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Carnet de voyage II

Retour vers le futur

Une étude de Fred Mawet


et Thomas Michiels - 2019.
Table des matières
De la suite dans les idées 5
1. Sélectionner ou faire apprendre 7
Découpler dans le temps les deux fonctions 7
2. Le piège de la concurrence et les façons de lui échapper 9
Quelle fin le quasi-marché sert-il ? 9
Le Pacte contre le quasi-marché 10
Nous sommes des marginaux 11
S’inspirer des LOP’s ? 12
Une école systématiquement imposée
ou proposée aux parents ? 14
3. Quel tronc commun voulons-nous ? 19
Où en est-on, chez nous, dans la mise en œuvre
du tronc commun ? 20
Et en Finlande ? 23
Zone d’implémentation et ordre d’implémentation 29
4. Travailler (avec) l’espace 31
5. L’adhésion des enseignants au TC 41
Un défi possible 41
Un défi (perçu comme) souhaitable 46
Dénouement ? 47

3
De la suite dans les idées
En septembre 2018, une délégation CGé accompagnée par des journalistes et
chercheurs est partie rencontrer des acteurs des systèmes scolaires flamands,
hollandais, suédois et finlandais afin de se doter de regards extérieurs sur
notre actualité éducative. Nous avons eu l’occasion de décrire le fil de notre
séjour dans l’étude CGé 2018 Carnet de voyage, le Pacte d’excellence vu d’ail-
leurs.
Le temps du récit « à chaud » est clos, désormais, et nous sommes plus à même
aujourd’hui d’objectiver, après une longue rumination hivernale et quelques
compléments d’enquête, les apports du séjour à plusieurs grands enjeux du
Pacte. Dans les lignes qui suivent nous souhaitons revenir sur cinq axes de dé-
bats qui nous semblent travailler le Pacte et identifier parmi certaines mesures,
pratiques ou représentations observées à l’étranger celles qui nous semblent
les plus porteuses, les plus capables d’élargir le champ des actions envisagées
chez nous en vue de réduire les inégalités scolaires.
Comme annoncé au terme de l’étude précédente, nous approfondirons res-
pectivement dans ce qui va suivre :
1. La commande qu’une société adresse plus ou moins implicitement à son
système scolaire et la cohérence dont nous avons besoin en la matière ;
2. Les effets de la concurrence entre établissements scolaires et ce qu’un
pays peut mettre en place pour lutter contre la ségrégation socioscolaire,
la sélection précoce des élèves ou l’inégalité de l’offre scolaire ;
3. Les référentiels d’un tronc commun d’enseignement, l’accompagnement
pédagogique et l’évaluation des élèves au sein de ce tronc et, plus fonda-
mentalement, l’implémentation et la révision du tronc commun ;
4. La prise en considération de l’architecture des bâtiments et des espaces
scolaires, et leurs impacts sur le bien-être et les apprentissages des
élèves ; en amont, leurs impacts sur le développement de la conscience
professionnelle des enseignants ;
5. Enfin, le métier d’enseignant : la façon dont il se vit, dont il est perçu so-
cialement, dont on y accède, etc.
Une fois encore indiquons notre dette envers Dominique LAFONTAINE,
Guadalupe FRANCIA, Christer BLOMKVIST et Claude ANTILLA qui nous
ont transmis plusieurs documents et informations complémentaires facilitant
la rédaction de cette étude.

5
1. Sélectionner ou faire apprendre
C’est comme boire ou conduire : il faut choisir ! C’est en principe incompatible
et si on s’entête, une fonction affecte profondément l’autre. Il en va de même
pour l’école. Pas d’amélioration possible en matière de réduction des inégali-
tés à l’école sans clarification de la commande sociétale faite à cet égard, du
moins durant le temps de la scolarité obligatoire.
Actuellement, la commande est multiple et contradictoire chez nous.
Les enseignants sont pris dans une injonction paradoxale : les décrets leur
demandent depuis plus de 20 ans de produire de l’égalité - en instruisant, édu-
quant, socialisant et formant les jeunes - avec une organisation du système
scolaire qui produit fondamentalement de l’inégalité : qui différencie, classe
et trie précocement les élèves en prévision de possibles études supérieures.
Cette double commande produit souffrance et découragement chez les ensei-
gnants parce qu’elle rend le métier impossible. Elle produit aussi souffrance,
honte et colère chez les élèves de milieux populaires et leurs parents, sans
compter le gâchis de l’analphabétisme fonctionnel que ce fonctionnement gé-
nère.
Depuis le début de ses travaux, nous avons le sentiment que le Pacte ne nomme
pas assez clairement cette injonction paradoxale et la nécessité d’en sortir. En
se prononçant pour la mise en place d’un tronc commun pour faire apprendre
tous les enfants, il opte en principe pour la fonction « faire apprendre ». Mais
en n’assumant pas jusqu’au bout de dire à haute voix comment il envisage la
recomposition de ces deux fonctions, il prête le flanc à tous ceux qui pensent
que c’est utopique, impossible et que ça va produire un furieux nivellement
par le bas.
Notre voyage récent en Finlande nous confirme dans l’idée que la société doit
et peut sortir de cette double commande faite à l’enseignement obligatoire, et
qu’il ne s’agit pas d’un abandon ou d’une réduction des ambitions mais bien
d’une clarification qui rend les deux objectifs accessibles, car ils sont tous les
deux nécessaires.

Découpler dans le temps les deux fonctions


D’abord faire apprendre tous les enfants, le temps du tronc commun : investir
cette période de 3 à 15 ans pour que tous acquièrent une bonne maitrise des sa-
voirs de base mais aussi le fassent tous ensemble, les enfants qui vont plus vite
apprenant la solidarité et l’entraide et renforçant leurs savoirs en contribuant
à les transmettre aux autres. Et si l’investissement central au niveau pédago-
gique doit être dans ce qui doit être appris par tous, cela n’empêchera pas un
enfant qui le veut d’aller plus loin.
Au-delà de la maitrise des savoirs de base, les Finlandais proposent une
conception élargie des buts de l’éducation, conception qui fait rêver et que
rien ne nous empêche d’adopter : « aider les élèves à croître en humanité et
à devenir des membres éthiquement responsables de la société et leur fournir

7
les connaissances et les compétences nécessaires à la vie1 », l’élève étant consi-
déré comme une personne en devenir et l’acquisition de connaissances et de
compétences s’inscrivant dans un processus de croissance plus global auquel
l’école a pour mission de contribuer.
Ensuite seulement, dans l’après « tronc commun » et dans la perspective de
l’acquisition et de l’exercice d’un métier, la sélection peut avoir un sens et une
légitimité : car au bout du processus, il faudra bien que le maçon monte des
murs droits et solides, que l’ingénieur calcule correctement la résistance des
matériaux, que le garagiste répare correctement le moteur et que le chirurgien
opère correctement ses patients. Sinon, bonjour les dégâts !
Reste à travailler sur le « quand et comment cette sélection s’opère ».
Nous retenons aussi des pays du grand nord que la sélection à l’entrée des
études d’enseignant est très forte car ils estiment que c’est un métier de la
plus haute importance sociale, que seuls ceux qui ont de très solides prérequis
et une posture qui répond aux exigences décrites dans les textes2 référencés
ci-dessous sont aptes à pratiquer. Nous y reviendrons dans les pages consa-
crées au métier d’enseignant.

1 Cf. Acte sur l’Éducation Fondamentale de 1998.


2 Voir : Paul ROBERT, « La formation des professeurs en Finlande : clé de voûte d’une réussite
éducative exceptionnelle ». [en ligne] http://www.ecolechangerdecap.net/spip.php?ar-
ticle251 , publié le 9 septembre 2013. L’article mentionne le référentiel de compétences
intitulé « Qu’est-ce qu’un bon professeur ? », en usage en 2006 à la faculté d’éducation de
Joensuu.

8
2. Le piège de la concurrence et les
façons de lui échapper
Si nous avons d’abord voulu faire état de la commande sociale passée à l’école
et dire le besoin urgent de faire preuve de cohérence sur ce que nous lui de-
mandons, nous ne voulons pas dire pour autant que l’aspect sélectif ou égali-
taire de notre système scolaire est une « simple » affaire de choix idéologique.
Il faut être au clair sur ce qu’on veut... mais il faut aussi repenser les moyens
qu’on se donne en conséquence ! Si c’est l’égalité que nous voulons, il faut
alors s’interroger sur la façon dont les structures scolaires, la détermination
des programmes, le cadre de travail, les pratiques pédagogiques ou encore la
formation des enseignants se prêtent à cette visée. A ce titre, notre séjour avait
pour ambition d’interroger la forme en quasi-marché prise par notre système
scolaire. C’est sur ce mode d’organisation libéral que porte la suite du texte.

Quelle fin le quasi-marché sert-il ?


Petit rappel. L’organisation de notre système scolaire est, depuis son origine,
semblable à celle d’un marché. Comprenez par-là que les pouvoirs publics
confèrent une liberté notable aux partenaires scolaires (parents, enseignants
et pouvoirs organisateurs), et qu’ils laissent dans une large mesure l’offre et
la demande se réguler. Dans un contexte de libre inscription scolaire par les
parents, de liberté pédagogique et de financement des écoles proportionnel
au nombre d’élèves inscrits, inévitablement, une concurrence généralisée se
crée. C’est même là l’objectif visé des pays comme l’Australie qui ont adop-
té cette forme d’organisation scolaire. La concurrence donc. Mais pourquoi
l’encourager ? Pour augmenter la qualité générale de l’enseignement ? Et, par
conséquent, pour soutenir les apprentissages de tous ? Pas vraiment...
Puisque l’affaire n’est pas nouvelle chez nous – le quasi-marché scolaire s’en-
racine dans la Constitution belge et se confirme encore dans le Pacte scolaire
de 1959 -, profitons de son ancrage historique pour mesurer ses conséquences
sur la qualité et sur l’équité de notre enseignement. Un préalable nécessaire
avant tout : comme pour tant d’autres choses, l’adoption du quasi-marché en
Belgique n’a pas relevé d’un choix idéologique, mais d’un compromis histo-
rique entre libéraux et catholiques. Faute de s’entendre sur l’offre, singuliè-
rement sur sa dimension confessionnelle ou laïque, il a été décidé pour faire
simple de laisser les parents faire leur marché. Qu’est-ce que ce compromis a
donné ? La compétition entre écoles a généré progressivement, selon les mots
de Vincent DUPRIEZ, une « polarisation » du système scolaire. Pour se dé-
marquer les unes des autres, les écoles ont diversifié leurs offres et ciblé tantôt
un enseignement « adapté » à un public défavorisé, tantôt un enseignement
élitiste appuyé par des stratégies de distinction fortes, notamment en termes
de sélection des élèves à l’entrée et durant le cursus. Si le quasi-marché a eu
un effet majeur, c’est bien de contribuer à la mise en place d’une pyramide
scolaire : au sommet de laquelle on trouve des écoles « forteresses », élitistes
et sélectives, un enseignement surtout général, des options « fortes » et un

9
public de milieux surtout aisés ; et à sa base des écoles dites « poubelles »
ou « ghettos », des filières de relégation et un public principalement issu des
milieux populaires. Un état tristement reconnu par les acteurs de terrain, les
chercheurs mais aussi par les pouvoirs publics3 . D’où la volonté affichée du
Pacte d’excellence de « lutter » contre la situation de quasi-marché. Com-
ment ? C’est sur les actions de lutte contre les effets du quasi-marché – duali-
sation, sélection précoce, ségrégation – que la situation se complique, et c’est
pour alimenter cette réflexion que nous avons notamment décidé de visiter
d’autres pays. Voyons d’abord ce qu’envisage le Pacte.

Le Pacte contre le quasi-marché


Si le diagnostic relatif au quasi-marché y est univoque, sa reprise en leviers
d’action l’est franchement moins. A l’évidence, les acteurs du Pacte n’envi-
sagent pas, dans l’immédiat, de modifier l’article de la Constitution relatif à la
liberté d’enseignement (art. 24), ou d’agir frontalement sur la liberté de choix
scolaire des parents, notamment au vu des résistances apparues dans le cadre
du décret « inscriptions ». Trop lourd, trop risqué, le Pacte se tourne plutôt
vers des stratégies de régulation accrue de l’offre.
• L’implémentation progressive d’un tronc commun polytechnique et plu-
ridisciplinaire de 3 à 15 ans fait partie des mesures fortes visant à har-
moniser l’offre scolaire en s’assurant que, quelle que soit l’école choisie,
tous les élèves maitrisent un même ensemble de savoirs de base incon-
tournables, mais aussi, que leur orientation ultérieure soit davantage liée
à un désir cultivé par l’école que par des échecs successifs (relégation).
• Les plans de pilotage constituent un second levier ambitieux, impliquant
de faire monter en force le pouvoir régulateur de l’État. Ces plans en-
gagent un large processus de concertation dans les établissements sco-
laires, dont le but est de dresser le constat de leurs performances, définir
des axes d’amélioration et déterminer les moyens de les atteindre. La
FWB définit des objectifs d’amélioration généraux que toutes les écoles
doivent cibler, et s’il s’agit d’un pilotage par les résultats qui laisse une
grande part d’autonomie dans la recherche des moyens, il n’empêche que
ces plans de pilotage prennent la forme d’un engagement contractuel
vis-à-vis de l’État (contrats d’objectifs), assorti de sanctions possibles ou
encore de moyens d’encadrement supplémentaires.
• Enfin, le Pacte présente plusieurs actions de renfort, notamment envers
l’enseignement maternel et qualifiant. On parle ici d’atteindre progressi-
vement la gratuité, d’allouer des ressources accrues, d’améliorer la qua-
lité d’accueil, de familiariser davantage à la culture scolaire (maternelle)
et la culture professionnelle (qualifiant)...
Au fond, le Pacte s’inscrit dans la continuité de politiques éducatives anté-
rieures, telles que la réforme de l’enseignement secondaire ou le décret relatif
à l’encadrement différencié. Il s’agit toujours d’agir sur l’offre, et cette fois de

3 Pacte pour un enseignement d’excellence : synthèse des travaux de la première phase du


Pacte, Avis du groupe central, 1er juillet 2015. [En ligne] http://www.pactedexcellence.be/
wp- content/uploads/2015/07/synthese-phase-1-avis-groupe-central.pdf, p. 12.

10
façon plus systémique en déployant ces actions de front dans une temporalité
proche. Cette manœuvre est cruciale et doit être soutenue, à condition qu’elle
déploie sa pleine mesure et qu’elle donne un temps d’appropriation suffisant à
ceux qui devront la porter. C’est là où ça risque de coincer. Le danger est réel
que le tronc commun soit vendu au rabais, pensé et affiché comme ce qu’on
fait déjà maintenant plus une éventuelle année supplémentaire dont, de toute
façon, il faudra renégocier bien vite la légitimité. Pareillement, le succès des
plans de pilotage va dépendre du pouvoir reconnu aux délégués aux contrats
d’objectifs, de la qualité des indicateurs et outils fournis et appropriés, et de
ce qui est surtout mis en place pour garantir les conditions d’un authentique
travail collaboratif, d’un vrai projet d’autonomie plutôt qu’un énième exercice
de mise en conformité.
Rien n’est perdu mais rien n’est gagné non plus. Du reste, au-delà des actions
du Pacte et du temps que leur mise en œuvre nécessitera pour les évaluer,
plusieurs défis persistent. Pourquoi un positionnement si discret sur le qua-
si-marché et la concurrence scolaire ? Un rapport de confrontation plus direct
serait le bienvenu, entre autres parce qu’au-delà d’une meilleure identifica-
tion de la volonté politique, il permettrait de mieux appréhender ses enjeux.
Le quasi-marché hiérarchise les établissements scolaires. Une sérieuse diffi-
culté vécue par les écoles au bas de cette pyramide est qu’elles sont fréquen-
tées par un public très homogène tant sur le plan socioéconomique que sur
le plan ethnique, un public de niveau plus faible dont la concentration a pour
effet de diminuer la capacité à progresser dans les apprentissages et d’orienter
la pédagogie vers la gestion de situations de crise et la discipline4. Ce sont aus-
si des écoles où les enseignants sont souvent moins expérimentés, en rotation
plus fréquente et où les équipes pédagogiques manquent de cohésion. Que
faire contre ces effets qui débordent en partie les actions du Pacte décrites
plus haut et ce, parce qu’elles ne contrent pas la ségrégation socio-scolaire ?
Voyons sur ce sujet ce que les pays visités nous offrent comme perspectives,
ceux en particulier qui sont marqués par une même logique libérale.

Nous sommes des marginaux


La première chose qui frappe quand on se met à observer d’autres systèmes
scolaires, c’est qu’en matière de régulation de la demande, nous sommes des
marginaux !
En dépit de nos croyances, nous ne partageons qu’avec deux autres pays d’Eu-
rope – l’Irlande et les Pays-Bas – cette liberté parentale étendue5 . Les autres
pays européens, dont les politiques ne sont par ailleurs pas moins libérales
que les nôtres, assument une régulation plus forte et, par exemple comme
c’est le cas en France, le recours à une carte scolaire. Aurait-on des raisons de

4 Vincent DUPRIEZ et Hugues DRAELANTS, « Classes hétérogènes vs classes homogènes :


l’apport de la recherche à l’analyse de la problématique », Revue française de pédagogie ,
n°148, 2004. Christian MAROY, « Pourquoi et comment réguler le marché scolaire », Les
Cahiers de Recherche en Éducation et Formations, n°55, 2007.
5 Dominique LAFONTAINE et Christian MONSEUR, « Quasi-marché, mécanismes de sé-
grégation sociale et académique. Une approche comparative », Éducation comparée/Nou-
velle série, n°6, 2011.

11
sortir de cet état de marginalité ? Nos entretiens avec Bowen PAULLE, Dirk
JACOBS ou Thomas WOUTERS renforcent l’évidence que nos systèmes sco-
laires belges et hollandais marqués par une grande liberté parentale sont des
systèmes très ségrégés socialement, composés d’écoles « noires » et d’écoles «
blanches ». Le libre choix est-il directement responsable de cette ségrégation
? Avec l’orientation précoce des élèves, les filières distinctes, et le fort taux
de redoublement, la liberté de choix apparait comme un facteur favorisant
clairement l’émergence d’une forte ségrégation scolaire6 . On a notre réponse.
Peut-on agir efficacement sur l’offre sans agir en même temps sur la demande
? Quelle stratégie pourrait-on ce faisant mettre en place ? Si le séjour aux Pays-
Bas ne nous renseigne pas sur la question, seulement sur l’état de détresse ou
d’impuissance de ceux qui la portent sur place, ce n’est pas le cas de la Flandre.

S’inspirer des LOP’s ?


Comme on l’a vu, la Flandre régule les inscriptions des élèves dans certaines villes et
communes par le biais des LOP’s, ces plateformes de concertation locales. Celles-ci
réunissent des représentants des PO et des syndicats d’enseignants, membres des
CPMS, élèves, parents et acteurs associatifs autour de la table afin qu’ils se mettent
d’accord sur la création de places, sur une procédure et des critères d’inscriptions,
ainsi que sur des quotas d’élèves défavorisés (GOK) et favorisés (non GOK) à ac-
cueillir. On sait que les LOP’s ont une grande marge d’autonomie dans leur fonc-
tionnement et que leur création est obligatoire dans les zones de saturation de l’offre
scolaire et de grande concentration des publics défavorisés. A titre d’exemple, la
procédure d’inscriptions imposée aux parents à Gand est la suivante :
-Les membres de la LOP fixent une période commune d’inscription concernant les
écoles fondamentales.
-Les parents sont informés des écoles gantoises existantes et des possibilités de vi-
site, il y a des sessions d’information et des sessions de visites communes.
-Les parents listent par ordre de préférence les écoles de leur choix (on leur suggère
d’en sélectionner au moins cinq).
-L’attribution d’une école se fait selon des critères prioritaires de fratrie (frères/
sœurs déjà inscrits dans cette école), de proximité géographique, et selon des quotas
de places réservés aux élèves défavorisés/favorisés fixés par les membres de la LOP.
L’avis n°3 du Pacte est explicite sur l’intérêt des LOP’s. « Dans la perspective d’amé-
liorer la mixité sociale au sein des écoles, le GC confirme l’intérêt d’une approche
pragmatique et bottom up, partant du niveau local, responsabilisant les acteurs de
l’école, et favorisant le travail des acteurs issus des différents réseaux, en s’inspirant
du dispositif de plateformes locales de concertation mis en œuvre en Flandre »7 .

Qu’est-ce que nous en pensons ? Des LOP’s chez nous, une


bonne idée ? Une mesure acceptable socialement ?
6 Voir notamment Marc DEMEUSE et Ariane BAYE, « Mesurer et comparer l’équité des sys-
tèmes éducatifs en Europe », Éducation et Formations, n°78, 2008.
7 Pacte pour un enseignement d’excellence : Avis numéro 3 du groupe central, 7 mars 2017.
[En ligne] http://www.pactedexcellence.be/wp-content/uploads/2017/05/PACTE-Avis3_
versionfinale.pdf, p. 26-27.

12
1. Dans un contexte culturel semblable au nôtre, la stratégie des LOP’s a
l’intérêt de ne pas heurter aussi frontalement que le décret « inscriptions
» la sensibilité des plus libéraux d’entre nous. La régulation des inscrip-
tions se fait ici selon une approche plus pragmatique qui contraint les
acteurs locaux à se mettre autour de la table, mais qui leur cède en même
temps une marge d’autonomie importante. A eux de se mettre d’accord
sur les périodes et procédures d’inscriptions, sur les critères prioritaires,
sur les quotas d’élèves GOK et non GOK que les écoles accueillent. Peut-
être trouverons-nous ces quotas trop faibles ou certains critères contes-
tables. On peut craindre qu’une majorité se forme au sein d’une LOP
pour faire barrage aux quotas et maintenir un double marché : celui des
écoles proposant du qualifiant après le TC et celui des écoles élitistes8
. La démarche a au moins le mérite d’autoriser une marge d’autonomie
et donc d’appropriation des acteurs. Si les directions ne sont plus des
simples exécutants, et que cette régulation prend mieux en considéra-
tion les réalités de leur école, peut-être vont-elles plus facilement ac-
cepter de jouer le jeu. D’autant qu’avec les plans de pilotage, les écoles
auront à rendre des comptes sur des objectifs d’équité et d’efficacité qui
recouvrent cet enjeu de mixité socio-scolaire. Introduire des LOP’s, c’est
conférer aux écoles un levier légal pour agir sur leur public plutôt que de
les laisser à leur impuissance (écoles défavorisées) ou à leurs stratégies
plus ou moins détournées de sélection/filtrage (écoles élitistes).
2. C’est là d’ailleurs un autre intérêt potentiel des LOPs : contraindre à ver-
baliser sur les modalités d’inscription des élèves. La concertation amène
à partager des analyses, faire découvrir d’autres réalités scolaires, ce qui,
comme le note Dirk JACOBS, peut nous inviter à nous décentrer. Mais
même si on ne veut pas vraiment jouer le jeu, l’argumentation publique
limite d’une façon ou d’une autre nos stratégies purement égoïstes, en
nous incitant à énoncer des raisons qui dépassent nos intérêts purement
privés. Avec les LOP’s, les refus d’élèves deviennent plus compliqués, à
titre d’exemple, parce qu’il faut en rendre compte. Difficile dans ce cadre
d’affirmer de façon décomplexée qu’on est une école élitiste et que tel
enfant de milieux populaires n’a rien à faire chez nous. Le philosophe
politique Jon ELSTER parlerait ici de la « force civilisatrice de l’hypo-
crisie » : c’est-à-dire de la force intrinsèque du débat public qui oriente
notre discours vers le bien commun, même si nos mobiles sont franche-
ment peu altruistes. Autrement dit, l’hypocrisie de notre discours nous
force malgré tout à faire des concessions.
3. Un autre attrait des LOP’s est de ne s’imposer comme obligation que
dans des contextes où l’offre est saturée. On peut y voir une faiblesse :
il est clair que les communes ou villes dont les écoles ne sont pas com-
plètes ne sont pas pour autant mixtes socialement. S’il n’y a pas de LOP’s,
il n’y a dès lors pas de mesures pour limiter cette ségrégation. Malgré
tout, le choix de les instaurer dans des contextes de saturation de l’offre

8 Ce risque est pointé du doigt par Bernard DELVAUX et Magali JOSEPH à travers leur
analyse des tentatives de concertations locales pratiquées à Charleroi. Voir : « Hiérarchie
scolaire et compétition entre écoles : le cas d’un espace local belge », Revue française de
pédagogie, n°156, juillet-septembre 2006.

13
est intéressant parce qu’il apparait d’abord comme la réponse à un be-
soin concret. Pour des parents inquiets de trouver une école lors de la
rentrée prochaine, les LOP’s apparaissent comme une garantie. Finies
les périodes d’inscriptions variables, finies les logiques d’inscriptions
à la carte (file d’attente, tirage au sort, inscription en ligne...), ceux-ci
bénéficient d’un cadre standardisé qui leur assure une place dans une
école, et idéalement une place de la première école de leur choix. Cette
logique pousse les parents à tolérer davantage une politique des quotas
que dans des contextes moins saturés.
4. Leur quatrième intérêt, enfin, est de s’appliquer potentiellement aux
écoles du maternel, comme à celles du primaire et du secondaire. Il est
facile de dire que le décret « inscriptions » a un effet marginal, voire qua-
si nul, sur l’augmentation de la mixité sociale – ce qui était pourtant l’une
de ses visées premières (anciennement décret « mixité »). Mais com-
ment un dispositif de régulation aussi limité dans le temps des parcours
scolaires pourrait-il avoir une incidence sérieuse sur le mélange des pu-
blics scolaires ! Ce n’est pas en cadrant le passage de la 6e primaire à la
1e secondaire commune qu’on déjoue les formes principales de sélection
qui opèrent dès l’entrée dans l’enseignement fondamental et surtout à la
fin de la 2e secondaire. Pour que nos écoles soient moins ségrégées, une
régulation des inscriptions avec quotas devrait s’étendre à l’ensemble du
cursus scolaire, ou à tout le moins, tout le long du parcours au sein du
nouveau tronc commun d’enseignement, c’est-à-dire de 3 à 15 ans.
Pour ces différentes raisons, on gagnerait selon nous à envisager l’équivalent
des LOP’s comme une mesure de régulation des inscriptions au sud du pays, et
notamment dans des villes comme Bruxelles et Liège déjà interpellées par les
limites de places scolaires. Plusieurs communes bruxelloises organisent déjà
des périodes d’inscriptions dans leurs écoles primaires et secondaires, dis-
tinguant des moments pour élèves prioritaires et élèves non-prioritaires. Les
LOP’s auraient l’utilité de systématiser ces aménagements. Reste que celles-ci
concernent uniquement les localités affectées par une demande forte et une
offre limitée. Qu’est-ce qu’on fait de la ségrégation dans les autres localités ?
Et puis, si le double quota porte quelques fruits, les effets de déségrégation des
LOP’s n’ont rien de spectaculaire non plus. Mettons-nous d’accord : on ne peut
pas faire pire que ce qu’on fait actuellement en Belgique francophone. Peut-on
pourtant faire plus que s’inspirer des LOPs ?

Une école systématiquement imposée ou


proposée aux parents ?
Il y a l’option de la carte scolaire qui consiste à affecter les élèves dans les éta-
blissements scolaires qui correspondent à leur secteur d’habitation. La France
et la Finlande l’appliquent notamment, et c’était le cas de la Suède avant qu’elle
ne libéralise son système scolaire au profit du libre-choix. La carte alors ? C’est
une mesure de soutien forte à la mixité pour autant que les quartiers soient
plus hétérogènes socialement que les écoles. Si c’est bien le cas chez nous et

14
notamment à Bruxelles9, cette possibilité est pourtant dure à envisager sé-
rieusement. Le décret « inscriptions » en témoigne : dès qu’on veut réguler
les inscriptions, les résistances sont nombreuses. Exiger la carte demande-
rait non seulement de surmonter ces résistances mais en plus de réviser la
Constitution belge. Quand on examine de plus près son institutionnalisation
en France, on voit en outre que beaucoup de parents font des demandes de
dérogation face aux écoles imposées par la carte. Beaucoup « trichent », selon
François DUBET, en déménageant stratégiquement pour se rapprocher d’un
bon établissement ou en faisant le choix du privé10 . C’est évidemment plus
facile d’instaurer la carte scolaire dans un pays comme la Finlande où l’offre
est à la fois homogène et de grande qualité. S’il n’y a pas de différence majeure
entre établissements, le choix perd de son importance. C’est plus dur pour des
Français et ça le serait tout autant pour nous de nous voir imposer une école
« poubelle » parce que c’est celle qui se rapproche le plus de notre domicile
légal. Pas de carte alors ? Pas de carte tant que l’offre ne s’améliore pas ? Entre
une liberté parentale absolue et une carte scolaire finlandaise, il n’y pas que
les LOP’s...
L’APED11 défend depuis un peu plus d’un an un autre modèle de régulation des
inscriptions. Contrairement à la carte, le principe n’est pas d’imposer une école
aux parents, mais de leur en proposer une, « tout en laissant à ces parents la
possibilité de demander une autre affection »12 . L’école soumise à l’accord des
parents est sélectionnée sur base de critères de proximité géographique (trajet
école-domicile) et de mixité sociale. La faisabilité théorique de cette propo-
sition est démontrée par une simulation faite à l’échelle des écoles primaires
de Bruxelles. Les résultats frappants indiquent qu’il est tout à fait possible de
réduire significativement la ségrégation des publics scolaires tout en rédui-
sant la distance parcourue par les enfants entre leur école et leur domicile.
Évidemment, il faut encore que les parents acceptent de jouer le jeu ! HIRTT
et DELVAUX suggèrent que si leur proposition était d’actualité, la composi-
tion sociale des écoles serait très différente de ce qu’elle est aujourd’hui et il
n’y aurait plus d’école « ghetto ». Ce faisant, il y aurait probablement moins de
demandes d’affectation, et on échapperait au risque que se « reconstitue de la
sorte la ségrégation des publics que l’on aurait évitée au terme du dispositif
automatisé d’affectation »13 .
La proposition est théorique mais séduisante. Elle a le mérite de concilier
contrainte douce et liberté. Difficile pourtant de ne pas voir qu’elle repose en
grande partie sur un cercle vertueux : car pour qu’elle amène une recompo-
9 Comme en témoignent Eliz SERHADLIOGLU et Bernard DELVAUX, « La ségrégation
scolaire, reflet déformé de la ségrégation urbaine. Différenciation des milieux de vie des
enfants bruxellois », Cahiers du Girsef, n°100, 2014.
10 François DUBET, « Faut-il supprimer la carte scolaire ? », entretien entre François DUBET
et Alain MADELIN, publié le 19 octobre 2006. [En ligne] http://www.lexpress.fr/educa-
tion/faut-il-supprimer-la-carte- scolaire_479848.html.
11 Appel Pour une École Démocratique. Mouvement militant.
12 Nico HIRTT et Bernard DELVAUX, « Peut-on concilier proximité et mixité sociale ? Si-
mulation d’une procédure numérique d’affectation des élèves primaires bruxelloises », Ca-
hiers du Girsef, n°107, février 2017, p. 2.
13 Idem., p. 46.

15
sition du public scolaire, il faut que les parents acceptent majoritairement les
écoles proposées, et pour qu’ils les acceptent, il faut que le public scolaire soit
recomposé ! Une majorité doit donc au départ jouer le jeu. On ne va pas se
leurrer, il y aura toujours des parents qui chercheront à contourner le système
en place, quel qu’il soit. En Flandre, par exemple, quand il s’agissait de la règle
d’inscription par téléphone du « premier arrivé, premier servi », certains pa-
rents n’hésitaient pas à appeler depuis une caserne de pompier, parce que les
numéros d’urgence avaient priorité sur les autres... Si on veut pourtant que
la plupart acceptent les règles du jeu, il faut les convaincre que la mixité à
l’école a une utilité, qu’elle est bonne pour eux et pour leurs enfants. HIRTT et
DELVAUX le reconnaissent : la mixité des écoles serait moins problématique
pour les parents s’ils voyaient plus l’école comme un lieu de préparation à une
société démocratique que comme celui qui permet de se positionner dans la
compétition sociale. Or, si la mixité constitue une richesse potentielle sur le
plan démocratique, sa valeur ajoutée en termes de progrès dans les apprentis-
sages scolaires ne va pas de soi. Au contraire, travailler avec un public mixte
socialement et académiquement (en termes de résultats scolaires et de diffi-
cultés des élèves) suppose un accompagnement pédagogique soutenu auquel
la formation initiale des enseignants prépare très faiblement actuellement.
Alors qu’est-ce qu’on fait ? La déségrégation n’est pas une affaire simple : il faut
pouvoir agir sur l’offre et sur la demande... et il faut bien commencer quelque
part. Notre séjour nous offre peu de points de comparaison utiles en matière
de régulation des inscriptions. Il nous montre surtout que la concurrence sco-
laire ne réussit pas son but de tirer partout la qualité de l’enseignement vers
le haut. Elle réussit surtout à institutionnaliser une pyramide scolaire dont on
a décrit plus haut les effets négatifs. Pour contrer celle-ci, la proposition de
l’APED nous semble importante à soutenir, au même titre que les LOP’s. Les
deux stratégies comportent des avantages distincts. Pourquoi ne pas envisager
leur combinaison ? Le modèle de l’école proposée aux parents pourrait être gé-
néralisé à l’ensemble du système scolaire belge francophone, mais faire l’objet
d’un affinage local – analyse commune, quota d’élèves ISEF et non ISEF dans
chaque école, création de places, etc. Et si, en parallèle, des actions sur l’offre
s’avèrent indispensables, une piste suédoise nous semble valoir la peine d’être
poursuivie. Au-delà du financement classique des écoles au nombre d’élèves
inscrits et de l’encadrement différencié dont bénéficient les écoles « défavo-
risées », on pourrait s’inspirer d’une mesure expérimentée actuellement dans
la ville de Stockholm qui consiste à attribuer un salaire supérieur aux ensei-
gnants qui acceptent de travailler dans ces écoles fréquentées par une majorité
d’élèves ISEF. Puisqu’on observe en l’état que les écoles « ghettos » présentent
des équipes pédagogiques surtout composées de jeunes enseignants encore
peu expérimentés et en alternance fréquente, l’introduction d’un incitant fi-
nancier pourrait rendre la fonction plus attractive dans ces écoles.

16
Dernière piste qui nous vient : communiquer avec les parents des classes plus
favorisées mais sensibles à la question des inégalités et leur faire prendre
conscience – sans les culpabiliser - de l’impact de leurs choix sur le système
scolaire : leur faire prendre conscience que la ségrégation est une conséquence
et une cause de l’état du système scolaire. Et réfléchir avec eux aux chemins
du changement qu’ils peuvent emprunter pour transformer un cercle vicieux
en cercle vertueux.

17
18
3. Quel tronc commun voulons-nous ?
Il y a tronc commun et tronc commun... Mais de quoi parle-t-on quand on
utilise le concept ? Un tronc avec quels contenus, pour quel(s) public(s), avec
quelles exigences ?
Jusqu’il y a peu, nous appelions tronc commun, en FWB, la dernière étape
du continuum pédagogique, soit les deux premières années de l’enseignement
secondaire faisant suite aux 6 années du primaire... Une étape confuse du par-
cours dont, il faut le rappeler, les enseignements varient de fait selon les éta-
blissements, de même que les formes et objectifs selon les difficultés rencon-
trées par les élèves14 .
Et puis il y a eu le Pacte d’excellence et avec lui l’intention explicite d’implé-
menter un tronc commun inspiré de celui des pays scandinaves. Que peut-on
en attendre ?
Le minimum serait probablement qu’il amène à « dé-filiariser » notre ensei-
gnement jusqu’à un niveau/âge X15 , car en supprimant les choix d’options et
filières qui apparaissent précocement dans le parcours des élèves, on réduit
du même coup les écarts possibles entre ce qui est enseigné. Le but est qu’il
amène à considérer que tous les jeunes peuvent (ils en ont tous les capacités)
et doivent impérativement acquérir ensemble, quelle que soit leur origine, un
même corpus de savoirs et compétences durant un temps scolaire conséquent
- un temps d’ailleurs qui servirait avant tout à égaliser les acquis de chacun
plutôt que de trier les élèves. En FWB, il devrait vouloir dire : « Arrêtez d’en-
voyer bon nombre d’enfants de milieux populaires dans l’enseignement spé-
cialisé dès le début de leur scolarité, et arrêtez de donner la possibilité de les
mettre en premier degré différencié et en troisième technique de transition,
technique de qualification ou professionnel. Non pas d’ailleurs parce que les
référentiels des filières techniques et professionnelles ont moins de valeur à
nos yeux que ceux vus dans le général, mais parce qu’ils en ont au contraire
tout autant et doivent ce faisant être enseignés à tous dans une perspective
citoyenne 16».
Réussir à implémenter ce tronc commun-là – et donc la philosophie sociale et
politique qui l’accompagne - nécessite non seulement d’en faire un choix de so-
ciété assumé (ce qui n’est pas gagné), mais en outre de renforcer la congruence

14 Rappelons l’orientation forcée des élèves qui ont atteint l’âge de 14 ans en primaire vers
la 3e professionnelle. Scénario possible dans lequel le « tronc commun » est carrément
absent. Marie VERHOEVEN et Vincent DUPRIEZ insistent à ce sujet sur les nombreux
aménagements possibles dans le 1er degré secondaire qui rendent cette étape « confuse »
et disent notre « incapacité » à organiser durant cette période un parcours réellement com-
mun à l’ensemble des élèves. Marie VERHOEVEN et Vincent DUPRIEZ, « Les aléas d’une
école commune en Belgique francophone », Francois BALUTEAU et al. (dir.), Entre tronc
commun et filières, quelle école moyenne ?, Louvain-la-Neuve, Académia-L’Harmattan, 2018,
p. 245.
15 Actuellement, jusqu’à 12 ans et la fin de la 6ème primaire, dans le Pacte, jusqu’à 15 ans et
l’équivalent de la fin de la 3ème secondaire.
16 Citoyenne veut dire ici : ce que tous les citoyens doivent avoir comme savoirs et compé-
tences techniques pour leur vie de tous les jours.

19
entre projet, valeurs et pratiques pédagogiques. On mesure d’ailleurs com-
bien cette vision exigeante du tronc commun, implémenté avec succès dans
un pays comme la Finlande, va à l’encontre de l’expérience quotidienne et des
croyances de la majorité des enseignants et des citoyens de Belgique... A rai-
son ?
Certains évoquent la naïveté de penser qu’un tronc commun allongé puisse
améliorer sérieusement les performances des élèves, dans un contexte
comme le nôtre marqué par une population bien moins homogène qu’en Fin-
lande. D’autres encore dénoncent plus simplement son inefficacité en citant
la France en exemple, quand ils n’expriment pas leur crainte d’un fameux «
nivellement par le bas » de notre enseignement. Alors entre un bon modèle «
qu’on ne peut pas importer » chez nous et un modèle inefficace « qu’on ne veut
pas importer », à quoi bon insister ?
Insistons pourtant là-dessus, avant d’aller plus loin. Notre population est sans
doute moins homogène que celle de la Finlande et à l’évidence aussi, les pays
comme la France qui ont un tronc commun uniforme (sans aucune option) et
des taux de redoublement importants ne font pas mieux statistiquement que
les systèmes avec filières. Mais qu’est-ce que ça nous apprend ? Ca nous ren-
seigne surtout sur le fait qu’un tronc commun ne fait pas tout et que son im-
plémentation doit être pensée dans le cadre de réformes systémiques. Après
tout, la Finlande n’a-t-elle pas préparé l’intégration de son tronc commun en
agissant d’abord sur la réforme de la formation des enseignants ? Cette vue
d’ensemble n’est-elle pas aussi l’ambition du Pacte ? Soyons clairs par ailleurs
sur le fait qu’aucun pays ayant introduit une formation commune allongée n’a
eu à souffrir dans la foulée d’une baisse d’efficacité17 . Un tronc commun allon-
gé n’est pas incompatible avec la formation d’élèves de haut niveau. Vincent
DUPRIEZ insiste là-dessus : « Le tronc commun paraît être une structure de
gestion des parcours des élèves globalement plus efficace et plus égalitaire,
sans que cela n’entraine une pénalité des élites »18 . Un tronc commun allongé
correspond donc bien à une condition nécessaire bien que non suffisante de
réduction des inégalités scolaires.
Ceci étant dit, précisons alors dans un même esprit que toutes les remarques
que nous consignons ci-dessous ont pour but premier de soutenir l’implémen-
tation d’un tronc commun de qualité.

Où en est-on, chez nous, dans la mise en œuvre


du tronc commun ?
Chez nous, pour mémoire, le tronc commun promu dans l’avis n°3 du Pacte
louche sans aucun doute vers la Finlande, ce qui ne manque pas de susciter
des résistances et de poser à nouveau un défi en termes de congruence entre
projet, valeurs et pratiques. Tentons d’éclairer un peu plus les différents as-
pects de cette difficile équation et de voir où on en est.
17 Lire notamment Vincent DUPRIEZ « Tronc commun ou filières : comment organiser
l’école secondaire ? », Gaëtane CHAPELLE et Denis MEURET (eds.), Améliorer l’école,
Paris, PUF, 2006, p. 234.
18 Idem, p. 237.

20
Actuellement, une dizaine de groupes de travail sont à l’œuvre depuis bientôt
un an dans le but d’élaborer les référentiels du futur tronc commun – tronc qui
devrait être implémenté dès la rentrée 2020 concernant le maternel et les 1e et
2e années du primaire, pour suivre ensuite ces cohortes d’élèves année après
année jusqu’à la 3e secondaire. Comment sont conçus ces référentiels et dans
quelle visée ?
La charte des référentiels d’octobre 2017 annonce clairement dans quel sens
travailler :
« Durant sa formation de tronc commun, chaque élève sera amené, quelle que
soit son orientation d’études ultérieure, à disposer d’un bagage disciplinaire de
base pour poursuivre sa formation scolaire en maîtrisant un ensemble de sa-
voirs, de savoir-faire et de compétences qui lui permettront de/d’ :
• Devenir un citoyen actif, émancipé, critique, créatif, solidaire, en ce com-
pris des générations futures ;
• Acquérir des savoirs et des outils de compréhension plurielle du monde, en
vue de penser et d’agir ;
• Développer un plaisir d’apprendre soutenu et renouvelé ;
• S’épanouir dans les différentes facettes de sa personnalité ;
• Acquérir des outils de construction de son identité sociale positive, réelle et
virtuelle ;
• S’ouvrir à la pluralité des activités humaines dans la perspective d’un choix
positif et mûrement réfléchi d’étude ;
• Opérer des choix ;
• Continuer à apprendre dans une société complexe et mondialisée. »
C’est un beau programme auquel nous souscrivons pleinement, mais est-
ce bien ce programme qui est en train d’être traduit en référentiels dans les
groupes de travail (GT) qui se réunissent à marche forcée depuis un an ?!
Tous les membres des GT se rendent certainement compte de l’enjeu impor-
tant sur lequel ils sont en train de travailler : redéfinir ce qui sera enseigné
aux enfants de 3 à 15 ans (au moins) dans les quinze prochaines années, dans
toutes les écoles de la FWB ! Tous ont certainement envie de fournir un travail
de qualité, qui va faire sens et va servir de support et d’horizon ambitieux à la
formation de jeunes citoyens telle qu’annoncée dans le Pacte.
Mais les délais de production de ces référentiels, la composition de ces GT et
l’exigence bien compréhensible de confidentialité des travaux favorisent des
stratégies défensives. Alors que les réseaux organisent régulièrement des réu-
nions avec leurs alliés avec qui ils partagent les textes, les pédagogues et didac-
ticiens non liés à ceux-ci sont privés de participation. Alors que les échanges
devraient être favorisés, c’est l’inverse qui se produit. Aucun échange n’est
prévu, et dans certains cas, ils sont même proscrits, entre membres des GT
référentiels et des consortiums19 . Pris par le temps, les présidents des GT réfé-

19 Les consortiums sont des groupes de formateurs et de chercheurs des hautes écoles et des
universités qui sont chargés d’évaluer, de concevoir et partager des dispositifs et outils pé-

21
rentiels ne s’autorisent que rarement, et dans certains cas, jamais, à inviter l’un
ou l’autre didacticien ou représentant extérieur de la société civile pour enri-
chir les travaux. Les délais ne permettent pas voire empêchent carrément la
prise en compte de points de vue divergents puisque le temps manquera pour
articuler et arbitrer ces divergences. C’est l’appauvrissement au contraire qui
est requis pour pouvoir aboutir dans des délais impossibles.
Les crispations des réseaux sur la question de la liberté pédagogique abou-
tissent à l’interdiction formelle de toute réflexion méthodologique au sein de
ces GT et les craintes justifiées d’une reproduction des inégalités entre éta-
blissements aboutissent à l’exigence d’attendus précis par année exprimés en
verbes opératoires. Ce qui revient déjà pratiquement à rédiger les questions
du CEB et des épreuves externes avec tous les risques de bachotage et d’ap-
pauvrissement des apprentissages que cela représente20 .
Or fonder un nouveau paradigme éducatif suppose nécessairement de repen-
ser ce qu’on appelle la transposition didactique21 et de problématiser davan-
tage les différents rapports de sens que les élèves entretiennent au savoir22 .
La frontière est floue entre réflexion épistémologique indispensable et ré-
flexion méthodologique interdite. Par conséquent, dès qu’un membre d’un GT
aborde cette question des rapports au savoir d’une manière ou d’une autre, il y
en a toujours un autre pour lui rappeler qu’on ne peut prescrire que le « quoi
» et non le « comment ». Le problème est que le « comment » est souvent aussi
un « quoi » ... De nombreux membres des GT référentiels sont également les
auteurs des programmes existants actuellement et vraisemblablement aussi
les auteurs des futurs programmes découlant des nouveaux référentiels ainsi
que des inspecteurs du secondaire supérieur, dont la réalité quotidienne (les
acquis strictement disciplinaires) entre en contradiction avec celle des ins-
pecteurs du fondamental (les difficultés des apprentissages de base). Tout les
pousse à repartir de ce qui existe et même pour la plupart (sauf les inspecteurs
du fondamental) à espérer logiquement que tout change le moins possible...
Toutes ces contradictions pèsent lourd sur le travail des GT référentiels : le
risque est grand que l’ensemble aboutisse à la recomposition de beaucoup de
choses existantes dans une juxtaposition disparate d’éléments dont la fonction
principale est le contrôle (accountability) et non la compréhension du monde.
Les programmes actuels favorisent un enseignement qui dit davantage « ce
qu’il faut penser », qu’il ne répond à l’exigence de « comment apprendre à pen-
ser ». La finalité cachée est plus normative (écrire sans « fautes » et pratiquer
dagogiques en vue de favoriser la mise en place du tronc commun réformé.
20 Voir les travaux d’Yves DUTERC et Christian MAROY, ainsi que de Vincent DUPRIEZ.
21 A savoir, la traduction des savoirs constitués en savoirs à enseigner. La transposition didac-
tique est un concept travaillé par Yves CHEVALLARD et repris par de nombreux auteurs
dont Michel DEVELAY.
22 Nous renvoyons ici aux travaux du groupe Escol et notamment de Bernard CHARLOT, Eli-
sabeth BAUTHIER ou encore Francoise HATCHUEL sur les rapports au savoir. Sur cette
notion encore et ce qu’elle peut impliquer comme points d’attention pour l’enseignant, voir
l’étude CGé 2018 coordonnée par Benoit ROOSENS Rapports au savoir, sens de l’activité et
malentendus sociocognitifs. Disponible en ligne : http://www.changement-egalite.be/spip.
php?article4029.

22
le tri sélectif, par exemple) que cognitive (comprendre le fonctionnement de
la langue et comprendre nos modes de production et de consommation, par
exemple). Le savoir à programmer ne devrait pas être la bonne réponse à ap-
porter aux examens. Un autre renversement de perspective se situe ici : com-
ment prescrire un curriculum qui favorise une pensée autonome et la compré-
hension critique du monde plutôt qu’une normalisation, que la transmission
(d’ailleurs de moins en moins efficace) de la pensée dominante. Ceci justifie
encore qu’on ne reparte pas de ce qui existe actuellement et qu’on s’autorise à
repenser l’essentiel avec cette perspective de citoyenneté intelligente et réel-
lement critique23 .

Et en Finlande ?
De ces inquiétudes liées au contexte de production des référentiels chez nous
et aux limites inhérentes à ce cadre, nous en avons tiré le besoin de comprendre
comment les Finlandais s’y étaient pris pour concevoir les leurs. Voyons donc
ce qu’un pays comme la Finlande a placé dans son propre tronc commun et
par quels procédés, pour en tirer des enseignements concernant le nôtre en
devenir. Pour instruire la réflexion, nous avons profité d’une des rares traduc-
tions des référentiels en français réalisée par l’équipe du lycée public fran-
co-finlandais d’Helsinki24 . Leur travail intègre la dernière « mise à jour » des
plans d’enseignement de 2016.
Le tronc commun s’étend en Finlande sur neuf années et se présente aux
élèves ayant généralement entre 7 et 16 ans. La majorité des cours qu’il pro-
pose sont imposés à tous les élèves dès leur première année, des options étant
introduites durant les deux dernières années du cursus. L’enseignement obli-
gatoire en Finlande se déroule pour l’essentiel durant les matinées (norma-
lement jusque 13h, et plus rarement jusque 14 ou 15h). Les après-midis étant
libres et consacrés de fait pour une majorité des élèves à des activités plus ou
moins gratuites organisées en partie à/par l’école. On trouvera dans le tronc
commun des matières familières comme les mathématiques, les langues ou
encore le sport. Des disciplines intégrées apparaissent aussi dans le cours «
découverte du monde » qui recouvre la biologie, la géographie, la physique ou
la chimie et s’étend de la classe 1 jusqu’à la classe 6. Une matière qui s’étoffe
au milieu de la formation par les cours de sciences sociales et d’histoire. Les
cours de langues et littérature concernent la langue maternelle de l’élève (le
finnois) – pratiquée dès la classe 1 - , le suédois et l’anglais – pratiquées plus
tard respectivement autour de la classe 6 et 4. La formation obligatoire com-
porte également les cours de musique, de travaux manuels et d’arts plastiques,
ainsi que des cours d’éthique, de religion ou de religions spécifiques telles que
l’Islam, la religion luthérienne, catholique, orthodoxe, etc.

Cette seule énumération indique déjà deux choses utiles pour


nous :

23 Tout ce qui précède est extrait d’une « note d’analyse sur les référentiels en cours de pro-
duction » rédigée essentiellement par Jacques CORNET, président de CGé.
24 Leur site web : http://hrsk.fi/fr/classes-1-a-9/enseignement/plan-denseignement/

23
en Finlande, le tronc commun est polytechnique et cette polytechnie ne se
résume visiblement pas à l’utilisation dans les cours « généraux » des nou-
velles technologies (tablettes, ordinateurs, tableaux blancs interactifs...). Il
y a objectivement des cours de musique, d’arts et de travaux manuels dont
nous verrons durant notre séjour qu’ils prennent la forme par exemple d’ate-
liers de cuisine, menuiserie ou encore de couture.
L’éducation religieuse/éthique ainsi que l’apprentissage de la langue mater-
nelle nous permettent entre autres de mieux comprendre pourquoi on parle
de l’enseignement finlandais comme d’un modèle d’intégration individua-
lisée. Il ne s’agit pas de « réduire l’autre au même » mais de soutenir autant
l’entrée de l’élève dans la culture finlandaise que dans celle portée ou valori-
sée par sa famille.

Quand on entre progressivement dans le contenu des ma-


tières, ce qui frappe alors ce sont les objectifs.
Ceux-ci renvoient les profs à l’exigence d’enraciner leur enseignement dans
le monde vécu. Nous parlons de monde vécu parce que ce qui apparait en
premier lieu dans l’ensemble des référentiels, c’est la volonté de situer les sa-
voirs scolaires dans l’expérience quotidienne et vivante du monde et des re-
cherches le concernant. Ainsi, le cours de langue maternelle va consacrer une
part notable aux contextes culturels d’interaction, ou aux pratiques théâtrales,
là où l’enseignement des math aura pour but premier de montrer aux élèves
son « utilité dans la vie et plus généralement dans la société », par exemple
en s’articulant au cours de musique ou de découverte du monde. A titre illus-
tratif encore, ce cours de découverte du monde n’est pas la simple somme de
savoirs disciplinaires liés à la biologie, à la physique, etc. ; ce qu’il propose c’est
un enseignement qui repose explicitement sur la logique du développement
durable, sur le respect de la nature et le droit à une vie décente conforme aux
droits de l’homme.
De la même manière, le destinataire des référentiels finlandais n’est pas consi-
déré comme une entité désincarnée – « l’élève sera capable de... » - mais appa-
rait comme un être humain complexe. C’est bête à dire, mais c’est pourtant ce
qui fait cruellement défaut aux référentiels en cours de production chez nous.
Les savoirs, savoir-faire, compétences y surgissent en surplomb et semblent
quelque part déconnectés de leur destinataire. Si l’enseignant est bien un mé-
diateur, il importe aussi de penser cette médiation à travers les référentiels.
En Finlande, le « qui » de l’éducation est pris au sérieux, autant d’ailleurs dans
sa complexité de sujet que dans son développement physio-psychologique.
Pêle-mêle : « l’apprentissage des arts plastiques contribue à donner aux élèves
la sensation que leurs idées, leurs mémoires, leurs impressions et leurs rêves
sont importants » ; « l’élève se considère responsable de son travail » ; ce cours
vise à « apprendre à prendre soin de soi et les compétences utiles au quoti-
dien »; « l’enseignement des travaux manuels permet aux élèves de devenir
des citoyens conscients, actifs, compétents et entreprenants qui ont un certain
sens éthique, qui s’apprécient, qui savent s’exprimer par le biais des œuvres
artisanales et qui ont la volonté de préserver et de développer la culture ar-
tisanale »... On pourrait continuer longtemps et voir plus en détail comment

24
chaque enseignement décline cette considération. Tous invitent explicite-
ment à appréhender les élèves dans leur complexité, en prenant en compte
leur désir, leurs émotions, leur faculté d’imagination, leur regard, leur capaci-
té de concentration (terme omniprésent des référentiels), leur capacité à vivre
ensemble, la responsabilité de leurs sentiments, celle de leurs propos... Les en-
jeux socioaffectifs de la vie de la classe ne sont pas simplement traités lorsque
des accidents adviennent ou qu’il y a des débordements, ils ne relèvent pas
seulement du « comment » laissé à l’intelligence des réseaux ou à la liberté des
enseignants, ils sont aussi l’objet d’un travail réaliste autour des référentiels.
Produire des référentiels c’est faire plus qu’énoncer une liste de courses ; c’est
aussi penser le menu de la semaine, la façon minimale de cuisiner les ingré-
dients commandés, les goûts et l’éveil au gout de ses hôtes.
Dans le travail fait autour des référentiels, on identifie chaque fois la marge
de progression dans le temps, au fil des classes, et on distingue des étapes
– ce qui est plus manifeste encore dans les cours qui ont un caractère dit cu-
mulatif (math). Chaque cours appelle à des démarches de contacts sensoriels,
d’expérimentation ou production ; puis à celles qui engagent les facultés de
représentation, d’analyse, de documentation, de recherche ; et enfin à celles
qui demandent de mettre en mots, d’apprécier, de s’autoévaluer et d’évaluer
les autres. Cette dernière facette de la formation scolaire est fortement mise
en avant : il faut apprendre à commenter le travail des autres et son propre tra-
vail, développer une intelligence relationnelle et se rendre responsable de ses
sentiments et paroles, c’est l’objet d’apprentissages explicites.
L’enseignement a en outre un caractère structurellement interdisciplinaire.
Ce n’est pas qu’une affaire de volonté individuelle. L’interdisciplinarité est
chevillée au corps des référentiels. Elle tient aux objectifs généraux fixés par
un cours comme découverte du monde, à titre d’exemple. Elle tient également
à la déclinaison d’objectifs spécifiques dans une classe 1, notamment : ensei-
gner la recherche statistique en utilisant la nature de proximité ou la météo ;
apprendre à compter jusqu’à « 100 » par le biais d’œuvres d’art, de collections
d’objets, de chants, de mouvements que l’on fait... Elle se retrouve dans les
usages possibles de productions réalisées : « les articles fabriqués aux cours
des travaux manuels peuvent être utilisés lors des spectacles et des exposi-
tions organisés en coopération avec d’autres élèves ». Au lycée franco-finlan-
dais, on entre d’abord dans la lecture du finnois, plus facile à lire à voix haute,
et c’est seulement quand on en a une maitrise suffisante qu’on entre alors dans
la lecture du français. Plusieurs modules interdisciplinaires à caractère op-
tionnel sont aussi intégrés au tronc commun.
Si les enseignants bénéficient d’une grande liberté pédagogique en Finlande,
il n’empêche que les plans d’enseignement énoncent tout de même, plus ou
moins explicitement, une série de postures générales souhaitées.
Il faut prendre en compte le désir de l’élève, ses aptitudes et besoins.
L’enseignement des maths « doit être motivant, insuffler à l’élève une attitude
positive et une bonne image de lui-même en tant qu’apprenant ». En langue
maternelle, « on guide les élèves à trouver et à sélectionner, parmi les textes
très variés, ceux qui les intéressent et qui sont adaptés à leurs capacités et
leurs méthodes de lecture ». En travaux manuels, 1e année : il faut « encou-

25
rager l’élève à s’intéresser aux travaux manuels et à en s’inspirer, stimuler sa
curiosité ».
Il faut diversifier les approches. C’est une exigence omniprésente. Elle
porte sur le fait de valoriser des méthodes de travail variées mais aussi des «
contextes d’interaction » différents pour qu’ils soutiennent les apprentissages
de chacun. Il s’agit de mettre à disposition des élèves « différents moyens pour
démontrer leurs progrès ».
Il faut dans une même perspective pratiquer la différenciation en classe. C’est
plus qu’une invitation, c’est au fondement des référentiels – inscrits dans leur
découpage autour des temps d’ « orientation, personnalisation des études et
de soutien », à côté de ceux qui concernent les objectifs et évaluations. Ce qui
est remarquable ici c’est le souci constant d’accompagner les élèves ayant le
plus de difficultés tout en se focalisant sur ce que peuvent apprendre les élèves
plus avancés. Dans les cours de langue, à titre illustratif, le professeur identi-
fie « de manière précoce les difficultés éventuelles (...) donne des exemples
concernant la lecture et la compréhension à utiliser les outils médiatiques de
manière variée et sans risque », et en même temps « les élèves, dont les compé-
tences langagières sont plus avancées, sont amenés à découvrir des exercices,
du matériel et des textes plus difficiles ». En math, le prof fera un bilan des
connaissances des élèves en début d’année tout en relevant les différences de
niveau entre élèves. Les élèves seront « soutenus pour combler des lacunes,
compléter des insuffisances et apprendre de nouveaux contenus », pendant
que ceux qui sont plus avancés approfondissent leur compréhension des
contenus ou en font des applications plus complexes. Sur les évaluations, le
prof doit être soutenant et mettre l’accent sur les commentaires positifs, aussi
bien pendant le processus qu’à la fin de celui-ci. En vue de l’approche de l’éva-
luation finale, au terme du tronc commun, il doit informer les élèves sur leurs
performances et les conseiller pour l’orientation de leur travail. Si, en dernière
année, il estime qu’il y a risque de redoublement, il pourra d’ailleurs envisager
« de le faire passer dans un système d’études individualisées ».

En s’attardant à ce sujet sur l’évaluation finale certificative


du tronc commun, notons qu’en Finlande celle-ci est :
• Réalisable au cours des classes 7, 8 ou 9 du tronc commun. Ce qui dit
quelque chose de la souplesse de l’accompagnement et de la liberté lais-
sée aux enseignants quant au choix des moments qu’ils estiment oppor-
tuns pour apprécier les acquis des élèves.
• Non standardisée, élaborée par les enseignants, mais l’Éducation na-
tionale définit des critères standardisés pour la note et les principes à
appliquer pour évaluer.
• Chiffrée sur 10 pour la majorité des cours (certains cours facultatifs de
moins de 2h/semaine pouvant se limiter à une appréciation orale). La
note finale ne repose pas directement sur la moyenne des notes obte-
nues durant l’année, elle repose sur le niveau de l’élève « tel qu’il appa-
rait alors et par rapport aux objectifs du programme concerné et aux cri-
tères d’évaluation finale ». Les critères définissent le niveau requis pour

26
avoir 8/10, mais 5/10 suffit pour passer dans le secondaire supérieur, et
des notes faibles peuvent être compensées par des notes plus fortes.
• Soumise à certaines attentions. Le diplôme associé n’indique pas par
exemple le choix de cours (non)-confessionnels mais mentionne « Re-
ligion/éthique » sans plus de précision sur l’alternative choisie ou sur le
nombre d’heures pris.
Voici pour les traits les plus saillants du tronc commun fin-
landais. Qu’est-ce que nous pouvons en retirer en conclusion
pour penser le nôtre en devenir ?
1. Qu’il faut faire attention aux destinataires des référentiels : profs comme
élèves. Constituer des référentiels ce n’est pas seulement lister entre ex-
perts disciplinaires les incontournables de sa branche respective. C’est
aussi placer ces incontournables dans le cadre d’une relation pédagogique,
en se demandant plus finement à qui on les adresse (« l’élève » ?), à quel
moment (entre 3 et 15 ans) et ce qu’on attend de chacun. Cette dimension
relationnelle fait encore trop souvent défaut aux productions des groupes
de travail autour des référentiels. C’est dommageable pour un tronc com-
mun qui entend en plus brasser large – polytechnique...
2. Que les savoirs scolaires doivent autant que possible être reconnectés aux
modes de production des savoirs scientifiques dont ils émanent. La Fin-
lande valorise sans doute davantage que nous la posture de praticien-cher-
cheur dans les cours du tronc commun. Ils rapprochent les savoirs sco-
laires de ce qu’ils ont de production vivante, fruit de recherches, plutôt que
d’en faire des idées momifiées ou des bricolages pour faire « comme si ».
Cette attention épistémologique transparait entre autres dans les reprises
réflexives qui sont faites au sein des référentiels. Il est malheureux chez
nous de voir certains groupes de travail en sciences humaines ne pas en-
core inviter suffisamment à une réflexion sur le statut des concepts qu’ils
utilisent, et aborder par exemple l’économie à l’aune du seul point de vue
du consommateur responsable, ou de voir le groupe de travail sur la forma-
tion manuelle mettre autant le curseur sur des enjeux pré-occupationnels
et pas assez sur les activités manuelles qu’il désigne.
3. Il faut également être attentif au caractère réaliste de nos attentes. On
peut admirer la cohérence et l’équilibre des référentiels finlandais. Leur
force est aussi de formuler des demandes adaptées à ce que la grille ho-
raire autorise et permet. Ce souci pour les limites de ce qui est possible
se retrouve dans les textes. Dans les référentiels du cours de travaux ma-
nuels, par exemple, il est fait mention que l’apprentissage fonctionnel dans
ces travaux n’est pas possible « s’il n’y a pas assez de temps, d’espace et
d’orientation ». Ce « réalisme » contraste avec certaines productions chez
nous et notamment celles du groupe de travail des référentiels du cours
de philosophie et citoyenneté, très ambitieuses ce qui est bien, mais trop
ambitieuses pour ce que des créneaux d’une fois 50 minutes par semaine
autorisent25 .

25 On peut évidemment imaginer de répartir plusieurs heures sur une même semaine, mais
dans les faits, cela exige un sérieux effort de négociation qui aboutit rarement à un change-

27
4. L’interdisciplinarité est une revendication forte du Pacte dans le cadre du
déploiement du tronc commun. Elle est demandée aux acteurs des GT ré-
férentiels. Les productions actuelles des GT nous laissent pourtant per-
plexes sur cette dimension. Les rubriques « interdisciplinarité » sont en-
core trop souvent vides, comme si la priorité était d’abord de déplier et
faire passer en force des contenus disciplinaires. L’interdisciplinarité reste
dans ce modèle la cerise sur le gâteau, une option pédagogique intéres-
sante pour qui aura assez de temps comme GT, puis comme enseignant,
à lui consacrer. Le chemin auquel nous invite la Finlande est plutôt celui
d’identifier des concepts intégrateurs comme le développement durable
(découverte du monde) et de se rassembler entre acteurs disciplinaires
pour voir comment on peut y contribuer. De même, l’horaire fixe en Fin-
lande aussi bien pour les élèves que pour les enseignants des temps pour
travailler des modules interdisciplinaires. Est-ce le cas chez nous ?
5. Chez nous, la question pédagogique est extérieure au travail des GT réfé-
rentiels. Leur travail porte sur le « quoi » pas sur le « comment ». La seule
audace du Pacte à ce sujet est de revendiquer un dispositif - le dispositif
Remédiation, Consolidation, Dépassement – indiquant que la différencia-
tion doit désormais se faire au sein de la classe pour soutenir en particulier
les élèves en difficultés, tout en ne permettant pas aux élèves sans difficul-
tés de s’ennuyer. Comment ce dispositif se traduit concrètement dans la
formulation des référentiels ? Contrairement à la Finlande, la différencia-
tion reste impensée dans leur cadre. L’avis n°3 opérationnalise le dispositif
RCD (aujourd’hui nommé Accompagnement Personnalisé - AP) à travers
un travail sur la grille horaire, des moyens accrus (notamment en vue de
réduire la taille des classes) ainsi qu’un soutien aux enseignants dans le
contexte de la formation en cours de carrière26 . Pourquoi ne pas s’inspi-
rer ici du modèle finlandais et faciliter ce travail d’AP à travers la mise en
forme des référentiels du tronc commun ?
6. Sans porter atteinte à la liberté pédagogique et empiéter systématique-
ment sur le « comment », nos référentiels ne peuvent-ils pas exprimer plus
largement certains points d’attention généraux comme c’est le cas en Fin-
lande ? Nos référentiels rappellent bien en préalable les quatre missions du
décret de 1997, dont l’importance de soutenir la confiance en soi des élèves
ou de les préparer à être des citoyens responsables et actifs. Ces missions
d’ensemble pourraient se décliner en missions plus spécifiques articulées
aux temps d’évaluation, d’accompagnement, d’orientation et de soutien
aux élèves, etc. Les Finlandais assument de dire comme on l’a vu que la
forme des évaluations - même au terme du tronc commun ! - est laissée au
libre choix des enseignants, ce qui ne les empêche pas d’inciter à ce que ces
évaluations soient toujours formatives et encourageantes pour les élèves.
Il en va de même pour les cours de langue : sans lister des œuvres à ex-
ploiter ou des méthodes à adopter, les plans d’enseignement disent à leur
égard qu’il faut cependant « prendre soin de respecter le principe de parité
ment de la grille horaire.
26 Pacte pour un enseignement d’excellence : Avis numéro 3 du groupe central, 7 mars 2017.
[En ligne] http://www.pactedexcellence.be/wp-content/uploads/2017/05/PACTE-Avis3_
versionfinale.pdf, p. 4-5.

28
entre les élèves et le principe d’égalité des sexes ». Il y a bien quelque chose
d’une posture enseignante qui se dégage des référentiels et est moins une
entrave pour nous qu’un guide à la liberté pédagogique. Chez nous, le ren-
voi radical du « comment » aux réseaux est tel qu’on se retrouve avec des
listes longues et souvent désincarnés de savoirs et compétences, dont il
ne faudra pas s’étonner qu’elles effrayent ou énervent potentiellement les
enseignants - et compliquent donc leur appropriation.
7. En termes d’évaluation finale et certificative, la Finlande comme la Suède,
d’ailleurs, a fait le choix d’un modèle interne non standardisé. Une bonne
idée à importer en FWB ? Nous pensons que ce type d’évaluation est in-
téressant dans un système éducatif où l’offre est relativement bonne et
homogène, et où la concurrence entre établissements est restreinte. En
Suède, nous avons vu que la compétition entre écoles libres et écoles mu-
nicipales s’accentuait et ce faisant, que l’évaluation certificative au terme
du tronc commun devenait littéralement le lieu d’abus visant à donner une
réputation positive (et donc lucrative !) à son établissement. Faute d’im-
plémenter chez nous un tronc commun dans un contexte comme celui de
la Finlande, ce genre de stratégie insidieux défavorable aux apprentissages
des élèves observé en Suède risque d’apparaitre aussi chez nous. Nous en
tirons comme enseignement qu’il est préférable, pour une fois, de ne pas
suivre l’exemple finlandais et d’externaliser l’évaluation finale du tronc
commun.

Zone d’implémentation et ordre


d’implémentation
Nous voudrions revenir ici sur des éléments d’informations glanés en Finlande
qui ont trait plus largement à l’échelle d’implémentation du tronc commun et
à l’ordre d’implémentation des mesures préalables au démarrage de celui-ci.
Quand, dans les années 70, les Finlandais installent leur tronc commun, ils dé-
marrent par la Laponie comme zone pilote où tester le dispositif et l’évaluer à
chaque phase, pour pouvoir l’ajuster si nécessaire. Ils l’étendront ensuite par
vagues successives jusqu’à couvrir tout le pays. En FWB, le phasage porte sur
les années d’implémentation mais pas sur les zones et nos interlocuteurs fin-
landais nous trouvent bien téméraires de démarrer en même temps sur tout le
territoire, dans toutes les écoles…
Pourquoi ne pas envisager un phasage similaire au déploiement des plans de
pilotage ? A savoir, un développement sur trois ans impliquant année après
année différentes vagues d’écoles. Comme le souligne Dominique LAFON-
TAINE, c’est une dynamique semblable qui a été insufflée en son temps par
la COPI pour la mise en place du CEB et du CE1D et qui a fait le succès de
l’opération, en termes d’implémentation. Les écoles laissées libres de s’ins-
crire dans les phases pilotes ont été bien plus nombreuses qu’espéré par le
service du pilotage.
Quant à l’ordre d’implémentation des mesures, la Suède comme la Finlande
sont unanimes : c’est l’augmentation de la qualité de la formation initiale et
continuée de leurs enseignants qui a été l’élément décisif dans l’amélioration

29
significative de leur système scolaire. La réforme de la formation des ensei-
gnants a précédé de plusieurs années la mise en place du tronc commun. Pour
amener un changement d’ampleur comme l’intégration du tronc commun, il
fallait que le corps enseignant soit à même d’y participer, et donc qu’il se sente
suffisamment outillé. Or, quand l’implémentation du tronc commun va dé-
marrer en FWB, la réforme de la formation initiale n’aura pas encore produit
ses premiers effets… Ne met-on pas ici la charrue avant les bœufs ? Qu’est-ce
qui justifie cet empressement ?
Il nous semble que les réponses esquissées tournent autour des échéances po-
litiques. Et si c’est le cas, alors nous redisons combien les échéances politiques
législatives sont incompatibles avec tout changement ambitieux d’un système
scolaire : la constance du politique autour du projet devant être assurée pour
au moins trois législatures, sous peine d’avorter ou de ne produire aucun effet
palpable, à l’instar des grandes réformes antérieures en FWB.

30
4. Travailler (avec) l’espace
Et si tout n’était pas dans le dispositif... N’avons-nous pas misé davantage sur
les postures, cadrages, supports, activités et buts de production, au détriment
d’une intelligence des espaces ? Être plus « matérialiste », une qualité péda-
gogique ? Un impensé du Pacte ? Un préalable à toute réforme en profondeur
de notre système scolaire ? C’est la conviction un brin provocatrice qu’on tire
notamment de nos visites dans les pays nordiques. Déplions-la en repartant de
ce qu’on a cru y percevoir.

Si on fait retour sur Stureby (Suède) et Kirkkojärvi (Finlande), on est d’abord


frappé par l’architecture générale de ces deux écoles. Elles sont littéralement
ouvertes sur leur environnement, sans grillages et « miradors ». Elles com-
portent peu d’étages, ce qui veut notamment dire que ses membres n’ont pas
besoin de grimper huit volées d’escaliers pour passer d’une classe à l’autre.

31
Quand on entre dans l’école de Kirkkojärvi, on constate que la taille des lieux
est fonction de l’âge des élèves (espaces plus petits et intimes pour la section
primaire) et il en va de même pour la couleur des murs qui indique le che-
min selon son année d’étude. On remarque aussi la présence de banquettes
circulaires utilisées pour retirer ses chaussures – les élèves et enseignants s’y
déplacent en chaussettes ou en baskets légères. Ce rite de passage institution-
nalisé fait écho aux nombreux autres lieux de transition et décompression que
l’on découvre à Stureby comme à Kirkkojärvi.

Dans ces dernières, les intérieurs sont soignés, composés de bois chauds, pri-
vilégiant un éclairage tamisé fait d’une multitude de petites lumières en lieu et
place des éternels néons.

Si le caractère polytechnique du tronc commun n’est pas une découverte pour


nous, on est frappé malgré tout par la qualité formidable des infrastructures

32
et par la structuration chaque fois distincte et pensée des locaux de couture,
cuisine, musique, menuiserie... Il ne s’agit pas de « jouer à être » ou de « faire
comme si »... On ne fait pas de « bricolage » ici et si l’aspect théorique est pré-
sent, il ne prend jamais le pas au point d’étouffer la pratique et le plaisir pris
à pratiquer. Dans l’atelier de menuiserie, des enfants d’une dizaine d’années
utilisent à titre d’exemple des scies circulaires sur table. L’agencement des
tables d’élèves, l’accès ouvert à la réserve de bois aussi bien qu’aux armoires à
outils disent la part d’expérimentation et d’autonomie laissée à chacun. Notre
informatrice, Claude ANTILLA, nous racontera que sa maison de campagne
est remplie de mobiliers faits par ses enfants.

De manière plus générale, les salles de classe sont vitrées, voire carrément ou-
vertes. Les espaces qui les entourent ne sont pas des simples couloirs-dépôts
(vestiaire, casiers...), ce sont des halls autour desquels les classes s’organisent
; c’est une extension réfléchie du travail scolaire pour l’affichage des produc-
tions, les travaux individuels et en sous-groupes, les temps de la différencia-
tion, les moments d’accueil « pour se défouler » en début de journée, etc.
Il en va de même pour les enseignants. Locaux pour s’isoler, locaux pour tra-
vailler à plusieurs, pour rencontrer les élèves, salles communes... chaque es-
pace répond à une fonction possible du métier qui fait d’ailleurs écho à ce
qu’exprime leur horaire alternant temps de présentiel, de concertation, de
travail interdisciplinaire, etc. On pourrait allonger la liste des observations,
mentionner la variété des assises pour les élèves (poufs, chaises hautes, fau-
teuils...), la propreté incroyable des toilettes communes (profs/élèves) et uni-
sexes...
Qu’est-ce que le soin apporté aux lieux change ? Ok c’est assez beau et bien
pensé, d’accord et après ? Notre point n’est pas de dire un peu platement que
vivre dans du beau fait du bien ou que chaque enseignant devrait pratiquer
le feng shui. Sentez-vous libre d’arrondir les angles si c’est votre truc. On veut
plutôt dire qu’il y a plus à penser dans l’architecture scolaire et dans l’amé-
nagement des espaces construits que ce qu’on y met habituellement. On veut
dire qu’à côté des points d’attention aujourd’hui familiers que sont la sécurité,

33
l’écologie et l’accessibilité (école inclusive), la question des espaces importe
aussi et avant tout parce qu’elle façonne la conscience professionnelle des en-
seignants comme elle façonne les rapports au savoir des élèves et le sens qu’ils
confèrent aux activités scolaires. L’espace lui-même a donc une dimension pé-
dagogique. Il dit par exemple l’attention portée à nos besoins, le respect dû à
notre intimité, la part d’autonomie qui nous est conférée, ce qui est possible
pour nous, ce qui sera valorisé ou méprisé....

Aussi, pourquoi les volées d’escaliers et l’agencement des couloirs importent-ils


? Peut-être parce que des volées nombreuses et couloirs étroits compliquent

34
par exemple les déplacements, favorisent les tensions27 , forcent souvent le
besoin d’assurer la mise au pas et la mise en rangée des élèves. Pensons dans
un même registre à l’aménagement des cantines en grandes tablées rectangu-
laires qui forcent chacun à élever la voix. L’école de Kirkkojärvi réussit quant
à elle le pari d’accueillir un nombre important d’élèves en garantissant une
circulation suffisamment organique, par des accès multiples et déplacements
de proximité, afin que chacun puisse se mouvoir librement et facilement. De
même sa cantine dispose de tablées moyennes et petites tables circulaires, et
ses services s’organisent en alternance, de sorte que tous les élèves ne mangent
pas au même moment.
De même, pourquoi mettre tant d’importance dans la création de lieux hors
classes prévus pour l’accueil socio-affectif des élèves ? Évidemment, c’est avant
tout une affaire de choix pédagogique. Le retrait des chaussures comme la «
causette » en début de journée disent la volonté d’assurer en douceur la tran-
sition du milieu familial au milieu scolaire : ce sont autant de sas qui facilitent
l’entrée dans les métiers d’élève et même d’enseignant. Ces choix renvoient en
amont à un imaginaire social propre : imaginaire marqué entre autres par une
visée de bien-être plus prégnante que chez nous, par des orientations pédago-
giques fortes explicitement inspirées de John DEWEY, mais aussi par un cli-
mat plus rigoureux que le nôtre (ce qui explique sans doute pour partie l’utilité
de se déchausser). Soit, mais il n’y aurait pas lieu d’en parler ici si c’était seu-
lement une question de choix. Tout enseignant peut mobiliser des dispositifs
d’intégration socio-affective des élèves et notamment, ceux qui proviennent
de la pédagogie institutionnelle. Le mérite des écoles visitées par notre groupe
est pourtant de ne pas avoir fait dépendre ces choix des seules vertus des en-
seignants, de leur sensibilité ou formation. C’est une chose de faire exister un
cadre pédagogique par militantisme et souvent par résistance au milieu, c’en
est une autre de pouvoir compter sur les possibles que fait exister son espace
de travail. Ce dernier n’est pas une matière inerte que vous modelez à votre
gré, il est toujours déjà informé pour partie, coloré éthiquement, et guide au-
tant vos pas qu’il peut les entraver. Quoi que vous puissiez initialement penser,
l’aménagement des lieux à l’école de Kirkkojärvi vous suggère qu’il y a un tra-
vail pédagogique à faire qui ne se limite pas à la salle de classe – il vous met sur
la piste. D’aucuns s’interrogent actuellement sur les conditions de transforma-
tion de l’identité professionnelle des enseignants. L’aménagement réfléchi de
l’espace nous semble représenter un levier d’action puissant, dans la mesure
où, comme le dit l’architecte Claude NICOLAS LEDOUX, « la qualité du cadre
de vie conditionne la pensée et le comportement ».
On en dirait de même de l’organisation des espaces de travail, au sein et en
dehors de la classe. Comparez l’agencement classique d’une classe à celui des-
siné ci-contre28 . Ni estrade de maitre ici, ou rangées d’élèves deux par deux
opposées à lui. La classe est ouverte et privilégie la multiplication de disposi-
tifs de travail variés à celle qui dualise la relation maitre/élèves. Sans parler
des possibilités offertes par les couloirs, halls et locaux adjacents. Le cours
27 Maurice MAZALTO, « Lieux de réussite », Cahiers pédagogiques, hors-série n°48, janvier
2018, p. 23.
28 Dessin issu de l’article d’Arnaud MILLET, « Au-delà des normes », Cahiers pédagogiques,
hors-série n°48, janvier 2018, p.45-46.

35
purement magistral garde-t-il du sens dans ce cadre ? N’est-on pas spontané-
ment incité à autre chose et même à d’autres choses ? Sans parler du temps
gagné à ne pas devoir déplacer les chaises en début de cours et à ne pas devoir
les remettre dans leur position initiale quand il se termine. L’espace permet a
priori également aux élèves d’expérimenter d’autres rapports à l’autorité, au
travail et à l’apprentissage scolaires, en bousculant certaines de leurs straté-
gies. Peut-on encore considérer le maitre comme dépositaire absolu du savoir,
croire qu’on lui doit une obéissance aveugle (parfois renforcée par le discours
familial), et agir comme si notre rôle d’élève se résumait à mémoriser et resti-
tuer « la bonne » réponse, dans un contexte où l’enseignant ne peut plus être le
centre spatial de l’attention et où notre travail délocalisé nous contraint parmi
d’autres choses à nous mettre d’accord sur nos règles de fonctionnement et
notre objet de travail ? Le cadre bien sûr ne fait pas tout, loin de là.

Gare aux malentendus29 à ce titre, c’est-à-dire aux contradictions entre le sens


que l’enseignant donne aux activités et le sens dont le cadre est porteur. Je
peux bien entendre comme enseignant l’importance de l’interdisciplinarité,
de l’engagement, de la bienveillance ou de la disponibilité vis-à-vis des élèves,
est-ce ce à quoi m’invitent spontanément le cadre horaire, les outils et les lo-
caux à ma disposition ? Je peux bien avoir à cœur de prendre les élèves au
sérieux, d’encourager leur autonomie et leur mise en recherche à travers des
projets ambitieux. Le cadre n’encourage-t-il pas plutôt fréquemment un rap-
port de soumission à la connaissance ou de conformisme à la règle ? Le cadre
a toujours une coloration éthique, il révèle un sens dont les élèves sont d’ail-
leurs éminemment conscients30 . Du reste, les malentendus n’engagent pas
seulement les relations enseignants/élèves. Pensons à la commande passée
chez nous aux enseignants de pratiquer le travail collaboratif ou d’envisager
une forme de mentorat entre profs expérimentés et profs débutants. Est-ce un
possible concret, autrement dit une commande qui s’inscrit dans le champ de
ce que le cadre de travail permet et facilite – par exemple par des temps pré-
29 Voir à nouveau l’étude CGé 2018 de Benoit ROOSENS sur les malentendus sociocognitifs.
30 Voir Nadine COUSSY-CLAVAUD et Cathy MARRET, « À la conquête de l’espace ! », Cahiers
pédagogiques, hors-série n° 48, janvier 2018, p. 4.

36
vus dans l’horaire hors présentiel, ou par des locaux qui s’y prêtent volontiers
plutôt que le café du coin ?
Si l’école de Kirkkojärvi suscite autant notre admiration, c’est qu’elle est le
fruit d’une réflexion consciente menée de bout en bout sur la manière de
contribuer au bien-être de ses membres, de faciliter les apprentissages. La
reconnaissance des besoins, de l’autonomie et du travail de chacun y est ef-
fective, non seulement parce qu’elle est explicitement défendue par ses re-
présentants mais aussi parce qu’elle est rendue matériellement pensable et
réalisable. Retrouve-t-on un même souci de cohérence dans les écoles de la
Belgique francophone ?

On n’est pas en Finlande ici. Alors quoi ? On abat (presque) tout et on recons-
truit ? On engage des architectes finlandais ? On leur laisse le monopole du
bien-être ? Après tout « ce n’est pas un modèle importable » ... Sans être aussi

37
radicaux, on peut tout de même noter que des nouvelles écoles se construisent
régulièrement chez nous. Il n’est pas vain de se demander avec quelle intel-
ligence elles sont conçues et dans quelle mesure leurs structures servent les
apprentissages. C’est un premier levier et, pour avoir visité une école récente
comme La Sagesse à Forest, on peut croire que l’idéal finlandais n’est pas hors
de notre portée. Construite à partir d’anciens bâtiments reconvertis en classes
et de nouvelles annexes, l’école pose des choix architecturaux et organise ses
espaces de façon tout à fait réfléchie, autant par référence à la littérature scien-
tifique que par appropriation des pratiques scandinaves. Ainsi, les rampes
d’escalier dans les couloirs sont fonction de la taille des élèves, des toilettes
sont aménagés dans les classes pour inciter les élèves à être autonomes et à
s’y rendre s’ils en sentent le besoin, les assises des élèves sont variées (pouf,
chaises hautes...) et ils sont invités à choisir celles qui répondent le mieux à
leurs besoins, chaque classe présente différents sous-espaces pensés pour l’af-
fichage des productions, des moments de détente, des temps de lecture ou de
jeux individuels, etc. La force du cadre dans cette école est qu’il répond à la
fois à un impératif de bien-être et d’accueil respectueux des enfants, mais qu’il
vise aussi leur autonomie, en élargissant le plus possible le champ sur lequel
s’exerce leur puissance d’agir.
En marge des nouvelles écoles, l’enjeu du cadre engage en un deuxième sens
une politique des ressources, pour ne pas faire dépendre en particulier la ré-
duction des inégalités scolaires de la seule vertu des personnes. C’est là que le
Pacte peut intervenir. Le fait-il vraiment ? L’avis n°3 défend des infrastructures
suffisantes et de qualité pour tous les élèves (p. 292). Il articule cet objectif
à des mesures utiles comme la révision des rythmes scolaires, l’amélioration
des sanitaires ou l’augmentation des investissements visant à faire face à la
croissance démographique. Ce n’est pas rien mais ça reste limité en regard de
l’enjeu. Un espace suffisant et confortable c’est bien, un espace pédagogique
et cohérent c’est mieux. Dans l’optique d’instaurer un tronc commun allongé
de 3 à 15 ans et d’assurer une appropriation par tous les élèves des savoirs in-
contournables inscrits dans ce tronc, le Pacte souhaite notamment encourager
l’interdisciplinarité et voir pratiquer la différenciation en classe (dispositif Re-
médiation Consolidation Dépassement - AP). Qu’est ce qui est aménagé dans
cette perspective, que ce soit sur le plan des horaires ou des locaux ? Au-delà
d’une revalorisation de l’enseignement qualifiant, on peut également s’interro-
ger sur ce qui est matériellement prévu dans l’optique d’instaurer un véritable
tronc commun polytechnique chez nous. A moins de restreindre le champ de
cette polytechnie à l’usage des nouvelles technologies – ordinateurs, tableaux
blancs interactifs... -, comme le suggèrent implicitement les travaux actuels
des groupes focalisés sur les référentiels du tronc commun, il faudra consacrer
des moyens accrus pour éviter que ces cours prennent une forme essentielle-
ment magistrale, faute de mieux.
À côté de la construction d’écoles et des politiques éducatives, notre réflexion
sur le cadre concerne in fine la manière dont chacun peut agir à titre per-
sonnel ou en équipe, pour soigner les espaces et temps dont il dispose. Notre
puissance d’action individuelle est limitée mais elle n’est pas nulle. Elle engage
avant tout l’attention qu’on peut porter aux malentendus qui surgissent de
l’écart entre ce qu’on dit et ce que le cadre exprime. Évitons l’hypocrisie d’un

38
discours qui contredit le cadre et fait par exemple abusivement porter le poids
de l’effort ou de la faute sur les individus. Et puis, parce que la cohérence ne
fait pas tout et qu’on n’a pas nécessairement envie de satisfaire aux exigences
implicites d’un cadre merdique pour éviter les malentendus, nous pouvons
aussi en discuter entre nous, et agir à moindre frais pour changer l’espace.
Tant qu’il y aura en tout cas des écarts aussi flagrants sur le sujet chez nous, le
pédagogue devra toujours agir quelque part malgré ou contre l’école.

39
40
5. L’adhésion des enseignants au TC
Pas de réforme ambitieuse sans adhésion et participation active des ensei-
gnants ! On est loin du compte chez nous... Mais comment font les autres sys-
tèmes scolaires pour créer de l’adhésion et mettre les enseignants en condi-
tion de participer ?
Avec quoi partions-nous et revenons-nous sur cette question fondamentale
parce que pierre angulaire du changement ? Faire adhérer les enseignants aux
réformes éducatives, ça repose sur quoi ?
Sur un défi que les enseignants vivent comme possible à affronter ET comme
souhaitable…

Un défi possible
Mettre en œuvre un TC qui supprime le redoublement et fait apprendre à
tous dans des classes hétérogènes (en termes de niveau et en termes de pro-
venance sociale) nécessite d’être capable de gérer une classe hétérogène et de
différencier son enseignement. Cela renvoie-t-il à la qualité de la formation
initiale et continuée, au soutien qui est mis en place pour accompagner
et soutenir les changements de pratiques, ou encore au recrutement des
enseignants ?

a) Quelle qualité de la formation initiale et continuée, quel


soutien pour accompagner et soutenir les changements de
pratiques ?
Ici
Changer de posture et changer les pratiques pédagogiques : peut s’im-
plémenter sur le moyen terme via une réforme profonde de la formation ini-
tiale des enseignants mais ça ne peut se faire que si on a transformé d’abord
la pratique des formateurs d’enseignants. Or, ce champ-là dépend du Ministre
MARCOURT : qu’est-il prêt à mettre en place pour changer le regard et la
pratique des formateurs d’enseignants ? Nous avons fait notre part de bou-
lot en organisant les Rencontres Didactiques pour Faire École en janvier
201831 mais aucune suite ne se dessine et ça nous inquiète. Et si on ne veut
pas avoir à attendre la relève de la génération suivante d’enseignants, en es-
pérant qu’ils aient été formés autrement, il s’agit d’investir lourdement dans
la formation continuée des enseignants de l’enseignement obligatoire (et pré-
voir des plages de formation suffisamment longues, le temps actuel fragmenté
ne convient pas du tout) . L’accompagnement des acteurs du terrain dans les
écoles doit être une priorité absolue : par des personnes compétentes tant en
ce qui concerne le contenu qu’en ce qui concerne la dynamique du change-
ment émergeant. Nous en voulons comme preuve les expériences de terrain
de ceux qui ont vécu le capotage de réformes antérieures (réforme du quali-
fiant, réforme du 1er degré, enseignement rénové, etc…).

31 En savoir plus sur les RDFÉ : http://www.changement-egalite.be/spip.php?article3922

41
Changer/travailler sur les représentations, les préjugés des enseignants
et autres acteurs de l’école : si les enseignants ne croient pas, qu’à une série
de conditions qui DOIVENT être réunies (leur posture et leur pratique péda-
gogique fait partie de ces conditions), les enfants de milieux populaires sont
capables d’apprendre - pas tout à fait comme mais - autant que les autres, alors
rien ne se passera. Mais pour partager ce credo, il faut aussi expérimenter sur
le terrain que c’est pédagogiquement possible.
Concrètement, il s’agira en formation initiale et continuée des enseignants de
découvrir et travailler notamment les différents rapports au savoir32 des élèves
et en particulier ceux qui se retrouvent plus fréquemment chez les enfants de
milieux populaires. De construire et travailler les différentes pédagogies qui
correspondent mieux à ces rapports au savoir. De travailler les liens école-pa-
rents (en particulier, les parents d’enfants de familles populaires) pour que :
• Les apprentissages scolaires puissent être transférés (et donc avoir du
sens) par l’enfant dans son milieu de vie ;
• Les apprentissages scolaires puissent se construire sur base des savoirs
déjà acquis par les enfants dans le milieu familial (sans jugement) et sur
base d’une construction commune enseignants-parents, les deux parties
étant toutes les deux convaincues du fait que les enfants et leur famille
seront, tant individuellement que collectivement, bénéficiaires de ces
apprentissages.
Ok, notre formation initiale est défaillante, insuffisante et c’est bien pour ça
qu’elle est en passe d’être profondément réorganisée33 mais :
• Ce n’est pas gagné : les hautes écoles et les universités tirent la langue
pour organiser cette formation initiale en devant (idéalement) imbri-
quer - et pas juxtaposer - leurs interventions ; et il ne va pas suffire de
l’allonger pour être sûr qu’elle outille les futurs enseignants pour faire
apprendre tous les enfants au sein d’un même cursus, entre 3 et 15 ans ;
de plus, il va falloir un paquet d’années (au minimum 4) pour espérer
commencer à diplômer des enseignants mieux formés ;
• Grosse inquiétude également : En Finlande, les acteurs que nous avons
rencontrés nous ont expliqué qu’ils ont d’abord réformé la formation de
leurs enseignants, en veillant à les préparer au défi de la révolution du
TC qu’ils ont implanté ultérieurement. Ça parait logique mais ça veut
dire que ça postpose d’autant alors que certains trouvent déjà que le
Pacte avance trop lentement… Se hâter lentement, pour ne pas foirer une
grande réforme de plus ;

32 C’est-à-dire les manières pour chaque individu de se rapporter, d’entrer en relation de


manière vivante, avec des processus d’apprentissages et produits de savoir : par exemple
rapports à l’école, rapports aux figures de « maitre », rapports à l’écrit, etc. Depuis BOUR-
DIEU, des sociologues, psychologues, pédagogues ont travaillé les habitus et rapports à …
en considérant les liens des divers milieux avec l’école. Des études existent donc depuis
plus de 20 ans (Equipe Escol, dont Bernard CHARLOT) mais sont méconnues d’une majo-
rité d’enseignants et de formateurs de futurs enseignants.
33 Voir les grands points de la réforme votée et ce que CGé en pense sur http://www.change-
ment-egalite.be/spip.php?article4057

42
• Réforme de la formation initiale ou non, reste la nécessité de former aux
nouveaux enjeux les enseignants en place et, là aussi, le défi est impor-
tant et semble en tout cas sous-estimé en processus et volume de temps
prévu pour les enseignants. Ça grogne déjà par rapport aux plans de pi-
lotage et à raison : si on veut réellement que les enseignants participent
au diagnostic et à la construction de pistes d’action, il faut que ceux-ci
en aient le temps - temps qui semble surtout manquer en secondaire, où
la spécialisation des fonctions amène à un grand nombre d’intervenants
qui se croisent très peu. On ne peut imaginer plus mauvais cadre pour
implémenter plus de travail collaboratif…
Dans le futur tronc commun, que faire de cette tension entre nécessaire spé-
cialisation pour être compétent dans la matière enseignée, et tout aussi néces-
saire réduction de la multiplication des enseignants pour pouvoir entrer plus
aisément dans le travail collaboratif ?

Pour mémoire :
• En Suède, la formation continuée recouvre plusieurs séminaires par an,
une heure par semaine de conférence ainsi qu’un événement annuel im-
pliquant tous les enseignants autour de la présentation de projets péda-
gogiques réussis.
• En Suède toujours, la formation universitaire de base dure 4 ans et com-
porte de nombreux temps de stage, d’accompagnement et de tutorat. De-
puis 2010, elle a subi pas mal d’évolutions visant à renforcer entre autres
l’attention à la langue. Ce qui est encore insuffisant aux yeux de nos inter-
locuteurs. La sélection des professeurs y est exigeante. Si les directeurs
peuvent recruter eux-mêmes leur équipe, la sélection repose prioritaire-
ment, selon Martin WILDHOLM (directeur de l’école Stureby, rencon-
tré durant notre séjour), sur la compétence disciplinaire et la capacité
à ne pas faire son « truc dans son coin », mais à travailler au contraire
de manière collaborative. Une particularité du recrutement en Suède
comme en Finlande d’ailleurs est que les enseignants peuvent négocier
leur salaire et que les écarts de rémunération entre eux peuvent s’avé-
rer importants. Sur l’attractivité salariale, toujours, la ville de Stockholm
utilise depuis peu des incitants financiers (à hauteur de 500 euros de
plus/mois) pour encourager les enseignants à s’engager dans des écoles
défavorisées.
• Depuis les années 90’, les nombreuses réformes qui sont apparues et ont
contribué à libéraliser et marchandiser l’offre scolaire ont eu pour ef-
fet de faire émerger une plus grande concurrence entre établissements,
compliquant les partenariats, mais aussi d’épuiser les enseignants en
modifiant trop rapidement les conditions d’exercice de leur métier. La
profession devient aujourd’hui moins attractive et, la pénurie appro-
chant, les écoles sont contraintes de recruter du personnel n’ayant pas
de formation pédagogique ou didactique. (Tiens, tiens… ça ne vous rap-
pelle rien ?)
• En Finlande, Maria STENBACKA (directrice de l’école Kirkoojärvi) a in-
diqué combien la formation initiale et continuée des enseignants a joué

43
un rôle-clé dans la réussite du tronc commun, avec notamment l’atten-
tion portée aux différents rapports à l’apprentissage, l’approche péda-
gogique du TC étant très marquée par l’approche socio-constructiviste.
Elle a souligné aussi l’importance de la présence de manuels de cours de
très bonne qualité, standardisés avec compléments numériques.
• En Finlande toujours, les écoles qui rencontrent des difficultés parti-
culières sont invitées à les analyser et à y remédier par des actions qui
sont financées si nécessaire par l’État. On est loin de la logique de fi-
nancement automatique et égal pour toutes les écoles à indice socioé-
conomique bas qui leur permettait de faire ce qu’elles voulaient avec le
financement et qui n’est, à notre connaissance, pas toujours ciblé sur le
renfort pédagogique… Ne devrait-on pas cibler plus encore des mesures
en prise directe avec l’apprentissage et reconnaître par ailleurs des be-
soins d’amélioration d’infrastructure ?
• Et beaucoup plus près de chez nous, à Bruxelles, l’Enseignement fla-
mand a mis en place le Centre d’enseignement bruxellois (Onderwi-
jscentrum Brussel - OCB) qui apporte un soutien additionnel à l’en-
seignement néerlandophone, à Bruxelles, dans le cadre de la création
d’un environnement d’apprentissage efficace34 . C’est une équipe de pas
moins de 90 intervenants/enseignants qui sont à disposition des équipes
enseignantes des écoles pour les soutenir dans la durée, et de différentes
manières, pour relever le gant de la difficulté d’enseigner, vu la diversifi-
cation progressive du public.

b) Quant au recrutement des enseignants :


• La Finlande comme la Suède insistent sur la connexion étroite qui existe
entre la qualité de leur enseignement et la qualité de leurs enseignants
qui font dès lors l’objet d’une très forte sélection. Nous retenons aussi des
pays du grand nord que la sélection à l’entrée des études d’enseignant est
très forte car ils estiment que c’est un métier de la plus haute importance
sociale, que seuls ceux qui ont de très solides prérequis et une posture
qui répond aux exigences décrites dans le référentiel « Qu’est-ce qu’un
bon professeur ? »35 sont aptes à pratiquer36 . Ils attendent du professeur
« qu’il soit une personne complète, connaissant ses limites, assumant la
responsabilité de ses sentiments, conscient de sa propre conception de la
nature humaine et capable d’empathie. Bref une personne réelle, non pas
une entité désincarnée n’existant que dans l’imaginaire administratif. Et
cette personne accomplie (parce qu’assumant ses limites) est capable de
reconnaître et de laisser exister la personne de ses élèves. Ceux-ci ne sont

34 En savoir plus sur le site : http://www.onderwijscentrumbrussel.be/over-ocb (consulté le


19/02/19).
35 Voir : Paul ROBERT, « La formation des professeurs en Finlande : clé de voûte d’une réus-
site éducative exceptionnelle », art. cit.
36 Rappelons tout de même pour nuancer que la Suède vit actuellement un contexte de rela-
tive pénurie des enseignants qui explique le recrutement de diplômés n’ayant pas de forma-
tion pédagogique.

44
pas sommés de se conformer à un modèle préexistant mais sont invités à se
construire en pleine conscience et acceptation de leur différence. La relation
entre ces deux personnes réelles, celle du professeur et celle de l’élève, est de
ce fait une relation authentique, fondée sur l’aide et l’encouragement. » Et
Paul ROBERT dit encore « Si je devais énoncer la différence qui me paraît
la plus fondamentale entre les systèmes éducatifs français et finlandais, ce
serait cette reconnaissance pleinement assumée de la dimension interper-
sonnelle de l’éducation. Chacun dans ce contexte est accueilli, accepté pour
ce qu’il est vraiment et adhère de ce fait plus librement aux propositions
qui lui sont faites de « croître en humanité », objectif qui intègre bien sûr
l’acquisition de connaissances mais ne s’y résume pas. » On peut certaine-
ment en dire autant sur la différence entre les systèmes éducatifs belge
et finlandais. En contrepartie, les enseignants bénéficient de l’estime de
tous. Et on ne peut s’empêcher de mettre en regard, dans un jeu de mi-
roir, le traitement réservé aux élèves et aux enseignants dans nos deux
sociétés…
Retour en Belgique sur le recrutement des enseignants :
Certains diront « Avec quoi on vient ?!», de se demander s’il ne faudrait pas
élever le niveau de recrutement alors qu’il y a de pénurie d’enseignants en
FWB…
Ok, mais de quoi cette pénurie est-elle le symptôme ?
• D’un système scolaire qui va mal, on le sait ;
• D’un métier pour lequel la société a, ces dernières années, peu d’égards
et donc qui ne suscite plus beaucoup de vocations chez les jeunes ?
Pas si clair : il semble y avoir une double réalité : les jeunes favorisés et ayant
un bon bagage scolaire désertent les études d’enseignants ; les jeunes moins
favorisés et sortant essentiellement de Technique de qualification, eux, af-
fluent mais ont un bagage faible37 et un énorme taux d’échec…
• D’un métier qui, tant qu’il est pratiqué de façon aussi solitaire, laisse
chaque prof dans sa toute-puissance ou dans son impuissance seul face
à sa classe ?
• D’un métier qui est coincé dans une injonction paradoxale dont il faut
absolument sortir38 car il contribue à la rupture de confiance entre les
jeunes et les enseignants, ce qui rend le métier difficile.
L’objectif est bien d’en finir avec cette double réalité, non ?
Le chemin est long, exigeant et complexe mais si la FWB réussit sa réforme de
la formation initiale, elle devrait diplômer des enseignants plus conscientisés
et mieux équipés pour relever les défis actuels de l’école. Et donc moins sus-
ceptibles de quitter prématurément le métier si et seulement si ils sont aussi
mieux accueillis, soutenus dans leur entrée dans le métier et qu’on ne leur

37 Beaucoup de ces jeunes se présentent en HE avec des savoirs plus fragiles et lacunaires, de
sorte que trois années ne suffisent pas à combler leurs lacunes et leur apprendre le métier
38 On ne peut pas sélectionner et faire apprendre en même temps…

45
refile pas les classes les plus difficiles, ce qui est fréquent39 .
Et s’ils recevaient à nouveau des marques d’estime sociale, ça rendrait certai-
nement plus le désir d’enseigner, parce qu’il y a besoin de fierté de soi pour
apprendre et pour enseigner.

Un défi (perçu comme) souhaitable


Créer de l’adhésion chez les enseignants renvoie aussi évidemment à la com-
mande sociétale qui leur est faite40 .
Et de ce côté-là, le message manque de clarté et probablement de cohérence :
notre système est fortement problématique de par sa structure et la faiblesse
du pouvoir du politique. Quelle garantie de cohérence y a-t-il entre ce que la
ministre dit, ce que les réseaux disent, ce que les syndicats disent et ce que les
medias disent, sans compter toutes les initiatives, groupes, sites et autres qui y
vont de leurs interprétations régulièrement paranoïaques ?...
En bref, des groupes d’enseignants de gauche rejettent le Pacte au nom de sa
supposée instrumentalisation par Mc Kinsey et le monde des entreprises et
d’autres le rejettent parce qu’il prône des choses qu’ils pensent impossibles
à atteindre et qui ne peuvent que provoquer du nivellement par le bas etc…
Reste encore un important groupe de protestataires qui semblent, eux, plutôt
mus par la crainte de la dégradation de leur situation et par la peur du change-
ment (que va devenir ma discipline, mon emploi…)
Tout cela est aussi révélateur de la faiblesse de la communication faite autour
du Pacte qui laisse alors beaucoup trop de place aux craintes, fantasmes et à
la désinformation. Roger GODET , Pierre VERBEEREN et Vincent DUPRIEZ
indiquaient déjà dans une interview41 , en 2016, le rôle indispensable des corps
intermédiaires (syndicats et PO), des médias et des intellectuels pour com-
prendre et légitimer des changements de paradigme de l’école.

39 Une étude du GIRSEF réalisée en 2013 a montré que 35 % des enseignants quittent en-
déans les cinq premières années de carrière et que plus de la moitié (19,1 %) quitte déjà la
profession dans le courant de la première année d’exercice ou au terme de celle-ci. Voir :
Bernard DELVAUX et. al. « Les enseignants débutants en Belgique francophone : trajec-
toires, conditions d’emploi et positions sur le marché du travail », Les Cahiers de recherche
du GIRSEF, n°92, avril 2013.
40Voir la première partie de cette étude : « Sélectionner ou faire apprendre ».
41 Pierre VERBEEREN et Vincent DUPRIEZ interviewés par Noëlle DE SMET, « Pourquoi ça
rate ? (1) 1 », TRACeS de ChanGements, n°226, mai-juin 2016. Roger GODET, « Pourquoi ça
rate ? (2) 1 ». en ligne http://www.changement-egalite.be/spip.php?article3488.

46
Dénouement ?
On a applaudi sa cohérence, sa gestion des publics et parcours, son vrai tronc
commun, son architecture scolaire intelligente et sa vision exigeante du mé-
tier d’enseignant... Ok, on a probablement idéalisé trop fortement le système
scolaire finlandais en le prenant presque systématiquement pour exemple.
A notre décharge, notre a priori assez positif sur ce système n’a jamais été
contredit par nos observations durant le séjour, ce qui n’a pas été le cas pour
les autres pays visités : notre regard sur les LOP’s et le tutorat intensif se com-
plexifiant, et s’aggravant à propos de la marchandisation de l’enseignement
suédois. Assumons ces quelques biais, puisque dès le départ nous n’avions
pas les moyens d’être plus « objectifs », et que notre intention était ailleurs.
Qu’avons-nous donc à retenir sur les nœuds du Pacte et ses dénouements
possibles ? Disons une dernière fois encore autrement nos découvertes, sous
formes de convictions assumées.
Il nous semble essentiel pour implémenter une réforme éducative comme
celle du tronc commun de l’inscrire dans un contexte social où les citoyens
sont au fait de ce qu’ils demandent à l’école, ont la volonté d’en débattre,
et de mettre d’une façon ou d’une autre leurs valeurs et principes en cohé-
rence dans l’organisation du système scolaire . C’est ce contexte qui fait cruel-
lement défaut aux réformes du Pacte. Dans l’avis n°3, la définition des diffé-
rents domaines tendait vers cela mais l’opérationnalisation, la traduction de
ces orientations s’est fortement pervertie, perdue ou diluée dans les groupes
référentiels... Il manque un travail de sensibilisation en amont - à l’initiative
du politique, porté par la presse... – qui permettrait d’accroitre la conscience
populaire de ce qui se joue actuellement dans l’école, de la contradiction
constante qui se vit actuellement entre les fins et les moyens, entre les discours
et les pratiques, et qui permettrait de nous décider collectivement sur l’école
que nous voulons en débattant sérieusement des moyens que nous nous don-
nons42 . Ce travail est à construire si on veut un jour donner sa chance à notre
système scolaire de prendre une direction franche, en assumant par exemple
que le temps du tronc commun doit être du temps pour faire de l’égalité ou en
assumant encore d’utiliser des mécanismes de déségrégation scolaire, si nous
estimons réellement que la mixité est une valeur en soi.
Sur le terrain pédagogique en particulier, cette mise en cohérence nous semble
en tout cas essentielle : cohérence entre ce que nous disons et ce que nous
mettons en place (isomorphisme). Adhérer à une réforme, ce n’est pas seule-
ment comprendre le sens du changement possible et le vouloir, c’est aussi le
considérer comme un possible concret, c’est aussi le vivre. Le Pacte se donne-
t-il en particulier les moyens de faire éprouver aux enseignants d’autres ma-
nières d’exercer le métier pour modifier leur projet professionnel ? Il faudra
être vigilant quant au devenir de la formation initiale et continuée des ensei-
gnants dans ce cadre, mais aussi vis-à-vis des référentiels du TC qui laissent
déjà percevoir des écarts flagrants entre ce qu’ils valorisent et ce qu’ils rendent

42 Disons une nouvelle fois notre reconnaissance aux journalistes et chercheurs qui nous ont
accompagné durant ce séjour et nous ont permis à notre échelle de construire une analyse
commune de l’état de notre système scolaire.

47
concrètement possible (interdisciplinarité et démocratie scolaire pour n’en
prendre que deux).
Un autre essentiel d’une réforme réussie concerne sa. Les réformes du Pacte
prennent pour partie ce chemin, avec par exemple la triple vague des écoles
participant aux plans de pilotage et leur révision tous les 6 ans, ou encore le
tronc commun se développant sur plusieurs années en suivant les cohortes
d’élèves qui seront à la rentrée 2020 en 2e primaire. Les acteurs du Pacte ont
pris la mesure du temps requis par une réforme ambitieuse. Et pourtant, on
voit poindre plusieurs risques ici qu’il nous semble bon de rappeler : danger
d’un temps politique qui ne donne pas au Pacte le temps de s’éprouver sérieu-
sement ; danger de mettre aussi la charrue avant les bœufs, en installant un
TC qu’on n’a pas pris le temps de réfléchir et faire travailler en FIE et en FC ;
danger peut-être également, de ne pas implémenter le TC au même titre que
les plans de pilotage, en vagues successives, au risque de vite préjuger de ses
forces et faiblesses (un rejet pur et dur ?) au lieu de l’amender au fil du temps.
Affaire à suivre rapidement ici.

48
49
CGé,
mouvement
d’éducation permanente
Pour CGé, le rôle de l’École est de contribuer à réduire les inégalités so-
ciales et de donner à tous des chances égales de réussite.
Pour cela, il faut agir...
• Sur le plan politique, en vue de dénoncer les failles d’un système
éducatif qui porte en lui les sources d’inégalités,
• Àu coeur de la classe, en proposant des façons d’enseigner qui
prennent en compte la diversité des origines sociales des élèves et
réduisent les risques d’échec et de relégation,
• Dans la relation entre les familles et les acteurs éducatifs afin
d’établir des partenariats où chacun trouve sa place.
Ces trois niveaux sont le terreau des thématiques d’actions de CGé dans
le cadre de ses activités d’éducation permanente.

Avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles

50
En septembre 2018, une délégation CGé accompagnée par des jour-
nalistes et chercheurs est partie rencontrer des acteurs des systèmes
scolaires flamands, hollandais, suédois et finlandais afin de se doter
de regards extérieurs sur notre actualité éducative. Nous avons eu
l’occasion de décrire le fil de notre séjour dans l’étude CGé 2018 Car-
net de voyage, le Pacte d’excellence vu d’ailleurs.

Au-delà de la narration « à chaud » du séjour, il restait pour nous à


objectiver de manière plus systématique ce que les pratiques et poli-
tiques vues là-bas nous donnaient à penser du Pacte et de sa capacité
réelle à réduire les inégalités socioscolaires. C’est l’intention qui anime
cette seconde étude sur le séjour qui se focalise respectivement sur :

1. La commande qu’une société adresse plus ou moins implicitement


à son système scolaire et la cohérence dont nous avons besoin en
la matière ;
2. Les effets de la concurrence entre établissements scolaires et ce
qu’un pays peut mettre en place pour lutter contre la ségréga-
tion socioscolaire, la sélection précoce des élèves ou l’inégalité de
l’offre scolaire ;
3. Les référentiels d’un tronc commun d’enseignement, l’accompa-
gnement pédagogique et l’évaluation des élèves au sein de ce
tronc et, plus fondamentalement, l’implémentation et la révision
du tronc commun ;
4. La prise en considération de l’architecture des bâtiments et des
espaces scolaires, et leurs impacts sur le bienêtre et les apprentis-
sages des élèves ; en amont, leurs impacts sur le développement
de la conscience professionnelle des enseignants ;
5. Enfin, le métier d’enseignant : la façon dont il se vit, dont il est
perçu socialement, dont on y accède, etc.

Carnet de voyage II
Retour vers le futur
Une étude de Fred Mawet
et Thomas Michiels - 2019.

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