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1 Sur le contexte de cet événement, voir Denis Crouzet, La genèse de la Réforme fran-
çaise (1520-1562), Paris, SEDES, 1996, p. 149-151.
2 Ce texte paru sous un pseudonyme, qui n’est autre que le sobriquet attribué à un contro-
versiste catholique, fera scandale, jugé épouvantable par Erasme et qualifié de moque-
rie amère par Lefèvre d’Etaples.
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3 Voir Francis Higman, « Les genres de la littérature calviniste du XVIe siècle », Lire et
découvrir la circulation des idées au temps de la Réforme, Genève, Droz, 1998, p. 447.
4 G. Berthoud, « Livres pseudo-catholiques de contenu protestant », Aspects de la pro-
pagande religieuse, éd. G. Berthoud et al., Genève, Droz, 1957, p. 153.
5 Le syndic de Sorbonne s’était déjà commis en littérature religieuse, notamment en adap-
tant avec Thomas Warnet un ouvrage de saint Bernard de Sienne, le Quadragesimale
de Christiana religione, sous le titre La petite diablerie dont lucifer est le chef et les
membres sont tous les joueurs iniques et pecheurs reprouvez intitulé leglise des mau-
vais, qui aurait été publié quatre fois entre 1512 et 1541 à Paris (voir F. Higman, Piety
and the People : Religious Printing in French, 1511-1551, Aldershot, Scolar Press,
1996, p. 56). A partir de la fin du mois de mai 1533, Beda est en exil à cause de son
intransigeance (voir D. Crouzet, op. cit.) : la publication de la Confession et raison de
la foy peut donc apparaître comme amende honorable de la part du syndic.
6 Voir G. Berthoud, « La “Confession” de Maître Noël Beda et le problème de son
auteur », Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance 29, 1967, p. 373-397.
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suivi, dans lequel manque ici ou là un caractère par rapport à l’exemplaire de la BN),
voir Francis Higman, Piety…, H 1, p. 244. La page de titre porte « secunde et ampliee
edition », mais aucune autre édition n’est connue. Hangest est l’un des (rares) docteurs
de la Faculté de Théologie à répondre en français aux ouvrages réformés, aux côtés de
Guillaume Petit avec Le viat de salut tresnecessaire et utile a tous chrestiens pour par-
venir a la gloire eternelle (1526 ?), qui est probablement une réponse à L’Oraison de
Jesuchrist de Farel inspirée de Luther ; et Pierre Doré avec le Dialogue instructoire, des
Chrestiens en la foy, esperance et amour de Dieu (1538) qui est une réfutation du caté-
chisme de tendance luthérienne de Gaspard Megander (1536).
15 Art. cit., fol. 1r.
16 Ibid., fol. 2v.
17 « Il y a relation de coprésence quand un texte est inclus dans un autre alors que dans
le cas de l’hypertextualité, c’est une opération d’imitation ou de transformation qui
conduit d’un hypotexte à un hypertexte » (S. Rabau, L’intertextualité, Paris, GF Flam-
marion, 2002, p. 231) : c’est selon les définitions proposées par Gérard Genette dans
Palimpsestes (Paris, Seuil, 1982, p. 16 sqq.) qu’il convient d’entendre les termes d’hy-
pertextualité et d’hypertexte.
18 G. Genette, op. cit., p. 39.
19 Patricia Eichel-Lojkine souligne l’intérêt d’une définition qui se démarque « des défi-
nitions restreintes (restrictives) de la parodie comme réécriture à l’intérieur d’un genre
identique (messes, sermons, homélies, déclarations parodiques) », Excentricité et huma-
nisme. Parodie, dérision et détournement des codes à la Renaissance, Genève, Droz,
2002, p. 33.
20 Voir T. Todorov, Mikhaïl Bakhtine. Le principe dialogique, Paris, Seuil, 1981, p. 74.
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laquelle plus grande certitude nous fait, que ne feroit sans elle experience. Et quant ad
ce mot manifestes, tu te monstre trop ignorant : car est chose notoire, que tant occulte-
ment que manifestement peult operer la divine puissance », [xxxixv].
33 Voir A. Jouanna, La France du XVIe siècle, 1483-1598, Paris, PUF, 3e éd., 2002, p. 306
pour une synthèse des différences confessionnelles dans la doctrine de la présence réelle.
34 « Mettre en scène l’adversaire, l’imposer dans sa masse physique, en cerner la sil-
houette », dans le but d’« inspirer de la répulsion pour son être », est un procédé de sub-
version du discours reproduit, mais il est à noter qu’il figure ici dans l’hypotexte et non
dans le texte transformé (M. Angenot, La Parole pamphlétaire : contribution à la typo-
logie des discours modernes, Paris, Payot, 1982, p. 291 ; un grand merci à Luce Mar-
chal-Albert pour les discussions stimulantes nées de la confrontation de cet ouvrage
avec le Contre les tenebrions).
35 Nous adopterons les conventions suivantes dans les citations comparatives : les termes
et passages des Placards repris mot à mot dans le Contre les tenebrions sont en ita-
liques soulignés dans les deux textes ; les termes repris et transformés voire recontex-
tualisés, ou non repris mais appelant une mise en évidence, sont en italiques ; les
apostrophes vindicatives qui se font écho d’un texte à l’autre et d’un fragment à l’au-
tre sont en italiques gras.
36 Texte de Robert Hari, art. cit. (p. 114-119), avec l’introduction des conventions d’usage
(discrimination i/j, u/v etc). Que William Kemp, chercheur associé à l’Université McGill
à Montréal, lise dans ces colonnes l’expression d’une amicale reconnaissance pour la
mise à disposition de son édition personnelle des Placards.
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37 « Seule foy justifie, et seule foy impetre et obtient le sainct esperit et la puissance de
acomplir la loy et de faire des œuvres vrayement bonnes », Declaration d’aucuns motz
desquelz use sainct Paul en ses epistres (traduction anonyme de Luther, 1525), [i8r].
Initialement formulée par Luther, la doctrine de la justification par la foi seule, et sa
réception par les conservateurs, donnent lieu à ce commentaire de Calvin : « Mainte-
nant les lecteurs peuvent voir de quelle équité usent aujourdhuy les Sophistes en
cavillant nostre doctrine : c’est où nous disons que l’homme est justifié par la seule foy.
Ils n’osent pas nier que l’homme ne soit justifié par foy, voyant que l’Escripture le dit
tant souvent, mais pource que ce mot Seule n’y est point exprimé, ils nous reprochent
qu’il est adjousté du nostre », Institution de la religion chrestienne, livre III, chapi-
tre XI, éd. J. D. Benoît, Paris, Vrin, 1957-1961, p. 225.
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En réponse aux deux autres traités de Marcourt publiés peu après les Pla-
cards42, le « Premier chapitre manifestement prouve la presence du bon
Jesus au sacrement eucharistique » et s’adresse aux chrétiens, véritables
allocutaires du propos d’Hangest :
O doncq chrestians non mal affectez, pensez, & en syncerité de jugement consi-
derez combien clers, combien liquides & manifestes sont les sainctz sacrez
textes evangelicques & apostolicques prealleguez. [xiir]
O donc chrestians soyez en ce constantz : ne vous mouvez, revoltez, ou variez
pour tels mechants folz ou follettes : vous estes bien fondez & sur pierre tres-
ferme. [xviv]
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monde (si Dieu bientost n’y importables, mais sans grevance ont doulceur melli-
remedie) est et sera totallement flue aux cœurs devotz.
ruiné, abysmé, perdu et desolé : Pour le premier article de ton abominable atta-
quand en icelle nostre Seigneur che, ton maistre Satan de ce sublime sacrement tres
est si outrageusement blasphemé : envieux, voyant ne pouvoir l’abolir, & par la puis-
et le peuple seduict et aveuglé : sante verité evangelicque & apostolicque estre vaincu
ce que plus on ne doibt souffrir & confus, enraige parlant en toy, & te fait aussy
ny endurer. Mais affin que plus enraiger, & par impetueuse commotion d’esperit te
aysement le cas soit d’ung chas- fait crier & dire. Je invocque le ciel & la terre en
cun entendu : par articles il temoignage de verité contre celle pompeuse &
convient proceder. orgueilleuse messe papale.
[Titre et Préambule] O diabolicque & blasphematoire invocation.
[xxix r°- xxx r°]
A un texte bref46 placardé pour être lu est substitué un long texte de pré-
dicateur, écrit certes pour être lu, mais plus encore déclamé. A un texte des-
tiné à une collectivité de simples gens abusés malgré eux, qui n’entre dans
le discours que par le truchement de la troisième personne, en position
d’objet47 (« le peuple », le « paovre monde »), est substitué un texte adressé
à un allocutaire individualisé par le « tu » – double parodique du « je » qui
assume l’énoncé des Placards dès le premier mot (« Je invocque »).
La contre-argumentation, qui dès le début s’appuie et sur la coprésence
et sur l’hypertextualité, est soutenue par plusieurs procédés. L’appel à
l’évidence supérieure (« manifestement », « certe est tout evident ») figu-
rait déjà dans le premier chapitre du Contre les tenebrions, mais avec un
lexique différent martelant la notion de clarté : « si cleres & evidentes
parolles », « telle evidente clarté », « clers & patentz »48. Il est associé ici
à la reprise des épithètes évangéliques, conjointe à la réappropriation de
la notion de vérité, centrale dans le débat théologique : « l’evangelicque
et apostolique verité », « la puissante verité evangelicque & apostolicque »,
valorisée par la disposition en chiasme. Hangest joue de la connivence
implicite avec le lecteur que suppose toute écriture parodique, sorte de
46 Les quatre points précis et concis des Placards, « loin des 27 abus catalogués dans la
Déclaration de la messe », sont résumés par Robert Hari, art. cit., p. 120.
47 Le locuteur des Placards ne s’adresse pas au peuple en tant qu’allocutaire, même si le
discours lui est destiné : il n’y a pas d’indice d’énonciation de deuxième personne qui
y renvoie.
48 Les expressions se trouvent concentrées au sein d’une même phrase : « Certe si la verité
n’estoit telle au divin sacrement, n’eussent usé de si cleres & evidentes parolles Jesu-
christ, et apres luy sainct Paul : car par telle evidente clarté eussent donné occasion d’er-
rer, & que ainsy soit, appert : car à leursdictes parolles ont creu depuis la passion innu-
merables peuples, voyant lesdictz textes ainsy clers & patentz », [xii v°].
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clin d’œil complice du discours citant vers le discours cité, d’autant plus
manifeste que le « mot-valeur »49 central des discours de référence – nova-
teur et conservateur – (sinon des textes en présence) est le même, sous
une forme différente : adjectivale pour le premier, vray ; nominale pour le
second, verité.
Cependant, la « connivence évangélique » est ici détournée de son
objet : elle fonctionne à l’origine comme instrument de contournement de
la censure, de la part d’auteurs qui communiquent entre eux, et avec leurs
lecteurs, au moyen d’épithètes courantes enrichies de multiples niveaux de
signification, dont vray est l’archétype50. A partir d’un hypotexte sans épi-
thète (voir l’extrait du Troisième article précédemment cité : « contre toute
verité, et apertement contre toute l’escripture »), Hangest exploite à son
profit l’arme forgée par les Evangéliques contre les docteurs de la Sor-
bonne ! Non seulement il reprend leurs épithètes à ses adversaires, mais
il les recontextualise, non sans ironie, en reproduisant leurs figures de rhé-
torique51 (répétition sémantique et lexicale, dérivation, polyptote …, ainsi
que l’antithèse) qui ont pour but de marteler un point clé et d’amener les
« simples gens » vers le vray : « les appeler horribles & importables, est
à toy horrible blaspheme & importable perversité », « sans horreur ont
beaulté fort plaisante : et ne sont importables, mais sans grevance ont doul-
ceur melliflue aux cœurs devotz ». Si l’on a présent à l’esprit le fait que,
dans une argumentation, le choix de l’épithète révèle « l’aspect tendan-
cieux de la présentation »52 d’un élément, Hangest s’avère doublement
adroit : il démasque son adversaire en mettant en exergue les épithètes
axiologiques qu’il adopte, c’est-à-dire le côté partial et réducteur de ses
propos ; il y substitue ses propres épithète évaluatives pour conduire ses
lecteurs à une réévaluation d’ensemble de l’objet du débat, dans le sens
des positions de la Faculté de Théologie, garante de ce qui convient « aux
cœurs devotz ».
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53 Dans le premier chapitre déjà, les Placards étaient considérés comme l’ouvrage de Satan
(« les cauteleux diables »), délégué à de « legiers & inconstantz esperitz », le pluriel
généralisant déniant par avance l’action personnelle – si ce n’est la responsabilité – du
rédacteur des Placards : « en son impudente bouche ne parloit le bon dieu mais le per-
vers & seducteur diable », [a iii r°].
54 « Jesuchrist est soubz les accidens du pain et du vin caché et enveloppé, qui est doc-
trine des diables, contre toute verité, et apertement contre toute l’escripture », Placards,
Troisième article, cité infra avec le texte du Contre les tenebrions en vis-à-vis.
55 D. Sangsue, La parodie, op. cit., p. 75.
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se multiplient dans les pages suivantes : « tu dis estre sainct sacré pain,
qui », « Tu en oultre produis ledict apostre », « Je te reponds malheureux
abusé & inique abuseur », « Tu affermes que ». Une telle construction rap-
proche le texte de la mimesis dialogale : le Contre les tenebrions trouve
ainsi sa place dans l’évolution du genre du dialogue au XVIe siècle, qui
s’éloigne progressivement du mode diégétique (ou narratif) pour devenir
de plus en plus mimétique (ou dramatique)57.
Mais la polyphonie dialogique n’est que simulacre. Avec une place
supérieure accordée à la prise de parole du « je », c’est surtout la dévalo-
risation du discours cité (par les commentaires, les apostrophes, ou les
dénégations du rapporteur : « Je te nie qu[e] ») qui prouve que la parole
n’est donnée à l’adversaire, « en quelque sorte mimé par l’auteur »58, que
pour être mieux reprise : « Honte debvrois avoir faire tant inepte argu-
ment », « tant puerile, tant frivole et debile argument », et plus loin, « les
indoctes, injustes & ridiculeuses argumentations » [xxxiv]. Les épithètes
dépréciatives, porteuses de calomnie, s’accumulent en polynômes : le pro-
cédé, caractéristique de l’écriture renaissante, prend souvent un rythme
ternaire, en écho au « drame à trois personnages »59, vérité, énonciateur,
adversaire, représenté par Hangest. L’inefficacité des arguments de l’au-
tre est aussi marquée par la présence des incises entre parenthèses, qui
ruinent à l’avance le succès de la parole adverse : « est doncq ton argu-
ment (comme tu dis) inevitable, povre aveugle », « Pour ton second arti-
cle blasphemant le redempteur, & ses ministres opprobriant tu te efforce
(& en vain) prouver », [xxxviv]60. Au passage, Hangest reprend l’axiolo-
gique paovre des Placards, en transformant la commisération récurrente
sous les plumes réformées (« paovre monde »61) en rabaissement injurieux
(« povre aveugle »), récurrent dans le traité :
mesme temps, il n’est point en la argument trop connu povre aveugle. Je te nie qu’il
terre ; et s’il estoit en la terre, il s’ensuive bien, si son corps est au ciel, il n’est ce
ne seroit point au ciel, car pour mesme temps en terre, responds, toy presumptueux
certain jamais ung veritable corps ignare : dieu est au ciel, s’ensuit il qu’il ne soit pour
n’est que en ung seul lieu pour le mesme temps en terre ? ton ame est au cœur, s’en-
une foys. suit il qu’elle ne soit pour le mesme temps au foye ou
[Deuxième article] au cerveau ? cloz ta bouche meschant malheureux,
aiant honte parler devant gentz clers. [xxxviiir]
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Dans son ensemble, le Contre les tenebrions apparaît comme une forme
mixte, où la parodie ne passe pas seulement par le matériau disponible
dans la mémoire collective, mais s’offre le luxe de citer mot à mot l’hy-
potexte en le subvertissant : il y a dégradation du discours d’autrui. La
réécriture se double d’une interpellation directe et offensive de l’adver-
saire, véritable atteinte à la dignité d’autrui : c’est une controverse qui
coupe le dialogue. En intégrant le contre-discours des Placards, Hangest
crée un discours agonique qui n’offre à l’adversaire aucune échappatoire :
il placarde à son tour une évidence, en reprenant les mots de l’autre,
auquel il refuse la parole, sous couvert de semblant de dialogue.
Le dialogue en effet suppose un terrain commun. Si celui qui s’affiche
dans la polémique – et dès le titre –, c’est l’Evangile et l’autorité des textes
saints, le terrain commun que se disputent discours et contre-discours est
en réalité la vérité : la controverse porte sur le vray, sur « l’evangelicque et
apostolique verité ». Le texte permet, par les apostrophes en formes d’in-
vectives, d’identifier la cible du Contre les tenebrions comme étant l’auteur
des Placards, et derrière lui les « hérétiques », mais le public réellement
visé par l’ouvrage apparaît moins nettement. S’agit-il des chrestians apos-
trophés dans le premier chapitre, susceptibles de balancer entre Rome et
Genève ? L’Institution de la religion chrétienne n’a pas encore été diffu-
sée : elle ne sera publiée qu’un an plus tard, en latin. Ou bien des simples
gens ? La lecture du Contre les tenebrions, contrairement aux ouvrages
habituellement élaborés par les docteurs de la Faculté, ne présuppose
aucune compétence des interlocuteurs : les citations sont fournies in
extenso, et explicitées ; elles sont même traduites, geste incompréhensi-
ble de la part d’un membre de la Faculté de Théologie qui interdit l’im-
pression de la Bible en langue vernaculaire. En revanche, la recontextua-
lisation des citations, comme le traitement qui leur est infligé, exigent une
clairvoyance et un esprit de synthèse qui ne sont peut-être pas le fait de
tous les « simples ». Cible et public sont dès lors fictifs : il s’agit avant
tout d’une volonté de se positionner soi-même, afin de montrer que l’Eglise
se défend contre les novateurs de tout acabit. La fonction du texte est autant
persuasive qu’agressive.
Le Contre les tenebrions n’est que le deuxième écrit en français d’un
docteur de la Faculté de Théologie, et l’accent mis sur la langue française
confirme que l’enjeu est linguistique. Le « tort » dénoncé par Hangest est
celui de la « spoliation lexicale ». Il combat le détournement de sens et de
vocabulaire, corollaire au détournement des notions théologiques, opéré
par les novateurs, pour revenir vers la « lumiere evangelicque ». En pré-
sence de deux vérités contraires qui s’affrontent, subsumées par une
topique commune, le docteur qui prête sa voix à la Faculté de Théologie
veut faire triompher la vérité qu’il estime être supérieure, celle dont est
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