Sociologie du travail

Saint-Simon, œuvre ouverte

Daniel Vidal

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Vidal Daniel. Saint-Simon, œuvre ouverte. In: Sociologie du travail, 9ᵉ année n°4, Octobre-décembre 1967. pp. 448-461;

doi : https://doi.org/10.3406/sotra.1967.1373

https://www.persee.fr/doc/sotra_0038-0296_1967_num_9_4_1373

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 NOTE CRITIQUE

SAINT-SIMON, ŒUVRE OUVERTE

Les Éditions Anthropos viennent illustrer sa paternité et en revendi¬

de
Saint-Simon
publier les
1. L'ensemble
Œuvres complètes
de cette
de quer
a tantle dedroit
candidats
exclusif.
au Mais
Saint-Simo-
s'il y

édition les
dans constitue
étudesun saint-simoniennes.
événement majeur niâme, c'est que l'œuvre de Saint-
Simon est un capital qui ne saurait
Dans les quelque trois mille pages qui être abandonné et ce n'est pas le
moindre des paradoxes que de saisir
nous sont
oeuvres maîtresses
aujourd'hui
de Saint-Simon
offertes, les
ne
dans ces héritages
orientations contraires.
revendiqués des
suffisent pas à étouffer les autres
écrits, moins connus ou même jus¬ De cette série de contradictions,
qu'ici ignorés. Cette somme invite on ne peut rendre compte que si
à un nouvel examen de la pensée l'on pose au départ la pluralité de
saint-simonienne, et à l'esquisse d'une significations de l'œuvre ; mais ne
analyse actuelle 2. peut-on pas, par delà cette pluralité,
récupérer un à principe
conférerait l'ensemble
unificateur
de cette
qui
I. LES INTERPRÉTATIONS
DE SAINT-SIMON
CLASSIQUES pensée une cohérence dont il est
malaisé de distinguer l'argument à
partir des ouvrages qui la sollicitent ?
Saint-Simon peut reposer tranquille,
C'est pourtant
s'impose
Saint-Simon.
à l'examen
la tâche
despremière
œuvres qui
de
ses héritiers veillent pour lui. C'est
en effet l'impression qui se dégage de
la lecture des ouvrages écrits pour On ne connaissait jusqu'ici l'œuvre
de
diaire
Saint-Simon
de morceaux
que choisis
par l'intermé¬
publiés
au cours des années par les tenants
lumes.
dent
1. Réimpression
aux
Les 11
5 premiers
volumes
anastaltique
tomes
des œuvres
correspon¬
en 6 vo¬
de
d'écoles différentes 3. Quelles qu'aient
1868 à 1876 dans
Saint-Simon publiées
son édition
par E. des
Dentu
Œuvres de
3. Parmi ces textes, cf. notamment
de Saint-Simon et Enfantin. Le sixième pour la période actuelle :
tome regroupe
certains écrits de
par Saint-Simon
ordre chronologique
absents C. H. de Saint-Simon, la Physiologie
de l'édition Dentu. sociale, œuvres choisies (introduction
2. Par les contraintes du mode de Jean
et note
P.U.F.,
Dautry,
1965.
de Georges
Saint-Simon,
Gurvitch),
textes Paris,
choi¬
reproduction photographique, nous avons
sous les yeux, intercalés avec les écrits sis, Paris, Éditions Sociales, 1960.
de Saint-Simon, un texte d'Augustin
Georges
logue, Paris,
Gurvitch,
C.D.U.,Saint-Simon
1955. socio¬
Thierry morales
tiques, (l'Industrie
et ,philosophiques,
ou discussions t.poli¬
1,
mai 1817) et un texte d'Auguste Comte et pour une période plus ancienne :
(Catéchisme des Industriels, 3e Cahier, Célestin Bouglé, Choix de textes de Saint -
Système de philosophie positive, 1824) — Simon, 1925.
textes
de Saint-Simon.
écrits sous l'inspiration directe Charles Lemonnier, Œuvres choisies de
Saint-Simon, vol. I-III, 1854-1861.

448
 Note critique

pu être leurs
orientèrent la interprétations,
sélection des écrits
elles vie de Saint-Simon et dans la proche
période qui suivit sa mort, en 1825, —
de Saint-Simon
était éminemment
en un
favorable.
sens qui Non
leur qu'une poignée.
apparaissait dans Leur
le moment
interprétation
même
point qu'il y ait là nature à s'indigner, où s'interrompait
Saint-Simon, et elle la
semblait
réflexion
donner
de
il
quelque
lysé,
n'yeta nous
pas
déformation
de
n'aurons
véritable
pas
de analyse
l'objet
la mauvaise
sans
ana¬ toute
nisation
son à ampleur
la doctrine.
et toute
Saint-Simon
son orga¬
grâce d'en tenir rigueur à ceux qui avait en effet tout au long de son
ont tenté l'approche du maître. Au œuvre recherché un principe d'analyse
reste, toute lecture s'accompagne d'un
sociale
de l'interprétation
qui lui permette
du monde
de « passer
à sa
découpage, et il est naturel que la
recomposition espérée ne se superpose transformation ». Après sa mort il
pas l'œuvre
de exactement
lue. à la pensée profonde semblait à certains que le moment
était venu de réaliser la doctrine,
en la faisant passer dans les faits.
donné
Par ailleurs,
une œuvre Saint-Simon
achevée —
n'a mais
pas
Tel est le sens de la publication du
qu'est-ce que l'achèvement d'une « Producteur
de la doctrine», »suivi
x. de « V Exposition
œuvre ? — qui permette d'en dégager
un système, encore moins de légiti¬ Sébastien Charléty remarque, à
mer une école. Son propos n'était juste titre, qu'il s'agissait alors pour
sansdedoute
en nombreux
pas là.endroits
Enfin, la
de reprise
thèses les disciples des
répétition bienprincipes
moins d'une
de simple
Saint-
centrales, leur mise à l'épreuve par Simon que d'une œuvre en elle-même
le canal d'interlocuteurs suscités, intro¬ originale 2, canalisant étroitement le
duisent des temps morts qui risquent sens
Mais de
où est
la pensée
le saint-simonisme
saint-simonienne.
dans
de masquer
ments du discours.
l'originalité
Pourd'autres
ces raisons,
mo¬
cet immense effort pratique, dans
il est indispensable que la lecture cette tentative de faire pénétrer une
soit partiale et partisane. Mais quel doctrine dans une société qui en
parti prendre ? refuse le principe ? Il sera précisément
un saint-simonisme adapté. Le vrai
a) Les saint-simoniens saint-simonisme est-il dans ce danger
Partira-t-on, par exemple, de l'inter¬ permanent qui semble d'autant plus
prétation que donnaient de la doctrine pernicieux qu'on le refoule au nom
les saint-simoniens organisés en École, de la doctrine ? L'Eglise saint-simo¬
nienne sera l'agent bienvenu de ce
puis
ciplesdans
dire enne Église
furent
les dernières
? au
On départ
saitannées
que
— les
c'est-à-
dedis¬
la refoulement et aura fait beaucoup
plus pour faire « oublier » l'œuvre de

de
lesquels
De lanombreux
pensée
: ouvrages
de Saint-Simon
traitent parmi
enfin
publication
gé
drigue,
quelque
journal
manifeste
1.par
Le Prosper
en
cessa
Producteur,
chemin
de
1825.
saint-simonienne,
de
l'Ecole
Enfantin
par
paraître
Sesqui
la fondateurs
saint-simonienne
suite,
fut
etenla
Olinde
était
mais
1826.
première
firent
diri¬
leur
Ro¬
Le
François Perroux, Industrie et création
collective, t. I : « Saint-Simonisme du
xxe siècle et création collective »,
1964.
dont lesalors
devint auteurs
l'Exposition
étaient, deoutre
la doctrine,
Balzac,
Henri Gouhier, Saint-Simon, jusqu'à
la restauration, 1936, et Auguste Comte Enfantin, et Rodrigues, Laurent et
et Saint-Simon, 1941 (vol. I et II de Hippolyte Carnot — celui-ci devant
La Jeunesse d'Auguste Comte). en 2.rédiger
Sébastien
l'essentiel.
Charléty, Histoire du
Maxime =
ducteurs Leroy,
Henri lede Socialisme
Saint-Simon,
des 1924.
pro¬ saint-simonisme, p. 47 (lre édition, 1896,
Maxime Leroy, la Vie véritable du ouvrage réédité
Gonthier, coll. « en
Médiations
1965 aux», Editions
280 p.).
Comte de Saint-Simon, 1927.

449
Note critique

hommage, et la conscience des limites

àSaint-Simon
ses disciples
que par
les une
procèsbourgeoise
intentés de la réflexion de Saint-Simon. Un
que son avenir, même ouvert, effraye hommage, puisque Saint-Simon est
en quelque manière. consacré père
dériveront aussi
du bien
Socialisme,
les interpréta¬
de qui
Notre époque moderne tentera de
faire surgir un Saint-Simon nouveau, tions marxistes proprement dites que
rajeuni, débarrassé de la gangue d'une les analyses
dhon. Mais une
de Fourier
limitation
ou en
de même
Prou-
interprétation monotone et dogma¬
temps, puisque ce parrainage n'est
mémoire
tique. Nous
le mot
ne rappellerons
de François Perroux
que pour:
reconnu valable que pour ce qui se
«le Anôtre,
l'âge nous
atomique
sommes
et spatial
tous devenus
qui est rapporte aux thèmes non économiques,
et à une partie seulement de ceux-ci.
plus
nous ouattacher
moins saint-simoniens
à discerner comment
», pour Tout ceci est clairement indiqué
par J. Dautry 3 qui sacrifie peut-
on nous demande de l'être. Deux
être un peu
marxiste de Saint-Simon.
trop à une Mais
image
il n'est
pré-
interprétations ont prévalu, qui, pour
jeter une lumière neuve sur Saint- pas dans
dans la discussion
notre propos
des filières
de rentrer
et des
Simon, ne font, à nos yeux que
résoudre la question posée par l'œuvre héritages 4.
ou en masquant certaines propriétés.
c) Saint-Simon sociologue
b) Saint-Simon pré-marxiste La deuxième grande image que
On a vu le plus fréquemment, en l'on se estfait
Simon un aujourd'hui
Saint-Simon de
fondateur
Saint-
Saint-Simon, le précurseur du marxis¬
de la sociologie. On sait que le nom
me, socialiste
sée ou, plus généralement,
française du xixe
de lasiècle.
pen¬ fut donné à la nouvelle science par
Il n'est guère contestable, en effet, Auguste Comte. Mais Durkheim rap¬
que Saint-Simon a formulé certaines pelait que le véritable père de la
exigences théoriques et pratiques d'une sociologie était Saint-Simon 5. On
interprétation de l'histoire, à laquelle
Marx a largement emprunté 1 : le

té
àpassage
l'administration
construite
du gouvernement
autour
des choses,
de des
la la
hommes
valeur
socié¬ tion
tions
germe,
politique
économique
des
politiques
lechoses
despassage
hommes
et
est
n'apparaît
àladu
à base
uneune
gouvernement
direction
des
administra¬
ici institu¬
qu'en
des

centrale du travail, le principe de la opérations de production, donc à l'aboli¬

lutte des classes, etc. Que Saint- tion de l'Etat,
énoncée ici. » se trouve déjà clairement
Simon ait le premier donné à l'analyse
sociale
tir de ces
cette
éléments
méthodeded'approche
constitution
à par¬
est 3. Jean Dautry, op. cit. Les mêmes
indications dans
Gurvitch, sont son données
Saint-Simon
par Georges
socio¬
attesté par les fondateurs eux-mêmes
logue ainsi que dans Saint-Simon et
du
écrire
marxisme.
: « NousEngels
trouvons
n'hésite
chez Saint-
pas à Marx, Revue Internationale de Philo¬
sophie, 1960, vol. 53-54, pp. 399-416.
Simon une largeur de vue géniale qui 4. Cet héritage est confirmé par P. Na-
fait
strictement
que presque
économiques
toutes des
les socialistes
idées non ville, De l'aliénation à la jouissance,
Paris, Rivière, 1957, pp. 65 et sq : « A sa
postérieurs sont contenues en germe manière, avec le désordre, le prophétisme
chez lui » 2. Ce qui est à la fois un et le dogmatisme qui l'ont caractérisé,
Saint-Simon fut un Hegel du socialisme
primitif.
5. Durkheim,
» (p. 66.)le Socialisme, 1927. « Et
de cette science nouvelle il n'en a pas
seulement
la réaliser.dressé
On rencontre
le plan, il chez
a essayé
Saint-
de
Friedrich
1955-1958-1962,
pp.
Sociales,
remarqué,
1. 25-26
2. Auguste
F. Engels,
Engels,
et
1950,
p. 298
87-88,
Cornu,
cf.,
:p.«3 Anti
—
Si299.
vol.,
notamment
l'idée
etKarl
vol.
Duhring,
Paris
Engels
que
II,
Marx
laP.U.F.,
p.
vol.
situa-
avait
138.
Éd.
et
I,
Simon les germes déjà développés de
toutes les idées qui ont alimenté la
réflexion de notre époque. » (pp. 148-150.)
450
 Note critique

trouve chez lui non seulement cer¬ l'exégèse des Saint-Simoniens que la
taines des thèses les plus originales
tentation
Nous avons,
marxiste
au contraire
ou sociologique.
le senti¬
de la sociologie du xixe siècle, reprises
ment qu'un regard radicalement autre
par recherches
les Durkheimcontemporaines
et développées
1, mais
par
posé sur l'œuvre de Saint-Simon est
surtout un état d'esprit, un « regard » aujourd'hui nécessaire pour dégager
proprement sociologique qui fonde la et ordonner
passés sous silence.
certains aspects jusqu'ici
sociologie en tant que science, et
luiRien
permet
de cela
de sene développer.
sera perdu par une donné
Mais lapourquoi
peine de ne
voirs'était-on
Saint-Simon
pas
sociologie soucieuse de définir un dans
L'excuse
un éclairage
des morceaux
nouveauchoisis
? est
espace propice à son épanouissement.
Mais pas plus que le marxisme n'épuise aujourd'hui caduque. La publication
la pensée de Saint-Simon, pas plus des œuvres complètes doit permettre
de retourner aux sources pour y
l'héritage
ne donne revendiqué
à voir le par
tout
la sociologie
de cette
voir plus clair ce qui suppose un effort
doctrine. de dégagement par rapport aux inter¬
prétations qui ont prévalu jusqu'à
ce jour. Une œuvre ne se laisse jamais
II. POUR UN NOUVEAU REGARD enfermer dans les interprétations —
SUR SAINT-SIMON même les plus minutieusement étayées
— que l'on en donne cinq ans ou
cent ans après. Ce qui est vrai de
Si Saint-Simon ne peut légitime¬
ment se retrouver dans aucune des l'Église saint-simonienne et de ses
thèses essentielles dont on le veut
l'annonciateur, cela tient peut-être
thèses
à la non-pertinence
dérivées. Endeeffet,
l'œuvre
à voir
et des
le
maître pétrifié selon des perspectives outrances
marxiste
Simon.
dire
est
elle
quête.
Simon
en
on recherche
une
dehors
de
sollicite
Par
l'œuvre
aC'est
œuvre
toujours
ou
est
ailleurs,
d'elle.
moins
en
sociologique
en
valable
ouverte.
de ce
Saint-Simon
permanence
trouvé
De
l'œuvre
dans
sens
pour
toutes
Par
Saint-Simon
qu'on
sa
de
de
là
l'analyse
totalité
même,
qu'elle
Saint-
parts,
notre
peut
différentes,
dérer son œuvre
on peutcomme
être tenté
la de
manifes¬
consi¬
tation d'un génie polymorphe et
brouillon qui n'aurait rien achevé bien
que touchant à tout.
l'œuvre que la légitimation, le sens
De cette interprétation il faut se
garder comme du piège majeur tendu que
Ce la
sens
mise
dérivé,
en perspective.
extérieur à l'œuvre,
par l'œuvre à ses analystes 2, et qui
cette totalisation qui n'attribue de
justifierait a posteriori aussi bien vérité à Saint-Simon que pour autant
qu'on puisse l'engager dans un moule
étranger — voilà le résultat d'une
analyse 3 qui se soucie bien moins de
la
Œuvres
2.
1. physiologie
S.
G. Charléty
choisies,
Gurvitch,sociale
P.U.F.,
semble
« Avant-propos
»,accréditer
1965.
Saint-Simon.
cette
à, l'œuvre que de son influence, et qui

opinion
du saint-simonisme
lorsqu'il écrit: dans
« Uneson existence
Histoire
tout entière dirigée par la volonté
et la délibération, n'aboutissant qu'à,
des échecs matériels, un effort d'esprit
prodigieux, un orgueil naïvement sin¬
cère, une exaltation ininterrompue de tant
Ainsi
jeune
tico-téléologique
Marx,
mais
passés
aujourd'hui
chap,
et 3.sq).
Analyse
marque
s'en
Marx
ii
Paris,
en
au: va-t-il
«crible
faut,
Sur
et
Maspéro,
(cf.
qui
tout
dule»d'une
pour
au
L.Marx
jeune
n'est
un
justement
1965
Althusser,
seul
courant
les
« de
Marx
pas
théorie
etSaint-Simon,
rapports
lanotamment
appliquée,
maturité,
»,contestés
critique.
pp.
analy-
Pour
du
53
trente années donnant pour résultat
des essais incomplets contradictoires et
obscurs, en somme, une vie manquée
se terminant par un livre inachevé,
voilà ce qu'il laissait... » (p. 26).
Note critique

nie
nom ende quelque
l'usufruit.
sorte On
le conviendra
capital au nent alors un sens
compréhension des textes.
majeur pour la
qu'il y a quelque paradoxe à maintenir Ce projet central, intégrateur et
cette manière d'analyse au moment ces unités significatives, ou unités
où la critique exige de plus en plus implicatives, comment en justifie¬
que l'on commente l'œuvre non en fonc¬ rons-nous le statut théorique ? Certes
tion d'un cadre ou d'une logique pas à partir
rition dans l'œuvre
de leur fréquence
de Saint-Simon.
d'appa¬
qui sont toujours constitués du dehors,
mais d'une logique immanente à La grande redondance des idées de
cette œuvre, qui parle son langage Saint-Simon, la reprise cent fois répé¬
et ne cherche à atteindre ni plus ni tée de certains thèmes, laisserait un
moins que sa « vérité ». La chose sérieux doute quant à son apport
n'est sans doute pas facile, mais vaut véritable, si l'on ne devinait, derrière
la peine d'être tentée. cette réitération, la force d'un leit¬
C'est cette « vérité » qu'une lecture motiv, d'un thème central. Mais
ordonnée peut approcher. Par-delà ce
Devra-t-on
projet estlelui-même
définir au
sujet
niveau
à caution.
même
les sens jusqu'ici dégagés, mais en-deçà
d'une totalisation opérant plus sou¬ où se situe le « message » manifeste
vent par coups de force philosophiques, de Saint-Simon, ou, au contraire,
cette lecture se propose de dévoiler l'abstraire de sa gangue et le faire
une structure significative qui soit parler ? C'est à coup sûr cette méthode-
la raison d'un rangement et d'une ci qui sera la bonne. Mais il n'y a là
intégration d'éléments disparates. Elle tion
aucunecentrale
opérationd'où
magique.
diffuseront
Cette inten¬
les
paraît être aujourd'hui le mode de
lecture sociologique de l'œuvre de thèmes proprement dits — et les
Saint-Simon. Elle prend en effet cette unités significatives elles-mêmes — ,
œuvre comme un « objet sociologique » ne requièrent pas on ne sait quelle
qu'on doit se donner la peine de recette ; simplement, un nouveau re¬
décomposer et de briser pour le gard x.
recomposer de manière nécessaire¬ Si on les a « ignorés » jusqu'ici,
ment singulière. Recomposition qui c'est qu'on ne les voyait pas. Ils ne
n'est pas, bien entendu, restitution, deviennent lisibles qu'à partir du
et qui ne se propose pas de l'être. En moment oùà l'on
démarche contre-courant
accepte de suivre
des inter¬
une
quoi elle risque à chaque instant
1 échec. Mais le problème est moins de prétations classiques, et rechercher
révéler en quoi Saint-Simon pré¬ en Saint-Simon — et non en Marx,
face différentes orientations philoso¬ Proudhon,—les lasociologues
nocrates clé de Saint-Simon.
ou les tech¬
phiques ou morales — ce qui n'est
guère malaisé,
tienne au texte pour
— maispeude qu'on
construire
s'en a) Pour une théorie de la rupture
à partir de Saint-Simon le prin¬ A lire ainsi Saint-Simon, on eat
cipe d'ordre de ces orientations com¬ frappé par une volonté incessamment
plexes et contradictoires. Recherche qui affirmée
son œuvredeentière
rupture.
illustre
Nonconstamment
seulement
récuse alors tout aussi bien l'analyse
par filières — recomposant un itiné¬ cette volonté, mais elle ne peut se
raire purement
Simon marxiste «auobjectif
Saint-Simon
», du Saint-
socio¬
logue — que l'analyse littérale, impres¬
sionniste, ou simplement dogmatique.
La lecture
objet et méthode
proposée
la mise
a en
donc
évidence
pour
sa 1.travaux
précises
de
les
humaines
saurait
qui
Barthes
la
justification
fait
Il nouvelle
va
illustrations
ignorer
etparticiper
». sur
de
M.Desoi
«Foucault.
critique,
l'archéologie
ce
théorique
laque
point
au
complicité
dans
ce
même
ainsi
de
regard
les
etdes
vue,
recherches
que
débat
ses
sciences
detrouve
ondans
plus
fait
ne
R.
de
d'unSaint-Simon
projet central
se nourrira
duquel l'œuvre
— et,
dans cette œuvre, le dévoilement de
combinaisons significatives qui pren¬
452
 Note critique

veut pourtant que les apparences

soient contre lui, et qu'à la lecture
comprendre
rupture
ceux-ci
tenir
niveau aux
des
n'est
— .thèmes
nombreuses
En
pas
qu'àaffichée
effet,
—partir
elle on
rend
seulement
affirmations
d'elle.
peut
possibles
s'en
La
au superficielle ne ressortent que les
aspects critiques. D'où la tentation
d'interpréter son œuvre comme entiè¬
concernant le développement social, rement critique. Mais ne voir que cela
le rôle des industriels dans l'organisa¬
tion sociale, la nécessité pour eux risque que
fonde
notamment
de masquer
constituent
industrialistes.
l'originalité
ses C'est
thèmes,
proˆ
de se
en mainformer
les destinée
en parti de
pourla prendre
nation,
partir d'eux qu'il renoue sans doute
pour être la manifestent
affirmations nation enfin. elles-mêmes
Toutes ces avec la critique, mais après que celle-ci
a été accomplie irréversiblement,
une coupure
soutenues avant
totale
Saint-Simon.
avec les thèses
A ce et que cette propriété lui permette
de parler un ancien langage avec
titre, elles ont été retenues comme des mots nouveaux. On ne peut
telles par les analystes de Saint- s'empêcher
son avec leici cheminement
d'établir une comparai¬
de Marx.
Simon,
évidente.
Il faut voir
leur
Mais
que
portée
oncenerenouvellement
peut
novatrice
s'en tenir
étant
là.
ne Mais sur
tuée chezlaMarx,
totalité
la coupure
des éléments
est effec¬
du
peut se déployer qu'à partir d'une champ, il y a réévaluation totale de
rupture avec les canons d'antan. chaque principe d'analyse 3, et la
Plusieurs textes nous invitent à repé¬ conclusion est la même : il ne s'agit
rer cette rupture. plus, pour
mais de la
transformer.
philosophie, Pour
de critiquer,
Saint-
Dans Y Introduction à la philosophie
du XIXe, (1810), Saint-Simon note Simon, la rupture sera de perspec¬
que l'argument majeur du xvme tive plus que de contenu. Ainsi
fut « critique et révolutionnaire », faisant, il ouvre un nouvel espace
tif
alors
1. qu'au xixe il faut être inven¬ à la pensée théorique, au cœur duquel
Marx pourra alors — et alors seule¬
Dans cette novation, nous devons ment — déployer ses analyses.
voir le critère même qui permettra manière
De cetteradicalement
coupure qui nouvelle
ordonne les
de
à Saint-Simon d'ordonner les pensées
de son temps, et la marque de la rup¬ éléments du réel retenons le passage
ture avec le système où la critique àde laL'industrie
théorie desoù mouvements
Saint-Simon sociaux
assigne
des valeurs dominantes (ou, inverse¬
ment, l'apologie de ces valeurs) cons¬ la première place dans l'urgence des
tituaientetle champ
sances des interventions.
même des connais¬
Avec problèmes qui se posent à sa société 4.
Il ne peut y avoir de changement
cette complicité dans la relation entre social que s'il y a une théorie du
maîtres et esclaves, Saint-Simon veut
briser radicalement 2. Le paradoxe

bue
lard,
—
blématique
la
tème
cation
(...)
d'instituer
avoir
pondre
à,passer
(cf.faire
3.
4.
fondation
« Pour
au
Tel
«pour
par
philosophique
auparavant
de
Tout
les
»d'un
au
concept,
est
(II,
Marx,
conséquent,
«penser
travaux
théorique
un
d'une
nouveau
régime
coupure
le
3,système
p.
sens
régime
p.
emprunté
laétabli
discipline
23).
philosophiques
auquel
24).
social
mutation
qu'Althusser
épistémologique
système,
contemporaine
ilphilosophique
De
lenouveau,
est
est
même,
ilnouveau
à doit
scientifique
G. illa
de
une
impossible
Bache¬
corres¬
«néces-
appli¬
attri¬
reste
pour
pro¬
sans
sys¬
de
et»
comme
Saint-Simon
et
ànant.
très
de
que
servir
ont
générale
1.adopter
2.l'Encyclopédie
mathématiques
Saint-Simon.
Après
l'idée
discréditée
I,Mais
précisément
au
« 1,
le»progrès
résumé
p.
avoir
générale
ils
pour
que
remarque
92.
n'ont
»propose
défini
française
des
remplacer
de(ibid.,
cette
qu'en
lasciences
admise
point
que
science
« nouvelle
l'idée
toute
la
p.
«ont
indiqué
les
ne
celle
perfection¬
92)
générale
générale
physiques
démontré
contenus
pouvait
l'œuvre
;« qu'ils
l'idée
c'est
idée
»,»

453
Note critique

rupture : dans L'organisateur , Saint-

changement.
cette
popularisée
formule
et On
illustrée.
queestle familier
léninisme
Mais onavec
ne
a Simon Détruisant
voir. oppose la capacité
l'ancienneet relation
le pou¬
qui identifiait le pouvoir à la capa¬
s'estlepeut-être
sur sens réel pas
de toujours
cette idée.interrogé
Contre cité, Saint-Simon marquera le renver¬
tous ceux qui prêchaient l'accumu¬ sement qu'il convient d'opérer 8. C'est
lation progressive de micro-change¬ à la capacité de prendre le pouvoir.
ments qui devaient nécessairement Marx légitimera par là — et sur des
aboutir aux bouleversements plus bases économiques précises — le
rôle du prolétariat.
reproché à Saint-Simon
On ade souvent
n'être
profonds,
leurs
tanément
changements
Saint-Simon
dynamique,
n'ont qu'il
rétorque
rien depeut
spon¬
que
y
pas allé aussi loin et de s'être arrêté
avoir changement sans dynamique. au seuil, en quelque sorte, du marxis¬
Celle-ci n'apparaît que pour autant me. Outre que dans ses derniers
qu'une
la raison.
théorie
Cette
en donne
théorie,
la légitimité,
seuls les écrits Saint-Simon parle avec netteté
du prolétariat 4 — alors qu'il n'avait
philosophes — hasardons le mot, mentionné jusqu'alors que la classe
les sociologues, les tenants de la la plus nombreuse 5, — il n'est pas
science positive — peuvent en donner aussi évident que Saint-Simon ait
les contours. Qu'il faille tout ramener été son
de freiné
élucidation.
par le Dans
caractère
une certaine
tardif
à la production est un principe révo¬
lutionnaire
toutes les conséquences.
dont on n'a pas Lesapprécié
Saint- mesure, on peut dire que la mise en
tariat
évidence
sous
chezla Saint-Simon
couche de la
du société
prolé¬
Simoniens s'y sont essayés, mais
au prix d'une telle réduction théo¬ industrielle qu'il avait passé sa vie
rique qu'on ne peut, à partir d'eux, à défendre et à proposer, est une
retrouver le sens de cette pensée. découverte qui va peut-être plus
Saint-Simon renversera par exemple loin que la mise en évidence, par
les rôles respectifs des gouvernants Marx, du rôle historique de ce même
et des savants
nouveau est celui
: le régime
où les vraiment
savants prolétariat. Marx se situe d'emblée
au cœur du système capitaliste dont
dirigent et protègent les gouvernants 1. le prolétariat constitue le principe
sa
On pensée
aura beauavecjeulesparlunettes
la suite techno¬
de lire de négativité, c'est-à-dire d'histoire.
Le Système industriel chez Saint-
cratiques, alors que Saint-Simon fut Simon est de conception plus globale
le Autre
premierillustration
à refuser cette
du thème
confusion
de la
2. que le capitalisme chez Marx — et
par là l'identification d'un groupe
particulier dans cet ensemble est,
du point de vue sociologique 6, aussi
saires pour revoir toutes les idées, pour
les asseoir sur les principes de l'industrie, riche
jour d'une
de perspectives
classe montante
que qui
la mise
épuiseà
pour rapporter toute la morale à, la la fausse histoire pour entamer le
production comme on y rapportera la
politique » (ibid., p. 39).
1. L' Industrie, II, 3, p. 29.
2. De nombreux textes témoignent
de ce refus. Citons seulement celui qui H.4.
3. deL'Organisateur,
EnSaint-Simon
particulier àII,
dans
Messieurs
4, lap. Lettre
85.les ou¬
de
nous paraît le plus explicite : « Si malheu¬
reusement pour nous, il s'établissait vriers (VI, p. 435, écrit en 1821) et
un ordre de choses dans lequel l'adminis¬ la
écritClasse
en 1821).
des prolétaires (VI, p. 453,
tration des affaires temporelles se trou¬
vât placée dans les mains des savants, 5. Cf. Du système industriel (III, 5-6)
on verrait bientôt le corps scientifique et le Nouveau Christianisme (III, 7).
se corrompre et s'approprier les vices 6. Point de vue qui, par sa nature,
du clergé, il deviendrait métaphysicien, est recherche des nouveaux groupes
astucieux et despote. » (Du système actifs sous
sociales évidentes.
la globalité des relations
industriel, III, 5, p. 161.)
454
 Note critique

il faudra passer un long temps à

règne
véritables.
du frontières.
ses champ
de l'humanité
Marx
nouveau,
opère
etSaint-Simon
de
à l'intérieur
la liberté
à définir une nouvelle politique 5. Il
terme
s'agit donc
qui impliquait
d'un projet
un à renouvelle¬
très long
Rupture également témoignée dans
ment complet
d'analyse avant dede toute
pouvoir
perspective
se cris¬
le Système industriel où Saint-Simon,
parlant du passage du système féodal talliser en système et ouvrir la possi¬
au système industriel, souligne avec
bilité voulu
ayant d'une « mise
précipiter
en pratique.
» la doctrine,
En
force que ce passage implique un
renversement complet dans tous les les Saint-Simoniens ont limité ce pro¬
ordres de valeurs 1. Il n'hésite pas
jet.
prix Ils
d'un
ne renoncement
devaient y parvenir
à la volonté
qu'au
truction
en effet de
à l'ordre
ajouter,féodal
alors est
queterminée,
la des¬
de rupture qui sous-tendait l'œuvre.
que la révolution est encore à faire 2, Ils pouvaient à ce prix seulement
que seuls les industriels sont respon¬ rendre en partie lisibles certains élé¬
sables de sa stagnation, et qu'ils ments de la pensée de Saint-Simon
peuvent seuls en venir à bout 3. Mais à la condition supplémentaire de les
quel sera le but de cette révolution ? amplifier. Reniant le projet, ils n'en
Il faudra passer du gouvernement à conservaient que le caractère indicatif
l'administration 4. Ce thème, cent fois et empirique. A ce compte, leur
repris, constitue un principe central mission devenait tolérable par une
qui ne peut être compris dans ses société qui n'aurait pas accepté que
conséquences lointaines que s'il est fût remise en cause sa légitimité.
mis en rapport avec la coupure que Car il s'agissait bien de ceci. Dans
Saint-Simon veut opérer dans l'ana¬ De V organisation sociale , Saint-Simon
lyse de la société. Il était naturel se livre
de la révolution.
à une critique
La Révolution
fort pertinente
fran¬
que les marxistes le reprissent à leur
compte. çaise, dit-il, n'a pas changé les prin¬
Cette philosophie positiviste ne sup¬ cipes de l'ordre féodal 6. La classe qui
plantera pas ipso facto les modes de en fut l'acteur principal avait en défi¬
penser dominants et déjà condamnés nitive bénéficié de la protection ambi¬
par l'histoire. Après la révolution, guë de la royauté. Comment, dans
ces conditions, pouvait-elle briser radi¬
calement
avait tiréavec
sa un
forcesystème
et sondont
statut.
elle
Elle n'était pas extérieure à la société,
mais centrale. Que sa centralité réelle
fût niée au profit de la noblesse
explique le point de rupture révolu¬
tionnaire. Mais il n'y eut pas véritable¬
ment révolution, trop de choses étant

tionnements,
naissent
d'une
Mais
ment
croire
doit
légistes
qui
cation
peut
«véritable
goit
le
puissent
cations,
de
pp.
Or
1.
2.
3.
4.
soit
forme
conduirait
12-13.)
il
changé
Le
«avoir
Ibid.,
1refonte
plus
'erreur
commise
que
Les
faut
également.
qui
du
et
Système
être,
bien
changement
c'est-à-dire
etades
esprits
le
p.
pour
système
jouer
que
p.pour
eu
générale
non
nouveau
quelque
capitale,
51.
52.
ne
aujourd'hui
àmétaphysiciens.
le
à,tout
industriel,
base
«Tous
aucun
un
but
que
de
cet
sont
prendre
social,
son
du
système.
peu
de
d'activité
des
égard,
importants
les
le
système
qui
les
que
système
effet,
rôle,
ce
système
éclairés
doctrines
autres
III,
est
changements
une
la
une
système
des
consiste
»et
générale¬
pour
»ànécessité
5,
générale
(III,
social...
modifi¬
perfec¬
qui
Erreur
édifier
recon¬
p.
social
qu'ils
des
28.
»...
un
ne
5,à

politique
le
société
institutions,
tante,
plus
trouvent
5.monde,
«dela
La
politique
temps
soumises
qui
plus
désorganisation
et
est
joue
l'opération
difficile,
la
de
fondée
àleréorganisation
toutes
laprincipal
direction
sur
et la
d'une
celles
qui
deplus
rôle
nouvelles
de
exige
société
impor¬
qui
d'une
notre
dans
se
le

intelligence, » Quelques opinions philoso¬

phiques à l'usage du XIXe siècle, Y, 10,

p. 6.84.
155.
De l'organisation sociale, V, 10,
Note critique

à perdre,
Simon se outre
situe des
doncchaînes.
d'emblée
Saint-
au de
Il faut
toutes
voir là
lesle sociabilités.
dérèglement raisonné
Par ce
cœur d'une problématique de la rup¬ dérèglement de nouvelles correspon¬
ture, qui assigne au « contre-social » dances sociales apparaîtront, qui fini¬
le
Sociaux.
rôle décisif dans les changements ront parhumaine.
rience constituerDénaturer
l'horizon del'univers
l'expé¬
conduit à déshumaniser l'homme. On
essentiel
Ce projet
dans de
l'œuvre
rupture
de Saint-Simon.
nous paraît
est loin de l'interprétation humaniste
A partir de lui vont se déployer les que donne Gurvitch
Saint-Simon -— et notamment
de l'œuvre du de
thèmes majeurs de l'œuvre, que nous
pouvons regrouper en quelques uni¬ « Nouveau Christianisme » dont nous
tés significatives. reparlerons par ailleurs. Loin aussi
Indiquons à ce moment de l'ana¬ de « l' antihumanisme théorique »
lyse thèmes
des que ces unités
manifestes
ne constituent
dans l'œuvre
pas Marx
qu'Althusser
2. Chez Marx,
met enl' antihumanisme
lumière chez
de Saint-Simon, c'est-à-dire que nous se crée à travers une critique radicale
ne les identifierons pas en fonction de tous
chez Saint-Simon,
les élémentsle ducontre-huma¬
champ —
de leur fréquence, mais à partir de
leur aptitude à réordonner les maté¬ nisme est moins théorique que volon¬
riaux. A notre sens, autour du pro¬ tariste, et se situe moins au niveau
jet central constitué par la volonté des concepts que de l'expérimenta¬
tion.
de rupture se développent deux sys¬
tèmes interprétatifs qui peuvent per¬ Au reste, Saint-Simon revient main¬
mettre d'assigner à l'œuvre des sens tes fois sur ce thème, notamment dans
originaux. Ces deux systèmes ont sa correspondance avec M. de Redern
pour fondement un contre-humanisme, où, écrit-il, « les philosophes sont des
et une certaine manière de penser fruitsfruit
des d'automne,
d'hiver » 3.ilsDoit-on
sont presque
ne voir
sociologique.
là que l'amertume d'un solitaire ?
b) Le contre-humanisme
Saint-Simon veut mettre l'univers Ouconfirmation
la peut-on voir
de cet
sous
antihumanisme,
cette image
en expérience. L'univers et le principe dans la mesure même où les philo¬
autour duquel celui-ci s'ordonne, l'hom¬ sophes témoignent précisément de
me 1. Mettre l'homme en expérience la fin
au méridien
d'une de
conception
sa puissance
de l'homme
fictive
c'est, de quelque manière, le mettre
en question.
mentale » trouve
La « icisociologie
son fondement
expéri¬ et de son impuissance réelle ? Allons
plus loin, et disons que cette philoso¬
et son « territoire ». Dans ce champ,
la question de l'homme est posée. phie
écarté
En ne1817,
l'apeut
priori
dans
s'épanouir
de l'Industrie,
l'homme.
qu'uneSaint-
fois

Simon parle du « peuple intérieur »

l'homme,
plus
science,
moyens,
rience.
ce
en
consiste
1.n'est
expérience.
«importantes
Pour
Or,
leque
est
à que
plus
ce
l'établir
de
accélérer
len'est
mettre
Une
petit
grand,
nous
à pas
des
faire
dans
monde,
les
l'univers
lepouvons
leexpériences
plus
progrès
grand
sur
de c'est-à-dire
noble
l'homme,
nouvelles
enmonde,
mettre
de
expé¬
des
les
la l'homme
positive
ce
un
que
qu'à
On
principe
la
contre-humanisme
partir
serejoint
société
adéveloppe
quipour
de
deporte
ne
ainsi
sanégativité.
objet
se
dépouille.
en
lapuisse
une
elle.
formule
de
cetscience
La
fait
concevoir
étranger,
Il science
fallait
selon
pour
de

relations sociales. » Sa vie écrite par

lui-même, 1808, I, 1, p. 81. « II faut, dit
Saint-Simon, se placer personnellement humanisme
2. L. Althusser
», Cahiers
: « deMarxisme
V I.S.E.A.,
et
dans le plus grand nombre de positions
sociales différentes, et même créer, pour juin 1964 (publié dans « Pour Marx »,
les autres et pour lui, des relations qui
n'aient point existé. » (Ib., p. 82.) pp.3. 227
I, 1,et p.59).
107.

456
 Note critique

ranisme, c'est parce que celui-ci ne

lui apparaît que comme un mouve¬
ment plus rétrograde encore, qui con¬
sistait
autre, àplus
remplacer
archaïque
un 5.
dogme
Contre
par ces
un
dogmes et ces métaphysiques, Saint-
laquelle
doit
hommes
nonce
cition
sociales,
raison
une
Dans
vient
son
des
consacre
essentielle
interprétation
hommes
relayer
l'Organisateur,
longuement
d'un
—
étatique
1.—
l'administration
l'action
, Où
on
dépérissement
et le
et
sans
entre
l'on
peut
des
et
l'ordre
gouvernement
sur
antihumaniste.
doute
n'a
le
aussi
Saint-Simon
lesune
hommes
gouvernement
vuinstitutions
des
fut-ce
social,
de
superposer
comparai¬
que
lasur
choses
coer¬
l'an¬
avec
des
qui
re¬
les Simon propose un nouveau christia¬
nisme qui, sans doute doit « tendre
directement à l'amélioration la plus
rapide de la classe la plus pauvre »
(p. 118), à partir d'une morale. Mais
qu'est cette morale ?
La tâche que Saint-Simon s'assigne
choses 2. Dans le gouvernement des est d'en faire apparaître les fonde¬
hommes — et quelle que soit la classe ments positifs,
comme science 6. deSurla celle-ci
faire valoir
nous
qui gouverne, l'arbitraire règne. La
reviendrons. Mais notons ici qu'elle
lutte contre
vement même,
l'arbitraire,
est lutte contre
par sonl'hom¬
mou¬
n'était pensable, donc possible, qu'à
me. L'un et l'autre concepts sont rigou¬ partir du moment où les préoccupa¬

reusement
De même,conjoints.
on a voulu voir dans tions proprement
humanitarisme s du moralisantes
xvme siècle étaient
et les
Le nouveau christianisme une synthèse brisés. La référence à l'homme, hon¬
entre le panthéisme et l'humanisme. nête ou pas, était un obstacle qu'il
G. Gurvitch s'y étend longuement 3. fallait rompre pour que se développe
Avant lui, Olinde Rodrigues avait la loi scientifique, la sociologie nou¬
déjà donné une interprétation ana¬ velle de
nom — « qu'on
morale l'».affuble ou non du
logue 4. Il a suffi en effet que Saint-
Simon parle au nom de « la classe Tout le discours de Saint-Simon
la plus nombreuse » et de la « morale » est un appel à fonder une nouvelle
nouvelle, pour qu'aussitôt les inquié¬ transparence. Qu'il y soit parvenu
est une question que l'on peut se
tudes
là de son
se œuvre
calment.
dernière,
Commeachevée
il s'agit
en
poser. Qu'il en ait donné la possibilité
1825, on y a voulu voir le retour de
paraîtle peu
par nouveau
contestable.
statut Aujourd'hui,
scientifique
théiste
Saint-Simon
» de à la une
réalité
analyse
sociale,
« pan¬
en
que prend l' antihumanisme, le propos
une sorte de mea culpa à l'échelle nous paraît
faudra-t-il encore
actuel.
d'échecs
Maisdans
combien
l'hom¬
de l'œuvre. A y regarder de plus
près, on s'aperçoit que ces mots, me et la recherche de son « bonheur »
une fois encore, ne doivent pas mas¬ pour qu'on comprenne que la science
quer les choses. Quand Saint-Simon de l'homme n'est pas dans la confron¬
légitime la lutte contre la papauté, tation à un objet d'autant plus
ce n'est pas au nom de valeurs morales centralisé sur le plan de la conscience
que le christianisme revu et corrigé qu'il est manipulé dans la réalité,
aurait bafouées, c'est au nom de la
mais àauun
tivisé niveau
sujet-maître
de l'expérience
réel, et scien¬
rela¬
compétence et des intérêts de la
majorité de la nation. Quand il refuse tifique.
pour autant de renouer avec le luthé-
5, Le Nouveau christianisme, III, 7,
pp. 123 à 164.
1. G.
2.
3. L'Organisateur,
Ibid.,
Gurvitch,
pp. 191 (note),
II,
Saint-Simon
4, p.
192181.
et socio¬
197. 6. « Il est une science bien plus impor¬
tante pour la société que les connais¬
logue, Paris, C.D.U., pp. 48-49.
4. Aux saint-simoniens, gardiens de la science
sances physiques
qui constitue
et mathématiques,
la société, c'est
leur foi au nouveau christianisme, cité celle qui lui sert de base, c'est la morale. »
par Laurent de l'Ardèche, IV, 8, p. xxxv. [ib., p. 187.)
Note critique

et du début du xixe, Saint-Simon

du
teur,
en Sisystème
effet,
l'on
du les
nouveau
y industriel,
réfléchit
thèmeschristianisme,
du
de
de producteur,
plus
l'organisa¬
près,
de prend à partie Condorcet, et son
Esquisse d'un Tableau historique des
progrès de l'Esprit humain. Il lui
la compétence, de la science, bref, reproche « d'avoir considéré l'in¬
l'étoffe même que tissa Saint-Simon telligence humaine comme étant
en 25 ans de réflexion, partent d'une d'une perfectibilité infinie — idée
volonté de renversement global — fausse, puisque les facultés que l'esprit
et non d'une simple redistribution acquiert ne se cumulent point avec
nouvelle des mêmes cartes du jeu — celles qu'il possédait, et qu'elles rem¬
faut
pour permettre
aboutir àà la
l'homme
constatation
de s'évader
qu'il placent seulement celles qu'il perd,
ainsi que l'histoire nous le prouve » 2.
du réseau des doctrines vieillies qui Cette prise de position ferme contre
la notion de progrès est capitale
le prenaient
mieux
consacre
aliéner.
un certain
pour
En ce sens,
cible
achèvement
Saint-Simon
afin de de
le
pour comprendre
simonienne et confirme
la pensée
son contre-
saint-
l'homme, possesseur de la société humanisme. Contre toutes les thèses
parce que maître de la nature, à la d'une progression continue de la
source de la production, à partir société, Saint-Simon élève un barrage.
de quoi
que l'arbitraire
l'ordre pourra
de l'homme
régner cédera
parce La société n'est pas un cadre où se
réaliserait un certain progrès, le pro¬
la place à l'homme arbitre. Il y a grès n'est pas l'argument du dévelop¬
pement social. Aussi bien est-ce au
Mais
peut-être
qu'unepar-delà
science
là quelque
l'utopie,
s'offre ?utopie
qui ne
cachée.
voit nom du progrès que l'on s'était sou¬
vent insurgé contre le développement
social. La réciproque est vraie. Le
c) La science de Vhomme fondement de la société n'est pas dans
Elle sera la science de l'homme.
Tout conduit, de la rupture au contre- l'approximation
la
sociaux
visibilité
détenant
nouvelle
duune
progrès,
position
des mais
groupes
privi¬
dans
humanisme expérimental de Saint-
Simon, à proposer ce nouveau regard légiée dans la société.
sur le monde. La science que propose Bannir le progrès de l'analyse « phy¬
Saint-Simon ne fut pas ignorée de
la plupart de ses interprètes actuels. siologique » ou
Saint-Simon à sociologique
mettre à l'épreuve
conduit
G. Gurvitch, après Durkheim, fait
remarquer que Saint-Simon fut le le concept
la science de
de l'homme
Société. —
De ou
même
physio¬
que
précurseur de la sociologie, bien plus logie sociale — ne peut se concevoir
qu'Auguste Comte. A la lettre, il
quemême
de si n'est
la sociologie
plus préconçu
doit auparavant
l'homme,
y a là aunnommé
Comte paradoxe.
la nouvelle
Non parce
science,
que
épurer la notion de société. C'est
àmais
« l'asseoir
parce qu'il
» x. n'a
Maispassi peu
l'on contribué
convient un principechez
constante quiSaint-Simon,
revient de et
manière
dont
d'accorder à Saint-Simon la paternité l'importance est extrême. Il n'y a
de la sociologie, et c'est justice, a-t-on
bien vu quelles questions posait Saint-
société
yd'objet
Inversement,
a société
que
commun,
?s'il3. tant
yLaa peut-on
un
question
qu'il
objetn'y
dire
est
commun.
ad'une
qu'il
pas
Simon — que la sociologie actuelle
semble assez largement ignorer pour
ne répondre qu' en-deçà ?
En effet, rompant avec les philo¬
sophies de l'histoire du xvme siècle
Redern,
tion
tions
2. de
3. #Correspondance
deToute
laquelle
I,nature
1, p.
société,
il116.
différente,
se avec
trouve
dans Monsieur
toute
ladesconstitu¬
institu¬
société
de

de
publié
industriels,
1. seIl dans
reporter
suffira,
3e
cette
cahier,
pour
au
édition,
texte
IV,
s'enCatéchisme
9.d'A.
convaincre,
Comte
des
quelque petite ou nombreuse qu'elle
soit, dans laquelle deux principes anta-
458
 Note critique

forte actualité. A. Touraine dit -il forme revêtue par le gouvernement,

autre chose lorsqu'il indique que toute et quecette
Dans le fond
unification
seul lui
de la
importe
société
s.
société industrielle, après avoir inté¬
gré les conflits de classe, ou les avoir par la classe industrielle, y a-t-il
quelque prophétie utopique ? Saint-
supprimés
sa légitimité
en que
les dépassant,
par un enjeu
ne trouve
com¬ Simon répudie cette interprétation,

mun,
ment, qui
teur consacré
Etait-il
est aujourd'hui
autre
modèle
aule rationalisa-
développe¬
début du «mais
pro domo
ne voir
» est
là passer
qu'un à côté
plaidoyer
d'un
enseignement pertinent ; une philo¬
xixe siècle ? Pour Saint-Simon le sophie ou une politique utopiques
principe d'unité de la société industria¬ sont celles qui ne correspondent pas
à l'état de développement de la société,
tement
liste est l'industrie.
la production,
En effet,
ou plus
les exac¬
deux
et, par conséquent, à son état de
notions ne sont pas tout à fait syno¬ réceptivité 4. Il y a — avant la lettre
nymes. Par la première, on ouvre — la conception d'un « maximum
la perspective du marxisme. Par la de conscience possible » par quoi se
seconde, celle du développement éco¬ caractérise chaque époque, et en-deçà
nomique. Saint-Simon ordonne toute duquel les idées sont conservatrices,
sa plaidoirie autour de ce dernier et utopiques au-delà. Saint-Simon a
argument. Mais aussitôt un problème donc pleinement conscience de dire
se pose à lui. S'il est vrai que la la vérité de son temps. Et cette vérité,
annonce-t-il, n'est pas matière à
«société
objet n'existe
commun que» pour
la cimente,
autant qu'un
force
spéculation : « On ne crée point un
est de constater qu'il n'y aura de système d'organisation sociale, on
société qu'à partir du moment où aperçoit un nouvel enchaînement
l'industrie aura triomphé de ses adver¬
saires de
mode nonproduction,
seulement mais
en tant
en tant
que
que principe de gouvernement — L'
doit
Industrie,
« Ilfinir
existe
parII,
encore
devenir
3, p.dans
74.
la le
classe
moment
unique.
une»
et donc d'ordre social. Ce triomphe
lutte entre les deux classes qui composent
signifiera nécessairement
industrielle » s'évasera au
queniveau
la « classe
de
la société,
ment très nuisible
et cetteaux
lutte
intérêts
est nécessaire¬
communs.
la société jusqu'à en devenir la classe
unique, jusqu'à s'identifier à la tota¬ Son résultat n'est pas difficile à, prévoir :
il est évident que la classe qui s'est
lité 2. On comprend alors que Saint- formée la dernière et qui a toujours
Simon, lapréoccupé
suivre destinée de
avant
cettetout
classe,
de gagné sur l'autre, doit finir par l'absor¬
ber Communes,
les et par s'identifier
VI, 386. à la totalité »,
n'accorde aucune importance à la
3. « Certainement, la forme du gou¬
rable à toutes
vernement parlementaire
les autres, est
mais
trèsce préfé¬
n'est
tuée
gonistes
dansseuntrouvent
état de admis,
désordre...
est »consti¬
Caté¬
qu'une forme, et la constitution de la
chisme des industriels, IV, 8, p. 34. propriété est le fond ; donc c'est cette
1. « Le modèle rationalisateur est
constitution
base à l'édifice
qui social.
sert véritablement
» L' Industrie, II,
de
orientation normative, et non pas insti¬
tution, plan. Les forces sociales se réfèrent 3, p. 83. — « Ce n'est pas la différence
dans leur action à un système de valeurs dans la division du pouvoir qui consti¬
commun
des groupes
: on
défendant
ne voitdesplus...
intérêts
s'opposer
direc¬ tue la différence
différence dans la nature
de système,
et dans la
c'est
quan¬
la
tement opposés et sans communication, tité des pouvoirs exercés par les gouver¬
mais tous essaient de s'approprier le nants
II, 4, et
p. les
40. gouvernés. » L' Organisateur ,

modèle
classe
l'action,
2. « utile.
Larationalisateur.
Paris,
classe
CetteSeuil,
industrielle
classe1965,
devient
» Sociologie
p.
estcontinuel¬
460.
la seule
de 4. « Il n'y a de possible, ou au moins
de au-dessus
ni durable, que
de l'état
ce qui actuel
n'est nideau-dessous,
la société,
lement plus nombreuse, et, s'accroissant que ce qui n'est point intempestif. »
toujours aux dépens des autres, elle L' Industrie, II, 3, p. 139.
Note critique

lité sociale. Propos bien venu au

d'idées
et on leet montre,
d'intérêtsvoilà
qui tout
s'est —
formé,
Un moment où certains, sans renouer
système social est un fait, ou il n'est avec le mythe de la transparence,
rien » 1. Ce qui met en lumière le n'hésitent pas à mettre entre paren¬
rôle révélateur que s'assigne Saint- thèses ces sur
seulement conflits
le sens
pour de
s'interroger
l'intérêt
Simon et qu'il formule à l'endroit
de tous ceux qui, après lui, donneront général.
dans l'analyse sociale. Par là aussi Au cœur même de la quête de la
est réaffirmée la coupure dont nous réalité sociale, Saint-Simon en arrive
parlions
en effet plus
au nom
haut.d'un
Saint-Simon
enchaînement
parle ainsi à dissoudre le concept de société.
La société jusqu'alors n'est qu'un
d'idées et d'intérêts radicalement oppo¬ vaste système d'institutions parallèles,
sé à celui qui prévalait jusqu'alors, antagonistes, d'où ne peut émerger
et qui, sous la dominance formelle de aucun objet
titution, la commun.
société devienne
Pour queaction,
d'ins¬
l'ancien, donne la signification de son
il n'y faudra rien de moins qu'une
temps.
Saint-Simon dévoile le sens de la révolution sociale. Le propos est
Société. Ce sens ne réside pas dans le capital pour voir en quoi Saint-Simon
caractère cumulatif des intérêts par¬ est véritablement à l'origine de la
tiels, qui seraient couronnés par un pensée sociologique contemporaine,
super-ordre social, par la notion d'inté¬ plus
du xixe.
peut-être
Le xixe
que dea l'analyse
vu surtout
sociale
la
rêt général. La notion d'intérêt géné¬
ral, dit-il dans Le système industriel Comte. àLetravers
société xxe commence
les yeux d'Auguste
à traiter
n'est valable qu'à l'intérieur d'une
classe déterminée, en ce qu'elle coor¬ l'information sociale dans les termes
donne l'activité de ses membres par- de Saint-Simon. Le passage de l'insti¬
delà leurs intérêts particuliers 2. Mais tution à l'action est en effet au centre
des théories sociologiques contempo¬
—
cette
et notion
devient perd
mystification
toute signification
— quand raines, qui, rompant avec un mode
elle veut s'appliquer à la société d'analyse où la société était donnée
globale 3. Le mérite de Saint-Simon comme un fait, et un fait par nature
ne fut pas seulement de désigner les transcendant,
comme le résultat
pose au
d'une
contraire
action.celle-ci
Mais
conflits entre intérêts particuliers com¬
pour que ce résultat puisse être
me source
mais de réintroduire
de développement
ces conflitssocial,
dans tel, il faut que soit évacué le principe
la trame de la société industrielle, de négativité qui l'empêche d'éclore,
ou, plus exactement, que ce principe
même industrielle
classe à partir dus'identifie
moment à laoùtota-
la de négativité — industrie, peuple

intérieur, àlala
arrivant
devienne plus
société.
conscience
tard Laprolétariat
de
société
soi-même,
n'est
—

4. L'Organisateur, II, 4, p. 179. pas dans le passé, mais est à venir.

2. Le Système industriel, III, 5, p. 63. Le marxisme n'ignorera pas cette
3. « Ce que la science de l'homme dit, formule, et il n'y aura de sociologie
c'est que les diverses classes d'hommes queréification
la pour autant
de qu'on
cet acte.
en finira avec
qui composent la société ne peuvent
inventer
les choseset qui
même
leur bien
paraissent
concevoir
utilesqueà Hypostasier la société, c'est, dit
leurs intérêts, qu'elles ne peuvent tra¬ de
Saint-Simon,
tout contenu.
la vider
« La ensociété
définitive
n'est
vailler qu'à ce qui leur paraît devoir point une simple agglomération d'êtres
leur être avantageux » (en réponse à vivants... la réunion des hommes,
Dunoyer qui « concevait le gouverne¬
ment comme chargé de découvrir les constitue un véritable être, dont
l'existence est plus ou moins vigoureuse
mesures générales
Catéchisme des industriels,
utiles à la 2enation
cahier,
»). ou chancelante, suivant que ses organes
IV, 8, p. 161. s'acquittent plus ou moins régulière-
460
 Note critique

ment des» *. fonctions

confiées qui leur sont physiologie sociale possible pour la
simple raison qu'il n'y a pas de société.
Pour que cet être soit constitué, Celle-ci Mais
sable. possible,
la société
celle-là devient
se constitue
pen¬
dans
tion, ill'étape
est indispensable
actuelle de que
la se
civilisa¬
déve¬ dans la lutte même contre les obstacles
au développement. La physiologie
loppe une
société ne peut
physiologie
aujourd'hui
socialetrouver
2. La
sociale, de même, trouvera dans cette
de légitimité, ne peut devenir un lutte son principe de légitimité. Ce
véritable être social, qu'à partir de qui l'interdit en droit, la favorise
cette sociologie. La tâche de la socio¬ en fait. Pour vivre dans cet entre-deux,
logie est donc double. A la fois cri¬ Saint-Simon devait connaître une per¬
tique, puisqu'il s'agit de parachever manente inquiétude.
la désorganisation des « débris de la
Il ne s'agit pas, bien entendu, de
féodalité » qui
industrielle d'accéder
empêchent
à la la société,
classe
réduire
notre
thèmes.mode
Saint-Simon,
D'autres
de auraient
lecture,
y compris
mérité
à ces d'être
seuls
dan»
et constructive,
rer les industriels
puisqu'elle
sur leurs
devravérita¬
éclai¬
bles intérêts — et sur les fins de soulignés : le thème libertaire, par
leurs conduites. On voit ainsi une
exemple,
la pensée saint-simonienne
ou l'appronfondisSement
concernant
de
véritable dialectique se préciser :
aussi longtemps que la société n'est
ment
les ouvriers.
de donner
Notreà propos
voir, chez
était Saint-
seule¬
qu'un agglomérat, il n'y a pas de
Simon, ce qui, pour des raisons
culturelles autant que sociales, n'appa¬
lioration
1. De la
desphysiologie
institutions
appliquée
sociales, à V,
V amé¬
10, raissait que difficilement au travers
des analyses existantes, et de poser
p. 177. à son œuvre des questions assez
2. « Une physiologie sociale, consti¬ pertinentes pour que les réponses
tuéel'observation
de par les faits directe
matérielsdequi
la dérivent
société, puissent actuelles.
pations s'inscrire dans nos préoccu¬
et une hygiène renfermant les préceptes
applicables à ces faits, sont donc les
seules bases positives sur lesquelles on Daniel Vidal
puisse établir le système d'organisation
réclamé par l'état actuel de la civilisa¬ C.N.R.S., Laboratoire de Sociologie
tion. » id., p. 180. industrielle