, le trafic faut toujours gérer l’incertitude », a In fine, la stratégie de relance société d’investissement HAL Simon & Schuster
groupes automobiles et des com­ voyageurs a été divisé par deux, souligné le directeur financier. voulue par le PDG Jean­Paul ont entamé une procédure Le groupe Lagardère a indi­
pagnies aériennes, a vu son chif­ tant dans les TER (– 50 %) que Pour retrouver des marges de Farandou sera surtout fonction d’arbitrage contre lui, après qué, jeudi 30 juillet, étudier
fre d’affaires semestriel piquer du dans les TGV (– 55 %). manœuvre, le groupe va revoir de l’ampleur du plan de soutien qu’il a ouvert des poursuites l’opportunité d’une offre de
nez. Il recule de 21 %, pour s’établir Comme tous les groupes tou­ tous ses coûts à la baisse. promis par l’Etat. Selon Jean­Bap­ judiciaires à leur encontre. rachat sur Simon & Schuster,
à 14,1 milliards d’euros. Dans les chés de plein fouet par la pandé­ La direction prévient déjà tiste Djebbari, ministre délégué Mi­juillet, le groupe franco­ maison d’édition de Stephen
comptes du groupe, les consé­ mie, la SNCF a mis en place « un qu’elle se montrera « très sélec­ aux transports, il devrait être italien a saisi un tribunal de King. Le groupe américain
quences de la crise sanitaire et des plan d’action exceptionnel et vo­ tive » pour ses investissements « de plusieurs milliards d’euros ». Rotterdam pour exiger des in­ ViacomCBS Inc. a annoncé
grèves n’ont pas pesé du même lontariste » de 1,8 milliard d’euros futurs. Cela se fera « sans que ce Notamment pour relancer l’acti­ formations sur l’impact de la en mars étudier des options
poids. Si les conflits sociaux ont d’économies sur l’année, dont soit au détriment de tout ce qui est vité fret et redonner vie aux peti­ crise due au Covid­19 au dis­ pour l’éditeur, qui a dégagé un
pénalisé le groupe d’un montant 1,1 milliard d’euros a déjà été réa­ essentiel, urgent et indispensable à tes lignes comme le souhaite le tributeur. Mais, « à ce jour, chiffre d’affaires de 814 mil­
évalué à 275 millions d’euros, le lisé au cours du premier semes­ l’exploitation ferroviaire ». Pour gouvernement.  EssilorLuxottica n’a pas reçu lions de dollars (688 millions
coût de la crise liée au Covid­19 est tre. La direction assure qu’elle le redonner du souffle à sa trésore­ g. d. les informations demandées à d’euros) en 2019. – (Reuters.)
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SAMEDI 1ER AOÛT 2020 économie & entreprise | 15

PORTRAIT

C
haque jour ou pres­
que, depuis qu’il a
pressenti combien
le SARS­CoV­2 allait
mettre en danger le
monde en général,
et l’Inde en particulier, Sukumar
Ranganathan livre sa petite chro­
nique acérée dans l’Hindustan
Times. « Covid­19 : What You Need
to Know Today » (« Covid­19 : ce
que vous devez savoir au­
jourd’hui ») est un rendez­vous à
ne pas manquer.
Un jour, il met en garde contre
les insuffisances des statistiques
officielles brandies par le gouver­
nement Modi pour prétendre que
la crise sanitaire est sous contrôle.
Un autre, il affirme que seul
compte le nombre de morts, ce
que de nombreux médias
oublient. Et, à longueur de temps,
il martèle qu’il faut tester la popu­
lation, tester et encore tester. Le
25 mars, alors qu’un milliard qua­
tre cents millions d’Indiens enta­
ment leur premier jour de confi­
nement, il s’interroge : « A quoi le
gouvernement devrait­il employer
le temps qu’il vient de se donner ? »
Réponse : commander en masse
kits de dépistage, masques, gel hy­ Sukumar
droalcoolique, combinaisons de Ranganathan,
protection pour les soignants. Et, à New Delhi,
surtout, préparer les hôpitaux à le 30 juillet.
une affluence historique. MONEY SHARMA/AFP
Le 17 avril, il souligne que « la
trajectoire des infections au Co­
vid­19 en Inde est très différente de
celle de tous les autres pays, plus
lente, moins mortelle, avec un 1969  1994 1997  2006 2017
nombre de patients requérant un Naissance Journaliste Rejoint « Busi- Participe Rédacteur
placement sous respiration artifi­ à Madras à « The Hindu ness Today », à la création en chef à
cielle étonnamment bas, on ne sait (Chennai) Businessline » le supplément du quotidien « The Hindustan
pas vraiment pourquoi ». Au con­ d’« India Today » « Mint » Times »
traire de la plupart de ses confrè­
res, il se garde bien, à ce mo­
PLEIN CADRE
ment­là, de croire que son pays va

Sukumar Ranganathan,
être épargné par l’épidémie grâce et au début du confinement, c’est
à son climat tropical humide et à un simple fonctionnaire qui com­
la jeunesse de sa population. muniquait sur l’épidémie. De­
Le 6 mai, alors que son pays puis, le ministre de la santé a pris
vient d’enregistrer pour la pre­ le relais, mais seuls les journalis­

chroniqueur aiguisé
mière fois 100 morts en vingt­ tes politiques sont accrédités
quatre heures (aujourd’hui le bi­ pour venir l’écouter. Les rédac­
lan oscille entre 700 et 1 000 par teurs spécialistes de la santé en
jour), il lance un avertissement : sont réduits à faire passer les
« Ainsi que je l’ai déjà écrit précé­ questions sensibles ou pointues à

du Covid­19 en Inde
demment, le chiffre à surveiller est leurs confrères, sans être sûrs
celui des décès quotidiens. » qu’elles seront posées. Avec une
D’après lui, le nombre de nou­ forte probabilité qu’elles n’ob­
veaux cas de contaminations tiennent pas de réponse.
détectés peut se révéler « trom­ Pendant ce temps, les organes
peur » car il procède d’une « confu­ de presse tentent péniblement de
sion totale » dans la communica­ Le rédacteur en chef de l’« Hindustan Times » fait garder la tête hors de l’eau.
tion des chiffres, « peut­être moti­ « Comme partout ailleurs dans le
vée par le désir [des autorités] entendre une voix indépendante sur la politique monde, la diffusion des journaux a
d’enjoliver les choses ». chuté, surtout dans les grandes vil­
du gouvernement face à la pandémie les. Quant aux recettes publicitai­
HAPPÉ PAR LE JOURNALISME res, dont un tiers émane de l’Etat
Les chiffres, ça le connaît. Suku­ annonceur, elles ont fondu de 75 %
mar Ranganathan est originaire en avril, puis de 65 % en mai, et en­
du Tamil Nadu, cette région méri­ core de 40 % en juin », indique
dionale dont les habitants ont la étourdissants vus de France, qui cre sa hiérarchie qu’il fallait appe­ étaient repérés dans le sud de ment des statistiques officielles Shashi Sinha, PDG du groupe pu­
réputation d’être matheux. Né à les placent, à eux deux, juste der­ ler les lecteurs à la prudence. l’Inde, au Kerala, Sukumar Ranga­ du Covid­19, qui promet un vac­ blicitaire IPG Mediabrands.
Chennai (anciennement Madras), rière les deux plus grands jour­ « C’était un nouveau virus, per­ nathan a fait un saut à Chennai cin pour le 15 août. « Va­t­on s’af­ Certains ont baissé les salaires,
il a suivi des études d’ingénieur naux du sous­continent, Dainik sonne ne le connaissait. Il y avait pour rendre visite à son père. franchir d’essais cliniques sé­ comme l’Hindustan Times. D’au­
chimiste au Birla Institute of Bhaskar (4,6 millions d’exemplai­ tellement de pistes à explorer que Avant de monter dans l’avion, il a rieux ? », lance­t­il. La liberté de tres ont suspendu leur impres­
Technology and Science de Pilani, res) et Dainik Jagran (3,6 millions). c’est devenu malheureusement fa­ eu la présence d’esprit d’acheter parole n’est pourtant pas pour sion, comme l’hebdomadaire
au Rajasthan, avant d’être happé En termes d’audience, la presse cile d’écrire une chronique quoti­ un masque. On en trouvait encore tout le monde. D’après un rap­ Outlook. « Le secteur devrait per­
par le journalisme. Il fait ses ar­ écrite indienne attire chaque jour dienne », explique­t­il. dans les pharmacies. « J’étais le port publié à la mi­juin par l’asso­ dre l’équivalent de 2 milliards de
mes à Business Line, le journal fi­ 412 millions de lecteurs, d’après la Quatre mois plus tard, le rédac­ seul à en porter et tout le monde ciation de défense des droits de dollars d’ici à la fin de l’année »,
nancier du grand groupe de dernière enquête annuelle Indian teur en chef regarde dans le rétro­ m’a regardé avec de grands yeux l’homme Rights and Risk Analysis pronostique l’Indian Newspaper
presse de Chennai, The Hindu, et Readership Survey, dont 59,3 mil­ viseur. Il prétend avoir commen­ ronds », raconte­t­il. Group (RRAG), basée à Delhi, « pas Society, association d’éditeurs.
monte ensuite à Delhi pour re­ lions pour les deux titres, Hindus­ cé à s’inquiéter dès les premiers moins de 55 journalistes » ont été Sukumar Ranganathan, lui,
joindre Business Today. tan Times et Hindustan. jours de 2020. « Le monde com­ GARDER LE CAP ou arrêtés ou inquiétés par une garde son cap. « Je suis juste réa­
En 2006, il est recruté par le C’est le 18 mars que la direction mençait à peine à parler du coro­ Si la liberté d’expression est un enquête policière, ou agressés liste. Je pense que si des millions
groupe Hindustan Times Media éditoriale de l’Hindustan Times a navirus mais dans nos réunions in­ exercice de plus en plus difficile physiquement, ou menacés de d’Indiens mouraient du Covid et
Limited pour participer au lance­ donné carte blanche à Sukumar ternes, on sentait que quelque en Inde, où plusieurs journalistes mort, « en raison de la manière qu’on les brûlait en secret, on ver­
ment du quotidien économique Ranganathan pour lancer une sé­ chose d’inédit allait se passer. Les ont été abattus dans la rue ces der­ dont ils ont couvert l’épidémie » au rait circuler des vidéos sur Inter­
Mint, dont il sera rédacteur en rie commentée sur la pandémie. rédacteurs spécialisés dans la san­ niers mois, le chroniqueur jure printemps. net », dit­il. Le 24 juillet, il a pris à
chef de 2008 à 2018, tout en com­ Ce jour­là, le géant d’Asie du Sud té, les sciences et la politique di­ qu’il ne reçoit aucune pression « En près de dix­huit ans de repor­ revers les oiseaux de malheur :
mençant à livrer ses premières ne comptait que 169 contaminés saient déjà : attention ! » En fé­ lorsqu’il prend la plume. « Tant tages dans le domaine de la santé, « Le taux de positivité des tests est
chroniques au fleuron de la mai­ et 3 morts du Covid­19. Mais le vrier, alors que les premiers cas que je ne diffame pas et que je je n’ai jamais rien vu de tel. Je me en hausse (11,7 % contre 3 % début
son, le vénérable Hindustan Ti­ journaliste de 51 ans entendait à fonde mon raisonnement sur des fais traiter de traîtresse, d’ennemie mai), mais contrairement à ce que
mes. Fondé en 1924, le quotidien l’oreille une petite musique lanci­ données avérées, il n’y a aucun de la nation, et sur les réseaux so­ cela pourrait suggérer de prime
conservateur est le plus populaire nante qui lui murmurait un mot : problème », assure­t­il. ciaux, des gens réclament mon ar­ abord, c’est une bonne nouvelle.
d’entre tous à Delhi, grâce à son « vigilance ». « J’étais parti quel­
« Ceux qui sont Le 16 juin, il n’hésite pas à dé­ restation », raconte Vidya Krish­ Comme les lecteurs réguliers de
édition anglophone. Grâce aussi à ques jours en voyage à la frontière aujourd’hui au noncer « l’inadéquation des in­ nan, journaliste free­lance, qui si­ cette chronique le savent, le taux
son édition en hindi, le dénommé chinoise, dans l’Arunachal Pra­ frastructures » hospitalières et « le gne notamment dans The Cara­ de positivité augmente avec le
Hindustan (« le pays des hin­ desh, loin du brouhaha de la capi­
pouvoir veulent sous­investissement » de l’Etat van, un mensuel réputé d’une nombre de tests réalisés jusqu’à at­
dous », nom que les nationalistes tale qui, à l’époque, évoquait le gagner la bataille dans le système de santé. Dix totale impartialité. « Ceux qui sont teindre un palier, pour finalement
au pouvoir préfèrent à « Inde »). coronavirus comme un truc de jours plus tard, bien que le gou­ aujourd’hui au pouvoir veulent commencer à décliner. »
D’après l’Audit Bureau of Circula­ l’étranger qui ne l’atteindrait pas.
de l’opinion, vernement Modi s’enferre dans le gagner la bataille de l’opinion, pas De l’art de positiver quand l’ho­
tions (ABC), association profes­ Mais quand je suis revenu, ce pas la bataille déni de la récession prédite par le la bataille scientifique », estime rizon s’assombrit… Sauf que
sionnelle des éditeurs de presse, 18 mars, j’ai découvert une ville en FMI, il écrit que l’Inde « va revenir Naresh Fernandes, fondateur du Sukumar Ranganathan n’est pas
les deux titres tiraient, avant l’arri­ panique, comme si d’un coup, la
scientifique » une décennie en arrière ». site d’information Scroll. dupe. Passionné de science­fic­
vée du nouveau coronavirus, à res­ population réalisait qu’une vague NARESH FERNANDES Le 4 juillet, il se moque ouverte­ Narendra Modi n’a jamais tion, il avoue d’ailleurs être « un
pectivement 1,1 million et 2,2 mil­ gigantesque allait bientôt défer­ fondateur du site ment de l’Indian Council of Medi­ donné aucune conférence de expert de la fin du monde ». 
lions d’exemplaires. Des scores ler. » Il n’a pas eu de mal à convain­ d’information « Scroll » cal Research, l’organe de recense­ presse depuis qu’il dirige le pays guillaume delacroix
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CULTURE
0123
16 | SAMEDI 1ER AOÛT 2020

F E S T I VA L

Salzbourg résiste 
au Covid­19
Le célèbre festival autrichien de musique classique, opéra
et théâtre ouvre le 1er août dans une configuration réduite

REPORTAGE ner », affirme Markus Hinterhäu­


ser, directeur artistique depuis « NOUS AVIONS PRÉVU 
n’est pas la même entre son pu­
blic sage et discipliné et les
salzbourg (autriche) ­
envoyé spécial
2017 du festival créé en 1920. Il re­ 240 000 PLACES SUR  fêtards des stations de ski.
çoit sur une terrasse aérée qui Pour sauver le festival, il a en

S
ur la place de la cathé­ surplombe la ville, avec trois ta­ SIX SEMAINES, NOUS  effet fallu faire de la place. Con­
drale de Salzbourg se bles de distance et le masque ré­ formément aux réglemen­
déroule quelque chose de glementaire. Les règles sanitaires SOMMES PASSÉS  tations du gouvernement autri­
baroque, en ce mois de sont drastiques pour les salariés chien, la jauge sera limitée à
juillet. Une scène et des tribunes comme lui en contact avec le
À 76 000 SUR QUATRE » 1 000 personnes, y compris
sont en cours d’installation. Des « groupe rouge », celui regrou­ LUKAS CREPAZ dans le grand palais des festi­
techniciens s’affairent pour mon­ pant les artistes se produisant directeur administratif vals, qui peut en accueillir jus­
ter les décors. Des artistes répè­ sur scène, qui pourront jouer et financier du festival qu’à 2 300. Tickets nominatifs,
tent. Evénement de musique clas­ sans masque et sans règle de dis­ placement des groupes en da­
sique, d’opéra et de théâtre parmi tance mais qu’il est impossible de mier pour garantir des distan­
les plus renommés de la planète, rencontrer. « Nous avons un sys­ tard, de la situation. Depuis, ces, pas d’entracte ni de buffet
le festival autrichien se prépare tème hyperstrict », avertit­il, en l’image de l’Autriche comme des­ pour éviter les mouvements de
pour son ouverture, samedi espérant que cela suffise à éviter tination de vacances « sûre » est foule… Toute la vie sociale qui
1er août, faisant de la célèbre des contaminations qui pour­ abîmée, même si, en fait, le pays accompagne ce festival parmi
« Festspiele » un des rares événe­ raient ruiner la réputation de sa a jusqu’ici compté nettement les plus chers et les plus chics
ments culturels d’Europe à sur­ manifestation. moins de contaminations par ha­ d’Europe, auquel on accourt en
vivre au nouveau coronavirus, Un traumatisme est dans tous bitant que les pays d’Europe de robe de soirée et en costume tra­
même si c’est sous un format for­ les esprits : celui de la station de l’Ouest. « A Ischgl, on est les uns ditionnel dans un délicat entre­
tement réduit par rapport à ce qui ski d’Ischgl, dans le Tyrol voisin, sur les autres. Ici, nous avons pris soi, en est affectée. « Mais ce sera
était initialement prévu pour cé­ où des milliers de touristes venus des mesures pour limiter le risque aussi joli », glisse Markus Hin­
lébrer son centenaire. de toute l’Europe se sont conta­ de contamination », assure Lukas terhäuser, en vantant un retour
« En ce moment, le monde entier minés cet hiver dans les bars et Crepaz, le directeur administratif à la dimension purement artis­
regarde Salzbourg, le monde en­ boîtes de nuit, avant que les auto­ et financier du festival, en insis­ tique du festival.
tier veut savoir si cela va fonction­ rités se rendent compte, trop tant sur le fait que l’ambiance Ces règles sanitaires ont été
présentées par le gouvernement
fin mai, juste à temps pour main­
tenir l’événement, même s’il dé­
marre avec une semaine de re­
tard sur le planning initial. « Elles

0123
sont un peu plus élastiques en
Autriche que dans d’autres pays »,
convient M. Hinterhäuser. Mal­
gré des salles à moitié vides, il
HORS-SÉRIE JEUX promet ainsi qu’on « n’aura pas
l’impression d’un no man’s land ».
Pas question non plus de Plexi­
glas entre les musiciens ou les PROGRAMME d’une façon artistiquement très in­
telligente, argue Markus Hinte­

LE TOUR DE L’ARGOT chanteurs, et ceux­ci pourront se


mouvoir librement sur scène.
Opéras
rhäuser pour couper court aux
éventuelles critiques. Mozart le
premier aurait pu prévoir une telle

EN 80 JEUX
Salles à moitié vides Elektra, de Richard Strauss. adaptation s’il avait dû affronter la
La programmation a toutefois Franz Welser-Möst (direction), même situation. Et nous avons
été fortement revue à la baisse. Krzysztof Warlikowski (mise en réussi à faire tout cela à un tempo
Si la pièce Jedermann, d’Hugo scène). Les 1er, 6, 10, 16, 21 et fantastique, alors que, d’habitude,
von Hofmannsthal, jouée cha­ 24 août. Felsenreitschule. la production d’un opéra dure trois
que année depuis 1920, a été Cosi fan tutte, de Mozart (ver- ans. » La programmation théâ­
maintenue en plein air devant sion écourtée). Joana Mallwitz trale a également été fortement
la cathédrale comme le veut la (direction), Christof Loy (mise réduite, mais celle des concerts
tradition, la plupart des dix opé­ en scène). Les 2, 5, 9, 12, 15 et classiques a mieux résisté.
ras prévus pour le centenaire 18 août. Grosses Festpielhaus.
ont été repoussés à 2021, en rai­ Récitals lyriques Au-delà de l’argent, une identité
son à la fois de leur durée et du Soirées « Canto lirico » avec Privées des cars de touristes asiati­
coût de leur production, diffi­ orchestre : Sonya Yoncheva ques qui déferlent sur la ville de
cile à rentabiliser avec des jau­ (14 août), Anna Netrebko naissance de Mozart, les rues de
ges à 50 %. « Nous avions prévu et Yusif Eyvazov (25 août), Salzbourg attendent avec impa­
240 000 places sur six semaines, Cecilia Bartoli (deux tience les festivaliers et leur pou­
nous sommes passés à 76 000 concerts le 27 août). voir d’achat mirobolant. La ville
sur quatre, rappelle Lukas Cre­ « Liederabende » avec piano : compte 14 000 lits d’hôtellerie
paz. D’habitude, la billetterie Matthias Goerne (18 août), pour 150 000 habitants. Et les fes­
rapporte 30 millions d’euros, là Benjamin Bernheim (19 août), tivaliers n’hésitent pas à dépenser
nous allons atteindre au mieux Juan Dego Florez (26 août). en moyenne 319 euros par jour, en
8 millions. » Une coupe sévère Récitals de piano plus du prix déjà élevé des billets.
pour un festival qui s’autofi­ Grigory Sokolov (4 août), Arcadi « Dans la nature environnant Salz­
nance à 75 % et espère quand Volodos (11 août), Daniel Baren- bourg, les hôteliers marchent bien
même rester à l’équilibre. Il a boim (19 août), Martha Argerich grâce aux touristes locaux, mais,
fallu aussi, grâce à un algo­ et Renaud Capuçon (20 août), dans la ville, nous sommes seule­
rithme, reproposer les places Andreas Schiff (23 et 25 août), ment à 30 % d’occupation. Grâce
aux clients qui avaient déjà Daniil Trifonov (28 août). au festival, nous espérons atteindre
acheté les leurs. Tous les billets Cycle Beethoven les 50 % », indique Georg Imlauer,
sont remboursables pour pous­ Intégrale des 32 sonates par Igor directeur de plusieurs hôtels dans
ser les festivaliers à renoncer à Levit en huit soirées à la Haus le centre et représentant du sec­
se rendre dans les salles au für Mozart (du 1er au 21 août). teur à la chambre du commerce.
moindre symptôme. Concerts symphoniques Selon une étude du festival,
Côté opéra, seule Elektra, tragé­ Philharmonie de Vienne : sous la celui­ci rapporte 183 millions d’eu­
die en un acte de Richard Strauss, direction d’Andris Nelsons (7 et ros à la ville.
mise en scène par Krzysztof 9 août), de Riccardo Muti (14, 15 Mais, au­delà de l’argent, il y a
Warlikowski – dont la durée va­ et 16 août), de Christian Thiele- une identité. Le festival incarne
rie, selon les exécutions, d’une mann, avec la mezzo Elina Ga- cette Autriche conservatrice et
heure quarante à deux heures –, ranca (21 et 22 août), de Gustavo bourgeoise que Salzbourg symbo­
a survécu à ces coupes. Et le festi­ Dudamel, avec le pianiste lise. L’emblématique présidente
val a aussi lancé dans l’urgence, Evgeny Kissin (27 et 29 août). de la « Festspiele », Helga Rabl­Sta­
sous la régie de Christof Loy, la Philharmonie de Berlin sous dler, ancienne députée du Parti
production d’un Cosi fan tutte de la direction de Kirill Petrenko populaire autrichien (ÖVP, con­
Mozart raccourci à deux heures (29 et 30 août). servateurs), vante cette capacité
et quart sans entracte, dont la de résilience. « Nous avons pris
EN VENTE CHEZ VOTRE MARCHAND DE JOURNAUX distribution féminine fait appel
à un trio de jeunes cantatrices,
Festival de Salzbourg (Autriche).
Du 1er au 30 août. Tél. : +43-662-
tout notre temps avant de prendre
une décision, alors que d’autres dé­
Et sur www.lemonde.fr/boutique Marianne Crebassa, Elsa Dreisig 80-45-500. De 5 € à 445 €. cidaient d’annuler, trop tôt, de
et Lea Desandre. « Cela a été fait Salzburgfestival.at mon point de vue. J’aurais eu un
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0123
SAMEDI 1ER AOÛT 2020 culture | 17

Un siècle d’histoire tumultueuse


pour un centenaire en demi­teinte
Créé en 1920, au sortir du premier conflit mondial, dans la ville natale de Mozart, le célèbre
événement de musique classique est passé du symbole national à la conquête planétaire

RÉCIT jan. Présence de l’Orchestre phil­


harmonique de Berlin dès 1957, ri­ LA MORT DE KARAJAN,
Ces vingt dernières années, le
Salzburger Festspiele aura con­

A vec 222 représentations


et concerts prévus entre
le 18 juillet et le 30 août
– dont une dizaine d’opéras –, re­
groupant des artistes venus de
val de longue date des Wiener
Philharmoniker. Inauguration du
Grand Palais des festivals de
2 400 places (le « Karajanenburg »),
qui verra défiler un aréopage ta­
EN 1989, APRÈS 
QUELQUE TRENTE ANS 
DE POUVOIR ABSOLU, 
nu pas moins de cinq directeurs
sous la présidence d’Helga Rabl­
Stadler, nommée en 1995. Le
compositeur Peter Ruzicka
d’abord, qui imposera des ouvra­
80 pays dans 15 lieux de la ville, lentueux de jeunes baguettes ges de « musique dégénérée » (de
le Festival de Salzbourg avait vu (Zubin Mehta, Lorin Maazel,
APPELLERA SALZBOURG  Zemlinsky, Korngold et Schre­
grand pour son centenaire. Il de­ Claudio Abbado ou Seiji Ozawa) et À UN AUTRE DESTIN ker) et portera avec succès
vra finalement se contenter de la de metteurs en scène (Otto en 2006 le titanesque « Mozart
moitié : 110 représentations en Schenk, Giorgio Strehler ou Jean­ 22 », une intégrale des ouvrages
quatre semaines, comprenant Pierre Ponnelle). Le chef démiurge en pièces – par Hans Neuenfels. lyriques du génie salzbourgeois,
deux opéras (l’acte unique contrôle tout. Il crée un Festival de Les brouilles du directeur (avec à l’occasion des 250 ans de sa
d’Elektra, de Richard Strauss, et Pâques qu’il ouvre en 1967 par un les chefs Riccardo Muti, Nikolaus naissance. Son mandat n’y survi­
un Cosi fan tutte mozartien Ring de Wagner mis en scène par Harnoncourt, Claudio Abbado, vra pas.
écourté) et 53 concerts, soirées lui­même, défi lancé à Bayreuth et avec le tout­puissant Orchestre Lui succédera le metteur en
et matinées musicales, convo­ à son ennemi, Wieland Wagner ; philharmonique de Vienne) sont scène Jürgen Flimm (de 2007 à
quant, il est vrai, des chanteurs puis un Festival de Pentecôte légion. Mais Mortier, qui a réussi 2010), puis un intérim du pia­
aussi prestigieux qu’Anna Netre­ en 1973, qui consacre les Berliner à faire revenir Pierre Boulez, ab­ niste autrichien Markus Hin­
bko et son ténor de mari, Yusif Philharmoniker, dont l’Autrichien sent depuis trente ans, moderni­ terhäuser, l’actuel patron du fes­
Eyvasov, Sonya Yoncheva, Ceci­ a été nommé chef à vie. sera le répertoire en développant tival, interrompu en 2012 par la
lia Bartoli, Juan Diego Florez, La mort de Karajan, en 1989, ap­ la création contemporaine (Lu­ nomination de l’administrateur
Matthias Goerne. La patience pellera Salzbourg à un autre des­ ciano Berio, Kaija Saariaho, Alexander Pereira. Le directorat
sera de mise, au gré des saisons tin. Le Belge Gerard Mortier se Helmut Lachenmann), n’hési­ du metteur en scène Sven­Erich
futures, pour le Don Giovanni de battra durant dix saisons contre tant pas à produire des ouvrages Bechtolf sera plus bref encore,
Mozart, qui scellera la rencontre les héritiers du « Karajan sérail » encore jamais joués à Salzbourg avant le retour en 2017 de Markus
de Romeo Castellucci avec Teo­ et la montée d’une droite au­ – de Janacek, Schoenberg, Stra­ Hinterhäuser par la grande porte.
dor Currentzis, le Boris Godou­ trichienne xénophobe. Sur le dé­ vinsky, Messiaen, Ligeti et Chos­ Trois saisons unanimement sa­
nov de Moussorgski par Christof part en 2001, il impose une takovitch –, tandis qu’il attire les luées, avant qu’un virus venu de
Loy et Tugan Sokhiev, et surtout version ravageuse de l’emblé­ metteurs en scène Patrice Ché­ Chine ne s’avise de gâcher la fête
Intolleranza 1960, « action scéni­ matique Chauve­Souris, de Jo­ reau, Peter Sellars, Luc Bondy, Pe­ du centenaire. 
que », de Luigi Nono, mis en hann Strauss, mise en scène – et ter Stein et Klaus Michael Grüber. marie­aude roux
scène par le plasticien flamand
Jan Lauwers.
Fondé en 1920 par l’acteur et
metteur en scène Max Reinhardt,
assisté de l’écrivain Hugo von
Hofmannsthal et de Richard
Strauss, le festival veut s’em­
ployer à promouvoir cet « esprit L A FO RC E E T L’ É N E RG I E D E L A J E U N ES S E
de paix » que l’Europe dévastée
par la première guerre mondiale
appelle de ses vœux. Un siècle
peu honte envers les générations Elektra (Ausrine plus tard, Salzbourg, devenu le PREMIÈRE
de 1920 et 1945 si nous n’avions Stundyte, à droite) plus grand festival de musique
même pas eu le courage et Klytämnestra classique au monde, a transcendé
d’essayer », a­t­elle expliqué, par (Tanja Ariane les frontières. Les débuts ont été K AC E Y M OT T E T K L E I N
comparaison à ces périodes Baumgartner), modestes. Manque de moyens, de
d’après­guerre où le festival a été lors des répétitions lieux, de soutien financier et poli­ ANDREA MAGGIULLI
maintenu. d’« Elektra », de tique. Cinq ans plus tard est néan­
Les financeurs publics se sont Strauss, le 27 juillet, moins inauguré le premier « Pa­ A N A M A R I A VARTO LO M E I
engagés à apporter des subven­ à Salzbourg. lais des festivals ». Le répertoire
tions supplémentaires si l’équili­ BARBARA GINDL/AFP fait évidemment la part belle à
bre financier n’était pas atteint. Mozart et Richard Strauss, aux­
Salzbourg « peut être un pionnier, quels s’adjoignent Verdi et le
un exemple pour l’Europe, pour Fidelio de Beethoven.
voir comment maintenir des évé­ L’entre­deux­guerres a vu af­
nements culturels malgré le fluer d’Allemagne des réfugiés de U N F I L M D E C H R I STO P H E B L A N C
AVEC ANGELINA WORETH AHMED ABDEL-LAOUI YVES CAUMON PIERRE VIAL
Covid­19 », envisage Michael Hay­ la baguette – Bruno Walter, Fritz SCÉNARIO CHRISTOPHE BLANC BÉRYL PEILLARD IMAGE NOÉ BACH DÉCORS AURETTE LEROY SON ANTOINE MERCIER BÉATRICE WICK SAMUEL AÏCHOUN
MONTAGE MURIEL BRETON COSTUMES CATHERINE RIGAULT ASSISTANTE MISE EN SCÈNE BALADINE ARDANT-CONVERSI DIRECTION DE PRODUCTION PAULINE SEIGLAND RÉGIE DAMIEN BONNEFONT
bäck, directeur des services géné­ Busch – ainsi que l’Italien Arturo MUSIQUE ORIGINALE FLORENCIA DI CONCILIO PRODUCTEUR BERTRAND GORE COPRODUCTEUR XAVIER GRIN PRODUCTRICES ASSOCIÉES NATHALIE MESURET SANDRA DA FONSECA UNE PRODUCTION BLUE MONDAY PRODUCTIONS
EN COPRODUCTION AVEC P.S. PRODUCTIONS AUVERGNE-RHÔNE-ALPES CINÉMA RTS RADIO TÉLÉVISION SUISSE AVEC LA PARTICIPATION DU CENTRE NATIONAL DU CINÉMA ET DE L’IMAGE ANIMÉE
raux de la municipalité, qui af­ Toscanini, lesquels devront à nou­ RÉGION AUVERGNE-RHÔNE-ALPES ET DU CNC RÉGION PROVENCE-ALPES-CÔTE D’AZUR EN PARTENARIAT AVEC LE CNC CINÉ+ EN ASSOCIATION AVEC INDÉFILMS 7 CINEMAGE 13 CINECAP 2 LA RUCHE STUDIO
AVEC LA PARTICIPATION DE CINÉFOROM ET LE SOUTIEN DE LA LOTERIE ROMANDE AVEC LE SOUTIEN DE L’OFFICE FÉDÉRAL DE LA CULTURE (OFC) DÉVELOPPÉ AVEC LE SOUTIEN DE COFINOVA DÉVELOPPEMENT PROCIREP/ANGOA
firme cependant qu’il n’hésitera veau s’exiler alors que les favoris L’AIDE À LA RÉÉCRITURE DE LA RÉGION NORMANDIE EN PARTENARIAT AVEC LE CNC ET EN ASSOCIATION AVEC NORMANDIE IMAGES VENTES INTERNATIONALES BE FOR FILMS DISTRIBUTION REZO FILMS
pas à demander l’annulation si un du Reich (Clemens Krauss, Hans
cluster venait subitement à se for­ Knappertsbusch, Karl Böhm ou
mer. Pour l’instant, seule une em­ Wilhelm Furtwängler) accompa­
ployée a été contaminée et rapi­ gnent la nazification de l’Autriche
dement isolée. Mais le virus rôde et le triomphe de l’opérette de
dans la région : plusieurs com­ Franz Lehar, protégé du Führer.
missariats ont dû être fermés En 1945, Salzbourg se rend aux
après que des cas ont été relevés Américains (le général Clark inau­
et, dans un village très touristique gurera le festival) comme elle a
au bord d’un lac, à moins de cédé à l’Anschluss en 1938.
50 km de Salzbourg, une soixan­
taine d’autres ont été découverts Le règne de Karajan
parmi le personnel des hôtels et La fin de la guerre signe le passage
des restaurants, le week­end des éclair de Bertolt Brecht, mais c’est
25 et 26 juillet. A une semaine du Furtwängler réhabilité qui re­
début du festival.  prend les rênes du festival, évin­
jean­baptiste chastand çant son jeune rival, Herbert von
Karajan, qui devra attendre la
mort du vieux maestro. Absente
des programmes depuis la chasse
aux « Juden in der Musik » ordon­
née par Goebbels, la musique de
L’ÉCRITURE PREND VIE
Mahler revient à Salzbourg
en 1947, tandis que la ville natale

L E 5 AO Û T
de Mozart s’ouvre aux créations
de Gottfried von Einem (La Mort
de Danton), puis de Carl Orff (Anti­ AU C I N É M A
gonae, 1949). La décennie sui­
vante se grisera d’œuvres nouvel­
les – de Rolf Liebermann, Werner
Egk et Frank Martin.
©BLUE MONDAY PRODUCTIONS

L’année 1956 sera marquée


d’une pierre blanche, avec le bi­
centenaire de la naissance de Mo­
zart et le début du règne de Kara­
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18 | télévision 0123
SAMEDI 1ER AOÛT 2020

New York, 1970 : dans les coulisses de la lutte antimafia VOTRE


SOIRÉE
TÉLÉ
Sur Netflix, « Fear City » raconte les techniques employées par la justice et le FBI pour faire tomber les « cinq familles »

NETFLIX teurs de Fear City pour raconter


À LA DEMANDE cette histoire de chats et de souris. SA M E D I   1 ER   AOÛ T
SÉRIE DOCUMENTAIRE Les moyens déployés dans Fear
City sont conséquents : aux ima­ TF1

L
e week­end du grand ges léchées s’ajoutent de nom­ 21.05 Qui veut gagner
chassé­croisé estival breuses archives audio (notam­ des millions ?
n’est certes pas le plus ment les écoutes en question, par­ Jeu présenté par Camille Combal.
propice à la détente télé­ fois étonnantes) et surtout des té­ 22.55 Qui veut gagner
visuelle, mais, si la chaleur moignages forts – anciens des millions ?
pousse à rester à l’intérieur et à policiers et agents du FBI (dont La suite, avec Camille Combal
allumer le poste, il y a fort à parier quelques femmes, joli effort), aux et ses invités.
qu’il faille naviguer sur les plates­ premières loges –, voire impaya­
formes de VOD pour trouver Image bles, comme ces repentis dont France 2
quelque chose à se mettre sous la issue de certains sortent tout droit d’un 21.10 Fort Boyard
dent. Ce quelque chose pourrait de « Fear film de Scorsese. Jeu présenté par Olivier Minne.
tout à fait être une des dernières City : Cela donne un documentaire 23.25 Fort Boyard :
créations originales Netflix, Fear New York bien mené et agréable à regarder, toujours plus fort !
City : New York contre la Mafia, sé­ contre la mais qui aligne les considéra­ Jeu présenté par Olivier Minne.
rie documentaire en trois épiso­ Mafia ». tions techniques, manque de
des – ce qui la rend particulière­ NETFLIX mise en contexte, se borne à France 3
ment digeste, et ce n’est pas si fré­ montrer sans enquêter, et semble 21.05 Commissaire Magellan
quent de nos jours – consacrée à parfois avoir laissé de côté le plus Série. Avec Jacques Spiesser, Selma
l’apogée puis au déclin de la intéressant. Comme, par exem­ Kouchy, Vanessa Demouy (Fr., 2017).
Mafia new­yorkaise, du début des ple, les liens de Donald Trump, 22.35 Commissaire Magellan
années 1970 aux années 1980. qui fit fortune dans l’immobilier, Série. Avec Jacques Spiesser, Manuel
Les passionnés d’histoire améri­ avec la Mafia, brièvement évo­ Gélin, Marie De Stefano (Fr., 2010).
caine le savent, cette période est qués. Si l’on est peu familier du
caractérisée par une violence faire tomber suffisamment de tê­ sont celles de tous les excès : gros­ souvent à la difficulté de réunir sujet, il est probable que l’on en Canal+
hors de contrôle dans de nom­ tes pour que le pouvoir des « cinq ses voitures, soirées alcoolisées, des preuves contre les suspects. sorte avec l’impression de ne 21.05 Freaks
breuses métropoles du pays, familles » recule dans la ville. poudre à volonté. En face, des flics Il faudra que la justice et la police pas avoir appris grand­chose de Film de Zach Lipovsky et Adam B.
combinant émeutes raciales, ex­ désabusés : « Si on avait du bol, on s’adaptent à l’ennemi pour lancer plus que les techniques du FBI Stein. Avec Emile Hirsch, Lexy Kolker,
plosion de la délinquance urbaine S’adapter à l’ennemi mettait une ou deux personnes en des opérations d’envergure : pour poser un micro dans une Bruce Dern (EU, 2018, 104 min).
et crime organisé. New York en est Syndicats, bâtiment, petit ou gros prison par an », admet l’un d’entre parmi les techniques développées voiture. Vu le potentiel du sujet, 22.47 La Malédiction
l’épicentre. Cette « jungle », dans commerce, rien ne semble à l’épo­ eux. L’arsenal législatif com­ à l’époque, celle des écoutes, qui c’est fort dommage.  de la dame blanche
laquelle une poignée de familles que échapper aux tentacules des mence tout juste à intégrer la lutte s’avérera décisive et permettra à audrey fournier Film de Michael Chaves. Avec Linda
aux noms italiens fait la loi, sert Gambino, Lucchese, et autres contre ce type de crime : le Racke­ de nombreuses enquêtes de dé­ Cardellini, Roman Christou, Jaynee-
de décor à Fear City, qui raconte Bonanno. Lucratif, le business de teer Influenced and Corrupt Orga­ boucher sur des poursuites. C’est Fear City : New York contre Lynne Kinchen (EU, 2019, 90 min).
comment la police et le FBI sont l’extorsion permet aux parrains de nizations Act (ou « RICO »), pro­ l’angle, tout à fait intéressant au la Mafia, de Sam Hobkinson
parvenus, dans les années 1980, à mener grand train. Ces années­là mulgué en 1970, se heurte encore demeurant, choisi par les réalisa­ (Etats­Unis, 2020, 3 × 45­55 min). France 5
20.50 Echappées belles
Un été en Algérie
Magazine présenté par
Raphaël de Casabianca.

La naissance par le capitalisme de trois « villes­monde » 22.25 Nuit magique, la grande


soirée aux Chorégies d’Orange
Opéra. Avec Roberto Alagna, Jonas
Frédéric Wilner raconte, dans une série en quatre volets, le développement d’Amsterdam, de Londres et de New York Kaufmann, Cecilia Bartoli.

Arte
20.50 Trois villes
ARTE des luttes commerciales, financiè­ étant jugée trop longue, des négo­ En 1655, sous l’impulsion de Lord du monde, la révolution in­ à la conquête du monde
SAMEDI 1ER - 20 H 50 res et économiques nées entre ces ciations s’opèrent à Amsterdam, Cromwell, le retour en Angleterre dustrielle bat son plein. Les pre­ Amsterdam, Londres, New York
DOCUMENTAIRE cités il y a quatre cents ans. dans ce qui a été la première des juifs, chassés en 1290, relance mières compagnies de chemin de Documentaire de Frédéric Wilner
Au début du XVIIe siècle, le Bourse aux actions de l’histoire. l’activité bancaire à Londres. Une fer y installent leurs terminus. (Fr., 2020, 110 min).

O ù l’on apprend que les


édits d’exclusion de
l’Eglise catholique ont
« inventé » le capitalisme, que la
station debout dans les pubs per­
Portugal contrôle le commerce
des épices avec l’Asie. Les Provin­
ces­Unies des Pays­Bas contestent
ce monopole. Créée en 1602, la
Compagnie hollandaise des Indes
A la même époque, Londres est
un centre marchand en plein
développement. Dans un pub, le
marin britannique Henry Hud­
son aurait scellé son entrée au
décennie plus tard, La Nouvelle­
Amsterdam, future New York,
cède sous la pression anglaise. Peu
après, la capitale britannique subit
un terrible incendie et démontre
Pour les relier, un anneau ferro­
viaire souterrain sera construit : le
métro est né… Malgré des lon­
gueurs, les quatre volets de cette
série documentaire truculente ra­
22.40 Istanbul tremble : la
prévention du risque sismique
Documentaire de Kristina Karasu
(All., 2020, 55 min).

met de glaner des informations, orientales (VOC, en néerlandais) sein de la VOC. Echouant à joindre sa capacité de résilience. Ce drame content formidablement bien la M6
ou que l’ascenseur a été le com­ choisit une voie singulière pour se l’Asie en passant par le nord­est, il relancera sa forme urbaine et sa naissance des « villes­monde ».  21.05 Brice 3
plice de l’élévation urbaine. Réali­ développer : ouvrir son capital. Les fait cap vers l’ouest, touche les cô­ manière de faire du « business ». jean­jacques larrochelle Film de James Huth. Avec Jean
sée par Frédéric Wilner, la série do­ premiers actionnaires sont des tes américaines et s’engouffre Entre 1810 et 1860, New York Dujardin (Fr., 2015, 95 min).
cumentaire Amsterdam, Londres, migrants fuyant les guerres de re­ dans un fleuve qui portera son multiplie par huit sa population, Trois villes à la conquête 22.55 Brice de Nice
New York : trois villes à la conquête ligion d’Espagne. La durée d’im­ nom : l’Hudson. New York va pou­ qui atteint 800 000 habitants. A du monde, de Frédéric Wilner Film de James Huth. Avec Jean
du monde déroule la chronologie mobilisation de ces opérations voir entrer dans la danse. Londres, alors ville la plus peuplée (Fr., 2017, 4 × 55 min). Dujardin (Fr., 2005, 100 min).

0123 est édité par la Société éditrice


HORIZONTALEMENT du « Monde » SA. Durée de la société :
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SUDOKU 99 ans à compter du 15 décembre 2000.
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GRILLE N° 20 - 178 II. Fétide et officinale dans les prés. N°20­178 Actionnaire principal : Le Monde Libre (SCS).
PAR PHILIPPE DUPUIS César fut Maréchal de France. III. Met 3 9 6 4 1 7 2 5 8 Rédaction 67-69, avenue Pierre-Mendès-France,
la confiance à mal. Soutient pendant 5 2 4 9 8 6 1 3 7 75013 Paris. Tél. : 01-57-28-20-00
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0123
SAMEDI 1ER AOÛT 2020
styles | 19

Nicolas et Gilles Vérot, au comptoir Vérot des Galeries Lafayette Champs­Elysées, à Paris. CASPAR MISKIN

La charcuterie à la mode Vérot


La pâtisserie a Pierre Hermé ; côté charcuterie,
le héraut, c’est Gilles Vérot. A la tête de cinq
GASTRONOMIE enseignes avec sa femme, Catherine, et son fils,
gue. Celui que les Vérot ont sorti
en 2019 en collaboration avec la chef

D
ans cette collection prin­ Céline Pham, le « banh­mi en croûte »
temps­été 2020, la ten­ Nicolas, il propose des « collections » qui (croisement d’un pâté en croûte et
dance est aux couleurs d’un sandwich vietnamien), avait fait
chaudes. Il y a du fuchsia respectent le rythme des saisons et s’inspirent un carton. Même les magazines gla­
tirant sur le prune, des enchevêtre­ mour avaient parlé de cette incroya­
ments ocre et orange, une touche de des saveurs d’ailleurs, comme ses rillettes thaïes ble poitrine de cochon caramélisée
grenat. Comme toujours, la structure accompagnée de coriandre, de sauces
des créations est nette, d’une préci­ mêlant citronnelle, kaffir, curry et gingembre soja et nuoc­mam et enfermée dans
sion implacable, allégée par des jeux une pâte brisée.
de transparences. Non, on ne parle « Les Vérot cochent toutes les cases :
pas de mode, mais de charcuterie par­ ils sont capables de saisir l’air du
ticulièrement délicate : celle de la puis deux années, Gilles lui apprend la cuisinière vietnamienne Betty dans des hôtels chics où Daniel Bou­ temps et d’incarner le savoir­faire, la
maison Vérot. le métier de charcutier. Capdeville qui lui apprend à travailler lud est chargé de la restauration, à tradition, la qualité, une histoire typi­
La « maison Vérot » désigne Gilles et Quand ils parlent, chacun analyse le cochon sans sel. Cette rencontre lui Londres, Toronto ou Boston. « C’était quement française », résume Julien
Catherine Vérot, ainsi que leur fils Ni­ avec bienveillance les propos de a inspiré les rillettes thaïes, un classi­ une petite révolution, la première fois Pham, frère de Céline et consultant
colas, à la tête de cinq enseignes à Pa­ l’autre, se fend d’un compliment dis­ que de sa carte estivale : la volaille y qu’on a pu faire embaucher des char­ en gastronomie. Car si les Vérot ont
ris. Avant eux, il y a eu d’autres Vérot cret mais efficace. Ensemble, ils devi­ est fouettée par la citronnelle, les cutiers dans des palaces, analyse rendu la charcuterie cool, ils n’ont pas
charcutiers : les grands­parents de sent avec clairvoyance sur leurs ef­ feuilles de kaffir, le curry et le gin­ Gilles Vérot. On pourrait ériger une pour autant renoncé aux classiques,
Gilles tenaient une boutique à Saint­ forts combinés pour moderniser la gembre. Moins exotique, et tout aussi statue à la gloire de Daniel Boulud ni transigé sur la qualité, comme le
Etienne ouverte en 1930, reprise par discipline. « L’arrivée de Nicolas inattendue, sa terrine à la poulette de tant il nous a aidés. » suggère leur titre de vice­champion
leur fils devenu Meilleur Ouvrier de en 2018 a changé beaucoup de cho­ sa collection printemps­été 2020 est Avec un peu de retard, la hype finit du monde (en 2011) pour leur pâté en
France. La particularité du trio Gilles­ ses », estime Gilles Vérot. agrémentée d’oignons nouveaux et par gagner l’Hexagone à la fin des croûte au foie gras et volaille.
Catherine­Nicolas, c’est qu’il ne se Avant que son fils n’entre en scène, de betterave qui donnent une belle années 2010, au moment où les Vé­ Toujours indépendants, sans in­
contente pas de produire de la co­ les bases du changement avaient été couleur violette et un goût naturelle­ rot ouvrent de nouveaux points de vestisseurs malgré leur soixantaine
chonnaille de qualité, il a aussi décidé posées. Dès son ouverture, en 1997, la ment sucré. vente stratégiques, aux très touristi­ de salariés, ils sont restés fidèles à
de la rhabiller. première boutique parisienne, instal­ ques Galeries Lafayette Haussmann, leurs petits producteurs français tels
La transformation de l’image d’un lée dans le quartier Montparnasse, se Boutique en ligne en 2016, puis dans le Marais – quin­ que Laurent Guglielmi, éleveur de
métier passe souvent par un artisan. constitue une base de fidèles, essen­ La proximité de Gilles Vérot avec les tessence du branché –, en 2018. Cette cochons installé dans le Perche avec
En pâtisserie, la révolution a eu lieu tiellement des gens du quartier, plu­ cuisiniers lui a permis de faire une même année, Nicolas Vérot rejoint qui ils collaborent depuis dix­huit
dans les années 2000, grâce à Pierre tôt âgés, qui apprécient son fromage rencontre décisive, celle d’un chef l’entreprise familiale en tant qu’ap­ ans. Ils ont aussi commencé à retirer
Hermé, dont les macarons pop ont de tête élu champion de France ou français qui a conquis l’Amérique, prenti chef d’entreprise. « Après de les nitrites de leur charcuterie dès
apporté un vent de fantaisie dans une son offre traiteur pour les repas du Daniel Boulud. En 2005, celui­ci belles études, il fallait lui faire une 2015, ont fait évoluer leurs emballa­
discipline fossilisée. Chez les bou­ quotidien (bouchées à la reine, céleri échafaude un projet de bar à vins qui place à la hauteur de son expé­ ges pour éliminer le plastique. « On
chers, les années 2010 ont été déter­ rémoulade…). Gilles Vérot connaît ses ferait découvrir les joies de la co­ rience », explique Gilles Vérot avec ne se rend pas forcément compte que
minantes, lorsque Hugo Desnoyer et classiques, mais ne se limite pas aux chonnaille aux New­Yorkais. Il cher­ une pointe de fierté dans la voix. n’importe quelle pièce dans la vitrine
Yves­Marie Le Bourdonnec se sont recettes gravées dans le marbre, cen­ che un jeune charcutier moderne, « Mon rôle, c’est de penser la maison nous demande au moins une demi­
distingués par le choix de races dé­ trées sur le cochon et le gras. capable de communiquer, de s’ex­ Vérot de demain et soumettre mes journée de travail hors cuisson, de­
laissées et la maturation de la viande. Inspiré par des chefs comme porter. Philippe Legendre, alors chef idées au grand patron », précise le fils vise Nicolas Vérot. Si on fait tous ces
La charcuterie, plus difficile à gla­ William Ledeuil, qui marie avec fi­ du George V, lui présente Gilles Vé­ en souriant à son père. efforts sur l’image, c’est pour mettre
mouriser avec sa panoplie d’an­ nesse les saveurs asiatiques et fran­ rot. « Je suis tombé amoureux du per­ Nicolas Vérot ne manque pas en valeur ce travail titanesque et
douilles, de boudins et de pâtés, a un çaises, il adapte son offre au rythme sonnage », s’enthousiasme Daniel d’idées pour rajeunir l’image de la montrer comme le savoir­faire char­
peu tardé à faire sa mue. des saisons et va chercher l’inspira­ Boulud, louant « sa curiosité, son en­ maison. Le studio créatif Blackadder cutier est vaste. »
« Quand j’étais ado, c’était une pro­ tion ailleurs – par exemple auprès de vie de faire plaisir ». leur crée une identité visuelle colo­ Depuis un an et demi, les Vérot re­
fession qui était mal perçue par 99 % Les deux hommes font affaire, et, rée, développe la boutique en ligne et çoivent beaucoup de CV : « Les candi­
des gens », se rappelle Nicolas Vérot. en 2008, le Bar Boulud, sur Broadway, institutionnalise le mot « collection » dats attendent pour entrer chez nous,
« Je n’ai jamais eu honte de mon mé­ propose une large sélection de créa­ pour désigner les cartes saisonnières. alors qu’il y a quatre ans je peinais à
tier. Mais je pense qu’on a parfois
On doit tions signées Vérot. « Personne n’a La contribution du fils n’est pas que recruter », explique Gilles Vérot. Dans
l’image que l’on mérite », précise à Nicolas Vérot oublié le buffet de l’inauguration. cosmétique, il participe à l’élabora­ les cuisines du Kremlin­Bicêtre, on
Gilles Vérot. On rencontre le père et Long de 10 mètres, il rassemblait une tion de la carte, qu’il veut plus légère croise désormais des cuisiniers che­
le fils dans leur atelier du Kremlin­Bi­
la terrine trentaine de sortes de pâtés, terrines, et moins carnassière. Cette saison, on vronnés venus se former à l’art du co­
cêtre, dans le Val­de­Marne, une pe­ 100 % végétale, saucisses, boudins, jambons, garnitu­ lui doit la terrine 100 % végétale, dans chon à l’instar de Tamaki Kobayashi,
tite bâtisse discrète et sans charme. res chaudes ou froides… Les New­Yor­ laquelle une gelée au miel assemble ancienne seconde d’Anne­Sophie Pic
Catherine Vérot n’est pas là, elle reste
dans laquelle une kais n’avaient jamais vu ça. Gilles est une mosaïque de carottes, courget­ et de Pierre Gagnaire, ou de Jeremy
fidèle à son poste, celui de gérante gelée au miel devenu une coqueluche », se souvient tes, poivrons, tomates et aubergines, Riou, ex­chef exécutif de Cyril Lignac.
des boutiques. Daniel Boulud. incrustées de noix de cajou grillées et C’est un fait : les jeunes apprécient la
Gilles (54 ans) et Nicolas Vérot
assemble carottes, En 2009, le tandem se reforme au caramélisées. Une charcuterie végé­ maison Vérot. Sans doute plus encore
(27 ans) se complètent : le père a l’ex­ courgettes, DBGB, dans le quartier de Soho, où tarienne, ça fait quand même tout que les anciens. « Ma génération ne
périence de la cuisine, où il a l’habi­ Gilles Vérot imagine un tour du drôle… « Manger moins de viande fait m’a peut­être pas très bien compris,
tude de passer quatorze heures par
poivrons, tomates, monde en saucisses (thaïe, vien­ partie des préoccupations actuelles. suppose Gilles Vérot. Récemment, à
jour depuis qu’il a commencé son ap­ aubergines noise, américaine, la morteau, la tou­ Il faut coller à son époque », estime Ni­ une réunion de famille, on m’a de­
prentissage à 17 ans ; le fils a voyagé, louse, la provençale, la bourgui­ colas Vérot. mandé : “Mais qu’est­ce que tu es allé
étudié le droit, est diplômé d’une
et noix de cajou gnonne…). Les années suivantes, la Et l’époque a l’air d’approuver. Sur faire du pâté à New York ?” » 
école de commerce (l’EM Lyon). De­ caramélisées collaboration fructueuse se poursuit Instagram, le pâté en croûte est en vo­ elvire von bardeleben
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20 | décryptage
L’été en séries 0123
SAMEDI 1ER AOÛT 2020

C
e dimanche 20 juillet 1969, Ga­
brielle Russier pousse le por­
tail d’une vieille bâtisse de bri­
ques rouges, La Recouvrance, à
Boulin, près de Tarbes. La
jeune professeure de français a
quitté Marseille en train pour rejoindre ce
centre psychothérapeutique installé au pied
des Pyrénées. Dans quelques heures, trois
hommes vont marcher sur la Lune.
Alors que le monde entier a les yeux rivés
sur la mission d’Apollo 11, elle tourne et re­ téger de la tempête familiale et judiciaire que
tourne dans sa tête les événements des der­ leur histoire d’amour a suscitée.
nières semaines. L’épreuve du procès, le Pendant ce temps, à Saint­Germain­de­Cal­
10 juillet, où sa relation amoureuse avec un berte, dans la ferme des Cévennes qui leur
de ses élèves de 17 ans a été livrée en pâture tient lieu de résidence secondaire, les parents
aux débats d’un tribunal. L’incompréhen­ de Christian reçoivent, comme chaque été,
sion à la lecture des mots sévères du juge­ leurs amis. Des intellectuels, des collègues
ment qui, le lendemain, l’a condamnée pour universitaires, des militants, qui, comme
« enlèvement et détournement de mineur ». eux, sont plus ou moins en rupture avec la li­
Le lâche soulagement face à la peine pronon­ gne orthodoxe du Parti communiste. De l’af­
cée – un an d’emprisonnement avec sursis – faire Russier, Marguerite Rossi ne dit mot.
qui devait lui permettre de bénéficier de Son époux, Mario, est plus disert, plus visi­
l’amnistie présidentielle. Puis, quelques heu­ blement affecté, surtout par l’incompréhen­
res plus tard, l’abattement, la terreur même, sion qu’il sent autour de lui. Auprès de l’édu­
en découvrant que le procureur avait fait ap­ cateur Jo Ross, qui lui fait part de sa gêne et es­
pel de la décision et que tout était à recom­ time qu’ils sont allés trop loin en poursuivant
mencer. Après les parents de Christian Rossi, la professeure devant la justice, Mario Rossi
à l’origine de la plainte, « c’est maintenant les tente de se justifier. C’était son « devoir de
représentants de la société qui m’en veulent », père de protéger [son] fils », lui dit­il.

La condamnée
confie­t­elle à un ami. « Il n’y a plus d’avenir », A la fin du mois d’août, Gabrielle reprend la
écrit­elle à un autre. plume pour annoncer à ses proches qu’elle
va rentrer à Marseille. Sa tante Suzanne, la
UN ROMAN DE STENDHAL OU DE BALZAC sœur de son père, lui a promis de la rejoindre
Dans ce coin de campagne pluvieux, tout ce le 4 septembre pour l’accompagner jusqu’à
qu’elle a voulu fuir ne tarde pas à la rattraper. la date du procès et préparer la rentrée sco­
Sa fidèle femme de ménage, Josephina, réex­ laire des jumeaux. Avec son ex­mari, Ga­
pédie à La Recouvrance les courriers qui s’en­ brielle organise leur retour de colonie de va­
tassent dans sa boîte aux lettres. Des lettres
L’AFFAIRE GABRIELLE RUSSIER, L’AMOUR HORS LA LOI 5 | 6 cances. « Je suis contente pour Valérie qui m’a
d’inconnus, pour la plupart émus par cette
affaire qu’ils ont découverte dans les jour­
A l’été 1969, la jeune enseignante est marquée par l’écho médiatique donné envoyé une très bonne lettre. Je vais essayer de
faire bonne figure, même si je ne les prends
naux. Certains ont lu ce court billet signé de
Jean­Marie Rouart, publié le 17 juillet à la
à sa relation amoureuse avec l’un de ses élèves du lycée Nord de Marseille. pas tout de suite avec moi, afin qu’ils ne soient
pas trop “choqués”. J’ai l’air d’un macchabée
« une » du Figaro : « Cela commence avec un
soupçon de mélancolie comme un roman de
Ses lettres trahissent un mal-être grandissant ambulant », écrit­elle. Dans ce dernier cour­
rier envoyé de La Recouvrance le 29 août, elle
Stendhal ou de Balzac. Une femme mûre aime remercie surtout Michel du soutien qu’il lui
un jeune homme. Elle a 30 ans. Du temps de apporte. « Tout ce que tu me dis est bien et rai­
Balzac, elle ne pourrait plus prétendre à sonnable et encourageant. Je t’embrasse, en te
grand­chose. Aujourd’hui, l’âge l’a à peine ef­ disant à bientôt, et en souhaitant que tout
fleurée. Elle est professeur de lettres. Pour un faut la réduire, la démythifier. Ne parler de rien, du boulot. Je ne dramatise pas, c’est la situation ceci s’apaise et que tu n’aies pas eu tort d’avoir
collégien rêveur, c’est la Sanseverina. (…) Un être calme. Ne pas tomber dans le piège que qui est dramatique. Ici, je compte les timbres, je confiance en moi. »
jour, c’est le mois de mai, tout le monde est tous me tendent en voulant m’aider : les idées vis avec rien… au milieu de gens fortunés. » Le samedi 30 août, Gabrielle prend le train
ivre. L’univers raisonnable n’est plus qu’un de gauche, la philo, la psychanalyse, les idées de Au mois d’août, ses proches s’étonnent de pour Marseille. Elle a eu le temps de glisser
souvenir. Ils lancent ce dernier pavé sur le droite, le divorce, etc. », écrit­elle à son ex­mari, ne plus recevoir de nouvelles. Submergée un message à son ancienne élève Claudette :
monde des adultes. Ils s’aiment, il n’a que Michel Nogues, fin juillet 1969. Pour l’heure, par les soucis, Gabrielle a craqué et a avalé « Je voudrais voir le métèque [le surnom
17 ans. (…) Est­ce le nouveau roman de Chris­ elle est surtout préoccupée par ses jumeaux des barbituriques. A l’hôpital de Tarbes où qu’elle donne à Christian]. Il me semble que
tiane Rochefort, la version hollywoodienne de de 10 ans. A Valérie, elle n’a rien dit de ce qui elle a été transférée, les médecins ont décidé c’est ma dernière chance de m’en sortir. » Mais
Phèdre ou de Chatterton ? Non. C’est simple­ lui arrivait. Joël, lui, sait. « Je ne sais pas com­ de la plonger pendant neuf jours dans une elle n’a pas indiqué son heure d’arrivée et
ment une histoire vraie. Il n’y manque que la ment ce gosse réussit à être si fort. J’ai peur qu’il cure de sommeil. Lorsqu’elle retrouve enfin personne ne l’attend à sa descente sur le
fin. Dans un livre, l’auteur l’eût faite différente. ne craque », confie­elle à Michel. sa chambre à La Recouvrance, le psychiatre quai, gare Saint­Charles.
“Jugée à huis clos par le tribunal de Marseille, Les difficultés matérielles ajoutent à son « JE VOUDRAIS VOIR  se veut rassurant. Elle va reprendre des forces Gabrielle rentre chez elle, fait quelques
Madame X. a été condamnée à un an avec sur­ tourment. Juste avant de quitter Marseille, d’ici au procès en appel, le pire est derrière courses, n’ouvre pas sa valise. Le dimanche
sis.” La vie ne sait pas terminer les histoires elle a appris, par un courrier du 15 juillet signé LE MÉTÈQUE elle, lui dit­il. Gabrielle s’accroche à cet es­ après­midi, Claudette vient sonner à sa
en beauté. » du recteur Claude Franck, que l’éducation na­ poir. L’audience ne devrait pas se tenir avant porte. En sortant de l’ascenseur, elle sourit à
D’autres lecteurs ont frémi à la lecture de ce tionale exigeait d’elle le remboursement des [LE SURNOM QUE  le 15 septembre. la vue du croquis de chat que Christian avait
long article signé François Caviglioli et publié deux mois de traitement perçus pendant son tracé un jour sur le mur avec ces mots « Ga­
dans Le Nouvel Observateur, le 21 juillet. « La séjour en détention. Au rendez­vous qu’elle
GABRIELLE DONNE LETTRES DE CHRISTIAN tito » (« le chaton »), le surnom qu’ils don­
méchanceté humaine n’a pas de province, n’est lui a demandé, il a opposé en quatre lignes À CHRISTIAN]. IL ME  Son père, l’avocat parisien René Russier, a naient à Gabrielle. Claudette se réjouit de
d’aucun parti, qui pousse partout, chez les uni­ glaciales une fin de non­recevoir. « Il n’y a plus demandé à son célèbre confrère Albert Naud l’inviter le lendemain soir chez ses parents.
versitaires éclairés comme chez les concierges de moralité en France, il faut que cette affaire SEMBLE QUE C’EST  d’assurer sa défense devant la cour d’appel. Elle ne sait pas encore si elle va lui dire que la
affamées de scandale », écrit le journaliste en serve d’exemple », avait glissé ce même recteur Et puis, il y a les lettres de Christian qui lui même invitation a été transmise à Christian
s’en prenant au père de Christian Rossi, « cet à l’oreille du procureur général Marcel Caleb, MA DERNIÈRE CHANCE  font du bien. Pour gagner trois sous, il tra­ ou si elle lui réserve la surprise. Au onzième
universitaire qui avait campé, en état d’insur­ en le croisant aux cérémonies du 14­Juillet, à DE M’EN SORTIR » vaille dans une entreprise de nettoyage de étage de la résidence Nord, personne ne ré­
rection, dans les murs sur lesquels on lisait : Aix­en­Provence. Neuf jours plus tard, Ga­ 4 heures du matin à 4 heures de l’après­midi. pond. Claudette repart, déçue ; elle reviendra
“Plus je fais l’amour, plus je fais la révolution”. brielle écrit à son amie et collègue du lycée GABRIELLE RUSSIER En fin de journée, il rejoint souvent la profes­ le lendemain, se dit­elle.
Mais la révolution sexuelle s’arrête à la porte Nord, Gilberte : « J’essaie de me reposer mais je message glissé seure du lycée Nord Christiane Beulaygues. Ce même dimanche 31 août, Michel Rios,
du domicile familial. Pas un enfant ne doit vis dans l’angoisse : plus de traitement très à son ex-élève Claudette, Epouse sans enfants d’un homme d’affaires étudiant en première année à la fac de phar­
manquer à l’appel, autour de la soupière qui bientôt, peu d’économies, il faudra que je li­ le 30 août 1969 aisé, celle­ci a longtemps soutenu Gabrielle macie de Marseille­La Timone, pousse la
fume sous la suspension. » quide l’appartement, que je me fasse héberger avant de prendre ses distances, irritée par porte vitrée du hall de la résidence Nord où il
Gabrielle redoute cette soudaine publicité. quelque part, que je mette les gosses à l’assis­ son obstination amoureuse. Mais elle veille habite depuis quelques mois avec ses pa­
« Mon histoire fait gamberger tout le monde. Il tance, que je me soigne en attendant de trouver sur le grand adolescent qu’elle voudrait pro­ rents. Il est 19 h 30, il se dépêche car son père
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0123
SAMEDI 1ER AOÛT 2020

L’été en séries décryptage | 21

Un corbillard roule vers Paris. A l’arrière de


la Lancia de leur père, Joël et Valérie regar­
dent en silence s’éloigner les collines du
Midi. Leurs cartables sont dans le coffre. Le
matin du vendredi 5 septembre, le pasteur
Michel Viot prend la parole devant la petite
assemblée réunie au cimetière du Père­La­
chaise. Il a choisi de lire les versets 18 à 21 du
chapitre XXIX du prophète Esaïe.
« En ce jour­là, les sourds entendront les pa­
roles du Livre ; et délivrés de l’obscurité et des
ténèbres, les yeux des aveugles verront. (…) Le
violent ne sera plus, le moqueur aura fini et
tous ceux qui veillaient pour l’iniquité seront
exterminés, ceux qui condamnaient les
autres en Justice, tendaient des pièges à qui
défendait sa cause à la porte (…) » « Gabrielle
Russier n’a pas attendu, poursuit le pasteur.
Elle n’a pas pu ou pas su attendre. Ainsi la jus­
tice quand elle devient inique se transforme
en instrument de torture. Qu’elle soit fraudu­
leuse ou, ce qui était le cas pour Gabrielle Rus­
sier, inhumaine, la justice peut détruire un
être. Et il est des condamnations qui, pour pa­
raître légères à certains, n’en sont pas moins
des condamnations à mort. Que ceux qui ont
traîné leur prochain en justice y pensent.
Quant au représentant du ministère public
qui avait fait appel a minima, nous pouvons
lui répondre, nous qui sommes ici ce matin,
que Dieu a rejeté son appel. Dieu n’a pas voulu
laisser Gabrielle Russier dans vos mains, ju­
ges humains ! Face à Dieu, vous avez perdu
votre procès ! »

« FAMILLE ROSSI-RUSSIER »
La porte de la petite chapelle de pierre au
n° 127, dans la 26e division du cimetière du Pè­
re­Lachaise, non loin des tombes de Molière
et de La Fontaine, se referme sur le cercueil. La
lointaine parente qui avait fait de René Rus­
sier, le père de Gabrielle, l’héritier de cette
concession perpétuelle, s’appelait Rossi. Au
fronton de la chapelle, leurs deux noms sont
gravés : « Famille Rossi­Russier. »
Ce même 5 septembre, Christian Rossi écrit
à ses parents pour se protéger et les rassurer.
« Je suis bien arrivé à Paris. Lundi, je suis allé
voir Hair [la comédie musicale adaptée par
Jacques Lanzmann au Théâtre de la porte
Saint­Martin]. Finissez bien votre séjour sans
vous inquiéter. A bientôt. Bises. »
Le 11 septembre 1969, au onzième étage de
la résidence Nord, les scellés ont été brisés.
Un homme que Michel Rios ne connaît pas
est en train de dévisser la plaque au nom de
Russier apposée sur la porte. En apercevant
A gauche : « L’amour le jeune voisin, il retourne dans l’apparte­
interdit », article ment et en ressort avec quelques jouets d’en­
lui a suffisamment répété qu’il ne devait pas l’orienter vers sa chambre. « On aurait dit publié dans « Ici seul au moment de la revoir morte », lui dit­il. fants. « Je vous les donne, je ne veux pas les
se contenter de mettre les pieds sous la table qu’elle dormait », dit Collette à son fils Michel. Paris » (8­14 juillet Au pied de son HLM, dans les quartiers Nord prendre », lui dit­il. C’est Michel Nogues, l’ex­
et le dîner familial se tient, comme chaque Au jeune homme décomposé qui ne se par­ 1969). Au centre : de Marseille où Christian Rossi est venu la re­ époux de Gabrielle, le père des jumeaux, ve­
soir, à 20 heures précises. Une femme lui donne pas de ne pas avoir réagi, dès le matin, le procureur trouver, Françoise, la si timide et fragile Fran­ nu vider l’appartement.
tourne le dos devant les boîtes aux lettres, quand il a perçu l’étrange sifflement chez la Marcel Caleb, çoise qui aime tant Gabrielle, reste pétrifiée, A l’intérieur, un huissier dresse un procès­
elle semble plongée dans la lecture d’un voisine, le pompier répond : « Rassurez­vous. en 1965. Ci­dessus, sans un mot, sans une larme. « Sors de ta tor­ verbal. « Il a été trouvé et prisé les meubles et
courrier. Lorsqu’elle rejoint l’ascenseur, il re­ C’était déjà trop tard. Elle est probablement dé­ de haut en bas et peur et assieds­toi à table », lui lance son père objets suivants : dans une pièce à usage de
connaît sa voisine de palier, Gabrielle Rus­ cédée vers 4 ou 5 heures du matin. » de gauche à droite : à son retour. salle de séjour, un secrétaire, 60 francs, dans le­
sier. Le jeune homme de 19 ans, qui en paraît En garant son Solex au pied de la résidence, dernière lettre de Dans son chalet des Alpes­de­Haute­Pro­ dit secrétaire, quatre billets de 100 francs, une
16, baisse les yeux, gêné. Comme tout le Claudette, son ancienne élève, découvre un Gabrielle adressée vence, à Montclar, Yves Bosc, médecin et ami coupure de dix mille lires, une bibliothèque à
monde dans la résidence, il sait que la pro­ inquiétant va­et­vient de pompiers et de poli­ à son ex­mari, de Gabrielle, pleure et serre dans ses bras sa trois éléments, 200 francs, une table basse cé­
fesseure a été condamnée pour « détourne­ ciers. Là­haut, au onzième étage, la porte de Michel Nogues, fille Martine, une des fidèles de la bande de ramique, 60 francs, un divan, 30 francs, un
ment de mineur. » Les onze étages lui sem­ l’appartement de Gabrielle est grande avant de quitter seconde C. fauteuil en skaï, 50 francs, un lot de bibelots,
blent interminables, il s’efface pour la laisser ouverte, un agent lui bloque le passage. la clinique Aux Pennes­Mirabeau, Geneviève, celle 5 francs, un électrophone, 300 francs, un lot de
sortir en premier sans lui adresser un mot. « Vous la connaissez ? de La Recouvrance, que Gabrielle surnommait Electre, aide son disques, 100 francs, une caméra Bell & Howell,
– Oui. (Hautes­Pyrénées), père à poser des tuiles sur le toit. La radio 150 francs, un transistor Grundig, 180 francs,
« ON AURAIT DIT QU’ELLE DORMAIT » – Elle s’est suicidée. » le 29 août 1969 ; page est branchée à fond sur Radio Monte­Carlo. une machine à écrire, 200 francs, un lot de cou­
Le lendemain matin, vers 10 heures, Michel Il lui demande sa carte d’identité, note son du « Méridional », La phrase surgit au milieu du flot d’infor­ verts en métal argenté, 180 francs. »
Rios va rejoindre un de ses amis de la rési­ nom et la prie de se présenter dès le lende­ le 4 septembre 1969, mations : « A Marseille, la professeure con­ La liste se poursuit : quelques chaises, un
dence au huitième étage. En franchissant les main au commissariat de son quartier. pour annoncer damnée pour détournement de mineur s’est pouf, un coffre en bois, une banquette en ro­
portes battantes qui relient les deux parties Claudette est chez elle, entourée de ses pa­ la mort de Gabrielle ; suicidée. » tin, un légumier Christofle, un service de ta­
de la tour, il entend un bruit de sifflement in­ rents, quand un coup de sonnette lui an­ la tour de la ble incomplet, un autre de verres incomplet
habituel, pense à une canalisation d’eau. nonce l’arrivée de Christian. Elle le fait asseoir résidence Nord, « TRAGIQUE ÉPILOGUE » lui aussi, un service à café et un à thé ; un tran­
Lorsqu’il reprend le même chemin pour ren­ sur le canapé, prend ses mains dans les sien­ à Marseille (à Ces mots saisissent Max au même instant sat et une table pliante sur le balcon ; un lot de
trer chez lui en début d’après­midi, le siffle­ nes et balbutie : « Chris, Gabrielle… elle est gauche), où habitait dans la cuisine de ses parents, à l’Estaque. Le vaisselle, des torchons usagés, une table, un
ment est toujours là, Michel prévient sa morte. » Le jeune homme s’enfuit aussitôt de Gabrielle Russier. plus jeune du cercle des intimes de Gabrielle tabouret et une chaise en formica dans la cui­
mère. L’un et l’autre perçoivent une odeur de l’appartement. Claudette le suit dans la rue. ICI-PARIS - HENRY-ELY AIX - refuse de croire à ce qu’il vient d’entendre. Il sine ; deux petits lits, des pupitres d’enfant en
gaz. Plus ils s’approchent de la porte de leur Une Austin Cooper est garée quelques mètres LE MÉRIDIONAL - COLLECTION grimpe en courant la colline jusqu’à la rési­ bois blanc ; un lit double, une malle en osier,
voisine, plus cette odeur devient forte. Col­ plus loin. Christian s’y engouffre, la profes­ PRIVÉE - PHILIPPE PIRON dence Nord, emprunte l’ascenseur. Au on­ une commode quatre tiroirs, une lampe de
lette Rios envoie son fils appeler les pompiers seure Christiane Beulaygues est au volant. Il zième étage, un policier monte la garde, des chevet, deux descentes de lit. Une paire de
depuis la cabine téléphonique installée dans fonce chez ses parents dans le quartier Saint­ scellés ont été apposés sur la porte. skis, une montre gousset, une alliance en or.
la petite galerie commerciale au pied de la ré­ Julien, ouvre la boîte aux lettres. Rien, Ga­ A Sartène, en Corse, l’universitaire Ray­ Et dans toutes les pièces, des livres, des lots de
sidence et lui demande de foncer ensuite pré­ brielle ne lui a rien laissé. mond Jean hèle le vendeur de journaux qui livres. Le tout est estimé à 5 219 francs.
venir le gardien, logé dans la tour voisine. « Gabrielle est morte », « Gabrielle s’est suici­ passe devant son hôtel en proposant Le Pro­ Dans le garage, un voile de poussière recou­
Les deux hommes remontent ensemble. dée », « Gabrielle a ouvert le gaz ». Partout, les vençal. L’ancien mentor de Gabrielle à la fa­ vre les autocollants de marguerites dont Ga­
Collette Rios retient le bras du gardien à l’ins­ mots s’envolent et frappent. A Saint­Ger­ culté de lettres d’Aix­en­Provence s’allume brielle avait décoré sa Dyane rouge en
tant où il s’apprête à appuyer sur la sonnette main­de­Calberte, dans les Cévennes, l’un des une cigarette, déploie le journal, le titre lui mai 1968, et le « Fatte l’amore non la guerra »
de l’appartement. Quelques minutes plus rares habitants du village à avoir le téléphone saute à la figure : « Tragique épilogue d’un im­ qu’elle avait rapporté de son échappée en Ita­
tard, les pompiers, descendus par une court jusqu’à la bergerie des Rossi pour leur possible roman d’amour. » lie avec Christian. Sur le procès­verbal de
échelle depuis le douzième étage, brisent la transmettre un numéro à rappeler d’urgence. En Haute­Savoie, le juge Bernard Palan­ l’huissier, le véhicule « de marque Citroën
porte­fenêtre du balcon pour pénétrer chez Quand il revient de chez son voisin, le père de que, qui a inculpé et fait incarcérer pendant quatre portes, immatriculé 3561 DF 13 », que
la professeure. Christian, hagard, annonce la nouvelle à son sept semaines Gabrielle Russier, achève ses Gabrielle surnommait « la tortue de la li­
Deux verres sont restés sur la table du salon. épouse et à ses hôtes. Il demande à son collè­ vacances en famille. Il compose le numéro berté », est évalué à 3 700 francs.
Deux tasses sales sont posées près de l’évier gue professeur, Roger Bozzetto, de l’accom­ qu’on lui a demandé de rappeler au plus « Il a été vaqué à tout ce que dessus depuis la­
de la cuisine. Gabrielle est allongée sur son lit, pagner à Marseille, il veut voir son fils. « Je ne vite. Au bout du fil, un journaliste lui an­ dite heure de quinze jusqu’à celle de seize »,
vêtue d’une robe de chambre bleu ciel. Toutes comprends pas, je ne comprends pas. C’est un nonce la nouvelle et l’interroge sur ce qu’il note l’huissier. L’inventaire d’une vie a duré
les issues de l’appartement ont été calfeu­ immeuble qui nous tombe sur la tête », ne ces­ éprouve. Il raccroche aussitôt. Son épouse soixante minutes. 
trées à l’aide de vieux journaux et de vête­ se­t­il de répéter tout au long de la route. et ses enfants accourent auprès de lui. pascale robert­diard
ments. Elle a avalé le contenu d’une boîte de A Aix­en­Provence, Michel Nogues va aus­ « Mais pourquoi ? Mais pourquoi ? », leur et joseph beauregard
médicaments, pensé à couper l’électricité sitôt trouver Albert Roux, le fidèle ami de fac souffle­t­il. Le 1er septembre était le jour de
avant de débrancher le tuyau de gaz et de de Gabrielle. « Venez avec moi. Je n’ose pas être son anniversaire. Prochain article La mauvaise conscience
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L’été en séries
22 | décryptage 0123
SAMEDI 1ER AOÛT 2020

bangkok, chiang mai, mae sai


(thaïlande) ­ envoyé spécial

C’
est une ombre, rien
qu’un visage souriant
et un peu flou sur
de mauvaises photos.
Un quasi­fantôme
dont les polices d’une
vingtaine de pays peinent à suivre la
trace depuis dix ans : Tse Chi Lop, Cana­
dien d’origine chinoise de 55 ans, est­il le
plus puissant des parrains de la drogue
en Extrême­Orient ? Serait­ce bien lui, cet
homme au physique banal, le mystérieux
caïd qui aurait la haute main sur le trafic
de drogues de synthèse (méthamphéta­
mines), fabriquées en Birmanie, dans le
fameux Triangle d’or ?
Les clichés de lui sont rares et les avis à
son propos très divergents : certains ex­
perts voient en lui un « El Chapo » asiati­
que, en référence au célèbre « narco »
mexicain. De fait, diverses enquêtes poli­
cières et les arrestations de quelques­uns
de ses envoyés en Birmanie ont permis
de remonter quelque peu sa piste.
D’autres spécialistes estiment au con­
traire que l’importance supposée du bon­
homme est très exagérée. Pour eux, son
image aurait été enjolivée par des investi­
gateurs, fantasmant sur un personnage
presque hollywoodien.
Ecrire sur Tse Chi Lop oblige à user du
conditionnel. Son identité est si vague
que personne n’est vraiment en mesure
de dresser ne serait­ce que l’esquisse d’un
portrait­robot. Sa psychologie ? Aucune
idée précise, si ce n’est qu’il est « discret »,
comme l’a écrit l’agence de presse Reu­
ters, après des mois d’enquête sur lui, ANNE-GAËLLE AMIOT
en 2018. Discret ? On le serait à moins : son
organisation, que les limiers des « stups »

L’énigme Tse Chi Lop


australiens et américains ont appelée
« Sam Gor » – surnom supposé de Tse Chi
Lop, qui signifie « Frère numéro 3 » en
cantonais, sa langue maternelle –, aurait
rapporté en 2019 quelque 8 milliards de
dollars (7 milliards d’euros)…

TRIADES DE HONGKONG VIES DE CAÏDS 5 | 6  «


Le Monde » retrace le destin de personnages siness : sans conflits, ce dernier n’aurait
Tse Chi Lop est­il « LE » parrain de l’en­
semble du trafic en Asie du Sud­Est ? Se­ considérés comme des chefs d’o rganisations criminelles. Aujourd’hui, pas pris une telle ampleur.
Depuis le début du siècle, la « meth » a
lon Jeremy Douglas, représentant à Ban­
gkok de l’Office des Nations unies pour la
ce mystérieux Sino-Canadien qui aurait la main sur le trafic de drogues remplacé l’opium et l’héroïne. « Le busi­
ness de la méthamphétamine est devenu
drogue et le crime (ONUDC), « il n’est peut­
être pas le chef de la seule organisation
de synthèse en provenance de Birmanie si important et rentable qu’il domine, et
de loin, l’économie formelle de l’Etat
mafieuse produisant et trafiquant des Shan », a écrit dans un récent rapport Ri­
drogues synthétiques made in Myanmar chard Horsey, représentant à Rangoun
[nom actuel de la Birmanie], mais il est de l’International Crisis Group (ICG), un
certainement le chef de la plus grande soixante millions d’euros. Une autre fois, aussi « Ice », car elle peut ressembler à de passer tranquille, discrètement, de jour centre d’analyse spécialisé sur la préven­
d’entre elles ». on l’aurait vu arriver en jet privé à Ban­ la glace pilée. Elle est exportée dans les comme de nuit. Il faut vraiment que l’on tion des conflits.
Depuis Canberra (Australie), John gkok, sous la protection de kickboxeurs rues des pays riches de l’Asie­Pacifique, ait de la chance pour prendre quelqu’un la
Coyne, ancien responsable du départe­ thaïs, avant d’aller fêter en famille son Australie, Japon, Corée etc. La seconde est main dans le sac quand on patrouille. » Un « DISTRIBUTEURS TRANSNATIONAUX »
ment des renseignements de la police anniversaire dans un palace. appelée « Yaba » par les Thaïlandais, un peu en contrebas, un jeune homme pê­ Comment Tse Chi Lop ou les grands ma­
australienne – cette dernière étant à la Côté trafic, Tse Chi Lop est bien entouré. mot signifiant « la drogue des fous ». Ob­ che, les pieds enfoncés dans l’eau brune, à fieux orchestrent­ils leurs trafics dans
pointe de la traque du mafieux depuis Il serait allié aux triades de Hongkong – tenue en mélangeant une qualité infé­ mi­rivière, entre les deux pays… cette pétaudière ? On sait que les chimis­
une décennie – nuance au téléphone l’af­ les célèbres 14K, Wo Shing Wo, Sun Yee On rieure de « meth » avec de la caféine, c’est « Vous voyez cette porte grise, là­bas, tes des laboratoires sont protégés par les
firmation, tout en la confirmant : « Pour –, chargées du financement et de la logis­ de longue date un excitant bon marché près de ce grand bâtiment qui est un hôtel­ guérillas et les miliciens. Mais les finan­
moi, il ne fait aucun doute que Tse Chi Lop tique. Une vingtaine d’adjoints, mem­ pour les chauffeurs routiers, mais elle fait restaurant­casino­night­club ?, demande cements sont élevés, l’investissement
est la cheville ouvrière du trafic en Asie­ bres d’une sorte de comité exécutif que aussi des ravages parmi la jeunesse l’adjoint de l’officier, assis à l’arrière. dans un labo de fabrication de « meth »
Pacifique. Mais prenons garde à ne pas les mafieux auraient, en interne, sur­ thaïlandaise. Quand les Birmans le veulent, ils ouvrent pouvant se chiffrer à 10 millions de dol­
sombrer dans un romantisme facile : les nommé la « Compagnie », épaulent le Pour prendre la mesure du trafic, et pis­ la porte et les trafiquants peuvent traver­ lars. « Je pense que Tse Chi Lop n’a rien à
personnalités des “narcos” latino­améri­ « boss ». Quant à la hiérarchie de l’organi­ ter l’ombre de Tse Chi Lop, il faut s’aven­ ser et disparaître chez nous. » Les policiers voir directement dans la production : les
cains sont très différentes de celles de leurs sation, affirme Jeremy Douglas, elle est turer le long de la frontière entre la ricanent : « Il y a des années, Tachileik était producteurs viennent de Chine, ils embau­
confrères asiatiques. » « essentiellement composée de gens d’ori­ Thaïlande et la Birmanie. D’un côté, la un bourg frontière sous­développé. Regar­ chent des chimistes et comptent sur les
Le CV de l’insaisissable truand tient en gine cantonaise, comme Tse Chi Lop, mais ville de Mae Sai, en Thaïlande ; de l’autre, dez maintenant ces maisons, ces immeu­ milices pour leur fournir territoires et pro­
quelques lignes. Né en 1964 dans la pro­ comprend aussi d’autres Chinois, des au­delà de la rivière Saï séparant les deux bles : c’est l’argent de la drogue ! ». tections. Ils revendent ensuite la “meth”
vince de Guangdong (Canton), il a grandi Taïwanais, des Vietnamiens, des pays, celle de Tachileik, en Birmanie. Tse Chi Lop n’est sans doute jamais aux gens de Tse », nous écrit le chercheur
en Chine durant la fin de la Révolution Thaïlandais, des Birmans et des Coréens ». Nous sommes ici en plein Triangle d’or. venu ici. Interrogés à son sujet, les hom­ Ko­lin Chin, un Sino­Américain né en
culturelle. Après un temps passé chez les Et de préciser, sarcastique : « Ils ont fondé Casquette portée à la rappeur, vêtu de mes de la BPP répondent : « Jamais en­ Birmanie et spécialiste des trafics dans le
gardes rouges, il fonde sa première entre­ à eux tous un réseau d’intérêts mutuels. » noir, le jeune officier de la Border Patrol tendu parler ! » C’est plutôt depuis une Triangle d’or.
prise criminelle, le « gang du grand cer­ Police (BPP), la police des frontières grande ville de l’Asie orientale que l’inté­ A Chiang Mai, la grande ville du nord de
cle ». Il déménage ensuite à Hongkong, ZONE DE GUÉRILLAS SÉPARATISTES thaïlandaise, fait une moue désolée en ressé organise le trafic : Hongkong, Ma­ la Thaïlande, Manit Komes fait la même
puis s’envole en 1988 vers le Canada, pays Le terrain sur lequel mûrissent les fruits désignant le lacis de ruelles débouchant cao ou Taïwan. Mais c’est bien ici, et plus analyse : directeur de la « région nu­
dont il obtiendra plus tard la nationalité. de la « Compagnie » est un terreau fertile : sur la rive birmane de la Saï, très étroite à loin dans les profondeurs birmanes, que méro 5 » de l’Office of Narcotics Control
Avant de devenir un trafiquant d’héroïne en 2018, les saisies des drogues de syn­ cet endroit : « Comment voulez­vous que se situe l’amont des activités de Tse. Board (ONCB), les « stups » thaïlandais, il
de moyenne envergure entre l’Amérique thèse en provenance de l’Etat Shan de Bir­ l’on puisse empêcher le trafic de “Yaba” et Plus haut sur la frontière, où la route estime que « les grandes organisations du
du Nord, Macao et l’Asie du Sud­Est. manie avaient augmenté de 50 %, attei­ d’“Ice” ? Regardez : tout le monde peut court le long de la falaise dominant la type Sam Gor ont la haute main sur le mar­
En 1998, il est arrêté à New York pour gnant les 126 tonnes. En 2019, les quanti­ Birmanie, ce sont les soldats thaïlandais ché régional de la drogue, en tant que dis­
importation d’héroïne aux Etats­Unis. tés saisies se sont encore élevées à qui sont chargés de réprimer le com­ tributeurs transnationaux. Ils blanchis­
Procès, condamnation. Tse plaide coupa­ 119 tonnes. Simultanément, les prix de merce illicite. Ils ont installé leurs bun­ sent aussi l’argent de la “meth”, notam­
ble, mais en appelle à la clémence des ju­ ces drogues ont chuté dans la plupart des « TSE CHI LOP ? JE NE SAIS  kers sur les crêtes. Plus bas, juste de ment dans des casinos installés dans des
ges : ses vieux parents ont besoin de lui, pays disposant d’un fort potentiel de l’autre côté d’une barrière de bambou, pays frontaliers de la Chine ». Et Tse Chi
son petit frère est malade, sa femme est consommateurs. Dans son rapport 2020, PAS TROP, C’EST PEUT­ÊTRE  commence l’Etat Shan, région de toutes Lop dans tout cela ? Le directeur Manit
débordée. Il écope d’une peine de neuf l’ONUDC observe que « le marché des dro­ UN HOMME QUI PORTE  les guerres, de tous les trafics, de toutes Komes hausse les sourcils : « Tse Chi Lop ?,
ans dans un pénitencier de l’Ohio. Libéré gues synthétiques en Asie continue à les folies : une demi­douzaine de gué­ je ne sais pas trop, c’est peut­être un
en 2006, il disparaît sans laisser de traces s’étendre et se diversifier, alors que leurs PLUSIEURS NOMS, QUI  rillas séparatistes y côtoient des centai­ homme qui porte plusieurs noms, qui
– ou presque. prix ont atteint leur plus bas niveau en dix nes de milices pro­gouvernementales, sait ? » Il plisse les yeux, un brin moqueur :
Même si ses apparitions connues en ans ; et que l’offre a explosé ». SAIT ? D’AILLEURS, EXISTE­ les unes et les autres trempant à différen­ « D’ailleurs, existe­t­il seulement ?… » 
Asie sont très rares, il semble mener Essentiellement, ces drogues sont de tes profondeurs dans la drogue. Ce trafic bruno philip
grand train. Il aurait été aperçu une fois deux sortes. L’une des plus prisées, et
T­IL SEULEMENT ?… » sert notamment à financer la lutte des
dans un casino de Macao après avoir aussi l’une des plus addictives, est la MANIT KOMES insurgés. La guerre est, pour « Tse Chi Lop Prochain article « Black Devil »,
perdu en une seule nuit l’équivalent de… chrystal méthamphétamine, appelée membre des « stups » thaïlandais and co », l’une des conditions de son bu­ le pirate du détroit du Niger
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SAMEDI 1ER AOÛT 2020

L’été en séries décryptage | 23

MONDRIAN SUIT LES LIGNES PURES


DE LA THÉOSOPHIE
CRISES MYSTIQUES D’ARTISTES 5 | 6  Le peintre est passé à l’a bstraction sous l’influence du cubisme,
mais aussi de cette doctrine religieuse et philosophique qu’il a découverte dans les années 1890

V
ers 1906, Pieter Cornelis rence : je suis toujours le même, avec juste
Mondriaan, né en 1872 à un peu plus d’équilibre, si je ne me trompe.
Amersfoort (Pays­Bas), est un L’étude de la théosophie y a beaucoup fait.
assez jeune peintre néerlan­ Je dois beaucoup à cette forme de connais­
dais qui cultive le plein air sur des motifs sance : c’est vraiment un guide dans le dé­
typiques : fermes, arbres, étangs, canaux, veloppement de la conscience de soi. »
mer et moulins. A mesure qu’il découvre
ce qui s’est passé en France depuis les an­ Une géométrie sacrée
nées 1870, de Monet à son compatriote Dans un premier temps, il en témoigne
Van Gogh, il évolue vers un traitement dans des œuvres à caractère symbolique :
plus synthétique des formes par touches Dévotion (1908), qui montre une jeune
plus larges et longues et vers des couleurs fille fascinée par l’apparition d’une fleur
plus intenses. Mais, à cette date, alors que rayonnante, ou La Passiflore, de la même
Matisse et Derain sont les fauves, ce style année et sur le même thème. Ses auto­
n’a rien de révolutionnaire. portraits se concentrent sur ses yeux
En 1913, à Paris, Piet, devenu Mondrian fixes, son grand front et sa barbe : un vi­
en supprimant un a, peint le Tableau no 1 sage de visionnaire ou de prophète. Le
ou la Composition no 2, constructions de triptyque Evolution (1910­1911) est le point
surfaces d’ocres et de gris légèrement culminant de cette inspiration. Trois
bleutés ou rosés. Elles sont définies par femmes nues sont encadrées de figures
des lignes noires verticales et horizonta­ géométriques : à gauche, l’ignorance, les
les, plus rarement obliques ou courbes. yeux fermés et des triangles rouges en
Celles­ci sont tantôt continues et créent désordre ; au centre, l’illumination, les
une grille ; tantôt incomplètes, laissant la yeux grands ouverts et deux triangles
couleur fuir sur les côtés. Guillaume équilatéraux blancs apparaissant au cen­
Apollinaire y reconnaît un « cubisme très tre de globes lumineux ; à droite, l’extase,
abstrait » et précise que « Mondrian, issu les yeux fermés et les deux triangles
des cubistes, ne les imite point. Il paraît blancs au centre de deux étoiles à six
avoir avant tout subi l’influence de Pi­ branches parfaitement symétriques. Ces
casso, mais sa personnalité reste entière ». éléments relèvent d’une géométrie sa­
Contraint par la guerre de demeurer crée qu’Hélène Blavatsky théorise dans
aux Pays­Bas de 1914 à 1919, Mondrian y ses livres. Ainsi écrit­elle dans La Doctrine
peint, à partir de 1916, des compositions secrète que « la ligne spirituelle est verti­
faites de traits verticaux et horizontaux cale – la ligne matérielle différenciée hori­
noirs se coupant à angle droit et intègre à zontale ; les deux formant la croix ». Elle
sa géométrie des carrés et des rectangles, professe aussi que la verticale est le mas­
chacun d’une seule couleur pure. Apolli­ culin et l’horizontale le féminin et que
naire, mort en novembre 1918, n’a pas vu leur union crée l’équilibre et l’harmonie
combien la Composition avec des plans de – on ne commentera pas ce point.
couleur de 1917 ou la Composition dans le En fonction de ces données, on com­
carreau avec lignes grises de 1918 lui don­ ALINE BUREAU prend en quoi le cubisme permet à Mon­
naient raison : Mondrian est passé par le drian d’accéder à des formulations de
cubisme, mais pour aller ailleurs. plus en plus épurées et, donc, de plus en
moyens plastiques nouveaux – graphis­ une grande partie dans l’anthroposo­ plus universelles. Ses compositions don­
Des moyens plastiques nouveaux mes anguleux et brisés, fragmentation SES AUTOPORTRAITS phie de Rudolf Steiner (1861­1925), addi­ nent à voir bien plus que des lignes et des
Reste à comprendre comment, en une des plans, abandon des couleurs imitati­ SE CONCENTRENT SUR tionnée d’occultisme, de spiritisme et plans de couleurs : des principes, des for­
demi­douzaine d’années, un paisible ves –, Mondrian emploie ces moyens dans d’emprunts aux Rose­Croix, à l’hin­ ces, des esprits, des essences. La théoso­
paysagiste se mue en abstrait rigoureux, un autre sens qu’eux. Ni Braque ni Picasso SES YEUX FIXES, SON GRAND  douisme et au bouddhisme. phie n’explique pas tout, quoique des
au risque d’y perdre réputation et ama­ ne deviennent abstraits. Les techniques Quand Mondrian rencontre­t­il la théo­ historiens aient suggéré, par exemple,
teurs. En raison de sa découverte du cu­ des « papiers collés » qu’ils perfectionnent FRONT ET SA BARBE : sophie ? Dans les années 1890, alors que ses compositions ovales, apparues
bisme à Paris en 1912 ? L’explication est à partir de l’hiver 1912 ont l’effet inverse : qu’elle gagne en influence, aux Pays­Bas en 1913, ne seraient pas sans rapport avec
nécessaire, mais insuffisante. Nombreux réintroduire de la matière et du volume,
UN VISAGE DE VISIONNAIRE comme ailleurs. Attirance compréhensi­ les considérations théosophiques sur
alors sont les convertis au cubisme. Ils multiplier les signes du violon, de la bou­ OU DE PROPHÈTE ble : elle promet de révéler des vérités fon­ l’œuf cosmique originel. Mais le passage
peignent des natures mortes – Juan teille ou de la femme dans un fauteuil. damentales sur l’ordre du monde, tout en à l’abstraction, s’il est indissociable de la
Gris –, le paysage parisien – Robert Delau­ C’est à ce point de la réflexion que doit se tenant à distance des vieux monothéis­ révélation du cubisme, l’est autant de la
nay –, des hommes machines – Fernand intervenir une donnée d’une autre na­ l’homme sa place réelle dans le plan de mes devenus Eglises et de la rationalité conversion à la théosophie. Conversion
Léger –, un cycliste – Jean Metzinger. Les ture : l’intérêt de plus en plus appuyé de l’univers ; sauver de la dégradation des vé­ scientifique moderne, qui couperait définitive : jusqu’à la fin de sa vie, Mon­
futuristes demandent aux angles brisés Mondrian pour la théosophie. Celle­ci rités archaïques qui sont à la base de tou­ l’homme de la nature. Il y adhère en 1909, drian s’acquitte de ses cotisations à la So­
les moyens de suggérer le mouvement. est une doctrine philosophique et reli­ tes les religions ; découvrir, jusqu’à un cer­ devient membre de la section amstello­ ciété théosophique, en France d’abord,
Mais ils conservent la guitare, la tête de gieuse formulée par Helena Blavatsky tain point, l’unité fondamentale dont tou­ damoise de la Société théosophique. En puis en Grande­Bretagne. Et les volumes
l’homme, la roue du vélo et la tour Eiffel. (1831­1891). Elle en expose les principes tes ont jailli ; et finalement montrer que le juin 1910, il s’abonne au journal Eenheid de Blavatsky font partie des rares livres
Pas Mondrian : dès 1913, il ne consent dans ses ouvrages Isis dévoilée, en 1877, et côté occulte de la Nature n’a jamais été (unité), « l’hebdomadaire des mouve­ qu’il emporte à New York quand il quitte
plus à l’arbre et à la façade que d’infimes La Doctrine secrète, synthèse de la science, considéré par la Science de la civilisation ments sociaux et spirituels ». Entre­temps, l’Europe, en 1940. 
allusions, disparues dès l’année suivante. de la religion et de la philosophie, en 1888. moderne ». La Theosophical Society est en octobre 1909, il écrit à une amie, dans philippe dagen
S’il ne fait aucun doute que la peinture En deux volumes, Cosmogenèse et fondée le 17 novembre 1875 à New York une lettre : « Ainsi, tu m’as trouvé tellement
de Braque et de Picasso lui donne des Anthropogenèse, elle veut « assigner à pour répandre ses thèses. On en retrouve changé. Eh bien, c’est seulement une appa­ Prochain article Niklaus Manuel Deutsch

L’ALBUM QUI M’A FAIT AIMER… LE FORMAT K7


C’est l’un de mes tout pre­ chaleur et la précarité des pre­ ou pour égayer la route des Yee, les flûteries funk du prolifique, c’est qu’elle épou­
miers souvenirs. J’ai 4 ans et miers, déjà en fin de vie : le vacances ; les rares exemplai­ Ghanéen Oscar Sulley, les sait les fils tortueux, et sou­
quelques dents, un petit souffle des 33­tours évoquait res à notre disposition vocalises dorées de la vent pirates, de ce support.
homme vert atterrit sur la respiration d’un organisme étaient de vulgaires compila­ Colombienne Isadora. Une cassette « double du­
l’écran de la télévision, sur le point de rendre l’âme. tions (Le Top des tops, volu­ rée », en particulier, sortait du
comme débarqué de l’espace. J’aimais pareillement la froi­ mes 2, 5 et 6) achetées en Format roi en Algérie lot : Mondial 86, enregistrée
Il porte un sombrero trop deur futuriste et fonctionnelle station­service. Au fil de ces explorations, je par Khaled en l’honneur des
grand pour lui et de drôles de des CD : il suffisait de presser Du reste, la massification m’entichais du raï algérien Fennecs, l’équipe algérienne
moustaches en crocs : j’ai un bouton pour changer de du CD puis l’essor d’Internet première période, enregistré qualifiée pour la Coupe du
nommé Pique, la mascotte de morceau et défier l’espace­ ont remisé ce format ingrat avant la guerre civile, en 1991. monde mexicaine. Sur la po­
la Coupe du monde de foot­ temps. Ces soucoupes irides­ dans les placards de la tech­ Les arrangements géniaux de chette, le « James Brown
ball qui se déroule, dans la centes transportaient dans un nologie. J’ai adoré aussi le Rachid Baba Ahmed, les mélo­ oranais », coiffé d’un somp­
touffeur de l’été 1986, au univers de science­fiction, à la MP3, plus encore que le vi­ dies inouïes des « Cheb » (Kha­ tueux sombrero, semble le
« MONDIAL 86 » Mexique. Cet emblème sera fois net et inconnu. nyle et le CD : en un clic, je led, Hasni, Mami…) me fasci­ lointain sosie de Pique. S’il a
(1986) ma madeleine ; j’aime à croire Face à ces rivaux, la cassette pouvais dériver loin des naient d’autant plus que, ne sorti de meilleurs albums, nul
que ce qui gravitait autour de audio – ou en abrégé K7 – ap­ genres en vogue et creuser pipant pas un mot d’arabe, ne rouvre, avec autant de tact,
KHALED lui a façonné mon identité. paraissait comme la cin­ mes obsessions les plus ma­ leur contexte de production les tiroirs de ma mémoire :
Ainsi des albums entreposés quième roue du carrosse. Un ladives – à commencer par m’échappait royalement. Au c’est un trésor que renferme
à côté du sacro­saint télévi­ son médiocre, des pochettes celle pour la pop féminine prix d’efforts soutenus, j’ai fini cette cassette­là. 
seur. Aux pieds de Pique se graphiquement limitées, un italienne produite entre 1978 par comprendre que le format aureliano tonet
trouvaient des disques viny­ catalogue aléatoire… Nous et 1982. Sur les plates­formes, roi, dans l’Algérie des années
les à foison, et une poignée de l’utilisions pour enregistrer je découvrais avec délice la 1980, était la K7. Si la discogra­ Edition originale en cassette
Compact Discs. J’aimais la de fastidieux pots­pourris, mandopop du Malaisien Lee phie des stars du raï était aussi MCPE.
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L’été en séries
24 | décryptage 0123
SAMEDI 1ER AOÛT 2020

CÉLIA CALLOIS

LA MÈRE
CONTROVERSÉE
DU MEXIQUE
SEXE ET POUVOIR

Avant que ne débarque Hernan Cortes


(1485­1547) sur les côtes de l’actuel Mexi­
que, deux expéditions avaient échoué.
Mal préparées, mais pas seulement. Elles
s’étaient trouvées face à des populations
autochtones difficiles à manœuvrer,
dont elles connaissaient mal la langue et
la culture. A la tête de 600 hommes Le capitaine
dont les chevaux et les armes à feu frap­ Frank Furillo,
pent d’effroi les combattants adverses, interprété par
Cortes noue des contacts plus ou moins Daniel J. Travanti.
rugueux avec les chefs locaux. EVERETT/BRIDGEMAN IMAGES
En signe de conciliation, un cacique de
Tabasco offre aux conquérants une
vingtaine de jeunes esclaves, aussitôt
baptisées. L’une d’elles, fille d’un nota­
ble, maîtrise plusieurs langues et dialec­
tes. Elle s’appelle Malinalli, comme la
déesse maya de l’herbe, mais on lui a
HILL STREET BLUES, LE RÉEL
PAR EFFRACTION
donné le nom chrétien de Marina. Il
sera déformé par les Indiens (qui ne pro­
noncent par les « r ») et les Espagnols
pour donner un patronyme à cheval sur
deux langues : Malinche.

CINÉ­SÉRIES : DE LA SALLE AU SALON 5 | 6  Importée des Etats-Unis par Canal+,


La jeune fille, dont on sait seulement
qu’elle naquit autour de 1500, devient la
maîtresse de Cortes, mais aussi sa con­
seillère et son « missi dominici » auprès cette production annonce les grandes œuvres réalistes des décennies suivantes
des potentats locaux. Grâce à cette pré­
cieuse alliée, les Espagnols sauront exa­

E
cerber les conflits qui opposent les n France, avant de rencontrer accueillir moitié moins de comédiens doute l’étonnante épaisseur des princi­ tial restent connus surtout pour leur
Mayas à l’empereur aztèque Mocte­ les hommes et femmes d’Hill qu’il n’en abrite, comme un vrai poste paux personnages d’Hill Street Blues, participation à Hill Street Blues, la série
suma II. Alternant main tendue et ex­ Street, on n’avait jamais en­ de police qui a oublié de s’agrandir au les angoisses métaphysiques et catholi­ servit d’entraînement à Linda Hamil­
trême brutalité, Cortes impressionne tendu les policiers américains même rythme que la délinquance. ques du capitaine Frank Furillo (Daniel ton, Joaquin Phoenix ou Andy Garcia.
ses interlocuteurs en se posant comme s’exprimer autrement qu’avec la voix Avec ses communautés qui coexis­ J. Travanti), l’aura funèbre entourant la L’apparition de Dennis Franz en poli­
le représentant de Quetzalcoatl, le ser­ de gorge et l’élocution traînante que tent dans une tension permanente, ses figure, pourtant comique, du détective cier au bord du gouffre dopa les trois
pent à plumes de la mythologie préco­ des générations d’écoliers français gangs omniprésents, ses chômeurs et Belker (Bruce Weitz), les relations inex­ dernières saisons.
lombienne supposé revenir sur terre avaient pratiquées à la récréation en ses héroïnomanes, Hill Street souffre tricables et contradictoires qui unis­ Cette effervescence créative ne doit
sous diverses apparences – dont celle imitant les doublages d’Au nom de la des maux qui ravagent les centres­vil­ sent Hill (Michael Warren) et Renko pas faire prendre Hill Street Blues pour
d’un homme barbu au teint clair… loi ou des Incorruptibles. En 1984, lors les américains à l’orée du premier man­ (Charles Haid), duo composé d’un Afro­ une œuvre révolutionnaire. D’abord,
de son lancement, Canal+ a proposé dat de Ronald Reagan. A Hollywood, les Américain cultivé et d’un bon garçon parce que la série restait soumise aux
« Malinchismo » Hill Street Blues en version originale, studios sont en train de ravir le pouvoir juste un peu raciste qui agrémente son règles de la Federal Communications
La Malinche, évoquée avec déférence grâce à son système de multidiffusion. aux metteurs en scène pour que l’enter­ uniforme de bottes de cow­boy. Commission. Les situations osées – le
sous le nom de doña Marina, est omni­ Pour la première fois, on pouvait voir tainment reprenne tous ses droits. Il capitaine Furillo et sa compagne, l’avo­
présente dans les récits de l’époque. et entendre une série américaine telle faut un étrange alignement des astres Catégories supérieures cate Joyce Davenport, incarnée par Ve­
Dans le Lienzo de Tlaxcala, codex réalisé que ses créateurs l’avaient conçue. pour qu’un réseau national comme La première saison fut un échec en ter­ ronica Hamel, aiment à terminer leur
par une cité locale en 1552 pour s’attirer Dans le flux des innovations, souvent NBC prenne le risque de replonger, une mes d’audience. On n’avait jamais dure journée en partageant un bain
les bonnes grâces du roi d’Espagne, la importées ou imitées d’outre­Atlanti­ heure par semaine, ses spectateurs poursuivi une série réunissant aussi moussant –, qui firent beaucoup pour
Malinche figure en costume tradition­ que, que proposait la chaîne cryptée dans une réalité qu’a priori ils veulent peu de spectateurs. Mais ceux­ci appar­ remonter les audiences, sont calibrées
nel, entre Cortes et des chefs militaires naissante, Hill Street Blues est passé re­ oublier une fois passé le journal du soir. tenaient en majorité aux catégories so­ pour titiller tout en évitant la censure.
casqués. Son fils, don Martin Cortes, cé­ lativement inaperçu. L’écho du formi­ Steven Bochco a fait ses classes dans cioprofessionnelles supérieures, qui L’utilisation des incidents domesti­
lébré comme le premier métis issu de la dable accueil que, trois ans plus tôt, lui la division télévision d’Universal, écri­ plaisaient aux annonceurs. Le New ques (qu’on appelle aujourd’hui violen­
conquête, sera élevé en Castille et anobli. avaient fait d’abord la critique, puis le vant entre autres plusieurs épisodes de York Times, qui avait rarement consa­ ces conjugales) comme intermèdes co­
La Malinche divise les historiens. Pour public, aux Etats­Unis, n’était parvenu Columbo, archétype de la série policière cré tant d’espace à une série, racontait miques n’est plus supportable. Les vio­
certains, elle aurait cherché à protéger qu’assourdi. Presque clandestinement, qui oblige un héros à résoudre une af­ qu’il devenait difficile d’organiser des lences policières, les relations inter­
les Mayas face à la domination aztèque Hill Street Blues a pourtant réussi à s’in­ faire par épisode. Bochco a raconté dîners le jeudi, jour de diffusion d’Hill communautaires sont dessinées, mais
et atténué la violence des troupes espa­ sinuer dans le quotidien de centaines avoir souvent reçu des propositions de Street Blues. A ce succès d’estime s’ajou­ du point de vue d’un homme juste et
gnoles. D’autres considèrent qu’en of­ de milliers de téléspectateurs. scénarios venant de policiers qui es­ tèrent une brassée d’Emmys, puis une blanc, le capitaine Furillo, qui n’est em­
frant à Cortes de précieuses informa­ Ils trouvaient, dans la chronique de la sayaient d’imiter le modèle en vigueur, augmentation régulière de l’audience. pêché de faire son travail que par les
tions et éléments de contexte, elle a vie quotidienne d’un commissariat sans succès. « Après, on passait un mo­ Ces réussites ne préservèrent pas la dysfonctionnements d’un système
accéléré la déroute des chefs aztèques et d’une grande ville anonyme, l’écho des ment ensemble et on parlait de leurs vies série de Bochco des tribulations pro­ perfectible. La peinture des gangs qui
mayas. Après avoir mis le pays en coupe grands films policiers américains des et toutes ces histoires extraordinaires pres au format. Après cinq saisons, disputent à la police le contrôle de ce
réglée – les massacres et l’esclavage, deux décennies précédentes, mais jaillissaient », racontait Bochco au New MTM Enterprises, la société de l’actrice territoire est proche de la caricature.
mais aussi les ravages de la variole, im­ aussi des pouvoirs de fiction inédits, York Times en avril 1982, six mois après Mary Tyler Moore, qui avait produit la Enfin, Hill Street Blues est affligé d’une
portée d’Europe sur une population peu dont on s’aperçut qu’ils n’apparte­ que la première saison d’Hill Street série, remercia le créateur, qui s’en alla malédiction qui frappe souvent les in­
immunisée, ont provoqué une héca­ naient qu’aux séries. Pour la première Blues eut triomphé aux Emmys. créer d’autres séries, judiciaires (La Loi novateurs. Des figures de style, certai­
tombe –, Cortes se désintéresse de la fois, on en prenait une au sérieux. A cette aspiration au réalisme, Mi­ de Los Angeles), ou policières (New York nes situations, inventées par Bochco et
Malinche, qu’il marie à l’un de ses capi­ chael Kozoll ajoutait ses propres aspira­ Police Blues). La mort, au cours de la les siens, ont tant été répétées qu’il faut
taines. Tant pis pour lui ; son expédition Alignement des astres tions littéraires. Dans l’un des rares en­ quatrième saison, de Michael Conrad, faire un effort pour y voir autre chose
au Honduras tourne à la catastrophe. Il suffisait d’avoir vu French Connec­ tretiens qu’il a accordés, cet homme qui incarnait l’un des personnages les que des clichés. Pourtant, sans ce mé­
Aujourd’hui, la Malinche est une fi­ tion (1971) ou Serpico (1973) pour éva­ mystérieux, qui quitta la série après sa plus populaires du commissariat, le lange d’enquête, d’action et de vie quo­
gure vivace et toujours controversée, à luer la dette que Steven Bochco et Mi­ deuxième saison et le show­business sergent Phil Esterhaus (inspiré du père tidienne, sans cette volonté de se frot­
la fois traîtresse et première mère du chael Kozoll, les créateurs de la série, après avoir écrit une première version du Michael Kozoll), déséquilibra un ter au quotidien en donnant à chaque
Mexique moderne. Elle a donné nais­ avaient contractée à l’égard de William du scénario de Rambo, cite Henry Ja­ temps l’alchimie d’Hill Street Blues. personnage le temps et l’espace néces­
sance au « malinchismo », expression qui Friedkin ou Sidney Lumet. La lumière mes et Saul Bellow. On lui doit sans Dans le même temps, la série attirait saires pour exister, pas d’Urgences, pas
désigne ceux qui sont fascinés à l’excès nette, les cadres au cordeau et le mon­ une étonnante variété de talents. Après de Sur écoute, pas de Deadwood. 
par la culture étrangère. Surtout, elle tage explicatif de la télévision ont fait le départ de Kozoll, David Milch devint thomas sotinel
symbolise la condition mexicaine avec place à des caméras portées, à une pé­ le pilier de l’équipe de scénaristes. Dans
son lot de déchirements et de conflits nombre hivernale, à un brouhaha per­ DROGUE, CHÔMAGE…  le baroque de situations quotidiennes, Série de Steven Bochco et Michael
non résolus. C’est en pensant à la Malin­ manent qui oblige à tendre l’oreille dans la rhétorique de certains person­ Kozoll, avec Daniel J. Travanti,
che que les Mexicains scandent, lors des pour distinguer le bavardage de l’es­ LA SÉRIE SOUFFRE  nages, on perçoit les prémices du futur Veronica Hamel, Michael Conrad,
célébrations de l’indépendance, les 15 et sentiel. Les extérieurs ont été tournés à chef­d’œuvre de Milch, les trois saisons Michael Warren (Etats­Unis, 1981­
16 septembre : « Viva Mexico, hijos de la Chicago (au long des sept saisons, la DE TOUS LES MAUX QUI  du western Deadwood. C’est lui qui 1987, 7 saisons, 146 x 52 minutes).
chingada. » Littéralement : « Vive le ville des policiers d’Hill Street ne sera RAVAGENT LES CENTRES­ proposa au dramaturge David Mamet Indisponible en France.
Mexique, fils de la violée. »  jamais nommée), le décor du commis­ de faire ses débuts de scénariste pour
jean­michel normand sariat est crasseux, verdâtre, fait pour VILLES AMÉRICAINS un épisode. Si les acteurs du groupe ini­ Prochain article 30 Rock
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SAMEDI 1ER AOÛT 2020

L’été des idées décryptage | 25

C’
est un champ comme on
n’en voit guère, où des épis
de toutes tailles, mêlés de
coquelicots, ondulent au
vent léger de l’été normand.
Il s’agit en réalité d’une
maison de semences associative où des
variétés de blé, d’avoine, d’orge,
d’engrain ou d’épeautre, aux appella­
tions sympathiques − le Bon Cauchois, le
Blanc de Flandres, le Gros Bleu −, sont
cultivées par l’association Triticum. La
collection compte une centaine
d’espèces dont les plus anciennes datent
de 8 000 av. J.­C. et s’étend sur quatre hec­
tares, à Roncherolles­sur­le­Vivier, dans
la banlieue rouennaise (Seine­Maritime).
« C’est une collection vivante car les se­
mences évoluent en fonction du terroir et
du climat, affirme Simon Bridonneau,
qui a cofondé l’association en 2019. Ce
bien commun est menacé de disparition. »
En 2019, un rapport de l’Organisation
des Nations unies pour l’alimentation et AMÉLIE PATIN
l’agriculture (FAO) alertait en effet sur la
disparition d’une large partie de la biodi­
versité alimentaire et sur la menace
qu’elle fait peser sur « l’avenir de notre ali­
mentation, de nos moyens de subsistance,

L’AVENTURE CITOYENNE
de notre santé et de notre environne­
ment ». Selon les experts, les trois quarts terroirs et des savoir­faire. De ce fait, elles
de la diversité génétique présente dans sont interdites à la vente à des maraî­
l’agriculture ont disparu au cours du chers professionnels, même si, depuis la
XXe siècle. Un an plus tard, la crise due au loi sur la biodiversité de 2016, l’échange

DES SEMENCES PAYSANNES,


Covid­19 a accéléré la prise de des semences de gré à gré entre agricul­
conscience : la souveraineté alimentaire teurs est toléré dans le cadre de « l’en­
est une préoccupation centrale pour les traide paysanne ». Depuis le 10 juin, la
villes, dépendantes de nombreux vente de semences paysannes est aussi

« COMMUN NOURRICIER »
acteurs souvent éloignés géographique­ explicitement autorisée aux jardiniers
ment − il suffit qu’un maillon cède pour amateurs − à condition qu’ils ne fassent
que la chaîne d’approvisionnement pas de leur récolte un usage commercial.
s’arrête. « Cette dépendance vaut aussi
pour la semence, poursuit Simon Pression commerciale
Bridonneau. Le système agro­industriel Au sein du mouvement social mondial
impose aux agriculteurs comme aux de résistance à l’appropriation du vivant
jardiniers de racheter des semences LE RETOUR DES COMMUNS 5 | 6 Depuis près de vingt ans, des par l’agro­industrie, le Réseau semences
chaque année, associées aux engrais et paysannes suit une ligne de crête : d’un
pesticides nécessaires à leur culture, alors maisons des semences paysannes préservent et redonnent côté, il s’oppose à la réglementation qui
qu’ils pourraient les produire eux­mê­ interdit aux paysans, par les droits de
mes. » vie, à l’échelle locale, à ce patrimoine de la diversité cultivée propriété intellectuelle, la réutilisation
L’association normande de Simon des semences. De l’autre, il constate
Bridonneau appartient au Réseau aussi les limites de la libre circulation des
semences paysannes, créé en 2003 pour graines à l’échelle de la planète, qui con­
redonner vie à ce patrimoine vivant et duirait à ignorer la contribution des
défendre le droit des agriculteurs à communautés paysannes à la gestion de
produire et à échanger des semences. Il Semences paysannes, plantes de demain institutions de recherche. Un constat qui l’agrobiodiversité. Comme le souligne
regroupe plusieurs dizaines de « mai­ (édition Charles Léopold Mayer, 2014). a fourni, selon Elise Demeulenaere, « des Elise Demeulenaere, « l’accent est donc
sons des semences paysannes » qui s’at­ « Une variété évolue en fonction des arguments scientifiques pour contester mis sur la nécessité d’une réglementation
tachent à sélectionner et à adapter des autres variétés et espèces cultivées l’idéal industriel d’obtenir des variétés qui pérennise ces systèmes alternatifs » et
variétés à leur terroir. Depuis près de alentour, elle peut subir les aléas climati­ végétales fixes » et montré que la biodi­ favorise « l’autonomie paysanne, le déve­
vingt ans, ces maisons réalisent un tra­ ques, on peut la perdre. La partager avec PLUSIEURS MAISONS versité se nourrit des différences entre loppement local, une alimentation saine
vail minutieux et patient de collecte des ses voisins permet de la préserver en cas DES SEMENCES les terroirs et les savoir­faire paysans. et goûteuse, et le respect du vivant ».
semences anciennes, mais aussi de réap­ de besoin. » C’est pour cette raison que les membres Cette gouvernance en « commun »
propriation et de transmission des sa­ Au fil du temps, des règles sont venues PAYSANNES du réseau défendent l’idée d’une recher­ peut­elle résister à la pression commer­
voir­faire nécessaires pour les repro­ encadrer les activités du réseau : on ne che scientifique participative qui se ciale, favorisée par les crises écologique
duire, tout en les adaptant au change­ transmet pas plus d’une poignée de RÉALISENT UN pratique dans les laboratoires, mais aussi et sanitaire, alors que les variétés ancien­
ment du climat. Une démarche qui, pour
Elise Demeulenaere, socioanthropolo­
graines lors du premier échange, on doit
redonner au collectif à la première
TRAVAIL MINUTIEUX dans les champs, par la sélection à la
ferme.
nes et rustiques suscitent un intérêt
croissant ? Comment protéger ce
gue au CNRS, « relève de la notion de récolte. « Certaines variétés potagères doi­ DE COLLECTE DES Cette gouvernance citoyenne s’orga­ patrimoine nourricier et les valeurs et
“commun”, car elle repose sur trois élé­ vent être réparties entre plusieurs nise en marge du marché officiel, qui est savoir­faire qui y sont associés, sans
ments : une ressource, une communauté jardiniers afin d’éviter les croisements qui SEMENCES strictement encadré depuis le milieu du recourir soi­même à la logique d’appro­
qui la maintient et l’enrichit et des règles conduisent à perdre la variété d’origine », XXe siècle. Avec le développement de priation du vivant que l’on conteste ? La
qui encadrent l’usage du bien ». ajoute Marie Giraud, maraîchère dans la
ANCIENNES ET DE l’agriculture intensive, la sélection des question suscite de vifs débats au sein du
haute vallée de l’Orb, qui, avec son mari, a RÉAPPROPRIATION graines, traditionnellement dévolue aux mouvement depuis qu’une des maisons
Libres de droits fait le tour des villages de la région pour paysans, a été transférée à des semen­ a signé un partenariat avec les supermar­
La notion de « commun » a été définie, au sauver l’oignon doux méditerranéen de ET DE TRANSMISSION ciers professionnels : les politiques chés Carrefour. Si une charte encadre de­
début du XXIe siècle, par la politiste amé­ Terassac, « non par amour du passé mais publiques et les réglementations ont puis lors les pratiques, le réseau a finale­
ricaine Elinor Ostrom. Récompensée par parce que ces populations dynamiques DES SAVOIR-FAIRE depuis lors encouragé les agriculteurs à ment renoncé à créer un label pour
l’équivalent du prix Nobel d’économie sont plus adaptées à la culture biologi­ NÉCESSAIRES POUR abandonner les variétés de pays et la protéger son travail. « Ce serait admettre
en 2009, elle a montré, à partir d’observa­ que ». Au sein du collectif Pétanielle, sélection à la ferme. Conçues en labora­ la marchandisation des semences
tions de terrain, que des communautés dans le Tarn, orienté sur la préservation LES REPRODUIRE toire et en station expérimentale, les paysannes, estime Christophe Pouyanne,
parviennent à organiser durablement de blés locaux, le choix des variétés semences industrielles, génétiquement membre du conseil d’administration du
des « règles d’usage » sans recourir ni à cultivées est décidé chaque année par les homogènes, garantissent des rende­ réseau. La seule issue, c’est le collectif. La
l’Etat ni à la propriété privée, afin de adhérents « avec le souci de trouver un ments élevés et prévisibles mais elles notion de “commun” peut paraître faible
garantir la survie de leurs membres et la modèle économique à l’agriculteur, nécessitent souvent l’apport d’engrais et face aux forces du marché : c’est vrai que
préservation d’un réservoir de ressources explique Christophe Pouyanne, l’un des de pesticides. Parce qu’elles sont traça­ rien n’empêche quelqu’un, à l’extérieur du
pour les générations suivantes. membres. Notre projet est de redonner à bles et stables, elles peuvent en outre mouvement, d’utiliser le travail que nous
Cette notion de « commun », le Réseau ces variétés paysannes une place dans prétendre à une protection intellectuelle avons réalisé. En revanche, elle permet de
semences paysannes l’a expérimentée une économie relocalisée ». et obtenir un certificat d’obtention végé­ faire vivre l’idée que la semence est un
avant de l’explorer du point de vue Ces méthodes empiriques ont apporté, tale (COV), ce qui ouvre la voie à leur bien commun à condition d’être associée
théorique. Car l’une des particularités en 2008, la preuve de leur efficacité du homologation officielle pour la à une communauté capable de la gérer
des semences paysannes, c’est qu’on ne point de vue de la diversité génétique. commercialisation. collectivement. » « Les semences paysan­
peut les cultiver seul. « Personne ne peut Une étude réalisée sur une variété Ce n’est pas le cas des variétés rustiques nes, un commun » est d’ailleurs devenu
dire “c’est ma semence” », note Robert Ali ancienne de blé, sous la direction de la issues de la sélection paysanne : elles un slogan du réseau. 
Brac de La Perrière, ancien chercheur généticienne Isabelle Goldringer, a ainsi sont libres de droits et elles ne souscri­ claire legros
généticien, coordinateur de l’association montré une plus grande diversité dans vent pas aux critères d’homogénéité et
Biodiversité : échanges et diffusion les champs des paysans que dans les de stabilité requis pour obtenir un COV, Prochain article Les « communs
d’expériences à Montpellier et auteur de collections de ressources génétiques des car elles évoluent au gré du climat, des urbains », graines de démocratie locale
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26 | carnet 0123
SAMEDI 1ER AOÛT 2020

Colmar. Nancy. Mulhouse. Françoise, Jacqueline Sanson,

Albin Chalandon Le Carnet


Jérusalem. Francfort. Paris. Reims.
Metz. Montigny. Tel Aviv. Amiens.
Vichy. Marseille. Bâle.
son épouse,
Xavier (†),
son fils,
Claire et Emmanuel,
présidente
Et le conseil d’administration de
l’Association des amis de la
Bibliothèque nationale de France,

Ancien ministre Merci de nous adresser


vos demandes par mail
Jeff, Valérie, Lara,
Zoé, Léo, Théo, Lucas,
Guylène, Salomé,
sa fille et son gendre,
Théodore,
son petit-fils,
ont la tristesse de faire part de la
mort de
Les amis,
en précisant impérativement Les collaborateurs ont la tristesse de faire part du décès
votre numéro Et les collègues,
de
Philippe ZOUMMEROFF,
de téléphone personnel,
Claude PERRAUDIN,
votre nom et prénom, ont l’immense douleur de faire part
ESPCI 77e,
adresse postale et votre de la disparition de survenue le lundi 27 juillet
éventuelle référence survenu le 17 juillet 2020.
Jacques DREYFUSS et s’associent à la peine de sa famille.
d’abonnement.
commandeur Les familles parents,
L’équipe du Carnet de la Légion d’honneur, Colette et Jean Pellaumail, Membre actif des amis de la BnF,
reviendra vers vous commandeur leurs enfants et petits-enfants, Philippe Zoummeroff, était un
dans l’ordre national du Mérite, Phi-Van et Tam Tan-Truong, mécène engagé. Bibliophile averti, il
dans les meilleurs délais. commandeur et leur fille, a contribué par sa générosité et son
dans l’ordre des Arts et des Lettres, Jean-Michel et Élisabeth Barbier, rayonnement à l’enrichissement des
chevalier
carnet@mpublicite.fr dans l’ordre du Mérite agricole,
collections de la BnF dans plusieurs
s’associent à leur peine. domaines, et à l’organisation de
médaille d’or, plusieurs expositions.
L’incinération a eu lieu dans
AU CARNET DU «MONDE» survenue le 28 juillet 2020, au terme l’intimité familiale.
Remerciements
d’une vie bien remplie au cours de
Décès laquelle, Jacques Dreyfuss était Pierre, M Fabienne Guillot,
me

notamment vice-président du son époux, son épouse,


Liliane, conseil régional d’Alsace, président Anne et Florence,
son épouse, du comité régional du tourisme ses filles, très touchée de votre présence et
Marie-Hélène et Patrice, d’Alsace, adjoint au maire de Colmar, Geoffrey et Charles, soutien lors du décès de
ses enfants, vice-président national du Parti ses gendres,
Benjamin et Clémentine, Radical, chef d’entreprise, président Bastien, Alix, Léo et Daphné,
M. Alain GUILLOT,
ses petit-enfants, de syndicats professionnels ses petits-enfants,
Raphaël, nationaux, conseiller du commerce Sa sœur,
Sa belle-sœur et ses beaux-frères, vous adresse ses sincères
son arrière-petit-fils, extérieur de la France, président du
Sa famille, remerciements.
Les familles Rebérioux, Sheldon CLEJ et du CSJU.
En 1970. AFP
et Jaudel, Ses amis,
Ses amis, L’inhumation a eu lieu au Anniversaires de décès
ont la tristesse de faire part du décès
cimetière israélite de Colmar, le jeudi « No man is an island, entire of itself ;
ont la grande tristesse de faire part de
30 juillet. every man is a piece of the continent,
du décès de
Edith TOURNIER,

L
a part of the main. »
e visage tôt marqué par 11 JUIN 1920 Naissance Ni fleurs ni couronnes.
François AMOUDRUZ, née LHOMME, « Aucun homme n’est une île, complet
les rides, l’air un peu mu­ à Reyrieux (Ain)
ancien déporté, en soi-même ; chaque être humain est
tin, il affichait une élé­ 1967 Député des Hauts-de-Seine Jean-Yves et Serge Halimi, survenu le 27 juillet 2020, dans sa une partie du continent,
gance très recherchée. 1968-1972 Ministre de ancien président d’honneur
Emmanuel Faux, soixante-neuvième année, après une partie du tout. »
de la Fédération nationale
Ancien ministre et ancien indus­ l’équipement et du logement ses trois fils, s’être battue, avec dignité, pendant John Donne.
des déportés et internés résistants
triel, Albin Chalandon est mort, 1977-1983 PDG d’Elf Aquitaine Maud et Édouard Halimi, près de quatre ans contre la maladie
et patriotes,
jeudi 30 juillet, à l’âge de 100 ans, a 1986-1988 Ministre de la ses petits-enfants de Charcot En souvenir de
vice-président et administrateur
annoncé l’actuel garde des justice, garde des sceaux de la Fondation pour la mémoire Et toute sa famille,
Un culte d’action de grâce a été
sceaux, Eric Dupond­Moretti. 30 JUILLET 2020 Mort de la déportation, Jean-Marie BENOIST,
ont la profonde douleur d’annoncer rendu ce vendredi 31 juillet, à 10 h 30,
Fils d’un industriel, né le à l’âge de 100 ans vice-président des Amis philosophe, écrivain,
la mort de au temple de Pentemont, 106, rue de
11 juin 1920 à Reyrieux (Ain), com­ de la Fondation pour la mémoire
Grenelle, Paris 7e.
mune dont son père fut maire, il de la déportation, décédé le 1er août 1990.
commandeur Gisèle HALIMI,
étudie au lycée Condorcet, à Paris, 70 000 pavillons individuels, rapi­ Puis une cérémonie s’est tenue en
de la Légion d’honneur, avocate, écrivaine,
avant d’obtenir une licence ès let­ dement baptisés « chalandonnet­ l’église Saint-Lubin de Landes-le- Catherine, Olivier, Alexis, Fabrice,
médaillé de la Résistance, cofondatrice du mouvement
tres et un diplôme d’études spé­ tes ». L’aventure tourne au fiasco Gaulois (Loir-et-Cher), à 16 heures, Aliénor, Sylvain Benoist et Nathalie
directeur central du CIC Est « Choisir - La Cause des Femmes »,
cialisées de philosophie. et les maisons bon marché se déla­ avant l’inhumation dans le cimetière Bréaud.
à la retraite, du village.
Pendant la guerre, à la tête d’un brent rapidement. ancien juge consulaire, survenue le 28 juillet 2020, à Paris,
groupe de maquisards en forêt Il y a un an
à l’âge de quatre-vingt-treize ans.
d’Orléans, il est blessé lors d’un af­ Artisan d’une politique sécuritaire Cet avis tient lieu de faire-part.
survenu le mardi 21 juillet 2020, dans
frontement avec un régiment SS Secrétaire général adjoint de Un hommage lui sera rendu le jeudi Jacqueline LAVEAU,
sa quatre-vingt-quatorzième année. pierre-victor.tournier@wanadoo.fr
6 août, à 11 heures, au Columbarium professeur honoraire d’anglais
et participe à la libération de Pa­ l’Union des démocrates pour la
du cimetière du Père-Lachaise, 71, rue au collège de Tournan-en-Brie,
ris. Reçu, en avril 1945, à l’inspec­ République (UDR) en 1974, Albin Il a été inhumé le lundi 27 juillet,
Neuilly-sur-Seine.
tion générale des finances, il est Chalandon est un politique qui se au cimetière de Strasbourg-Robertsau. des Rondeaux, Paris 20e.
nous quittait avec sa discrétion et
chargé de mission, en 1947, dans fait l’avocat de l’« économie de Mme Philippe Zoummeroff, son courage de toujours.
les cabinets de deux présidents compétition » et dénonce les ten­ 1, place Golbery, Regrets seulement : 102, rue Saint
née Simone Mandrou,
67000 Strasbourg. Dominique, Paris 7e.
du Conseil de gauche, Léon Blum tations « interventionnistes » ou son épouse, Merci encore à Catherine et Francis
puis Paul Ramadier. De novem­ « colbertistes » du gouvernement. Frédéric et Ombline Zoummeroff, d’avoir été là.
Patrick et Chantal Bernard, (Le Monde du 30 juillet.)
bre 1947 à juin 1950, il occupe les S’il s’inquiète de la « toute­puis­ Catherine Zoummeroff,
son fils et sa belle-fille,
mêmes fonctions auprès du mi­ sance des syndicats », il plaide ses enfants, « Comment pourrais-je vous oublier
Alexandre Bernard, Dominique Schnapper,
nistre des finances René Mayer et pour une participation élargie au Nicolas, Maximilien et Colombe, puisque je n’ai pas à me souvenir
Guillaume et Gwenaëlle Bernard, présidente,
se consacre à la réorganisation de pouvoir de décision « par une re­ ses petits-enfants, de vous : vous êtes le présent
ses petits-enfants, Anne-Solène Rolland,
l’industrie aéronautique. présentation collective des tra­ Mme Janine Lefevre, qui s’accumule. »
Nolwenn, Adrien, vice-présidente,
En 1948, Albin Chalandon ad­ vailleurs participant au choix des sa belle-sœur, René Char.
ses arrière-petits-enfants, Christophe Girard, Christian et Sylvie Garreau de
hère au Rassemblement du peu­ dirigeants et à la gestion ». Dans Janine Mouton, vice-président, Loubresse, p.gimie@free.fr
ple français (RPF), où il devient dé­ un livre intitulé Les Joueurs de sa sœur, Paul Salmona, Jean-Baptiste et Marie-Noëlle Manuel,
légué général à l’action ouvrière flûte (Plon, 1977), il ferraille contre Toute la famille directeur François et Valérie Briand,
et professionnelle. L’inspecteur la gauche mais voit dans la natio­ Et ses amis, Les membres du conseil Souvenir
ses neveux et nièces
des finances, adepte de « l’écono­ nalisation une bonne « force de d’administration du musée d’art et et leurs enfants,
ont le chagrin de faire part du décès d’histoire du Judaïsme À l’Île-d’Yeu, le 1 août 1991
er
mie libérale », a le goût d’entre­ frappe » économique dans certai­
de Et le personnel du musée,
prendre. En 1952, avec Marcel Das­ nes limites et se montre favorable ont la douleur de faire part du décès
Mathieu PÉTRY,
sault, il crée la Banque commer­ à l’impôt sur le capital. de
Mme Yvonne BERNARD, ont la tristesse de faire part du décès vingt-cinq ans.
ciale de Paris, dont il sera, de 1964 PDG d’Elf Aquitaine, d’août 1977 née MOUTON,
à 1968, le PDG. Saisi par le démon à juin 1983, il réussit à sortir l’en­ de M. Philippe ZOUMMEROFF,
ancien directeur de recherche « Si j’étais Dieu, j’aurais pitié
de la politique, il mène de pair treprise au mieux du scandale des au CNRS, chevalier de la Légion d’honneur,
Claude-Gérard MARCUS, chevalier du coeur des homme. »
une carrière d’homme politique « avions renifleurs » – la société Maurice Maeterlinck.
survenu le 27 juillet 2020, dans l’ordre des Arts et des Lettres,
et d’entrepreneur. En 1955, il dé­ avait perdu beaucoup d’argent en
survenu le 24 juillet 2020,
missionne de l’inspection des fi­ explorant en vain un procédé mi­ à l’âge de quatre-vingt-dix ans.
nances. En 1958, il est trésorier de rifique visant à détecter depuis le
à l’âge de quatre-vingt-six ans. survenu le 27 juillet 2020, Communication diverse
La cérémonie religieuse sera à l’âge de quatre-vingt-dix ans,
l’Union pour la nouvelle Républi­ sol ou les airs des gisements mi­ Président du musée d’Art juif de
célébrée le mardi 4 août, à 10 h 30, en
que (UNR), puis, en 1959, secré­ néraux sans faire de forages. Face Paris, rue des Saules, Claude-Gérard La cérémonie religieuse aura lieu
la chapelle de l’Est, Paris 20e, suivie
taire général. Président, de 1960 à aux polémiques, il demande à Marcus prit une part décisive à la le mardi 4 août, à 11 heures, en
de la crémation au crématorium du
1964, d’Inno­France, société des François Mitterrand de « mettre cimetière du Père-Lachaise, Paris 20e, fondation du musée d’art et l’église Saint-Pierre de Neuilly-sur-
grandes entreprises de distribu­ fin à cette misérable querelle ». à 12 h 30. d’histoire du Judaïsme en 1988 dans Seine.
tion, il est aussi membre du Con­ Elu député du Nord en l’hôtel de Saint-Aignan, qu’il présida
seil économique et social de 1964 mars 1986, Albin Chalandon re­ Ni fleurs ni couronnes. jusqu’en 2001 et dont il était Une messe sera célébrée à son
à 1967. Ce gaulliste de raisonnable vient dans le gouvernement de président d’honneur. Indéfectible intention ultérieurement.
Envie d’être utile ? Rejoignez-nous !
obédience se fait élire député des cohabitation, là où on ne l’atten­ soutien du musée, généreux
Société éditrice du « Monde » SA donateur, il en a considérablement Laurence Engel,
Hauts­de­Seine en 1967. Réélu dait pas, comme garde des sceaux. Président du directoire, directeur de la publication Les bénévoles de SOS Amitié
en 1968 et en 1973, il joue un rôle Il avait refusé le portefeuille des Louis Dreyfus enrichi les collections. présidente de la Bibliothèque nationale
Directeur du « Monde », directeur délégué de la de France, écoutent
actif à la commission des finan­ affaires étrangères pour ne pas publication, membre du directoire Jérôme Fenoglio par téléphone et/ou par internet
Directeur de la rédaction Luc Bronner Paul Barboni, Denis Bruckmann,
ces mais il interrompra ses man­ « devenir le télégraphiste pris dans ceux qui souffrent de solitude,
Directrice déléguée à l’organisation des rédactions Jean-Noël et Isabelle Barboni, directeur général
dats pour être ministre ou rem­ une bagarre Mitterrand­Chirac ». Françoise Tovo Et toute l’équipe de direction de mal-être et peuvent avoir
Direction adjointe de la rédaction ses fils et sa belle-fille,
plir des missions temporaires. Jusqu’en mai 1988, il se fait l’arti­ Grégoire Allix, Philippe Broussard, Emmanuelle de la BnF, des pensées suicidaires.
Chevallereau, Alexis Delcambre, Benoît Hopquin, Alexandre et Raphaël Barboni,
Brièvement ministre de l’indus­ san d’une politique sécuritaire. Il
Marie-Pierre Lannelongue, Caroline Monnot, ses petits-enfants,
trie de mai à juillet 1968, Albin envisage de revoir le code de la na­ Cécile Prieur, Emmanuel Davidenkoff (Evénements) ont la tristesse de faire part du décès Nous recherchons des écoutants
Directrice éditoriale Sylvie Kauffmann
Chalandon est ministre de l’équi­ tionalité et de remettre en cause le Rédaction en chef numérique de bénévoles
ont la douleur de faire part du décès
pement et du logement de droit du sol, mais le projet est en­ Hélène Bekmezian
Rédaction en chef quotidien de sur toute la France.
juillet 1968 à juillet 1972. A ce poste, terré. Il avait épousé, en 1951, la Michel Guerrin, Christian Massol, Camille Seeuws,
L’écoute peut sauver des vies
il s’efforce de résorber le déficit princesse Salomé Murat – le cou­ Franck Nouchi (Débats et Idées) Philippe ZOUMMEROFF,
Directeur délégué aux relations avec les lecteurs Mme Madeleine PELLAT-FINET, administrateur de l’Association et enrichir la vôtre !
autoroutier du pays : grâce à des fi­ ple s’était séparé en 1970 et la prin­ Gilles van Kote née FOUSSAT, Choix des heures d’écoute,
Directeur du numérique Julien Laroche-Joubert des amis de la Bibliothèque
nancements privés, il fait passer la cesse était décédée en 2016 –, dont Chef d’édition Sabine Ledoux nationale de France, formation assurée.
construction d’autoroutes de 50 à il a eu trois enfants, et s’était rema­ Directrice du design Mélina Zerbib survenu le 24 juillet 2020,
Direction artistique du quotidien Sylvain Peirani bibliophile passionné,
500 kilomètres par an. Voulant « li­ rié, en 2016, avec la journaliste po­ Photographie Nicolas Jimenez à l’âge de quatre-vingt-huit ans. grand mécène et collectionneur. En IdF RDV sur
Infographie Delphine Papin
bérer l’urbanisme », il promeut litique Catherine Nay. Depuis Directrice des ressources humaines du groupe www.sosamitieidf.asso.fr
l’habitat individuel. A la suite d’un trente ans, il s’était retiré de la po­ Emilie Conte M. Jean-Noël Barboni, En région RDV sur
Secrétaire générale de la rédaction Christine Laget 155, rue Houdan,
concours international, il lance un litique active.  Conseil de surveillance Jean-Louis Beffa, président, Ils s’associent à la douleur de sa www.sos-amitie.com
programme de construction de michel noblecourt Sébastien Carganico, vice-président 92330 Sceaux. famille et de ses proches.
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0123
SAMEDI 1ER AOÛT 2020 0123 | 27

Benjamin Haddad, DONALD TRUMP, 


LE PRÉSIDENT 
Ben Judah
tiale. Sous l’autorité de son ministre de la sion assez grossière par rapport au princi­
DU DÉSORDRE justice et du secrétaire à la sécurité inté­ pal sujet de préoccupation de ses conci­
rieure, un poste créé après les attentats du toyens : l’épidémie de Covid­19 qui pour­

Le « Global Britain » est


11­Septembre, des forces fédérales ont été suit ses ravages aux Etats­Unis avec plus de
dépêchées sur place officiellement pour 150 000 morts. L’équipe de campagne du
protéger des bâtiments fédéraux. président sortant a d’ailleurs multiplié les
Le résultat a été spectaculaire. Au lieu de publicités politiques anxiogènes, mettant

une opportunité pour


ramener le calme, ces forces de sécurité, en scène l’Amérique livrée au chaos qui ne
peu rompues aux techniques du maintien manquerait pas de se matérialiser si l’ad­
de l’ordre, ont attisé les passions. Au point versaire démocrate du président, l’ancien

Emmanuel Macron
que leur retrait apparaît désormais comme vice­président Joe Biden, remportait l’élec­
un indispensable geste d’apaisement. tion de novembre.
Après la mort à Minneapolis (Minnesota) Ces opérations de communication ont
de George Floyd, un Afro­Américain étouffé tourné court. Des sondages convergents in­
par le genou d’un policier blanc, des pillages diquent qu’en dépit des messages promet­

Alors que les Etats­Unis se détournent


du continent européen, la relation franco­
britannique est, malgré le Brexit, plus essentielle
L a saison des campagnes électorales
est propice aux coups de menton. A la
veille des élections américaines de
mi­mandat, en novembre 2018, Donald
Trump avait déjà jugé impératif le déploie­
et des actes de vandalisme qui avaient ac­
compagné des marches pacifiques ont in­
cité Donald Trump à se présenter le 1er juin
comme le « président de la loi et de l’ordre »,
reprenant à son compte le slogan de Ri­
tant, en lettres capitales, « LAW AND OR­
DER », multipliés sur le compte Twitter pré­
sidentiel, Joe Biden est considéré par une
nette majorité de personnes interrogées
comme le candidat le mieux à même d’as­
ment de plus de 5 000 soldats sur la fron­ chard Nixon qui avait propulsé ce dernier à surer la sécurité des Américains.
que jamais sur les dossiers internationaux, tière avec le Mexique. Les Etats­Unis, assu­ la Maison Blanche en 1968, après les émeu­ Sans doute, les exhortations de Donald
relèvent le chercheur et le journaliste rait­il, étaient sous la menace de « carava­ tes provoquées par l’assassinat de Martin Trump permettent de garder mobilisée une
nes » de migrants. Le ton alarmiste adopté Luther King. Le président des Etats­Unis a base électorale déterminée à le soutenir,
par le président n’avait pas empêché la dé­ cependant aussitôt alimenté les interroga­ quel que soit le bilan d’un printemps puis

D
route du camp républicain à la Chambre des tions sur sa sincérité en faisant évacuer, d’un été de crises, sanitaire, économique et
epuis quatre ans, la rela­ durée indéterminée et une voie représentants, et Donald Trump n’avait plus manu militari, les manifestants non vio­ sociétale, qui pour l’instant est très loin
tion entre la Grande­Bre­ vers la citoyenneté. évoqué ce péril présenté comme imminent. lents qui s’étaient rassemblés à proximité d’être en sa faveur. Finalement, ces démons­
tagne et l’Union euro­ Alors que l’UE peine toujours à Deux ans plus tard, le président a tenté de de la Maison Blanche pour poser, une Bible trations de force s’apparentent à un aveu de
péenne (UE) est enveni­ définir une position commune mettre à profit les troubles qui accompa­ à la main, devant une église qui avait subi faiblesse face à une situation qu’il peine à
mée par les négociations sur Hongkong, Londres est par­ gnent des manifestations contre les violen­ des dégâts mineurs la nuit précédente. maîtriser. En apparaissant comme le prési­
interminables du Brexit, mais venu à rallier l’Australie, le Ca­ ces policières à Portland, dans l’Oregon, Le déploiement de Portland est apparu dent du désordre, Donald Trump aborde
cela ne doit pas nous empêcher nada et les Etats­Unis pour une pour afficher à nouveau une posture mar­ également comme une tentative de diver­ l’élection du 3 novembre sur la défensive. 
de réfléchir dès maintenant à ce approche conjointe. Dans la
que pourra être un futur partena­ même logique, le Royaume­Uni
riat. La France peut jouer un rôle veut renforcer le rôle de l’alliance
majeur si elle évite une vision ob­ du renseignement « Five Eyes »
solète de ce qu’est la Grande­Bre­ avec les pays anglophones. Lon­
tagne post­Brexit. Le président dres a aussi décidé de réduire à

Belinda Cannone Et si les féministes


français, Emmanuel Macron, et le zéro le rôle de Huawei dans le ré­
premier ministre britannique, seau britannique 5G, qui déver­
Boris Johnson, avaient trouvé, rouillera un partenariat plus pro­
en 2019, une convergence contre­ che avec la Maison Blanche.

se remettaient à faire de la politique ?


intuitive pour mettre fin aux in­ Cette politique étrangère ambi­
cessants reports de l’échéance du tieuse éloigne, pour l’instant, le
retrait britannique. Royaume­Uni du projet initial
Sur de nombreux dossiers in­ des brexiters, celui d’un « Singa­
ternationaux, de l’Iran au chan­ pour­sur­Tamise », misant avant
gement climatique en passant tout sur le dumping économique
par la lutte antiterroriste, ou ce­ et le moins­disant social. C’est Se réfugier dans une colère intransigeante, comme le fait le néoféminisme,
lui de la zone indo­pacifique, les une opportunité pour la France.
positions de Paris et de Londres Depuis trois ans, Emmanuel Ma­ ne sert pas à faire avancer la cause des femmes, estime la romancière
sont proches. A l’heure où les cron poursuit une politique
Etats­Unis se détournent du con­ étrangère européenne réaliste

E
tinent européen, la relation fran­ et sans tabou, passant par un dia­
co­britannique est essentielle logue exigeant avec Moscou et n 2017, à Florence, on a voulu adjoint à la Mairie de Paris, a été obligé A chaque époque sa mode idéologi­
aux deux pays, afin de pouvoir des relations constructives avec renouveler la mise en scène de de démissionner. On en est d’autant que : la nôtre se préoccupe surtout de
continuer à peser sur la scène in­ l’Amérique de Trump. Il peut Carmen. Mieux : puisque aujour­ plus satisfait que, depuis son départ, on sensibilité personnelle blessée et de la
ternationale. La Grande­Bretagne aussi permettre à l’Europe de d’hui, a déclaré le metteur en a découvert qu’il gardait des relations vertu du voisin. Elle pratique la confu­
est en effet un acteur de sécurité tourner la page avec Londres. scène, « on ne peut pas applaudir le suivies avec Gabriel Matzneff, pédo­ sion à outrance du public et du privé,
et de défense incontournable meurtre d’une femme », il a réécrit la fin phile jouissant d’une indulgence que de la morale et du droit. Mais la politi­
pour Paris, comme l’ont montré Equilibrer la relation avec Berlin de l’opéra de Bizet. le livre salutaire de Vanessa Springora, que, c’est autre chose. C’est la gestion
les accords de défense de Saint­ Le président Macron pourrait On passera (mais on pourrait s’y at­ Le Consentement (Grasset, 216 pages, des désaccords par le dialogue, contre
Malo (4 décembre 1998) et de ainsi continuer de diversifier les tarder) sur l’idée qu’à l’opéra on 18 euros), a permis de dénoncer. la tentation de la censure et du déga­
Lancaster (2 novembre 2010). partenaires et équilibrer la rela­ applaudirait des meurtres ou des Mais la politique est une question gisme. C’est la pensée complexe qui se
tion avec Berlin au niveau euro­ mariages : nous pensions jusque­là d’attitudes et de procédés. Jeudi refuse aux oppositions binaires (bien
Rôle post-Brexit de Johnson péen, voire pousser l’Allemagne à qu’on y applaudissait un spectacle. On 23 juillet, une quarantaine de person­ et mal, dominant et dominé), c’est la
Le Royaume­Uni a eu mauvaise se responsabiliser sur les ques­ passera aussi sur l’idée sous­jacente de nes, dont deux élues d’EELV, récent allié pensée rationnelle qui accepte les
presse ces dernières années, tions de défense. De son côté, Bo­ la scène comme école des bonnes d’Anne Hidalgo, ont manifesté devant idées divergentes et refuse de céder
aussi bien à cause du Brexit que ris Johnson, sans l’admettre, a be­ mœurs. Qu’a donc imaginé Leo l’Hôtel de ville avec des panneaux récla­ devant l’émotion, pour fournir plutôt
de ses carences face à la pandé­ soin de cette relation avec Paris, Muscato pour faire de Carmen une mant cette démission, sur lesquels on des outils d’analyse et de changement.
mie de Covid­19. Mais en politi­ sauf à s’enfermer dans l’impasse femme contemporaine, pour exalter la pouvait lire : « La honte » et « Mairie de Faire de la politique, en démocratie,
que étrangère, le 10 Downing d’un partenariat toujours plus puissance et la liberté dont le person­ Paris : Bienvenue à Pedoland ». c’est œuvrer pour corriger les dérives
Street a retrouvé une voix et des compliqué avec les Etats­Unis, nage est porteur et dont son meurtre « La honte », c’est ce que disait ma ou les insuffisances des institutions et
initiatives montrant ce que entre un Trump prédateur et des final semble signifier l’échec ? Hélas, il grand­mère quand, jeune fille, je por­ pour proposer des alternatives, tout en
pourrait être la vision d’un « Glo­ démocrates indifférents, voire n’a trouvé qu’à inverser les rôles : c’est tais une jupe trop courte à son goût, ou respectant le droit et les valeurs répu­
bal Britain » promue par Boris hostiles, associant le Brexit et le Carmen qui tuera son amant. que passait cette voisine à l’allure gar­ blicaines. Contre la dictature des
Johnson. Parti républicain. Alors, on en est là ? Non pas dans la çonne qui fumait dans la rue. « La rumeurs et des opinions, faire de la
Non sans ironie, c’est à propos Face à la rigidité des processus sainte colère qui fait dire non – à l’inéga­ honte » a souvent été l’invective préfé­ politique, c’est refuser de se contenter
de Hongkong, là même où le so­ de décision européens en politi­ lité, aux violences –, cette colère grosse rée des ligues de vertu. Quant à ce du rôle de victime enivrée de sa colère.
leil s’est finalement couché sur que étrangère, la reconstruction d’avenir qui propose des solutions poli­ « Bienvenue à Pedoland », sérieuse­ On connaît le biais qui fait qu’une fois
l’Empire britannique en 1997, de la relation avec Londres offre tiques à une situation injuste, mais ment : est­ce faire de la politique que un problème identifié la tolérance à son
que la Grande­Bretagne prend l’occasion de créer de nouveaux et dans la passion triste d’une colère puni­ d’accuser la Mairie de Paris d’abriter un égard faiblit, ce qui produit l’illusion
des décisions montrant ce que plus souples formats de coopéra­ tive ? J’ai lu sur les murs et entendu, ces repaire de pédophiles ? Les dirigeants qu’il est plus répandu. Tout ne va pas si
pourrait être son rôle post­ tion en fonction des enjeux. Paris derniers mois, des menaces explicites : au sommet de l’Etat ne sont pas les mal. Pensant que le féminisme est né
Brexit. pourrait avoir avantage à relancer « à votre tour d’avoir peur », recours au seuls à devoir montrer dignité et res­ avec elles, les néoféministes semblent
Loin d’être intimidé par les me­ le format E3 (Allemagne, France, « sécateur », « le poing dans la gueule »… ponsabilité dans leur action : les élus ignorer les progrès considérables, de­
naces de Pékin contre HSBC, la Royaume­Uni), éventuellement Il ne s’agirait donc que de retourner la municipaux et les citoyens aussi. puis le milieu du XXe siècle, accomplis
plus grande banque du Royau­ renforcé par le service d’action ex­ violence ? Drôle de façon de concevoir la grâce à un arsenal de lois en faveur de
me­Uni, Londres a tenu bon et a térieure de l’UE, qui joua un rôle politique – or le féminisme est un mou­ Modes idéologiques l’égalité. Certes, cela ne saurait suffire
répondu à la rupture du traité pivot dans le cadre des négocia­ vement politique. Autre affaire révélatrice : les protes­ et, après avoir conquis l’égalité formelle,
sino­britannique par l’offre auda­ tions nucléaires avec l’Iran. Quelques événements récents mon­ tations contre deux nominations de mi­ il faut changer les mentalités et les
cieuse à plus de 3 millions de ci­ Le modèle discret et efficace du trent que le militantisme néoféministe nistres, celle, très malvenue, de Gérald mœurs. C’est encore de la politique.
toyens hongkongais, détenant « Quad » pendant la guerre froide ne l’est guère. Christophe Girard, Darmanin, sous le coup d’une accusa­ L’histoire nous a appris que les épo­
eux­mêmes, ou leur famille, le (Allemagne, Etats­Unis, France, tion de viol, et celle d’Eric Dupond­Mo­ ques de ressentiment finissaient mal,
statut de « British National Over­ Royaume­Uni), noyau dur de la retti, à qui les néoféministes reprochent en général. Les attitudes compassion­
seas », de droits de résidence à coordination des politiques étran­ son point de vue sur #metoo. Ce qui si­ nelles, émotionnelles et vertueuses qui
gères française, allemande, bri­ gnifie qu’elles mettent sur le même plan caractérisent la maladie infantile du
tannique et américaine, appuyé une procédure pénale et une opinion. Je néoféminisme risquent de nous mener
sur un secrétaire tournant et des fais partie des féministes qui ont sou­ dans le mur. Retrouvons plutôt les ges­
groupes de travail, pourrait aussi tenu depuis le début le mouvement tes véritablement politiques qui nous
constituer un précédent intéres­ NOTRE ÉPOQUE #metoo. Mais contester la nomination permettront enfin de changer la donne,
Benjamin Haddad, directeur sant, cette fois entre les trois d’un ministre pour délit d’opinion ? radicalement mais sans amertume. 
de l’Initiative pour l’avenir de grands Européens. La création PRATIQUE LA La période est inquiétante. Le ressenti­
l’Europe, au think tank Atlantic d’un conseil de sécurité européen, ment généralisé conduit à l’abandon de
Council, basé à Washing- proposée initialement par Emma­
CONFUSION À la politique. Je suis frappée par le retour,
ton DC, et auteur de « Le Para- nuel Macron, s’inscrivant dans la OUTRANCE DU PUBLIC dans les bouches les plus diverses, du
dis perdu : L’Amérique de même logique mais ouvert à slogan, très seventies, « Tout est politi­
Trump et la fin des illusions d’autres partenaires, pourrait ET DU PRIVÉ, DE LA que », alors que peu d’époques le furent Belinda Cannone est maîtresse
européennes » (Grasset, 2019) ; aussi être relancée. Quelle que si peu dans la forme de leurs combats. de conférences en lettres modernes
Ben Judah, journaliste soit la formule retenue, il est MORALE ET DU DROIT. En revanche, tout est médiatique, et ces à l’université de Caen-Normandie.
franco-britannique auteur temps en tout cas de tourner la MAIS LA POLITIQUE, quelques poignées de militantes le Elle a notamment écrit « La Tentation
de « This is london » (Picador, page et de passer au « Rebuild » prouvent, qui n’ont d’existence que de Pénélope - Une nouvelle voie
2016, non traduit) (« la reconstruction »).  C’EST AUTRE CHOSE celle qui leur est assurée par les médias. pour le féminisme » (Pocket, 2019)
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Disponible en France métropolitaine, Belgique et Luxembourg.
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GOGH
DU
LE

VAN
DERNIER
MYSTÈRE
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CARTE BLANCHE À Marcel Dzama.


TOUT L’ÉTÉ, “M” INVITE LE PLASTICIEN CANADIEN À OUVRIR SES CARNETS
DE DESSINS. IL PRÉSENTE DES CARTES POSTALES SURRÉALISTES INSPIRÉES
DE SES VOYAGES AU MAROC, EN INDE ET AU MEXIQUE.

The Golden Monkey King of Marrakech, 2018.

Cour tesy the ar tist and David Zwirner

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Le sommaire

LA SEMAINE LE MAGAZINE
9 
Du Bataclan aux Abruzzes, 16 C’est peut-être un détail 19 Aux racines de l’ultime 32 À Hydra, le banquet élevé
les péripéties d’un Banksy pour vous Van Gogh. Une récente au rang d’art. En juin,
en Italie. Sur une plage de la province découverte a permis de le milliardaire grec Dakis
chinoise du Shandong. lever le voile sur le lieu où Joannou a pour habitude
12 Qui est vraiment ? le maître néerlandais a peint de convier le gratin de l’art

Eric Yahnker pour M Le magazine du Monde. Wolfgang Stahr/LAIF-REA


James Murdoch. 18 Drôle d’été sa toute dernière toile à contemporain sur l’île
En froid avec la clim. Auvers-sur-Oise, quelques d’Hydra, dans la mer Égée.
C’est là que ça devait
13  heures avant d’agoniser, Un raout particulièrement
se passer une balle dans la poitrine. apprécié pour son ambiance
À Bayonne privée de conviviale et décontractée.
ses traditionnelles fêtes. 26 La discrète arrière-boutique
des Leclerc. Tout près de 38 PORTFOLIO
14 Lourdes prie pour Landerneau se dresse le Dépôt de Liban. Les
le retour des fidèles. manoir de la famille Leclerc. photographes français
Maintenant qu’Édouard et Thérèse Verrat et Vincent
sa femme Hélène, fondateurs Toussaint se sont rendus
de la marque de grande en 2018 et 2019 au pays
distribution, ne sont plus, du Cèdre, déroulant un fil
la propriété familiale rouge entre les sites antiques
va accueillir des expositions. et les quartiers décrépits
de Beyrouth.
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DIRECTRICE ADJOINTE DE LA RÉDACTION_


Marie-Pierre LANNELONGUE

DIRECTEUR DE LA CRÉATION_
Jean-­Baptiste TALBOURDET-NAPOLEONE

RÉDACTION RÉDACTION EN CHEF ADJOINTE_ Grégoire BISEAU,


Agnès GAUTHERON, Clément GHYS.
DIRECTRICE DE LA MODE_ Suzanne KOLLER.
RÉDACTRICE EN CHEF TECHNIQUE_ Anne HAZARD.

Samuel BLUMENFELD, Zineb DRYEF, Vanessa SCHNEIDER,


Laurent TELO.
Style-mode_Sabine MAIDA (cheffe adjointe Style),
Caroline ROUSSEAU (cheffe adjointe Mode) et
Fiona KHALIFA (coordinatrice Mode). Avec Laëtitia LEPORCQ.
Chroniqueurs_Marc BEAUGÉ, Guillemette FAURE.
Assistantes_Christine DOREAU, Marie-France WILLAUME.

DÉPARTEMENT Photo_Lucy CONTICELLO et Laurence LAGRANGE (direction),


VISUEL Hélène BÉNARD-CHIZARI, Françoise DUTECH, Federica ROSSI.
Avec Ronan DESHAIES (Instagram) et Soizic LANDAIS.
Graphisme_Audrey RAVELLI (cheffe de studio)
et Marielle VANDAMME.
Avec Camille DURAND et Aurélie BERT.
Photogravure_Fadi FAYED, Philippe LAURE. Avec Ingrid MAILLARD.

ÉDITION Stéphanie GRIN, Julien GUINTARD et Paula RAVAUX (chefs


d’édition adjoints). Boris BASTIDE, Béatrice BOISSERIE,
Nadir CHOUGAR, Joël MÉTREAU et Agnès RASTOUIL.
Avec Geneviève CAUX et David GUÉRIN.
Révision_Jean-Luc FAVREAU (chef de section) et
Adélaïde DUCREUX-PICON. Avec Vanessa FRANÇOIS et
Dominique MARTEL.

PRÉSIDENT DU DIRECTOIRE, DIRECTEUR DE LA PUBLICATION :


Louis DREYFUS
DIRECTEUR DU “MONDE”, DIRECTEUR DÉLÉGUÉ DE LA
PUBLICATION, MEMBRE DU DIRECTOIRE : Jérôme FENOGLIO
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DELCAMBRE, Benoît HOPQUIN, Caroline MONNOT, Cécile PRIEUR
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LE GOÛT
Infographie : Le Monde / Directeur de la diffusion et de la production : Hervé BONNAUD / Fabrication : Xavier
LOTH (directeur), Jean-Marc MOREAU (chef de fabrication), Alex MONNET / Directeur du développement
numérique : Julien LAROCHE-JOUBERT / Directeur informatique groupe : José BOLUFER / Responsable infor-
matique éditoriale : Emmanuel GRIVEAU / Informatique éditoriale : Samy CHÉRIFI, Christian CLERC, Igor
FLAMAIN, Aurélie PELLOUX, Pascal RIGUEL / DIFFUSION ET PROMOTION_Responsable des ventes France
47 
Chambres à part 56 Lujipeka poursuit sa voie. international : Sabine GUDE / Responsable commercial international : Saveria COLOSIMO MORIN / Directrice
Le Sénéchal, trésor cachet. des abonnements : Pascale LATOUR / Abonnements : abojournalpapier@lemonde.fr; De France, 32-89 (0,30
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58 Copie conforme BILLIARD, Marianne BREDARD, Marlène GODET et Élisabeth TRETIACK / Directeur des produits déri-
50 
Le souvenir de voyage de Répétition à l’opéra. vés : Hervé LAVERGNE / Responsable de la logistique : Philippe BASMAISON / Modification de service, réas-
Dominique Issermann, sorts pour marchands de journaux : 0 805 05 01 47 / M PUBLICITÉ_Présidente : Laurence BONICALZI
BRIDIER / Directrices déléguées : Michaëlle GOFFAUX, Tél. 01-57-28-38-98 (michaëlle.goffaux @mpublicite.
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Les pizzettes colorées tales opérations spéciales : Sébastien NOËL / 80, bd Auguste-Blanqui, 75707 Paris Cedex 13 / Tél. : 01-57-28-
20-00/25-61 / Courriel des lecteurs : mediateur@lemonde.fr / Courriel des abonnements : abojournalpa-
51 Fétiche de Florent Ciccoli. pier@lemonde.fr / M Le magazine du Monde est édité par la Société éditrice du Monde (SA). Imprimé en
La sacoche en roue libre. France : Maury imprimeur SA, 45330 Malesherbes.
62 Les pieds dans l’eau Origine du papier : Italie. Taux de fibres recyclées : 0%. Ce magazine est imprimé chez Maury certifié
Gaëtan Chevrier pour M Le magazine du Monde

PEFC. Eutrophisation : PTot = 0.018kg/tonne de papier. Dépôt légal à parution. ISSN 0395-2037 Commission
52 Chasseurs de mode Perle d’ostréiculture. paritaire 0712C81975. Agrément CPPAP : 2000 C 81975. Distribution Presstalis. Routage France routage.
Sandy Schreier,
ou l’entrée au musée. 64 Jeux

54 La saison des voyages 66 Dans l’album de…


La Californie chic et Jeanne Added.
choc de “Big Little Lies”. La couverture
a été réalisée
55 Variations par Eric Yahnker
pour
L’état de glace. M Le magazine
du Monde.

7
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1 – JUDITH PERRIGNON est journa- 2 – ERIC YAHNKER , artiste et dessina- 3 – ROXANA AZIMI , journaliste, colla- 4 – PASCAL AMOYEL est photographe
liste indépendante et écrivaine. teur américain, vit en Californie. bore régulièrement au Monde et à M indépendant. Il travaille à la
Cette semaine, pour M Le magazine Ses portraits satiriques de stars de Le magazine du Monde. Dans ce chambre photographique et au
du Monde, elle revient sur les der- la politique (Donald Trump) et de numéro, elle retrace l’histoire du moyen format argentique. Son ter-
niers jours du peintre Vincent Van la pop culture sont exposés en manoir de Michel et Hélène Leclerc, ritoire de prédilection est la France,
Gogh, disparu en 1890. « Il y a des Europe et aux États-Unis. Dans ce dans le Finistère. « Il a joué un rôle qu’il arpente de long en large pour
années, je m’étais déjà plongée dans numéro, il illustre l’enquête de crucial dans la mythologie de ces en dresser des portraits dans des
l’histoire de Van Gogh le temps d’un Judith Perrigon sur Vincent Van pionniers de la grande distribution. séries qui privilégient l’approche
livre (C’était mon frère, éd . Gogh. « Dans mon travail, j’utilise Aucun de leurs enfants n’a toutefois documentaire. Il répond à des
L’Iconoclaste). Alors, forcément, je le crayon de couleur, et non la pein- souhaité y habiter après leur décès, commandes de photographie d’ar-
m’y suis à nouveau intéressée quand ture. Cela me permet d’appréhender préférant transformer ce bastion chitecture et collabore régulière-
le chercheur Wouter van der Veen plus librement les tableaux de familial en un prolongement du ment avec la presse. Cette semaine,
m’a dit avoir localisé le motif de la maîtres. Je me suis toujours senti centre d’art ouvert en 2012 à pour M Le magazine du Monde,
dernière toile, Racines d’arbre… proche de nombreuses œuvres de Landerneau. » Elle raconte égale- il  s’est rendu en Bretagne, dans
Il savait donc où le peintre avait Van Gogh, pour qui j’éprouve un ment quelques pages plus loin la l’austère manoir de la famille
posé son chevalet le jour de son sui- profond respect. Je crois que le mys- fête annuelle du milliardaire grec Leclerc. P. 32
cide. Une découverte d’autant plus tère de sa vie, de sa mort, de son art Dakis Joannou, à Hydra, en Grèce.
importante que la thèse du suicide ne sera jamais vraiment dévoilé. Et « Une extravagance comme seule la
est contestée depuis la publication c’est ce mystère qui contribuera à planète arty sait en organiser.
d’une biographie signée par deux maintenir son héritage à l’avant- L’événement est devenu, en dix ans,
Américains en 2011. Alors que garde pour les générations futures, le point de ralliement du gotha de
veulent dire ces racines ? » P. 19 voire éternellement. » P. 19 l’art contemporain. » P. 26 et P. 32

Elles et ils ont participé à ce numéro.

Le Monde. Scott Leon. Roxana Azimi. Pascal Amoyel

1 2 3 4
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Les polices
italienne
LA SEMAINE
et française, lors
de la restitution
à la France du
pochoir volé, le
14 juillet à Rome.

DU BATACLAN AUX ABRUZZES, LES VOLEURS ONT PRIS LEUR TEMPS, se moquant des
caméras de surveillance. Cette nuit de janvier 2019 à Grenay,
LES PÉRIPÉTIES D’UN BANKSY EN ITALIE. une petite ville de l’Isère, ils dévalisent le Gedimat, un magasin
pour bricoleurs et professionnels du bâtiment. Fait divers banal.
Interpellé dans le cadre de l’enquête sur le vol Un an plus tard, des suspects sont entendus à la gendarmerie
du pochoir peint en hommage aux victimes d’Heyrieux. Comme le révélera plus tard Le Dauphiné libéré,
l’un d’eux se vante d’avoir utilisé une partie du matériel subti-
des attentats, un entrepreneur de mode lisé pour un autre vol, commis dix jours plus tard. Celui-là
de la région lyonnaise est soupçonné d’avoir a ému la planète entière.
Dans la nuit du 25 au 26 janvier 2019, une camionnette se gare
exfiltré l’œuvre. Cet amateur de street art et de près du Bataclan, à Paris. Trois hommes découpent une porte de
bolides dit avoir voulu rendre service à un ami. sécurité de la salle et l’emportent, avec l’œuvre qui la recouvre :
un pochoir de Banksy. La star anonyme du street art avait ainsi
rendu hommage aux victimes de l’attentat de 2015, en peignant
une jeune femme au bord des larmes. Une œuvre si connue
qu’elle paraît invendable. L’enquête patine. Elle rebondit finale-
Filippo MONTEFORTE / AFP

ment dans l’Isère et mène en Italie. Comme l’a révélé Le Journal


du dimanche, elle suit la trace de Mehdi Meftah, 39 ans, un
ancien gamin de la banlieue lyonnaise. Signe particulier : il a créé
une marque de streetwear de luxe empruntant son logo à
Banksy… Le 10 juin dernier, une quinzaine de carabiniers ita-
Texte François KRUG avec Simon PIEL liens et trois policiers français débarquent dans un hôtel

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LA SEMAINE

modeste de Tortoreto, dans les Abruzzes. Un bâtiment Mehdi Meftah. Son petit frère est aussi interpellé. Tous sont pla-
sans charme, loin de la plage. Une dizaine de chambres, cés en détention provisoire. L’œuvre devait-elle être récupérée
50 euros la double l’hiver, 80 au plus fort de la saison estivale. par un acheteur étranger en Italie ? Mystère.
Ils cherchent un paquet laissé par Mehdi Meftah. Le propriétaire, Mehdi Meftah intrigue. Ce fan de street art habite un pavillon
Giacomino P., les conduit non loin de là, à Sant’Omero. Il y pos- avec piscine à La Seyne-sur-Mer, avec sa femme, lyonnaise elle
sède une maison perdue dans la campagne. Dans les combles, aussi, épousée à Las Vegas. Sur un compte Instagram créé sous
il désigne un panneau ­enveloppé dans du plastique noir. pseudo, on le découvre au volant de sa Ferrari blanche, piquant
Selon nos informations, Giacomino P. explique aux enquêteurs une pointe sur l’autoroute – il possède aussi une Porsche jaune.
qu’il connaît Mehdi Meftah depuis quatre ans. Ce client lui a été Ou les pieds sur la table basse, en claquettes Louis Vuitton.
présenté par une connaissance commune, Raffaele P., qui fait Au fond du salon, une statuette d’Alec Monopoly, un célèbre
dans l’import-export de voitures entre Lyon et les Abruzzes. street-artiste américain qui a détourné la mascotte du jeu de
À partir de 2016, le Français vient plusieurs fois par an. En famille société. Au registre du commerce, il possède deux sociétés
ou seul, pour les vacances ou pour des affaires qu’il ne détaille à Toulon. Un snack de tacos et surtout sa marque, BL1.d
pas. En octobre 2019, il débarque en camionnette avec deux ­(prononcer « blindé »). Il a déposé un premier logo dès avril 2018
amis, et le panneau emballé. Il évoque une décoration pour à l’Institut national de la propriété industrielle : encadrée par
la maison qu’il s’aménage à La Seyne-sur-Mer (Var) et demande deux armes de poing, une couronne stylisée empruntée à la star
s’il peut l’y stocker jusqu’à son prochain passage, à Noël. du street art. « Un clin d’œil à Banksy », expliquera-t-il dans un
« Le propriétaire ne savait pas ce qu’il y avait dans ce paquet, publi-reportage sur le site ­français de Forbes. Ce motif, Banksy
il rendait service à un client devenu un ami », nous assure son l’avait lui-même emprunté à Jean-Michel Basquiat.
avocat, Angelo Palermo. Le paquet est entreposé dans le garage Depuis, les armes ont disparu du logo, mais les modèles de tee-
de l’établissement. shirts s’appellent « Colt », « Cartel » ou « Medellin ». La marque,
Toujours selon la version de l’hôtelier, Noël passe, mais le lancée à l’automne dernier, les vend sur son site et dans un
Français ne revient pas. En janvier dernier, Giacomino P., qui magasin de Lyon. Tarifs : de 290 à 615 euros, justifiés par un
effectue des travaux dans l’hôtel, aurait transféré le paquet à petit « lingot d’or 18 carats cousu sur l’encolure ». On peut se
la campagne. Selon nos informations, l’homme est placé peu rabattre sur les casquettes, 85 euros, sans lingot. En jan-
après sous surveillance par les carabiniers. Pendant des mois, vier 2020, BL1.d a organisé un happening avenue Montaigne,
rien ne bouge : l’Italie s’est confinée. À la sortie du confinement, pendant la Fashion Week parisienne. Sur les nez de Mehdi
les enquêteurs décident d’intervenir. Le 11 juin, le procureur de Meftah et de ses amis, des lunettes aux branches en forme de
L’Aquila, chef-lieu des Abruzzes, présente fièrement le Banksy Kalachnikov. La presse grand public n’a pas réagi. BL1.d a plus
lors d’une conférence de presse. Le 23, plus discrètement, la PJ de succès auprès de rappeurs comme Hornet La Frappe, Lacrim
intervient notamment à Toulon, dans la banlieue lyonnaise, et à ou Alonzo. Chez la juge d’instruction, Mehdi Meftah aurait mini-
Flachères, petit village de l’Isère surtout connu pour sa foire aux misé son rôle et expliqué avoir lui aussi rendu service à un ami.
navets. Selon le parquet de Paris, deux suspects sont mis en Son avocat, Yves Sauvayre, n’a pas répondu aux sollicitations
examen pour vol en bande organisée et quatre pour recel, dont de M. « Il a de l’argent et un bon niveau de vie, mais il l’a acquis
honnêtement, nous assure une proche de Mehdi Meftah. Il a
voulu créer une vraie marque de luxe avec l’ADN de la street.
Franchement, pourquoi il aurait eu besoin de voler ça ? »
Pour sa marque de vêtements, Le statut du pochoir de Banksy est l’autre mystère de l’affaire.
Il apparaît sur la porte du Bataclan dans la nuit du 24 au
l’un des suspects avait déposé 25 juin 2018. Passé l’émerveillement, il suscite de vifs débats
en 2018 pour logo une couronne parmi l’équipe de la salle et chez son propriétaire, le groupe
Lagardère. Jules Frutos, à l’époque patron et coactionnaire
stylisée encadrée par deux armes des lieux, veut rester fidèle à l’esprit du street art et laisser
de poing. “Un clin d’œil à Banksy”, l’œuvre vivre sa vie, avec les risques que cela comporte.
D’autres souhaitent l’exposer à l’intérieur. L’état-major de
expliquait-il à l’époque. Lagardère, lui, se demande qui est vraiment propriétaire – et
donc responsable – de cette peinture. Finalement, l’œuvre reste
à sa place. Une plaque de Plexiglas la protège des tags, pas du
vol. Jusqu’à la nuit du 25 janvier 2019.
Le pochoir ne passionnera pas davantage les policiers de l’Of-
fice central de lutte contre le trafic de biens culturels. L’affaire est
confiée au service compétent géographiquement, le 2e district
de la PJ de Paris. Un de ses enquêteurs prend le dossier à cœur :
le 13 novembre 2015, il est intervenu au Bataclan après l’atten-
tat. Et maintenant ? Le 14 juillet dernier, l’Italie a rendu le Banksy
en grande pompe à la France. Il a été exposé à l’ambassade à
Rome. Selon Le Journal du dimanche, il se trouve au siège de la
PJ à Paris. Une rumeur relayée par la presse annonce un cadeau
à l’Unesco et une exposition de l’œuvre dans son siège parisien.
« Ce n’est pas prévu à ce stade », nous répond-on à l’Unesco.
« Notre souhait est que cet hommage aux victimes revienne au
plus près de là où il était », indique de son côté Jérôme Langlet,
L’un des suspects est patron de Lagardère Live Entertainment, qui gère le Bataclan.
à la tête de la marque BL1.d, Cette filiale a d’autres soucis. En proie à de graves difficultés
Instagram

qui séduit le monde du rap. Ici,


une image promotionnelle.
financières, Lagardère a dû démentir en juin qu’il cherchait
à la vendre. Et donc à se séparer du Bataclan.

10
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LA SEMAINE

QUI EST VRAIMENT ? UN NOUVEAU VENU À LA FOIRE.

James Coup de tonnerre à Bâle ! Secoué par d’impor-


tantes pertes économiques, dues aux déboires
de son salon horloger Baselworld en 2019, puis

Murdoch.
CET HOMME D’AFFAIRES DE 47 ANS VIENT D’INVESTIR
à l’annulation de son fleuron Art Basel – un évé-
nement international majeur pour l’art contem-
porain – en raison du Covid-19, le groupe bâlois
MCH a ouvert le 10 juillet son capital au fonds
DANS LA SOCIÉTÉ ORGANISATRICE DU GRAND RAOUT D’ART d’investissement Lupa Systems, détenu par
CONTEMPORAIN ART BASEL. AUTREFOIS DÉSIGNÉ COMME James Murdoch. Au terme d’un vote de l’as-
HÉRITIER DE L’EMPIRE MÉDIATIQUE DE SON PÈRE, RUPERT semblée générale le 3 août, ce dernier pourrait
MURDOCH, IL S’EST PROGRESSIVEMENT ÉLOIGNÉ DES détenir de 30 à 44 % des parts en injectant
POSITIONS ULTRACONSERVATRICES DE SON GÉNITEUR. 80 millions de dollars.

Texte Roxana AZIMI UN AMATEUR DE HIP-HOP.


Dans l’art contemporain, la prise de pouvoir
de James Murdoch inquiète. Car James est
le quatrième des six enfants du milliardaire
­australo-américain Rupert Murdoch qui l’a eu
avec sa deuxième épouse, Anna Murdoch
Mann. Le mogul possède de puissants médias
conservateurs, comme Fox News, qui ont joué
un rôle important dans le Brexit et l’élection
de Donald Trump. Né en 1972 à Wimbledon,
en Grande-Bretagne, James se construit
d’abord loin du clan ­familial, et finance en 1995
Rawkus Records, un label de hip-hop
­indépendant à New York. Une liberté de courte
durée : sa société rejoint un an plus tard
le giron de la famille.

UN HÉRITIER ÉCARTÉ DU TRÔNE.


À 27 ans, James prend les rênes de Star
Television, avant de présider British Sky
Broadcasting. Mais son étoile pâlit en 2011,
lorsque l’un des tabloïds du groupe familial,
News of the World, est accusé d’avoir mis
sur écoute des membres de la famille royale
britannique et des célébrités. À partir de 2015,
il préside la 21st Century Fox jusqu’à son
rachat en 2019 par Disney. À la surprise géné-
rale, le patriarche Murdoch écarte alors son
fils cadet au profit de l’aîné, Lachlan. James
empoche néanmoins un pactole de 2,1 mil-
liards de dollars. De quoi financer ses nou-
velles aventures.

UN FILS ÉMANCIPÉ.
Depuis son éviction, James Murdoch n’a eu de Ben Hider/National Geographic/PictureGroup/ABACA

cesse de prendre ses distances avec les valeurs


paternelles. James et sa femme, Kathryn, ont
critiqué, en privé, Donald Trump pour avoir
refusé de condamner les suprémacistes blancs
après les événements de Charlottesville, en
août 2017. En janvier dernier, le couple a publié
une déclaration fustigeant les médias austra-
liens de News Corp, groupe de l’empire
Murdoch, pour avoir nié l’influence du réchauf-
fement climatique sur les incendies qui ont
ravagé le pays.
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C'EST LÀ QUE ÇA DEVAIT SE PASSER

43° 29’ 37’’ N


1° 28’ 30’’ O
LES FÊTES DE BAYONNE AURAIENT
DÛ ATTIRER CETTE SEMAINE
UN MILLION DE PERSONNES.
INQUIÈTES, LES AUTORITÉS
CRAIGNENT UN AFFLUX
­I NCONTRÔLÉ DE « ­F ESTAYRES »
MALGRÉ L’ANNULATION.

Texte Robin RICHARDOT

FORCES DE DISSUASION. RACINES ESPAGNOLES. VACHETTES ET OMELETTES. GRAVES DÉRAPAGES.


Prévues du 29 juillet au 2 août, Les fêtes de Bayonne n’avaient Les cinq jours de fêtes sont Il faut le reconnaître :
les célèbres fêtes de Bayonne ont pas connu d’annulation depuis l’occasion de mettre la culture Patrick Sébastien et Michel
été annulées dès avril. Toutefois, la seconde guerre mondiale. basque à l’honneur. Les tournois Sardou ont aujourd’hui plus
des groupes d’irréductibles en Les premières célébrations ont de pelote s’enchaînent après la cote auprès des « festayres »
blanc et rouge pourraient bien vu le jour le 13 juillet 1932. L’idée le championnat du monde que les chants traditionnels
parsemer les rues malgré tout. Les vient de rugbymen du club local, de la plus grande omelette basques. La plus grande
restaurants ont vu les réservations l’Aviron bayonnais. Revenant aux piments. Sud-Ouest oblige, ­manifestation festive
se multiplier. Bien sûr, on sera loin des fêtes de Pampelune en la corrida et les courses de France est aussi devenue
du million de personnes comme Espagne, la bande de copains de vachettes sont toujours au beaucoup plus ­commerciale
lors des éditions précédentes. décide de reproduire le concept rendez-vous de la plus vieille ville qu’avant. La participation est
Mais pour éviter de créer des clus- dans leur ville. À l’origine, les fes- taurine de France. Chaque soir, payante (8 €) depuis 2018 (ce qui
ters, la mairie a pris des mesures tivités se déroulent autour du le Karrikaldi (« autour de la rue », a fait baisser ­l’affluence d’environ
dissuasives : la musique dans l’es- 14-Juillet. Elles seront progressi- en basque), un des événements- 10 %). Plus grave, chaque année,
pace public sera interdite, les bars vement décalées à la fin du mois. phares, met en avant les chants les festivités sont entachées par
et restaurants fermeront à Depuis 1947, la tradition veut et les danses locales. Après des cas d’agressions sexuelles.
PHOTOPQR/SUD OUEST/MA XPPP

23 heures… Inutile de préciser que la mairie confie les trois clés les représentations en tenues En 2019, la police avait reçu
que, dans le respect des gestes de la ville aux habitants pour ­traditionnelles, le public est deux plaintes et un signalement
barrières, le paquito, sorte de petit ouvrir la folle semaine. Elles sont amené à participer au spectacle. pour viol. En 2017, un espace a
train qui se pratique à plusieurs jetées depuis le balcon de l’hôtel Les amateurs de danse s’essayent été installé dans la ville pour aider
dizaines de personnes assises de ville par des invités vedettes, alors au dantzazpi ou au karrika- les victimes potentielles de
en ligne pour porter l’une d’elles de Luis Mariano à Johnny dantza, tandis que d’autres ­violences sexistes.
à bout de bras le long de la file, Hallyday, en passant par Vincent entonnent les baionan kantuz
sera fortement déconseillé. Cassel ou Anne-Sophie Lapix. (« chants bayonnais »).

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Le sanctuaire de
Lourdes, le mercredi
22 juillet 2020.

DES “SANTA MARIA, MADRE DI DIO” RÉSONNENT AU


LOIN. Un garçon désinfecte l’un des douze robinets avec une
lingette avant de remplir sa bouteille de Fanta d’eau de
Lourdes. Des gamins rient, s’éclaboussent, trempent leurs
pieds nus dans les flaques. « On ne joue pas ici ! Vous savez où
vous êtes ? Hein ? Vous savez ? », hurle une femme. Comment
en vouloir aux enfants ? Avec cette esplanade vide, la grotte
déserte, deux des trois basiliques fermées, difficile de se
rendre compte que l’on est dans le plus grand centre de pèle-
rinage catholique de France. Là où en 1858, la Vierge serait
apparue dix-huit fois dans la grotte de Massabielle, là où, selon
l’Église, des cas désespérés ont guéri par miracle, là où on
vient du monde entier par millions chaque année se laver les
pieds, les coudes, le visage, et de ses péchés.
La pandémie n’a pas épargné la cité mariale. Les portes du
sanctuaire sont restées closes pendant les deux mois de
confinement. Une première, même la guerre fut moins cruelle.
Depuis la réouverture mi-mai, privé de ses visiteurs étrangers,
Lourdes reçoit 8 000 fidèles par jour au lieu des 20 000 habi-
tuels. Le 15 août, le cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’État
du Saint-Siège, célèbre traditionnellement la messe devant
25 000 croyants. Ce ne sera pas le cas cette année puisque les
rassemblements de plus de 5 000 personnes sont dorénavant
interdits. « On essaye de voir avec la préfecture comment
appliquer cette règle sur un terrain de 52 hectares, si on peut
proposer plusieurs célébrations », détaille Mgr Hérouard, le
délégué apostolique responsable du sanctuaire. Personne ne
s’attend au miracle. Les 10 000 pèlerins assomptionnistes qui
affluent de tout l’Hexagone ne seront que 450 en 2020. Le
pèlerinage national de l’Assomption, celui-là même que Zola a
suivi pour écrire son roman Lourdes, ne sera pas une fête.
« Je suis prêtre, pas chef d’entreprise », a beau lancer le recteur
Mgr Olivier Ribadeau Dumas, il ne peut faire l’impasse sur l’ab-
sence de recettes liée à cette désertion. Le site vit exclusive-
ment des dons et ces grands pèlerinages de plusieurs milliers
d’âmes assurent sa survie. Avec cette fermeture et les annula-
tions en série, ce sont 8 millions d’euros qui ne rentreront pas
dans les caisses cette année. Une perte énorme pour cette

LOURDES PRIE POUR


quasi-PME qui a besoin de 30 millions d’euros par an pour
financer ses 320 salariés dont 80 saisonniers, son terrain de
52 hectares, ses trois basiliques, sa libraire, et ses héberge-

LE RETOUR DES FIDÈLES. ments. Toute l’économie de la commune dépend des 300 mil-
lions d’euros générés par ce tourisme religieux.
Cette crise est d’autant plus violente qu’elle arrive dans un
Désertée par les visiteurs étrangers et privée paysage déjà bien déprimé. Entre 2010 et 2018, la fréquenta-
des grands pèlerinages à cause de la pandémie tion est passée de 800 000 à 450 000 pèlerins. En 2016,
Mgr Brouwet, l’évêque de Tarbes et de Lourdes chargé du
de Covid-19, la ville mariale est méconnaissable. sanctuaire, a fini par recruter un ancien cadre dans l’industrie
À l’approche de la grande messe du 15 août, pour renflouer les caisses vides. Le virage est beaucoup trop
capitaliste pour le lieu saint, les chapelains se sentent mis à
les espoirs de reprise sont minces pour cette PME l’écart et le pape s’intéresse de près à la petite cité des
du sacré en quête de nouveaux moyens afin de Pyrénées. En juin 2019, il retire la responsabilité du sanctuaire
à Mgr Brouwet pour la confier temporairement à l’évêque de
compenser une chute drastique de ses recettes. Lille, Mgr Hérouard. « Le pape François souhaite que le primat
spirituel soit mis en avant par rapport à la tentation de trop
souligner les aspects liés à la gestion ou aux finances », écrivait
Vatican News pour expliquer cette nomination extraordinaire.
« Le directeur a redressé les comptes en deux ou trois ans,
mais l’articulation avec la dimension pastorale a manqué »,
détaille aujourd’hui Mgr Hérouard. Dès son arrivée, ce dernier
nomme un nouveau recteur pour redonner un souffle pastoral,
Texte Sevin REY-SAHIN et voilà qu’au mois de mars tout s’arrête.
Photo Laurent FERRIERE/Hans Lucas « J’ai une impression d’abandon », dit une femme tout en

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LA SEMAINE

remplissant d’eau sacrée ses miniflacons aux bouchons en des dons que le sanctuaire préfère taire pour le moment.
forme de couronnes dorées. « Je ne sais pas où j’en suis, tout Au lendemain de cette grande messe virtuelle, un feutier,
est bizarre, on se croirait en janvier mais avec des feuilles ­responsable de l’allumage des cierges réservés sur Internet,
aux arbres », déplore André, un bénévole qui sert le sanc- confie avoir reçu une commande de 5 000 bougies au lieu des
tuaire chaque été depuis quarante-sept ans. Pendant 200 rituels. Mais la grotte reste vide. « On est venu pour
le ­confinement, les messes et chapelets étaient diffusés demander que cette saloperie s’en aille », lâche une femme.
en direct pour soutenir les croyants. À l’heure des cours de Cette saloperie, c’est ce virus qui empêche les invalides de
yoga et des apéros à distance, si le pèlerin ne vient pas à venir par cars entiers. Parce que Lourdes, c’est surtout ça.
la grotte, la grotte va chez le pèlerin. Début juin, le sanctuaire Chaque année, ce sont 80 000 souffrants plongés dans des
va plus loin et contacte l’agence de communication Havas piscines froides avec l’espoir d’être le prochain miraculé de
pour organiser un e-pèlerinage. « On l’a fait en mode com- l’Église catholique. « Ils ne viennent pas forcément chercher
mando », raconte Amélie de Bourbon-Parme, directrice une guérison. Beaucoup sont dans des Ehpad. C’est leur seule
­a ssociée de Havas Paris. sortie de l’année », précise Marie-Christine, hospitalière de
Ce qui aurait demandé plusieurs mois de préparation est 70 ans aux yeux bleus comme voilés. Sans invalide à accom-
monté en seulement un mois et demi. Il faut sauver Lourdes pagner, son rôle se réduit à l’accueil ou au rappel des règles
d’urgence. Le 16 juillet, Lourdes United est suivi par sanitaires. Devant la grotte, des cercles blancs au sol
80 millions de personnes à travers le monde sur, entre marquent le mètre de distance obligatoire. Le prêtre don
autres, KTO, la chaîne catholique française : « une grande Pascal Boulic pointe du doigt la basilique de pierre grise et
émission spéciale » de trois heures présentée par Charlotte balaye l’air de gauche à droite. « Au pèlerinage national, les
Le Grix de la Salle, ex-journaliste de Canal+. Un numéro de brancards allaient de là jusque-là. » Ce samedi de juillet, les
téléphone permet de faire des dons. Vianney, chanteur et allées ombragées longeant le Gave sont désertes. Personne
ancien scout, puis Gad Elmaleh, humoriste de confession ne prend le risque de réunir ces populations fragiles. On
juive, appellent à la générosité de tous. Lourdes veut compte sur les doigts d’une main les fauteuils roulants qui à
atteindre le plus grand nombre ; les jeunes, les non-prati- l’accoutumée remplissent les premiers rangs de la procession
quants, même ceux des autres religions. Le pape « pense que du soir. « Les handicapés qui ont pu venir sont des privilégiés »,
l’évangélisation passe par les sanctuaires », assume assure Christophe sur son fauteuil électrique qui « coûte très
M gr Hérouard. L’argent étant tabou, le coût de l’opération est cher ». Il se rend à Lourdes depuis 2016, cette année où il a
confidentiel. « C’est facturé à prix coûtant », assure-t-on chez appris que la maladie de Charcot lui mangeait les muscles et
Havas. L’agence recevra aussi une part variable en fonction les neurones. Aujourd’hui, il prie pour les absents.
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LA SEMAINE

C’EST PEUT-ÊTRE
UN DÉTAIL POUR VOUS... MAIS PAS POUR MARC BEAUGÉ.

SUR LES PLAGES DE LA PROVINCE CHINOISE DU SHANDONG,


LE STYLE EST UNE QUESTION DE CLASSES PLUS QUE D’ÉLÉGANCE.

1. INDICE DE PROTECTION 2. COMBI INTÉGRALE. 3. L’AMI AMÉRICAIN. 4. CALOTTE CULOTTÉE. 5. BAIN DE VIRILITÉ.
SOCIALE. Le port de cette combinai- Si les hommes présents À défaut de chapeau, Comment ne pas terminer
Après le masque et la son noire à liseré rouge sur cette photo semblent monsieur porte, lui, un cette étonnante revue
visière, voilà la dernière répond à la même moins soucieux des UV, bonnet de bain, ce qui de style balnéaire en
trouvaille contre la propa- ­préoccupation, également monsieur a prudemment interroge. En effet, si ­évoquant ce slip de bain
gation du coronavirus ? ancrée dans la culture opté pour le combo ­l’accessoire est obligatoire turquoise qui nous rap-
Même pas. Ces baigneuses européenne. De fait, lunettes de soleil-bob. dans les piscines fran- pelle que si ce type de
arborent une cagoule jusqu’au développement Ce qui nous donne l’occa- çaises, pour d’évidentes maillot est en phase
­communément appelée du tourisme balnéaire et sion de rappeler que le raisons d’hygiène, son de disparition totale sur
« facekini ». Inventé des activités sportives mot « bob » est une inven- usage à la mer est nette- les côtes françaises,
en 2004 dans la province de plein air, au début du tion française. Les soldats ment moins généralisé, et il demeure dans certains
côtière du Shandong, xxe siècle, il était d’usage américains de la seconde par définition bien moins pays la base d’une cer-
il offre aux nageuses chez les privilégiés de se guerre mondiale portaient nécessaire. Alors pour- taine idée de la virilité ?
une protection contre les protéger strictement des un chapeau souple, quoi ? Pour se protéger En Italie par exemple,
rayons du soleil afin de gar- UV pour se démarquer des en coton, à bord étroit. du soleil ? Ou pour le plai- une grande proportion
der une peau aussi blanche paysans à la peau tannée. Les Français étaient intri- sir d’entendre claquer des hommes continue
que possible. Car, dans Afin de garder un teint gués : comment désigner le latex sur le crâne au à porter ce qu’ils appellent
Wang Haibin/Imaginechina via AFP

cette partie de la Chine cristallin, les nobles utili- ce couvre-chef inconnu moment de l’enfiler ? le « Speedo », le nom de
en particulier, le bronzage sèrent même des poudres par ici ? Les Américains Il ne faut pas ­l’exclure. la marque étant devenu
peut être perçu comme un de riz, de l’arsenic ou des étant surnommés, plus ou On en connaît… un nom commun de
signe d’appartenance à une produits de beauté à base moins affectueusement, l’autre côté des Alpes…
classe sociale inférieure, de plomb, qui provo- « les Robert », la réponse Attention : ce n’est absolu-
celle des travailleuses quèrent d’ailleurs de tomba comme une évi- ment pas une incitation
et travailleurs contraints ­nombreux décès par dence : les Robert à faire de même.
de trimer aux champs. saturnisme. portent des bobs.

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LA SEMAINE

DRÔLE D’ÉTÉ EN FROID AVEC LA CLIM.


POUSSÉ À FOND AU COURS DES PRÉCÉDENTS ÉTÉS CANICULAIRES, L’AIR
CONDITIONNÉ N’A PLUS LA COTE AUPRÈS DES FRANÇAIS, PLUS SOUCIEUX
DES VAGUES DE COVID-19 QUE DES VAGUES DE CHALEUR.

Texte Guillemette FAURE

I L Y A E N CO R E Q U E LQ U E S et les jardins. Alors que, pendant le nous refroidir. La fenêtre ouverte


ANNÉES, dans une maison coloniale de confinement, on s’arrangeait pour ne ménage les relations entre les sexes
Savannah, en Géorgie aux États-Unis, pas avoir de gazouillis d’oiseaux en alors que l’air climatisé a toujours été
le guide expliquait aux touristes amé- fond sonore pour passer un appel de un sujet de crispation : dans une réu-
ricains le principe des courants d’air. À boulot, il est devenu acceptable d’être nion « protocole sanitaire » d’une orga-
l’époque des grandes plantations, leur dehors, y compris pour un Zoom pro- nisation internationale, une cadre s’est
disait-il, les gens n’avaient pas l’air fessionnel. C’est désormais le décor réjouie de la disparition de l’air condi-
conditionné et rafraîchissaient leur open space climatisé qui met mal à tionné en expliquant que la tempéra-
domicile en laissant plusieurs portes l’aise ; pour ne pas faire fuir un client à ture était trop souvent réglée par des
ouvertes. Dingue. Qui sait si, dans un la perspective d’un rendez-vous au hommes, dont les corps se refroi-
futur proche, des guides ne raconte- bureau, une chef d’entreprise pari- dissent moins vite, contraignant les
ront pas aux touristes que, jusqu’au sienne raconte lui avoir proposé de se femmes à grelotter.
printemps 2020, des gens trouvaient retrouver sur les quais de Seine.
plus efficace de fermer les fenêtres Déjà, il y a un siècle, les ravages de la LES INCONVÉNIENTS.
pour bénéficier pleinement de la grippe espagnole avaient entraîné « le Le retour des papiers qui s’envolent et
climatisation. début de notre amour pour le grand des portes qui claquent. Des coups de
La clim est, depuis le Covid-19, deve- air », note Laura Spinney dans son livre froid dans les courants d’air. Des coups
nue une idée un peu dégoûtante. Des La Grande Tueuse (Albin Michel, 2018). de chaud là où on renonce à la clim
restaurants que la clientèle américaine « En  1918, les Italo-Américains de pour des raisons sanitaires, demandez
et les canicules des derniers étés New York comme les Juifs d’Odessa aux étudiants qui ont passé des exa-
avaient convaincus de s’équiper en air avaient gardé leurs fenêtres hermétique- mens en juin par 35 degrés.
conditionné se gardent bien désormais ment fermées, convaincus que la mala-
de l’allumer et servent leurs clients die était amenée par les esprits ou le CE QU’ON EN GARDERA
toutes portes et fenêtres ouvertes. mauvais air. Désormais, la lumière du EN SEPTEMBRE.
Quand un groupe débarque, à la ques- soleil et l’air frais étaient des s­ ynonymes Une répétition du débat sur les ter-
tion « dehors ou à l’intérieur ? », de santé. » Cent ans plus tard, une étude rasses chauffées que Barbara Pompili,
quelqu’un s’empresse toujours de de l’exode du confinement, réalisée par la nouvelle ministre de l’environne-
répondre « dehors ! » comme si c’était la Fondation Jean-Jaurès, constate que ment, a promis d’interdire en 2021.
une question de survie. On préfère les expressions « air frais », « grand air », Beaucoup moins de monde pour tra-
manger sur une place de parking amé- « bon air » ou « air marin » sont omni- vailler sur les grands plateaux sans
nagée en terrasse à l’aide de palettes en présentes dans les propos des exilés fenêtres des tours de la Défense. Des
bois que dans des fauteuils confor- sanitaires. Partis chercher le grand air universités qui seront tentées d’instal-
tables en salle  : ces ­d ernières ne à l’autre bout de la France cet été, les ler des structures pour des cours en
semblent plus destinées qu’à être tra- automobilistes n’ont qu’à lever la tête plein air – comme celles de l’université
versées en apnée pour filer, masqué, sur l’autoroute du Soleil pour trouver de Rice à Houston qui vient de
aux toilettes. des messages clignotants. « Si vous construire neuf salles de classe en
Il n’y a guère que les sex-shops de la rue covoiturez, pensez à aérer. » extérieur  – et qui réaliseront mi-
de la Gaîté, à Paris, pour se vanter de octobre que la météo locale n’est pas
leurs cabines climatisées. Kickboxing, LES BONS CÔTÉS. celle de la ville texane.
yoga ou aquarelle… des cours qui se La vie au grand air, c’est toujours
déroulaient en salle de sport se mieux pour l’environnement que la
tiennent sur les plages, dans les parcs clim qui fait chauffer la planète pour
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LE MAGAZINE

Aux racines de l’ultime Van Gogh.


QUE S’EST-IL PASSÉ LE 27 JUILLET 1890, À AUVERS-SUR-OISE, AVANT QUE LE PEINTRE NE RENTRE
À L’AUBERGE RAVOUX UNE BALLE DANS LA POITRINE ? PROFITANT DU CONFINEMENT POUR
RANGER SES ARCHIVES, UN SPÉCIALISTE DU MAÎTRE NÉERLANDAIS VIENT DE FAIRE UNE
­DÉCOUVERTE ­D’IMPORTANCE. À L’AIDE D’UNE VIEILLE CARTE ­P OSTALE, IL A PU DÉTERMINER LE LIEU
PRÉCIS OÙ CELUI-CI A PASSÉ CETTE FAMEUSE JOURNÉE : PRÈS D’UN ARBRE DONT LES RACINES
­C OMPOSENT SA DERNIÈRE ŒUVRE, I­ NACHEVÉE. UNE TOILE QUE CERTAINS ­I NTERPRÈTENT
COMME UN MESSAGE D’ADIEU. Texte Judith PERRIGNON — Illustrations Eric YAHNKER

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LE M AG A ZINE

“J’ai compris ce tableau il y a deux


mois seulement. Un taillis, c’est quelque
chose qu’on coupe, mais où la vie reste.
Pour moi, c’est un message d’adieu.
Il abandonne. Mais la vie continue.
Un petit Vincent est né chez son frère.
Lui vivra à travers ses tableaux.”
Wouter van der Veen, spécialiste de Vincent Van Gogh

VINCENT VAN GOGH S’EST ÉTEINT IL Y A CENT TRENTE ANS, de sa mort, à 37 ans. Il l’a ouvert sur son écran. Puis il a comparé.
le 29 juillet 1890, une balle logée tout près du cœur. C’est long Même mouvement des tiges. Mêmes boursouflures. Même
cent trente ans, le temps de voir éclater des guerres, des révolu- coudes. Et si c’était cela son dernier paysage ?
tions artistiques, le temps de marcher sur la Lune, de laisser dis- Il a soumis son hypothèse aux éminences du Musée Van Gogh
paraître quelques espèces et même de sentir la Terre se réchauffer d’Amsterdam avec lequel il travaille depuis des années. Teio
dangereusement, mais ce n’est pas suffisant pour éteindre le mys- Meedendorp, l’un des responsables des recherches, se souvient
tère de cette mort-là. Ce geste fatal qui, comme ses toiles, ses de ses messages : « Appelle-moi vite, j’ai trouvé quelque chose ! »
lettres, traverse toutes les époques en ne demandant qu’une seule De l’extrême prudence avec laquelle lui-même a d’abord accueilli
chose : comment vivre ? cette trouvaille : « Difficile de lier une photo à la peinture, surtout
La question est revenue nous hanter alors que l’humanité s’est avec l’angle de celle-ci, de se fier à des paysages qui changent si
immobilisée sous la pression du Covid-19. Van Gogh aussi, à sa vite. N’était-ce pas une coïncidence ? Mais j’aime beaucoup étudier
manière. Car une découverte a été faite. Wouter van der Veen, la topographie. » Teio Meedendorp et son acolyte du musée,
chercheur et auteur de plusieurs livres sur le peintre, était Louis van Tilborgh, calculent alors les distances, les angles, les
comme tout le monde bloqué chez lui, à Strasbourg. Il avait proportions, ils consultent un dendrologue, spécialiste des
entrepris de classer d’anciennes cartes postales qu’il avait déjà arbres et des végétaux ligneux, qui estime pour eux l’évolution
numérisées, des photos d’Auvers-sur-Oise datées des années possible des bois qui s’entrelacent sur la carte postale. C’est la Illustration Eric Yahnker pour M Le magazine du Monde

1910, période à laquelle le village ressemblait encore à celui où photo de l’endroit comme il existe aujourd’hui qui est finalement
Van Gogh avait vécu ses derniers mois et peint ses dernières venue confirmer l’hypothèse, après cinq semaines d’étude. « Tout
toiles, vingt ans plus tôt. Soudain, l’une d’elles a retenu son atten- était encore là, il y a cette racine horizontale, l’arbre devant. J’étais
tion, la numéro 37, cliché en noir et blanc d’un homme de dos, convaincu. C’était difficile à contester », poursuit Teio
à l’arrêt à côté de son vélo, sur une route bordée d’arbres, rue Meedendorp. Car sitôt le confinement levé, Wouter van der Veen
Daubigny, dit la carte. Wouter van der Veen s’est attardé, l’a exa- a fait le déplacement à Auvers pour en avoir le cœur net. Il a
minée longuement, il a zoomé sur les vieux arbres à gauche, trouvé facilement l’emplacement, une vieille souche désormais
leurs racines mises à nu par l’érosion du taillis. Il pensait au der- couverte de lierre, un lieu de rendez-vous que les gens du coin
nier tableau de Van Gogh, Racines d’arbres, œuvre inachevée, appellent « l’Éléphant ». Une dame de 104 ans lui a confié que,
dont des recherches poussées et récentes ont établi que c’était jeune fille, c’est par là qu’elle passait avec ses moutons pour aller
bien le dernier, celui sur lequel il travaillait encore au moment aux champs. C’est donc par là que Vincent s’en allait « au

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paysage ». Vers les blés. C’est juste derrière l’auberge où il


logeait, à 150 mètres. Après tout, il n’a jamais peint que ce qui était
sur son chemin, ou ceux qui étaient sur son chemin. « Ce qui signi-
fiait que je savais soudainement où il avait passé la journée du 27 juil-
let, et qu’un mystère tenace de la fin de sa vie venait d’être levé »,
explique Wouter van der Veen. Une découverte qu’il a rendue
publique le 28 juillet, à Auvers même, en présence des chercheurs
du Musée Van Gogh et de l’ambassadeur des Pays-Bas.
Que s’est-il passé ce 27 juillet 1890 ? C’était un dimanche. Il faisait
très chaud. Van Gogh est parti comme chaque matin avec son
barda, son chapeau vissé sur la tête. Longtemps, on a dit qu’il était
allé dans les champs à l’arrière du château d’Auvers. Mais mainte-
nant que le motif de sa toile en cours ce jour-là est localisé, il est
probable qu’il a posé son chevalet sur la route Daubigny, qui s’appe-
lait alors Grande Rue. Pourquoi peindre ces racines qui ne lui ser-
vaient jusque-là que de marchepied ? À quoi pensait-il ? Qu’y voyait-
il ? On ne peut parler à sa place. Mais Van Gogh, par ses innombrables
lettres, plus de huit cents, dont l’essentiel à son frère, laisse un
mode d’emploi, l’impression qu’il savait ce que l’avenir lui réservait,
et qu’il l’éclairait depuis sa trop courte vie. « Peu d’artistes vous
laissent aller si près d’eux, de leur personne », dit Teio Meedendorp.
Dans une lettre de mai 1882 qui accompagne quelques croquis,
notamment celui d’un vieil arbre aux racines apparentes, il dit y voir
« quelque chose de la lutte pour la vie », « le fait de s’enraciner pas-
sionnément et convulsivement en quelque sorte dans la terre en étant
pourtant à moitié arraché par les tempêtes ».
Ses racines à lui sont glacées, elles plongent dans le sol de Groot
Zundert, petit village du sud des Pays-Bas, et plus précisément,
là-bas, dans les quelques mètres qui séparent sa maison d’enfance
de l’église dont son père était le pasteur. Il s’est employé à les
suivre tout jeune en cherchant un temps la voie de Dieu, puis à les
brûler tant il déplaisait à son austère père et à son édifice religieux.
Choses impossibles, l’une comme l’autre. On ne se défait pas de
ses racines. Il a donc cherché à s’en éloigner et il a marché vers le
sud, vers une tout autre lumière. Seul Théo le relie à son passé,
mais aussi à la vie, à la société des hommes puisque c’est lui qui
envoie de quoi peindre et de quoi se payer un toit. « Je suis le petit
bateau que tu as en remorque, et qui parfois peut apparaître comme
un fardeau dont tu pourrais, certes, te débarrasser en coupant la
corde si tu le voulais », lui avait-il un jour écrit.
C’est Théo qui a organisé son rapatriement à Auvers-sur-Oise,
C’est en comparant cette carte postale après les crises qui ont émaillé son séjour à Arles, l’oreille coupée,
avec la dernière toile peinte par Vincent
Van Gogh qu’un expert est parvenu les tentatives de se donner la mort, déjà. Tant de sombres signaux
à déterminer le lieu où l’artiste a passé envoyés tandis que Théo se mariait, avait un fils qu’il appelait
la journée du 27 juillet 1890. En bas, Vincent. Théo, dans ses lettres, le suppliait de ne pas se sentir
un montage des deux.
abandonné. « Notre vie, justement par cet enfant, est si étroitement
liée que tu ne dois pas avoir peur qu’une petite différence ne puisse
occasionner un écartement… Crois-moi. Ton frère qui t’aime. »
Mais lorsque Vincent, trois semaines avant sa mort, a rendu visite
Ar thénon. Laurent Bourcellier

à son frère et sa famille à Paris, ça ne s’est pas bien passé.


Théo était épuisé, souffrant. Ils n’ont eu que des discussions avor-
tées et tendues. Vincent ne se doute pas alors que son frère n’a
plus que quelques mois à vivre, mais il comprend qu’il va mal et
c’est tout l’édifice de sa vie qui tremble. Une fois revenu à Auvers,
il  n’a plus parlé à grand monde au village, n’a  même pas
rendu visite au docteur Gachet. C’est lui qui va couper la corde.
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LE M AG A ZINE

Il rentre déjeuner selon son habitude, comme les deux autres John Rewald, entend ces rumeurs et les couche noir sur blanc. Les
peintres qui sont en pension à l’auberge. Auvers-sur-Oise est un frères alors adultes sont retrouvés et interrogés. Gaston, l’aîné
repaire d’artistes. Il repart aussitôt après poursuivre son ouvrage. devenu chansonnier, a raconté qu’il aimait Vincent pour sa fibre
« Les dernières touches de jaune sont typiques des lumières de fin anarchiste, qu’il lui a payé des coups à boire et a parlé peinture
de journée », explique Wouter van der Veen. Tout s’éclaire sur avec lui. René, le cadet devenu banquier, a admis que Vincent
cette ultime toile inachevée et longtemps illisible que certains l’appréciait beaucoup moins que son frère, il a évoqué Vincent les
avaient même interprétée comme un possible glissement de Van espionnant quand ils faisaient venir de jeunes prostituées de
Gogh vers l’abstraction. « J’ai compris ce tableau il y a deux mois Paris, ou le vieux pistolet qu’il empruntait à Ravoux, et que
seulement. Un taillis, c’est quelque chose qu’on coupe, mais où la Vincent lui a peut-être « barboté ». Jamais l’un ou l’autre n’a évo-
vie reste. Pour moi, c’est un message d’adieu. Il abandonne. Mais qué de choses plus graves. Et la thèse de l’homicide s’est tranquil-
la vie continue. Un petit Vincent est né chez son frère. Lui vivra à lement dissipée. En 1947, Antonin Artaud, l’homme de théâtre,
travers ses tableaux. » livre son verdict. Après une traversée fulgurante d’une exposition
Il n’est pas à l’auberge à l’heure où est servi le dîner. Les Ravoux Van Gogh au Musée de l’Orangerie, il publie Van Gogh le suicidé
s’inquiètent, c’est la première fois depuis son arrivée sept mois de la société. Beau texte qui parle plus de lui que du peintre, mais
plus tôt. Ils l’ont vu revenir avec son chevalet en fin d’après midi, accuse la société d’avoir précipité la fin de ce génie tout sauf fou.
se délester de son barda et repartir. Il ne reparaît qu’une fois la Ce n’est pas Vincent lui-même, pas des mômes armés d’un pisto-
nuit tombée, la main pressée sur le torse. Il monte directement let à moineaux, c’est nous qui l’avons tué. Et c’est peut-être pour
dans sa chambre au premier étage, M. Ravoux l’y suit, le trouve ça, au fond, que nous l’aimons tant.
recroquevillé sur son lit, lui demande s’il est malade. Van Gogh En 1953, c’est le centenaire de sa naissance. Ladite société com-
soulève sa chemise et montre le trou d’une balle dans sa poitrine. munie. On cherche les survivants d’Auvers, les adolescents de ces
« Je voulais me tuer », aurait-il dit. Ce qu’il répète au peintre hol- journées de l’été 1890 qui ont emporté Vincent Van Gogh.
landais qui occupe la chambre d’à côté, Anton Hirschig : « Je Adeline, la fille des Ravoux, la jeune fille en bleu du tableau de
m’emmerdais alors je me suis tué. » Il s’allonge, demande qu’on Van Gogh, a maintenant 77 ans. Elle refait le déroulé de ce jour-là
bourre sa pipe. On envoie chercher le docteur Gachet qui l’aus- pour la télévision française. Vincent qui rentre en se tenant l’es-
culte, ment gentiment en lui promettant qu’il fera tout pour le tomac et en disant à tout le monde qu’il a voulu se tuer. Son père
sauver. « Alors c’est à refaire », aurait soupiré un Van Gogh qui ne et Théo partis en vain à la recherche du pistolet dans les champs.
voulait pas se rater. On charge Hirschig d’un message urgent Trois ans plus tard, René Secrétan répond encore à une inter-
pour Théo à Paris. Le lendemain, les gendarmes se présentent, view, il raconte les bêtises et la morgue de son adolescence. Mais,
lui demandent s’il a tenté de se suicider, il répond que oui. Ils lui déjà, plus personne ne lui demande s’il a tiré sur le peintre.
rappellent que c’est illégal. « Gendarme, mon corps m’appartient Vincent a laissé un mot trouvé dans sa poche. C’est le brouillon
et je suis libre d’en faire ce que je veux. N’accusez personne, c’est d’une lettre qu’il vient d’adresser à son frère. « Mais c’est plus

LE
moi qui ai voulu me suicider. » dramatique que ce qu’il a envoyé. C’est peut-être l’ultime mes-
sage de celui qui sait qu’on le trouvera mort », explique Wouter
rapport des gendarmes n’a jamais van der Veen. Il connaît bien la correspondance du peintre. Il
été retrouvé. Tout comme le pisto- avait 24 ans quand le Musée Van Gogh d’Amsterdam l’a embau-
let. Peut-être la vieille pétoire qui ché. Il n’était alors pas un spécialiste de l’artiste qu’il prenait
traînait à l’auberge. Le récit s’est même pour « une icône bourgeoise ». Mais il est né au Pays-Bas,
tissé au gré des témoignages des s’est installé très jeune en France, il sait comment on va d’une
gens du village, puis des amis langue à l’autre. Le musée, qui voulait alors revenir au texte
venus à l’enterrement avec tant de originel de la correspondance tant publiée, coupée, traduite,
chagrin qu’ils posaient beaucoup arrangée qu’elle en avait été dénaturée, avait pensé que le jeune
de questions. Il a enflé au fil des Wouter comprendrait les fantaisies, les libertés, les fautes et la
décennies puisque ce pauvre ponctuation très libre de Vincent qui écrivait toujours dans la
Vincent tout taché de couleurs est langue du pays où il s’installait, donc beaucoup en français, y
devenu une légende mondiale. compris à son propre frère.
Dans les années 1930, une autre version de l’histoire circule dans Wouter van der Veen avait eu accès à la chambre forte dans le
le village. On s’y souvient très bien de tous ces petits Parisiens qui sous-sol du musée, il tenait entre ses mains gantées les fines
venaient s’aérer par ici l’été, des enfants de bourgeois qui aimaient pages noircies de phrases et de croquis que le moindre rayon de
rire de ce bonhomme arpentant les champs et leur faisant l’effet lumière pourrait endommager. Et là, ce fut un choc. Une ren-
d’un épouvantail à oiseaux. En douce, ils versaient du sel dans son contre. Ce fut Vincent plutôt que le mythe Van Gogh. Vincent
café, du piment sur le bout de ses pinceaux qu’il mâchouillait, ou bavard. Vincent rebelle. Vincent baiseur. Vincent déterminé. Loin
glissaient un serpent dans sa boîte à couleurs. Il y avait deux frères du fou, de l’autiste et du maudit. Vincent conscient de la valeur
parmi eux, Gaston et René Secrétan, 19 et 16 ans, fils d’un phar- de sa peinture qu’il confiait aux bons soins de son frère. Wouter
macien de la rue de la Pompe à Paris. Et si c’était eux qui, en van der Veen souriait intérieurement de son premier passage à
jouant les cow-boys avec un pistolet à oiseaux, lui avaient malen- Auvers en famille sur la route des vacances, il avait 15 ans, il était
contreusement tiré dessus ? Un historien américain de passage, punk, il avait préféré rester dans la voiture. Gonflant, ce Van

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LE M AG A ZINE

Gogh. Quelques années plus tard, ses lettres originales en


main, il découvrait que le punk, c’était Vincent, et il n’allait plus
jamais s’en éloigner. Il avait alors fait retirer le point d’interroga-
tion qui clôt bien des publications de la correspondance, ce mot
à Théo trouvé dans sa poche. Il se termine ainsi, dans sa version
initiale et rétablie. « Eh bien mon travail à moi, j’y risque ma vie
et ma raison y a fondrée à moitié – bon – mais tu n’es pas dans les
marchands d’hommes ; pour autant que je sache et puisse prendre
parti je te trouve agissant réellement avec humanité mais que
veux-tu. » Nombreux sont ceux qui ont chez eux une édition des
Lettres à Théo avec un point d’interrogation à la fin. Vincent n’en
avait pas mis. Ce « que veux-tu », il l’emploie souvent, formule
teintée de fatalisme. Il ne demande rien à son frère. Il ne veut
plus être son fardeau.
Théo accourt quand la nouvelle lui parvient. Il passe la dernière
nuit allongé, tout contre son aîné mourant et gémissant, parmi
les toiles qui sèchent dans sa chambre mansardée, dont proba-
blement Racines d’arbres. Il lui ferme les yeux à une heure et
demie du matin, joint ses mains pleines de couleurs sur sa poi-
trine. Il organise l’enterrement. Le prêtre refuse de lui prêter sa
charrette, car l’Église n’escorte pas les suicidés. Puis Théo écrit
la nouvelle à leur mère : « L’on peut se dire qu’il a trouvé le repos
qu’il recherchait. La vie lui pesait tant. Et comme à chaque fois,
maintenant tout le monde loue son talent. Oh mère, il était mon
frère à moi. » Une fois Vincent en terre, et sans qu’il ait été
capable d’articuler un seul mot au bord de la fosse, il part pour
les Pays-Bas, il retourne aux froides racines, il veut leur raconter
son frère, ce fils depuis longtemps perdu pour ses parents, il
veut leur dire quel homme et quel artiste magnifique a finale-
ment germé. Il meurt six mois plus tard, de chagrin, disent sou-
vent les biographies de Van Gogh. Mais aussi de la syphilis.

ALORS
cette souche de bois de la rue
Daubigny que raconte-t-elle ? Pas
tout. Mais elle dit où Vincent a passé
l’essentiel de sa journée. Elle
concorde avec ses lettres, sa mauvaise humeur, sa tristesse après
sa dernière visite à Théo, avec les témoignages glanés au
moment de sa mort. « Ce qui est important, c’est qu’il était sur
la pente, il voulait mettre fin à ses jours, ce qu’il avait déjà tenté
de faire. Il allait mal », insiste Teio Meedendorp. Ce n’est pas
nouveau, mais les historiens d’Amsterdam tiennent à le rappe-
ler, parce qu’en 2011 la thèse du meurtre par les gamins Secrétan
est revenue en force. Deux Américains, Steven Naifeh et Gregory que l’ancienne rumeur du village a été diffusée un siècle plus
White Smith l’ont remise au goût du jour par la publication tard dans l’un des shows les plus regardés aux États-Unis.
d’une biographie très détaillée, Van Gogh, the Life, fruit de dix Les spécialistes d’Amsterdam n’ont pas réagi tout de suite. Après
années de travail. La thèse de l’homicide n’y figure qu’en annexe. tout, cette ­histoire avait déjà circulé. « Mais un nouveau mythe était
Mais elle a assuré la publicité de l’ouvrage. Dominique Janssens, en train de s’écrire, à partir de faits qui n’en sont pas », explique Teio
propriétaire de l’Auberge Ravoux, a vu passer les auteurs bien Meedendorp. « Tapez donc “mort de Vincent Van Gogh” sur [la version
des fois, il a aimé disséquer avec eux encore et encore la vie de anglophone de] Wikipédia. » On peut y lire en introduction : « Vincent
Vincent. Il s’y consacre pleinement depuis qu’en 1985 il a sur- Van Gogh a été blessé à la poitrine, par lui-même ou par d’autres et il
vécu à un grave accident de voiture devant l’auberge alors qu’il est mort deux jours plus tard. » Les chercheurs du musée, très atta-
traversait le village. Il était à l’époque directeur marketing chez chés à ce que Vincent révèle de lui dans ses lettres, ont fini par
Danone, il a tout plaqué et racheté l’auberge dont il a fait un contre-attaquer dans une série d’articles. En 2014, les auteurs amé-
musée. C’est entre ses murs qu’a eu lieu le lancement du livre. ricains ont fait appel à un expert en balistique, Vincent Di Maio, qui
L’équipe de l’émission de CBS « 60 minutes » était venue ­filmer a conclu à l’homicide plutôt qu’au suicide, en expliquant notam-
dans la salle à manger. « À un moment du tournage, on m’a ment que si le peintre avait tiré on aurait dû retrouver de la poudre
demandé de sortir, j’ai demandé à rester, mais ils ont insisté. sur ses paumes et son torse. Ce à quoi un autre expert américain,
“Marketing reasons, ils m’ont dit” », se remémore Dominique Joe Nickell, parfois consulté par le FBI, a répondu que le peintre a
Van Gogh Museum, Amsterdam

Janssens. Les deux auteurs ont alors raconté devant les caméras pu tenir l’arme par le barillet de la main gauche, et que ses vête-
la possibilité du meurtre de Vincent par deux adolescents. Ils ments ont pu absorber la poudre. L’histoire de l’art a soudain viré à
n’affirment pas en avoir la preuve, mais revisitent les relations la criminologie, pourtant privée de tout, du corps, de l’arme et de la
troubles des frères Secrétan avec Van Gogh, ils avancent le fait balle. Les restes de Vincent sont depuis longtemps devenus pous-
qu’un homme qui peint toute la journée n’est pas sur le point sière, à côté de ceux de Théo sous le lierre du cimetière d’Auvers.
de se ­donner la mort, et que s’il vient de se tirer une balle dans Au mois d’août 2017, Dominique Janssens reçoit le scénario du pro-
la p
­ oitrine, il ne peut pas rentrer à pied à l’auberge. Et c’est ainsi chain film du peintre et réalisateur Julian Schnabel, un biopic sur

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Racines d’arbres
est le dernier
tableau, inachevé,
de Vincent
Van Gogh.

Van Gogh qui serait incarné par Willem Dafoe. Il veut tourner l’ago-
nie dans la mansarde de Vincent. Dominique Janssens envoie le
Un expert en balistique a conclu à l’homicide
scénario à Wouter van der Veen avec lequel il a créé l’Institut Van plutôt qu’au suicide, en expliquant que si le peintre
Gogh, dont l’épicentre est l’Auberge. Wouter van der Veen note
quelques anachronismes, s’énerve des champs de tournesols qui
avait tiré on aurait dû retrouver de la poudre sur
n’existaient pas là à l’époque, mais surtout du dénouement, le ses paumes et son torse. Ce à quoi un autre expert
meurtre par deux adolescents. « Un tas de fadaises dont il faudra
rester éloigné à mon avis », répond-il à Janssens. L’Auberge fait
a répondu que le peintre a pu tenir l’arme par
savoir qu’elle n’ouvrira pas ses portes au tournage. S’ensuit une le barillet de la main gauche, et que ses vêtements
correspondance houleuse avec le réalisateur qui a fini par recons-
tituer le décor ailleurs. At Eternity’s Gate est sorti en 2018 aux États-
ont pu absorber la poudre. L’histoire de l’art
Unis (puis en 2019 en France sur Netflix). Les gardiens de l’Auberge a soudain viré à la criminologie.
n’ont aucun regret. Ces deux-là ont d’ores et déjà fait installer une
clôture autour de la souche et de ses racines en bord de route.
Wouter van der Veen a fait de sa découverte un livre en téléchar-
gement libre*. Le confinement lui en a laissé le temps. C’est à
l’Auberge Ravoux d’Auvers-sur-Oise qu’il a choisi de dévoiler
l’information, la veille du jour anniversaire de la mort du peintre.
Cela fait cent trente ans que Vincent s’est éteint, une balle logée
tout près du cœur.

*ARTHENON.COM/ROOTS
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La bâtisse du
xvi e siècle abritait
le quotidien
d’Édouard et Hélène
Leclerc et de leurs
trois enfants, Michel,
Hélène et Isabelle.
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LE M AG A ZINE

TITRE DE PROPRIÉTÉ

La discrète
arrière-
boutique
des Leclerc.
EN CET ÉTÉ POST-CONFINEM ENT
QUE BEAUCOUP PASSERONT DANS
L’HEXAGONE, “M” POUSSE LA PORTE
DES MAISONS DE FAM ILLE. PLUS PRISÉS
QUE JAMAIS, CES LIEUX DE SOUVENIRS,
DE RETROUVAILLES, DE NÉVROSES
ET DE POUVOIR SONT UNE VRAIE PASSION
FRANÇAISE. ENTRE BREST ET LANDERNEAU
SE DRESSE L’AUSTÈRE MANOIR DE
LA FAM ILLE LECLERC. TOUS DEUX
­D ISPARUS, LE FONDATEUR DE LA MARQUE
DE GRANDE DISTRIBUTION, ÉDOUARD, ET
SA FEM M E, HÉLÈNE, DIRIGEAIENT LEUR
GROUPE DEPUIS CE VASTE DOMAINE. LEUR
FILS, M ICHEL-ÉDOUARD, S’APPRÊTE À
LE CONVERTIR EN LIEU D’EXPOSITION.

Texte Roxana AZIMI — Photos Pascal AMOYEL

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« MON PÈRE A LAISSÉ QUELQUES MARQUES AU PLAFOND », sourit dans cette maison de famille. « Vous voyez, chez nous, le mot “famille” n’est
Michel-Édouard Leclerc tandis qu’il fait sauter le bouchon d’une bouteille pas envahissant. On n’a pas besoin de l’inscrire dans la pierre, justifie Michel-
de champagne. On a beau lever les yeux, on ne voit pas d’impacts. Dans ce Édouard Leclerc. La Haye, c’est une maison-jalon dans l’histoire familiale
manoir de La Haye, un domaine bordé de cinquante hectares de terre à plus qu’une maison de famille typique comme on en trouve sur l’île d’Yeu ou
Saint-Divy, petite commune d’un millier d’habitants du Finistère, il n’y a l’île de Ré. » La tribu Leclerc, deuxième et troisième générations, a perdu
presque plus trace d’Édouard et Hélène Leclerc, les propriétaires, morts depuis longtemps l’habitude de se réunir dans cet imposant manoir du
respectivement en 2012 et 2019. Plus rien de la collection d’art liturgique xvie siècle érigé au creux d’un vallon boisé. Quand bien même s’y rattachent
qu’avait amassée le couple, pionnier de la grande distribution. Les sta- des souvenirs déterminants, aucun n’a voulu transformer en bastion dynas-
tuaires et autres objets religieux, qui avaient envahi chaque recoin de la tique ou refuge de ses vieux jours une demeure dont chaque élément ins-
maison, ont été déplacés à huit kilomètres de là, à Landerneau, au couvent truit la personnalité et l’épopée des Leclerc.
des Capucins, lieu d’accueil du fonds de dotation portant leur nom, qui Sept décennies durant, cette famille bretonne qui a révolutionné le monde
organise chaque année d’ambitieuses expositions, comme cet été une du commerce et de la grande distribution s’est installée dans le quotidien
rétrospective du dessinateur Enki Bilal. des Français. Chacun connaît ou croit connaître Édouard, « l’épicier de
Au manoir de La Haye, depuis la mort de la matriarche, le 11 juillet 2019, il Landerneau », défenseur des prix bas toujours en butte aux pouvoirs
ne reste plus rien des autres collections, des exemplaires de la revue de publics et aux petits producteurs, secondé par son épouse, Hélène, une
défense ouvrière, L’Assiette au beurre, des tableaux flamands, et presque forte femme devenue pilier de l’organisation. L’imaginaire des clients se
plus aucun meuble. La bâtisse est quasiment vide. À quelques exceptions nourrit aussi des photos de leur maison à Landerneau, de leur cuisine
près, comme l’ensemble de théières d’Hélène, qui prend la poussière dans transformée en 1949 en boutique où se vendent des boîtes de biscuits
l’ancienne serre du jardin, ou l’imposant bureau à cylindre marqueté du empilées, moins chères qu’ailleurs bien sûr, puis, le succès venant, d’un
salon, derrière lequel Édouard prenait la pose pour les photographes, alors hangar installé dans le jardin et enfin du couvent des Capucins où s’installe
qu’il préférait turbiner derrière une simple table de travail dans une petite la première enseigne Leclerc. C’est toutefois à Saint-Divy, à huit kilomètres
pièce adjacente. de Landerneau, que s’est prolongé et fortifié le mythe, dans un manoir
La dernière demeure du couple abritera, après travaux, les bureaux du acheté par le couple en septembre 1966.
Fonds Hélène et Édouard Leclerc, tandis que le grand parc qui l’enserre Pour y accéder, il faut passer deux grilles métalliques, s’enfoncer dans
accueillera une vingtaine de sculptures pour une possible ouverture au une forêt de hêtres, de chênes et de sapins, longer un premier étang,
public d’ici à trois ans. Bientôt donc, le nom qui figure au fronton de près avant de traverser un verger. C’est alors qu’apparaît le corps de logis
de six cents grandes surfaces en France sera aussi inscrit sur la façade d’un rectangulaire sur trois niveaux, isolé dans le paysage, jouxtant un plan
manoir classé depuis 1977 au registre des monuments historiques, mais qui d’eau. Classique, bourgeoise avec ses cheminées monumentales, flan-
jusqu’à présent n’était connu que des intimes de la famille. quée d’un jardin à la française avec ses buis taillés au cordeau, cette
Ni Michel-Édouard, ni sa sœur Isabelle, qui a fondé la librairie L’Imagigraphe demeure ne colle a priori pas à la légende des Leclerc, antibourgeois
à Paris, ni son neveu Vincent Levieux, héritier de sa sœur Hélène décédée conquérants, irrespectueux des usages anciens, qui ont fichu le bazar
en 2018, et directeur de l’un des plus gros hypermarchés Leclerc, à Saint- chez les petits commerçants. On s’étonne même d’y trouver autant de
Médard-en-Jalles (33), n’ont exprimé la moindre envie de prendre racine sculptures représentant des lions, allégorie du pouvoir monarchique.

Le manoir devient très vite le QG de


l’enseigne, où les responsables des magasins
Leclerc de tout le pays se rendent, comme
pour une audience papale. Flattant le
penchant animalier des Leclerc, ils apportent
en cadeaux des poules naines, des pintades et
même un âne qui font la joie des enfants.
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LE M AG A ZINE

À gauche : Michel-
Édouard Leclerc (qui
se prénomme alors
Michel) avec son père
Édouard et une de ses
sœurs, à Landerneau,
vers 1960.
Ci-contre : partie de
pêche entre père et
fils, quelques années
plus tard.

Pourtant cette austère demeure révèle aussi les valeurs de la famille. Ainsi conduisent. Mais il décrit des parents étonnamment décontractés : père
de la chapelle datant de 1716 et son clocher ajouré rappelant la foi aux fourneaux, préparant gibiers, beignets de fleurs d’acacia, crêpes et
d’Édouard Leclerc, qui fut séminariste avant de troquer la soutane pour un poêlées de champignons, mère poussant la chansonnette de sa voix de
costume d’entrepreneur. Ici, tout est aussi robuste, sans prétention ni soprano. Chez eux, on écoute Camille Saint-Saëns et Claude Debussy,
tapage. Pas de tourelle majestueuse ni d’escalier monumental, à peine une mais aussi Petula Clark et Charles Trenet. C’est à Saint-Divy que Michel-
marche pour accéder au seuil d’une maison sombre de prime abord. Quant Édouard découvre les Beatles. Mais sans ses copains de Brest ni ses cou-
à la cuisine, elle est plus chichement équipée que celle d’un appartement sins qu’il ne fréquente pas. La Haye n’accueille en effet nulle cousinade
populaire des années 1970. ni bamboches. Le patriarche Édouard Leclerc a beau être né dans une
Lorsqu’Édouard et Hélène Leclerc achètent le manoir à leurs assureurs famille de quinze enfants, il est en froid avec la plupart de ses frères et
–  « par hasard et pour pas grand-chose », assure leur fils –, celui-ci est dans sœurs. Seuls Guy, avec lequel il partage une passion pour les archives
son jus, recouvert de lierre, sans chauffage ni sanitaires. Laissée à l’aban- notariées, et Henri, rebaptisé Éloi après son ordination, se rendent régu-
don, la chapelle a perdu ses vitraux. Tout est à refaire dans cette maison lièrement au manoir. Quant à ses propres parents, Édouard ne semble
trop grande, où les enfants ne viennent qu’une fois par trimestre. pas les y avoir jamais conviés.
Depuis 1963, en effet, Michel, qui ne se fait pas encore appeler « Michel-

LE
Édouard », a rejoint le petit séminaire des pères du Sacré-Cœur à Viry- manoir devient toutefois très vite le QG de l’enseigne, où les
Châtillon. Ses sœurs Hélène et Isabelle sont au même moment en pension- responsables des magasins Leclerc de tout le pays se rendent,
nat à Brest. « C’est le lieu vers lequel on va tendre, mais sans y vivre comme pour une audience papale. Flattant le penchant ani-
vraiment », confie le fils aîné. malier des Leclerc, ils apportent en cadeaux des poules naines,
Plus qu’une maison de famille, La Haye devient celle des vacances de la des pintades et même un âne qui font la joie des enfants. « Ils
fratrie, qui pêche la truite dans l’étang, gambade dans la forêt et le grand ne faisaient jamais sentir qu’aller chez eux était un privilège, confie cepen-
parc — que les enfants partagent avec de nombreux chiens, quelques paons dant un cadre de la galaxie Leclerc. Toute la famille, enfants compris, discu-
et quantité de mandarins. Michel-Édouard participera aussi aux fouilles tait de tout avec beaucoup de liberté. » Les fidèles s’y pressent, mais aussi
archéologiques menées par son père sur les vestiges d’un oppidum. Ils les rivaux, comme Gérard Mulliez, qui n’a pas encore créé Auchan mais veut
n’ont en revanche pas leur mot à dire sur le décor. tout savoir des ficelles de la grande distribution.
Au fil des ans, la maison se tapisse de peintures flamandes, de dessins et C’est en fait la France entière qui défile à Saint-Divy, dans un manoir devenu
Archives Michel-Edouard Leclerc

d’estampes de Paul Sérusier et d’Émile Schuffenecker, tous deux membres un parfait lieu de représentation sans ostentation : les journalistes tels que
du mouvement nabi. Sculptures religieuses, morceaux de retables et autres François-Henri de Virieu, alors au Monde, les intellectuels comme le philo-
icônes colonisent toutes les pièces. Un Christ en croix et une Vierge en sophe André Gorz et sa femme Dorine, habitués des lieux, ou encore
pleurs étaient ainsi accrochés dans la chambre remplie de maquettes de Emmanuel d’Astier de la Vigerie, gaulliste de gauche et fondateur du jour-
bateaux et de marines de Michel-Édouard Leclerc, au premier étage. nal résistant Libération.
L’héritier ne se souvient plus de la couleur du papier peint, n’exprime pas Adolescent, Michel-Édouard boit les paroles des uns et des autres,
d’émotion en grimpant les marches de l’escalier central Louis XIII qui y découvre Alexis de Tocqueville grâce à Suzanne Berger, professeure

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À gauche : la
collection de statues
de saints et saintes
d’Europe du
Fonds Hélène
& Édouard Leclerc
pour la culture,
à Landerneau.
Ci-contre : Michel-
Édouard Leclerc
dans la propriété,
le 5 juin.

au MIT, lit Raymond Aron sous l’amicale pression d’Astier de la méthode », comme le rappelle son fils, Hélène s’est imposé une ligne de
Vigerie. Les étudiants de Harvard enquêtant sur la politisation du monde conduite et de vie jusqu’à ses 91 ans. Quant au père, « sous ses dehors plus
rural français y croisent le père Jaouen, aumônier du centre pénitentiaire libéraux, il avait des pudeurs qui l’empêchaient d’extérioriser les choses ».
de Fresnes. « C’était l’antithèse des manuels scolaires, de l’histoire planifiée, Sauf lors de ses coups de colère légendaires. Comme celle qu’il pique la
cadrée », sourit Michel-Édouard Leclerc, ajoutant : « J’ai tout appris de la veille de Noël, en 1966, en constatant la disparition d’une croix-calvaire
société française à travers la galerie de portraits qui venaient ici. Ça valait de granit en bordure de sa demeure. Après enquête, Édouard Leclerc
Balzac et Zola réunis. » découvre que la mairesse l’a fait transférer au beau milieu du cimetière
de Saint-Divy. Édouard Leclerc crie au voleur, ameute l’administration.

ÉTUDIANT
, le fils aîné d’Édouard Prenant la tête d’un commando, il récupère la croix, avant de devoir
Leclerc invitera à finalement la restituer à la commune. Michel-Édouard est alors au petit
La Haye ses profes- séminaire, mais sa mère lui adresse les coupures de presse sur cette que-
seurs d’économie, relle façon Clochemerle.
ainsi que le philo- En revanche, il est déjà adulte lorsque le paternel l’envoie décoller les tracts
sophe Michel Serres. Quelques photos subsistent de l’époque. En 1974, que le Cidunati, un syndicat de petits commerçants, a placardés en ville
Paris Match saisit ainsi le couple Leclerc façon châtelains, selon les codes dans les années 1970, accusant Édouard de collaboration. Il est notamment
iconographiques de l’époque : lui assis devant le manoir, elle en bonne soupçonné d’avoir dénoncé des patriotes à la Kommandantur, dont un
épouse, debout les mains sur le dossier de la chaise. « Ils se sont fait pié- exécuté par l’occupant nazi en 1944. Le fondateur des supermarchés
ger », lâche Michel-Édouard, toujours furieux, quarante ans après, de cette Leclerc, qui a en effet été incarcéré à la Libération, poursuivra le syndicat
image si peu en phase avec la réalité d’un couple qui faisait jeu égal, ni avec en diffamation. L’affaire laisse une ombre au tableau familial.
la mythologie familiale. « Je n’ai pas de passé à trahir, indique aujourd’hui le fils aîné, mais je ne me
Une mythologie avec laquelle les enfants ont pris leurs distances, géogra- sens pas dans une filiation obligée. » Aucune obligation, surtout pas celle de
phiques du moins. À 27 ans, Michel-Édouard se marie et s’installe en se retirer dans une bâtisse où en plein milieu d’un repas, voilà quinze ans,
Dordogne. Ses sœurs s’établissent à Paris et à Bordeaux. « On porte le nom il a compris que son père avait la maladie d’Alzheimer. Depuis longtemps
d’une famille qu’on défend, mais on est tous autonomes », glisse Michel- déjà se pose la question du destin de La Haye, où aucun descendant ne veut
Édouard, qui incarne aujourd’hui le visage et la voix de l’enseigne Leclerc. vivre sans pour autant se résoudre à s’en séparer. La demeure est trop
Les séjours à Saint-Divy s’espacent et se raccourcissent. Pour Michel- petite pour y accueillir une auberge ou des chambres d’hôtes. Elle n’a pas
Édouard, La Haye devient un camp de base pour des passages éclair, avant l’aura des maisons d’écrivains. Mais elle jouit d’un beau parc et d’une forêt
de lever les voiles pour une régate en rade de Brest. « Les trajets sont longs, amoureusement redessinés par Hélène Leclerc. « Elle s’était investie dans
et l’été, mes enfants voulaient la mer, les voyages lointains ou les copains », chaque mètre carré, chaque topiaire de buis, avait imaginé le parc comme
s’excuse-t-il. Les petits-enfants ne s’y rendent qu’à l’occasion de mariages un patchwork de moments », se rappelle Laurent Le Bon, patron du Musée
ou de baptêmes, célébrés dans la chapelle attenante, à peine une dizaine Picasso à Paris et lui-même amateur de jardins.
en trente ans. Le peintre Gérard Fromanger qui, depuis 2012, date à laquelle L’idée du parc de sculptures ouvert au public émerge chez Michel-Édouard
Pascal Amoyel pour M Le magazine du Monde

il a exposé au couvent des Capucins, a rendu visite à plusieurs reprises à Leclerc après une visite de la Fondation Henry Moore, dans le
Hélène Leclerc, se souvient de sa « totale dévotion à ce lieu qu’elle bichon- Hertfordshire, en Grande-Bretagne. En Bretagne, les beaux jardins sont
nait », mais pas « d’une vitalité familiale » dans la maison. nombreux. Et la statuaire appréciée. Pas question toutefois de faire de
Les enfants Leclerc ont leurs propres vies et envies. Lorsque Michel- La Haye un Disneyland celtico-religieux comme à la Vallée des Saints, à
Édouard Leclerc décide d’avoir sa maison à lui, en Bretagne, le voileux Carnoët. Plutôt un écrin pour accueillir des œuvres contemporaines prê-
choisit le large, tout au sud du Finistère, à Tregunc, entre Concarneau et tées par des collectionneurs privés. Réunis dans une SCI, les héritiers
Pont-Aven. Les vacances qu’il s’octroie à l’étranger, dûment documentées Leclerc attendent désormais le feu vert administratif pour requalifier cette
sur le compte Instagram de sa compagne, sont plus luxueuses que le parcelle agricole en site apte à recevoir du public. Manière de prolonger,
cadre de vie ascétique de son adolescence. « Mes parents n’étaient pas du dans ce deuxième volet du Fonds Édouard et Hélène Leclerc, l’ambition
tout jouisseurs », admet-il. « Chrétienne coupable et rigoriste dans la populaire de ses fondateurs.
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LE M AG A ZINE

Depuis longtemps déjà se pose la question


du destin de La Haye, où aucun descendant
ne veut vivre sans pour autant se résoudre
à s’en séparer. La demeure est trop petite pour
y accueillir une auberge ou des chambres
d’hôtes. Elle n’a pas l’aura des maisons
d’écrivains. Mais elle jouit d’un beau parc et
d’une forêt amoureusement redessinés par
Hélène Leclerc.
Pascal Amoyel pour M Le magazine du Monde

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LE M AG A ZINE

La fête donnée
à Hydra par
Dakis Joannou
est l’occasion
d’immenses
banquets en plein
Wolfgang Stahr/Laif-Rea. Maria Markezi

air (ici en 2009).

Page de droite,
inauguration
de l’installation
Laughterhouse
du britannique
David Shrigley,
près du centre
d’art de Dakis
Joannou,
en 2018.
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À HYDRA,FIN DE PARTY

LE BANQUET ÉLEVÉ
AU RANG D’ART. Texte Roxana AZIMI

Cet été, “M ” fait le tour du monde des festivités annulées pour cause de pandémie.
En juin, l’artiste Jeff Koons aurait dû être à l’honneur de la grande célébration donnée
par Dakis Joannou. Chaque année, le milliardaire et collectionneur grec convie, dans
la foulée de la foire d’Art Basel, le gratin de l’art contemporain sur l’île d’Hydra, dans la
mer Égée. L’occasion de festoyer et de parler affaires dans une ambiance décontractée.
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VU DE LA MER ÉGÉE, LE CENTRE D’ART monde, celui dont les fameuses tulipes ont semé par FaceTime, alors qu’il venait d’accoster à
DE DAKIS JOAN N OU est une triste bâtisse de la zizanie à Paris. Le Covid-19 a toutefois cham- Hydra. « De rien du tout, répond, imperturbable,
pierre, posée en bordure de la baie d’Hydra. Elle boulé ses plans, annulé la foire de Bâle et reporté le milliardaire. Oui, je suis privilégié, j’ai un yacht,
gâcherait presque l’âpre beauté de cette île à à 2021 un rituel éprouvé dont le format n’a que mais il n’est pas si grand que ça. » Il est vrai
l’entrée du golfe Saronique, qui abrite l’un des peu varié au fil des ans qu’avec ses 35 mètres de longueur, et malgré
plus beaux villages de la Méditerranée, bâti en Les invités décollent habituellement de Bâle, en toute son extravagance, son navire reste « dis-
amphithéâtre. Sur terre, un randonneur passerait Suisse, le samedi pour se rendre à Athènes. La cret » à côté de l’Éclipse, vaisseau de 162 mètres
à côté du morne quadrilatère sans y prêter la mise en jambes commence le dimanche, dans la de l’oligarque russe Roman Abramovitch…
moindre attention. L’intérieur n’est guère plus capitale de la Grèce, par un brunch ou un dîner « Dakis n’est pas dans une idée conventionnelle du
enchanteur : une petite salle décrépie, un sol dans la grande propriété du collectionneur, rem- luxe, il ne cherche pas à être m’as-tu-vu », sourit
bétonné, et c’est tout. En outre, les expositions plie d’art le plus branché et de design radical. Le Massimiliano Gioni, conservateur du New
qui s’y tiennent, quoique dédiées aux grands lendemain, la joyeuse troupe lève les voiles, cap Museum à New York.
noms internationaux de l’art contemporain, sont sur Hydra. La plupart prennent l’hydroglisseur au Une fois arrivés à destination, les intimes se
pour le moins modestes. N’empêche, les invités port du Pirée. Le premier cercle a les honneurs répartissent entre les deux maisons que Joannou
du milliardaire grec trouvent un charme aux du yacht excentrique de Joannou, une embarca- possède sur l’île. Lui ne quitte le pont que pour
murs lépreux de cet ancien abattoir de chèvres tion dont Koons a customisé la coque et la passe- le dîner. À la nuit tombée, depuis le port et sa
reconverti en hotspot arty. Chaque été depuis relle de motifs géométriques inspirés par les rangée de maisons aux murs blancs, les convives
Catherine Panchout/Sygma via Getty Images.

2009, juste après avoir croqué des saucisses à la techniques de camouflage utilisées pour les empruntent un raidillon les conduisant à l’ancien
foire Art Basel en juin, le gotha de l’art contem- navires britanniques pendant la première guerre abattoir situé à flanc de rocher. Les premières
porain – grands artistes, marchands et curateurs, mondiale. Tout aussi détonnant, l’intérieur années, les dîners accueillaient seulement une
soit quelques centaines de happy few – se trans- regorge de design dernier cri et d’œuvres d’art centaine de convives triés sur le volet. Le succès
porte ici pour deux jours de festivités à l’huile cocasses, comme les dessins humoristiques de aidant, à la longue table habituellement dressée
d’olive organisées par Dakis Joannou, magnat David Shrigley qui tapissent chacune des quatre sur le sentier escarpé, se sont substitués de géné-
grec d’origine chypriote. Pour son banquet en chambres d’invités. Accroché en majesté, un reux food trucks de souvlakis et feuilletés de
2020, le milliardaire de 80 ans avait imaginé tableau de Sarah Morris, intitulé Guilty (« cou- viande arrosés de vins locaux et de tsipouro. Une
offrir la vedette à l’un de ses chouchous, l’Améri- pable »), a donné son nom au navire. « Coupable fois repus, les invités prolongent invariablement
cain Jeff Koons. L’artiste vivant le plus cher au de quoi ? », demande-t-on à Joannou, joint en juin la soirée au port, au Pirate, un bar tenu par une
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LE M AG A ZINE

Page de gauche, dans le port d’Hydra en 2016, Guilty, le yacht du milliardaire grec, dont la coque a été designée
par Jeff Koons. Ci-dessous, à gauche, Dakis Joannou et le curateur italien Massimiliano Gioni, un habitué du rendez-vous,
en 2006. À droite, la fondation Deste, la bâtisse qui accueille le centre d’art du collectionneur, sur l’île d’Hydra.

Anglaise mariée à un Grec. Dans ce cadre idyl- transport maritime et la distribution de la l’art de son temps, principalement américain et
lique, hors du temps, ce beau monde qui ne marque Coca-Cola en Grèce. L’industriel a les foncièrement irrévérencieux. « Dakis est chy-
connaît pas le repos poursuit les affaires par pieds sur terre et le verbe rare. Marié depuis 1967 priote, il vient d’un milieu très provincial et
d’autres moyens. Sur le ton de la conversation, avec sa femme, Lietta, avec qui il a eu quatre conservateur et, en réaction, il a construit sa col-
on finalise au grand air les négociations profes- enfants, Joannou n’est pas client des gazettes à lection sur la provocation », confie l’une de ses
sionnelles engagées les semaines précédentes. Le scandale. En revanche, son sourire malicieux a proches.
grignotage accélère les projets d’exposition, les figuré dans toutes les revues d’art anglo-saxonnes S’il a découvert les mouvements d’avant-garde
rasades de vin blanc favorisent la conclusion des qui comptent. Jusqu’en 2016, ArtReview le plaçait dans les années 1960, à l’occasion de ses études
ventes amorcées durant Art Basel. Pour les mar- d’ailleurs régulièrement dans le peloton de tête d’architecture à Rome, ce n’est que dans la décen-
chands invités, il s’agit sans y toucher de se des personnalités artistiques les plus puissantes. nie 1980 qu’il se met à collectionner avidement,

À
mettre dans les petits papiers de Dakis Joannou, sous l’influence de deux mentors, la curatrice
Wolfgang Stahr/Laif-Rea. Catherine Panchout/Sygma via Getty Images

l’un des acheteurs les plus puissants au monde. chaque fois, il était le seul Grec listé par Adelina von Fürstenberg, qui dirigeait alors un
Sa collection, forte de plusieurs milliers d’œuvres, le magazine britannique. C’est que le tai- centre d’art à Genève, et le marchand américain
se chiffre en millions de dollars. « Dakis, c’est le seux toujours vêtu de noir détonne dans Jeffrey Deitch, qui l’emmène en 1985 chez un
François Pinault grec, résume la journaliste le paysage hellénique. Non que son dénommé Jeff Koons – ce dernier travaillait alors
Pauline Simons, qui a créé sur l’île d’Hydra la appétit pour l’art soit singulier. De tout temps, les comme trader à Wall Street pour financer ses
résidence HYam pour soutenir les artistes médi- collectionneurs grecs ont pallié les carences de la créations. Coup de foudre immédiat : Joannou
terranéens. De la même façon que tout le monde politique d’État, en montant des collections achète une installation composée d’un ballon de
veut se montrer à Venise dans les réceptions du ouvertes au public. Mais ils étaient généralement basket flottant dans un aquarium pour à peine
milliardaire français, tout le gratin de l’art veut conservateurs dans leurs goûts, rivés sur le passé. 2 700 dollars. Aujourd’hui, il détient pas moins de
être à Hydra pour la fête de Joannou. » Mort en 1994, l’armateur Basil Goulandris avait 45 œuvres de Koons, parmi les plus embléma-
À la différence de François Pinault, Joannou ne l’œil pour le Greco, Cézanne, Van Gogh ou tiques, comme Michael Jackson and Bubbles,
s’est pas fait tout seul. Sa famille, originaire de Gauguin. Son rival Stavros Niarchos, décédé en représentant le chanteur et son chimpanzé. Son
Chypre, avait prospéré dans la construction et 1996, a aussi laissé une riche collection d’art intérêt s’est porté sur d’autres artistes, avant
l’immobilier, principalement au Moyen-Orient. moderne, notamment Yo, un autoportrait de qu’ils ne deviennent des vedettes du marché, à
Une fortune que l’héritier, né en 1939 à Nicosie, Picasso qu’il avait acheté en 1989 pour 47,8 mil- l’instar de Maurizio Cattelan, dont il possède
a diversifiée dans l’hôtellerie, l’aviation, le lions de dollars. Joannou est plus hardi. Il préfère notamment Now (« Maintenant »),

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LE M AG A ZINE

SELON LES ANNÉES, ON


CROISE AU DÉTOUR DU
BUFFET L’ARTISTE STAR
MAURIZIO CATTELAN OU LE
SURPUISSANT MARCHAND
LARRY GAGOSIAN. “CE
QU’ON AIME, C’EST CETTE
AMBIANCE SANS CHICHI
AVEC DES GENS QUI SONT
HYPERSOPHISTIQUÉS”,
OBSERVE LA GALERISTE
NATHALIE KARG.
la  réplique de la dépouille de John F. Cohen y a rencontré sa muse, Marianne Ihlen, en leur carte. « Dakis a compris que s’il invitait les
Kennedy dans son cercueil, Chris Ofili, ex-Young 1960 et y a vécu une dizaine d’années. L’artiste gens uniquement pour qu’ils viennent chez lui à
British Artist, ou encore le tonton flingueur de la conceptuel américain Brice Marden y a acheté Athènes, ils ne se déplaceraient pas. Avec la pers-
Côte ouest américaine, Paul McCarthy. Ces une première maison en 1973, tout comme le pective d’une fête de deux jours à Hydra, le monde
artistes, Joannou les a achetés tôt, en grand guérillero de l’Arte Povera, Yannis Kounellis. Plus entier s’y précipite », glisse un proche. Joannou
nombre, et pas cher. Et il n’a cessé depuis de les récemment, le photographe Erwin Wurm y a n’est pas le premier collectionneur à vouloir
suivre, de manière privée, ou via sa Fondation aussi installé son atelier. Joannou, lui, possède la imprimer sa marque sur l’île. Veuve de l’armateur
Deste, lancée en 1983 à Athènes pour aider initia- bâtisse jaune, immanquable depuis le port, ainsi Constantine Karpidas, la collectionneuse Pauline
lement la scène locale. « Dakis soutient les expo- qu’un hôtel particulier d’armateur du xviiie siècle, Karpidas et la galeriste londonienne Sadie Coles
sitions des artistes, paye leurs vacances, finance qu’il a entièrement retapés. Il y a installé quelques y ont longtemps orchestré, tous les mois de juillet
leurs catalogues, c’est un long compagnonnage », photos de Cindy Sherman et de Wolfgang jusqu’en 2017, des solo shows très courus d’ar-
vante le curateur italien Massimiliano Gioni. Tillmans, et accroché dans l’une des chambres à tistes internationaux, suivis de dîners ultrachics.
Comme beaucoup d’Athéniens, Joannou a pris coucher Joy of Sex de Tim Noble et Sue Webster, Depuis dix-neuf ans aussi, l’artiste Dimitrios
l’habitude de se rendre depuis les années 1980 à répertoire de positions sexuelles qui fait encore Antonitsis y organise des expositions très pros-
Hydra. « Je ne saurais pas vous dire ce qui m’attire friser la moustache du gardien hydriote des lieux. pectives, d’abord dans une ancienne école sur les
là, confie-t-il lapidaire. Il y a une énergie particu- Depuis lors, ces maisons accueillent tous les pro- hauteurs de l’île, avant d’occuper plus récem- Cour tesy Deste Foundation for Contemporar y Ar t

lière, c’est riche et rude à la fois. » À Hydra, il n’y a tégés d’un collectionneur qui ne s’est pas ment un espace sur le port. Rien de comparable
rien à faire, si ce n’est flâner dans les ruelles enva- contenté de flairer les nouvelles tendances de la entre ses accrochages pointus à petit budget
hies de chats – voitures et vélos sont interdits –, création. – autour de 20 000 dollars – et la grande fiesta
rêvasser au coucher de soleil. Dès les années Joannou a anticipé la mutation profonde d’un annuelle de Joannou.
1930, ce « roc qui sort de la mer comme une monde où s’estompe la distinction entre l’art et Un rendez-vous que Massimiliano Gioni ne rate-
énorme miche de pain pétrifié », tel que le décri- le divertissement. Blasé comme jamais, le milieu rait pour rien au monde. « C’est un vrai plaisir ! »,
vait l’écrivain américain Henry Miller en 1939 se shoote aux découvertes, trompe l’ennui dans s’exclame-t-il, égrainant des souvenirs mi-pro, mi-
dans Le Colosse de Maroussi, attire intellectuels et l’événementiel et la transhumance internationale perso. C’est là où, voilà quatre ans, son fils a fait
artistes, heureux de trouver une tranquillité, loin qui conduit curateurs, marchands et acheteurs ses premiers pas. Là où il s’est reposé après avoir
des plages de sable qui aimantent les touristes. de New York à Miami, de Shanghaï à Hong Kong. assuré le commissariat de la Biennale de Venise
Le chanteur-compositeur canadien Léonard L’intuition de Joannou, c’est d’inscrire Hydra sur en  2013. Là où il a rencontré le vidéaste

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Page de gauche, de gauche à droite, l’artiste Jeff Koons, le designer Dan Friedman, le marchand d’art Jeffrey Deitch
et le milliardaire Dakis Joannou, sur l’île grecque en 1987. Ci-dessous, à gauche, une procession au requin, organisée
pour l’exposition inaugurale de Matthew Barney et Elizabeth Peyton en juin 2009. À droite, inauguration de l’exposition
de la plasticienne américaine Kara Walker, en 2017.

afro-américain Kahlil Joseph, avant de décider de chichi avec des gens qui sont en revanche hyperso- George Economou, il éclate de rire. « Je me fiche de
l’exposer en 2017 au New Museum, à New York. phistiqués », observe la galeriste new-yorkaise la célébrité, dit-il à la manière de ceux qui en
« Tout le monde de l’art a des souvenirs à Hydra, Nathalie Karg, une habituée. jouissent. Je fais ça juste pour avoir et offrir du bon
assure-t-il de son accent chantant. Chaque année, L’apparente simplicité n’exclut pas quelques effets temps. » « Dakis ne fait pas tout ça pour lui, mais
j’ai pu rencontrer de nouvelles têtes. » « C’est le sas de mise en scène. Pour l’exposition inaugurale de pour les autres, défend Massimiliano Gioni. Tout le
de décompression avant les vacances », sourit pour Matthew Barney et Elizabeth Peyton, les invités ont monde peut profiter de ces soirées, il n’y a personne
sa part la galeriste athénienne Rebecca Camhi, qui dû se lever aux aurores et se rendre à l’abattoir sur avec une liste à la main pour vous jeter dehors. »
n’a jamais manqué l’événement. Son confrère les coups de six heures du matin pour assister à une Si l’arrivée de cette horde arty réjouit les com-
autrichien Thaddaeus Ropac, qui possède depuis procession funéraire durant laquelle un grand merces locaux, elle ne profite guère à la scène
douze ans une maison sur les hauteurs de l’île, requin pêché dans les eaux de la mer Égée était artistique grecque. « Le caravansérail de l’art ne
apprécie « la magie d’une soirée sans dress code ». déposé dans une vitrine avant d’être cuit à la se préoccupe pas vraiment de ce qui se passe en
Pour jouer le jeu de Dakis Joannou, les méga-mar- broche et servi aux invités. « La seule fois de ma vie Grèce, il ne reste rien de leur passage sur l’île »,
chands délaissent en effet l’uniforme complet- où j’ai mangé du requin, et ce n’était pas bon ! », plai- regrette Denys Zacharopoulos, conseiller artis-
baskets pour un bermuda en coton et une paire sante Gioni. Une autre fois, l’artiste italien Roberto tique de la municipalité d’Athènes. Reste à voir si
de tongs pas forcément griffées. Les directeurs Cuoghi a installé à l’extérieur des fours coniques ce type de festivités transcontinentales a encore
des plus grands musées tombent la veste pour se dont les flammes éclairaient le banquet. Dimitrios sa place dans le monde post-Covid-19. « Si un vac-
balader en tee-shirts chics. Seule exception à la Antonitsis a, lui, aimé l’intervention du Suisse Urs cin est trouvé, tout le monde aura envie de revenir
règle, le marchand américain Jeffrey Deitch, Fischer qui a invité les locaux à fabriquer leurs à Hydra », veut croire Joannou. Pandémie oblige,
Wolfgang Stahr/Laif-Rea. Maria Markezi

ancien conseiller du collectionneur grec, garde le propres sculptures d’argile. « Dakis est un hôte très le plus international des collectionneurs grecs
costume, comme un colon sous le soleil brûlant. généreux, mais ses vernissages me font penser aux s’est vu contraint cette année au localisme. À
Selon les années, on croise au détour du buffet soirées de Gatsby le Magnifique, observe-t-il. Tout défaut de célébrer Jeff Koons, il expose pour la
l’artiste star Maurizio Cattelan, le surpuissant est parfait mais quelque chose d’indicible manque première fois à Hydra un artiste grec, Kostis
marchand Larry Gagosian, la doyenne des gale- au tableau. » Serait-ce l’humilité ? N’allez pas Velonis, qui a créé une scénographie autour de
ristes américaines Marian Goodman ou Adam demander à Dakis Joannou si cette grande opéra- huit masques funéraires de combattants de l’in-
Weinberg, le très sérieux directeur du Whitney tion de charme et de communication vise à le dif- dépendance grecque, dans laquelle les armateurs
Museum of American Art, à Manhattan. « Ce qu’on férencier des collectionneurs locaux tels que le très hydriotes jouèrent un rôle essentiel. Mais cette
aime tous, c’est précisément cette ambiance sans cérébral Dimitris Daskalopoulos ou le médiatique fois sans fiesta ni monde de l’art.
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LA GRANDE ÉVASION

DÉPÔT DE LIBAN.
Les images sont des portes ouvertes sur l’ailleurs. Une manière
de voyager vers des destinations rares ou méconnues et, cet été,
inaccessibles. Cette semaine, le Liban. Amateurs de sites antiques,
les photographes Thérèse Verrat et Vincent Toussaint se sont rendus
en 2018 et 2019 dans le nord du pays. Du temple de Bacchus, vidé de
ses touristes par le conflit syrien, aux quartiers décrépits de Beyrouth,
leurs images désincarnées dégagent une quiétude intemporelle. Le calme
avant la crise qui est en train de happer toute la société libanaise.
Photos Thérèse VERRAT et Vincent TOUSSAINT — Texte Laure STEPHAN

Ci-contre,
le hammam
Ezzedine, Tripoli,
mars 2019.

Page de droite,
le temple
de Bacchus,
Baalbek,
avril 2018.

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LE PORTFOLIO
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LE PORTFOLIO

Thérèse Verrat et Vincent Toussaint pour M Le magazine du Monde

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Page de gauche,
dans la ferme-
école Buzuruna
Juzuruna, vallée
de la Bekaa,
mars 2019.

Ci-contre, un
garage à Tripoli,
mars 2019.

À L’ORIGIN E, THÉRÈSE VERRAT ET VIN CENT collectées lors de leurs visites : la lumière, le chaos, la beauté, le tintamarre
TOUSSAINT ont voyagé au Liban pour y photographier des klaxons en ville, l’intensité avec laquelle la vie est vécue. Les couleurs,
les sites antiques, comme ils l’avaient fait en Grèce ou comme ce rouge d’une carrosserie dans un garage : « C’est une photogra-
en Italie. Sur cette autre rive du Bassin méditerranéen, phie de voiture et de paysage à la fois. Nous sortions des souks de Tripoli, et
ils ont posé leur trépied devant les majestueuses ruines ce rouge a surgi de la pénombre », raconte Vincent Toussaint. Ou encore,
romaines de Baalbek, le millefeuille archéologique de les signes religieux – comme cette statuette d’une vierge à l’enfant –
Byblos – le lieu où a été découverte la plus ancienne « visibles dans l’espace public, comme le sont les petits autels à Naples », dit
inscription phénicienne, sur un sarcophage, et qui Thérèse Verrat.
compte aussi un théâtre romain ainsi qu’une citadelle Certains de leurs clichés sont empreints de mélancolie. D’autres tissent
croisée – ou l’ancienne ville omeyyade d’Anjar. une forme de continuité entre passé et présent, dans la patine du temps
Un peu partout, la contemplation s’est faite dans un laissée sur les murs d’un bain public de l’époque Mamelouks, à Tripoli
quasi-silence, sans touristes. « Il y avait quelque chose (nord), ou la peinture écaillée d’une cage d’escalier, à Beyrouth. « Nous
de troublant, entre le peu de personnes et le caractère avons ressenti un lien entre les ruines antiques et les cicatrices que portent
extrêmement bien conservé de ces sites », se souvient des bâtiments récents ou l’état inachevé de chantiers », rapporte Vincent
Thérèse Verrat. « On se sentait en contact presque immé- Toussaint. Leurs photographies ont parfois l’allure de fragments, à l’image
diat avec la pierre », ajoute Vincent Toussaint. Cela fait des juxtapositions qui composent le Liban. Elles donnent aussi, à leur
presque une décennie que le nombre de visiteurs a manière, un indice de l’effritement actuel du pays, après des décennies
chuté, à la suite de la guerre dans la Syrie voisine et de d’incurie politique et l’éclatement de la bulle financière. « Un jour, nous
ses contrecoups au Liban. nous promenions dans le quartier d’Achrafieh à Beyrouth. Un vieux mon-
Le duo de photographes a bien fixé en argentique le sieur s’est approché en demandant ce que nous photographions – il s’agissait
célèbre temple de Bacchus, à Baalbek, dans la vallée de d’un arbre. Il a eu ces mots : “la lumière, c’est tout ce qui nous reste au Liban”.
la Bekaa, ou d’autres vestiges. Mais il s’est aussi laissé Il exprimait une tristesse, tout en nous incitant à continuer notre travail »,
prendre au jeu du quotidien, aux contrastes du Liban se remémore Thérèse Verrat.
qui happent le regard et suscitent émotions et interro- Travailler à la chambre photographique a valu aux deux trentenaires à la
gations. Ce fut tout simplement un « coup de cœur », fois des méfiances, qu’il a fallu apaiser, et des échanges empreints de curio-
résume Thérèse Verrat. Leurs deux séjours, en 2018 puis sité. Leur projet n’est pas terminé : ils se sont promis de découvrir le sud
au printemps 2019, ont eu lieu avant la grave crise (éco- du Liban dès que la situation sera revenue à la normale. Une image leur
nomique, financière, politique) dans laquelle sombre tient particulièrement à cœur : ces fleurs, dans un vase improvisé en plas-
depuis plusieurs semaines ce petit pays attachant, et qui tique, sur une table. Les photographes ont pris ce cliché dans une ferme-
se traduit par une fulgurante dégringolade sociale. école de la vallée de la Bekaa, Buzuruna Juzuruna, qui promeut la biodiver-
S’ils suivent, depuis la France, la détresse et l’angoisse sité et l’agroécologie ; on y forme des réfugiés syriens, qui vivent dans des
qui minent aujourd’hui de nombreux Libanais, ils campements informels et miséreux éparpillés dans la région. Ces fleurs
conservent précieusement le tourbillon d’impressions sont comme un signe d’espoir, malgré tout.
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Ci-contre,
ruines de la cité
omeyyade
d’Anjar, vallée
de la Bekaa,
mars 2019.

En bas, dans
le quartier
d’Achrafieh,
Beyrouth,
mars 2019.

Page de droite,
dans le quartier
Mar Nicolas,
Beyrouth,
mars 2019.
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LE PORTFOLIO
Thérèse Verrat et Vincent Toussaint pour M Le magazine du Monde

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LE PORTFOLIO

Page de gauche,
dans le quartier
de Hamra,
Beyrouth,
mars 2019.

Ci-dessus,
l’église maronite
Saint-Antoine,
Beyrouth,
Thérèse Verrat et Vincent Toussaint pour M Le magazine du Monde

mars 2019.

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Une collection

LE MONDE DE

MAIGRET Georges Simenon


NT
OFFRE DE LANCEME
LE LIVRE N°2

5,99
seulement

Sous la plume de Georges Simenon, plongez


dans l’univers du commissaire Jules Maigret.

Chaque volume est accompagné d’un dossier


complet qui éclaire les thèmes, les personnages
et le climat du roman.

Collection préfacée par John Simenon

www.lemondedemaigret.fr

En vente chez votre marchand de journaux


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La première
cour intérieure
LE GOÛT
du Sénéchal,
dominée par
l’ancienne poste.

CHAMBRES À PART Le SÉNÉCHAL, trésor cachet.


CES BÂTIMENTS D’EXCEPTION N’AVAIENT PAS VOCATION À HÉBERGER
DES VOYAGEURS. TRANSFORMÉS EN HÔTELS, ILS ONT CONSERVÉ
UNE PART DE LEUR HISTOIRE, QUE RACONTE “M” TOUT AU LONG DE L’ÉTÉ.
Texte Sabine MAIDA À ARS, SUR L’ÎLE DE RÉ, UN ANCIEN BUREAU DE POSTE A ÉTÉ RÉNOVÉ
Photos Gaëtan CHEVRIER EN TROIS-ÉTOILES DE CARACTÈRE, AU CHARME DÉLICAT.

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L’entrée 1
principale
du Sénéchal (1),
qui a été rénové
avec des
chambres
au décor
minimaliste (3)
et des objets
rappelant la
fonction initiale
du lieu, un bureau
de poste (2).
L’hôtel s’est
ensuite étendu
à un moulin (5)
et à une maison
de famille
transformée en
villa avec piscine
2 3
(4 et 6).

4 CETTE ÎLE CHARRIE UN E POIGN ÉE DE CLICHÉS AUSSI


TENACES que les patelles sur les rochers qui bordent ses côtes. Sa
réputation de villégiature snob et chaste réduirait un peu vite son
hôtellerie à quelques lits à baldaquins orientés vue mer ou à des
centres de balnéothérapie dernier cri. En réalité, l’île de Ré
(Charente-Maritime) a un faible pour l’inclassable. Le Sénéchal,
hôtel fondé par Christophe Ducharme et sa femme, Marina, il y a
vingt ans, en est la parfaite illustration.
De sa commune, Ars-en-Ré — ou Ars, le plus souvent —, on sait
qu’elle figure parmi les plus beaux villages de France. Port ravis-
sant, enfilade de cavistes et de brocanteurs, clocher bicolore noir
et blanc et, de l’autre côté, une digue dont il se raconte que, par
beau temps (et pineau coulant à flots), à force de scruter l’horizon,
on peut apercevoir New York. À cet endroit précis de la carte pos-
tale, Lionel Jospin a souvent piqué une tête et Michel Piccoli joué
à la pétanque, au couchant — il s’est offert une petite maison à Ars
après avoir tourné là Les Choses de la vie, scénarisé entre autres
par Jean-Loup Dabadie, amoureux de cette île depuis l’enfance.
C’est qu’un certain gratin des arts, de la politique et des médias a
ses habitudes estivales ici. Une instagrammeuse a même taxé
l’endroit de « Disneyland de l’île de Ré », regrettant qu’il faille soi-
gner son allure pour aller choisir ses huîtres au marché.
En 2000, Marina et Christophe Ducharme, deux Parisiens qui ont
grandi l’été sur ce fragment d’archipel charentais, s’y sont connus
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LE GOÛT

Les murs des chambres sont nus


parce qu’il n’est pas question “d’imposer
des œuvres d’art alors qu’on arrive ici
pour se vider la tête”. Pas de musique
non plus dans les parties communes
(“les gens nous en remercient”)
et surtout pas d’horloge.
et mariés, rachètent à Ars « l’hôtel le plus miteux de l’île ». Lui, archi-
tecte urbaniste, réalise un rêve de gosse, il le dit encore aujourd’hui
avec un sourire d’enfant de 5 ans. Les Ducharme adorent les hôtels,
quand ils passent quatre nuits à New York, ils séjournent dans
quatre hôtels différents. Ils sont les seuls à se porter acquéreurs,
l’affaire est rapidement pliée, à un prix raisonnable. Dans leur 5 6
entourage, on les croit fous. Le chantier ne traîne pas, et l’endroit
rouvre au printemps suivant, doté de quinze chambres au style
simple et charmant, pensé pour « ne pas choquer ». Le couple sou-
haite que l’établissement s’intègre au mieux dans le paysage et la
vie du village. Quand les ex-propriétaires visitent ce nouveau
Sénéchal qui sent encore le plâtre frais, ils sont stupéfaits : « C’est béton, il aime depuis vingt ans ce qui plaît aujourd’hui et traverse
exactement ce que nous aurions voulu faire ! » le temps sans ternir.
L’hôtel est adossé à un bâtiment de deux étages au passé chahuté, « Minimalisme chaleureux », a écrit un magazine de décoration au
qui a abrité la gendarmerie au xixe siècle, la Kommandantur pen- moment de l’inauguration du Sénéchal. Le concept a su évoluer
dant la seconde guerre mondiale, et finalement la poste, à la au fil du temps et s’adapter aux différents espaces investis par ses
Libération. En 2004, les Ducharme rachètent la quasi-totalité de propriétaires. En 2012, le couple récupère le moulin du xviie siècle
sa surface — soit 892 mètres carrés —, hormis le petit bureau de retapé cinquante ans plus tôt par Ducharme père. Ils en font une
poste, que l’architecte a accepté de rénover et qui continue d’ac- extension prête à accueillir 15 personnes, un refuge hors normes
cueillir des clients au rez-de-chaussée. Cette acquisition permet au face à l’océan, posté à 800 mètres de l’hôtel. La même année, ils
Sénéchal de s’adjoindre 7 chambres, un coin piscine et une cour- acquièrent une très ancienne maison de famille à l’autre bout du
jardin plus vaste. Ce que Christophe Ducharme aime par-dessus village, flanquée d’un chai et de clapiers à lapins : « Un endroit très
tout, c’est transformer sans trahir. Il pense que les lieux ont une complexe à rénover, à cause de la circulation alambiquée et du
âme, que rien n’a jamais été construit au hasard. Alors il redonne terrain en escalier. » Mais l’architecte a un faible pour la difficulté.
vie à des recoins oubliés : un escalier, une petite terrasse, ou la Ce sera la Villa Victoire, le clou du Sénéchal, qui se loue pour trois
vigie tout en haut, qui retrouve sa lumière au plus grand bonheur nuits au minimum avec ses 5 chambres et une piscine nichée dans
des « casserons » (le surnom des Arsais, emprunté à une petite la végétation. Suivront trois maisons de pêcheurs plus modestes
seiche). L’architecte sentimental adore entendre ses clients dire : rachetées dans les venelles alentour, idéales pour les couples avec
« Je vais à la poste », quand ils se rendent de ce côté-là de l’hôtel. enfants. On vit là sans passer par la réception, mais les lits sont faits
Des ouvrages des P.T.T. datant du siècle dernier sont empilés dans chaque matin, du bois est livré pour la cheminée, la kitchenette
un coin du salon, près de l’ordinateur en libre-service, une photo remise en ordre… « Au début, les gens ne comprenaient pas le prin-
est restée sur le mur où un postier l’avait punaisée… cipe, ils nous demandaient s’ils devaient apporter des draps », se
Respecter l’histoire d’un lieu, c’est respecter ceux qui l’ont conçu souvient Marina Ducharme.
et ceux qui y viendront un jour. Les murs des chambres sont nus En diversifiant leur offre, les Ducharme ont réussi à inventer une
parce qu’il n’est pas question « d’imposer des œuvres d’art alors hôtellerie pour tous les budgets. Aujourd’hui, on peut dormir
qu’on arrive ici pour se vider la tête ». Pas de musique non plus une nuit au Sénéchal pour 75 euros (dans 11 mètres carrés douil-
dans les parties communes (« les gens nous en remercient ») et lets) comme pour 395 euros (le tarif d’un loft splendide sous les
surtout pas d’horloge. La décoration du Sénéchal est un mélange toits). Le prix est souvent proportionnel à la surface, mais Marina
d’authentique et de contemporain, sans que rien ne s’impose vio- et Christophe Ducharme ne détestent pas l’idée que le client
lemment à l’œil : « Même les pièces recherchées par des collection- installé pour la semaine dans une immense chambre avec ter-
neurs se fondent dans le décor », remarque Christophe Ducharme. rasse « paie la piscine » pour celui qui réserve une seule nuit dans
Il a confié à Serge Madec, ancien navigateur recordman de la un espace plus modeste.
Gaëtan Chevrier pour M Le magazine du Monde

traversée de l’Atlantique Nord à la voile reconverti dans la bro- Ce trois-étoiles de caractère a d’autres lubies : ouvrir le parasol à
cante haut de gamme avec son épouse, le soin de trouver le mobi- l’ombre même en hiver, mettre des bouquets dans des vases sur
lier, à l’exception des luminaires. Longues tables de ferme, bancs les tables du jardin déjà copieusement fleuri ou repasser les draps
et chaises rustiques, miroirs aux encadrements décapés… « Le dans la salle commune, au vu et au su des clients. L’île de Ré n’est
Sénéchal est notre meilleur show-room », concède Françoise pas avare en hôtels ravissants ni en maisons d’hôtes photogé-
Madec, propriétaire de la boutique Côté Jardin, à Ars. niques, mais le Sénéchal reste un endroit à part. Christophe
Pour le reste, Ducharme « tricote ». En prenant son temps pour Ducharme ne compte plus les réalisations qu’il a signées sur l’île,
enfiler les mailles… Il a mis trois ans à trouver le bon sol pour la il s’est arrêté au chiffre de 350. Son nom est un peu du patrimoine
salle des petits déjeuners. Dans son travail, en général, sa préfé- d’Ars aujourd’hui.
rence va rarement aux matériaux les plus luxueux : « Souvent la LE SÉNÉCHAL, 6, RUE GAMBETTA, ARS-EN-RÉ (CHARENTE-MARITIME).
matière grise remplace l’argent. » Chaux immaculée, bois brut, CHAMBRE À PARTIR DE 75 €. HOTEL-LE-SENECHAL.COM

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LE GOÛT

LE SOUVENIR DE VOYAGE DE Dominique ISSERMANN,


photographe.
APRÈS AVOIR COUVERT, EN AVRIL 1974, LA “RÉVOLUTION DES ŒILLETS”,
AU PORTUGAL, LA PHOTOGRAPHE ­D ÉCIDE D’EMPRUNTER
Texte Valentin PÉREZ UN NOUVEAU CHEMIN ET DE SE CONSACRER À LA MODE.
Illustration Yann KEBBI TOUJOURS EN NOIR ET BLANC.

UNE FEMME DANS UN CAFÉ  ; des soldats leaders de la gauche, par les peuples en révolu- Novecento, de Bernardo Bertolucci, avec des
dans le métro ; des silhouettes de révolution- tion », détaille-t-elle. À 27 ans, elle signe de temps femmes intenses qui criaient : “Liberté !” » Pour
naires, uniformes débraillés, ouvrages marxistes en temps des reportages sur la jeune garde du suivre les événements est venue de France la fine
à la main : les photos ne tiennent pas du portrait cinéma européen dans Zoom, magazine soigné et fleur des agences Sygma, Magnum et Viva : Guy
sensible de star ni de l’image de mode affirmée arty, ou sur l’abbé Pierre dans Time. Elle admire Le Querrec, Gilles Peress, Sebastião Salgado…
que l’on associe à Dominique Issermann, mais les portraits de couturiers d’Edward Steinen, dis- Dans cette bande masculine où la compétition
elles portent déjà sa signature, le noir et blanc. paru un an plus tôt, le noir et blanc irréprochable s’aiguise, Issermann est la seule femme. « Nous
Elles remontent au printemps 1974, lorsque la d’Edward Weston, mais aussi la puissance des voulions tous tirer le portrait du militaire Otelo de
jeune photographe est envoyée par le magazine images de guerre d’un Don McCullin ou d’un Carvalho, un stratège de la révolution. Un jour, je
Time au Portugal pour couvrir la « révolution des Larry Burrows, embarqués au plus près des com- leur ai dit, téméraire : “Moi, je vais y aller !” J’ai
œillets », soulèvement qui met fin à la dictature battants américains au Vietnam. traversé la cour avec mes appareils, suis arrivée
de Salazar. « La presse du monde entier était là, Dans ce Portugal en révolte, elle multiplie les ins- jusqu’aux sentinelles, ai tenté de les convaincre,
attendant que ça dégénère », se souvient celle qui tantanés, d’Evora à Lisbonne, où elle croise alors que je ne parle pas un mot de portugais. Ils
travaillait au Leica argentique, objectif 35 mm. Bernard-Henri Lévy, et jusque dans les cam- m’ont dit : “Bien sûr, passez”. Mes collègues, retenus
« Après Mai 68, j’étais idéaliste et féministe, rêvant pagnes avec leurs coopératives agricoles, « des derrière la grille, m’ont regardée partir, interlo-
de paix et d’égalité, bouleversée par les grands îlots de rébellion comme on en voit dans qués. Finalement, arrivés derrière une colonne, les
militaires m’ont fait tourner à droite. Dès que nous
avons été à l’abri des regards, ils m’ont dit :
“Retournez immédiatement derrière la grille !” »
Au milieu des jets de pierre, des fusils-­mitrailleurs
portés en bandoulière, trouver sa place n’est pas
chose facile. « Quand j’ai vu le premier blessé à
terre, je n’ai pas eu envie de continuer à photogra-
phier, mais d’aider, de mettre à l’abri, d’emmener
à l’hôpital. L’exercice du reportage a beau être
essentiel et j’ai beau sincèrement admirer les
reporters, je ne m’en sentais pas le courage. »
Quelques mois plus tard, elle est revenue dans
l’Hexagone, et Zoom lui propose de présenter un
concours de photo de mode : pour l’occasion,
elle place devant son objectif sa sœur, ceinte d’un
long imperméable, allongée sur un lit tout près
d’un beau garçon en costume trois-pièces.
Premier prix en catégorie noir et blanc. Un car-
burant pour des opportunités – 20 ans, Vogue –
et une rencontre avec Sonia Rykiel, avec qui elle
collaborera fidèlement.
« Au Portugal, c’est comme s’il y avait trop de réel
à faire entrer dans le cadre. J’ai compris là-bas que
j’avais envie, au contraire, de partir du cadre et de
le remplir, de mettre davantage en scène les
images. » La mode devient son biotope, la voie
où, au fil des ans, elle fait s’épanouir actrices et
modèles, dans une approche pudique et subli-
mée. « En sortant de Mai 68, dit aujourd’hui
Dominique Issermann, on avait tendance à pen-
ser que la réalité n’était qu’ouvrière, que les vraies
gens étaient forcément dans la rue. J’ai réalisé plus
tard que la mode est faite de vraies mannequins
qui sont de vraies femmes travaillant dans de
vrais studios pour de vrais magazines achetés par
de vrais lecteurs. »
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Sacoche Ravito,
en raphia et cuir,
Sellerie Georges, 289 €.
sellerie-georges.com

La SACOCHE en roue libre.


Stylisme Laëtitia Leporcq. Assistant
photographe: David van der Leeuw.
Scénographie: Eleonora Succi

FÉTICHE Depuis le début de l’année, les ventes de cycles explosent en


France. Sous l’effet des aides publiques, de la création de nouvelles pistes cyclables et d’une sensibilisation massive à la pollution, le vélo
(souvent électrique) remplace la seconde voiture dans un nombre grandissant de foyers. Les fabricants de deux-roues ne sont pas les seuls
à profiter de cette aubaine. Les maroquiniers, bien inspirés, multiplient les accessoires pratiques conçus dans différents matériaux. La
Sellerie Georges propose ainsi toute une gamme de sacs adaptés au vélo, fabriqués en banlieue parisienne, dont une sacoche latérale qui
s’accroche sur le côté du porte-bagages, le long de la roue. Fabriquée en raphia, matériau naturel plébiscité par l’époque, elle se transforme
facilement en sac à main grâce à sa poignée en cuir, une fois le pied posé à terre. Marie GODFRAIN — Photo Sarah VAN RIJ

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CHASSEURS DE MODE

Sandy SCHREIER,
ou l’entrée au musée.
PRINTEM PS-ÉTÉ, AUTOM NE-HIVER, POUR CERTAINS
LA MODE EST UN MANÈGE ÉPHÉMÈRE. MAIS EUX
FONT ŒUVRE D’ARCHIVISTES. QUATRIÈM E VOLET DE
NOTRE SÉRIE SUR LES COLLECTIONNEURS DE MODE,
AVEC SANDY SCHREIER. CETTE AMÉRICAINE, QUI NE
PORTE JAMAIS LES PIÈCES QU’ELLE CONSERVE, A
PROM IS UNE DONATION AU M ETROPOLITAN M USEUM
DE NEW YORK.

Texte Valentin PÉREZ — Illustrations Damien CUYPERS


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LE GOÛT

fourrure du grand magasin Russeks portée par Twiggy dans Vogue


de Detroit, l’amène souvent avec lui en 1967 : « Parce que Richard Avedon
au travail. Elle y découvre le monde se plaignait que les photos ne ren-
scintillant des beaux vêtements et, daient rien, Roberto a coupé soudai-
très vite, se met à posséder des nement la robe façon mini en même
pièces déjà portées, comme d’autres temps qu’il a coupé les cheveux de
des poupées. « Les femmes des riches Twiggy et c’est ainsi que la photo est
industriels de la ville étaient atten- devenue marquante ! »
dries en me voyant constituer ma Et que cache cet ensemble bleu siglé
petite collection et ont commencé à Dior et dessiné par Yves Saint Laurent
me confier ce dont elles ne voulaient pour le printemps 1958 ? « Ida, la
plus. Elles s’habillaient à Paris et bonne d’Elizabeth Parke Firestone, la
voulaient chaque saison de nouvelles cliente qui la détenait, m’a tout
tenues pour suivre les tendances. raconté. Sa patronne demandait tou-
En 1947, le New-Look de Dior est jours à Patou, Dior ou Balenciaga du
devenu si prescripteur qu’elles ne bleu ciel ou du marine pour ses com-
savaient pas quoi faire de leurs mandes sur mesure, afin d’aller avec
Doucet ! » Alors, la petite Sandy ses beaux yeux azur. Puis, elle faisait
récupère tout. Archive, protège, envoyer par les maisons le même tissu
contemple. « Déguise-toi avec une aux fabricants de chaussures et d’ac-
de ces vieilles fringues », lui sug- cessoires afin d’avoir un total look : de
gèrent ses parents à Halloween. dix à quinze paires de souliers pour
Réponse en pleurs de la fillette : chaque tenue ! À sa mort, en 1990, j’ai
« Interdit d’y toucher ! » vu l’intégralité de sa collection  :
DEVANT LE TEMPLE D’ISIS lui demandent comment elle a pu Toute sa vie, elle s’est appliquée à 2 221 paires de chaussures, je les ai
DE DEN DOUR, l’atmosphère est résister à la tentation d’un essayage. entretenir cette étrange manie comptées moi-même ! » Les histoires
joyeuse, ce 25  novembre  2019. « Je n’ai jamais – vous m’entendez qu’elle ne s’explique pas. Plus tard, sont si précieuses que des proches
Habitués, VIP et équipe du musée bien, jamais – essayé de les porter. elle achètera bien sûr quelques ont soufflé à Sandy de les distiller sur
sont réunis près de ce superbe ves- Même en douce ! » Soin, admiration, pièces pour étoffer sa collection. Instagram. Elle a d’ores et déjà com-
tige nubien conservé au dévotion : « Sandy a, avant tout le Mais ce sont surtout des dons qui lui mandé le matériel nécessaire pour
Metropolitan Museum (MET), à monde, traité les vêtements qu’elle parviennent depuis quatre- produire des vidéos.
New York, pour un cocktail de ver- accumulait comme une collection vingts ans. Ils proviennent de lec- La robe Rojas comme l’ensemble
nissage autour de Sandy Schreier, d’art et non comme une garde-robe, teurs des livres qu’elle consacre aux Dior font partie de ce que les conser-
énergique et pétillante octogénaire observe Jessica Regan, conservatrice costumes des productions hollywoo- vateurs du Met ont choisi pour la
habillée d’une robe noire rebrodée du musée qui a travaillé sur la dona- diennes, de spectateurs qui l’ont vu donation, dans le grand stock de la
signée Biyan. Voici l’une des plus tion et l’exposition. Quand nous parler de mode à la télévision, de son collectionneuse, à deux pas de sa
grandes collectionneuses de mode allions lui rendre visite à Detroit réseau tentaculaire : des amitiés avec maison de Detroit. « Nous avons
au monde, célébrée par une exposi- pour la préparation, elle ouvrait Yves Saint Laurent, Andy Warhol, aussi privilégié des designers dont
tion qui dévoile quelque 80 pièces chaque boîte et on ne savait jamais Dries Van Noten…, de certains nous ne possédions rien, comme une
d’exception, extraites de la donation à quoi s’attendre. Mais tout était conservateurs américains qui robe de 1923 de Ma deleine
qui en compte 165 et que Schreier a incroyablement bien préservé. » connaissent son nom, devenu une & Madeleine, une maison de couture
promise à l’institution. Avant que les expositions sur les référence. Ses quatre enfants, peu parisienne tombée dans l’oubli »,
Une consécration pour, selon son couturiers ne battent des records sensibles à la mode, l’ont regardé explique Jessica Regan. Un coup de
expression, « le travail de toute une d’entrées, avant que la légendaire faire. Et Sherwin, qui préférait les cœur de Sandy, qui répète pourtant
vie ». « Ce soir-là, mes émotions rédactrice Diana Vreeland ne matchs de baseball aux dîners mon- qu’elle n’a pas de pièce préférée :
étaient contradictoires », nuance-t- rejoigne le Metropolitan Museum, dains, a parfois consenti à l’accompa- « C’est comme avec mes quatre
elle six mois plus tard au téléphone, en 1973, pour commencer à faire gner, sans jamais la décourager d’ac- enfants, ça dépend des jours. »
tandis que le confinement la entrer la mode dans les salles, cumuler des vêtements. « Quand je Sandy Schreier avait 13 ans quand
contraint à une douloureuse soli- Schreier, déjà, parlait de la couture, revenais avec une nouvelle pièce, il elle a rencontré leur père, Sherwin,
tude depuis de longues semaines. du prêt-à-porter et des accessoires disait simplement : “Very nice !” », se en colonie de vacances. À 16 ans,
D’après photo: Ali Lapetina for The Washington Post via Getty Images

« Ce 25 novembre marquait aussi les accumulés comme autant de trésors souvient-elle en riant. libres de conduire, ils ont pris une
cinq ans des funérailles de mon mari, à préserver. « Sherwin, qui était avo- « Et si je vous racontais les histoires de voiture pour filer droit vers New
mon cher Sherwin. Cela aurait été cat, prenait des dépositions partout à mes robes ? », propose Sandy Schreier York. « Je voulais lui faire voir le Met
parfait s’il avait été là. » travers les États-Unis et je le suivais. au téléphone. Elle sait que, derrière et nous sommes allés admirer de
Au sein du petit club que forment Dans chaque ville, peu importe sa les qualités esthétiques d’un vête- magnifiques tableaux. Je lui ai dit : “Tu
les collectionneurs de vêtements à taille, je demandais toujours au ment qu’elle cherche sans relâche — vois, un jour, mes belles robes seront
travers le monde, Schreier fait figure directeur du musée un entretien. avec une inclination particulière ici.” » Il n’existait pas de département
de précurseuse. Elle a toujours traité Lorsque j’y parvenais, je lui disais : pour la couture de l’entre-deux- mode au musée à l’époque.
les 15 000 pièces de sa somptueuse “Vous devez monter une exposition guerres et les audaces glamour des Qu’importe, l’amoureuse était si sûre
collection –  Chanel, Vionnet, sur la mode qui est une forme d’art” grands soirs —, la narration qui les d’elle et pleine d’espoir que Sherwin
Fo r t u ny, A d r i a n , L a nv i n , et lui expliquais ce qu’était la haute accompagne joue un rôle évident l’a crue sans ciller. Il ne s’était pas
Schiaparelli, Christian Dior, Saint couture. La plupart l’ignoraient ! » dans le plaisir qu’elle tire de sa déli- trompé.
Laurent, Balenciaga… – comme des Elle n’a pas plus de 2 ans quand elle rante collection. Elle ne se lasse pas
œuvres d’art. « Vous ne vous mettriez entame sa collection. La scolarité ne de conter chaque étape de son odys- IN PURSUIT OF FASHION : THE SANDY
SCHREIER COLLECTION, AU MET MUSEUM
pas un Picasso sur le dos, si ? » commençant que vers 5 ans, son sée. La robe signée Roberto Rojas en DE NEW YORK, JUSQU’AU 27 SEPTEMBRE.
rétorque-t-elle toujours à ceux qui père, qui dirige le département maille métallique, par exemple, METMUSEUM.ORG

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LE GOÛT

La Californie chic
LA SAISON DES VOYAGES

et choc de “BIG LITTLE LIES”.


DERRIÈRE UN DÉCOR DE RÊVE SE CACHENT LES NOIRS SECRETS
DES RICHES HÉROÏNES DE LA SÉRIE AMÉRICAINE. COM M E UN ÉCHO
AUX PAYSAGES LUXUEUX ET SAUVAGES DE LA RÉGION DE MONTEREY.

À CHAQUE VIRAGE, CHAQUE FEN ÊTRE des fonds pour de nouveaux bâtiments, on y sirote
qui se
Q U I S ’ O U V R E E T C H AQ U E T E R R A S S E quelques cocktails, et on pose sur un tapis rouge
découvre, c’est le rêve. Routes en lacets qui longent en rivalisant sur la qualité de son déguisement. En
le Pacifique, villas d’architecte suspendues au-­ apparence, Madeline, Celeste, Bonnie, Jane et la
dessus des flots, coquets petits cafés à la déco de faussement peste Renata, les héroïnes de la série,
bois flotté où s’attabler pour persifler sur sa voi- mènent à Monterey des vies douces et indolentes,
sine en buvant un latte… Durant deux saisons, entre jobs tranquilles pour certaines (administra-
la série Big Little Lies a déployé un décor dans trice du théâtre local, prof de yoga), goûters de
lequel on se loverait volontiers. Située sur la côte charité et maternité envahissante. PARFUM D’ÉTÉ
californienne à deux heures au sud de San Mais il suffit de jeter un œil derrière leurs rideaux
Francisco, la ville de Monterey, où se déroule
­l’intrigue, est le royaume des beaux, des riches et
immaculés pour découvrir les mensonges,
cachotteries, traumas et autres mesquineries qui
Après la PLUIE.
des puissants. Oublié, le mythique festival de parasitent leur vie et explosent dans un ultime L’ondée a été soudaine, et, presque
1967, qui vit défiler Otis Redding, Janis Joplin ou acte de violence à la fin de la première saison. Les instantanément, on a senti l’effluve
Jimi Hendrix. L’opulence est sage mais bien décors de Big Little Lies donnent envie de par- frais et un peu sucré de la pluie. Sauf
réelle, chic sans être tout à fait discrète, raffinée courir la côte en décapotable et d’y explorer que la pluie ne sent rien ! Ce qui
sans austérité. chaque anse, chaque baie, chaque plage. Mais, en imprègne l’air, c’est une odeur verte
Ici, pas de yachts où exhiber ses pectoraux sous un y regardant de plus près, celles-ci agissent surtout et terreuse, un peu piquante : celle
ciel bleu cobalt, de voitures de course pour faire comme le reflet des états d’âme des personnages. du pétrichor (le « sang des pierres »,
crisser l’asphalte. Nuages perpétuels obligent, on Rudesse du sable froid à marée basse sur lequel en grec). Ce terme, moins joli que
ne sort jamais sans sa petite laine, pardon, son se retrouve Jane après avoir été violée. Falaises le phénomène qu’il décrit, est né
petit cachemire, et c’est au volant d’un SUV tout déchiquetées comme l’esprit de Celeste, brutali- en 1964 sous la plume d’Isabel Joy
confort, de la taille d’un brontosaure, qu’on dépose sée par son mari. Petite crique où les héroïnes Bear et de Roderick G. Thomas. Dans
ses enfants à la maternelle. À la fin de l’année, la viennent sceller un pacte et enterrer pour tou- la revue Nature, les deux géologues
fête de l’école s’organise selon un thème minutieu- jours un secret. Tout n’est pas que luxe et volupté, décrivent l’odeur de la terre gorgée
sement choisi : Audrey Hepburn et Elvis Presley, à Monterey. Pascaline POTDEVIN d’eau après la pluie et lui offrent une
icônes chics, gentils gages de fantaisie. On y lève BIG LITTLE LIES, DE DAVID E. KELLEY, DISPONIBLE SUR OCS. explication scientifique. Des cher-
cheurs du Massachusetts Institute
of Technology (MIT) achèveront,
en 2010, d’en éplucher le mécanisme.
L’odeur procède de la sécrétion par
les plantes d’un liquide huileux (des-
tiné à les protéger d’une prochaine
sécheresse), absorbé par les sols
durant l’été et qui, après la pluie,
exhale une senteur délicate en se
combinant avec la géosmine, un
composé organique d’origine micro-
bienne. Ce cocktail d’odeurs est
transporté dans l’atmosphère par
des bulles d’air libérées par les
gouttes de pluie. L’artiste québécoise
Julie C. Fortier, qui travaille sur la
puissance affective des odeurs, en a
fait un parfum, destiné à être diffusé
discrètement dans des lieux publics :
« Si on y est sensible, c’est que cette
odeur, inscrite dans nos mémoires, est
Laura Dern,
incarne dans Big un message de vie. » Grâce au suc
Little Lies une végétal, les plantes s’arment pour
riche femme
d’affaires de
résister aux temps difficiles. Cette
Home Box Office

Monterey. odeur joyeuse est annonciatrice


d’une récolte abondante et donc d’un
monde meilleur. Lionel PAILLÈS
Illustration Benoît FRANÇOIS

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Cône Carabombe,
La Fabrique Givrée,
6 € le cornet,
lafabriquegivree.com
Tube glacé pistache de Sicile,
La Glacerie, 18 € le tube de
500 g, laglacerie.fr
Esquimau Skimo matcha bio
et baies roses de Madagascar,
Glaces Glazed, 5 €,
glaces-glazed.com
Sorbet à la noix de coco
pour 4 à 6 personnes,
Fruttini By Mo, 35 €,
fruttinibymo.fr

L’état de GLACE.
Stylisme Laëtitia Leporcq. Assistant
photographe: David van der Leeuw.
Scénographie: Eleonora Succi

VARIATIONS Dégustée en été, la glace artisanale n’a rien d’une banale gourmandise. Il faudrait plutôt
y voir une sorte de rituel sacré, un peu régressif, comme le plongeon dans l’eau salée ou la course pieds nus sur le gazon tondu de frais.
En cornet, pot ou bâtonnet, onctueuses et lactées ou 100 % fruits, les recettes sont travaillées chaque année par des fabricants soucieux
de renouveler le genre. Ainsi, l’été 2020 consacre les ingrédients naturels de saison, la patte gastronomique (La Fabrique Givrée) ou le
parfum en édition limitée, livré à vélo s’il le faut (Glazed). Pour surprendre ses invités au dessert, opter pour la glace en format cylin-
drique à découper en rondelles (La Glacerie). À moins qu’on lui préfère un fruit entier gorgé de sorbet (Fruttini by Mo), qui évoque le
citron et l’orange givrés du temps où les vacances avaient une saveur d’insouciance. Sabine MAIDA — Photo Sarah VAN RIJ
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Le rappeur
Lujipeka à Paris,
le 30 juin.
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LE GOÛT

L’ÉTÉ EST LA SAISON PRÉFÉRÉE DE LUJIPEKA, rappeur et beaucoup : « Pendant cette mise à l’arrêt forcée,
cofondateur du collectif rennais Columbine qui a sorti trois résume-t-il, j’ai écrit sans musique et sur un cahier,
albums ayant chacun connu un succès important. Adolescent, sur chose que je n’avais pas faite depuis hyper long-
son skate, il se serait bien vu avec ses copains sur le bitume à temps. Je voulais sortir de ma zone de confort,
New York, comme dans le film de Larry Clark Kids, scénarisé par écrire de manière un peu plus thématique, être plus
Harmony Korine. Dans son premier projet discographique en clair dans mes textes alors qu’avant je faisais des
solo, L.U.J.I., sorti fin mai, celui qui rendait les filles hystériques morceaux patchworks, avec des puzzles d’idées
dans les concerts de Columbine y consacre même un titre, qui traitaient de plein de sujets. » Pourtant,
Août 2008. Il avait 13 ans, habitait dans une cité HLM du nord de Lujipeka a fait tout le contraire au début du confi-
Rennes, Patton, et ne se séparait jamais de la petite caméra vidéo nement. Pris de court par la décision du gouver-
que sa famille lui avait offerte. nement d’interdire tous les rassemblements, la
L’adolescent se voyait devenir réalisateur comme ses idoles, le sortie de son EP L.U.J.I. ajournée, sa tournée
Japonais Takeshi Kitano ou l’Américain Gus Van Sant. En attendant annulée, il décide de maintenir l’émission
d’intégrer la section cinéma du lycée Bréquigny à Rennes, il filmait « Planète Rap » sur Skyrock, dont le principe est
ses copains en skate, ou en train de se réunir dans les parcs, les d’inviter un artiste pour présenter son nouveau
squares pour faire « des petites conneries » : « C’était les étés Summer disque. Comme il ne voulait pas diffuser son EP,
Love, se rappelle aujourd’hui le rappeur aux cheveux longs. J’aime L.U.J.I., deux mois avant la sortie, il décide d’en
bien le mood de l’été : tout le monde est en vacances, les villes sont élaborer un autre, P.E.K.A., dans un délai très
un peu vides, et on passe le temps en faisant du skate, du vélo. Bref court : « Je m’étais donné dix jours. C’était l’occa-
des ambiances de teen movies. » sion de se réinventer, de trouver quelque chose de
Celui de 2020 sera beaucoup plus studieux pour Lujipeka car il le créatif à faire avec tout ça. Tous les soirs, je mon-
passera en studio à préparer son premier album. Avec le report de trais aux gens dans des live Instagram les instrus
sa tournée dû à l’épidémie de Covid-19, il a eu du temps pour choisis, et les textes que j’avais commencés. J’ai
réfléchir, prendre du recul et s’est lancé un nouveau défi : aban- essayé de créer un lien avec ma communauté.
donner toutes les techniques d’écriture acquises avec les albums C’était assez intense. Ça m’a rappelé les débuts à
de son groupe Columbine, dont le dernier, Adieu bientôt, fut cer- Rennes : un copain fait un instru, t’écris, et une
tifié disque de platine en  2019. Le confinement y est pour semaine après, le morceau est sorti. D’habitude,
dans les studios de Skyrock, il y a plein de monde,
là j’étais tout seul avec Fred Musa, le présentateur,
et toutes les deux heures, les employés de Skyrock
désinfectaient le studio. »
Une fois tous les morceaux enregistrés, P.E.K.A.
a été diffusé sur les plateformes de streaming. Et
pour la sortie du disque, le rappeur s’est engagé
à signer et dédicacer tous les CD. Pour la séance
photo du visuel, il avait posé dans le 18e arron-
dissement et, à l’heure du déjeuner, s’était rendu
dans une épicerie malgache. Les quelques cli-
chés pris à l’occasion ont finalement été choisis
pour la pochette. Le goût pour l’image n’a jamais
vraiment quitté le Rennais, même après avoir
abandonné ses ambitions de réalisateur  :
« L’année où j’étais en section cinéma, j’ai com-
mencé à bidouiller des logiciels de son. Je me suis
rendu compte que faire de la musique me procu-
rait plus d’émotion que de réaliser un court-

LUJIPEKA
métrage. Il y a quelque chose de plus immédiat. Et
puis après mon bac, j’ai pris une année sabba-
tique et on a créé le collectif Columbine. Au sein
du collectif, il y avait déjà des gens beaucoup plus
talentueux pour la réalisation. »

poursuit sa voie.
Avec Foda C, l’autre rappeur de Columbine, il va
surtout créer un groupe générationnel, qui saura
capter l’angoisse, et les espoirs, de ses pairs.
Après trois ans de tournée intenses, les membres
du collectif ont d’ailleurs décidé de suivre cha-
cun leur propre chemin. Esprit d’indépendance
CE RAPPEUR RENNAIS, AU LOOK DE SKATEUR que Lujipeka résume bien dans son titre Lâche-
TOUT DROIT SORTI D’UN FILM DE LARRY CLARK, moi la main : « La vie parfois fait que l’on prend
S’EST FAIT CONNAÎTRE AU SEIN DU COLLECTIF des chemins différents, on s’éloigne pour mieux se
COLUM BINE. IL A PROFITÉ DU CONFINEM ENT retrouver. On ne peut pas passer sa vie dans une
POUR ÉCRIRE, ET DÉGAINE D’UN COUP colocation avec ses potes. On peut continuer à
DEUX EP TRÈS PERSONNELS ET INSPIRÉS. faire plein de choses avec son équipe tout en
explorant son propre chemin. Columbine existe
Texte Stéphanie BINET toujours, mais nous avons encore plein de choses
Photo Jonathan LLENSE dans nos vies à découvrir. »

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LE GOÛT

COPIE CONFORME Répétition à l’OPÉRA.


TOUTE RESSEM BLANCE N’EST PAS FORTUITE ET DES BÂTIM ENTS
SE RÉPLIQUENT PARTOUT. AUX CANARIES, UNE SALLE DE CONCERT
AU BORD DE L’OCÉAN S’INSPIRE D’UNE LOINTAINE COUSINE AUSTRALIENNE.

À SYDNEY, LA SILHOUETTE BLANCHE et sculp-


turale de l’opéra, posée au bord de l’océan, est devenue
l’emblème de la ville. À l’autre bout de la planète, l’audi-
torium de Santa Cruz de Tenerife domine l’horizon,
semblant lui aussi prêt à fendre les flots. La ressem-
blance entre ces deux gestes architecturaux, dessinés à
plus de trente ans d’écart par les architectes Jorn Utzon
en Australie (1973) et Santiago Calatrava sur l’archipel
des Canaries (2003), n’est pas une illusion d’optique.
Le jeune Calatrava a bien en tête la référence austra-
lienne lorsqu’il convainc l’administration de Tenerife de
sortir le futur auditorium du tissu urbain pour le placer
en première ligne sur la baie. Un choix stratégique « si
vous voulez que mon œuvre fasse pour Santa Cruz ce que
le bâtiment de l’opéra a fait pour Sydney », prévient le
créateur originaire de Valence*. Pari réussi pour la cité
portuaire, qui hérite par la suite du surnom de « Sydney
de l’Atlantique ». Une passion commune aux deux archi-
tectes est à l’origine des lignes évocatrices de ces struc-
tures en béton armé : le biomorphisme, ou la reproduc-
tion de la nature, du vivant. À Santa Cruz, la vague de
58 mètres de hauteur qu’est l’auditorium rappelle la
forme de l’œil humain chère à Calatrava. À Sydney, de
simples quartiers d’orange inspirent les premiers cro-
quis d’Utzon, mais beaucoup y voient aussi des coquilles
ou des voiliers. Ciselées, leurs constructions sont
l’œuvre de deux sculpteurs dans l’âme.
Mais l’apaisante pureté des monuments cache en réalité
des naissances chaotiques. Revirements de conception,
budgets dépassés, suspension de travaux… Il faudra seize
ans pour finaliser l’opéra australien et douze pour l’audi-

Illustration Camille Durand d’après Maria Fransiska Merinda/Alamy Stock Photo et Rolf Richardson/Alamy Stock Photo
torium des Canaries. Sur le chantier de Tenerife, Calatrava
devient même de plus en plus incontrôlable, estimant
que l’île « ne [le] mérite pas »*. En Australie, Jorn Utzon
finit, lui, par se faire bannir de sa construction en cours
et doit quitter le pays malgré des manifestations de sou-
tien. Réhabilité bien plus tard par la Ville de Sydney,
l’architecte danois n’est jamais revenu voir son œuvre
Un toit en quartiers d’orange, en coquilles ou en voiles à Sydney ? achevée. Anne-Lise CARLO
Une vague à Tenerife ? Les interprétations sont toujours ouvertes. (*) DANS QUERÍAMOS UN CALATRAVA, DE LLÀTZER MOIX,
ÉD. ANAGRAMA (2016).

MICRO-ONDES “Cité radieuse”, bienvenue sur la planète MARS.


Marseillais d’origine ou d’adoption, ils sont déjà une quarantaine à avoir livré leur passion pour la cité
phocéenne au micro de la journaliste Caroline Bindel. Le réalisateur Jean-Bernard Marlin est venu raconter
le making of de son film Shéhérazade, une histoire d’amour dans les quartiers pauvres de la ville. La designer
Margaux Keller a recensé ce qui l’inspirait au quotidien. Mais le casting a aussi donné la parole à l’animateur
Jean-Pierre Foucault et à la philosophe Marie Robert. Avec ce podcast, ce sont toutes les facettes de Marseille
que l’on découvre à travers les récits de ceux qui la font vivre. Si tous évoquent la lumière unique, l’épicière
Julia Sammut confie son amour pour le quartier populaire de Noailles, dont elle défend la fraternité contre
les clichés. L’architecte Rudy Ricciotti se livre à des envolées philosophiques sur « la Méditerranée comme une
anxiété » puis digresse sur la question de l’identité. Tous ou presque se montrent généreux, sincères dans ce
podcast, dont le nom se réfère au bâtiment de Le Corbusier : le toit-terrasse donne à la fois sur la Méditerranée
et sur les hauteurs des quartiers nord, résumant l’incroyable diversité de la ville. Marie GODFRAIN
PODCASTS.APPLE.COM/FR/PODCAST/CITE-RADIEUSE-PAR-CAROLINE-BINDEL/ID1455831458

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LE GOÛT

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LA RECETTE

POUR 3 À 4 PIZZETTES Les pizzettes colorées


CHEMIN DE TABLE

de Florent CICCOLI.
LA PÂTE
300 g de farine, 8 g de sel,
4 g de levure de boulanger,
4 ml d’huile d’olive, 20 cl d’eau tiède.
Dans un bol, mélanger l’eau tiède,
l’huile d’olive et la levure. Fouetter et
laisser reposer 10 minutes dans un LA GASTRONOM IE EST AFFAIRE DE RIGUEUR ET D’EXPLORATIONS.
endroit chaud. COFONDATEUR DES BARS POPULAIRES, FLORENT CICCOLI A OUVERT
Dans un autre bol, mélanger la farine
et le sel. Incorporer le liquide dans le À PARIS, PRÈS DE BASTILLE, LE CAFÉ DU COIN, OÙ IL RÉGALE AVEC
mélange farine-sel et mélanger avec SES ­P IZZETTES AUX GARNITURES CHANGEANTES, QUI CONSTITUENT
une spatule en bois jusqu’à ce que
SON ASSIETTE-PAYSAGE.
tout soit agrégé. Recouvrir d’un
torchon et laisser reposer 15 minutes
dans un endroit chaud.
Après repos, sortir le pâton,
le mettre sur une surface plane
farinée et pétrir 5 minutes. “MON P REMIER UN IVERS GUSTATIF est détour par New York : j’ai piqué la recette de
Rassembler la pâte en une grosse celui de la gastronomie lyonnaise, dans laquelle Roberta’s, un lieu hybride génial à Brooklyn, qui
boule bien lisse, puis la couper en
4 boules égales et laisser reposer
j’ai baigné jusqu’à l’âge de 19 ans : dans mon est à la fois pizzeria, brasserie et restaurant
24 h à 48 h au réfrigérateur, enfance, on consommait pas mal d’abats, de gastronomique.
en couvrant d’un linge ou d’un film. sauces à la crème, de saucissons briochés, et En m’installant au Café du Coin, dans un lieu qui
Pour étaler une boule, fariner
le plan de travail. Appuyer avec
quand on avait quelque chose à fêter, on allait chez me ressemblait, je suis aussi allé manger chez les
les pouces au milieu pour créer une Bocuse. Né à Dijon, j’ai grandi à Lyon, j’aime bien voisins. J’ai été très marqué par les délicates
bordure, puis en écartant les rebords y retourner et y manger de temps à autre, mais je touches libanaises d’Omar Koreteim à Mokonuts,
faire tourner la pâte sur elle-même
jusqu’à la taille souhaitée. n’ai pas beaucoup d’affinités avec cette ville. Je me ou la cuisine israélienne délicieuse de Tamir
Garnir avec quelques morceaux de sens bien plus volontiers corse que lyonnais. J’ai Nahmias (aujourd’hui chez Adar) quand il pilotait
mozzarella (égouttée depuis la veille) une famille très méditerranéenne : mes deux Fulgurances. J’ai apprivoisé les épices, le zaatar, le
et saupoudrer de parmesan râpé.
Cuire 5 minutes à la puissance grands-pères étaient corses, ma grand-mère était labné. Moi qui avais une vision de la cuisine très
maximale du four (240-250 °C), d’Ischia, en Italie, l’autre grand-mère de Catalogne. rustique, rentable, rudimentaire, j’ai découvert
à mi-hauteur, sur une pierre ou autre Tous mes grands-parents, pieds-noirs, se sont ren- que l’on pouvait faire raffiné sans que cela
support conducteur (on peut par
exemple utiliser un sous-pot en contrés en Algérie, puis ils se sont éparpillés dans devienne cher ou précieux.
céramique) qui a chauffé dans le four le sud de la France. Enfant, en été, j’allais chez mes Peu à peu, j’ai fait le lien avec mon histoire, mon
au moins 15 minutes auparavant. grands-parents en Corse, où mon père vit encore enfance, ma famille, la ferme et les vergers de mon
Passer ensuite le four en mode grill,
monter la grille vers le haut du four la moitié du temps. C’est un endroit que j’adore, grand-père en Algérie ; les fumaisons corses, les
et cuire jusqu’à ce que la pizzette avec une cuisine méditerranéenne particulière, ragoûts et les cuissons à la cheminée… Quelque
soit dorée. plus montagnarde que maritime. part entre l’Italie et le Liban, entre l’Algérie et la
3 VARIANTES DE PIZZETTES Je me suis improvisé cuisinier à mi-parcours, après Corse, mon paysage culinaire s’est affiné, et je me
Mozza, poivron de padrón avoir été entrepreneur-restaurateur. Je n’ai pas fait suis senti devenir cuisinier. Ici, je prends le temps
et zaatar
Parsemer la pizzette de mozzarella et d’école de cuisine, ni de stages chez des grands de réfléchir, de me caler sur les saisons, de travail-
parmesan, poser un poivron padrón chefs qui auraient pu façonner mon style. Lorsque ler tout le produit, sans rien jeter. Les restes de la
(piment doux) au centre, enfourner. je me suis mis aux fourneaux au pied levé, pour veille font les entrées du jour, le ragoût devient
À la sortie du four égrainer et enlever
la queue d’un autre poivron padrón, assurer l’intérim dans mon restaurant Bones farce de ravioles, les parures d’anguille se transfor-
ciseler très finement et répartir sur rebaptisé Jones, j’avais essentiellement travaillé ment en bouillon, la salade de fèves garnit les piz-
la pizzette avec un peu de fleur de sel, avec des chefs anglo-saxons comme Shaun Kelly, zettes. La pizzette, c’est un canevas vierge où je
une pincée de zaatar et un filet d’huile
d’olive. James Henry, Edward Delling-Williams ou Harry peux composer, m’amuser, tout utiliser.
Vidler. J’ai d’abord cuisiné par mimétisme : je fai- J’improvise mon menu du déjeuner le matin à
Tomate fraîche, burrata, sais des scotch eggs, des « pies », du cochon « nose 8 heures, avec mon café au comptoir. Je cherche
anchois de Cantabrie et basilic
Recouvrir légèrement la pizzette de to tail » (du nez à la queue) comme au restaurant les goûts francs et frais. Pas plus de trois ou quatre
sauce tomate, tailler 2 fines tranches St John à Londres, par lequel la plupart de ces ingrédients dans l’assiette, c’est important que l’on
de tomate et les poser sur la pizzette, chefs sont passés. Ce n’est qu’en m’installant au puisse sentir chaque élément. Et des couleurs, des
enfourner. À la sortie du four, déposer
une demi-burratina (égouttée) au Café du Coin, il y a deux ans, que j’ai commencé à contrastes, des volumes. Je ne suis pas très porté
centre, saler, poivrer et poser un bel dessiner mon propre paysage culinaire, avec sur le dressage, je crée mes assiettes « comme si
anchois de Cantabrie par-dessus, quelques contraintes : je voulais créer un bistrot de c’était tombé de l’arbre ». C’est mon paysage spon-
quelques feuilles de basilic frais et
un filet d’huile d’olive. quartier, qui soit aussi, le soir, un bar où l’on puisse tané. Et il change tous les jours. »
grignoter. J’ai eu l’idée de faire des pizzas indivi- LE CAFÉ DU COIN, 9, RUE CAMILLE-DESMOULINS, 75011 PARIS,
Mozzarella fumée, duelles, des pizzettes, pour que l’on puisse en TÉL. : 01-48-04-82-46.
poutargue et zeste de citron
Parsemer la pizza de mozzarella commander plein, goûter à tout. Par souci de
fumée et de parmesan. À la sortie cohérence, j’ai promené mes inspirations du côté
du four, saupoudrer de copeaux de de l’Italie, j’ai fait mes premières pâtes fraîches, ma
poutargue faits à l’économe, zester
un citron par-dessus et ajouter pâte à pizza. J’ai senti que le décor se plantait natu- Propos recueillis par Camille LABRO
un filet d’huile d’olive. rellement, aisément. Pour la pâte, j’ai fait un Illustration Patrick PLEUTIN
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LE GOÛT

LES PIEDS DANS L’EAU Perle d’OSTRÉICULTURE.


QUI DIT VACANCES, DIT RESTAURANTS DE PLAGE. À TRAVERS DEUX
ADRESSES, UNE FAM ILLE DU CAP-FERRET A FAIT DU PRÉNOM
HORTENSE UNE LÉGENDE GUSTATIVE DE CE COIN DE L’ATLANTIQUE.

Texte Marie ALINE

DES TAMARIS BORDENT L’ENTRÉE DE LA d’amour est aussi celle de deux savoir-faire très office de comptoir, où les convives boivent un
CABANE DE BOIS. Leurs fleurs, que l’on appelle complémentaires dans la région : l’ostréiculture verre en attendant de passer à table. Dans la
« chatons », sont d’un rose doux qui fait écho à la et la restauration. cabane d’à côté, Xavier Bergerot, le maître de
finesse du sable local. La petite bâtisse se fond Depuis, les huîtres élevées par la famille Lescarret culture, assure la production familiale – autour
dans le paysage. Elle n’est pourtant pas un chai se dégustent en grande partie sur les plateaux de de 45 tonnes par an. Le circuit de l’huître est
ostréicole. Ouverte il y a cinq ans, La Cabane Chez Hortense et dans la cabane, rue des donc très très court. Si elle pouvait marcher, elle
d’Hortense, où l’on ne déguste qu’huîtres et petit Tamaris, face à la conche de Mimbeau. ne ferait que quelques pas pour arriver sur le
pâté de cochon noir de Bigorre, est l’­arrière- Sous la vigne vierge, les tables de bois sont dres- ­plateau de fruits de mer. La plupart du temps,
petite-fille de Chez Hortense, le restaurant sées dans l’esprit d’une guinguette élégante où elle est creuse et naturelle. Captée devant la
mythique du Cap-Ferret. les femmes arriveraient en chapeau. La marée est ­chapelle de L’Herbe au mois d’août, elle grandit
Une étude généalogique s’imposerait presque haute. Un ponton s’avance vers l’eau. « C’est ici dans des poches à l’île aux Oiseaux et s’affine au
pour raconter l’histoire de cet endroit simple et que je chassais le crabe », raconte encore François. Banc d’Arguin, où la proximité de l’océan lui four-
vivifiant. François Lafitte, cuisinier de Chez Dès la sortie de l’école, il sautait du bus scolaire nit la nourriture parfaite pour engraisser. En
Hortense, associé avec son frère Olivier et son pour courir jusqu’aux cabanes où ses deux période de laitance, elle est creuse et triploïde.
cousin Fred dans les deux affaires, s’en charge : parents travaillaient. Bernadette, sa maman, L’été, les partisans de la pureté se rabattront donc
« Mes arrières-arrières-grands-parents Lescarret triait les huîtres à une place bien précise sur le sur les crevettes, les bulots, le pâté (fameux) et
ont fait partie des premières familles d’ostréicul- thaoulé (l’établi prévu à cet effet) : celle depuis quelques verres de Graville-Lacoste qui accom-
teurs à construire dans le quartier des Pêcheurs, à laquelle elle pouvait surveiller les enfants ! pagnent avec élégance le passage des nuages sur
la fin du xixe siècle. De l’autre côté, Hortense Aujourd’hui, Bernadette est une figure incon- le paysage changeant.
Khalid/La Cabane d’Hor tense

Senmartin, mon arrière-grand-mère, restauratrice tournable du Cap. Maîtresse de maison hors pair
depuis 1936 au Cap, a eu Isabelle qui s’est mariée de l’iconique Chez Hortense, elle apporte des
à Alban Lescarret chez Hortense en 1945. Les croissants à Khalid, directeur de la Cabane, dès
Allemands, qui occupaient alors le restaurant, leur qu’elle a cinq minutes. « Elle est comme ma deu- LA CABANE D’HORTENSE, « LES YOUKAS »,
RUE DES TAMARIS, LÈGE-CAP-FERRET (33).
ont exceptionnellement permis de se réapproprier xième mère », confie le mangeur de viennoiseries. TÉL. : 05-56-03-26-74. OUVERT TOUS LES JOURS DE 11 H 30
le lieu pour une après-midi de fête. » Cette union Le thaoulé où elle œuvrait jadis fait désormais À 22 HEURES. AUTOUR DE 20 €. LACABANEDHORTENSE.FR

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JEUX

Mots croisés
Philippe DUPUIS
GRILLE N O 463 Sudoku
Yan GEORGET
N O 463 - DIFFICILE

SOLUTION DE LA GRILLE
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 PRÉCÉDENTE

II

III
Compléter toute
IV la grille avec des
chiffres allant de 1
V à 9. Chacun ne doit
être utilisé qu’une
seule fois par ligne,
VI par colonne et par
carré de neuf cases.
VII

VIII

IX

X
Bridge N O 463
FÉDÉRATION FRANÇAISE DE BRIDGE
XI

XII

XIII

XIV

XV

HORIZONTALEMENT I Facilite la sortie des mauvaises affaires. II Frappé par de mauvais coups.
Frappés comme tout le monde. III Souvent attendue. Garnissent la rose. Personnel. IV Du sable
dans les sables. Couvriras harmonieusement. Patron en région. V Fait preuve dans les comptes.
Te lanças. Toujours difficile à boire. VI Production originale. Pas toujours juste mais autorisé.
VII Audace et témérité. Souple et grivois. VIII Forme d’avoir. A perdu la tête et les membres. En
fin de journée. IX Ce n’est pas la peine de les chercher. Donne de la couleur à la police.
X Protection en mer. Mord quand il passe à l’attaque. Hercule est le chef de la famille. XI Sortie
du bouton. Descendu. Piégé. XII Corrompt le corps et l’esprit. En mettre plein la vue. XIII Bien
remué. Grand pour en mettre plein la vue. XIV Essaya de faire avancer les affaires. En mer Égée.
Prend l’eau de toute part. XV Suit les comptes du département.
VERTICALEMENT 1 Grosse déception. 2 Éliminera les éléments étrangers. Points en opposition.
Repère pour le navigateur. 3 Ambitionnerais. Glisse sur ses patins. 4 Vent mauvais. Leurs chants
sont sentimentaux et nostalgiques. Travaille à l’usine. 5 Son lit est souvent sec. Compagnon de
Paul. A promené sa plume de Montmartre au Quartier latin. 6 Invisibles et dangereux.
Séparation en tête. Touché dans son intégrité. Bout de miroir. 7 En Thuringe sur la Saale.
Service à l’ancienne. Fis le récit. 8 Apporter un soutien intéressé. 9 Très proches. Lentement
dégradé. Libre en principe. 10 Étranger à la vertu et à la probité. Savait tenir ses lecteurs en
haleine. Pas mieux qu’un bide. 11 Tranche de carpe. Mouches velues. Rapprocha solidement.
12 Cadeaux divins. Démonstratif. À franchir d’un pas. 13 Assure l’égalité. Pontées à table. Pour
la préparation de belles miches. 14 Abandonnée par tout le monde. Base de lancement. Pris
en considération. 15 Mise hors d’eau. Garnir grassement.

Solution de la grille n°462


HORIZONTALEMENT I Contre-productif. II Oratorio. Étoupe. III Mentir. Uns. Peel. IV Tels. Tais. V Étireras. Ise. Ex.
VI RAS. Lapions. Ont. VII El. Cesser. Impro. VIII Sitôt. Usinée. Ou. IX Loin. DS. God. Our. X Onagre. Nie. Lien.
XI Réunion. Éon. XII Identifient. TEC. XIII Oô. Uap (Pau). Uh. XIV Tuèrent. Allegro. XV Sédentarisation.
VERTICALEMENT 1 Compères-loriots. 2 Ore. Talion. Doué. 3 Nantis. Tiare. Ed. 4 Ttt. Congénère. 5 Roitelet. Rut.
En. 6 Erreras. Dénient. 7 Pi. Lapsus. If. Ta. 8 Roussies. Noir. 9 Origine. Aï. 10 Destin. Noé. Nuls. 11 Ut. Assied. Étala.
12 Copie. Me. Lô. Pet. 13 Tues. Op. Oint. GI. 14 Ipé. Enroué. Euro. 15 Félix Tournachon.

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jeux.indd 64 27/07/2020 10:26:22


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Maigret en culotte COURTE.


“LE MONDE” PROPOSE LA COLLECTION “LE MONDE DE MAIGRET”.
CETTE SEMAINE, LE CÉLÈBRE PERSONNAGE DE GEORGES SIMENON
REPREND LE CHEMIN DE L’ÉCOLE.

Texte Hubert PROLONGEAU

BIEN SÛR, C’EST À PARIS et au fameux de fer, Feux rouges, Maigret se trompe, Crime enfants : comme de nombreux adultes, il est mal
Quai des Orfèvres que l’on associe la plupart des impuni. En janvier, le journaliste Brendan Gill à l’aise devant ce mélange d’innocence et de per-
Maigret. Mais le commissaire peut aussi se faire publie treize pages sur l’écrivain dans le New versité. Lancé sur ce terrain inconnu, Maigret
vagabond. Un certain nombre de ses enquêtes se Yorker. Mais le grand événement de l’année est essaie pourtant de se mettre au niveau de ses
déroulent en province, souvent en Charentes ou familial : le 23 février naît Marie-Jo, la fille qu’il jeunes interlocuteurs.
en Vendée, et il prend même parfois sur ses adorera et dont le suicide sera la dernière Bouclée en trois jours, l’enquête mettra en évi-
vacances pour résoudre de-ci de-là une petite grande épreuve de sa vie. dence la puérilité… des adultes. L’enfance n’est pas
affaire. C’est ce qui lui arrive dans Maigret à C’est donc un époux un peu las et un père comblé qu’une question d’âge. La victime adorait les pro-
l’école, dans lequel il se retrouve dans le village qui envoie son commissaire en Charente se vocations infantiles (montrer ses fesses, tirer la
de Saint-André-sur-Mer, bourg fictif au nord- confronter à des suspects avec lesquels il a peu langue…) et le coupable l’a tuée en voulant juste lui
ouest de la Rochelle, qui rappelle Nieul-sur-Mer, l’habitude de se colleter : des enfants. Maigret et faire peur, comme un adolescent imbécile. C’est à
où Simenon résida de septembre 1938 à l’été les enfants… Le commissaire n’en a pas, même si un duel de grands enfants que Maigret préside ici,
1940. Il doit y aider un instituteur, accusé d’avoir deux allusions laissent entendre qu’il aurait eu duel d’enfants tragique, dont les vraies victimes
assassiné la vieille fille la plus détestée du village, une petite fille morte en bas âge. Est-ce à cause seront Marcel, Jean-Paul et Joseph, ces trois gamins
à prouver son innocence. de cette perte ? Maigret a aussi un rapport très que l’insouciance, en ces quelques jours de prin-
Quand il écrit Maigret à l’école, du 1 er au fort à sa propre enfance, qui lui reviendra à la temps, aura définitivement quittés.
8 décembre 1953, Simenon vit une vie plutôt figure dans Maigret et l’affaire Saint-Fiacre, épi-
routinière à Lakeville, en Californie. Il a arrêté sode au cours duquel il retournera enquêter dans
de boire en  1948, mais sa femme Denyse y le château dont son père était régisseur  : il
consacre de plus en plus de temps. Leurs rap- l’évoque fréquemment dans Maigret à l’école
ports sont devenus orageux, malgré une vie pour mieux comprendre l’ambiance rancie de ce
COLLECTION « LE MONDE DE MAIGRET », VOLUME 2 :
sexuelle très active. En cette année 1953, il finira village odieux où l’étranger est forcément l’en- « MAIGRET À L’ÉCOLE » – EN VENTE EN KIOSQUE
cinq autres romans : Maigret a peur, L’Escalier nemi. Il n’aime pourtant pas être confronté à des LE JEUDI 30 JUILLET – PRIX DE LANCEMENT : 5,99 €

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LE GOÛT

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GOÛT DE M” SUR
LEMONDE.FR
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concerto d’études, avec de grandes envolées lyriques,


quelque chose de la fin du xixe siècle un peu martial. Pour
une fois, peut-être parce que j’avais suffisamment bossé, la
magie a opéré. Mais je n’étais pas assez intéressée ni assidue
pour y prendre du plaisir. Ce qui n’a pas été du tout le cas
avec le chant, que j’ai découvert en colonie de vacances.
Je me suis immédiatement inscrite en cours de chant
lyrique au conservatoire, quand j’étais en troisième. C’était
tôt : la voix des filles mue vers 17, 19 ans, on ne commence
généralement pas avant. Mais ça a tout de suite été une
évidence. Tout sortait facilement, et, comme je suis parti-
sane du moindre effort, c’était merveilleux ! Après le bac,

Dans l’album photo de… je suis partie à Paris, au Conservatoire national supérieur
de musique et de danse, en classe de jazz. Là-bas, j’étais la
seule fille et la seule chanteuse, ils ne savaient pas quoi

Jeanne ADDED. faire de moi. Alors, une fois par semaine, j’allais voir un
autre prof, à Reims, qui m’a appris tout ce que je sais.
C’était un ancien danseur contemporain qui avait un rap-
EN DEUX ALBUMS, LA CHANTEUSE ET M USICIENNE S’EST port au chant très physique. C’est lui qui a « construit » mon
IM POSÉE SUR LA SCÈNE ROCK HEXAGONALE. ELLE EXPLIQUE instrument : il m’a enseigné les subtilités de la respiration,
LA TÉMÉRITÉ ARTISTIQUE DONT ELLE FAIT PREUVE comment s’échauffer. Ensuite, j’ai pu trouver ma propre
PAR UNE PRATIQUE INTENSE DE LA M USIQUE DÈS L’ENFANCE. voix, en faire ce que je voulais.
On dit souvent que le son du violoncelle se rapproche de la
voix humaine. J’ai plutôt le souvenir d’avoir essayé de repro-
duire celui de l’instrument : par exemple, la façon dont on
LA PHOTO A ÉTÉ PRISE DAN S LA MAISON OÙ J’AI donne un coup d’archet peut s’apparenter à la projection
GRANDI, à Reims. Je devais avoir 9 ou 10 ans, je regarde le de la voix. De cette époque, il me reste des outils. Savoir
petit carnet où étaient notés mes exercices de violoncelle. travailler quelque chose de difficile, trouver des solutions…
Je crois que c’est parce que j’étais tombée amoureuse d’un Tout se résout par la pratique, la répétition, en déconstrui-
grand de CM2, qui en jouait, que j’ai choisi cet instrument. sant un groove complexe ou une phrase compliquée. Si rien
C’est très plaisant en termes de position, on a la caisse de ne me fait peur en musique, c’est parce que je la pratique
résonance qui vibre contre soi, le répertoire est incroyable… depuis longtemps. J’ai appris à la lire en même temps que
J’en ai fait onze ou douze ans au conservatoire, dont une les mots : tout est très lié, et cela m’a beaucoup aidée.
Jeanne Added

partie en horaires aménagés : c’était très intense, même si Propos recueillis par Pascaline POTDEVIN
j’ai toujours été un peu dilettante. Je me souviens d’une AIR, DE JEANNE ADDED (BELIEVE). EN CONCERT LES 7, 8 ET 9 SEPTEMBRE
seule audition où cela m’a transportée : je devais jouer un AU CENTQUATRE, À PARIS.

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LE VOLUME 1

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VIKINGS
ODIN -THOR - LOKI - SIEGFRIED...
Dans un monde né du choc
de la GLACE et du FEU
l’ORDRE lutte contre le
CHAOS sous la menace
du RAGNARÖK.

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