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E n février 1958, la chanteuse Michèle Arnaud publie

un 45 tours sur lequel deux titres portent la signature d’un inconnu,


Serge Gainsbourg. Ironie du sort, c’est aujourd’hui l’interprète qui est
tombée dans l’oubli. Pourtant, quel personnage ! D’allure distinguée,
plutôt jolie, «classieuse» comme aurait dit le futur Gainsbarre, elle
hérite du surnom «d’intellectuelle de la chanson». Depuis six ans, elle
défend les œuvres de Léo Ferré, Boris Vian ou Mouloudji dans un ca-
baret de la rive droite dirigé par Francis Claude, son époux, le Milord
l’Arsouille. On raconte que c’est dans ce lieu que fut chantée pour la
première fois La Marseillaise, bien avant de devenir l’hymne national.
Michèle Arnaud recrute ses fans parmi la jeune garde qui, demain,
fera la pluie et le beau temps. François Mitterrand (alors ministre de
l’intérieur), le journaliste Philippe Bouvard, André Rousselet (futur fon-
dateur de Canal +), l’acteur débutant Jean-Claude Brialy, mais aussi
l’élite intello de l’époque, de Jean Cocteau à Emmanuel Berl. Son goût
pour les hommes de pouvoir la portera à les tutoyer du galon, de-
venant l’une des premières productrice de télévision, à l’origine des
carrières de Jean-Christophe Averty et Michel Drucker, entre autres.
En attendant, elle fait le bonheur d’une nouvelle génération d’auteurs
et compositeurs dont elle adopte les chansons, de son timbre grave,
juste et précis, devant ce public de premier ordre. Son guitariste est
un peintre en devenir, de dix ans son cadet, Lucien Ginzburg. Il trouve
dans cet endroit de quoi s’acheter de la toile et des couleurs. Entre
les numéros, on peut l’entendre au piano jouer les chefs-d’œuvre que
son père, pianiste professionnel, lui a enseignés de Chopin à Gers-
chwin, ou les bluettes qu’il retient facilement signées Aznavour ou
Trenet. Pianiste d’ambiance, il sait le faire, Lucien. L’été, on l’entend
au Touquet où il séduit les riches étrangères en villégiature, susurrant
des Mi corazon ou My funny Valentine.
Serge Gainsbourg
devant l’une de ses toiles

A u Milord, Lucien adopte le pseudonyme de


Serge Gainsbourg sitôt qu’il endosse sa panoplie de mu-
sicien, après avoir un temps opté pour le nom de Julien
Grix. Primo il prend son prénom de naissance en grippe, se-
cundo il en a assez d’entendre écorcher son nom. Presque
quinze ans après la libération de Paris, la France n’est pas
débarrassée des relents d’antisémitisme et les nostalgiques
de Vichy aiment à insister sur l’étrangeté de ce patronyme.
Ses parents ont fui la jeune république soviétique en 1918.
Par le train d’abord, puis en bateau. Gainsbourg apprendra
plus tard que son père égara, pendant le long voyage, une
toile qu’il avait peinte. Joseph Ginzburg ne touchera plus
un pinceau. Fraichement mariés, le couple rejoint Paris. Ils
perdront tôt le premier de leurs quatre enfants. Le petit Lulu
et sa sœur jumelle Liliane devront la vie à la propreté dou-
teuse d’un faiseur d’ange d’où maman Olga s’est enfuie en
courant. Installés, ça ne s’invente pas, en face du siège de
la SACEM, c’est rue Chaptal que Lucien grandira au son du
piano paternel. Pour nourrir sa petite famille, Joseph court
le cachet au sein d’orchestres dont il méprise le répertoire
léger, ou comme pianiste de bar. Il se venge de la médio-
crité des répertoires qu’on lui impose en inculquant à sa
marmaille les rudiments de la grande musique, la seule à-
même d’égaler les Arts majeurs…
E n 1957, Serge Gainsbourg écrit déjà
des chansons, essentiellement pour les transfor-
mistes du cabaret « Madame Arthur » où papa
Joseph a proposé les services de son fils. Cela 45 tours
des Frères Jacques
rapporte davantage que la peinture. D’ailleurs,
cela rapporte tout court puisque à cette heure,

L’
peindre incombe de la dépense, uniquement.
Certes, le galeriste précurseur, Pierre Loeb, lui a
bien commandé une exposition de 40 toiles. C’est intervention de Michèle Arnaud dans
sa femme, Lise Lévitzky, rencontrée à l’Académie l’éclosion de Serge Gainsbourg ne s’arrête pas en si
Montmartre, qui a insisté. Lucien est forcément bon
impressionné. Pierre Loeb a lancé Raoul Dufy, Joan chemin. Perspicace, elle insiste pour qu’il effectue ses
Miró, Marc Chagall, parmi tant d’autres révolution- débuts sur scène afin d’y défendre son Poinçonneur
naires de la peinture contemporaine. Lulu préfère des lilas ou ses Petites odalisques. Dans le public,
mignoter de la partition. Lise en est folle de rage. un artiste débutant nommé Hugues Aufray n’en perd
pas une miette. Il pressent l’arrivée d’un style nou-
Ses premières rengaines s’intitulent veau. Revenant chaque soir, il en profite pour relever
Antoine le casseur ou On me siffle dans la rue. les textes et les accords. « Me raconte pas ta vie /
Elles font le bonheur des spectateurs de Ma- Tu m’l’as déjà servie / Je la connais par cœur/ C’est
dame Arthur qui ne sauront jamais quel énergu- la même que ta sœur ». Voilà qui feraient de bonnes
mène se masque derrière ces saynètes réalistes chansons pour présenter aux directeurs artistiques
et cocasses. Au Milord l’Arsouille, Gainsbourg est des maisons de disques...
fasciné par le charisme de Michèle Arnaud. Il va
œuvrer pour qu’elle découvre le pot-aux-roses. Michèle Arnaud peut se targuer de révéler
Sous prétexte de lui montrer ses tableaux, il de nouveaux talents. Dans le landernau musical, cela
laisse négligemment traîner sur son piano des se sait et dans la foulée, le groupe Les Frères Jacques,
partitions de chansons qu’il destine à la blonde grandes vedettes du music-hall, enregistrent Le Poin-
glamoureuse. Fine limière, Michèle Arnaud ne se çonneur des Lilas. Ces quatre gars comiquement
fait pas prier. Elle inclut immédiatement à son vêtus de sous-pulls et de collants disposent d’une
répertoire les premières véritables œuvres du solide réputation qui a déjà traversé les frontières.
surdoué. Et pas les plus faciles. Plus les chan- Leurs chorégraphies poétiques ont permis à Jacques
sons dénotent l’aspect cynique et misogyne de Prévert ou Léo Ferré d’être représentés ailleurs que
leur auteur, plus elle est ravie. C’est ainsi que dans le circuit restreint des petits cabarets de la Rive
Ronsard 58, Jeunes femmes et vieux messieurs Gauche. Présenté sur scène comme « le premier
ou La recette de l’amour fou bousculent les ha- concerto Gainsbourgeois », leur version du Poinçon-
bitués du cabaret de la rue du Beaujolais. Le neur déclenche l’enthousiasme, concrétisé par de sé-
style est là, percussif et résolument moderne. rieuses ventes de disques.
L e ténébreux acteur Jean-Claude Pascal, popula-
risé au cinéma par le cycle des « Caroline chérie » avec Martine
Carol, cherche à briser son image de séducteur. Ancien styliste, Affiche des
fou de théâtre, acteur par goût des textes bien écrits, Jean- Trois Baudets,
1959
Claude Pascal est prisonnier d’une série de films alimentaires
dont il n’a pas présumé de l’impact sur le public. Sa voix chaude
et grave lui servira, pense-t-il à tort, pour rétablir l’ordre. Ainsi,
il entame une carrière de chanteur, sélectionnant ses auteurs
dans la lignée de Michèle Arnaud : Guy Béart, Francis Blanche,
mais aussi Gilbert Bécaud, Charles Aznavour, et plus tard Jean
Ferrat ou Bernard Dimey. Lui aussi choisira chez Gainsbourg les
œuvres les plus décalées (En relisant ta lettre, Les oubliettes,
Douze belles dans la peau…). En vain. Le grand public ne veut
voir en lui que « le beau gosse » et privilégiera quelques mal-
heureuses chansons sentimentales, loin des missiles écrits par
Gainsbourg («En relisant ta lettre je m’aperçois / Que l’ortho-
graphe et toi / Ça fait deux»).

Parallèlement, Serge Gainsbourg franchit le pas, il est


désormais interprète de ses propres créations. Enfin, interprète
est un bien grand mot. Selon les témoins de l’époque, Gains-
bourg, paralysé par le trac, vomit ses chansons dont il accen-
tue les invectives à l’adresse d’un public qu’il redoute. Cette
timidité maladive sera interprétée comme du mépris. L’accueil
glacial qu’il reçoit le conforte dans l’idée qu’il s’inscrit dans le
droit chemin de Boris Vian, un des rares artistes de chanson
dont il vénère les écrits et l’attitude. Les spectateurs se man-
gent en pleine face les textes acides («Ce mortel ennui / Qui me
vient / Quand je suis avec toi (…) Bien sûr il n’est rien besoin
U n contrat est signé dans la foulée. A cette époque, être
engagé par Canetti (qui a découvert Brel, Brassens, Patachou, Félix
de dire / A l’horizontal / Mais on ne trouve plus rien à se dire / Leclerc, Raymond Devos…) signifie non seulement avoir la possibilité
A la verticale»). En toute logique, Denis Bourgeois, spectateur d’enregistrer dans les meilleures conditions, mais aussi de se voir
assidu et par ailleurs directeur artistique du label Philips, repère programmer à l’affiche du Théâtre des 3 Baudets et de bénéficier
cet ovni et lui propose de graver des essais pour les présenter d’une couverture médiatique conséquente.
au patron du label, le fameux Jacques Canetti.
Serge Gainsbourg et Michèle Arnaud
en 1960, lors de la création
du Cha Cha Cha des Chauves,
titre demeuré inédit

A l’automne 1958, l’album Du chant à la une, cent pour


cent Serge Gainsbourg (à l’exception du texte de Ronsard 58) se voit
livré au public et aux journalistes. Tout Gainsbourg est déjà là, textuel-
lement parlant. Le langage s’apparente aux dialogues tout droit sortis
des films policiers, comme dans Du jazz dans le ravin : « Ecoute, c’est
toi qui conduis ou moi / C’est moi, bon alors tais-toi / Y’a du whisky
dans la boite à gants / Et des américaines, t’as qu’à taper dedans ».
Le cynisme aussi dans La femme des uns sous le corps des autres
: « On s’en fout quand / C’est pas la nôtre / Là qui se vautre / On lui
ferait passer / Le goût de recommencer ». L’alcool dans une chanson
éponyme : « Mes illusions donnent sur la cour / Mais dans les troquets
alentours / J’ai des ardoises de rêverie (…) Et dans les vapeurs de
l’alcool / j’vois mes châteaux espagnols ». Alain Goraguer est res-
ponsable des arrangements. Egalement compositeur, Goraguer a mis
en musique certains standards de Boris Vian, Fais-moi mal Johnny
ou encore La java des bombes atomiques. Vian est alors, entre mille
autres activités, journaliste musical notamment pour Jazz Hot et Le
Canard Enchaîné. C’est au sein de ce dernier qu’il écrit « tirez deux
sacs de vos fouilles et raquez au disquaire en lui demandant le Philips
B 76447B…réclame non payée, je ne travaille plus chez Philips, et j’y
travaillerais encore que ce serait exactement pareil. C’est le premier
25 cm 33 tours d’un drôle d’individu nommé Gainsbourg Serge et né
à Paris le 2 avril 1928. En ce qui me concerne j’espère que ce ne sera
pas le dernier. En ce qui vous concerne, c’est vous qui pouvez faire
que ce ne soit pas le dernier ». S’en suit l’éloge de l’album titre par
titre avec la verve caractéristique de Vian.
Un des
premiers articles
consacrés à
Serge Gainsbourg

S i l’auteur de J’irai cracher sur vos tombes n’avait


pas cassé sa pipe quelques mois plus tard lors d’une projection
d’un film adapté de son roman noir, nul doute que les deux
hommes seraient devenus copains comme cochons. Tous ceux
qui ont côtoyés ces deux phénomènes s’accordent sur leurs
multiples points communs, et, en plus de partager Goraguer
et Canetti, Gainsbourg œuvrera avec moult acolytes de Vian,
Michel Legrand et Henri Salvador en tête. Ils partageront aussi
une foultitude d’interprètes dont l’icône des années 50, Juliette
Gréco.

L’ange noir de Saint-Germain-des-Prés est poursuivi


par l’assiduité de Gainsbourg. Subjugué par sa démarche, sa
diction, son profil, il rêve de lui proposer des chansons origi-
nales. Cela ne va pas traîner. Les amours perdues et L’amour
à la papa sont au générique d’un 45 tours 4 titres que Gréco
consacre à son nouvel auteur-compositeur fétiche. Ce coup de
chapeau va finir de lancer la carrière de Serge Gainsbourg. Son
propre disque recueille un succès d’estime mais on parle de
lui, de ses chansons, de ses interprètes et ses pinceaux sont
définitivement remplacés par une plume au service des notes
et de mots qui claquent.
Pochette
du deuxième album
de Serge Gainsbourg,
1959

L a vague nouvelle insufflée par Jacques Canetti est tou-


tefois en train de prendre un sérieux coup dans l’aile. Au sommet des
charts en cette ère pré-Sixties, on entend roucouler les accents de
Gloria Lasso, Dalida ou Dario Moreno. Un raz-de-marée latino s’abat
sur l’Europe. Le jazz ne fait plus recette ?
Qu’à cela ne tienne. Gainsbourg féru de rythmes blacks se réfugie
alors du côté de la musique latino-américaine et caribéenne. L’im-
portant pour lui c’est que ses textes sonnent et que sa musique soit
dans l’air du temps. Comme va le chanter Claude Nougaro peu après
« Puisque ma poésie vous fait bailler d’ennui / Ô ravissantes gourdes /
Pour être dans le bain, j’y mets de la musique / De style afro-cubain ».

Jusque là, la plupart des textes de musiques à danser flir-
taient avec l’ineptie. Grâce à Gainsbourg, ils vont jouer avec l’audace,
à commencer par ce petit bijou de boléro que les deux G (Gainsbourg
et Goraguer) concoctent pour le film L’eau à la bouche : « Laisse toi au
gré du courant / Porter dans le lit du torrent / Et dans le mien / Si tu
veux bien / Quittons la rive / Partons à la dérive ». Si cela paraît bien
anodin de nos jours, rappelons qu’à l’époque, l’incitation à l’amour
physique valait souvent la censure des diffuseurs pour seule critique.

Gainsbourg se permet même de « cha-cha-cher » Alfred de


Musset et l’un de ses poèmes les plus cinglants « Honte à toi qui la
première / M’as appris la trahison / Et d’horreur et de colère / M’as fait
perdre la raison » et il offre ses affres en mambo « Les pensées que
je médite / Sont plus noires que l’anthracite / Mais que faire quand tu
te fous / Si éperdument de nous ».
(ci-contre)
Gainsbourg vu par Nougaro
(page suivante)
Serge Gainsbourg dans
les loges du théâtre
de l’Etoile à Paris

E n deux albums et une première poignée d’interprètes,


Serge Gainsbourg a posé les jalons d’une carrière dont l’aube est
pourtant loin de laisser paraître ce qu’elle deviendra dans les années
suivantes. Ce débutant de trente ans va imprégner les trois décennies
ultérieures par une empreinte telle qu’aujourd’hui, vingt ans après sa
disparition, nombreux sont les nouveaux talents à se référer à cer-
taines de ses facettes.

Les titres ici réunis reprennent l’intégralité des chansons


enregistrées par Serge Gainsbourg et ses premiers interprètes entre
1958 et 1959 à l’exception du titre Défense d’afficher enregistré par
Juliette Gréco et Cora Vaucaire, publié respectivement en 1990 et
1960. Notons au passage le point commun des premiers interprètes
Gainsbouriens : tous évoluent dans les graves et les basses. D’ici peu,
il s’évertuera à les pousser le plus haut possible dans les aigus. Le
titre inédit Les mots inutiles a été écrit par Julien Grix (premier pseu-
donyme de Gainsbourg) en 1955, le texte a été modifié une première
fois en 1958 puis lors de cet enregistrement de 1962 dans le cadre
d’une émission consacrée à Vienne.

Laurent Balandras
I n February 1958, singer Michèle Arnaud released an EP containing
two tracks written by a newcomer, Serge Gainsbourg. Ironically, it is the perfor-
mer who has now sunk into oblivion. But what a character she was! Elegant,
rather pretty, “classy” as “Gainsbarre” would have put it, she was nicknamed
“the intellectual of French chanson”. For the previous 6 years, she had been
performing songs by Léo Ferré, Boris Vian and Mouloudji in a cabaret on Paris’
Rive Droite, owned by her husband Francis Claude and called the Milord L’Ar-
souille. Legend has it that it was in this cabaret that La Marseillaise was sung for
the first time, long before it became France’s national anthem. Michèle Arnaud
built up her fan base amongst the Young Turks who were later to become ma-
jor decision-makers: François Mitterrand (then France’s Minister of the Interior),
journalist Philippe Bouvard, André Rousselet (who went on to found TV channel
Canal +), budding actor Jean-Claude Brialy, as well as the intellectual elite of the
time, from Jean Cocteau to Emmanuel Berl. Her soft spot for men of authority
would help to establish her as a key player, more specifically one of the ear-
liest TV producers, launching the careers of Jean-Christophe Averty and Michel
Drucker, amongst many others. Meanwhile, she delighted a whole new gene-
ration of songwriters by singing their songs in her deep, clear, tuneful voice to
her top-rate audience. Her guitarist was a budding painter, ten years her junior,
Lucien Ginzburg. The job paid for his canvases and paints. In between acts, he
could be heard on the piano playing the masterpieces his father, a professional
pianist, had taught him, from Chopin to Gerschwin, as well as catchy little tunes
by Aznavour and Trenet that stuck in his mind. Background piano playing was
something Lucien could do. In the summer, he could be heard in Le Touquet,
seducing rich foreign holidaymakers with his soft renderings of Mi Corazon and
My Funny Valentine.
B y 1957, Serge Gainsbourg was already writing songs,
mainly for the drag artists of the “Madame Arthur” cabaret, to whom
father Joseph had offered his son’s services. This brought in more

W henever he played at the Milord, Lucien adopted


the stage name Serge Gainsbourg, after toying with the name Ju-
money than painting did. In fact painting, at the time, cost money
rather than earning any. Admittedly, trendsetting gallery owner Pierre
Loeb had given him a commission for a 40-work exhibition. It was
lien Grix for a while. Firstly he couldn’t stand his birth name anymore Gainsbourg’s wife, Lise Lévitzky, whom he had met at the Académie
and secondly he had had enough of hearing it mispronounced. Nearly Montmartre, who had insisted. Lucien, obviously, was impressed.
fifteen years after the liberation of Paris, France was not yet rid of Pierre Loeb had launched the careers of Raoul Dufy, Joan Miró, Marc
anti-Semitism, and those who felt nostalgic for the Vichy regime liked Chagall, and many other revolutionaries of contemporary painting. But
to point out how strange his name sounded. His parents had fled the music scores took up too much space in Lulu’s heart, which infuriated
young Soviet Republic in 1918. First by train, then by boat. They took Lise.
the train first, and then a boat. Gainsbourg would later learn that du-
ring that long journey, his father had lost one of his paintings. Joseph His first songs were entitled Antoine le Casseur and On me Siffle dans
Ginzburg would never paint again. The newly-weds settled in Paris. la Rue. They filled the Madame Arthur punters with joy, although they
They lost the first of their four children early on. Little Lulu and his were never to see who had written those realist and comical play-
twin sister Liliane owed their life to the questionable cleanliness of a lets. At the Milord L’Arsouille, Gainsbourg was fascinated by Michèle
backstreet abortionist’s home that made their mother Olga run away. Arnaud’s charisma. Discreetly, he made sure she discovered his po-
Funnily enough, it was in rue Chaptal, opposite the SACEM headquar- tential. Having invited her round to show her his paintings, he “inad-
ters (an institution that collects and redistributes royalties) that Lucien vertently” left some of the scores he had written for the glamorous
would grow up to the sound of his father’s piano. In order to feed his blonde lying about on his piano. As she could detect talent from miles
family, Joseph rushed from job to job, including performing with an away, Michèle Arnaud was only too willing to oblige. Straight away,
orchestra whose light-hearted repertoire he despised, or playing in she began to include in her repertoire the first truly major pieces writ-
bars. He took his revenge on the mediocre repertoire imposed upon ten by this highly gifted songwriter. And they weren’t the easiest of
him by teaching his own brood the basics of classical music, the only songs to sing: the more they exposed their author’s cynical and miso-
kind of music on par with the other fine arts. gynist traits, the more Michèle delighted in singing them. And that is
how Ronsard 58, Jeunes Femmes et Vieux Messieurs and La Recette
de l’Amour Fou came to be performed on stage at the cabaret in Rue
du Beaujolais. His distinctive style – percussive and resolutely modern
– was already discernable.
Partition
du Poinçonneur
des Lilas,
1958

M ichèle Arnaud’s part in launching Serge Gains-


bourg’s career was not to end there. With her usual shrewdness,
she insisted he went on stage to perform his Poinçonneur des Li-
las and his Petites Odalisques. In the audience, a budding artist cal-
led Hugues Aufray didn’t miss a second of it. He could feel a new
style emerging. Coming back night after night, he made the most of
it and took down the lyrics and chords. “Me raconte pas ta vie/ Tu
m’l’as déjà servie/ Je la connais par cœur/ C’est la même que ta
sœur” (Stop boring me with your life story, I’ve heard it all before,
I know it like the back of my hand, it’s the same as your sister’s).
Now wouldn’t these songs be just what A&R men needed to hear?

Michèle Arnaud could boast about being a talent spotter. As this was a
known fact in music circles, the highly popular music-hall group Les
Frères Jacques decided to record their version of Le Poinçonneur des
Lilas. These four comically clad guys (polo neck jerseys and tights)
enjoyed a solid reputation that reached far beyond France’s borders.
Their poetic choreographies took Jacques Prévert and Léo Ferré well
beyond the small Rive Gauche cabarets. Introduced on stage as “the
first Gainsbourg concerto”, their version of Le Poinçonneur was re-
ceived with great enthusiasm, resulting in some serious record sales.
Serge Gainsbourg
dans les loges du théâtre de l’Etoile
à Paris

J ean-Claude Pascal, an actor with dark, brooding


good looks who had gained popularity through the «Caroline Ché-
rie» film cycle alongside Martine Carol, wanted to be perceived as
more than a just a charmer. A former stylist, mad about the dra-
matic arts, who had entered the acting profession because of his
love of good writing, Jean-Claude Pascal’s image was plagued by
a series of pot-boiler movies he had played in without realising
they would make such an impact. He thought – mistakenly as it
turned out – that using only his deep, low-pitched voice would
set the record straight. He thus started to concentrate on singing,
choosing the same kind of authors as Michèle Arnaud: Guy Béart,
Francis Blanche, but also Gilbert Bécaud, Charles Aznavour, and
later Jean Ferrat and Bernard Dimey. He too would choose Gains-
bourg’s most offbeat works (En Relisant ta Lettre, Les Oubliettes,
Douze Belles dans la Peau…), but to no avail. The general public
could not see past his movie-star looks and went for his more
sentimental songs, a million miles from the bombshells Gains-
bourg had penned («En relisant ta lettre je m’aperçois / Que l’or-
thographe et toi / Ça fait deux» – «Upon reading your letter again,
I realise that the word “spelling” is not in your vocabulary»).
Pochette de
Du Chant à la Une,
premier album de
Serge Gainsbourg, 1958

M eanwhile,
Serge Gainsbourg had taken
the plunge; he now per-
med his own songs, although
“perform” might not be the most
for-
I t was in the autumn of 1958 that Du Chant à la Une, an
album entirely written by Serge Gainsbourg (except for the Ronsard
appropriate word. According to witnesses, Gainsbourg, who was prone 58 lyrics), was unleashed to the public and the press. All of Gains-
to terrible stage fright, vomited out his songs rather than singing them, bourg’s defining features were already there, textually speaking: the
accentuating their aggressive side and startling an audience that ter- words sound like dialogues straight out of the best crime films, as in
rified him. His painful shyness was mistaken for contempt. The frosty Du Jazz Dans le Ravin: «Ecoute, c’est toi qui conduis ou moi / C’est
reception confirmed his belief that his career would fol- moi, bon alors tais-toi / Y’a du whisky dans la boite à gants / Et des
low the same path as Boris Vian’s, one of the few artists américaines, t’as qu’à taper dedans» - («Look, either I drive or you
he admired, as much for his lyrics as for his attitude. Au- do. I do? OK then, shut up. You’ll find whisky and smokes in the glove
diences received his acid lyrics square in the face («Ce mortel compartment, just dig in») ; cynicism too in La Femme des Uns sous le
ennui / Qui me vient / Quand je suis avec toi (…) Bien sûr il n’est Corps des Autres (One man’s wife under another one’s body): «On s’en
rien besoin de dire / A l’horizontal / Mais on ne trouve plus rien à fout quand / C’est pas la nôtre / Là qui se vautre / On lui ferait pas-
se dire / A la verticale» – «I get dreadfully bored when I am with ser / Le goût de recommencer» («It doesn’t matter as long as it isn’t
you (….) Of course, there’s no need to speak when we’re horizon- yours lying there, offering herself. You’d make sure she wouldn’t do it
tal, but then we don’t have much to say to each other either when again»); alcohol in the eponymous song: «Mes illusions donnent sur la
we’re vertical»). Naturally, Denis Bourgeois, a regular spectator as cour / Mais dans les troquets alentours / J’ai des ardoises de rêverie
well as the A&R man for the Philips label, spotted this striking ta- (…) Et dans les vapeurs de l’alcool / j’vois mes châteaux espagnols»
lent and offered to help him record demos they would later submit («My illusions overlook the yard, but I have outstanding debts in the
to the head of the label, the illustrious Jacques Canetti, who signed neighbouring bars for dreaming (…) and in the heady fumes of intoxi-
him on as soon as he heard them. At the time, being signed on by cation, I can see my castles in the sky»). Alain Goraguer was in charge
Canetti (who discovered Brel, Brassens, Patachou, Félix Leclerc, of arrangements. Also a composer, Goraguer had set to music some
Raymond Devos and many others) meant not only gaining access to of Boris Vian’s standards, such as Fais-moi Mal Johnny and La Java
the best available recording studios, but also being able to perform des Bombes Atomiques.
at the 3 Baudets theatre and enjoying substantial media coverage.
(gauche)
45 tours de
Jean-Claude Pascal,
incluant deux titres
de Serge Gainsbourg,
1958
(droite)
45 tours de
Juliette Gréco,
incluant quatre titres
G ainsbourg courted the black angel of Saint-Germain-

V
de Serge Gainsbourg,
1959 des-Prés with consistency. Blown away by her gait, her diction and
ian, at the time, was working – amongst a million her profile, he’d have given anything to have her sing his songs. He
other things – as a music journalist for Jazz Hot and Le Canard En- didn’t have to wait too long… Les Amours Perdues and L’Amour à la
chaîné. It is in the latter that he wrote : «Dig deep into your pockets, Papa were listed on a 4-track EP that Greco, via its title, dedicated
find a few pennies, take them to your local record dealer and ask for to her new favourite songwriter. This public accolade ensured Serge
reference Philips B 76447B… I’m not being paid to advertise this, I Gainsbourg’s career was well and truly launched. His own record at-
no longer work for Philips, and if I did it would be just the same. I’m tracted limited popular acclaim, but his name got mentioned, people
talking about the first long player by an oddbod named Gainsbourg talked about his songs and about the people for whom he wrote, and
Serge, born in Paris on 2nd April 1928. As far as I’m concerned, I hope so his quill definitely came to replace his brushes, as he entered a life
it’s not the last. As far as you’re concerned, well, you are the ones who dedicated to notes and impactful words.
can make sure it isn’t». This was followed by a track-by-track analysis
of the album, in keeping with the witty eloquence that made Vian Vian. However, the new wave Jacques Canetti had set in motion
was beginning to lose momentum. Topping the charts during this
If the author of J’irai Cracher Sur Vos Tombes hadn’t kicked pre-sixties era were the sensual voices of Gloria Lasso, Dalida and
the bucket a few months later, du- Dario Moreno. A Latino tsunami
ring the screening of a film based had hit the European coasts hard.
on his aforementioned roman noir, Jazz was not selling anymore?
the two men would undoubtedly Never mind. Gainsbourg, an ado-
have become the best of friends. rer of black rhythms, took refuge
All those who have crossed the in Latin American and Caribbean
paths of these two characters music. All that mattered to him
could tell you how similar they was for the words to be snazzy
were. Besides sharing Goraguer and for the music to move with
and Canetti, Gainsbourg worked the times. As Claude Nougaro was
with many of Vian’s collaborators, to sing soon after: «Puisque ma poésie vous fait bailler d’ennui / Ô
especially Michel Legrand and Henri Salvador. The songs they wrote ravissantes gourdes / Pour être dans le bain, j’y mets de la musique
were also sung by many of the same performers, including 50’s icon / De style afro-cubain» («As my poetry makes you yawn, O you pretty
Juliette Gréco. airheads, I’m getting back on track by adding an Afro-Cuban touch»).
45 tours d’Alain
Goraguer,
incluant 4 titres
de Serge Gainsbourg,
1959

U ntil then, most dance music lyrics had been pretty


much inept. With Gainsbourg, they would become audacious, starting
with this gem of a bolero number that the two Gs (Gainsbourg and
Goraguer) concocted for the film L’eau à la Bouche: «Laisse toi au gré
du courant/ Porter dans le lit du torrent/ Et dans le mien/ Si tu veux
bien/ Quittons la rive/ Partons à la dérive» («Let the current carry you
into the bed of the torrent, and into mine, if you don’t mind, let’s leave
T his record is a collection of
the tracks written and recorded by Serge
the bank and drift away»). If this seems quite harmless today, it is Gainsbourg and other singers from 1958 to
important to remember that, at the time, incitement to physical love 1959, except for the song Défense d’Affi-
was often censored before it could even be criticised. cher, recorded by Juliette Gréco and Cora
Vaucaire and released in 1990 and 1960,
Gainsbourg even went as far as cha-cha-ing up Alfred de respectively. Notice in passing how the
Musset and one of his most scathing poems «Honte à toi qui la pre- singers of Gainsbourg’s early material all
mière/ M’as appris la trahison/ Et d’horreur et de colère/ M’as fait had in common a deep and low-pitched
perdre la raison» («Shame on you for being the first to teach me about voice. From then on, he would try his best
betrayal, you made me lose my mind through disgust and anger») and to push them as much as he could towards
presenting his trials and tribulations through the medium of mambo the higher notes. Previously unreleased
«Les pensées que je médite/ Sont plus noires que l’anthracite / Mais track Les Mots Inutiles was written by
que faire quand tu te fous / Si éperdument de nous» («The thoughts Julien Grix (Gainsbourg’s first pen name)
going through my mind are darker than anthracite, but what are we in 1955. The lyrics were first modified in
to do if you don’t care about us?»). With the help of two albums and a 1958 and again in 1962, when this ver-
first handful of songs written for others to perform, Serge Gainsbourg sion was recorded for a TV show on Vienna.
had paved the way for a career which, as it dawned, would never have
given anyone an inkling of how great it would become. This thirty-
year-old beginner would leave such a mark on the next three decades
that today, twenty years after his death, many up-and-coming talents Laurent Balandras
still refer to some of his facets as a major influence.
(couverture disque)
Serge Gainsbourg dans les loges du théâtre de l’Etoile
à Paris
(couverture livret)
Serge Gainsbourg en concert au théâtre de l’Etoile
D ans la même Collection
Claude Nougaro
À la recherche du son
qui fait sens
1955-1959
(Discograph 2010)

C ompilations conçues et réalisées par Laurent Balandras


Supervision : David Bossan et Anne-Sophie Juan
Mastering : Alexis Frenkel (Art et Son studio, Paris)
Graphisme : Mariette Cousty
Toutes photos © Studio Lipnitzki / Roger-Viollet
Toutes les illustrations du livret sont issues d’une collection particu-
lière D isponible également
Les manuscrits
de Serge Gainsbourg

M erci à Catherine Laignel de VMA, Jean-Noël Roy,


Christiane Lemire et Karine Guelble à l’INA, Caroline Molko,
Édition établie et commentée
par Laurent Balandras
Prix de l’académie Charles Cros
Nathalie Didelet et Sandrine Runser pour Warner Chappell Music (Éditions textuel 2005)
France,
Marianne Théry et Manon Lenoir des éditions Textuel,
Hélène Nougaro, Olivier Lacourt, Pierre-Olivier Toublanc, Elise Noé
Ludovic Dury et toute l’équipe de Discograph

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