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Gestion du risque
climatique en Afrique :
ce que la pratique
nous enseigne
La série Climat et Société a pour but de fournir des informations accessibles et faisant autorité sur les
recherches, la pratique et les politiques générales dans le domaine de la gestion du risque climatique, ce pour
contribuer au développement durable.
Cette série est un programme de l’Institut international de recherche pour le climat et la société (IRI).
L’IRI cherche à contribuer à l’établissement de conditions de vie durables et à la réduction de la pauvreté en
intégrant les informations relatives au climat dans les stratégies de gestion pour les secteurs sensibles au climat
comme l’agriculture, la sécurité alimentaire, les ressources en eau et la santé. L’IRI est un membre de l’Earth
Institute, Columbia University, New York.
L’équipe chargée de la publication de Climat et Société est constamment à la recherche de nouvelles
idées pour les prochains numéros de la série. Veuillez nous contacter pour nous faire part de vos idées ou pour
obtenir un complément d’information :
Molly E. Hellmuth
Director, Climate and Society Publication Secretariat
The International Research Institute for Climate and Society (IRI)
The Earth Institute at Columbia University, Lamont Campus
61 Route 9W, Monell Building
Palisades, NY 10964-8000, USA
E-mail : hellmuth@iri.columbia.edu
Tél. : +1 845-680-4463
Fax : +1 845-680-4866
http://iri.columbia.edu
La NOAA est un organisme relevant du Département du commerce des Etats-Unis et dont la mission est de
comprendre et de prédire les changements qui surviennent dans l’environnement de la Terre et de conserver
et gérer les ressources côtières et marines pour satisfaire les besoins économiques, sociaux et environnemen-
taux nationaux. Elle est à la tête de la recherche scientifique appliquée dans les domaines du climat, de la
météorologie et l’eau, des écosystèmes et du commerce et des transports, et elle fournit en outre des services
de gérance et des produits d’information afin d’aider la société à comprendre le rôle des océans, des côtes et
de l’atmosphère dans l’écosystème planétaire pour qu’elle puisse prendre les meilleures décisions sociales et
économiques.
NOAA Climate Program Office, 110 Wayne Av., Suite 1200, Silver Springs, MD 20874, USA ;
Tél. : +1 301-427-2089 ; site web : www.noaa.gov
Déclaration de non-responsabilité
La responsabilité finale des opinions exprimées dans le présent rapport incombe à l’équipe de rédaction, qui
les a condensées à partir des documents fournis par les nombreuses personnes ayant collaboré au rapport. Les
opinions qui y figurent ne sont pas forcément celles du DFID ou de la NOAA.
Gestion du risque
climatique en Afrique :
ce que la pratique
nous enseigne
Principaux auteurs
Introduction : Molly E. Hellmuth, Anne Moorhead et Jim Williams
Gestion des inondations au Mozambique : Filipe Lucio, Americo Muianga et Mike Muller
Sécurité alimentaire en Ethiopie : Teshome Erkineh
Contrôle du paludisme en Afrique australe : Stephen J. Connor, Joaquim Da Silva et Samson Katikiti
L’agriculture au Mali : Daouda Diarra et Pauline Dibi Kangah
Assurance contre la sécheresse au Malawi : Daniel Osgood et Duncan Warren
Enseignements et étapes suivantes : Molly E. Hellmuth, Anne Moorhead, Madeleine C. Thomson et
Jim Williams
Collaborateurs
Tony Barnston, Haresh Bhojwani, Mohammed S. Boulahya, Suzana Camargo, Pietro Ceccato, Tufa Dinku,
Bruno Gérard, Alessandra Giannini, Lisa Goddard, Arthur Greene, Emily Grover-Kopec, Mama Konaté,
Patrick Luganda, Maria Muñiz, Simon Mason, Randy Pullen, Chet Ropelewski, Pablo Suarez, Pierre C. Sibiry
Traoré, Sylwia Trzaska, Tsegay Wolde-Georgis et Stephen Zebiak
Equipe de révision
Mac Callaway, Jenny Frankel-Reed, Graeme Hammer, Sarah Macfarlane, Laban Ogallo, Roland Schulze et
Philip Thornton
ISBN 978-0-9729252-4-2
Référence intégrale
Hellmuth, M., Moorhead, A., Thomson, M., et Williams, J. (eds) 2007. Gestion du risque climatique en
Afrique : ce que la pratique nous enseigne. Institut international de recherche pour le climat et la société (IRI),
Columbia University, New York, USA.
Remerciements
De nombreuses personnes ont contribué à la 2006. Ces parties prenantes ont exprimé la
préparation de ce rapport. L’équipe centrale, les demande de l’élaboration du présent rapport et
collaborateurs et les réviseurs sont cités ci-des- participé activement aux consultations portant
sus. Les services de rédaction ont été fournis sur ses diverses versions préliminaires. (Le rap-
par Simon Chater et Anne Moorhead et ceux port de cet atelier peut être consulté sur le site
de conception graphique par Christel Chater www.wmo.ch/web/gcos/gcoshome.html.)
et Paul Philpot, tous quatre de Green Ink Les parties prenantes ont pu faire part
Ltd, Royaume-Uni. Rise Fullon et Francesco d’autres réactions et commentaires lors de la
Fiondella, tous deux de l’IRI, ont fourni des récente session parallèle Climate for Develop-
services supplémentaires de conception et ment in Africa: Learning from Practice,
de rédaction. La traduction en français a été parrainée par l’IRI, le GCOS, l’UNECA, la
réalisée par Isabelle Fernández. Banque africaine de développement et l’Union
L’équipe tient à remercier pour leur collabo- africaine, lors de la 12ème Conférence des
ration de nombreuses parties prenantes de gou- parties à la Convention-Cadre des Nations
vernements nationaux, d’universités, d’instituts Unies sur les Changements Climatiques, qui
de recherche, de partenaires de développe- s’est tenue à Nairobi en novembre 2006. Lors
ment, du secteur privé, de la société civile et de cette session parallèle, les études de cas
d’organisations non gouvernementales, qui ont été présentées et une version préliminaire
étaient présentes à l’atelier de travail Climate du rapport a été mise à disposition pour faire
Information for Development Needs : An l’objet de commentaires.
Action Plan for Africa, organisé par le Système L’équipe tient à remercier le Département
mondial d’observation du climat (SMOC britannique pour le développement inter-
– GCOS en anglais) sous les auspices de la national (DFID) et l’Administration nationale
Commission économique des Nations Unies océanique et atmosphérique des Etats-Unis
pour l’Afrique (UNECA) et qui s’est tenu au (NOAA) pour leur soutien financier dans le
siège de cette dernière, à Addis-Abeba, en avril cadre de la préparation de ce rapport.
Les auteurs principaux présentent leurs études de cas lors de la 12ème Conférence des parties à la Convention-Cadre des
Nations Unies sur les changements climatiques, Nairobi, novembre 2006 ; Haresh Bhojwani/IRI
iv
Avant-propos
de l’Union africaine
L’Afrique est parmi les régions les plus vul- nouvelle initiative, “SMOC-Climat et dévelop-
nérables du monde face aux impacts projetés pement en Afrique” (GCSO-Africa Climate
du changement climatique et, en tant que telle, for Development) qui commencera en 2007. Ce
elle est confrontée à de nombreux défis en ce programme, qui fait partie du Système mondial
moment crucial. Traditionnellement, les plans d’observation du climat, est conçu pour intégrer
nationaux de développement, les documents de les informations et les services climatiques dans
stratégie pour la réduction de la pauvreté et les le développement afin de favoriser les progrès
stratégies sectorielles dans les secteurs sensibles de l’Afrique dans le sens de la réalisation des
au climat n’ont guère, ou pas, prêté attention Objectifs du Millénaire pour le Développement.
à la variabilité climatique et encore moins Un objectif de première importance sera
au changement climatique. Notre aptitude à l’assimilation des informations climatiques dans
transformer une menace en occasion dépendra les programmes nationaux de développement, en
des mesures prises aujourd’hui. se concentrant au départ sur les secteurs les plus
Les responsables africains ont d’ores et sensibles au climat.
déjà commencé à prendre des mesures dans Ce rapport inaugural de la série Climat
leur région. Par exemple, l’Initiative sur et Société constitue une ressource clé pour la
l’environnement du Nouveau partenariat pour le planification et la pratique influencées par le
développement de l’Afrique (NEPAD) soutenue climat en Afrique – puisqu’il examine sous un
par la Commission de l’Union africaine (CUA), angle critique cinq expériences de gestion, en
ainsi que son Plan d’action associé, reconnais- cours, du risque climatique dans les secteurs de
sent l’importance économique de la variabilité la gestion de la réduction des risques, de la santé,
et du changement climatiques en incluant de l’agriculture et de la sécurité alimentaire.
parmi ses domaines de programmes la lutte Ce rapport constitue une occasion très utile de
contre les effets du changement climatique en réfléchir aux enseignements positifs qui peuvent
Afrique. De plus, la Stratégie régionale africaine être tirés de ces expériences, ainsi que sur les
pour la réduction des risques de catastrophe lacunes clés sur le plan des connaissances, de
du NEPAD, soutenue par la CUA, reconnaît l’information et de la capacité auxquelles nous
l’importance de la coordination entre toutes les devons remédier afin de gérer le risque clima-
agences pour élaborer et mettre en œuvre des tique en Afrique aujourd’hui.
stratégies proactives de prévention des catastro-
phes et d’intervention lors de catastrophes.
La CUA, dans le cadre d’un partenariat avec
la Commission économique des Nations Unies Ahmadu Babagana
pour l’Afrique et la Banque africaine de dévelop- Directeur, Département de l’économie rurale
pement, apporte son appui à une importante et de l’agriculture, Union africaine
Avant-propos
du Centre africain pour les applications de la météorologie au développement
On reconnaît comme un fait que l’Afrique, prise de décisions adaptés aux besoins locaux,
du fait de la pauvreté répandue et des capacités régionaux et continentaux et de renforcer les
d’adaptation et de survie par conséquent institutions climatiques existantes de la région.
limitées au sein de sa population, est l’une des Au sein du Centre africain pour les
régions du monde les plus vulnérables aux applications de la météorologie au dévelop-
impacts actuels de la variabilité climatique pement (ACMAD) nous reconnaissons dans
et aux impacts projetés du changement notre propre énoncé de mission qu’il est
climatique. Il est également bien connu que nécessaire de mener tous ces efforts, dans le
la plupart des catastrophes qui surviennent en but de soutenir le développement durable con-
Afrique sont causées au moins en partie par formément aux stratégies nationales, régionales
des conditions météorologiques défavorables. et continentales en vue de l’éradication de la
Ces catastrophes font peser une menace pauvreté, dans les domaines de l’agriculture,
sérieuse sur la réduction de la pauvreté et sur des ressources en eau, de la santé, de la sécurité
le développement durable dans ce continent. publique et de l’énergie renouvelable.
En 2004, les chefs d’Etat et de gouverne- Les études de cas novatrices présentées
ment de l’Union africaine ont réaffirmé leur ici démontrent que, lorsque leur utilisation
engagement à établir et renforcer des centres est fructueuse, les informations climatiques
d’excellence et des réseaux consacrés aux peuvent non seulement améliorer les moyens
questions agricoles et environnementales et de subsistance et les économies mais aussi
à mettre sur pied et améliorer des systèmes sauver des vies. Ensemble, nous pouvons tirer
régionaux d’alerte précoce pour lutter contre les enseignements de ces pratiques novatrices
les catastrophes naturelles. et, ce faisant, contribuer à créer une Afrique
En 2005, le Plan d’action de Gleneagles meilleure.
engageait les pays du G8 à soutenir les efforts
de l’Afrique en vue d’établir ou de moderniser
ses systèmes d’observation climatique, de
combler ses lacunes en matière de données Abdoulaye Kignaman-Soro
météorologiques, d’élargir sa capacité d’analyse Directeur général, Centre africain pour
et d’interprétation de ces données, de dévelop- les applications de la météorologie au
per des systèmes et outils de soutien pour la développement
vi
Introduction .............................................................................................................................................................................. 1
Climat et développement ........................................................................................................................................... 1
Variabilité climatique et changement climatique ........................................................................................ 4
Informations climatiques et climatologie ......................................................................................................... 4
Incorporer les informations climatiques dans le développement africain ................................... 8
Gestion du risque climatique ................................................................................................................................. 10
Références ............................................................................................................................................................................... 99
Liste d’acronymes.............................................................................................................................................................103
vii
Introduction
La réduction des risques associés à la variabilité climatique encouragerait les agriculteurs à utiliser plus d’intrants ;
M. Herrick/Chemonics/USAID
1
Introduction
Les sécheresses, à l’instar des inondations, peuvent entraîner une augmentation soudaine du nombre de réfugiés ;
H Caux/UNHCR
2
Gestion du risque climatique en Afrique : ce que la pratique nous enseigne
utilisant toutes les informations qu’ils peuvent catastrophes liées au climat constituent une
se procurer, prennent des décisions qui visent à menace tout particulièrement importante pour
réduire au minimum les risques liés au climat les progrès de nombreux pays africains en
et à exploiter les occasions liées au climat ; matière de développement.
par exemple, ils choisissent, dans la mesure du Dans le même temps, les quelques projets
possible, le moment de planter leurs cultures impulsés par la climatologie qui ont été lancés
de manière à ce qu’il coïncide avec le début des ont pour la plupart échoué à aborder le climat
pluies. Les gestionnaires de l’eau, de même, dans le contexte des besoins de développement.
tentent de s’informer et prennent des décisions En conséquence, les produits et les services mis
qui visent à réduire les impacts négatifs des au point par la communauté des chercheurs
variations climatiques sur les fleuves et rivières en matière de climat n’ont pas été aussi utiles
et sur les réservoirs. qu’ils auraient pu l’être.
La gestion du risque climatique est par Il devient évident que c’est d’une approche
conséquent d’ores et déjà pratiquée à divers intégrée que l’on a besoin, qui incorpore la
niveaux, et de manière plus ou moins efficace, climatologie dans la planification et les projets
aux quatre coins de l’Afrique sub-saharienne ; de développement multidisciplinaires. En
mais on pourrait en faire beaucoup plus. outre, et c’est un aspect crucial, cette approche
L’Afrique ne profite pas à l’heure actuelle de doit être également participative et faire inter-
tout ce que la climatologie peut lui offrir. En venir toutes les principales parties prenantes
Afrique sub-saharienne, les informations sur pour veiller à la satisfaction de leurs besoins
le climat qui, dans les pays développés, entrent réels. Les outils climatiques utilisés dans une
automatiquement en jeu lors de la prise de approche de ce type favoriseront la prise de
décisions, ne parviennent pas, dans la plupart décisions par les parties prenantes en mettant
des cas, aux décideurs sous une forme utile et à leur disposition de nouvelles informations
utilisable (IRI, 2006). qu’elles pourront incorporer dans la pratique.
La plupart des secteurs sur lesquels se Le climat n’est qu’un fil dans une toile
concentrent les efforts de développement sont complexe de facteurs qui affectent le dévelop-
sensibles au climat, y compris l’agriculture, la pement. Le renforcement des moyens de
santé, l’énergie, le transport et les ressources subsistance – par exemple en améliorant
en eau. L’incorporation des connaissances cli- la productivité agricole, en diversifiant les
matiques dans ces efforts pourrait en accroître activités au sein de l’exploitation agricole et
considérablement l’efficacité, mais à l’heure ailleurs, en facilitant l’accès aux marchés et aux
actuelle on laisse largement passer les occasions informations sur ces derniers et en améliorant
de le faire. Certains sont d’avis que cette omis- les infrastructures – réduira la vulnérabilité
sion nuit aux progrès effectués dans le sens de des personnes pauvres aux phénomènes
la réalisation des Objectifs de Développement extrêmes et à la variabilité climatiques. Mais
du Millénaire (ODM) (PNUD, 2002). Les l’incorporation des informations relatives
3
Introduction
au climat dans les efforts de développement fil des mois, des années et des décennies. Ce
pourrait aboutir à des résultats synergiques. Par concept englobe la variabilité prévisible, c’est-
exemple, confrontés à un climat incertain, les à-dire la marche des saisons, mais il comporte
agriculteurs tendent à ne prendre aucun risque aussi une incertitude inhérente. La saison des
et à adopter des stratégies de gestion conven- pluies est un événement prévisible, mais la
tionnelles. Ils choisissent de ne pas investir quantité de pluies, le moment où elles arrivent
dans les nouvelles technologies et optent et leur distribution sont incertains. Les progrès
pour des cultures moins risquées mais aussi de la climatologie, décrits ci-après, améliorent
moins rentables, même lorsque les conditions la prévisibilité des fluctuations du climat.
climatiques sont favorables. La réduction de Le changement climatique fait en général
cette incertitude pourrait avoir un effet direct référence aux tendances à plus long terme de la
sur leurs moyens de subsistance, tandis que les température moyenne ou des précipitations ou
agriculteurs gagnent en confiance et acquièrent encore de la variabilité climatique elle-même
la conviction qu’ils peuvent augmenter leur et souvent à des tendances découlant entière-
productivité en innovant (Hansen et al., 2004). ment ou en partie des activités humaines,
notamment le réchauffement planétaire causé
Variabilité climatique et par la combustion des énergies fossiles. Les
changement climatique scénarios du changement climatique tentent
Les conditions météorologiques reflètent la en général de représenter le climat dans 50
variabilité des conditions atmosphériques ou 100 ans. Ces projections à long terme
de jour en jour et de semaine en semaine. comportent un haut degré d’incertitude, de
L’expression “variabilité climatique”, en sorte que les stratégies actuelles d’adaptation
revanche, se réfère aux variations du système au changement sur la base d’une perspective à
climatique, lequel englobe les océans et la si long terme risquent d’aboutir à des regrets
surface terrestre, ainsi que l’atmosphère, ce au s’il s’avère que nos attentes sont erronées. Il est
Le renforcement des capacités nationales et locales pour la gestion des risques liés au climat,
tels qu’on peut les comprendre actuellement, constitue la meilleure stratégie pour parvenir à
gérer le risque climatique plus complexe à l’avenir. Il est également plus faisable de mobiliser
des ressources politiques et financières nationales et internationales pour gérer un scénario de
risque existant que d’aborder un scénario futur hypothétique. L’adaptation à moyen et à long
terme doit débuter dès aujourd’hui avec des efforts en vue d’améliorer la gestion et l’adaptation
aux risques actuels. Les enseignements tirés des pratiques actuelles, ainsi que l’idée selon
laquelle on apprend en faisant, revêtent une importance cruciale.
PNUD, 2002.
4
Gestion du risque climatique en Afrique : ce que la pratique nous enseigne
Les données fournies par les satellites viennent compléter les observations sur le terrain. Ici,
images de la vapeur d’eau qui caractérise la mousson ouest-africaine ; NRL Monterey
toutefois évident qu’en apprenant dès mainten- • Les données en temps réel, c’est-à-dire
ant à mieux gérer la variabilité climatique au les observations climatiques en cours. Ces
fil des saisons et d’une année sur l’autre nous données facilitent les prédictions à courte
parviendrons à augmenter la résistance des échéance des conséquences de phénomènes
infrastructures et des systèmes et à renforcer météorologiques précis – par exemple
notre aptitude à nous adapter au changement précipitations importantes entraînant une
climatique futur. Il est prévu que le change- inondation
ment climatique entraînera des phénomènes • Les prévisions climatiques, c’est-à-dire des
extrêmes plus fréquents et plus destructeurs. prédictions du climat, allant des prévisions
Apprendre à mieux gérer les événements de météorologiques à échéance prolongée
ce type dès à présent contribuera au moins à aux projections du changement climatique
protéger les sociétés lors d’événements futurs à moyenne échéance (10–30 ans) et à
encore plus extrêmes. échéance prolongée, en passant par les
prévisions saisonnières
Informations climatiques et Les progrès de la météorologie améliorent
climatologie la disponibilité et la qualité de ces trois types
Il y a trois types d’informations climatiques : d’informations. Les techniques de sauvetage
• Les données historiques, qui aident à élu- des données sont en passe d’étendre les
cider les tendances, fournissent des statis- ensembles de données historiques et de les
tiques climatiques, établissent un contexte rendre plus accessibles et plus utiles. La
pour les données actuelles et permettent de télédétection par satellite fournit de grandes
quantifier la variabilité et la survenance de quantités de données utiles pour compléter
phénomènes extrêmes les observations sur le terrain (bien que ces
5
Introduction
La prévision du début des pluies est d’une difficulté notoire ; Christophe Courteau/BIOS/Still Pictures
dernières restent essentielles pour calibrer les que sur 10 jours environ. Cependant,
données satellite). La capacité de modélisation l’atmosphère elle-même réagit aux conditions
climatique s’améliore rapidement avec la mise de surface de la terre et de la mer, lesquelles
au point de nouveaux logiciels et d’ordinateurs varient beaucoup plus lentement. Ainsi,
plus puissants. en mesurant ces conditions, en particulier
Les prévisions saisonnières sont potentiel- la température de la mer, il est possible de
lement très utiles pour planifier les activités prédire le climat sur plusieurs mois. Il est
agricoles (Hansen et al., 2004) et comme point tout particulièrement utile de mesurer les
de départ pour l’alerte précoce et la planifica- températures de la mer dans l’océan Pacifique
tion des interventions. Bien sûr, ces prédictions tropical. Le phénomène El Niño-oscillation
indiquent une “orientation des probabilités” australe (ENSO) est lié à des changements
dans le sens d’un résultat particulier ; elles de la température de surface de la mer dans le
ne donneront jamais une prédiction “par- Pacifique et à la configuration de la circula-
faite” – une prédiction qui s’avère correcte à tion des courants atmosphériques associés. El
100%. Le défi consiste à incorporer ce type Niño est utilisé pour décrire des températures
d’information probabiliste, avec ses incertitudes croissantes, La Niña des températures à la
explicites, dans la prise de décisions. baisse. ENSO constitue la source la plus signi-
Les conditions atmosphériques ne permet- ficative de variabilité climatique saisonnière
tent de prédire les conditions météorologiques au niveau mondial et les précipitations dans
6
Gestion du risque climatique en Afrique : ce que la pratique nous enseigne
7
Introduction
Le climat africain
Des saisons des pluies et des saisons sèches, très distinctes, caractérisent le climat de la plus grande
partie de l’Afrique. La région du Sahel, du Tchad à l’Atlantique, connaît des pluies de mousson entre
mai et octobre, la plus grande partie d’entre elles tombant en juillet, août et septembre. L’Afrique
australe connaît elle aussi des pluies de mousson durant l’été austral. Les régions équatoriales ont en
général deux saisons des pluies distinctes. La saisonnalité typique des pluies, c’est-à-dire le moment
où elles surviennent, est principalement déterminée par la position du soleil. Les schémas typiques
(ou moyens) locaux des précipitations sont souvent affectés par les caractéristiques géographiques
locales, comme les montagnes.
La variabilité d’une année sur l’autre des précipitations en Afrique sub-saharienne est influencée
par plusieurs facteurs, dont les températures de surface de la mer dans les eaux environnantes. La plus
grande partie des précipitations saisonnières en Afrique orientale et australe semble étroitement liée
au phénomène ENSO (El Niño) et en particulier aux températures de surface de la mer dans l’océan
Indien, tandis que l’Atlantique influe sur l’Afrique de l’ouest.
La prévisibilité est meilleure dans certaines régions que dans d’autres (Figure 1). Il existe une
région de haute prévisibilité autour du lac Victoria, en Afrique orientale, tandis que la région du sud
de l’Ethiopie a une prévisibilité modérée. La prévisibilité en Afrique orientale est plus élevée pour la
période des pluies courtes d’octobre à décembre que pour la période des pluies longues de mars
à mai. Les précipitations en Afrique de l’ouest sont bien prévisibles dans la région côtière humide ;
la prévisibilité diminue à mesure que l’on
remonte vers le Sahel. La plus grande partie
de l’Afrique australe est dotée d’une bonne
prévisibilité.
Si l’on se base sur des périodes plus
longues, les précipitations dans certaines
parties de l’Afrique, en particulier le Sahel, ont JAS
8
Gestion du risque climatique en Afrique : ce que la pratique nous enseigne
Des inondations récentes au Kenya ont chassé les villageois de leurs habitations, détruit les cultures et le bétail et causé une
importante érosion des sols ; B. Bannon/UNHCR
9
Introduction
pement sensibles au climat (à tous les niveaux) du discours relatif au climat s’est tenu, jusqu’ici,
constitue aujourd’hui une exigence urgente et aux niveaux national et international. Il faut
prioritaire pour l’Afrique.” remédier à cette disparité si l’on veut mettre au
Entre autres problèmes, cette analyse a point des pratiques – et des politiques – fruc-
identifié un manque de données relatives d’une tueuses qui tirent le meilleur parti possible des
part à l’impact de la variabilité du climat sur les informations climatiques.
résultats de développement sensibles au climat Ceci représente un défi pour les profession-
et, d’autre part, aux avantages des informations nels de la communication, et en particulier les
climatiques pour ce qui est de l’amélioration de médias, ainsi que pour les infrastructures et les
ces résultats. Bien qu’il y ait une grande quan- réseaux de communication (Panos, 2006). Il
tité de données heuristiques sur les avantages est nécessaire d’établir le dialogue avec toutes
de l’intégration des informations climatiques les parties prenantes, de faciliter la prise de
dans la prise de décisions, il manque des conscience et l’éducation et de soutenir le dia-
analyses qui quantifient ces avantages, ainsi logue pour que les utilisateurs puissent influer
que les coûts de la variabilité du climat. Pour la sur la conception des services qu’ils reçoivent.
modélisation et les prévisions climatiques, on La communication sur les questions relatives
pourrait attribuer ce manque au fait que nom- au climat comporte des défis sans pareils
bre des interventions offertes par la science du pour les journalistes, y compris la nécessité de
climat sont le résultat de progrès récents, de présenter les incertitudes qui accompagnent les
sorte qu’une quantité significative de données prévisions et les prédictions de façon claire et
n’a pas encore eu le temps de se constituer. La compréhensible. Des progrès ont été réalisés
sensibilisation aux informations climatiques dans ce domaine (Cf. “Communiquer le climat
et la présentation de données concernant leurs en Afrique”), mais il reste encore beaucoup à
valeurs aux décideurs dans les secteurs sensibles faire.
au climat constituent donc un défi important. L’analyse des lacunes a fait ressortir de
Les parties prenantes au niveau com- nombreuses insuffisances dans les services
munautaire, et en particulier les agriculteurs, et les données climatiques en Afrique sub-
constituent le groupe le plus important à saharienne. On estime, par exemple, que la
engager dans la campagne en vue d’incorporer densité de stations météorologiques est huit
les informations climatiques dans la prise de fois inférieure au minimum recommandé
décisions. En plus d’être le groupe le plus par l’Organisation météorologique mondiale
vulnérable au climat, il s’agit aussi du groupe le (OMM) (Giles, 2003). Nombre de ces stations
plus grand de décideurs au sein du secteur agri- ne sont pas fonctionnelles, car les gouverne-
cole, lequel revêt une énorme importance. Pour ments n’ont pas investi dans l’équipement et
que les informations et les services climatiques le personnel qualifié. Ces insuffisances et les
puissent soutenir ce groupe, la participation de autres limites au niveau des services et des
ses membres est cruciale. Or, une grande partie données doivent être abordées.
10
Gestion du risque climatique en Afrique : ce que la pratique nous enseigne
11
Introduction
12
Gestion du risque climatique en Afrique : ce que la pratique nous enseigne
Les occasions d’incorporer les informations et négatifs, de ces cas pris individuellement et
climatiques dans les activités de développe- dans leur ensemble, pour en tenir compte dans
ment en Afrique sub-saharienne ne sont en les politiques et pratiques futures de GRC.
général pas exploitées à l’heure actuelle. Il y Les études de cas couvrent les trois secteurs
a, toutefois, quelques exceptions notables. On sensibles au climat que sont l’agriculture, la
trouve en particulier quelques bons exemples santé et l’eau. La sécurité alimentaire, qui est
de situations dans lesquelles les autorités étroitement liée à l’agriculture mais constitue
nationales, des projets de développement ou une problématique distincte, est elle aussi
des opérateurs du secteur privé ont reconnu abordée. Ces études de cas portent sur les cinq
la valeur des informations climatiques et ont aspects suivants :
cherché à systématiser leur inclusion dans leur • Gestion des inondations au Mozambique
prise de décisions. Ces cas comportent des • Sécurité alimentaire en Ethiopie
éléments de bonnes pratiques de GRC qui • Paludisme épidémique en Afrique australe
peuvent influer sur les efforts futurs. • Agriculture au Mali
L’identification et la documentation de • Assurance contre la sécheresse au Malawi.
ces bonnes pratiques constituent la principale Les cas comportent des exemples de
raison d’être du présent rapport. Il a un autre gestion des risques climatiques “de tous les
but, à savoir tirer des enseignements, positifs jours”, comme ceux associés à l’agriculture
Le climat constitue un risque “de tous les jours” pour les petits agriculteurs du Mali ; D. Telemans/Panos Pictures
13
Les études de cas
au Mali, et également la gestion de risques conclusions qui fait ressortir les principaux
associés à des phénomènes climatiques enseignements spécifiques au projet. L’étude de
extrêmes exceptionnels, comme les inondations cas du Malawi, qui décrit un projet lancé il y a
survenues au Mozambique. peu, suit une structure quelque peu différente
Chaque étude de cas commence par une et met davantage l’accent sur le concept et la
courte section qui comporte des informa- conception de l’innovation mise à l’épreuve
tions de référence. Dans tous les cas, sauf le plutôt que sur la présentation des résultats ; la
Malawi, le cadre des politiques générales et de manière d’avancer est ensuite esquissée et, pour
la planification dans lequel opère la stratégie finir, quelques enseignements et conclusions
de GRC est ensuite décrit, suivi d’un compte provisoires sont présentés.
rendu de la manière dont les informations La section finale de ce rapport présente
climatiques sont incorporées dans la prise de quelques enseignements génériques dérivés des
décisions dans la pratique, puis d’une section cas, puis propose des points d’action afin de
qui se penche sur l’expérience et traite des faciliter la transition vers un développement en
éléments relevant de bonnes pratiques de Afrique qui se montre plus conscient du climat
GRC; on trouve, pour finir, une section de et plus à même d’y réagir.
14
Gestion du risque climatique en Afrique : ce que la pratique nous enseigne
15
Gestion des inondations au Mozambique
Le secteur de la pêche du Mozambique, tout comme son agriculture, est extrêmement vulnérable aux extrêmes
climatiques ; Sean Sprage/Still Pictures
16
Gestion du risque climatique en Afrique : ce que la pratique nous enseigne
Distribution des endroits sensibles aux désastres naturels liés aux risques cycloniques: Afrique du Sud-Est
Risques liés aux pertes economiques proportionnels au PNB par unité de surface
Figure 2.
République
démocratique du Congo
Tanzanie Carte des risques
de cyclones pour le
Mozambique.
Source : Center for
Malawi
Hazards and Risk
Zambie Research et Columbia
University, 2005.
Mozambique
Zimbabwe
20°
République du Botswana
Tropique du
Capricorne
moyenne de 8%, mais le développement a été les éléments relevant des meilleures pratiques
inégal : les zones urbaines – où vit environ 23% de la stratégie de GRC du pays.
de la population – ont rapidement dépassé les
zones rurales. Politique générale et planification
Cette étude de cas se penche sur la manière en vue des inondations
dont le Mozambique se prépare en vue des Reconnaissant les risques de catastrophes liées
inondations et les gère, en se basant sur les au climat, les gouvernements mozambicains de
expériences de 2000, année où les pires inonda- l’après-indépendance se sont efforcés de mettre
tions de mémoire d’homme ont touché de en place des structures en vue d’en gérer et d’en
vastes zones du pays. Elle examine les informa- atténuer les impacts. Le Département de lutte
tions climatiques qui étaient disponibles et la contre les catastrophes naturelles a été mis sur
manière dont elles ont été utilisées, avant et pied en 1977. En 1999, une nouvelle politique
pendant la catastrophe. Elle se penche ensuite nationale relative à la gestion des catastrophes
sur les inondations de 2000 et en particulier sur a été adoptée et le Département de lutte contre
17
Gestion des inondations au Mozambique
Figure 3.
Le Mozambique,
TANZANIE
ses pays voisins
et les principaux
ANGOLA
bassins fluviaux.
MALAWI
ZAMBIE
MOZAMBIQUE
ZIMBABWE
BOTSWANA Buzi
Incomati
Limpopo
Maputo
Pungoe
Rovuma
AFRIQUE DU SUD
SWAZILAND Save
Umbeluzi
Zambezi
LESOTHO
Le Mozambique a mis en place des politiques et des structures lui permettant de faire face jusqu’aux inondations. Ici,
acheminement de nourriture et d’eau potable aux familles touchées ; P.-A. Pettersson/Still Pictures
18
Gestion du risque climatique en Afrique : ce que la pratique nous enseigne
les catastrophes naturelles a été remplacé par le rôle de cette équipe est de suivre la situa-
l’Institut national de gestion des catastrophes. tion, de recevoir et analyser l’information, de
Ceci a accompagné un changement d’approche recommander des interventions, d’assurer la
de la gestion des catastrophes : de la réaction à collaboration entre les différents organismes
l’état de préparation. concernés et de coordonner les activités aux
Dans le cadre de la nouvelle politique, la niveaux central et local.
préparation en vue des inondations est facilitée Les Administrations régionales de l’eau
par un système d’alerte précoce contre les travaillent au niveau du bassin fluvial, surveil-
inondations. Ce système fournit des prévisions lent les niveaux de l’eau et fournissent des
de risques d’inondation, détecte et surveille données à l’Institut météorologique national.
les inondations et lance des alertes concernant Celui-ci recueille par ailleurs des données
l’arrivée d’une inondation au besoin, préparant auprès des stations météorologiques de tout le
ainsi le terrain pour une intervention coordon- pays, ainsi que celles fournies par l’équipement
née. Le système d’alerte précoce contre les radar et les satellites. Il utilise ces données pour
inondations est coordonné par la Direction mettre les prévisions à jour régulièrement.
nationale de l’eau, en collaboration avec Les Administrations régionales de l’eau
l’Institut national de météorologie et l’Institut émettent, au besoin, des avertissements
national de gestion des catastrophes. Cette concernant le risque d’inondation aux autorités
collaboration reflète l’intégration essentielle gouvernementales des districts, ainsi qu’aux
des informations hydrologiques et climatiques médias (radio, télévision et journaux). Les
nécessaires pour comprendre et prédire les autorités des districts et les autorités locales, en
inondations et pour gérer une intervention collaboration avec la Croix-Rouge et d’autres
efficace. organisations non gouvernementales (ONG),
Depuis 1996, les prévisions climatiques sont chargées de diffuser les informations, et
ont fourni la base de la planification d’urgence. en particulier les avertissements, au niveau
L’Institut météorologique national recueille local et d’évacuer les populations avant la
les données météorologiques et prépare une montée des eaux.
série de prévisions – saisonnières (octobre Un comité de haut niveau de ministres
à mars), sur 4 jours et quotidiennes. Il est présidé par le Premier ministre devient l’organe
également chargé de suivre les cyclones. Avant chargé de prendre les décisions en cas de catas-
la saison des pluies, en octobre, les prévisions trophe. Il est soutenu par un comité technique
saisonnières forment la base d’une réunion composé d’experts des ministères des Travaux
d’experts en ressources en eau, qui évaluent publics et du logement, du Transport et des
l’état de préparation par rapport aux condi- communications, de la Santé, de l’Agriculture,
tions météorologiques prévues. Si l’on attend de l’Environnement, de la Défense et des
des inondations, une “équipe inondation” est Affaires étrangères. Les membres de ce comité
mobilisée. Lorsque l’inondation survient, se réunissent tous les jours pendant la durée de
19
Gestion des inondations au Mozambique
la catastrophe. L’Institut national de gestion lorsque les deux pays étaient pratiquement en
des catastrophes est responsable de la coordi- guerre durant les années 80.
nation de l’intervention.
Le Mozambique s’est donc doté de Les inondations de 2000
politiques et de structures pour la gestion des La réunion du SARCOF de septembre 1999
inondations en son sein, mais il ne peut pas avait lancé un avertissement concernant une
relever ses défis climatiques liés à l’eau à lui haute probabilité de pluviosité supérieure à
seul, puisque les phénomènes météorologiques la moyenne entre octobre et décembre 1999
survenant à l’extérieur du pays déterminent pour la plus grande partie du Mozambique,
souvent largement la situation interne. La malgré une probabilité de 45% de précipita-
coopération régionale est par conséquent tions normales dans la plus grande partie du
cruciale, en particulier pour ce qui est de la bassin fluvial du Limpopo. Pour la période
prédiction des inondations. de janvier à mars 2000, on avait estimé à 50%
Cette coopération est facilitée par le Forum la probabilité d’une pluviosité supérieure à
régional sur l’évolution probable du climat en la moyenne dans la région centrale (plaines
Afrique australe (Southern African Regional fluviales du Buzi et du Save), tandis que le sud
Climate Outlook Forum – SARCOF), qui du Mozambique n’avait que 30% de chance
relève de la Communauté pour le développe- d’une pluviosité supérieure à la moyenne.
ment de l’Afrique australe (SADC). Le rôle La prévision mise à jour en décembre avait
du SARCOF consiste à faciliter l’échange légèrement réduit la probabilité pour le centre
d’informations et l’interaction entre les du Mozambique à 45% et accru celle du sud du
météorologues, les décideurs et les utilisateurs Mozambique à 35%, toujours pour la période
d’informations climatiques dans les 14 Etats de janvier à mars 2000.
membres de la SADC. Chaque année, en L’Institut météorologique national était
septembre, le SARCOF organise une réunion inquiet de cette situation. L’année précédente,
régionale pour échanger les données et ses scientifiques avaient remarqué une cor-
préparer les prévisions saisonnières pour les rélation entre l’activité La Niña et des pluies
pays de la SADC. Ces prévisions sont prises importantes dans le sud du Mozambique,
en compte dans la prédiction d’inondations au conditions qui semblaient à présent se répéter
Mozambique. avec une force accrue. Ils auraient également
Les autorités chargées de l’eau dans cette remarqué que 1999/2000 coïncidait avec le
région échangent également des données à pic cyclique de l’activité des taches solaires ,
intervalles réguliers. Il est intéressant de noter lequel avait, durant les 100 années précédentes,
que la nécessité d’une gestion coordonnée de correspondu à des périodes de précipitations
l’eau transcende souvent les désaccords poli- exceptionnellement importantes.
tiques : le Mozambique a maintenu l’échange C’est sur cette base que les services
d’informations avec l’Afrique du Sud même météorologiques mozambicains élevèrent
20
Gestion du risque climatique en Afrique : ce que la pratique nous enseigne
Il n’y avait pas beaucoup de bateaux disponibles lorsque la catastrophe survint ; T. Boldstadt/Panos Pictures
21
Gestion des inondations au Mozambique
plutôt par l’effet cumulé d’une succession de cyclone situé au-dessus de l’océan, Gloria,
phénomènes. Bien que chacun d’entre eux eût entra en scène, contribuant au débordement
été prédit et surveillé, en partie avec succès, la record des rivières Limpopo, Incomati, Save
manière dont ils agirent les uns sur les autres et Buzi. Enfin, le cyclone Hudah arriva sur
était complexe et avait été moins bien prévue. les talons d’Eline en avril.
Comme l’avaient prédit les prévisions Des alertes furent lancées au fur et à
régionales, il y eut de fortes pluies dans le sud mesure que les inondations s’intensifièrent.
du Mozambique et dans les pays adjacents Mais ces alertes n’étaient pas toujours exactes
(Afrique du Sud, Botswana, Zimbabwe et et, dans certains cas, les populations ne les
Swaziland) entre octobre et décembre. Au comprirent pas et n’en tinrent pas compte.
début du mois de février, un cyclone au-dessus L’intérêt des médias s’intensifia à mesure
de l’océan Indien, le cyclone Connie, causa que la catastrophe prit de l’ampleur. Les médias
d’autres pluies importantes dans la zone de nationaux et internationaux commencèrent à
Maputo. Les rivières Limpopo, Incomati et faire des reportages sur les inondations, en y
Umbeluzi furent toutes trois affectées à ce incluant des récits spectaculaires de tragédie et
moment-là, les niveaux d’eau atteignant des de sauvetages héroïques.
maximums encore jamais enregistrés. Trois L’ampleur des inondations dépassa de
semaines plus tard, le cyclone Eline arriva, loin tout ce dont on se souvenait de mémoire
s’enfonçant dans les terres, faisant déborder les d’homme. Les villes de Xai-Xai et Chokwe,
rivières Save et Buzi dans le centre du pays et au bord du Limpopo, ainsi que de nombreux
aggravant la crue du fleuve Limpopo, dans le autres villages et petites villes de la même
sud. Au début du mois de mars, un troisième région, furent complètement inondés et
Certaines parties du bassin fluvial inférieur du Limpopo furent submergées pour la première fois de mémoire d’homme ;
P.-A. Pettersson/Still Pictures
22
Gestion du risque climatique en Afrique : ce que la pratique nous enseigne
23
Gestion des inondations au Mozambique
24
Gestion du risque climatique en Afrique : ce que la pratique nous enseigne
Les communications entre les différents médias n’avaient pas un rôle défini et ne
groupes situés sur la “ligne de front” se sont commencèrent à parler de l’événement qu’une
avérées, pour la plupart, bonnes. Les informa- fois la catastrophe en cours. Il semble que de
tions et les données étaient échangées par nombreuses personnes n’aient pas pleinement
téléphone, radio, e-mail et fax. Les bons compris le danger en présence ; elles choisirent
rapports établis avant cette catastrophe, de rester chez elles et certaines trouvèrent ainsi
tant au sein même du Mozambique qu’avec la mort, alors que d’autres durent être secou-
les pays voisins, formaient la base des com- rues tandis que les eaux de crue montaient.
munications formelles et informelles.
Nous avons eu un problème parce que
certains ne nous ont pas crus, il n’avaient
Il faut avoir de très bons rapports de travail jamais rien vu de pareil. C’est pour cela
avec tous ses partenaires. Au Mozambique, que beaucoup de personnes sont mortes.
nous n’avons aucun problème – si je dois Par exemple, Xai-Xai et Chokwe n’avaient
appeler Muianga à 2 heures du matin jamais été inondées de mémoire d’homme.
je le fais et je sais qu’il va répondre. Si je
Americo Muianga.
dois appeler mon ministre à 3 heures du
matin, je l’appelle à 3 heures du matin et
il répond à mon appel. Les ressources – humaines et financières –
Filipe Lucio. étaient limitées tant durant la préparation
aux inondations qu’au moment de les gérer.
Le Mozambique n’était pas en mesure de
Cependant, des informations différentes maintenir sur pied un personnel d’inter-
provenaient de différentes sources, ce qui vention important consacré à la gestion des
donna lieu à une certaine confusion. Le catastrophes, mais dut plutôt mobiliser des
gouvernement comptait sur les institutions membres du personnel selon les besoins de la
gouvernementales, mais les ONG, les organi- situation. Les organismes bailleurs de fonds
sations d’aide et les autres entités recevaient ne répondirent pas de manière adéquate
des prévisions des Etats-Unis ou d’autres aux appels de fonds pour la préparation
sources mondiales. La nécessité de ce qu’il y pré-inondations, mais un financement
ait une seule voix fournissant des informations substantiel post-catastrophe fut fourni.
à tous les groupes de parties prenantes a été Après les inondations de 2000, un travail
un enseignement précieux qui s’est dégagé de considérable de réflexion et d’analyse a été
l’expérience de cette catastrophe. entrepris et il a abouti à certaines améliorations
La communication des alertes concernant au niveau du système d’alerte précoce contre
les inondations au grand public constitua les inondations et sur le plan des pratiques de
une gageure encore plus considérable. Les gestion des inondations.
25
Gestion des inondations au Mozambique
26
Gestion du risque climatique en Afrique : ce que la pratique nous enseigne
Mozambique, cette fois principalement dans la l’année précédente. Des hélicoptères avaient
région du fleuve Zambezi. Bien que ces inon- été révisés et étaient prêts à s’envoler lorsque
dations n’aient pas été comparables en ampleur des inondations furent encore une fois prévues.
à celles de 2000, elles mirent en évidence Les médias commencent à être reconnus
quelques améliorations survenues suite à la comme une voie importante pour informer
catastrophe de l’année précédente, principale- la population sur les inondations et autres
ment sur le plan des activités d’intervention. catastrophes. Des efforts sont en cours pour
L’armée mozambicaine était prête à apporter faire intervenir les médias dans le processus
son assistance, à l’aide de bateaux donnés de prédiction d’inondations et de planification
27
Gestion des inondations au Mozambique
Il est nécessaire d’arriver à un équilibre entre les mesures structurelles et non structurelles pour
l’atténuation des effets d’une inondation, c’est-à-dire tant la planification que des mesures
physiques. Un bon plan d’urgence est une condition sine qua non.
Il est important d’avoir une coordination institutionnelle robuste qui tire le meilleur parti des
informations et des ressources disponibles – l’échange de données au niveau régional continue
d’être un défi pour nous.
Nous devons faire intervenir les communautés vulnérables dans la préparation en vue
d’inondations et les éduquer sur les risques. Des messages appropriés, clairs et opportuns
durant une situation d’inondation sont également vitaux. En fin de compte, le défi à long terme
pour le Mozambique est d’apprendre à vivre avec des inondations.
Americo Muianga,
ancien directeur national des Affaires de l’eau.
28
Gestion du risque climatique en Afrique : ce que la pratique nous enseigne
La radio locale est un outil important pour la diffusion des alertes aux inondations ; E. Tobisch/Still Pictures
29
N.Behring/UNHCR
Gestion du risque climatique en Afrique : ce que la pratique nous enseigne
31
Sécurité alimentaire en Ethiopie
pour leurs moyens de subsistance ; ceci se et le mil à chandelle, lesquelles seront récoltées
reflète dans la façon remarquable dont les entre octobre et décembre. Cependant, le plus
fluctuations du PIB suivent les précipitations souvent, ces cultures sont semées au début de
(Figure 5). la grande saison des pluies, en juin. En plus de
L’Ethiopie possède un climat varié, tant sur son importance pour la préparation des terres,
le plan spatial que temporel. Au sein des prin- la petite saison des pluies revêt une impor-
cipales régions productrices, les précipitations tance vitale pour la culture du café, qui fleurit
annuelles sont attendues durant deux saisons. durant cette période, et pour la régénération
Une petite saison des pluies apparaît en général des pâturages utilisés pour l’alimentation du
entre février et mai puis, après une brève bétail. Ainsi, si les pluies sont insuffisantes ou
période sèche, les pluies principales arrivent absentes durant la petite saison, il peut y avoir
normalement aux alentours de juin et durent de sérieux impacts sur la sécurité alimentaire et
jusqu’en septembre. Durant la petite saison des les cultures vivrières. Les cultures de rente et le
pluies, les terres sont labourées et des cultures bétail peuvent être affectés. Les conséquences
à cycle court sont plantées – elles représentent deviennent encore plus graves lorsque les pluies
entre 7 et 10% de la production agricole du de la grande saison sont déficitaires.
pays, mais peuvent être beaucoup plus impor- L’est et le nord du pays sont les régions les
tantes au niveau local. Si la petite saison des plus vulnérables à la sécheresse et présentent
pluies s’établit et ne se tarit pas, c’est aussi une le degré le plus élevé d’insécurité alimentaire
période potentielle pour le semis des princi- (Figure 6). Il pleut en général plus sur l’ouest.
pales cultures vivrières du pays, les céréales à Mais même lorsque les pluies arrivent comme
maturation tardive comme le maïs, le sorgho prévu, l’Ethiopie ne parvient pas à pourvoir à
Figure 5.
Variation des précipitations autour de la moyenne (%)
80 25 Précipitations et PIB
en Ethiopie.
Changement de la croissance du PIB (%)
20
60 Source : Banque
15
40 mondiale (2006).
10
20 5
0
0
-5
1982
1983
1984
1985
1986
1987
1988
1989
1990
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
-20 -10
-15
-40 Année
-20
-60
-25
-80 Variabilité des précipitations -30
Croissance du PIB
32
Gestion du risque climatique en Afrique : ce que la pratique nous enseigne
��������
Figure 6.
L’Ethiopie et ses
�����
������ précipitations.
������
Source : Famine Early
Warning Systems
����
�������� Network (www.fews.
������
net/centers)
����� �������
�������
������
������� ������
������
�������������
������
�������
�����
�������
ses besoins alimentaires. Depuis le milieu des pauvres, qui disposent d’options très limitées
années 70, le pays se voit obligé à dépendre de sur le plan des moyens de subsistance même
l’aide alimentaire presque chaque année pour dans des conditions climatiques favorables, et
nourrir une partie de sa population (Figure 7). ceux qui jouissent normalement de la sécurité
La variabilité qui caractérise le climat alimentaire mais qui peuvent sombrer dans
de l’Ethiopie présente un défi considérable l’insécurité lorsque les conditions climatiques
pour ses habitants. La pauvreté, aggravée se détériorent. Les problèmes de ces groupes
par d’autres facteurs, dont la densité sont abordés de manières similaires mais
démographique élevée, la dégradation de avec certaines priorités sur des aspects dif-
l’environnement et les conflits, accroît la férents. Pour ceux qui se trouvent en situation
vulnérabilité de la population à la sécheresse, d’insécurité alimentaire chronique, le gou-
ce qui entraîne l’insécurité alimentaire. vernement a mis en place un “programme de
Afin de remédier à cette insécurité alimen- filet de sécurité” qui vise à augmenter la base
taire, le gouvernement éthiopien a identifié de ressources des ménages, à accroître l’emploi
deux groupes : ceux en situation d’insécurité et les revenus, tout en fournissant une aide
alimentaire chronique, c’est-à-dire les très alimentaire à court terme. Une réinstallation
33
Sécurité alimentaire en Ethiopie
Figure 7.
20
Population touchée
Population touchée par
Aide alimentaire l’insécurité alimentaire et
Aide alimentaire (100.000 tonnes)
12 Source : Département
d’alerte précoce, Disaster
8
Prevention and Preparedness
Agency (Organisme public
chargé de la prévention et de
4
la préparation aux situations
de catastrophes).
0
1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004
Année
volontaire dans des zones plus productives de la fourniture à moyen terme de nourriture
est également proposée à ce groupe. Ces et d’autres articles urgents et un soutien
approches cherchent à atténuer la vulnérabilité supplémentaire leur est proposé au travers du
tout en réduisant la dépendance de l’aide programme de filet de sécurité en fonction de
alimentaire. Les problèmes de ceux qui se leurs besoins. Ces deux groupes ne sont pas
trouvent en situation d’insécurité alimentaire forcément distincts sur le terrain, car il y a des
temporaire (ou aiguë) sont abordés au moyen mouvements de personnes entre eux.
La sécurité alimentaire en Ethiopie est complétée par des “filets de sécurité” fournis
par le gouvernement ; C. Palm/IRI
34
Gestion du risque climatique en Afrique : ce que la pratique nous enseigne
Le Programme alimentaire mondial soutient l’effort national de l’Ethiopie concernant la prévention, la préparation et
l’intervention en cas de catastrophe ; C. Palm/IRI
35
Sécurité alimentaire en Ethiopie
en trois domaines principaux : la prévention leur permettant de rester sur leurs terres et de
des catastrophes, la préparation en vue de ces conserver les biens qui leur restent.
dernières et l’intervention. Les mesures de Il y a des comités d’alerte précoce à tous les
prévention visent à s’attaquer aux causes fon- niveaux du gouvernement, jusqu’au niveau des
damentales de la vulnérabilité de la population, districts. A chaque niveau, les informations sont
en améliorant son aptitude à gérer les périodes recueillies et présentées aux échelons supérieurs.
difficiles. Les activités d’intervention ont lieu L’Agence météorologique nationale joue
durant une situation d’urgence et englobent la un rôle crucial dans le système d’alerte précoce.
fourniture de nourriture, d’eau et d’abris et la Elle recueille et analyse les données clima-
prestation de services médicaux. Les activités tiques, produit des prévisions et diffuse des
de préparation visent d’une part à réduire les informations parmi des groupes d’utilisateurs
impacts des catastrophes et d’autre part à aider divers sous la forme de bulletins réguliers.
l’intervention à être plus efficace. C’est à ce Les données sont recueillies dans 100 des
niveau que les informations climatiques jouent quelque 600 stations météorologiques situées
un rôle important, dans le cadre du Système aux quatre coins de l’Ethiopie et transmises au
national d’alerte précoce. Les autres éléments bureau central de l’agence pour être analysées.
de la stratégie de préparation sont la Réserve Des données satellite sont aussi utilisées.
de sécurité alimentaire d’urgence, le Fonds de Les informations publiées par le service
prévention et de préparation aux catastrophes météorologique englobent des bulletins
et le Département logistique. météorologiques quotidiens, des sommaires
météorologiques de 10 jours et des prévisions
Le système d’alerte précoce sur 10 jours, des sommaires météorologiques
L’appréciation de la valeur de l’alerte précoce mensuels et des prévisions sur un mois, ainsi
n’est pas un phénomène récent en Ethiopie – que trois prévisions saisonnières par an qui
le premier système d’alerte précoce du pays a concernent les deux saisons des pluies et la
été mis en place en 1976 suite à la famine de saison sèche. Le service fournit également des
1973–74. Au fil des ans, le système a évolué et cartes de pluviosité qui mettent en évidence
s’est amélioré, de sorte qu’il s’agit aujourd’hui les pluies tombées comme pourcentage des
d’un système complexe de gestion de précipitations normales, les conditions relatives
l’information qui recueille des données émanant à la végétation et les impacts sur la production
de sources multiples et fournit des informations agricole et l’élevage.
à un grand nombre d’utilisateurs. Le principal Les bulletins sont diffusés par l’inter-
objectif de l’alerte et de l’intervention précoces médiaire de la poste, des sites Internet du
est d’agir avant que les moyens de subsistance service météorologique et de l’OMM (http://
de la population n’aient été anéantis. Il est www.ethiomet.gov.et et http://www.wamis.
beaucoup plus facile aux populations de se org respectivement), ainsi que par le biais des
rétablir si elles bénéficient d’un appui suffisant médias. Il n’existe pas d’accord formel entre
36
Gestion du risque climatique en Afrique : ce que la pratique nous enseigne
Garder les populations sur les terres est l’un des objectifs majeurs du système d’alerte et d’intervention précoces ;
D. Telemans/Panos Pictures
37
Sécurité alimentaire en Ethiopie
des foyers, par exemple sur la capacité mauvaise, les cultures de cycle long étaient très
d’adaptation. Ces évaluations donnent des compromises et une grave pénurie de nour-
indications précoces de toute assistance riture semblait probable pour 2003.
qui pourrait s’avérer nécessaire et sont Au même moment, il fut confirmé qu’un
également utilisées dans la planification phénomène El Niño était en cours, avec ses
et la prise de décisions, pour préparer des impacts associés sur le climat de la planète.
appels d’aide et pour faciliter la distribution En Ethiopie on savait que ce type d’activité
des ressources à un moment ultérieur de la El Niño allait en général de pair avec des pluies
saison ou durant une situation d’urgence. inférieures durant la longue saison des pluies.
• Des évaluations rapides des zones touchées Les prévisions pour la longue saison des pluies
par une catastrophe sont effectuées selon indiquaient donc que la sécheresse allait
les besoins (il y en a en moyenne entre 10 s’intensifier.
et 15 par an). Elles quantifient un problème Les mécanismes de soutien furent mis en
identifié – sa gravité, le nombre de person- place. Les membres du Comité chargé de la
nes touchées et l’assistance nécessaire et son prévention et de la préparation aux catastro-
type. Dans le même temps, une évaluation phes commencèrent à se réunir régulièrement
nutritionnelle est menée afin d’établir les et à planifier les actions pour diminuer les
priorités pour ce qui est de l’aide alimentaire. impacts de la sécheresse pour 2003. Des fonds
furent débloqués pour acheter des semences
La sécheresse de 2002 de cultures de cycle court qui pourraient être
Les prévisions pour la petite saison des pluies cultivées durant la longue saison des pluies,
de 2002 indiquaient une haute probabilité afin de remplacer les cultures de cycle long
de précipitations normales pour les régions qui avaient donné de mauvaises récoltes. Ces
agricoles. Mais au fur et à mesure que la saison semences furent distribuées aux agriculteurs.
avançait, il devint évident que cette prévision Les pluies de juin et juillet furent aussi
n’allait pas se matérialiser. Les pluies de février mauvaises, conformément aux prédictions.
furent très inférieures à la normale, en mars Elles s’améliorèrent en août, mais il était alors
elles s’améliorèrent, mais en avril et en mai trop tard pour sauver la plupart des cultures.
elles furent encore en dessous de la normale. Le Groupe de travail chargé de l’alerte
Le suivi régulier effectué dans le cadre précoce organisa une évaluation rapide de
du système d’alerte précoce commença à mi-saison en août et prépara un plan d’urgence
signaler des problèmes au niveau des cultures sur cette base. Cette évaluation donna des
de la petite saison des pluies, ainsi que le projections concernant la population touchée,
déficit potentiel des cultures alimentaires le manque de nourriture et de revenus, le nom-
de cycle long. Une évaluation rapide en juin bre de personnes nécessitant une assistance
confirma que les choses se présentaient mal. La alimentaire et les besoins alimentaires pour
récolte des cultures de la petite saison fut très les trois premiers mois de 2003 et l’ensemble
38
Gestion du risque climatique en Afrique : ce que la pratique nous enseigne
de l’année. Une évaluation multi-agences fut l’intervention lancée pour répondre à cette
également effectuée et présenta des prévisions catastrophe.
des besoins alimentaires pour 2003 dans le Les pénuries alimentaires atteignirent
cadre de trois scénarios possibles (Tableau 2). leur maximum en avril 2003, mais la réaction
Sur la base de ces évaluations, un appel fut rapide du gouvernement avait porté ses fruits.
lancé en septembre pour obtenir une aide de Suite à une planification minutieuse et à une
l’extérieur. Une deuxième évaluation multi- assistance internationale et nationale ciblée,
agences fut effectué en novembre pour établir les secours alimentaires étaient disponibles au
la récolte finale et déterminer les besoins moment et aux endroits nécessaires.
urgents réels pour 2003. Cette évaluation mon-
tra que la situation se rapprochait du scénario Bonnes pratiques de GRC et défis
correspondant au pire des cas. L’Ethiopie a relevé les défis posés par son cli-
Une campagne intensive de sensibilisation mat en établissant un système d’alerte précoce
du public fut lancée par l’Agence chargée de qui permet de mettre en place des mesures
la prévention et la préparation aux catastro- d’atténuation des effets avant que ne survienne
phes. Les médias jouèrent un rôle actif. Des une catastrophe liée à une sécheresse. L’alerte
visites sur le terrain dans les zones touchées précoce aide le pays et les bailleurs de fonds
furent organisées pour les représentants internationaux à évaluer la nécessité de secours
d’organisations humanitaires et d’agences de urgents et à être prêts à les apporter lorsque le
développement internationales, accompagnés besoin s’en fait sentir. L’efficacité de ce système
de journalistes nationaux et internationaux. a été démontrée en 2003.
Le président éthiopien passa à la télévision en C’est un système qui fonctionne bien,
novembre pour s’adresser à la nation au sujet mais il peut néanmoins encore faire l’objet
de la catastrophe imminente. Entre-temps, le d’améliorations. Tant la quantité que la
suivi de la situation continuait et les informa- qualité des données fournies par le service
tions émanant des stations météorologiques météorologique sont limitées. Le manque
et du terrain influençaient régulièrement de personnel qualifié représente une autre
Tableau 2. Besoins alimentaires prévus pour l’Ethiopie en 2003 selon trois scénarios possibles.
39
Sécurité alimentaire en Ethiopie
contrainte. Ces problèmes sont relativement personnel qualifié ayant suivi une formation en
faciles à aborder. collecte et analyse des données.
Il n’y a pas suffisamment de stations qui Une capacité renforcée de l’analyse au
recueillent les données locales et celles qui niveau des districts améliorerait considérable-
existent sont souvent situées au bord des routes ment les performances du service météorolo-
principales ou dans des villes. Il faut donc gique et l’utilité de ses informations. L’analyse
ajouter d’autres stations météorologiques, en centralisée actuelle et les prévisions qui en
particulier pour couvrir les zones les plus isolées résultent fournissent une vue d’ensemble du
qui sont actuellement négligées, mais aussi, climat dans le pays. Cependant, au vu de la
généralement, pour pouvoir saisir la gamme diversité des climats locaux en Ethiopie, ces
complète de climats localisés dans l’ensemble informations générales ne sont pas suffisantes
du pays. L’utilisation accrue de données satellite pour permettre aux utilisateurs de procéder à
pourrait compenser la quantité limitée de don- une planification détaillée.
nées obtenues sur le terrain dans une certaine Les communications – tant au sein même
mesure et également en améliorer l’utilité (Cf. du service météorologique qu’entre celui-ci et
“Comment tirer le meilleur parti des données”). ses utilisateurs – sont actuellement médiocres.
Parallèlement à ces améliorations, il faut plus de A l’intérieur du service, il s’agit simplement de
Le rôle des médias concernant les sécheresses est en train de changer ; S. Sprague/Panos Pictures
40
Gestion du risque climatique en Afrique : ce que la pratique nous enseigne
41
Sécurité alimentaire en Ethiopie
moderniser l’équipement de communication. début des années 80, les médias nationaux
L’amélioration des liens avec les utilisateurs étaient limités dans ce domaine, car ils étaient
représente un défi plus important et requiert soumis à un régime gouvernemental plus
une réévaluation des groupes d’utilisateurs. A restrictif qu’à l’heure actuelle. De plus, il n’y
l’heure actuelle, le système cible principalement avait guère de liens avec le service météoro-
les autres départements gouvernementaux, logique et il leur était difficile d’accéder aux
les agences de développement, les ONG informations. Ils ne jouèrent pratiquement
et d’autres groupes de ce type et il parvient aucun rôle dans les efforts en vue de rendre
efficacement à ces groupes, comme l’a montré publics la sécheresse et son impact sur le
l’intervention réussie de 2002–03. Cependant, pays. Les médias internationaux, quant à eux,
les groupes d’utilisateurs les plus grands et sans présentèrent des reportages sur la sécheresse
doute les plus importants – à savoir les agri- lorsqu’elle atteignit une échelle catastrophique,
culteurs et les pastoralistes – sont négligés. Un ce avec un effet spectaculaire : les habitants des
effort concerté en vue de parvenir à ces groupes pays occidentaux prirent conscience de la crise
de manière plus directe, en leur proposant des et tant eux que leurs gouvernements respectifs
informations opportunes et utiles, ainsi que les réagirent avec générosité.
conseils correspondants, pourrait comporter L’Ethiopie est l’un des deux pays africains
des avantages énormes. qui ont piloté ces approches au niveau national
Le rôle des médias au moment de présenter et au niveau des exploitations – un travail qui
des reportages sur les sécheresses et les viendra compléter les progrès réalisés dans le
catastrophes a changé au cours des quelques développement d’un système efficace d’alerte
dernières années. Durant la sécheresse du précoce.
42
Gestion du risque climatique en Afrique : ce que la pratique nous enseigne
L’accès plus direct aux agriculteurs et aux pastoralistes pour leur proposer des informations climatiques pourrait profiter au
développement ainsi qu’aux secours humanitaires ; C. Palm/IRI
Le système d’alerte précoce est un système centré sur la sécurité alimentaire ou sur les secours
humanitaires. Il est conçu pour suivre les performances des cultures tout le long de la saison
agricole et pour demander une aide alimentaire en fonction de ces performances. Et, dans
cette optique spécifique, c’est un système efficace. Mais il serait plus avantageux s’il était
proposé directement à chaque agriculteur. Il serait utile s’il pouvait influencer les décisions
des agriculteurs. Il serait plus fructueux si nous étions en mesure de conseiller à l’agriculteur
de prendre certaines mesures sur la base d’une situation climatique donnée. Par exemple, si
nous savons que les pluies courtes ne vont pas être bonnes, nous devrions pouvoir conseiller à
l’agriculteur de chercher d’autres solutions au lieu de cultures à maturation tardive comme le
maïs ou le sorgho. Nous devons nous doter d’un mécanisme au travers duquel les agriculteurs
peuvent être informés d’un problème météorologique prochain et de ce qu’ils pourraient faire
pour en réduire les effets au minimum.
Les agriculteurs essaient toujours de s’ajuster aux variations du schéma des précipitations.
Ils replantent leurs terres, parfois à plusieurs reprises, chaque fois que la pluie tombe durant
la saison. Mais ils ne le font peut-être pas au bon moment ou avec les bonnes cultures. Il
leur manque des informations et des conseils appropriés. Mais si on leur donne les bonnes
informations et les conseils appropriés, ils peuvent sans aucun doute en profiter. Il serait plus
utile que le système d’alerte précoce soit intégré dans le programme de vulgarisation
Birhane Gizaw, directeur du Bureau fédéral de coordination de la sécurité alimentaire.
43
Sécurité alimentaire en Ethiopie
Les médias locaux attendaient que soit diffusé un reportage de la BBC disant qu’il y avait une
famine, puis les journaux locaux en parlaient. Mais lorsque la BBC ou CNN arrivèrent pour
parler de la sécheresse, de nombreuses personnes étaient déjà mortes. Depuis quelques années,
c’est différent. Les médias ont commencé à parler de la probabilité d’une sécheresse...
A ce moment-là [sécheresse de 1984], où pouvaient aller les médias pour se procurer ce
type d’information ? Les rares informations dont ils disposaient concernaient le temps
prévu pour le lendemain – il va pleuvoir ou il ne va pas pleuvoir. Mais à l’heure actuelle,
ces informations sont transmises aux médias à temps, de sorte que les populations peuvent
planifier. Ainsi, les personnes ne meurent plus avant l’arrivée de l’aide, car cette assistance arrive
bien avant que la sécheresse ne commence.
Patrick Luganda, journaliste, Ouganda.
44
Gestion du risque climatique en Afrique : ce que la pratique nous enseigne
45
Contrôle du paludisme en Afrique australe
Figure 9.
Système d’Alerte Précoce du Paludisme Cadre du
système
Année 1 Année 2 Année 3 Année 4
1
2
Evaluation avant la saison
Evaluation durant la saison des pluies
d’alerte
1 2 3 1 2 3 1 2 3 1 2 3
Evaluation durant la saison du paludisme
précoce
3
Vulnérabilité contre le
Faible Moyenne Elevée
paludisme.
Prévisions des Source :
anomalies
Au-dessus
climatiques adapté
saisonnières
(mises à jour Normal de l’OMS
chaque mois)
En-dessous
(2004).
Suivi de la pluviométrie mm
(ou suivi d’autres variables
environnementales)
(ex. données disponibles tous les10
jours à partir des satellites ou de
stations météorologiques)
Planification et Préparation
Prévention et Réponse
46
Gestion du risque climatique en Afrique : ce que la pratique nous enseigne
47
Contrôle du paludisme en Afrique australe
Figure 10.
Carte interactive indiquant la présence des conditions climatiques
saisonnières propices à la transmission du paludisme
Les utilisateurs peuvent découvrir où, quand et pour combien
de temps la combinaison de conditions climatiques pourrait être
propice à la transmission du paludisme dans le continent africain
en cliquant sur le point de la carte qui les intéresse.
���
archives historiques (%)
Occurrence dans les
��
��
��
��
�
��� ��� ���� ��� ���
Mois
48
Gestion du risque climatique en Afrique : ce que la pratique nous enseigne
49
Contrôle du paludisme en Afrique australe
• Planifier et mettre en œuvre des mesures Unies pour l’enfance (UNICEF) et la Banque
sélectives et préventives, y compris la lutte mondiale lancèrent le Partenariat mondial
anti-vectorielle Roll Back Malaria (Faire reculer le paludisme),
• Détecter tôt, contenir ou prévenir les lequel compte à présent plus de 90 partenaires.
épidémies Roll Back Malaria cherche à identifier les
• Renforcer les capacités locales en matière parties prenantes, à consolider les recherches et
de recherches stratégiques et appliquées à apporter un soutien concerté au contrôle du
pour permettre et favoriser l’évaluation paludisme grâce au développement de systèmes
régulière de la situation du pays en matière de santé nationaux et régionaux plus solides. Il
de paludisme, en particulier les facteurs vise à obtenir un engagement accru de la part
déterminants écologiques, sociaux et du secteur privé dans le cadre d’une nouvelle
économiques de la maladie. campagne visant à trouver de nouveaux outils
Plusieurs initiatives ont été lancées pour de contrôle au travers de sa Medecines for
lutter contre le paludisme en Afrique. En Malaria Venture, du Malaria Vaccine Fund et
1996, une Stratégie accélérée pour le contrôle du Fonds mondial de lutte contre le sida, la
du paludisme dans la région africaine a été tuberculose et le paludisme. Les chefs d’Etat
approuvée par l’OMS et, en 1997, la Réunion africains ont exprimé leur soutien en faveur
des chefs d’Etat de l’Organisation de l’unité de l’initiative Roll Back Malaria dans la
africaine (OUA) a fait une déclaration sur Déclaration d’Abuja de 2000.
le contrôle du paludisme. En 1998, l’OMS, Dans le cadre des cibles d’Abuja pour
le Programme des Nations Unies pour le l’initiative Roll Back Malaria en Afrique, les
développement (PNUD), le Fonds des Nations services nationaux de contrôle du paludisme
50
Gestion du risque climatique en Afrique : ce que la pratique nous enseigne
sont censés détecter 60% des épidémies de saisonnières peuvent donner un temps de
paludisme dans les deux semaines suivant préparation de plusieurs mois, permettant
leur commencement et intervenir dans 60% ainsi la mise en place de mesures efficaces
des épidémies dans les deux semaines suivant de contrôle et autres.
leur détection. Pour ce faire, ils ont besoin • Suivi environnemental. Il avertit lui aussi à
de bonnes informations sur les endroits et le l’avance de l’arrivée possible d’épidémies,
moment où les épidémies risquent le plus de mais avec un délai plus court de 1 à 3 mois.
se produire – autrement dit, il leur faut un La pluviosité, la température et l’humidité
système efficace d’alerte précoce. font l’objet d’un suivi, ainsi que la situation
de la végétation et les inondations.
Le système d’alerte précoce et de • Surveillance des “cas sentinelles”. Il est crucial
réaction au paludisme de disposer d’un système de surveillance
Le nouveau système d’alerte précoce et de qui détecte rapidement l’augmentation du
réaction au paludisme (MEWS) a été mis au nombre des cas de paludisme, c’est-à-dire le
point par les partenaires de l’initiative Roll début d’une épidémie.
Back Malaria, y compris les ministères natio- • Planification, état de préparation et inter-
naux de la Santé. Il comporte cinq éléments. vention. Les quatre éléments ci-dessus
• Evaluation et suivi de la vulnérabilité. permettent de planifier et de se préparer en
Lorsqu’ils connaissent les populations et les vue des épidémies, pour que les interven-
zones vulnérables, les services de contrôle tions puissent être planifiées, puis mises en
sont plus à même de planifier leur réaction œuvre, au bon endroit et au bon moment.
avant que ne se déclenche l’épidémie. Parmi Le MEWS a été introduit au cours des
les facteurs qui accroissent la vulnérabilité quelques dernières années dans les pays
figurent la co-infection avec d’autres d’Afrique australe qui ont des zones sujettes
maladies, la malnutrition, la résistance aux aux épidémies, dont le Botswana, Madagascar,
traitements antipaludiques et la migra- le Mozambique, la Namibie, l’Afrique du Sud,
tion de la population, à savoir lorsque des le Swaziland et le Zimbabwe. Le Botswana a
personnes non immunisées vont dans des constitué un banc d’essai tout particulièrement
zones endémiques ou lorsque des “porteurs utile (OMS, 2004). Ce pays, qui chevauche les
du parasite” s’installent dans les zones bordures méridionales de la zone de transmis-
sujettes aux épidémies. sion du paludisme en Afrique, présente de
• Prévisions climatiques saisonnières. Etant grandes zones sujettes aux épidémies. Il est
donné le lien établi entre le climat et également doté d’un gouvernement stable et
l’incidence du paludisme, des prévi- d’un service de santé relativement bien financé
sions fiables peuvent aider à prédire les qui mène depuis très longtemps des efforts
épidémies. Les prévisions climatiques de contrôle du paludisme. Ainsi, lorsqu’il est
51
Contrôle du paludisme en Afrique australe
52
Gestion du risque climatique en Afrique : ce que la pratique nous enseigne
celles provenant des mesures effectuées sur prédéterminées qui lui sont associées, ce qui
le terrain dans les stations météorologiques. élimine toute confusion possible sur ce qu’il
Au Botswana, ces services bénéficient d’un convient de faire en cas d’alerte. Par exem-
financement suffisant et fournissent des ple, un seuil de 600 cas non confirmés par
données fiables et opportunes ; d’autres pays semaine déclenche l’action 1, laquelle consiste
africains ont des services météorologiques à déployer des membres du personnel sup-
dotés de moyens inférieurs, ce qui limite plémentaires dans la zone. Un seuil de 800 cas
l’utilisation en temps réel des données recueil- non confirmés par semaine déclenche l’action
lies par les stations sur le terrain. 2, qui consiste à déployer des équipes mobiles
Le Programme de l’OMS de lutte de traitement. Lorsque le seuil de 3.000 cas
antipaludique inter-pays d’Afrique australe non confirmés par semaine est dépassé, la zone
fournit lui aussi des informations régulières est prononcée zone de catastrophe – et un plan
régionales et spécifiques au pays tout le long d’intervention en situation de catastrophe est
de l’année. Ce programme est en contact avec mis en marche.
les programmes nationaux chargés du contrôle Une fois un système fonctionnel d’alerte
du paludisme tous les 10 jours, pour fournir précoce en place, les pays sujets aux épidémies
des estimations des précipitations sur 10 peuvent planifier leur réaction aux épidémies
jours et contribuer à l’examen de la situation de paludisme. Au Botswana, si une épidémie
actuelle en matière de paludisme sur la base de semble probable avant la saison paludique,
ces estimations et des travaux de surveillance des conteneurs d’urgence sont préparés qui
effectués dans le pays concerné. Le programme contiennent des centres mobiles de traitement
de l’OMS diffuse également des bulletins et les fournitures médicales nécessaires. Ils
comportant des informations comme des peuvent être facilement transportés vers les
cartes de risque d’épidémie et les tendances des zones épidémiques au besoin. A mesure que
pays en ce qui concerne le paludisme, ainsi que la saison avance, le suivi environnemental
des estimations des précipitations. Une fois la permet de préciser quelles sont les zones
saison du paludisme finie, les bulletins “post- soumises à un risque immédiat, de manière
mortem” donnent des informations détaillées à ce que les activités de contrôle comme la
sur les épidémies et les activités de contrôle pulvérisation d’insecticides et la sensibilisation
menées au sein des pays et se penchent sur de la population puissent être mieux ciblées
les réussites et les échecs durant la saison, y (Cf. “Engagement de la communauté dans
compris les enseignements. le contrôle du paludisme épidémique). Si la
La surveillance des cas revêt elle aussi une surveillance indique les débuts d’une flambée
importance vitale. Ici encore, le Botswana est épidémique, des mesures comme la mobilisa-
exemplaire : il a trois niveaux d’alerte liés au tion des centres de traitement d’urgence et le
nombre croissant des cas (seuils) par semaine. déploiement d’agents de santé supplémentaires
Chacun des trois seuils a des actions distinctes sont mises en œuvre.
53
Contrôle du paludisme en Afrique australe
54
Gestion du risque climatique en Afrique : ce que la pratique nous enseigne
La Zambie signala elle aussi une augmentation Un travail important d’éducation de santé a été
liée aux inondations de l’incidence du palu- entrepris, centré sur les communautés à risque.
disme qui déclencha une situation d’urgence. Les médias ont également été très utilisés pour
Le bulletin “post-mortem” du programme faire parvenir le message aux communautés
inter-pays de l’OMS fit un compte rendu des à risque et la surveillance a été renforcée au
réactions des pays. En voici quelques extraits : moyen de mises à jour quotidiennes jusqu’à ce
Namibie : L’état de préparation pour la sai- que la flambée ait été maîtrisée.
son était bien meilleur cette année que durant Zimbabwe : Certains districts se sont
la saison précédente. La plupart des activités heurtés au manque de personnel et à quelques
de prévention du paludisme ont été entreprises problèmes logistiques… Les enquêtes sur
de manière opportune et sont parvenues à une les épidémies et la réaction aux flambées
couverture satisfaisante. Cependant, du fait localisées n’ont pas été menées à temps à cause
des facteurs de risque et de la vulnérabilité du manque d’essence pour les véhicules. Le
en présence, des épidémies de paludisme ont contrôle de la qualité des activités de pulvérisa-
tout de même eu lieu dans certaines zones tion a lui aussi été problématique, à cause des
du pays et elles ont fait l’objet d’une réaction problèmes de transport dans certaines parties
appropriée. du pays.
Afrique du Sud : Durant la saison actuelle, Botswana : Les épidémies de paludisme
on n’a signalé des épidémies que dans la dans la région d’Okavango étaient liées à
province de Limpopo en décembre et janvier… l’augmentation de la pluviosité dans le delta
Les moustiquaires sont très encouragées dans le cadre du contrôle du paludisme ; elles sont tout particulièrement efficaces
lorsqu’elles sont imprégnées d’insecticide ; USAID
55
Contrôle du paludisme en Afrique australe
L’Afrique du Sud a recours aux médias pour transmettre le message d’alerte concernant le paludisme ; R. Giling/Still Pictures
56
Gestion du risque climatique en Afrique : ce que la pratique nous enseigne
57
Contrôle du paludisme en Afrique australe
les besoins des services chargés du contrôle des épidémies de paludisme. Il est actuelle-
du paludisme (par ex. cartes dynamiques ment piloté en Erythrée. Il présente aussi un
des risques pour l’alerte précoce contre le potentiel pour les pays non-africains, dans
paludisme, utilisation des informations les zones touchées par le paludisme d’Asie et
satellite appropriées) d’Amérique latine.
• Surveillance améliorée des sites sentinelles, L’approche du MEWS renforce les
tenant compte des changements au niveau systèmes d’information et de surveillance dans
de l’évaluation des risques d’épidémie le domaine de la santé, ce qui entraînera des
• Meilleure utilisation des médias. Le rôle avantages pour la gestion d’autres maladies
des médias dans l’alerte précoce contre le sensibles au climat. De fait, le développement
paludisme semble sous-développé dans la des infrastructures de santé publique a été
plupart des pays qui utilisent le MEWS. identifié par le Groupe d’experts intergouver-
L’Afrique du Sud semble avoir reconnu le nemental sur l’évolution du climat comme “la
potentiel de la participation des médias, stratégie d’adaptation présentant le meilleur
mais dans d’autres pays on n’a pas encore rapport qualité-coûts et la plus urgente” face
commencé à l’exploiter. au défi du changement climatique. Ainsi, les
enseignements du MEWS peuvent influencer
Conclusion les progrès des services de santé publique dans
Le MEWS a démontré son utilité en Afrique le sens de la réalisation des cibles des OMD,
australe et a des applications potentielles dans tout en facilitant l’adaptation au changement
tous les pays africains dans lesquels surviennent climatique.
58
Gestion du risque climatique en Afrique : ce que la pratique nous enseigne
L’agriculture au Mali
Toile de fond
Environ 65% des terres maliennes sont soit sant de 29% en 1991 à 28% en 2002, le nombre
désertiques soit semi-désertiques et moins de de personnes souffrant de sous-nutrition a
4% sont utilisées pour les cultures. L’agriculture augmenté de 800.000 du fait de la croissance
alimentée par les eaux pluviales (ou agriculture démographique.
pluviale) est, cependant, le point d’appui Reconnaissant que les communautés
des moyens de subsistance de la plus grande rurales ont besoin d’aide pour gérer les risques
partie des populations rurales et c’est dans associés à la variabilité des précipitations, la
le sud du pays que vit la plus grande partie Direction nationale de la météorologie (DNM)
de la population (Figure 11). Même ici, les du Mali, le service météorologique national,
sécheresses fréquentes font de l’agriculture une a lancé un projet, il y a quelque 25 ans, grâce
activité à haut risque, comme en témoigne le à un financement étranger, afin de fournir
haut degré de pauvreté et de sous-nutrition. des informations climatiques aux populations
Quelque 64% des 12 millions d’habitants du rurales, et en particulier aux agriculteurs. Au
Mali vivent en dessous du seuil de pauvreté et fil des ans, ce projet a évolué pour devenir une
le taux d’alphabétisation est faible. Bien que collaboration d’envergure et efficace entre
le pourcentage de la population souffrant de les organismes gouvernementaux, les institu-
sous-nutrition ait diminué quelque peu, pas- tions de recherches, les médias, les services
Figure 11.
Densités démographiques au Mali.
����������
��������������km2 Source : Centre for International
0–4 ALGÉRIE Earth Science Information (CIESIN),
5–24
25–249
www.ciesin.org
250–999
MAURITANIE
NIGER
BURKINA-FASO
GUINÉE
59
L’agriculture au Mali
Les sécheresses récurrentes sont un fléau pour l’agriculture pratiquée par les petits exploitants du Mali ; C. Jaspars/Panos
Pictures
60
Gestion du risque climatique en Afrique : ce que la pratique nous enseigne
leurs décisions concernant les activités agricoles gestion des sols, l’utilisation d’engrais, les
et la sécurité alimentaire. Ce projet existe variétés appropriées de cultures et la rotation
encore aujourd’hui. des cultures. Le projet cherchait à identifier
si et comment les informations climatiques
Le projet agrométéorologique pouvaient également leur être utiles.
Ce projet débuta en 1982 par une phase Au tout début, un groupe de travail
expérimentale, qui fut suivie de phases multidisciplinaire composé d’experts dans les
d’évaluation, de renforcement des capacités et domaines techniques, du développement et des
de transposition d’échelle. En fait, l’évaluation recherches fut mis sur pied pour planifier et
et le renforcement des capacités commencèrent exécuter le projet. Ce groupe, dont les membres
peu après le début de la phase expérimentale se réunissent encore aujourd’hui, englobe des
et se poursuivirent ensuite simultanément. membres du service météorologique, du minis-
Avec le soutien de la CSD pendant ses 23 tère de l’Agriculture, d’instituts de recherches
premières années, la stratégie du projet, dès le agricoles, d’organismes de développement
début, prévoyait que le gouvernement malien rural, de la communauté des agriculteurs et des
prendrait la relève de la planification, de la médias. Les membres des différents groupes
gestion et du financement du projet. Après un apportent les contributions suivantes :
transfert graduel des responsabilités au fil des • Les utilisateurs définissent les données
ans, le gouvernement malien assuma la pleine et les produits liés au climat dont ils ont
responsabilité du projet en 2005. besoin
Lors du lancement du projet, les agricul- • Le service météorologique analyse les
teurs recevaient déjà des conseils des agents aspects techniques de ces données et
de vulgarisation agricole, par exemple sur la produits
On demande régulièrement aux agriculteurs de faire des commentaires sur la question de savoir si le projet satisfait ou non
leurs besoins ; M. Hellmuth/IRI
61
L’agriculture au Mali
• Le ministère de l’Agriculture, les services le projet et assuraient également des liens avec
de vulgarisation et les groupes de recher- la communauté agricole dans son ensemble.
che travaillent sur les questions liées à la Les agriculteurs géraient deux parcelles : une
production alimentaire, à la santé/protec- parcelle expérimentale, dans laquelle ils pre-
tion des cultures et au choix des variétés de naient les décisions sur la base des informations
produits cultivés agrométéorologiques, et une autre dans laquelle
• Les organismes de développement rural se ils se basaient sur les indicateurs traditionnels
concentrent sur le renforcement des capa- pour prendre les décisions. Les agriculteurs se
cités et sur la diffusion des informations. basaient traditionnellement sur des observa-
• Les médias sensibilisent les utilisateurs et tions de la lune, ainsi que sur des signes comme
diffusent des informations climatiques et l’apparition de certains oiseaux, la chute de
agrométéorologiques. fruits de certains arbres et le mouvement des
L’une des plus importantes fonctions du termites, pour indiquer le début et le caractère
groupe a été de faire office d’“institution- de la saison des pluies. Leurs décisions por-
charnière”, de combler le fossé entre le secteur taient sur le moment où il fallait préparer les
du climat et la communauté agricole en “tradui- champs, sur la manière de semer et les graines
sant” les informations climatiques en informa- à semer, sur le moment où il fallait désherber et
tions et conseils utiles pour les agriculteurs. sur celui où il convenait d’employer des intrants
La première étape fut la visite des membres comme les engrais et les pesticides.
du personnel de projet auprès des agriculteurs Les agriculteurs reçurent en outre des
pour leur demander quel type d’informations pluviomètres afin de mesurer les précipitations
leur serait utile. Ils conclurent que les besoins dans leurs champs et on leur dispensa une
fondamentaux des agriculteurs tournaient formation pour qu’ils apprennent à les utiliser
autour des informations sur le début et la fin conjointement aux calendriers des semis,
de la saison des pluies et sur la quantité et la lesquels indiquent les dates appropriées pour
distribution des précipitations. Ces conclu- le semis et les variétés appropriées de cultures
sions influencèrent la phase expérimentale, qui dans les différents endroits, selon la pluviosité
chercha des méthodes de fournir les moyens mesurée par les pluviomètres. De plus, durant
aux agriculteurs d’accéder et d’utiliser ce type toute la saison agricole de mai à octobre,
d’information. les agriculteurs reçurent des bulletins de 10
Durant la première année, les travaux jours, qui leur donnaient des informations
expérimentaux se concentrèrent sur 16 agri- résumées sur les conditions hydrologiques,
culteurs qui cultivaient le mil à chandelle, le météorologiques, agricoles et concernant les
sorgho, le maïs, le coton et l’arachide dans la organismes nuisibles, ainsi que les conseils et
région de Bancoumana, dans le sud du pays. recommandations correspondants. On leur
C’étaient les agriculteurs “représentatifs”, distribuait également des prévisions quoti-
c’est-à-dire qu’ils travaillaient directement avec diennes et hebdomadaires.
62
Gestion du risque climatique en Afrique : ce que la pratique nous enseigne
63
L’agriculture au Mali
64
Gestion du risque climatique en Afrique : ce que la pratique nous enseigne
65
L’agriculture au Mali
Tableau 4. Conseils pour les agriculteurs sur la base des conditions agrométéorologiques
durant la période du 11 au 20 juillet 2006 et valides pour la période du 21 au 31 juillet 2006.
Sikasso, Bougouni, Kolondiéba, Koutiala, Kangaba, Peuvent planter le mil à chandelle ou le sorgho à 90
Kéniéba, Kita, Bancoumana, Siby, Dangassa, jours durant la période de 10 jours du 21 au 31 juillet
Dialakoroba et Naréna 2006
Banamba Peuvent planter le maïs, l’arachide ou le niébé à 90
jours si la pluviosité cumulative durant la période du
21 au 31 juillet est supérieure ou égale à 10 mm
Mopti, Bankass, Koro, San, Kolokani, Nara, Nioro, Diéma Peuvent planter le mil à chandelle, le sorgho,
et Yélimane l’arachide ou le niébé
On conseille aux pastoralistes et aux agropastoralistes de fournir davantage de nourriture à leur bétail et de
respecter les règles locales concernant la gestion des troupeaux et les zones de pâture pour veiller à ce que
leur bétail n’endommage pas les cultures en train de pousser.
possède un téléviseur et il est peu probable Les témoignages des agriculteurs indiquent
que ces personnes soient des agriculteurs. des augmentations considérables de la produc-
Néanmoins, la même enquête a conclu que tion de maïs, de sorgho, de mil à chandelle,
50% des téléspectateurs suivaient les bul- d’arachide et de coton. Cependant, il faut
letins agrométéorologiques. Les informations effectuer des recherches supplémentaires
climatiques sont diffusées en français (langue pour évaluer ces résultats, car il est difficile de
officielle du pays) et dans toutes les principales désigner les informations agrométéorologiques
langues locales (par ex. bamana, peuhl, sonrai, comme la principale raison de l’augmentation
dogon, bobo, bozo, tamatcheque et soninke). du rendement sans avoir effectué une analyse
rigoureuse des conditions des champs, des
Résultats et impact agriculteurs sondés et de l’utilisation d’intrants.
Les résultats de la saison agricole 2003–2004 Il est, toutefois, évident que les agriculteurs
montrent que les rendements des cultures ont le sentiment de courir moins de risques et
et les revenus des agriculteurs étaient plus se montrent donc plus confiants au moment
élevés dans les champs où étaient utilisées les d’acheter et d’utiliser des intrants comme des
informations agrométéorologiques (“champs semences améliorées, des engrais et des pesti-
agromet”) que dans ceux où elles ne l’étaient cides, autant de facteurs qui font augmenter la
pas (Tableau 5). L’augmentation des revenus production.
est considérable, notamment pour le maïs dans Après 25 années d’expérience pratique,
la zone de l’OHVN, dans laquelle les agricul- la capacité des groupes de travail multidisci-
teurs ont gagné 80% de revenus de plus grâce plinaires nationaux et locaux pour ce qui est de
aux “champs agromet”. la collecte, de l’analyse et de la diffusion des
66
Gestion du risque climatique en Afrique : ce que la pratique nous enseigne
Tableau 5. Rendements des cultures et revenus agricoles pour les producteurs prenant des
décisions de gestion avec et sans les informations agrométéorologiques, durant la saison
La radio rurale s’est avérée constituer un outil efficace pour la transposition d’échelle de l’utilisation des
informations “agromet” ; R. Jones/Panos Pictures
67
L’agriculture au Mali
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Gestion du risque climatique en Afrique : ce que la pratique nous enseigne
La fourniture de services climatiques aux éleveurs pourrait donner des résultats très intéressants ; C. Hughes/Panos Pictures
accorder une plus importante priorité à la du service météorologique, ont été traitées par
gestion du risque climatique les groupes de travail multidisciplinaires pour
• Le soutien à long terme du principal les transformer en informations et conseils
bailleur de fonds, SDC, ainsi que le soutien utiles. Les agriculteurs représentatifs sont
technique de l’OMM aussi encouragés à faire part à l’équipe de
• L’approche du projet centrée sur les projet de leurs perceptions concernant l’utilité
agriculteurs, qui a abouti au développement de ce qu’ils reçoivent. Et les agriculteurs ont
et à l’offre de produits et de services liés au également appris à recueillir et à utiliser leurs
climat pour satisfaire leurs besoins propres informations climatiques.
• Des voies de communication efficaces, Mais à côté de ces succès, le projet a
en particulier entre les agriculteurs montré quelques limites. Jusqu’ici, il ne s’est
représentatifs et les groupes de travail concentré que sur une petite gamme de cul-
multidisciplinaires tures, principalement des céréales et le coton.
• L’utilisation de la radio comme moyen D’autres produits de base doivent être inclus
efficace de diffuser les informations. pour que l’impact sur la sécurité alimentaire
Dès le début, ce projet a collaboré directe- soit significatif. Les besoins des producteurs
ment avec les parties prenantes au niveau des de bétail – un groupe nombreux et important
communautés et à établi des flux d’information sur le plan économique, tant dans les zones
bilatéraux. Les agriculteurs reçoivent des agricoles que dans les zones de pâture – ont
données climatiques qui, bien qu’elles émanent été largement ignorés. Il y a également des
69
L’agriculture au Mali
70
Gestion du risque climatique en Afrique : ce que la pratique nous enseigne
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L’agriculture au Mali
R. Jones/Panos Pictures
la pratique traditionnelle consistant à restaurer la fertilité des terres grâce à de longues périodes de
jachère (d’entre 10 et 20 ans) après une courte période de culture (de 3 à 5 ans) ne peut plus être
employée dans la plupart des endroits. Les petits agriculteurs utilisent des quantités insuffisantes
d’engrais biologiques et non biologiques pour remplacer les nutriments enlevés au sol par la culture.
Le fumier animal joue un rôle stratégique, mais n’est pas disponible en quantités suffisantes pour
satisfaire la demande.
La fertilité des terres et l’utilisation d’eau par les plantes sont étroitement liées. Par exemple, de
nombreuses expériences ont montré l’effet positif sur la croissance du mil à chandelle de l’application
d’engrais phosphoreux au moment des semailles (par ex. Buerkert et al., 2001). On pense que ceci
entraîne un meilleur développement du système racinaire, de sorte que la plante peut accéder à un
volume supérieur de terre pour en extraire de l’eau, ce qui la rend moins vulnérable aux périodes
sèches. L’application d’engrais durant les semailles entraîne en outre la croissance rapide et précoce des
feuilles, ce qui réduit l’évaporation de l’eau contenue dans la terre (Sivakumar and Salaam, 1999).
Ainsi, il devient plus urgent de se pencher sur la fertilité des sols lorsque la disponibilité en eau est
limitée. En Afrique, l’utilisation d’engrais minéraux est restreinte par leur disponibilité limitée et par
leur coût élevé. Des efforts sont en cours pour aborder ces contraintes, par exemple en conditionnant
les engrais en plus petites quantités et en développant des réseaux de négociants agricoles pour les
commercialiser. Pour compléter ces initiatives, les chercheurs adoptent une approche participative de
l’introduction d’innovations comme l’utilisation conjuguée de fumier animal et d’engrais minéraux, la
culture intercalaire avec des légumineuses et la fabrication de compost. L’établissement de meilleurs
liens avec les marchés et le passage des cultures vivrières aux cultures de rente seront également utiles,
car ils favoriseront le retour des agriculteurs à l’utilisation d’engrais.
Source : ICRISAT (2006).
72
Gestion du risque climatique en Afrique : ce que la pratique nous enseigne
Tableau 6. Effet de la variabilité climatique sur les performances des cultures de mil à
chandelle et options d’adaptation.
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L’agriculture au Mali
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Gestion du risque climatique en Afrique : ce que la pratique nous enseigne
75
Assurance contre la sécheresse au Malawi
76
Gestion du risque climatique en Afrique : ce que la pratique nous enseigne
Des marchés organisés pour les intrants et les produits facilitent l’administration du plan regroupant
prêt et assurance ; J. Banning/Panos Pictures
77
Assurance contre la sécheresse au Malawi
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Gestion du risque climatique en Afrique : ce que la pratique nous enseigne
79
Assurance contre la sécheresse au Malawi
manière de pénétrer dans le secteur des petits la NASFAM. Le choix fut ensuite réduit en
exploitants agricoles, secteur dans lequel leur employant les critères de sélection présentés
présence était quasi-inexistante auparavant. dans le tableau 7. Le principal critère devait
bien entendu être la sensibilité à la sécheresse,
Conception du projet pilote mais il y avait d’autres critères importants.
Le projet du Malawi d’assurance contre la Parmi eux figuraient le niveau et le coût des
sécheresse commença par une réunion des intrants requis, qui justifiaient la prestation
parties prenantes organisée par la Banque d’un financement ; l’existence d’un système
mondiale en juillet 2005. Les parties prenantes organisé de commercialisation, qui assurerait
se rendirent compte du potentiel de ce nouveau le recouvrement efficace des prêts ; la valeur
projet et exprimèrent leur intérêt à participer à de la culture, qui devait être assez rentable
une phase pilote afin de le mettre à l’épreuve. pour permettre à l’agriculteur de rembourser
Sur la base de leur enthousiasme, le projet fut le prêt tout en gardant des revenus décents ;
lancé sans plus tarder. et l’adéquation de la culture pour les petits
La première tâche fut de sélectionner le exploitants – autrement dit, pas une culture
produit de base sur lequel le concept serait requerrant une gestion intensive ou un traite-
mis à l’épreuve. La liste initiale fut dressée ment compliqué ni une culture rapidement
sur la base du portefeuille de cultures géré par périssable.
Tableau 7. Critères de sélection pour les cultures couvertes par le projet du Malawi
d’assurance contre les conditions météorologiques défavorables.
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Gestion du risque climatique en Afrique : ce que la pratique nous enseigne
L’arachide a été choisie comme culture d’essai pour la phase pilote ; D. Osgood/IRI
81
Assurance contre la sécheresse au Malawi
Figure 12.
Emplacement des
zones pilotes au
Malawi.
Nkhotakota
Kasungu
Lilongwe
Chitedze
82
Gestion du risque climatique en Afrique : ce que la pratique nous enseigne
Tableau 8. Eléments du contrat global des prêts pour la phase pilote au Malawi.
Eléments $US
Frais de traitement du prêt (applicable seulement aux clients de la MRFC) 0,32
32 kg de semences à 0,90 $US/kg 29,20
Intérêt à 33% par an, pendant 9 mois 7,23
Prime d’assurance à 7,5% du contrat de prêt 2,79
Surtaxe sur la prime d’assurance à 7,5 % 0,21
Total 39,75
le prêt en partie à la NASFAM, pour l’achat de à la pluviosité utilisées pour déterminer les
semences, et en partie à l’Insurance Association indemnités versées provenaient d’une station
of Malawi, pour la prime d’assurance contre les unique chargée de mesurer la pluviosité qui
conditions météorologiques défavorables. Les pouvait se trouver à jusqu’à 20 km de là. En
agriculteurs convinrent de vendre leur récolte à conséquence, certains agriculteurs sortaient
la NASFAM à un prix garanti. Après la saison, gagnants et d’autres perdants, car la pluviosité
la NASFAM utiliserait le montant des recettes sur leurs exploitations différait de celle de
de la récolte pour rembourser le prêt bancaire la station. Il s’agit de l’une des principales
et verserait les excédents de revenus aux difficultés de la conception et de la mise en
agriculteurs. Le fait que l’agriculteur ne perçoit œuvre de l’assurance indexée dans des environ-
pas d’argent à l’avance réduit le risque de non- nements agricoles hétérogènes alimentés par
remboursement à la banque (Linnerooth-Bayer les eaux de pluie.
et al., 2006). Une autre complication qui surgit durant la
saison était la mauvaise qualité des semences.
Expériences initiales : la saison Un intermédiaire qui travaillait pour une
2005–2006 compagnie semencière commerciale vendit
Durant la saison, les stations météorologiques des semences qui ne germèrent pas. Ceci
proches enregistrèrent des précipitations constitua une mise à l’épreuve intéressante de
proches des niveaux normaux pour les l’acceptabilité du projet pour la communauté
diverses zones de production. Dans trois des agricole, puisqu’il s’agit là précisément du genre
quatre emplacements pilotes, la pluviosité d’éventualité que le contrat d’assurance ne
fut suffisante pour éviter le versement couvre pas. Les agriculteurs montrèrent qu’ils
d’indemnités, mais les agriculteurs de la zone avaient compris le programme, puisqu’ils ne lui
de Kasungu perçurent un petit dédommage- réclamèrent aucun dédommagement mais firent
ment de 0,68 $US chacun. plutôt pression sur la compagnie semencière.
Une préoccupation exprimée par les Un autre souci résidait dans le phénomène
agriculteurs était que les données relatives des agriculteurs “qui vendent à côté” – les
83
Assurance contre la sécheresse au Malawi
Les agriculteurs participants devaient vivre dans un rayon de 20 km d’une station météorologique ; D. Osgood/IRI
agriculteurs offrant leurs produits à des négo- principe de responsabilité collective fonctionne
ciants opportunistes qui leur proposaient des bien. Comme la planification du projet dut
prix supérieurs à ceux de la NASFAM. Les être effectuée à la hâte, un petit nombre
prix des semences d’arachide augmentèrent d’agriculteurs se virent obligés à former des
beaucoup au fur et à mesure que la saison clubs. Ceux-ci n’ont pas très bien fonctionné
avançait, ce qui amoindrit le prix concurrentiel en général et sont peu susceptibles de durer
offert par la NASFAM en début de saison et jusqu’à la fin de la deuxième saison.
constitua une tentation pour les agriculteurs
de rompre le contrat. Seuls quelques-uns Comment aller de l’avant
d’entre eux le firent, mais cet incident révéla En attendant la fin d’une étude d’évaluation
que le contrat combinant assurance et prêt encore en cours, il est impossible de quantifier
peut prêter le flanc à ce type de comportement, l’impact du projet durant sa première saison.
même dans le cadre d’un marché organisé. La Cependant, il y a des données anecdotiques qui
NASFAM réagit à ce défi en proposant de suggèrent la possibilité d’un impact positif con-
rembourser à toute personne qui avait vendu sidérable. Lors des entretiens, les agriculteurs
ses produits tôt à l’association la différence ont indiqué qu’ils appréciaient beaucoup le
entre le prix payé et le prix supérieur pouvant programme et qu’ils aimeraient le voir s’étendre
être obtenu à la fin de la saison. à une superficie supérieure par agriculteur et à
L’expérience de la formation de clubs d’autres cultures, en particulier le maïs. L’attrait
montre que c’est lorsqu’ils sont autosélectifs principal pour eux est que ce programme leur
et se transforment “naturellement” en un facilite l’accès à des prêts de production.
groupe socialement cohésif qu’ils obtiennent La quasi-totalité des agriculteurs qui ont
les meilleurs résultats. Dans ces conditions, le participé la première année tiennent à le refaire
84
Gestion du risque climatique en Afrique : ce que la pratique nous enseigne
85
Assurance contre la sécheresse au Malawi
de prêts. Il sera important de travailler avec La concurrence pourrait créer des possibi-
les décideurs afin de clarifier et de stabi- lités de réduction de ce coût, mais l’accès à
liser l’environnement de politiques générales l’assurance pour les agriculteurs pauvres restera
concernant les subventions et autres facteurs sans doute problématique durant l’expansion
qui affectent la conception du contrat et du programme.
l’estimation des prix de revient de ses éléments. Un autre but à long terme est l’élargis-
Il sera également important de protéger le sement de la gamme de produits disponibles.
contrat des fluctuations des prix afin de veiller Durant la phase pilote, l’assurance est néces-
à ce que les agriculteurs puissent rembourser saire pour garantir le prêt. Cependant, une
leurs prêts. Pour relever ces défis, le prêt pour fois que les agriculteurs auront participé plus
le maïs, au moins pour la première année, a été longtemps au programme, augmenté leurs
assimilé à celui de l’arachide. économies et établi de bons antécédents de
La formation du personnel de terrain sera solvabilité, ils devraient commencer à disposer
essentielle au fur et à mesure de l’expansion du d’un ample éventail d’options, dont l’assurance
programme. Pour la faciliter, les partenaires du autonome, les prêts garantis sans assurance et
programme prévoient d’élaborer un manuel, divers plans d’épargne.
ainsi que des procédures standardisées. Un L’évolution future du programme dans
outil logiciel pouvant être utilisé de manière le sens d’une gamme plus ample de produits
plus générique dans la conception des projets de base et de produits financiers permettra
sera finalement aussi développé et diffusé. Ces peut-être aux agriculteurs de tirer un meilleur
outils devraient faciliter le défi de la transposi- parti des informations climatiques, en
tion d’échelle, en permettant à une gamme plus particulier les prévisions saisonnières de
large de parties prenantes de concevoir leurs la pluviosité basées sur ENSO, lesquelles
propres projets. témoignent d’un certain degré de fiabilité au
A plus long terme, il est prévu d’engager Malawi. Les agriculteurs ont manifesté leur
une gamme plus large de participants. Il intérêt en adaptant leur mélange de cultures
pourrait s’agir d’agriculteurs commerciaux, en en réponse à ces prévisions, adoptant une
plus d’un groupe plus divers de fournisseurs culture tolérante à la sécheresse lorsqu’une
d’intrants et d’acheteurs de produits agricoles. saison sèche est prévue et des cultures à haut
Ces initiatives encourageront la concurrence risque mais à haut rendement lorsque c’est une
et allégeront le fardeau administratif porté par saison pluvieuse qui est attendue. Des travaux
la NASFAM. Le coût de la prime d’assurance, sont par conséquent en cours pour refléter les
qui représente actuellement environ 7,5% du prévisions saisonnières dans la conception du
prêt, continuera vraisemblablement à cons- contrat d’assurance et de prêts, de manière à ce
tituer un obstacle pour les agriculteurs les plus qu’il offre le meilleur mélange de semences et
pauvres, lesquels vivent souvent dans les zones d’outils financiers pour les pluies saisonnières
courant le risque le plus élevé de sécheresse. attendues.
86
Gestion du risque climatique en Afrique : ce que la pratique nous enseigne
87
L.Taylor/UNHCR
Gestion du risque climatique en Afrique : ce que la pratique nous enseigne
89
Enseignements et étapes suivantes
Enseignements tirés des études de cas munication au sein d’un groupe concerté de
parties prenantes multisectorielles travaillant
n Les informations climatiques sont tout à différents niveaux administratifs. Dans les
particulièrement efficaces lorsqu’elles cas ayant trait à la réduction des effets des
sont intégrées dans des cadres de prise catastrophes, la coordination entre pays est
de décisions essentielle pour pouvoir prédire à temps les
C’est lorsqu’elles sont intégrées avec d’autres risques d’inondation dans les bassins fluviaux,
informations dans un cadre de prise de déci- contrôler les épidémies transfrontalières et
sions par rapport à des risques précis que les comprendre l’insécurité alimentaire dans le
informations climatiques sont particulièrement contexte de la production et des marchés
susceptibles d’améliorer les résultats en matière régionaux. Bien que la gestion des inondations
de développement. Dans la plupart des cas, par le Mozambique constitue un exemple posi-
elles ne peuvent pas, à elles seules, aboutir à de tif de communication transfrontalière (même
meilleures décisions. Par exemple, le contrôle pendant le conflit), ces réseaux ont en général
efficace des épidémies de paludisme en Afrique besoin d’être renforcés – sur les plans politique,
australe dépend de l’identification des zones légal, institutionnel, opérationnel ou tech-
et des populations “à risque” ainsi que d’un nique) si l’on veut qu’ils deviennent pleinement
système de santé qui fonctionne si l’on veut efficaces. Par exemple, la gestion opérationnelle
que les informations climatiques jouent un rôle des inondations au Mozambique profiterait
dans l’amélioration de l’état de préparation manifestement d’un système de suivi commun
et de la réaction précoce. Le type de produit (transfrontalier). Le cas du Mozambique illus-
d’information sera différent selon le niveau de tre également la nécessité d’une “voix unique
prise de décisions (foyer, équipe de santé du faisant autorité” au niveau national, pour
district, équipe nationale chargée du contrôle assurer une communication cohérente avec
du paludisme) et selon les types d’intervention les différents départements gouvernementaux,
(message de santé, programme de pulvérisa- agences d’intervention et populations à risque.
tion, fourniture de médicaments) pouvant être Dans les cas de la catégorie réduction des
lancés. risques de catastrophe ainsi que dans ceux
de la catégorie développement agricole, la
coordination et la communication au niveau
n La réduction des risques liés au local sont elles aussi absolument essentielles
climat requiert une coordination et pour permettre aux communautés de deve-
une communication entre les parties nir plus résistantes et plus compétentes en
prenantes, ce à plusieurs niveaux gestion des risques et des occasions liés au
climat. Au Mozambique, cet aspect a été
Toutes les études de cas mettent en évidence clairement reconnu comme un défaut dans
l’importance de la coordination et de la com- l’intervention lors des inondations de 2000 et,
90
Gestion du risque climatique en Afrique : ce que la pratique nous enseigne
en conséquence, le pays a lancé une nouvelle noter que la déclaration d’une catastrophe
initiative de renforcement des capacités conçue comme une famine, une épidémie ou une inon-
pour améliorer la faculté de récupération au dation est souvent extrêmement sensible sur
niveau communautaire. Au Malawi, le rôle le plan politique et qu’elle implique en outre
proactif des associations d’agriculteurs aux l’engagement et la mobilisation de ressources
niveaux national et local dans la coordination très considérables, de sorte que la crédibilité
du partenariat public-privé afin de promou- des informations utilisées dans la prise de déci-
voir l’assurance contre la sécheresse a assuré sions est extrêmement importante. Les prévi-
l’appropriation de ce programme au niveau sions climatiques saisonnières, par exemple,
local et son adaptation aux besoins locaux. présentent un problème d’une difficulté notoire
pour ce qui est de la communication de proba-
bilités à des décideurs qui sont en général plus
n Les informations climatiques doivent à l’aise face à des informations déterministes.
être crédibles pour pouvoir être L’ajustement du moment de la prévision de
utilisées dans la prise de décisions septembre (réunion du SARCOF) à novembre
(réunion du MALOF), moment où la prévisi-
La crédibilité est difficile à établir et facile à bilité accrue des conditions climatiques s’était
perdre. Elle s’attache à la source d’informations avérée, au travers d’une analyse détaillée, utile
ainsi qu’aux informations elles-mêmes. Il faut pour l’alerte précoce contre le paludisme au
Le gouvernement mozambicain a lancé des initiatives pour renforcer la résistance au niveau local ; G. Pirozzi/Panos Pictures
91
Enseignements et étapes suivantes
Botswana, a été d’une importance capitale pour tions de base pour la sécurité alimentaire. Bien
le développement de prévisions saisonnières que les données satellite puissent compenser
crédibles pour le contrôle du paludisme. en partie les insuffisances des réseaux, les
Au Malawi, les zones qui peuvent être estimations de la pluviosité dérivées des images
couvertes par le plan d’assurance indexée satellite ne peuvent être bien calibrées que si
sont limitées par le nombre de stations elles sont vérifiées par rapport aux données
météorologiques disposant de données à long provenant des stations météorologiques.
terme et crédibles sur la pluviosité. Le fait Un nombre accru de stations sera requis
que trois des quatre stations utilisées durant la dans des pays comme l’Ethiopie, où le ter-
phase pilote sont associées à des aéroports, où rain complexe rend difficile l’interpolation
l’investissement a été suffisant pour assurer des des données émanant des stations. Sur des
données disponibles et de qualité, n’est pas une terrains moins complexes, la densité du réseau
coïncidence. requis pour calibrer les images satellite sera
Il y a souvent un écart entre les informa- peut-être inférieure. L’étude de cas éthiopienne
tions les plus fréquemment demandées par les a également mis en évidence l’importance
utilisateurs (par exemple moment du début des de l’utilisation du réseau national de stations
pluies, comme l’ont demandé les agriculteurs dans l’évaluation de la précision des prévisions
au Mali) et la capacité des prestataires de saisonnières. En Ethiopie, comme dans de
services climatiques de proposer des produits nombreux autres pays africains, les stations,
valides sur le plan scientifique qui satisfont données et services météorologiques sont tout
ce besoin (le début des pluies étant tout particulièrement rares dans les zones rurales
particulièrement difficile à prédire dans de isolées où vivent en général les agriculteurs et
nombreuses zones). les pastoralistes les plus pauvres.
Dans l’étude de cas du Malawi, le nombre
d’agriculteurs désireux de souscrire une assu-
n Il est essentiel de renforcer et de rance contre la sécheresse est limité par le petit
soutenir les réseaux d’observation nombre de stations météorologiques de qualité.
climatique pour que les informations Même au sein du projet pilote, l’échelle s’est
climatiques puissent profiter au mieux avérée constituer une question importante. En
à la prise de décisions effet, la variabilité locale du climat a fait des
gagnants et des perdants dans un rayon de 20
En renforçant les systèmes d’observation dans km du pluviomètre : les dédommagements de
la zone touchée par les épidémies de paludisme l’assurance étaient basés sur les informations
en Afrique australe, on consolidera le système émanant de ce point central, indépendamment
d’alerte précoce contre le paludisme dans la de la quantité de pluie tombant en réalité sur
région et on fournira également des informa- les parcelles des agriculteurs.
92
Gestion du risque climatique en Afrique : ce que la pratique nous enseigne
93
Enseignements et étapes suivantes
une réponse comme ne le montrent que trop intéressantes font leur apparition. Par exemple,
clairement les exemples tragiques de Xai-Xai l’assurance contre la sécheresse, telle que
et Chokwe, dans le cas du Mozambique. Ces conçue et testée au Malawi, constitue une
deux villes n’avaient jamais été inondées de manière prometteuse de protéger les commu-
mémoire d’homme, de sorte que de nombreux nautés agricoles pauvres en ressources contre
habitants ignorèrent les avertissements. la variabilité du climat tout en favorisant
Les TIC et les médias ne suffisent pas, l’adoption de technologies accroissant le rende-
toutefois, à assurer un système d’information ment ; le suivi sophistiqué des cyclones au large
qui fonctionne. Elles doivent être complétées du Mozambique assure à ce pays une alerte
par des réseaux locaux institutionnels de précoce essentielle contre les catastrophes ; et
communication. Ils peuvent se composer les données satellite ont facilité la gestion du
d’agents de vulgarisation agricole, d’agents de paludisme en Afrique australe en soutenant
santé, d’enseignants, de chefs traditionnels, de l’évaluation et le suivi des risques. Les prévi-
groupes d’agriculteurs ou autres groupes de sions saisonnières sont en passe de devenir une
la société civile ou d’autres entités, y compris source courante d’informations dans de nom-
celles créées par des projets spécifiques. Dans le breux contextes. Cependant, les innovations de
cas du Mali, par exemple, les groupes multi- ce type requièrent souvent un investissement
disciplinaires (charnières) établis au début du à long terme pour être largement adoptées au
projet ont joué un rôle clé en donnant aux agri- niveau communautaire ou pour être efficace-
culteurs les moyens d’intégrer les informations ment institutionnalisées dans les systèmes
climatiques dans leurs pratiques existantes de nationaux. Il faut noter que, dans le projet du
gestion. Ces groupes veillent aussi à ce que les Mali, il a fallu plus de 20 ans de soutien con-
besoins des agriculteurs en information soient tinu de la part des bailleurs de fonds pour que
retransmis aux fournisseurs d’information. les activités agrométéorologiques novatrices du
Ainsi, l’interaction humaine efficace est utilisée projet puissent s’établir.
pour traiter, affiner et orienter l’application des
informations disponibles provenant d’autres
sources. n Il manque une analyse économique de
la valeur des services climatiques
n Des innovations pour la gestion des Bien que les études de cas montrent que
risques liés au climat sont actuelle- les informations climatiques peuvent être
ment développées et mises en œuvre incorporées utilement dans la prise de déci-
sions, seule une – celle du Mali – a fourni des
Les outils d’analyse et de gestion du risque données quantitatives indiquant les avantages
climatique connaissent actuellement une économiques qui en ont résulté. Ces données
évolution rapide et de nouvelles options renforcent considérablement les arguments
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Gestion du risque climatique en Afrique : ce que la pratique nous enseigne
L’assurance contre la sécheresse pourrait-elle profiter à d’autres pays africains ? Les agriculteurs du Kenya auront peut-être
bientôt l’occasion de le découvrir ; P. Sanchez/IRI
en faveur de ces informations – arguments n Les pays des études de cas pourraient
que le gouvernement malien a acceptés. Il est profiter des expériences les uns des
essentiel de mener une analyse économique autres
détaillée pour que les gouvernements et
les bailleurs de fonds qui se heurtent à des Toutes les études de cas présentent des élé-
priorités en concurrence et ne disposent que ments de bonnes pratiques dans leurs efforts
de budgets limités puissent donner la priorité en vue de faire en sorte que les informations
à la prestation de services climatiques plutôt climatiques influent sur les politiques géné-
qu’à d’autres activités de développement. rales, la planification et la pratique. Il y a des
Qui plus est, une compréhension des aspects possibilités de transfert de ces éléments vers
économiques de la variabilité et du change- d’autres pays dans lesquels ils pourraient égale-
ment climatiques peuvent stimuler la création ment s’avérer utiles.
de nouveaux produits et services – comme dans Par exemple, l’étude du Mali montre
le cas du Malawi, où la prestation de services comment des informations et ressources déjà
de microcrédit, identifiés comme un important utilisées pour la planification et la sécurité
catalyseur pour le développement, est à présent alimentaire au niveau national peuvent
soutenue par une assurance contre les risques aussi servir à satisfaire les besoins des
de sécheresse basée sur les services climatiques. agriculteurs, avec des effets positifs directs
95
Enseignements et étapes suivantes
sur les rendements des cultures et les revenus. la sécheresse et la fourniture d’informations
L’Ethiopie, où le service météorologique agrométéorologiques. Le système MEWS
national joue un rôle similaire dans la sécurité en Afrique australe se base en partie sur le
alimentaire nationale, pourrait tirer les leçons concept des systèmes d’alerte précoce contre
de cette expérience. De même, le cas du les famines, comme celui mis au point en
Malawi illustre la manière dont les agriculteurs Ethiopie. Ceci indique le chevauchement
peuvent obtenir un accès au crédit et adopter considérable sur le plan des besoins
de nouvelles technologies accroissant les d’information entre les différents secteurs
rendements lorsqu’on leur propose une – une caractéristique qui peut être exploitée
assurance contre la sécheresse, laquelle réduit davantage pour obtenir des gains d’efficacité.
l’aléa moral associé à l’assurance-récoltes de L’investissement accru du Mozambique dans
type classique en utilisant la pluviosité à la la résistance des communautés aux inondations
place du risque de sécheresse. Etant donné que constitue une concentration importante des
le Mali a investi dans le renforcement de ses efforts qui peut à la fois tirer les enseignements
services météorologiques et de ses liens avec d’autres efforts de réduction des risques dans
les groupes d’agriculteurs, il existe un potentiel les domaines de la sécurité alimentaire et de la
considérable de conjuguer l’assurance contre santé et les influencer.
Les femmes, qui représentent une grande partie de la main-d’œuvre en Afrique rurale,
devraient profiter autant que les hommes des informations climatiques opportunes ; Isabelle
Jeanne/Unité Santé Environnement Climat CERMES
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Enseignements et étapes suivantes
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Gestion du risque climatique en Afrique : ce que la pratique nous enseigne
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Liste d’acronymes
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Liste d’acronymes
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Photos de la couverture :
section supérieure : D. Berehulak/Getty Images, section inférieure : D. Telemans/Panos Pictures
ISBN 978-0-9729252-4-2
UNECA
Secrétariat commun
Climat et Société No1