Вы находитесь на странице: 1из 328

.

.
GÉOGRAPHIE DU LITTORAL DE CÔTE D’IVOIRE
Éléments de réflexion pour une politique de gestion intégrée
.
Géographie du littoral
de Côte d’Ivoire
Éléments de réflexion pour une politique de
gestion intégrée

sous la direction de
Patrick Pottier
Kouassi Paul Anoh

Coopération interuniversitaire
Abidjan Cocody (Côte d’Ivoire) / Nantes (France)

2008
________________________________
Cet ouvrage a bénéficié du soutien financier
du laboratoire Géolittomer - LETG UMR 6554 du CNRS
de l’Institut de Géographie Tropicale de l’Université de Cocody Abidjan
et de l’Institut de Géographie et d’Aménagement Régional de
l’Université de Nantes
________________________________

Dépôt légal : 2ème semestre 2008


© CNRS - LETG UMR 6554, Géolittomer (France) geolitt@univ-nantes.fr
et IGT - Université de Cocody Abidjan (Côte d’Ivoire)
Achevé d’imprimé en octobre 2008 - Imprimerie La Clonerie,
Saint-Nazaire (France)
ISBN 2-916134-05-0
Tous droits de traduction, de reproduction
et d’adaptation reservés pour tous les pays.
À notre collègue de l’IGT et ami Issa Ouattara
décédé le 23 avril 2008 dans sa 47e année
Comité scientifique

ALOKO N’GUESSAN Jérôme HAUHOUOT Asseypo Antoine


Professeur de Géographie Professeur de Géographie
Université de Cocody Abidjan Recteur de l’Université Atlantique à Abidjan

Jean-Pierre CORLAY KOBY Assa Théophile


Professeur émérite de Géographie Professeur de Géographie
Université de Nantes Université de Cocody Abidjan

Jacques GUILLAUME Marc ROBIN


Professeur de Géographie Professeur de Géographie
Université de Nantes Université de Nantes

Réalisation des figures et harmonisation graphique de l’ouvrage


Armand KANGAH, Institut de Géographie Tropicale
Université de Cocody Abidjan (Côte d’Ivoire)
Christine LAMBERTS, Géolittomer LETG UMR 6554 CNRS
Université de Nantes (France)
Patrick POTTIER, Géolittomer LETG UMR 6554 CNRS, Institut de
Géographie et d’Aménagement Régional de l’Université de Nantes (France)
Liste des auteurs

Kouadio AFFIAN N’Guessan Hassy Joseph KABLAN


Université de Cocody Université de Cocody
Abidjan – Côte d’Ivoire Abidjan – Côte d’Ivoire
Della André ALLA Armand KANGAH
Université de Cocody Université de Cocody
Abidjan – Côte d’Ivoire Abidjan – Côte d’Ivoire
Kouassi Paul ANOH Assa Théophile KOBY
Université de Cocody Université de Cocody
Abidjan – Côte d’Ivoire Abidjan - Côte d’Ivoire
N’dri Germain APHING-KOUASSI Céline Yolande épse KOFFIÉ-
Université de Cocody BIKPO
Abidjan - Côte d’Ivoire Université de Cocody
Yao Télesphore BROU Abidjan - Côte d’Ivoire
Université d’Artois Yao KRA
Arras – France Université de Cocody
Ousmane DEMBÉLÉ Abidjan – Côte d’Ivoire
Université de Cocody Patrick POTTIER
Abidjan – Côte d’Ivoire Université de Nantes - France
M’Moi Valère DJAGOUA Marc ROBIN
Université de Cocody
Université de Nantes - France
Abidjan – Côte d’Ivoire
Lobognon Jacques DOBÉ Nakouma SAKO
Université de Cocody Université de Cocody
Abidjan - Côte d’Ivoire Abidjan – Côte d’Ivoire
Téré GOGBÉ Bidi Jean TAPÉ
Université de Cocody Université de Cocody
Abidjan - Côte d’Ivoire Abidjan – Côte d’Ivoire
Célestin Paul HAUHOUOT Mamoutou TOURÉ
Université de Cocody Université de Cocody
Abidjan – Côte d’Ivoire Abidjan – Côte d’Ivoire
.
AVANT-PROPOS

Avant-propos

Nous mettons à la disposition du public l’important ouvrage consacré au


littoral ivoirien, fruit de la coopération interuniversitaire Abidjan-Nantes. Nous
devons cet exemple réussi de rapports entre deux universités à des enseignants
ivoiriens et français au nombre desquels figurait le professeur Vigarié, de
vénérée mémoire.
En effet, c’est en 1985, lors de sa première mission à Abidjan que le professeur
André Vigarié, alors directeur de l’ISHMER (1) de Nantes, rencontrait les
collègues ivoiriens afin de mettre en place, à l’IGT (2), les bases d’une formation
de 2e et 3e cycles en géographie de la mer et du littoral. L’année suivante un
Protocole de coopération entre les deux instituts était signé. L’impulsion était
donnée et depuis bientôt 25 années, les relations entre les deux instituts n’ont
cessé de se renforcer et de se complexifier à la satisfaction de tous.
La réussite de cette coopération doit à l’implication de nombreux collègues
qui ont assuré la responsabilité des échanges : du côté ivoirien, le Pr. Antoine
Asseypo Hauhouot, Jean Tapé Bidi, Bernard Koli Bi, Kouassi Paul Anoh, du
côté français, les Pr. Claude Cabanne, Jean-Pierre Corlay, Marc Robin, Patrick
Pottier. Elle la doit aussi à l’appui des institutions. Les structures universitaires,
départements de géographie, services des relations internationales et présidences
des deux universités d’Abidjan et de Nantes, ont toujours soutenu, dans la
mesure de leurs moyens, à la fois l’esprit et le contenu des échanges.
Mais, peu aurait été possible sans l’engagement des organismes de tutelle,
le Gouvernement ivoirien et le ministère français de la Coopération
(particulièrement le service de coopération et d’action culturelle de l’ambassade
de France en Côte d’Ivoire), qui ont joué un rôle essentiel en finançant des
missions, des actions de recherche, des séminaires, et surtout des bourses
d’études (séjours courts, bourses en alternance, bourses de thèses, bourses
Egide, etc.) sans lesquelles les jeunes enseignants-chercheurs n’auraient jamais
pu dynamiser cette coopération et en assurer ainsi la pérennité. 11
GÉOGRAPHIE DU LITTORAL DE CÔTE D’IVOIRE

La réussite de cette belle aventure réside également dans la manière dont les
protagonistes l’ont menée. D’abord dans son contenu thématique. Si le noyau
dur a toujours été la géographie maritime et littorale (en témoigne la présente
publication), d’autres champs ont été investis : l’analyse régionale, les produits
vivriers, les questions de développement et de planification, les déséquilibres
urbains, et surtout la géomatique qui s’est appliquée à tous les domaines de
recherche. Ensuite, dans ses objectifs et ses modalités. Au début, il s’agissait
de mettre en place une filière pédagogique (former des formateurs) puis,
rapidement, a émergé une équipe de jeunes enseignants-chercheurs ivoiriens qui
ont assuré eux-mêmes la formation des étudiants, l’encadrement des étudiants
avancés, puis ont élaboré avec les enseignants nantais un programme-cadre
de recherche structuré en axes et appuyé sur des laboratoires, Géolittomer
LETG (3) à Nantes, le LATIG et maintenant le GRALIT (4) à Abidjan.
Les résultats de cette coopération sont à la hauteur des investissements
mutuels : des dizaines de missions ont été réalisées, missions d’enseignants-
chercheurs, d’étudiants, de stagiaires de statuts divers, de nombreux mémoires
de maîtrise, de DEA ont été réalisés dans les deux instituts sur les thèmes
retenus mais, surtout, sept thèses ont été soutenues, dont deux thèses d’État
ivoiriennes, avec direction collégiale et co-participation aux jurys, auxquelles
s’ajoutent trois autres thèses, actuellement en cours d’élaboration. Enfin,
ajoutons qu’un séminaire co-présidé par les deux signataires de cet avant-propos,
et rassemblant enseignants, professionnels, autorités locales et régionales, a
installé officiellement à San Pedro, le 21 mai 2002, le groupe de recherche en
géographie de la mer et du littoral, le GRALIT.
Les liens entre les départements de Géographie d’Abidjan et de Nantes ne
se sont pas limités aux échanges d’étudiants, d’enseignants et de personnels ;
ils se sont prolongés et achevés par des publications individuelles ou d’équipes,
dont plusieurs co-signées - articles dans des revues à comité de lecture, atlas,
contributions à des actes de colloques ou à des ouvrages - la plus importante
étant sans doute celle-ci.
La coopération a désormais atteint sa pleine maturité ; elle est passée d’une
coopération classique reposant sur l’aide unilatérale à une coopération bilatérale,
un partenariat durable se déployant dans le domaine de la formation, de la
recherche fondamentale, de la recherche appliquée et de la valorisation de cette
recherche par la diffusion des travaux.
Comment donc ne pas saluer dans le présent ouvrage ce modèle de coopération
complète visant les principaux compartiments de l’université : l’enseignement,
la recherche et le service. En effet, à travers cette œuvre, nos collègues mettent
à la disposition de la Côte d’Ivoire, des éléments de réflexion indispensables à
l’élaboration d’une politique de gestion intégrée de son littoral. Cette initiative
est d’autant plus heureuse que la forte pression humaine qui s’exerce sur cette
région et les risques qu’elle présente, justifient amplement une telle démarche.
Les géographes ivoiriens et leurs collègues nantais ont donc raison de renouer
avec cette action de soutien au développement qui a caractérisé l’université
ivoirienne des années 1970. Ils s’apprêtent ainsi à prendre leur part aux
12 nécessaires études qu’exigera la relance de la Côte d’Ivoire.
AVANT-PROPOS

Patrick Pottier et Kouassi Paul Anoh ont eu beaucoup de mérite d’avoir


coordonné avec patience et succès ce travail collectif. Nous adressons également
des compliments à tous les auteurs et à tous ceux qui ont assuré l’encadrement
technique de l’ouvrage.
Enfin, à l’occasion de cette publication, il nous plaît également de féliciter
bien vivement les animateurs de cette coopération tant à Abidjan qu’à Nantes,
et surtout de les encourager à progresser par l’évaluation régulière des acquis et
l’ouverture d’autres chantiers. Ainsi, nous contribuerons à montrer la fécondité
des échanges de ce genre lorsqu’ils sont suscités par l’amitié, par la bonne
volonté, et qu’ils visent à l’enrichissement scientifique et humain mutuel.
II reste à souhaiter que d’autres réalisations de cette envergure viennent
revitaliser les compartiments les plus éprouvés de l’université ivoirienne : la
recherche et l’activité éditoriale.

Pr. Antoine Asseypo Hauhouot et Pr. Jean-Pierre Corlay

1 - ISHMER : Institut des Sciences Humaines de la Mer, Université de Nantes


2 - IGT : Institut de Géographie Tropicale, Université de Cocody à Abidjan
3 - Géolittomer-LETG : Géolittomer, laboratoire nantais de l’Unité mixte de recherche (CNRS)
LETG : Littoral-Environnement-Télédétection-Géomatique
4 - LATIG : Laboratoire d’analyse et de traitement de l’information géographique (Abidjan).
GRALIT : Groupe de recherche sur l’aménagement du littoral (Abidjan). 13
.
INTRODUCTION

Introduction
Kouassi Paul ANOH
Institut de Géographie Tropicale, Université de Cocody Abidjan (Côte d’Ivoire)
Patrick POTTIER
LETG (UMR 6554 CNRS), laboratoire Géolittomer, Institut de Géographie et
d’Aménagement Régional de l’Université de Nantes (France)

Le littoral maritime de Côte d’Ivoire auquel est consacré cet ouvrage s’étend
du cap des palmes à l’ouest (frontière ivoiro libérienne) au cap des trois pointes
à l’est (frontière ivoiro-ghanéenne). Il se déploie sur 566 kilomètres avec une
largeur variable de moins de 5 kilomètres sur le socle cristallin et métamorphique
dans la partie ouest à près de 50 kilomètres à l’est sur les sables argileux et les
grès du continental terminal.
Jusqu’en 2003, il n’existait aucune délimitation claire du littoral de Côte
d’Ivoire. C’est à la faveur du Projet «Gestion du Littoral» conduit par le Ministère
de l’Environnement en 2003 qu’un essai de délimitation a été proposé. Un
atelier de définition rassemblant des géographes, des socio-économistes, des
écologues, des économistes et des juristes a permis d’obtenir une définition et
une délimitation consensuelle de la zone littorale ivoirienne.
Cette définition résulte de la mise en relation de critères géographiques
ou géomorphologiques (géologie, topographie, bassins versants, milieux
naturels dont les zones humides, etc.), socio-économiques (peuples et zones
d’influence/d’usage des différentes populations, aire d’influence des villes,
zones d’exploitation agricole, etc.) et juridiques (communes et préfectures
littorales).
Le littoral ainsi identifié est limité au nord par la route côtière à l’ouest
d’Abidjan et la route de Noé en passant par Alépé à l’est. Dans la partie sud, il
est délimité par l’isobathe 120 m. Sa superficie est estimée à 23 253 km², soit
7 % de la superficie totale de la Côte d’Ivoire qui est de 322 463 km² (Ministère
de l’Environnement, 2003).
Délimitation du littoral ivoirien
Comoé

Lagune
Band

Lagune Adjin
LIBERIA

Da

Potou
n

am
Sas

GHANA

Lagune Dabou
a

Lagune Tagba Bingerville Adiaké Lagune


s an

Tadio Ébrié
dra

Lagune Bonoua Aby Lagune


ABIDJAN Ehi
Jacqueville
Gd-Lahou Gd-Bassam Tiapoum
Lagune Fresco Assinie Mafia trois des
Cap
Djiboué
120 points
Sassandra
San Pedro
Gd-Béréby
Océan Atlantique

Cap des
Tabou
palmes
A. KANGAH
limite de la zone littorale
limite d'État N
0 30 60 90 km
ville littorale Source : Ministère de l’Environnement, 2003 15
GÉOGRAPHIE DU LITTORAL DE CÔTE D’IVOIRE

Le littoral ivoirien se caractérise par une variété de milieux physiques et des


formes d’implantation humaine tout aussi diverses.
Autrefois appelée Côte des dents à cause de l’ivoire que les Européens
venaient y chercher, la côte ivoirienne avait dès le début du XIXe siècle cessé de
mériter son nom, car l’ivoire n’était plus un article d’exportation considérable.
Les Français s’y sont installés durablement par la création de comptoirs
commerciaux après l’abolition officielle de la traite esclavagiste.
Devenue colonie française en 1893 et intégrée à l’Afrique Occidentale
Française (AOF), créée en 1895, la Côte d’Ivoire accéda à l’indépendante en
1960. Depuis lors, le littoral ivoirien n’a cessé de jouer un rôle indéniable dans
l’émergence de pôles de progrès et de développement centrés d’abord sur le
port d’Abidjan, puis sur celui de San Pedro au début des années 1970.
Au plan culturel, pendant longtemps, la seule évocation du littoral a réveillé
dans l’esprit de beaucoup d’Ivoiriens et d’Africains le mythe de Mamie-Watta, la
déesse des eaux. Dans le sud de la Côte d’Ivoire, on la représente sous les traits
d’une femme très belle, aux cheveux longs. Elle a un corps de femme jusqu’à
la taille, mais le «bas» n’existe pas, le bas appartient à une autre nature, celle du
poisson par exemple. Mamie-Watta est, selon la mythologie populaire, un génie
de la mer, une sorte de sirène que l’on pourrait volontiers imaginer partager
la côte ivoirienne avec les lamantins ouests africains, Trichechus senegalensis,
résidents notamment dans toute la partie occidentale. Elle combat l’injustice,
défend le pauvre et l’opprimé, mais n’hésite pas à conduire à sa perte l’homme
pervers et cupide. Elle peut donner la richesse à ses dévots ou à ses époux
hommes. Médiatrice entre le monde des hommes et le monde invisible des
êtres surnaturels, Mamie-Watta joue un rôle de bienfaiteur et d’initiateur. Elle
est vue comme l’esprit protecteur des peuples autochtones du littoral.
Au plan socio-économique, l’évolution du littoral ivoirien ces dernières années
se caractérise par des crises multiples et multiformes. En effet, les villes littorales
qui ont constitué les têtes de pont de la pénétration européenne au cours des
siècles passés, enregistrent les chiffres de population les plus importants eu
égard au niveau d’activité économique et au fort potentiel d’attraction dont
elles disposent.
L’espace littoral est le siège d’activités industrielles, agro-industrielles,
artisanales, touristiques, halieutiques et aquacoles, etc. dont le dynamisme est
soutenu par la proximité des ports d’Abidjan et de San Pedro et entretenu
par l’important flux migratoire en provenance des régions Centre et Nord.
Cette forte migration des populations depuis l’intérieur des terres vers la côte,
induit un développement urbain très rapide et généralement non contrôlé. La
population des villes littorales est passée successivement de 1 105 913 habitants
en 1975 à 2 217 570 en 1988, 3 426 665 en 1998 (INS, 1998) et estimée à près
de 5 500 000 en 2007 (estimations IGT, voir p. 66). Elle représente environ
30 % de la population ivoirienne. La population se concentre dans les grandes
agglomérations dont les plus importantes (plus de 100 000 habitants) sont
Abidjan, San Pedro, Jacqueville, et Dabou.
Cette pression humaine sur l’espace littoral et l’importance des activités
16 économiques qui s’y sont développées ont eu depuis quelques décennies
INTRODUCTION

de nombreuses répercussions sur les ressources littorales et côtières. Par la


diversité des modes d’appropriation de l’espace et des enjeux qui s’y rattachent,
les dynamiques qui ont marqué ce territoire sensible ont été exceptionnelles à
plus d’un titre. Elles ont entraîné la dégradation des milieux naturels sensibles
et remarquables, en même temps qu’elles ont favorisé le développement de
conflits d’usages entre différents secteurs d’activité. Ces déséquilibres se sont
accentués avec l’avènement de la crise sociopolitique qui a dégénéré en conflit
armé et sont autant d’indicateurs de l’évolution accélérée des systèmes littoraux.
Ils soulignent aujourd’hui la nécessité d’une gestion prenant en compte la nature
complexe des interactions qui régissent les dynamiques sociales et naturelles
des espaces littoraux. Cette gestion ne saurait être mise en œuvre sans une
connaissance scientifique approfondie des réalités naturelles et anthropiques
de l’espace littoral.
Les études présentées dans cet ouvrage s’articulent autour de deux thèmes
essentiels. D’abord l’analyse des usages et des interactions nature/société dans la bande
côtière, ensuite les risques, les aménagements et la problématique de la gestion durable des
territoires côtiers.
Sur la question de l’analyse des interactions nature/société, les contributions
montrent que l’érosion côtière constitue un thème majeur de l’évolution
de l’environnement littoral. En Côte d’Ivoire, les 2/3 du trait de côte sont
déstabilisés par l’érosion. L’une des originalités du littoral ivoirien réside
également dans l’étendue de ses lagunes qui couvrent l’ensemble de sa partie
orientale. Ces plans d’eau s’organisent en retrait du rivage en un système lagunaire
particulièrement vaste et sensible. Au cœur des questions liées à la dynamique
des échanges continent/océan, ce système nécessite un regard nouveau sur
les apports des bassins versants dans leur totalité et du fonctionnement de ces
grands hydrosystèmes ivoiriens qui prolongent en quelque sorte la réflexion
littoral vers l’intérieur. Ce développement souligne également les évolutions
remarquables de la couverture végétale du littoral tout au long de la seconde
moitié du XXe siècle, des premières formations dont certaines très originales
à l’image des savanes littorales à graminées et rôniers, à celles fortement
dégradées des mangroves, reliques des milieux lagunaires. Il est également
question des changements climatiques et de leurs incidences sur la végétation
du secteur littoral, et notamment sur le recul des écosystèmes forestiers dont
on sait qu’il s’est propagé en Côte d’Ivoire dans des proportions considérables
depuis cinquante ans.
Cette première partie s’intéresse également aux mutations spatiales et socio-
économiques liées à la pression sur l’espace littoral. Des premières installations
de pêcheurs à celles de l’implantation coloniale de Grand-Bassam, des grandes
plantations industrielles aux pressions plus récentes exercées par les cultures
vivrières, puis à celles non contrôlées du développement touristique, le littoral
ivoirien a vu croître de façon exponentielle sa charge anthropique en seulement
quelques décennies. En 1973, la ville de San Pedro comptait 30 000 habitants,
l’agglomération d’Abidjan 800 000. Aujourd’hui, ces localités seraient peuplées
respectivement de 280 000 et 4 400 000 (estimations 2007, IGT, voir p. 66);
leurs trafics portuaires de 1 million de tonne pour la première et 6 millions 17
GÉOGRAPHIE DU LITTORAL DE CÔTE D’IVOIRE

pour la seconde, à la fin des années 1960, ont été multipliés par 2 et 3 en
trente ans. Les activités industrielles et commerciales qui ont accompagné
ce développement urbain ont contribué aussi à renforcer les pressions sur le
littoral et à souligner les difficultés d’une gestion raisonnée, à l’image d’une
activité touristique d’une réelle ampleur mais qui n’est pas sans porter atteinte
aux éléments qui en font pourtant l’attrait.
L’importante réflexion sur les interactions des occupations humaines sur
l’ensemble de ce littoral ivoirien devrait représenter un apport utile à bon
nombre d’acteurs nationaux et internationaux.
L’analyse des risques, des aménagements et de la problématique de la gestion
intégrée et durable des territoires côtiers révèle que le phénomène d’instabilité
du trait de côte décrit dans la première partie a une dimension économique et
sociale considérable. Il provoque des destructions d’habitats et d’infrastructures
du fait de l’intense concentration des populations sur le littoral. Le recul côtier
dans la partie centrale de Port-Bouët pourrait ainsi provoquer la disparition de
81 % de l’habitat précaire dans les trente prochaines années et la projection
sur la base du rythme actuel de comblement aboutirait en 2177 à la disparition
complète de la dernière baie urbaine de la lagune Ébrié d’Abidjan.
Parallèlement, les niveaux de pollution atteints aujourd’hui dans la lagune
Ébrié posent de véritables questions de santé publique. Le développement non-
maîtrisé de l’agglomération d’Abidjan a provoqué depuis plusieurs décennies
une dégradation de l’environnement urbain tout à fait remarquable, notamment
des milieux lagunaires et littoraux particulièrement vulnérables du point de vue
de l’équilibre anthropo-systémique. Cette seconde partie produit un descriptif
précis des risques côtiers, ayant valeur d’exemple pour l’ensemble de la zone
côtière tropicale africaine soumise à des contraintes identiques, et ceci en vue
d’un bilan préalable au développement durable de ces zones.
Les contributions rassemblées dans cet ouvrage tentent d’éclairer l’originalité
de cet espace littoral, situé à l’interface entre la terre et la mer, en soulignant sa
richesse potentielle, l’attrait qu’il exerce sur les populations, en faisant un bilan
précis des conflits qui opposent de plus en plus souvent les différents usagers,
mais également des expériences dans le domaine des aménagements et de la
rencontre des acteurs sociaux. Il invitera aussi à plus de responsabilité dans la
gestion de ce milieu riche, sensible, présentant un réel potentiel pour l’avenir
à condition d’en apprécier tous les enjeux et d’opter ainsi pour un véritable
aménagement intégré. Dans un pays comme la Côte d’Ivoire où l’activité socio-
économique est fortement « littoralisée » et « maritimisée », il est en effet urgent
que cette question de l’environnement et de la gestion durable des espaces
littoraux soit enfin traitée prioritairement.
Cet ouvrage qui fait une synthèse des connaissances existantes sur le
fonctionnement des espaces côtiers et l’environnement littoral ivoirien est
destiné non seulement au monde scientifique, mais également à tous les acteurs
institutionnels, politiques, administratifs ou privés, nationaux ou internationaux,
qui s’intéressent à ce territoire si particulier.
18
PREMIÈRE PARTIE

Usages et interactions nature/société dans la bande côtière


.
Des longues plages d’Assinie à l’ouest, façonnées par les cordons sableux de
la transgression nouakchotienne, aux falaises taillées dans les plateaux du socle
et des sables tertiaires de Tabou à l’ouest, le littoral de Côte d’Ivoire s’offre
comme une invitation à la promenade. Les milieux naturels qui le composent
sont marqués de diversité et offrent encore une réelle richesse sur de longues
portions de la côte encore épargnées par les pressions humaines. L’eau y est
très présente car, au-delà du contact souvent brutal de l’océan à la côte, les
estuaires des grands fleuves et les lagunes favorisent une communication plus
subtile des masses maritimes et continentales.
Après de premières hésitations, l’homme s’est approprié ce territoire aux
richesses multiples. La pêche y demeure une activité déjà ancienne, plus
récemment relayée par l’aquaculture qui bénéficie d’un potentiel en milieu
lagunaire encore largement sous-utilisé. Les activités du transport et du
commerce maritimes sont probablement celles qui y représentent le mieux à
la fois les origines et l’avenir d’un développement économique national qui
ne pourrait se faire sans ce littoral précieux. Elles ont favorisé l’extension des
grandes plantations agro-industrielles qui contribuent aujourd’hui à imprimer
aux régions côtières une originalité paysagère certaine. Mais surtout, elles
sont à l’origine d’un développement démographique et notamment urbain
d’une réelle ampleur et sans pareil en d’autres régions de Côte d’Ivoire. Ce
processus d’accumulation différentielle d’un point de vue géographique
est en fait représentatif d’un modèle spatial peu conforme aux objectifs de
rééquilibrage du territoire national, devenu ainsi incertain. Il s’inscrit aussi dans
un mouvement de mondialisation qui favorise encore un peu plus à l’échelle
de la planète les zones de contact dont, bien entendu, les littoraux font partie.
Il est porté, enfin, par une société nouvelle qui y trouve un territoire de loisirs
et de détente synonyme de modernité et de qualité de vie, de développement
touristique qui représente aujourd’hui une autre activité de plus en plus présente
sur le littoral ivoirien.
L’accroissement et la concentration de ces usages sur la bande côtière
s’accompagnent ainsi de formes variées d’interactions entre une société de plus
en plus complexe et une nature de plus en plus vulnérable. Cette première partie
vise à en éclairer les principaux aspects et à en souligner les grands enjeux pour
l’avenir du littoral ivoirien.

21
.
LA VÉGÉTATION DU LITTORAL IVOIRIEN

YAO TÉLESPHORE BROU


La végétation du littoral ivoirien
Yao Télesphore BROU
Université d’Artois, Arras (France)

Du fait de leur position en bordure des mers ou des océans, les milieux littoraux
subissent une double influence marine et continentale. Du rivage à l’intérieur
des terres, on distingue en effet, la zone de balancement des marées, soumise à
des submersions périodiques ; la zone ne subissant que des submersions brèves
et rares ; et enfin la zone au-delà des hautes marées, mais subissant cependant
certains facteurs écologiques propres au milieu littoral (Schnell, 1971). En Côte
d’Ivoire, la zone littorale n’excède pas 7 à 8 kilomètres sur le cordon lagunaire
où elle est mieux représentée ; elle est réduite à quelques centaines de mètres
à l’ouest (Guillaumet et al., 1971, Monnier, 1983). La diversité des conditions édaphiques,
hydro-climatiques et les actions de l’homme induisent corrélativement, sur
cette petite surface de terre, une grande diversité dans les paysages végétaux.

Les facteurs déterminants de la végétation sur le littoral ivoirien


La diversité des sols
En tenant compte de la pédogenèse des sols (Monnier, 1983), on peut
distinguer sur le littoral ivoirien les sols sur sables tertiaires à teneur variable en
argile (10 à 15 %), les sols sur sables quaternaires contenant très peu d’éléments
fins (0 à 80 %) et les sols sur alluvions et colluvions, souvent hydromorphes et
tourbeux. Géographiquement, les premiers sont localisés entre le socle (au nord
du bassin sédimentaire) et la lagune, les seconds sur le cordon littoral. Colluvions
et alluvions sont mêlées aux deux premières formations, suivant les aléas du
réseau hydrographique et du relief. La partie occidentale du littoral est marquée,
quant à elle, par des caps rocheux et quelques falaises. La figure 1 donne une
description détaillée des sols du littoral ivoirien et de son arrière-pays immédiat. 23
USAGES ET INTERACTIONS NATURE/SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

Figure 1 - Formations lithologiques du littoral ivoirien et son arrière-pays immédiat

Source : Monnier, 1983 ; CCT, 2000 T. BROU, A. KANGAH

Figure 2 - Répartition des pluies annuelles du littoral ivoirien


et son arrière-pays immédiat

T. BROU, A. KANGAH

24
LA VÉGÉTATION DU LITTORAL IVOIRIEN

L’inégale répartition des précipitations

YAO TÉLESPHORE BROU


Avec des précipitations annuelles largement supérieures à 1 500 millimètres,
le littoral est la région la plus arrosée de la Côte d’Ivoire. L’analyse des valeurs
moyennes annuelles (figure 2) fait, néanmoins, apparaître une inégalité
dans la distribution spatiale de la pluviométrie sur le littoral ivoirien
(Brou, 2005). Les régions les plus arrosées (hauteur moyenne annuelle
supérieure à 1 800 millimètres) sont : la bande littorale orientale
s’étendant de Dabou à la frontière ghanéenne, la côte de San Pedro à
Tabou et l’arrière-pays occidental forestier le long de la frontière libérienne.
La partie du littoral comprise entre Sassandra et Jacqueville reçoit en revanche
des hauteurs moindres (entre 1 600 et 1 800 millimètres). Même s’il
existe des différences régionales dans la répartition du régime
climatique, notamment entre la partie centrale (où les précipitations sont
moindres) et le reste du littoral, les hauteurs pluviométriques (plus de
1 500 millimètres/an) et leurs distributions annuelles (régime bi-modal)
conviennent au développement d’une formation végétale sempervirente
(Leroux, 1988). Le déterminisme du partage entre types de végétation sur
cette partie du territoire ivoirien est donc essentiellement édaphique.
En rapport avec les conditions pédologiques, cinq types de paysage se
partagent ainsi le littoral ivoirien (Guillaumet et al., 1971) : la forêt littorale,
la forêt marécageuse, la mangrove, les savanes prélagunaires et les savanes
littorales (figure 3).

Les formations forestières


La forêt littorale, une variante de la forêt dense humide sempervirente
Sa physionomie en fait une formation forestière typiquement sempervirente.
La forêt littorale se développe dans la partie nord du littoral. Il s’agit, en effet,
d’un couvert végétal fermé avec une strate arborée lâche, les deux strates
inférieures étant au contraire très denses. La strate arbustive est toujours riche,
par contre le recouvrement herbacé est très faible, souvent inexistant.
La biodiversité de cette forêt est à l’image de celles des forêts africaines,
caractérisées par une relative pauvreté floristique, en comparaison de celles
obtenues en Amérique tropicale et surtout en Indonésie. En effet, sur 5 hectares,
Bernhardt-Revesat et al. (1978) n’ont identifié que 99 espèces d’arbres dans le
parc du Banco à Abidjan (photo 1), 124 à Yapo au nord d’Abidjan.
En fonction de la composition floristique, on distingue deux variantes dans la
forêt littorale. La première est la forêt à Turraenthus africanus et Parvifolia qui se
développe de la frontière ivoiro-ghanéenne à l’extrémité occidentale de la lagune
Ebrié (Abidjan). Elle repose sur des sols ferralitiques profonds, bien drainés,
fortement désaturés, appauvris en argile, issus de colluvions de sables tertiaires.
Cette formation végétale est surtout marquée par l’absence de nombreuses
espèces qui pourraient exister sous ce climat, mais que les conditions édaphiques
extrêmes excluent. Plus à l’ouest à partir de Fresco, sur des sols plus riches en
argile, s’installe la forêt à Eremospatha macrocarpa et Diospyros manii. 25
USAGES ET INTERACTIONS NATURE/SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

Photo 1 - Vue du parc


du Banco qui s’étend
sur une superficie de
3 000 hectares. Bien
que situé au cœur de
la ville d’Abidjan, dans
une zone très habitée,
il n’a subi qu’une
influence anthropique
limitée. Mis en réserve
en 1924, il constitue un
bel exemple de la forêt
psammo-hygrophile à
Turreanthus africana qui
couvrait jadis tout le
bassin sédimentaire.
Crédit photographique T. Brou

Photo 2 -
Végétation des
rives d’une lagune
(eau peu salée ou
douce) dans la localité
de Grand-Bassam
à l’est d’Abidjan.
S’entremêlent ici une
végétation typique de
marécage d’eau douce
(raphia) et quelques
Rhizophora racemosa.

Crédit photographique T. Brou

Photo 3 - Végétation
de mangrove le
long d’une rivière
à Sassandra sur
la côte ouest. Les
racines-échasses,
ou rhizophores, de
certains palétuviers
leur permettent de
s’ancrer dans la vase
et de résister au flux et
reflux des marées.

26 Crédit photographique Ministère du Tourisme de Côte d’Ivoire


LA VÉGÉTATION DU LITTORAL IVOIRIEN

La forêt marécageuse

YAO TÉLESPHORE BROU


Les forêts marécageuses (photo 2) occupent, sur le cordon lagunaire, les sols
hydromorphes des dépressions qui se présentent sous la forme de longues
bandes étroites parallèles au rivage. Ce type de forêt n’est pas spécifique au
domaine littoral et se rencontre également à l’intérieur du pays, dans les régions
granitiques le long des cours d’eau. Les plus grandes surfaces sont toutefois
localisées dans le réseau lagunaire, notamment au niveau de la frontière
ghanéenne, à l’est de la lagune Ehi (Aboisso-Adiaké), au nord des lagunes Adjin
et Aby (Aboisso-Adiaké).
D’un point de vue floristique, les groupements les plus rencontrés sont ceux
à Mitragyna ciliata (Rubiaceae) et à Symphonia globulifera (Guttiferae). À ces deux
espèces caractéristiques, il est possible d’ajouter les suivantes : Rhaptopetalum beguei
(Scytopetalaceae), Uapaca paludosa (Euphorbiaceae), Raphia spp. (Arecaceae). La
physionomie est très différente de celle des forêts de terre ferme. La stratification
est en effet simple, avec une strate arborée, homogène, peu élevée, dense. Le
sous-bois est riche en grandes herbes. Les plus caractéristiques sont : Halopegia
azurea (Marantaceae), Marantochloa purpurea (Marantaceae), Costus schlechteri
(Zingiberaceae). On rencontre peu de lianes, les contreforts sont absents, mais
les racines-échasses et les pneumatophores sont abondants. Les épiphytes sont
rares, sauf à la base des troncs.
Les mangroves
Le terme mangrove est réservé aux formations arborescentes, plus ou moins
denses, de la zone de balancement des marées, sur les côtes tropicales (Schnell,
1971). Les mangroves se développent généralement sur des sols à gley, salés,
issus des alluvions soumises au régime des marées. Les mangroves occupent un
espace assez réduit en Côte d’Ivoire. On les trouve sur les rives des estuaires et
le plus souvent en bordure des lagunes (photo 3).
Cette forêt particulière est facilement reconnaissable par les racines-échasses et
les pneumatophores des espèces caractéristiques. Pauvre en espèces, elle constitue
une formation monotone, interrompue par endroits par des plages vaseuses
couvertes de Paspalum vaginatum et des touffes dressées d’Acrostichum aureum.
La teneur en éléments fins de ces sols est très variable avec un pH très acide,
souvent inférieur à 4 et une salinité également très variable. En fait, le milieu,
largement inondé d’une eau saumâtre, sujet aux légères variations de la marée,
est favorable à la constitution d’une formation superficielle particulière,
correspondant à ce que les géographes appellent « slikke», c’est-à-dire un
sol extrêmement rudimentaire, inconsistant et asphyxiant (Ministère de
l’environnement, 1996). Un nombre très limité d’espèces spécialisées peut vivre
dans ce milieu. En fonction de leur localisation, on distingue la zone à Rhizophora
avec R. racemosa (mangrove haute), le long des estuaires, et R. harrisonii et R. mangle
dans les régions à salure plus forte puis la zone à Avicennia germinans au contact
de la terre ferme, et enfin dans certains cas, la zone à Laguncularia racemosa.
27
USAGES ET INTERACTIONS NATURE/SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

Photo 4 - Vue d’une


savane littorale sur
sable quaternaire
à proximité de la
localité de Grand-
Bassam, à l’est
d’Abidjan. La couleur
roux du sable atteste
de la présence
d’oxyde de fer.

Crédit photographique T. Brou

Figure 3 - Paysages végétaux du littoral ivoirien

Source : Monnier, 1983 ; CCT, 2000


T. BROU, A. KANGAH

28
LA VÉGÉTATION DU LITTORAL IVOIRIEN

YAO TÉLESPHORE BROU


Les formations végétales basses
Les savanes prélagunaires
Ces savanes sont situées au nord des lagunes, sur les sables du Néogène (ou
Continental terminal), dans la région forestière de la basse Côte d’Ivoire. C’est
cette situation particulière qui confère à ces formations végétales l’appellation
de « savanes incluses » dans la forêt. Ces savanes se sont constituées sur des
sols hygromorphes plus ou moins inondés pendant les périodes de crue des
fleuves. En fait, ces savanes peuvent être considérées également comme des
savanes marécageuses si l’on s’en tient aux caractéristiques édaphiques. Elles
sont constituées d’une formation herbeuse vigoureuse dans laquelle l’élément
arbustif est toujours disséminé et de petite taille (Guillaumet et al., 1971).
Du point de vue phytosociologique, trois types essentiels de groupements
s’observent dans ces ensembles de savanes : le groupement ou savane à Brachiaria
brachylopha (graminée), le groupement ou savane à Hyparrhenia chrysargyrea
(graminée), le groupement ou savane à Anadelphia longifolia. Les arbustes de
cette savane, Bridelia ferruginea, Sarcocephalus esculentus, sont très dispersés.
Les savanes littorales
Elles sont localisées au sud des lagunes, sur le cordon littoral entre Port-
Bouët et Grand-Bassam (photo 4).
Ces savanes sont situées sur des sables quaternaires caractérisés par une
hydromorphie de profondeur. Ces sols sont des pseudo-podzols dont l’horizon
humifère est pratiquement inexistant, l’horizon lessivé blanc est en surface où la
nappe phréatique remonte pendant une partie de l’année. Ces savanes forment
de vastes prairies herbeuses généralement proches des savanes guinéennes, assez
denses mais peu diversifiées du point de vue taxinomique. La strate ligneuse,
peu développée, ne comporte que quelques rares arbustes, arbrisseaux et
sous-arbrisseaux groupés en îlots d’importance relative, dominés par quelques
Raphia. Les taxons les plus courants sont: Loudetia phragmitoides (graminée),
Pobeguinea arrecta, Rhytachne rottboellioides (graminée), Xyris decipiens (Xyridaceae),
Utricularia spp. (Lentibulariaceae), Drocera indica (Droceraceae), Neurotheca
loeselioides, Burmania bicolor (Burmaniaceae), Ophioglosum spp., Lycopodium affine
(Lycopodiaceae), Ilysanthes gracilis et Sphagnum sp.

Les activités agro-économiques et dynamiques de la végétation


sur le littoral ivoirien
Forêt littorale et forêt marécageuse couvraient jadis tout le littoral, à l’exception
des sols sur sables quaternaires. À l’image de l’ensemble des forêts du Sud
forestier ivoirien, elles ont fortement reculé et n’existent aujourd’hui qu’à
l’état de relique. La forêt du Banco à Abidjan en est un bon témoin (photo 1).
Le développement des cultures du cacao et du café, et surtout l’implantation
des grandes cultures industrielles de palmier, de cocotier, d’hévéa et
l’exploitation forestière sur le littoral constituent les facteurs prépondérants de
cette déforestation. La figure 4 ci-après présente les forêts classées et les parcs
nationaux du littoral et de son arrière-pays immédiat. 29
USAGES ET INTERACTIONS NATURE/SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

Il apparaît clairement que les limites administratives de ceux-ci coïncident


rarement avec les limites des massifs forestiers. En effet, dans la plupart
des cas, plus de la moitié de leurs superficies est occupée par les cultures.

Figure 4 - Occupation du sol dans les forêts classées et parcs nationaux du littoral et de
son arrière-pays immédiat

Source : CCT, 2000 T. BROU, A. KANGAH

NB : la superficie minimum prise en compte dans la cartographie est de 1 km² d’un seul tenant

Photo 5 - Une plantation


de cocotier sur la route
de Grand-Bassam à l’est
d’Abidjan. Ce type de
formation végétale se
développant bien sur
le sable quaternaire, est
devenu la composante
dominante des paysages
sur la frange littorale.
Des formations
savanicoles sur sables
quaternaires sont
généralement associées
à ces plantations de
cocotier, comme on le
voit au premier plan.
Crédit photographique T. Brou
30
LA VÉGÉTATION DU LITTORAL IVOIRIEN

YAO TÉLESPHORE BROU


Sur les 2 millions d’hectares environ que représente la superficie des forêts
classées et parcs nationaux du littoral et de son arrière-pays immédiat, plus d’un
million d’hectares sont occupés par les cultures (calcul à partir des données
de la figure 4). Dans certains cas, ces massifs ont été totalement remplacés
par des cultures à but commercial : bloc agro-industriel (cocotier, palmier,
hévéa, ananas), café, cacao, cultures vivrières… Cette situation concerne
surtout les forêts classées, qui bien que protégées, répondent quelquefois à
des besoins de productions agro-forestières. Les parcs nationaux subissent,
quant à eux ,moins d’attaques du fait qu’ils bénéficient d’une protection
intégrale de l’État, étant considérés comme des espaces de reproduction et
des sanctuaires de biodiversité.
L’évolution des principales cultures d’exportation
Le palmier à huile
Les plantations de palmier à huile sont pour la plupart de types industriel.
Elles se retrouvent surtout dans le sud du pays, le long de la zone lagunaire, de la
frontière du Ghana à celle du Liberia. Le développement de ces plantations s’est
fait sous l’impulsion de sociétés d’État. Il s’est agi de la SODEPALM (Société de
Développement du Palmier) puis de la PALMINDUSTRIE (Société chargée du
traitement industriel du palmier) avec l’encadrement technique de l’IRHO (Institut
de Recherche pour les Huiles et Oléagineux). Ces recettes d’exportation sont
passées de plus de 18,5 milliards de FCFA, pour la campagne 1985-1986, à près
de 12,3 milliards, pour la campagne 1989-1990 (Ministère de l’Agriculture, 2002).
Les superficies de palmier à huile plantées sur l’ensemble du territoire national
ont connu une croissance moyenne annuelle de 3 %, de 1985 à 1995. Elles sont
passées de près de 120 500 hectares à plus de 148 000 hectares.
Le cocotier
Le littoral est la grande zone de production de coco (photo 5). La majorité
des plantations se retrouvent dans les départements d’Abidjan (littoral est),
Aboisso (littoral est), Grand-Lahou (littoral centre) et Sassandra (littoral ouest).
Les superficies plantées ont très peu évolué depuis 1986. Elles sont passées de
50 247 hectares en 1986 à 53 140 hectares en 1995 (Ministère de l’Agriculture,
2002). Comme pour le palmier à huile, les plantations de cocotiers ont
également bénéficié de l’encadrement de la PALMINDUSTRIE et de l’IRHO.
Plus de 50 % des superficies plantées étaient la propriété de ces deux structures
ou étaient encadrées par elles. Les recettes d’exportation engendrées par la
production de coco s’élevaient environ à 6 milliards de FCFA de 1986 à 1990
(Ministère de l’Agriculture, 2002).
L’hévéa
Les premières plantations d’hévéa ont été créées dans la région d’Abidjan et
de San Pedro. Ces deux régions du littoral concentraient 99 % de la production
en 1995. La production de caoutchouc sec qui était de 35 000 tonnes en 1986
a connu une hausse d’environ 10 000 tonnes pour se situer à 45 700 tonnes en
1995 (Ministère de l’Agriculture, 2002). 31
USAGES ET INTERACTIONS NATURE/SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

Le recul des formations forestières


En 1955 (calcul à partir des données de la figure 4), la forêt dense humide
et les mangroves représentaient plus de 13 millions d’hectares sur le littoral
et son arrière-pays immédiat. En 2000, ces superficies sont tombées à moins
de 900 000 hectares. Entre 1955 et 2000, c’est donc près de 94 % des espaces
forestiers qui ont été remplacés par des plantations ou des jachères. En dehors
de quelques rares lambeaux de forêts encore protégés par l’État (forêts classées
ou parcs nationaux), il n’existe aucun espace forestier qui n’ait été touché par
l’activité humaine (figure 5).

Figure 5 - Évolution des forêts denses humides hygrophiles sur le rétro-littoral ivoirien

Source : Guillaumet, et al. 1971; CCT, 2000 T. BROU, A. KANGAH

Cette dégradation des formations forestières du littoral touche aussi les


écosystèmes de mangrove. Elle est liée à la surexploitation des bois de
palétuviers (Rhizophora racemosa) pour la construction, la pêche, le tannage, la
cuisson des aliments, le fumage de poissons ou de crustacés (Sankaré et al.,
1998). Par ailleurs, certaines techniques de pêche comme le « parc à poisson
ou acadja », grandes consommatrices de bois de palétuvier, rarement mises en
œuvre par le passé, sont couramment utilisées aujourd’hui. En effet, ce système
de pêche qui jadis s’effectuait tous les six mois, se pratique actuellement tous
les deux mois, voire tous les mois. Une fois la pêche terminée, les bois sont
abandonnés dans le milieu ou utilisés comme bois de chauffe ou de fumage
de poissons. Cette technique de pêche présente de nombreux inconvénients
dont la coupe des branchages. Les populations riveraines, pour faire face à
cette situation, exploitent les branchages des palétuviers bordant le système
lagunaire. Par ailleurs, les bois de palétuviers et particulièrement les troncs
droits de plus de 20 centimètres de diamètre sont utilisés comme supports de
32 filets à crustacés.
LA VÉGÉTATION DU LITTORAL IVOIRIEN

Sur l’ensemble du littoral, très peu de forêts de mangrove sont restées

YAO TÉLESPHORE BROU


intactes. La conservation est variable d’un secteur à un autre : (1) lagune Ébrié
(Abidjan), plus ou moins 50 % de conservation, (2) lagune Aby (Aboisso),
plus de 50 % de conservation, (3) lagune de Grand-Lahou, plus de 80 % de
conservation et (4) lagune de Fresco, moins de 50 % de conservation (Ministère
de l’environnement, 1999).

Les enjeux environnementaux et socio-économiques d’une ges-


tion durable des milieux forestiers du littoral ivoirien
Les paysages forestiers jouent un rôle important dans l’équilibre de l’écosystème
littoral, mais également dans celui de l’arrière-pays. On connaît l’importance
des forêts hygrophiles des basses côtes ivoiriennes dans le recyclage des eaux
de pluie. Les résultats des modèles réalisés prouvent que la forêt des milieux
tropicaux humides de l’Afrique, par sa structure verticale aérienne et souterraine,
injecte l’équivalent de 55 à 75 % des précipitations annuelles dans l’atmosphère,
ce qui permet aux paramètres physiques de la masse d’air (humidité et
température) en provenance de l’océan de se reconstituer. Anhuf (1993) a tiré
des conclusions semblables concernant les conséquences de la destruction de
la végétation sur le bilan hydrique climatique à l’échelle régionale. Selon lui, la
destruction ou la dégradation des forêts tropicales entraîne l’altération durable
d’éléments importants de l’équilibre naturel : l’albédo, la température près
du sol, l’humidité de l’air, le ruissellement superficiel et l’évapotranspiration.
Des études comparatives, conduites par Cahan et al. (1963), dans des zones
forestières intactes et défrichées, ont mis en évidence une élévation significative
de la température à 2 mètres du sol de 3 à 5° C. Ceci est dû, pour ces derniers,
à l’augmentation relative de la chaleur perceptible dégagée sous l’effet du
rayonnement solaire, à cause de la moindre capacité d’évaporation du milieu.
Ainsi, toute modification de la surface forestière perturbe non seulement
les échanges de chaleur et de vapeur d’eau au cours de l’année, mais affecte
également la répartition des eaux de pluie.
Le rôle des mangroves dans la dynamique littorale a également fait l’objet
de nombreuses études. D’une part, elles remplissent les mêmes fonctions
écologiques que les autres forêts denses humides. Elles contribuent, en effet,
avec les forêts denses humides tropicales à l’entretien du potentiel d’eau
précipitable de l’atmosphère par le biais d’un fort taux de recyclage des eaux
de pluie (comme indiqué ci-dessus). Elles constituent également comme
les forêts denses humides des zones de piégeage de gaz à effet de serre.
D’autre part, il apparaît clairement qu’elles contribuent à la stabilisation des
sédiments côtiers (Blasco, 1991 ; Amaroux, 2003), permettant ainsi à la terre
de gagner sur la mer. La destruction des mangroves est donc susceptible de
produire l’effet contraire. Par ailleurs, les différents systèmes racinaires des
palétuviers contribuent à la filtration et à la rétention des polluants (métaux
lourds et autres toxiques) contenus dans l’eau, de même qu’à la rétention
des nutriments et des matières en suspension. La mangrove est l’un des 33
USAGES ET INTERACTIONS NATURE/SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

écosystèmes les plus productifs du monde. Elle serait aussi productive que
la forêt tropicale humide. Un hectare de mangrove représente 300 tonnes
de matière organique sèche avec une production d’environ 15 tonnes par an
(Schnell, 1970). Par ailleurs, les eaux au sein et aux alentours des mangroves
sont généralement riches en nutriments. Ceci résulte de l’abondante matière
organique produite par les palétuviers et par les sédiments piégés entre les
racines de ces derniers. Les mangroves produisent annuellement environ
1 kg de litière/m², qui forme la base d’un réseau alimentaire complexe et
dont une partie est exportée avec la marée (Blasco, 1991). Il a été calculé
qu’un hectare de palétuviers, aux Philippines, « génère » chaque année 400 kg
de poissons, crevettes, crabes, mollusques auxquels s’ajoute une production
équivalente de même origine mais se développant ailleurs (Amaroux, 2003).
Les mangroves constituent ainsi, comme les forêts denses humides, des
écosystèmes à fonctions multiples (zone nourricière, freins à l’érosion,
sources de nourriture pour l’homme, bois de chauffe, etc.).
Du fait de la vulnérabilité de ces milieux dont le rôle environnemental et
socio-économique n’est plus à démontrer, la perspective d’une gestion durable
semble devenue une nécessité. Mais, la difficile équation à résoudre pour
une gestion durable des ressources naturelles est, sans nul doute, d’arriver à
concilier la productivité, la conservation et l’aménagement écologique.
Cette gestion implique la responsabilité de l’État, mais aussi celles des
populations locales souvent négligées. En effet, l’une des solutions
pour réussir les politiques d’aménagement du littoral est l’intégration
des populations locales dans les projets de gestion. Ces stratégies dites
participatives impliquent que les populations concernées y trouvent un
intérêt soit matériel, soit immatériel. L’intérêt matériel peut consister dans la
récolte de produits secondaires pour des besoins médicaux, alimentaires et
techniques. L’intérêt immatériel vient de la valorisation de leur patrimoine
culturel comme par exemple la préservation des mythes et du sacré liés à des
lieux particuliers et fragiles.
Une vision d’ensemble est d’autant plus urgente à mettre en pratique qu’il
existe des contradictions importantes entre les différents acteurs du littoral
avec, d’un côté, ceux qui considèrent le littoral ivoirien uniquement comme
un système de production, et de l’autre, ceux qui, au contraire, le considèrent
comme un écosystème fragile à préserver.

Conclusion
La végétation littorale ivoirienne est marquée par une grande diversité. Sur
cette mince étendue de terre, à l’interface entre les milieux aquatiques et les
milieux continentaux, s’échelonnent en effet des paysages végétaux sur terre
ferme et des paysages végétaux continuellement submergés par les marées.
Cette diversité se manifeste également par l’opposition entre paysages forestiers
34 et paysages de savane.
LA VÉGÉTATION DU LITTORAL IVOIRIEN

Des modifications importantes des écosystèmes du secteur littoral sont en

YAO TÉLESPHORE BROU


cours avec pour conséquence l’appauvrissement ou la disparition presque totale
de certaines formations végétales. Le développement des cultures du cacao et
du café, et surtout l’implantation des grandes cultures industrielles de palmier,
de cocotier et d’hévéa sur le littoral constituent les facteurs prépondérants de
cette déforestation.
Les risques environnementaux liés au recul des milieux forestiers du littoral
ivoirien préoccupent les acteurs de la recherche et du développement. Des
travaux de recherche, en cours dans plusieurs instituts de recherche ivoiriens
(Institut de Géographie Tropicale, Centre de Recherche en Écologie, etc),
permettront d’évaluer l’ampleur de ces risques environnementaux. De ces
recherches doivent naître la nécessité d’une surveillance des formations
végétales du littoral ivoirien.
Au niveau de l’État, il n’existe pas d’institutions spécifiques chargées de gérer
les problèmes littoraux. Même si le rapport de diagnostic sur l’état du littoral
a été adopté en 2003 par le Ministère ivoirien de l’Environnement, le Livre
blanc de gestion du littoral ivoirien en est encore au stade de projet. La gestion
des problèmes environnementaux sur le littoral s’inscrit donc dans le cadre
global des politiques des ministères en charge de l’environnement (Ministère
de l’Environnement, Ministère des Eaux et Forêts). De plus, lié à des difficultés
de financement et une situation sociopolitique trouble, le Programme d’Action
National pour l’environnement (en application des recommandations de
Rio), élaboré pour la période 1996-2010 est resté pratiquement au stade de
projet. Sa mise en œuvre devrait permettre, dans une certaine mesure, une
action concertée de tous les acteurs de la filière environnementale sur le littoral
ivoirien.

Références

AMAROUX J-M, 2003. « Genèse et devenir des mangroves. L’exemple de la Guyane »,


cycle des conférences 2002-2003, Quel avenir pour l’homme, Perspectives, Université de
Perpignan.
ANHUF D., 1993. Étude de la végétation en Afrique au moment du dernier optimum climatique
et du dernier pessimum climatique, Bonn, 60 p.
BERNHARDT-REVERSAT, HUTTEL C. et LEMEE G., 1978. « La forêt
sempervirente de basse Côte d’Ivoire », Problèmes d’écologie : structure et fonctionnement
des écosystèmes terrestres, édition M. Lamotte et Bourbiès. Paris, New York, Barcelone,
Milan, Masson, 1978, p. 313-345.
BLASCO F., 1991. « Les mangroves », La recherche, Paris, n° 231, p. 444-453.
BROU T. Y., 2005. Climat, mutations socio-économiques et paysages en Côte d’Ivoire, mémoire
d’Habilitation à diriger des Recherches (HDR), Université de Lille 1, 212 p.
CAHAN P., DUVAL J., 1963. « Variations microclimatiques verticales et saisonnières
dans la forêt sempervirente de basse Côte d’Ivoire », Annales de la Faculté des Sciences de
l’Université de Dakar, vol. 8, p. 5-87. 35
USAGES ET INTERACTIONS NATURE/SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

CCT (Centre de cartographie et de télédétection), 2000. Données de statistiques


forestières en Côte d’Ivoire - carte du bilan forestier actualisée, CCT, Abidjan.
CCT (Centre de cartographie et de télédétection), 2000. Carte des sols actualisée d’après
les travaux de Monnier, 1983, CCT, Abidjan.
DCGTx (Direction centrale des grands travaux), 1993. Développement rural et préservation
de l’environnement forestier - enjeux et perspectives en zone de forêt dense, Abidjan, 139 p.
GUILLAUMET J.L. et ADJONOHOUN E., PERRAUD A., 1971. « La végétation de
la Côte d’Ivoire », Le milieu naturel de la Côte d’Ivoire, ORSTOM, p. 161-262.
LEROUX M., 1988. « La variabilité des précipitations en Afrique occidentale : les
composantes aérologiques », VCS, 22, p. 26-45.
Ministère de l’Agriculture, 2002. Rapport annuel d’activité, MINAGRA, Abidjan, 120 p.
Ministère de l’Agriculture, Direction de la Programmation, de la Budgétisation et
du Contrôle de Gestion, 1990. Annuaire rétrospectif de statistiques agricoles et forestières,
Abidjan, 3 vol., 257 p.
Ministère de l’Environnement, 1999. Bilan des activités concourant à la lutte contre la
désertification en Côte d’Ivoire. Rapport final, CCD-CI (Convention de lutte Contre la
Désertification en Côte d’Ivoire), Abidjan, 90 p.
Ministère de l’Environnement, 1996. Le Livre blanc de l’environnement de la Côte d’Ivoire, Tome 1 :
Plan National d’Action Environnemental de la Côte d’Ivoire 1996-2010, Abidjan, 175 p.
MONNIER Y., 1983. Végétation, Les atlas Jeune Afrique Côte d’Ivoire, Jeune Afrique,
p. 16-18.
MONNIER Y., 1983. Les sols, Les atlas Jeune Afrique Côte d’Ivoire, Jeune Afrique,
p. 20-21.
MONTENY B., 1986. Forêt équatoriale, relais de l’océan comme source de vapeur
d’eau. Veille Climatique Satellitaire, n°12, p. 39-51.
SANKARÉ Y., AVIT J.B.L.F., EGNANKOU W., SAENGER P., 1998. « Etude
floristique des mangroves des milieux margino-littoraux de Côte d’Ivoire »,
Bulletin du Jardin Botanique National de Belgique, n° 67, p. 335-360.
SCHNELL R., 1971. «Introduction à la phytogéographie des pays tropicaux», Les
milieux. les groupements végétaux, tome 2, Gauthier Villars, Paris, p. 503-950.

36
MORPHOLOGIE ET DYNAMIQUE DU TRAIT DE CÔTE EN CÔTE D’IVOIRE

CÉLESTIN PAUL HAUHOUOT


Morphologie et dynamique du trait de côte
en Côte d’Ivoire
Célestin Paul HAUHOUOT
Institut de Géographie Tropicale, Université de Cocody Abidjan
(Côte d’Ivoire)

Plusieurs classifications morphologiques et dynamiques du littoral de


Côte d’Ivoire ont été proposées sur la base de prototypes connus. Certaines
s’appuient sur des critères génétiques. D’autres se réfèrent à des critères
morphologiques et d’autres encore associent les critères morphologiques
à des conditions dynamiques. Les paramètres morphodynamiques utilisés
ici renseignent sur l’aptitude des côtes à dissiper efficacement l’énergie des
houles. Ils permettent de distinguer deux types fondamentaux de plage : une
plage où domine la réflexion de la houle sur l’estran et une autre où domine
la dissipation sur l’avant-plage. La première est dite réflexive et la seconde
dissipatrice (Anthony, 1990).
La détermination des régimes morphodynamiques des plages ne suffit pas
à caractériser leurs dynamiques. C’est pourquoi des bilans ont été entrepris à
partir d’observations de la cinématique du trait de côte (par télédétection et
mesure de terrain), complétés par une revue de littérature.
D’une façon globale, les cordons littoraux du golfe de Guinée sont
démantelés par l’érosion côtière. Ce phénomène inquiète par sa rapidité.
Selon Blivi et Ajoussi, (2004), le recul peut atteindre des vitesses comprises
entre 5 et 15 m/an. Même si la tendance est au recul, les modalités de ce
recul divergent localement. 37
38
Figure 1 - Esquisse géomorphologique du littoral ivoirien

C
Ni o
ou

n
Ba
i


mo
n
Bi a

our
Agné b

Bo
y

ou
u
d ama

Sa ssa
bo

ndr

Sa
a

n-P
e

dr
GHANA

LIBERIA
B ol o
ABIDJAN Gd-Bassam
Grand-Lahou d Assinie
Sassandra Fresco Fon
an s
us
Tro
120 N
San Pedro NW NE
NW N NE Océan Atlantique 120
Grand-Béréby
W E
W E
WSW WSW
S SE SE
SSW
Tabou SW SSW S
Direction des vents dominants Direction des vents dominants
à Sassandra à Abidjan
N
Source : F. Hinschberger et R.Pomel, 1979 0 30 60 90 km
Mise à jour par C. Hauhouot, 2007 C. HAUHOUOT, A. KANGAH

Grands traits topographiques Grands traits géologiques Caractères de la dérive littorale


section de côte élevée socle cristallin et métamorphique dérive littorale dominante vers l'est
section de côte basse argiles glauconieuses (paléocènes ) dérive littorale dominante vers l'ouest
falaise vive sables argileux et grès du "continental terminal " dérive alternée et courants d'arrachement
plate - forme à écueils argiles et sables fluvio - lagunaires (quaternaire )
sables des cordons marins (quaternaire récent )
USAGES ET INTERACTIONS NATURE/SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE
MORPHOLOGIE ET DYNAMIQUE DU TRAIT DE CÔTE EN CÔTE D’IVOIRE

CÉLESTIN PAUL HAUHOUOT


Esquisse du littoral ivoirien
Un littoral rocheux et sableux
Les côtes à falaises
Le modelé typique du littoral de Tabou à Fresco est celui d’une falaise
taillée dans les plateaux du socle et des sables tertiaires figure 1). Ces falaises
ont des altitudes comprises entre 20 et 100 mètres. Elles sont de deux types :
les falaises mortes et les falaises vives. Les falaises mortes ont des versants
raides recouverts de sédiments épais masqués par la végétation (Pomel et
Pelletier, 1977). Ces falaises sont toujours en retrait d’une plage sableuse
ou d’un mince cordon. Elles se présentent sous l’aspect de caps en saillies
souvent battus par la mer sur de courts secteurs. À Nagarebo (Fresco), elles
forment un front continu taillé dans les collines Laga-Ghirobo et Kraïebouén.
Elles sont constituées surtout de sables glauconieux et argileux affectés en
bordure de mer par des failles panamiennes (Tastet, 1972 ; Delestre, 1973).
Le trait de côte entre San Pedro et Sassandra est très original. Des portions de
côtes rectilignes sont décalées les unes par rapport aux autres. Chaque portion
de côte rectiligne est limitée par un cap saillant. Au pied des caps gisent des blocs
subanguleux résultant de l’altération intense des rochers. Les grèves de galets
sont plus rares. Elles se situent au pied des pointes dans la baie de Monogaga
et à Kounoukou. Les cordons de blocs et les grèves de galets sont donc très
localisés, se juxtaposant aux plages ou les recouvrant partiellement. Sur le littoral
occidental, les plages de poches sont le type le plus fréquent. Elles occupent le
fond de centaines de petites anses protégées par des caps.
La plaine côtière
Le littoral sableux est plus bas, monotone et entièrement inscrit dans un
bassin sédimentaire. À partir de la lagune de Grand-Lahou, des cordons sableux
barrent des lagunes parallèles séparées par des deltas (deltas du Bandama, de
la Comoé ou marais de l’Agnéby). Ces cordons sont souvent accolés à des
formations sablo-argileuses de 10 à 12 mètres désignées localement par le terme
bas-plateaux (Tastet, 1972). Outre ces formations, on trouve des étendues de
sables lessivés, sur les bordures des lagunes ou à côté d’accumulations vaseuses
au fond des dépressions.
Ainsi, d’ouest en est, le trait de côte traverse le socle, des formations sablo-
argileuses et les cordons sableux. Il date d’environ 5 000 ans (correspondant à
la fin de la dernière transgression marine dite transgression nouakchotienne).
Il y a 18 000 ans cette même ligne était 110 mètres environ plus bas sur le
plateau continental.
Le trait de côte hérité de la dernière transgression marine est localement
remodelé par la houle et par les aménagements. Depuis lors, la côte rocheuse est
restée plus ou moins stable. Sa disposition en échelons piège le sable en transit
et favorise à l’est des caps des dérives en sens contraire. Dans ce secteur on
n’exclut pas pour autant le remodelage par érosion des minces cordons et des
plages. La côte sableuse à l’ouest du « trou sans fond », un canyon sous-marin
au large d’Abidjan, est érodée en maints endroits. Les produits de cette érosion
sont transportés vers l’est par les courants côtiers. 39
USAGES ET INTERACTIONS NATURE/SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

À l’est du « trou sans fond », l’angle de la houle avec la côte favorise la chute
des sables en transit. Ici, le trait de côte avançait de 1 m/an vers le large avant
les aménagements portuaires. Sur quelques secteurs (à l’aval-dérive du canal de
Vridi, Azzureti…) le déficit généré par les pièges à sable et la convergence des
houles entraînent un retrait du trait de côte.
La mer côtière
La mer côtière est entendue ici comme la partie maritime de la zone côtière.
Elle est comprise entre le trait de côte et l’isobathe 120 mètres qui marque la
limite du plateau continental ivoirien. Dans ces paragraphes la mer côtière est
étudiée sous ses aspects océanologiques et morpho-structuraux.
Aspects morpho-structuraux
Le plateau continental s’étend sur une largeur de 35 kilomètres au maximum.
Vers Abidjan, il se rétrécit et, ensuite, en direction de Grand-Lahou, son
développement ne dépasse pas 22 kilomètres. Les fonds marins présentent
trois types morphologiques (Mondé, 1997) : convexe, concave et intermédiaire.
Les fonds marins aux embouchures des grands fleuves ont des profils de
type convexe. Ce type caractérise les zones de sédimentation actuelle. À la
marge de ces zones, les profils sont du type intermédiaire. Entre ces zones
de sédimentation, les fonds ont des profils de type concave marqués par des
ruptures de pentes provoquées par la présence de barres de grès.
La morphologie sous-marine est perturbée au large d’Abidjan par un
important canyon, le «trou sans fond». Ce canyon entaille la plate-forme
sous-marine jusqu’à la côte. Ailleurs, la topographie est peu accidentée.
Toutefois on peut observer ça et là des barres de grès, des affleurements
exclusivement sur les fonds entre Tabou et Sassandra et diverses morpho-
structures. Les barres de grès sont des cordons littoraux fossiles construits
et submergés par la mer lors de la transgression holocène. Elles ont une
disposition qui ressemble à l’organisation des cordons actuels. Elles sont
disposées parallèlement à la côte. Certaines sont isolées quand d’autres sont
alignées sur les fonds entre 50 et 115 mètres parallèlement à la côte. Leur
hauteur varie du mètre à la dizaine de mètres et leur largeur peut atteindre
160 mètres maximum.
D’autres accidents mineurs à savoir des replats, des microstructures bosselées
et de petites dépressions recouvrent la plate-forme continentale. Mondé (1997)
a mis en évidence deux dépressions au large d’Abidjan et de Tabou par 100 et
70 mètres de profondeur.
Les fonds de la mer côtière sont recouverts de sables quartzeux. Ces sables
constituent le substrat de la sédimentation actuelle qui est composée de
vases le plus souvent bioturbées. De 0 à 40 mètres, ils dominent les couches
superficielles. Ils sont plus grossiers à l’ouest du fleuve Comoé (Abé, 2005).
Les agents marins qui façonnent les formes littorales
Trois types de houles déferlent sur le littoral ivoirien (Tastet et al. 1985) ;
des houles de faible amplitude égale à 0,8 mètre ; des houles de moyenne
40 amplitude comprise entre 0,8 et 2 mètres et des fortes houles d’amplitude
MORPHOLOGIE ET DYNAMIQUE DU TRAIT DE CÔTE EN CÔTE D’IVOIRE

supérieure à 2 mètres. Les houles de 2 mètres et de période égale à 12 secondes

CÉLESTIN PAUL HAUHOUOT


représentent 40 à 60 % des houles régulièrement observées (Tastet et al. 1985).
Elles sont responsables des fortes érosions observées en mai et juin sur les côtes.
Des houles plus fortes pouvant atteindre sept mètres, pour des périodes de
vingt secondes ont aussi été observées. Ces houles sont rares mais redoutables
car susceptibles de provoquer d’importants changements morphologiques et
des dégâts matériels (destruction d’infrastructures collectives et d’habitations).
Les houles qui se brisent sur le littoral ivoirien naissent dans l’Atlantique
sud. Elles abordent la côte dans une direction préférentielle sud-sud-ouest.
L’obliquité des crêtes par rapport au rivage entraîne un transport latéral de
sédiments. En effet, juste après le déferlement des vagues obliques, une masse
d’eau chargée de sédiments grimpe le long du plan de la plage. Les sédiments
sont arrachés à la plage par l’impact puis transportés en suspension, repris par
le courant de retour qui les ramène vers la mer suivant la ligne de plus grande
pente (Miossec, 2004). La dérive littorale est donc une suite ininterrompue
de montées et de descentes d’eaux chargées de sédiments. Elle mobilise près
de 800 000 m3/an de sables entre Sassandra et Vridi (Tastet et al. 1985). La
moitié de ce stock bute contre la digue du canal de Vridi ou est piégée par
le « trou sans fond ». L’autre moitié atterrit sur les plages à l’est d’Abidjan
(de Grand-Bassam à Assinie). La dérive littorale ouest-est joue donc un
rôle éminemment important dans la redistribution spatiale des sables sur le
littoral ivoirien.
Les autres courants marins sont moins efficaces. Cependant, le courant
superficiel de Guinée et le contre-courant subsuperficiel sont impliqués dans
la dispersion des particules fines qui débouchent des principaux fleuves.
Les particules qui sont entre 0 et 30 mètres sont étalées vers l’est par le
courant de Guinée. Au-delà de trente mètres, le contre-courant piège les
particules, les déplace dans le sens contraire et les abandonne à l’ouest des
embouchures (Martin, 1973).

Essais de classification des côtes ivoiriennes


Plusieurs classifications des formes littorales ont été proposées. Certaines sont
fondées sur des critères génétiques, d’autres sur des critères morphologiques
(Paskoff, 1996). Trois variables sont prises en considération : la nature
topographique ou structurale du contact terre-mer, les variations du niveau de
la mer et les effets des processus dynamiques côtiers.
Classifications génétiques et morphologiques
Shepard (1963) oppose les côtes primaires et secondaires. Les côtes primaires
sont celles qui ont conservé leurs caractères topographiques initiaux, dus à
la structure ou à l’érosion continentale. Ces côtes présentent une grande
diversité. Selon leur origine, Shepard (1963) distingue les côtes d’érosion
ennoyées (rias, fjords, karst ennoyé), les côtes de dépôts terrestres (deltas
et plaines alluviales, dépôts glaciaires et éoliens, éboulements), les côtes
volcaniques et les côtes diastrophiques (faille, plis, extrusions sédimentaires). 41
USAGES ET INTERACTIONS NATURE/SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

Photo 1 - Baie de
Monogaga, San
Pedro. Les plages de
poche sont le type le
plus fréquent sur le
littoral occidental de
la Côte d’Ivoire. Elles
occupent le fond de
centaines de petites
anses protégées par
des caps.

Crédit photographique P. Pottier

Photo 2 - Côte
sableuse d’Assinie-
Mafia. Les plages à
l’est de Sassandra
sont rectilignes,
monotones et
interrompues par les
embouchures des
fleuves côtiers.

Crédit photographique P. Pottier

Photo 3 - Côte
rocheuse de Tabou,
un des rares secteurs
du littoral où on peut
observer une côte à
dénudation.

42 Crédit photographique C. Hauhouot


MORPHOLOGIE ET DYNAMIQUE DU TRAIT DE CÔTE EN CÔTE D’IVOIRE

Cette diversité est remarquable sur le littoral d’Abidjan et ses environs. La

CÉLESTIN PAUL HAUHOUOT


côte au nord de la lagune Ébrié est découpée par un chapelet de baies formées
d’anciennes rias (baies de Cosrou, Toupah, Mopoyem, Dabou, Adiopodoumé,
Banco, Cocody et Bingerville). Des formes d’accumulation variées sont
observables aux débouchés des fleuves et rivières. C’est le cas du delta du
Bandama à Grand-Lahou, du delta du Comoé à Grand-Bassam, et de la plaine
alluviale de l’Agnéby à l’est de Dabou. Les deltas sont couverts d’une forêt
marécageuse ou d’une mangrove pauvre en espèces floristiques.
Les côtes secondaires portent l’empreinte des forces marines. Elles se
présentent sous la forme de falaises taillées par les vagues, de plages de sables
ou de galets, accumulés par la dérive littorale… (Paskoff, 1996). Elles forment
des paysages de basse altitude, rectilignes et monotones sur les deux tiers de la
côte actuelle en Côte d’Ivoire.
Inman et Nordstrom (1971), s’appuyant sur la tectonique des plaques, ont
proposé une classification fondée sur des critères géophysiques. Les côtes
sont divisées en trois grandes catégories correspondant aux conditions de
subduction, aux marges passives, aux zones protégées par des arcs insulaires
(Paskoff, 1996). Ces données tectoniques étant modifiées par des phénomènes
d’érosion et d’accrétion, Inman et Nordstrom (1971) ont aussi proposé une
classification morphologique qui distingue les côtes en fonction de leurs formes
(côte montagneuse, côte de plateau…), et de la largeur du plateau continental.
Selon la classification d’Inman et Nordstrom, les côtes ivoiriennes, d’un
point de vue tectonique, appartiennent à la deuxième classe des côtes
de «bord traînant» et plus précisément à la sous-classe des côtes afro-
traînantes (Tastet, 1972). Les côtes de «bord traînant» correspondent aux
bords des continents opposés aux zones de collision. D’un point de vue
morphologique, les côtes ivoiriennes sont des côtes de plateaux ou de
plaines à plateau continental étroit. Les côtes de plateaux sont des côtes à
falaises vives ou mortes localisées à l’ouest de la lagune de Grand-Lahou.
À l’est, s’étend une côte de plaine jusqu’à la frontière du Ghana. C’est une
côte basse où domine le transport latéral ou le dépôt.
Régime morphodynamique des plages
Les plages réflexives et dissipatrices ont des caractéristiques morpho-
dynamiques bien contrastées. Wright et al. (1979) ont proposé un paramètre qui
distingue ces deux types de plage : ε= A (2 π/T) 2/(g.tan2 β) où A correspond
à l’amplitude de la houle, T à la période, g à l’accélération de la pesanteur
(9,81 m/s2) et β à la pente de la plage ou de l’avant-plage en degré. Battjes
(1974) a proposé un paramètre similaire dont l’équivalent au déferlement est le
nombre d’Irribaren : ζ b = tan β/(Hb/lo) 0,5 où l est la longueur d’onde, l’indice
b se réfère à de l’eau profonde et l’indice o au déferlement. Les deux paramètres
sont liés par : ζ b = (π/ε) 0,5 (Anthony, 1990). La plage entièrement réflexive a
une valeur ε inférieure à 1 et ζ supérieure à 1. Elle présente un profil subaérien
raide constitué de sédiments grossiers et/ou une zone de déferlement pauvre en
sédiments. Ce profil comporte souvent une ou plusieurs bermes (Wright et al, 1979).
43
USAGES ET INTERACTIONS NATURE/SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

Les plages réflexives sont généralement dépourvues de barres d’avant-côte et de


formes associées (barres, chenaux de rips, etc.). En revanche elles sont parfois
recouvertes de croissants de plages. Elles sont battues par des vagues incidentes
d’énergie basse à modérée. Les plages entièrement dissipatrices ont des valeurs
respectives de εet de ζ supérieures à 30 et inférieures à 0,23 (Anthony, 1990).
Elles présentent un profil peu profond, généralement à barres multiples. Les
vagues de haute énergie favorisent une abondance de sables, de préférence fins
dans les larges zones de barres et de déferlement (Wright et al, 1979).
Pour appliquer le paramètre morphodynamique aux plages ivoiriennes, ont
été utilisées les houles d’amplitude de 2 mètres et de période égale à 12 secondes.
Ce type de houle est très fréquent en mai-juin et représente 40 à 60 % des
houles identifiées en face des côtes ivoiriennes, toute l’année. La pente des
plages (β) a été calculée à partir de profils de secteurs littoraux provenant de
différentes sources (tableau ci-dessous).
Calcul du paramètre morphodynamique des plages du littoral ivoirien

Secteurs Pente en Paramètre Sources des


degré (β) morphodynamique (ε) profils de plage

San Pedro (Balmer 1,718 – 8,53 2,91.10-05 à 7,26. 10-04 Hauhouot (2000)
– club nautique)
Fresco (ancien village) 0,725 – 4,289 5,18. 10-06 à 1,82. 10-04 FEA I (2006)
-07 -04
Grand-Lahou 0,286 – 7,125 8,07.10 à 5,08.10 Hauhouot (2000)
(Kpanda – Braffedon) Kouakou (2004)
N’douffou (2005)
Jacqueville (Abreby 1,146 – 1,718 1,29.10-05 à 2,91.10-05 Adepo (2004)
– Laka)
Abidjan (Port-Bouet) 0,725 – 4,004 5,18. 10-06 à 1,58.10-04 Hauhouot (2000)
Coffie (2002)
Grand-Bassam (Lomo, 0,725 – 1,718 5,18. 10-06 à 2,91.10-05 Coffie (2002)
Mondoukou)
Assinie (Assouindé, 0,286 – 2,291 8,07.10-07 à 5,18.10-05 Konan K (2004)
Assinie Mafia)
Les plages de San Pedro à Assinie ont une valeur ε inférieure à 1. Elles peuvent de ce fait être considérées comme des
plages entièrement réflexives.

La dynamique du littoral et les enjeux associés


La cinématique du trait de côte
La côte de Tabou à Sassandra
Cette zone est stable. À l’exception de courts secteurs à San Pedro et
Sassandra, les agents de morphogenèse équilibrent leurs forces. À San Pedro,
des segments de plage érodée ont été observés dans les environs de l’hôtel
Balmer, devant le restaurant Horizon et en contrebas du club house d’une
association nautique locale. Tous ces segments reculent de 0,5 à 1 m/an. À l’est
44 de San Pedro, le mince cordon roux qui barre la petite lagune Dagbé recule
MORPHOLOGIE ET DYNAMIQUE DU TRAIT DE CÔTE EN CÔTE D’IVOIRE

aussi sensiblement à la même vitesse. Ce recul menace directement le village

CÉLESTIN PAUL HAUHOUOT


de Dagbégo. La déstabilisation des plages de San Pedro et de ses environs est
l’œuvre de la houle et du courant de dérive qu’elle entraîne vers l’est. Toutefois,
des actions anthropiques expliquent partiellement le repli côtier. Dans le quartier
Balmer, les premiers effets de l’érosion ont été ressentis suite à l’intensification
de l’exploitation du sable marin à l’embouchure de la lagune Digboué. Le budget
des plages avoisinantes a été sérieusement entamé. Les plages s’amenuisent.
La mer sape l’ados (falaise de 2 à 3 mètres) à son pied et maintient l’existence
d’un abrupt. Elle frappe par à-coups mais en permanence la paroi. Le choc des
vagues arrache des morceaux de la roche. L’ados de plage évolue aussi en partie
de façon indépendante sous l’action des infiltrations des eaux de pluie. L’érosion
a fortement endommagé la piste qui surmonte l’ados et mène au village de
pêcheurs. Les installations de l’hôtel Balmer sont partiellement détruites.
La côte de Fresco à Grand-Lahou
Les vagues et le courant de dérive associé d’une part et la migration des
embouchures vers l’ouest d’autre part, ont entraîné de profonds changements
morphologiques entre Fresco et Grand-Lahou. Le cas de Grand-Lahou est le
plus alarmant. La reconstitution de la cinématique du trait de côte (1950-2006) par
télédétection et complétée par des mesures de terrain montre que depuis 1950,
la tendance est au recul. Jusqu’en 1986, l’érosion s’est faite d’abord lentement
(0,3 m/an), ensuite elle a connu une première accélération (2 m/an) entre 1986
et 1993 puis une seconde entre 1993 et 2006. Durant ce dernier laps de temps le
recul a atteint 6,7 m/an entre l’embouchure et le phare.
Le démantèlement des cordons se fait aussi en partie de façon indépendante
sous l’action du Bandama qui ronge la plaine littorale. On estime la surface
détruite depuis 1993 à 10,7 hectares, dont 4 de surfaces bâties et 1,9 de verdure.
L’érosion côtière a une dimension sociale et économique importante. Elle a
provoqué des destructions d’habitats et d’infrastructures de circulation du fait
de l’intense concentration des populations sur le littoral. Le déplacement à titre
préventif des villes historiques de Fresco et Grand-Lahou menacées par l’érosion
côtière sur des sites plus stables au nord des lagunes s’est faite à des coûts exorbitants.
La côte de Jacqueville à Vridi canal ouest
D’après les levés de profils récents effectués par Adopo (2004) ce secteur
présente une relative stabilité, voire un faible engraissement. Cet engraissement
est saisonnier dans le périmètre de Jacqueville (stations de Abreby, Laka) et
continu dans les stations proches des ouvrages de protection du canal de Vridi
(épave de bateau, Canal ouest), profitant des atterrissages de sables piégés par
l’épi d’arrêt des sables.
La côte de Port-Bouët à Azuretti
La plage de Port-Bouët située en aval dérive des pièges à sédiments du canal
de Vridi enregistre logiquement un déficit en sable estimé entre 350 000 et
400 000 m3/an (Martin, 1973). Ce déficit engendre une érosion sévère ponctuée
par des épisodes très dommageables. De fortes houles historiques, d’origine
souvent méconnue, déferlent épisodiquement engendrant d’énormes dégâts. 45
USAGES ET INTERACTIONS NATURE/SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

Figure 2 - Conséquences de l’érosion sur les zones bâties à Port-Bouët

Cimetière

PORT-BOUET
CENTRE

Village Aladjan

Occupation du sol de la bande des 40 mètres


(constructions menacées dans les 30 prochaines années) *
*
voirie
habitat colonial maisons détruites par les déferlement de vagues
fortes houles des 13 et 14 d'origine sismique
habitat individuel août 2007

habitat précaire
N
* équipement industrialo-portuaire

Sources : M. Robin, C. Hauhouot (1999) C. HAUHOUOT, A. KANGAH


0 100 200 300 400 m

Photo 4 - Une
dizaine de maisons
ont été détruites par
de grosses vagues qui
ont déferlé sur la côte
dans la nuit du 13
au 14 août 2007. Les
personnes frappées
sont pour la plupart
en situation de grave
précarité et ont
tout perdu dans la
destruction de leur
maison.

46 Crédit photographique C. Hauhouot


MORPHOLOGIE ET DYNAMIQUE DU TRAIT DE CÔTE EN CÔTE D’IVOIRE

De 1944 à 1960, la digue ouest du canal de Vridi a été rasée à trois reprises par

CÉLESTIN PAUL HAUHOUOT


des fortes houles. À chaque fois, les vagues ont déplacé plus de 20 000 tonnes
d’enrochements (Tastet et al. 1985). En 1968 et 1984, de fortes houles
convergentes sur Port-Bouët ont partiellement détruit les pipelines de la
Société ivoirienne de raffinerie (SIR), la route littorale et des établissements
hôteliers (la Vigie, les Tourelles).
Certaines fortes houles historiques qui frappent le littoral sont d’origine
sismique. Dans la nuit du 13 au 14 août 2007, de grosses vagues ont
détruit une dizaine de maisons dans les environs des pipelines de la SIR
(figure 2). Ces vagues ont été engendrées par un séisme de magnitude 4,8
sur l’échelle de Richter dont l’épicentre était situé dans l’océan Atlantique
à 1 800 kilomètres des côtes.
La côte de Grand-Bassam à Assinie
Les plages de cette côte peuvent être considérées d’une façon générale
comme des plages stables ou qui engraissent faiblement. Les vagues abordent
la côte avec un angle qui amenuise leur capacité à provoquer un mouvement
latéral des sédiments vers l’est. Par conséquent, une bonne partie des sables
en transit engraisse les plages de Grand-Bassam à Assinie. À Lomo 1, la plage
engraisse d’environ 2 m/an (Coffie, 2002), à Assouindé (près du restaurant
Liley) Konan (2004) a relevé une progradation maximum de 2,4 m/an.
L’élévation du niveau marin
L’élévation du niveau de la mer constitue l’un des principaux problèmes
de l’humanité. Plusieurs causes l’expliquent mais il est principalement dû
à la modification du volume d’eau contenu dans les océans en relation avec
le réchauffement de la basse atmosphère. Le volume d’eau s’accroît dans
les océans quand les glaciers des montagnes fondent et libèrent d’énormes
quantités d’eaux (glacio-eustatisme). Il s’accroît également à la suite d’une
dilatation thermique de toute la tranche d’eau des océans. Autrement dit, si
l’eau des océans se réchauffe, sa densité diminue et elle occupe donc un plus
grand volume.
La plupart des chercheurs admettent que le niveau de la mer tend à s’élever
depuis la fin du XIXe siècle mais ils peinent à s’accorder sur sa vitesse. Les
chiffres avancés proviennent surtout de relevés marégraphiques confinés dans
l’hémisphère nord, près des côtes nord-américaines et européennes.
Les chiffres avancés pour caractériser cette élévation varient selon les auteurs
et les lieux. Toutefois, les données altimétriques fournies par le satellite
d’observation des océans Topex-Poseidon devraient les mettre tous d’accord.
Entre 1993 et 2001, celui-ci a détecté une élévation du niveau moyen des océans
de 2,5± 0,2 mm/an (Cazenave et Cabanes, 2002). Ce chiffre revoit à la hausse
les mesures fournies par les marégraphes (1,5 mm/an depuis 1880) qui du reste
concernent une durée d’observation plus longue.
Dans le golfe de Guinée (englobant le littoral ivoirien) on se réfère au
marégraphe de Takoradi au Ghana pour estimer la vitesse d’élévation du niveau
de la mer. Ainsi, à Takoradi, la mer s’est élevée de 3,4 mm ±0,6 mm/an durant
la période 1930-1960 (Verstraete, 1989). 47
USAGES ET INTERACTIONS NATURE/SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

L’élévation du niveau marin pose problème car il peut déboucher sur des
profondes modifications des paysages littoraux, comme ce fut le cas lors des
oscillations du niveau de la mer au quaternaire.
La remontée du niveau marin au quaternaire
Franchi un certain seuil, l’élévation du niveau marin s’accompagne d’une
transgression plus ou moins rapide et de grande ampleur. Ce phénomène
a été constaté sur tous les rivages même si les dates et l’ampleur diffèrent
selon les régions. En Côte d’Ivoire, on admet qu’à partir de 18 000 ans
avant notre ère, une remontée d’une centaine de mètres du niveau marin
a entraîné une transgression rapide qui a dépassé le niveau actuel de 1 à
2 m environ vers 4 000 à 5 000 ans avant notre ère (Tastet, 1972). C’est
au cours de cette transgression que les lagunes et les paysages de cordons
ont été façonnés.
Les effets probables de la remontée actuelle du niveau marin
L’élévation actuelle du niveau marin coïncide avec l’érosion plus ou
moins rapide des côtes sableuses. Certains experts comme Verstraete
(1989) établissent un lien entre les deux phénomènes sur les côtes
d’Afrique de l’Ouest.
Il n’y a pas de données chiffrées suffisantes pour établir ce lien formel
généralisable à l’ensemble de la côte ouest-africaine. C’est regrettable, mais
l’érosion généralisée des cordons holocènes abrités derrière des plages
subactuelles trouve sans doute une partie de son explication dans les variations
du niveau marin. L’augmentation de l’épaisseur d’eau facilitant la propagation
de la houle vers le rivage, des vagues de plus en plus hautes déferlent sur la
partie haute de l’estran.
Il est donc indispensable de prendre cette donne en considération tant les
changements prédits sont impressionnants ! Outre l’érosion, il y a un lien
étroit entre élévation du niveau marin et submersion marine. La submersion
prolongée des terres basses devrait accroître la surface des marécages et modifier
la géographie de la mangrove. Celle-ci disparaîtrait ou reculerait vers la terre ou
encore s’étendrait sur les nouvelles zones de sédimentation. La salinisation des
terres et des eaux qui accompagnera immanquablement la pénétration de l’eau
de mer sur le continent aura pour conséquences :
- des modifications hydrologiques et morphologiques des estuaires et
des lagunes ;
- un déplacement latéral vers la terre de la frontière entre les eaux douces
continentales et les eaux salées marines ainsi que le rehaussement
du niveau piézométrique des nappes. Il est à craindre une réduction
du volume des eaux douces souterraines consécutive à la réduction
de la surface d’alimentation de la nappe phréatique d’eau douce par
l’infiltration des pluies.
Tous ces changements ne manqueront pas d’engendrer une
réorganisation spatiale de la vie (animale et végétale) et de nouveaux
48 modes d’occupation des sols.
MORPHOLOGIE ET DYNAMIQUE DU TRAIT DE CÔTE EN CÔTE D’IVOIRE

CÉLESTIN PAUL HAUHOUOT


Conclusion
Les plages de Côte d’Ivoire présentent les caractéristiques de plages
résolument réflexives. Elles sont précédées d’un plateau continental trop
étroit pour dissiper efficacement les houles. Les vagues conservent donc un
potentiel de destruction important au moment du déferlement. Toutefois, elles
ont un impact qui varie selon la géologie et l’orientation de la côte. La côte
rocheuse est moins affectée que le bassin sédimentaire. Les secteurs de fort
recul sont situés dans la section où l’orientation de la côte favorise un transit
sédimentaire maximum. D’autres facteurs (l’action du Bandama à Grand-
Lahou) et anthropiques (protections du canal de Vridi) renforcent localement
l’action marine.

Références

ABE J., 2005. Contribution à la connaissance de la morphologie et de la dynamique sédimentaire du


littoral ivoirien (cas du littoral d’Abidjan). Essai de modélisation en vue d’une gestion rationnelle,
thèse Université de Cocody Abidjan, UFR STRM, 309 p. + annexes.
ADOPO K.L., 2004. Évolution morphologique et sédimentologique du trait de côte entre Jacqueville
et Abidjan, mémoire de DEA, Université de Cocody Abidjan, UFR STRM, 67 p.
+ annexes.
ANTHONY E., 1990. « Environnement, géomorphologie et dynamique sédimentaire
des côtes alluviales de la Sierra Leone, Afrique de l’Ouest », Revue de Géographie du
Laboratoire d’analyse spatiale Raoul Blanchard n° 27 & 28, 189 p.
BATTJES, J.A., 1974. « Surf similarity », Proceedings of the 14th International Conference on
Coastal Engineering, American Society of Civil Engineers, Copenhague, Danemark,
p.466-480.
BLIVI A.B. et AJOUSSI P., 2004. « La cinématique du trait de côte au Togo vue par
télédétection », Géo-Eco-Trop, 28, 1-2, p. 27-38.
CAZENAVE A. et CABANES C., 2002. « L’élévation du niveau de la mer », La lettre
du changement global, n° 14.
COFFIE M-L., 2002. Évolution morphologique et sédimentologique du trait de côte entre Abidjan
et Grand-Bassam, mémoire de DEA, Université de Cocody Abidjan, UFR STRM,
86 p. + annexes.
DELESTRE, 1973. « Note sur les falaises de Fresco (Côte d’Ivoire) », Annales de
l’université d’Abidjan, série G, tome V, p. 308-320.
FEA I., 2006. Évolution morphologique et sédimentologique du littoral de Fresco à Grand-Lahou,
mémoire de DEA, Université de Cocody Abidjan, UFR STRM, 90 p.
HAUHOUOT C., 2000. Analyse et cartographie de la dynamique du littoral et des risques naturels
côtiers en Côte d’Ivoire, thèse de Géographie, Université de Nantes, 300 p.
HINSCHBERGER F. et POMEL R., 1972. « La morphologie des côtes rocheuses
entre Monogaga et Sassandra (Côte d’Ivoire) », Annales de l’Université d’Abidjan,
série G (Géographie) I. IV., p. 7-37. 49
USAGES ET INTERACTIONS NATURE/SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

INMAN D-L. et NORDSTROM C-E., 1971. « On the tectonic and morphologie


classification of coasts », Journal of geology, vol. 79 p. 1-21.
KONAN K.E., 2004. Evolution de l’environnement sédimentaire marin : étude morphologique
et sédimentologique du littoral entre Grand-Bassam et Assouindé (Côte d’Ivoire), mémoire de
DEA, Université de Cocody Abidjan, UFR STRM, 75 p. + annexes.
KOUAKOU N.C., 2004. Analyse de l’environnement physique à l’embouchure du fleuve Bandama
à Grand-Lahou (Basse Côte d’Ivoire), mémoire de DEA, Université de Cocody Abidjan,
UFR STRM, 74 p. + annexes.
MARTIN L., 1973. « La sédimentation actuelle sur le plateau continental de Côte
d’Ivoire », Cahier ORSTOM, série Géologie, vol V, n° 2, p. 155-168.
MIOSSEC A., 2004. Les littoraux entre nature et aménagement. Armand Colin, Paris, 191p.
MONDE S., 1997. Nouvelles approches de la cartographie du plateau continental de la Côte
d’Ivoire : aspects morphologiques et sédimentologiques, thèse 3e cycle Sciences, Géologie
marine, Université de Cocody Abidjan, 1997, 160 p.
N’DOUGOU G.H.C., 2005. Évolution du trait de côte en Côte d’Ivoire (Cas de Grand-Lahou),
mémoire de DEA, Université de Cocody Abidjan, UFR STRM, 87 p. + annexes.
PASKOFF R., 1996. « Littoraux, mers, océans », Derruau M.. Composantes et concepts de
la géographie physiques, Armand Colin, Paris, p. 115-130.
POMEL R. et PELLETIER H., 1977. « Classement des sables des formations
quaternaires du littoral ivoirien d’après le résidu lourd », Annales de l’Université
d’Abidjan, série G (Géographie) tome VII, p. 189-233.
SHEPARD F.-P., 1963. Submarine geology, Haper and Row, New York, 557 p.
TASTET J.P., 1972. « Quelques considérations sur la classification des côtes. La
morphologie côtière ivoirienne », Annales de l’Université d’Abidjan, série C (sciences)
tome VIII, 2, p. 135-162.
TASTET J.P. et al. 1985. « Le littoral ivoirien : géologie, morphologie, dynamique »,
Annales de l’Université d’Abidjan, série C, T XXI.
VAESTRAETE J.M., 1989. « Le niveau de la mer le long des côtes de l’Afrique de
l’Ouest et à l’Equateur, hausse probable du niveau marin à l’échelle séculaire »,
COMARAF/IOC (GLOSS) Océanographie. Physique, Conakry, Guinée, p. 5-43.
WRIGHT L-D., CHAPPELL.J., THOM B-G., BRADSHAW H-P., COWELL P.,
1979. « Morphodynamics of reflective and dissipative beach and inshore systems
Southearstern Australia », Marine Géology, n° 32, p. 105-140.

50
OCCUPATION DU LITTORAL IVOIRIEN Á DES FINS HALIEUTIQUES ET AQUACOLES

KOUASSI PAUL ANOH


Dynamique de l’occupation du littoral ivoirien
à des fins halieutiques et aquacoles
Kouassi Paul ANOH
Institut de Géographie Tropicale, Université de Cocody Abidjan
(Côte d’Ivoire)

Le littoral ivoirien est un espace qui dispose d’un potentiel hydrographique


remarquable. À la vaste étendue d’eau marine s’ajoute un important système
lagunaire. De plus, quatre grands fleuves et de nombreuses rivières y trouvent
leur exutoire. La richesse hydrographique naturelle du littoral est l’une des
causes de l’ancienneté de son humanisation. Les vestiges anciens mis au
jour dans cette région montrent que les premières traces de vie humaine
remontent au paléolithique. Depuis cette époque, l’espace littoral a connu
une occupation continue.
La pêche est l’activité dans laquelle les premiers occupants se sont investis.
Dans les temps reculés, l’exercice de cette activité se justifiait essentiellement
par des raisons nutritionnelles. Mais avec l’apparition des premières
agglomérations issues du commerce précolonial dans la deuxième moitié
du XIXe siècle et la concentration des populations dans les villes, la pêche
est sortie du commerce de troc pour intégrer l’économie «moderne». Ainsi,
la pression sur les plans d’eau lagunaires s’est intensifiée et les villages de
pêcheurs ont développé de nouvelles stratégies de gestion et de contrôle
des eaux. De nouveaux engins de pêche ont fait leur apparition à côté des
méthodes et des techniques de pêche traditionnelle.
Sur la façade maritime, des compagnies de pêcheurs, souvent d’origine
étrangère, se sont installées dans les principales villes. Les fruits de leur
pêche étaient essentiellement destinés à l’alimentation de la classe ouvrière
des compagnies européennes de commerce. L’effectif de ces maisons de
commerce s’accroissait au fur et à mesure de l’évolution et du développement
des centres urbains.
Ces transformations aboutissent dans la deuxième moitié du XXe siècle à
la juxtaposition et à la coexistence de deux modèles de développement. L’un
est autochtone, lagunaire et fondé sur le réinvestissement des gains issus de la
pêche, alors que l’autre, allogène et maritime, se traduit par l’expatriation des
revenus vers le pays d’origine des professionnels. 51
USAGES ET INTERACTIONS NATURE/SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

Figure 1 – Implantation des pêcheurs sur le littoral ivoirien

a - Avant 1900

ABIDJAN
Grand- Jacqueville Grand-Bassam
Sassandra Lahou

Océan Atlantique
Tabou

b - En 1960

Grand-Lahou Jacqueville ABIDJAN Grand-Bassam


Sassandra

Tabou

c - En 2003

Fresco Grand-Lahou Grand-Bassam


Jacqueville
Sassandra ABIDJAN
San-Pedro
Grand-Béréby
Tabou

P. ANOH, A. KANGAH
Nombre de pêcheurs
3500

850

200
N
40
0 40 80 km
52 Source : d'après Delaunay (1994) et DPH, 1986-2003
OCCUPATION DU LITTORAL IVOIRIEN Á DES FINS HALIEUTIQUES ET AQUACOLES

L’occupation de la façade maritime

KOUASSI PAUL ANOH


La façade maritime du littoral ivoirien est peuplée par des pêcheurs d’origine
ghanéenne (Fanti et Ewe, 90 %), libérienne (Nanakrou, 5 %), ivoirienne
(Alladian, 3 %) et une minorité de diverses nationalités dont des Sénégalais et des
non-Africains. L’implantation des pêcheurs sur le littoral ivoirien s’est faite par
vagues successives. On peut distinguer trois grandes périodes : la période avant
1900, celle qui va de 1900 à 1960 et la période de 1960 à nos jours (figure 1).
L’implantation des pêcheurs avant 1900
À travers les récits rapportés par les historiens, les explorateurs, les
scientifiques et certains pêcheurs relativement à l’implantation des communautés
de pêcheurs artisans sur la façade maritime du littoral ivoirien, il ressort que le
littoral ivoirien a connu l’implantation des premières compagnies de pêcheurs
à la fin du XIXe siècle. Il existe deux versions sur les raisons ayant motivé la
fondation des premiers campements de pêcheurs. La première stipule que les
pêcheurs se sont installés sur la façade maritime à la demande des Européens
pour fournir des produits de pêche aux agglomérations urbaines naissantes
(Delaunay, 1995). La deuxième, la plus répandue, attribue l’activité de pêche
à des commerçants d’origine ghanéenne qui se seraient reconvertis à la suite
de la chute des cours du caoutchouc (ANCI, 1906). La récolte du caoutchouc
naturel était leur activité principale.
Dans tous les cas, l’exercice de la pêche s’imposait car on assistait à un début de
concentration des populations dans les agglomérations. En conséquence, fournir
du poisson pour l’alimentation de la classe ouvrière laborieuse des industries
et des centres commerciaux était devenu une nécessité. Pour cette raison, des
compagnies de pêcheurs s’installèrent à proximité des grands centres urbains.
Ainsi, la ville de Grand-Bassam fut le point de départ de la pêche en mer en
Côte d’Ivoire. Les Fanti qui pratiqueront la pêche plus tard seraient au départ des
récolteurs de caoutchouc naturel (poyofoués) ou des courtiers (brokers). Ils étaient
employés dans la maison Régis dès les années 1840 (Delaunay, 1995). En 1853,
il était fait mention de l’emploi de huit courtiers de troc, gens de Gold Coast
très habiles et très intelligents (AOM, SEN. XIII-15, copie-lettre du Capitaine
Isnard, Grand-Bassam, 30-06-1853). La proximité du royaume ashanti du sud-est
ivoirien aurait ainsi favorisé le développement des activités commerciales dans
la région de Grand-Bassam et d’Assinie, puis, le développement des réseaux des
commerçants Dioula et la chute des cours du caoutchouc se seraient traduits par
le retrait précoce des courtiers Fanti du commerce. Ces derniers ne quittèrent pas
pour autant la région de l’est ivoirien (Grand-Bassam et Assinie) où ils prirent
une part active dans les équipes de pêche en mer. D’autres se sont reconvertis
dans le petit commerce et érigèrent des boutiques et des bijouteries.
Cependant, c’est entre 1890 et 1900 que sont recensées les premières
véritables équipes de pêcheurs dans la région de Grand-Bassam (De Surgy,
1965). Ces professionnels s’installèrent dans la banlieue de la ville, dans le
petit village d’Azuretti. Grand-Bassam était alors la capitale de la Côte d’Ivoire
(1893 à 1900) et connaissait un essor économique important. Les Français
continuaient d’installer les comptoirs de commerce pour faire parvenir en 53
USAGES ET INTERACTIONS NATURE/SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

Europe, les produits dont leur industrie avait besoin. C’est dans ce contexte
qu’Arthur Verdier établit à Grand-Bassam une importante factorerie pour
l’achat de l’huile de palme. L’essor économique fit alors appel à une importante
main-d’œuvre représentant un marché potentiel pour la pêche.
Au début du XXe siècle, les équipes de pêcheurs établies à Grand-Bassam
étaient ainsi constituées de 2 compagnies de senne tournante et de 6 équipes de
filets fixes. Ces compagnies employaient 70 pêcheurs. Le matériel de pêche se
composait de 7 grandes pirogues et de 51 filets (De Surgy, 1965).
Les sites d’installation entre 1900 et 1960
Avec le renforcement des activités commerciales, les constructions de
wharfs se succèdent (Grand-Bassam en 1901 et 1923, Port-Bouët en 1931).
Sassandra se dote d’un wharf métallique après la Seconde Guerre mondiale
et se positionne en tant que deuxième pôle d’échanges après les villes de l’est
(Assinie, Bingerville et Abidjan). Ainsi, le regain d’activités économiques
renforce et intensifie l’occupation de la façade maritime du littoral par les
communautés de pêcheurs. L’implantation d’équipes de pêcheurs dans les
villes coloniales est devenue quasiment systématique, si bien que les localités de
Tabou et de Sassandra enregistrent les premiers pêcheurs entre 1900 et 1910.
Selon Delauney (1995), les pêcheurs établis à Sassandra et à Tabou étaient
au départ, un groupe de pagayeurs originaires d’Elmina, recrutés au Ghana
pour travailler auprès des planteurs de palmiers à huile de Drewin. Ces
pagayeurs avaient en charge le transport de l’huile depuis la côte jusqu’aux
navires ancrés au large. Ils auraient été pêcheurs au Ghana et se seraient mis à
pratiquer occasionnellement la pêche pendant leurs moments libres avec, bien
entendu, l’autorisation des planteurs autochtones à qui ils auraient demandé
de faire venir des filets. Cette pêche occasionnelle était destinée à leur propre
consommation. Seulement une petite partie était remise au commandant de
cercle. À Sassandra, à la fin du contrat de ces travailleurs agricoles avec les
autochtones, le commandant de cercle leur aurait demandé de rester pour
pratiquer la pêche. La version rapportée par De Surgy (1965) est semblable,
à la différence qu’il ne lie pas l’implantation des pêcheurs à une intervention
du commandant du cercle. Les pêcheurs seraient revenus d’eux-mêmes pour
exploiter les eaux riches du littoral ivoirien. À Sassandra comme à Tabou, les
premiers pêcheurs qui s’installent s’adonnent majoritairement à la pêche du
hareng (Sardinella eba).
De 1900 à 1960, les pêcheurs s’installent à Jacqueville (2 compagnies de 7
pêcheurs), à Port Bouët (2 compagnies de 43 pêcheurs) et à Grand-Bassam
(4 compagnies de 72 pêcheurs). Les communautés déjà en activité à Tabou,
Sassandra et Azuretti s’enrichissent de nouveaux membres. Ainsi, à Tabou
trois nouvelles compagnies rejoignent la première. En 1960, on recensait 4
compagnies avec un effectif de 22 pêcheurs. À Sassandra, deux compagnies
d’environ 13 pêcheurs chacune rejoignent la première, portant le nombre de
professionnels de la pêche à 40 personnes. À Azuretti, 8 compagnies de 70
pêcheurs étaient recensées en 1960 sans qu’on ne sache avec précision l’année
54 de leur installation (De Surgy, 1965).
OCCUPATION DU LITTORAL IVOIRIEN Á DES FINS HALIEUTIQUES ET AQUACOLES

KOUASSI PAUL ANOH


L’occupation de la façade maritime de 1960 à nos jours
S’il est vrai que la plupart des agglomérations du littoral ivoirien connaissent
une présence continue de compagnies de pêcheurs depuis le début du
XXe siècle, c’est véritablement à partir de 1960 que les pêcheurs, le plus souvent
d’origine étrangère, occupent massivement et de façon permanente le littoral
ivoirien. En 1963, De Surgy (1965) recensait 85 compagnies de pêcheurs dont
9 sur le littoral de Tabou, 20 sur celui de San Pedro, 25 à Sassandra, 11 sur
le rivage Alladian dans la région de Jacqueville et 17 dans le secteur Abidjan,
Azuretti et Assinie.
Depuis les travaux de Surgy (1965), aucun recensement n’a été réalisé. En
1986 – 1987, sur la base des estimations à partir des rapports des Centres de
pêche et des fiches d’enregistrement des pirogues effectuées à Abidjan par le
service de la police des pêches, la DCGTx (1988) évaluait le nombre de pêcheurs
en exercice globalement à 9 967 en 1986 (voir tableau) et 11 000 en 1987. En
2003, les centres des pêches estimaient la population de pêcheurs artisans sur le
littoral ivoirien à 8 825 personnes (DPH, 2003). À côté de cette pêche artisanale,
s’est développée depuis la fin des années 1940 une pêche industrielle nationale
essentiellement basée à Abidjan et qui exploite aujourd’hui 20 sardiniers et 17
chalutiers avec 480 pêcheurs embarqués (photo 1).

Évolution de l’effectif des pêcheurs artisans sur le littoral 1890-2003

Tabou Grand- San Sassandra Fresco Grand- Abidjan Grand- Total


Béréby Pedro Lahou/ Bassam/
Jacqueville Assinie

1890 - 1900 0 0 0 0 0 0 0 70 70

1900 - 1960 22 0 0 40 0 7 43 72 184

1963 61 56 54 336 - 171 139 88 905


Depuis
1960

1986 221 387 675 771 316 - 6 938 659 9 967

2003 409 905 702 1 556 233 875 3 571 574 8 825

Sources : 1890- 1900 : De Surgy (1965), 1900- 1960 et 1963 (Delaunay, 1995 ; De Surgy, 1965), 1986
(DCGTx, 1988), 2003 (DPH, 2003)/ 2003 Abidjan : Estimation à partir de N’goran, 2002

Les conserveries sont approvisionnées par des unités de pêche hauturière qui
exploitent des navires frigorifiques opérant dans la zone économique exclusive
ivoirienne ou ailleurs. En moyenne, ce sont ainsi près de 140 000 tonnes de
thons qui sont débarquées ou transbordées annuellement à Abidjan par les
thoniers français et espagnols avec leurs assimilés. Ces débarquements sont
assurés à concurrence de 54,6 % par les Espagnols et 45,4 % par les Français.
5,8 % seulement sont réalisées dans la ZEE ivoirienne. Les quantités de thons
sont essentiellement destinées aux conserveries à Abidjan, premier port de
pêche du golfe de Guinée en terme de débarquements de thons tropicaux. Ce
thon, en « admission temporaire « (en franchise), est traité actuellement par 55
USAGES ET INTERACTIONS NATURE/SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

Photo 1 - Vue du
port de pêche
d’Abidjan où
des navires de
pêche pélagique
(sardiniers)
débarquent leur
contenu sur le quai.

Crédit photographique P. ANOH

Photo 2 - Un thonier
senneur congélateur
au quai des navires
congélateurs et
thoniers du port de
pêche d’Abidjan

Crédit photographique P. ANOH

Photo 3 - Quelques-
unes des 106
pirogues que
compte l’échouage
de Grand-Béréby.
Les pirogues de 12
à 16 mètres font des
marées d’environ
12 h (16 h à 8 h
du matin). Ce sont
essentiellement des
pirogues de pêche
au filet maillant.
56 Crédit photographique J-P. CORLAY
OCCUPATION DU LITTORAL IVOIRIEN Á DES FINS HALIEUTIQUES ET AQUACOLES

KOUASSI PAUL ANOH


trois entreprises de droit ivoirien situées à Abidjan, dont le capital social
appartient en majorité à des intérêts privés français et italiens. Il s’agit de La
Société des conserves de Côte d’Ivoire (SCODI), de la société Pêche et froid
Côte d’Ivoire (PFCI) et de Castelli- Côte d’Ivoire. Les captures sont composées
de 50 % d’albacore (Thunnus albacores), 46 % de listao (Katsuwonus pelamis) et 4 %
de patudo (Thunnus obesus) (photo 2).
La pêche artisanale maritime utilise quant à elle 1 451 pirogues dont 339
grandes (12 mètres et plus), 444 moyennes (de 8 et 12 mètres) et 668 petites (de
6 et 8 mètres) (Anoh, 2007). Le taux de motorisation estimé à 56 % par Koffié-
Bikpo (1997) a été évalué à 53 % en 2002 (N’goran, 2002). En 2005, nous
avons recensé 646 moteurs hors-bord, tous les centres de pêche confondus
(Anoh, 2007).
Les engins de pêche communément utilisés sont la senne tournante, la
senne de plage et divers filets maillants de surface et de fond. Toutefois, une
minorité de pêcheurs s’adonnent à la pêche palangrière. Ces pêcheurs qui
parcourent souvent de grandes distances sont les initiateurs de l’usage de
la glace comme moyen de conservation. Leurs prises, constituées d’espèces
démersales (poissons nobles), sont le plus souvent écoulées dans les ports de
pêche à Abidjan et à San Pedro. La vente se fait généralement de gré à gré à une
clientèle composée d’établissements hôteliers, de restaurants et de quelques
personnes aisées. La production des filets, composée d’espèces pélagiques
alimente les centres de fumage des campements et des villages de pêcheurs.
La production halieutique ivoirienne, tous secteurs de pêche confondus,
était de 69 766 tonnes en 2003. En 2000, elle valait 81 522 tonnes (DPH,
2000 et 2003). Pourtant, la consommation de produits de pêche a progressé
régulièrement depuis 2000. Elle est passée de 243 581 tonnes à 244 647
tonnes entre 2000 et 2003. La baisse constante de la production nationale
est compensée par des importations massives de poissons congelés dont
les volumes sont passés de 168 859 tonnes à 177 442 tonnes entre 2000
et 2003. Ces importations ont coûté 60 milliards en 2000 et 64 milliards en
2003 (DPH, 2000 et 2003).
Les produits de pêche sont commercialisés à l’état frais, congelés ou fumés.
Alors que le circuit du poisson frais est généralement court et alimente les
environs des centres de production, ceux du poisson congelé et fumé couvrent
un territoire plus vaste et permettent d’approvisionner les régions déficitaires
en ressources aquatiques.
On distingue trois grandes zones de consommation de poisson en Côte
d’Ivoire. La première est représentée par l’espace littoral avec une consommation
d’environ 60 kg/hab/an (Vincke et Wijksdrôm, 1982). Ensuite viennent les
centres urbains avec en moyenne 26 kg/hab/an. Enfin, les agglomérations
rurales où le niveau de consommation est estimé à 3,8 kg/hab/an (Anoh,
1994). Les produits de pêche participent ainsi efficacement à la couverture
des besoins en protéines de la population et les pêcheurs du littoral en sont les
principaux fournisseurs.
57
USAGES ET INTERACTIONS NATURE/SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

L’implantation des pêcheurs en lagune


Deux grandes phases sont observables dans l’occupation du milieu lagunaire.
Les populations lagunaires des origines au début du XIXe siècle
Les pourtours des lagunes de Côte d’Ivoire sont occupés par quatorze peuples
regroupés sous l’appellation de «lagunaires». Les peuples les plus anciens
se seraient installés depuis le paléolithique et le néolithique (Loucou, 1984).
Les outils en pierre taillée datant de cette époque et retrouvés en pays abbey
(Lovidjé), adjoukrou (Kosr, Toukpa, Orgbaf), alladian et ébrié (Abobo) sont
une preuve de l’ancienneté de l’humanisation de l’espace lagunaire.
Ces peuples primitifs seraient des ramasseurs, des cueilleurs et dans une
moindre mesure des agriculteurs. Avec l’âge des métaux, ils auraient fabriqué
des outils de meilleure qualité pour cultiver la terre ou confectionner des
pirogues pour la pêche (Loucou, op. cit.).
Figure 2 – Les peuples lagunaires du littoral

Ghana
KROBOU
ABE
Sikensi ATTIE
ABIDJI Alépé Anyama
AGNI Aboisso
ADJOUKROU EBRIE MBATTO Lagune
Dabou Bingerville Aby
AHIZI Ebrié Bonoua
Lagune
AVIKAM AVIKAM ALLADIAN ABOURE Adiaké NZIMA
Jacqueville Grand-Bassam EHOTILE
Grand-Lahou
Océan Atlantique

Les peuples
P. ANOH, A. KANGAH
lagunaire du littoral plan d'eau
N
lagunaire de l'intérieur localité
limite des aires culturelles limite d'État
0 25 50 km
ATTIE groupe ethnique Source: d'après Loucou, 1984

Les amas de coquillages trouvés dans la région de Dabou (N’gaty à


Adiopodoumé) et datés entre 1000 et 1500 après J.-C. montrent la continuité
de l’occupation de l’espace lagunaire par des populations jusqu’au Moyen-
Âge, mais surtout, l’importance de la pêche et le recours au poisson dans
l’alimentation des populations.
Plus récemment (du XVe au XVIIIe siècle), les peuples primitifs lagunaires
sont rejoints par plusieurs petits groupes ethniques venus de l’est et de l’ouest.
Les Ébrié sont les premiers à s’installer au XVIe siècle. Au XVIIe siècle,
les Avikam, les Alladian et les Éhotilé les rejoignent. Les N’zima ou Apolo
s’installent autour de la lagune Éhy et se spécialisent dans le commerce entre
Européens et Africains. Dans le même temps, les Abouré occupent la région
allant du fleuve Bia à la lagune Aby. Les Odjoukrou s’établissent dans la région
58 de Dabou. Les Essouma refoulent les Avikam et les Alladian vers l’ouest pour
OCCUPATION DU LITTORAL IVOIRIEN Á DES FINS HALIEUTIQUES ET AQUACOLES

les remplacer sur leur site initial à l’est, auprès des Éhotilé. Au XVIIIe siècle,

KOUASSI PAUL ANOH


avec l’arrivée des Agni, les Abouré sont refoulés vers l’ouest pour occuper
leur site actuel.
À partir du XIXe siècle, le peuplement des rivages des lagunes ne subit plus
de changements notables. Les populations qui y vivent sont des pêcheurs à titre
exclusif (Avikam, Alladian, Ahizi, Odjoukou, Éhotilé et Ébrié) ou agriculteurs-
chasseurs ou encore villages-relais sur les grands axes commerciaux (Essouma,
N’zima ou appoloniens, M’batto ou Gwa, Abouré, Abbey, Krobou, Abidji et
Attié). Certains peuples comme les Essouma étaient à l’origine pêcheurs. Ils
ont par la suite abandonné les activités de pêche au profit du commerce.
Géographie du peuplement de l’espace lagunaire depuis le XIXe siècle
Au plan géographique, deux grands groupes de lagunaires sont identifiables :
ceux de l’intérieur comprenant les Abbey, les Krobou, les Abidji et les Attié et
les lagunaires proprement dits qui se composent des Avikam, Alladian, Ahizi,
Odjoukrou, Ébrié ou Kyaman, Abouré ou Abou, Mbatto ou Gwa, Essouma,
Éhotilé et N’zima ou Appoloniens. Ces derniers se localisent sur les pourtours
immédiats des lagunes.
La tradition de pêcheurs s’est perpétuée dans certains groupes (Éhotilé,
Avikam, Alladian, Ahizi, Essouma, Adioukou et Ébrié). Jusqu’au deuxième
quart du XXe siècle, ils étaient pêcheurs à titre principal (Perrot, 1989). D’autres
(Abbey, Krobou, Abidji, M’batto, Abouré, N’zima et Attié) ont abandonné la
pêche au profit des activités agricoles dont ils tirèrent de fructueux bénéfices. Ils
sont devenus en outre planteurs, produisant café, cacao, puis coprah, et cultivant
des vivriers. Cette évolution divergente est notée par Verdeau (1992). En effet, il
relevait que « les Prokpo (Ahizi) en lagune Ébrié et les Éhotilé en lagune Aby sont à l’origine
les groupes spécialisés dans la pêche. Leurs rapports privilégiés avec les génies d’eau en font les
médiateurs obligés pour l’accès au milieu. Cette spécialisation étroite s’inscrit dans le cadre d’une
division du travail régional où les groupes côtiers (Alladian, Essouma, N’zima) pratiquent
une pêche maritime de subsistance, la fabrication du sel et le commerce de traite avec les navires
marchands européens tandis que les populations de l’hinterland (Abouré, Agni) se livrent à
l’agriculture et au commerce entre l’intérieur et les groupes côtiers ».
Parmi les populations qui ont conservé leur tradition de pêcheur, certaines ont fait
de l’exploitation des ressources aquatiques un instrument de développement. Dans ces
régions, divers emplois s’organisent autour des centres de pêche. En plus, l’initiation
de la pisciculture lagunaire à partir de 1976 a accru les capacités piscicoles de la façade
littorale (création de fermes à Aghien, Grand-Lahou, Jacqueville, Layo), d’autant
que la Direction des Pêches Maritimes et Lagunaires y a entrepris de développer la
pisciculture lagunaire du machoiron en mettant en place en 1981, avec le concours
financier de la Caisse Française de Développement, le Projet de développement de
l’Aquaculture Lagunaire. Au début des années 1990, des projets privés de production
aquacole se sont succédés. Il en est ainsi de BP-Aquaculture (aquaculture du tilapia
en lagune Ébrié puis Aghien), de Blohorn (pénéiculture à Grand-Lahou maintenant
disparue) et de la Compagnie Africaine de Reproduction de Poissons (CARP-tilapia
en lagune Aghien). Ces fermes totalisent une superficie d’environ 25 hectares. 59
USAGES ET INTERACTIONS NATURE/SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

Le réinvestissement des revenus issus de ces activités a permis l’acquisition


d’équipements individuels et sociocollectifs, l’urbanisation et en définitive le
développement des villages de pêcheurs du milieu lagunaire. Par ailleurs, le
poisson joue à présent un rôle nutritionnel sans précédent dans ces régions.

Le littoral ivoirien : un espace, deux modèles de développement


Du point de vue de l’impact de la pêche sur le peuplement et le développement
de l’espace littoral, il se dégage deux modèles qui coexistent.
La pêche comme activité précurseur du développement dans l’espace lagunaire
L’essor des villes et des villages Éhotilé, Avikam, Alladian, Ahizi, Essouma,
Odjoukou et Ébrié a pendant longtemps reposé sur l’économie halieutique.
Dans certains cas, la pêche continue encore d’être le moteur de l’économie des
localités. C’est l’exemple d’Adiaké en pays Éhotilé, Lahou-Kpanda et Braffèdon
chez les Avikam et Jacqueville en pays alladian et ahizi.
Dans ces agglomérations, l’économie halieutique constitue un élément
précieux de développement. Les systèmes de gestion et d’exploitation des
eaux mis en place génèrent des ressources qui sont habilement utilisées
pour l’amélioration du cadre de vie des populations. D’autre part, la valeur
nutritionnelle des produits de pêche est révélée chez les populations lagunaires
par un régime alimentaire essentiellement basé sur les ressources aquatiques
(poissons, crabes, crevettes etc.).
À Adiaké et à Grand-Lahou, des précisions importantes ont été apportées lors
des études récentes que nous avons menées à Adiaké et à Grand-Lahou (Anoh,
2007). Les modèles de développement rencontrés en lagune Ébrié sont similaires
à ceux rapportés dans les agglomérations proches des lagunes Aby et Grand-
Lahou. Outre le fait que l’exercice de la pêche justifie la création et le peuplement
de ces agglomérations ; «lors de leurs migrations au XVIe siècle, les Ébrié ou Kobriman
voulaient s’installer définitivement au bord d’un cours d’eau pour se livrer à la pêche» (Loucou,
1984), elles doivent leur urbanisation et leur développement récent à cette activité
et à ses effets indirects et induits.
Les habitations, les édifices religieux, les centres de santé et les équipements
socio-éducatifs sont financés par des cotisations à partir des revenus issus de la
pêche et des activités induites et indirectes. On peut citer l’exemple des villages
de Élokato et Élokaté dans la région de Bingerville, Adiapoté, Adiapoto à l’ouest
d’Abidjan, N’gaty et Mopoyem respectivement à l’est et à l’ouest de Dabou.
Le rôle important joué par la pêche explique les systèmes de gestion et de
contrôle des eaux mis en place par les populations riveraines. Dans toutes ces
régions, l’accès aux eaux lagunaires est réglementé et les allogènes qui pratiquent
la pêche doivent s’acquitter d’un droit d’accès à l’eau qui est reversé aux familles
autochtones riveraines ou à la chefferie traditionnelle.
C’est à cette organisation qu’on attribue la rapide urbanisation et le
développement de l’espace lagunaire. L’érection de la plupart des agglomérations
en chef-lieu de sous-préfecture ou de préfecture après l’indépendance et
l’implantation de divers commerces a contribué à renforcer le poids économique
60 des villes riveraines des lagunes du littoral ivoirien.
OCCUPATION DU LITTORAL IVOIRIEN Á DES FINS HALIEUTIQUES ET AQUACOLES

KOUASSI PAUL ANOH


Sur la façade maritime, le développement a précédé l’arrivée des pêcheurs
L’évolution et le développement de la façade maritime du littoral ivoirien se
présentent différemment de l’environnement lagunaire. Ici, les communautés
de pêcheurs s’implantent et prospèrent généralement à proximité des centres
urbains où les besoins des populations en produits de pêche sont importants.
Les pêcheurs qui sont majoritairement allogènes (90 % de Ghanéens)
privilégient le transfert des gains issus de la pêche vers leur pays d’origine où
ils participent activement au développement local, régional et national. Dans
leur pays, ils privilégient les investissements dans l’immobilier, la pêche, le
transport et dans une moindre mesure dans le secteur agricole où quelques-
uns créent des plantations.
Sur la façade maritime de la Côte d’Ivoire, le lieu d’habitation des pêcheurs
constitue le plus souvent un quartier isolé, à la périphérie du centre urbain.
Ces espaces sont en général sommairement aménagés et d’une insalubrité
étonnante. Les résidences sont faites de matériaux de récupération, elles sont
séparées par des ruelles et le réseau d’assainissement est inexistant (Koffié-
Bikpo, 1997). L’absence de toilettes individuelles et l’usage de latrines publiques
sur pilotis aggravent davantage l’insalubrité, la pollution et la dégradation de
l’environnement. D’autre part, les espaces publics sont peu entretenus. La
fumée et les odeurs nauséabondes sont quasi-permanentes. Les résidences sont
d’ordinaire à proximité des échouages et le traitement des produits de la pêche
se fait sur place.
De Tabou à Tiapoum, cet environnement des communautés de pêcheurs du
littoral est permanent et invariable. Pourtant, la pêche maritime prend une part
active dans le développement du littoral et participe au dynamisme reconnu
des villes côtières ivoiriennes. D’abord au plan nutritionnel, les produits de
la pêche aident à l’établissement et au maintien de l’équilibre alimentaire des
populations vivant sur la façade maritime. Ensuite, les activités induites par
le secteur de la pêche (mareyage, fumage et commerce de produits de pêche)
offrent des emplois multiples aux populations. En 2005, on estimait le nombre
de ces emplois à environ 16 000 (Anoh, 2007). Il en est de même des emplois
indirects (vente de matériel utilisé dans la pêche ou dans le fumage). Les
populations en tirent des revenus importants qui contribuent à l’amélioration
de leur vie quotidienne. Enfin, l’imposition des professionnels de la pêche et
des acteurs des emplois induits et indirects procure des recettes aux chefferies
traditionnelles et aux services de l’État qui interviennent dans l’encadrement
des professionnels (Anoh, 2007).

Dynamique de l’occupation et développement durable du littoral


Le littoral ivoirien est le siège d’une importante activité de pêche et de
commerce de poisson. Il participe pour cela à la création d’emplois et à la
distribution de revenus à une population nombreuse. Les gains issus de
l’exploitation des eaux sont réinvestis sur place en Côte d’Ivoire ou rapatriés
dans le pays d’origine des professionnels. Les produits de la pêche participent
par ailleurs efficacement à la lutte contre la malnutrition. La pêche littorale (en 61
USAGES ET INTERACTIONS NATURE/SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

mer et en lagune) contribue aussi à l’approvisionnement des villes de l’intérieur


qui constituent son arrière-pays halieutique. Ce faisant, la pêche sur le littoral
ivoirien participe au développement économique et social à l’échelle locale,
nationale et internationale.
La pérennité de l’occupation de l’espace littoral est toutefois conditionnée
par la durabilité des pratiques et des modes d’exploitation des eaux en cours
dans ce milieu.
La pêche durable est une pêche menée de manière responsable qui tient
compte des aspects biologiques, économiques, sociaux, environnementaux
et commerciaux de l’exploitation des ressources aquatiques. La pêche
responsable et durable promeut le maintien de la qualité, la diversité et la
disponibilité des ressources halieutiques en quantités suffisantes pour les
générations présentes et futures, dans un contexte de sécurité alimentaire et
de réduction de la pauvreté.
La pêche durable se traduit par un aménagement fondé sur des données
scientifiques fiables mais aussi sur des connaissances traditionnelles relatives
aux ressources et à leur habitat. Il s’agit de prévenir la surexploitation et de
mettre en œuvre des mesures d’aménagement de sorte que l’effort de pêche
soit proportionnel à la capacité de production des ressources halieutiques.
D’autre part, la pêche durable doit apporter une contribution fondamentale à
l’alimentation, à l’emploi, aux loisirs, au commerce et au bien-être économique
des populations qu’il s’agisse des générations présentes ou future (FAO, 1995).
Cette raison justifie le fait que les activités liées à la pêche soient conduites de
manière responsable.
Les pratiques de pêche sur le littoral ivoirien intègrent dans certains cas
les principes de développement durable, toutefois, des faiblesses importantes
sont à corriger pour assurer la durabilité des pêches et garantir la pérennité du
dynamisme économique du littoral ivoirien.
En lagune, le système de contrôle de l’accès aux eaux mis en place
par les populations riveraines est une pratique intéressante. Cependant,
pour être efficace, les populations doivent constamment rechercher
l’adéquation entre l’effort de pêche qui s’exerce dans l’espace lagunaire
et les ressources disponibles, ce qui n’est pas le cas présentement. La
maîtrise de l’effort de pêche nécessite une politique d’aménagement
global applicable au système lagunaire dans sa totalité et si possible à
l’ensemble des eaux littorales. Or, on assiste dans les agglomérations
littorales à la juxtaposition de politiques locales d’aménagement, toute
chose qui entrave une exploitation durable des eaux lagunaires.
En mer, les impacts multiples des pêches en termes d’emplois et de nutrition
sont des acquis importants à préserver car ils participent au développement
durable, toutefois, la précarité et l’insalubrité des conditions de vie des
professionnels liées à la préférence pour le rapatriement des gains constituent
une entrave importante à la pérennité de l’implantation des communautés de
pêcheurs sur le littoral ivoirien.
62
OCCUPATION DU LITTORAL IVOIRIEN Á DES FINS HALIEUTIQUES ET AQUACOLES

La pêche durable commande que les professionnels exercent leurs activités

KOUASSI PAUL ANOH


dans des conditions d’hygiène et de sécurité minimale. Il faut pour cela
désenclaver les villages de pêcheurs et les intégrer aux politiques d’aménagement
de l’espace littoral.

Conclusion
Le littoral ivoirien est marqué par une importante activité de pêche et
d’aquaculture. Il s’y déroule deux formes de pêche : la pêche lagunaire et la
pêche maritime.
La pêche lagunaire est une activité traditionnelle exercée par les populations
autochtones dès les premiers contacts avec l’espace lagunaire dans la préhistoire.
Au XIXe siècle, avec l’introduction de la monnaie dans les échanges, les produits
de pêche alimentent un commerce fructueux et les plans d’eau lagunaire
deviennent un enjeu stratégique et économique. Le réinvestissement des gains
issus de l’exploitation des eaux contribue à l’amélioration des conditions de vie
des populations de pêcheurs et aboutit au développement économique et social
des agglomérations riveraines des plans d’eau lagunaires.
Sur la façade maritime, les premières équipes de pêcheurs professionnels
se sont installées à la fin du XIXe siècle, attirées par le dynamisme des villes
naissantes et la demande des travailleurs urbains en produits de pêche. Ces
pêcheurs sont majoritairement originaires du Ghana voisin auquel ils destinent
l’essentiel de leurs revenus. La préférence pour l’expatriation des gains explique
la précarité de leurs conditions de travail et de vie. Les cités de pêcheurs
constituent des enclaves à la périphérie des grands centres urbains où se posent
de graves problèmes d’aménagement, d’environnement et de sécurité. Toutefois,
les multiples emplois induits et indirects qui découlent de l’exploitation des
eaux (environ 40 000) procurent des revenus appréciables à une population
littorale de plus en plus importante.
La place de la pêche lagunaire et maritime dans l’environnement littoral et le
rôle économique et social de l’exploitation des ressources aquatiques commande
que les systèmes d’exploitation des eaux s’inscrivent dans une perspective de
développement durable pour assurer une continuité du développement de
l’espace littoral.

Références
ANOH K. P., 2007. Pêche, aquaculture et développement en Côte d’Ivoire, thèse de Géographie,
Université de Nantes, 334 p.
ANCI, Administrateur Février, 1911. Monographie du cercle du Bas-Cavally, Archives
Nationales de Côte d’Ivoire (sans cote), 94 p.
ANCI, Cercle des Lagunes, Rapports mensuels, trimestriels ou de tournée. 1898- 1918,
Archives Nationales de Côte d’Ivoire, Abidjan.
ANCI, Cercle du Bas-Sassandra, Poste de Sassandra, 1909. Rapport sur la situation du
Cercle du Bas Sassandra pendant les quatre derniers mois de 1909, Archives Nationales
de Côte d’Ivoire, série IEE 157 (1/1). 63
USAGES ET INTERACTIONS NATURE/SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

ANCI, Cercle du Bas-Sassandra, Poste de Sassandra, 1909. Précis de la situation


politique du Bas-Sassandra au mois de février 1917, Archives Nationales de Côte d’Ivoire,
série IEE 157 (1/2).
AOM, 1853. Correspondance de la maison Régis, 1844-1854, Archives d’Outre-Mer, Aix-
en-Provence, Séries Géographiques.
DCGTx, 1988. Projet pour le développement des pêches maritimes artisanales, Ministère de la
Production Animale, Abidjan, 76 p.
DELAUNAY K. 1995. Les pêcheurs ghanéens (fanti et ewe) sur le littoral ivoirien. Histoire de la
pêche piroguière maritime en Côte d’Ivoire au XXe siècle, thèse d’Histoire, Université Paris I-
Panthéon-Sorbonne, 3 Tomes, 538 p.
DE SURGY A. N., 1965. Les pêcheurs de Côte d’Ivoire. Tome 1 : les pêcheurs maritimes.
Fascicule 2 : les pêcheurs fanti, Paris, CNRS-IFAN, 84 p. (+ tableaux, cartes etc.)
DE SURGY A. N., 1965. Les pêcheurs de Côte d’Ivoire. Tome 1 : les pêcheurs maritimes.
Fascicule 3 : les pêcheurs Alladian, les pêcheurs Nanakrou, Autres pêcheurs, Paris, CNRS-
IFAN, 55 p. (+ tableaux, cartes etc..).
DE SURGY A. N., 1969. La pêche traditionnelle (maritime) à l’ancienne «Côte de Guinée»,
thèse pour le doctorat de 3ème cycle, Paris, 2 vol.
DPH (Direction de la Production Halieutique), 2003. Rapport d’activité, Abidjan, 162 p.
FAO, 1995. Code de conduite pour une pêche responsable, FAO, Rome, 46 p.
KOFFIE-BIKPO C. Y., 1997. La pêche artisanale maritime en Côte d’Ivoire : étude géographique,
thèse de Géographie, Université de Nantes, 327 p.
LOUCOU J. N., 1984. Histoire de la Côte d’Ivoire, I- La formation des peuples, CEDA,
Abidjan, 1984, 208 p.
MEMEL-FOTE H., 1979. « Ethnie et Histoire. À propos de l’histoire culturelle
des Odjoukrous », Kasa bya Kasa, Bulletin de l’Institut d’Ethnosociologie, n° 9,
décembre 1979.
N’GORAN Y. N., 2002. « La pêche artisanale maritime en Côte d’Ivoire »,
communication à l’atelier sur l’économie de la filière pêche maritime et étude des ressources
halieutiques marines en Côte d’Ivoire, Abidjan-IPNETP, 23 – 24 avril 2002, 11 p.
PERROT Cl-H, 1989. « Le système de gestion de la pêche en lagune Aby au XIXe
siècle (Côte d’Ivoire) », Cahiers des Sciences Humaines, vol. 25 n° 1-2. La pêche : enjeux de
développement et objet de recherche, IRD Bondy, Paris, p. 177-188.
VERDEAU F., 1992. « Société de pêcheurs et environnement : savoirs et appropriation
halieutique du milieu », GONTIE G. et M. GAUD, Afrique contemporaine,
l’environnement, n° 161, p. 124-144.
VINCKE M-M-J., WIJKSDRÔM U-N, 1982. Notes sur l’économie de l’aquaculture en
Côte d’Ivoire, rapport de mission en Côte d’Ivoire, FAO, Département des Pêches,
Rome, 73 p.

64
PANORAMA DES VILLES DU LITTORAL IVOIRIEN

OUSMANE DEMBÉLÉ
Panorama des villes du littoral ivoirien
Ousmane DEMBÉLÉ
Institut de Géographie Tropicale, Université de Cocody Abidjan
(Côte d’Ivoire)

L’évocation des villes côtières en Côte d’Ivoire les rattache à la perspective


d’un développement important, favorisé par la proximité de l’eau, de la mer,
des lagunes et une ambiance de mondialisation dont les points d’ancrage
nationaux sont les villes littorales. La mer et les côtes portent en effet dans
l’imaginaire des géographes ivoiriens les ferments de la croissance économique
et urbaine. Pourtant, rien n’est exactement tel dans le cas des villes côtières
de la Côte d’Ivoire. Ces villes présentent une urbanisation et une économie
très contrastées. Entre Abidjan, la grande mégapole qui doit son existence au
port et les centres secondaires le plus souvent insignifiants dans la géographie
d’une côte demeurée sauvage, le développement urbain du littoral est l’objet
d’analyses diverses. Celles-ci mettent en relief les potentialités des ressources
côtières, font le bilan des projets du développement des régions littorales ou
constatent la faiblesse de la vitalité des villes de la côte. Tourisme, rêves de cités
balnéaires, création de pôles industriels mondialisés, pêche, diversification des
ports, lassitude du planificateur face à l’inertie des forces du développement
local urbain dépeignent des tableaux de l’aménagement des villes côtières
ivoiriennes pleins d’enseignements pour la gestion des régions littorales. 65
USAGES ET INTERACTIONS NATURE/SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

Figure 1 - Les villes du littoral de Côte d’Ivoire

GHANA
LIBERIA

Bingerville Bonoua
Dabou Adiaké

Tiapoum
Jacqueville
Gd-Lahou
Fresco Assinie Mafia
Sassandra
Gd-Bassam
Océan Atlantique ABIDJAN
San Pedro
Gd-Bereby
1
population (nb d'habitants, estimations 2007 )
Tabou
4 400 000
O DEMBELE, A. KANGAH

280 000
53 000 N
0 90 km
limite d'État 3 300
30 60

Population des villes du littoral ivoirien, 1998 (dernières données connues) et


2007 (estimations1 )

Villes RGPH 1998 Estimations 2007


Abidjan 2 877 948 4 400 000
San Pedro 150 848 280 000
Jacqueville 38 415 141 000
Dabou 67 061 102 000
Fresco 18 239 89 000
Bingerville 47 180 78 000
Bonoua 43 728 78 000
Grand-Bassam 58 307 65 000
Grand-Lahou 26 842 63 000
Tabou 28 552 53 000
Adiaké 27 189 52 000
Sassandra 24 819 39 000
Grand-Béréby 11 772 27 000
Tiapoum 3 072 4 600
Assinie Mafia 2 693 3 300

Source : d’après RGPH, 1965, 1975, 1988 et 1998, estimations IGT

1
. Estimations réalisées à l’Institut de Géographie Tropicale de l’Université de Cocody Abidjan.
La population de l’année 2007 a été obtenue par le calcul du taux d’accroissement moyen annuel
75-88 et 88-98. La moyenne des résultats de ces deux périodes a été considérée comme le taux
d’accroissement moyen annuel estimé de 1998 à 2007. Le taux d’accroissement de certaines
régions comme Grand-Béréby, Assinie-Mafia et Tiapoum a été déterminé à partir des populations
66 de 1988 et 1998. La population de 1975 de ces régions étant inconnue.
PANORAMA DES VILLES DU LITTORAL IVOIRIEN

OUSMANE DEMBÉLÉ
Un semis disparate de villes sur le littoral atlantique
Les villes de la côte
Sur près de 570 kilomètres de côtes, de la frontière ghanéenne à celle du
Liberia, le littoral ivoirien est parsemé de villes côtières dont la plus importante
est Abidjan. Capitale économique, Abidjan est la principale ville de la côte, mais
aussi celle de tout le pays. Étendue sur 20 000 hectares, la ville accueille sans
doute plus de 4 millions d’habitants aujourd’hui. Elle s’impose dans l’armature
urbaine nationale et dans le réseau des villes de la côte par son poids. Avec
40 % de la population urbaine nationale, Abidjan rassemble près de 80 %
des populations des villes littorales (cf. tableau). Cette macrocéphalie sur les
deux plans de la géographie du pays et de la côte est le facteur dominant du
façonnement des dynamiques locales des autres villes côtières et des politiques
d’aménagement de la zone littorale depuis Tabou jusqu’à Tiapoum (figure 1).
Hors de la région d’Abidjan, le reste de la côte atlantique ivoirienne est parsemé
d’un semis de villes petites et moyennes sans grande envergure. De Dabou à
Tabou, le réseau urbain est lâche. Sur la ligne de la côte, les villes sont séparées
les unes des autres d’environ 70 à 80 kilomètres. Ce maillage régulièrement
observé entre les localités de Dabou, Fresco, Grand-Lahou, Sassandra, San
Pedro et Tabou laisse des vides où apparaissent seulement quelques villages
de colonisation agricole récente. La ville de San Pedro, dont la taille est sans
doute proche aujourd’hui de 280 000 habitants (cf. tableau), est significative du
rang d’une ville importante et donne du relief à ce semis de villes de moins de
100 000 habitants, principaux centres de régions côtières dominées par leurs
traits fortement ruraux. Les taux de croissance de ces localités côtières reflètent
des dynamiques locales très contrastées en marge de la métropole abidjanaise.
Rappelons, à titre de comparaison, les taux de croissance de 10 à 12 % l’an
de la ville d’Abidjan par rapport à ceux de 4 à 5 % enregistrés par ces localités.
La ville de San Pedro fait exception à ce tableau d’une faible urbanisation
avec un taux de 7 % à 8 % depuis 1975. Cette dynamique résulte de la forte
poussée de développement qu’elle a connue suite aux grands programmes
d’investissement urbains de l’État en vue d’y créer un centre portuaire. Les
villes de Jacqueville, Fresco, Grand-Lahou, Sassandra et Tabou sont comme
restées à pas comptés du grand courant de la croissance démographique et de
l’urbanisation sur la côte.
La ville côtière : une origine liée au commerce précolonial
Le littoral ivoirien ne présente pas de villes d’une profondeur historique
comparable à celle des villes transsahariennes de Tombouctou ou Djenné. Les
centres urbains ivoiriens les plus au sud mais liés au commerce transsaharien
du Soudan médiéval sont Bondoukou, Odienné, Kong. Le littoral n’a pas
véritablement généré de villes en rapport avec ces influences soudanaises. La
côte est par ailleurs et fort heureusement restée peu engagée dans le grand
mouvement de la traite négrière du golfe de Guinée. À la différence du Ghana
où l’on trouve les traces de création de comptoirs négriers tels qu’El Mina ou
Cape Coast, nulle marque de ce type d’implantations littorales ne relève de 67
USAGES ET INTERACTIONS NATURE/SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

cette époque en Côte d’Ivoire. Le front atlantique n’a pas non plus été le théâtre
de grandes formations locales royales ou impériales qui auraient pu y édifier les
fondements de quelques grandes cités.
Les villes côtières ivoiriennes sont liées à une histoire récente de moins de
deux cents ans. En l’absence de toute tradition maritime véritable dans cette
section ivoirienne du golfe de Guinée, une vie maritime urbaine ne s’y est éveillée
qu’avec seulement le contact européen du siècle passé. Les premières villes
apparaissent sur la côte ivoirienne avec l’avènement du commerce précolonial
à Dabou, Grand-Béréby, Tabou, Sassandra, Lahou-Kpanda (Kipré, 1985). Les
embouchures des fleuves à partir de ces localités ont servi aux Européens à
établir des contacts avec le plat pays. Les sites de débarquement de Grand-
Bassam, Grand-Lahou, Sassandra, Dabou sont ainsi devenus des centres de
commerce importants d’où sont parties des pistes de transport desservant des
aires de chalandise spécifiques à l’intérieur du pays. Les plus connus des axes de
ce réseau de transport ont été les pistes suivantes :
- Bassam vers Bonoua, Béttié, et Abengourou ;
- Dabou vers Binao, Tiassalé et Lakota ;
- le fleuve Bandama à partir de Lahou-Kpanda ;
- le fleuve Sassandra à partir de la localité du même nom vers Lakota.
Grand-Bassam, équipée du premier wharf sur la côte ivoirienne a accueilli un
comptoir dont l’évolution est associée à la transformation de la Côte d’Ivoire
en colonie (Diabaté et Kodjo, 1991). Devenue le principal centre commercial et
capitale administrative, la ville de Grand-Bassam a été le lieu d’une structuration
de l’espace urbain caractérisé par la distinction d’un quartier des Africains et d’un
quartier des Européens. L’Administration française, la population européenne,
les entrepreneurs de commerce y ont créé un quartier sur le cordon littoral
qu’ils ont séparé des quartiers d’Africains par un pont de sécurité enjambant le
plan d’eau. Ce mode d’organisation de l’espace urbain est devenu par la suite,
un modèle de séparation des groupes sociaux Blancs et Noirs dans la plupart
des villes coloniales établies sur un plan d’eau maritime ou lagunaire.
Ces dynamiques commerciales créatrices d’embryons de ville et liées à la
fonction de comptoir maritime ont pris fin au début de la période coloniale
en 1893. L’économie moderne amorcée en 1896 avec la phase coloniale et celle
de l’État indépendant engendrée en 1960 ne s’intéressent pas particulièrement
à développer le potentiel des positions commerciales acquises par les villes de
la côte. Le commerce de l’huile de palme en échange de produits européens
est abandonné. Sauf à Abidjan, le cordon ombilical avec la mer est coupé dans
toutes les villes littorales. Des localités comme Grand-Bassam, Grand-Lahou
et Sassandra dont l’activité commerciale était florissante connaissent alors un
profond déclin. Ces villes sont restées marquées par cette histoire maritime
inachevée. Les vestiges des maisons des compagnies nantaises et bordelaises,
les débarcadères, les cabestans en ruine qui achèvent de se consumer lentement
sous l’impitoyable corrosion des alizés sont les témoins de cette époque. À
Sassandra, le visiteur reste impressionné par ce wharf abandonné dans cette
68 belle crique, lieu d’une activité littorale d’antan dont la flotte actuelle des
PANORAMA DES VILLES DU LITTORAL IVOIRIEN

OUSMANE DEMBÉLÉ
piroguiers Fantis n’est que le pâle reflet. La disparition des activités maritimes
dans ces villes n’a pas été compensée par le développement d’une nouvelle
économie porteuse.
L’État colonial et l’État indépendant ont plutôt abandonné les villes littorales,
les reléguant à des fonctions administratives au profit d’un développement
agricole qui favorise les régions continentales, celles du nord et de l’est du
pays. Les villes côtières de l’ouest sont devenues des chefs-lieux de cercle,
puis des sous-préfectures et des chefs-lieux de département rayonnant sur un
plat pays sans activités agricoles importantes. Jusqu’en 1980, pour joindre les
villes de la côte ouest, San Pedro, Sassandra, Grand-Lahou, Fresco, il n’y avait
pas d’infrastructures routières et de liaisons maritimes. Les seules possibilités
étaient une indéfinissable piste de trois jours de poussière, de nids de poule,
et de crevasses de boues rouges latéritiques qui décourageaient voyageurs
et automobilistes. De Fresco à Tabou, la région littorale ouest est demeurée
longtemps occupée par une épaisse forêt dense, sans voie d’accès. L’ouverture
maritime de l’époque des comptoirs côtiers s’est ainsi achevée pour la plupart
de ces villes en enclavement profond. Après l’époque des comptoirs, le silence
est retombé sur ces régions de vastes forêts équatoriales peuplées de moins
de 2 habitants au km² résonnant de l’écho du vide, des hurlements des damans
des bois. On évoquait alors Sassandra, San Pedro, Tabou, Grand-Béréby comme
la figure d’un Far-West ivoirien, villes de la mer, des côtes à falaises enfouies
dans la forêt noire des légendes de matelots kroumen, ethnie originaire de la
région. De nouveaux courants de développement nés dans les régions de l’est
côtier autour d’Abidjan contrastent alors fortement avec le déclin de ces villes
du littoral occidental.
Abidjan : ville portuaire, ville de l’eau, symbole de la Côte d’Ivoire maritime
La marginalité des villes de l’ouest côtier contraste avec la vitalité des villes
de la conurbation d’Abidjan, foyer de tous les facteurs du développement
économique moderne lié à la mer. Il y a une centaine d’années, les localités
devenues au fil du temps de grands centres urbains (Grand-Bassam et Abidjan)
n’existaient pas. À leur emplacement actuel, quelques villages des groupes
tribaux Ebrié et Appolo, petites communautés de pêcheurs agriculteurs étaient
perdues entre la lagune et la forêt littorale.
Les principales analyses géographiques montrent que la métropole d’Abidjan
doit son existence à son site littoral dans le golfe de Guinée et à son immense
plan lagunaire. L’eau donne à la ville un paysage de plages frémissant sous
l’écume des vagues de l’océan Atlantique, un tissu urbain lové dans les multiples
baies d’une lagune bleu argenté bordée d’une épaisse verdure de cocotiers que
l’on saisit mieux dans les derniers instants d’un vol en atterrissage (figure 2).
Pour fuir une épidémie de fièvre jaune déclarée dans la ville de Grand-
Bassam en 1902, le pouvoir colonial a déplacé toutes ses activités sur le site de
Petit-Bassam, soixante kilomètres plus loin, et a entrepris la ville sur des terres
plus salubres. Abidjan doit ainsi le début de sa promotion à ce déplacement de
la capitale de la colonie de Grand-Bassam sur l’île de Petit-Bassam en 1902.
En 1934, l’extension urbaine qui s’est amorcée prend officiellement le nom 69
USAGES ET INTERACTIONS NATURE/SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

d’Abidjan. Un nouveau wharf y a été construit à Port-Bouët pour servir


d’ancrage aux activités maritimes d’importation et d’exportation de biens pour
toute la colonie. Le quartier administratif et commercial s’y est installé sur les
hauteurs d’un plateau qui est devenu la nouvelle ville européenne. Tout autour,
séparés du quartier du Plateau par un tampon de sécurité, au nord le camp
militaire Galliéni et au sud un pont flottant, les quartiers africains de Treichville
et d’Adjamé ont été les fondements de la ville.

Figure 2 - Lagune, mer et ville à Abidjan

ABOBO
Parcnational
duBanco

COCODY
ADJAME
YOPOUGON

PLATEAU
L ag u n e E b ri é

MARCORY
TRECH-
L ag u n e Eb ri é VILLE KOUMASSI

PORT - BOUET

Océan Atlantique
Source : Spot Image 2004 de la ville d'Abidjan et ses environs O. DEMBELE, A. KANGAH

N
limite de commune
0 2 4 km Abidjan
COCODY nom de commune

L’Administration française a développé le projet de faire d’Abidjan la tête de


pont de l’aménagement de la colonie de Côte d’Ivoire par la création d’un port
en remplacement du wharf de Port-Bouët. Le phénomène de la barre déclenché
par la configuration très rectiligne de la côte et la houle ayant découragé tout
projet de port maritime, il a été décidé de construire l’ouvrage sur le plan d’eau
70 lagunaire après le percement du canal de Vridi en 1951, pour relier la mer et
PANORAMA DES VILLES DU LITTORAL IVOIRIEN

la lagune Ébrié. La mise en service du port a déclenché une forte économie

OUSMANE DEMBÉLÉ
d’agglomération faisant d’Abidjan la métropole du pays et la plus importante
ville sur la côte du golfe de Guinée.
Abidjan est le premier port du golfe de Guinée. Les installations portuaires
sont impressionnantes dans la géographie de la ville depuis le canal de Vridi
jusqu’aux quais installés sur la lagune Ebrié dans les communes de Port-
Bouët, de Treichville et de Yopougon. Au cours de plans quinquennaux de
développement successifs, de 1960 à 1980, les autorités ivoiriennes ont
encouragé l’installation de toute la gamme des industries de substitution aux
importations et d’établissements agro-industriels valorisant les produits venus
de l’intérieur du pays notamment l’huile de palme, le cacao, le coton. Tout
autour des quais, la ville abrite l’une des plus vastes zones d’activités secondaires
de la sous-région : industries diverses, entrepôts, zone de franchise de douane
réservée aux pays continentaux du Mali, du Niger et du Burkina-Faso. L’État
aménage dans le sillage du port un réseau routier national partant en éventail
d’Abidjan vers toutes les villes de l’intérieur. La construction du chemin de fer
inter-État, reliant la Côte d’Ivoire et le Burkina-Faso, a pris appui sur le port
d’Abidjan, et sa zone industrielle dans le cadre d’une coopération sous-régionale
s’appuyant sur les propriétés des aménagements littoraux de la ville d’Abidjan.
Raffinerie de pétrole à vocation sous-régionale, aéroport international, premier
port de pêche, premier port à conteneurs, sont autant de poids ayant consolidé
la position locale et sous-régionale privilégiée de la ville.
Le port a été le facteur d’amorce d’une forte concentration de populations
qui atteint, en 2007, environ 4 millions d’habitants. Le taux de croissance de
la métropole est resté élevé et constant, avec une progression démographique
supérieure à 5 % l’an depuis 1960. La ville s’est ainsi rapidement étendue
entre 1960 et 2000, passant de 4 000 à 20 000 hectares de surface. Le bâti en
extension a aussi bien gagné les rives dentelées de la lagune que les plaines
basses, le cordon littoral et les interfluves des premiers plateaux du continent.
Ces images ont suffi à créer une représentation symbolique de la ville comme
étant « la Perle des Lagunes ». Devenue capitale politique et économique,
Abidjan a rassemblé tous les germes d’une construction métropolitaine
macrocéphale en Côte d’Ivoire.
L’extension spatiale et les effets de diffusion de l’influence d’Abidjan ont
entraîné la formation d’une conurbation avec les villes de Grand-Bassam
et de Dabou. Cette géographie du réseau urbain autour de la métropole ne
se manifeste pas par une urbanisation en continu englobant l’ensemble des
trois villes. Elle se vit comme une intense relation de transport de migrants
quotidiens favorisée par la proximité de Grand-Bassam et de Dabou. Grand-
Bassam, ville de plus de 58 000 habitants en 1998 (probablement plus de
65 000 aujourd’hui, voir tableau p. 60) est devenue progressivement une
banlieue résidentielle d’Abidjan, la composante balnéaire de la métropole, le
lieu des grandes conférences loin des turbulences de la capitale économique.
Dabou, 67 000 habitants en 1998 (plus de 100 000 aujourd’hui), est dans l’aire
d’influence immédiate de la métropole avec une fonction prédominante de 71
USAGES ET INTERACTIONS NATURE/SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

quartier dortoir et de ville scolaire. Ces villes satellites tendent à former avec
Jacqueville et Bingerville une région métropolitaine d’Abidjan, donnant ainsi
naissance à une grande concentration urbaine sur la côte, au-delà de laquelle il
n’y a que de petits centres.
Au milieu des années 1970, l’image d’un « Abidjan et du désert ivoirien »
consacre un diagnostic de la géographie du territoire national intolérable au
planificateur. Le tableau d’ensemble des centres urbains côtiers qui illustre
un processus historique très différencié de construction des rapports entre le
littoral et la ville, se voit alors profondément réaménagé par la politique de
correction des disparités régionales.

Équilibrage du réseau des villes côtières


La recherche d’un « pôle urbain majeur » à San Pedro
Des projets de réaménagement du territoire sont entrepris avec un intérêt
surtout porté à l’aménagement des villes sur le littoral dans l’objectif de réduire
les effets de la macrocéphalie et de la distorsion de la trame du développement
du territoire national. La Côte d’Ivoire a une tradition d’aménagement du
territoire amorcée avec l’apprentissage du développement depuis 1960,
année de l’indépendance du pays. La réduction des disparités régionales et le
rééquilibrage de l’armature urbaine font partie des grands axes d’une politique
assidue de restructuration constante de la géographie du développement du
pays. La réflexion sur l’aménagement de l’espace national s’est appuyée sur
le plan urbain, sur la notion de métropole régionale d’équilibre, renforcée
par celle de pôle urbain – rural de développement. L’analyse rétrospective de
l’impact positif de la croissance de la ville d’Abidjan sur le développement de
l’espace national et sur la ville elle-même permet de conceptualiser un modèle
de développement de ville côtière très porteur, dont la reproduction sert
d’instrument d’aménagement de la zone littorale (Hauhouot, 1998).
Ce modèle de croissance conçoit que la ville d’Abidjan doit sa forte expansion
à l’ouverture sur le monde au travers des installations portuaires dont les
économies d’agglomération ont eu des effets multiplicateurs sur la production
urbaine, rurale et la structuration d’une économie forte dans l’arrière-pays. De
là, se formalise l’idée qu’une ville portuaire à l’extrême-ouest du pays serait à
même de déclencher des effets de croissance urbaine et régionale similaires.
Les villes côtières pourraient selon le planificateur ivoirien jouer en faveur de
l’émergence d’un second pôle de croissance économique, tout en équilibrant
le poids d’Abidjan dans l’organisation de l’espace. San Pedro est alors choisie
comme ville d’expérimentation de ce projet d’aménagement du territoire fondé
sur les propriétés qu’offrent la mer et la position côtière (Orstom et IGT, 1969).
Le projet tente de reproduire à l’ouest, l’exacte réplique des formes
d’aménagements urbains et ruraux ayant permis le développement des régions
de l’est autour d’Abidjan. Il comporte une composante urbaine et une rurale.
La composante urbaine du projet est la construction d’un port maritime en eau
72 profonde dans la ville de San Pedro. La planification et la réalisation d’une zone
PANORAMA DES VILLES DU LITTORAL IVOIRIEN

d’activités industrielles, et des travaux de base pour le logement et les grands

OUSMANE DEMBÉLÉ
équipements urbains. Dans la première couronne rurale de 100 kilomètres
autour de la ville, le planificateur ivoirien entreprend l’aménagement de grandes
exploitations de cultures d’exportation telles que l’hévéa, le palmier, le cacao et
le café dans l’objectif de créer un effet d’amorce d’économie rurale autour de la
ville et d’économie portuaire autour de la transformation et de l’exportation de
ces produits. Les autorités ivoiriennes attendent de ce noyau portuaire, urbain
et rural, un effet de diffusion consistant en un rayonnement progressif de la
ville de San Pedro sur toute la région de l’ouest, du centre ouest, du nord et sur
les zones frontalières de la Guinée, du Liberia et du Mali.
Afin de favoriser ces phénomènes de polarisation régionale, une voie nord-
sud de statut national passant par les villes provinciales d’Odienné, Man,
Daloa, Soubré et San Pedro est aménagée. L’ensemble de ces travaux prend la
forme d’un projet étatique d’Aménagement de la Région du Sud-Ouest exécuté
par un organisme public spécifiquement créé à cet effet : l’Autorité pour
l’Aménagement de la région du Sud-Ouest (ARSO). Plus du quart du budget
national d’investissement a été consacré pendant dix ans, de 1968 à 1978, à la
création de ce module urbain côtier et régional.
Les résultats de ces aménagements qui donnent la possibilité de s’interroger
sur les hypothèses et le comportement des facteurs de développement amorcés
à partir du littoral sont très contrastés. L’existence d’un deuxième port sur la
côte atlantique est une réalité qui fait désormais partie de la géographie de la
côte ivoirienne. La croissance de la population urbaine a été amorcée à San
Pedro. Entre 1960, période où la ville végétait dans le statut d’une modeste
bourgade enclavée de 10 000 habitants, et 2007, San Pedro a enregistré un taux
de croissance fort jusqu’en 1975 (25 % l’an), puis encore soutenu par la suite (un
peu plus de 7 % l’an), parvenant ainsi dans la classe des villes de 200 000 habitants
ayant un statut régional. Le frémissement de la croissance de l’activité du port
illustré par l’évolution des tonnages traités et l’afflux démographique ont laissé
penser que l’hypothèse de la formule de la ville portuaire développante était
vérifiée. La perspective que San Pedro se placerait rapidement dans la position
d’un « pôle urbain majeur » a alors incité l’État à accorder de plus en plus de
facilités fiscales en vue d’accélérer le développement industriel de la ville et une
économie du réseau urbain régional liée au port de l’ouest.
Des effets pervers, principalement dus à l’insuffisance de polarisation de
l’aire d’influence sous-régionale par la ville, ont limité fortement les capacités
de développement de San Pedro et annihilé les espérances (Kablan, 2000).
L’économie transfrontalière comme facteur du développement de la ville s’est
avérée particulièrement déficiente. La ville n’a pu ni induire des facteurs de
croissance, ni bénéficier des potentialités des régions frontalières de l’est du
Liberia et de la Guinée. Affectées par la guerre et la récession économique,
les régions frontalières de ces pays ont plutôt eu un impact très négatif sur
le pôle de croissance.
Il ne s’est pas non plus produit une redistribution des flux de transport
entre San Pedro et Abidjan tel qu’il était attendu que le Mali et les régions 73
USAGES ET INTERACTIONS NATURE/SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

situées au droit de l’arrière-pays de San Pedro seraient polarisés par les


activités du nouveau port. L’intérieur du pays est resté sous l’influence de la
ville d’Abidjan selon un jeu de rentabilité des circuits de transport auquel les
opérateurs économiques sont restés très sensibles. Ceux-ci font observer que
pour exporter des marchandises, la distance au port de San Pedro, plus courte,
est la plus profitable. Mais, le retour vers le nord des camions à vide, du fait
du manque d’industries, rend négatif la somme de l’activité de transport. Les
industriels éclairent la recherche sur cette déficience de la charge d’entreprises
de production de biens délocalisées dans la ville, en faisant ressortir la faiblesse
du marché intérieur et sous-régional. Celle-ci n’autorise pas la dispersion des
entreprises hors d’Abidjan. Ces calculs des potentialités spatiales mettent
en lumière les conditions préalables au développement d’une nouvelle ville
portuaire sur la côte. Le partage du marché national entre une métropole captant
tous les flux et une autre d’équilibre n’est pas la solution de la croissance de San
Pedro. Il faudrait à la ville nouvelle suffisamment de capacités propres pour
impulser la croissance de la région.
San Pedro est ainsi dans le contexte actuel du développement de la côte et de
l’aménagement du territoire, une forme de potentialité de ville maritime dont
l’aménageur cherche encore les formules d’exploitation. Le développement
de la ville questionne fortement les géographes ivoiriens, qui ressentent
comme un malaise, leurs limites à proposer un schéma d’aménagement urbain
régional capable d’assurer l’expansion d’une ville côtière, dont ils identifient
bien tous les atouts.
L’ouverture d’une « côte sauvage » et l’attrait touristique des villes de l’ouest
L’aménagement du littoral dans le sillage du projet de San Pedro, s’intéresse
également aux villes côtières de Sassandra, Fresco, Grand-Lahou, Grand-
Béréby dont le développement a été fortement ralenti avec la fin du commerce
précolonial. En 1980, l’État a rompu avec l’enclavement de ces villes en
construisant la « côtière », route bitumée longeant la côte depuis Abidjan
jusqu’à Tabou sur 500 kilomètres. L’un des objectifs de ce désenclavement
étant de permettre à ces villes de tirer avantage de leurs ressources touristiques
d’une part, et d’inscrire ces localités dans un réseau urbain plus porteur que le
semis atomisé de petits centres qu’elles formaient d’autre part. La création de
la voie côtière a mis San Pedro et toutes les villes de la côte ouest à environ
3 heures de voyage d’Abidjan, là où il fallait trois à quatre jours pour faire un
trajet par ailleurs rendu incertain par les bourbiers. Encadrées par le pôle urbain
en expansion de San Pedro et par Abidjan, les petites villes de Dabou, Fresco,
Grand-Lahou, Sassandra, Tabou pouvaient attendre de la structuration d’un
réseau urbain autour de la « côtière » quelques avantages de développement
économique, touristique et social.
La côte ouest offre en effet une composition de paysages très variés et riches
de leurs caractères encore naturels. À la différence du littoral d’Abidjan à
Tiapoum, très pollué et peu accueillant en raison de l’existence de la barre aux
approches des côtes, le littoral ouest est plus attractif et surprenant. Les côtes
rocheuses et à falaises remplacent la monotonie du rivage rectiligne de l’est. De
74
PANORAMA DES VILLES DU LITTORAL IVOIRIEN

belles criques aux eaux claires et au sable fin encadrées par la cathédrale des

OUSMANE DEMBÉLÉ
hauts arbres de la forêt dense, cisèlent le littoral entre Fresco et Grand-Béréby.
Même les villes de cette côte ne manquent pas de charme.
Embouchure, îles, fleuve et mer se rencontrent dans une combinaison de
sites donnant du pittoresque aux villes de Grand Lahou-Kpanda, Sassandra
et Grand-Béréby. Là, dans ces localités, le contact ville et mer est plus direct,
plus vivant, sans l’inévitable lagune, le cordon littoral et la barre. La promotion
d’un concept de tourisme sur le littoral ouest a permis le développement d’un
important parc hôtelier dans les villes. San Pedro est devenue après Abidjan et
Grand-Bassam, l’une des villes ivoiriennes possédant de grands établissements
hôteliers. Les centres d’accueil d’Assinie, de la Baie des Sirènes et de Best
Of Africa, le parc national d’Asagny, ont été conçus pour être des pôles de
destination d’un tourisme côtier tropical de dépaysement qui permet à la Côte
d’Ivoire de figurer sur les fiches des destinations internationales. La côte ouest
et ses villes sont devenues ainsi un espace de récréation pour les nationaux et
un espace potentiel d’écotourisme international.
En plus des apports de cette dimension exotique, la route côtière a amélioré
l’économie des petites villes. Les produits de la pêche artisanale pratiquée par
les communautés locales ont trouvé un marché important à Abidjan. Crevettes
et langoustes de Sassandra, voire de San Pedro parviennent plus rapidement
dans des camions frigorifiques à Abidjan, ouvrant davantage de perspectives
économiques aux habitants. Les grands exploitants agricoles de l’hinterland
apprécient les qualités de cette route qui accompagne le développement
des régions littorales. Les camions lourdement chargés de grumes, de latex,
d’agrumes, d’huile de palme bénéficient de circuits de transport améliorés
pour gagner les différentes villes d’Abidjan et de San Pedro. Les villes côtières
ont pu développer des activités d’encadrement de l’agriculture qui renforcent
leur économie. Cette analyse de la ville côtière à l’échelle régionale contraste
fortement avec les rapports entre les citadins et l’eau dans les villes mêmes.

Vie urbaine et eau sur le littoral atlantique


Tissus urbains, activités des populations et eau à Abidjan
La faiblesse des rapports entre les citadins et la vie urbaine liée à la mer
et à l’eau en général est très impressionnante dans toutes les villes du littoral
ivoirien. Les vastes plans lagunaires étendus de Tiapoum à Fresco et la côte
étirée sur environ 570 kilomètres restent très peu vivants. Dans la vie, et même
dans l’aménagement des villes, tout donne le sentiment que les habitants ont
pris leur distance vis-à-vis de la mer et des lagunes.
Malgré la forte influence du port sur le développement de la ville, la personnalité
maritime et lagunaire d’Abidjan est très peu marquée. Contrairement à l’image
que donne Abidjan d’une ville lagunaire et maritime, la métropole dispose de
peu d’aménagements utilisant les potentialités balnéaires dans la vie quotidienne
des 4 millions d’urbains. Le port, principal foyer d’ancrage de la ville se développe
plutôt sur une vaste lagune après le franchissement du canal de Vridi. Le large 75
USAGES ET INTERACTIONS NATURE/SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

Photo 1 - Vue
aérienne d’Abidjan,
prise du nord vers
le sud. Au premier
plan le quartier
administratif du
Plateau avec les deux
ponts enjambant la
lagune Ébrié dont les
multiples ramifications
apparaissent
comme autant de
discontinuités dans le
tissu urbain.
Crédit photographique Université d’Abidjan-Photivoire

Photo 2 - Entre le
quartier administratif
du Plateau, à droite,
et la baie de Cocody
(lagune Ébrié) à
gauche, le boulevard
lagunaire égrène
quotidiennement les
embouteillages, à
l’image d’un réseau
viaire surchargé et
contraint par le site.

Crédit photographique P. Pottier

Photo 3 - Quartier
Marcory à Abidjan.
« Hors des préoccupations
de la population et des
autorités urbaines, la
lagune sert de déversoir
naturel à l’ensemble des
eaux usées ménagères
et industrielles… et de
dépotoir à ordures… ».

76 Crédit photographique P. Pottier


PANORAMA DES VILLES DU LITTORAL IVOIRIEN

cordon sableux qui sépare la ville de la mer, les bandes de bidonvilles de Port-

OUSMANE DEMBÉLÉ
Bouët créent un écran entre Abidjan et l’océan que l’on ne rencontre qu’à
Grand-Bassam. La façade maritime vraie de la ville n’existe qu’au niveau de
l’île Boulay, au large de Yopougon. Mais ici, l’interposition de la lagune et du
cordon littoral ainsi que l’absence de moyens d’accès à l’île (ponts, bateaux)
isole quasi complètement la ville d’Abidjan de sa façade maritime. La mer
à Yopougon reste une mythique perspective, bien loin de l’imaginaire de
nombreux Abidjanais (figure 2).
Au sein même du tissu urbain, l’éloignement des habitants de la mer
et de la lagune est fortement ressenti. La période coloniale avait tenté un
service de transport lagunaire entre les villes d’Abidjan, de Grand-Bassam
et d’Adiaké en direction du Ghana voisin. Les discontinuités entre les
différentes lagunes Ébrié et Tendo ont fait l’objet de grands travaux publics
coloniaux de creusement des canaux de navigation comme ceux d’Assinie
et d’Asagny. Ce réseau de service lagunaire était connecté à un début de
lignes de navigation au sein même du tissu urbain d’Abidjan. L’aménageur
colonial avait initié un début de transport lagunaire en ouvrant le canal aux
bois d’Abidjan ainsi que le canal d’Abouabou. Ces activités de transport
lagunaire à la fois urbaines et à vocation interurbaine ont été abandonnées
par la suite. La nouvelle vie urbaine qui commence à l’indépendance s’éloigne
de la lagune et se départit de la mer. Les nouvelles autorités d’aménagement
urbain et les habitants de la ville n’ont pas apprécié l’utilité de ces canaux
qui ont plutôt été remblayés en opposition avec une géographie qui incitait
à les utiliser davantage. Le réseau lagunaire fragmente en effet le tissu urbain
(photo 1), allongeant considérablement les distances entre les communes
du sud situées sur le cordon littoral, l’île de Petit-Bassam et celles du nord
situées sur les premiers plateaux continentaux. Le plan d’eau lagunaire est
alors devenu dans la pratique de l’espace davantage un obstacle qu’un atout
pour le transport urbain.
Abidjan a fait l’effort de construire deux ponts enjambant la lagune en
moins de dix ans en 1960 et en 1970, trois ou quatre autres ponts sont
prévus dans le plan directeur dont celui à court terme entre Marcory et la
Riviera à Cocody. Ces ouvrages de franchissement font gravement défaut à
la métropole. L’aménagement de transport multimodal eau-terre est à peine
envisagé dans une ville dont les quartiers centraux s’étendent en chapelets
sur des plateaux et des interfluves bordés de bras de lagunes. Les plans
d’aménagement privilégient d’interminables routes de contournement
constamment embouteillées (photo 2). Le planificateur urbain n’a pas conçu
un système de transport multimodal, bateaux relayés par des autobus et des
taxis, tirant au mieux profit de la configuration de la ville lagunaire. Il est
certes envisagé d’exploiter un réseau de transport public lagunaire, mais pour
l’instant, celui-ci est limité à quelques rotations reliant les quatre gares de la
compagnie publique de transport SOTRA. Les rives lagunaires invitant à la
récréation sont à peine exploitées par les « maquis », ces lieux de restauration
populaire et de loisirs, de jardins publics ou d’espaces culturels. 77
USAGES ET INTERACTIONS NATURE/SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

La vie (continentale) des quartiers grouillant de monde contraste ainsi avec


le désert et le silence des plages lagunaires livrées aux ordures. Le décalage est
frappant entre les plans d’eau extrêmement animés des villes d’Istanbul, ou de
Bangkok et la métropole d’Abidjan où la lagune étale, à peine ridée par quelques
ombres de pirogues, semble avoir été interdite à ses habitants (figure 3). Pour la
grande majorité des Abidjanais, la lagune n’existe pas. Il faut interroger l’histoire
récente de la ville pour comprendre : les 4 millions d’Abidjanais sont, hormis
quelques ethnies lagunaires, une population de fond culturel rural venue du
continent, aux habitudes de vie totalement éloignées de l’eau, et à l’existence
urbaine datant de moins de trente ans.

Figure 3 - Rives utiles et inutiles à Abidjan

Adjamé
Cocody

Yopougon
Lagune Ebrié
Plateau

Marcory
Lagune Ebrié
Treichville
Ile Boulay

Lagune Ebrié

B a n c o Port-Bouët

Lagune Ebrié
océan Atlantique
N
0 2 4 km
Source: PAA, 1996 O DEMBELE, A. KANGAH

Rive : Zone :
touristique quai portuaire
dépôt d'ordures débarcadère polluée
inacessible
78
PANORAMA DES VILLES DU LITTORAL IVOIRIEN

Ce peu d’attrait et d’usage de l’eau explique-t-il le peu de soin observé pour

OUSMANE DEMBÉLÉ
protéger le plan d’eau et limiter la pollution qui affecte la lagune Ébrié ? Hors
des préoccupations de la population et des autorités urbaines, la lagune sert de
déversoir naturel à l’ensemble des eaux usées ménagères et industrielles ainsi
qu’aux eaux de ruissellement drainant une importante quantité de sable du fait
de l’érosion de nombreuses rues non bitumées et sans caniveau. La pollution
est aggravée par la réception d’importantes quantités d’ordures non collectées
(photo 3), entreposées dans les ravins et les vallées que les pluies diluviennes
de la saison humide, de mai à juin, conduisent à la lagune. Avec des taux de
coliformes fécaux intolérables, nombre de sections de la lagune impropres à
tout usage récréatif cumulent les effets répulsifs de toutes les baies du Banco,
de Cocody, de Biétry fortement eutrophisées (Anoh, 2001). Les autorités de la
ville d’Abidjan ont donc fort à faire pour réduire la pollution et ainsi préserver
son slogan emblématique, « Perle des lagunes », autour duquel elles voudraient
construire une image idyllique de la cité.
Affectée par la pollution lagunaire, la ville d’Abidjan partage avec les
centres urbains situés sur le littoral, notamment Grand-Bassam, Jacqueville
et Fresco, le fait d’être confrontée à une intense érosion côtière. Le recul
du trait de côte (Hauhouot, 2000) n’est pas seulement un objet d’étude
scientifique des morphologues. L’érosion des littoraux dans ces villes détruit
les vestiges historiques des quartiers sur lesquels se bâtissent les politiques
de développement touristique des cités côtières. La vieille ville de Grand-
Bassam, les quartiers précoloniaux de Grand Lahou-Pkanda, voient chaque
année disparaître la mémoire des constructions témoins d’un passé récent. La
vitesse de recul des côtes dissuade les aménageurs souhaitant construire entre
Abidjan et Grand-Bassam, sur le littoral, une véritable cité balnéaire mélange de
logements de standing, d’hôtels ouverts sur la plage à l’image du front de mer
à Durban ou Alger. L’inquiétude d’une disparition rapide des terres donnant
directement sur la mer alimente des projets de fixation du trait de côte par
le partage d’expériences de pays européens ayant acquis des compétences en
ingénierie côtière. Mais l’initiative est timide en raison du coût des solutions
peu accessibles aux opérateurs immobiliers privés, à l’État et aux communes.
Toute la politique de promotion des villes littorales afin d’offrir les avantages
de la côte et de la mer est profondément influencée par cette configuration
mer, terre et lagune. Ville littorale sans l’être véritablement, Abidjan tente
une politique de développement qui substitue les avantages de la mer aux
potentialités géographiques des autres villes situées directement sur la côte,
peu confrontée à la pollution et à l’érosion.
Les petits centres côtiers dans le nouveau processus de développement de l’Ouest
Les villes de Fresco, Grand-Lahou, Sassandra ou Grand-Béréby ont toutes
connu une légère croissance de population et d’activité économique sous
l’influence de la route côtière et des ouvertures de voies de circulation vers
l’hinterland qui ont consacré leur désenclavement. On note cependant que
dans l’ensemble, comme à Abidjan, la relation entre l’eau et la ville dans les 79
USAGES ET INTERACTIONS NATURE/SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

petites villes littorales ivoiriennes se ressent d’une faible tradition de contact


de la population avec la mer. Après la disparition des comptoirs marins, les
activités littorales sont devenues très faibles dans ces villes. Les localités ont
développé des formes de vie greffant des activités traditionnelles de pêche
animées par de petites communautés ethniques littorales avec celles des
fonctionnaires des services administratifs et les paysans acteurs d’une économie
agro-exportatrice.
La « côtière » a favorisé d’importants flux de poissons fumés vers Abidjan,
principal marché de destination de la production des fumeuses de Jacqueville à
Sassandra. Mais la pêche s’est peu développée malgré les réelles potentialités de
la mer et des fleuves. La production de poisson reste insuffisante pour alimenter
un marché national qui en demande davantage. Elle demeure une activité très
artisanale d’opérateurs dont les pratiques ont très peu évolué, travaillant avec
des pirogues encore creusées dans des troncs d’arbres colmatés au bitume. Les
débarcadères sont rudimentaires, à même le rivage, sans aucun aménagement
particulier consacrant une industrie du poisson. À Sassandra, les vestiges de
l’ancien wharf vermoulu par le temps gardent la mémoire des grands bateaux
qui contrastent avec les pirogues ghanéennes vives et multicolores dispersées
dans la belle rade en attente d’actions plus vigoureuses de mise en valeur du
potentiel du site du port. L’économie du poisson est cependant très présente
dans les villes. Les fours, leurs combustibles de bois, les fumées et les femmes
actives autour de claies de séchage constituent une ambiance très marquée
dans toutes les cours des quartiers de Dabou à Sassandra. Les rixes entre les
communautés autochtones tournées vers l’agriculture et les communautés
étrangères spécialisées dans la pêche artisanale, notamment les Fantis ghanéens,
sont fréquentes. L’interdiction répétée faite par les chefs autochtones aux
étrangers d’exploiter la mer se traduit par des pénuries d’approvisionnement
en poisson avec d’importantes répercussions sur l’économie des villes de la
côte (Koffié-Bikpo, 2001). La dernière fut l’éviction des Fantis de la ville de
Sassandra en 1998.
La volonté de promouvoir des activités liées au littoral reste encore timide.
Un centre des métiers de la mer a été créé à Grand-Lahou en vue de développer
des compétences en fabrication et en réparation de petits bateaux, en pêche et
en navigation. Ce centre ne fonctionne pas faute de moyens financiers et de
candidats. La création de nouvelles activités modernes liées à l’eau a donné
naissance à quelques centres de pisciculture à Dabou et Jacqueville et à une
unité expérimentale d’élevage de crevettes sans lendemain par la société Unilever
dans la commune de Grand-Lahou. Les villes n’ont pas réussi à développer de
ports locaux, supports d’activités de transport malgré une configuration de site
favorable associant fleuves, embouchure et mer. La navigation fluvio-maritime
sur le Bandama à partir de Fresco et sur le Sassandra à partir de la ville de
Sassandra est quasi inexistante, tout comme les activités de cabotage entre des
centres urbains très peu distants d’un réseau côtier réduit à un chapelet de villes.
Les villes côtières sont des localités fortement dominées par le poids
80 d’Abidjan. Elles sont sans grande ambition régionale malgré la tentative de
PANORAMA DES VILLES DU LITTORAL IVOIRIEN

création d’un « pôle urbain majeur » à San Pedro. Les petites villes du littoral

OUSMANE DEMBÉLÉ
sont confrontées à des forces contradictoires. Les risques de détérioration des
aménagements acquis, le manque d’entretien de la voie côtière durablement
abîmée et la vacuité d’investissement de relance des équipements urbains rendus
obsolètes avec le temps, contrastent avec les potentialités de développement
économique liées au littoral, et aux régions agricoles et forestières qui font
l’environnement des villes.

Conclusion
Portées par les promesses de la mer, de la pêche et des activités touristiques,
les villes côtières et les régions littorales se cherchent de nouvelles perspectives
de développement. Les conseils généraux dont chacune des villes est le chef-
lieu sont issus d’une politique de décentralisation trop récente pour avoir les
pouvoirs de penser un développement prenant en compte la personnalité des
villes du littoral. L’État dont les capacités d’aménagement sont fortement
réduites par les politiques de privatisation, ne dispose plus des instruments des
plans quinquennaux d’aménagement du territoire pouvant penser la cohérence
du développement des villes côtières comme il en avait esquissé le projet il y a
une vingtaine d’années. Les pouvoirs publics restent persuadés que l’ouverture
sur la mer est la ressource la plus importante dont disposent les villes de la côte
et leur région, mais ils s’interdisent les grands projets d’aménagement régional
comme ils l’avaient fait avec l’ARSO.
Les stratégies de développement en cours sont à l’exploration des possibilités
de croissance des villes côtières liées à la mondialisation dans le cadre d’un
partenariat public-privé particulier que représentent les zones franches et les
Investissements Directs Étrangers. Ainsi, l’État envisage le développement
d’une zone franche des TIC dans la ville de Grand-Bassam, le renforcement du
poids du port d’Abidjan dans la sous-région en offrant davantage de facilités
aux pays continentaux dans le cadre de la coopération interrégionale et la
création d’une zone franche industrielle à Grand-Bassam. Comment produire
des forces de croissance économiques dans les villes ? Comment résorber les
discontinuités des plans lagunaires dans les tissus urbains, dépolluer les lagunes,
lutter contre l’érosion côtière ? Comment rapprocher les habitants de ces
villes de l’eau ? Ces questions sont la toile de fond de toutes les discussions
fondamentales sur le présent et l’avenir des villes côtières ivoiriennes.

Références
ANOH K. P., 2001. « La lagune Ébrié, de 1955 à 1998 : pollution des eaux et
encombrement des baies urbaines de l’agglomération d’Abidjan », Géotrope, n° 1,
PUCI- Presses universitaires de Côte d’Ivoire, p. 62-78.
DIABATE H., KODJO L., 1991, Notre Abidjan, toujours plus haut, Mairie d’Abidjan,
Ivoire média, 256 p. 81
USAGES ET INTERACTIONS NATURE/SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

HAUHOUOT A., 1998. Développement, Aménagement, régionalisation en Côte d’Ivoire. EDUCI-


Éditions universitaires de Côte d’Ivoire, Université de Cocody Abidjan, 359 p.
HAUHOUOT C., 2000. Analyse et cartographie de la dynamique du littoral et des risques
« naturels » côtiers en Côte d’Ivoire, thèse de Géographie, Université de Nantes, 221 p.
KOFFIE-BIKPO C. Y., 2001. « Les conflits de pêche en Côte d’Ivoire », Géotrope, n° 1, PUCI-
Presses universitaires de Côte d’Ivoire, p. 29-40.
ORSTOM, IGT, 1969. Atlas de la Côte d’Ivoire.
KABLAN N., 2000. Les arrière-pays des ports ivoiriens, thèse de 3ème cycle de Géographie,
Université de Cocody Abidjan, 338 p.
KIPRE P., 1985. Villes de Côte d’Ivoire, 1893-1940: Fondations des villes coloniales (tome 1),
Économie et sociétés urbaines (tome 2), Nouvelles Éditions Africaines, Abidjan, 237 et
289 p.

82
L’IMPORTANCE DES PORTS MARITIMES DANS L’ÉCONOMIE IVOIRIENNE

N’GUESSAN HASSY JOSEPH KABLAN


L’importance des ports maritimes dans l’économie
ivoirienne
N’Guessan Hassy Joseph KABLAN
Institut de Géographie Tropicale, Université de Cocody Abidjan
(Côte d’Ivoire)

La Côte d’Ivoire a une position géographique privilégiée à l’interface entre


la mer et la terre, favorisant la littoralisation de ses activités majeures et, par
ricochet, la maritimisation de son économie. Elle a développé depuis la période
coloniale une politique portuaire pour assurer les échanges avec ses avant
et arrière-pays. Le port d’Abidjan (mis en service le 23 juillet 1950) et dans
une moindre mesure celui de San Pedro (le 4 mai 1971), après avoir favorisé
la croissance des villes qu’ils ont engendrées puis contribué à développer,
polarisent aussi l’espace national, voire l’hinterland international, par leurs
dessertes et leurs approvisionnements en marchandises. La côte ivoirienne vit
ainsi au rythme d’activités complexes, sources d’emplois et d’entrées de devises
importantes pour le pays et les opérateurs économiques.
Parmi celles-ci, les ports occupent une place de choix dans l’aménagement
du territoire. À l’instar de tous les secteurs d’activité économique, ils subissent
toutefois les conséquences de la crise politico-militaire que vit la Côte d’Ivoire
depuis le 19 septembre 2002. L’importance des ports ivoiriens dans l’économie
du pays ne se situe pas seulement au seul fait qu’ils traitent plus de 90 % des
échanges extérieurs du pays en volume et en valeur. Ces échanges représentent
aussi 60 % du PIB réel. À cela, il faut ajouter qu’au plan fiscal, ils sont les lieux
de collecte de plus de 90 % des recettes douanières.
Les ports ivoiriens évoluent par ailleurs dans un environnement concurrentiel
de plus en plus aigu et influencé par plusieurs facteurs, soit endogènes, liés
à la satisfaction des clients par rapport aux installations et aux prestations
offertes, soit exogènes liés à l’environnement national, régional et international
au niveau institutionnel, commercial et des transports. Tous ces éléments ont
affecté considérablement l’évolution des trafics portuaires ivoiriens. Pour faire
face à ces situations, les ports ont engagé en relation avec les autres membres
des communautés portuaires, diverses actions dans le domaine de l’exploitation
et de l’activité commerciale. 83
USAGES ET INTERACTIONS NATURE/SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

Figure 1 - Trafics au port d’Abidjan (1983 – 2006)


milliers de tonnes
20 000
18 000
16 000
14 000
12 000
10 000
8 000
6 000
4 000
2 000
83

85

90

95

00

05
19

19

19

19

20

20
Source: PAA, 2006 Import Export Total B. TAPÉ, A. KANGAH

Figure 2 — Emprises du Port autonome d’Abidjan

YOPOUGON
Parc à bois

COCODY
Locodjro
Te
Marine Nationale rm
ina PLATEAU
l fr
u it
ier Lagune Ébrié
Lagune Ébrié rd
i No
Qua
Capitainerie
TREICHVILLE
Qu
ai
Ou

Ile Boulay
e st

e
êch MARCORY
ep
ort d
P
Lagune Ébrié
conte inal à
neurs

Lagune
Term

Ébr

Quai à engrais
Pos
te p
étro

Société ivoirienne
lier

de raffinage

de Vridi
nal
Ca

Source : PAA, 2006 N


Océan Atlantique 0 1 km
Mise à jour : J. A. KABLAN, A. KANGAH

Port actuel Extension future du port


zone sous douane terminal pétrolier zone industrielle
zone des entrepôts terminal à conteneurs zone de déballastage
zone des industries navales
et des hydrocarbures terminal minéralier poste à marchandises
plate-forme de parc automobile
télécommunication
84
L’IMPORTANCE DES PORTS MARITIMES DANS L’ÉCONOMIE IVOIRIENNE

Mais aujourd’hui, dans un environnement hostile entretenu par l’absence

N’GUESSAN HASSY JOSEPH KABLAN


de paix, comment ces ports ivoiriens qui ont permis il y a quelques années
le développement des territoires (port, ville, région voire pays et sous-région)
peuvent-ils participer à la relance de l’économie en Côte d’Ivoire ?

Ports et trafics maritimes en Côte d’Ivoire


De l’époque coloniale jusqu’à aujourd’hui, l’aménagement des territoires a
été calqué sur l’orientation du commerce des zones de production agricole
vers les zones d’évacuation ou de réception. Les ports, tout en s’équipant,
ont donc été au cœur du modèle de développement économique comme du
modèle spatial ivoirien.
Au port d’Abidjan, la constante adaptation des capacités d’accueil aux volumes
et aux types de trafics
La situation de la Côte d’Ivoire sur le golfe de Guinée a favorisé dès le
XVe siècle des échanges commerciaux effectués d’abord à partir des rades
foraines, puis des wharfs, lesquels n’offraient que peu de sécurité pour le
chargement et le déchargement des marchandises de plus en plus importantes.
Devenue le 10 mars 1893 une colonie autonome, le besoin de disposer d’un
chemin de fer pour relier les régions de l’intérieur du pays au golfe de Guinée
et d’un véritable port en eau profonde pour acheminer vers la côte les produits
agricoles, s’avéra dès lors indispensable pour la Côte d’Ivoire.
Après plusieurs projets de localisation du port à Grand-Bassam, Grand-Lahou
et Petit-Bassam, c’est finalement le projet dirigé par le capitaine Houdaille et
désignant Abidjan comme tête de ligne de chemin de fer Abidjan-Niger qui fut
approuvé en 1899.
Plusieurs raisons ont milité en faveur de ce choix judicieux parmi lesquelles
l’existence d’un plan lagunaire avec de grandes profondeurs, la faible largeur du
cordon littoral, la présence d’un canyon sous-marin appelé « trou sans fond »
au large d’Abidjan et le besoin d’avoir un port comme tête de ligne de chemin
de fer. Les travaux du port d’Abidjan ont ainsi été autorisés en 1903, en même
temps que ceux du chemin de fer. Après plusieurs études et tentatives de percée
du cordon littoral, le projet proposé par Roger Pelnard Considere est retenu
et testé au laboratoire de Delft en Hollande en 1934. Le 23 juillet 1950, le
plan d’eau abrité de la lagune Ébrié rentre en communication avec l’océan
Atlantique: le port d’Abidjan est né.
Cet outil de développement a su, au fil des ans, croître grâce à trois plans
directeurs pour offrir une capacité d’accueil de plus de 60 navires qui peuvent
opérer simultanément sur les 34 postes à quai et les différents postes de
mouillage. C’est un grand port de commerce qui a traité 18 856 723 tonnes
en 2006 (figure 1) et présente une vocation sous-régionale de choix en tant
que principal port de transit pour le Mali et le Burkina Faso et, dans une
moindre mesure, pour le Niger. Il est un véritable port de transit à vocation
régionale recevant plus de 500 000 tonnes de marchandises en provenance
ou à destination des pays du Sahel et de certains pays côtiers voisins (Ghana,
Liberia, Guinée Conakry). 85
USAGES ET INTERACTIONS NATURE/SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

C’est aussi une grande plate-forme multimodale constituant un maillon


important de la chaîne de transports sur la côte atlantique. Aussi s’est-il doté
de moyens logistiques ultramodernes (3 portiques lourds) pour équiper son
terminal à conteneurs dont le niveau de trafic dépasse les 500 000 EVP/an.
C’est en 1986 que le port d’Abidjan a exploité son premier portique à conteneurs
alors qu’il est apparu dans le conditionnement des marchandises en provenance
des pays développés à partir de 1971. Au niveau de la façade atlantique de
l’Afrique, le Port autonome d’Abidjan (PAA) est une référence internationale
au vu de ses infrastructures et équipements portuaires, ainsi que de ses voies de
desserte présentant un avantage comparatif notable. Aussi, s’affiche-t-il comme
le premier port de commerce de la Côte Ouest Africaine (COA), le premier port
de pêche du continent pour le thon et le premier port à conteneurs de la COA,
deuxième en Afrique subsaharienne après Durban en Afrique du Sud.
Une vision prospective pour l’avenir du port d’Abidjan
Dans ce contexte éminemment stratégique du point de vue de l’économie
nationale, de son intégration à la sous-région comme à celle de la mondialisation,
les grands projets issus de la vision prospective concernant les aménagements
projetés du port d’Abidjan sont multiples et porteurs d’avenir. Ils concernent
aujourd’hui plusieurs domaines dont les plus importants couvrent six
programmes particuliers (figure 2).
La modernisation du quai Nord
Avec l’accroissement continu du trafic conteneurs, certains postes du quai
sud sont intégrés au terminal à conteneurs, ce qui réduit la capacité d’accueil
des navires conventionnels de grand tirant d’eau.
La construction du quai Nord va donc permettre d’une part, d’accueillir
les navires conventionnels et, d’autre part, d’accroître la productivité de la
manutention. Le tirant d’eau de ce quai passera de 10 à 12,5 mètres et la mise
en place de grues de quai optimisera les opérations de manutention. L’appel
d’offres pour les études de faisabilité économique et technique est lancé pour
un coût estimatif de 10,2 milliards de FCFA.
La réhabilitation et l’extension du port de pêche
Les infrastructures du port de pêche (quais, hangar de tri et de criée, marché
aux poissons, restaurant communautaire) réalisées au cours de la décennie 1960
sont dans un état de vétusté avancé.
Par ailleurs, le domaine du port de pêche est arrivé à saturation de sorte
que toutes les demandes de terrain pour l’installation d’unités industrielles
sont aujourd’hui insatisfaites. Il s’agit de réhabiliter les installations existantes,
d’augmenter l’offre de quai pour permettre de faire face aux besoins futurs et
de créer de nouveaux terre-pleins pour l’accueil des unités industrielles de la
pêche. L’appel d’offres pour les études de faisabilité économique et technique
est lancé pour un coût de 7 milliards de FCFA.
La modernisation du quai à engrais
Réalisé en gabions de palplanches, ce quai a une longueur de 84 mètres
86 largement en deçà de celle des navires (140 à 160 mètres), ce qui est source de
L’IMPORTANCE DES PORTS MARITIMES DANS L’ÉCONOMIE IVOIRIENNE

difficultés d’accostage et de nombreux accidents sur l’ouvrage. Une dépense

N’GUESSAN HASSY JOSEPH KABLAN


de 2,6 milliards de FCFA est nécessaire pour supprimer ou tout au moins
réduire considérablement les accidents d’accostage du quai et moderniser les
opérations de manutention. Le PAA doit porter la longueur du quai de 84 à
180 mètres, augmenter la profondeur d’eau de 10 à 13,5 mètres et installer des
bandes transporteuses et une grue de quai.
Le transfert des cimenteries sur l’île Boulay
L’activité de cimenterie sur le site actuel du port cause des nuisances énormes
de deux types : les nuisances à la circulation sur le boulevard de Vridi du fait des
remorques qui assurent le transport du clinker entre le quai et les usines, ainsi que
la pollution atmosphérique de toute la partie ouest de Treichville par la poussière
du ciment. Il s’agit de réduire les nuisances causées à l’environnement par les
cimenteries et d’offrir un quai et des installations adaptées à l’évolution de la taille
des navires et aux nouvelles méthodes de fabrication de ciment. Il faut construire
un nouveau quai fondé à – 15 mètres et installer des bandes transporteuses et des
grues de quai pour un coût estimatif de 13,5 milliards de FCFA.
La modernisation du terminal fruitier
Le quai du terminal fruitier construit en 1960 est dans un état de dégradation
préjudiciable à sa stabilité malgré les nombreux travaux de confortement
dont il a bénéficié. Il présente en outre plusieurs défauts limitant sa bonne
performance : l’insuffisance de profondeur d’eau (7,5 mètres), la présence du
quai de la Marine nationale qui réduit sa longueur à 1,5 poste, la faiblesse des
charges admissibles du quai (2 tonnes/m²) et l’inadéquation des équipements
aux exigences des nouvelles techniques de manutention.
Une modernisation du terminal s’impose donc. Il s’agit de réaliser les
infrastructures et superstructures aptes à répondre aux exigences du trafic
et d’améliorer ainsi la compétitivité de la filière fruits et légumes de Côte
d’Ivoire sur le marché européen. Les travaux de modernisation du terminal
fruitier consistent en la réalisation de 350 mètres de linéaire de quai soit deux
postes avec une profondeur d’eau de 9 mètres, un hangar de stockage et
de conditionnement sur une superficie de 16 000 m², des bureaux pour les
exploitants, les chargeurs et le PAA, un parc de stockage de conteneurs de
8 000 m² et d’autres aménagements dont les terre-pleins et les voiries. Cette
opération s’élève à un coût de 12,2 milliards de FCFA.
L’élargissement de la passe d’entrée du canal de Vridi
La configuration de la passe d’entrée du canal de Vridi est telle que les gros
navires ne peuvent pas y accéder à toutes conditions de marées et de courant.
Or, Abidjan ambitionne d’être un hub-port, ce qui implique qu’il puisse
accueillir à tout moment des navires de grande taille tels ceux de 300 mètres de
long et calant 14 mètres de tirant d’eau. Il s’agit pour les autorités d’élargir la
passe d’entrée et de l’approfondir en réalisant des ouvrages de protection des
berges. Le coût estimatif pour ce projet est de 25 milliards de FCFA.
En définitive, les grands projets du PAA pour une modernisation et une
extension de ses activités représentent un coût global de 94,5 milliards de FCFA 87
USAGES ET INTERACTIONS NATURE/SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

Figure 3 - Trafic au port de San Pedro (1983 – 2006)


milliers de tonnes
1 600
1 400
1 200
1 000
800
600
400
200
83

85

90

95

00

05
19

19

19

19

20

20
Source: PASP, 2006 Import Export Total B. TAPÉ, A. KANGAH

Figure 4 - Emprises du Port autonome de San Pedro

SEWEKE

PORO 1

San Pe
ZONE d ro
INDUSTRIELLE

PORO 2
Port
actuel

MOHIKAKRO Océan Atlantique

CORRIDA

N
0 0,5 1 km

Domaine portuaire
en 1971
complément 1975 habitat urbain
Source : PAS, 2006
complément 1990 CORRIDA nom de quartier Mise à jour : J. H. KABLAN, A. KANGAH
88
L’IMPORTANCE DES PORTS MARITIMES DANS L’ÉCONOMIE IVOIRIENNE

pour lesquels il a lancé des appels d’offres. La situation de crise que vit le

N’GUESSAN HASSY JOSEPH KABLAN


pays a ralenti la gestion prévisionnelle des activités et retardé l’avancement
des travaux en cours.
Les espoirs non confirmés du port de San Pedro
Abidjan a si bien su polariser l’ensemble du développement économique
national que le gouvernement ivoirien a tenté de créer un deuxième axe
d’expansion à l’extrémité occidentale du pays. L’objectif était de sortir tout le
Sud-Ouest de son enclavement par une vaste opération prenant en compte la
mise en valeur de l’ensemble des secteurs économiques.
Une société d’État, l’Autorité pour l’aménagement de la région du Sud-Ouest
(ARSO) a été chargée de gérer ce grand projet intégré : 320 kilomètres de routes
et 580 kilomètres de pistes ont été construits dans l’arrière-pays et des zones
de plantations industrielles confiées aux sociétés de développement (SAPH-
Société africaine de plantations d’hévéa, SODEPALM). Le fleuve San Pedro a
même été détourné pour réaliser le port et une ville a surgi de la brousse. La
région, il est vrai, disposait de nombreux atouts dont une côte rocheuse avec des
criques splendides à Grand-Béréby et Monogaga, pouvant devenir un réel pôle
touristique. Un grand projet d’usine de pâte à papier promettait une importante
activité industrielle, cependant que le minerai de fer du mont Klaohio (situé près
de Man à 300 kilomètres au nord-ouest) pouvait constituer, avec le bois, l’une
des principales activités portuaires à l’exportation. La construction du port a été
confiée à un consortium de cinq entreprises françaises, allemandes et italiennes, le
financement de l’opération (11,5 milliards de FCFA) ayant pour origine ces trois
mêmes pays. En septembre 1971, le port de San Pedro entrait en service sous
le statut de port autonome (PASP, Port autonome de San Pedro), établissement
public à caractère industriel et commercial (figure 4).
Tout était donc en place pour le décollage du Sud-Ouest, et pourtant le miracle
ne s’est pas produit. Les chiffres l’attestent : 860 000 tonnes en 1972, 1,2 million
de tonnes en 1976, 1,5 million en 1980. Depuis, le trafic du Port autonome de
San Pedro stagne (figure 3). Des longues listes de projets industriels, seuls deux
ont vu le jour en 1982, une minoterie d’une capacité de 30 000 tonnes et une
cimenterie d’une capacité de 300 000 tonnes. Mais la minoterie a dû fermer dès
1984, pour non-rentabilité et, loin d’être florissante, la cimenterie subit de plein
fouet la crise économique du bâtiment dans cette région de San Pedro.
L’usine de pâte à papier, l’exploitation du minerai de fer avec la création de
la ligne de chemin de fer sont des projets différés sine die. Il en va de même
du barrage hydroélectrique de Soubré. Le port de San Pedro est lourdement
handicapé par ces manquements au plan global. Son trafic s’en trouve atteint
par un déséquilibre entre l’import et l’export. La distorsion est énorme, puisque
les importations ne représentent que 3 % du trafic. Les exportations sont, elles
aussi, totalement disproportionnées, dominées à 90 % par le bois en grumes.
Les productions agricoles de l’Ouest et du Centre ne sont exportées qu’en
faibles quantités par San Pedro. Les camions devant repartir à vide, les coûts de
transport se trouvent fortement alourdis. 89
USAGES ET INTERACTIONS NATURE/SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

Le port de l’Ouest ivoirien n’a pas davantage percé le marché malien en raison
de l’insuffisance du réseau routier. De part et d’autre de la frontière ivoiro-
malienne, les 260 kilomètres qui séparent Odienné de Bougouni sont en effet
restés à l’état de piste.
La dissolution de l’ARSO en 1979 a porté un coup fatal au programme du Sud-
Ouest. L’existence du port de San Pedro contribue pourtant au développement
économique de son hinterland national, et il offre des opportunités
d’exploitation du sous-sol et de développement des exportations. La création de
milliers d’hectares de plantations industrielles et villageoises d’hévéa, de palmiers
à huile, de cocotiers, de citron, de café et de cacao l’atteste. La boucle du cacao,
naguère à l’est de la Côte d’Ivoire, s’est sensiblement déplacée vers le sud-ouest
qui représente aujourd’hui 70 % de la production nationale. L’implantation
de plusieurs unités industrielles concentrées principalement autour de l’agro-
industrie et du bois contribue à environ 65 % du Produit intérieur local (PIL),
ce PIL per capita de la commune étant deux fois supérieur à la moyenne nationale.
Le port de San Pedro offre aussi des conditions techniques et économiques

Photo 1 - Vue aérienne


du Port autonome
d’Abidjan (PAA), quais
ouest du secteur de
Treichville. La lagune
Ébrié par laquelle
accèdent les navires de
haute mer a été ouverte
sur l’océan grâce au
percement du canal de
Vridi en 1950.

Crédit photographique PAA


Photo 2 - Vue aérienne
du Port autonome de
San Pedro (PASP), à
l’embouchure du fleuve
dont la ville a pris le
nom. Conçu dans le
cadre du grand projet
d’Aménagement de la
région du Sud-Ouest
(ARSO), le port chargé
de désenclaver cette
partie occidentale
du pays a été mis en
service en 1971.
90 Crédit photographique PASP
L’IMPORTANCE DES PORTS MARITIMES DANS L’ÉCONOMIE IVOIRIENNE

optimales pour l’exploitation des ressources du sous-sol de son hinterland.

N’GUESSAN HASSY JOSEPH KABLAN


Deux sites d’exploitation importants identifiés depuis l’ouverture du port
sont malheureusement restés au stade de projets : le fer du Mont Klahoyo
représentant 700 millions de tonnes à 33 % de fer, et le nickel de Biankouma
dont l’exploitation de 258 millions de tonnes fournirait en teneur 1,5 % de
nickel et 0,10 % de cobalt.
L’étude de la construction d’un chemin de fer minéralier reliant le port à son
hinterland est encore en projet au niveau de l’État en vue d’une exploitation
future de ces minerais. L’hinterland sous-régional présente également de
grandes richesses économiques dont le port de San Pedro est un exutoire
naturel compte tenu de la distance qui les sépare relativement à la concurrence
interportuaire sous-régionale. De ce point de vue, la Guinée forestière pour
des marchandises comme le bois, le coton et le fer du Mont Nimba (2 milliards
de tonnes à 64 % de fer), le Mali pour son coton, et le Liberia pour ses bois,
palmiers à huile et hévéas, peuvent trouver au port de San Pedro une porte
d’exportation économique.
Le deuxième port ivoirien est pourtant dans l’impasse. Il souffre de
plusieurs maux qui ont jalonné les différentes étapes de son évolution, car
tout était en place pour le décollage du Sud-Ouest. Pourtant, le miracle ne
s’est pas produit et aujourd’hui seul un nouveau plan intégrant l’ensemble
des potentialités économiques permettrait une relance globale de la région
de San Pedro et pourrait redonner un second souffle à son port asphyxié par
l’hypertrophie d’Abidjan.
Les échanges maritimes de la Côte d’Ivoire
Les échanges maritimes de la Côte d’Ivoire sont d’autant plus au cœur du
système économique du pays qu’ils restent étroitement associés à sa structure
de production héritée des décennies passées.
Les produits agricoles traditionnels continuent de jouer un rôle important
dans les exportations ivoiriennes. C’est le cas du café, du cacao et dans une
moindre mesure du bois (tableau 1). Les principaux produits importés sont
dominés majoritairement par le pétrole brut, nigérian notamment (tableau 2).
Les machines, le riz et le «fer, fonte, acier et ouvrage» constituent des sources
importantes de sorties de devises face à la demande nationale. Leur nature
démontre que le pays est dans une phase de reconstruction.
Les fournisseurs des ports ivoiriens sont par ailleurs essentiellement les pays
européens. Six des dix premiers pays fournisseurs viennent en effet de l’Union
Européenne qui concentre 57,31 % des échanges en valeur effectués entre 2000
et 2006. La France a dominé ce classement avec 4 256 milliards de FCFA, soit
37,43 % de la valeur globale des échanges de ces 7 dernières années. L’Afrique
n’est présente qu’à travers le Nigeria qui occupe la deuxième place pendant
cette période, mais reste premier en 2000 et en 2006 pour une variation nette de
+116,16 %. Seule la Chine Populaire a pu faire mieux avec +176,89 %, passant
de 47,43 en 2000 à 131,33 milliards de FCFA en 2006, et affichant surtout une
progression constante et soutenue depuis une dizaine d’années. En Asie, le Japon
a disparu au profit de la Thaïlande, classée au 7e rang en 2006 (tableau 3). 91
USAGES ET INTERACTIONS NATURE/SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

Tableau 1 - Évolution des principaux produits exportés par les ports ivoiriens
En milliards de FCFA 2000 2001 2002 2003 2004 2005
Café vert 182,3 73,3 51,1 17,8 49,2 36,7
Ananas 33,4 33,2 30,2 11,8 28,2 25
Bois 197 204,3 177,3 49,3 160,6 3,1
Cacao fèves 137,9 221 377 143,5 850,1 777,9
Cacao transformé 601,1 739,4 1229,8 587,6 296,7 309,5
Caoutchouc 55,9 52,3 61,8 22,4 87,8 0,1
Conserves de thon 85,2 73,8 94,7 29 81,1 51
Coton en masse 105 91,8 93,4 5,9 87,8 0,1
Huile de palme 25,2 26,3 24,7 7,5 37,2 36,2
Produits pétroliers 473,5 355,5 330,9 81,8 16,17 32,2
Source : Ministère du commerce, 2006

Tableau 2 - Évolution des principaux produits importés par les ports ivoiriens
En milliards de FCFA 2000 2001 2002 2003 2004 2005
Machine 121,8 119,0 120,8 30,1 100,9 129,9
Blé 27,4 33,9 37,3 10,4 33,9 28,6
Clinker 30,7 32,7 29,7 3,5 29,7 33,5
Engrais 26,6 31,7 38,9 7,9 32,0 34,4
Fer, fonte, acier et 68,7 82,7 81,0 17,7 92,1 109,6
ouvrage
Pétrole brut 484,6 396,0 290,9 66,9 546,6 836,6
Plastique 73,7 90,1 80,4 23,7 70,0 78,3
Poissons congelés 92,5 107,7 123,6 41,7
Produits pétroliers 113,0 94,8 79,9 12,6 6,4 6,4
Riz 69,6 95,4 90,6 23,5 11,9 133,9
Source : Ministère du commerce, 2006

Tableau 3 - Évolution du poids des dix principaux fournisseurs


de la Côte d’Ivoire (en milliards FCFA)
cumul
Rang Pays 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006
2000-2006
1 France 359,02 393,86 388,24 667,64 812,59 858,16 776,06 4 256
2 Nigeria 470,63 350,89 254,53 294,97 504,54 759,65 837,71 3 473
3 Chine 47,43 55,54 43,62 71,40 68,90 94,58 131,33 513
Royaume-
4 40,32 60,68 44,93 143,40 58,68 93,45 71,34 513
Uni
5 Italie 65,53 84,39 84,46 64,41 67,69 69,82 60,74 497
6 États-Unis 63,16 98,02 62,35 66,20 70,50 63,01 70,56 494
7 Pays-Bas 54,59 74,82 64,64 68,30 62,38 59,59 72,15 456
8 Allemagne 63,96 66,26 64,97 58,47 65,74 55,22 76,05 451
9 Thaïlande 38,98 51,58 44,81 42,87 70,68 53,26 70,64 373
10 Espagne 58,11 58,11 58,16 48,02 42,70 37,01 42,75 345
92 Direction générale des douanes, 2007
L’IMPORTANCE DES PORTS MARITIMES DANS L’ÉCONOMIE IVOIRIENNE

N’GUESSAN HASSY JOSEPH KABLAN


Tableau 4 - Évolution du poids des principaux pays clients
de la Côte d’Ivoire (en milliards FCFA)

cumul
Rang Pays 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006
2000-2006

1 France 386,26 371,55 430,81 607,49 818,33 700,14 780,00 4 095

2 Pays-Bas 249,22 375,64 656,06 565,71 374,84 421,01 411,08 3 054

3 États- 213,74 199,46 261,36 226,03 336,19 540,32 386,25 2 163


Unis
4 Nigeria 48,82 37,33 325,15 95,45 260,95 305,12 307,24 1 380

5 Italie 121,49 114,22 130,78 109,36 165,09 105,73 166,03 913

6 Royaume 84,32 58,28 91,73 98,18 73,05 55,00 162,35 623


Uni
7 Burkina 91,96 89,90 102,40 65,47 100,95 121,91 155,19 728
Faso
8 Espagne 96,55 107,33 165,91 175,67 100,96 101,63 128,93 877

9 UEBL 98,40 58,49 85,89 85,42 114,87 86,06 117,85 647


10 Mali 147,33 149,16 125,17 56,85 76,19 83,58 117,17 755
Direction générale des douanes, 2007

Tableau 5 - Principaux partenaires commerciaux de la Côte d’Ivoire


(cumul 2000-2006 en tonnes)

Rang Pays Fournisseurs Clients Total trafic

1 Nigeria 20 148 621 4 571 893 24 720 515


2 France 3 931 705 5 059 388 8 991 093
3 États-Unis 964 269 5 885 415 6 849 685
4 Pays-Bas 1 072 102 4 267 022 5 339 124
5 Mali 4 630 103 4 630 103
6 Espagne 1 176 108 2 643 482 3 819 590
7 Thaïlande 3 381 124 3 381 124
8 Italie 1 186 020 2 020 783 3 206 803
9 Japon 2 710 318 2 710 318
10 Burkina Faso 2 614 617 2 614 617
11 Chine 1 464 124 1 464 124
12 UEBL 1 422 360 1 422 360
13 Royaume-Uni 1 384 986 1 384 986
Direction générale des douanes, 2007 93
USAGES ET INTERACTIONS NATURE/SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

Figure 5 - Les échanges maritimes de la Côte d’Ivoire (2006)

MALI
BURKINA FASO
vers Niger

Odiénné
Korhogo
Bouna
GUINÉE

Bondoukou
Séguéla
Bouaké

Danané Man

Daloa
Yamoussoukro GHANA

Aboisso
LIBERIA
San Pedro Sassandra
ABIDJAN

Tabou

AFRIQUE
ASIE
EUROPE
OCÉANIE
AMÉRIQUE

Volume de marchandises (tonnes)


Flux de marchandises (milliers de tonnes)
Import 7 817 876

820 404
moins de 100 100 à 500 500 à 5 000 plus de 5 000
177 351

route principale
voie ferrée
Daloa ville 9 805 966
Export N
0 5 10 km
limite d'État Sources : PAA, 2006 ; PASP, 2006 J. H. KABLAN, A. KANGAH
94
L’IMPORTANCE DES PORTS MARITIMES DANS L’ÉCONOMIE IVOIRIENNE

Toujours en valeur, la France et les Pays-Bas sont les deux principaux clients

N’GUESSAN HASSY JOSEPH KABLAN


de la Côte d’Ivoire sur la période récente. Leurs importations cumulées se sont
élevées respectivement à 4 095 et 3 054 milliards de FCFA entre 2000 et 2006.
Ils devancent les États-Unis qui s’affichent comme la troisième destination des
produits ivoiriens (tableau 4). Absent des principaux clients avant l’an 2000, le
Nigeria est devenu un importateur important des marchandises transitant par
les ports ivoiriens en occupant en 2006 la 4e place avec une croissance entre
2000 et 2006 de +529,31 %, passant de 48,82 à 307,24 milliards de FCFA.
Mais le fait essentiel ici est l’absence des pays d’Asie et l’entrée remarquable
d’autres pays d’Afrique (Mali et Burkina Faso), ainsi que de l’UEBL (Union
économique belgo-luxembourgeoise).
En définitive, le solde commercial de la Côte d’Ivoire avec ses partenaires,
calculé à partir des échanges portuaires entre 2000 et 2006, a été bénéficiaire ;
avec les Pays-Bas, pour un solde qui s’est élevé à 2 597 milliards de FCFA lors
des 7 dernières années, avec les États-Unis (1 670 milliards de FCFA), le Mali
(755 milliards de FCFA), le Burkina Faso (728 milliards de FCFA), l’UEBL
(647 milliards de FCFA), l’Espagne (532 milliards de FCFA), l’Italie
(416 milliards de FCFA) et le Royaume Uni (110 milliards de FCFA). Ce
solde a été déficitaire pour la Côte d’Ivoire ; avec la France pour un montant
de 161 milliards de FCFA, avec la Thaïlande pour 373 milliards de FCFA,
l’Allemagne pour 451 milliards de FCFA, la Chine pour 513 milliards de FCFA
et, enfin, le Nigeria pour 2 093 milliards de FCFA.

Les freins à la dynamique portuaire en Côte d’Ivoire


La situation politique et économique
Les conséquences de la crise aiguë du 6 au 9 novembre 2004 et les incertitudes
quant à la tenue des élections générales initialement prévues, puis repoussées à
plusieurs reprises, ont fortement perturbé l’activité économique nationale.
La Côte d’Ivoire n’a donc pas pu profiter de la croissance de l’économie
mondiale tirée par les États-Unis d’Amérique (+ 3,7 % contre 0,9 % en 2004)
et la Chine (+ 9,5 % contre 4,5 % en 2004). L’instabilité politique qui a sévi dans
le pays dès le 19 septembre 2002 a eu un impact négatif sur les performances
de l’économie ivoirienne. « Alors que le taux de croissance du PIB dépassait 6 % par
an les deux années qui ont suivi la dévaluation du FCFA en janvier 1994, grâce notamment
aux mesures d’accompagnement mises en place par la communauté financière, le pays a connu
en 2000 un taux de croissance réelle négatif de -2,3 %. Après un taux de croissance réelle
de + 0,1 % en 2001, le pays va connaître encore des taux négatifs en 2002 (-1,6 %) et
en 2003 (- 1,7 %). Depuis 2004, le pays a retrouvé des taux de croissance réelle positifs,
+ 1,6 % en 2004, + 1,8 en 2005 et + 1,2 % en 2006 » (Ministère de l’économie et
des finances, 2007). Avant la fin de la crise, la Côte d’Ivoire démontre ainsi le
dynamisme de son économie.
Au plan sectoriel, l’année 2005 a été marquée par un ralentissement de
l’activité du secteur primaire dû à la baisse de la production nationale de
cacao (1,315 million de tonnes en 2005) par rapport au pic obtenu en 2004
(1,377 million de tonnes) et au démarrage difficile de la campagne en raison 95
USAGES ET INTERACTIONS NATURE/SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

de la tendance à la baisse des cours du cacao et du maintien à un niveau


élevé des stocks mondiaux. Fait peut-être plus étonnant, environ 10 %
de la production nationale sont détournés vers d’autres pays de la
sous-région du fait de la création des ports secs de Fengolo (Duékoué)
et de Vavoua, en zones occupées, et d’un prix aux producteurs plus
rémunérateurs au Ghana. Le secteur secondaire montre quant à lui une
stagnation des activités relativement à 2004, les incertitudes politiques et
les événements de novembre 2004 n’ayant pas encore redonné confiance
aux entrepreneurs. Les investissements privés sont en net recul faute de
visibilité et de lisibilité quant à l’environnement sociopolitique. Enfin,
l’activité maritime à travers le tertiaire devrait connaître une légère embellie
(+ 0,9 %) après trois années consécutives de recul. Cette légère hausse qui
est principalement tirée par le secteur des télécommunications cache le
repli du secteur maritime. En effet, depuis le déclenchement du conflit
en Côte d’Ivoire, le domaine maritime ivoirien subit les contrecoups de
l’instauration d’une surcharge sur le coût du fret liée à l’accroissement du
risque-pays. On enregistre ainsi sur l’ensemble des deux ports une baisse
de fréquentation des navires (Tapé, 2005).
Les finances publiques ont par ailleurs présenté des difficultés
persistantes de trésorerie qui ont nui au développement portuaire. Pour
y faire face, l’État a bien lancé au cours de l’année 2005 une opération
d’émission d’emprunt obligataire qui lui a permis de mobiliser environ
90 milliards de FCFA, mais ces ressources supplémentaires n’ont pas permis
d’honorer ses engagements financiers, notamment en ce qui concerne les
dépenses d’investissement. Le PASP qui attendait des transferts en capital
de 1 450 millions sur les périodes 2004 et 2005 n’a pu percevoir que
500 millions de FCFA.

Tableau 6 - Analyse comparée des barrages routiers en Côte d’Ivoire


et en Afrique de l’Ouest

Nbre de Fréquence Capitales Nbre de Fréquence


Itinéraire
barrages (km) africaines barrages (km)

Abidjan-Noé Lomé-Cotonou
(160 km)
10 16 (100 km)
2 50

Touba-Abidjan Ouaga-Cotonou
790 km)
45 17,55 (902 km)
17 53,06

Odienné-
Cotonou-Lagos
Touba-Abidjan 53 16,74 (30 km)
2 15
(887 km)
Cotonou-
Man-Abidjan Parakou (429
(600 km)
28 21,43 2 214,5
km)
96 Source : Confédération des syndicats des chauffeurs routiers de l’Afrique de l’Ouest, 2004
L’IMPORTANCE DES PORTS MARITIMES DANS L’ÉCONOMIE IVOIRIENNE

N’GUESSAN HASSY JOSEPH KABLAN


Pour une réduction des barrages routiers et corridors de sécurité
Les entraves à la fluidité routière, notamment par le racket généralisé,
constituent une autre conséquence de la guerre, néfaste pour l’activité
économique. Malgré les différentes campagnes de sensibilisation et la forte
implication des deux autorités portuaires, ce fléau persiste.
Les barrages routiers et les corridors de sécurité sont ces différents points
de contrôles érigés et institutionnalisés par les forces de défense et de sécurité
ivoiriennes aux principaux points stratégiques du pays : sorties des ponts,
carrefours des axes de circulation, villages et portes des villes… Les corridors
ont été officiellement institutionnalisés et réduits à 24 sur l’ensemble du
pays par les autorités pour faire face à leur nombre trop important, cause de
préjudices évidents portés aux transporteurs et voyageurs (perte de temps,
racket, appauvrissement de l’État et fatigue des usagers). Mais il en est tout
autrement dans la réalité. Ainsi, du port d’Abidjan aux frontières du Burkina
Faso et du Mali, les barrages officiellement réduits à quatre atteignent en
moyenne trente dans la pratique. Avec l’anarchie et le racket érigés en système,
chaque transporteur débourserait sur cet axe entre 110 000 et 180 000 FCFA
au seul profit des agents corrompus (Kablan, 2000).
La non-compétitivité du couloir ivoirien est ainsi manifeste (tableau 6), les
opérateurs étant soumis à un contrôle en moyenne tous les 16 kilomètres, alors
que dans les autres pays de la sous-région, la fréquence maximale est d’un
contrôle tous les 50 kilomètres. Le respect de la loi par ceux qui devraient
la faire respecter sur les routes apparaît donc, plus que toute autre, comme
une condition essentielle à la relance de la compétitivité des ports ivoiriens. Il
permettrait, par ailleurs, le retour vers le budget de l’État de ressources fiscales
enfin contrôlées.
La restauration qualitative et quantitative des voies de communication
L’avantage que le couloir ivoirien de transit a sur ses concurrents de la
sous-région est incontestablement la qualité de ses voies de communication.
Cependant, la dégradation des axes de circulation s’accélère aussi bien à l’intérieur
des localités qu’entre elles. Les voies routières sont soit recouvertes de goudron
parsemé de gros trous (nids de poules) sur de nombreux tronçons comme c’est
le cas sur la « côtière » entre Grand-Lahou et Tabou et entre Singrobo et Pogo,
soit tout simplement décapé sous l’action conjuguée des pluies et du poids des
véhicules très souvent en surcharge. La conséquence est la multiplication des
accidents routiers et l’inaccessibilité des zones de production.
Depuis l’indépendance, la Côte d’Ivoire avait pourtant accordé une place
importante à la mise en place d’un réseau routier moderne et performant
pour faciliter le développement des déplacements à l’intérieur du pays, mais
également le transit des marchandises vers les pays limitrophes. Cette politique
a permis d’accroître la compétitivité de l’économie ivoirienne et de consolider
son avantage comparatif dans la sous-région. Par rapport à 1960, les progrès
ont été notoires (Settié, 1997). De 530 kilomètres en 1960, le réseau viaire est
passé à 3 077 kilomètres en 1980, soit un quintuplement en 20 ans suivi, de 97
USAGES ET INTERACTIONS NATURE/SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

1980 à 2000 par un doublement. De 2000 à 2005, le réseau routier total n’a pas
connu d’évolution quantitative, avec 82 000 kilomètres dont 6 500 de routes
bitumées, mais il a été touché par une dégradation qualitative sérieuse.

Le poids des ports ivoiriens aux plans national et sous-régional


Les ports comme intégrateurs territoriaux
Les ports sont des centres pulsateurs d’échanges aux facteurs multiples.
Malgré les objectifs non atteints et les faiblesses soulignées précédemment, le
port de San Pedro joue ainsi un rôle important dans l’économie ivoirienne. Il
permet aux opérateurs de l’hinterland de réaliser d’importantes économies de
transport sur les coûts de pré et post-acheminement. Plus de 10 % du trafic
maritime de la Côte d’Ivoire passent par le port de San Pedro, ce qui a permis
à l’État d’y réaliser 17 % des recettes douanières en 2004. Il est aujourd’hui le
premier port mondial d’exportation de cacao et son développement a permis
la création d’un réseau routier essentiel pour son hinterland.
Le port d’Abidjan pourrait, quant à lui, devenir un puissant facteur
d’intégration régionale à l’échelle de l’Afrique de l’Ouest, s’il était bien épaulé
par des voies ferrées et des routes convenables. Il occupe déjà la première place
des ports de la côte ouest africaine et permet de couvrir 70 % des échanges
extérieurs des pays de son hinterland proche, Burkina Faso, Mali, Niger et
Guinée Conakry. Ce rôle fédérateur du port ivoirien est porté par la vision
stratégique des autorités politiques et portuaires qui se veulent être au service
de la paix et de la solidarité sous-régionale. L’objectif demeure en effet de
renforcer le dynamisme régional du port d’Abidjan, le scénario des régions
transnationales étant toujours plausible malgré les entraves du moment. Parmi
les facteurs actifs, le climat politique joue bien entendu autant que celui de
l’économie. Déjà, le port est passé aujourd’hui du stade de marché national
à celui de marché commun sous-régional qui, avec l’ouverture des barrières
douanières, va certainement entraîner un accroissement du trafic national d’une
part, du transit et du transbordement d’autre part.
La signature en 2001 de la convention relative à l’extension du port d’Abidjan
à Locodjro (puis plus tard à l’île Boulay et sur le cordon littoral) est aussi un
signal fort que les Autorités du Port autonome d’Abidjan entendent donner
à tous les opérateurs, pour démontrer leur ferme volonté d’offrir au port des
atouts nouveaux afin de lui permettre de continuer à jouer le rôle qui a toujours
été le sien dans l’économie et dans la coopération sous-régionale.
Abidjan et San Pedro, pôles d’activités portuaires
L’essor remarquable du port d’Abidjan a attiré et favorisé l’implantation
sur 800 hectares de son domaine d’activités des plus grandes unités
industrielles de Côte d’Ivoire. Depuis sa création en 1951, il a constitué un
point d’ancrage essentiel à l’économie ivoirienne, regroupant aujourd’hui
65 % des établissements de production du pays et une multitude d’entrepôts
commerciaux d’où arrivent et partent les produits les plus divers. Ces zones
98 industrielles portuaires sont créatrices d’emplois, mais le port lui-même l’est
L’IMPORTANCE DES PORTS MARITIMES DANS L’ÉCONOMIE IVOIRIENNE

également, puisqu’il demeure le deuxième employeur de Côte d’Ivoire, après

N’GUESSAN HASSY JOSEPH KABLAN


l’État. Il offre près de 35 000 emplois directs, dont 4 500 dockers, et regroupe
également un ensemble de 221 sociétés d’opérateurs et auxiliaires de transport
maritime dont 28 manutentionnaires, 44 consignataires, 88 transitaires et 61
avitailleurs maritimes. S’y ajoutent enfin de nombreux autres emplois liés
aux diverses activités informelles qui se développent autour de ces activités
classiques, ainsi que ceux du port de pêche, l’un des premiers ports thoniers
d’Afrique doté d’équipements modernes bord à quai et de plusieurs usines de
transformation des produits de la mer.
Le port de San Pedro a permis, quant à lui, la création d’environ 4 000 emplois
en zone portuaire dont 975 dockers en 2005. La faiblesse relative de l’emploi
généré par le port de San Pedro est le fait conjugué du manque de décollage
franc du trafic portuaire et de la situation sociopolitique qui n’a épargné aucun
secteur économique. L’activité portuaire réalise 10,3 milliards de valeur ajoutée,
contribuant ainsi à 8 % de la richesse créée dans la commune selon l’Institut
national de la statistique (INS) à San Pedro. Toutefois, le port ne dispose pas
encore véritablement d’une zone industrialo-portuaire qui contribuerait à la
diversification du trafic et à la création de nombreux emplois.
Les revenus des ports ivoiriens
Par l’importance de leur trafic, les ports sont le siège de perception de
nombreuses recettes pour l’autorité portuaire comme pour l’État. L’autorité
portuaire tire l’essentiel de ses recettes des taxes sur les marchandises, les
navires, le domaine et divers autres services aux clients-partenaires (grue,
portiques, etc.). Il y a même une corrélation entre l’évolution du trafic des ports
et celle de l’économie du pays, car plus de 90 % des échanges commerciaux en
valeur et en volume transitent par les ports ivoiriens (Direction Générale des
douanes, 2004). L’État y retire 60 % de ses revenus et 70 % du PIB national
passe par les ports.

La contribution des ports à la politique de relance économique


Les transports de marchandises reflètent l’activité économique d’un pays.
Ainsi, l’activité du port d’Abidjan est conditionnée par le commerce extérieur
de la Côte d’Ivoire que le coup d’État de 1999 et la crise de rébellion sont
venus ralentir puis, dans sa durée, compromettre dangereusement. En effet,
le pays est divisé en deux depuis septembre 2002 et le port est ainsi privé des
marchandises issues d’une partie de son hinterland et par ricochet d’une partie
de son commerce extérieur, de ses revenus, de ses clients, etc.
Dans ces conditions, l’activité portuaire en Côte d’Ivoire est-elle en mesure
de contribuer à la relance de l’économie nationale ?
Développer le rôle du port dans l’économie
Les ports sont des ensembles d’infrastructures, superstructures et services
mis en place pour assurer le transport des marchandises d’un mode de transport
maritime vers d’autres modes de transport tels que la route, le chemin de fer, les 99
USAGES ET INTERACTIONS NATURE/SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

voies d’eau intérieures (fluviale ou lagunaire). Ce sont de puissants instruments


de soutien et d’impulsion du développement économique national. Le rôle joué
par le port dans l’économie nationale se situe à différents niveaux : échanges
extérieurs, revenu fiscal, activités industrielles et emplois.
Renforcer l’accueil des activités de pêche
Les ports sont le plus souvent subdivisés en deux grandes zones : le port de
pêche et le port de commerce. Le port de pêche d’Abidjan traite annuellement
plus de 300 000 tonnes de poissons dont environ 200 000 empruntent les circuits
de distribution. Une quarantaine de sociétés agréées en qualité d’importateurs,
dont 12 principales, interviennent dans le secteur et s’appuient sur un réseau
d’entrepôts frigorifiques d’environ 80 000 tonnes de capacité de stockage pour
la seule région d’Abidjan, dont 56 000 tonnes dans la zone du port de pêche.
Les autres secteurs d’activité, en particulier ceux de l’informel, contribuent
largement au développement du commerce de poisson en Côte d’Ivoire.
Le poids des opérateurs de la filière halieutique dans l’économie nationale
est ainsi édifiant. Les six premières unités industrielles de conserverie (Groupe
SCODI-SIFROID, Pêche et froid, CASTELLI, COFIPÊCHE, SOGEF, REAL),
de production de filets, de farine, de glace réalisent un chiffre d’affaires annuel
cumulé de 135 milliards de FCFA. On compte plus de 40 importateurs agréés et
14 armements à la pêche locale qui produisent plus de 30 000 tonnes de poisson
frais et réalisent un chiffre d’affaires annuel de plus de 9 milliards de FCFA. Les
armements à la pêche thonière produisent plus de 30 000 tonnes de thon pêché.
Au total, la filière pêche représente plus de 230 milliards de FCFA.
Les ports doivent rester les « poumons de l’économie ivoirienne »
Le Produit Intérieur Brut (PIB) de la Côte d’Ivoire réalisé en 2000 a été de
6 670,9 milliards dont 2 572,9 milliards, soit 38 %, pour les exportations et
1 770,4 milliards, soit un équivalent de 26,5 % du PIB, pour les importations,
ce qui représente une part de la production nationale associée aux échanges
de 65 % du PIB. En 2006, ces échanges se font pour plus de 95 % par voie
maritime et près de 95 % par le port d’Abidjan, ce qui lui a valu le qualificatif
de « poumon de l’économie ivoirienne ». C’est la principale zone de recette
des ports et de l’État.
Il apparaît donc essentiel de redonner confiance aux armateurs et opérateurs
économiques dans l’hinterland en revenant à la paix par une réunification du
territoire national. Il s’agira ensuite de mettre en œuvre les grands projets,
d’améliorer la qualité des voies de desserte et de réduire les barrages routiers.
Accentuer le rôle d’entraînement du développement industriel
Le port d’Abidjan a rempli des fonctions aussi importantes que variées
(Vigarié, 1993) au nombre desquelles celles de catalyseur de développement
industriel et d’activités diverses, génératrices d’emplois. C’est à la suite de
l’ouverture de ce port et aux facilités qu’il offrait que la Côte d’Ivoire a pu, à
partir de 1950, importer des charges unitaires de plus en plus lourdes, permettant
100 ainsi de favoriser l’installation des premières unités industrielles du pays. Cette
L’IMPORTANCE DES PORTS MARITIMES DANS L’ÉCONOMIE IVOIRIENNE

opération doit être reprise à San Pedro qui présente des potentialités et dispose

N’GUESSAN HASSY JOSEPH KABLAN


d’espaces à même d’accueillir de nouveaux établissements de production. À
Abidjan, il s’agit d’appliquer les différents plans directeurs en exploitant les
sites portuaires prévus pour les extensions programmées (Locodjro, île Boulay
et cordons littoraux à l’ouest du canal de Vridi).
Renforcer le poids du port d’Abidjan dans la sous-région
Les relations historiques entre la Côte d’Ivoire et ses voisins, la position
géographique du port d’Abidjan d’une part, la qualité et la densité du réseau de
communication d’autre part, offrent des facilités de desserte et une ouverture
sur l’ensemble de la communauté des pays de l’Ouest africain qui y font
transiter leurs marchandises, ou s’y approvisionnent. Ces échanges contribuent
à en faire un grand carrefour international et un centre dynamique de services
et des affaires. À travers son rôle économique, au plan sous-régional, le Port
autonome d’Abidjan contribue à la valeur ajoutée de l’économie nationale et
ainsi à la croissance économique du pays.
Au sein de l’Union économique et monétaire ouest Africaine, la Côte
d’Ivoire est le premier partenaire commercial du Mali et du Burkina Faso
et le troisième du Niger. À titre indicatif, l’industrie ivoirienne réalise sur le
marché malien un chiffre d’affaires oscillant entre 130 et 140 milliards de
FCFA par an. La seule société Blohorn y a vendu pour l’huile Dinor près de
17 milliards de FCFA en 1999.
L’utilisation du port d’Abidjan par les voisins entraîne un surcroît
d’activités pour la communauté portuaire, générant des ressources
financières additionnelles importantes pour tous les intervenants dans le
passage portuaire et le transit des marchandises : PAA, manutentionnaires,
transitaires, transporteurs routiers, Sitarail, etc. Selon les experts portuaires
d’Abidjan, 10 000 tonnes de marchandises supplémentaires en transit génèrent
plus de 500 millions de FCFA de valeur ajoutée à l’économie ivoirienne et
particulièrement au port, aux opérateurs, aux différents transporteurs terrestres,
aux distributeurs de produits pétroliers, aux restaurateurs, aux hôtels, etc.
Les ports d’Abidjan et de San Pedro sont donc non seulement des outils
de soutien et d’impulsion de la croissance et du développement économique
national, mais aussi des instruments privilégiés de coopération internationale.

Conclusion
Les perspectives économiques nationales en général et portuaires en
particulier restent corrélées aux avancées du processus de normalisation
politique devant déboucher sur une réunification du pays et redonner
confiance aux partenaires commerciaux dans ses arrière et avant-pays. Malgré
les soubresauts sociopolitiques, le pays peut compter sur le dynamisme de son
agriculture, la diversification de son industrie et l’augmentation de sa production
pétrolière pour conserver le leadership dans la sous-région.
Les différentes crises survenues en Côte d’Ivoire entre décembre 1999 et
novembre 2004 ont toutefois eu des conséquences multiformes aux plans 101
USAGES ET INTERACTIONS NATURE/SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

international et sous-régional. Elles se sont manifestées notamment par des


surcharges imposées par les assureurs maritimes pour risques de guerre et par
un détournement de trafics vers les ports concurrents qui se sont équipés et
restructurés pour desservir les pays de l’hinterland.
La réflexion sur les interactions entre le développement économique et les
activités portuaires doit être poursuivie aussi bien dans la sous-région qu’en
Afrique. En effet, les activités portuaires contribuent sous des formes multiples
à l’aménagement du territoire et à la formation des hommes. Le rôle joué par
les ports étant appelé à s’accroître, il devient nécessaire de poser l’avenir en
des termes de développement durable et de permettre notamment d’adapter
le modèle de développement dans l’optique de vaincre la pauvreté. Les ports
et les échanges maritimes, par leur poids dans l’économie de la mondialisation,
peuvent finalement aussi y contribuer.

Références
Direction générale des douanes, 2007. Statistiques douanières, 8 pages multigr.
KABLAN N.H.J., 2000. Les arrière-pays des ports ivoiriens, thèse de 3e Cycle de Géographie,
Université de Cocody Abidjan, Abidjan, 342 p.
Ministère de l’Économie et des Finances, 2007. La Côte d’Ivoire en chiffres, édition 2007,
Direction générale de l’économie, Dialogue production, Abidjan, 222 p.
PAA, 2006. Rapport d’exploitation, PAA, Abidjan, 80 pages et suivantes. (voir aussi
http://www.paa-ci.org/)
PASP, 2006. Rapport d’exploitation, PASP, Abidjan, 50 pages et suivantes.
SETTIÉ L. É. (1997). L’État et le processus de développement en Côte d’Ivoire : 1960-1980
(Histoire de l’émergence d’une économie moderne), Hanns-Seidel – IPNEPT, Abidjan,
278 p.
TAPE B. J., 2004, Économie maritime et portuaire de la Côte d’Ivoire : Étude géographique,
thèse de Doctorat d’État en Géographie, Université de Cocody Abidjan, Abidjan,
3 Tomes, 876 p.
TAPE B. J., 2005. « Impact de la crise ivoirienne sur les ports ouest-africains », Outre-
terre, revue française de géopolitique, n°11 mai 2005, 606 pages avec Atlas et encart
couleurs : De l’Afrique au Gondwana ?, p. 309-318.
VIGARIÉ A., 1993. « Abidjan : le port et son rôle dans le développement urbain »,
African Urban Quaterly, vol. 9 (1-2), p. 39-51.

102
LES ÉCHANGES MARITIMES DE LA CÔTE D’IVOIRE AVEC LA FRANCE DE 2000 À 2004

BIDI JEAN TAPÉ


Les échanges maritimes de la Côte d’Ivoire et la
question du trafic interportuaire avec la France
de 2000 à 2004
Bidi Jean TAPÉ
Institut de Géographie Tropicale, Université de Cocody Abidjan
(Côte d’Ivoire)

Le transport maritime représente en ce début de millénaire une part


importante de l’acheminement du commerce extérieur français et ivoirien,
soit 1/5 de la valeur des échanges extérieurs de marchandises de la France et
plus des 2/5 de leur tonnage, tandis que 94 % des produits entrant et sortant
de Côte d’Ivoire passent par les ports de San Pedro et Abidjan. Selon Bergano
et Faivre (2001), les échanges agricoles et agroalimentaires, hors Maghreb,
étaient surtout réalisés avec la Côte d’Ivoire contre des marchandises diverses.
Ces échanges étaient même crédités d’un solde positif de 17 millions d’euros
pour la France qui exportait vers la Côte d’Ivoire pour 555 millions d’euros
contre 538 millions d’euros en import. Puissance colonisatrice, la France a
établi avec la Côte d’Ivoire des liens commerciaux qui se sont consolidés et
amplifiés depuis l’ouverture du port d’Abidjan. Ces liens lui assurent la place
de leader dans le domaine des échanges avec les partenaires au-delà des mers.
C’est aussi ce qui explique qu’on ait voulu mettre en avant la politique maritime
menée par la Côte d’Ivoire indépendante pour valoriser le magnifique outil
portuaire laissé par les colonisateurs français. 103
USAGES ET INTERACTIONS NATURE / SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

Toutefois, le Rapport d’activités 2004 du Port Autonome d’Abidjan


(PAA, 2004), principale ouverture maritime de la Côte d’Ivoire sur le monde
extérieur, pointait la France en 3ème position au niveau de la répartition du
tonnage de marchandises par pays, derrière le Nigeria et les États-Unis
d’Amérique, la France se faisant même dépasser par l’Espagne au niveau
des importations par pays. Comment expliquer la baisse des échanges
interportuaires entre la France et la Côte d’Ivoire entre 2000 et 2004 ? Le
coup d’État de 1999, la crise politico-militaire de septembre 2002 et les
graves manifestations anti-françaises de novembre 2004 ont-elles perturbé
les relations économiques entre la Côte d’Ivoire et la France ?

La politique maritime ivoirienne


La politique maritime ivoirienne s’est faite globalement autour d’une volonté
politique : la création d’un Ministère de la Marine (Tapé Bidi, 2004).
Le Ministère de la Marine
Le 4 mars 1976, le Secrétariat d’État à la Marine, créé le 24 juillet 1974,
est érigé en Ministère sous la responsabilité de Lamine Fadika, Officier
de marine. Durant de longues années, de 1974 à 1987, ce ministère est
intervenu à titre autonome et principal dans la conception et la gestion
de la politique maritime ivoirienne. Il a d’une, part mis, en place et animé
toutes les structures nationales relatives à la mer et suscité, d’autre part, la
création d’organisations sous-régionales.
Les missions du Ministère de la Marine
À l’exception de la pêche, de la recherche océanographique et des
activités offshore, le Ministre de la Marine a en charge la responsabilité
de toutes les activités qui ont la mer pour cadre ou pour objet. S’y
ajoutent des attributions en matière de défense pour la gestion et
le soutien des forces navales et des attributions dans le domaine de
l’environnement marin et lagunaire. Sont également de son ressort,
la formation, l’enseignement et les études de recherche maritime. Le
Ministre élabore et fait appliquer les règles de sécurité relatives aux
navires de commerce, de pêche et de plaisance. Il exerce également son
autorité sur l’ensemble des entreprises privées du secteur maritime.
C’est donc l’intégralité du secteur maritime, c’est-à-dire tous les intérêts
commerciaux, juridiques et techniques qui relèvent de la compétence du
Ministère de la Marine qui, de ce fait, apparaît comme un département
spécialisé et polyvalent.
Un des traits marquants de la politique maritime ivoirienne demeure
la mise en place d’une stratégie maritime nationale qui se veut d’abord
globale dans la mesure où elle s’applique à l’intégralité du secteur maritime
ivoirien. Elle se veut également cohérente, dans la mesure où elle tient
dûment compte des interrelations dynamiques existant entre ces éléments,
et les intègre dans la totalité de leurs aspects économique, commercial,
104 financier, juridique, technique et humain.
LES ÉCHANGES MARITIMES DE LA CÔTE D’IVOIRE AVEC LA FRANCE DE 2000 À 2004

Pays ouvert sur l’extérieur autant sur le plan politique que sur le plan

BIDI JEAN TAPÉ


économique, la Côte d’Ivoire a besoin de l’extérieur non seulement pour
placer ses produits à l’exportation, mais également pour acquérir les biens
nécessaires à son équipement. Ces produits et ces biens transitent à près
de 90 % par voie maritime, d’où la nécessité de maîtriser l’ensemble des
services de cette filière de transport afin de consolider sa souveraineté,
d’adapter la desserte maritime à ses besoins, de réduire les fuites de devises
fortes et de promouvoir ses exportations. Ceci explique la mise en place de
structures opérationnelles.
Les structures nationales
Autour des ports d’Abidjan et de San Pedro qui se trouvent depuis
août 1977 sous la tutelle technique du Ministère de la Marine, ont été
créées deux sociétés de transports maritimes : la Société ivoirienne
de transport maritime (SITRAM), alors propriété à 100 % de l’État
et la Société de navigation maritime (SIVOMAR), armement privé à
participation nationale majoritaire. Elles sont appuyés dans le domaine
des auxiliaires de transport maritime par la Société ivoirienne d’opérations
maritimes (SIVOM), la SITRAM International shipping agencies (SISA),
la Société ivoirienne d’engineering en transport maritime et en logistique
internationale (SIETRANS) pour la SITRAM et la société de manutention
MANIVOIR pour la SIVOMAR.
Une stratégie maritime qui se veut efficace doit éclairer les actions et
les décisions qu’elle implique par une information et une documentation
maritime adéquate aux plans historique, économique et financière,
juridique et technique. Cette information et cette documentation doivent
être objectives, complètes et suffisantes, sérieuses et parfaitement
entretenues. C’est ce qui justifie la création de l’Institut de documentation,
de recherches et d’études maritimes (IDREM). L’IDREM a produit de
nombreuses publications sur le milieu maritime et portuaire. Presque tous
les thèmes ont été abordés, de l’économie au droit maritime, en passant
par la sociologie des gens de mer. Au niveau des publications annuelles,
on peut citer L’annuaire Maritime, L’Agenda Maritime et surtout la Revue
Maritime Africaine, une publication trimestrielle connue et appréciée dans
toute la sous-région.
L’Office ivoirien des chargeurs (OIC) est l’instrument privilégié de la
politique maritime de rationalisation de la desserte maritime. Le décret de
réorganisation de l’Office, d’août 1977, donne compétence à l’OIC pour
négocier, faire appliquer et contrôler l’application effective des taux de
fret maritimes intéressant toutes les catégories de marchandises à l’entrée
et à la sortie des ports ivoiriens. Il doit mettre en œuvre, en liaison avec
les administrations nationales et étrangères compétentes, les mesures et
les mécanismes de réglementation du trafic maritime ivoirien visant à
promouvoir l’optimisation de l’emploi de la flotte marchande nationale et
la rationalisation de la desserte maritime du territoire ivoirien. 105
USAGES ET INTERACTIONS NATURE / SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

La Côte d’Ivoire et l’Organisation Maritime Internationale


Le rôle dans la sous-région
Le leadership maritime de la Côte d’Ivoire dans la sous-région commence le
6 mai 1975 lorsque, à l’initiative du Président Félix Houphouet Boigny tous les
chefs d’État anglophones et francophones de la sous-région réunis à Abidjan
créent la Conférence ministérielle des États de l’Afrique de l’Ouest et du Centre
sur les transports maritimes (CMEAOC/TM); en vue d’œuvrer d’un commun
accord à la réduction des taux de fret, d’analyser les problèmes maritimes et de
jeter les bases d’une stratégie à moyen et long termes en matière de coopération
sous-régionale. Grâce à cette organisation qui comptera en définitive 25 pays
membres, les augmentations imminentes des taux de fret des Conférences
maritimes furent réduites de 30 % à 4 % par l’action d’un Comité Régional de
Négociation de frets maritimes.
La CMEAOC/TM est administrée au quotidien par un expert maritime à
plein-temps, élu Secrétaire Général par l’Assemblée Générale des Ministres
avec des fonctions techniques, administratives et financières. Le secrétariat
Général est fixé à Abidjan.
Les organes spécialisés prévus par la charte d’Abidjan en soutien au Secrétariat
Général sont les suivants :
- l’Union des conseils nationaux de chargeurs (UCCA) : son objectif
fondamental est de favoriser une coopération étroite apte à faciliter les
négociations avec les conférences maritimes, à défendre les intérêts des
chargeurs et à assurer, en veillant à la bonne application de la règle dite
des 40-40-20, la promotion des flottes nationales et sous-régionales ;
- créée en 1972 et intégrée aux structures de la CMEAOC en février 1977,
l’Association de gestion des ports de l’Afrique de l’Ouest et du Centre
(AGPAOC) siégeant à Lagos, a pour mission de coordonner les politiques
d’investissements et d’équipements des ports de la sous-région, d’harmoniser
les programmes de travaux de dragage de ces ports, d’organiser des séminaires
de réflexion et enfin de conduire des études aptes à optimiser la gestion et
l’exploitation des ports de l’Afrique de l’Ouest et du Centre ;
- l’Association des compagnies africaines de navigation maritime (ACNAM)
est en charge des études et expérimentations devant permettre d’assurer, grâce
à des matériels navals appropriés, une desserte conséquente de la sous-région et
de mener des actions susceptibles de garantir une participation significative des
pays de l’Afrique de l’Ouest et du Centre au transport des cargaisons en vrac
générées par leur commerce extérieur.
En plus de ces organes spécialisés, il existe deux Académies Maritimes
Régionales dont l’une est basée à Abidjan, l’Académie régionale des sciences
et techniques de la mer (ARSTM) pour les membres francophones, et l’autre à
Accra pour les pays membres anglophones.
Au cours de sa sixième session extraordinaire tenue à Abidjan du 2 au
6 août 1999, la CMEAOC/TM a changé de dénomination devenant
l’Organisation maritime de l’Afrique de l’Ouest et du Centre (OMAOC).
106 L’OMAOC, comme la défunte CMEAOC/TM, a pour souci d’harmoniser
LES ÉCHANGES MARITIMES DE LA CÔTE D’IVOIRE AVEC LA FRANCE DE 2000 À 2004

les politiques et stratégies maritimes et portuaires des États membres dans le

BIDI JEAN TAPÉ


secteur du transport maritime, des ports, de la sécurité, de la navigation et de la
protection de l’environnement marin.
Le rôle à la CNUCED
La Côte d’Ivoire a joué un rôle majeur à la Conférence des Nations Unies
sur le commerce et le développement (CNUCED) à travers les activités de son
volet maritime par l’acceptation par la communauté internationale de son idée
d’un Nouvel Ordre Maritime International.
Le Nouvel Ordre Maritime International a pour objectif fondamental la
maîtrise de la desserte maritime du pays concerné. Les trois objectifs sectoriels
majeurs sont de garantir durablement à chaque pays en développement : (1) une
participation aux opérations maritimes portant sur le transfert des cargaisons de
son commerce international ; (2) une participation aux processus et modalités
de détermination effective des coûts d’acheminement des cargaisons ; (3)
la garantie de la liberté de rationaliser la desserte maritime de son territoire.
Le Nouvel Ordre Maritime International s’appuie d’une part sur le Code de
conduite des conférences maritimes, établi par la CNUCED en avril 1974
pour les trafics de lignes régulières et, d’autre part, sur des recommandations
pressantes de la même CNUCED-V sur la redistribution équitable des flux
mondiaux de vracs solide et liquide.
La dynamique de ce Nouvel Ordre Maritime International naissant a donné, il
faut le dire, une vigoureuse impulsion à l’entrée des pays en développement sur
les marchés maritimes mondiaux par une expansion de leurs flottes nationales.
Ainsi, la part respective des pays en développement et des pays africains dans
le port en lourd de la flotte mondiale est passée de 6,3 % et 0,4 % au début
de la décennie 1970, à 10,1 % et 1,0 % au début de la décennie suivante. De
même, la part des pays en voie de développement en cargos classiques est
passée de 14,8 % du Tonnage de jauge brute (TJB) mondial en 1976, à 16,8 %
en 1980. Certes cette croissance est imputable, au niveau global des pays en
développement, à treize pays essentiellement, et au plan africain à cinq pays
dont la Côte d’Ivoire, mais cela n’ôte pas sa valeur significative au bond en
avant de l’armement national du Tiers-Monde.
La Côte d’Ivoire a conclu avec ses partenaires commerciaux tant africains
qu’européens et ce, dans le respect des intérêts mutuels de chaque partenaire, des
accords bilatéraux dont le plus ancien est bien sûr avec la France, la puissance
colonisatrice, le 24 avril 1961. Avec l’intensification du commerce maritime entre
la France et la Côte d’Ivoire, le trafic maritime a été réorganisé par un protocole
signé à Paris le 12 octobre 1976 pour une politique plus équitable en matière de
traitements des navires, des taux de fret et répartition des cargaisons.
Grandeur et décadence de la politique maritime
Lamine Fadika et la voix de la Côte d’Ivoire dans les instances internationales
Sous le Président Félix Houphouet Boigny, la Côte d’Ivoire s’affirme alors
d’emblée à la fois comme l’un des principaux acteurs et l’un des partisans les
plus convaincus du Nouvel Ordre Maritime International. 107
USAGES ET INTERACTIONS NATURE / SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

Les activités de la CMEAOC/TM permettent au Ministre Fadika de


déployer ses capacités de négociateur en faisant admettre aux pays de la sous-
région et à leurs partenaires européens le concept du Nouvel Ordre Maritime
International dans la perspective de promouvoir le développement maritime
des pays du Tiers-Monde.
Cette participation dynamique du Ministre Lamine Fadika, en tant que porte-
parole des 125 nations sous-développées dans le dialogue Nord-Sud sur le
Nouvel Ordre Maritime International et à toutes les réunions internationales, lui
a valu le 16 juillet 1984, au Palais des Nations de Genève, d’être élu à l’unanimité
et par acclamation par l’ensemble des cent délégations présentes à la session,
comme Président de la Conférence des Plénipotentiaires des Nations Unies sur
les conditions d’immatriculation des navires. Les communautés portuaires et
maritimes de la Côte d’Ivoire et de l’Afrique de l’Ouest et du Centre lui sauront
gré d’avoir fait connaître les ambitions maritimes de la Côte d’Ivoire et de la
sous-région à travers le monde.
Lorsque le 17 décembre 1987, un communiqué du gouvernement annonçait
la disparition d’un ministère spécifiquement voué aux activités de la mer et
le départ du ministre Lamine Fadika, celui-là même qui apparaissait comme
le principal acteur et animateur de la maritimisation de la Côte d’Ivoire et de
la sous-région, certains analystes pariaient déjà sur le déclin de la politique
maritime dans toute la région. Ce qui ne tarda pas.
L’effondrement de la politique maritime ivoirienne
La crise économique, qui secouait les pays en développement et qui perdure,
a conduit certains États de la sous-région à adopter des programmes de
restructuration économique, en accord avec les institutions de Bretton Woods
et d’autres partenaires au développement. Ces programmes d’ajustement
structurel se sont traduits dans le domaine des transports maritimes par des
conditionnalités relatives à la privatisation des structures d’opérations maritimes
et paramaritimes, à l’abandon de tous les mécanismes de restriction administrative
de l’accès à la cargaison et à la réforme du dispositif institutionnel d’appui aux
chargeurs. La Banque Mondiale faisait malheureusement état d’une «absence de
transparence induite par des textes réglementaires discriminatoires», favorisant par un
système de répartition des cargaisons les armements nationaux SIVOMAR et
SITRAM. En 1994, dans le cadre d’un nouveau plan d’ajustement structurel
en discussion entre la Côte d’Ivoire et ses bailleurs de fonds, notamment la
Banque Mondiale, les conditionnalités pour l’octroi d’un crédit pour la relance
économique (CARE), touchaient à la répartition des cargaisons, activité la
plus génératrice de ressources pour l’Office ivoirien des chargeurs. La Banque
Mondiale exigeait la libéralisation du commerce maritime par la suppression des
taxes et le non-soutien au pavillon national. Cela revenait à un démantèlement
pur et simple de la politique de soutien au pavillon national à travers la répartition
des cargaisons instituée en Côte d’Ivoire.
En signant cet accord, le gouvernement ivoirien d’alors, sous le mandat du
Président Henri Konan Bédié, avait signé l’arrêt de mort du secteur maritime
108 ivoirien, puisque la première réaction de tous les partenaires des armements
LES ÉCHANGES MARITIMES DE LA CÔTE D’IVOIRE AVEC LA FRANCE DE 2000 À 2004

ivoiriens fut de dénoncer les différents accords. Désormais, les armements des

BIDI JEAN TAPÉ


pays occidentaux pouvaient se passer de ceux de la Côte d’Ivoire et charger à
volonté. Or la SITRAM, qui avait beaucoup investi pour acquérir des navires
neufs ne pouvait supporter la concurrence des autres armements qui tiraient les
prix à la baisse. Cela affaiblit considérablement la position de la Côte d’Ivoire
dans le secteur des transports maritimes, le pays allant même jusqu’à démanteler
la SITRAM en bradant tous les navires, qui revenaient dans les ports ivoiriens
sous d’autres dénominations.
Cette analyse est d’autant plus fondamentale que la Côte d’Ivoire n’était
pas au départ dans une position favorable dans la sous-région. Elle avait à ses
côtés des régimes marxistes repliés sur eux-mêmes, une bonne partie des États
étant enclavés ; s’ajoutaient par ailleurs l’immensité territoriale et les ressources
humaines et naturelles de la grande Nigeria, le poids des puissances coloniales
qu’étaient la France et la Grande-Bretagne et la toute puissance de la Banque
Mondiale et des institutions financières internationales qui avaient un droit de
regard sur tout investissement et tout projet des pays pauvres du Tiers-Monde.
Aussi, pensons-nous que si la Côte d’Ivoire n’avait pas de «passé maritime», elle
a assurément aujourd’hui un «présent maritime». Aux générations présentes de
savoir en tirer profit et de lui donner de bonnes perspectives.

Les ports
La crise politico-militaire qui perdure depuis septembre 2002 en Côte
d’Ivoire ne semble pas avoir affecté outre mesure les ports ivoiriens. Certes,
les conditions d’accès aux ports sont plus drastiques, des armateurs et des
opérateurs économiques plus prudents se sont déportés vers les autres ports
de la sous-région, de nouveaux partenaires commerciaux sont apparus, certains
pays ont vu leur présence renforcée, d’autres ont perdu des parts de trafics
(Tapé Bidi, 2005). Mais en dépit de ces perturbations diverses, la France à
travers ses entreprises demeure au cœur du dispositif portuaire ivoirien. Le
rappel de ces échanges privilégiés et particuliers n’est pas inutile.
Présentation des systèmes portuaires français et ivoirien
Le système portuaire français se répartit sur trois façades (Littoral français, 2000) avec
de multiples ports de taille et d’activité diverses. On dénombre en tout plus de 70 ports
publics, classés jusqu’en 2006 en trois catégories :
- 6 ports autonomes (PA) qui possèdent le statut d’établissements publics
disposant d’une autonomie de gestion des infrastructures portuaires. Il s’agit de
Dunkerque, Le Havre, Rouen, Nantes, Bordeaux et Marseille ;
- 10 ports d’intérêt national (PIN) qui relèvent directement de l’État par
l’intermédiaire des services maritimes des Directions Départementales de
l’Équipement, mais dont l’exploitation des superstructures est la plupart du
temps concédée à une Chambre de Commerce et d’Industrie ;
- des ports décentralisés (PD), administrés par des collectivités locales qui
relèvent des départements pour les ports de commerce et de pêche ou des
communes pour les ports de plaisance. 109
USAGES ET INTERACTIONS NATURE / SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

Figure 1 - Trafic général des ports d’échanges entre la Côte d’Ivoire et la France

milliers de tonnes
100

80

60

40

20

0
rt

t
te

Ba n
e

Ab x
n

s
ue

vre

ille
o

es

au

nte
ulo

Sa endr

pp

e
nn

ell

ue
po

ja
dr

Ca

e rq

rse
Br

Ha
ch

rde
Die

yo

Ro
Tré

id
To

Na
Pe
rt-v

nk
Ro

Ma
Le
Bo
Le

Du
n
Po

La

Sources : INSEE 2004, PAA, PASP, 2004 B. TAPE, A. KANGAH

Figure 2 - Évolution du trafic PAA-France de 1983 à 2004

milliers de tonnes
1 800

1 600

1 400

1 200

1 000

800

600

400

200
B. TAPE, A. KANGAH
0
83

85

90

95

00

04
19

19

19

19

20

20

110 import export total Source: PAA, 2004


LES ÉCHANGES MARITIMES DE LA CÔTE D’IVOIRE AVEC LA FRANCE DE 2000 À 2004

Les relations portuaires entre la France et la Côte d’Ivoire peuvent ainsi être

BIDI JEAN TAPÉ


comptabilisées à travers cette classification qui nécessite la prise en compte des
6 ports autonomes, de 6 ports d’intérêt national (Sète, Dieppe, La Rochelle-la
Palice, Brest, Toulon et Caen) et de 2 ports décentralisés (Le Tréport et Port-
Vendres). Ces ports en relation avec la Côte d’Ivoire sont disposés de la manière
suivante : (1) Toulon, Port-Vendres et Marseille sur la façade Méditerranéenne ;
(2) Bayonne, Bordeaux, La Rochelle, Nantes Saint-Nazaire et Brest sur la côte
Atlantique ; (3) Caen, Le Havre, Rouen, Dieppe, Le Tréport et Dunkerque sur
la Manche/mer du Nord.
La Côte d’Ivoire, quant à elle, s’ouvre sur 570 kilomètres de côte sur
l’Atlantique dans sa partie sud, où les ports d’Abidjan et de San Pedro sont
diamétralement opposés, l’un à l’ouest de cette façade maritime et l’autre à l’est. Le
port d’Abidjan, création des colonisateurs français est situé dans les eaux calmes
de la lagune Ébrié et ouvert depuis juillet 1950 à la suite du creusement du canal
de Vridi. Le port de San Pedro est logé dans une baie constituée par l’embouchure
d’une rivière détournée. Il fut construit à partir de 1968 dans le cadre du vaste
projet étatique d’Aménagement de la région du sud-ouest (ARSO).
Les deux systèmes portuaires ont une histoire différente, voire opposée.
D’un côté, un long et riche passé maritime pour la plupart des ports français
disposant d’un arrière-pays bien drainé par les infrastructures routières,
ferroviaires, aéroportuaires et un réseau de canaux hydrographiques étendu à
presque tout le territoire avec des ramifications aux autres pays enclavés. Ces
ports français desservent ainsi plusieurs dizaines de millions de consommateurs
à travers la France et les pays limitrophes. De l’autre côté, un système portuaire
relativement récent, aux ambitions non encore assouvies pour San Pedro en
qui beaucoup d’espoirs avaient été placés et disposant juste du port d’Abidjan
avec un bref passé colonial et tout un arrière-pays national et international peu
aménagé, avec une seule ligne de chemin de fer de 1 500 kilomètres qui dessert
Ouagadougou au Burkina Faso, et une seule autoroute de 140 kilomètres qui
est loin d’atteindre Bouaké, la deuxième grande ville du pays. La demande des
populations en biens de consommation y est par ailleurs réduite, autant que les
propositions de produits à exporter par voie maritime.
De tous ces ports, seul Marseille a le plus important trafic général qui approche
les 100 millions de tonnes, tandis que le port d’Abidjan vient seulement en 6ème
position avec moins de 20 millions de tonnes, et que Bordeaux ne fait que la
moitié du grand port ivoirien (figure 1).
Les trafics
La Côte d’Ivoire conserve son rang de premier partenaire commercial
de la France au sein de la zone franc (22 %) et cette situation n’est pas sans
conséquences sur les activités portuaires.
Évolution du trafic du port d’Abidjan avec les ports français
Globalement, les trafics sont ascendants avec deux ruptures nettes (figure 2). La
première en 1988, lorsque pour la première fois les importations des produits en
provenance de France ont supplanté les exportations des produits ivoiriens vers la
France. La deuxième rupture interviendra en 1999, lorsque les importations après
avoir atteint des sommets vont chuter dans le trafic du port. Cette disposition des 111
USAGES ET INTERACTIONS NATURE / SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

Tableau 1 - Trafic export-import entre les ports ivoiriens et les ports


français en 2004 (en tonnes)

Types de ports Export PAA + Export PASP Import PAA + Import PASP

Ports autonomes
Marseille 18 823 148 153
Le Havre 80 645 115 893
Dunkerque 39 530 23 402
Rouen 29 144 242 774
Nantes Saint-Nazaire 44 001 39 116
Bordeaux 480 2 142
Total PA 212 623 571 480
Ports d’intérêt national
Sète 5 807 1 653
Dieppe 91 576 1 882
La Rochelle 33 988 17 625
Brest 49 988
Toulon 16 477 15 799
Bayonne - -
Caen - -
Total PIN 147 897 37 947
Ports décentralisés
Port-Vendres 97 183 15 307
Le Tréport 9 4 512
Total PD 97 192 19 819
Total ports 457 712 629 246
Source : Statistiques PASP, PAA, 2004

Figure 3 - Trafic import/export des ports ivoiriens avec les différents


ports français en 2004
milliers de tonnes
300
250
200
150
100
50
0
t

en

rt

te

lle

ille

Sa Na en

ue

vre

dre
e
es

au
nn

ulo

pp
po

-N es
air

he
Ca

erq
rse
Br

Ha

en
rde
yo

Ro

Die
int nt
Tré

az
To

nk

rt-v
Ro

Ma
Ba

Le
Bo

Le

Du

Po
La

112 export PAA + PASP import PAA + PASP Source: PAA,PASP, 2004 B. TAPE, A. KANGAH
LES ÉCHANGES MARITIMES DE LA CÔTE D’IVOIRE AVEC LA FRANCE DE 2000 À 2004

courbes explique une baisse du trafic entre la France et la Côte d’Ivoire. La France

BIDI JEAN TAPÉ


étant depuis l’ouverture du port d’Abidjan le premier partenaire de ce port, elle
n’a été supplantée par le Nigeria qu’à partir de 1988, grâce aux importations de
pétrole du premier pays africain producteur d’or noir. La deuxième place qui lui
est ravie par les États-Unis (aux exportations) et l’Espagne (aux importations)
était suffisamment inhabituelle pour qu’on en recherche les raisons. On note
cependant une reprise de l’ascendant des importations sur les exportations
depuis 2004, s’expliquant sûrement par la nette amélioration des rapports
économiques mis à mal par la crise politico-militaire en Côte d’Ivoire.
Trafic général entre les ports ivoiriens et les ports français
La structure du trafic général montre que globalement le trafic import
des ports français vers les ports ivoiriens est excédentaire. La Côte d’Ivoire
importe de la France plus qu’elle n’exporte (629 246 tonnes en importations
pour 457 712 tonnes en export, soit un déséquilibre de 171 534 tonnes
en 2004). Cette situation proviendrait des importations du port autonome
d’Abidjan (tableau 1).
Dans le détail, le trafic export-import des 15 ports français concernés par
cette étude en direction des deux ports ivoiriens (figure 3) montre fort bien la
participation de tous les ports à ce trafic :
- tous les ports autonomes y concourent à l’exception de Bordeaux qui a une
participation très faible, voire insignifiante ;
- Rouen se remarque par son trafic fort déséquilibré où les importations sont
les plus élevées et font huit fois et demi le volume des exportations ;
- Le Havre a un trafic moyen et plus équilibré ;
- les ports de Dieppe et de Port-Vendres ont un trafic déséquilibré en faveur
des exportations ;
- la participation à ce trafic général des ports de Dunkerque, Nantes,
La Rochelle et Toulon est certes plus faible, mais davantage équilibrée.
Le regroupement par type de ports révèle qu’un peu moins des trois quarts
du trafic interportuaire entre la Côte d’Ivoire et la France sont assurés par les
Ports autonomes français (72 %), contre 17 % pour les ports d’intérêt national
et 11 % pour les ports décentralisés.
La structure des échanges selon le type de trafic import-export fait apparaître
une forte domination des importations (571 480 tonnes) sur les exportations
(212 623 tonnes) par les ports autonomes, alors que la tendance est inversée
pour les ports d’intérêt national et les ports décentralisés, pour lesquels les
exportations devancent les importations (147 897 tonnes d’export pour 37 947
tonnes d’import pour les premiers et 97 192 tonnes d’export et 19 819 tonnes
d’import pour ces derniers).
La structure détaillée des échanges selon les types de trafic import-export pour
chacun des types de port (figure 3) fait apparaître pour les ports autonomes la
situation suivante :
- Le Havre a un trafic moyennement élevé, mais plus équilibré entre les
importations et les exportations ;
- les importations à Marseille sont 8 fois plus élevées que le trafic export ; 113
USAGES ET INTERACTIONS NATURE / SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

- c’est par le port de Rouen que passe le maximum de trafic import des ports
ivoiriens, alors qu’il ne reçoit que très peu de trafic venant de ces ports ;
- Nantes et Dunkerque manipulent des trafics moyennement faibles
mais équilibrés.
Pour les ports d’intérêt national, les points suivants sont à souligner :
- globalement les ports d’intérêt national reçoivent plus de trafic export en
provenance de Côte d’Ivoire ;

Tableau 2 - Exportations par groupe de produits des ports ivoiriens vers les ports
français de 2000 à 2004 (en tonnes).

Ports de Années 2000 2001 2002 2003 2004


provenance
Groupe de produits

Produits alimentaires 452 242 572 117 439 043 449 673 445 070
Bois 15 842 18 886 13 522 12 043 13 329
Matériaux de
173 1 614 234 633 1 333
construction
Produits
788 1 031 927 1 467 550
métallurgiques
Produits énergétiques 14 1 - 22 124 6 042
Mat. Brute animale,
Port 19 043 22 588 29 216 26 935 17 367
minérale et végétale
Autonome
d’Abidjan Produits chimiques 609 309 876 317 315
(PAA) Matières et machines - - - 16 388 22 055
Articles manufacturés 6 940 6 398 5 192 2 155 4 001
Pêche 40 926 43 686 46 189 - -
Marchandises en
- - - 13 -
transbordement
Autres march. non
- - - 890 571
dénombrées ailleurs
TOTAL PAA 537 396 672 360 535 751 532 638 494 147
Produits alimentaires 47 896 46 660 29 250 29 953 26 809
Bois 49 323 41 603 19 830 10 419 29 569
Port
Autonome Biens d’équipement
28 - - - -
professionnel
de San
Pedro Autres produits de
1 260 1 336 1 085 1 345 1 191
consommation
(PASP)
TOTAL PASP 98 507 89 599 50 165 41 717 57 569
TOTAL
635 903 761 959 585 916 574 355 551 716
PORTS
114 Source : PAA, PASP 2004
LES ÉCHANGES MARITIMES DE LA CÔTE D’IVOIRE AVEC LA FRANCE DE 2000 À 2004

- le port de Dieppe a les plus forts tonnages export au détriment des

BIDI JEAN TAPÉ


importations qui sont presque insignifiantes ;
- Toulon a un tonnage relativement moyen mais un trafic import-export
équilibré ;
- La Rochelle a aussi un trafic moyen mais avantageant légèrement le trafic export ;
- Bayonne et Caen qui étaient présents jusqu’en 2002 ont disparu de la liste
des ports qui échangeaient régulièrement avec les ports ivoiriens.
Le trafic des ports décentralisés français avec les ports ivoiriens est certes
insignifiant en général, mais très concentré avec pratiquement 100 000 tonnes
de produits qui quittent les ports ivoiriens à destination de Port-Vendres.
À l’exportation des ports ivoiriens vers les ports français, on retrouve au départ
du port d’Abidjan 13 principales catégories de produits, tandis qu’au départ du
port de San Pedro on note 4 grands groupes de marchandises (tableau 2).
Les exportations tous types confondus ont connu dans l’ensemble une seule
phase de croissance, de 2000 à 2001. De 2001 à 2004, une baisse progressive
des tonnages à l’exportation est à remarquer. Ces exportations suivent la
tendance de l’évolution des exportations du port d’Abidjan, principal port
du pays, contrairement au port de San Pedro qui, en dépit de la décroissance
progressive de ses exportations amorce une légère phase de croissance
entre 2003 et 2004. Le cacao est certes toujours présent, notamment à partir
d’Abidjan, mais les achats français sont très restreints du fait certainement
de la faiblesse de la présence française et notamment du retrait de la filiale de
Bolloré de ce domaine.
Dans le sens des entrées, les produits alimentaires constituent l’essentiel des
importations ivoiriennes : 85 % pour le port de San Pedro soit plus des trois
quarts de ses importations et un peu plus de la moitié (53 %) pour le port
d’Abidjan (tableau 3). Les importations ivoiriennes au départ des ports français
traduisent cependant une baisse relative de la consommation des produits
français au regard des rayons des supermarchés où l’on retrouve le plus souvent
des produits venus d’Afrique du Sud, des pays du Maghreb, du Moyen-Orient,
voire de l’Inde et de la Chine.
En 2004, à l’import du port d’Abidjan en provenance des ports français, le trafic
renoue avec la croissance et c’est par les ports autonomes que s’acheminent les
volumes les plus importants des importations ivoiriennes (92 %). L’évolution
du trafic connaît deux phases de croissance (2000-2001 et l’année 2004),
entrecoupées de deux années de régression (2002 et 2003) correspondant au
plus fort de la crise politico-militaire.
Toujours dans le sens des importations, les échanges commerciaux entre le
port autonome de San Pedro et les ports français concernent pour 92 % les
six ports autonomes (Marseille, Le Havre, Dunkerque, Rouen, Nantes Saint-
Nazaire, Bordeaux), pour 8 % les deux ports d’intérêt national de Sète et
La Rochelle. C’est surtout le port de Rouen qui a les contacts les plus réguliers
et réalise les meilleures performances avec San Pedro. Les ports de Marseille,
Dunkerque et Le Havre réalisent aussi quelques trafics importants avec le PASP. 115
USAGES ET INTERACTIONS NATURE / SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

Tableau 3 - Importations par groupe de produits des ports ivoiriens en provenance des
ports français de 2000 à 2004 (en tonnes).
Années 2000 2001 2002 2003 2004 Total
Ports de (2000- %
provenance Groupe de
produits 2004)
Produits
alimentaires 254 351 297 634 275 084 266 345 271 149 1 364 563 52,63
Bois 891 327 712 33 60 2 023 0,07
Matériaux de 33 571 57 416 20 339 2 757 42 874 156 957 6,04
construction
Produits
métal- 2 267 3 261 7 417 18 905 11 489 43 339 1,66
lurgiques
Produits 3 217 40 838 39 545 34 119 39 568 157 287 6,05
énergétiques
Mat. Brute
animale, 7 412 9 625 10 938 8 498 9 725 46 198 1,77
Port minérale et
Autonome végétale
d’Abidjan Produits 60 767 77 160 53 372 56 020 31 275 278 594 10,72
(PAA) chimiques
Matières et
machines - - - 38 230 48 848 87 078 3,35
Articles
manufacturés 62 403 107 323 94 815 27 263 27 854 319 658 12,30
Pêche 69 35 158 - - 262 0,01
Marchandises
en trans- - - - 62 513 77 376 139 889 5,38
bordement
Autres
march. non
dénombrées - - - 787 863 1 650 0,06
ailleurs
TOTAL PAA 459 171 627 870 536 945 515 471 561 081 2597 498 89,70
Produits 49 429 59 430 45 500 47 634 50 800 252 793 84,83
alimentaires
Matières et 44 - - - - 44 0,01
machines
Engins
roulants 54 1 - - - 55 0,01
Matériaux de
construction 105 19 - - - 124 0,04
Pièces de 18 - 311 20 - 349 0,11
Port rechange
Autonome Effets
personnels 3 - - - - 3 0,00
de
San Pedro Autres 93 104 - 493 79 769 0,25
(PASP) produits
Ciment 10 000 20 500 - 13 300 - 43 800 14,69
Engins de TP - - - 11 - 11 0,00
Transit 34 - - - - 34 0,01
Autres
march. Non - - - - - - -
dénombrées
ailleurs
TOTAL PASP 59 780 80 054 45 811 61 458 50 879 297 982 10,29
TOTAL PORTS 518 951 707 924 582 756 576 929 611 960 2 895 480
116 Source : statistiques PAA et PASP, 2000-2004
LES ÉCHANGES MARITIMES DE LA CÔTE D’IVOIRE AVEC LA FRANCE DE 2000 À 2004

Au niveau des ports d’intérêt national, seul le port de La Rochelle entretient des

BIDI JEAN TAPÉ


rapports réguliers avec San Pedro ; même le port de Sète,dont on avait trace
en 2 000, semble ne plus entretenir d’activités avec le port ivoirien.
Le mode de conditionnement entre les ports ivoiriens et les ports français
En 2004, le mode de conditionnement le plus utilisé dans les exportations
comme dans les importations entre le port autonome d’Abidjan et l’ensemble des
ports français est le vrac solide (figure 4). Cela tient au type de trafic dominé du
côté d’Abidjan par les produits agricoles tels le café en grains et le cacao
en fèves qui sont généralement mis en sacherie. Du côté français, les vracs
solides concernent essentiellement le clinker, le gypse, les engrais et des
emballages divers. Les 7 000 tonnes de vracs liquides sont soit du vin, soit
des produits laitiers.
Le conteneur est le deuxième mode de conditionnement utilisé plus
fréquemment à l’importation qu’à l’exportation au niveau des marchandises
diverses. Pour ce qui est des hydrocarbures, on enregistre un tonnage plus
important de produits à l’importation qu’à l’exportation ; la France n’étant
pas en général considérée comme un partenaire en raison de la présence
prédominante du Nigeria.
Par le port de San Pedro, deux grands modes de conditionnement sont
répertoriés : les vracs secs et le conteneur. Le conteneur est plus utilisé
en direction des ports français dans les exportations, alors qu’au niveau
des importations, tout s’inverse ; le conditionnement en vracs domine
largement. Cela peut s’expliquer d’une part, par le type de produits à
l’import à San Pedro, dominé par les produits alimentaires notamment les
grains venant des ports autonomes de Marseille et surtout de Rouen, et
d’autre part, par l’absence dans ce port d’un véritable terminal à conteneurs
avec des équipements adéquats.

La présence économique française en Côte d’Ivoire


La question des relations interportuaires entre la France et la Côte d’Ivoire
peut déboucher sur quelques réflexions concernant la présence des entreprises
françaises dans l’économie ivoirienne pendant cette période de conflit et
notamment sur sa présence dans le domaine portuaire et maritime.
Nous retiendrons en premier lieu le nom du groupe Bolloré qui est leader
des transports maritimes français en 2003 et principal opérateur du transport
maritime avec SAGA, SDV et DELMAS. Le groupe est aujourd’hui dominant
sur le port d’Abidjan, dont le principal terminal à conteneurs, celui de Vridi, a
été récemment acquis par Bolloré de façon « scandaleuse » d’après les autres
opérateurs portuaires français et ivoiriens confondus. Leader dans le tabac et
le caoutchouc, il est aussi maître de la SITARAIL, le chemin de fer Abidjan-
Ouagadougou qui prolonge la puissance du groupe à l’intérieur du pays en
articulant la mer et le train. 117
USAGES ET INTERACTIONS NATURE / SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

La position dominante de Bolloré sur les autres acteurs du port n’est pas
sans poser un certain nombre de problèmes, mais sans doute serait-il à l’inverse
peu judicieux d’exclure du capital du terminal les armateurs qui peuvent être
des partenaires à long terme, moteurs de la croissance de l’activité. Abidjan est
en effet un point d’ancrage sur le secteur golfe de Guinée de la Côte Ouest
Africaine (COA), où il sert de port d’éclatement, mais aussi d’escale en direction
des ports de l’Afrique Australe. Le port ivoirien fait par ailleurs partie de ces
ports sur la COA qui, par leurs caractéristiques et notamment leur profondeur
d’eau et l’espace qu’ils offrent, sont des ports de transbordement qui peuvent
accueillir les grands navires. Ces ports constituent les plaques tournantes des
principales lignes maritimes; il apparaît essentiel que certains grands groupes
internationaux puissent s’y impliquer en tant que partenaires, c’est-à-dire sans
avoir le contrôle complet de l’outil portuaire, mais pour bénéficier d’un droit
de regard sur l’organisation, les investissements ou la tarification.

Figure 4 - Types de conditionnement PAA-ports français

tonnes
300 000

250 000

200 000

150 000

100 000
export
50 000
import
0 Source: PAA, 2004

Vrac liquide Hydrocarbure Divers Conteneurs Vrac solide B. TAPE, A. KANGAH

En dépit des vicissitudes de l’actualité, la France reste donc le premier


partenaire commercial de la Côte d’Ivoire. Le volume des échanges bilatéraux
a même progressé de 17,5 % en 2006 par rapport à 2005 et « la France a ainsi
conservé sa position de premier importateur et premier exportateur en Côte d’Ivoire avec
des montants respectifs de 695 millions d’Euros pour les importations et 597 millions
d’euros pour les exportations, largement en faveur de la Côte d’Ivoire » (Nouveau réveil,
17 septembre 2007).
Les grands groupes français, traditionnellement présents sur le continent
africain, le sont également en Côte d’Ivoire au travers de filiales. On en
dénombre 143 aujourd’hui, contre 147 en 2003 avant les événements de
118 novembre 2004. Sur les 25 entreprises ivoiriennes figurant au classement des
LES ÉCHANGES MARITIMES DE LA CÔTE D’IVOIRE AVEC LA FRANCE DE 2000 À 2004

500 premières entreprises africaines publiées en 2006 par Jeune Afrique, 11

BIDI JEAN TAPÉ


sont des filiales françaises ou des sociétés à participation française. Les deux
premières sont la Société ivoirienne de raffinage (SIR) liée au groupe Total et
la Compagnie ivoirienne d’électricité (CIE) qui entretient des relations avec
le groupe Bouygues. D’autres groupes partiellement ou totalement à capitaux
français comme Bouygues, Total, France Télécoms, la Société Générale, le
Crédit Lyonnais, BNP-Paribas et AXA, le groupe CFAO-CI et les sociétés de
l’ancien chef du patronat français, le baron Ernest Antoine Seillères, Technip
et Bivac, attributaire en mai 2004 du scanner du port d’Abidjan, contrôlent des
pans entiers de l’économie ivoirienne.
Par ailleurs, 400 petites et moyennes entreprises françaises de droit local sur les
500 qu’elles étaient avant les événements de novembre 2004, sont aujourd’hui
présentes en Côte d’Ivoire. En évoquant ces malheureux événements, on doit
donc parler à leur sujet de diminution. Ces entreprises sont implantées dans
tous les secteurs de l’économie avec cependant une présence moindre dans les
secteurs du cacao et du pétrole. Il se trouve en effet que les intérêts français
sont présents de façon marginale dans ces deux secteurs les plus rentables de
l’économie ivoirienne. Aucune entreprise française n’exploite ces richesses à
grande échelle, d’autant plus que le groupe Total est absent de l’exploitation des
champs pétroliers offshore de Côte d’Ivoire et que le cacao grâce aux groupes
Outspan, Dasci, Darry Callebaud et autre Cargill est dirigé de façon prioritaire
vers Rotterdam et les ports américains. Cette situation explique donc la première
place prise par les États-Unis au niveau des exportations du port d’Abidjan.
Selon le Centre de promotion des investissements en Côte d’Ivoire
(CEPICI), cité par le quotidien le Nouveau Réveil (17 septembre 2007), les
entreprises françaises ont contribué au produit intérieur brut ivoirien à hauteur
de 30 % en 2006. Elles ont même alimenté environ 50 % des recettes fiscales et
emploient directement environ 40 000 personnes utilisées à tous les niveaux de
la hiérarchie, à commencer par les plus élevés. L’effectif d’expatriés employés
par ces entreprises n’étant que d’environ 350, c’est dire combien les sociétés
françaises installées en Côte d’Ivoire font vivre plusieurs centaines de milliers
d’Ivoiriens et d’Ivoiriennes. Cela n’a pas été toujours facile pour elles ces dernières
années, mais elles ont continué, en dépit de ces circonstances défavorables, à
miser sur le dynamisme de l’économie du pays, sur la richesse de ses ressources
naturelles et la qualité de ses hommes et de ses femmes, pour aider à relancer
une économie mise à mal par trop d’années d’incompréhension.

Discussion
L’approche des relations France-Côte d’Ivoire vues sous l’angle des activités
entre les ports des deux pays nous permet de reconnaître que le cadre de
référence du système portuaire constitue une bonne voie d’observation en
raison de la maritimisation préférentielle des économies des deux pays.
Les résultats sont-ils justes ? Oui dans l’ensemble, à la lueur des
statistiques portuaires dont on dispose. Car, le plus difficile est aujourd’hui 119
USAGES ET INTERACTIONS NATURE / SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

la fiabilité des chiffres du port d’Abidjan dont il est permis de douter,


puisque difficile à vérifier. Cette opacité couvre mal des chiffres de trafics
globaux (Fraternité Matin, 27/03/2006). Comment comprendre et accepter
en effet des chiffres qui ne cessent de « grimper » au moment où le trafic
de transit vers l’arrière-pays international du Nord est presque inexistant,
au moment où les productions ivoiriennes de cacao sont détournées vers
les pays limitrophes et enfin à une période où les navires sont déroutés
vers les ports voisins de Dakar, Tema, Lomé et Cotonou ?
Cependant, il faut reconnaître que le profil des échanges sur une période de
22 ans entre le port d’Abidjan et les ports français répond sensiblement aux
événements marquants de la Côte d’Ivoire. Si la première rupture des trafics
interportuaires correspond aux effets de la sécheresse des années 1983-1984,
la seconde rupture correspond hélas au début de la crise politico-militaire qui
débute avec le coup d’État de 1999 et se poursuit avec de multiples perturbations
qui débouchent sur cette guerre dont les effets n’ont toujours pas permis aux
courbes de s’inverser.
Les trafics interportuaires France-Côte d’Ivoire se sont effectués
généralement avec les ports autonomes français. L’explication viendrait
d’un certain nombre d’avantages : (1) ce sont les places portuaires les
plus importantes en terme de volume de trafic manipulé ; (2) les liaisons
maritimes des grandes compagnies touchent plus régulièrement ces ports ;
(3) les destinations sont très demandées puisque leurs aires d’influence vont
au-delà de l’arrière-pays national français. C’est par exemple le cas du port
du Havre sur les côtes nord de la France et une partie de la Belgique ; (4)
dans le dispositif portuaire français, Rouen demeure un port de traitement de
grains, le blé notamment (ce port reste donc une plate-forme stratégique pour
l’exportation du blé) ; (5) enfin, sur les lignes africaines, des ports comme
Le Havre et Dunkerque servent généralement de port de transit.
Cette analyse confirme par ailleurs les faibles importations du port de San
Pedro. Cette situation proviendrait des infrastructures et des équipements qui
y sont soit inexistants, soit inadaptés, l’accent ayant été jusque-là mis sur les
structures d’exportation. Des études prometteuses de marchés sur le Liberia
(région du Maryland) et sur la Guinée (région forestière de N’zérékoré) sont en
train de changer les données en faveur d’une réorganisation du port et des quais.
La construction d’un « guichet unique » pour l’importation des voitures devrait
améliorer les rendements du port. Cependant, les importations à San Pedro sont
dominées par les biens d’équipement et les produits alimentaires, notamment le
blé. La société importatrice de blé au PASP dénommée EURAFRIQUE a choisi
le port de Rouen comme tête de pont pour l’acheminement des importations
de blé vers le port ivoirien. Ce qui explique largement les tonnages élevés de
Rouen vers San Pedro.
Dans l’ensemble, la baisse du trafic entre 2001 et 2003 témoigne des
incidences de la crise sur les activités des ports, la plupart des navires évitant les
ports ivoiriens au profit d’autres ports de la sous-région, d’où la perte de trafics
120 et la baisse des tonnages à l’importation (Tapé Bidi, 2005). L’accent a été mis sur
LES ÉCHANGES MARITIMES DE LA CÔTE D’IVOIRE AVEC LA FRANCE DE 2000 À 2004

le ravitaillement des ports ivoiriens en vivres et biens de consommation d’où

BIDI JEAN TAPÉ


l’intensité du trafic import du port de Rouen. Il faut citer également les fortes
valeurs du trafic export des produits agricoles, spécialement le cacao qu’il fallait
à tout prix « faire sortir » pour ne pas asphyxier l’économie ivoirienne dans la
partie sud du pays.
Ceci n’empêche pas de reconnaître une baisse relative de consommation des
produits français due en partie à la libéralisation du commerce mondial ayant
fait « exploser » les importations de produits de consommation courante venus
d’horizons divers : du Maghreb, de Chine, du Nigeria et d’Afrique du Sud.
L’Afrique du Sud est aujourd’hui le principal fournisseur de la Côte d’Ivoire en
vins, fromages et produits laitiers qui venaient prioritairement de France.

Conclusion
L’axe maritime entre la France et la Côte d’Ivoire n’est pas interrompu en
dépit d’une baisse du tonnage dont les causes ne sont certainement pas à
rechercher uniquement du côté des ports. À l’amont, des choix économiques
peuvent en partie expliquer la « disparition » de certains ports ou de certains
trafics. Toutefois, le domaine portuaire dans son ensemble est l’espace le
mieux indiqué pour vérifier la présence française en Côte d’Ivoire. Les ports
restent, dans ces années de crise que vit le pays, les seules portes d’entrée et de
sortie des marchandises à l’export comme à l’import, constituant ainsi un des
indicateurs précieux de la marche des activités économiques entre la France
et la Côte d’Ivoire. Contrairement à ce que l’on pourrait penser en suivant
l’actualité événementielle, la France est bien présente en Côte d’Ivoire, à travers
ses entreprises, ses grands groupes économiques et l’activité de ses ports.

Références

BERGANO Ch., FAIVRE S., 2001. « Les trafics portuaires métropolitains en 2000 »,
Notes de synthèse du service économique et statistique, n° 138, Direction des affaires
économiques et internationales, Paris-la-Défense, France, p. 13-20.
Fraternité Matin, n° 12 417 du lundi 27 mars 2006. « Port Autonome d’Abidjan : Le
cap des 18 millions de trafic franchi - 2001à 2005 : les actions qui ont empêché le
naufrage », Abidjan.
Le Nouveau Réveil, n° 1 723 du Lundi 17 septembre 2007. « La France accusée de piller
la Côte d’Ivoire : l’ambassadeur dénonce les mensonges du FPI », Abidjan.
Littoral français 2000, Atlas permanent de la Mer et du Littoral n° 5, sous la direction de
J-P. CORLAY, Géolittomer -LETG UMR 6554/Infomer, Nantes, Rennes, 2001, 67 p.
Ministère de la Marine (1985). La Marine Marchande Ivoirienne, livre d’or, Imprimerie de
la Cité, 287 p. 121
USAGES ET INTERACTIONS NATURE / SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

Port Autonome d’Abidjan, Rapports d’Activités, 2000, 2001, 2002, 2003, 2004, 2005.
Port Autonome de San Pedro, Rapports d’Activités, 2000, 2001, 2002, 2003, 2004.
TAPE BIDI J., 2004. Économie maritime et portuaire de Côte d’Ivoire, thèse de Doctorat
d’État de Géographie, Université de Cocody, Abidjan 876 p.
TAPE BIDI J., 2005. « Impact de la crise ivoirienne sur les ports ouest-africains »,
Outre-terre, revue française de géopolitique, n° 11 mai 2005, 606 pages avec Atlas et encart
couleurs : De l’Afrique au Gondwana ?, p. 309-318.

122
FRÉQUENTATION DU TOURISME NATIONAL SUR LES PLAGES ET LE LITTORAL IVOIRIEN

N’DRI GERMAIN APHING-KOUASSI


Fréquentation du tourisme national
sur les plages et le littoral ivoirien
N’dri Germain APHING-KOUASSI
Institut de Géographie Tropicale, Université Cocody Abidjan
(Côte d’Ivoire)

L’exode dominical, généré par les citadins à la recherche d’activités


touristiques, s’est considérablement amplifié ces dernières années en liaison
avec la croissance d’Abidjan et des autres villes du littoral ivoirien. Ce qui retient
alors l’attention, c’est le développement et la multiplication des infrastructures
touristiques mises en place pour recevoir cette activité touristique. Ainsi, la
création des villages de vacances proches d’Assinie (1970-1971), Grand-Béréby
(1983) Monogaga et Sassandra (1998) a déterminé l’extension sur le littoral
ivoirien d’une infrastructure de loisirs due à la fois à l’initiative privée et publique.
C’est pourquoi, tourisme national ou international et activités de loisirs sur le
littoral ivoirien ne peuvent être dissociés, tous finissant toujours par profiter au
pittoresque secteur informel qu’ils provoquent et entretiennent.
La population urbaine côtière estimée à plus de 4 millions d’habitants est
répartie entre Abidjan, Grand-Bassam, Grand-Lahou, Sassandra, San Pedro et
Tabou (INS, 1998). La croissance urbaine de cette population est de moins en
moins due à l’exode rural et de plus en plus à la fertilité des sols en milieu rural
et à l’immigration. D’une manière conséquente et logique, le développement de
ces villes et l’accroissement de la population ont engendré des problèmes qui
rendent le contrôle et la maîtrise de l’espace difficiles en raison des contraintes
urbaines : pollution, nuisance, sensation de « vie à l’étroit », étouffement
psychologique des citadins, cadence de vie rapide, stress. Tous ces maux font
que la vie à l’intérieur de la ville est parfois difficile et encourage les citadins à
rechercher le calme et le repos, à se « réoxygéner » en direction des plages de
la périphérie d’Abidjan, de Grand-Bassam, Assinie, Jacqueville, Grand-Lahou,
Sassandra, San Pedro et Grand-Béréby, soit dans les hôtels, soit sous des abris
diversement appelés bungalows, appatams, paillotes, fortins, etc. 123
USAGES ET INTERACTIONS NATURE/SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

Une observation de la circulation sur les routes en fin de semaine permet


de saisir l’ampleur du phénomène. Ce mouvement donne lieu à un tourisme
hebdomadaire baptisé de loisirs; son but essentiel étant le repos, l’évasion,
l’éloignement de la cité bruyante, le contact bienfaisant avec la nature (plage,
soleil, vent, eau, végétation).
Dès les premières années qui suivirent la seconde guerre mondiale, alors que
le nombre de véhicules personnels était encore très faible, s’organisèrent peu à
peu ces migrations hebdomadaires à caractère récréatif vers les sites balnéaires
proches de la ville d’Abidjan. Les citadins des quartiers du Plateau et Treichville
allaient par le « train du plaisir »1 le dimanche à la plage de Port-Bouët où l’on
pouvait, selon son goût, soit s’ébrouer dans les vagues lorsque la mer n’était
pas trop forte, soit pêcher du haut du wharf, ou encore rejoindre par la plage le
chantier des travaux du percement du canal de Vridi (Berron, 1980).
Aujourd’hui, l’usage de véhicules individuels a considérablement amplifié
l’importance de ces déplacements qui, grâce à un réseau de routes et de canaux,
permettent aux citadins d’aller se détendre dans un rayon de 50 à 100 kilomètres.
Jadis, des touristes venus d’horizons divers – souvent de pays sous des latitudes
beaucoup plus septentrionales – venaient en Côte d’Ivoire attirés par les affiches
des agences de voyage, à la recherche d’un soleil quasi permanent et de plages de
sable fin frangées de cocotiers indispensables à l’image d’exotisme. Aujourd’hui,
depuis les événements politiques de 1999, ces plages ne profitent en majorité
qu’aux populations riveraines. Cet afflux de populations vers les plages à
proximité des centres urbains pose par ailleurs plusieurs problèmes dont les plus
significatifs sont la surfréquentation et les impacts qui en découlent, les questions
de mise en valeur de ces espaces sous des formes multiples, notamment sous
leurs aspects juridiques et réglementaires.

Les potentialités touristiques du milieu


Selon Hinschberger et Pomel (1972), le littoral ivoirien déploie sur environ
570 kilomètres, du cap des Palmes au cap des Trois Pointes, une ample concavité
dont le point le plus creux correspond à peu près à l’entrée du canal de Vridi,
par lequel on accède au port d’Abidjan. L’étroitesse du plateau continental
empêche un freinage efficace de la houle. Cette grande houle du golfe de
Guinée qui provient du large de l’Atlantique Sud, se rue inlassablement sur la
côte, renforcée par les vents locaux de la mousson en saison humide, à peine
assagie en janvier, au moment de la saison sèche, lorsqu’elle est contrée par
l’alizé. Elle se manifeste par le déferlement incessant d’énormes rouleaux, la
« barre », légitimement redoutée des baigneurs, et à laquelle on peut imputer la
raideur de pente de la plage, la grossièreté du matériel sableux qui la constitue
et son remodelage ininterrompu en interminable guirlande de « croissants ».
Les facteurs attractifs du tourisme en Côte d’Ivoire reposent actuellement
essentiellement sur ses plages et sa façade maritime, révélant une image
d’exotisme qui vient à point renouveler celle qui fait de plus en plus défaut dans
1
Dans sa traversée du pont flottant en bois qui enjambait un bras de la lagune, le train était suivi par deux
124 préposés, munis d’arrosoirs, chargés d’éteindre les flammèches crachées par la chaudière alimentée au bois.
FRÉQUENTATION DU TOURISME NATIONAL SUR LES PLAGES ET LE LITTORAL IVOIRIEN

les régions sud-européennes. La plage suscite un intérêt certain, surtout sous

N’DRI GERMAIN APHING-KOUASSI


climat chaud. Cet attrait est particulièrement renforcé en Côte d’Ivoire par la
présence, en arrière de la mer, des vastes plans d’eau calme des lagunes (plus de
300 000 ha de plans d’eau lagunaires qui accueillent aujourd’hui l’essentiel des
activités touristiques). La plage s’étend à perte de vue ; du côté mer la baignade
prudente est permise, le sable est lui réservé au repos, au soleil ou à l’ombre des
cocotiers, face à la brise marine. La baignade quoique moins recherchée du côté
de la lagune n’est pas sans partisans qui apprécient l’absence de danger même
si les eaux stagnantes, les berges marécageuses et l’absence d’air, sont autant de
facteurs limitants pour un aménagement éventuel des rivages de la lagune. On
rencontre cependant sur ces plans d’eau de nombreux amateurs de pêche, de
voile, de ski nautique et de promenades en hors-bord. Les lagunes forment un
magnifique réseau s’étalant d’est en ouest sur près de 300 kilomètres de long.
La côte touristique du Sud-Est ou la « riviera ivoirienne »
D’Abidjan à la frontière du Ghana, les houles sont perpendiculaires à la
direction de la côte. Elles ne provoquent plus guère de dérive, il arrive même que
des houles de sud, moins fréquentes mais assez fortes, occasionnent une dérive
en sens contraire, vers l’ouest. C’est donc un secteur où les sables s’accumulent :
le cordon littoral est large et en arrière de Grand-Bassam, des dizaines de cordons
fossiles sont juxtaposés sur une largeur de plusieurs kilomètres. Les plages de ce
secteur sont constituées par les cordons sableux de Port-Bouët, Grand-Bassam
et d’Assinie. Ces cordons forment une côte basse à lagune séparant la mer des
lagunes Ébrié et Aby sur plusieurs kilomètres (photos 1 et 2).
Dans ce secteur, la dérive ne pouvant plus se produire le long de la côte,
le retour vers le large de l’eau sans cesse apportée par les vagues déferlantes
s’opère suivant un processus sournois. Des « courants d’arrachement », bien
visibles devant Assinie où ils se traduisent par interruption des lignes d’écume
du déferlement, constituent pour les baigneurs un danger permanent.
Seule lagune à se développer le long d’un axe orienté nord-sud, la lagune
Aby se prolonge jusqu’à la frontière du Ghana par les lagunes Ehy et Tendo.
Cet ensemble est relié à la lagune Ébrié par le canal d’Assinie, très fréquenté
par les plaisanciers. La passe d’Assinie ouverte toute l’année permet de sortir
en mer. Les rivages de la lagune Aby sont mal desservis par la route ; seules
quelques pistes permettent d’accéder correctement aux localités environnantes
d’Adiaké, Assomla, Eboué, Aby, Abiati, Mowa et Frambo. Le cordon littoral
est inaccessible à l’est, cependant une piste réservée aux villages de vacances
franchit le canal sur un pont, à l’ouest. Il s’agit donc d’un domaine encore peu
mis en valeur et presque exclusivement ouvert au motonautisme (figure 1).
La lagune Ébrié est la plus fréquentée par sa position de part et d’autre
d’Abidjan. L’existence de nombreuses baies et îles favorise un aménagement
diffus de ses rivages. Des plages privées s’installent, les unes cachées des autres.
La plage de mer est très accessible sur toute la longueur de la route de Grand-
Bassam (figure 2), mais les bords de lagune restent encore mal reliés au réseau
de communication. Il n’y a aucun accès pratique au sud de cette zone sur près
de 40 kilomètres, seuls quelques villages situés au nord d’Abidjan profitant 125
USAGES ET INTERACTIONS NATURE/SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

Figure 1 - Implantations touristiques du littoral d’Assinie-Assouindé

Vers Bonoua

Mélékoukro Assomlan Etuéboué


N'galwa
L ag u n e Ab y
Etuessika

ca n al d'As
Kédjaguè
H H sin ie
Nzèkro
Assinie Mafia
Assouindé N P
M P S
France
Océan Atlantique

G. APHING-KOUASSI, A. KANGAH

plage publique H équipement hôtelier

Ghana
majeur
plage privée M marina
ABIDJAN
Gd-Bassam
Assinie
circuit de navigation P port de plaisance
village N moto nautisme N

route revêtue S surf


0 5 km
route non revêtue aérodrome continuité touristique

Figure 2 - Implantations touristiques du littoral de Grand-Bassam à Vridi

Lag
ABIDJAN Bingerville u
Cocody
ne

Yopougon
P H
H H
Ag
h

P i en
Lagune Éb r ié
Marcory
H Bonoua
Port-Bouêt m
Co oé
Jean Folly
H PMH
Vridi Yahou
Lido Palm Gd-Bassam
Beach Le Bidet
Mondoukou
Modeste H
Océan Atlantique Azuretti H

plage publique H équipement hôtelier


Ghana

majeur
plage privée
M marina ABIDJAN Gd-Bassam
circuits de navigation Assinie
P port de plaisance
localité
aéroport international N
axe routier majeur
0 8 km
corridor continuité touristique G.APHING-KOUASSI, A. KANGAH
126
FRÉQUENTATION DU TOURISME NATIONAL SUR LES PLAGES ET LE LITTORAL IVOIRIEN

du plan d’eau. Les trois petites lagunes Aghien, Potou et Ono sont enclavées

N’DRI GERMAIN APHING-KOUASSI


et les avantages de leur site ne profitent actuellement encore qu’aux quelques
plaisanciers résidant dans les plantations qui les bordent.
Les plages publiques de Port-Bouët et Vridi sont accessibles à tous, car leurs
abords n’ont pas été construits. Il s’agit de :
- la plage du Lido qui s’abrite de la barre derrière la digue est du canal de
Vridi, la houle n’y est pas forte et la baignade surveillée ;
- non loin de là, entre le « Palm Beach » et Port-Bouët, deux à trois
kilomètres de plages sont surveillés par endroits. Les enfants se baignent en
grand nombre dans les eaux stagnantes du lieu-dit « Le Bidet », vestige de
l’ancien canal, séparé de la mer par un cordon de sable et de la lagune par la
digue du chemin de fer.
De part et d’autre de Jean Folly, la plage est inutilisable pour les loisirs, car
elle a été concédée par le Ministère des Mines à des entreprises d’exploitation
de sable. À environ 30 kilomètres d’Abidjan, sur la route de Grand-Bassam,
la succession ininterrompue des appatams2 cesse brusquement et laisse
quelques centaines de mètres aux baigneurs ne désirant pas louer une
installation fixe. Cet endroit non construit tolère pour le moment un usage
dominical public de la plage en attendant une occupation privée plus durable.
Entre le vieux quartier de Grand-Bassam et le grau de la Comoé s’étendent
d’assez vastes espaces de sable d’où l’on peut accéder à la fois à la mer et à
la lagune. À l’est de Grand-Bassam, la plage ne devient à nouveau accessible
qu’au niveau du terminal d’Assinie. Elle reste le domaine de plaisanciers
disposant de bateaux plus à l’est.
Ces sites sont les plus fréquentés, car ils se trouvent à proximité d’Abidjan.
Les minibus communément appelés « gbaka », les bus de la Société des
transports Abidjanais (SOTRA), les taxis, les voitures particulières déversent
un grand nombre de « dimanchiers » qui viennent se reposer sur ces plages. On
a compté 1 080 personnes pour un dimanche d’affluence sur le sable du Lido
entre 13 h 30 et 15 h 30 (dont 980 Africains), soit une densité très forte si l’on
sait que cette plage s’étend sur moins de 500 mètres de long et une vingtaine
de mètres de large. Le manque d’ombre naturelle fait que certains baigneurs
viennent avec leur parasol. Pour gagner quelque argent, les enfants louent aux
automobilistes de grandes plaques de carton qu’ils disposent sur les pare-brise
des voitures et sur les glaces arrière, de telle sorte que l’intérieur des véhicules
ne sera pas surchauffé par le soleil et les vitres pas voilées par les embruns.
Entre le «Palm-Beach» et « Le Bidet », on a dénombré aux mêmes heures
1 250 personnes dont 150 Européens seulement sur une étendue de
1,5 kilomètre. La densité d’occupation beaucoup moins forte permet davantage
de calme, et la cocoteraie qui borde toute la plage est occupée par bon nombre
de gens qui font la sieste à l’ombre des arbres. La plage à l’ouest du canal de
Vridi est peu fréquentée, cependant, les mouvements des cargos entrant et
sortant du canal ainsi que le va-et-vient des hors-bords pêchant à la traîne
2
Le terme «appatam» désigne un abri construit en matériaux traditionnels : les murs sont constitués
de claies de bambous, le toit est couvert de feuilles de palmier ou de cocotier tressées (papo). 127
USAGES ET INTERACTIONS NATURE/SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

Crédit photographique Université d’Abidjan-Photivoire

Photos 1 et 2 - Littoral
du Sud-Est, constitué
d’un long cordon
dunaire rectiligne, de
ses plages frangées de
cocotiers et de sa lagune.
La photo ci-contre fait
apparaître les
installations des villages
vacances d’Assouindé.

constituent un élément de distraction toujours apprécié. La plage du


kilomètre 27 profite aux Africains, Libanais et Européens venus en voiture
particulière. Les installations de cette plage lui confèrent un statut particulier.
En effet, un nombre important d’appatams s’y est installé quand bien
même, depuis peu, des cars déversent des groupes de jeunes qui, réunis
en associations, ont organisé une sortie à la mer. Un certain nombre de
« dimanchiers » viennent profiter de ces lieux. Au corridor de Port-Bouët,
l’importance du trafic de véhicules de 15 heures à 18 heures 30 dans le sens
Assinie-Abidjan atteint souvent la saturation.
D’assez vastes espaces de sable d’où l’on peut accéder à la fois à la mer et à
la lagune, s’étendent entre le vieux quartier de Grand-Bassam et le grau de la
Comoé. Les autres plages publiques du littoral sont beaucoup moins fréquen-
tées. Celle de Grand-Bassam attire les gens venant d’Abidjan et même de
Grand-Bassam grâce à de nombreuses navettes de taxis collectifs et de voi-
tures particulières. Les clients des restaurants voisins profitent eux aussi
parfois de la plage. Il faut parcourir 70 kilomètres pour se rendre à Assinie
qui présente comme avantages son éloignement d’Abidjan et la prétendue
sécurité de la baignade. La mise en place des villages de vacances et des
résidences secondaires a rendu nécessaire une réglementation et une sur-
128 veillance des bains de mer et de l’ensemble des activités nautiques.
FRÉQUENTATION DU TOURISME NATIONAL SUR LES PLAGES ET LE LITTORAL IVOIRIEN

Les usagers de ces plages viennent assez souvent en groupes soit par la

N’DRI GERMAIN APHING-KOUASSI


route, soit par voie d’eau. Des pinasses et des hors-bords partent de Grand-
Bassam et longent le canal d’Assinie jusqu’à hauteur des villages de vacances.
Contrairement aux autres plages du littoral Abidjan-Grand-Bassam, le littoral
d’Assinie est de moins en moins accessible en plage publique.
Il faut retenir que les Abidjanais ont toujours aimé passer le week-end dans
des paillotes qui se succèdent, de Grand-Bassam à Vridi, le long de la côte.
Quelques restaurants et « maquis » auxquels on ajoute chambres et piscine
s’y construisent de plus belle en direction d’Azuretti, village de pêcheurs à
5 kilomètres de la rue centrale de Grand-Bassam. En bordure de la lagune, se
succèdent également restaurants et « maquis ».
Le secteur de Grand-Lahou ou le littoral des pays Alladjan et Avikam
Le secteur de Grand-Lahou est composé des plages de Jacqueville,
Grand-Lahou et Fresco et présente un littoral s’étirant sur environ
200 kilomètres. L’obliquité de la houle par rapport à la côte est moins
prononcée qu’à l’ouest. La dérive littorale qui en résulte entraîne la
formation d’un cordon sableux parfaitement rectiligne, presque continu,
mais de largeur modérée (photo 3).
Tout le littoral du pays Alladian est aujourd’hui encore plage publique
(figure 3). Très peu d’appatams s’y sont installés, la plage restant accessible à
tous. Un certain nombre de « dimanchiers » viennent du continent profiter de
ces lieux peu fréquentés qui s’étendent sur une centaine de kilomètres, où l’on
peut s’isoler des autres. Le bac en service assure de moins en moins le passage
dans le sens cordon littoral-continent.
Grand-Lahou qui donne son nom à ce secteur est situé à 149 kilomètres
à l’ouest d’Abidjan. Ce cordon-barrière évolue en dehors de l’influence
des aménagements lourds comme c’est le cas à Port-Bouët et San Pedro.
Le cordon sableux de Grand-Lahou est étroit par rapport à la largeur
des cordons à l’est d’Abidjan. Il mesure 365 mètres au niveau du village
de Kpanda et 210 mètres à proximité de l’embouchure du Bandama
(Hauhouot, 2000). Ce cordon littoral est composé de deux parties parallèles
et allongées ouest-est. Dans la partie médiane du littoral oriental, les plages
sont moins fréquentées car elles se trouvent dans des zones peu ou pas
urbanisées (figure 4).
La lagune Ébrié est très habitée dans sa partie occidentale. De nombreux
villages de pêcheurs sont installés sur le rivage nord et leurs campements
occupent le rivage sud. Des pistes partent de la route bitumée Abidjan-Dabou,
jamais très éloignée de la lagune, pour rejoindre chaque petit village.
Le système Ébrié est relié aux lagunes de Grand-Lahou par le canal d’Asagny
qui traverse les zones marécageuses de l’embouchure du Bandama. La lagune
trop éloignée des villes pour être fréquentée par de nombreux plaisanciers est
cependant un centre de loisirs pour les gens venus du secteur forestier de la
région de Divo. En dehors du secteur de Grand-Lahou, le cordon littoral est
peu accessible. La lagune de Fresco termine ce vaste réseau de plans d’eau
utilisables pour les loisirs à l’extrémité ouest du bassin sédimentaire. 129
USAGES ET INTERACTIONS NATURE/SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

Figure 3 - Implantations touristiques du littoral de Vridi à Jacqueville

Adiapodoume ABIDJAN
DABOU
Yopougon koute
Songon-Mbrate

Bac
Ndjem
Lac Mbraké
Lac Ladié
Lac Labion
Abrebi Mbakre
Akrou Avagou
Diasse P
Ahua P P
P Sassako-begniny

Jacqueville Océan Atlantique

Me
G. APHING-KOUASSI, A. KANGAH

GHANA
plage publique Dabou

P Akrou port de plaisance chef-lieu de Préfecture Jacqueville

circuit de navigation village N


0 5 10 km
continuité touristique route revêtue

Figure 4 - Implantations touristiques du littoral de Grand-Lahou

Mokpa P P Tioko Makey

ndama
Zogonigbe
lagune Tagba
Lauzoua

Ba
lagune Tadio Tagba
P
Tadio
Canal d'Azagni
lagune Nyouzomou
Port Braffedon
Kpanda Gd-Lahou I
Gauthier Ebounou Adianon Groguida
Takouhiri Tokou
Alekedon
Océan Atlantique

ABIDJAN
plage publique route non revêtue
Grand-Lahou
P Akrou port de plaisance circuit de navigation
N
continuité touristique village 0 2,5 5 km
G. APHING-KOUASSI, A. KANGAH

Photo 3 - la plage
de Lahou-Kpanda,
dans le secteur de
Grand-Lahou est un
bel exemple de plage
rectiligne.
Elle reçoit rarement
des usagers hormis
les populations qui
vivent dans les villages
environnants.
130 Crédit photographique G. Aphing-Kouassi
FRÉQUENTATION DU TOURISME NATIONAL SUR LES PLAGES ET LE LITTORAL IVOIRIEN

Trop éloignées des grands centres urbains, les plages de Grand-Lahou et de

N’DRI GERMAIN APHING-KOUASSI


Fresco sont encore moins fréquentées. Seuls y viennent les gens habitant dans un
rayon de 50 à 100 kilomètres. Les ressortissants de la région font également parfois
le voyage après avoir parcouru environ 170 kilomètres. Une trentaine de voitures
y a été comptée un dimanche ordinaire. Ces visiteurs vont tous à l’extrémité est
de l’ancien Lahou (Lahou-Kpanda) où les vieilles maisons coloniales s’étendent
sur plus de 3 kilomètres. On les trouve soit au campement «Hôtel le Ravin» où ils
mangent et passent la nuit, soit sur la plage immédiatement à proximité.
Le secteur de San Pedro, une autre configuration littorale
Les plages du secteur de San Pedro appartiennent au littoral occidental. Le
tracé de ce littoral qui s’étire sur environ 180 kilomètres, affecte un dessin en
dents de scie. Les plages du littoral occidental sont interrompues par des failles
en échelons qui découpent la côte en secteurs séparés par des décrochements
comme celui à l’origine de la formation de l’anse de Grand-Béréby ou celui qui
abrite la conque de Monogaga.
Les plages de ce secteur combinent deux modèles de la typologie faite par Paskoff
(1993) ; l’arc de cercle et la plage ouverte (photo 4). Les autres plages du secteur
de San Pedro correspondent au modèle de plage ouverte qui se singularise par la
longueur de la plage, son tracé concave et surtout son ouverture vers la mer.
Alors que Grand-Béréby, San Pedro et Sassandra abritent des plages urbaines,
les autres plages du secteur de San Pedro appartiennent à la zone peu ou pas
urbanisée d’accès difficile (figure 5). Les plages du littoral occidental de la Côte
d’Ivoire sont désertes à cause de l’impraticabilité des routes dans cette région
et de la crise sociopolitique qui secoue la Côte d’Ivoire depuis 2002.
Les Abidjanais aiment à venir passer ici les vacances de Noël ou de Pâques.
Le voyage se faisait autrefois par paquebot et les passagers étaient débarqués
dans des paniers à claire-voie qui les prenaient sur le pont du navire pour les
déposer sur le wharf. Puis l’avion a remplacé le paquebot. L’ouverture du pont
sur le fleuve Sassandra le 2 décembre 1994, et celle du tronçon de la côtière
qui s’y raccorde, ont donné une nouvelle impulsion aux transports routiers
et à la fonction touristique de Sassandra qui n’est plus qu’à 275 kilomètres
entièrement bitumés d’Abidjan.
Si l’accès de Sassandra reste facile depuis San Pedro en taxi brousse, il est plus
compliqué de se rendre sans voiture personnelle sur les plages qui festonnent la
côte : Polyplage, Batélébré, Lableko, Lagnega, toutes suffisamment protégées
de la barre pour permettre la baignade.
Beaucoup plus loin, vers San Pedro, deux autres plages, Victory et Monogaga,
n’abritent que des campeurs. Cependant, depuis peu est installé à Monogaga
un campement, «La Langouste d’Or». La plage remarquable de la commune de
San Pedro est la pointe de Taby qui avance dans la mer beaucoup plus à l’ouest
et commandant une baie entièrement protégée de la barre.
Un peu à l’écart de la route conduisant du point extrême de la côte ouest,
Tabou, jusqu’à San Pedro, se « cache » Grand-Béréby qui est essentiellement
une plage en forme d’anse dont la pointe ouest se termine en éboulis 131
USAGES ET INTERACTIONS NATURE/SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

de rochers (Rémy, 1996). Le long de cette large échancrure de sable ouverte


entre deux caps rocheux, il est possible de nager sans danger, car la barre laisse
un plan d’eau calme.

Figure 5 - Implantations touristiques du littoral de Fresco à Tabou

Sa

S assan
n
-P
d ro

e
dra
Liberia

Batélébré H Fresco
Laguega
Sassandra
Polyplage
H Lableko
H Monogaga

Victory
SAN PEDRO
Taky
H
Grand-Béréby
Océan Atlantique

Tabou

plage publique localité

plage privée aérodrome


route revêtue
H équipement hôtelier
majeur route non revêtue N
0 30 km
continuité touristique limite d'État G.APHING-KOUASSI, A. KANGAH

Photo 4 - Ces plages


en arc de cercle sont
étroites et encadrées
par des rochers.
Ici, les conditions
topographiques
provoquent
l’affaiblissement de
l’énergie des vagues qui
se réfractent au contact
du fond.

132 Crédit photographique G. Aphing-Kouassi


FRÉQUENTATION DU TOURISME NATIONAL SUR LES PLAGES ET LE LITTORAL IVOIRIEN

N’DRI GERMAIN APHING-KOUASSI


Les évolutions et mutations des équipements touristiques
Les équipements touristiques du littoral ont subi une évolution et une
mutation dans le temps et dans l’espace. Ces différentes transformations se
sont opérées depuis la mise en valeur de cet espace à travers quelques types
d’établissements touristiques.
Les principaux établissements d’hôtellerie et de restauration
Un certain nombre d’établissements se sont installés sur le littoral pour
dispenser quelques services appréciés des populations urbaines. Ceux d’entre
eux qui sont proches d’Abidjan ont même des clients toute la semaine.
Entre Port-Bouët et Vridi, tout le long de l’océan, de nombreux établissements
de standing varié ont été édifiés le long de la plage, avec une durée de vie
imprévisible (Rémy, 1996). Ces établissements offrent en général une piscine et
un restaurant abrité du soleil et ventilé par la brise marine. Le plus ancien est le
Palm Beach, hôtel avec restaurant et piscine au luxe discret (établissement de
2e catégorie avec 3 étoiles), très apprécié de tous depuis des décennies. Créé en
1961 (Nédélec, 1974), il est très fréquenté. Le dimanche, il sert en moyenne 60
à 90 repas à une clientèle constituée d’habitués.
Quelques années auparavant, est venu s’installer à proximité de ce qui a
d’abord été un maquis, « Kakpo, le roi de la langouste ». Cet établissement s’est
transformé peu à peu en hôtel huppé. D’autres restaurants ou hôtels font de
Vridi une mini-station balnéaire, comme le « Grillon », le « Cocobeach » ou le
« Kontiki » qui est également un club de sport. Ils ne représentent que l’avant-
garde des nombreux établissements qui se succèdent jusqu’à Grand-Bassam,
mais ces derniers ne font plus partie d’Abidjan.
Une concentration assez importante de restaurants-piscines se trouve
localisée dans le vieux quartier de Grand-Bassam : la Taverne Bassamoise,
le Tereso, la Madrague, la Paillotte, le Wharf, Assoyam Beach, Boblin la
mer, les trois Cocotiers. Ces établissements ont reçu un dimanche d’enquête
161 voitures. Un nouvel établissement, le N’sa Beach a servi ce jour-là près
de 800 repas le midi.
À Assinie, sur une bonne longueur de côte, des espaces gastronomiques et
de repos accueillent le « dimanchier » pour une séance de casse-croûte ou pour
la relaxation. S’y succèdent les restaurants African Queen Lodge, l’Océane, les
Marines de Babihana, Crocodiles Dipi et Climbié d’Assinie.
En semaine, la plage est plutôt calme. Elle donne à voir la pleine dimension
de son animation le week-end. Même avec la baisse de la fréquentation des
activités, la plage reste fréquentée. Ce sont souvent des convois entiers de
jeunes, de groupes socioprofessionnels, de couples et de familles qui viennent
se reposer avant d’entamer la nouvelle semaine de travail. Aujourd’hui,
l’intensité des activités de la plage d’Assinie a sérieusement baissé. La crise est à
l’origine de la morosité du moment, particulièrement perceptible au niveau des
deux principaux villages de vacances que sont Valtour et le Club Méditerranée.
Ces deux espaces créés en 1968 et qui naguère attiraient du beau monde
pendant la période estivale sont aujourd’hui au niveau bas de leur activité. 133
USAGES ET INTERACTIONS NATURE/SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

Il n’empêche, l’existence en ces lieux de ces grands équipements touristiques


achève de convaincre sur la viabilité et l’intérêt à porter à la destination. Ces
vastes domaines bâtis sur plusieurs hectares offraient jusqu’au déclenchement
de la crise, tout le confort et le loisir à des touristes italiens, américains, français
et espagnols, notamment.
À l’ouest de l’agglomération d’Abidjan, l’hôtel-restaurant de Jacqueville attire
peu de monde. Sur une centaine de voitures qui franchissent en moyenne le
bac le week-end, moins de 10 vont à l’hôtel où 35 repas de midi sont servis. La
piscine d’eau douce dominant le lac prisonnier du cordon littoral fait oublier le
relatif éloignement de la façade maritime.
Au-delà, la situation observée sur le littoral sud-ouest est encore différente.
En effet, depuis la crise, la fréquentation des établissements classiques de
restauration et d’hôtellerie est très faible voire nulle. D’autres petits restaurants,
pourtant moins bien situés et moins bien équipés, mais sans doute plus
modestes, attirent quant à eux encore quelques clients.

Photo 5 -
Cet hébergement
touristique et de
loisirs est une nouvelle
forme d’établissement
balnéaire situé sur
la plage d’Assinie. Il
s’agit d’un bel exemple
d’aménagement
de l’espace pour le
repos, le bain et la
restauration. Des
appatams sous forme
de parasol de paille,
des chaises longues et
une terrasse forment
l’ensemble.
Crédit photographique G. Aphing-Kouassi

Le phénomène de « paillotisation » du littoral ivoirien


Les paillotes ou appatams comprennent généralement une petite cabine
couverte et clôturée, une table en bois et deux bancs à l’abri d’un toit à deux
pans. Ils sont entourés d’une palissade haute de deux mètres qui les isole les uns
des autres, le côté exposé à la mer restant entièrement ouvert. Ils sont mis en
location (au mois ou au jour) par les habitants de quelques villages de planteurs
ou de pêcheurs qui en ont fait une activité particulièrement lucrative. Il arrive
que le locataire paie la fabrication et l’entretien annuel de l’appatam de 17 000 à
20 000 FCFA. Lorsque le secteur est trop éloigné d’Abidjan, l’appatam est déjà
134 construit par les villageois qui cherchent à attirer des clients.
FRÉQUENTATION DU TOURISME NATIONAL SUR LES PLAGES ET LE LITTORAL IVOIRIEN

Les paillotes ou appatams sont de toutes sortes, depuis les plus modestes

N’DRI GERMAIN APHING-KOUASSI


jusqu’aux plus élaborés (photos 6 à 8). On peut cependant les distinguer en
fonction de leur accessibilité par la route (appatams-autos) ou par la lagune
seulement (appatams-bateaux).
Les plus grandes concentrations d’appatams-autos se situent sur le littoral
Abidjan - Grand-Bassam, entre Port-Bouët et Grand-Bassam. Ils sont
tous accessibles par la route, et bordent sans interruption la plage sous les
cocotiers, depuis le village de Dieudonné jusqu’à Grand-Bassam, soit environ
15 kilomètres. Un peu après le kilomètre 27, la route bitumée s’éloigne de
la côte et cède la place à la lagune Ouladine. Deux rangées d’appatams ont
été installées et profitent de la mer d’un côté et de la lagune de l’autre. Ce
littoral se subdivise en 3 sous-secteurs dont le premier, le plus ancien, se situe
avant le kilomètre 27. On y compte 620 appatams sur environ 6 kilomètres
de plage. Certains d’entre eux, relativement grands, ont été aménagés d’une
façon plus ou moins durable. Ils appartiennent parfois à des sociétés qui les
louent pour leur personnel, ou sont en copropriété entre plusieurs familles.
Le second secteur se situe entre la lagune Ouladine et la mer, un peu plus
loin du premier. On y compte 600 appatams, dont 136 sur la lagune. Ici, les
appatams sont moins personnalisés et changent souvent de propriétaire. La
densité d’occupation de la plage y est bien plus importante que dans le secteur
précédent quand bien même que l’accès soit rendu difficile par une mauvaise
piste sous les cocotiers, à même le sable du cordon littoral. La clientèle est
davantage une clientèle occasionnelle ; les gens louent au mois, mais ne viennent
pas systématiquement tous les dimanches. Un troisième secteur termine cet
alignement par 245 appatams autour d’Azuretti et vers Grand-Bassam. Il est
accessible par une piste qui mène à Grand-Bassam.
Ainsi, sur les 15 kilomètres de plage, 1 465 appatams ont été dénombrés. Des
panneaux personnalisés signalent par des noms évocateurs ces installations
tout le long de la route de Grand-Bassam. Seuls les gens des secteurs proches
d’Abidjan (premier et troisième secteurs) y passent la nuit, car le confort y est
suffisant pour cela. On y vient surtout pour passer le dimanche. Les principales
activités sont la baignade en mer, la sieste au soleil ou à l’ombre des cocotiers.
Les colporteurs défilent tout au long de la journée vendant des bibelots, des
serviettes de bains, des jouets pour enfants, etc.
Les résidences secondaires
On s’y rend soit en bateau, soit en voiture. On note à la périphérie d’Abidjan
(île Boulay) une centaine de résidences secondaires ou « appatams-bateaux »
selon l’expression de Berron (1980). Elles ont été installées sur les 3 kilomètres
qui font face au port et au canal. Du cordon littoral jusqu’à la plantation de l’ex-
SODEPALM, on a compté 86 résidences secondaires dont 46 possèdent un
ponton privé pour l’accostage des bateaux. Dans ces deux premières situations
où la côte est exposée à la brise, les résidences secondaires sont bien ventilées.
En face de l’île, sur le cordon littoral, on en compte 172 dont 44 avec pontons
sur environ 10 kilomètres. Les résidences secondaires de ce secteur sont moins 135
USAGES ET INTERACTIONS NATURE/SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

Photo 6 - Cet appatam,


est une forme parmi
les plus sommaires
d’aménagement
touristique.
Cet ensemble se situe
près de Monogaga, sur
le littoral du sud-ouest.

Crédit photographique G. Aphing-Kouassi

Photo 7 - Situé
sur le littoral sud-
est, à proximité de
l’agglomération
d’Abidjan, cet
appatam vu de l’arrière
représente un autre
stade d’évolution de
l’équipement dont les
abords ont été bien
nettoyés et aménagés.

Crédit photographique G. Aphing-Kouassi

Photo 8 -
Progressivement
plus stable, avec des
matériaux plus durables
et protégés par un toit,
ces aménagements
représentent un niveau
supérieur d’évolution.

136 Crédit photographique G. Aphing-Kouassi


FRÉQUENTATION DU TOURISME NATIONAL SUR LES PLAGES ET LE LITTORAL IVOIRIEN

bien ventilées à cause du faible relief du cordon littoral qui abrite le bord de la

N’DRI GERMAIN APHING-KOUASSI


lagune de la brise. Sur la rive nord de l’île, il y a 20 autres résidences secondaires.
Le total est de 378, dont 90 avec un ponton d’accostage. Le secteur de l’île
Boulay a connu son temps de gloire. Il a été depuis quelques années celui des
privilégiés qui possédaient un bateau. Aujourd’hui, le nombre des privilégiés
est devenu tellement important que certains abandonnent ces rivages pour aller
s’installer beaucoup plus loin, autour d’Assinie.
Le second secteur important d’implantation de résidences secondaires, Assinie,
est limité à l’est par la lagune Aby. Il s’étend sur tout le cordon littoral compris
entre la mer d’une part et la rivière Assinie (élargie en lagune) de l’autre. Depuis
la création des villages de vacances à la fin des 1960, ce secteur est à même
d’offrir certaines commodités : piste entretenue jusqu’au terminal, restaurants,
bars, surveillance des plages, dépannage de bateaux,… (Diénot, 1981).
Les résidences secondaires sont aménagées pour permettre d’y passer les fins
de semaine, car elles sont très éloignées d’Abidjan (photo 9). La plupart de leurs
utilisateurs viennent soit en bateau, soit en voiture. Chaque mode de transport
a ses avantages. En bateau, on longe toute la partie est de la lagune Ébrié, avant
d’obliquer vers Grand-Bassam et, après avoir passé sous le pont de Mossou,
de s’engager dans le canal d’Assinie pour le suivre pendant 28 kilomètres avant
de déboucher dans la lagune d’Assinie. Les bateaux rapides accèdent à Assinie
en moins de deux heures, ce qui correspond au temps mis en voiture. Les
usagers qui viennent en voiture ont l’avantage de transporter plus de bagages
et de personnes. Ce transbordement entre la voiture et la résidence secondaire
s’effectue par navette, depuis le terminal d’Assinie. Il est aussi possible de quitter
Assinie, le dimanche soir, une ou deux heures plus tard pour ceux qui sont
venus en voiture. Quant au bateau, il oblige à quitter la résidence secondaire vers
16 heures ou 16 heures 30, pour rentrer avant la nuit.
La location des emplacements est très variable selon les lieux. Elle se fait
auprès des villageois qui exploitent les cocoteraies. Ce secteur de résidences de
luxe s’étend jusqu’aux îles qui barrent la passe d’Assinie.
Le troisième et dernier secteur est constitué par l’anse de Monogaga et la baie
de Grand-Béréby. À Monogaga (photo 10), la dizaine de résidences secondaires
appartient à des Européens qui travaillent dans la région du Sud-Ouest. Ils y
viennent généralement durant les congés de Pâques et les jours fériés. Consti-
tuées essentiellement de bois, de tuiles et de verres, les constructions s’intè-
grent au cadre luxuriant du paysage de Monogaga. L’éclairage se fait à l’aide
des lampes ou d’un groupe électrogène. Il n’y a pas d’adduction d’eau. L’eau est
stockée dans des réservoirs. Quant à Grand-Béréby, les résidences secondaires
appartiennent aux cadres de la région qui y séjournent avec leurs familles et
amis lors des funérailles ou des manifestations socioculturelles.

Les difficultés de développement touristique du littoral et des zo-


nes lagunaires
Le littoral est un espace stratégique en matière de tourisme, car il s’y concentre
en effet la plupart des investissements en termes d’infrastructures. 137
USAGES ET INTERACTIONS NATURE/SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

Quelques initiatives du Gouvernement telles que le décret n° 70-530


du 2 septembre 1970 classant Assinie zone de développement touristique
prioritaire, l’étude réalisée en 1999 par le Bureau national d’études techniques
et de développement (BNETD) sur la mise en valeur du littoral sud-ouest
et le projet de conservatoire du littoral montrent que l’État est conscient de
l’importance de ces espaces pour le tourisme. Cependant, les opérateurs du
secteur installés dans ces zones sont confrontés à de nombreuses difficultés
qui constituent autant d’obstacles au développement du tourisme sur le littoral
et les zones lagunaires. Ces préoccupations, exprimées en plusieurs occasions
par les opérateurs et constatées sur le terrain, peuvent être regroupées en trois
points essentiels : (1) la maîtrise et la gestion des espaces destinés au tourisme ;
(2) la qualité de l’environnement ; (3) la sécurité.

Photo 9 - Certaines
résidences secondaires
sont entièrement
construites en dur
et disposent de
toutes sortes de
commodités (courants
électriques, adduction
d’eau, etc.). Ici, la
résidence secondaire
est construite sur
le promontoire
de l’arrière-plage
d’Assinie. Elle dispose
des alimentations en
eau et électrique.
Crédit photographique G. Aphing-Kouassi

Photo 10 - Cette
résidence secondaire
construite sur la
plage de Monogaga
est une illustration
des nouvelles formes
d’occupation du littoral
sud-ouest ivoirien. Par
les matériaux utilisés,
elle s’intègre bien au
paysage. « L’éclairage se
fait à l’aide de lampes ou
d’un groupe électrogène,
l’eau est stockée en
réservoir ».
138 Crédit photographique G. Aphing-Kouassi
FRÉQUENTATION DU TOURISME NATIONAL SUR LES PLAGES ET LE LITTORAL IVOIRIEN

N’DRI GERMAIN APHING-KOUASSI


La maîtrise et la gestion des espaces destinés au tourisme
De nombreux litiges naissent entre les populations des zones concernées et
les promoteurs d’établissements de tourisme, si bien qu’il devient indispensable
pour l’État, et en particulier pour l’Administration du tourisme, de pouvoir
maîtriser les espaces réservés aux investissements touristiques. Tel n’est pas le
cas actuellement. Dans la région d’Assinie, le décret 70-530 du 2 septembre
1970 est totalement ignoré ou méconnu des populations, car il semble avoir été
adopté sans aucune mesure d’accompagnement en terme de purge des droits
coutumiers et d’indemnisation. Aussi, les communautés locales se considèrent-
elles toujours propriétaires terriens au vu du droit coutumier qui survit. Dans
la quasi-totalité des investissements qui se réalisent dans la zone d’Assinie, les
propriétaires coutumiers des terrains attribués par l’Administration réclament
encore aux promoteurs touristiques des loyers mensuels ou annuels et, le cas
échéant, une indemnisation pour les cultures détruites. Même les opérateurs
économiques qui ont des dossiers fonciers en règle et s’acquittent régulièrement
de leurs obligations fiscales préfèrent se soumettre à cette double taxation par
les propriétaires coutumiers en vue de favoriser une cohabitation pacifique. En
effet, en cas de refus du promoteur, le propriétaire coutumier recourt au tribunal
pour faire reconnaître ses droits, et il obtient très souvent gain de cause (affaire
Laguna Beach en 1997 ; Eloh Adouko contre African Queen Lodge en 1999 ;
Miezzan contre Club Méditerranée). Les populations considèrent ces loyers
comme le dédommagement que l’État ne leur a pas accordé en les expropriant.
Cette situation, souvent conflictuelle, créé un sentiment d’insécurité pour les
investissements touristiques dans la zone.
S’est développée par ailleurs une forte occupation du littoral et des berges
lagunaires par des résidences privées principales ou secondaires (en zone
urbaine) et par des bungalows pour les week-ends (en zone rurale). Cette
situation est aussi bien rencontrée dans le sud-est (Assinie, Assouindé), le sud
(Grand-Bassam, la Baie des Milliardaires à Abidjan) que le sud-ouest (Sassandra,
Monogaga, San Pedro), réduisant ainsi d’année en année les espaces pouvant
être affectés aux investissements touristiques.
En outre, les propriétaires des résidences privées s’aménagent des plages
privées rendant ainsi inaccessible la mer pour les opérateurs situés sur les berges
lagunaires qui n’ont pas pris le soin de louer un espace sur le bord de mer. C’est
surtout le cas à Assinie, alors que les propriétaires de ces résidences privées
ne semblent pas pour la plupart avoir respecté une quelconque procédure
administrative préalable à leur installation. Les opérateurs touristiques
d’Assouindé dénoncent ainsi l’inexistence de plages publiques, les week-ends et
jours fériés, leurs activités étant gravement perturbées par les nombreux jeunes
qui viennent dans la zone pour profiter de la mer.
La situation qui prévaut dans le sud-est en matière de maîtrise et de gestion
des espaces est, à un degré moindre de conflits déclarés, la même que dans le
sud-ouest. Cette situation va à l’encontre d’un principe fondamental en matière
de développement touristique et surtout d’incitation à l’investissement, celui
selon lequel l’État doit absolument assurer la disponibilité des terres quand et
là où c’est nécessaire, à un prix et dans des délais raisonnables. 139
USAGES ET INTERACTIONS NATURE/SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

La qualité de l’environnement des plages


La pollution maritime et lagunaire a atteint, à certains endroits, un degré
inquiétant, alors que la qualité de l’environnement constitue un élément majeur
de compétitivité pour une destination touristique.
Dans le Sud-Ouest, la situation est de moindre importance et les pollutions
semblent surtout localisées dans les grandes agglomérations. Toutefois et comme
c’est parfois le cas à Sassandra, la couleur noirâtre de l’eau observée est, semble-
t-il, due à des nettoyages de bateaux opérés discrètement au large de la ville.
Sur le littoral et les plans d’eau lagunaires du sud et du sud-est, particulièrement
à Abidjan, Assinie et Assouindé où se trouvent concentrés la plupart des
établissements touristiques de la région, la situation est alarmante. Une enquête
effectuée sur la lagune d’Assinie avec les services du Centre ivoirien antipollution
(CIAPOL) a permis de mettre à jour plusieurs dysfonctionnements graves au
niveau des villages d’Assouindé (à quelques mètres des villages de vacances de
la Valtur et du Club Méditerranée) et d’Assinie Terminal (en partie situé sur
le canal d’Assinie). Les latrines y sont construites directement sur la lagune
qui sert également de dépotoir pour les ordures ménagères. On y observe des
résidus de goudron tout au long de la plage alors que quelques élevages de
porcs et des savonneries artisanales déversent leurs effluents directement dans
la lagune. Des activités de pêche s’y exercent avec pose de filets juste devant
certains établissements empêchant ainsi à partir de ces équipements la pratique
du sport nautique qui constitue l’un des premiers produits d’appel touristique.
Enfin, des odeurs insupportables couvrent l’ensemble de la zone, sur près
d’un mois pendant la période des fêtes de fin d’année. Ces odeurs sont dues
à la décomposition des jacinthes d’eau (refoulées par le canal d’Assinie) qui
intervient chaque année à la même période amenant certains clients à écourter
leur séjour dans les hôtels les plus touchés tels que l’African Queen Lodge.
La sécurité
La présence quasi permanente et indésirable sur les plages des vendeurs
ambulants d’objets d’art et de toutes sortes de marchandises et d’aventure d’une
part, la circulation des autos et motos sur les plages, principalement pendant
les jours non-ouvrables, d’autre part, créent pour les clients des établissements
situés sur le littoral un climat d’insécurité longtemps dénoncé.
À l’issue des concertations avec les services compétents du Ministère
des transports, il a été convenu, avec la contribution des opérateurs
touristiques concernés, le déploiement d’une brigade de la police maritime
à Assouindé et Assinie.

Conclusion
Les possibilités offertes par le milieu naturel ne suffisent pas à faire du littoral
ivoirien un secteur particulièrement attractif. En effet, si les plages de sable fin,
les cocotiers, le soleil, le système lagunaire se vendent bien, la fréquentation d’un
réceptif touristique dépend également de son accessibilité et de la proximité de
140 la clientèle par rapport aux bords de mer.
FRÉQUENTATION DU TOURISME NATIONAL SUR LES PLAGES ET LE LITTORAL IVOIRIEN

Aujourd’hui, les résidents fréquentant les installations hôtelières représentent

N’DRI GERMAIN APHING-KOUASSI


une clientèle beaucoup plus nombreuse que ne sont les touristes étrangers à
cause de la situation de crise qui prévaut depuis 1999, même s’ils séjournent
en général beaucoup moins longtemps au même endroit. L’essentiel de la
clientèle est donc aujourd’hui constitué des populations urbaines locales et
en partie de plus en plus de cadres africains possédant les moyens d’accéder
aux loisirs, y compris dans les appatams les plus sophistiqués de la région
d’Assinie. Ils constituent de façon générale une part prépondérante du chiffre
d’affaires de beaucoup de réceptifs touristiques, un appoint important pour
les hôtels des villes du littoral.
Les activités de loisirs ne sont pas en reste. Elles font des régions lagunaires
un secteur attractif. L’essentiel de l’animation des fins de semaine se produit au
départ et à l’arrivée d’Abidjan. Les dimanches et jours fériés, on peut estimer à
plus de 10 000 le nombre de personnes qui passent le dimanche sur le bord de
mer en période de beau temps. Ce chiffre est bien probablement en dessous de
la réalité, car les comptages ne sont pas exhaustifs.
Même s’il apparaît difficile de comptabiliser en totalité les taxes régulièrement
payées par les « dimanchiers », il n’en demeure pas moins que ces activités de
loisirs dégagent des revenus précieux et d’un montant non négligeable. Une
part est distribuée directement aux villageois.
La question d’avenir demeure celle de la gestion des plages et du littoral
ivoirien qui nécessite des réponses adaptées et notamment : (1) la réorganisation
de l’occupation de l’espace littoral et lagunaire entre les différentes
activités, notamment, le tourisme, l’habitat, l’industrie et l’agriculture ; (2) la
détermination, dans le plan d’aménagement du territoire et dans les différents
plans d’urbanisme, des zones touristiques réservées et protégées ; (3) la création
d’une structure dotée de la personnalité juridique et de l’autonomie financière,
telle une agence foncière par exemple, chargée d’acquérir, aménager, équiper et
gérer les zones destinées aux investissements touristiques.
L’une des actions prioritaires devrait ainsi consister en l’adoption d’un zonage
permettant de garantir l’affectation des terres au tourisme, surtout lorsque
les ressources sont limitées comme c’est le cas sur les côtes et près des zones
protégées. En zone urbaine, grâce à cette procédure de zonage, les emplacements
particulièrement indiqués pour les hôtels et autres aménagements touristiques,
devraient être réservés à cet usage touristique. En zone rurale, dans la mesure où
la plupart des terres appartiennent aux communautés, l’acquisition d’un terrain
par un investisseur doit être soigneusement négociée, avec l’appui des autorités
administratives locales, de façon à ne pas léser le propriétaire tout en maintenant
le prix dans des limites raisonnables pour garantir la viabilité du projet envisagé.
Pour l’amélioration de la qualité de l’environnement, il apparaît nécessaire
d’endiguer le fléau que constitue l’état de pollution actuelle de la lagune d’Assinie.
Pour ce faire, il conviendrait de réaliser en faveur des différentes familles des
latrines améliorées sur terre ferme, des fosses septiques pour recevoir les
eaux usées, des centres d’incinération des ordures ménagères ; d’envisager le
déplacement des populations des villages d’Assouindé, Ebotiam et Mandjan 141
USAGES ET INTERACTIONS NATURE/SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

qui, pour avoir cédé l’essentiel de leurs terres disponibles à des particuliers ou
à des promoteurs touristiques, ne disposent pratiquement plus d’espace pour
l’installation de structures communautaires (écoles, dispensaires, etc.).

Références
BERRON H., 1980. « Tradition et modernisme en pays lagunaire de basse Côte d’Ivoi-
re », Orphys, p. 326-348.
DIENOT J., 1981. L’impact du complexe touristique d’Assinie (Côte d’Ivoire) sur le milieu local, régional et
national, doctorat de 3 ième cycle de Géographie, Université de Paris VII Vincennes, 722 p.
HAUHOUOT A. C., 2000. Analyse et cartographie de la dynamique du littoral et des risques
« naturels » côtiers en Côte d’Ivoire, thèse de Géographie, Université de Nantes, 300 p.
HINSCHBERGER F. et POMEL R., 1972. « La morphologie des côtes rocheuses entre Monogaga et
Sassandra (Côte d’Ivoire) », Annales de l’Université d’Abidjan, série G (Géographie) I. IV., p. 7-37.
Institut National de la Statistique (INS), 1998. Recensement Général de la Population
et de l’Habitat-RGPH, Données sociodémographiques sur les villes côtières, Abidjan, 140 p.
Ministère du Tourisme et de l’Artisanat, 2005. Statistiques touristiques, 25 p.
NÉDÉLEC M., 1974. Équipements touristiques et récréatifs dans la région d’Abidjan. CRAU,
Université d’Abidjan, 230 p.
PASKOFF R., 1993. Les littoraux ; impact des aménagements sur leur évolution. Masson, Paris, 256 p.
RÉMY M., 1996. La Côte d’Ivoire aujourd’hui, Éditions du Jaquar (7ème édition), Paris, 236 p.

142
STRUCTURE DU MODÈLE SPATIAL IVOIRIEN ET PRESSIONS HUMAINES SUR LE LITTORAL

MAMOUTOU TOURÉ
Structure du modèle spatial ivoirien :
réglage territorial et pressions humaines sur
le littoral de Côte d’Ivoire
Mamoutou TOURÉ
Institut de Géographie Tropicale, Université de Cocody Abidjan
(Côte d’Ivoire)

Le territoire ivoirien a inexorablement évolué vers une originalité spatiale,


héritière de l’histoire précoloniale et coloniale et qui se lit encore dans le nouvel
État : une accumulation différentielle dans l’espace marquée par une pression
humaine continue sur le littoral et les marges forestières au détriment des
savanes du Nord. Les plans régionaux et le modèle urbain rapidement mis en
place au début des années 1970 par un État ivoirien disposant d’importants
moyens, soucieux de contrebalancer la primatie d’Abidjan, n’ont pas donné les
résultats escomptés. Les aires méridionales, le littoral en tête, concentrent en
effet 90 % de l’appareil productif national et 75 % de la population ivoirienne,
quarante ans après l’indépendance. La permanence, l’inéluctabilité de cette
pression sur le littoral pose le problème du véritable sens du territoire ivoirien
et au-delà, la question de la promotion d’un espace de qualité dans les villes
littorales et à Abidjan en particulier.

Les systèmes territoriaux de base en Côte d’Ivoire


Géohistoire de la Côte d’Ivoire en Afrique de l’Ouest
Les pressions croissantes sur le littoral ivoirien et les aires forestières qu’il
jouxte ne sont pas le fait du hasard. Elles sont à replacer dans le cadre plus
global d’un modèle spatial réglé, c’est-à-dire dont le fonctionnement est assujetti
à des règles résultant des mécanismes successifs d’appropriation et de mise en
valeur de l’espace. Cette structure de l’espace ivoirien n’est intelligible qu’en
recourant à des tendances lourdes depuis la Côte d’Ivoire post-coloniale, puis
son insertion dans les échanges internationaux, telle que définie et construite
par le modèle colonial français. 143
USAGES ET INTERACTIONS NATURE/SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

Figure 1 - Les structures spatiales de base en Côte d’Ivoire

Écologie États anciens Cultures vivrières

Mil

Piste

Piste
Sorgho Bovins
Maïs Mil
Relief

Igname Igname
Pays Baoulé
maïs Riz

Riz Taro,
Forêt
Banane

forêt liaison majeure tête de pénétration coloniale


mosaïque forêt-savane royaume ou chefferie porte d'entrée principale (Bassam,
Bingerville et Abidjan)
savane limite forêt-savane axe de pénétration
D'après Géographie Universelle, les Afriques au sud du sahara M. TOURE, A. KANGAH

Figure 2 - La Côte d’Ivoire précoloniale dans le système d’échange


ouest-africain (avant 1893)

Bamako Sikasso Djénné

BOBO-DIOULASSO

Tengréla
ODIENNE
KANKAN KONG
Salega
BOUNA

TOUBA Satama
Klatempo
BEYLA SEGUELA BONDOUKOU
MANKONO
Man Agnibilékro Kumassi

Tabou Sassandra Grand-Lahou Abidjan Aboisso ASSINIE


San Pedro Jacqueville GRAND - BASSAM CAPE COAST

OCÉAN ATLANTIQUE
Man principal centre commercial frontière fictive
liaison majeure d'échange BEYLA marché relais important
limite forêt-savane Interprétation de diverses sources M. TOURE, A. KANAGH
144
STRUCTURE DU MODÈLE SPATIAL IVOIRIEN ET PRESSIONS HUMAINES SUR LE LITTORAL

Si plusieurs conjonctures se sont succédées de l’infini du passé jusqu’à nos

MAMOUTOU TOURÉ
jours, en passant par la phase coloniale, du point de vue du territoire, il est
possible de caractériser trois grandes phases.
Une première, antérieure à 1893 ou phase ethno-culturelle (figure 1) renvoie
à des situations de contact entre des systèmes territoriaux individualisés dans
la gamme des milieux naturels prédominants (savane, mosaïque forêt-savane et
forêt) et qui se définissent prioritairement par la politique (États, royaumes ou
chefferies), la culture (alimentation, habitat, habillement, etc.) ou l’économie
(cultures vivrières, produits de cueillette et de la chasse).
Pendant plusieurs siècles l’organisation de la circulation dans ce modèle
de base est dominée par la continentalité. En position d’interface entre les
grandes villes de la vallée du Niger, exportatrices de tissus, sel, fer, esclaves, à
la zone forestière productrice d’or et de cola notamment, les villes de contact
savane-forêt constituent les principaux lieux de communication, d’échange
et de transbordement entre les parties nord et sud de l’Afrique de l’Ouest.
Cette organisation spatiale peut être considérée comme la marque locale du
commerce ouest-africain et principalement animé par des courtiers installés le
long des principaux axes commerciaux (figure 2).
Il s’agit bien en effet d’une mise en réseau insoupçonnée, en partie structurée,
organisée et hiérarchisée, mettant en relation des mondes séparés dont la
complémentarité réduit les distances. Une rupture sensible s’opère avec l’arrivée
des Européens (Portugais d’abord, dès le XVe siècle, puis Hollandais, Danois,
Britanniques) et marquée par une implantation hégémonique française.
Mise en État et émergence d’un modèle spatial ivoirien
Les moments de tâtonnements passés, la mise en État de la colonie de Côte
d’Ivoire à partir de la seconde moitié du XXe siècle (1893-1960) va littéralement
modifier l’ordre précolonial au profit d’une logique d’ensemble (Joseph, 1944)
favorable à l’émergence de ce qui est convenu d’appeler les bases du modèle
spatial ivoirien (figure 3).
Tête de pont de la colonisation, c’est sur le littoral que les tout premiers
ressorts du réglage territorial apparaissent. Il s’agit de l’installation de quelques
comptoirs ou wharfs d’abord épars au départ de quelques voies de pénétration
vers l’intérieur du pays : Tabou, San Pedro, Grand-Lahou, Dabou, Jacqueville,
Grand-Bassam, Assinie. Ces installations se multiplient par la suite avec le
développement de l’appareil administratif colonial (1893-1933).
Les contours de l’espace socio-économique ivoirien se renforcent par la mise
en place de nouvelles interfaces à caractère économico-administratif insérées
de gré ou de force : tracé des frontières, limites de cercles, subdivisions, cantons
notamment. Ces unités de reconversion et dont les premières apparaissent
dès 1896, se superposent parfois à d’anciennes limites (cercles gouro,
tagbana) ; le plus souvent, elles fragmentent les territoires traditionnels (par
exemple les cercles baoulé, lagunes). Le maillage administratif et les réseaux
de circulation (voie ferrée, routes et télégraphes) qui lient les chefs-lieux des
cercles et subdivisions vont offrir à leur tour des conditions pour soutenir 145
USAGES ET INTERACTIONS NATURE/SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

Figure 3 - Principales orientations de la promotion économique de la Côte d’Ivoire (1893 - 1960)


Odienné Korhogo Ferkéssédougou
O rg an i sati o n ad mi n i strati ve
(1893-1920)
Tafiré Kong T racé des f ron tièr es, po stes
militar o-administratifs et
Katiola
Touba Dabakala ur banisation
Mankono
Bouaké Bondoukou
Man
Bouaflé Dimbokro
Daloa
Zaranou centre urbain (non-exhaustif)
Oumé
limite forêt-savane
Agboville
Tiassalé Avant 1893, marche et découverte
Aboisso
du territoire
Dabou
ABIDJAN

Tabou San Pedro Gd-Lahou Assinie


Sassandra Jacqueville Grand - Bassam
Ouagadougou Bobodioulasso
Bamako Sikasso

Ouverture de la colonie (1900 - 1945)


Odienné Korhogo Ferkéssédougou Bouna Grands travaux d'équipements
Tafiré Kong
Bondoukou
Beyla et Touba Marabadiassa Dabakala
Katiola
Kankan Séguéla Mankono Groumania

Tiébissou Bouaké Assi-


Man Kodiaffi kassou port colonial
Bouaflé Bonzi rade foraine
Dimbokro Niablé
Daloa centre urbain
Toumodi
Issia Zaranou liaison majeure
Oumé Adzopé
Singrobo Bettié chemin de fer
Soubré
Tiassalé Agboville
Niagu Bingo Aboisso
Becédi Alepé
Dabou
Half
Tabou San Pedro Sassandra Jacqueville Assinie Assinie D'après la configuration du réseau télégraphique
Grand-Lahou(1901-1922) ABIDJAN Grand - Bassam de la Côte d'Ivoire en 1915

Migrations économiques É co n o mi e d e p l an tati o n


(Malinké, Sénoufo, Mossi...) (1945-1960)
Flux de migrants

P r omotion économique

karité, kapok, sisal, coton


pôle économique majeur

zone d'appel de main-d'oeuvre


diffusion des migrants dans les
fronts pionniers

économie forestière
CAFÉ
café-cacao
- CACAO
CAFÉ principale culture d'exportation
banane, bois, palmier
banane autre culture d'exportation

ABIDJAN M. TOURE, A. KANGAH


146
STRUCTURE DU MODÈLE SPATIAL IVOIRIEN ET PRESSIONS HUMAINES SUR LE LITTORAL

le développement d’une économie basée sur l’exportation de produits agro-

MAMOUTOU TOURÉ
forestiers. Le renforcement de la littoralité dans le carré ainsi défini s’opère par
la promotion d’une arboriculture (café, cacao, coton) davantage centrée sur les
aires forestières méridionales, l’appel de mains-d’œuvre des régions soudanaises
et la construction d’un port en eau profonde comme exutoire principal.
Cette organisation de l’espace fondée sur le rôle accru de l’agro-exportation,
la mise en place d’une circulation organisée (routes, rail, port) et connectée à
d’autres parties du monde et en particulier les industries métropolitaines, est
à l’origine de circulations combinées et différenciées. Avec l’accroissement de
l’activité, les centres urbains s’enrichissent d’autres fonctions en favorisant des
aires de relations privilégiées (à la fois intra et interrégionales) entre les centres
urbains en gestation.
Les pôles urbains intégrés dans les réseaux anciens en situation d’interface
continentale ont connu un affaiblissement réel au cours de la période
coloniale (Marabadiassa, Séguéla, Satama, Mankono, Kong), mais certains se
maintiennent (Touba, Bondoukou). Aux premiers nœuds littoraux polarisant
les flux, s’ajoutent de nouveaux centres proches des nouveaux différentiels
produits par les découpages politico-administratifs. Ces nouvelles interfaces
internes favorisent les croissances de part et d’autre des frontières avec les
États voisins (Odienné, Tingréla, Bondoukou, Aboisso, Touleupleu et Tabou)
ainsi qu’à partir de pôles sélectionnés (Grand-Bassam, Bingerville et Abidjan)
ou créés par l’administration coloniale (Bouaké, Korhogo) dans sa volonté
d’encadrement territorial, parce qu’ils s’inscrivent parfaitement dans la nouvelle
configuration de la circulation induite par le colonat. Mais fondamentalement,
ce sont les centralités forestières et surtout littorales qui se renforcent.
L’espace ivoirien commence à s’épaissir économiquement à partir de la zone
forestière après l’ouverture d’un port en eau profonde à Abidjan en 1950. Des
pôles forestiers prennent de l’ampleur et deviennent des relais majeurs autour
desquels s’organisent les flux vers les centralités littorales dominantes.
Quatre logiques spatiales se dégagent ainsi dans la construction de l’espace
ivoirien : logique d’interface (maritime, sahélienne), logique d’échanges,
logique de croissance et logique de centralité. Présentées dans leur dynamique
historique, elles se combinent dans l’espace ivoirien structurant des pôles
économiques hiérarchisés. Elles permettent de rendre compte de la pression
démo-économique sur le littoral ivoirien.

Options stratégiques et volontarisme étatique


Options stratégiques de développement à l’indépendance
Pour rappel, la Côte d’Ivoire est avant tout le produit d’un territoire sans
unité naturelle, sans homogénéité de population et sur lequel la colonisation
française a imprimé vigoureusement sa marque (Joseph, 1941). Bien que le pays
aborde l’indépendance avec une personnalité agricole affirmée, l’orientation
du moule colonial renvoie au réglage territorial suivant. Le pays est organisé
selon une logique reposant sur la complémentarité entre les deux principales
composantes écologiques du pays. 147
USAGES ET INTERACTIONS NATURE/SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

D’une part, l’économie est structurée autour de l’agro-exportation basée


sur la culture du café et du cacao et accessoirement la coupe de bois. Cette
économie forestière est principalement développée dans le quart sud-est du
pays où se concentrent tous les investissements. Le système urbain fonctionne
autour d’Abidjan, exutoire principal vers les industries européennes ; y
convergent aussi les principales voies de communications (routes et chemin
de fer). Les autres villes sont considérées comme des rouages de collecte et
d’acheminement (Touré, 2004).
D’autre part, isolées par le tracé des frontières des autres zones sahéliennes
avec lesquelles existaient des courants d’échange traditionnels, les savanes
du Centre et particulièrement du Nord sont confinées au rôle de fournisseur
de main-d’œuvre. Certes, ces régions de savane ont connu un début de mise
en valeur vers les années 1930, en témoignent la création des plantations de
coton, sisal, kapok, karité et les diverses productions végétales. Mais, le sort
du nord de la Côte d’Ivoire sera irrémédiablement lié à la croissance de la
zone forestière et à sa polarisation sur Abidjan avec l’essor des plantations
africaines de café et de cacao. Cette orientation imprimée par le moule
colonial a, du reste, justifié les migrations nord-sud. D’abord forcées, celles-
ci deviennent rapidement économiques et gage de réussite au sud où selon
l’imaginaire populaire «tout pousse».
Ainsi, à l’indépendance, le constat suivant relatif au développement du
pays s’imposait : des régions de savane sous-peuplées, sous-équipées, vivant
en autosubsistance, et pourvoyeuses de main-d’œuvre à bon marché ; et des
régions de forêt, notamment le quart sud-est, au développement économique
spectaculaire, s’appuyant sur l’exportation des cultures de rente et leurs
retombées sur quelques secteurs modernes : industries légères, commerce et
administrations, dans une agglomération abidjanaise où se nouent toutes les
activités économiques. L’indépendance ouvre une troisième phase (1960 à nos
jours) qui confirme la maturation des germes de changement.
Pour le planificateur ivoirien, à l’indépendance les problèmes étaient
nombreux, divers et difficiles à concilier : que fallait-il retenir des périodes
antérieures et intégrer dans le nouveau cycle de développement ? La question
est d’autant plus difficile que les diagnostics à visée de planification abondent
d’informations. Le problème de choix se pose alors : quelles innovations faut-il
apporter à l’économie nationale, basée sur l’agro-exportation, afin d’accroître
la valeur ajoutée du travail des paysans et pourvoir à une répartition juste des
fruits de la croissance ? Compte tenu de l’affaiblissement des solidarités sociales
traditionnelles, quel rôle doit jouer l’État social pour accélérer le passage des
«nations tribales» à la Nation ? Enfin, comment faut-il redistribuer les fruits
de la croissance dans le cadre de la lutte contre les disparités régionales de
production ? (Hauhouot, 2002).
Ces interrogations fondamentales ont conduit au choix d’une stratégie de
développement reposant sur deux logiques : une logique de production extensive
et une logique d’aménagement du territoire et de plans régionaux dont les deux
148 objectifs sont, d’une part, la recherche d’une meilleure répartition des hommes,
STRUCTURE DU MODÈLE SPATIAL IVOIRIEN ET PRESSIONS HUMAINES SUR LE LITTORAL

des équipements et des activités sur le territoire national et, d’autre part, le contre-

MAMOUTOU TOURÉ
balancement du poids excessif d’Abidjan et la correction des disparités inter et
intrarégionales. Dans ces vues, « le rééquilibrage des différentes régions du pays a toujours
été considéré comme devant résulter d’émergences de mutations profondes qui conditionnent le
passage d’une économie de croissance à une société de promotion », ainsi que l’observaient
les responsables de la planification en 1989 lors du séminaire de l’Union des villes
et communes de Côte d’Ivoire (UVICOCI, 1989). C’est la raison pour laquelle
le planificateur a jugé important de définir une politique d’aménagement qui
permette d’orienter avec clarté et de mener avec détermination ce rééquilibrage.
Une telle politique a pour buts fondamentaux non seulement la réduction
des disparités de toute nature, existant ou se créant entre les diverses régions,
mais aussi la recherche d’un développement en profondeur de chacune de ces
régions.
Compte tenu de la structuration spatiale héritée de la colonisation, ce
double objectif impliquait de facto deux choses. Premièrement, rechercher une
évolution des situations régionales tendant vers un progrès de l’ensemble du
pays en s’attaquant en priorité aux causes des déséquilibres ; c’est donc un
équilibre dynamique entre le développement respectif de chaque région qui
était visé, étant entendu que cet équilibre ne pouvait être atteint qu’à long terme.
Deuxièmement, il s’agissait d’une part d’éviter le freinage du développement des
régions les plus dynamiques, car leur développement permettait de démarrer et
de soutenir le développement des régions les plus pauvres, et d’autre part, d’éviter
une focalisation abusive du planificateur sur les problèmes du court terme, quelle
qu’en soit l’acuité, le risque étant de s’attaquer aux effets plutôt qu’aux causes.
Actions et limites du volontarisme étatique
Pour atteindre les objectifs décrits comme des résultantes nécessaires d’une
action publique volontariste, plusieurs moyens d’actions ont successivement été
proposés et peuvent être résumés en deux idées : la reconduction du modèle de
développement initialement mis en place, mais avec un souci de « reproduction
corrigée » (Penouil, 1983).
La reproduction extensive du modèle peut être repérée à deux niveaux. Tout
d’abord, sur le plan géographique, il est certain que les autorités ivoiriennes ont
tenté de reproduire dans le quart sud-ouest du pays le schéma qui avait réussi
dans la partie sud-est. Certes, les conditions humaines notamment étaient
différentes du fait du vide démographique de l’Ouest. Il n’en demeure pas moins
que la volonté de créer le port et la ville de San Pedro, de réaliser un réseau
routier autour de l’axe nord-sud (Man - San Pedro) et de favoriser l’émergence
d’activités agro-industrielles1, relève d’une démarche de reproduction du modèle
de développement concentrique du Sud-Est. S’il est possible d’attirer un
nombre suffisant de migrants, il sera convenable d’y réaliser une extension de

1. À savoir : filière de pâte à papier, agro-industries fondées sur le palmier à huile et l’hévéa,
industries de base utilisant les réserves ferrifères de Bangolo et l’énergie électrique des barrages
de Buyo et de Soubré etc. 149
USAGES ET INTERACTIONS NATURE/SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

l’économie caféière et cacaoyère. Le désir de mettre en œuvre et en exploitation


la forêt du centre prolonge cette volonté d’imiter le modèle de développement de
l’Est. Il s’agissait d’aménager la vallée du Bandama autour d’exploitations agricoles
de type moderne, basées soit sur les plantations de caféiers et de cacaoyers, soit
sur la pêche ou la motorisation etc.
Le même schéma de développement est aussi reproduit dans le nord du
pays. Ici, les obstacles ne sont plus simplement humains, ils sont également
d’ordres naturel et climatique. Les mêmes types de cultures ne pouvant pas
être valorisées dans le Nord, il a fallu recourir à d’autres types de cultures
d’exportation, notamment le coton puis la canne à sucre et accessoirement le
tabac et une gamme de cultures vivrières.
Ce qu’il convient de noter, c’est que dans toutes les zones, le planificateur
ivoirien a cherché à réaliser la même combinaison de l’agriculture d’exportation
et de l’agriculture vivrière en utilisant bien sûr les potentialités originales
de chaque zone. Ce qui veut dire que la reproduction extensive du modèle
a également une dimension sectorielle dans le quart sud-est du pays. La
combinaison entre la culture vivrière et la culture d’exportation s’est faite dans
le sens de la diversification.
Depuis les années 1960, on assiste à une reproduction extensive
du modèle dont le trait majeur reste la combinaison de trois formes
d’agriculture : l’agriculture vivrière assurant la subsistance devenue par la
suite un appoint important des revenus en milieu rural ; les plantations
villageoises assurant la distribution des revenus ; les plantations d’État
assurant la mise en place d’agricultures modernes très capitalistiques et
d’une rentabilité parfois plus hasardeuse.
Mais, cette fois la reproduction du modèle n’a pas été aveugle. Parallèlement,
il est observable que s’il y a eu reproduction du modèle, il y a aussi correction
dans la reproduction du modèle. Il nous paraît possible d’illustrer cette
démarche par trois faits majeurs qui se dégagent des politiques agricoles et de
planification à base régionale.
Le premier est la réduction progressive de la séparation, très nette, qui
existait au départ entre l’agriculture vivrière et l’agriculture marchande. Tout
en promouvant les cultures de rapport, les organismes de développement et
d’encadrement agricole ont en effet cherché à préserver les systèmes de cultures
traditionnelles d’autoconsommation, le plus souvent produites en assolement
avec les cultures de rentes promues par ailleurs. Ce procédé avait l’avantage
de moins déstabiliser les anciens systèmes culturaux tout en permettant
aux paysans d’assurer leurs réserves destinées à l’autoconsommation.
Les famines coloniales étant encore vivaces dans les esprits. La démarche
a été particulièrement féconde au Nord, où le coton a été introduit dans
les systèmes existants, surtout dans les départements des pays Sénoufo et
Malinké, qui contribuent chacun pour 40 % de la production nationale,
associée ici aux céréales, là aux ignames. L’abandon de la culture pure de
150 coton par la Compagnie ivoirienne de développement des textiles (CIDT)
STRUCTURE DU MODÈLE SPATIAL IVOIRIEN ET PRESSIONS HUMAINES SUR LE LITTORAL

en 1974 au profit de l’association coton-vivrier a ainsi permis la vulgarisation

MAMOUTOU TOURÉ
du coton alors qu’une large partie de la production vivrière se destine
maintenant au marché, générant des ressources non négligeables.
Deuxième fait important, la politique de développement de la Côte d’Ivoire
est basée sur le secteur agricole très étroitement dépendant de la nature, de
la qualité et de l’extension du réseau de transport. On a pu penser dans un
premier temps que ce réseau de transport serait un réseau très axé sur le port
d’Abidjan et rayonnant à partir de ce centre. En fait, aujourd’hui, le modèle de
développement du réseau de transports paraît se corriger, notamment vers le
nord. La situation en 1997 montre que deux axes nord-sud, celui de l’Ouest
(réalisé entre 1975 et 1980) puis celui de l’Est (réalisé entre 1995 et 2000), sont
venus compléter l’axe traditionnel Abidjan-Bouaké-Ferkéssédougou ; cet axe
principal a été complété également par des axes transversaux (ouest-est) reliant
d’une part San Pedro à Abidjan et au Ghana (axes réalisés entre 1980 et 1990),
reliant d’autre part Man à Abengourou par Daloa-Bouaké (1990-1995). L’image
à long terme du quadrillage du pays laisse préjuger de la réalisation des axes
transversaux d’ouest en est non encore réalisés : à savoir, l’axe oblique Danané-
Bouna-Bondoukou par Man-Séguéla-Mankono-Katiola-Dabakala et l’axe reliant
Odiénné dans le Nord-Ouest à Bouna dans le Nord-Est et dont une portion,
réalisée entre 1980 et 1997 au cœur du pays Sénoufo, est déjà en service.
Le troisième élément constitutif de cette stratégie de reproduction corrigée
du modèle tient à «une combinaison entre une stratégie de développement
équilibré et de développement déséquilibré» (Penouil, 1983). Les schémas
classiques en ce domaine sont en fin de compte difficilement applicables au cas
de la Côte d’Ivoire.
Dans les premières phases de son histoire, on ne peut guère parler de
polarisation du développement dans la mesure où les points d’accès comme la
ville capitale se sont déplacés de Grand-Bassam à Bingerville puis à Abidjan.
Dans la mesure où également les ressources du pays étaient des ressources
essentiellement agricoles, que l’industrialisation dans ses premières phases était
étroitement liée aux ressources naturelles, soit de la forêt, soit à l’introduction
de premières industries de substitution aux importations (par exemple dans
le domaine textile), mais que ces industries n’étaient pas alors nécessairement
situées autour d’Abidjan. En réalité, un schéma de croissance déséquilibré,
voire même polarisé, n’est apparu en Côte d’Ivoire qu’après 1950, lorsque le
port d’Abidjan a pu être ouvert.
Pendant une quinzaine d’années, l’activité économique s’est polarisée
s’accompagnant du développement des inégalités régionales qui ont pu
atteindre, à la fin des années 1960, une proportion quasi intolérable. C’est
alors que furent développées les actions précédemment évoquées de mise
en valeur du Sud-Ouest, du Centre et du Nord et le lancement de nouvelles
cultures : le coton d’abord, le riz, le sucre, les palmiers à huile par la suite. Dans
le même temps, certains efforts ont été entrepris pour assurer une certaine
décentralisation industrielle aussi bien dans le secteur textile que dans le secteur
agroalimentaire. Un effort de structuration de l’armature administrative et de 151
USAGES ET INTERACTIONS NATURE/SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

Figure 4 - Mutation du modèle de l’espace ivoirien

MALI BURKINA FASSO

Odienné Bouna
Boundiali Ferkéssédougou

Korhogo

Plateau Savanes
Boundoukou

"V Baoulé " Katiola Tanda

Bouaké
M'Bahiakro Agnibilékro

Man Kossou
Daoukro
Daloa
Abengourou
Duékoué Bocanda
Bouaflé
Yamoussoukro Dimbokro Bongouanou
Toumodi Adzopé

Gagnoa Agboville

Divo
P Aboisso
Alépé

P P P
Abidjan vers
San Pedro Adiaké Accra

ABIDJAN Grand-Bassam

nouvelle capitale mosaïque forêt-savane


ville forêt
zone polarisée
café / cacao
de Korhogo
front pionnier (palmier à huile, hévéa
poussée démographique P banane, ananas)
liaison majeure
barrage
limite forêt-savane
D'après géographie Universelle, Les Afriques au sud du sahara, 1994 M. TOURE, A. KANGAH
152
STRUCTURE DU MODÈLE SPATIAL IVOIRIEN ET PRESSIONS HUMAINES SUR LE LITTORAL

création d’infrastructures sociales a également été mené à bien permettant de

MAMOUTOU TOURÉ
créer des villes s’érigeant en pôles régionaux.
Second volet de la stratégie de la planification à base régionale, la «stratégie
de développement équilibré» est une «subtile combinaison entre la théorie des
pôles et celle dite de la base exportatrice» (Dubresson, 1989). Sa conception
est due en particulier à Perrin (1968, 1977), alors responsable de la section
économie de l’ORSTOM. Le schéma d’analyse théorique de Perrin, réintroduit
dans la perception de l’organisation de l’espace par des éléments polarisateurs
des données de la théorie «basique» (Claval, 1968), est appliqué aux villes
et surtout conçue pour analyser la polarisation géographique. Rappelons
brièvement que le fondement de cette théorie est la distinction entre les
fonctions dites basiques ou de base, qui satisfont des besoins extérieurs à la ville
(exportations de produits manufacturés ou services rendus aux populations
extérieures) et les autres fonctions, caractérisées par une desserte dite «banale»
limitée à l’échelle locale. La ville étant un nœud complexe d’échanges, les
fonctions exportatrices sont à l’origine de la plupart des effets multiplicateurs
et constituent de ce fait le moteur de la croissance urbaine. Ainsi, existe-t-il
une étroite correspondance entre la nature des activités et l’emploi, autour
duquel se mobilise la population. L’analyse de la croissance urbaine passe
donc par celle des effets d’agglomération des emplois dits moteurs qui sont
fournis par les activités exportatrices, et la motricité est autant à rechercher
dans les activités de production que dans les services.
Le schéma d’analyse théorique proposé repose sur les notions de niveaux
d’organisation et de milieux de diffusion. Trois niveaux d’organisation sont
différenciés. La «région économique», organisée autour d’un pôle industriel
urbain, répond à quatre conditions : (1) son aptitude à fixer dans ses limites
géographiques les déplacements de la population qui en est originaire et les
activités nécessaires à cette population ; (2) l’existence d’un marché potentiel
de consommateurs ruraux suffisamment large ; (3) une liaison entre des pôles
de développement ruraux spécialisés et au moins un pôle urbain, entre lesquels
se produisent des effets de diffusion ; (4) un réseau dense de communications
internes. Le niveau inférieur est la «zone économique», ensemble homogène
et spécialisé, cadre des interventions techniques, dominée par un «pôle semi-
urbain». Le troisième niveau est la «cellule économique de base», dotée d’un
pôle «semi-rural» où se fixent certains services administratifs et un embryon
d’activités secondaires et tertiaires. Cette hiérarchie de niveaux polarisés est
animée par des milieux de diffusion : milieu urbain et milieu rural sont inducteurs
lorsqu’ils font l’objet d’investissements exogènes. Structurée et polarisée par un
centre urbain, une région peut alors déboucher sur un processus cumulatif de
croissance pour peu que des investissements moteurs articulent entre eux les
différents éléments.
Quinze ans après l’introduction modulée du schéma et des propositions
visant à faire émerger des espaces de développement intérieurs, cet outil à
penser l’espace a profondément remodelé le territoire national (figure 4).
153
USAGES ET INTERACTIONS NATURE/SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

Maturation du modèle spatial ivoirien et enjeux pour le littoral


Développement et recompositions territoriales
La différenciation écologique en bandes est-ouest, d’abord fortement
perturbé par le moule colonial, a été totalement remaniée. Au centre, le foyer de
peuplement du pays baoulé est devenu actif, en partie grâce aux investissements
faits par l’Autorité de l’Aménagement de la vallée du Bandama (AVB), que le
barrage de Kossou a cherché à soutenir. Yamoussoukro bénéficie de sa position
centrale et surtout de capitale politique depuis 1983, le village présidentiel a
été quasiment transformé en ville nouvelle où ont été délocalisées certaines
grandes écoles comme l’École nationale supérieure des travaux publics
(ENSTP) et certains services publics. Même si ces investissements ont été jugés
surdimensionnés (notamment la construction de la basilique), on perçoit bien
la volonté des autorités de rééquilibrer le développement ivoirien vers le Centre
(Peyon et Touré, 1999). Le Sud-Ouest longtemps isolé en forêt a fait l’objet
d’investissements remarqués ; le vide démographique de cette partie du pays
a été progressivement comblé par l’attrait de populations d’origine diverses
(nationaux et étrangers) et les réalisations de l’Autorité pour l’aménagement
de la région du Sud-Ouest (ARSO) articulées autour du nouveau port de San
Pedro y ont favorisé l’émergence d’une économie régionale.
Des voies de communications ont relié toutes ces régions avec un axe majeur
qui court du sud au nord vers le fleuve Niger. Abidjan draine tout un arc de
plantations et de peuplement qui entoure les aires forestières méridionales.
La moitié nord du pays, très défavorisée au départ, a bénéficié de réalisations
substantielles. Les savanes de l’Est demeurent encore peu touchées2. Mais la
plupart des régions du Nord sont intégrées à l’économie marchande grâce à la
valorisation soutenue du trinôme coton-vivriers-élevage et de quelques cultures
industrielles (canne à sucre, soja, tabac, etc.). Les infrastructures d’intérêt
national (routes, télécommunications, équipements sanitaires et socio-éducatifs
notamment) participent aussi à ce mouvement de modernisation du Nord. Le
rôle de capitale régionale de Korhogo, où existe un foyer dense de peuplement
Sénoufo au centre, a été renforcé.
La reproduction extensive et corrigée du schéma du Sud-Est n’a pas encore
résolu la question de la meilleure répartition des hommes et des biens, puisque
les tendances montrent que le poids économique d’Abidjan et des régions
circumpolaires tendent à se renforcer. La réduction de certains écarts Nord-Sud,
revenus et équipements, n’a nullement empêché la poursuite des mouvements
migratoires vers les forêts et les villes méridionales. Mieux, ce sont les régions
forestières les plus riches qui fournissent les plus forts contingents de néocitadins,
particulièrement à la métropole abidjanaise, dont la fulgurante croissance est

2. La question du Nord-est reste assez particulière. Car ici, ce n’est pas la volonté politique qui
manque le plus, mais les conditions d’installations des équipements socialement rentables ; la taille
154 en moyenne trop petite des villages et leur grande dispersion.
STRUCTURE DU MODÈLE SPATIAL IVOIRIEN ET PRESSIONS HUMAINES SUR LE LITTORAL

MAMOUTOU TOURÉ
devenue une véritable obsession pour les pouvoirs publics. En 1998, la métropole
ivoirienne concentre le cinquième des 15 millions d’habitants, presque la moitié
des 6 millions d’urbains du pays, et catalyse la majorité des activités économiques,
soit environ 90 % de l’appareil manufacturier du pays en 2007. Les fronts
pionniers d’arboriculture marchande du Centre-Ouest et du Sud-Ouest ont été
particulièrement dynamiques et la croissance démographique de la métropole
abidjanaise n’a pas stérilisé celle des périphéries rurales du Sud-Est.
Ce phénomène de concentration différentielle en forêt se révèle même
être une tendance lourde prévalant dès les années 1940, et dont l’effet le
plus remarquable est le basculement progressif des populations des savanes
septentrionales au profit des aires forestières méridionales. En 1965, 40 %
des ruraux et 23 % des citadins vivaient au nord du 8e parallèle; en 1980,
les savanes ne regroupaient que 33 % des ruraux et 18 % des urbains; en
1998, ces proportions sont respectivement passées à 22 % pour les ruraux et
seulement 8 % pour les urbains.
Précisément, un peu plus d’un siècle après sa création, la Côte d’Ivoire donne
le sentiment de fonctionner comme un sablier grandeur nature : hommes
et activités de la moitié supérieure savanicole se déversent inéluctablement
dans la partie méridionale forestière que les efforts de l’État indépendant
n’arrivent pas à réorienter.
Les capacités manufacturières du pays restent surtout concentrées autour
d’Abidjan et sur le littoral. Le rôle d’Abidjan s’est particulièrement renforcé,
pendant que son poids démographique par rapport aux centres urbains passait
de 32 % à 44 % en 1998, soit presque 20 % de la population ivoirienne et
un peu plus de 40 % des urbains. L’espace socio-économique a continué à se
dessiner humainement et économiquement en fonction du port d’Abidjan et
de ses annexes (routes et voies ferrées), dont la dynamique n’a nullement freiné
celle des régions circumpolaires où résident 78 % de la population en 1998
contre 22 % en zone de savane.
Pouvait-il en être autrement, compte tenu du réglage socio-spatial hérité
de la colonisation et des assises d’un État social dont les capacités de
redistribution sont intimement liées aux recettes d’une économie agro-
exportatrice installée principalement dans les aires méridionales ? Au-delà
de cette interrogation fondamentale qui renvoie à la lancinante question
du meilleur choix pour un développement équilibré, et qui garde toute son
actualité au moment où l’État ivoirien remet au goût du jour la politique
de l’aménagement du territoire, se pose également celle des enjeux et des
défis de la pression urbaine sur le littoral.
Renforcement de la littoralité et crise de l’espace urbain
En attendant les informations actualisées prévues pour le prochain
recensement de 2008, les données fournies par le dernier recensement de la
population sont démonstratives des tendances de localisations sur la frange
littorale (tableaux 1 et 2). Si les aires forestières méridionales constituent la 155
USAGES ET INTERACTIONS NATURE/SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

destination des hommes, le poids des principales villes du littoral, Abidjan en


tête, explique cette situation. En effet, c’est le littoral qui fournit principalement
la population urbaine du pays.
Ce processus d’accumulation différentielle dans l’espace national a évolué de
pair avec l’évolution rapide des espaces informels au détriment des structures
légales et marque négativement les systèmes urbains par les désordres et les
nuisances qu’elle génère. Les problèmes d’organisation et de gestion de l’espace
s’amplifient et se radicalisent. À Abidjan, le désordre prolifère à divers degrés
dans toute la trame urbaine. Dans la ville, les règles urbaines sont reclassées :
une autoroute, un boulevard, un échangeur, un parking, un caniveau, une
rue, un trottoir sont détournés de leurs fonctions originelles, ce qui constitue
d’énormes obstacles à l’amélioration de la qualité de la vie et la sécurité des
citoyens. La « perle des lagunes » est devenue un grand bazar de plus en plus
dégradé et anarchique. Si le phénomène est national, il prend un caractère
urgent dans les villes littorales dont Abidjan préfigure les futurs défis.

Tableau 1 - Distribution régionale de la population ivoirienne


entre 1975 et 1998

Éffectif et poids des urbains Ivoiriens


Zones entre 1975 et 1998
1975 % 1988 % 1998 %

Total Nord 113 360 5 361 208 8 532 764 8,5


Total Sud 2 041 081 95 3 872 235 92 6 103 256 91,5

Total urbains ivoiriens 2 154 441 4 233 443 6 636 020

Tableau réalisé à partir des premiers résultats du recensement national de 1998, août 2000.

Tableau 2 - Les villes du littoral dans l’évolution du processus d’urbanisation


entre 1975 et 1998

Éffectif et poids des urbains Ivoiriens au Sud


Zones de la Côte d’Ivoire entre 1975 et 1998
1975 % 1988 % 1998 %

Forêt 908 929 44 1 618 407 42 2 717 276 45


Villes littorales 180 936 9 324749 8 392 962 6

Ville d’Abidjan 951 216 47 1 929 079 50 2 993 018 49


Total Sud 2 041 081 3 872 235 6 103 256

156 Tableau réalisé à partir des premiers résultats du recensement national de 1998, août 2000.
STRUCTURE DU MODÈLE SPATIAL IVOIRIEN ET PRESSIONS HUMAINES SUR LE LITTORAL

MAMOUTOU TOURÉ
Conclusion
C’est sur les réglages territoriaux de base du modèle colonial que va se
faire la dynamisation du fait urbain ivoirien qui procède largement de la mise
en œuvre des choix fondamentaux effectués par les dirigeants ivoiriens à
l’indépendance. Du point de vue du territoire, le nouvel État indépendant
n’a eu ni pour objectif, ni pour conséquence, de défaire les réglages de base
mais de les reconduire et de proposer des correctifs là où apparaissaient des
distorsions politiquement injustes.
Plus de quarante ans après, en dépit de ce remarquable effort conceptuel
et financier qui a bouleversé la physionomie du territoire national et créé un
cadre de vie préférable aux situations traditionnelles, le modèle spatial n’est
pas conforme aux attendus de rééquilibrage du territoire national. La Côte
d’Ivoire apparaît toujours marquée par les mêmes déséquilibres internes.
Comme à la fin des années 1960, la croissance a continué de se faire à partir
et au bénéfice de la région forestière et des villes littorales à l’ombre de la
ville d’Abidjan. L’espace national est devenu une sorte d’entonnoir effilé vers
Abidjan et les principales villes littorales où s’accumulent à la fois le capital
productif et les symboles du pouvoir, mais aussi les hommes venus de tout le
territoire comme des pays voisins.
À l’opposé d’Abidjan, San Pedro a effectivement émergé comme une ville
portuaire avec un pouvoir structurant sur l’arrière-pays sud-ouest du pays.
En revanche, les autres villes littorales situées en dehors des pôles d’Abidjan
et de San Pedro se développent à un rythme moins rapide que les villes
forestières. Au-delà de ces différentes de degré, ces villes littorales ont une
nature commune : les réglages territoriaux jouent contre ces milieux fragiles
car la gestion planifiée et maîtrisée des tissus urbains des années 1970 a laissé
la place à une gestion pragmatique. Conséquence, le quotidien révèle un grand
nombre de distorsions, de dysfonctionnements, d’atteintes parfois sérieuses
à l’ordonnancement de la cité. L’anarchique côtoie l’illégal qui fait le lit de
l’informel, et ces processus chaotiques et disparates sont loin de faciliter la vie
en société. Si la gestion des espaces urbains de la frange littorale est devenue
problématique, les solutions doivent nécessairement intégrer les réglages de
base du modèle ivoirien.

Références
CLAVAL P., 1968. Régions, nations, grands espaces : géographie générale des ensembles territoriaux,
Paris, Génin, 837 p.
DUBRESSON A., 1989. Villes et industries en Côte d’Ivoire : pour une géographie de
l’accumulation urbaine, Paris, Karthala, 845 p.
DUREAU F., 1987. Migration et urbanisation. Le cas de la Côte d’Ivoire, Éditions de l’Orstom,
Etudes et Thèses, 654 p.
HAUHOUOT A., 2002. Développement, aménagement, régionalisation en Côte d’Ivoire, Abidjan,
EDUCI-Éditions Universitaires de Côte d’Ivoire, 364 p. 157
USAGES ET INTERACTIONS NATURE/SOCIÉTÉ DANS LA BANDE CÔTIÈRE

JOSEPH G., 1944. Côte d’Ivoire, Paris, librairie Arthème Fayard, 231 p.
PENOUIL M., 1983. « Dynamismes et facteurs de blocages dans le développement
économique de la Côte d’Ivoire », Année Africaine, 1971, Paris, A.Pedone, p.229-248.
PERRIN J-C., 1968. Schéma d’analyse du développement régional, (application aux pays
en voie de développement), Régionalisation et développement, Paris, CNRS, p. 179-42.
PERRIN J-C., 1977. « Le rôle de la politique industrielle dans le développement des
disparités en Côte d’Ivoire », Année Africaine, CEAN, Bordeaux, Paris, Pédone.
PEYON J-P. et TOURE M., 1999. « Recherches dans le nord ivoirien », Les Cahiers
Nantais, IGARUN, Nantes, n° 51, p. 89-101.
TOURE M., 2004. Planification et développement régional en Côte d’Ivoire. Le nord ivoirien, une
région marginalisée ?, thèse de Géographie, Université de Nantes, 584 p.
UVICOSI, 1989. Rapport général du sixième séminaire de l’UVICOCI sur l’aménagement du
territoire des communes et le développement, Abidjan. Voir l’exposé de Bertin Gbayoro
(alors sous-directeur de la planification agricole) et Mamadou Traoré (alors sous-
directeur de l’Aménagement du territoire), p. 16-20.

158
Conclusion

L’ampleur et la variété des usages, associées à la complexité des interactions


nature /société que les contributions de cette première partie ont révélée,
semblent déjà dessiner les contours d’une seconde partie qui ne pourrait éviter
plus longtemps de poser en termes de gestion et de durabilité les questions du
littoral ivoirien.
Car il apparaît bien à l’issue de cette première partie que la question de la
maîtrise des processus qui sont en cours, et qui demeurent pour beaucoup
particulièrement difficiles à réguler, est centrale dans un contexte de pression
anthropique croissante. Les efforts portés par les autorités ivoiriennes n’ont
pourtant pas été sans volonté, mais il faut bien reconnaître qu’ils se sont
heurtés à la fois à des dynamiques bien difficiles à maîtriser, compte tenu
de leur ampleur, et à un contexte politique et économique peu favorable à la
résolution des problèmes posés.
Les impacts produits par les activités diverses qui se sont multipliées et
développées sur le littoral ivoirien, comme sur bien d’autres littoraux à l’échelle
mondiale, sont encore peu sujets à évaluation. Les pages qui précèdent ont
permis de souligner combien sous leurs pressions, le littoral était devenu un
espace convoité, quelquefois à l’extrême. Combien, aussi, leur prise en compte
devait se faire à différentes échelles spatio-temporelles, pour mieux en apprécier
leur complexité.
L’espace littoral ivoirien est aujourd’hui à la croisée des chemins. Encore
épargné sur de vastes secteurs, bien que largement occupé sur d’autres, il est de
fait devenu un territoire à enjeux. Sa fragilité et sa vulnérabilité apparaîssent plus
que jamais évidentes, tant l’intensité des pressions qui s’y exercent est devenue
préoccupante. Compte tenu des aléas, autant naturels qu’anthropiques, auxquels
ce territoire sensible et exigu est soumis, les risques côtiers, leur prévention et
leur régulation, apparaissent donc aujourd’hui au cœur de la problématique de
gestion intégrée des espaces littoraux de Côte d’Ivoire.

159
.
DEUXIÈME PARTIE

Risques côtiers et gestion intégrée des territoires littoraux

.
.
La concentration de populations et d’activités sur un espace côtier forcément
limité en surface est facteur de risque. Les éléments perturbateurs liés aux
pressions qui s’y exercent représentent en effet autant d’aléas dont les effets
s’accompagnent d’atteintes portées à des milieux naturels et des sociétés locales
le plus souvent vulnérables, car sensibles et fragiles.
Au-delà des atteintes à la biodiversité, de la banalisation des paysages et
des écosystèmes qui ont accompagné le développement du littoral ivoirien,
les déséquilibres des milieux naturels sont aujourd’hui particulièrement
préoccupants. Les dégradations observées sous l’effet des pollutions
industrielles et urbaines, notamment dans les milieux lagunaires et quelquefois
avec des conséquences graves sur les activités qui s’y exercent, soulignent
l’ampleur des mesures à prendre pour progresser sur le chemin de la
maîtrise de l’assainissement des eaux usées et du traitement des déchets. Ces
dégradations environnementales sont également très présentes sur la côte au
contact de l’océan, où les évolutions les plus récentes traduisent l’intensité
des perturbations et des modifications portant atteintes aux milieux naturels
comme aux activités, aux personnes, à leur santé et à leurs biens. Le cas de
la ville emblématique de Grand-Bassam est à ce titre exemplaire des risques
côtiers contemporains, conséquences tout autant d’aléas naturels que de
pressions anthropiques mal contrôlées. Là aussi, l’ampleur des efforts à fournir
pour aboutir à un développement maîtrisé est à la mesure des enjeux que porte
le littoral pour l’avenir du pays. La concurrence pour le partage de l’espace
créé, enfin, des tensions qui s’accompagnent de conflits dont on perçoit encore
mieux la portée lorsqu’ils contraignent les projets les plus novateurs, comme
celui du Parc national des îles Éhotilés.
Cette seconde partie tente d’éclairer ces situations de déséquilibres et de
danger permanent auquel est confronté aujourd’hui le littoral de Côte d’Ivoire.
Pour y faire face, la voie d’une gestion intégrée semble être ouverte, mais les
outils actuellement en place restent bien souvent inopérants, faute de moyens
financiers comme d’artisans susceptibles de relever ce nouveau défi. La gestion
durable des ressources du littoral ivoirien nécessite en effet une démarche
globale et partenariale des territoires côtiers, s’appuyant à la fois sur des projets
locaux, des politiques nationales et régionales. Elle devra dans l’avenir s’appuyer
sur des bases de connaissances renouvelées, dont l’articulation avec la prise de
décision reste sans doute à construire pour devenir réellement opérante.

163
.
LA LAGUNE ÉBRIÉ À L’ÉPREUVE DE LA PRESSION ANTHROPIQUE

P. POTTIER , K. AFFIAN, M. V. DJAGOUA, K. P. ANOH, Y. KRA, A. KANGAH & M. ROBIN


La lagune Ébrié à l’épreuve de la pression
anthropique
Patrick POTTIER1, Kouadio AFFIAN2, M’Moi Valère DJAGOUA2,
Kouassi Paul ANOH3, Yao KRA3, Armand KANGAH3, Marc ROBIN1,
1
LETG (UMR 6554 CNRS), laboratoire Géolittomer, Institut de Géographie et
d’Aménagement Régional de l’Université de Nantes (France)
2
CURAT, UFR des Sciences de la Terre et des Ressources Minières,
Université de Cocody Abidjan (Côte d’Ivoire)
3
Institut de Géographie Tropicale, Université de Cocody Abidjan (Côte d’Ivoire)

Le littoral de Côte d’Ivoire présente sur toute sa partie orientale un


remarquable ensemble lagunaire, premier par sa taille de toute la côte ouest
de l’Afrique. Bien qu’exceptionnels à l’origine, les milieux naturels associés à
cet ensemble lagunaire sont aujourd’hui fortement dégradés, tant la pression
humaine qui s’exerce depuis des décennies sur cet espace fragile est intense.
Si le point de départ de ces pressions génératrices de déséquilibres fut
le transfert au début du XXe siècle du développement urbain, commercial,
portuaire et industriel principal de Grand-Bassam vers Bingerville, puis
Abidjan, force est de constater que par leur ampleur, c’est seulement à
partir des années 1970 et du développement de la grande agglomération
d’Abidjan que les atteintes sont apparues de plus en plus préoccupantes.
À tel point qu’aujourd’hui, les questions environnementales liées à la
dégradation de la lagune Ébrié sont sorties du cercle des spécialistes
et gestionnaires nationaux et internationaux, pour devenir un sujet de
préoccupation largement relayé par la presse ivoirienne (Le Patriote, 2008)
et dont la population citadine d’Abidjan s’est emparé. 165
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

Figure 1 - L’ensemble lagunaire ivoirien dans son contexte géologique


5° 4° 3°W


Com
Bandama
Me

Agneby

Bia
5°30'N
7
6 8
5 ABIDJAN 9
3 4 10 11
Jacqueville Grand Bassam

200
Grand Lahou 50 200 50
2 50
Fresco 1 1000 12 5°N
Sassandra Océan Atlantique
P. POTTIER, A. KANGAH

accident majeur des lagunes N


Quaternaire
1 accident méridien Tertiaire continental
0 25 50 km
Source: Affian, 2003 Précambrien

Figure 2 - Le système lagunaire Ébrié et ses nombreuses baies


ABO BO

Parcnational
duBanco

CO CO DY
ADJAMÉ
Y O PO UG O N
baie de Riviéra II baie de M'Badon
baie de Cocody
baie de Banco
baie du Golf Hôtel
baie du km 17

baie d'Azito Lagune É br ié

baie de Marcory

TRECHVILLE MARCORY
Lagune É brié KOUMASSI
baie de Koumassi

baie de Biétri baie de Abou Abou


baie de l'île Boulay PO RT - BO UËT
P. Pottier

Océan Atlantique
Source : Spot Image 2004 de la ville d'Abidjan et ses environs

baie de Banco : nom de baie lagunaire N


0 2 4 km Abidjan
166 COCODY: nom de commune Grand-Bassam
LA LAGUNE ÉBRIÉ À L’ÉPREUVE DE LA PRESSION ANTHROPIQUE

P. POTTIER , K. AFFIAN, M. V. DJAGOUA, K. P. ANOH, Y. KRA, A. KANGAH & M. ROBIN


Cette dégradation de l’environnement lagunaire est devenue aujourd’hui très
préoccupante, car les niveaux de pollution qui sont enregistrés aux contacts de
l’agglomération d’Abidjan représentent des nuisances et des dangers réels pour
les populations. Ses origines sont connues depuis bien des années, car si des
facteurs naturels contribuent à amplifier la situation, c’est bien la carence des
systèmes d’assainissement et le traitement des déchets qui en font un problème
écologique majeur en Côte d’Ivoire. Ni les réponses techniques, ni la législation
encore récente n’ont pu en ce domaine apporter des réponses satisfaisantes,
dans un contexte politique et économique difficile.

Le cadre physique de l’ensemble lagunaire ivoirien


Des dimensions exceptionnelles qui en font la « marque » du littoral
L’ensemble lagunaire ivoirien forme un espace de contact original entre
l’océan et le continent, dont l’image est indissociable aujourd’hui de celle du
littoral de Côte d’Ivoire. Il occupe en effet toute la partie orientale du pays,
sur une distance d’est en ouest de près de 300 kilomètres et une surface de
1 200 kilomètres carrés et plus de 1 500 kilomètres de rivages. Cet ensemble
s’est formé à la faveur d’une succession de dépressions lagunaires guidées
par une structure tectonique dont la faille des lagunes est l’accident majeur
(figure 1), à la fois par sa disposition est-ouest et son rejet de 3 500 mètres par
endroits (Tastet et Guiral, 1994). Les eaux lagunaires sont séparées du golfe de
Guinée par un ensemble de cordons dunaires récents formés à l’holocène, il y a
moins de 10 000 ans. Aujourd’hui encore, ces barrières sédimentaires mises en
place par la dérive littorale apparaissent quelquefois fragiles avec une altitude
variant par endroits de 2 à 6 mètres seulement et une longueur souvent limitée
à quelques centaines de mètres.
Cet ensemble lagunaire est principalement alimenté en eaux continentales
par les fleuves du Bandama dans sa partie ouest et du Comoé dans sa partie est.
L’ensemble associe plusieurs lagunes remarquables, toutes en communication.
Le canal d’Azagny relie la lagune de Grand-Lahou (210 kilomètres carrés)
ouverte à l’océan par l’embouchure du Bandama et la lagune Ébrié
(523 kilomètres carrés), qui elle-même est ouverte aux eaux marines au droit
d’Abidjan seulement depuis 1950 par le canal de Vridi, alors que son exutoire
naturel à la passe du Comoé à Grand-Bassam est à présent fermé. Dans sa partie
est, la lagune Ébrié est reliée par un canal naturel aux lagunes Potou et Aghien
(43 kilomètres carrés), puis par le Comoé et le canal d’Assinie à la lagune Aby
et son prolongement aux lagunes Tendo et Ehy (425 kilomètres carrés), elles-
mêmes alimentées par le Bia et ouverte à l’océan à Assinie Mafia.
Un contexte naturel favorisant la pollution de la lagune Ébrié
Dans sa partie centrale, le système lagunaire Ébrié est le plus directement
au contact de l’agglomération d’Abidjan. Son bassin-versant couvre
93 600 kilomètres carrés dont 78 000 sont drainés par le fleuve Comoé et le
reste par les fleuves Agnéby et Mé (Girard et al., 1971). Leurs débits moyens 167
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

en crue s’élèvent respectivement à 1 814 mètres cubes/seconde pour le


premier, 172 et 206 pour les suivants. Le fleuve Comoé à lui seul est ainsi
responsable de 70 % des apports d’eau douce du plan d’eau principal, mais son
débit comme l’étendue de son bassin-versant à vocation largement agricole
favorisent l’apport des résidus d’engrais et de pesticides qui viennent souiller
les eaux Ébrié. Une des originalités de ce système lagunaire est par ailleurs de
présenter une morphologie complexe constituée de plusieurs lagunes annexes
(Aghien et Potou) et surtout de multiples baies (figure 2), d’où son appellation
de système lagunaire Ébrié (Tastet, 1979).

Figure 3 - Modèle simplifié de circulation dans la lagune Ébrié d’Abidjan

Yopougon Z.I.

Baie de
Niangon nord Anna
Cocody Riviéra
Baie de
Baie

Yopougon
N'Badon
de B

5°20 N
anc

Niangon sud Plateau Ile Dé


siré
o

ponts

Treichville Marcory
Baie d'Azito

i
ass
Lagune Ébrié Zones 3 & 4
Baie de oum
eK
Biétry Koumassi
ie d

Ile Boulay
Ba

Biétry

can 5°15 N
al d Vridi
eV Port-Bouet
Lac Bakré rid Aéroport
i
Océan Atlant
ique
4°06 W 4°00 W
Source : AFFIAN, 2003 A. KANGAH
courant de flot
courant giratoire N
courant de jusant 0 1 2 km

La courantologie au sein de la lagune confirme cette complexité


associée à la configuration du plan d’eau et notamment à l’existence de
ses baies, mais également à la morphologie des fonds. Les courants de
flot et de jusant agissent différemment selon les sites. Dans le canal qui
mène à Biétry, les courants de flot sont nettement plus importants que
les courants de jusant. La baie directement connectée à la mer ne reçoit
ainsi aucun apport important des fleuves. En revanche, pour les autres
entrées de baies, le courant est en général alternatif, car aussi bien au jusant
qu’au flot, l’intensité du courant est sensiblement la même. Toutefois, la
non-conformité des axes de ces baies avec l’axe du chenal principal fait
168 que l’énergie du courant de marée baisse et ne réussit pas à pénétrer à
LA LAGUNE ÉBRIÉ À L’ÉPREUVE DE LA PRESSION ANTHROPIQUE

l’intérieur. Il s’ensuit un mauvais échange avec le chenal principal, ce qui

P. POTTIER , K. AFFIAN, M. V. DJAGOUA, K. P. ANOH, Y. KRA, A. KANGAH & M. ROBIN


permet de penser que les polluants qui sont acheminés dans ces baies par
le biais d’égouts, d’émissaires et de système de rejets de déchets industriels
restent, pour l’essentiel, à l’intérieur sans pouvoir en être évacués. C’est
la raison pour laquelle, également, les baies sont soumises au colmatage.
De façon générale, les courants aussi bien de jusant que de flot sont plus
intenses dans le chenal principal. Sur la base des informations acquises à
partir des mesures de courant et en se fondant sur le fait que les courants de
surface sont très influencés par le vent, l’existence de courants alternatifs
et de courants giratoires au sein de la lagune Ébrié est attestée (figure 3).
Ce contexte hydrodynamique montre que tous les facteurs sont réunis
pour que l’on retrouve dans la lagune des polluants issus des activités
humaines (forte industrialisation, manque de station d’épuration, rejet
direct des eaux usées…), mais également des produits d’altération des
roches (minéraux et métaux) qui sont transportés par les cours d’eau. En
effet, la forte pluviométrie rencontrée en Côte d’Ivoire, le nombre élevé
de cours d’eau dénombrés, la diversité des formations aussi bien du socle
que du bassin sédimentaire et enfin la qualité de la végétation apparaissent
comme des facteurs favorables à l’altération des roches et au lessivage
des sols ferrallitiques. Cette érosion s’accompagne ensuite largement du
transport des matériaux jusque dans le système lagunaire.
D’un point de vue plus général, portant sur tous les espaces proches du plan
d’eau Ébrié à Abidjan, le ruissellement est favorisé par le niveau de précipitations
(1 800 millimètres par an) et la configuration du site, composé de talwegs
nombreux et bien marqués qui communiquent directement avec la lagune. Les
résidus non traités des productions et des consommations d’une population de
plus en plus nombreuse s’y retrouvent donc transportés en autant d’émissaires
naturels venant se déverser dans les eaux Ébrié. Dernier élément du milieu
naturel inquiétant pour la santé humaine, ces eaux lagunaires communiquent
avec des nappes phréatiques superficielles de l’aquifère du Quaternaire, dans
lesquelles une part quelquefois très importante de la population vient puiser
son eau de ménage.

La pollution de la lagune Ébrié


La question de la pollution de la lagune Ébrié a déjà été largement abordée
dans de nombreuses études et depuis bien longtemps (Pages, 1975. Dufour
et Slépoukha, 1975). Une synthèse bibliographique rapide, reprenant les
éléments fournis par Anoh (2001) d’après Dufour et al. (1994), en a rappelé
les principales conclusions.
Les types de pollution et leur origine
Trois grandes catégories de pollution, chimique, organique et microbienne,
peuvent être distinguées. À celles-ci, il faut ajouter la pollution liée à l’apparition
saisonnière des végétaux flottants provenant des lagunes Aghien et Potou.
169
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

La pollution chimique
Les polluants chimiques en milieu rural auraient pour principale origine
les parcelles de cultures industrielles situées sur le bassin-versant de la
lagune Ébrié (Broche et Peschet, 1983). Cette information est reprise par
Dufourd et al. (op. cit). Les auteurs attribuent l’ampleur du phénomène à
deux faits : l’abondance des précipitations et la nature des sols de la zone
littorale. Il s’agit en effet d’un vaste ensemble qui a pour substrat le bassin
sédimentaire formé de sables datés de l’ère tertiaire (Pliocène et Miocène),
connu également sous le terme de continental terminal. Ces sables sont
des sédiments terrigènes qui proviennent de la désagrégation des roches
constituant le socle localisé plus au nord. Il s’agit donc de formations
meubles qui sont régulièrement lessivées par les fortes pluies dans la région
du bassin-versant de la lagune Ébrié qui est sous l’influence du climat
équatorial de transition. Les pesticides et les divers insecticides utilisés
pour la fertilisation des sols et contenus dans les eaux de ruissellement
sont donc déversés dans le plan d’eau lagunaire et constituent ainsi une
source importante de pollution chimique. En plus de cette source, Dufour
et al. (op. cit) attribuent une partie de la pollution chimique aux industries
ivoiriennes. Cette pollution serait constituée de substances toxiques qui
sont : la soude, les acides, les huiles minérales, les pigments des industries
textiles, les métaux lourds des ateliers métallurgiques, la glycérine des
savonneries et l’arsenic des ateliers de tannage de peaux.
Les mêmes auteurs citant Marchand et Martin (1985) révèlent une pollution à
base d’hydrocarbures, d’organochlorés et de métaux qui a été mise en évidence
à partir de l’analyse de sédiments des baies urbaines qui contiendraient plus
de 1 000 μ g. g-1 d’hydrocarbures totaux. Toujours selon les mêmes auteurs,
la lagune rurale en dehors de la baie de Bingerville ne serait pas en danger du
point de vue de la pollution par les hydrocarbures pétroliers.
Plus récemment, Affian (2003) a souligné combien la forte variation
des paramètres physico-chimiques au passage de l’état d’étiage à l’état de
crue et vice versa, constituait une condition propice à la précipitation des
métaux tels que le cuivre, le zinc, qui peuvent s’incorporer plus tard aux
sédiments pour en accroître leur niveau de pollution. Les baies ne subissant
pas de curage notable, le manque d’échange avec le canal principal y
engendre l’accumulation des matières polluantes au sein des sédiments
qui s’y accumulent en contribuant à leur comblement. Le niveau de
concentration des éléments chimiques mesurés (tableau 1) fait aujourd’hui
des eaux de la lagune une zone peu propice à la baignade et encore moins
à la consommation. Ainsi, les échanges éventuels de ces eaux avec celles
des nappes phréatiques proches de la surface constituent-ils une menace
pour la santé des populations qui consomment les eaux des puits creusés
dans les sables nouakchotiens et éoliens d’Abidjan. À une autre échelle,
les eaux souterraines de la région d’Abidjan affichent des taux de nitrates
(NO3-), d’ammonium (NH4 +) et d’aluminium (Al3 +) qui dépassent dans
170 plusieurs quartiers les normes de l’OMS pour l’eau potable.
LA LAGUNE ÉBRIÉ À L’ÉPREUVE DE LA PRESSION ANTHROPIQUE

P. POTTIER , K. AFFIAN, M. V. DJAGOUA, K. P. ANOH, Y. KRA, A. KANGAH & M. ROBIN


La pollution organique
Dans ce domaine, les sources les plus connues sont les rejets des industries
et des eaux usées domestiques. Les résidus d’industries agroalimentaires
constitués de malt, de levure et d’huiles végétales représenteraient à eux seuls
47 % de la pollution organique totale issue de l’agglomération d’Abidjan.
Broche et Peschet (op. cit) soulignaient dès 1980 que les rejets d’eaux résiduaires
des industries de l’agglomération d’Abidjan avaient atteint 12 000 mètres
cubes, soit un apport de matières oxydables de 23 tonnes. Cette quantité de
matières oxydables entraînait une demande chimique en oxygène de 39 tonnes
et 15 tonnes de demande biologique en oxygène. Selon NEDECO (1981), cité
par Dufour et al. (op. cit), les rejets organiques de la population d’Abidjan qui
aboutissent en lagune par le réseau d’égouts, par ruissellement, par déchets
solides ou par vidange de fosses septiques et latrines, entraînaient quant à eux
une charge organique quotidienne de 32 tonnes de demande biologique en
oxygène. Cette pollution organique s’est encore accentuée depuis, passant par
exemple de 7 670 kilogrammes de Demande biochimique en oxygène par jour
(kg DBO/j) en 1980 à 45 205 kg DBO/j en 1995 pour le seul secteur situé
au sud du Banco et concentrant ainsi les rejets des « laveurs du Banco », les
effluents liquides et solides des communes d’Adjamé, du Plateau, d’Attécoubé
et de Yopougon, ainsi que ceux des ateliers de carénage du port d’Abidjan
(HYDRO-R & D, 2004). À l’échelle de l’agglomération d’Abidjan, l’ensemble
des rejets traduits en DBO/j par les usines serait passé de 30 000 kg DBO/j en
1988, à près de 100 000 en 1995 (Agbadou, 2000), soit l’équivalent de plus de
1,6 million d’habitants. On peut estimer à 80 % la part de ses rejets se déversant
en lagune sans traitement.
Comme pour la pollution chimique, la plupart des travaux ont montré qu’en
dehors d’Abidjan, la pollution organique par les industries reste par contre
faible et sans incidences majeures sur la qualité des eaux lagunaires.
La pollution microbienne
Les travaux menés très tôt par Pages (1975) ont souligné le niveau inquiétant
de la contamination bactérienne des eaux lagunaires d’Abidjan. Ces premières
observations ont ensuite été confirmées par Lanusse (1987), puis Kouassi et al.
(1990). Il ressort de ces analyses que les eaux Ébrié du secteur de la capitale
économique ivoirienne sont 500 fois plus chargées en E. coli et 70 fois plus en
entérocoques que celles d’une zone estuarienne de référence. Cette pollution
suit des rythmes saisonniers qui sont fonction de l’importance des apports
continentaux qui influent eux-mêmes sur la salinité. Les plus hauts degrés de
contamination fécale concernent les baies qui représentent des zones où le
renouvellement de l’eau se fait mal. Il s’agit par ailleurs le plus souvent d’espaces
de rejets des égouts qui sont la cause d’une forte pollution bactérienne, ainsi que
d’effluents acheminés à leur extrémité continentale par les émissaires d’eaux
pluviales. Les déversements continus contribuent alors à l’augmentation de la
contamination fécale des eaux de la zone d’Abidjan, jugées impropres à toutes
activités de baignade dans leur ensemble dès 1990 par Kouassi et al. (op cit.), en
conformité avec les normes OMS/PNUE. 171
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

Tableau 1 - Évolution de la superficie des baies entre 1955 et 2004


(en hectares)

Année 1955 1970 1989 1998 2004 1955-2004 1955-2004

Banco 424,2 348,1 335,7 332,8 330,7 - 93,5 -22 %


Cocody 195,5 161,1 152,1 146,5 139,4 - 56,1 -29 %
Marcory 49,8 42,1 41,4 39,6 38,9 - 10,9 -22 %
Sources : Anoh P. 2001, A. Kangah 2008, d’après photointerprétation.

Figure 4 - Colmatage des baies urbaines d’Abidjan 1955-1998

ADJAMÉ

CO CO DY
Ba
ie
du

Ba
Ba

ie
nc

de
o

Co
co

PL AT E AU
d
y

Y O P O UG O N
rié
Éb

e
gun Baie de
La Marcory
T RE I CHV I L L E
MARCO RY

Sources : photographies aériennes et image spot panchromatique, 2004 A. KANGAH, P. ANOH


N
Comblement des baies 0 1 2 km

1955 à 1970 1989 à 1998

1970 à 1989 1998 à 2004 étendue 2004 CO CO DY nom de commune


172
LA LAGUNE ÉBRIÉ À L’ÉPREUVE DE LA PRESSION ANTHROPIQUE

Affian (2003) a démontré également que les causes de prolifération bactérienne

P. POTTIER , K. AFFIAN, M. V. DJAGOUA, K. P. ANOH, Y. KRA, A. KANGAH & M. ROBIN


étaient moins liées aux charges turbides emmenées par le fleuve Comoé,
qu’aux apports d’origine anthropique en provenance de la ville d’Abidjan et, en
particulier, des eaux usées non préalablement traitées avant d’être déversées dans
la lagune. Les relevés effectués dans la baie de Koumassi ont en effet révélé que la
charge turbide était soit en corrélation négative avec les teneurs en clostridiums
(r = -0,166) et coliformes (r = -0,398), soit en corrélation très faible avec les
streptocoques (r = 0,0147). Pour les premiers, les niveaux supérieurs atteints ont
été de 2 100 pour 100 ml, pour les deuxièmes 45 800 pour 100 ml et les derniers
137 400 pour 100 ml. Compte tenu des pratiques quotidiennes des populations
riveraines de la lagune, souvent économiquement faibles et qui utilisent ses eaux
pour la baignade, la toilette, le lavage des aliments et des ustensiles de cuisine
et qui consomment les eaux issues des puits, ces niveaux de concentration
bactérienne constituent un danger évident pour la santé publique.
Le colmatage des baies lagunaires
Sous l’effet des conditions hydrodynamiques (figure 3) et des apports de
toutes natures et de plus en plus importants de sédiments, les baies de la
lagune Ébrié sont en phase de colmatage rapide. De 1955 à 2004, chacune des
trois baies urbaines du Banco, Cocody et Marcory a perdu plus de 20 % de
la superficie de son plan d’eau, avec des colmatages sur des surfaces de plus
de 90 hectares pour la première et presque 60 pour la deuxième (tableau 1 et
figure 4). L’engraissement des berges situées à l’est au détriment de celles à
l’ouest est lié au fait que la plupart des émissaires ont leur débouché à l’est des
baies. Les berges orientales présentent également une érosion plus importante
en raison de leur topographie plus raide et une insuffisance de canalisations de
drainage ce qui favorise le recul des talus.
Mais le phénomène de colmatage des baies tire essentiellement son origine
des apports des eaux de ruissellement qui drainent vers les baies des quantités
souvent importantes de sables et de boues en provenance de l’agglomération
d’Abidjan. Ces sédiments sont entraînés par les émissaires d’eaux pluviales et
d’eaux usées qui aboutissent pour la plupart aux extrémités continentales des
baies urbaines. Ce sont les eaux pluviales qui contribuent le plus à l’engraissement,
compte tenu à la fois de la mise à nu des sols par l’urbanisation (photo 1),
leur lessivage et la présence de nombreux caniveaux à fond libre, c’est-à-dire
non cimentés. Ces sédiments qui se déposent aux débouchés des émissaires
d’eaux pluviales forment des flèches de sable sur lesquelles n’hésitent pas à
construire certaines catégories de populations confrontées à des problèmes de
logement. D’autres secteurs sont même colonisés par les cultures maraîchères.
Pourtant, le dépôt de boues organiques et le déversement de toutes sortes
d’effluents dans un espace où l’eau a perdu tout pouvoir d’autoépuration sont
la cause d’odeurs nauséabondes qui se dégagent dans les environs de la baie.
Par ailleurs, le degré de pollution des eaux rend dangereux toute implantation
d’habitations humaines sur les berges des baies ainsi que la pratique à l’intérieur
des périmètres de cet espace des activités comme la pêche. 173
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

Une projection faite à partir du rythme actuel du colmatage des baies


montre que leur disparition pourrait être totale d’ici 2177. À cette date, la
baie de Marcory, la dernière à être ensablée n’aura plus que 0,8 hectare de
plan d’eau contre 50 actuellement. Dans les baies de Cocody et du Banco
l’eau aura déjà cédé la place à la terre ferme. La pollution des eaux et
l’ensablement des baies urbaines de la lagune Ébrié finiront ainsi par faire
perdre à Abidjan une partie de sa lagune.

Photo 1 - Le
développement
de l’urbanisation à
Abidjan a provoqué
la mise à nu des sols
ferrallitiques, ensuite
lessivés par les fortes
précipitations. Les
matériaux ainsi
transportés aboutissent
alors pour l’essentiel
dans la lagune Ébrié.

Crédit photographique K. Affian

Les carences du développement urbain, facteur des pollutions


lagunaires
Une croissance urbaine non maîtrisée
L’agglomération d’Abidjan a connu une croissance spectaculaire depuis les
années 1950. Alors qu’elle ne comptait que 48 000 habitants au recensement de
1946, sa population a atteint 350 000 habitants en 1965, a dépassé le million en
1975 pour ensuite poursuivre sa progression à un taux de croissance annuelle
remarquable de l’ordre de 10 % jusqu’aux années 1980. Bien que s’infléchissant
par la suite autour de 3 à 6 % par an, l’essor démographique en nombre s’est
poursuivi avec un gain de plus d’un million d’habitants entre 1975 et 1988,
puis de deux millions depuis cette date à nos jours, où la population totale
est estimée à 4 millions. C’est le « miracle économique ivoirien » qui a orienté
vers Abidjan des flux migratoires en provenance de toutes les régions encore
très agricoles du pays, mais aussi des pays de toute l’Afrique de l’Ouest et au-
delà, y compris de France (on estimait à environ 50 000 le nombre de Français
résidant en Côte d’Ivoire en 1983).
La ville qui concentre aujourd’hui plus de 20 % de la population totale du
pays a ainsi enregistré depuis trente ans un accroissement continu équivalent à
100 000 nouveaux habitants par an. Cet essor s’est bien sûr accompagné d’une
174 croissance de l’espace urbain qui est passé d’environ 3 000 hectares de surface
LA LAGUNE ÉBRIÉ À L’ÉPREUVE DE LA PRESSION ANTHROPIQUE

en 1965, à 8 000 en 1975 et plus de 20 000 aujourd’hui. Développée dans un

P. POTTIER , K. AFFIAN, M. V. DJAGOUA, K. P. ANOH, Y. KRA, A. KANGAH & M. ROBIN


contexte qui, malgré tout, est resté celui d’un pays en développement manquant
cruellement des moyens financiers nécessaires à endiguer une croissance de
toute façon exceptionnelle par son ampleur, la ville d’Abidjan s’est construite
sans les équipements indispensables.
La pression qu’exerce la ville sur l’environnement est par conséquent partout
préoccupante. Elle devient le plus souvent exceptionnelle sur les berges qui sont
particulièrement concernées par les pollutions, car particulièrement sujettes
aux pressions humaines les plus dégradantes, habitat précaire, latrines, dépôts
d’ordures, émissaires industriels et naturels charriant des eaux souillées ; mais
également pour des raisons hydrodynamiques liées à la faiblesse des courants
dans ces zones confinées et assez peu profondes, notamment au contact des
berges et, plus généralement, à la faiblesse des échanges entre les baies et le
canal lagunaire principal. La confrontation des niveaux de pollution par les
métaux lourds et de l’occupation du sol effectuée par Affian (2003) a d’ailleurs
clairement démontré que les baies dont les berges sont les plus urbanisées sont
effectivement celles qui sont les plus polluées.
Un développement industriel fortement polluant
Le développement industriel de la Côte d’Ivoire s’est fortement
concentré sur l’agglomération d’Abidjan. En 1998, l’Institut national de
la statistique (INS) a ainsi dénombré 92,8 % des 2 822 établissements
industriels pour la seule capitale économique du pays, 60 % de ces
installations nationales étant installées sur le pourtour de la lagune Ébrié.
Sur le plan environnemental, ces industries dont les principales branches
sont l’agroalimentaire, l’énergie, la chimie et le textile ne bénéficient pas
de filière spécifique pour l’élimination des déchets dangereux. En 1990,
seules 9 industries disposaient d’une station d’épuration.
La règle la plus fréquente étant ainsi le rejet dans le milieu naturel et
particulièrement dans la lagune, les conséquences en terme de pollution par les
métaux lourds sont évidentes (Affian, 2003). Le rapport entre la pollution de
la lagune et les rejets industriels a été confirmé à la suite d’un recensement de
ces rejets autour de la lagune. Les résultats montrent clairement que les baies
d’Abidjan qui n’abritent aucun émissaire industriel comme la baie de Abou
Abou, épargnée par l’industrie, subissant une pression humaine limitée et dont
les berges sont colonisées par la mangrove, se singularisent par des taux de
pollution faible. À l’opposé, les baies de Biétry et de Koumassi, dont les berges
abritent différentes unités industrielles et des populations riveraines denses,
sont fortement dégradées (tableau 2). D’ailleurs, la coïncidence des points de
rejets des eaux usées sans traitement en lagune et les niveaux de pollution mis
en évidence montre qu’il y a un rapport certain, entre ces eaux usées et la
pollution constatée dans la lagune. Ce rapport devient plus évident lorsque l’on
suit l’évolution des concentrations des métaux lourds polluants à partir d’un
point de rejet d’eau usée. 175
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

Tableau 2 - Teneur des sédiments en métaux lourds et en hydrocarbure aromatique


dans les baies de Biétry et Abou Abou

Hydrocarbure Cadmium Zinc Cuivre Fer Manganèse


Baies
(mg/kg) (mg/kg) (mg/kg) (mg/kg) (g/kg) (mg/kg)
Biétry
mini 21,34 36,34 242 50 260 111,2
maxi 770,24 647 586,5 117,3 390,8 496,3
Abou Abou
mini 1,7 < 0,002 10,3 7 2,17 3,38
maxi 15,9 5,57 106,86 42,16 54,52 128,4
Source : Affian, 2003. Relevés effectués sur 13 sites dans la baie de Biétry, 12 dans celle de Abou Abou.

Figure 5 - Réseau d’assainissement de la ville d’Abidjan

ABOBO

Parc national
du banco
ADJAMÉ COCODY

ATTÉCOUBÉ

YOPOUGON

PLATEAU l ag u n e
Eb ri é
TREICHVILLE MARCORY
l ag u n e Eb ri é KOUMASSI

Ile Boulay

PORT-BOUËT
l ac Braké

OCÉAN ALANTIQUE

Source : K. AFFIAN, 2003 K. AFFIAN , A. KANGAH


N

collecteur de base limite de commune

176 collecteur secondaire COCODY nom de commune 0 2 4 km


LA LAGUNE ÉBRIÉ À L’ÉPREUVE DE LA PRESSION ANTHROPIQUE

À titre d’exemple, les courbes d’évolution de la concentration réalisées à partir

P. POTTIER , K. AFFIAN, M. V. DJAGOUA, K. P. ANOH, Y. KRA, A. KANGAH & M. ROBIN


d’un point de rejet industriel localisé dans la baie de Koumassi montrent que de la
berge vers l’intérieur de la baie, il y a une nette décroissance de la concentration du
zinc (- 35 % sur 400 mètres), une décroissance de la concentration du manganèse
(- 40 %), une légère décroissance des teneurs en cuivre et en cadmium. Les rejets
industriels se diluent donc au fur et à mesure que l’on s’éloigne du point de
rejet. Inversement, la concentration en fer qui augmente du point de rejet vers
l’intérieur de la baie montre que la teneur en ce métal lourd n’est pas forcément
liée aux rejets industriels, ce métal devant être probablement associé au lessivage
des sols ferrallitiques provoqué par les eaux de pluie (Affian, op. cit.).
L’assainissement et le traitement des déchets sont largement insuffisants
L’ampleur et la rapidité du développement urbain de la Côte d’Ivoire, conjugué
au manque de moyens financiers, ont eu pour conséquence un retard alarmant
dans les domaines de l’assainissement et du traitement des déchets. Compte
tenu d’un taux de raccordement à l’égout qui ne dépasse pas aujourd’hui 40 %,
alors qu’il était de 45 % en 1990, on peut donc estimer à près de 2,5 millions
la population d’Abidjan dont les eaux usées échappent au réseau collectif.
Le niveau d’équipement individuel ne dépassant sans doute que de très peu
20 % (données INS, 1998), il est probable qu’encore 40 % des eaux usées des
ménages d’Abidjan finissent dans les rues, les caniveaux et la nature.
Ce réseau de collecte des eaux usées est ancien (plus de vingt ans), limité
(environ 2 000 kilomètres) et basé sur le principe d’un collecteur de base et
de collecteurs secondaires qui sont eux-mêmes générateurs de nuisances sur
la lagune. Si la fonction du collecteur de base est en effet d’évacuer les déchets
solides pour les dissoudre directement en mer, il n’en est pas de même des
collecteurs secondaires qui débouchent directement dans la lagune (figure 5).
En outre, le collecteur principal, faute de débit adéquat, ne fonctionne pas
comme il se doit, les déchets autant solides que liquides étant acheminés
directement dans la lagune sans bénéficier d’un système d’épuration efficace.
Cette carence d’équipement ne concerne pas seulement les rejets individuels,
mais également ceux de l’industrie et des grands équipements dont certains,
comme la polyclinique PISAM (Polyclinique internationale Sainte Anne Marie),
déverseraient une partie de leurs eaux usées et de leurs déchets solides dans la
lagune (Agbadou, 2000).
Dans le domaine du ramassage des déchets et des ordures ménagères, la carence
est également constatée. Selon un rapport de la Direction du cadre de vie de
2001, la production de déchets ménagers estimée à près de 2 millions de tonnes
ne serait collectée que pour 50 % environ, alors qu’en 1988, 70 % des ménages
urbains voyaient leurs ordures ramassées par camion. La seule décharge de
l’agglomération se fait à Akouédo. Elle se situe entre Abidjan et Bingerville, dans
un secteur aujourd’hui gagné progressivement par les extensions urbaines, et
occupe un thalweg dont le drainage naturel se fait vers la lagune Ebrié à environ
2 kilomètres. Tous les déchets ménagers, industriels les plus divers (chimiques,
toxiques, inflammables…) et biomédicaux y sont destinés sans contrôle. 177
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

Photo 2 - Illustration
de l’effet « chasse
d’eau » provoqué par
les précipitations. Ici,
sur cet ouvrage situé à
environ 100 mètres de
la lagune, le transport
des déchets solides,
survenu après une pluie
violente, a été en partie
bloqué.

Crédit photographique K. Affian

Photo 3 - La lagune
Ébrié est souvent
considérée comme
l’exutoire « naturel »
des effluents d’une
ville sous-équipée
du point de vue de
l’assainissement. Ici, à
Bia Sud (Koumassi),
les latrines construites
sur pilotis illustrent
une pratique courante
qui consiste à évacuer
directement en
lagune les excréments
humains.

Crédit photographique G. Kopieu

Photo 4 - Les berges


de la lagune sont
des espaces souvent
appropriés de façon
clandestine. L’habitat
précaire s’y est
développé dans un
environnement où
l’amoncellement des
déchets en dit long à
la fois sur l’abandon
des valeurs de propreté
de la population et les
pressions qui s’exercent
sur l’environnement
lagunaire.
178 Crédit photographique K. Affian
LA LAGUNE ÉBRIÉ À L’ÉPREUVE DE LA PRESSION ANTHROPIQUE

Sous un climat à fort niveau de précipitations, les pluies et les eaux de ruissellement

P. POTTIER , K. AFFIAN, M. V. DJAGOUA, K. P. ANOH, Y. KRA, A. KANGAH & M. ROBIN


qui les accompagnent jouent alors le rôle de « chasse d’eau » (photo 2), évacuant
les déchets et rejets divers de l’ensemble de l’agglomération d’Abidjan, jonchant
le sol ou s’accumulant au gré des dépôts les plus improvisés. Leur charge se
trouve par ailleurs accentuée par les matériaux facilement mobilisés, compte tenu
de la mise à nu des sols ferrallitiques liée à la croissance urbaine. Suivant les règles
de la gravitation, l’ensemble est ainsi inexorablement destiné à la lagune.
Les mauvaises pratiques favorisant la pollution de la lagune
Les pratiques quotidiennes des populations qui habitent sur les rives de la
lagune Ébrié constituent une menace grave au maintien de sa bonne qualité
environnementale. La pression humaine renforcée sur ses berges s’est en
effet accompagnée d’une dégradation évidente du milieu et d’une souillure
de l’espace qui en dit long sur l’abandon des valeurs de propreté dans les
grandes villes comme Abidjan et sur la dérive des comportements individuels
dans le domaine (photos 3 et 4).
La déviance est également collective, car le développement spontané des
berges de la lagune s’est fait dans un contexte d’absence totale de régulation,
à l’image sans doute de celui plus général de l’ensemble de la ville. Cette
question de l’absence d’une gestion de l’urbanisme est toutefois ici encore
plus préoccupante que dans bien d’autres secteurs de la capitale économique
ivoirienne, car le contact avec un milieu aussi fragile et remarquable que celui de
la lagune Ébrié demande encore plus d’attention. Il faut constater qu’à l’échelle
de l’agglomération, la politique des aménageurs au moment du premier boom
immobilier d’Abidjan a été de considérer la lagune comme un avantage du site,
un espace périphérique et un milieu mécaniquement susceptible de résoudre
les problèmes d’évacuation des eaux usées (Dembélé et Botty, 2001). Les
méthodes n’ont hélas que peu évolué, si on se réfère au choix qui a été fait
ensuite d’orienter les rejets vers la mer, considérée après la lagune comme le
nouvel absorbeur des effluents dont on ne sait quoi faire. Le récent épisode
du Probo Koala, navire russe sous pavillon panaméen est également révélateur
du désintérêt des pouvoirs publics pour les questions d’environnement. Ce
navire russe battant pavillon panaméen a en effet été à l’origine d’une grave
pollution chimique à Abidjan. En août 2006, 400 tonnes de déchets toxiques
contenant un mélange de pétrole, sulfure d’hydrogène, phénols, soude caustique
et acide ont été nuitamment et en toute quiétude déversées par camion dans
seize sites d’Abidjan (notamment décharge d’Akouédo, station de dépotage
des eaux usées du Plateau Dokui, route du Zoo, village de Djibi et dans les
différentes canalisations de la zone du canal de Vridi…). Il s’en est suivi une
grave intoxication par inhalation ou contact direct de plus de 95 000 victimes
officiellement reconnues et la mort de 12 personnes. Le navire sans être inquiété
a quitté le port d’Abidjan et l’histoire s’est finalement conclue en février 2007
par un accord financier scellant l’abandon par le gouvernement ivoirien de
toute poursuite à l’encontre des responsables de la pollution. La lagune Ébrié
n’a bien sûr pas été épargnée par cet événement environnemental tragique, 179
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

la Cellule Opérationnelle de Coordination du Plan National de Lutte contre


les Déchets Toxiques mise en place par le Premier Ministre en septembre 2006
reconnaissant que « Dès les premiers jours du déversement des déchets toxiques, une
mortalité exceptionnellement élevée de poissons avait été constatée sur le plan d’eau lagunaire »
(Primature, 2006). Des inquiétudes ont également porté sur les conséquences
de cette pollution sur les sédiments et les nappes phréatiques, sans que des
analyses précises puissent toutefois les confirmer.
Pourtant, plusieurs actions ont été entreprises afin d’avancer sur le chemin
d’une meilleure prise en compte des questions environnementales en Côte
d’Ivoire, et plus particulièrement de celles en relation avec la protection des milieux
lagunaires à Abidjan. À la fin des années 1980, les autorités avaient entrepris un
vaste programme de travaux destinés à résoudre les problèmes d’assainissement.
Financée avec l’aide de la Banque Mondiale pour un montant de 22 millions de
dollars, la construction de ce système global d’assainissement n’a malheureusement
été que partielle et techniquement limitée. Sans doute plus important, c’est sur
le plan juridique que la question a très nettement avancé à partir du début des
années 1990. Le droit de l’environnement en Côte d’Ivoire était auparavant très
limité et totalement inadapté à la situation économique du pays. Par l’adoption
de la loi n° 96-766 du 3 octobre 1996 portant Code de l’environnement, la Côte
d’Ivoire s’est ainsi dotée d’un véritable outil juridique de référence. Plusieurs
décrets fondamentaux ont rapidement suivi et notamment le décret n° 97-678 du
3 décembre 1997 portant « protection de l’environnement marin et lagunaire ».
Pourtant, si ce nouveau cadre législatif apparaît aujourd’hui complet et pertinent,
force est de constater que sa mise en application reste particulièrement difficile.
Certes, sa jeunesse, à peine dix ans, n’a pas encore permis le passage de ce nouveau
droit dans les mentalités, mais surtout, les difficultés économiques et politiques
que traverse la Côte d’Ivoire depuis quelques années lui ont été fatales. Cette
législation est aujourd’hui peu respectée, par manque de moyens institutionnels,
financiers, humains et techniques alors que les bailleurs de fonds ont quitté le
pays. Ainsi, le problème de la pollution de la lagune d’Abidjan demeure, au point
de rester l’une des sept priorités du Ministère de l’Environnement, ce qui a fait
dire récemment et publiquement au Ministre de l’Environnement qu’Abidjan
« perle des lagunes autrefois, fait aujourd’hui honte à regarder», ou encore au Président de
la République de Côte d’Ivoire de regretter que «la lagune dans laquelle (il se) baignait
il y a 45 ans soit devenue impropre», s’indignant du sort que les «Abidjanais ont réservé
à leur cadre de vie»…. (AFP, novembre 2007, propos recueillis lors de la Quinzaine
nationale de l’environnement). Le problème reste donc aujourd’hui entier, pas
moins de 2 207 milliards de FCFA (33,6 milliards d’euros) étant nécessaires sur
25 ans, selon lui, pour bâtir des ouvrages d’assainissement et de drainage afin de
«régler et contrôler tout déversement dans le milieu lagunaire».
Les conséquences évidentes de la pollution sur les populations
Ainsi, depuis de nombreuses années, l’état sanitaire de l’agglomération
d’Abidjan dans son ensemble et celui de la lagune Ébrié en particulier continue
180 de se dégrader lentement.
LA LAGUNE ÉBRIÉ À L’ÉPREUVE DE LA PRESSION ANTHROPIQUE

Les conséquences sur la santé humaine des niveaux de pollution

P. POTTIER , K. AFFIAN, M. V. DJAGOUA, K. P. ANOH, Y. KRA, A. KANGAH & M. ROBIN


exceptionnellement élevés dans certains secteurs de la lagune d’Abidjan ne
sont plus à démontrer : infections respiratoires aiguës (Koné et al., 2006), fièvre
typhoïde (Kouamé et al., 1979), transmission de salmonelloses (Iwuji, 1976),
choléra, diarrhées cholériques et infections cholériformes (Dosso et al., 1984),
venant s’ajouter à la prolifération des mouches et moustiques vecteurs de
paludisme, de diarrhées et de démangeaisons du corps (Koné et al., op. cit), ou
encore aux odeurs nauséabondes et pestilentielles des eaux lagunaires.
Les eaux eutrophisées et dégradées se sont appauvries, les populations
benthiques étant en certains endroits limitées aux oligochaètes Pachymelania
aurita et Tympanotonus fasciatus, deux espèces dont la présence est considérée
comme symptomatique d’un état de pollution (Zabi, 1982). D’un point de
vue plus global, la ressource halieutique s’est en grande partie tarie, la pêche
devenant ainsi moins productive et s’accompagnant de l’appauvrissement
financier et alimentaire des populations riveraines de la lagune. La pollution
excessive a amené les autorités ivoiriennes à interdire la pêche dans certaines
zones du plan d’eau afin de préserver la santé des populations riveraines. Les
baies sont les zones les plus visées par cette mesure, mais on continue de
rencontrer fréquemment des pêcheurs clandestins qui ignorent sans doute les
dangers qu’ils font courir à la population en lui proposant des produits extraits
de ces espaces. Des aménagements de pêche (acadja) sont quelquefois implantés
non loin des berges qui constituent les secteurs les plus riches des plans d’eau.
Les baies servent de nourriceries à un nombre important de poissons et de
crustacés. Dans le cas des baies lagunaires Ébrié, ces zones, comme on l’a vu,
représentent également le débouché du réseau de collecte des eaux usées, ce qui
rend dangereux la consommation de tout être aquatique qui y vit.
Enfin, la lagune a perdu son image symbolique et son rôle social. Considérée
comme le lieu de résidence des génies protecteurs, sa souillure est chargée de
honte et d’irrespect, ses eaux ont perdu leur pouvoir de guérison. Les anciennes
pratiques de loisirs, compétitions de natation et de pirogues qui s’y exerçaient,
ont disparu et le lien social qui en était issu avec elles. Les berges sont devenues
quelquefois impraticables, jonchées d’ordures parmi lesquelles on peut trouver
des seringues et autres déchets biomédicaux. Finalement, Abidjan ne peut
plus être effectivement cette « perle des lagunes », car de lagune il n’y a plus
vraiment, en dehors d’une étendue d’eau saumâtre qui, sous bien des aspects,
fait naître plus de répulsion que d’attirance…

Conclusion
Le contrôle de l’urbanisation est un enjeu majeur des décennies à venir en
Côte d’Ivoire. Dans le domaine de l’environnement, il impose réparation et
extension des réseaux d’assainissement, séparation des réseaux des eaux usées
et pluviales, traitement systématique des rejets, meilleure salubrité générale, ou
encore maîtrise de l’occupation de l’espace. Au contact de la lagune d’Abidjan
et de ses berges, cette question apparaît même cruciale pour l’avenir au point 181
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

d’apparaître dans nombre de rapports parmi les plus récents comme une
priorité évidente, pour le gouvernement ivoirien (Ahizi A. D., 2007), pour
l’Union Européenne (Commission européenne, 2006), ou pour les Nations
Unies (PNUE, 2002).
Il reste pourtant encore beaucoup à faire et la solution du problème n’est
pas que financière. Le changement véritable sera en effet peut-être porté par
les populations locales qui sont de plus en plus sensibles aux questions de
l’environnement et revendicatives face aux nuisances qu’elles subissent. Encore
faudra-t-il alors que de nouveaux modes de gouvernance environnementale
puissent voir le jour, associant plus directement toutes les composantes de la
société, décideurs, citoyens, acteurs économiques et scientifiques.
Ce fléau de la pollution de la lagune Ébrié à Abidjan représente enfin un
enjeu environnemental fondamental pour l’avenir du littoral ivoirien. C’est par
une approche intégrée du problème que les voies d’un développement durable
seront accessibles, c’est-à-dire en prenant en compte les aspects naturels pour
mieux les confronter à la démesure du développement urbain, dont il faudra
percevoir à la fois les fonctionnements techniques, juridiques et financiers, mais
aussi comportementaux.

Références

AFFIAN K., 2003. Approche environnementale d’un écosystème lagunaire microtidal (la lagune
Ébrié en Côte d’Ivoire), par des études géochimiques, bathymétriques et hydrologiques : contribution
du SIG et de la télédétection, thèse de doctorat d’État en Sciences Naturelles n° 380,
Université de Cocody Abidjan, 225 p.
AGBADOU C., 2000. Les pollutions en lagune Ébrié – Les baies de l’agglomération Abidjanaise,
maîtrise de Géographie, Université de Cocody Abidjan, 89 p.
AHIZI A. D., 2007. Discours du Ministre de l’environnement, des eaux et forêts du 12
novembre 2007 dans le cadre de la quinzaine nationale de l’environnement, http://
www.gouv.ci/ministeresemprint.php?gouvID=24.
ANOH K. P., 2001. « La lagune Ébrié de 1955 à 1998 : pollution des eaux et
encombrement des baies urbaines de l’agglomération d’Abidjan », Géotrope, n° 1,
PUCI- Presses Universitaires de Côte d’Ivoire, p. 62-78.
BROCHE J. et PESCHET J.-L, 1983. « Enquête sur les pollutions actuelles et potentielles en Côte
d’Ivoire », in DUFOUR P. et CHANTRAINE J.-M, réseau national d’observation de la qualité des eaux
marines et lagunaires en Côte d’Ivoire, Paris, ORSTOM et Ministère de l’Équipement, 451 p.
Commission européenne, 2006. Profil Environnemental de la Côte d’Ivoire, rapport final
rédigé par B. HALLE et V. BRUZON 128 p.
DEMBELE O., BOTTY Bi T. C., 2001. « L’impact environnemental de l’émissaire en mer
182 à Port-Bouët », Géotrope, n° 1, PUCI- Presses universitaires de Côte d’Ivoire, p. 79–91.
LA LAGUNE ÉBRIÉ À L’ÉPREUVE DE LA PRESSION ANTHROPIQUE

DONGO K., 2001. Étude de l’évolution du système d’assainissement « eaux usées » de la ville

P. POTTIER , K. AFFIAN, M. V. DJAGOUA, K. P. ANOH, Y. KRA, A. KANGAH & M. ROBIN


d’Abidjan, DEA en sciences de la terre, Université de Cocody Abidjan, 81 p.
DOSSO M., DUCHASSIN M., LOMBARDO A., KONE M. et EDOH V., 1984.
« Cas sporadiques ou début d’une nouvelle épidémie de choléra », Bulletin de la Société
de Pathologie Exotique, n° 76, p. 121-125.
DUFOUR P. et SLEPOUKHA M., 1975. « L’oxygène dissous en lagune Ébrié :
influnece de l’hydroclimat et des pollutions », Documents Scientifiques du Centre de
Recherches Océanographiques d’Abidjan, 6 (2), p. 75-118.
DUFOUR P., KOUASSI A. M. et LANUSSE A., 1994. « Les pollutions », DURAND
J.P., DUFOUR P., GUIRAL D. et ZABI S. G. F., Environnement et ressources aquatiques
de Côte-d’Ivoire – Les milieux lagunaires, Paris, ORSTOM, tome 2, p. 309-333.
GIRARD G., SIRCOULON J., TOUCHEBOEUF P., 1971. « Aperçu sur les régions
hydrologiques », Le milieu naturel de Côte d’Ivoire, mémoire de l’ORSTOM n° 50, p. 109-156.
HYDRO-R & D, 2004. Dépollution des baies lagunaires d’Abidjan. Aménagement de la baie de Cocody,
Louvain - Belgique, rapport au Ministère de l’Environnement de Côte d’Ivoire, 47 p.
IWUJI S., 1976. Les infections intestinales à salmonelloses en zone lagunaire rurale, thèse de
doctorat de médecine, Université d’Abidjan, n° 79.
KONE B., CISSE G., HOUENOU P. V., OBRIST B., WYSS K., ODERMATT P. et
TANNER M., 2006. « Vulnérabilité et résilience des populations riveraines liées à
la pollution des eaux lagunaires de la métropole d’Abidjan, Côte d’Ivoire », Revue
électronique en sciences de l’environnement VertigO, Hors Série 3, décembre 2006, 10 p.
KOUAME K., MOREAU J., TIMITE K., DIEKOUADIO K. et ASSI ADOU J., 1979. « La
fièvre typhoïde de l’enfant à Abidjan », Revue Médicale de Côte d’Ivoire, Abidjan, n° 48, p. 2-15.
KOUASSI A.M, GUIRAL D. et DOSSO M., 1990. « Variations saisonnières de la contamination
microbienne de la zone urbaine d’une lagune tropicale estuarienne. Cas de la ville d’Abidjan
(Côte-d’Ivoire) », Revue Hydrobiologie Tropicale, n° 23-3, ORSTOM-IRD, Paris, p. 181-194.
LANUSSE A., 1987. La contamination microbienne d’une lagune tropicale (lagune Ébrié, Côte d’Ivoire).
Influence de l’hydroclimat, thèse de Sciences, Université de Provence Aix-Marseille I, 147 p.
MARCHAND M. et MARTIN J.-L. 1985. « Détermination de la pollution chimique
(hydrocarbure, organochlorés et métaux) dans la lagune d’Abidjan (Côte d’Ivoire) par
l’étude des sédiments », Océanographie Tropicale, n° 20, ORSTOM-IRD, Paris, p. 1-90.
NEDECO, 1981. Assainissement et drainage de la ville d’Abidjan. Côte d’Ivoire, Setu.
PAGES J., 1975. « Étude de la pollution bactérienne en lagune Ébrié », Documents
Scientifiques du Centre de Recherches Océanographiques d’Abidjan, 11 (2), p. 79-107.
Le Patriote, 2008. « Lutte contre la pollution — Le CIAPOL entame le curage de la baie
lagunaire », quotidien du 10 février 2008.
PNUE, 2002. Côte d’Ivoire coastal zone, phase 1 : integrated environmental problem analysis. ABE
J., KOUASSI A. M.,, IBO G. J., N’GUESSAN N’CHO, KOUADIO A., N’GORAN
YA N. et KABA N., Global environment facility, 76 p.
Primature, Cellule Opérationnelle de Coordination du Plan National de Lutte contre les Déchets
Toxiques, 2006. Plan stratégique national 2006-2009 de lutte contre les déchets toxiques du Probo Koala et
leur impact sur l’environnement et la santé de la population, rapport décembre 2006, 33 p.
TASTET J.-P., 1979. Environnement sédimentaire et structuraux quaternaires du littoral du
golfe de Guinée (Côte d’Ivoire, Togo, Bénin), thèse de Doctorat de Sciences Naturelles,
Université de Bordeaux I, n° 621, 181 p. 183
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

TASTET J.-P. et GUIRAL D., 1994. « Géologie et sédimentologie », in DURAND J.


P., DUFOUR P., GUIRAL D. et ZABI S. G. F., Environnement et ressources aquatiques de
Côte d’Ivoire – Les milieux lagunaires, Paris, ORSTOM, tome 2, p. 35-57.
ZABI S. G., 1982. « Répartition et abondance des espèces de la macofaune benthique
de la lagune Ebrié (Côte d’Ivoire) », Documents Scientifiques du Centre de Recherches
Océanographiques, Abidjan, 13-1, p. 1-51.

184
LA PÊCHE À ABIDJAN FACE À LA DÉGRADATION DE L’ ÉCOSYSTÈME LAGUNAIRE

CÉLINE YOLANDE KOFFIÉ-BIKPO


La pêche à Abidjan face à la dégradation de
l’écosystème lagunaire
Céline Yolande KOFFIÉ-BIKPO
Institut de Géographie Tropicale, Université de Cocody Abidjan
(Côte d’Ivoire)

Le district d’Abidjan a été créé par la loi n°2001-478 du 9 août 2001,


regroupant la ville d’Abidjan et ses environs1. Cette mégapole moderne
s’étend sur plus de 306 km² dont 15 % sont couverts par la lagune Ébrié qui
constitue l’espace privilégié de pratique de la pêche artisanale. Abidjan dispose
potentiellement d’autant d’échouages qu’il y a de campements débouchant
sur la berge.
L’Institut national de la statistique (INS) indiquait en 1998 que la population
ivoirienne était de 15 366 672 habitants avec un taux de croissance annuelle
de 3,3 % (INS, 1998). La population d’Abidjan, principale ville de la Côte
d’Ivoire, est passée de 2 877 948 en 1998 à plus de 4 millions d’habitants en
2003 (estimations IGT, voir page 66), soit environ 20 % de la nation ivoirienne
pour un taux de croissance de 3,7 % supérieur à la moyenne nationale.
La consommation de poisson en Côte d’Ivoire est déjà l’une des plus
importantes de l’Afrique. La demande reste soutenue par l’effet de la croissance
démographique, mais également par les faibles performances de la production
animale nationale. Les produits halieutiques représentent la protéine animale
la plus consommée en Côte d’Ivoire. La FAO (2005) signale que le poisson
constitue plus de 50 % de la consommation des protéines animales dans le
pays. La consommation par habitant et par an en Côte d’Ivoire est de l’ordre
de 17 kilogrammes, mais elle varie beaucoup d’une région à l’autre. Vincke et
Wijksdrôm (1982) l’estiment à 60 kg/habitant/an pour toute la côte d’Aboisso
à San Pedro, et à 2,6 kg pour la région d’Odienné et Korhogo au nord. Anoh
(1994) l’estime à 25 kg dans les zones urbaines du Sud, et de 54 kg/habitant/an
pour l’agglomération d’Abidjan.

1
Le district d’Abidjan est composé de dix communes et de trois sous-préfectures
(Anyama, Bingerville et Songon). Ces communes et trois sous-préfectures sont
regroupées en trois entités : Abidjan Est, Abidjan Centre, et Abidjan Ouest. Cette
analyse porte essentiellement sur Abidjan Centre qui correspond à l’agglomération
d’Abidjan. 185
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

Figure 1 - Établissements de pêche dans l’agglomération d’Abidjan

A D J A ME

Baie du
C O C O D Y
ATTECOUBE

Ba
nc
o

de
YOPOUGON Cocody village Abata

Ba cody
M'badon

Co
ie
Blocosso M'pouto
Locodjro PLATEAU
M'badon 2
Abobo Abata 2

Béago Béaté Doumé Biafra Anoumabo Aklomiabla


Azito
TREICHVILLE MARCORY Abbeykro
Nandi KOUMASSI
koffikro Mangokro Bakro
Djonikro Ile Boulay
Ossibissa Awrankro
N'zimakro
Biétry
Jean Kouamékro Baoulékro Kpébokodji
Vridi Ancien
Zimbabwé
Koumassi Adjahui
Paul Assé Moossou
ca PORT-BOUET
na
ld
Gbéima Vridi Ako eV Petit - Bassam
rid
i

Océan Atlantique

A B O B O
pont C. Y. KOFFIE-BIKPO, A. KANGAH
B a n c o

limite communale C O C O D Y
N YOPOUGON
village
campement
0 2,5 5 km
Source: Enquêtes Koffié-Bikpo,2005.

La Direction de la production halieutique (DPH, 2006) estime les besoins


de la population ivoirienne à 300 000 tonnes, alors que la production
nationale n’excède pas les 80 000 tonnes. La production maritime et lagunaire
pour Abidjan est à peine de 6 000 tonnes, cependant 197 000 tonnes par an
sont nécessaires pour satisfaire les besoins de la population d’Abidjan si l’on
considère un niveau moyen de consommation par an de 54 kilogrammes. La
Côte d’Ivoire importe 220 000 tonnes de produits halieutiques pour couvrir
les besoins de la population, et l’on peut s’étonner de constater qu’une
grande agglomération comme Abidjan, au contact d’une zone de production
constituée par la lagune Ébrié, des espaces de débarquement plus ou moins
élaborés, n’a pas développé une activité de pêche importante en vue de
satisfaire les besoins de sa population.
La pêche lagunaire à Abidjan s’exerce en fait sur un lieu au pourtour très
urbanisé. Elle est le fait de pêcheurs étrangers qui la pratiquent sur un espace
vécu et approprié par les autochtones. Du fait de la croissance de la ville
d’Abidjan et de la pression démographique qui s’y exerce, l’espace lagunaire est
aujourd’hui soumis à de nouveaux risques environnementaux majeurs tels que
la pêche à l’aide de produits toxiques et la pollution microbienne et chimique
due, notamment, à l’installation de la zone industrielle dans la zone portuaire
et à l’insuffisance du système d’assainissement des eaux usées qui débouchent
186 directement dans la lagune.
LA PÊCHE À ABIDJAN FACE À LA DÉGRADATION DE L’ ÉCOSYSTÈME LAGUNAIRE

CÉLINE YOLANDE KOFFIÉ-BIKPO


La répartition des activités de pêche dans la lagune Ébrié d’Abidjan
L’agglomération d’Abidjan est composée d’une seule sous-préfecture
(Anyama) et de dix communes ayant en leur sein des villages. La lagune est
bordée au nord par les communes de Cocody, Plateau, Attécoubé et Yopougon ;
au sud par la commune de Port-Bouët. À l’est se situent l’île d’Abata et le
campement Bakro ; à l’ouest sont à noter Azito, Djonikro, et la « baie des
milliardaires ». Abidjan et ses environs fonctionnent sur la même base que
toutes les autres villes à travers son découpage en quartiers. Les villages sont
inclus dans les quartiers et ont été absorbés par la grande ville.
Les lieux de vie des pêcheurs autour de la lagune
Une très forte concentration d’établissements de pêche est à noter sur la
partie ouest de la lagune Ébrié (figure 1). Une vingtaine de villages s’y égrènent
ainsi sur les berges de la lagune. Cela s’explique par le fait que le développement
d’Abidjan s’est essentiellement opéré au centre et au nord, la partie ouest recevant
des villages déplacés. Par ailleurs, la richesse en poisson d’origine marine liée à la
présence du canal de Vridi en ce lieu est un facteur amplifiant, alors même que
cette position stratégique permet aux pêcheurs d’exercer aussi bien en lagune
qu’en mer en passant par le canal. Ces nombreux villages ont toutefois des
populations de pêcheurs qui dépassent rarement une centaine de personnes,
sauf à Ossibissa où on dénombre 1 040 pêcheurs dont 240 exclusivement en
lagune (enquête personnelle, 2005). Ce sont surtout des pêcheurs ghanéens,
d’ethnie fanti, qui résident dans la majeure partie des campements de pêche.
Dans la partie centrale de la lagune, on dénombre 5 campements, soit la
plus faible concentration d’établissements de pêche. Cette zone qui couvre les
communes de Treichville, Marcory, Koumassi et Port-Bouët est très urbanisée
et industrialisée. Destination naturelle de la plus grande partie des déchets
liquides de la ville, la lagune y est très polluée. Les deux baies, situées dans les
zones industrielles de Bietry et Koumassi, et la baie de Cocody, reçoivent la
plus forte proportion d’effluents et sont relativement isolées du reste du réseau
lagunaire. Elles présentent un degré très élevé de pollution et dégagent des
odeurs nauséabondes. Les eaux n’y sont donc pas propices à la pêche. Les rares
campements de pêche que l’on observe dans ces zones sont par ailleurs à peine
tolérés par les communes. En plus d’être soumis à l’autorité villageoise avec
l’acquittement de taxes diverses et variées, les communautés de pêcheurs sont
aussi redevables à ces communes. Tout ceci constitue des charges trop élevées
pour une activité aux gains aléatoires.
Dans la partie orientale de la lagune, on dénombre une dizaine de campements
de pêche. On observe de grosses unités dont certaines totalisent une population
de plus de 750 habitants. Il s’agit surtout de pêcheurs d’origine béninoise, qui
ont trouvé un emplacement propice à la pratique de la pêche des crevettes,
ainsi qu’un marché tout proche constitué par les grands hôtels (Golf, Ivoire,
Ivoire golf club), et une population d’expatriée et de cadres nationaux friands
de produits frais de haute valeur marchande, habitant à proximité. De plus,
l’apport d’eau douce continentale dans cette partie de la lagune permet aux 187
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

pêcheurs d’avoir accès à des espèces continentales, ce qui explique leur nombre
important. Des petits groupes de pêcheurs ghanéens et ivoiriens essaiment
dans les autres villages.
La présence d’activités de pêche le long de la lagune Ébrié se matérialise
en une multitude de campements de pêche avec des réalités différentes. On
en dénombre 34 au total dont 22 inclus dans des villages et/ou quartiers
et 12 campements autonomes organisés exclusivement autour de la pêche. Une
classification permet de regrouper les acteurs de la pêche en trois groupes : les
autochtones, les étrangers, et l’association des deux groupes.
1. Les villages, quartiers ou campements des pêcheurs autochtones sont
aussi habités par des autochtones qui ont d’autres activités que celle de
la pêche. Ces villages s’intègrent parfaitement dans le paysage moderne
de l’agglomération d’Abidjan et sont répartis tout autour de la lagune.
Il s’agit principalement de : Azito, Béago, Yopougon Santé (Béaté),
Abobodoumé, Locodjro, Cocody village, Blokosso, M’Pouto, M’Badon,
Abata, Anoumambo, Adjahui, Ancien Koumassi, Biétry, Petit Bassam.
On y trouve quelquefois un petit nombre de pêcheurs étrangers.
2. Les campements habités exclusivement par les pêcheurs étrangers ont
été créés uniquement par eux-mêmes pour mener à bien leurs activités
de pêche. Ces villages sont construits avec des matériaux précaires qui
font penser à des habitations provisoires de fortune et se localisent à
l’ouest, à l’est et au sud de la lagune. Il s’agit de Mangokro, Ossibissa,
Nandi Koffikro, Gbeiman, M’Badon2, Abata2, Paul Assé, Mossou,
Aklomiambla, Awrankro, Kpebokodji, Vridi Zimbabwe. Ce sont les plus
gros regroupements de pêcheurs avec des populations comprises entre
250 et 1 200 pêcheurs adultes.
3. Enfin, les villages, quartiers ou campements où les autochtones et
étrangers cohabitent. Il s’agit de : Vridi Ako, N’Zimakro, Baoulékro, Jean
Kouamékro, Djonikro, Abbeykro, Bakro qui se trouvent exclusivement
au sud de la lagune.
Les pêcheurs de métier sur la lagune Ébrié sont d’origine étrangère tous issus
de la CEDEAO (Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest). Les plus
nombreux sont les pêcheurs béninois avec près de 46 %, suivis des Ghanéens
avec 35 %. Les Ivoiriens, quant à eux, n’arrivent qu’en troisième position
avec 14 % des pêcheurs. Cette situation imprime une physionomie particulière
le long des berges. On observe des villages tas tout autour de la lagune dans le
district d’Abidjan. Les autochtones ont des habitations de type moderne. En
fonction de leurs moyens, ces immeubles peuvent aller de la maison de grand
luxe à une villa à loyer modéré. Le quartier des pêcheurs étrangers par contre
est très typé. Les maisons sont construites avec des matériaux de récupération
(photo 1), les palissades sont des planches de bois aux extrémités grossièrement
taillées et plantées les unes à côté des autres dans le sol. La porte d’entrée de
la concession est en tôle ondulée, bordée sur les quatre côtés de bois, et se
pose sur l’ouverture de l’entrée. La maison est construite avec des planches
188 en bois sur une fondation en brique. La toiture est recouverte de tôle usagée
LA PÊCHE À ABIDJAN FACE À LA DÉGRADATION DE L’ ÉCOSYSTÈME LAGUNAIRE

et d’une bâche noire pour l’étanchéité. En pénétrant dans la concession, on

CÉLINE YOLANDE KOFFIÉ-BIKPO


remarque sur les côtés des chambres qui s’alignent en bandes. Elles sont
ouvertes sur l’extérieur par une petite fenêtre située assez haut. Le hangar à
four situé à l’extérieur de la concession est fermé sur un ou deux côtés par
la palissade extérieure, les autres côtés restant ouverts pour laisser passer la
fumée. Le toit du hangar est en paille. Les groupes de pêcheurs réparent les
filets et préparent les lignes sous un appatam (sorte d’abri recouvert par un
toit en chaume et ouvert sur les quatre côtés) situé devant la concession du
responsable du matériel (Koffié-Bikpo, 1997).
Ainsi, la juxtaposition dans le district d’Abidjan du campement traditionnel
et d’un bâti moderne rend compte de l’opposition entre deux systèmes
économiques et deux conceptions de sociétés. La répartition et le site des
campements des pêcheurs, l’existence de la grande ville (Abidjan) et la proximité
des villages autochtones Ébrié créent le long de la lagune une trame spatiale
dont les mailles sont diverses.
Le lieu de débarquement ou l’échouage (photo 2) qui constitue le
pôle structurant se trouve dans le campement de pêche ou le quartier
des pêcheurs. Autour de ces lieux de débarquement gravitent les espaces
aménagés pour une exploitation optimale des produits de la pêche : des
lieux de vente sur la berge, des espaces de réparation des divers engins de
pêche, et les lieux de fumage (photo 3).
L’installation des campements des pêcheurs si près de la lagune et du lieu
d’échouage est une organisation déterminée par la production des produits
de la pêche. La ville d’Abidjan, les villages autochtones ou les campements
de pêche habités par les pêcheurs sont des espaces différemment pratiqués,
représentés et maîtrisés selon les appartenances sociales. Inversement, le
quartier des pêcheurs contribue à définir l’identité sociale de leur groupe.
Au total, les raisons qui président à la concentration des pêcheurs et
à l’installation de leur campement relèvent à la fois de considérations
économiques et stratégiques précises. Les pêcheurs essaiment tout le long
de la lagune Ébrié dans le district d’Abidjan en concentrations d’inégale
importance, mais toujours à proximité des villages autochtones. Ils se
regroupent en fonction de l’espèce ciblée (crustacés pour les Béninois), de
l’engin de pêche, de l’accord passé avec les autochtones, et de la possibilité de
vendre à un marché tout proche.
Les zones de pêche
Avec 1 200 km² de superficie totale dont la productivité potentielle est
supérieure à 100 kilogrammes/hectare, les lagunes ivoiriennes au nombre de
trois (lagune Ébrié, Aby et de Grand-Lahou), produisent environ 13 000 tonnes
de poissons et de crustacés. Les lagunes ont été pendant longtemps un milieu
refuge, riche en poissons. Le mot « poissons » est employé au sens large du
terme pour inclure non seulement les poissons à nageoires, mais aussi d’autres
vertébrés aquatiques tels que les reptiles (le crocodile), ainsi que quelques
invertébrés aquatiques dont les crustacés (crevettes, crabes, et écrevisses) et les
mollusques (moules, bigorneaux). 189
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

Photo 1 - Vue d’une


rue d’Ossibissa,
campement habité
par des pêcheurs
exclusivement étrangers
dans le secteur d’Abidjan.
On peut remarquer le
type de matériaux utilisé
pour la construction
de la maison (murs en
bois grossièrement taillé,
ouvertures fermées
à l’aide de sachets de
plastique noir, toit en
branches de cocotier
tressées.
Crédit photographique C. Bikpo

Photo 2 - La pêche
lagunaire se pratique
dans des conditions de
salubrité déplorables.
Ici, au port d’échouage
de Vridi Zimbabwé,
les détritus divers
jonchent la plage
située elle-même au
contact des lieux de
transformation et des
habitations.

Crédit photographique C. Bikpo

Photo 3 - Une fumerie


à Locodjro (Yopougon).
Les poissons sont
débarqués sur place
et sont fumés puis
transportés vers les
marchés d’Abidjan. Sur
ce site d’une centaine de
fours de fumage, près de
500 personnes s’activent
quotidiennement. Les
déchets sont déversés
directement dans la
lagune, générant des
nuisances à la fois
olfactives et sanitaires.
190 Crédit photographique C. Bikpo
LA PÊCHE À ABIDJAN FACE À LA DÉGRADATION DE L’ ÉCOSYSTÈME LAGUNAIRE

L’écosystème lagunaire Ébrié couvre 566 km² le long du littoral atlantique de

CÉLINE YOLANDE KOFFIÉ-BIKPO


la Côte d’Ivoire. Cette lagune communique avec les autres, en particulier avec la
lagune Aby par le canal d’Assinie à l’est et la lagune de Grand-lahou par le canal
d’Assagni à l’ouest. La lagune Ébrié fait 130 kilomètres de long pour 7 de large au
maximum, pour une profondeur moyenne de 4,8 mètres, avec quelques fosses à
proximité d’Abidjan dépassant 20 mètres. Une des caractéristiques de l’écosystème
lagunaire est sa variabilité spatiale et temporelle. Cette variabilité est essentiellement
due à sa configuration ramifiée, à l’intrusion d’eaux océaniques et continentales en
certains points, et au climat tropical. De ce fait, Briet (1975) mentionne que la
lagune Ébrié est caractérisée par l’influence directe des eaux marines pénétrant
par le canal de Vridi. La salinité de surface se situe entre 27 ‰ et 28 ‰ à l’étiage
et 3 ‰ entre les mois de juillet et octobre. L’espace lagunaire du district d’Abidjan
couvre une superficie de 71 km². La partie la plus fortement urbanisée en couvre
environ 40, soit 7 % de la superficie totale de la lagune Ébrié.
Toute la lagune n’est pas visitée par les pêcheurs. Grâce à la connaissance qu’ils
ont de cet espace, ils évitent soigneusement certains endroits soit parce qu’ils y
endommagent les engins de pêche (il s’agit des cimetières de bateaux ou d’autres
endroits qui abritent des débris de fer), soit à cause de la pauvreté de l’eau. Les parties
régulièrement visitées par les pêcheurs peuvent être regroupées en cinq grandes
zones. Ces espaces sont fréquentés en fonction de l’engin de pêche utilisé :
- la zone Azito – Abobodoumé – Locodjro. Cette zone connaît une activité
intense de pêche. La pêche de fond près des fosses de 8 à 15 mètres pour
les filets et palangres et la pêche de surface s’y déroulent. Ce sont en général
les riverains de Azito, Béago, Béaté, Abobodoumé, Locodjro, Ossibissa,
N’Zimakro, Mangokro, Nandi-Koffikro et Djonikro qui fréquentent
assidûment cet endroit ;
- la zone Pont de Gaulle – Abata. Les pêcheurs de Cocody village, Blockosso,
M’Pouto, M’Badon, Abata, Biafra, Anoumambo, Aklomiambla, Abata2,
M’Badon2 sont très actifs dans cette zone. Il s’agit dans la majorité des cas
de pêcheurs béninois et ghanéens ;
- la zone Ancien Koumassi – Île Agoko (Île Désirée). Dans cette zone, ce
sont les pêcheurs de Bakro, Awrankro, Abbeykro. M’Badon et Abata2 qui
exploitent cette partie de la lagune ;
- la zone Vridi Ako – « Baie des Milliardaires ». Cette zone de pêche est peu
exploitée par rapport aux autres, car les pêcheurs de ce campement de
pêche préfèrent aller pêcher en mer ;
- la zone Ancien Koumassi – Zone Industrielle Vridi. Domaine privilégié
d’Ancien Koumassi, Petit Bassam, Biétry et Vridi Zimbabwé. La pêche
lagunaire est intense, avec une forte population à Vridi Zimbabwe. Elle a
lieu à environ 8 mètres de profondeur pour les filets droits et 1 mètre pour
les grillages.
Les lagunes tropicales comptent parmi les milieux les plus productifs au
monde. Albaret (1994) a évoqué le chiffre de 153 espèces de poissons dans la
lagune Ébrié. Les espèces pêchées autour d’Abidjan peuvent être classées en
trois catégories : 191
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

- les espèces estuariennes d’origine marine dont la reproduction a lieu dans


la lagune et également en mer ; elles se composent de Mugilidae (Liza
falcipinnis), Haemulidae (Pomadasys jubelini), Clupéidaé (Ethmalosa fimbriata),
Peneidae (Peanaeus duorarum notialis) ;
- les espèces estuariennes d’origine continentale dont la reproduction a
lieu en lagune mais également dans les milieux continentaux fluviaux ou
lacustres sont : les Bagridae (Chrysichthys nigrodigitatus), Clarïdae (Clarias
lazera), Cichlidae (Hemichromis fasciatus), Tilapia noliticus ;
- les espèces marines estuariennes qui se distinguent des espèces estuariennes
d’origine marine par l’absence de reproduction en lagune mais ayant
une large répartition spatio-temporelle en lagune sont : les Polynemidae
(Polynemus quadrifilis), Elopidae (Elops lacerta), Sphyraenidae (Sphyraena afra),
Callinectes amnicolas.
Au total, la pêche lagunaire se pratique sur la lagune Ébrié dans la partie la
plus urbanisée du district et se matérialise à travers les campements de pêcheurs.
Ceux-ci sont répartis de façon inégale sur le district et se localisent le plus
souvent dans les villages autochtones, mais il arrive aussi que des campements
autonomes de pêcheurs étrangers soient créés par ces derniers qui exercent leurs
activités dans la lagune toute proche. Les territoires de pêche sont identifiés
et pratiqués par les habitants d’un même secteur. La lagune est fréquentée
assidûment ou non en fonction du matériel utilisé, de la richesse biologique de
l’espace, et de la nature du fond. Pour autant, les pêcheurs ne peuvent pêcher
n’importe où car la lagune est régie et gérée par les autochtones.
Figure 2 - Découpage de la lagune Ébrié en territoires
dans le district d’Abidjan

Cocody village
de
Do Loco

Do cod
Co

Abata
ma djro

M'badon
ma y v

Locodjro Blocosso M'pouto


ine

ine illa

Domaine Domaine Domaine Domaine


d'Anoumabo
de ge

de Domaine de de Abata
Abobo Doumé Blokosso de M'pouto
Mr Ewdon
Béaté Biafra Anoumabo
Béago Aklomiabla
Azito Domaine
Domaine de Domaine
Domaine d'Anoumabo
Yopougon d'Abouabou
Domaine Domaine
de Santé d'Abobo Ile de petit Bassam
d'Azito Béago Doumé
Bakro
Djonikro Mangokro Ossibissa Awrankro
Domaine Domaine Ancien Koumassi
Ile Boulay N'zimakro Ancien
Jean d'Anoumanbo Koumassi Biétry Domaine
Kouamékro Baoulékro cédé au port Ancien Koumassi
Domaine Kpébokodji
Adjahui
d'Audoin Vridi
Santé Domaine
de Vridi Zimbabwé
Paul Assé Moossou Ako ca
na Domaine de Petit - Bassam
Vridi Ako ld Petit-Bassam
Gbéima eV
rid
i
A B O B O

Océan Atlantique B a n c o

C O C O D Y

C. BIKPO, A. KANGAH YOPOUGON


Source : Enquêtes Koffié-Bikpo,2005.
N
village limite de domaine
0 2,5 5 km
campement
192
LA PÊCHE À ABIDJAN FACE À LA DÉGRADATION DE L’ ÉCOSYSTÈME LAGUNAIRE

CÉLINE YOLANDE KOFFIÉ-BIKPO


La gestion de l’espace lagunaire dans le district d’Abidjan
La gestion de l’eau par les autochtones
Chaque village riverain est propriétaire d’une portion de lagune dans le
district d’Abidjan, correspondant au prolongement des terres villageoises
sur l’espace aquatique. C’est un espace approprié. La lagune est donc
découpée en de petites entités et attribuées à des villages (figure 2). Les
différents villages riverains sont chargés de l’organiser et de la gérer selon
leurs propres règles. Ils doivent assurer une autorité territoriale sur un
espace reconnu à l’intérieur par toute la population, à l’extérieur par les
autres villages voisins, et borné par des limites bien définies. Ainsi, se
chargent-ils de l’aménagement de cet espace.
La taille des portions de lagune varie d’un village à l’autre en fonction des
influences et des conquêtes passées. Les villages créés récemment n’ont pas de
territoire lagunaire et dépendent d’un village-mère. C’est l’exemple d’Adjahui
qui dépend d’Ancien Koumassi, ou de Djonikro qui dépend d’Azito pour
l’espace lagunaire ; les exemples sont nombreux.
En pays Ébrié, la lagune n’appartient pas à des familles, encore moins à un
individu mais plutôt à des villages. Cette approche de l’espace lagunaire est
différente de ce qu’Anoh (2006) a pu observer sur la répartition de la lagune
de Grand-Lahou. Toutes les eaux de la lagune de Grand-Lahou sont en effet
morcelées et attribuées aux grandes familles riveraines autochtones. Celles-ci
organisent la gestion de leur parcelle et y exercent leur droit de propriété. Le
seul point commun entre la lagune Ébrié et la lagune de Grand-Lahou dans
la parcellisation de l’espace aquatique est la taille des territoires lagunaires
appartenant à la communauté villageoise ou à la famille. Celle-ci varie en
fonction du dynamisme et de la bravoure de la communauté ou de la famille
lors des guerres de conquête et d’occupation.
En somme, l’espace lagunaire Ébrié est un espace approprié, c’est un
territoire. Le territoire lagunaire Ébrié est un lieu que le peuple riverain intègre
comme un espace cognitif. C’est un espace géographique dont la connaissance
est le résultat d’une fréquentation plus ou moins répétée, superficielle ou
approfondie de la communauté villageoise. C’est un espace vécu. Les Ébrié
ont une approche phénoménologique de l’espace lagunaire. Cette attitude se
marque surtout par un intérêt porté aux intentions des acteurs, à leur rapport
aux lieux, à leur espace vécu et leurs représentations de l’espace. C’est un
espace qu’ils sont prêts à défendre. Leur légitimité se mesure en grande partie
à leur capacité à garantir l’intégrité territoriale. La notion de territoire lagunaire
est donc à la fois juridique, sociale, culturelle, et même affective. Le territoire
lagunaire Ébrié tient à la projection sur la lagune des structures spécifiques du
peuple Ébrié qui incluent le mode de découpage et de gestion de l’espace
lagunaire, ainsi que l’aménagement de cet espace. Il contribue en retour à
fonder cette spécificité, à conforter le sentiment d’appartenance, il aide à la
cristallisation de représentations collectives. C’est un concept relevant de la
socialisation de l’espace lagunaire. 193
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

Le système de gestion de l’eau repose sur le droit coutumier, le mode de


gestion traditionnelle d’antan ayant connu de légers changements. La gestion
de la lagune avant l’indépendance était l’affaire des chefs de village Ébrié. Ces
chefs de villages étaient issus de la classe d’âge au pouvoir pour quinze ans. Ils se
concertaient, s’entendaient sur les périodes de pêche et les espèces débarquées
étaient de belles tailles. On pratiquait une pêche de subsistance. On observait
également une forme de pêche particulière, la pêche communautaire.
L’eau était répartie en territoires appartenant aux différents villages riverains.
Cependant, les Ébrié avaient le droit de pratiquer une pêche individuelle sur
toute la lagune. Selon les chefs des villages, à cette époque, on ne dénombrait
quasiment pas d’étrangers pêcheurs dans les villages. De plus, l’Ébrié étant
plus cultivateur que pêcheur, la lagune connaissait des périodes de repos
permettant aux stocks de poissons de se renouveler.
La pêche était régie par des règles très strictes pour l’utilisation durable des
ressources biologiques, dans le respect de l’équilibre de la nature. La pratique
de l’activité de pêche était assortie d’une initiation et d’une formation de durée
variable selon les villages. Ils pratiquaient la pêche pour l’autoconsommation,
et dans le respect de l’équilibre des écosystèmes. L’ouverture de la saison de
pêche était marquée par une grande pêche à laquelle tous les hommes valides
des villages Ébrié prenaient part. Le poisson obtenu était préparé au bord de
l’eau et tous les pêcheurs partageaient le repas. Il y avait alors des incantations
dont le but était de solliciter la clémence des dieux protecteurs qui vivaient dans
la lagune afin que la saison de pêche soit productive. Ce poisson de cérémonie
ne devait absolument pas rentrer au village. Ce genre de rituel se déroulait deux
fois dans l’année et marquait ainsi l’ouverture de la saison de pêche.
Des interdits formels liés à la pratique de la pêche en lagune existaient et
certaines précautions étaient prises pour le maintien de l’ordre dans les villages
de pêcheurs. Les auteurs des actes ignobles comme l’assassinat en milieu
lagunaire étaient interdits de pêche et bannis de la société. L’utilisation d’engins
de pêche trop performants ainsi que de poison dans la lagune était interdite.
Tout comportement de nature à dégrader le milieu lagunaire était réglé de façon
collégiale au niveau des différents chefs de village et des mesures étaient prises
et appliquées avec beaucoup de rigueur.
Après l’indépendance, Abidjan a connu un accroissement spectaculaire. Les
populations d’origine étrangère ont afflué. Elles ont été accueillies par les Ébrié
qui leur ont imposé leurs pratiques. De nouvelles règles ont ainsi été édictées
pour eux, en l’occurrence la possibilité de ne pouvoir pêcher que dans les eaux
du village d’accueil, toute autre possibilité nécessitant des négociations âpres et
ardues avec chaque chefferie.
Le système de gestion de la lagune s’est heurté à l’administration publique
confrontée à la superposition de deux autorités : l’autorité villageoise et celle
de l’État. Le fonctionnement de l’administration publique repose sur des lois.
Au niveau de la pêche, la réglementation la plus importante émane de la loi
n°61-349 du 9 novembre 1961 portant code ivoirien de la Marine Marchande
dont l’objectif est de protéger les ressources halieutiques victimes d’une
194 surexploitation. Cette loi s’applique à la mer et non à la lagune. En cas de
LA PÊCHE À ABIDJAN FACE À LA DÉGRADATION DE L’ ÉCOSYSTÈME LAGUNAIRE

conflits graves, ce sont des arrêtés ministériels provenant des recommandations

CÉLINE YOLANDE KOFFIÉ-BIKPO


de la direction des Productions Halieutiques qui sont appliqués. L’interdiction
totale des sennes de plage et des sennes tournantes en lagune Ébrié en 1983,
qui fait suite à des conflits entre tenants des techniques de pêche individuelles
et ceux des pêches collectives en est un exemple (Charles-Dominique, 1984).
Au total, il n’existe aucun texte de loi régissant l’utilisation de la lagune.
Souvent, lors d’un conflit entre les membres d’un village d’autochtones et des
membres d’une communauté de pêcheurs étrangers, l’administration publique,
lorsqu’elle est sollicitée, ramène les deux parties devant la notabilité du village
où le code coutumier est appliqué en l’absence de textes juridiques spécifiques
à l’utilisation de l’eau.
Pour l’avenir, le code foncier rural étant encore à ses balbutiements, on
pourrait imaginer que cette loi une fois bien appliquée aux terrains agricoles
puisse être utilisée pour gérer les problèmes posés par l’utilisation du milieu
lagunaire, car ces deux espaces sont administrés de la même façon dans l’esprit
des riverains.
Les aménagements observés en vue d’un développement durable
L’aménagement, c’est l’action volontaire et réfléchie d’une collectivité sur
son territoire. Les populations autochtones Ébrié proposent des contrats
aux populations allogènes en vue de l’exploitation de la lagune dans un souci
de préservation du bien commun. Dans chaque village de pêche, il existe un
responsable des pêcheurs qui est en communication permanente avec le chef
de village auquel il est lié. Les deux parties constituent ensemble la liste des
pêcheurs à gérer. Tout individu qui veut s’installer ou se joindre à eux est signalé
à l’autorité villageoise pour inscrire son nom dans le registre des pêcheurs. Une
autorisation du chef et des gestionnaires de l’eau est nécessaire. Quant à la
redevance, elle n’est pas fixe ; elle varie en fonction des villages. Par exemple :
- la communauté ghanéenne de Biafra (Treichville) paie une somme globale
de 40 000 FCFA par mois à Cocody village (40 personnes) ; c’est-à-dire
1 000 FCFA par pêcheur et par mois ;
- au campement Gbeiman, cette redevance s’élève à 6 000 FCFA par pirogue
et par mois dont 1 000 FCFA pour le propriétaire du campement et 5 000
FCFA pour le comité de gestion de la lagune de Audoin-santé ;
- à Abata2 ou M’Badon2, le contrat est fonction du nombre de filets ; pour
dix filets, il faut payer 2 500 FCFA, à raison de 250 FCFA par filet ;
- à Adjahui, le contrat se fait par unité de pêche pour la communauté
étrangère ; il comprend un droit d’adhésion à renouveler chaque année ; il
est de 30 000 FCFA pour les grands filets et 8 000 FCFA à payer par mois ;
avec l’épervier, le droit d’adhésion est de 10 000 FCFA, et de 8 000 FCFA
mensuels ;
- Abobodoumé est une zone de débarquement, de vente des produits des
pêcheries lagunaires et maritimes et des poissons en provenance du port, des
droits sont perçus par le village ; les pirogues motorisées paient 2 000 FCFA
par vente tandis que les petites pirogues paient 500 FCFA pour la notabilité. 195
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

Souvent, le droit est fixé à 1 000 FCFA par pirogue et par mois. Pour une gestion
efficace, il existe des comités de surveillance et des délégués dans les différents
campements des pêcheurs allogènes. En plus de cette redevance, une contribution
lors des événements malheureux (décès) ou des cérémonies importantes (fête
de génération, accueil d’une autorité…) est nécessaire. Le paiement du droit
d’adhésion ainsi que la redevance mensuelle donnent accès au plan d’eau du
village. Dans le cas contraire, ce comité procède au retrait des filets.
L’aménagement du territoire lagunaire peut avoir des objectifs différents, quitte
parfois à les associer : mieux distribuer la population de pêcheurs étrangers sur
le territoire lagunaire afin de réduire les disparités au niveau de la production, et
améliorer la performance globale ou celle de certains lieux. Le collège des chefs
Ébrié suppose une philosophie de l’agir et non du laisser-faire. Ils aménagent
le territoire lagunaire en différenciant les populations de pêcheurs selon leur
origine pendant que la communauté scientifique des géographes se demande
s’il faut aménager le territoire sans en différencier les habitants, ou « aménager
la société » sans se préoccuper des territoires ? (Brunet, 2005).
La pression humaine qui s’exerce autour de la lagune et l’importance de l’activité
halieutique qui s’y déroule ont des répercussions sur les ressources halieutiques
ainsi que sur l’espace de pêche. La diversité des modes d’appropriation de
l’espace rend compte d’une antériorité de l’utilisation par des populations qui
se sont ainsi approprié un espace vécu. On pourrait alors se demander quels
sont les risques naturels et humains liés à cet espace ?

La gestion des risques


La notion de risque est l’éventualité d’un préjudice, le danger auquel on est
exposé individuellement ou collectivement dans certaines circonstances.
Les risques naturels ayant des répercussions sur la pêche lagunaire dans le
district d’Abidjan
Le risque naturel concerne les phénomènes liés à l’environnement physique.
Le risque d’inondation est le premier à prendre en compte. Il concerne
essentiellement la partie centrale de la lagune Ébrié dans le district d’Abidjan
avec les campements de Gbeima, Vridi-ako, Vridi-zimbabwe, Adjahui… En
effet, la zone côtière qui appartient à la commune de Port-Bouët est un secteur
bas et sablonneux séparé de la mer par une plage arrosée de temps à autre
par d’énormes et dangereuses vagues. Très marécageuse, elle se compose
de dépôts de sable de mer. Son aménagement a nécessité de grands travaux
d’assainissement et de drainage.
La péninsule de Petit-Bassam se compose de sols alluviaux très marécageux.
Dans cette zone basse, où il y a souvent de l’eau à moins d’1 mètre sous le
sol, se trouvent les localités de Treichville, Marcory et Koumassi comprenant
de nombreux campements de pêche tels que : Anoumanbo, Aklomiabla,
Biafra. Comme il s’y produit souvent des inondations par temps pluvieux,
196 d’importants travaux d’aménagement et de drainage y ont été effectués. Malgré
LA PÊCHE À ABIDJAN FACE À LA DÉGRADATION DE L’ ÉCOSYSTÈME LAGUNAIRE

ces efforts, le risque de propagation de maladies d’origine hydrique demeure

CÉLINE YOLANDE KOFFIÉ-BIKPO


très élevé. Or, dans ces campements de pêche, les populations n’ont pas accès
à l’eau courante.
Parmi les risques naturels, doit également être signalée l’apparition de
« salades » d’eau douce sur la lagune pendant les périodes de saisons des
pluies. La forte dessalure de l’eau entraîne une prolifération du macroplancton
envahissant qui piège les sédiments fins et les débris flottants et produit
une matière organique importante, contribuant au rétrécissement des plans
d’eau. La fin de la saison des pluies marque l’arrêt d’un afflux d’eau douce.
L’augmentation des échanges hydrologiques entre la mer et la lagune a pour
conséquence un recul des plantes envahissantes et une érosion des terres à fleur
d’eau que ce macroplancton a contribué à mettre en place. Ainsi, Arfi et Etien
(1995), affirment que : « la colonisation des plans d’eau par le macroplancton constitue
un gros handicap pour les pêcheurs exploitant certaines zones de pêche quand le processus
est permanent. Lorsque la couverture végétale est trop importante, il devient impossible de
lancer les éperviers ou d’utiliser les filets maillants. En période d’envahissement total, la
pêche est arrêtée ».
Les risques d’origine anthropique liés à la pêche
Les risques humains liés à la pêche dans la lagune Ébrié sont dus à l’usage
de produits toxiques et à la pollution. Les pêcheurs autochtones Ébrié
d’Anoumambo affirment que leurs collègues d’origine étrangère utilisent tous
les moyens lors de la basse saison de pêche pour effectuer une bonne partie
de pêche. Il s’agit de produits phytosanitaires, d’insecticides (hydrocarbures
chlorés), qu’ils déversent dans la lagune pour augmenter les prises. Les
poissons meurent en abondance, y compris les alevins, ce qui est nuisible au
renouvellement des stocks et naturellement à la santé des consommateurs.
La pollution microbiologique apparaît préoccupante en lagune Ébrié. Pris
dans un ensemble coliforme, associant streptocoques et clostridiums, ou
individuellement, les concentrations des germes fécaux sont plus importantes
dans la partie ouest de la lagune, dans la baie de Cocody, à Yopougon et Marcory.
À titre d’exemple, les concentrations des streptocoques fécaux relevés par
prélèvements mensuels sont supérieures à 1 000 germes pour 100 millilitres
dans la plupart des stations de mesure (Dongo, 2001). Or, selon les normes de
l’OMS établies en 1993, une telle concentration rend l’eau impropre pour une
simple baignade.
Le phénomène semble quasiment indépendant de la communication entre
la lagune et l’océan par le canal de Vridi. En effet, malgré le canal de Vridi
qui favorise une invasion marine dans la lagune, l’activité de la mer n’a pu
empêcher des concentrations importantes des pollutions microbiologiques.
Le pouvoir bactéricide de l’eau de mer ne peut donc influencer cet état de
fait, le volume des eaux océaniques pénétrant par ce canal étant estimé à
environ 15 fois son volume total. Plusieurs raisons permettent d’expliquer ces
importantes concentrations microbiologiques. En effet, un parallélisme s’établit
entre les rejets d’eaux usées domestiques et les concentrations en coliformes, 197
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

streptocoques fécaux et Clostridiums perfingens (Affian, 2003). Selon Dufour


(1981), seulement 21 % des logements de la population abidjanaise étaient
connectés au réseau d’eaux usées qui aboutissaient en lagune sans traitement
préalable. Une étude d’inventaire réalisée par le BNETD en 1996 indiquait
un taux de raccordement de 29,11 %; en 2000, ce taux de raccordement était
estimé à 40 %.
Si les eaux usées domestiques connectées au réseau de base sont supposées
subir un prétraitement avant leur rejet en mer, celles qui ne sont pas encore
raccordées à ce collecteur (Riviera et surtout Yopougon) déversent directement
les eaux dans la lagune sans prétraitement. L’analyse de la pollution dans la
lagune Ébrié montre que la pollution fécale est particulièrement présente dans
le milieu, surtout pendant la saison des pluies. L’eau de la lagune Ébrié peut
être qualifiée d’impropre à toutes utilisations domestiques et se trouve dans
un état d’eutrophisation avancée (il s’agit d’une augmentation de la masse des
débris organiques et nutritifs dans une eau stagnante, entraînant une baisse de
la quantité d’oxygène dissous). Cette situation est provoquée par la défaillance
du système d’assainissement des eaux usées en place, actuellement dégradé et
non-conforme à l’évolution urbaine de la ville d’Abidjan.
Ces eaux usées non traitées et déversées ont bien entendu un impact
négatif sur la lagune. Briet (1975) signalait déjà il y a 30 ans la pollution
avérée de diverses baies (Biétri, Banco, Marcory, Cocody), et Anouan (1987)
a depuis plusieurs années souligné la nécessaire prise en compte des eaux
usées d’origine industrielle déversées dans la lagune. Toutefois, selon Dongo
(2001), « les représentations statistiques des moyennes de la pollution chimique montrent
que cette contamination est nettement moins préoccupante en lagune Ébrié que la pollution
microbienne ». Même si les plus fortes concentrations de fond et de surface se
rencontrent dans la baie de Bietry (phosphate autour de 0,15 à 0,18 mg/l, nitrate
autour de 0,25 à 0,30 mg/l), elles restent tout de même de loin inférieures aux
normes établies par l’Agence de l’Eau Française. En effet, cette structure classe
dans la très bonne qualité les eaux dont les phosphates sont compris entre 0 et
0,2, et les nitrates entre 0 et 3, ce qui est le cas de la lagune Ébrié. Les eaux
usées non traitées sont directement déchargées dans les collecteurs primaires
qui aboutissent en lagune et en mer. La zone portuaire avec ses nombreuses
usines est un espace de pollution par excellence.
Cette pollution microbienne et chimique de la lagune Ébrié provoque des
odeurs nauséabondes et a certainement un impact sur la chaîne alimentaire.
Les espèces les plus exposées sont les coquillages en raison de leur capacité
considérable de filtration, ils peuvent s’infester de germes et provoquer chez
le consommateur typhoïde, salmonelloses et hépatites virales. Les frayères
sont aussi exposées. En effet, les zones de baies sont les plus polluées (baie
de Cocody, Yopougon, Koumassi, Marcory, Bietry, Azito, Mbadon) ; or ce
sont les zones de frayère par excellence. La présence naturelle d’une espèce
dans la lagune est liée à ses possibilités de reproduction. Les poissons pour
se reproduire ont besoin de frayères qui, pour la plupart des espèces, devraient
198 avoir une hauteur d’eau réduite (de 30 à 50 centimètres), un courant d’eau lent
LA PÊCHE À ABIDJAN FACE À LA DÉGRADATION DE L’ ÉCOSYSTÈME LAGUNAIRE

et une végétation aquatique et semi-aquatique abondante. Ces conditions sont

CÉLINE YOLANDE KOFFIÉ-BIKPO


indispensables pour le bon développement des œufs et la survie des alevins. En
effet, un courant violent les décrocherait, emporterait les alevins qui seraient,
dès lors, irrémédiablement perdus. Quant à la végétation, point d’accrochage
privilégié, elle constitue également une zone de refuge et d’alimentation pour
les jeunes poissons. Les baies sont les zones de frayères de la lagune Ébrié. Une
pollution de cette zone par les détergents perturbe les taux d’oxygène dissous
et la transmission de la lumière, elle inhibe ainsi la prolifération du plancton
autotrophe et, par conséquent, le pouvoir auto-épurateur du milieu lagunaire.
Cette diminution de production primaire entrave le bon développement des
espèces qui s’y trouvent.
Plusieurs composés organiques et inorganiques sont capables d’infester
le poisson et les fruits de mer. Ces composés peuvent être divisés en trois
groupes principaux :
- les produits chimiques inorganiques : arsenic, cadmium, plomb, mercure,
sélénium, cuivre, zinc, fer ;
- les composés organiques : diphényle polychlore (PCB), dioxines, insecticides
(hydrocarbures chlorés) ; il s’agit d’un groupe de produits extrêmement
diversifiés, se prêtant à une vaste gamme d’utilisations industrielles et
présentant une stabilité chimique qui leur permet de s’accumuler de façon
persistante dans l’environnement ;
- les composés dérivés de la transformation : sulfites, polyphosphates,
nitrosamines et résidus de médicaments utilisés en aquaculture
(antibiotiques, hormones).
À de faibles concentrations, un grand nombre d’éléments chimiques
inorganiques sont essentiels à la préservation de la vie, mais ils peuvent également
devenir toxiques à des concentrations élevées. Alors que des minéraux tels que
le cuivre, le sélénium, le fer et le zinc sont des micronutriments essentiels pour
le poisson, les mollusques et crustacés, d’autres éléments, comme le mercure,
le cadmium et le plomb n’ont aucune fonction connue qui soit essentielle à
la vie et produisent des effets toxiques, même à de faibles concentrations,
lorsqu’ils sont absorbés pendant une période prolongée. Ces composés sont
présents dans le milieu aquatique par suite de phénomènes naturels tels que
les phénomènes géologiques et géothermiques, mais également du fait de la
pollution anthropique résultant d’opérations de rejet et d’incinération de déchets.
Ils sont à distinguer des composés organiques, dont la plupart sont d’origine
anthropique et introduits dans le milieu aquatique par l’être humain. De plus,
on trouve des quantités croissantes de produits chimiques dans l’organisme des
espèces prédatrices, par suite de la bioamplification, à savoir la concentration
de substances chimiques aux niveaux supérieurs des chaînes alimentaires. La
présence de ces substances peut également résulter de la bioaccumulation qui
se produit lorsque des concentrations de plus en plus fortes de substances
chimiques, issues du milieu, s’accumulent dans le tissu organique d’un sujet
tout au long de sa vie. Dans ce cas, un poisson de grande taille, c’est-à-dire déjà
plus âgé, présentera une teneur plus élevée de la substance chimique concernée 199
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

qu’un poisson de petite taille, donc encore jeune, de la même espèce. La


présence de substances contaminantes chimiques dans les produits de la pêche
est ainsi étroitement tributaire de la localisation géographique, de l’espèce et de
la taille du poisson, de ses modes d’alimentation, de la solubilité des produits
chimiques et de leur persistance dans l’environnement.
Quels sont, dans ces circonstances, les risques réels présentés par ces
substances contaminantes pour la santé des êtres humains consommateurs de
poisson et de produits de la pêche ? Selon le rapport de la FAO sur la situation
mondiale des pêches et de l’aquaculture (2004), dans les mers ouvertes, qui
restent à ce jour presque exemptes de pollution, les poissons ne transportent
qu’une teneur naturelle de ces composés chimiques inorganiques. En revanche,
dans les régions fortement polluées et dans les eaux dont les échanges avec les
grands océans sont insuffisants comme la lagune Ébrié, notamment à proximité
de sites abritant des activités industrielles, ces substances sont présentes dans
des concentrations qui dépassent la teneur naturelle. Pourtant, plusieurs sources
(FAO 1997, FAO 2003, Hites et al. 2004, Conseil Européen de l’information
sur l’alimentation, 2004), affirment également que les poissons destinés à la
consommation humaine ne contiennent de telles substances chimiques qu’à
de faibles niveaux, probablement en deçà des seuils susceptibles d’affecter
la santé. Ils pourraient toutefois représenter une préoccupation pour les
populations dont le poisson constitue une part importante de l’alimentation,
les femmes enceintes et les nouveau-nés, de même que les enfants en bas âge
qui consomment des quantités substantielles de poisson à chair grasse. La seule
façon de dissiper ces préoccupations consiste à conduire et à tenir à jour des
évaluations très précises du risque et à en informer la population.
En somme, la pollution due aux déversements des eaux usées non traitées et
aux rejets industriels dans la lagune constitue selon les consommateurs de poisson
et de produits de pêche de la lagune un risque réel pour la santé humaine. Ainsi,
se déclenchent les alertes alimentaires amplifiées parfois par les « dérapages » de
la communication formelle ou informelle, bien que des scientifiques et autres
experts considèrent comme naturelle la présence de certains de ces éléments
dans le poisson. Cette crainte peut avoir des effets négatifs sur le commerce des
produits de la pêche lagunaire à Abidjan si bien qu’il y a nécessité à prendre des
mesures urgentes pour régler ce problème de la pollution. Les ministères de la
production animale, de l’environnement ou de la santé et de l’hygiène publique
ne se sont, semble-t-il, pas encore penchés sur ce problème.

Conclusion
La pêche lagunaire à Abidjan est pratiquée de façon accessoire par les
populations autochtones Ébrié et principalement par des pêcheurs étrangers.
La lagune est un espace approprié, elle appartient aux riverains qui ont
édicté des règles pour un usage tenant compte de l’équilibre biologique des
espèces. Après l’indépendance, l’autorité de l’État et l’autorité villageoise se
sont exercées sur cet espace avec une primeur pour l’autorité traditionnelle.
200 Une véritable discipline des interactions individu-milieu lagunaire s’est ainsi
LA PÊCHE À ABIDJAN FACE À LA DÉGRADATION DE L’ ÉCOSYSTÈME LAGUNAIRE

progressivement élaborée pour un meilleur contrôle des risques. Ainsi, en

CÉLINE YOLANDE KOFFIÉ-BIKPO


1982, les populations autochtones propriétaires de l’espace aquatique ont
estimé que les produits débarqués étaient de trop petite taille, il y avait
visiblement une situation de surexploitation des stocks. Elles ont voulu
interdire l’utilisation d’engins à trop petites mailles et trop performants
comme la senne tournante sur la lagune. Cela a abouti à une importante crise
qui a amené le collectif des chefs de village du peuple Ébrié à interdire toutes
pêches d’étrangers sur leur lagune.
Cette pêche a repris depuis le début des années 1990 sous la haute surveillance
des riverains. Mais de nouveaux risques d’origine anthropique se profilent sous
la forme de la pollution de la lagune due au développement de la mégapole
d’Abidjan et de l’insuffisance du système d’assainissement des eaux usées. Cette
situation rend dangereuse dans l’imaginaire des populations la consommation
des produits issus de la pêche lagunaire. La tradition n’ayant pas prévu une telle
situation, elle n’a pas de réponse adaptée au problème que pose la pollution de
la lagune. L’État, qui y exerce son autorité quand il le peut, n’a pas non plus
pris des mesures en vue de protéger ce milieu aquatique fragile, ainsi que toute
l’activité halieutique qui s’y déroule.
À l’occasion d’une crise conjoncturelle comme le déversement des déchets
toxiques dans la lagune à Abidjan le 19 août 2006, la gestion traditionnelle a
laissé la place à une gestion de l’État qui a interdit toutes pêches sur la lagune
jusqu’à nouvel ordre en vue de préserver la sécurité alimentaire de la population.
Ces mesures devraient poser, au-delà du règlement de la crise conjoncturelle et,
en accord avec les propriétaires du plan d’eau, le problème de la compréhension
des risques, de l’aménagement, et de la problématique de gestion durable de la
lagune Ébrié.

Références
AFFIAN K., 2003. Approche environnementale d’un écosystème lagunaire microtidal (la lagune
Ébrié en Côte d’Ivoire), par des études géochimiques, bathymétriques et hydrologiques : contribution
du SIG et de la télédétection, thèse de doctorat d’État en Sciences Naturelles n° 380,
Université de Cocody Abidjan, 225 p.
ALBARET J-J., 1994. « Les poissons : biologie et peuplements, l’exemple de la lagune
Ebrié », Environnement et ressources aquatiques de Côte d’Ivoire, Tome 2, DUFOUR P.,
DURAND J-R., GUIDAL D., ZABI Z.G., ORSTOM, Paris, p. 239-280.
ANOH K.P., 1994. Contribution à l’étude du réseau de distribution des ressources halieutiques
marines en Côte d’Ivoire, thèse de doctorat de 3e cycle de géographie, Université
nationale de Côte d’Ivoire, 325 p.
ANOH K P., 2006. « Patrimoine aquatique et exploitation des plans d’eau du littoral
ivoirien : le cas des lagunes de Grand-Lahou », CHAUSSADE J. et GUILLAUME J.,
actes du colloque Pêche et aquaculture, pour une exploitation durable des ressources vivantes de
la mer et du littoral, Nantes, Presses Universitaires de Rennes, p 443-459.
ANOUAN S., 1987. La pollution industrielle et domestique dans la lagune Ebrié (région
d’Abidjan), mémoire de maîtrise, Université Paris VIII, 66 p. 201
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

ARFI R. et ETIEN D., 1995. « Colonisation des plans d’eau par les macrophytes
aquatiques envahissants : cas de la Côte d’Ivoire », Convention CEDEAO, Lagos
(Nigeria), Rapport final, 32 p.
BRIET R., 1965. La pêche en lagune Ebrié, tome 1, Abidjan, CRO, 104 p.
BRIET R., 1975. La pêche artisanale en lagune Ebrié, résultats préliminaires, CRO,
Abidjan, 20 p.
BRUNET R., 2005. Le développement des territoires : formes, lois, aménagement, Collection
Monde en cours, série Intervention, Paris, Éditions de l’Aube, 95 p.
CHARLES-DOMINIQUE E., 1984. Pour un plan d’aménagement des pêches lagunaires en
Côte d’Ivoire. NDR, Centre de Recherche Océanographiques, Abidjan, 4/84, 13 p.
Conseil Européen de l’Information sur l’Alimentation (EUFIC), 2004. Des contaminants
dans le poisson : quels sont les risques ?, in food today n° 46, disponible à (http://
www.eufic.org/article/fr/page/FTARCHIVE/artid/contaminants-poisson/).
DONGO K., 2001. Étude de l’évolution du système d’assainissement « eaux usées » de la ville d’Abidjan,
DEA en sciences de la terre, Université de Cocody Abidjan, Côte d’Ivoire, 81 p.
DPH (Direction de la production halieutique), Ministère de la production animale,
2006. Rapport d’activité de la production halieutique, Info pêche 2006, note à diffusion
restreinte, 6 p.
DUFOUR P., 1981. « Notre lagune en péril : l’écosystème lagunaire Ébrié bouleversé
par des interventions Humaines », Archives Scientifiques du Centre de Recherche
Océanographiques, Montpellier, p. 1-12.
FAO, 1997. Hazard Analysis and Critical Control Point (HACCP) System and Guidelines for
its Application. Annex to CAC/RCP 1-1969. Rev. 3 (disponible à http://www.fao.
org/DOCREP/005/Y1579E/y1579e03.htm#bm3).
FAO/OMS, 2003. Summary and conclusions. Joint Expert Committee on Food Additives,
Sixty-first Meeting, Rome, 10-19 juin (disponible à : http://www.who.int/ipcs/
food/jecfa/summaries/en/summary_61.pdf).
FAO, 2004. Situation mondiale des pêches et de l’aquaculture, FAO, département des pêches,
Rome, 56 p.
FAO, 2005. Profil de la pêche par pays. La république de Côte d’Ivoire, FAO, Rome, janvier, 16 p.
HITES R., A, FORAN J.A, CARPENTER D. O., HAMILTON M. C., KNUTH B.A,
SCHWAGER S.J., 2004. Global assessment of organic contaminants in farmed
salmon. Science, 303 (5665), p. 226-229.
KOFFIE-BIKPO C. Y., 1997. La pêche artisanale maritime en Côte d’Ivoire : étude géographique,
thèse de Géographie, Université de Nantes, 327 p.
Institut National de la Statistique (INS), 1998, Recensement Général de la Population
et de l’Habitat-RGPH, Ministère du Plan et de l’Urbanisme, Abidjan.
VINCKE M-M-J., WIJKSDRÔM U-N., 1982. Notes sur l’économie de l’aquaculture en côte
d’Ivoire. Rapport d’une mission en côte d’Ivoire, FAO, département des pêches, Rome, 73 p.

202
ATOUTS ET CONTRAINTES DE DÉVELOPPEMENT DE GRAND-BASSAM

TÉRÉ GOGBÉ & PATRICK POTTIER


Atouts et contraintes de développement d’une
ville côtière emblématique ;
le cas de Grand-Bassam
Téré GOGBÉ
Institut de Géographie Tropicale, Université de Cocody Abidjan
(Côte d’Ivoire)
Patrick POTTIER
LETG (UMR 6554 CNRS), laboratoire Géolittomer, Institut de Géographie et
d’Aménagement Régional de l’Université de Nantes (France)

La Côte d’Ivoire, à l’instar de beaucoup d’autres pays africains, a connu


une urbanisation rapide. Alors qu’en 1921, le taux d’urbanisation du pays
s’élevait à 2,1 %, il a atteint successivement 12,9 % en 1955, 24,5 % en
1965, 32,5 % en 1975, 39 % en 1988 et enfin 43 % au dernier recensement
(INS, 1998). À l’analyse de ces chiffres, il apparaît que ce taux d’urbanisation
n’a cessé d’augmenter, passant du simple au double en moins de quarante ans.
Corrélativement au nombre d’unités urbaines, les populations de ces villes
se sont également accrues considérablement. C’est ainsi que de 2 villes de
plus de 10 000 habitants dénombrées en 1954 (Abidjan et Bouaké), la Côte
d’Ivoire est passée à 11 villes en 1958, puis à 20 en 1965, 48 en 1975, 68 en
1988 et aujourd’hui 181 villes de plus de 10 000 habitants. Cette urbanisation
s’est également accompagnée de la transformation et de la modernisation des
structures sociales du pays. 203
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

Comme partout ailleurs, une telle croissance ne s’est pas faite sans poser
d’énormes problèmes, d’autant que l’urbanisation se déroule depuis deux
décennies dans un contexte socio-économique difficile, marqué par une
croissance démographique forte et une crise économique sévère avec pour
corollaire la montée de la pauvreté, du chômage, de la marginalisation et de
l’insécurité. Cette situation rend le développement urbain chaotique, les villes
étant en effet confrontées à des difficultés de plus en plus nombreuses et
complexes. Face à l’afflux de population, elles présentent toutes des structures
d’accueil, des services et des cadres de vie dépassés et délabrés, ce qui a entraîné
à l’évidence une dégradation significative de leur environnement, dégradation
traduite par la prolifération de l’habitat précaire, le déficit des équipements de
proximité et la montée de la violence.
Sans doute justement perçue comme l’un des fleurons des villes du littoral
de Côte d’Ivoire, Grand-Bassam est à l’image des autres villes du pays. Sous
bien des aspects, cette ville côtière est en effet en crise et connaît, en dehors
des problèmes classiques de dégradation du cadre et des conditions de vie,
de la déficience des structures et équipements, des problèmes particuliers qui
influent sur sa croissance et son fonctionnement.
De toutes les villes côtières, Grand-Bassam est l’une des moins étendues au
plan spatial. Au plan économique, l’assiette des recettes financières de la mairie
est mince, la ville enregistrant des recettes égales à celles des communes moins
cotées qu’elle. Au plan des équipements sociocollectifs, elle accuse un retard
réel par rapport à ses homologues. Son développement est donc en déphasage
avec son statut administratif et les ambitions qu’on lui porte. Une telle situation
amène à se poser un certain nombre de questions et notamment à évaluer les
atouts et les contraintes de développement de Grand-Bassam.

Essor et déclin de Grand-Bassam


Une ville coloniale chargée d’histoire
Fondée selon toute vraisemblance par les Abouré, une fraction d’un
sous-groupe Ashanti (Akan) venue de la Gold Coast (actuel Ghana)
au XVIIIe siècle, Grand-Bassam n’était au départ qu’un petit centre de
travailleurs de sel. Ce n’est qu’aux environs de 1840 que son existence fut
attestée par l’arrivée sur le littoral d’autres ethnies (en provenance de la
Gold Coast), notamment les N’zima ou Apolo.
Les Abouré installés à Moossou entretenaient des relations commerciales
suivies avec les Portugais, les Hollandais et les Anglais auxquels ils
achetaient du tabac, de l’alcool, de la poudre à canon qu’ils revendaient à
leur tour à leurs voisins. C’est seulement à partir de 1842, à la suite d’un
accord passé entre Bouët Willaumez qui était à la tête du territoire du
Sénégal et le régent Attékéblé de Moossou, que les Abouré ont commencé
à établir des rapports officiels avec la France. En 1853, Faidherbe qui
remplace Bouët à la tête du territoire du Sénégal et de ses dépendances,
204 préserve et intensifie ces rapports commerciaux.
ATOUTS ET CONTRAINTES DE DÉVELOPPEMENT DE GRAND-BASSAM

En 1878, Athur Verdier, commerçant français établi sur la côte fut nommé

TÉRÉ GOGBÉ & PATRICK POTTIER


premier résident de France à Grand-Bassam avec résidence à Assinie. Il
déléguera ses pouvoirs en 1879 à Bideau, puis à Amédée Bretigneres à partir
de 1881. Mais il continua d’assumer ses fonctions de résident de la France
jusqu’en 1889, date à laquelle Treich-Lapleine fut nommé à son tour résident
de France à Grand-Bassam et Assinie.
Or, cette zone côtière était également convoitée par la Grande Bretagne. Pour
éliminer la concurrence britannique, l’idée d’une présence officielle de la France
l’emporta sur celle d’une vague résidence assurée par une entreprise privée.
Ainsi fut nommé en février 1885 un « commandant particulier des possessions
françaises de la Côte de l’or », en la personne de Charles Bour, mais celui-ci
échouera dans ses fonctions et quittera Grand-Bassam en avril 1886.
La France décida alors de défendre ce qu’elle considérait comme son
« bien ». C’est ainsi qu’un wharf, le premier du genre, fut construit dès 1897
à Grand-Bassam (photo 1). L’opération donna des retombées favorables : le
trafic maritime s’intensifia et attira toutes les grandes maisons de commerce ;
la Compagnie française de l’Afrique de l’Ouest (CFAO, voir photo 2), la
Compagnie française de la Côte d’Ivoire (CFCI), la Compagnie française de
Kong (CKF), la Société commerciale de l’Ouest africain (SCOA), Pozzo Di
Borgio, King et Woodin.
L’installation de ces importantes sociétés commerciales suscita le
développement d’une infrastructure bancaire. Ainsi, la Banque de
l’Afrique occidentale (BAO), la Bank of Nigeria, la Banque de l’Afrique
Equatoriale (BAE) s’implantèrent à Grand-Bassam. Quelques compagnies
de transports maritimes s’installèrent également telles que les chargeurs
réunis et Elder Dempter.
Les compagnies de commerce installèrent des comptoirs à forte capacité
de stockage et de distribution qui centralisèrent les produits ivoiriens (ivoire,
or, bois, caoutchouc, palmistes) destinés à l’exploitation. Elles alimentaient
en retour le territoire en produits manufacturés, par l’intermédiaire de leurs
succursales et agences disséminées à l’intérieur du pays.
Grand-Bassam bénéficia d’une situation stratégique très enviable : elle
contrôla et commanda les débouchés du fleuve Comoé et de la lagune Ébrié
qui constituaient un point de contact privilégié entre le commerce intérieur et
celui de l’exportation. Ainsi, les populations de Grand-Bassam et de sa région
tirèrent profit de leur rôle de courtiers, d’intermédiaires, grâce au prélèvement
qu’elles opérèrent sur les marchandises descendant de l’intérieur (huile de
palme) et sur celles qui vinrent en échange des navires européens.
Le choix de Grand-Bassam par la France pour l’établissement d’un fort
(le fort Nemours) et de factoreries sur cette côte a donc obéi à des motivations
essentiellement économiques. Ce facteur économique déterminera le choix
accompli par la France, quelques années plus tard, de faire de Grand-Bassam, la
capitale administrative de la jeune colonie française autonome de Côte d’Ivoire
en 1893 jusqu’en 1900, date à laquelle Bingerville devient pour des raisons
essentiellement sanitaires la nouvelle capitale de la colonie. 205
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

Photo 1 - Le wharf
de Grand-Bassam,
construit en 1897,
a permis à la ville
de devenir le port
principal de la Côte
d’Ivoire et ainsi de
conforter sa place de
capitale économique
et administrative avant
d’être supplantée,
à partir de 1900,
par Bingerville puis
Abidjan.
Sources : Direction des archives du Sénégal, http://www.archivesdusenegal.gouv.sn/

Photo 2 - «… le trafic
maritime s’intensifia et
attira toutes les grandes
maisons de commerce ».
Ici, vue du début
du vingtième siècle
des installations à
Grand-Bassam de la
Compagnie française
de l’Afrique de l’Ouest
(CFAO).

Sources : Coteivoire@fr.st, http://bassam.site.voila.fr

Photo 3 - Le
palais de justice de
Grand-Bassam est à
l’image des grands
édifices érigés à
l’époque coloniale
et qui constituent
encore aujourd’hui
un patrimoine
architectural
remarquable.

206 Sources : Coteivoire@fr.st, http://bassam.site.voila.fr


ATOUTS ET CONTRAINTES DE DÉVELOPPEMENT DE GRAND-BASSAM

Le commerce demeura toutefois si florissant dans la ville de Grand-Bassam

TÉRÉ GOGBÉ & PATRICK POTTIER


que l’administration coloniale décida, en 1925, d’y renforcer la capacité du
port en y mettant en place un second wharf. Des équipements collectifs
et socio-économiques, écoles, hôpital, marché, palais de justice, palais des
gouverneurs, poste et télégraphe, police, douane, lui donnèrent l’aspect d’une
cité moderne (photos 2 et 3, Attahi, 1975).
Deux événements importants vinrent toutefois modifier le destin de
Grand-Bassam. La construction en 1932 du wharf d’Abidjan à Port-Bouët
et l’ouverture du nouveau port en eau profonde en 1951, après le percement
du canal de Vridi, consacrèrent en effet Abidjan, choisie par ailleurs
comme tête de ligne du chemin de fer Abidjan-Niger. Ces deux nouvelles
infrastructures portèrent un coup fatal à la vie économique de cette partie
du littoral. Avec elles, le pôle de l’économie de traite animée par les grandes
maisons de commerce se déplaça de Grand-Bassam à Abidjan, provoquant
inévitablement le déclin de cette cité coloniale.
Grand-Bassam, un moment tombée dans l’oubli
Grand-Bassam était pourtant restée prospère sur le plan économique, après
avoir été déchue de son statut de capitale administrative. Reliée en 1916 à
Bingerville par une nouvelle route passant par Aloka (presque 30 kilomètres),
en 1920 à Abidjan par une voie d’un peu plus de 40 kilomètres, l’exploitation
forestière y avait en effet maintenu l’économie florissante. La ville fut même
dénommée la « cité des billes de bois » et l’acajou-Bassam, mondialement
connu, en devint la référence (Kipré, 1985).
La disparition de son port au profit de celui d’Abidjan, après le
creusement du canal de Vridi en 1950, sonnera pourtant la fin de cette
prospérité commerciale. D’autant qu’à l’indépendance, seulement dix ans
après, la vieille cité du littoral ivoirien tombera durablement dans l’oubli
d’un passé colonial douloureux dont la nouvelle nation voudra faire
abstraction. La cité sera alors tenue à l’écart d’une politique nationale trop
occupée au développement du pays et à la recherche de la modernité, loin
des bâtiments défraîchis d’un passé ségrégationniste qui avait bien marqué
la séparation des quartiers européen et indigène, loin aussi des souffrances
dont le symbole demeure cette marche des femmes, en 1949, d’Abidjan
à la prison de Grand-Bassam pour exiger la libération de leurs hommes
arbitrairement enfermés. Abidjan et son quartier du Plateau, avec ses tours
et ses grandes administrations, détrôna définitivement Grand-Bassam qui
devint alors ville fantôme.
À l’échelle de l’Afrique de l’Ouest et centrale, Grand-Bassam n’est pas un
cas isolé. Les villes historiques comme Saint-Louis au Sénégal, Porto Novo
au Bénin ou encore Limbé au Cameroun ont des traits historiques semblables
à ceux de l’ancienne capitale ivoirienne. Ces villes côtières à l’architecture
coloniale ont conservé leur configuration générale. Sur le plan architectural,
les bâtiments qui n’ont pas subi l’effet des mauvaises restaurations ou qui ne
sont pas trop dégradés, ont gardé globalement leur physionomie originelle. 207
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

Ces villes historiques ont souvent conservé leurs fonctions politique,


administrative et résidentielle. Grand-Bassam qui fut la première commune
mixte de Côte d’Ivoire dès 1914 accéda également très tôt, en 1955, au statut
de commune de plein exercice dotée d’un conseil municipal et d’un maire élu.
Lieu de brassage culturel, ces anciennes citées ont également su valoriser leur
passé en développant ainsi de nouvelles vocations, touristique, artisanale et
culturelle.
À partir des années 1980, c’est sur ces nouvelles fonctions que Grand-Bassam
pouvait alors reconstruire une nouvelle ambition.
État d’aménagement de la ville de Grand-Bassam

Moossou

Cafop

Château

é
ri
Éb
Bramakote
Belle Ville
ne

Phare
gu

Congo
La

Oddos

Lagun
e Petit Paris
Oulad
ine
Pont de la Victoire

Azzuretti
France Résidentiel

France
Océan Atlantique
T. GOGBE, A. KANGAH
Type d'habitat
résidentiel zone industrielle
Abidjan
évolutif zone touristique
Grand-Bassam
colonial zone d'aménagement différé
traditionnel
zone rurale N
précaire
0 150 300 m
Petit Paris nom du quartier domaine maritime
208
ATOUTS ET CONTRAINTES DE DÉVELOPPEMENT DE GRAND-BASSAM

TÉRÉ GOGBÉ & PATRICK POTTIER


Les nouveaux atouts de Grand-Bassam
La population, facteur de développement
En 1963, Grand-Bassam comptait déjà 16 350 habitants et cette population
urbaine a plus que doublé en seulement quinze ans, pour atteindre 34 500
habitants en 1979. Cette croissance fut liée à son érection en commune de
plein exercice, la ville contrairement aux autres villes de la Côte d’Ivoire ayant
ainsi bénéficié d’un héritage d’infrastructures et d’équipements. Ceux-ci ont été
les éléments catalyseurs entraînant une population nombreuse vers la première
capitale ivoirienne (Ministère de la construction et de l’urbanisme, 1987).
Pourtant, Grand-Bassam a vu sa population régresser entre 1979 et 1985,
pour ne reprendre sa progression que par la suite. De 34 500 habitants en 1979,
la population est passée en 1985 à 26 773 habitants, alors que les estimations
prévoyaient une population de 51 800 habitants, pour un taux de croissance
annuel entre 1975 et 1985 de 7,12 %. Cette baisse fut l’aboutissement du
ralentissement des activités économiques dans la ville qui plongea ainsi un
peu plus dans une léthargie. Le licenciement des ouvriers et employés de la
Compagnie des scieries africaines (SCAF) en 1983, les conséquences de la crise
économique qui frappa le pays à partir de 1980 et l’attrait de plus en plus grand
d’Abidjan ont largement contribué à ce déclin démographique.
À partir du milieu des années 1980, la courbe est à nouveau à la
hausse. Entre 1985 et 1988, la population est passée de 26 773 habitants
à 41 501 habitants, portant le taux de progression à 55 %. Depuis, la croissance
s’est ralentie mais se poursuit. Grand-Bassam affiche au dernier recensement de
1998 une population de 53 218 habitants (INS, 1998) et les estimations dépassent
aujourd’hui 70 000 habitants (estimations IGT, voir p. 66). Les origines de cette
nouvelle croissance démographique sont multiples : (1) la création d’emplois
nouveaux liés à la redynamisation de l’activité artisanale et touristique engagée
par les autorités ; (2) les migrations soutenues par le relogement d’une partie des
déguerpis provenant de la commune de Port-Bouët en raison de l’insuffisance
de bons terrains urbanisables et disponibles sur ce territoire communal de
l’agglomération d’Abidjan ; (3) la localisation de Grand-Bassam, distante de
43 kilomètres seulement d’Abidjan et ainsi située dans la zone d’influence
directe de cette métropole ; (4) la crise politique que connaît la Côte d’Ivoire
depuis 1999 et qui a pour conséquences un mouvement migratoire vers le sud
du pays et, à une autre échelle, des populations abidjanaises vers la côte et
notamment Grand-Bassam, disposant de logements décents, moins chers et
dans un cadre beaucoup plus reposant qu’à Abidjan.
Grand-Bassam, nouvelle banlieue d’Abidjan ?
Grand-Bassam est aujourd’hui une ville de la périphérie d’Abidjan (Affroumou,
2007), comme Bingerville, Anyama ou Dabou. Elle est située dans l’aire d’influence
de la capitale économique du pays qui concentre la majorité des activités et des
emplois. Cette proximité au lieu de travail incite de plus en plus d’Abidjanais à
s’installer à Grand-Bassam, les logements y ont des loyers relativement bas par
rapport à Abidjan et sont disposés dans un cadre beaucoup plus reposant. 209
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

Du point de vue du développement urbain, les phases successives d’extension


sont lisibles dans le paysage (cf. figure). Les premières concernent les sites des
anciens noyaux villageois dont Moossou, Azzuretti, Petit-Paris, et France-Est,
puis les quartiers coloniaux France et Impérial. Viennent ensuite les espaces
aujourd’hui dominés par l’habitat évolutif qui couvre 40 % de la ville, et enfin les
secteurs d’habitat résidentiel constitués de lotissements bâtis de villas modernes.
Sous la pression des nouvelles demandes de logements, les extensions les plus
récentes se font à présent sous la forme de grandes opérations immobilières
implantées pour la première fois en dehors du site originel de Grand-Bassam,
de l’autre côté de la route internationale RN6 Abidjan-Accra (photo 4).
La ville de Grand-Bassam elle-même offre peu d’emplois, mais le fait qu’elle ne
soit pas éloignée de la capitale économique du pays et qu’elle soit facile d’accès
en dehors des week-ends y a favorisé une nouvelle fonction de prestige. Ainsi, les
événements importants tels que les séminaires, les colloques et les grandes réunions
se tiennent à Grand-Bassam. D’importants complexes hôteliers possèdent des salles
de conférences pour abriter ces événements. Les principaux, représentés par l’Institut
Industriel de l’Afrique de l’Ouest (IIAO), Nsahôtel et Tereso, ont accueillis à eux
seuls 303 séminaires et réunions pour l’année 2006 (168, 104 et 31 pour chacun des
établissements). Le déplacement de ces événements remarquables dans l’ancienne
capitale ivoirienne donne un nouveau souffle à son développement. Grand-Bassam
devient alors une ville où le cadre culturel et balnéaire favorise les rencontres
d’hommes d’affaires, des chercheurs, des administrateurs, des religieux et des
étudiants. Cet engouement est d’autant plus important depuis septembre 2002 que
les villes de l’intérieur, Yamoussoukro et Bouaké, sont handicapées par leur accès
rendu plus difficile pour des raisons de sécurité.
Dans ce contexte de développement nouveau, Grand-Bassam peut valoriser
à nouveau sa position géographique. Les grands projets s’y développent.
En 2004, l’Université Internationale de Grand-Bassam (UIGB) y a ouvert ses
portes, avec un enseignement conçu sur le modèle anglo-saxon et se faisant en
langue anglaise. Un programme de «Zone franche de la biotechnologie, des
technologies de l’information et de la communication» (ZBTIC) vient d’être
lancé sur plus de 500 hectares, avec la pose de la première pierre du «village des
technologies» en 2007. L’objectif est d’y créer « 20 000 emplois d’ici 10 ans et de
générer des recettes d’exportations de 2 000 milliards de FCFA » (L’inter, 14 mars 2007),
et déjà, ce programme soutenu par la Chine et l’Inde a reçu les promesses
d’installation des géants américains Microsoft et Oracle pour leurs futurs
centres sous-régionaux.
La ville de Grand-Bassam s’affirme ainsi de plus en plus comme un satellite
urbain de premier choix pour l’agglomération d’Abidjan. Le projet récurrent
d’une voie autoroutière reliant la capitale économique ivoirienne à son
homologue Ghanéenne Accra, et au-delà au chapelet des villes côtières du golfe
de Guinée jusqu’à Lagos au Nigeria, s’il devait se réaliser dans les années à venir
par un premier tronçon Abidjan/Grand-Bassam serait sans nul doute de nature
à renforcer encore un peu plus ce nouvel essor des fonctions résidentielle et de
210 prestige de l’ancienne cité coloniale.
ATOUTS ET CONTRAINTES DE DÉVELOPPEMENT DE GRAND-BASSAM

La « littoralisation » en cours sous l’impulsion du développement touristique et

TÉRÉ GOGBÉ & PATRICK POTTIER


de l’identité culturelle
La fonction balnéaire de Grand-Bassam s’explique aujourd’hui par
son site de cordon littoral. Cette fonction balnéaire se caractérise
par : (1) la présence d’une plage rectiligne de 7 kilomètres de long, de
Mondoukou à Azzuretti, ouverte à tous ; (2) la présence de nombreux
hôtels et restaurants dont certains sur le front de mer sont de renommée
internationale ; (3) de très nombreux bungalows à louer pour le week-end
ou pour une durée plus importante construits le long de la plage (Aphing-
Kouassi, 2007). La fonction balnéaire de Grand-Bassam est essentiellement
axée sur les loisirs de week-end, car le samedi et le dimanche, la ville
accueille une importante population en provenance notamment d’Abidjan.
À ces migrations de fin de semaine, il faut ajouter la présence de quelques
touristes étrangers, notamment européens, entre décembre et février.
Cette fonction de centre balnéaire est doublée d’une fonction
culturelle et artistique exceptionnelle. Grand-Bassam offre aux visiteurs
des objets artisanaux de tous genres. Les activités artisanales et les ateliers
sont largement répandus dans la ville. À l’entrée, « un village artisanal »
a été construit, où sont ouvragés et exposés des articles appartenant à
des gammes très variées : artisanat des métaux, bois, vannerie, tissage
et confection de tissus, travail du cuir… (photo 5). Parmi les nombreux
visiteurs qui s’arrêtent au village, certains viennent acheter en gros pour
les marchés des pays occidentaux. Un centre artisanal sis dans le vieux
Bassam vient compléter cette infrastructure. Des objets en métaux
(masques, bibelots) sont ouvragés par le procédé de la cire perdue, ainsi
que des bijoux en cuivre doré, des objets en bronze, des perles. D’autre
part, un centre de céramique autofinancé expose et met en vente dans
le vieux Bassam les ouvrages créés dans les ateliers de la ville. Cette
remarquable activité artistique demeure un atout sur lequel Grand-Bassam
peut compter pour asseoir un développement local et une renommée déjà
internationale. Le musée des costumes possède aussi un atelier où sont
fabriqués des objets artisanaux. Le musée national des costumes rappelle
combien la ville a été propice aux mélanges de cultures.
Cette activité culturelle et artistique est indissociable du passé de
Grand-Bassam, premier site des échanges sur le littoral ivoirien, premier
centre commercial et administratif du pays, au même titre qu’elle ne peut
aujourd’hui être séparée de ce site balnéaire qui lui permet d’être au contact
des visiteurs, touristes internationaux ou « dimanchiers » d’Abidjan qui,
comme les artistes de la ville, viennent y chercher la douceur de vivre et les
plaisirs de la mer. Le classement attendu de la ville historique (le quartier
France) au patrimoine mondial de l’Unesco compte tenu de son patrimoine
architectural exceptionnel (photo 6), pourrait enfin définitivement consacrer
Grand-Bassam comme une ville aux multiples atouts et remarquable de ce
point de vue sur l’ensemble du littoral ivoirien. 211
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

Photos 4 - Les
opérations
immobilières les plus
récentes, situées côté
nord de la route
internationale RN6
(Abidjan-Accra), sont
le symbole du nouvel
essor résidentiel de
Grand-Bassam.

Crédit photographique T. Gogbé

Photos 5 - Le village
artisanal qui s’étend
de part et d’autre de
la route avant l’arrivée
à Grand-Bassam,
est exceptionnel par
son ampleur et les
visiteurs qu’il attire.
Il représente par sa
qualité et sa diversité
un attrait unique dans
la sous-région.

Crédit photographique T. Gogbé

Photo 6 - Construit
en 1874 à partir de
pièces détachées
arrivées sur place, le
palais du gouverneur
fut le siège du premier
gouvernement dans
la capitale coloniale.
Entièrement rénové
dans les années 30,
il abrite aujourd’hui
le musée national du
costume.

212 Crédit photographique T. Gogbé


ATOUTS ET CONTRAINTES DE DÉVELOPPEMENT DE GRAND-BASSAM

TÉRÉ GOGBÉ & PATRICK POTTIER


Les obstacles au développement
Malgré ces atouts indéniables qui procurent à la cité balnéaire un statut
particulier, Grand-Bassam souffre de plusieurs handicaps qui viennent non
seulement altérer son image et la qualité de la vie attendue par ses habitants,
mais également fragiliser son potentiel de développement.
Répartition des compétences et moyens financiers
Aujourd’hui, la gestion de la ville est confiée à l’équipe municipale et
théoriquement, toutes les compétences exercées antérieurement par le Sous-
préfet au nom de l’État devraient être transférées à la commune. Il en est
pourtant tout autre dans la pratique, le Sous-préfet présidant par exemple
toujours les attributions de terrains à bâtir. Cela demeure en la circonstance
une vraie question de gouvernance publique et de répartition des missions
qui handicape la ville dans sa gestion quotidienne. Ainsi, bien que toutes les
informations possédées par la Sous-préfecture devraient être transmises à
la mairie sur les questions foncières, il a été au contraire constaté combien
il était difficile pour la municipalité de rassembler les éléments de gestion
foncière de la ville en 1980, comme l’exigeaient ses nouvelles compétences
de sorte que bon nombre de dossiers fonciers n’ont pas suivi ou bien ont
disparu ou bien encore n’ont jamais été présentés parce qu’ils n’existaient pas
(Memel, 2006). Les compétences effectives de la mairie sont en fait limitées
aux domaines de l’urbanisme et de la salubrité publique qui consistent à
collecter et traiter les ordures ménagères. C’est à elle aussi que reviennent
les différentes actions sociales comme la programmation et la construction
d’écoles, mais la mairie conserve des compétences limitées, étant toujours en
partie dépendante de la tutelle de l’État.
La capacité financière demeure un autre handicap à la pleine gestion de la
commune (Doho Bi, 2005). Dans les années 1980, la politique de décentralisation
a été lancée par l’État pour concéder une partie de la gestion urbaine aux
communes. Mais ce transfert de compétences s’est fait sans contrepartie
financière susceptible de maintenir des ressources compatibles avec ces
nouvelles missions. C’est aux maires qu’est ainsi revenue l’obligation de gérer
leurs villes, de les équiper, de les organiser, de les rendre plus salubres. Les
besoins se sont avérés d’autant plus importants que les villes étaient dépourvues
non seulement de moyens de production, mais aussi du seul entretien. S’est
donc posé le problème des ressources financières pour répondre à ces nouvelles
compétences. Cette question se prolonge inévitablement aujourd’hui par celle
de la gestion foncière et notamment de l’entrée réelle des taxes foncières. D’un
point de vue plus global, la commune a disposé en 2001 d’un budget propre de
520 millions de FCFA de recettes locales et de 46 millions de DGF (Dotation
globale de fonctionnement). À titre de comparaison, une commune française
d’un poids démographique similaire comme celle de Cholet (56 000 habitants),
dans l’Ouest de la France, a disposé cette même année d’environ 70 fois plus
de recettes locales (37 milliards de FCFA) et d’une DGF plus de 230 fois
supérieure à celle de Grand-Bassam (11 milliards de FCFA). On imagine bien, 213
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

dans ces conditions, que la capacité financière de ces deux communes, qui
doivent répondre aux besoins d’équipement et de fonctionnement de leurs
populations, n’a pas de commune mesure.
Le problème est particulièrement évident dans le domaine de la perception
des taxes et patentes du commerce de détail, inévitablement limitées par
un secteur informel pléthorique. À titre d’exemple, la municipalité estime
à près de 4 millions de FCFA par an le montant des taxes qui pourraient
être prélevées sur les cabines cellulaires. Cette fiscalité, qui échappe à la
commune alors qu’elle devrait alimenter les principales sources de revenus
de la collectivité, représente un manque à gagner, limitant ainsi ses moyens
de fonctionnement et d’investissement.
Les problèmes d’équipement à Grand-Bassam
Sous bien des aspects, la ville est correctement équipée, notamment sur
les plans administratif et socioculturel. Son statut d’ancienne capitale, puis
de première commune de Côte d’Ivoire, lui a permis d’accéder au rang de
ville-centre disposant d’une sous-préfecture, d’une mairie, d’une brigade
de gendarmerie, d’un commissariat de police, d’un tribunal de première
instance, du cantonnement des eaux et forêts, de l’agriculture, du service de
la construction et de l’urbanisme, de celui des travaux publics, de l’inspection
de l’enseignement primaire, la perception, l’hôpital, la CIE (Compagnie
ivoirienne d’électricité), la CI-télécom, la SIPE (Société ivoirienne de la
poste et de l’épargne (SIPE), la SODECI (Société de distribution d’eau de la
Côte d’Ivoire), la SGBCI (Société Générale de Banques en Côte d’Ivoire)…
L’infrastructure socioculturelle est représentée par un centre culturel, le centre
Jean-Baptiste Mockey qui fonctionne depuis 1980, géré par la mairie et qui
sert de salle de conférences, de réunions et de spectacles. Pour les conférences
de grande envergure, l’amphithéâtre du Centre de formation aux techniques
du pétrole (CFTP), à 2 kilomètres au nord de la ville, est régulièrement utilisé.
Deux structures ont par ailleurs été installées pour encadrer et favoriser
l’insertion sociale de la jeunesse. Il s’agit d’une part, du « carrefour jeunesse »,
sis au centre-ville et qui comporte une section bibliothèque, un centre de
documentation et de recherche qui offre un service de documentation efficace,
une section de jeux et loisirs, avec une salle de projection de films vidéo,
une salle de musique et une salle de jeux, et d’autre part du centre éducatif
professionnel, centre d’accueil et de formation à vocation agro-pastorale
et structure d’insertion socioprofessionnelle à la disposition des jeunes
déscolarisés ou désœuvrés. Dans le domaine du culte, plusieurs confessions
religieuses se sont implantées dans la ville. Cette multiplicité des religions
relève du fait que la part des populations allochtones dans la population de la
ville de Grand-Bassam est très importante. Elle est aussi due à la proximité
du Ghana d’où proviennent certains cultes chrétiens d’origine anglo-saxonne.
Dans le domaine des loisirs, enfin, la ville dispose d’un grand stade, de deux
salles de cinéma, d’une multitude de bars de quartiers et de night-clubs. Tout
214 ceci concourt au développement de Grand-Bassam.
ATOUTS ET CONTRAINTES DE DÉVELOPPEMENT DE GRAND-BASSAM

C’est dans un autre domaine que la ville côtière se heurte à des difficultés,

TÉRÉ GOGBÉ & PATRICK POTTIER


celui de l’éducation. L’ensemble des effectifs scolaires (primaire, secondaire
et technique) s’élève à 15 813 élèves, soit 29,7 % de la population totale
de Grand-Bassam. La cité, par sa proximité d’Abidjan, contribue à la
« décharge » de son trop plein d’élèves. Pour l’enseignement primaire,
au regard des chiffres obtenus pour l’année 2003-2004, Grand-Bassam
comptait 8 824 élèves dans l’enseignement primaire, répartis dans 27 écoles
dont 21 publiques, regroupant 182 classes au total dont 141 pour les
écoles publiques. La moyenne d’élèves par classe y était de 52 dans le
public, supérieure à la moyenne nationale et au seuil d’intervention fixé
par le Programme de développement des ressources humaines (PDRH) du
Ministère de l’éducation nationale (50 élèves par classe). Cette carence est
d’autant plus inquiétante que la demande sociale est très forte à Grand-
Bassam, devenue en quelques années cité-dortoir. Tous les ans, la moitié
au moins des enfants scolarisables n’arrive pas à s’inscrire en classe de
cours préparatoire première année (CP1) des écoles publiques. Ainsi, rares
sont les enfants qui peuvent aujourd’hui fréquenter l’école à 6 ans.
Pour l’enseignement secondaire, Grand-Bassam comptait, à la rentrée 2003-
2004, 5 établissements regroupant 5 131 élèves pour les 2 du secteur public et
1 858 pour les 4 du privé. Comparé à la moyenne nationale de 60 élèves par
classe, les établissements secondaires bassamois en totalisent 70. La surcharge
est donc encore une fois la règle et comme pour les effectifs du primaire,
elle semble bien en relation avec la proximité d’Abidjan, la métropole se
libérant d’une partie de ses élèves ayant notamment échoué pour la plupart
aux examens de fin de cycle. Grand-Bassam devient ainsi ville d’accueil
scolaire, réceptacle du trop-plein d’Abidjan, sans en avoir véritablement
les moyens tant les ressources financières manquent pour répondre à une
telle demande.
La proximité d’Abidjan joue en sens inverse dans le domaine de la santé,
créant une carence de services à Grand-Bassam. La ville dispose certes d’un
hôpital avec une maternité, d’un dispensaire scolaire, d’un centre de PMI,
d’un centre de santé rurale (Grandes Endémies), de deux cabinets médicaux
privés, de plusieurs infirmeries privées agréées par le ministère de la Santé
et d’un centre social relevant de la Caisse nationale de prévoyance sociale.
Mais pour les services publics de santé, Grand-Bassam ne dispose que de
2 médecins pour une population estimée aujourd’hui à 70 000 habitants,
auxquels viennent seulement s’ajouter deux médecins privés. De ce point
de vue, le ratio de la couverture médicale à Grand-bassam n’est que de
1 médecin pour 17 500 habitants, alors qu’il est de 1 pour 10 000 au niveau
national, de 1 pour 4 400 dans une ville comme Bondoukou, située dans le
nord de la Côte d’Ivoire et de poids démographique équivalent à Grand-
Bassam, et alors que l’OMS préconise 1 pour 3 000. La métropole d’Abidjan
représente en fait un pôle de santé qui favorise les transferts de malades des
villes périphériques. Les populations bassamoises ont ainsi largement recours
aux centres de santé abidjanais. 215
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

Photos 7 - «… La
carence de ce service de
ramassage fait qu’un peu
partout apparaissent des
dépôts impressionnants
d’ordures. Ces ordures
se rencontrent parfois
au contact des plages
et des installations
touristiques… », comme
ici derrière
l’hôtel-auberge du
Comte

Crédit photographique T. GOGBE

Photo 8 - «… la
question de l’habitat
spontané demeure
inquiétante, tant il se
développe dans les zones
périphériques et les fonds de
talwegs. Il est constitué de
constructions en matériaux
de fortune ; planches,
morceaux de tôles, etc. »,
comme ici au quartier
Oddos.

Crédit photographique T. GOGBE

Photo 9 - «… L’absence
de caniveaux ne fait
qu’accentuer le problème
d’assainissement, si bien
qu’une partie importante
des eaux usées de nombre
de ménages est souvent
rejetée au voisinage des
habitations et dans les
rues… », comme ici au
quartier Oddos.

216 Crédit photographique T. GOGBE


ATOUTS ET CONTRAINTES DE DÉVELOPPEMENT DE GRAND-BASSAM

Les désordres urbains

TÉRÉ GOGBÉ & PATRICK POTTIER


Le site de Grand-Bassam est lui-même porteur de contraintes pour son
développement urbain. Très tôt déjà, puisque c’est à la suite d’épidémies répétées
de fièvre jaune et d’inondations que son statut de capitale administrative lui
avait été retiré au profit de Bingerville, les principaux obstacles naturels à
l’urbanisation avaient été identifiés et associés à la question de l’eau. L’afflux
d’eaux continentales par le réseau hydrographique, associé à des précipitations
élevées, a toujours posé d’importants problèmes de drainage pour un terrain
constitué d’alluvions et supportant une nappe phréatique de très faible
profondeur. Aussi, Grand-Bassam subit la vase et l’ensablement. La viabilisation
des terrains inondables, en l’occurrence leur remblaiement et la construction de
canaux de drainage, exigent de gros investissements financiers. La mairie n’ayant
déjà pas les moyens d’entretenir le réseau existant, les opérations qui doivent
être préalablement faites avant d’implanter des constructions sur les terrains
sont laissées aux frais des attributaires des lots. C’est ce qui explique en grande
partie la faiblesse de la mise en valeur des terrains du lotissement CAFOP 2
réalisé entre 1980 et 1985. Certaines zones inondables et marécageuses sont
par ailleurs classées zones d’aménagement différé (ZAD), ce qui limite bien
entendu le développement actuel de la cité et son étalement nouveau en dehors
de son site originel. Bien au-delà encore, cette question du site de Grand-
Bassam sera probablement centrale dans les années à venir, compte tenu des
évolutions climatiques et de l’élévation progressive du niveau de la mer.
En lien avec la question du site et des problèmes de drainage, c’est l’ensemble
de l’assainissement qui devrait aujourd’hui préoccuper la municipalité et
constituer une priorité. Il conditionne la situation sanitaire de la ville tout entière
et concerne l’évacuation des ordures ménagères et des eaux usées et pluviales.
Pour l’évacuation des ordures ménagères, 12 points de ramassage d’ordures
de 12 mètres cubes de capacité ont été identifiés pour toute la ville de Grand-
Bassam. La ville bénéficie de deux camions de ramassage d’ordures, ce qui est
insuffisant compte tenu de la population à desservir. La carence de ce service
de ramassage fait qu’un peu partout apparaissent des dépôts impressionnants
d’ordures. Ces ordures se rencontrent quelquefois au contact des plages et des
installations touristiques (photo 7), ce qui est évidemment très dommageable
pour l’image de la cité balnéaire. Mais surtout, elles envahissent certains
quartiers du centre comme Impérial Congo, Impérial château d’eau. Dans
ces quartiers, les voies de circulation sont souvent bouchées par les ordures.
Dans les quartiers qui bordent les lagunes : quartier France Est, Petit Paris,
Moossou, les plans d’eau servent de décharge publique, voire même de latrine
publique. L’amoncellement de détritus un peu partout dans la ville présente
un grand danger de contamination de la nappe phréatique qui se trouve à une
faible profondeur. Par ailleurs, ces détritus en putréfaction risquent de mettre
en péril la santé de la population par contact ou par vecteurs interposés. Dans
le secteur de l’évacuation des eaux usées et pluviales, la ville de Grand-Bassam
offre également des situations différentes, tant au niveau de l’équipement en
canaux d’évacuation qu’aux conditions d’écoulement offertes par la ville. 217
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

La stagnation des eaux pluviales est favorisée par la très faible altitude de la ville
et surtout l’absence de pente pouvant permettre un écoulement. L’absence de
caniveaux ne fait qu’accentuer ce problème, si bien qu’une partie importante
des eaux usées de nombre de ménages est souvent rejetée au voisinage des
habitations et dans les rues (photo 8).
L’état de la voirie représente un autre domaine de désordre urbain permanent.
La voirie principale est représentée par 8 artères et il y a actuellement 21
kilomètres de voies bitumées à Grand-Bassam, y compris la route nationale
qui passe par Moossou sur 4 kilomètres. La voirie secondaire est longue
de 9 kilomètres, ce qui donne au total une longueur de 30 kilomètres pour
l’ensemble de la ville. Cette infrastructure routière est loin d’être satisfaisante,
surtout en qualité. En effet, en dehors de l’axe Abidjan-Aboisso, (route
nationale), les autres voies se trouvent dans un état de délabrement avancé.
Elles sont parsemées de « nids de poules » et réduites, par endroits, à une seule
voie qui engendre des dépassements quasi impossibles des véhicules à cause
de l’érosion des bas-côtés. Dans un autre cas, c’est le revêtement qui disparaît
sous le sable envahissant. Le manque d’infrastructures routières dans les
nouveaux lotissements fait que de nombreux lots attribués n’ont pas été mis
en valeur jusqu’à présent. C’est le cas principalement de toutes les nouvelles
zones d’extension CAFOP 2 et Moossou Ouest.
Enfin, la question de l’habitat spontané demeure inquiétante, tant il se
développe dans les zones périphériques et les fonds de talwegs (photo 9). Il est
constitué de constructions en matériaux de fortune ; planches, morceaux de
tôles, etc. À Grand-Bassam, ce type d’habitat se rencontre à l’extrémité est du
quartier Petit Paris, au bord de la lagune et dans la partie sud dans les cocoteraies
du quartier. Cette forme d’habitat à Grand-Bassam est associée à la présence
d’un fort pourcentage d’allochtones qui avoisine 90 % de la population totale
des quartiers précaires. On y rencontre des immigrés africains, notamment des
Ghanéens et des Burkinabés. Dans un premier temps, cette population qui
exerce des emplois ponctuels ou saisonniers (pêcheurs, ouvriers agricoles ou
à la SCAF) ne peut se permettre la location de logements décents dans les
différents quartiers de la ville. Elle se construit donc des habitations de fortune
dans les zones non loties de la ville.

Conclusion
La ville de Grand-Bassam reste pourtant une ville emblématique du
littoral de Côte d’Ivoire. Son passé en a fait une cité remarquable du point
de vue architectural, artistique et de l’image récréative qu’elle offre à tous.
Reconnue sur le plan international comme l’une des stations balnéaires les plus
renommées d’Afrique de l’Ouest, Grand-Bassam est sans doute en passe de
redevenir la ville-phare du littoral ivoirien. En effet, sa fonction touristique s’est
étoffée d’autres fonctions urbaines, résidentielle, économique, de congrès et
d’événements, développées à l’ombre de la grande métropole d’Abidjan, mais
aujourd’hui apparues au grand jour au point de faire de Grand-Bassam un
218 « quartier » à part de la capitale économique ivoirienne.
ATOUTS ET CONTRAINTES DE DÉVELOPPEMENT DE GRAND-BASSAM

La ville Abouré est aussi sous bien des aspects représentative des villes

TÉRÉ GOGBÉ & PATRICK POTTIER


ivoiriennes, avec ses difficultés financières, ses problèmes de maîtrise
du développement urbain et notamment en termes d’assainissement, de
traitement des déchets et d’occupation du sol. À cela s’ajoutent des problèmes
spécifiques liés à son site et à la configuration particulière de son territoire.
L’eau y est en effet présente partout, par l’intermédiaire de la lagune qui
déborde, du fleuve Comoé et de son embouchure qui apparaît aujourd’hui
comme une cicatrice mal opérée, ou encore de l’océan et des craintes de
sa remontée prochaine. Grand-Bassam est de ce point de vue au cœur des
problématiques à venir du littoral ivoirien.
Le chemin du développement durable est encore long et mal balisé. Là
est pourtant bien l’enjeu pour l’avenir, celui du respect de l’environnement
aujourd’hui en partie dégradé, de la réduction des inégalités sociales aujourd’hui
encore trop présentes, ou encore d’un développement économique maîtrisé,
au service d’un développement local associant toutes ses composantes. Ce
développement pourra dans ces conditions être également à destination des
générations futures.

Références

AFFROUMOU N. L., 2007. Transports interurbains : cas de la ligne Abidjan-Grand Bassam,


mémoire de maîtrise de Géographie, Université de Cocody Abidjan, 120 p.
APHING-KOUASSI G., 2007. « Impacts spatiaux et socio-économiques de
l’aménagement des zones touristiques du littoral ivoirien », Revue de géographie du
LARDYMES (Laboratoire de Recherche sur la Dynamique des milieux et sociétés),
Faculté des lettres et sciences humaines, Université de Lomé (Togo), p 112-125.
ATTAHI K. 1975. Grand-Bassam : quartier France et étude monographique d’un quartier
historique, mémoire de maîtrise de Géographie, Université de Cocody Abidjan, 63 p.
AYE M. F., 1993. Étude comparée de la dynamique spatiale urbaine de Grand-Bassam et de
Bonoua, mémoire de maîtrise de Géographie, Université de Cocody Abidjan, 135 p.
Coteivoire@fr.st, http://bassam.site.voila.fr/index.jhtml
Direction des archives du Sénégal, http://www.archivesdusenegal.gouv.sn/
DOHO BI T. A., 2005. Ressources communales et gestions municipales de Grand-Bassam,
mémoire de maîtrise de Géographie, Université de Cocody Abidjan, 123 p.
HAUHOUOT A., 1973. « Étude géographique des migrations quotidiennes des
travailleurs à Abidjan », Annales de l’université d’Abidjan, série G. Géographie, n° 5,
p. 147-266.
HAUHOUOT C., 2002. « Les problèmes de l’aménagement de l’estuaire du
fleuve Comoé à Grand-Bassam (Côte d’Ivoire) », Les cahiers d’Outre Mer,
n° 219, p. 307-324.
Institut National de la Statistique (INS), 1998, Recensement Général de la Population
et de l’Habitat-RGPH, Ministère du Plan et de l’Urbanisme, Abidjan. 219
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

KASSI L. P., 2004. Site urbain, assainissement et risques naturels à Grand-Bassam, mémoire
de maîtrise de Géographie, Université Cocody Abidjan, 106 p.
KIPRE P., 1985. Villes de Côte d’Ivoire, 1893-1940 : Fondations des villes coloniales (tome 1),
Économie et sociétés urbaine (tome 2), Nouvelles Éditions Africaines, Abidjan, 237 et
289 p.
L’inter (quotidien) du 14 mars 2007, Abidjan, « Zone franche de Grand-Bassam »,
propos de KRAGBÉ V. G, Commissaire général de la zone franche, propos rapportés
par ADOMON S.
MEMEL F. A., 2006. Dynamisme urbain et gestion foncière à Grand-Bssam, mémoire de
maîtrise de Géographie, Université de Cocody Abidjan, 140 p.
Ministère de la construction et de l’urbanisme, Direction de l’urbanisme, 1987. Commune
de Grand-Bassam, plan d’urbanisme directeur, rapport justificatif, janvier 1987, 30 p.

220
LES INONDATIONS À GRAND-BASSAM : UN RISQUE PERMANENT

DELLA ANDRÉ ALLA


Les inondations à Grand-Bassam :
un risque permanent
Della André ALLA
Institut de Géographie Tropicale, Université de Cocody Abidjan
(Côte d’Ivoire)

Parmi les risques naturels qui affectent les côtes ivoiriennes, l’érosion a fait
l’objet de nombreuses études (Quelennec, 1984 ; Anonyme, 1985 ; Tastet et
al., 1985 ; Abé et al., 1993 ; Robin, 1998 ; Robin et Hauhouot, 1999a ; etc.).
S’agissant de l’inondation, elle est évoquée par certains chercheurs (Hauhouot,
2001 ; Robin et al., 2004), sans retenir particulièrement leur attention. Pourtant,
un certain nombre de villes ivoiriennes, en raison de leur site lagunaire ou
littoral (partie sud d’Abidjan, Grand-Bassam, San Pedro, Tabou, Assinie), sont
en permanence menacées par le risque inondation.
Les risques se concentrant de plus en plus dans les villes, les études portent
surtout sur les métropoles à forte croissance des pays en voie de développement
où l’ampleur de l’urbanisation soumet un nombre élevé de populations à des
aléas multiples. Les risques auxquels les villes secondaires sont exposées sont
de ce fait peu connus, alors qu’elles ne sont pas toujours épargnées par les
phénomènes naturels destructeurs. À cet effet, l’exemple de Grand-Bassam
retenu ici est révélateur. 221
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

Implantée dans la partie est du littoral ivoirien, là où la côte est basse et


sableuse, Grand-Bassam est une ville moyenne de Côte d’Ivoire qui occupe
un site de plaine entre la lagune Ébrié au nord, le fleuve Comoé à l’est et
l’océan Atlantique au sud. Première capitale de la colonie française de Côte
d’Ivoire (1893-1900), Grand-Bassam n’a pas encore bénéficié d’infrastructures
d’assainissement et de drainage adaptées à son site. Pourtant, la ville ne cesse
de croître et abritait au dernier recensement 53 218 habitants (INS, 1998).

Figure 1 - Le relief de Grand-Bassam

2
3

4
6

7 é
6 ri
6 Éb

5 ne

6
gu

5
La

Lagu
ne

Oula
dine

3
Océan Atlantique 1

Source : carte topographique au1/20 000 - IGN D. ALLA, A. KANGAH

Altitude (m) Abidjan


plus de 5 limite de la tache urbaine Grand-Bassam

2,5 à 5 plan d'eau N


3 0 400 800 m
moins de 2,5 point coté (m)

Aussi, dans cet environnement urbain où les pluies sont abondantes (plus
de 1 500 millimètres de précipitations par an), où le relief n’offre pratiquement
pas de possibilités de ruissellement alors que la nappe phréatique est à faible
profondeur et l’assainissement est encore embryonnaire, les inondations y sont
222 fréquentes. Elles ont débuté pendant la période coloniale, aux premières heures
LES INONDATIONS À GRAND-BASSAM : UN RISQUE PERMANENT

de l’urbanisation du site, et expliquent en partie l’abandon de Grand-Bassam au

DELLA ANDRÉ ALLA


profit de Bingerville comme chef-lieu de colonie en 1900. Elles se poursuivent
encore de nos jours et affectent de nombreux secteurs du tissu urbain.
Quoique l’aléa inondation dans cette ville soit connu depuis longtemps et que
le processus de vulnérabilisation ait fortement augmenté avec la croissance
urbaine, aucune solution d’envergure n’a encore été engagée pour prévenir ce
type de catastrophe. La situation pourrait au contraire empirer avec le risque de
plus en plus grand d’une montée du niveau de la mer à laquelle aucune nation
côtière ne pourra totalement échapper, de sorte que le problème demeure dans
son ensemble et que de nombreux citadins vivent dans une situation de risque
latent d’inondation.

Un contexte physique très favorable à l’aléa inondation


L’aléa est la première composante du risque. Il désigne la probabilité
d’occurrence d’un phénomène. Ici, c’est le phénomène naturel (inondation)
qui est susceptible de se produire ou de survenir dans un milieu vulnérable.
Les éléments constitutifs de ce milieu fragile sont le site (relief et sol), la
proximité de la mer et l’importance des pluies.
Un relief pratiquement plat
Le cadre dans lequel se développe la ville de Grand-Bassam est une plaine
littorale basse, où les altitudes varient en général entre 2 et 5 mètres. Elles
descendent à 1 mètre, voire en dessous, aux abords de la lagune Ébrié au nord,
de la lagune Ouladine au sud et du fleuve Comoé dans sa partie est. Les altitudes
les plus élevées (6 à 7 mètres) se situent au niveau des dunes de sable formant
d’anciens cordons littoraux et présentant dans l’intérieur des terres des bandes
de sable parallèles à la côte (figure 1).
Ainsi la particularité topographique de Grand-Bassam réside-t-elle dans ce
relief plat où les pentes sont généralement faibles (moins de 1 %) et atteignent
rarement 3 %. Il prédispose de ce fait à la stagnation des eaux et par conséquent
aux inondations.
Des terrains marécageux
Le site de Grand-Bassam est constitué en grande partie de sables marins
quaternaires, mis en place au cours de l’Holocène. Épaisse couche pouvant
atteindre 45 mètres, voire 70, ces sables recouvrent le Miocène marin et,
quelle que soit leur couleur, sont formés de grains essentiellement grossiers.
Dans les zones plus basses et marécageuses, notamment sur les bordures
de la lagune Ébrié, au nord et de la lagune Ouladine, au sud, les sables font
place aux formations fluvio-lagunaires. D’une épaisseur pouvant atteindre
60 mètres, ces sédiments sont composés de sables plus ou moins grossiers, de
vases, d’argiles et de tourbes (Direction de la géologie, 1992). À la différence
des sables quaternaires qui sont des terrains très poreux et donc d’une bonne
capacité d’infiltration, les sédiments fluvio-lagunaires se caractérisent par leur
forte plasticité et leur teneur en eau naturelle très élevée. 223
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

Les terrains sableux qui peuvent être favorables à la construction sont


associés à une nappe phréatique de faible profondeur (en général 2 à 4 mètres),
ce qui constitue un handicap majeur. En saison de grandes pluies, la nappe
remonte même rapidement à la surface, dans les secteurs les plus bas du
relief et notamment entre les cordons littoraux où ils constituent des zones
inondables. Les formations fluvio-lagunaires, quant à elles, sont peu propices
à la construction, à cause de leur faible perméabilité et de la nappe phréatique
qui est souvent à fleur de terre. Ainsi, la présence d’eau à faible profondeur ou
en surface pose un véritable problème de drainage des eaux pluviales qui vient
accentuer la vulnérabilité du site de Grand-Bassam à l’aléa inondation.
La côte et sa vulnérabilité à une hausse du niveau de la mer.
La vulnérabilité d’une zone côtière signifie le risque potentiel pour les
écosystèmes qui la composent de subir divers dommages s’ils sont exposés à
certaines pressions (Ephrem et al., 2002).
En Côte d’Ivoire, le littoral s’étend sur près de 570 kilomètres et est constitué
de deux types de côtes de part et d’autre de Sassandra : une côte sableuse à l’est
et une côte rocheuse originale par son tracé en échelons où alternent plages
sableuses et falaises à l’ouest. À Grand-Bassam, la côte est sableuse et basse, le
relief est pratiquement au niveau de la mer. Avec sa faible altitude, la côte en
face de Grand-Bassam, comme sur une bonne partie du littoral, se révèle donc
particulièrement vulnérable aux répercussions locales d’une montée globale du
niveau de la mer. Avec une simple hausse d’environ 10 à 20 centimètres du
niveau des mers, on estime en effet que les petites nations insulaires ainsi que
les villes et les zones agricoles situées à une faible altitude, comme c’est le cas de
Grand-Bassam, auraient à affronter de graves risques d’inondation (UNFPA,
2004). Si les différentes estimations prévoient une élévation plus importante du
niveau moyen de la mer, du fait de l’effet de serre, l’Environnemental protection
agency (EPA), souvent citée comme exemple, donne une fourchette de 50 à 200
centimètres d’ici 2100 (Jacobson, 1990). Avec déjà 1 mètre d’élévation prévu
en 2075, on estime que toutes les terres jusqu’à 5 mètres de hauteur pourraient
être affectées. À cette occasion, Grand-Bassam disparaîtrait sous les eaux, tout
comme une partie d’Abidjan, de San Pedro et certainement de Tabou. De plus,
des études montrent qu’une hausse du niveau de la mer aggraverait la plupart
des formes de dégradation physique existantes. Il s’agit entre autres de l’érosion
côtière qui causerait le recul du trait de côte.
Les pluies et leur violence
Située à une quarantaine de kilomètres à l’est d’Abidjan, la ville de
Grand-Bassam se trouve dans une zone qui se caractérise par l’abondance
des précipitations, avec des moyennes annuelles variant entre 1 600 et
un peu plus de 2 000 millimètres. Ces pluies tombent chaque année sur
deux périodes. La première correspond à la grande saison pluvieuse qui
commence au mois de mars et s’achève en juillet. Au cours de cette période,
les précipitations sont de plus en plus fréquentes, de plus en plus violentes,
224 notamment en mai, juin et juillet.
LES INONDATIONS À GRAND-BASSAM : UN RISQUE PERMANENT

La deuxième période est la petite saison humide (octobre et novembre)

DELLA ANDRÉ ALLA


dont le sommet est le mois d’octobre caractérisé par une forte fluctuation des
quantités d’eau tombée. Les maxima se situent entre 400 et 600 millimètres
et les minima à moins de 10. La moyenne des pluies reçues au cours de ce
mois se situe autour de 170 millimètres. En novembre, le dernier mois humide
de l’année, cette moyenne descend à environ 130-140 millimètres, avec des
précipitations plus irrégulières.
Si les pluies annuelles sont dans l’ensemble abondantes, c’est leur forte
concentration sur les mois de mai, juin et juillet qui est remarquable. Dans les
années les plus arrosées (pluies ≥ 2 000 millimètres), il peut pleuvoir 1 400 à
plus de 1 900 millimètres d’eau pendant ces trois mois. La violence des pluies
dans la région se révèle davantage dans l’importance et l’intensité des pluies
journalières. Chaque année, 2 à 4 jours de précipitations de 200 à 500 millimètres
d’eau peuvent se succéder.
Ainsi, dans la ville de Grand-Bassam où les terrains sont plats et la nappe
phréatique à faible profondeur, les grosses pluies arrivant sur un sol déjà
détrempé et non couvert de végétation constituent des petites crises écologiques,
c’est-à-dire des moments où les inondations sont tout à fait possibles.

Les facteurs de vulnérabilité


Deuxième composante du risque, la vulnérabilité est la propension d’un
espace à subir des dommages. Elle exprime ainsi le niveau de conséquences
prévisibles d’un phénomène (aléa) sur les enjeux. Ces derniers concernent
essentiellement à Grand-Bassam les hommes, leurs biens et l’habitat.
L’urbanisation totale du site
Historiquement, Grand-Bassam a connu une croissance spatiale lente, à
partir du noyau colonial resté intact. En effet, créée dans les années 1880 sur le
cordon littoral, entre l’Océan Atlantique et la lagune Ouladine, la ville de Grand-
Bassam a été la capitale politique et administrative de la colonie française de
Côte d’Ivoire de 1893 à 1900. Elle en a été également la capitale économique
jusqu’à son déclin au profit d’Abidjan, suite à la construction du wharf de Port-
Bouët en 1927 et au percement du canal de Vridi en 1950.
Comme toute ville coloniale, Grand-Bassam était constituée du quartier
France aux sous-espaces bien distincts, avec la zone résidentielle à l’ouest,
le quartier administratif au centre, avec ses grandes parcelles, le quartier
commercial à l’est fait de vastes terrains pour les grandes compagnies
européennes et de parcelles de taille plus modeste pour les petits
commerçants européens, libanais et africains. Plus à l’est, contigu à la zone
marécageuse de l’embouchure du fleuve Comoé, se trouvait le village des
Noirs, au parcellaire plus serré.
Durant toute la période coloniale, ce qu’il convenait d’appeler la ville de
Grand-Bassam était donc réduit au quartier France. Sur les terrains au nord
de la lagune Ouladine, qui n’avaient pas suscité d’intérêt pour les Européens,
étaient implantés au milieu de la forêt le village de Petit Paris, aux habitations 225
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

faites de matériaux locaux et plus au nord celui de Moossou. C’est en 1956


que sont intervenus les premiers lotissements urbains dans cette partie nord
du site de Grand-Bassam. Ces nouvelles extensions ont vu la naissance de
l’ensemble impérial (Phare, Congo et Bromakoté) autour du phare et du rond-
point central.

Figure 2 - L’évolution spatiale de Grand-Bassam

IIAO

Moossou
Bégnini

Moossou
Koumassi
Chateau
Cafop é
ri
Éb

Belle Ville Bramakote

Vers Abidjan e
Congo un g

Oddos 2 Phare
La

Oddos 1
Lagun
e
Oulad
ine

Petit Paris

France Résidentiel

France
Océan Atlantique

Source: Grand-Bassam 1a NE, IGN,1966- Kassi, 2004-Memel F.,2006 D. ALLA, A. KANGAH

Étapes de l'extension urbaine


Abidjan
de 1980 à 2003 limite de quartier Grand-Bassam
de 1966 à 1980 plan d'eau N

en 1966 îlot non bâti 0 400 800 m

Jusqu’en 1966, la ville va ainsi s’agrandir lentement, mais de façon continue.


La population était alors estimée à environ 16 500 habitants. Dans sa croissance
sur la berge ouest de la lagune Ébrié, l’ensemble impérial a rejoint par un mitage
de l’espace le village de Moossou (figure 2). Un autre trait remarquable de la
morphologie urbaine des années 1960 est que la ville semblait se construire sur
226 les parties relativement élevées du site, notamment les cordons, tout en évitant
LES INONDATIONS À GRAND-BASSAM : UN RISQUE PERMANENT

si possible les nombreuses zones marécageuses. Cette dynamique spatiale s’est

DELLA ANDRÉ ALLA


accompagnée d’une amélioration de la voirie urbaine et de la construction du
pont de Moossou sur la lagune et le fleuve Comoé qui, en renforçant le trafic
par la Nationale A100 dans le sud-est du pays, aura été un facteur d’accélération
de l’extension de la ville.
À partir de 1966 en effet, sous la poussée démographique (27 273 habitants
en 1975 et 41 501 en 1988), la ville va connaître une progression plus rapide.
L’espace urbanisé est passé de 235 hectares en 1966 à 345 en 1979. Avec
l’érection de Grand-Bassam en commune de plein exercice, 142 autres hectares
ont été lotis de 1980 à 1985 (Ayé, 1993). Ces productions supplémentaires de
terrains urbains ont permis l’extension de la ville vers l’est, en direction de la
Nationale A100, voire au-delà et vers Moossou au nord. Elles correspondent
aux lotissements des quartiers tels que Cafop, Oddos, Château d’eau,
Moossou-Sud et Belle Ville qui ont été créés sans distinction sur des terrains
plus ou moins marécageux.
Depuis 1985, la croissance urbaine se produit par densification de l’habitat
dans la plupart des quartiers évolutifs et par mise en valeur progressive du
quartier Cafop, zone résidentielle par excellence où poussent les habitations de
bon standing. Aussi une extension sous forme d’habitat précaire s’opère-t-elle
sur les marais au sud des quartiers Oddos 1 et 2 et à l’extrémité est de Petit Paris.
Dans le même temps, les densités humaines se sont renforcées, à tel point qu’en
1998, elles atteignaient plus de 100 habitants/hectare dans certains quartiers
évolutifs (le village du quartier France, Phare, Bromakoté, Congo et Oddos 1).
Aujourd’hui, Grand-Bassam évolue comme une ville-dortoir d’Abidjan dont
elle bénéficie du déversement d’une partie de la population dans ses périphéries.
Elle connaîtra donc, même à un rythme modéré, une augmentation de sa
population et par conséquent une extension de son emprise spatiale sur ce site
où le drainage est déjà difficile.
Un réseau de drainage trop sommaire
L’écoulement contrôlé des eaux pluviales est le problème
environnemental majeur de Grand-Bassam. Cette ville n’aurait sans doute
pas si tôt perdu son statut de capitale administrative et économique de
la Côte d’Ivoire, sans les difficultés de drainage qu’elle connut. En effet,
à cause de l’existence de nombreux marais sur le site, des épidémies de
fièvre jaune sont survenues dans la ville en 1898 et 1899 provoquant de
nombreux décès d’Européens. La décision fut alors prise de transférer le
chef-lieu de la colonie sur un site plus agréable au plan de l’hygiène et de
la salubrité (Ministère de l’intérieur, Archives Nationales, 1974). Malgré
l’opposition des commerçants à cette décision, la capitale administrative
de la Côte d’Ivoire coloniale fut déplacée à Bingerville en 1900. À cette
époque, les autorités administratives ont estimé que l’assainissement du
site de Grand-Bassam nécessiterait des travaux trop importants et un
financement coûteux. 227
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

Il a fallu attendre les années 1920 pour qu’un effort d’assainissement de


la ville de Grand-Bassam soit entrepris. À cet effet, le journal La République
française du 20 avril 1923 écrivait : « Village autrefois ensablé, semé de marigots où,
entre mer et lagune, pullulaient d’innombrables moustiques, Grand-Bassam est l’image
maintenant de ce que l’effort français, bien compris et tenace, a pu entreprendre rapidement
au point de vue de l’assainissement d’une ville… L’ancienne bourgade malsaine est devenue
au prix de gros efforts une ville de résidence agréable pour l’Européen comme pour l’indigène »
(Diabaté et Kodjo, 1991). Les caniveaux à ciel ouvert construits dans ce cadre
ne concernaient que la ville coloniale. Ils n’ont pas survécu au temps et sont
tous obstrués par le sable. De sorte que la ville de Grand-Bassam se développe
aujourd’hui sans un réseau d’écoulement des eaux adéquat.

Figure 3 - Le réseau de drainage de la ville de Grand-Bassam en 2005

IIAO

Moossou
Bégnini
Moossou
Koumassi
Chateau
Cafop
é
ri
Éb
Bramakote

Belle Ville
Vers Abidjan Congo
ne

Oddos 2
gu

Phare
Oddos 1
La

Lagu
ne
Oula
dine

Petit Paris

France Résidentiel
France
Océan Atlantique

Source: Grand-Bassam 1a NE, IGN,1966- KASSI, 2004-MEMEL F.,2006 D. ALLA, A. KANGAH

Abidjan
Taille des caniveaux limite de quartier Grand-Bassam

grand îlot cadastral N


petit 0 400 800 m
plan d'eau
228
LES INONDATIONS À GRAND-BASSAM : UN RISQUE PERMANENT

Le problème de drainage est d’autant plus important et persistant

DELLA ANDRÉ ALLA


qu’actuellement la ville ne possède qu’un faible linéaire de canalisation
(moins de 500 mètres) qui est loin de répondre à la demande urbaine en
matière de drainage des eaux de pluies (figure 3). Ce réseau d’assainissement
est composé d’un grand collecteur reliant Belle Ville à Oddos et de petits
caniveaux partant de l’hôpital jusqu’à l’entrée du quartier Château ou
localisés au niveau du cinéma Congo, dans le quartier du même nom. Ces
canalisations qui ont été réalisées entre 1996 et 1999 ou en 2002-2003,
grâce à un concours financier du Fonds Européen de Développement et
de l’État de Côte d’Ivoire, ont coûté 453 millions de FCFA. Un montant
aussi élevé montre que l’assainissement total de la ville de Grand-Bassam
demanderait la mobilisation d’importantes sommes d’argent qui sont au-
delà des capacités financières des autorités locales.
L’autre caractéristique est que ce réseau est constitué de tronçons qui
n’aboutissent à aucun exutoire précis. Aussi, cet existant devrait être non
seulement réaménagé et prolongé, mais régulièrement entretenu (photo 1)
pour lui permettre d’évacuer des écoulements de forte intensité dans cette ville
qui reçoit, à chaque saison pluvieuse, d’importantes quantités d’eau.

Le risque d’inondation et sa répartition


Au regard de ce qui précède, on peut dire que cette plaine côtière de
Grand-Bassam est, comme dans beaucoup d’endroits sur le littoral
ivoirien, un domaine fortement exposé aux inondations. Néanmoins, selon
la profondeur de la nappe phréatique, de légères variations spatiales des
surfaces potentiellement inondables apparaissent. En effet, les zones les
plus basses du site (inférieur à 2 mètres) correspondent à celles où les
inondations sont susceptibles d’être permanentes. Elles se rencontrent
sur les bordures des lagunes Ébrié et Ouladine. Celles où la hauteur du
relief est comprise entre 2 et 5 mètres sont soumises à des inondations
temporaires. Enfin, là où se trouvent les altitudes supérieures à 5 mètres,
la nappe phréatique est un peu plus profonde, si bien que la probabilité de
la remontée d’eau en surface en période de pluie y est plus faible (zones
rarement inondables).
La notion de risque implique également une anthropisation de l’espace
menacé par le phénomène naturel (ici l’inondation). Ainsi, la superposition des
zones de l’aléa inondation et de l’espace urbanisé permet de déterminer l’aire
du risque d’inondation. Elle est largement en deçà de celle de l’aléa et l’intensité
de ce risque varie en fonction des enjeux (habitat et population) et de leur
vulnérabilité (figure 4).
Le risque est en effet plus élevé dans l’extrême nord de Moossou,
au sud et sud-ouest de Congo, à Petit Paris et surtout au sud de Phare,
d’Oddos 1 et 2 et au quartier France du fait de la précarité de l’habitat et
de la vétusté des matériaux de construction. Le risque est moyen dans les
quartiers France Résidentiel et Château et faible à Belle Ville, au quartier 229
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

Cafop et surtout à Impérial (Congo en partie, Bromakoté et Phare) où, malgré


la forte vulnérabilité matérielle et humaine (concentration de l’habitat et des
populations), le niveau du relief limite les possibilités d’une inondation par
remontée de nappe.

Des inondations à fréquence annuelle


La transformation du risque d’inondation en réalité est un phénomène
récurrent à Grand-Bassam. Chaque année, en saisons pluvieuses, les inondations
se manifestent de différentes manières et sont sources de dommages plus ou
moins graves pour les populations.

Figure 4 - Répartition des surfaces potentiellement inondables à Grand-Bassam

Moossou
Bégnini

Moossou
Koumassi
Chateau
Cafop é
ri
Éb

Belle Ville Bramakote


e

Congo
un g
La

Oddos 2 Phare

Lagu Oddos 1
ne
Oula
dine

Petit Paris

France Résidentiel
France
Océan Atlantique

Source: Grand-Bassam 1a NE, IGN,1966- Kassi, 2004-Memel F.,2006 D. ALLA, A. KANGAH

Zone d'inondation Vulnérabilité Abidjan


exceptionnelle faible Grand-Bassam

temporaire moyenne plan d'eau N


0 400 800 m
permanente forte limite de quartier
230
LES INONDATIONS À GRAND-BASSAM : UN RISQUE PERMANENT

Les types d’inondation à Grand-Bassam et leur manifestation.

DELLA ANDRÉ ALLA


L’inondation est une submersion plus ou moins rapide d’une zone, avec
des hauteurs d’eau variables, à la suite de pluies abondantes. Dans le cas de
Grand-Bassam, elle provient de trois types de phénomènes que sont les crues
ou surcotes, les remontées de nappe phréatique et le ruissellement.
Les crues ou surcotes surviennent en période de grandes pluies où le
fleuve Comoé et la lagune Ouladine connaissent une montée de leurs eaux.
Du fait de la faiblesse des pentes bordières, mais aussi des incessantes
fermetures de l’embouchure du Comoé, les zones basses environnantes
sont souvent inondées.
Les informations recueillies sur le terrain (Kassi, 2003-2004) et la revue
de littérature (Robin et Hauhouot, 1999a ; Robin et al., 2004) indiquent que
la ville de Grand-Bassam a subi plusieurs inondations de ce type depuis les
années 1950. Les plus importantes, par l’ampleur des dégâts causés, sont celles
de 1964, de 1992, du 16 juin 1993, du 12 juin 1996 et plus récemment du début
du mois d’octobre 2003.
Si l’inondation de 1964 a touché seulement le quartier France, les autres ont
atteint plusieurs quartiers. Ce fut le cas en 2003 où, à la suite d’une montée
exceptionnelle des eaux du fleuve Comoé, la quasi-totalité de la ville a été inondée.
Mais les quartiers les plus sinistrés ont été Moossou, Phare, Petit Paris et France qui
sont d’ailleurs les plus proches du fleuve. Cette inondation se serait transformée
en un véritable cauchemar n’eut été l’ouverture en urgence de la passe.
En saison des pluies, sur ce site urbain fait de sables et de sédiments fluvio-
lagunaires dans lesquels la nappe phréatique se trouve en plusieurs endroits
à moins d’un mètre du sol, une saturation rapide de celui-ci fait remonter la
nappe en surface. Ce type d’inondation affecte pendant les précipitations les
quartiers tels qu’Oddos 1 et 2, Petit Paris et France.
Le ruissellement urbain se produit au moment des pluies diluviennes au
cours desquelles on assiste à un écoulement des eaux depuis le secteur de
Gonzagueville, à l’ouest de Grand-Bassam. Ce ruissellement emprunte les
dépressions entre les cordons littoraux (photo 2) et atteint les quartiers Phare et
Petit Paris. Sur son parcours, l’eau de ruissellement n’épargne pas les quartiers
Cafop, Oddos et Congo. Ainsi, tous les ans, le même phénomène est vécu en
période pluvieuse par les populations.
La combinaison de ces trois types d’inondation montre que la presque totalité
de la ville de Grand-Bassam subit les inondations (photo 3). Une étude réalisée
en 2002, à la demande de la mairie, a révélé à cet effet que 60 % des îlots sont
localisés dans des zones inondables et se rencontrent notamment à Bromakoté,
au Château, au Congo, au Phare, à Petit Paris, à Oddos et au quartier France
(figure 5). La fréquence des inondations est généralement d’une fois, au plus de
deux fois par an. À chaque épisode, les eaux de pluie dont la hauteur dépasse
parfois 50 centimètres, mettent deux jours à une semaine pour s’infiltrer dans
certaines zones. Elles peuvent durer au-delà d’une semaine et atteindre deux
semaines ou plus au Château, dans certains secteurs de Bromakoté, au Phare,
au Congo, à Oddos et à Petit Paris. 231
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

Figure 5 - Les zones d’inondation à Grand-Bassam

IIAO

Moossou
Bégnini

Moossou
Koumassi
Chateau
Cafop é
ri
Éb
Bramakote

Belle Ville

e
Vers Abidjan
Congo

un
Oddos 2 Phare

g
Oddos 1

La
Lagu
ne
Oula
dine
Petit Paris

France Résidentiel
France
Océan Atlantique

Source: Grand-Bassam 1a NE, IGN,1966- Kassi, 2004-Memel F.,2006 D. ALLA, A. KANGAH

Abidjan
grand caniveau îlot cadastral Grand-Bassam
petit caniveau plan d'eau N

limite de quartier zone d'inondation 0 400 800 m

Impacts socio-économiques des inondations à Grand-Bassam


Les saisons des pluies sont vécues avec une angoisse permanente par les
populations de Grand-Bassam. En effet, bien que des pertes en vies humaines
n’aient pas été enregistrées, les inondations qui surviennent en ces périodes
provoquent des dégâts de plusieurs ordres.
Au plan humain, les inondations obligent de nombreuses familles à déménager
momentanément chez des parents et amis ou chez des voisins plus chanceux.
Dans des situations plus graves, le mouvement est plutôt massif. Ce fut le cas du
quartier France en 1964 où toutes les populations sinistrées furent déplacées au
Phare, à l’abri du fleuve Comoé (Robin et Hauhouot, 1999b). La stagnation des
eaux favorise également le pullulement des moustiques et mouches, vecteurs
232 des maladies telles que le paludisme, la fièvre jaune, le choléra, etc.
LES INONDATIONS À GRAND-BASSAM : UN RISQUE PERMANENT

S’agissant des biens matériels, lorsque les populations sont surprises par la

DELLA ANDRÉ ALLA


pluie et notamment tard dans la nuit, dans leur fuite, elles laissent derrière elles
les malles, valises, buffets, ustensiles de cuisine, appareils électroménagers qui
sont emportés ou abîmés par les eaux. Même des véhicules sont enfoncés et
des animaux domestiques meurent noyés.
Sur le plan socio-économique, les inondations provoquent des
désagréments non seulement aux activités commerciales de rue que l’on
n’arrive plus à pratiquer, mais aussi à la circulation automobile. En effet,
pendant les pluies et surtout en cas d’inondation, les chauffeurs de taxi
ont du mal à exercer leur activité, ce qui entraîne le dysfonctionnement
du trafic urbain, tout particulièrement à Oddos, Petit Paris, Congo et
Belle Ville. Les établissements scolaires subissent également l’impact des
inondations pendant lesquelles ils restent fermés durant au moins une
semaine. C’est l’exemple de l’école primaire « Ablé Frédéric » dont les
élèves sont constamment mis en congé en saison pluvieuse.
Ce que l’on observe au niveau du cadre de vie, c’est l’insalubrité
généralisée qui accompagne souvent les inondations. En effet, les eaux
de ruissellement emportant tout sur leur passage, y compris les dépôts
d’ordures ménagères, provoquent l’épandage des biens et déchets de tous
genres dans l’espace.

Conclusion
L’inondation représente l’un des risques auxquels les villes du littoral
ivoirien sont le plus exposées. Dans le cas de Grand-Bassam, l’émergence
de ce risque a coïncidé avec l’urbanisation, lorsqu’on s’est rendu compte
que la présence des zones marécageuses s’accommodait difficilement d’une
occupation humaine du site. Malgré cela, pour des raisons économiques, la
ville a été maintenue et a même connu une importante extension spatiale,
facteur d’accroissement de sa vulnérabilité à l’aléa inondation. Celle-ci
a été aggravée par la modification des conditions hydrodynamiques du
fleuve Comoé, liée à l’ouverture du canal de Vridi en 1950, conduisant à
des fermetures répétées de son embouchure et par un réseau de drainage
en inadéquation quasi totale avec les besoins urbains.
Ainsi, les inondations sont devenues un phénomène naturel récurrent
à Grand-Bassam et d’une importance telle que les actions ponctuelles de
solidarité des populations et celles des pouvoirs publics n’ont pas encore
permis de réduire ses conséquences. C’est pourquoi il conviendrait dans
le cadre du vaste programme de gestion intégrée du littoral de considérer,
au même titre que l’érosion côtière, l’inondation comme l’un des risques
potentiellement dangereux. Cela est d’autant plus urgent que dans
le contexte actuel du réchauffement de la planète et d’une perspective
d’élévation globale du niveau de la mer de plus en plus probable, les côtes
ivoiriennes seront de plus en plus confrontées à ce risque. 233
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

Photo 1 - Début
de la grande
canalisation au
quartier Belle Ville.
L’enherbement et la
présence des ordures
empêchent son bon
fonctionnement, en
période de pluie.

Crédit photographique : D. A. Alla

Photo 2 - Drain
d’évacuation des
eaux venant de
Gonzagueville
en direction de la
ville de Bassam.
Son débordement
saisonnier
est source
d’inondation.

Crédit photographique : D. A. Alla

Photo 3 - Fraternité
Matin du 12 juillet
2005, titrait dans sa
rubrique Régions ;
«Assainissement public
de la ville de Grand-
Bassam : la première
capitale est sous les eaux à
chaque saison des pluies ».
234 Cliché Fraternité matin du 12 juillet 2005
LES INONDATIONS À GRAND-BASSAM : UN RISQUE PERMANENT

DELLA ANDRÉ ALLA


Références

ABE J., AFFIAN K., KOFFI K. Ph., 1993. « Contribution à l’étude des caractéristiques
morphologiques de l’unité littorale de Côte d’Ivoire, golfe de Guinée : cas du
périmètre littoral de Port-Bouët », Journal Ivoirien d’Océanologie et de Limnologie, Abidjan,
vol.2, n °1, p. 43-52.
Anonyme, 1985. Érosion du littoral de Port-Bouët. Propagation de la houle à la côte. Plans de
vagues, rapport DCGTx, Présidence de la République, République de Côte d’Ivoire.
AYE M.-F., 1993. Étude comparée de la dynamique spatiale urbaine de Grand-Bassam et de
Bonoua, mémoire de maîtrise de Géographie, Université Cocody Abidjan, 135 p.
DIABATE H., KODJO L., 1991. Notre Abidjan toujours plus haut, mairie d’Abidjan,
Ivoire Médias, 256 p.
Direction de la géologie, 1992.- Notice explicative de la carte géologique à 1/200 000,
feuille Abidjan, 1ère édition, 26 p.
EPHEM H. P., BHAWAN S., PIERRE A., 2002. « Vulnérabilité de la zone côtière
du Bénin à un rehaussement relatif du niveau marin : état de la question et
préconisations », Annales de Géographie, n° 623, Armand Colin, Paris, p. 25-39.
HAUHOUOT C., 2002. « Les problèmes de l’aménagement de l’estuaire du fleuve
Comoé à Grand-Bassam (Côte d’Ivoire) », Les cahiers d’Outre Mer, n° 219,
p. 307-324.
Institut National de la Statistique (INS), 1998, Recensement Général de la Population
et de l’Habitat-RGPH, Ministère du Plan et de l’Urbanisme, Abidjan.
JACOBSON J.L., 1990. « Tenir le front de mer, L’état de la planète 1990 », Paris,
Nouveaux Horizons, p. 129-159.
KASSI L. P., 2004. Site urbain, assainissement et risques naturels à Grand-Bassam, mémoire de
maîtrise de Géographie, Université Cocody Abidjan, 106 p.
Ministère de l’intérieur, Archives Nationales, 1974. Grand-Bassam, Bingerville, Abidjan.
Recherche d’une capitale, Abidjan, Archives Nationales.
QUELENNEC R-E., 1984. Identification des problèmes d’érosion sur le littoral sableux de la
Côte d’Ivoire. Propositions d’actions prioritaires, rapport du BRGM, 46 p.
ROBIN M., 1998. « Détermination de l’énergie des houles et de leur capacité à générer
une dérive littorale à l’aide d’une image Spot par transformée de Fourier. Exemple
de Grand-Lahou, République de Côte d’Ivoire », Cahiers Nantais, n° 49, Université
de Nantes, p. 127-138.
ROBIN M., HAUHOUOT C., 1999a. « Le risque urbain généré par une érosion côtière
d’origine partiellement anthropique : le cas de la baie de Port-Bouët, Abidjan, Côte
d’Ivoire », CoastGIS’99, session 10, 11 p.
ROBIN M., HAUHOUOT C., 1999b. « Les risques naturels côtiers en Côte d’Ivoire »,
Cahiers Nantais, n° 51, Université de Nantes, p. 169-183. 235
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

ROBIN M., HAUHOUOT C., AFFIAN K., ANOH P., ALLA D. A., POTTIER P.,
2004. « Les risques côtiers en Côte d’Ivoire », Bulletin Association de Géographes Français,
n° 3, p. 298-314.
TASTET J.P., CAILLON L., SIMON B., 1985. La dynamique sédimentaire littorale devant
Abidjan. Impacts des aménagements, Université Nationale de Côte d’Ivoire-PAA, 39 p.
UNFPA, Abidjan, 2004. État de la population mondiale.

236
ÉCOTOURISME DANS LE PARC NATIONAL DES ÎLES ÉHOTILE (PNIE)

LOBOGNON JACQUES DOBÉ & NAKOUMA SAKO


Écotourisme, populations riveraines et gestion
de l’environnement : le cas du Parc national des
îles Éhotilé (PNIE)
Lobognon Jacques DOBÉ, Nakouma SAKO
Institut de Géographie Tropicale, Université de Cocody Abidjan
(Côte d’Ivoire)

Créé en 1974, le Parc national des îles Éhotilé (PNIE) est un ensemble de six
îles d’une superficie de 550 hectares et d’une riche diversité écologique, situé
sur la lagune Aby dans la partie extrême orientale du littoral ivoirien.
À l’instar des autres aires protégées du pays et en particulier du sud forestier,
le parc est soumis à la pression d’une population en croissance rapide
(3,5 % par an) et d’activités agricoles très consommatrices d’espace. Pour
freiner cette dynamique négative et favoriser une conservation durable de ce
patrimoine naturel, un plan d’aménagement a été réalisé en 1996 et surtout un
projet de gestion communautaire des ressources naturelles autour du parc a
été initié en 2001 par le WWF (Word Wildlife Fund — Fonds mondial pour la
nature) afin d’assurer également le développement économique des populations
riveraines. Les objectifs n’ont pas été entièrement atteints. En dépit de quelques
actions porteuses d’espoir, l’ampleur des besoins socio-économiques des
populations n’a pas favorisé un impact positif du projet sur la protection du
parc. Si bien que les agressions sur le parc persistent. 237
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

Devant la nécessité de parvenir à la fois à la conservation durable


du patrimoine naturel du parc et à un développement durable pour les
populations riveraines, l’analyse des perspectives d’un écotourisme véritable
s’impose pour rechercher et réunir les conditions d’une parfaite intégration
des activités de développement et des actions de conservation du parc et de
sauvegarde de l’environnement.

Figure 1 - Situation du Parc national des îles Éhotilé

Abiaty

Etuéboué

N'galwa Assomlan
Mélékou
île
Assoko -
Monobaha île Niamouin Akounougbé
Etuessika
île Lagune Aby
Balouaté
île Méa M'bratty
île Elouamin île Bosson
Assoun
Assinie
Sagbadou

Assinie Mafia Assinie France

Océan Atlantique

Source : Latig/Igt, 1997 N. SAKO, A. KANGAH N


0 2
Ghana

4 km
localité
ABIDJAN
Gd-Bassam
île du Parc national Éhotilé Assinie

Le contexte
La Côte d’Ivoire a mis en place depuis les années 1960 un vaste réseau d’aires
protégées couvrant près de 6,5 % de son territoire dans le but de conserver un
échantillon représentatif des différents écosystèmes naturels qui constituent
le patrimoine naturel national. Créé par le décret n° 74179 du 25 avril 1974 à
l’initiative des autorités locales, le Parc national des îles Éhotilé est le moins
étendu de tous avec 550 hectares. Situé dans la lagune Aby sur le littoral est
ivoirien, non loin du complexe hôtelier d’Assinie, il représente un patrimoine
238 naturel assez diversifié dans un environnement humain également riche.
ÉCOTOURISME DANS LE PARC NATIONAL DES ÎLES ÉHOTILE (PNIE)

Le PNIE, un patrimoine naturel assez diversifié

LOBOGNON JACQUES DOBÉ & NAKOUMA SAKO


Le Parc national des îles Éhotilé comprend (figure 1) les îles de Bosson
Assoun (32,5 hectares) isolées à l’est, Balouaté (75 hectares), Niamouin
(22,5 hectares), Assoko-Monobaha (327,5 hectares), Méa (45 hectares) et
Elouamin (47,5 hectares). Cet ensemble est un complexe d’écosystèmes
terrestres et aquatiques dans le plan d’eau lagunaire non intégré au parc :
mangrove, fourré marécageux et diverses forêts.
La mangrove est l’écosystème le plus étendu, avec 60 % de la superficie du
parc (figure 2). Elle se développe sur les sols hydromorphes salés des fonds
vaseux peu profonds soumis à l’action quotidienne des marées (photos 1 et 2).
Le palétuvier rouge (Rhizophora racemosa) en constitue l’espèce spécifique avec
d’autres groupements végétaux (Acrostichum aureum, Hibiscus tiliaceus, Dalbelgia
ecastaphyllum et Paspalum vaginatum). À l’intérieur des îles domine un écosystème
forestier de type ombrophile (forêt dense humide sempervirente) d’une grande
diversité liée aux conditions édaphiques. Sur les sols bien drainés sablonneux
ou sablo-argileux pousse une forêt de terre ferme ; sur les berges des zones
relevées, c’est la forêt ripicole, tandis que les sols hydromorphes mal drainés
entretiennent une forêt marécageuse quand le fourré marécageux se loge entre la
mangrove et la forêt de terre ferme. Toutes ces forêts sont plus ou moins riches
en espèces végétales. L’étude floristique des îles Éhotilé menée par le WWF et
le Pr. AKE Assy (2002) a identifié 126 espèces dont 25 sont endémiques. La
situation du parc, la nature et la diversité des écosystèmes favorisent également
le développement d’une grande variété d’espèces faunistiques malheureusement
menacées par les activités humaines.
Le PNIE dans un riche environnement humain
Le parc a été établi dans un espace bénéficiant d’un riche patrimoine culturel.
En effet, non seulement le PNIE contient un site historique et archéologique
digne d’intérêt par ses nombreux vestiges, l’une des raisons de sa création, mais
également la population riveraine, les peuples Éhotilé et Essouma, possède une
riche culture. Les fouilles archéologiques effectuées par le Pr. Jean Polet (1988)
sur les îles Assoko-Monobaha, Elouamin et Balouaté ont révélé les vestiges des
civilisations Éhotilé et Essouma, société monarchique hautement hiérarchisée.
Par ailleurs, dans ce pays qui a eu le premier contact avec l’occident au
XVIIIe siècle, sont également présents les vestiges du passé colonial. Enfin,
dans cette société ayant conservé sa civilisation traditionnelle marquée par la
royauté, les créations artistiques et l’expression culturelle ont été développées
à travers l’artisanat, l’artisanat d’art en particulier (sculpture, poterie, bijouterie,
tissage), ainsi que les danses et les cérémonies traditionnelles. Elles sont
l’occasion non seulement de liesse populaire, mais aussi d’une communion du
roi avec son peuple en particulier à Étuéboué, siège de la famille royale Éhotilé
et à Assinie siège de la famille royale Essouma.
Ainsi, le parc national des îles Éhotilé est un patrimoine non seulement
naturel, mais également culturel digne d’être sauvegardé. Malheureusement, à
l’instar des autres aires protégées dont les parcs du secteur littoral est (Banco
3 000 hectares, Assagny 19 400 hectares), il n’est pas à l’abri d’agressions
diverses rendant difficile la préservation de son intégrité. 239
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

Figure 2 - Occupation du sol dans les îles ouest du


Parc national des îles Éhotilé (secteur ouest)

île Niamouin

île
Assoko -
île Monobaha
Balouaté

île Méa

Occupation du sol île Elouamin

forêt de terre ferme


forêt marécageuse N
mangrove 0 400 800 m

plantation limite des îles


plan d'eau zone tampon
Ghana

ABIDJAN
Gd-Bassam
N. SAKA, A. KANGAH Assinie

La problématique de la conservation et la promotion du PNIE


Le parc, comme les autres aires protégées, est confronté au problème de sa
conservation voire de la promotion dans un environnement humain difficile.
La problématique générale de la conservation des aires protégées
Les différentes études de ces douze dernières années sur les parcs
nationaux et réserves (PNAE-CI 1994, WWF 1994, DPN 1996, Ministère
de l’environnement, de l’eau et des forêts, 2000) soulignent l’état de précarité
de ces espaces qui conservent les vestiges de la richesse biologique nationale.
Elles mettent en cause les politiques nationales de gestion des parcs nationaux
240 et réserves depuis l’indépendance, caractérisées entre autre par le manque
ÉCOTOURISME DANS LE PARC NATIONAL DES ÎLES ÉHOTILE (PNIE)

d’action globale dans le secteur, la concentration des centres de décision et la

LOBOGNON JACQUES DOBÉ & NAKOUMA SAKO


faiblesse des fonds alloués. La cellule de coordination du Programme-cadre
de gestion des aires protégées (PCGAP) indique par ailleurs que les premiers
responsables de la dégradation et du cycle de la destruction des ressources
naturelles sont les suivants :
- une agriculture agressive dont les techniques de production sont notamment
nocives pour les sols et consommatrices d’espace ;
- une exploitation forestière mal maîtrisée (de bois d’œuvre, de bois de
charbon, et autres produits secondaires d’orpaillage) décimant le capital
floristique ;
- le braconnage intensif et les feux de brousse à l’origine du recul alarmant
des populations de fauves et de micro-organismes.
Il faut souligner que cette situation est liée à une divergence persistante
entre l’administration publique en charge de la conservation des ressources
naturelles et les populations riveraines utilisatrices dont les intérêts paraissent
contradictoires. Les communautés villageoises n’acceptent pas d’être
dépossédées des terres dont elles vivent et dont elles avaient traditionnellement
l’usage. Comment, dans ces conditions, concilier les deux intérêts ?
Le cas du PNIE : la problématique de la conservation du parc et de la satisfac-
tion des besoins des populations riveraines
Le PNIE se trouve dans un environnement humain particulièrement difficile.
En effet, le parc est soumis à une double pression, à une double charge avec
d’un côté le poids d’une population en augmentation rapide, et de l’autre une
pression économique croissante au fil du temps.
Le département d’Adiaké auquel appartient le PNIE connaît une forte
densité de peuplement, 81 habitants/km², contre une moyenne nationale
de 48 en 1998. Cette population estimée alors à 100 445 habitants est à
majorité rurale (62,2 %) avec 79 villages et 1 127 campements. Plus de la
moitié de cette population rurale est riveraine du parc : 32 103 personnes
réparties entre 21 villages et plusieurs centaines de campements situés
sur les rives de la lagune Aby ou sur les îles voisines. Cette population
autour du parc s’est rapidement accrue pendant la décennie entre les
deux recensements généraux de la population et de l’habitat, avec un taux
d’accroissement moyen annuel sur la période 1988-1998 de 3,6 % supérieur
à la moyenne nationale (3,4 %) et à celle du département (3,2 %). Certains
villages ont même atteint des taux plus élevés : 7,5 % à Mama, 6,6 % à
Abiaty, 5,2 % à Akounougbé et plus de 4 % à M’bratty, Anga et Éplemlan.
Cette dynamique est liée à l’attraction des exploitations agro-industrielles
et des eaux lagunaires pour les activités de pêche.
La pression économique est surtout effective sur les ressources
naturelles. La pêche d’une part et l’agriculture d’autre part constituent les
deux principales sources de revenu des populations. Les activités de pêche
qui attirent une forte population étrangère représentent les principales
occupations des populations locales. Le nombre des actifs pêcheurs était 241
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

estimé à 3 260 individus en 1996, et à 4 200 en 2003. Avec 45 grands filets


et 9 511 petits filets, ces pêcheurs ont produit en 2003, 11 580 tonnes de
poissons et crustacés (services des pêches d’Adiaké). Avec une production
fluctuant entre 6 500 et 13 000 tonnes pendant la décennie 1993-2003, la
pression est donc réelle sur les ressources halieutiques.

Photo 1 - La
mangrove est la
formation végétale
dominante du PNIE
avec 60 % de sa
surface. Elle s’est
développée sur les
sols hydromorphes
salés des fonds
vaseux peu profonds
soumis à l’action
quotidienne des
marées.

Crédit photographique S. Nakouma

Photo 2 - Sur le
plan floristique, la
mangrove de ces
îles est relativement
pauvre. Sur les
trois espèces
de palétuviers
identifiées dans
le pays, seul le
palétuvier rouge
(Rhizophora racemosa)
y est présent.

Crédit photographique S. Nakouma

Les activités agricoles occupent, quant à elles, 25 112 paysans dans le


département d’Adiaké en 2002. Les cultures industrielles pratiquées sur de
grandes superficies agro-industrielles de palmiers et d’ananas et surtout dans
de petites exploitations familiales de palmiers, hévéa, coco, café et cacao,
couvrent plus de 15 000 hectares. De plus, les cultures vivrières s’étendent sur
600 hectares environ de champs de maïs, riz, manioc, bananes plantains et
242 condiments divers.
ÉCOTOURISME DANS LE PARC NATIONAL DES ÎLES ÉHOTILE (PNIE)

Dans un espace où les eaux lagunaires gagnent régulièrement sur la terre

LOBOGNON JACQUES DOBÉ & NAKOUMA SAKO


ferme, le besoin de terres cultivables d’une population en croissance rapide est
à l’origine de la dégradation des ressources naturelles du département, voire
du parc convoité par les populations riveraines qui n’hésitent pas à y satisfaire
leurs besoins essentiels. En effet, la surexploitation de la lagune et la baisse
de la productivité qui en découle, la pression foncière dans le domaine rural
et le mauvais rendement des sols appauvris, amènent les paysans à utiliser les
ressources naturelles du parc pour la production agricole, les prélèvements des
espèces végétales pour leurs besoins en énergies, en instruments et équipements
de pêche, en objets divers pour l’artisanat, et les prélèvements d’espèces
animales pour la consommation de protéines. La menace est réelle avec la
destruction de certains habitats naturels, la réduction du couvert végétal et
l’appauvrissement de la flore, le braconnage intensif provoquant la régression
des fauves sauvages et la raréfaction des mammifères et primates. Comment
ainsi satisfaire les besoins des populations riveraines et protéger efficacement
et durablement l’intégrité du parc ?

Le WWF et l’écotourisme pour la satisfaction des besoins des po-


pulations riveraines et la conservation du PNIE.
Avant le WWF, la mise en place en 1994 de la Cellule d’aménagement du Parc
national des îles Éhotilé (CAPNIE) a marqué le point de départ d’une véritable
prise en main de la gestion et de la protection du parc par l’État. Cette structure
a alors reçu des moyens humains, matériels et financiers pour accomplir une
mission conçue en quatre objectifs :
- la gestion et la protection de l’intégrité biologique du parc ;
- la protection des objets historiques ;
- la sauvegarde des espèces faunistiques et floristiques ;
- la promotion des parcs nationaux.
Les objectifs n’ont malheureusement pas été atteints aujourd’hui. Si les objets
archéologiques ont été sauvegardés, le tourisme n’a pas connu une véritable
promotion et surtout la conservation du milieu naturel n’a pas été réalisée.
Les activités agricoles (plantations de cocotier), le braconnage et le pillage
de certaines ressources forestières (bambou, rotin, liane et certaines espèces
d’arbres) pour le logement et l’artisanat continuent de dégrader le couvert
végétal et de déstabiliser les écosystèmes naturels. En 2001, le WWF a alors
représenté un nouvel espoir avec son projet de promotion de l’écotourisme et
de conservation durable du parc.
Le WWF en collaboration avec le Ministère de l’Environnement et du
Tourisme a initié en 2001 pour une durée de trois ans un projet de gestion
communautaire des ressources naturelles autour du parc. Ce projet, inscrit
dans une approche participative de la gestion durable de ce milieu, visait deux
objectifs :
- l’amélioration du niveau de vie des populations locales ;
- l’implication des communautés riveraines dans la gestion du parc. 243
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

Ces objectifs ont été soutenus par la création de microprojets de développement


(élevage et culture) dans les villages riverains, la vulgarisation du tourisme et
notamment de l’écotourisme dans le parc et ses environs, et enfin la mise en
place de structures appropriées au niveau des communautés villageoises avec les
EVASS (Équipes villageoises d’aide à la sensibilisation et la surveillance), et les
AVIGREN (Associations villageoises de gestion des ressources naturelles).
La conservation du parc national des îles Éhotilé nécessite à long terme sa
participation au développement local par sa valorisation économique. Avec
l’accroissement de la population et la demande croissante de la métropole
abidjanaise en ressources végétales, le tourisme est envisagé par les gestionnaires
du parc comme un moyen supplémentaire pour faire participer tous les acteurs
locaux à la conservation du parc. L’écotourisme étant une forme de tourisme
qui allie respect de l’environnement et tourisme, cette forme de tourisme est
celle qui a été tentée par les gestionnaires du parc et le WWF pour valoriser le
PNIE. Malgré sa situation privilégiée en milieu lagunaire non loin d’Assinie et
ses complexes touristiques, le Parc national des îles Éhotilé est resté un parc
méconnu, inexploité et n’ayant bénéficié jusqu’au projet WWF de 2001 d’aucun
plan significatif d’aménagement et de valorisation. La mise en place du projet
avec un volet d’écotourisme avait l’avantage de permettre non seulement les
aménagements nécessaires pour valoriser le parc avec la participation de la
population locale, mais aussi d’établir une connexion touristique sous forme de
circuit découverte alliant tourisme balnéaire (littoral d’Assinie) et visite de parc.
Le parc jouissant d’une importante richesse floristique et faunique, l’objectif
était de créer plusieurs chantiers botaniques, des miradors pour l’observation
de la faune sauvage, mais aussi le sky nautique sur la lagune Aby. L’exploitation
touristique du parc dans le cadre de ce projet de développement visait également
à renflouer les caisses des gestionnaires et à financer la conservation eu égard à
la faiblesse des subventions accordées par les pouvoirs publics.
Pour la mise en œuvre de cette stratégie touristique qui allie tourisme de
nature et tourisme balnéaire, plusieurs actions d’aménagement ont été amorcées
avec la création de pistes et de centres d’accueil et de guidage dans les villages.
Les emplois créés par le développement touristique (métiers de restauration,
de guidage et de promotion…) sont des gages d’amélioration de la situation
économique par des taxes de visites et les dépenses des touristes sur place
(achats de souvenir). Pour mieux impliquer les populations dans cette nouvelle
approche de gestion qui contrariait l’ancienne méthode basée sur la répression,
plusieurs actions ont été engagées. Certaines ont été entreprises pour faire la
publicité du parc (panneaux d’affichage posés par les villageois eux-mêmes à
l’entrée de chaque village), d’autres pour soutenir les activités de reboisement
des mangroves et ainsi restaurer les zones dégradées, mettre en place un cadre
de collaboration entre la direction du parc et les populations riveraines par
la création d’organisations villageoises (FADA, EVASS), prendre en compte
les sites sacrés adorés dans le parc, inciter les planteurs infiltrés dans le parc à
l’abandon de leurs plantations, décourager les coupeurs de bois de chauffe et
244 de bois d’œuvre dans le parc en les associant aux cellules villageoises d’accueil
ÉCOTOURISME DANS LE PARC NATIONAL DES ÎLES ÉHOTILE (PNIE)

touristique, soutenir les unités artisanales de transformation d’huiles végétales,

LOBOGNON JACQUES DOBÉ & NAKOUMA SAKO


multiplier les patrouilles mixtes associant des agents des eaux et forêts et des
villageois de l’équipe EVASS pour dissuader les récalcitrants. Toutes ces actions
avaient pour finalité de rendre le parc attractif au double plan environnemental
et socioculturel dans le cadre de la promotion écotouristique et d’améliorer le
niveau de vie des populations par les effets financiers induits de cette activité.
Une décennie après la mise en œuvre de ce projet, les résultats escomptés
n’ont pas été atteints. Le parc malgré son caractère insulaire, reste soumis à des
fortes pressions de la part des villageois qui ne disposent pas de terres arables
dans le domaine rural. L’implication des populations dans la mise en œuvre
du programme de développement de l’écotourisme n’est pas effective compte
tenu de l’insuffisance de ses retombées sociales. Non seulement le caractère
contraignant de certains aspects du projet n’a pas permis une adhésion populaire,
mais plusieurs activités ont été interrompues ou momentanément arrêtées
faute de moyens ou de suivi régulier. En dépit de l’appui financier apporté
par le WWF et l’ambassade du Royaume Uni, les actions de développement
socio-économique sont noyées dans l’océan des besoins des communautés
locales. Les populations, divisées par le conflit foncier (conflit de propriété
du parc entre Éhotilé et Essouma) sont non seulement frappées par la baisse
de la production halieutique, principale source de revenu des habitants, mais
également désemparées par la rareté des terres cultivables. Le projet WWF se
retrouvant également menacé, quelles peuvent être cependant les perspectives
pour un écotourisme durable, la sauvegarde du PNIE et le développement
socio-économique des populations riveraines ?

Les perspectives
L’expérience WWF a présenté ses limites mais également certains acquis.
Il convient donc de revoir les conditions du développement de l’écotourisme
et des microprojets de développement économique et social. Les nombreuses
potentialités du parc et de ses environs peuvent probablement être mieux
exploitées dans le cadre d’une meilleure stratégie d’aménagement du territoire
et de développement durable ?
Les limites du projet se sont révélées non seulement au niveau des potentialités
touristiques du parc, mais également de la mise en œuvre du projet avec les
populations riveraines. Le parc n’est pas encore suffisamment riche au plan
de la diversité floristique et faunistique pour soutenir un écotourisme rentable
pour l’État comme pour les populations locales. Il a besoin d’être enrichi par
des apports extérieurs et doit constituer un ensemble continu intégrant une
partie du plan d’eau lagunaire à l’intérieur de laquelle les espèces halieutiques
devront être protégées. Les communautés riveraines ne sont pas suffisamment
impliquées dans le projet qui non seulement est peu connu des habitants, mais
surtout n’intègre pas la majorité des actifs dans les activités de développement
socio-économique. Par ailleurs, les deux principales communautés riveraines,
Éhotilé et Essouma, restent opposées dans un conflit d’appropriation du parc 245
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

qui gène l’adhésion de tous. Les acquis sont divers. Outre les potentialités
réelles, diversité biologique, richesse culturelle et artistique de l’environnement
humain, un certain nombre de structures comme les EVASS et les AVIGREN
ont été déjà créées et peuvent être améliorées pour la sauvegarde du parc et
le développement durable. Les populations interrogées voient d’un bon œil la
mise en place du projet WWF et espèrent beaucoup des perspectives d’emplois
miroitées à l’occasion des projets d’aménagement du parc et du développement
touristique. Les leaders des micros-projets dans les 11 villages bénéficiaires
souhaitent le renforcement des actions de suivi et de formation des acteurs
pour favoriser leur appropriation. La FADA, fédération des AVIGREN du
département, a permis d’harmoniser les actions de chaque association et de
recenser les difficultés pour les porter aux promoteurs du projet. Les villageois
espèrent beaucoup aussi de cette autre voie de développement proposée, car il
garde un bon souvenir des périodes fastes du tourisme à Assinie dans les années
1980, leur permettant alors de vendre à des prix avantageux auprès des hôtels
certaines productions locales. Les différents groupes sociaux ont aussi salué
l’avènement du projet qui a permis de renouer le dialogue entre les Éhotilé et
les Essouma au sujet du parc, les jeunes Éhotilé et Essouma menant de pair
des patrouilles de surveillance nocturne et des campagnes de sensibilisation
dans les villages riverains du parc. Enfin, des travaux d’aménagement ont été
effectués dans le cadre d’un projet pour rendre le parc plus opérationnel : trois
débarcadères construits (île Balouaté et île Assoko-Monobaha), réaménagement
du sentier botanique du sud de l’île Assoko-Monobaha, supports publicitaires
autour du parc pour le faire connaître au grand public. Il faut enfin souligner
que le complexe hôtelier d’Assinie, un des hauts lieux du tourisme balnéaire,
constitue aussi un acquis à proximité du parc.
Avec les perspectives d’érection du parc en site RAMSAR (1971, Convention
pour la conservation et l’utilisation rationnelle des zones humides et de
leurs ressources), et la recherche d’un développement et d’un écotourisme
durables, s’impose donc aujourd’hui, pour la région et pour le parc, un
plan d’aménagement du territoire et de développement durable. Il s’agit de
parvenir avec l’écotourisme à une meilleure occupation de l’espace, à une
exploitation durable des ressources naturelles et de toutes les potentialités
du parc et des environs. Selon un rapport commun de l’OMT (Organisation
mondiale du tourisme), et du PNUE (Programme des Nations Unies pour
l’environnement) de 2001 relatif à l’aménagement des parcs nationaux et des
zones protégées par le tourisme, l’écotourisme par ses caractéristiques propres
est non seulement un facteur important de développement économique
mais aussi un instrument de conservation du milieu naturel lorsqu’il est
correctement planifié, développé et géré.
En Côte d’Ivoire, l’aménagement et la valorisation des parcs nationaux et des
réserves par le tourisme et notamment par l’écotourisme est un axe prioritaire
du plan national environnemental et du programme-cadre de gestion des aires
protégées pour le financement des programmes de conservations des PNR et
246 l’amélioration des conditions de vie des populations rurales riveraines.
ÉCOTOURISME DANS LE PARC NATIONAL DES ÎLES ÉHOTILE (PNIE)

Le parc national des îles Éhotilé avec ses atouts naturels, historiques et

LOBOGNON JACQUES DOBÉ & NAKOUMA SAKO


socioculturels exceptionnels pour le développement de l’écotourisme a besoin
de trouver sa place dans une politique intégrée d’aménagement du territoire
et de développement durable avec un niveau régional (le Sud Comoé), un
niveau départemental (Adiaké), et un niveau local (le pays Éhotilé et Essouma
et le PNIE). Le renforcement des actions de développement initiées dans
le cadre du projet WWF, la création d’équipements et d’infrastructures
socio-économiques dans les villages riverains et la résolution des tensions
interethniques (Éhotilé et Essouma) pour permettre la participation effective
de tous, devraient améliorer les conditions de vie des populations riveraines
et la conservation de l’intégrité du parc.

Conclusion
La protection et la conservation de l’intégrité physique de l’écosystème du Parc
national des îles Éhotilé présentent des enjeux économiques, sociaux, culturels
et environnementaux. En effet, si l’État et les administrateurs du parc visent
la préservation des ressources naturelles et la sauvegarde de l’environnement,
les communautés locales riveraines cherchent avant tout à satisfaire leurs
besoins essentiels notamment alimentaires, énergétiques et d’habitat. Face à la
dégradation continue du parc sous l’effet des actions anthropiques qui détruisent
les habitats naturels, appauvrissent la biodiversité, la politique nationale de
gestion de ces patrimoines et son bilan posent le problème des perspectives
de préservation et de mise en valeur des patrimoines naturels dans une vision
globale d’aménagement du territoire et de développement durable. En effet,
au-delà même du PNIE, c’est le problème de l’intégration des politiques de
développement durable, de conservation et de valorisation des aires protégées
que l’État devra promouvoir pour réussir à concilier le développement socio-
économique des populations riveraines et les contraintes de sauvegarde des
ressources naturelles des aires protégées.

Références
ABLA E. K., 2001. Apport de la télédétection satellitaire à la gestion intégrée du littoral :
cartographie de l’occupation du sol des îles Éhotilé (Lagune Aby – Côte d’Ivoire), mémoire de
DEA de Géographie, Université de Cocody Abidjan, 76 p.
AKE, A., 2002. Flore de Côte d’Ivoire ; catalogue systématique, biogéographie et écologique, tome
II, Boissiera 58, Conservatoire et jardin botanique de Genève, Suisse, 410 p.
ASSAHOU A., BAKAYOKO I., ESSIEN K. R., KALÉ G., SACCA S. B., 1983. Avant
projet d’aménagement intégré du parc national des îles Éhotilé, mémoire de fin d’études de
l’IAB-Institut agricole de Bouaké, 92 p.
BONNY K. E., 1989. Monographie des parcs nationaux et réserves analogues de Côte d’Ivoire,
doctorat de 3 ième cycle, Université de Montpellier III, 314 p,
CAPINE, 2003. Quinzaine de l’environnement : description du circuit de la visite de terrain du
PNIE, Abidjan, 21p. 247
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

CHANTRAINE, J.M., 1980. « La lagune Aby (Côte d’Ivoire). Morphologie,


hydrologie, paramètres physico-chimiques », Documents scientifiques du CRO, Abidjan,
vol. XI, n° 2, p. 35-80.
DIENOT J., 1981. L’impact du complexe touristique d’Assinie (Côte d’Ivoire) sur le milieu local,
régional et national, doctorat de 3 ième cycle de Géographie, Université de Paris VII
Vincennes, 722 p.
DPN, 1996. Étude pour le renforcement de la protection et l’aménagement du Parc national des îles
Éhotilé. Aspects socio-économiques, Abidjan, 33 p.
GUILLAUMET et ADJANOHOUN, 1971. La végétation de la Côte d’Ivoire, Paris
ORSTOM, 391p.
KOUASSI K. S., 2001. Populations riveraines et cogestion des espèces fauniques autour du parc
national de TAÏ : Cas du secteur Est, mémoire de maîtrise de Géographie, Université de
Cocody Abidjan, 146 p.
LEQUIN, M., 2001. « Écotourisme et gouvernance participative », Sainte-Foy, Revue
Écotourisme, n° 38, Presses de l’Université du Québec, p. 48-53.
MARTIN S. (GTZ), 2000. Codes locaux pour une gestion durable des ressources naturelles. Recueil
des expériences de la coopération technique allemande en Afrique francophone, Eschborn, 241 p.
Ministère de l’Environnement et du Tourisme, 1995. Plan d’action environnemental de la
Côte d’Ivoire : 1996-2110, document final, 46 p.
Ministère de l’Environnement, de l’eau et de la forêt, 2000. Monographie de la diversité
biologique de la Côte d’Ivoire. Abidjan, 273 p.
OMT et PNUE, 2002. Sommet Mondial de l’Écotourisme : rapport final, Madrid, World
Tourism Organization, 150 p.
PNAE-CI, 1994. Plan National d’Action pour l’Environnement de Côte d’Ivoire : livre blanc de
l’environnement en Côte d’Ivoire, tome 1, Abidjan, 179 p.
POLET, J., 1988. Archéologie des îles du Pays Eotile (Lagune Aby, Côte d’Ivoire), Thèse de
doctorat d’État, Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, 3 volumes, 624 p. et
1 volume de documents.
SEZA, F.J., 2002. Projet de gestion communautaire des ressources naturelles du parc national des îles
Éhotilé, WWF, rapport interne, 32 p.
TARDIF, J., 2003. « Écotourisme et développement durable », VertigO-La revue en
sciences de l’environnement sur le Web, vol. 4, n° 1, mai, 20 p.
TOURE, M., 2000. Rapport de l’atelier de planification du projet de gestion communautaire des
ressources naturelles autour du PNIE, Abidjan, 24 p.
TOURE, M., 2001. Rapport sur l’élaboration d’un programme de développement de l’écotourisme
autour du PNIE, Abidjan, 20 p.
WWF, 1994. Monographie des parcs nationaux de Côte d’Ivoire, document 5, 35 p.
WWF et AKE A., 2003. Étude floristique des îles Éhotilé, rapport d’activité au
premier semestre.

248
LA PROBLÉMATIQUE DE LA GIZC EN CÔTE D’IVOIRE

N’GUESSAN KABLAN & PATRICK POTTIER


La problématique de la gestion intégrée des
zones côtières (GIZC) en Côte d’Ivoire
N’Guessan Hassy Joseph KABLAN1, Patrick POTTIER2
1
Institut de Géographie Tropicale, Université de Cocody Abidjan (Côte d’Ivoire)
2
LETG (UMR 6554 CNRS), laboratoire Géolittomer, Institut de Géographie et
d’Aménagement Régional de l’Université de Nantes (France)

Le littoral de la Côte d’Ivoire présente de multiples particularités qui en font


un espace géographique à part. À l’interface entre la terre et la mer, il est de
fait original, tant du point de vue de la richesse et de la biodiversité unique de
ses milieux naturels, que par l’ampleur et l’intensité de la pression humaine
qui s’y exerce. Or, à l’image de ce qui se passe à l’échelle du monde depuis
plusieurs décennies, son évolution est marquée par des déséquilibres de plus en
plus nombreux, des dégradations de plus en plus évidentes, dont les moteurs
principaux de changements vont, pour un grand nombre, dans le sens d’une
densification de la présence de populations et d’activités et d’une intensification
de l’utilisation des ressources du littoral.
Depuis le début du siècle dernier, l’éveil de la société aux atouts du littoral
s’est manifesté par l’exploration, l’exploitation et l’utilisation de son domaine
maritime : le large, les fonds et les espaces côtiers. La zone côtière s’est révélé
être le cadre privilégié d’un aménagement économique dense et complexe où se
côtoient les sites d’habitats résidentiels et précaires en relation avec les activités
halieutiques et aquacoles, portuaires et maritimes, touristiques et extractives
(pétrole, mine et sable). Son pouvoir attractif s’est exercé sur une population
venue prioritairement du secteur continental de son arrière-pays national et sous
régional, mais aussi d’outre-mer. Ces activités sont nées, se sont développées et
densifiées le plus souvent aux dépens de la nature et au rythme des besoins des
populations et des aspirations des autorités politiques et administratives. Son
corollaire est la dégradation puis la déstabilisation de l’environnement côtier
s’accompagnant parfois d’une lutte pour l’espace vital des activités dont les
conflits d’usage sont une des expressions.
Pour l’heure, la gestion durable des ressources du littoral ivoirien nécessite une
démarche globale et partenariale des territoires côtiers, s’appuyant à la fois sur
des projets locaux, des politiques nationales et régionales. Car la juxtaposition 249
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

des approches individuelles souvent contradictoires ne saurait produire une


régulation efficace. Ainsi, depuis 1969, la Côte d’Ivoire a adhéré à de nombreux
accords, traités et conventions dans le domaine de l’environnement côtier tout
en développant des capacités institutionnelles et juridiques viables. Il apparaît
toutefois que depuis quelques années, la pérennisation des activités sur le
littoral ne pourra trouver une réponse adaptée que dans la mise en œuvre d’un
programme de Gestion intégrée des zones côtières (GIZC).

La Côte d’Ivoire et les principes fondamentaux de protection,


d’aménagement et de gestion du littoral
Le littoral ivoirien représente une opportunité pour les acteurs économiques
qui y exercent leurs activités et les sociétés qui y vivent, mais il devient également
une préoccupation légitime pour les gestionnaires de l’espace.
Les problèmes qui s’y posent sont ceux de la pérennisation des activités face
aux agressions quelquefois d’origine naturelle, mais le plus souvent d’origine
humaine. Devant l’ampleur des dégradations des zones côtières observées
à l’échelle mondiale, la communauté internationale a pris des mesures
préventives à travers l’émergence de principes fondamentaux de protection,
d’aménagement et de gestion des littoraux. L’importance de la dimension
environnementale dans les critères de choix d’aménagement est une nécessité
vitale pour les économies développées et en développement. À l’instar de la
plupart des pays soucieux de leur avenir, le gouvernement ivoirien s’en est fait
l’écho au plan national en mettant en place un cadre juridique et institutionnel
pour servir de référent aux acteurs économiques privés et aux sociétés littorales.
Cependant, dans la pratique, la législation en vigueur n’est pas respectée. Le
volet environnemental est ignoré dans les projets de développement exposant
les activités et les populations aux risques.
S’inscrire dans la perspective d’un développement durable
Les principes de protection, d’aménagement et de gestion des ressources
naturelles qui constituent les systèmes côtiers générateurs de biens et de services
doivent être gérés de manière à fournir des profits durables aux usagers et aux
générations futures. Ils sont générés par les fondements du développement
durable des activités sur le littoral.
La zone côtière est un système à ressource dominante qui nécessite des
approches organisationnelles de gestion assez particulières. Elle désigne
« l’espace géographique portant à la fois sur la partie maritime et la partie terrestre du rivage,
intégrant les étangs salés et les zones humides en contact avec la mer » (Le Pensec, 2001).
Aucune coordination n’était prévue entre chacune de ces composantes, et les
conséquences néfastes de l’éclatement actuel des centres de décision et de
la multiplicité des intervenants s’appuyant sur des procédures complexes et
spécifiques ont été maintes fois dénoncées.
Cette situation n’est pas propre à la Côte d’Ivoire et c’est la raison pour
laquelle une gestion intégrée de ces zones est préconisée. Il s’agit de réaliser
250 leur aménagement et leur utilisation durable en prenant en considération
LA PROBLÉMATIQUE DE LA GIZC EN CÔTE D’IVOIRE

le développement économique et social lié à la présence de la mer, tout en

N’GUESSAN KABLAN & PATRICK POTTIER


sauvegardant, pour les générations présentes et futures, les équilibres biologiques
et écologiques de ces zones ainsi que leurs paysages.
Le développement durable (ou soutenable) qui implique une GIZC
(Rolland, 2005) cherche à concilier développement économique et protection de
l’environnement au service des sociétés littorales. L’environnement, l’économie
et le social sont les trois sommets du triangle dynamique du développement
durable. Cela suppose une coordination dans la définition des objectifs et
dans le travail de tous les intervenants : collectivités locales, services de l’État,
partenaires économiques, experts et populations.
La gestion des ressources sur le littoral peut aussi être assimilée à un modèle
à rétroactions dont le but recherché est le développement durable des régions
littorales. Le moteur du système est la GIZC et le mécanisme de guidage est
représenté par l’acteur local, l’État et l’organisation internationale. Le but
atteint est celui observable dans l’espace et le but recherché le développement
durable des régions littorales. Lorsque les marques spatiales des activités
humaines produisent des effets pervers, les rétroactions négatives créent ou
amplifient les risques d’érosion, de pollution, d’inondation ou de mise en
danger des ressources sur le littoral (perte de biodiversité, concurrence spatiale
exacerbée, exclusion sociale…). En l’absence de GIZC ou d’un système de
guidage efficace, le résultat atteint s’écarte de celui recherché. La boucle de
la rétroaction peut aboutir à l’altération, voire la disparition des ressources.
Cependant, si des mesures de corrections adéquates sont entreprises dans le
cadre d’une GIZC, les résultats des actions menées par les groupes d’acteurs
vont dans le sens d’un développement durable. L’écart entre but recherché et
atteint disparaît, la rétroaction est positive et la boucle de rétroaction favorise
la conservation, voire le développement des ressources sur le littoral au profit
des générations présentes et futures (figure 1).
Ce modèle systémique permet de comprendre comment continuer à exploiter
les ressources des océans et de la bande côtière tout en laissant aux espèces et
aux milieux naturels le temps d’être protégé et de se renouveler, ou encore,
comment ne pas affecter les stocks, préserver les grands équilibres sociaux,
culturels et économiques et assurer ainsi à l’humanité un développement
durable. À l’instar des autres pays ayant pris conscience de ces enjeux, la
Côte d’Ivoire essaie de maîtriser ses ressources littorales et de contrôler le
développement des effets pervers. Pour cela, elle tente de mettre en place deux
outils méthodologiques, d’un côté une organisation administrative et, de l’autre,
une organisation spatiale du littoral par une approche multiscalaire.
La coopération internationale à travers les agences spécialisées des Nations Unies
Le regain d’intérêt de la communauté internationale pour l’environnement
depuis le début des années 1980 se traduit par le fait que sa prise en compte
dans les politiques de développement économique et social est devenue
une nécessité, aussi bien pour les gouvernements, les collectivités locales
que pour les entreprises qu’elles soient industrielles, commerciales ou de 251
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

service. Cette intégration du volet environnemental dans tout projet de


développement se justifie par l’existence de relations fortes et étroites entre
les objectifs de développement et de rentabilité d’un côté et les exigences
de protection de l’environnement de l’autre.
La Côte d’Ivoire dispose d’instruments juridiques internationaux
contenus dans les normes conventionnelles qu’elle a intégrées dans son
ordre interne et dans le droit positif ivoirien. Ce droit compte divers textes
régissant la sécurité de la navigation maritime fondée sur le code de la
marine marchande. La Convention des Nations Unies de 1982 sur le Droit
de la mer dite de Montego Bay réaffirme le principe de la liberté des
mers. Cette convention, ratifiée par la Côte d’Ivoire, lui fait obligation de
définir un concept de surveillance des côtes reposant sur la protection des
ressources naturelles, la protection et la préservation de l’environnement
marin et la sauvegarde des personnes et des biens.
Figure 1 – Modèle de rétroaction appliqué au système de gestion
des zones littorales

Rupture / déséquilibre
Ressources littorales

Besoin de
régulation

Cœur du
GIZC
Rétroactions négatives

système
Rétroactions positives

Mécanisme Acteurs locaux, État


et organisations
de guidage
internationales

Actions économiques
Niveau observé et environnementales
atteint des décideurs et opérateurs
locaux
P. POTTIER, A. KANGAH

Développement durable
But recherché des régions littorales Équilibre
de Côte d'Ivoire

252
LA PROBLÉMATIQUE DE LA GIZC EN CÔTE D’IVOIRE

N’GUESSAN KABLAN & PATRICK POTTIER


Les objectifs de conservation et d’amélioration des écosystèmes
font appel à la capacité de planification stratégique des États. Or, les
problèmes environnementaux se posent à l’échelle mondiale (effet de serre,
réchauffement climatique) et portent sur les dégradations des écosystèmes
marins et côtiers qui nécessitent une approche intégrée. Ceux-ci concernent
les surexploitations des ressources biologiques (pillage irresponsable et
clandestin), l’érosion côtière, les pollutions diverses et notamment par les
hydrocarbures ou celles à l’image du déversement illégal des déchets nuisibles
(déchets toxiques essaimés sur plusieurs sites à Abidjan à partir du Probo Koala
en 2007). Face à ces problèmes, très souvent, le discours politique ne rime pas
avec l’action sur le terrain, soit par manque de moyens de surveillance, soit
par la non-application des textes sur les sanctions applicables aux coupables
des préjudices commis.
Constatant la faiblesse des moyens mis en œuvre par les États et parfois
l’absence de politique en la matière, les agences des Nations Unies (UNESCO,
ONUDI, FAO, UNEP, etc.), la Banque Mondiale, des Organisations
non gouvernementales (ONG) dont l’IUCN-International union for the
conservation of the nature and natural ressource- et des organismes comme
l’USAID ont décidé de mettre en place des programmes destinés à la formation
portant sur la GIZC.
En juin 1992, le Sommet de la terre à Rio de Janeiro (Brésil) a donné à la
gestion intégrée sa vraie légitimité à l’échelle internationale, notamment par
le chapitre 17 de l’agenda 21, consacré à la « Protection des océans et de toutes
les mers, y compris les mers fermées et semi-fermées, et des zones côtières et protection,
utilisation rationnelle et mise en valeur de leurs ressources biologiques » (Nations Unies,
www.un.org). La Conférence des nations unies pour l’environnement et le
développement (CNUED) a adopté une déclaration sur les océans demandant
aux nations du globe de lutter contre la dégradation de l’environnement
marin, de développer et accroître le potentiel de ressources marines pour
répondre aux besoins nutritionnels des hommes, et de promouvoir la
gestion intégrée et le développement durable de l’environnement marin et
des mers côtières.
La mise en œuvre de la déclaration de la CNUED sur les océans à l’échelle
sous-régionale
Depuis sa création en 1972, la CNUED a aussitôt adopté un plan d’action
afin de combattre, entre autres problèmes, la pollution des mers. Il s’agit de
mettre en œuvre des programmes et des plans coordonnés à l’échelle régionale.
En juin 1981, se tenait à Abidjan, la Conférence des plénipotentiaires sur la
coopération en matière de protection et de mise en valeur du milieu marin
et des zones côtières de l’Afrique de l’Ouest et du Centre. Les douze États
participants y adoptaient un plan d’action et deux instruments juridiques :
la Convention relative à la coopération en matière de protection, de mise en
valeur du milieu marin et des zones côtières de la région, et le Protocole relatif
à cette coopération en cas de situation critique. 253
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

Pour atteindre les buts ainsi déclarés, cinq pays d’Afrique centrale et
d’Afrique de l’Ouest, le Cameroun, le Nigeria, le Bénin, la Côte d’Ivoire,
et le Ghana, auxquels s’est joint plus tard le Togo qui partagent les eaux
internationales et les ressources vivantes qui s’y trouvent, ont accepté
en 1992 d’initier un projet régional intitulé « Lutte contre la pollution de
l’eau et préservation de la biodiversité dans le grand écosystème marin du golfe de
Guinée « (Adam, 1998).
L’objectif du projet est de développer une approche régionale effective
pour résoudre les problèmes communs (transfrontaliers) de la pollution
de l’eau et de la dégradation critique des habitats, incluant la perte de
diversité biologique. La démarche adoptée est celle de la planification
stratégique à trois étapes dans la mise en œuvre d’une GIZC. L’évaluation
de la dégradation de la zone côtière effectuée par des intervenants internes
et externes soutenus par des ONG locales, et la stratégie et les opérations
menées par les institutions nationales impliquées dans la GIZC, devront à
terme aboutir à une amélioration de l’environnement.
À la première réunion du groupe de travail en août 1995, il a été reconnu
que l’approche de la gestion intégrée des aires côtières mettant l’accent sur une
participation intersectorielle et multidisciplinaire était la voie la plus rationnelle
pour atteindre les objectifs du projet. Conformément à l’approche régionale,
l’accent est mis sur l’élaboration d’un ensemble de politiques et de stratégies
régionales communes comme un cadre conceptuel d’où les plans nationaux de
gestion intégrée des aires côtières pourront puiser leur inspiration.
Le Plan national d’action environnemental (PNAE)
La CNUED a attiré l’attention sur le renforcement des compétences et
permis par la suite l’élaboration de l’Agenda 21 national dans chaque pays. Elle
a mobilisé des équipes pluridisciplinaires, surtout dans les zones côtières où
une telle approche est essentielle pour comprendre la nature des problèmes de
développement côtier et le choix à faire pour les mesures de gestion.
Sur recommandation et financement extérieur, le ministère ivoirien de
l’environnement a rédigé et adopté en 1994 le PNAE. Il vise surtout à faire le
diagnostic global des principales interventions en matière de développement et
d’aménagement y compris dans la zone côtière pour en évaluer la pertinence au
regard de la situation économique de crise persistante que vit le pays. Ce plan
essaie de relever les perspectives de développement du secteur marin et côtier
qui représente une contribution importante à l’économie du pays et une source
non moins importante de revenus pour de nombreuses populations. La mise
en œuvre des textes permettra d’aborder un nombre important d’éléments très
variés de l’environnement.
Le PNAE a porté un intérêt particulier au littoral à travers quatre de ses
dix programmes-cadres. Ceux-ci concernent la biodiversité sur certains sites
particuliers (forêts côtières, parc national d’Azagny, parc des îles Éhotilé, golfe
de Guinée), la gestion des espaces littoraux (cartographie, écosystème lagunaire,
254 veille écologique, protection contre l’érosion littorale, lutte contre la destruction
LA PROBLÉMATIQUE DE LA GIZC EN CÔTE D’IVOIRE

des mangroves), la lutte contre les pollutions littorales et la gestion intégrée de

N’GUESSAN KABLAN & PATRICK POTTIER


l’eau (implantation de réseaux d’observation sur le littoral et développement
intégré du système lagunaire).
La politique environnementale nationale
La gestion du littoral, comme celle du territoire dans son ensemble, est du
ressort de l’État depuis le discours d’Houphouët-Boigny en 1964 à Daloa,
dans lequel il a mentionné entre autres que « la terre appartient à celui qui
la met en valeur ». Ce discours a pris la forme d’une loi dans la conscience
collective jusqu’au 23 décembre 1998 où la loi sur la propriété foncière
stipule que la terre appartient à l’État qui peut en confier la gestion à une
personne physique de nationalité ivoirienne généralement un pouvoir local
(administration, chefferie).
Mais, de quels moyens dispose aujourd’hui l’État ivoirien pour faire appliquer les
décisions prises dans les instances internationales, régionales et nationales ?
L’État, principal acteur public
Les acteurs publics se composent de l’État, à travers ses ministères techniques
et de quelques structures étatiques de gestion.
L’État est le premier responsable administratif des politiques intégrées
de gestion de la pollution en Côte d’Ivoire à travers le ministère de
l’Environnement, de l’Eau et des Forêts (MINEEF). Il élabore la politique
nationale de l’environnement et veille à sa mise en œuvre. Il assure la protection,
la conservation et la gestion de l’environnement et du milieu aquatique, ainsi que
l’application des lois établies en ce qui concerne les eaux, la gestion de l’eau en
préservant la qualité de ses sources, en évitant le gaspillage et en accroissant la
disponibilité. Quelques directions du ministère comme celles de la planification
et de l’évaluation (DPE), des politiques et des stratégies de l’environnement
et de la coopération (DPSE), du cadre de vie (DCV) et de la protection de la
nature (DPN), interviennent directement sur les questions littorales.
Pour une cohérence de la réflexion et de l’action environnementale, les
structures étatiques interdépendantes sont organisées autour du ministère
avec des missions spécifiques de gestion de l’environnement. Il s’agit
d’une part des services relevant du ministère de l’Environnement tels le
Service de l’inspection des installations classées (SIIC), le Bureau d’études
d’impact environnemental (BEIE) qui dépend de l’Agence nationale de
l’environnement (ANDE), des laboratoires d’analyse comme le Centre
ivoirien antipollution (CIAPOL), d’autre part, des structures du ressort
du ministère de la recherche scientifique, du Centre de recherches
océanologiques (CRO) et du Laboratoire national d’essais de qualité, de
météorologie et d’analyse de pollution (LANEMA)
Le SIIC a été créé et organisé par l’arrêté n° 1119 du 5 décembre 1991 du
ministère de l’Environnement et du cadre de vie avec pour mission, de faire
respecter les normes de rejet industriel. La gestion de la pollution a été confiée
au SIIC. Ses inspecteurs sont des agents assermentés ayant la qualité d’officier
de police judiciaire dans l’exercice de leur fonction. Leur rôle est d’assurer la 255
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

gestion des pollutions et nuisances de toutes les formes engendrées par les
installations classées. En d’autres termes, le SIIC assure la prévention et la lutte
contre les pollutions (air, eau et sol) générées par les activités économiques.
Le BEIE est un service à la disposition de l’État chargé de mener les études
d’impacts environnementaux dans le cadre de l’implantation de nouvelles
activités économiques. Il s’occupe plus largement de tous les projets de
développement au regard de leurs impacts environnementaux.
Le CIAPOL est un établissement public à caractère administratif créé par le
décret n° 91-662 du 9 octobre 1991. Il est composé de vingt militaires marins et
de trente techniciens formés en chimie organique et alimentaire. Les militaires
assurent la sécurité des agents lors des sorties en lagune et en mer alors que les
techniciens effectuent les prélèvements pour des analyses en laboratoire.
Le CRO est un Établissement public national (ÉPN) à caractère administratif
créé en 1991 par le décret n° 91-646 du 9 octobre 1991. Ses recherches ont
pu s’organiser de façon coordonnée, en fonction des grandes options prises
par le gouvernement ivoirien dans ses plans quinquennaux successifs. La
recherche s’est trouvée réellement mise au service du développement. Il a
pour missions d’effectuer les travaux nécessaires d’une part à la connaissance
de l’environnement aquatique en vue de sa préservation et sa protection, et
d’autre part, à la mise en œuvre d’une exploitation et d’une gestion rationnelle
des ressources aquatiques.
Le LANEMA a été érigé en ÉPIC en octobre 1991 par le décret n° 91-648
du 9 octobre 1991. La volonté affichée par l’État est de faire du LANEMA un
instrument de soutien au programme national de développement industriel et
d’amélioration de la qualité des produits, d’assistance et de conseil auprès des
pouvoirs publics, de soutien à la protection des consommateurs et de formation
et d’expertise au service des opérateurs économiques.
Ainsi, depuis 1980, le pouvoir politique a créé un ministère en charge
de l’environnement pour élaborer une véritable politique de gestion des
pollutions et des risques côtiers (Robin et Hauhouot, 1999). Ce dispositif qui
constitue en quelque sorte le sommet de la prise de décision, est complété
par des établissements publics, mais également par des structures privées qui
représentent une autre composante essentielle du système de gestion.
À ces structures étatiques, on pourrait ajouter d’une part les universités de
Cocody et d’Abobo-Adjamé à travers leurs laboratoires d’analyse des données
sur l’environnement, et d’autre part, le Centre national de télédétection et
d’information géographique (CNTIG) et le Centre de cartographie et de
télédétection du Bureau national d’études techniques et de développement (CCT/
BNETD) pour la cartographie et les systèmes d’informations géographiques.
Les autres acteurs intervenant dans la gestion des risques en Côte d’Ivoire
Les collectivités territoriales ou communales, la Société de distribution d’eau
en Côte d’Ivoire (SODECI), la société civile et les partenaires au développement
sont les autres acteurs qui interviennent dans le sens de la préservation des
256 aménagements sur le littoral par le contrôle sur les risques environnementaux.
LA PROBLÉMATIQUE DE LA GIZC EN CÔTE D’IVOIRE

Les communes littorales disposent chacune d’une structure technique

N’GUESSAN KABLAN & PATRICK POTTIER


chargée de la gestion locale et de la collecte des déchets. Elles ont pour rôle
d’équiper leur cité en stations d’épuration et de construire des infrastructures
de canalisation d’eaux usées. Elles assurent aussi l’entretien des ouvrages
techniques tels les caniveaux et les réseaux d’assainissement locaux.
Cependant, ces communes ne jouent pas véritablement leur rôle par manque
de moyens notamment financiers. Elles estiment que cette tâche incombe à
l’État de Côte d’Ivoire, voire à des structures intercommunales comme celle
du district d’Abidjan.
La SODECI, société franco-ivoirienne, assure la distribution de l’eau potable
ainsi que la gestion du réseau d’assainissement des localités ivoiriennes sous le
contrôle du groupe SAUR (Société d’aménagement urbain et rural). Ce réseau
permet normalement la collecte des eaux pluviales et usées vers la lagune et la
mer, mais les populations l’utilisent parfois comme réceptacle de déchets.
La société civile constitue un mécanisme important du système d’aménagement
urbain et notamment de la gestion de l’espace de vie locale. Elle comprend cent
syndicats, associations et ONG regroupés au sein du ROAED (Réseau des Ong
et associations de l’environnement durable). Elle est représentée au ministère de
l’Environnement, de l’Eau et des Forêts où elle participe à la prise de décisions
communes. Cette société civile a pour fonction de contribuer à la lutte contre
la pollution en sensibilisant et en menant des actions d’informations et de suivi
de la lutte effective sur le terrain. Mais, elle a du mal à jouer son rôle faute de
moyen matériel et financier, à l’exception de quelques ONG et associations qui
mènent une sensibilisation suivie.
La gestion de la pollution en Côte d’Ivoire n’est pas seulement l’affaire
du gouvernement ivoirien et des acteurs nationaux. Des partenaires au
développement y participent en apportant des aides pour subventionner les
recherches et en initiant des séminaires de formation et d’information. Ce
sont généralement les bailleurs de fonds et les organisations internationales.
En 1981, la Banque mondiale a contribué à la construction des réseaux
d’assainissement à hauteur de 10,7 millions de FCFA. En 1993, la BIRD
(Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement) et
la BEI (Banque Européenne d’Investissement) ont financé un projet de
recherche en mer et en lagune, en matière de pollution, à hauteur de 50 %
(Ministère de l’Environnement, 2003).
Dans tous les cas, les acteurs de la politique environnementale en Côte
d’Ivoire sont présents conformément aux grands principes fondamentaux
d’aménagement et de gestion du littoral, sous la forme d’échelles emboîtées,
du mondial au local. Pourtant, nombreuses sont les dispositions prises au
sommet sans être ensuite mises en œuvre dans les faits. Cette situation
n’est pas due à un manque d’intérêt, mais bien à un manque de moyens
financiers et logistiques lié à un contexte politique et économique difficile.
Les dépenses d’environnement sont ainsi différées et les préoccupations
écologiques ont, dans les faits, bien du mal à se faire inscrire au registre
des priorités nationales. L’aide internationale reste à cet effet un recours 257
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

facile souvent évoqué. En juin 2007, les 22 pays africains riverains de


l’océan Atlantique (COMHAFAT) ont demandé une aide à l`Union
européenne pour surveiller leurs côtes et lutter contre les pillages de leurs
ressources halieutiques par des bateaux pirates. Par la voix du ministre
ivoirien de la Production animale qui assure actuellement la présidence de
la COMHAFAT, un projet portant sur la surveillance satellitaire des côtes
maritimes du Maroc à la Namibie a ainsi été déposé.
Cette carence du système de gestion du littoral en Côte d’Ivoire est d’autant
plus dommageable que les problèmes à surmonter sont nombreux.

Les interactions fonctionnelles du système littoral ivoirien


La première pression qui s’exerce sur le littoral ivoirien est démographique.
La densité moyenne dans les départements littoraux était en 1998 de 137
habitants au kilomètre carré, pour une moyenne nationale de 48. Cette densité
représentait une charge anthropique d’environ 5,3 millions d’habitants, soit
pratiquement 35 % de la population nationale sur à peine plus de 13 % de
sa surface (départements littoraux). Et cette pression s’est accrue rapidement
depuis 1998, si bien qu’on peut estimer que le poids démographique des
principales villes du littoral ivoirien est passé de 3,4 millions d’habitants en
1998 à 5,4 millions en 20071, enregistrant ainsi une progression de + 60 %.
La population des départements littoraux représente probablement
aujourd’hui environ 40 % de la totalité de la population ivoirienne, soit quatre
dixièmes de sa population sur un peu plus d’un dixième de son territoire.
Usages et conflits sur le littoral ivoirien
Les usages
Si le littoral est la zone d’implantation de populations autochtones, allogènes
et étrangères, c’est qu’il est avant tout le lieu d’exercice d’activités diverses
dont les principales sont urbaines, industrielles, commerciales et de services,
maritimes et portuaires, halieutiques et aquacoles, agricoles, touristiques et
extractives (sables, mines et pétrole). Toutes présentent sur le littoral un niveau
de développement spectaculaire, souvent bien au-delà de ce qui est observé
dans le reste du pays.
Il en est ainsi du développement urbain qui a progressé partout sur le littoral,
avec des taux souvent exceptionnels de croissance depuis 30 ans (San Pedro
est passé de 31 000 à 150 000 habitants de 1975 à 1998, Dabou de 23 000 à
67 000, Grand-Bassam de 24 000 à 58 000, Bonoua de 17 000 à 44 000). Ce
processus d’urbanisation du littoral a atteint une intensité remarquable dans
l’agglomération d’Abidjan (950 000 habitants en 1975, sans doute un peu plus
de 4 millions d’habitants en 20071) qui, à elle seule, concentre aujourd’hui
plus de 20 % de la population totale du pays, représente 40 % des urbains de
Côte d’Ivoire et regroupe une part essentielle de l’économie nationale (voir
chapitres 4, 5 et 6).

258 1
Estimations IGT, voir page 66
LA PROBLÉMATIQUE DE LA GIZC EN CÔTE D’IVOIRE

Les exigences de cette économie nationale ont nécessité la construction de

N’GUESSAN KABLAN & PATRICK POTTIER


deux ports en eau profonde à Abidjan et à San Pedro, qui sont ainsi venus
renforcer l’importance de la façade maritime dans la géographie de la Côte
d’Ivoire (Kablan, 2000). Alors que les échanges extérieurs de la Côte d’Ivoire
(import/export) représentent 65 % du Produit intérieur brut (PIB), 95 % de
ceux-ci passent par la voie maritime, dont 90 % par le seul port d’Abidjan qui
représente 85 % des recettes douanières du pays. Dans la partie occidentale
du littoral ivoirien, San Pedro, deuxième port du pays, a fait naître une ville,
une région et veut redevenir le grand rêve ivoirien du début des années 1970,
l’épicentre du développement intégré, le tremplin de la croissance au niveau
agricole et industriel.
La pêche et l’aquaculture littorales contribuent également au développement
économique et social aux échelles locale, nationale et internationale. Les impacts
multiples des pêches en termes d’emplois et de nutrition sont des acquis
importants du développement littoral (voir chapitre 3) et doivent être préservés,
car ils participent au développement durable (Koffié-Bikpo, 1997; Anoh, 2007).
Les systèmes de gestion en matière de pêche et d’aquaculture ont permis la mise
en place de réseaux de distribution éprouvés dans l’arrière-pays et participent
à l’amélioration des systèmes agricoles, à la lutte contre l’insécurité alimentaire
et à l’allégement de la pauvreté (Assi-Kaudjhis, 2004). Plus globalement, la
production halieutique de l’espace littoral en 2000 a représenté 70 % de la
production nationale totale, avec près de 80 000 tonnes, et généré un revenu
de 33 milliards de FCFA (Ministère de l’Environnement, 2003). On estime
aujourd’hui que le secteur de la pêche emploie près de 90 000 personnes et en
fait vivre plus de 500 000.
L’agriculture constitue une autre activité essentielle sur le littoral ivoirien,
par les surfaces qu’elle occupe autant que par la main-d’œuvre qu’elle emploie.
Les cultures vivrières y sont minoritaires, avec 25 % des surfaces en cultures,
car les régions littorales de Côte d’Ivoire demeurent l’espace historique des
plantations agro-industrielles de palmiers à huile, hévéas, cocotiers, bananes
et ananas. Pour les premières, le littoral concentre environ 90 % des surfaces
totales en exploitation en Côte d’Ivoire, 85 % pour les deuxièmes, et 80 %
pour les suivantes. La zone littorale fournit par ailleurs près de 80 % de la
production de la banane conditionnée car, comme pour l’ananas, la production
reste très localisée à proximité du port d’Abidjan (moins de 100 kilomètres)
qui assure l’exportation de ces produits fragiles (Hauhouot A., 2002).
Consommatrice de forêt, elle a exercé un pouvoir attractif important autant
sur les populations allogènes qu’étrangères pour poser en définitive l’épineux
problème du foncier.
Depuis 1970, la Côte d’Ivoire a inscrit le tourisme parmi les secteurs de son
développement. Le tourisme balnéaire favorise l’entrée de devises avec l’arrivée
de touristes étrangers qui accroissent les recettes fiscales engendrées par ce secteur
d’activité. C’est aussi un secteur créateur d’emplois tels le petit commerce et les petits
services. La côte ivoirienne est parsemée de sites touristiques encore fonctionnels :
les trois villages vacances à Assinie et Assouindé sur la côte est (le Club Méditerranée, 259
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

Sitour et Valtour) et sur la côte ouest de multiples villages vacances (baie des Sirènes),
des auberges (Dagbego) et des réceptifs hôteliers (Monogaga), des restaurants aux
sites paradisiaques (voir chapitre 7). L’activité touristique avait connu une croissance
exceptionnelle jusqu’en 1999, avec des taux d’accroissement annuel de l’ordre
de 20 %, mais depuis cette date, les problèmes sociopolitiques en Côte d’Ivoire
ont provoqué une baisse significative supérieure à 50 % des arrivées (Ministère de
l’Environnement, 2003). Le tourisme n’en demeure pas moins une activité essentielle
du littoral ivoirien. Tout d’abord parce que les loisirs de proximité au départ de
l’agglomération d’Abidjan constituent toujours un potentiel important de pérennité
de fonctionnement pour ces installations touristiques, mais aussi parce la perspective
d’embellie politique représente un réel espoir pour l’avenir. Le potentiel d’attractivité
du littoral ivoirien est en effet d’un niveau international reconnu et il semble donc
que seul le contexte politique actuel en constitue un frein évident en terme de
développement. La fréquentation des plages a donné naissance à un commerce
florissant le long des différentes voies longeant l’océan. On y trouve invariablement
des motels, des maquis (restaurants africains), les marchands d’objets d’arts... qui se
disputent l’espace avec les cocoteraies ou quelques lambeaux de forêts dégradées.
L’espace littoral ivoirien est également le lieu d’extraction de ressources
naturelles diverses. Outre l’exploitation du bois, qui constitue par le charbon
de bois et le bois de chauffe une source d’énergie vitale dont une grande partie
est absorbée par l’agglomération d’Abidjan, celle du sable occupe une place
importante avec plus d’une trentaine d’exploitants. Mais surtout, la Côte d’Ivoire
est aujourd’hui entrée de plain-pied dans l’ère de la production pétrolière. Selon le
ministère de l’Économie et des Finances (2007), sur les 28 blocs identifiés, 23 ont
déjà été attribués à différents opérateurs. À ce jour, environ 65 % de l’électricité
du pays provient de la cogénération du gaz naturel quand le pétrole ivoirien est
presque totalement exporté en raison de sa très bonne qualité, proche du brent
des pays nordiques européens. La Société ivoirienne de raffinage (SIR), qui traite
actuellement 80 000 barils de pétrole par jour, voit ses résultats s’améliorer d’année
en année. Les ventes de pétrole brut et de produits pétroliers ont rapporté près
de 1 060 milliards de FCFA en 2005. Ces ventes dépassent les exportations de café
et de cacao, tombées à 841 milliards de FCFA, soit 21,3 % du total du commerce
extérieur, contre 26 % il y a 2 ans. Au total, les ventes pétrolières représentent à
présent pour la Côte d’Ivoire 28 % de ses exportations, contre 18,5 % en 2004.
Les conflits
Ces différents usages qui se concentrent sur le littoral sont certes source
d’emplois et de revenus, mais ils sont aussi bien souvent en compétition
pour le sol qui représente leur espace d’implantation et de fonctionnement.
Leur concentration sur un même territoire, tout comme leur développement
anarchique et non maîtrisé, peut donc générer des conflits d’usage et provoquer
des dysfonctionnements et des dégradations susceptibles de compromettre à
leur tour les emplois, les revenus et le legs aux générations futures des ressources
qui ont pourtant contribué à la richesse de ce littoral ivoirien.
Parmi ces conflits qui semblent croissants dans toute la zone littorale
260 ivoirienne, ceux entre la ville et le port sont permanents. Le domaine portuaire
LA PROBLÉMATIQUE DE LA GIZC EN CÔTE D’IVOIRE

est devenu un nœud de lutte pour la conquête de l’espace utile avec la ville.

N’GUESSAN KABLAN & PATRICK POTTIER


Le problème récurrent dans ce contexte est celui des extensions des fonctions
urbaines et portuaires. Les populations autochtones des villages Ébrié d’une
part, et les populations allogènes et étrangères des quartiers précaires d’autre
part, ont vite fait de s’y installer et de causer ainsi des problèmes socio-
économiques de réinstallation, de recasement, et de relogement. Cette forme de
dédommagement injustifiée tire son origine d’une remise en cause systématique
des contrats passés par les générations actuelles entre leurs ascendants et
l’État. À San Pedro, le problème ne se pose pas. L’extension de la ville ne se
fait pas pour le moment en direction du port. Pourtant, les différents plans
directeurs des ports d’Abidjan et de San Pedro ont prévu de l’espace pour
leurs extensions. L’extension spatiale du port à Abidjan et sa configuration
(éclatement de son site en trois parties à Locodjro, sur l’île Boulay et sur les
cordons littoraux) rendent difficile la surveillance à l’intérieur du domaine. Ce
qui explique les actes de malveillance ou de vols de marchandises. C’est le fait
de la ville, mais c’est aussi la nature de l’activité.
À Abidjan, les activités portuaires et touristiques s’opposent également,
notamment à l’île Boulay où des opérateurs économiques ont investi dans
le tourisme sur un site prévu pour l’extension du port. Cette île paradisiaque
appelée aussi Eden City possède des atouts touristiques indéniables, dont les
retombées financières profitent aux transports lagunaires, SOTRA et pinassiers,
mais aussi et surtout aux populations riveraines qui vivent du commerce issu de
cette activité lucrative (guides, restaurateurs, ventes d’objets d’art, etc.).
Plus largement, sur l’ensemble du littoral, les activités touristiques sont
également génératrices de conflits. Entre établissements touristiques eux-mêmes,
lorsque certains opérateurs du secteur utilisent la mer ou l’environnement
immédiat comme lieu d’évacuation des eaux usées et des déchets solides en
provenance de leurs établissements. Cette dégradation se fait bien évidemment
au détriment des établissements voisins, mais elle apparaît surtout de plus en
plus difficile à vivre dans la mesure où le contexte de concurrence est de plus en
plus exacerbé par la promiscuité. Sur certains secteurs littoraux, les installations
se font en effet de plus en plus proches les unes des autres (voir chapitre 7).
Les conflits économiques et spatiaux entre tourisme et pêche à Grand-Bassam,
Assinie et Assouindé apparaissent comme les plus graves, car provoquant des
agressions sur les hommes. Ce sont des sites où le tourisme est bien implanté,
mais également où le partage du plan d’eau est quelquefois conflictuel, les
opérateurs touristiques offrant des activités qui excluent les populations locales
telles la pêche sportive, le ski nautique ou la natation. Quelques rares fois, il est
arrivé qu’on lâche les chiens contre les populations riveraines qui se hasardaient
dans cette enclave interdite, voire aux alentours.
Sur les plans d’eau, les conflits opposent également les pêcheurs qui sont
généralement des allogènes et les populations autochtones. Ces conflits de
la pêche traditionnelle sont des épiphénomènes dont les manifestations sont
quelquefois violentes et la procédure de règlement à l’amiable. « Ils trouvent leurs
explications dans l’appropriation de l’espace par les pêcheurs étrangers, dans des pratiques 261
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

rituelles étrangères aux populations autochtones, dans des mauvaises pratiques de pêche,
dans la destruction du matériel de pêche, dans la compétition à la ressource sur des zones de
pêche restreintes » (Koffié-Bikpo, 2001). Plus grave sans doute, c’est sur le plan
d’eau maritime que se joue une concurrence aux conséquences autrement plus
préoccupantes. Certains chalutiers de la pêche industrielle pratiquent leur activité
dans des zones réservées à la pêche traditionnelle (bande des 2 milles). Plus au large,
les eaux de la Zone économique exclusive (ZEE) sont abusivement exploitées par
des bateaux pirates d’origine étrangère qui pillent près de 40 % des ressources
Figure 2 - Matrice des interactions entre les activités/les aléas naturels et leurs effets
sur les ressources du littoral en Côte d’Ivoire

financement et organisationnel)
Activités

Submersion / inondation
anthropiques

institutionnel (y compris
Pêche et aquaculture
et aléas
naturels

Carence du cadre
Port et transport
Urbanisation

Agriculture
Déséquilibres Tourisme
Industrie

Érosion
des principales
ressources du littoral

Pollution des eaux

Dégradation des ressources


aquatiques (y compris rares :
Lamentin, Hypopotames pygmés...)

Dégradation des milieux


naturels remarquables
(forêt, mangroves,
dégradation des sols)
P. POTTIER, inspiré de PNUE Rapports et études des Mers régionales n° 161, 1995.

Rareté de la terre
dégradation du sol

Fragilisation des populations


riveraines (santé, exclusion
des ressources culturelles)

Ponction excessive sur


les finances locales

Pollution de l'air
(y compris sonore)

Perte d'accès public


au littoral

Types d'interactions : hautement significative significative

activité / aléas sur la ressource

ressource sur l'activité / l'aléas


262
LA PROBLÉMATIQUE DE LA GIZC EN CÔTE D’IVOIRE

halieutiques ivoiriennes (Ministère de l’Économie et des Finances, 2007) et

N’GUESSAN KABLAN & PATRICK POTTIER


pratiquent parfois une pêche destructrice en recourant au chalutage « en bœufs ».
Pour limiter ces abus, le gouvernement ivoirien a été amené à suspendre des
entreprises de pêche étrangères. Le 6 avril 2007, un nouvel «accord de partenariat»
avec l’Union européenne a été conclu, portant sur la pêche et prévoyant à partir
du 1er juillet 2007 un appui financier européen à la Côte d’Ivoire pour développer
ce secteur, éviter les pillages et garantir la sécurité de ses côtes.
Enfin, sur ce littoral aux espaces tant convoités, les conflits opposent
également les plantations agro-industrielles et l’agriculture vivrière. Les petits
exploitants revendiquent la terre occupée par une production d’exportation
dont les revenus sont concentrés. Au départ largement aux mains de l’État,
cette agro-industrie a été concédée à des acquéreurs privés et la terre a ainsi
échappé une nouvelle fois aux populations locales.
L’interdépendance entre les activités et les ressources du littoral explique
pourquoi l’approche sectorielle dans la gestion des régions littorales n’a pas
donné de résultats satisfaisants. Chaque secteur économique produit une série
d’impacts sur les différentes ressources côtières et marines; lorsque ces impacts se
combinent, ils provoquent des problèmes aigus pour les ressources dont dépend
la survie de ces secteurs et causent des conflits entre les intérêts sectoriels.
Les déséquilibres dus aux effets des interactions fonctionnelles
Les interactions entre les activités et les ressources du littoral peuvent
être significatives (figure 2). Les activités peuvent produire des effets sur les
ressources, ou les ressources dégradées peuvent limiter les activités ou encore
les interactions peuvent aller dans les deux sens.
De façon générale, les activités humaines produisent sur le littoral de Côte
d’Ivoire comme sur tous les littoraux du monde des effets qui contribuent
à la dégradation des ressources naturelles, voire leur disparition. Dans la
capitale économique, la pollution urbaine et industrielle se fait chaque jour
plus menaçante (voir chapitre 9). Pour maîtriser les rejets de produits toxiques
ou polluants dilués ou en suspension, le gouvernement a décidé que toute
entreprise devrait désormais établir son propre plan d’intervention en cas
d’accident. En 1981, par une erreur de manœuvre, la Société ivoirienne de
raffinage (SIR) a déversé plus de 400 tonnes de pétrole dans la lagune. Des
kilomètres de berges aménagées de jardins ou marinas et de quais portuaires se
sont trouvés envahis par le mazout. L’opération de nettoyage a coûté 10 millions
de francs Français, soit un demi-milliard de FCFA. Cette marée noire a eu pour
conséquence de montrer concrètement et pour la première fois les menaces qui
pesaient sur le milieu naturel depuis que la Côte d’Ivoire s’était engagée dans
la voie de l’industrialisation. Depuis, les pollutions industrielles sont devenues
chroniques, provoquant notamment la dégradation alarmante de la qualité des
eaux lagunaires. La pollution du système lagunaire Ébrié présente en effet une
menace sérieuse pour son équilibre écologique, pour la santé des populations
riveraines et pour l’économie de la région. La prolifération des maladies
hydriques dans les quartiers populaires d’Abidjan est incontestablement liée 263
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

à la pollution de la lagune qui contamine la nappe phréatique dans laquelle


puisent les populations non raccordées au réseau d’eau potable (Kopieu, 2007).
Dans ces conditions, il devient pratiquement impossible d’envisager aujourd’hui
le développement des activités de loisirs ou celui de l’aquaculture dans des
zones de plus en plus étendues de la lagune.
Au-delà du simple site d’Abidjan, l’ensemble du littoral de la Côte
d’Ivoire est relativement exposé. En mer, la valorisation des ressources
aquatiques reste liée à la préservation de la qualité de l’environnement. Son
atteinte est généralement le fait de l’industrie, mais aussi celui des usages
touristiques. Les populations riveraines déversent dans la mer toutes leurs
ordures ménagères enrichies des produits issus du nettoyage du poisson par
les pêcheurs. Des excursionnistes laissent parfois sur les plages des restes
d’aliments, des épluchures, des balayures, des conserves alors que quelques
opérateurs touristiques manquant de professionnalisme utilisent aussi la mer
comme dépotoir en y évacuant les eaux usées, notamment lorsque leurs
établissements ne sont pas reliés aux réseaux d’assainissement et de collecte
des déchets. Le risque lié aux accidents pétroliers est également très présent.
Les eaux océaniques proches sont un lieu de passage des tankers entre le
sud de l’Afrique et la pointe ouest du continent. Les principaux risques
de pollution par les hydrocarbures, mineurs mais fréquents, proviennent
des vidanges des cargos, vedettes, navires de pêche, etc. Certains navires
procèdent de façon illicite au nettoyage de leur coque et de leurs soutes dans
les eaux territoriales laissant des traces de mazout sur les plages. Le risque
le plus sérieux est sans conteste celui de la rupture d’une des huit conduites
qui passent notamment entre la SIR, la bouée SPM (Single point marine)
de chargement et les champs de production tels « Bélier ». Reste enfin
l’accident majeur d’un abordage par un navire quelconque d’un pétrolier
chargé. Là encore, l’altération des ressources naturelles, eau, faune, flore,
plage, entraîne à son tour le déséquilibre des activités qui s’exercent sur le
littoral, tourisme, pêche et urbanisation.
Ces interactions en chaîne se retrouvent également dans le domaine de
l’agriculture littorale. Son développement ancien sous forme d’une agro-
industrie a accru la pression sur la terre, contribuant à sa rareté et favorisant
sa dégradation suite au lessivage. La concurrence spatiale et l’appauvrissement
des sols ont à leur tour favorisé le défrichement, la déforestation et l’ajout
supplémentaire d’engrais, qui à leur tour ont généré de nouvelles dégradations
environnementales ayant elles-mêmes des conséquences sur les rendements
agricoles, les activités touristiques ou la pêche.
Pour ne rien simplifier, les pressions qui s’exercent sur le littoral ivoirien
ne sont pas exclusivement anthropiques, mais aussi naturelles et, il est
vrai, le plus souvent amplifiées par l’homme. La côte ivoirienne présente
par exemple une érosion côtière due à l’action des vagues, aux glissements
et éboulements de terrain, à l’élévation du niveau de la mer que vient bien
264 souvent renforcer l’action humaine. Les impacts sur le littoral provoquent
LA PROBLÉMATIQUE DE LA GIZC EN CÔTE D’IVOIRE

des reculs importants, surtout dans sa partie sableuse. Dans les secteurs

N’GUESSAN KABLAN & PATRICK POTTIER


d’habitat et d’activité de pêche ou de tourisme, ses conséquences sont
souvent désastreuses (voir chapitre 2). Les inondations et les submersions
représentent un autre risque. Elles ne sont pas récentes sur le littoral de Côte
d’Ivoire, mais l’évolution de leur intensité est inquiétante. Elles sont en partie
dues à l’élévation du niveau de la mer, mais cependant, leur caractère rapide
et catastrophique est le fait d’effets induits par des aménagements littoraux
(digue, barrages, canaux, etc.) ou à l’appauvrissement du stock sédimentaire,
lui-même étant dans toute la partie orientale du littoral ivoirien, le résultat de
l’ouverture du canal de Vridi et de la construction de la digue d’arrêt de la
dérive littorale à Port-Bouët. Dans ce secteur littoral à l’est, les villes ont été
implantées là où la côte est non seulement basse et sableuse, mais également
soumise à des pluies abondantes (plus de 1 500 millimètres de pluie par an).
Le relief n’y offre pratiquement pas de possibilité de ruissellement alors que
la nappe phréatique est à très faible profondeur. Chaque année, les saisons
de pluies sont ainsi des occasions fréquentes d’inondations répétées. C’est
le cas à Grand-Bassam (voir chapitre 12), mais aussi à Abidjan où les sites
de la cuvette d’Abobo comme ceux des vallées de Bonoumin (Cocody) sont
le siège de spectacle désolant d’effondrement d’habitations suivi parfois de
pertes en vies humaines de plus en plus fréquentes ces dernières années (3
morts en mars 2006 et 5 en avril 2006 et plusieurs dizaines de sinistrés). Cette
situation est malheureusement exacerbée par l’absence de réseau de drainage
et, lorsque ce réseau existe, la quasi-absence de curage ou son comblement
systématique par les ordures ménagères.
Ce dernier point illustre bien la complexité d’un système en interaction, où
interviennent une multitude et une variété de facteurs déclenchants (liés au
contexte naturel, mais aussi au développement non contrôlé de l’urbanisation,
à la carence financière et organisationnelle du cadre institutionnel, à l’absence
de conscience collective…), provoquant des effets en chaîne qui eux-mêmes
rétroagissent souvent négativement sur les premiers facteurs déclenchants.
On comprend mieux, dans ces conditions, à quel point une approche de
gestion intégrée des zones côtières est nécessaire en Côte d’Ivoire comme
partout ailleurs.

Les systèmes de gestion et de régulation actuels


Les autorités administratives et politiques ont pris la mesure des risques auxquels
les sociétés et les activités s’exposent en exploitant sans retenue ni contrôle le
littoral national. L’aménagement et la gestion de ce territoire sensible sont soumis
à un certain nombre de textes de base tirés de la loi fondamentale, du code de
la marine marchande, du code de l’environnement, des décrets présidentiels et
arrêtés ministériels, etc. La pérennité des emplois et des activités sur le littoral est
corrélée à leur application tant au niveau national que local. Le gouvernement qui
désigne l’autorité en charge du processus de gestion des régions littorales y joue
un rôle primordial aidé par le secteur privé et le grand public. 265
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

Tableau 1 - Conventions et protocoles ratifiés par la Côte d’Ivoire et pouvant intéresser


les questions littorales
Année de
Conventions et protocoles ratification
. Convention de Londres relative à la conservation de la faune et de la flore à 1938
l’état naturel/1933
. Convention de Londres pour la prévention de la pollution des eaux de la mer
1967
par les hydrocarbures/1954 (amendé en 1962)
. Convention africaine sur la conservation de la nature et des ressources
1969
naturelles ; Alger, 1968 (amendé en 1969)
. Convention de Rio de Janeiro pour la conservation des thonidés de l’Atlantique/1966 1972
. Convention internationale sur la responsabilité civile pour les dommages dus
1975
à la pollution par les hydrocarbures ; Bruxelles, 1969
. Convention de l’UNESCO sur la protection du patrimoine mondial, culturel
1977
et naturel ; Paris, 1972 (1975)
. Convention relative à la coopération en matière de protection et mise en
valeur du milieu marin et des zones côtières de la région de l’Afrique de 1982
l’Ouest et du Centre WACAF, Abidjan, 1981
. Convention relative à la coopération en matière de lutte contre la pollution
1983
en cas de situation critique ; Abidjan, 1981
. Convention Montego Bay — Nations Unies sur le droit de la mer/1982 1984
. Convention de Londres sur la prévention de la pollution des mers résultant
1986
de l’immersion des déchets (amendements 1978, 1980)/1972
. Convention internationale portant création d’un fonds international
d’indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures 1987
(et amendements), Bruxelles, 1971
. Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires
1988
MARPOL ; Londres, 1978
. Convention internationale sur l’intervention en haute mer en cas d’accident entraînant
1986
ou pouvant entraîner une pollution par les hydrocarbures ; Bruxelles, 1969
. Convention relative à la protection de la couche d’ozone, Vienne, 1985
1992
. Protocole de Montréal, 1987 ; Amendement de Londres, 1990
. Convention de Ramsar sur les zones humides d’importance internationale
1993
particulièrement comme habitat d’oiseaux d’eau/1971
. Convention sur la diversité biologique, Rio de Janeiro, 1992 1994
. Convention sur les changements climatiques ; Rio de Janeiro, 1992 1994
. Convention de Bamako sur l’interdiction d’importer en Afrique des déchets
1994
dangereux/1991
. Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontaliers des
1994
déchets dangereux et de leur élimination/1989
. Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore
1993
sauvages menacées d’extinction ; CITES, Washington, 1975
. Lutte contre la pollution de l’eau et conservation de la diversité biologique
1995
dans le Grand écosystème marin du golfe de Guinée ; Vienne, 1992
. Convention sur la lutte contre la désertification dans les pays gravement
1997
touchés par la sècheresse et/ou par la désertification (CCD)/1994
. Convention de Bonn sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la
faune sauvage de 1979, incluant les Memoranda sur les tortues marines de la côte 2003
Atlantique d’Afrique et sur les populations ouest africaines de l’éléphant d’Afrique
. Convention de Rotterdam sur […] produits chimiques et pesticides dangereux
2003
qui font l’objet d’un commerce international/1998
. Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants/2001 2003
266 Sources : Ministère de l’Environnement, 2003 ; Commission européenne, 2006 ; Enquêtes Kablan N. H. J., 2007
LA PROBLÉMATIQUE DE LA GIZC EN CÔTE D’IVOIRE

Le cadre institutionnel et réglementaire

N’GUESSAN KABLAN & PATRICK POTTIER


Au plan international, la Côte d’Ivoire a commencé à ratifier dès 1967
différents traités internationaux, lois, conventions et protocoles d’accord en
relation avec l’environnement. À ce niveau, vingt-six traités abordent des
domaines aussi divers que la protection du patrimoine culturel et naturel, la
pollution et les changements climatiques. Les territoires sont aux échelles
mondiale, continentale, sous-régionale et nationale, l’objectif étant d’augmenter
les moyens de lutte pour circonscrire assez rapidement les espaces polluées ou
à protéger (tableau 1). Ces conventions interviennent dans les orientations et
le contenu de la politique nationale, en l’absence de textes nationaux sur une
matière donnée, la Côte d’Ivoire ayant recours aux dispositions des conventions
internationales (Halle et Bruzon, 2006). Malgré tout, l’application reste difficile
sur le terrain pour plusieurs raisons : le manque de ressources financières,
l’absence des mesures incitatives économiques et de partage des avantages, le
manque de volonté et de soutien politique par des mesures d’incitation, la faible
capacité d’application effective, la pauvreté et la pression démographique, la
méconnaissance par les populations des dispositions des conventions.
Les textes législatifs et réglementaires en matière de gestion de la pollution
en Côte d’Ivoire sont nombreux. Certains sont inclus dans la constitution,
d’autres font l’objet de lois et d’actes administratifs. La constitution approuvée
par référendum les 23 et 24 juillet 2000 contient des dispositions permettant
de protéger l’environnement. Il s’agit des articles 19 du chapitre I et 1 du
chapitre II du titre I. Ces deux articles s’adressent aux personnes physiques
et morales créant des pollutions et nuisances. Ils reconnaissent le droit à un
environnement sain, sa protection et la promotion de la vie constituant ainsi un
devoir pour tous y compris pour les activités économiques.
Plusieurs lois en matière de gestion environnementale et de pollution
du milieu existent. La plus marquante et la plus récente est la loi-cadre
n° 96-766 du 3 octobre 1996 portant code de l’environnement. Cette loi
contient les dispositions préventives et pénales pour une bonne gestion de
l’environnement.
Au titre des dispositions préventives, il est par exemple établi des normes
de rejets d’eaux usées préalablement traitées puis déversées en lagune Ébrié
ou en mer. Ces dispositions figurent au titre V précisément au chapitre I
dans les articles 75, 76, 77, 78 et 79 de ladite loi. Au titre des mesures
pénales, des sanctions sont prévues aux contrevenants aux lois établies.
Elles visent à condamner tous ceux, personnes physiques et/ou morales,
favorisant la destruction du milieu naturel. Toutes ces dispositions sont
contenues dans le chapitre II du titre V, dans les articles 88, 91, 96 et 97.
Le principe «pollueur-payeur» figure au nombre de mesures pénales, que
l’on peut retrouver à l’article 35.5 du titre III et qui stipule que « toute
personne physique ou morale dont les agissements et /ou les activités causent ou sont
susceptibles de causer des dommages à l’environnement est soumise à une taxe et/ou une
redevance. Elle assume en outre toutes les mesures de remise en état ». Ce principe
bien qu’adopté n’est hélas pas appliqué. 267
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

Tableau 2 - Inventaire des principaux textes réglementaires relatifs à la protection de


l’environnement en Côte d’Ivoire

Textes réglementaires Objet

Loi n° 65-425 du 20 décembre 1965


portant Code Forestier et le décret Renforcer le statut de protection des
1 de 1978 transférant certaines forêts parcs nationaux et des réserves
classées dans le domaine rural
Loi n° 95- 553 du 18 juillet 1996 Soutenir le développement
portant Code Minier qui comporte économique et fournir un cadre
2 efficient pour limiter l’impact négatif
des dispositions pour
la protection de l’environnement sur l’environnement
Prendre notamment toutes mesures
destinées à préserver et à protéger
Loi n° 96-669 du 29 août 1996 les environnements, milieux et
3
portant Code Pétrolier écosystèmes naturels, ainsi que la
sécurité des personnes et des biens
Protéger l’environnement naturel
Loi n° 96-766 du 3 octobre 1996 (sol, sous-sol, air, ressource en eau,
4
portant Code de l’Environnement diversité biologique) et humain
Décret n° 96-894 du 8 novembre
1996 déterminant les règles et Mettre en place des règles et
5 procédures applicables aux études procédures applicables aux Études
relatives à l’impact environnemental d’impact environnemental (EIE)
des projets de développement
Décret n° 97-678 du 3 décembre
1997 portant protection de Protéger l’environnement marin et
6 l’environnement marin et lagunaire lagunaire contre la pollution
contre la pollution
Décret n° 98-43 du 28 janvier
1998 portant organisation du plan Organiser le plan d’intervention
7 d’intervention d’urgence contre les d’urgence contre les pollutions
pollutions accidentelles en mer et en accidentelles en mer et en lagune
lagune
Décret n° 98-43 du 28 janvier 1998 Procéder aux installations
8 relatif aux installations classées pour classées pour la protection de
la protection de l’environnement l’environnement
Loi n° 98-755 du 23 décembre 1998 Protéger la ressource en eau et l’utiliser de
9 portant Code de l’Eau façon rationnelle et durable
Décret n° 99-318 du 21 avril 1999 Mettre en place le règlement de police
10 portant règlement de police du Port du Port autonome d’Abidjan
autonome d’Abidjan
Faire l’audit environnemental des
Décret n° 2005-03 du 6 janvier 2005 entreprises et ouvrages, source de
11
portant Audit environnemental pollution

268 Sources : Ministère de l’Environnement, 2003 ; Ministère de l’Intérieur 2006


LA PROBLÉMATIQUE DE LA GIZC EN CÔTE D’IVOIRE

Le pays s’est doté par ailleurs d’un cadre réglementaire régulièrement amendé

N’GUESSAN KABLAN & PATRICK POTTIER


pour tenir compte du contexte conjoncturel, car les problèmes environnementaux
n’ont pas toujours été pris en compte dans les préoccupations de développement
du gouvernement comme dans ceux des acteurs de la vie civile. Le fonctionnement
en la matière s’exécute à travers des décrets de loi pris en conseil des ministres et des
arrêtés interministériels portant modalités d’application des décrets (tableau 2).
Le comité interministériel se compose de nombreux ministères, ministère
de l’environnement et des eaux et forêts, de l’économie et des finances, de la
défense, des mines et de l’énergie, des infrastructures économiques, de l’industrie
et de la promotion du secteur privé, de la production animale et des ressources
halieutiques, de la santé et de l’hygiène publique, des affaires étrangères, de
l’intérieur, des transports et de la communication. La solidarité manifestée au
niveau mondial et sous-régional est effective au niveau national. Au sein dudit
comité, des rencontres multipartites sont régulièrement organisées pour préparer
et analyser les lois et décrets avant les conseils de ministres.
Cet arsenal juridique a l’avantage d’exister, mais force est de constater que sa
mise en application reste encore à construire en partie. En effet, les obstacles
ne manquent pas et sont identifiés par les autorités ivoiriennes elles-mêmes :
« le poids mesuré du ministère de l’environnement face aux ministères aménageurs, ses
moyens financiers et humains modestes […] l’inexistence d’un instrument juridique traitant
spécialement de l’aménagement et de la protection du littoral […] l’absence d’un cadre
spécifique de concertation entre l’État et les collectivités territoriales pour échanger et proposer
des solutions […] la méconnaissance de la réglementation en vigueur, voire la mauvaise
interprétation des dispositions […] la faible mise en œuvre institutionnelle et individuelle de
la réglementation […] » (Ministère de l’Environnement, 2003).
Vers une stratégie de gestion intégrée du littoral ivoirien ?
Le chemin vers la mise en place d’une véritable démarche de gestion intégrée
des zones côtières en Côte d’Ivoire sera encore long. Sans doute devra-t-il passer
au préalable par la définition d’une Stratégie nationale pour le développement
durable (SNDD) et la reconnaissance des questions d’environnement comme
des questions essentielles pour l’avenir du peuple ivoirien. De façon plus
immédiate encore, il apparaît qu’une série de mesures relatives aux ressources
littorales et à leur protection devrait concentrer les efforts à venir, au risque,
sinon, de maintenir une situation de gaspillage et de fragilisation des ressources
littorales lourde de conséquences pour les générations futures.
La maîtrise de la croissance économique et du développement
Le développement économique des espaces littoraux et la forte croissance
démographique qui l’a accompagné se sont produits dans un contexte de
planification et de régulation très limité. L’un des premiers objectifs d’une
gestion intégrée des régions littorales doit être le contrôle de l’occupation du
sol, conjugué avec les instruments réglementaires et économiques tels que les
documents de planification spatiale, les taxes et la reconnaissance de la valeur
des ressources mises en danger. Il convient d’éviter que le développement
n’encombre le rivage immédiat ; une bande côtière dont la largeur pourrait varier 269
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

en fonction des conditions naturelles et des exigences sociales et économiques


devrait être exempte de toute construction et reconnue comme un espace ouvert
à l’accès public. Cette gestion du développement doit passer par la limitation de
la pression sur le sol et l’octroi aux collectivités de la maîtrise foncière.
L’agriculture littorale devrait être maintenue non seulement à des fins de
production alimentaire et d’emploi, mais également à des fins d’entretien du
paysage et d’utilisation intelligente des espaces libres qui séparent les centres
urbains et empêchent la construction continue le long du rivage. Des espaces
libres devraient être maintenus pour séparer les centres urbains et assurer
la protection des ressources et des paysages littoraux. La préservation des
espaces littoraux sensibles d’un point de vue naturel, mais également culturel et
économique doit ainsi passer par un zonage de protection visant à maintenir la
qualité environnementale, la diversité des activités économiques et à promouvoir
l’identité littorale en évitant la banalisation et la sanctuarisation pour mieux
prendre en charge le patrimoine maritime.
Par ailleurs, la localisation et l’exploitation des installations industrielles devraient
être contrôlées pour prévenir les impacts négatifs sur le tourisme et les ressources
naturelles; de plus, ces installations devraient mettre en place des mesures visant
à prévenir ou à réduire la pollution de l’eau, des sols et de l’air (y compris par le
bruit).
L’objectif est d’atteindre un développement plus respectueux des milieux
naturels, des sociétés et des économies des territoires littoraux, par une approche
transversale des pratiques et des effets.
Le contrôle de la pollution et des risques naturels
Le gouvernement ivoirien a mis en place un mécanisme de veille des risques
naturels et des pollutions. Il s’agit maintenant d’en faire une préoccupation
nationale et de l’inscrire au titre des actions prioritaires. Pour cela, l’État
doit doter les différents acteurs, notamment publics, des moyens humains,
techniques et financiers qui leur ont fait défaut jusqu’à présent.
Le fait qu’aucune organisation de surveillance n’existe vraiment favorise
sans nul doute un certain laxisme. Les acteurs économiques et les populations
continuent de s’installer et /ou de polluer des sites à risques non contrôlés,
de prélever dans les écosystèmes à préserver, de rejeter et de disséminer
impunément eaux usées et déchets divers, etc.
La fédération de toutes les compétences scientifiques et techniques au
sein d’un observatoire s’avère indispensable pour limiter la dégradation de
l’environnement par les pollutions diverses. Par ailleurs, la coopération régionale
peut aider à déterminer et à suivre attentivement l’évolution spatio-temporelle
de la pollution et des risques naturels. Pour ces derniers, il convient d’être très
attentif aux processus actuellement en cours d’élévation du niveau de la mer et
de succession d’événements météorologiques dévastateurs.
La maîtrise des loisirs et du tourisme
Le tourisme devrait être intégré dans des politiques de développement
qui tiennent compte de la protection de l’environnement et du paysage, et
270 ce, de manière à contribuer, à travers les revenus générés, à la protection et à
LA PROBLÉMATIQUE DE LA GIZC EN CÔTE D’IVOIRE

l’amélioration des milieux qui constituent l’attrait des visiteurs. L’État ivoirien a

N’GUESSAN KABLAN & PATRICK POTTIER


montré un intérêt et un appui croissants au secteur touristique même s’il a souvent
laissé l’initiative des investissements au secteur privé. La politique touristique
basée sur l’hôtellerie urbaine et côtière en Côte d’Ivoire s’est manifestée par la
création d’un Haut-commissariat (1995), puis d’un ministère du Tourisme et
des Loisirs en 2003, afin de rendre le secteur plus compétitif. Quelques actions
ponctuelles et remarquables ont participé à la sensibilisation du grand public et
contribué à la résolution des écueils qui freinent son développement surtout sur
le littoral. On peut citer les décrets n° 70-530 du 2 septembre 1970, n° 2004-447
du 2 septembre 2004, les études de diagnostic critique du Bureau national d’étude
et de développement (BNETD) réalisées en 1999 et en 2006, etc.
Pourtant, la sécurité et la qualité de l’environnement des plages notamment
publiques sont difficiles à maintenir face aux fréquentes sollicitations dont elles
font l’objet par une clientèle de plus en plus exigeante. Leur nettoyage doit être une
préoccupation du ministère chargé du tourisme, des responsables des collectivités
territoriales des villes littorales, des populations riveraines et des visiteurs. Il y va
de l’image de marque du pays. La gestion par un personnel plus professionnel et
la préservation des sites et des curiosités, des produits et des prestations de qualité
doivent faire l’objet d’une surveillance policière accrue et d’une promotion agressive
plus soutenue à l’extérieur comme à l’intérieur de la destination «Côte d’Ivoire», au
risque d’offrir des plages inaccessibles aux touristes. L’état de dégradation avancée
de la « côtière » (voie routière de liaison entre les principales villes côtières), ainsi
que celui des voies intra-urbaines parfois impraticables, constitue par ailleurs un
facteur limitant à l’essor du tourisme balnéaire.
La gestion des ressources halieutiques par la pratique d’une pêche responsable
Les zones réservées à l’aquaculture doivent être localisées en tenant compte
des autres activités littorales et des rejets existants ou possibles de cette
activité en mer et en lagune. Comme l’agriculture, l’aquaculture exige pour
se développer des structures d’encadrement cohérentes et des politiques de
développement compatibles avec les exigences des populations. Son intégration
dans les systèmes de production traditionnels offre autant d’opportunités
qu’elle crée de difficultés et de crises (Assi-Kaudjhis, 2006). Il est donc essentiel
que les initiatives en faveur du développement de cette activité impliquent la
participation de tous les acteurs à la prise de décisions.
Les installations de pêche doivent être maintenues et contrôlées de manière
appropriée, pour protéger les stocks de poissons et les réserves marines
naturelles. La pêche durable commande que les professionnels exercent leurs
activités dans des conditions d’hygiène et de sécurité maximales. Il faut pour cela
désenclaver les villages de pêcheurs et les intégrer aux politiques d’aménagement
de l’espace littoral. La pêche durable se traduit par un aménagement fondé
sur des données scientifiques fiables, mais aussi sur des connaissances
traditionnelles relatives aux ressources et à leur habitat. Il s’agit de prévenir la
surexploitation et de mettre en œuvre des mesures d’aménagement de sorte que
l’effort de pêche soit proportionnel à la capacité de production des ressources
halieutiques. D’autre part, la pêche durable doit apporter une contribution 271
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

fondamentale à l’alimentation, à l’emploi, aux loisirs, au commerce et au


bien-être économique des populations des générations présentes et futures
(Anoh, 2007). Cette raison justifie le fait que les activités liées à la pêche
soient conduites de manière responsable.
La maîtrise de l’extraction de sable et de graviers
Les prélèvements illégaux de sable et de graviers sur le littoral accentuent l’érosion
sur les plages (Quelennec, 1984, 1987 ; Hauhouot, 2000). Cette fragilisation, voire
cette disparition, des plages est source de mise en péril d’activités liées au tourisme
notamment. Leur préservation nécessite une surveillance permanente par des
équipes ou des brigades outillées et formées afin de décourager les initiatives et
les velléités des opérateurs immobiliers et autres particuliers téméraires.
La maîtrise des transports maritimes et la gestion portuaire
L’exploitation des plateformes portuaires peut compromettre la disponibilité
des ressources écologiques, en ce sens qu’elle entraîne des pollutions
imputables pour une grande part aux activités développées sur celles-ci et
au transport international des hydrocarbures et des déchets toxiques. Les
pollutions émanant des activités maritimes et portuaires ont des sources
diverses : les hydrocarbures, les navires, l’exploitation portuaire, le carénage des
navires, les bruits, les apports des sédiments au niveau des darses portuaires
et le développement des végétaux aquatiques envahissants. Au vu de tous ces
impacts environnementaux, les ports ivoiriens ont perçu la nécessité de veiller à
ce que leur développement ne soit pas atteint durablement. La préservation de
l’environnement portuaire permet l’amélioration des conditions d’exploitation
et la diminution des risques de contamination. Le développement d’une
conscience environnementale, la disposition d’un port écologiquement sain
pour une plus grande compétitivité, le respect de la réglementation et de son
évolution, l’intégration du principe de développement durable garantissent un
équilibre à long terme entre environnement, économie et bien-être social.
Définir une politique de l’environnement est donc pour une entreprise une
démarche aussi rigoureuse que la planification stratégique, le marketing ou la
qualité. Ainsi, le port renforce son image de marque, garantit sa compétitivité,
réduit les investissements inhérents à la dépollution de certains sites qui
pourraient être contaminés.
La mise en place d’outils transsectoriels
La maîtrise des effets néfastes du développement des activités sur le
littoral ivoirien exige la mise place d’un Observatoire de la mer et du littoral
regroupant toutes les compétences isolées dans les ministères, les entreprises,
les universités, les centres de recherches et les partenaires internationaux. Cet
observatoire doit intégrer un véritable système d’indicateurs du développement
durable sur le littoral et de suivi de la GIZC, à l’image de ce qui est produit
depuis quelques années par le Centre thématique européen « Environnement
terrestre » qui a proposé deux lots d’indicateurs, l’un pour le suivi de la mise
en place de la GIZC, l’autre pour la mesure du développement durable sur
le littoral européen (DEDUCE, Interreg IIIC, 2005), ou par l’Ifen en France
272 (IFEN, 2008), car la production de données est la première étape vers une prise
LA PROBLÉMATIQUE DE LA GIZC EN CÔTE D’IVOIRE

de décision éclairée et une gestion durable des zones côtières.

N’GUESSAN KABLAN & PATRICK POTTIER


Au-delà, le principe essentiel à la GIZC qui vise à ouvrir au maximum
les problématiques de la gestion et de l’avenir du littoral est primordial.
Cette ouverture concerne le domaine des connaissances, avec le
nécessaire développement d’une culture de sensibilité aux questions
environnementales et au développement durable autant que d’une
réflexion pluridisciplinaire sur le littoral, le domaine de la communication
avec la nécessaire transparence et circulation de l’information, et enfin,
le domaine de la gouvernance qui sous-entend la coordination, et donc
l’intégration, des approches, des actions et des politiques.
Le sens qui reste à donner à l’abondance réglementaire comme à celle des
structures qui existent déjà en Côte d’Ivoire sur la question de l’avenir du littoral,
dépend ainsi sans nul doute de ce que les acteurs politiques eux-mêmes seront
en mesure de produire. Le défi est ainsi à la hauteur des enjeux, mais aussi des
inquiétudes qui apparaissent à l’observation des évolutions les plus récentes.

Conclusion
Le littoral ivoirien apparaît comme un espace menacé. Seules des actions
dynamiques permettront de conserver ce patrimoine fragile aux prises avec des
pressions de plus en plus fortes en terme d’occupation humaine. L’écologie
et l’économie devraient mener ici un même combat, celui d’un équilibre
précaire en constante évaluation, en constante discussion, toujours au service
des populations locales ; car il ne revient pas seulement aux pouvoirs publics
de concevoir une stratégie, mais aussi aux pouvoirs locaux, aux opérateurs
économiques et aux populations qui aspirent à y faire vivre et prospérer encore
longtemps leurs propres enfants et petits-enfants.
Cette quête nécessite des moyens et des méthodes, autant qu’une réelle
volonté d’envisager l’avenir dans un cadre défini et maîtrisé. La connaissance
des processus d’évolution actuellement en jeu, comme l’éclairage des
problématiques complexes qui ne peuvent s’exprimer sans une prise en compte
intégrée des interactions sectorielles, sont autant de conditions pour avancer
sur le chemin d’une gestion durable du littoral de Côte d’Ivoire.
L’ambition n’est pas spécifique à ce pays, mais simplement contrainte par des
circonstances qui n’en facilitent pas aujourd’hui la mise en œuvre.

Références
ADAM S. K., 1998. « Vers une gestion intégrée de la zone côtière du golfe de Guinée », Projet
grand écosystème marin du golfe de Guinée, Onudi, Éditions du Flamboyant, Cotonou, 88 p.
ANOH K. P., 2007. Pêche, aquaculture et développement en Côte d’Ivoire, thèse de Géographie,
université de Nantes, 334 p.
ASSI KAUDJHIS J.-P., 2006. «Les enjeux de l’aquaculture subsaharienne au XXIe siècle.
Réflexions applicables à la durabilité du développement rural en Côte d’Ivoire »,
CHAUSSADE J. et GUILLAUME J., actes du colloque Pêche et aquaculture : pour une
exploitation durable des ressources de la mer et du littoral, Presses Universitaires de Rennes, 273
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

collection Espaces et Territoires, p. 267-284.


DEDUCE, Interreg IIIC, 2005. Modèle d’évaluation du niveau de développement durable des
zones côtières européennes,
http://www.gencat.net/mediamb/sosten/deduce/frances.pdf
HALLE B. et BRUZON V., 2006. Profil environnemental de la Côte d’Ivoire, rapport final,
Commission Européenne, AFG Consult, Belgique, 128 p.
HAUHOUOT A. C. P., 2000. Analyse et cartographie de la dynamique du littoral et des risques
naturels côtiers en Côte d’Ivoire, thèse de Géographie, université de Nantes, 289 p.
HAUHOUOT A., 2002. Développement, aménagement, régionalisation en Côte d’Ivoire, Abidjan,
EDUCI-Éditions Universitaires de Côte d’Ivoire, 364 p.
IFEN, http://www.ifen.fr, http://www.littoral.ifen.fr/Les-indicateurs-de-suivi-de-la-
GIZC.181.0.html
KABLAN N. H. J., 2000. Les arrière-pays des ports ivoiriens, thèse de 3e Cycle de Géographie,
université de Cocody Abidjan, 338 p.
KOFFIE-BIKPO C. Y., 1997. La pêche artisanale maritime en Côte d’Ivoire : étude géographique,
thèse de Géographie, université de Nantes, 327 p.
KOFFIE-BIKPO C.Y., 2001. «Les conflits de pêche en Côte d’Ivoire», Géotrope n° 1,
PUCI-Presses universitaires de Côte d’Ivoire, p. 29-40.
KOPIEU G., 2007. Plan programme de dépollution, d’aménagement et d’exploitation de l’espace
lagunaire, séminaire universitaire, Ministère de l’environnement, 68 p.
LE PENSEC L., 2001. Vers de nouveaux rivages. Sur la refondation du conservatoire du littoral,
rapport parlementaire sur le Conservatoire du littoral, Paris, La Documentation
française, 210 p.
Ministère de l’Économie et des Finances, 2007. La Côte d’Ivoire en chiffres, édition 2007,
Direction générale de l’économie, Dialogue production, Abidjan, 222 p.
Ministère de l’Environnement, 2003. Diagnostic de l’environnement du littoral de Côte d’Ivoire,
Livre blanc du littoral ivoirien, SECA-BDPA, Abidjan, 89 p.
Nations Unies, http://www.un.org/french/ga/special/sids/agenda21/action17.htm.
PNUE, 1995. Directives concernant la gestion intégrée des régions littorales, avec une référence
particulière au bassin méditerranéen, PNUE, rapports et études des mers régionales
n° 161, Split, Croatie, PAP/CAR (PAM-PNUE), 89 p.
QUELENNEC R. E., 1984. Identification des problèmes d’érosion sur le littoral sableux de la
Côte d’Ivoire. Propositions d’actions prioritaires, rapport du BRGM, 46 p.
QUELENNEC R. E, 1987. « Érosion côtière en Afrique de l’Ouest et du Centre :
causes naturelles et anthropiques, prospective et conséquences pour la protection et
l’aménagement du littoral », Nature et ressources, vol. XXIII, n° 3-4, p. 2-9.
ROBIN M. et HAUHOUOT C., 1999. «Les risques naturels côtiers en Côte d’Ivoire»,
Cahiers Nantais, n° 51, Université de Nantes, p. 169-185.
ROLLAND G., 2005. Synthèse bibliographique sur la gestion intégrée des zones côtières. État des
lieux en France, dans son contexte européen et international, Rivages de France, 37 p.

274
L’AVENIR DU LITTORAL IVOIRIEN : UNE APPROCHE PAR LA PROSPECTIVE TERRITORIALE

ASSA THEOPHILE KOBY


L’avenir du littoral ivoirien : une approche par la
prospective territoriale
Assa Théophile KOBY
Institut de Géographie Tropicale, Université de Cocody Abidjan
(Côte d’Ivoire)

La répartition des hommes et des activités évolue en Côte d’Ivoire selon


une concentration qui suit un gradient nord/sud. Dans ce processus, la zone
forestière et la frange côtière accumulent les plus fortes agrégations démo-
économiques. Cette tendance lourde à la « méridionalisation » est accompagnée
par le décalage entre les secteurs économiques informel et formel au détriment
du formel en milieu urbain. L’hypertrophie du secteur informel marque
fortement les espaces publics et les rues en particulier dont l’usage s’écarte des
affectations officielles en générant des nuisances multiformes et le désordre
dans les systèmes urbains. Toutes ces dynamiques suggèrent des études
rigoureuses dans lesquelles la géographie a sa place en vue d’aider à prendre
des décisions pour lutter contre les désordres spatiaux et construire un nouvel
avenir pour le littoral. 275
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

Le littoral dans la structuration de l’espace ivoirien


Dans son ouvrage Une brève histoire de l’avenir, Jacques Attali (2006) met en
exergue sur une période qui s’étale du XIIIe siècle à nos jours, le rôle des façades
océaniques et des mers dans l’émergence de ce qu’il appelle des « cœurs », et que
nous pourrions interpréter en géographie comme étant des pôles de progrès
centrés sur des ports, et à partir desquels des vagues d’innovation ont bouleversé
l’économie planétaire et la hiérarchie des pays. De Bruges (1200-1350) à Los
Angeles au cours des deux dernières décennies du XXe siècle en passant par
Venise, Anvers, Gênes, Amsterdam, Boston et New York, les déplacements
des pôles économiques et géopolitiques sur des fronts maritimes ont structuré
l’histoire de l’humanité.
Les prémices de l’ordre marchand du monde actuel seraient apparues à
Bruges (région des Flandres) autour d’un bassin agricole, du moulin à eau, de
la production d’aliments, de l’invention du gouvernail et de l’introduction des
armes à feu dans les navires. L’essor de Venise entre 1350 et 1500 proviendrait
de ses échanges avec un vaste arrière-pays agricole, et de l’impulsion qui lui
a été donnée grâce à l’argent volé par les croisés aux communautés juives
massacrées. Marchands, aventuriers, libres penseurs, artistes, philosophes, ont
détecté, copié et mis en œuvre les idées des autres et affrété des navires loués
par un grand nombre d’épargnants (Attali, op. cit).
Chacun des ports précités a été au cœur d’innovations majeures avant de
péricliter ou d’être supplanté à cause d’autres avancées scientifiques et
technologiques porteuses de nouvelles vagues de mutations socio-économiques
dans l’espace de ports concurrents. À New York, c’est une nouvelle source
d’énergie, le pétrole, puis le moteur à explosion et l’automobile, objet industriel
produit en grande série qui ont positionné de 1929 à 1980 le plus grand centre
manufacturier du continent américain. Le relais de la puissance économique
a été pris ensuite aux États-Unis par Los Angeles et la Californie grâce à
l’explosion de la technologie de l’automation (microprocesseurs, ordinateurs,
développement de logiciels et de l’internet et l’application de l’informatique
connectée). La Californie a ainsi vu éclore grâce aux nouvelles technologies
de l’information et de la communication, le neuvième « cœur » du nouvel ordre
marchand parti de Bruges au XIIIe siècle.
Pour revenir au cas spécifique du littoral ivoirien, on peut, par analogie, et
en changeant d’échelle et de contexte, écrire une histoire de la géographie du
littoral. Cette histoire est au centre de la structuration d’un pays dont les régions,
en particulier celles de la zone forestière, se sont dessinées économiquement
et humainement, depuis 1950, en fonction du port d’Abidjan et de ses annexes
(route et voie ferrée), puis du port de San Pedro dans les années 1970. Dans
un environnement totalement sous-développé, ces ports modernes ont
déclenché des cycles de progrès intégrant les transports terrestres, l’agriculture
et l’urbanisation dans un vaste hinterland qui s’étend jusqu’aux rives du désert
du Sahara. Ici, comme dans le bassin méditerranéen et sur les fronts maritimes
276 des océans Atlantique et Pacifique, le bouleversement de l’ordre spatial des
L’AVENIR DU LITTORAL IVOIRIEN : UNE APPROCHE PAR LA PROSPECTIVE TERRITORIALE

référents précolonial et colonial et les mutations économiques sont partis

ASSA THEOPHILE KOBY


des liens entre les ports, un vaste arrière-pays agricole et la maritimisation de
l’économie. Les relations entre les ports de la Côte d’Ivoire et ces arrière-pays
sont si étroites que l’ouvrage de géographie issu de la rencontre entre chercheurs
ivoiriens et français arrive à point nommé pour apporter des éclairages sur les
interactions entre la mise en valeur de tout un territoire et ses conséquences
sur le devenir de toute la frange côtière. La géographie du peuplement en Côte
d’Ivoire continue d’être orientée par les relations entre les éléments du triangle
système portuaire/activité agro exportatrice/peuplement.
La politique de la puissance publique pour la mise en valeur du territoire ivoirien
au lendemain de l’indépendance en 1960 s’est fondée sur l’agriculture. Elle a
généré des tendances très lourdes qui marquent fortement tout l’espace national,
mais qui alimentent insuffisamment la réflexion géographique dans le sens de la
prise de décisions pour l’action dans le long terme. Ces tendances concernent
notamment une démographie ivoirienne galopante dans un pays d’intense mobilité
et très attractif pour ses voisins, ainsi que des disparités criantes dans le peuplement
marquées par la « méridionalisation » du processus et une évolution irrémédiable
vers une société ivoirienne à dominante urbaine et cosmopolite. Dans ce nouvel
ordre spatio-temporel, la pression démographique sur le littoral s’accentue avec
des conséquences de plus en plus inquiétantes pour les écosystèmes forestiers et le
milieu lagunaire autour de la métropole abidjanaise.
Nous passons outre l’abondante littérature sur l’agriculture ivoirienne et
l’exploitation du bois qui ont cadencé l’activité des ports d’Abidjan et de San
Pedro. La thèse d’Abdoulaye Sawadogo (1977), un des acteurs centraux dans
la mise en place du système productif qui fut au cœur du « miracle ivoirien »
entre 1960 et 1980, retrace tous les contours d’une histoire du développement
de cette agriculture. Cette histoire commence en 1930. Elle est à l’origine
des premières vagues d’immigration de main-d’œuvre étrangère vers la Côte
d’Ivoire (Yapo, 2007).
Partie du sud-est du littoral ivoirien en milieu akan, une première boucle
du café-cacao s’est propagée dans le centre-est du pays, dans la même aire
culturelle. La seconde boucle a pris le relais dans le centre-ouest, en pays krou,
au début des années 1950, au moment où le port d’Abidjan offrait une nouvelle
chance à l’exploitation massive du bois. L’exploitation forestière a ouvert à son
tour des pistes aux migrants internes venus principalement du Centre-Bandama
pour produire du café-cacao (Hauhouot et al., 1984). La troisième boucle du
cacao épuise aujourd’hui les derniers massifs forestiers dans le sud-ouest avec
des fronts pionniers ouverts par des migrants internes (Akan et Mandé) et
externes (Burkina Faso).
L’agriculture pour l’exportation et la quête de numéraire par les paysans
ivoiriens et de fortes colonies d’immigrés ont ainsi ponctué la marche du
peuplement vers l’espace forestier après l’ouverture du port d’Abidjan. De 1930
à 1970, les trois vagues d’extension des aires des cultures pour l’exportation à la
cadence d’un nouveau cycle tous les vingt ans ont fait émerger également des
villes sur la trame des anciens postes coloniaux. Des problèmes liés à la forte 277
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

Figure 1 - Population et densité en 1998


MALI
Tingréla
BURKINA FASO

Boundiali
Odiénné Korhogo Ferkéssédougou
Bouna
GUINÉE

Katiola

Touba Dabakala
Séguéla Mankono
Bondoukou

Biankouma Béoumi Bouaké


Tanda
M'Bahiakro
Vavoua Zuénoula
Danané Sakassou
Man
Tiébissou Daoukro Agni-
Bangolo Bocanda bilékro
Bouaflé Yamoussoukro
Daloa
Duékoué Dimbokro
Sinfra Aben- GHANA
Toulepleu Bongouanou
Issia Toumodi gourou
Guiglo Oumé
Adzopé
Gagnoa Tiassalé
Soubré Agboville
Lakota
Al épé
Divo Grand Dabou Aboisso
LIBERIA Lahou Abidjan Grand
Sassandra Jacqueville Bassam
Adiaké
Tabou
San Pedro
N
Océan Atlantique
0 50 100 km

Source : INS, 1998 A. KANGAH

nombre d'habitants au km2


limite de dépatement
limite d'État 10 20 30 40 50 60 90

Tableau 1 - Évolution 1921 à 1998 de la population ivoirienne et projections


Population totale
Taux d’accroissement moyen en %
(Ivoiriens et étrangers)
1921* 1 532 000
1921-1936 -
1936* 1 931 000
1955* 2 600 000 1936-1955 2
1965* 4 000 000 1955-1965 3,6
1975** 6 709 600 1965-1975 4,3
1988** 10 815 694 1975-1988 3,8
1998** 15 366 672 1988-1998 3,3
2018*** 31 227 000 1998-2018 2,7
2028*** 39 734 000 2018-2028 2,9
278 *Recensements administratifs non exhaustifs **Recensement national exhaustif *** Projection de l’Institut National de Statistiques
L’AVENIR DU LITTORAL IVOIRIEN : UNE APPROCHE PAR LA PROSPECTIVE TERRITORIALE

pression démographique sur le milieu forestier au sud du 8e parallèle

ASSA THEOPHILE KOBY


(axe Bondoukou-Séguéla) sont alors apparus, notamment les problèmes
de surexploitation du couvert végétal et leurs incidences sur les régimes
pluviométrique et climatique. La limite nord de cette bande côtière est difficile
à tracer tellement elle pèse sur la structuration de l’espace forestier ivoirien.
Parmi les constatations majeures des conséquences de la pression
démographique sur la frange côtière et dans ses villes, on relève, outre la
perturbation des équilibres écologiques, le spectacle inquiétant d’un désordre
urbain et les multiples formes de pollution qui l’accompagnent. Toute la frange
côtière est concernée par cette question de développement durable, affectant
plus particulièrement l’agglomération abidjanaise qui regroupait 20 % de la
population ivoirienne au recensement de 1998 et 44 % des urbains. Cette tendance
est couplée avec l’évolution de San Pedro du côté du littoral ouest. Le taux de
croissance de la population de ce port était l’un des plus élevés du pays après celui
de Yamoussoukro (25,8 % entre 1965 et 1975 et 7 % entre 1975 et 1998).
L’activité portuaire est ainsi en train de faire tendanciellement, de la frange littorale,
l’aire de concentration maximale des Ivoiriens dans les prochaines décennies. Les
conséquences écologiques, économiques, sociales et, en définitive politiques de
cette dynamique seront très importantes pour le futur de la Côte d’Ivoire, voire de
l’Afrique de l’Ouest. Les Ivoiriens auraient donc tort d’occulter les effets pervers
à long terme de ces évolutions dans le domaine du développement durable.

La « méridionalisation » du peuplement
Il faut entendre par « méridionalisation » une tendance lourde à l’accumulation
des hommes et des activités au sud du pays. C’est un germe de changement
important dans l’évolution des structures spatiales en Côte d’Ivoire dont les
premiers signaux forts se situent au cours de la période 1960-1970 pendant
laquelle les actions volontaristes de l’État sont venues renforcer les orientations
imprimées par le modèle colonial dans la mise en valeur du pays. Les activités
agro-exportatrices ont été privilégiées par le nouvel État indépendant et centrées
sur le domaine forestier du pays (secteurs ombrophile et mésophile).
Il ne faut pas y voir un déterminisme du milieu naturel, mais plutôt les
conséquences d’options stratégiques à un moment donné de l’histoire
économique du pays. Ces options peuvent donc être revues à d’autres moments
dans l’évolution de la Côte d’Ivoire vers l’infini du futur. Certains enjeux
du futur gravitent autour de cette tendance lourde qui a fourni du reste des
arguments à la fracture politique actuelle du pays, mais c’est un problème qui
ne retient pas notre attention dans cette contribution.
Une démographie ivoirienne galopante
Le recensement national de 1998 indiquait une population de 15,4 millions
d’habitants en Côte d’Ivoire. Le recoupement des données statistiques
antérieures met en évidence une démographie galopante depuis plus de 70 ans
qui se maintiendra encore dans le long terme (tableau 1). Cette forte croissance
démographique demeure un invariant qui va donc influencer lourdement la
physionomie des paysages humains du futur. 279
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

Tableau 2 - Évolution 1958 – 1988 de la charge démographique selon la zone écologique¹

1958 1975 1988

Zone forestière
Superficie (km2) --- --- 150 798 (46,8 %)
Population totale 1 531 000 3 706 678 8 007 823
Population totale (% de la Nation) 49 % 55 % 74 %
Densité minimale 1,9 7 11,1
Densité maximale 40,5 98 274
Densité moyenne zone 12,6 32,5 45,8
Densité moyenne nationale 9,6 21 33,5
Zone contact forêt savanne
Superficie (km2) --- --- 59 590 (18,4 %)
Population totale 864 000 2 132 710 1 795 595
Population totale (% de la Nation) 28 % 32 % 16,6 %
Densité minimale 4,3 6 8,2
Densité maximale 26,7 34 94,5
Densité moyenne zone 15 21 31,8
Densité moyenne nationale 9,6 21 33,5
Zone de savanne
Superficie (km2) --- --- 112 301 (34,8 %)
Pop totale 693 000 863 378 1 413 275
Population totale (% de la Nation) 23 % 13 % 9,4 %
Densité minimale 2,5 4 6
Densité maximale 15,5 22 31
Densité moyenne zone 7,0 9,5 14,8
Densité moyenne nationale 9,6 21 33,5
Source : Côte d’Ivoire 2025, rétrospective démographique, 1995

Tableau 3 - Population ivoirienne selon le milieu d’habitat entre 1965 et 1998 (en %)

1965 1975 1980 1998


Ensemble rural, dont : 80 68 60,4 52
Savane 40 33 32,5 22
Forêt 60 67 67,5 78
Ensemble urbain, dont : 20 32 39,6 48
Savane 23 20 18,4 8
Forêt 41 36 81,6 92
Abidjan 36 44 46 44
Source : Côte d’Ivoire 2010, les enjeux démographiques, BNETD 1998.

¹ En 1998, les données du recensement indiquaient le renforcement de la tendance avec 78 %


des ruraux en zone forestière contre 22 % en zone de savane. Les urbains en zone de savane ne
280 représentent plus que 8 % contre 92 % en milieu forestier.
L’AVENIR DU LITTORAL IVOIRIEN : UNE APPROCHE PAR LA PROSPECTIVE TERRITORIALE

Cette croissance accélérée procède principalement, comme partout en

ASSA THEOPHILE KOBY


Afrique subsaharienne, d’une fécondité et d’un taux d’accroissement naturel
élevés et pour la Côte d’Ivoire d’un taux d’immigration exceptionnel avec 26 %
d’étrangers en 1998 (Yapo, 2007).
La crise politico-militaire qui secoue ce pays depuis décembre 1999 a perturbé les
données de la population au plan de la répartition avec des migrations forcées vers
la zone forestière réputée plus sûre, au plan social avec l’accroissement du taux de
pauvreté de 37 % de pauvres en 2001 à 45 % en 2005, et sur l’espérance de vie passée
de 56 ans au recensement de 1988 à 45,2 ans en 2005 (Direction de la conjoncture
et de la prévision économique, INS, Comptabilité nationale – Commission de
l’UEMOA, avril 2005). Le prochain recensement démographique programmé pour
2008 permettra d’apprécier à leur juste valeur les conséquences des perturbations et
surtout des migrations internes et externes provoquées par la guerre et la partition du
pays, dont Abidjan et la zone forestière furent les principales destinations.
Des disparités criantes dans le peuplement entre le Nord et le Sud
Les Ivoiriens se concentrent principalement en zone forestière, au sud de l’axe
Bondoukou-Séguéla qui marque la limite fondamentale des milieux physique et
humain (figure 1). Cette tendance se renforce depuis l’indépendance en 1960
au regard des données ci-après :
- une distribution équilibrée à la veille de l’indépendance entre le monde
de la savane et celui de la forêt, mais légèrement en faveur de la zone des
savanes (51 %) (tableau 2) ;
- plus de 78 % des Ivoiriens en zone forestière en 1998 ;
- plus de 60 % des Mandé du nord et des Voltaïques vivant en zone forestière,
hors de leur aire culturelle traditionnelle qui est la zone de savane ;
- 20 % des Ivoiriens dans la seule agglomération abidjanaise sur le littoral
avant la crise ouverte en 1999 ;
- 44 % de la population urbaine concentrée dans cette métropole en 1998.
La méridionalisation du peuplement comme tendance lourde
L’évolution de la charge démographique de l’espace selon les zones écologiques
entre 1958 et 1988 (tableau 2) confirme sur trois décennies l’observation relative à
la méridionalisation du peuplement ivoirien. Le fait majeur à retenir en parcourant
ces données est l’affaiblissement régulier de la charge démographique de l’espace
en zone de savane en trois décennies (1958-1988). Alors qu’elle regroupait une
faible majorité d’Ivoiriens en 1958, la situation s’est inversée en faveur de la zone
forestière (49 % en 1958 contre 78 % en 1988). La carte du volume et de la
densité de population (figure 1) synthétise l’état des lieux en 1998.

La distribution selon le milieu d’habitat


L’évolution de la population selon le milieu d’habitat (tableau 3) confirme
l’affaiblissement du poids relatif de la population dans les aires septentrionales
du pays. Les projections de l’Institut National de Statistique estiment que les
ruraux vivant dans la zone des savanes ne devraient représenter que 15 % de la
population rurale en 2010. 281
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

Figure 2 - Évolution de la hiérarchie urbaine : 1975, 1988, I998


1975 MALI BURKINA FASSO

GUINÉE Korhogo

Bouaké
Man

GHANA
Daloa Yamoussoukro

Gagnoa Divo
LIBERIA

San Pedro Abidjan :


951 216 habitants
Océan Atlantique

1988 MALI BURKINA FASSO

Korhogo
GUINÉE

Bouaké Population des villes


Man
2 993 440
GHANA

Daloa Yamoussoukro 1 500 000

Gagnoa
300 000
Divo
3 000
LIBERIA

Source : INS, 1975, 1988, 1998


San Pedro
Abidjan :
Océan Atlantique 1 929 079 habitants

1998 MALI BURKINA FASSO

Korhogo
GUINÉE

Bouaké

Man
GHANA

Yamoussoukro
Daloa

Gagnoa Divo
A. KOBY, A. KANGAH
LIBERIA

San Pedro

Abidjan :
Océan Atlantique
282 2 993 440 habitants
L’AVENIR DU LITTORAL IVOIRIEN : UNE APPROCHE PAR LA PROSPECTIVE TERRITORIALE

ASSA THEOPHILE KOBY


Tableau 4 - Accroissement de la population urbaine 1921-1988 (en volume et en %)

Population Part de la pop. urbaine Taux croissance


période
urbaine dans pop. totale annuel
1921 32 000 2,1 % 1921-1932 4,6 %
1932 50 000 2,9 % 1932-1948 8,0 %
1948 186 000 8,9 % 1948-1955 8,5 %
1955 330 000 12,9 % 1955-1965 11,5 %
1958 493 000 15,4 % - -
1965 980 000 24,5 % 1965-1974 8,2 %
1975 2 145 000 32,5 % 1975-1980 8,8 %
1978 2 740 956 36,4 % - -
1988 4 220 535 39 % 1975-1988 5,6 %
Source : Population de la Côte d’Ivoire : Analyse des données disponibles, 1988, Direct. Stat.

Dans la publication De la savane à la forêt, étude des migrations des populations du


Centre-Bandama (Hauhouot, op. cit), la matrice «parcours migratoire/destination»
révèle que 2,2 % seulement des déplacements du plus important foyer de
migrations internes en Côte d’Ivoire, le pays baoulé, étaient orientés vers la
zone des savanes contre 25 % pour la région d’Abidjan, 27 % vers le centre-
ouest et 12 % vers le sud-ouest. Un rapprochement avec des cartes effectuées
à partir d’études approfondies de Tapinos, Hugon et Vimard (2001) montre à
quel point l’économie de plantation est en étroite symbiose avec ce puissant
dynamisme démographique.
Une tendance irrémédiable vers une société urbaine et cosmopolite
L’évolution de l’armature urbaine depuis 1975 montre une urbanisation
différenciée entre le Nord et le Sud du pays où sont localisées les agglomérations
les plus peuplées (figure 2). Le tableau de la population urbaine et des taux
d’accroissement des citadins révèle quant à lui une évolution irrémédiable
vers un peuplement à dominante urbaine (tableau 4). Le recensement de 1998
indiquait un taux d’urbanisation de 44 % en 1998. Il n’est pas erroné de penser
que la Côte d’Ivoire est entrée dans le troisième millénaire en devenant une
société urbaine au regard de l’accroissement de la population urbaine en volume
et en pourcentage de 1921 à 1988.
L’évolution de la hiérarchie urbaine (figure 2 et tableau 5) révèle quant
à elle qu’à l’exclusion de Korhogo, tous les centres urbains importants
se localisent en zone forestière. Parmi les huit grands centres autres
qu’Abidjan, Yamoussoukro au centre et San Pedro sur le littoral ouest sont
les deux centres urbains qui affichaient les plus forts taux de croissance. 283
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

Figure 3 - Taux d’étrangers dans la population résidente en I998

MALI
Tingréla
BURKINA FASO

Boundiali
Odiénné Korhogo Ferkéssédougou
Bouna
GUINÉE

Katiola

Touba Dabakala
Séguéla Mankono
Bondoukou

Biankouma Béoumi Bouaké


Tanda
M'Bahiakro
Vavoua Zuénoula
Danané Sakassou
Man
Tiébissou Daoukro
Agni-
Bangolo Bocanda bilékro
Bouaflé Yamoussoukro
Daloa
Duékoué Dimbokro
Sinfra Aben- GHANA
Toulepleu Bongouanou
Issia Toumodi gourou
Guiglo Oumé
Adzopé
Gagnoa Tiassalé
Soubré Agboville
Lakota
Al épé
Divo Grand Dabou Aboisso
LIBERIA Lahou Abidjan Grand
Sassandra Bassam
Jacqueville Adiaké
Tabou
San Pedro

Océan Atlantique

Source : INS, 1998 A. KANGAH

taux d'étrangers dans la population (en %) N


limite de dépatement
limite d'État 0 50 100 km
5 10 15 20 25 30

Tableau 5 - Taux d’accroissement des villes les plus importantes hors Abidjan

1965 – 1975 1975 - 1998


BOUAKE 7,4 % 5,1 %
DALOA 5,5 % 5,5 %
YAMOUSSOUKRO 16 % 9,7 %
KORHOGO 7,5 % 6,6 %
MAN 5,3 % 4,4 %
GAGNOA 4,11 % 4,39 %
DIVO 8,2 % 5,1 %
SAN PEDRO 25,8 % 7,4 %
284 Source : INS,
L’AVENIR DU LITTORAL IVOIRIEN : UNE APPROCHE PAR LA PROSPECTIVE TERRITORIALE

L’armature urbaine actuelle préfigure déjà l’image des aires d’accumulation

ASSA THEOPHILE KOBY


maximale du peuplement ivoirien dans les futures décennies avec une
société ivoirienne qui sera alors très largement urbaine. Rien n’indique en
effet, pour le moment, des signes de ruptures qui viendraient bouleverser
la tendance actuelle.
Une nouvelle société ivoirienne
Un autre facteur marquant de la recomposition de l’espace ivoirien et
de son paysage humain est le caractère cosmopolite du peuplement. La
Côte d’Ivoire a un très fort pouvoir d’attraction sur les populations des
États circumvoisins qui évoluent parallèlement à l’intense mobilité des
autochtones dans leur pays.
Cette mobilité fait que les taux d’allochtones et d’étrangers sont importants
dans toutes les régions de la zone forestière (figure 3). Car la Côte d’Ivoire est
aussi un pays d’intense mobilité interne et, dans leur quête de mieux-être, les
Ivoiriens y circulent dans tous les sens mais convergent majoritairement vers
la zone forestière. Cette mobilité renforcée par l’immigration des populations
des États voisins a remodelé de fond en comble la carte ethnique du début
de l’ère coloniale et celle de la veille de l’indépendance qui sont aujourd’hui
totalement obsolètes. L’ampleur du phénomène migratoire ressort d’études
démographiques récentes. Elles mettent en évidence neuf faits saillants en ce
qui concerne les migrations entre la Côte d’Ivoire et les pays voisins et qui pèsent
très lourdement sur la géographie du peuplement en Côte d’Ivoire :
- l’ancienneté de l’immigration : le déclenchement du processus date de
1930, donc de l’époque coloniale, avec une longévité qui s’étend ainsi sur
trois quarts de siècle (trois générations) ;
- une amplification du processus à partir de l’indépendance en 1960 ;
- la Côte d’Ivoire est le premier pays d’immigration de l’Afrique au sud du
Sahara ; elle occupe le 17e rang à l’échelle internationale, parmi les 20 pays
du monde ayant le plus grand nombre de migrants internationaux ;
- l’ubiquité des immigrants internationaux à l’échelle de toute la Côte d’Ivoire
est également une donne très importante du paysage humain ; le clivage
entre le Nord et le Sud du pays dans la destination des immigrés au profit
du Sud n’est cependant pas suffisamment souligné ;
- les migrants internationaux s’insèrent eux aussi dans le mouvement global
de méridionalisation du peuplement ivoirien ; dans la région des lagunes
qui est dominée démographiquement par le pôle abidjanais, les proportions
des étrangers s’équilibrent avec celles des autochtones et des Ivoiriens issus
des autres régions ;
- la Côte d’Ivoire est le pôle majeur et quasi exclusif dans les destinations
de l’immigration des pays de la CEDEAO ; on y dénombrait 22 %
d’étrangers en 1975, 28 % en 1988 et 26 % en 1998. Le poids des immigrés
en Afrique de l’Ouest est inférieur à 2 % dans le pays le plus accueillant
après la Côte d’Ivoire, le Sénégal (avec 1,8 %) et il y a en moyenne moins
de 1 % d’immigrés dans les autres pays de la CEDEAO ; 285
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

- une des conséquences de l’immigration est la tendance au métissage de


la population ivoirienne ; les mariages internationalité (entre un Ivoirien
et un étranger) contribuaient pour 20 % des naissances déclarées dans les
registres d’État civil en 2005 à Abidjan ;
- on révèle comme autre conséquence la minorisation des Ivoiriens dans
certaines circonscriptions administratives de la zone forestière, notamment
dans les régions sud-est et sud-ouest qui donnent sur le littoral, de même
que dans le centre-ouest ;
- il y a enfin une masculinisation de la population ivoirienne liée à la forte
immigration de jeunes d’origine étrangère (97 à 99 % de taux de masculinité
chez les autochtones et des taux variant entre 104 % et 107 % avec les
apports de l’immigration).
Si la Côte d’Ivoire est un pays d’intense mobilité, on peut postuler qu’elle
le doit à son économie forestière et à une activité agro-exportatrice rythmée
depuis plus d’un demi-siècle par les ports d’Abidjan et de San Pedro. À
l’aube du troisième millénaire, on constate que la structure des espaces
habités imprimée par les relations nature-ports-agriculture a totalement
remanié les paysages humains des régions ethniques traditionnelles. Les
espaces et les sociétés du référent précolonial ont vécu en zone forestière.
Les «pays» des peuples akan dans l’aire forestière par exemple sont plus
peuplés d’immigrés et d’Ivoiriens issus d’autres régions du pays que
d’autochtones. Il en est de même des espaces krou en milieux bété, wè et
bakwé. Ces ruptures sont irréversibles dans les pays ruraux profonds et
principalement dans ceux accrochés au littoral.
La déconstruction des espaces ethniques précoloniaux marque une première
phase dans l’intégration des hommes dans l’État post-colonial. La Côte
d’Ivoire évolue vers une seconde phase : celle de l’intégration culturelle
qui se fera par les brassages culturels à travers les mariages interethniques,
et entre Ivoiriens et étrangers. Le processus est très activement engagé.
La figure 3 illustre le caractère cosmopolite du peuplement au sud de
l’axe Bondouko-Séguéla. Au nord de cet axe, le paysage humain est
nettement à caractère autochtone avec de faibles minorités d’Ivoiriens
du sud hors de leurs aires culturelles. La frange littorale qui a accueilli
de 1960 à 1980 les blocs agro-industriels pour la diversification des
cultures d’exportation (palmier, cocotier, hévéa, banane, ananas) est la
plus marquée par le phénomène du mixage des ethnies et du métissage
culturel amorcé. Le littoral ivoirien est un nouveau monde dans un pays
démographiquement nouveau.

La frange littorale dans le processus de méridionalisation du


peuplement
L’attraction du littoral est un trait majeur de la géographie actuelle
du peuplement ivoirien, et ce processus est activé par l’urbanisation.
286 L’agglomération abidjanaise et San Pedro, nouveau pôle régional sur la frange
L’AVENIR DU LITTORAL IVOIRIEN : UNE APPROCHE PAR LA PROSPECTIVE TERRITORIALE

occidentale du front maritime commandent ce mouvement. Le poids des

ASSA THEOPHILE KOBY


autres villes du littoral semble marginal.
L’attraction du littoral et de l’agglomération abidjanaise
Dans un pays dont la population est à dominante urbaine depuis l’aube du
XXIe siècle, le littoral polarise l’espace national à partir de ses deux extrémités
est et ouest autour des deux villes portuaires : Abidjan et San Pedro avec une
prépondérance de la première. En 1998, la population du littoral représentait
51 % des urbains du pays et 55 % du total urbain-forêt, tandis que l’aggloméation
abidjanaise accaparait 88,5 % de tous les citadins du littoral (tableau 6). Deuxième
cité ouest-africaine après Lagos, Abidjan a connu une impressionnante croissance
démographique depuis l’ouverture, en 1950, du canal de Vridi qui relie le port
lagunaire à l’océan Atlantique. La croissance de la population demeurait soutenue
jusqu’en 1980, à un rythme de 8 à 10 % par an en moyenne avant d’amorcer une
baisse progressive pour se situer actuellement aux alentours de 5 %.
L’émergence de San Pedro comme pôle urbain sur la frange occidentale
San Pedro a été programmée dans le cadre du programme de l’aménagement
de la région du Sud-Ouest (ARSO) comme une ville portuaire nouvelle et comme
second pôle majeur de développement du pays pour contrebalancer le poids excessif
de l’influence d’Abidjan sur l’arrière-pays (étude prospective Côte d’Ivoire 2000 et
plans quinquennaux 1976-1980). Ce petit village de pêcheurs au début des années
1970 a bouleversé radicalement le paysage humain (économie et société) de la région
sud-ouest en une trentaine d’années et est en train d’émerger comme une des villes
les plus dynamiques du pays par son taux de croissance et son pouvoir d’attraction.
Les autres villes du littoral
La croissance des villes du littoral révèle que dans la hiérarchie urbaine,
en 1998, les villes situées entre les deux pôles majeurs d’Abidjan à l’est et de
San Pedro à l’ouest se développent à un rythme moins rapide que celles du
forestier intérieur (figure 2) et même de la savane. Les raisons n’ont pas été
étudiées de manière approfondie.
L’avenir de ces villes devrait retenir l’attention parce que la planification du
développement, l’aménagement du territoire et la gestion de l’environnement y
sont pour le moment mal maîtrisés. Les conséquences de la dynamique urbaine
dans sa globalité sur les écosystèmes aquatiques, surtout en milieu lagunaire,
devraient retenir également l’attention. Comment la pression démographique
et les agressions humaines sur ce milieu évolueront-elles tendanciellement avec
le processus de méridionalisation mis en exergue et comment faire face à une
entropie de plus en plus difficile à maîtriser ?
En tout état de cause, les enjeux du développement dans les années à venir seront
fortement influencés par l’évolution de la frange littorale avec toutes ses promesses,
ses incertitudes et ses menaces. Il est donc temps de commencer à anticiper dès à
présent pour ne pas tomber sous la dictature du court terme dans le domaine de la
gestion des littoraux ivoiriens (littoral maritime et littoral lagunaire), les questions des
risques côtiers et de gestion intégrée des territoires littoraux étant sans aucun doute
centrales pour en éclairer les perspectives d’avenir. 287
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

Tableau 6 - Les villes du littoral dans l’évolution du processus d’urbanisation de 1975 à 1998

Évolution de l’effectif des urbains entre 1975 et 1998


1975 1988 1998
Ensemble Savane 113 360 361 208 532 764
Ensemble Forêt 1 981 081 3 872 235 6 103 256
Villes du littoral (Abidjan
compris) 1 132 152 2 253 828 3 385 980
Ville d’Abidjan 951 216 1 929 079 2 993 018
TOTAL URBAINS 2 154 441 4 233 443 6 636 020
Tableau réalisé à partir des premiers résultats des recensements exhaustifs de 1975, 1988 et 1998

Risques côtiers, gestion intégrée des territoires littoraux et enjeux


du futur
Les problématiques des risques côtiers et de la gestion intégrée des territoires littoraux
face aux enjeux du futur doivent retenir toute l’attention, car la côte d’Ivoire de demain
ne pourra se faire sans un littoral porteur d’un véritable modèle de développement.
Le littoral, une priorité pour l’avenir
Toutes les baies lagunaires de l’agglomération abidjanaise sont en voie
accélérée de colmatage. La plus belle escale de l’Afrique Occidentale que les
Ivoiriens avaient fièrement baptisée « la Perle des Lagunes » tend à devenir une
poubelle répulsive pour la pêche traditionnelle et une menace pour le tourisme.
Au-delà d’Abidjan, Grand-Bassam, cité candidate pour être érigée par
l’UNESCO au rang d’un patrimoine de l’humanité en raison de la richesse de
son héritage architectural, des traditions locales et de la beauté de ses plages,
porte elle aussi les marques du désordre urbain ivoirien et vit le risque permanent
d’inondation qui plane sur la ville. L’ancienne cité coloniale de Grand-Lahou
est quant à elle en train d’être effacée par l’évolution du trait de côte du littoral
et pourrait-être condamnée à disparaître comme le premier site d’Assinie.
Un problème général de surveillance du littoral ivoirien est ainsi posé.
Comment anticiper pour prévenir et /ou gérer les crises de l’espace sur un
littoral appelé à supporter dans le futur des charges démographiques encore
plus grandes que celles d’aujourd’hui ?
La prospective territoriale comme cadre formel pour une approche intégrée des
problèmes du littoral ivoirien
Les avancées enregistrées en prospective industrielle et en géopolitique
participent de la prise en compte des enseignements et des postulats de la
prospective en sciences de l’homme. Les sciences économiques en particulier
288 ont misé sur leurs compétences fondamentales pour déboucher sur le
L’AVENIR DU LITTORAL IVOIRIEN : UNE APPROCHE PAR LA PROSPECTIVE TERRITORIALE

management appliqué à la gestion des entreprises afin d’en assurer la rentabilité

ASSA THEOPHILE KOBY


et la compétitivité.
Les géographes n’ont pas encore mis méthodiquement leurs compétences
au service de l’organisation et de la gestion des territoires. Ils sont, malgré
leurs querelles épistémologiques, unanimes dans leur perception de tout
espace géographique comme un géosystème. Peut-être est-il temps qu’ils
coalisent leurs efforts pour enrichir le concept de management en l’étendant
à la gouvernance de l’espace, car il s’agit bien d’une gestion de nature spéciale
quand on aborde la question sous l’angle des interactions dynamiques
homme-nature-temps. Même la tradition anglo-saxonne de l’analyse spatiale
en géographie n’a pas visé explicitement un tel but. Aujourd’hui, le paradigme
de l’analyse des systèmes et la perception de l’espace géographique comme
objet-système centré sur l’homme (Dauphiné, 1979) apportent des éclairages
intéressants pour proposer de nouvelles approches en prenant également
en compte les avancées de la prospective territoriale et de la prospective
littorale (Loinger, 2005). C’est un souci majeur pour le groupe de recherche
espace-système de l’IGT dans son projet pour promouvoir une géographie
opérationnelle au service du développement.
Ce sont les enseignements tirés des multiples travaux de Godet (1991),
Godet et al. (1995, 2006), les publications du LIPS (Laboratoire d’Investigation
Prospective et Stratégique) et de Futuribles International en France qui ont
suscité notre intérêt pour la promotion d’une géographie opérationnelle en
Côte d’Ivoire. La recherche d’axiomes chorologiques par les géographes
(Racine, 1974) ne perd pas pour autant son intérêt en épistémologie de la
géographie. Les Africains devraient cependant prendre le virage de la
géographie prospective. Ils ont la lourde responsabilité d’enrichir l’héritage
culturel et scientifique légué par leurs collègues occidentaux et de s’efforcer
à faire de leur discipline un domaine de recherche tourné vers l’action pour
aider à résoudre les problèmes du sous-développement de leur continent.
La prospective stratégique, aînée des courants, est largement diffusée par la
chaire de prospective industrielle de Michel Godet (op. cit). Elle est stratégique
au sens où elle est en prise directe avec la volonté des acteurs et des décideurs
de déboucher sur l’action. L’évolution d’un territoire doit satisfaire en effet
aux attentes de la société, en fonction de son devenir collectif et de son projet
de société. « Penser son avenir pour agir » devient un impératif qui doit déboucher
sur la planification.
Le monde a changé et continue de changer. Il est caractérisé par l’instabilité,
l’incertitude et l’accélération du changement. L’analyse prévisionnelle
aujourd’hui comme mode de penser l’avenir est largement dépassée et de plus
en plus contestée. Le manque de moyens oblige à faire des choix face à la
nécessité de se doter de nouveaux outils de travail et de nouveaux paradigmes
pour fonder le discours sur la réalité et son devenir. La prospective est l’outil
privilégié de cette intelligence collective retrouvée.
Le nouveau contexte mondial a vu se développer par ailleurs le rôle de la
société civile. Les individus prennent de plus en plus d’initiatives et les jeunes 289
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

États sont amenés à décentraliser, déconcentrer, renforcer les capacités de


réflexion et d’action des acteurs à la base. Cela implique les territoires, cadres et
expression de phénomènes sociétaux localisés.
Le pouvoir des collectivités territoriales favorise la prospective dans les
sociétés avancées par l’autonomie de pensée qu’elle donne à leurs citoyens.
Or, « la prospective a besoin d’autonomie de pensée et d’action pour donner le maximum de
son potentiel » et elle peut aider à « crédibiliser les institutions régionales qui ont le souci du
devenir de leur société » (Loinger, op. cit).
Avec la nouvelle pratique de la délibération dans le champ démocratique,
les différents acteurs de la vie publique ont la prospective comme instrument
privilégié pour un dialogue social. C’est dans une telle perspective que se situe
l’intérêt d’une approche, par la prospective territoriale, de la frange littorale du
territoire ivoirien soumise à une forte pression démographique, car toute cette
frange littorale est menacée par des formes multiples de désordre spatial.
Désordres spatiaux et problématique de l’aménagement du littoral ivoirien
Dans les États développés du Nord, le prestige que les citoyens attachent
à certains lieux dans leurs cadres de vie leur impose des comportements qui
valorisent ces lieux. L’avenue des Champs-Élysées à Paris est « la plus belle avenue
du monde » parce que les Français la veulent ainsi. Cette vision partagée fait
partie du subconscient du Français en général et du Parisien en particulier qui
baignent dans un environnement culturel où les citoyens sont très sensibles à la
beauté et au neuf parmi les normes et valeurs de leur société.
Le développement des pays du Nord est fondé sur des symboles, des valeurs et de
nombreux signaux forts. Dans ces pays, la tradition consistant à mettre de l’ordre
dans la gestion des territoires en s’appuyant sur le droit et la loi est devenue un
fait culturel et un indicateur de développement. À l’opposé, les désordres spatiaux
devraient être perçus dans les sociétés des pays africains comme des indicateurs
de sous-développement culturel, et comme la manifestation d’une faible capacité
organisationnelle des administrations publiques et des collectivités territoriales
à différentes échelles (quartiers, communes, districts, régions, etc.). Le désordre
spatial comme thème de recherche géographique n’est malheureusement pas
encore développé et présente pour cette raison un centre d’intérêt important
pour l’avenir face aux tendances actuelles des interactions nature/société.
L’appropriation, premier acte majeur d’une société dans l’espace, même
si cet acte n’implique pas nécessairement la propriété, est devenue un enjeu
pour la survie des populations face aux dures réalités de la vie urbaine dans
la société ivoirienne en crise. En milieu forestier, l’appropriation de parcelles
de terres demeure le moyen qui offre pour le moment les meilleures chances
pour assurer la sécurité des revenus et la survie du plus grand nombre. Le
tissu économique s’est considérablement affaibli en Côte d’Ivoire du fait de
la crise militaro-politique qui sévit depuis décembre 1999. La guerre a suscité
des déplacements forcés et massifs d’Ivoiriens vers des zones réputées plus
« sûres », ainsi que des délocalisations d’entreprises vers l’étranger. Elle livre
ainsi une frange de plus en plus importante de la population à elle-même dans
290 sa quête de numéraire pour survivre.
L’AVENIR DU LITTORAL IVOIRIEN : UNE APPROCHE PAR LA PROSPECTIVE TERRITORIALE

Il s’ensuit un accroissement de l’hypertrophie du secteur informel dans les

ASSA THEOPHILE KOBY


villes ivoiriennes, phénomène ancien du reste, avec de nombreuses conséquences
sur l’évolution de la qualité des paysages urbains et de la vie des citoyens. La
structure des emplois par secteur institutionnel et d’activité (tableau 7) montre
que le phénomène n’est pas spécifiquement ivoirien. Mais les villes ivoiriennes
sont des aires de convergence de tous les Ivoiriens et des Ouest-africains, et le
développement du secteur informel prend dès lors une ampleur à la dimension
de l’attractivité de la Côte d’Ivoire. L’espace forestier ivoirien est la portion
de territoire la plus disputée et la plus partagée de l’Afrique occidentale. Dans
le mouvement global de la méridionalisation du peuplement, la question de
l’avenir de la frange littorale devient une question-clé du futur aux enjeux
multiples pour les habitants de cette région.
Le développement d’une économie informelle distraite à toute réglementation
et à toute fiscalité prospère est devenu un problème dans les villes ivoiriennes,
avec la prépondérance qu’a aujourd’hui l’informel sur le formel. On relève des
tendances similaires dans l’évolution des structures spatiales. La prolifération
des activités informelles suscite en effet une compétition pour l’appropriation
de certains compartiments des espaces publics entre commerçants formels
et «commerçants informels». La prééminence de l’informel dans cette
compétition est au centre du processus très actif d’informelisation des espaces
urbains. Les problèmes générés par l’hypertrophie du secteur informel sont des
manifestations d’une crise aiguë de l’espace.
À Abidjan, capitale économique nationale, de multiples signes de
« l’informelisation de l’espace » prolifèrent comme de véritables cancers dans toute
la trame urbaine. Ils s’imposent comme d’énormes obstacles à l’amélioration
de la qualité de vie et de la sécurité des citoyens. Abidjan tend ainsi à devenir
une ville « de plus en plus dégradée et anarchique » (Jeune Afrique, 2002).
Au-delà d’Abidjan, sur toute l’étendue du territoire ivoirien, une autoroute,
un boulevard, une avenue, une piste bitumée ou en terre sont classés à la même
enseigne par les usagers de l’espace. Le tablier, la vendeuse de produits vivriers,
le tenancier d’un « maquis » (restaurant ivoirien), le charbonnier, le commerçant
ambulant, le charretier communément appelé « wotro-tigui », le chauffeur de taxi
ou d’autobus, le commerçant de bétail, la commerçante de légumes mais aussi
le policier ou le gendarme élisent tous domicile dans la rue, parfois jusqu’au
milieu de la chaussée, créant ainsi par endroits des cafouillages surréalistes.
L’informel projeté sur le terrain émerge comme la traduction spatiale de
l’impuissance d’une société en voie d’urbanisation à planifier et à gérer un cadre
de vie étranger à sa civilisation et à sa culture.
La revue Débats du Courrier d’Afrique de l’Ouest (juillet-août 2006) relève
avec pertinence des problèmes liés aux relations entre la société et
l’organisation de l’espace. La « rue comme lieu d’expression plurielle » est l’un
des compartiments de l’espace les plus affectés par la crise de l’espace.
« Tout se passe comme si celui qui a la rue a le pouvoir » pour vendre ou racketter
dans sa soif aiguë de numéraire. Le piéton et l’automobiliste ne sont plus
prioritaires car la rue « est d’abord un lieu de spectacle, une mosquée, un temple, une 291
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

cathédrale à ciel ouvert. Et sans que le législateur ait à se prononcer sur le statut de
la rue, les habitudes qui en font un marché, un centre culturel et un lieu de culte sont
devenues des prescriptions ».

Tableau 7 - Structure des emplois par secteur institutionnel et d’activité dans trois villes
de l’Afrique de l’Ouest.

Emploi principal Ouagadougou Abidjan Dakar Ensemble

Secteur institutionnel (%)


Administration publique 10,4 5,5 5,7 7.2
Entreprises publiques 2,3 1,1 1,8 1,8
Entreprises privées formelles 11,8 17,6 15,0 14,2

Entreprises privées informelles 73,4 74,7 76,4 74,8


Entreprises associatives 2,1 1,1 1,1 1,2

Secteur d’activité (%)


Secteur primaire 4,9 1,6 3,1 2,6
Industrie 2,2 19,7 28,2 21,9
Commerce 36,4 34,1 26,6 34,0
Services 35,5 44,6 42,1 41,5

Source : Dial, INS, cité par Débats, Courrier d’Afrique de l’Ouest, Villes d’Afrique : nouvelle société !
n°36-37, octobre 2006,
Aujourd’hui, la rue est aussi devenue une poubelle en plein air avec
ses puanteurs. Dans cet espace de liberté et cette « porte ouverte à la
délinquance » et au désordre, voire à l’anarchie, les problèmes de la cité
n’interpellent pas seulement le responsable politique et communal, mais
aussi la recherche géographique. Ces problèmes s’accumulent à un rythme
accéléré et sont de plus en plus difficiles à résoudre avec leurs conséquences
multiformes : extension de la confusion à tous les quartiers ; saccage de
l’environnement et risques considérables pour les populations ; dégradation
de l’esthétique paysagère et de la qualité de vie. Les solutions apportées face
à ces difficultés sont le plus souvent des réponses d’urgence, partielles et
temporaires, qui déplacent les problèmes sans les résoudre. Comment sortir
d’un tel désordre car « Quand il est urgent, c’est déjà trop tard » (Talleyrand).
Un observatoire du désordre pour le management des organisations spatiales.
Il n’existe pas d’informations géographiques en Côte d’Ivoire regroupées
systématiquement par rapport à un cadre logique et pouvant permettre
d’analyser, interpréter et lutter contre le désordre. De telles observations
peuvent être élargies à l’ensemble des processus (exploitation de ce qui reste
encore des massifs forestiers, utilisation des plans d’eau lagunaire et des rivages
marins, etc.) qui structurent un nouvel espace géographique extrêmement
292 dynamique sur la frange littorale ivoirienne.
L’AVENIR DU LITTORAL IVOIRIEN : UNE APPROCHE PAR LA PROSPECTIVE TERRITORIALE

ODUME (Observatoire du Désordre Urbain pour le Management de

ASSA THEOPHILE KOBY


l’Espace) a entamé depuis 2005 une réflexion sur l’avenir des espaces habités
ivoiriens en portant l’accent sur la recherche de solutions aux problèmes de
la qualité de la vie des usagers de l’espace. Les observations sont focalisées
actuellement sur la dégradation de l’espace abidjanais en visant des propositions
utiles pour l’aménagement d’un cadre de vie ordonné entendu comme un
cadre sain, sûr et esthétique car : « Une science digne de ce nom doit s’occuper de
l’avenir. Une science de l’homme doit s’occuper du futur non comme un simple exercice
académique, mais pour le dominer » (Hamelin, 1974). Cet objectif de recherche
vise globalement un triple but :
- observer l’évolution des cadres de vie des Ivoiriens en vue de leur organisation
pour le long terme ;
- cerner la place accordée à l’eau dans les politiques passées, présentes et futures
dans le domaine de l’aménagement des littoraux en Côte d’Ivoire ;
- promouvir une école ivoirienne de géographie appliquée orientée vers la
recherche de solutions appropriées aux problèmes de développement régional
et local en Afrique subsaharienne.
Sous le thème générique « Géographie du littoral de Côte d’Ivoire : éléments pour une
politique de gestion intégrée », ODUME espère trouver avec les autres laboratoires
de l’IGT et de l’Institut de Géographie et d’Aménagement Régional de
l’Université de Nantes un cadre de coopération pour une réflexion collective
sur les usages et interactions nature/société dans la bande côtière de Côte
d’Ivoire sous l’éclairage de la prospective du littoral.

Conclusion
Au commencement, dans la vie des grandes nations et leurs relations avec
leur environnement immédiat et le monde, il y a eu des ports célèbres à travers
l’histoire universelle. Les littoraux maritime et lagunaire, dons de la nature et
des vicissitudes de la colonisation à la Côte d’Ivoire, ont été, avec l’agriculture,
les socles sur lesquels la Côte d’Ivoire s’est bâtie une puissance économique
régionale relative avant son effondrement actuel. La valorisation de ces atouts
naturels a déclenché un processus de croissance économique qui a fortement
orienté la dynamique du peuplement et la structuration des espaces régionaux à
partir de deux ports : Abidjan et San Pedro. La Côte d’Ivoire, c’est l’agriculture,
mais l’une des forces motrices de cette agriculture a toujours été et demeure
l’économie portuaire autour d’Abidjan et de San Pedro.
L’épuisement des massifs forestiers arrête définitivement la marche des fronts
pionniers qui ont déstabilisé, remanié et recomposé les paysages humains de
la Côte d’Ivoire forestière sous l’impulsion de la production du café-cacao. Au
terme de ce premier parcours, la question reste posée de savoir, à l’aube du
troisième millénaire, ce que seront l’économie et la société ivoiriennes dans
la mouvance d’une économie mondiale où les villes portuaires continuent
de peser sur le devenir des États et de l’humanité toute entière. Comment
promouvoir un développement durable dans les espaces qui sont encore sous 293
RISQUES CÔTIERS ET GESTION INTÉGRÉE DES TERRITOIRES LITTORAUX

l’emprise de l’économie portuaire pour que les interactions nature/société ne


se retournent pas contre les dotations du milieu naturel auxquelles les Ivoiriens
doivent tout en dernière analyse ?
Les futuribles du littoral ivoirien dépendent en partie de la réponse à ces
questions-clés de l’avenir. La lutte contre les déséquilibres régionaux nous paraît
pour le moment une lutte vaine face à la puissance de l’attraction de la forêt et
du processus de méridionalisation du peuplement. Une étude prospective du
littoral pour l’exploitation maximale et diversifiée de toutes ses potentialités et
la mutualisation des compétences dans des cercles d’études pluridisciplinaires
peuvent aider à trouver des réponses innovantes à l’essoufflement d’un système
productif ivoirien encore trop largement dépendant de l’agriculture.

Références

ATTALI J., 2006. Une brève histoire de l’avenir. Fayard, Paris, 422 p.
DAUPHINE A., 1979. Espace Région et Système, Économica, Paris, 167 p.
Débats, Courrier d’Afrique de l’Ouest, Villes d’Afrique : nouvelle société, n° 36-37,
juillet-août 2006.
GODET M., 1991. De l’anticipation à l’action, Dunod, Paris, 390 p.
GODET M., DURANCE P., 2006. Prospective stratégique : problèmes et méthodes,
Cahiers du LIPSOR, CNAM, n° 20, février, 93 p.
GODET, M., MONTI R., MEUNIER F., ROUBELAT F., 1995. La boîte à
outils de la prospective stratégique, Cahiers du LIPS, n° 5, CNAM, Paris, 13 p.
HAMELIN, L-H., 1974. « Virage à prendre en géographie », actes du colloque sur
l’avenir de l’histoire et de la géographie, Bromont, Université de Montréal, Québec,
Canada, p. 93-96.
HAUHOUOT A., KOBY A. et ATTA K., 1984. De la savane à la forêt, étude des
migrations des populations du Centre Bandama, IGT et CRDI, 218 p.
Jeune Afrique l’Intelligent, n° 2146 du 24 février au 4 mars 2002
LOINGER G., DURANCE P., 2004. La prospective régionale, de chemins en desseins ;
neuf études de cas en France et en Europe, Éditions de l’Aube, DATAR, Collection
Bibliothèque des territoires, 275 p.
RACINE J-B., 1974. « Les implications scientifiques et idéologiques d’une
géographie nouvelle », actes du colloque sur l’avenir de l’histoire et de la géographie,
294 Bromont, Université de Montréal, Québec, Canada, p. 107-125.
L’AVENIR DU LITTORAL IVOIRIEN : UNE APPROCHE PAR LA PROSPECTIVE TERRITORIALE

SAWADOGO A., 1977. L’agriculture en Côte d’Ivoire, PUF, Paris, 368 p.

ASSA THEOPHILE KOBY


TAPINOS G-P., HUGON P. et VIMARD P., 2001. La Côte d’Ivoire à l’aube du
XXIe siècle, Karthala, Paris, 498 p.
YAPO E., 2007. « L’immigration en Côte d’Ivoire : ampleur du phénomène
et niveau d’intégration de la population », Séminaire État-Nation et
intégrations en Afrique de l’Ouest : le cas de la Côte d’Ivoire, Hôtel Ivoire, Abidjan,
7-9 novembre 2007.

295
.
Conclusion

L’équation de ce contexte littoral n’est pas simple, puisqu’il s’agit de


concilier une pression humaine exceptionnelle et croissante, et un territoire
particulièrement original et sensible. Elle est surtout, depuis quelques années,
posée en des termes nouveaux qui s’attachent de plus en plus à reconnaître
au littoral un statut particulier et une attention plus globale. Cette évolution
est due à l’émergence des principes du développement durable et de la
Gestion intégrée des zones côtières (GIZC), formalisée pour cette dernière
au niveau international lors du sommet de Rio de 1992, notamment par le
chapitre 17 de l’agenda 21.
Cette réflexion rénovée s’élabore donc dans un contexte nouveau, marqué
par les changements climatiques globaux, la prise de conscience des
dégradations environnementales majeures et, au-delà, la reconnaissance d’une
valeur économique accordée aux questions de l’environnement, la nécessaire
responsabilité du legs aux générations futures, l’interrelation des domaines
environnementaux, sociaux et économiques, ou encore l’articulation plus
grande des problématiques terrestre et maritimes et l’intégration entre les
connaissances, les données et les acteurs sur le littoral. Les changements
institutionnels et l’émergence d’une nouvelle gouvernance représentent un
dernier élément contextuel nouveau, sans doute indissociable de cette évolution
des modes de réflexion et de gestion en cours d’élaboration.
Les contributions de cette seconde partie ont souligné combien les espaces
littoraux de Côte d’Ivoire ne pouvaient être aujourd’hui considérés en
dehors de cette problématique de gestion intégrée. Les déséquilibres qui y
sont à présent observés, tant dans le domaine de la nature que des sociétés,
témoignent à ce titre des enjeux à venir et des moyens nécessaires pour
atteindre les objectifs d’un territoire maîtrisé. Les pages qui précèdent n’ont
de sens que dans cette perspective.

297
.
CONCLUSION GÉNÉRALE

Conclusion générale

À l’issue de ce voyage engagé sur ces longues plages de sable, dans ces pirogues
fendant le miroir lagunaire ou sur ces routes parfois encombrées des retours
vers les lumières d’Abidjan, quelle image aurait un jeune ivoirien de ce territoire
littoral qui lui est aujourd’hui remis par ses aînés ? Celui des cartes postales et
des moments suaves passés au maquis du bord de mer, à l’ombre d’un cocotier
ou dans l’écume d’une baignade tant attendue ? Celui de ce développement
tentaculaire d’une métropole omniprésente où se côtoient la richesse et la
pauvreté, l’expansion économique rythmée par les va-et-vient des grands
navires de la mondialisation et les charrettes à bras d’une répurgation bien
artisanale ? Ou alors, celui de ces espaces de nature, préservés pour certains car
encore isolés comme aux jours anciens de la Côte des dents, et, pour d’autres,
déjà souillés des surplus d’un développement sans grande maîtrise ?
Peut-être ce jeune ivoirien serait-il aussi étonné comme nous le sommes à
la lecture des pages qui précèdent, par cet écart souligné de façon continue et
parfois appuyée entre, d’un côté, la grande richesse du littoral de Côte d’Ivoire,
et, de l’autre, son gaspillage, son sacrifice au profit d’un bénéfice immédiat et
sans projection réelle vers l’avenir.
Les évolutions les plus récentes laissent en effet l’impression d’un important
capital de départ qui serait ainsi dilapidé. Ce capital de départ est collectif et
représente une réelle opportunité de développement, autant au service de
l’homme, de son bien être et de ses conditions de vie, qu’économique pour
un pays aux espoirs de croissance encore forts. Ce capital est constitué d’un
certain nombre de ressources remarquables, naturelles et humaines : des espaces
disponibles en étendue (près de 25 000 km², 570 kilomètres de côtes, 1 500 de
rivages lagunaires) ; de l’eau en abondance (pluviométrie exceptionnelle proche
de 2 000 mm/an, vastes bassins versants dont trois de plus de 70 000 km²,
1 200 km² de lagunes littorales…) ; des milieux naturels marins, lagunaires et
terrestres de qualité et d’une grande diversité biologique, faunistique (dont des 299
GÉOGRAPHIE DU LITTORAL DE CÔTE D’IVOIRE

espèces rares) et floristique (y compris forêt dense, mangrove…) ; des gisements


de minerais (précieux, mais aussi de matériaux de construction) ; du pétrole, du
gaz (production estimée entre 50 000 et 80 000 barils/jours en 2006, dont les
revenus pourraient dépasser ceux cumulés de la production de café et cacao) ;
une population nombreuse et jeune, réputée pour son dynamisme (40 % de
moins de 15 ans) ; des paysages naturels de qualité exceptionnelle ; un héritage
historique architectural reconnu (en voie de classement Unesco au patrimoine
mondial de l’humanité).
Ce capital exceptionnel en termes de ressources est mis en danger sous la
pression d’un développement non maîtrisé, dont l’accélération depuis seulement
quelques années n’est pas de nature à rassurer sur la qualité du legs qui sera
ainsi fait aux générations futures.
Cette partie du territoire national, qui n’occupe qu’un peu plus de 7 % de
sa superficie totale, concentre 25 % de sa population, près de 40 % sur 13 %
de son territoire si la zone littorale est étendue au périmètre administratif
des départements côtiers. Cette charge anthropique qui s’accompagne d’une
concentration encore plus remarquable des activités, notamment agro-
industrielles, halieutiques, industrielles et commerciales, touristiques ou
encore liées aux transports maritimes et terrestres, n’est pas seulement source
d’un profond déséquilibre territorial à l’échelle du pays, mais également de
perturbations inquiétantes des espaces côtiers.
Les milieux naturels y sont notamment dans une situation de réelle détresse,
tant les pressions qui s’exercent sur eux sont grandes. Les écosystèmes côtiers
et la biodiversité ont ainsi été les premières victimes de la concurrence pour
le sol, leur sacrifice se faisant en particulier au profit de toutes autres formes
offrant un revenu financier immédiat et directement palpable ; une agriculture
essentiellement d’exportation, une urbanisation galopante, une industrialisation
sans contrainte, ou encore un tourisme colonisant les hauts de plages sur des
kilomètres. Cette croissance de l’artificialisation des sols s’est le plus souvent
accompagnée de pollutions, de risques pour la santé publique et, plus largement,
de dégradations des conditions de vie. Cette situation révèle aujourd’hui une
difficulté de plus en plus grande à gérer la croissance et à offrir les conditions
d’un développement acceptable pour tous.
Quel regard porte alors notre enfant ivoirien sur ces souillures dont la
compréhension deviendra sans doute plus évidente avec l’âge ? Seront-
elles perçues par les générations qui grandissent comme autre chose que les
dommages collatéraux inévitables de la croissance économique ? Pourront-
elles être limitées à l’avenir, compensées par des mesures de protection et de
réhabilitation ?
Comment, dans ces conditions, peut-on imaginer redresser la barre et
construire autrement le littoral de demain ? L’espace de l’action n’est pas vierge
dans ce domaine, mais a déjà été très largement défriché. Il est donc inutile de
rappeler plus en détail les réflexions bien avancées sur le diagnostic, tant au
300 niveau national, qu’international, le contexte juridique déjà bien délimité malgré
CONCLUSION GÉNÉRALE

son application hésitante, ou encore les missions déjà nombreuses d’organismes


et de structures, gouvernementales ou pas, institutionnelles ou non, consacrées
à certains domaines de l’aménagement des espaces côtiers. Mais il convient
toutefois de souligner quelques points forts qui apparaissent déterminants
sur le chemin d’une maîtrise retrouvée du développement du littoral ivoirien
et d’une gestion adaptée aux enjeux qu’il représente pour l’avenir. Cinq nous
semblent particulièrement déterminants :
- disposer d’une meilleure connaissance de ce territoire, en favorisant
notamment les recherches sur la qualité des milieux, leur valeur économique,
sur la dynamique d’occupation du sol, le bilan des niveaux d’altération des
ressources, sur la vulnérabilité des espaces littoraux et tout spécialement
par l’application d’un indice global de vulnérabilité par secteur côtier… ;
- mettre en place une observation continue, par le biais d’indicateurs
décrivant et quantifiant les évolutions en cours, les interactions à l’œuvre
et les objectifs à atteindre. Un tel système d’indicateurs orienté vers les
questions du littoral pourrait s’intégrer au Système national d’information
et de suivi de l’environnement (SNIE), préconisé dès 1996 dans le cadre du
PNAE, mais resté pour l’instant à l’état de projet ;
- réaffirmer des principes fondamentaux de reconnaissance de la particularité
des espaces littoraux et de leur nécessaire valorisation comme outil de
développement. Cette reconnaissance doit passer par : (1) l’émergence
d’une réelle conscience de la qualité environnementale de ce territoire
remarquable et de sa fragilité ; (2) la reconnaissance de sa participation
essentielle à la croissance économique du pays et du risque que représente
de ce point de vue sa dégradation ; (3) la nécessité d’une gestion orientée
vers le développement durable basée notamment sur la solidarité
transgénérationnelle ;
- articuler un ensemble d’outils de régulation permettant de contenir les
évolutions les plus anarchiques avec, en particulier : (1) le contrôle du
sol par la planification et notamment par la mise en place d’un schéma
d’aménagement et de gestion du littoral opposable aux tiers ; (2) la
préservation des espaces naturels, y compris maritimes, les plus remarquables
par la conservation ; (3) la réglementation portant sur le traitement et le
rejet des sources de pollution. Une partie de ces outils existe déjà, mais
l’effort doit être dirigé vers leur reconnaissance et leur application réelle.
La mise en place d’un outil juridique spécifique au littoral est également
souhaitable, afin de reconnaître la particularité de ce territoire à l’interface
terre/mer et de concentrer les efforts sur la maîtrise de ses évolutions
jusqu’à présent non contrôlées ;
- permettre l’émergence de projets de territoires, de stratégie et d’action,
dans le cadre de partenariats élargis d’acteurs du littoral, renforcer la
capacité des acteurs et encourager les principes de gestion transparente.
Car le chemin d’un développement durable ne peut s’éloigner de celui
d’un avenir concerté et négocié par l’ensemble des éléments constituant la
communauté. 301
GÉOGRAPHIE DU LITTORAL DE CÔTE D’IVOIRE

Les savoir-faire ne manquent pas en Côte d’Ivoire pour engager ces actions, les
nombreuses contributions de cet ouvrage en sont une nouvelle démonstration.
Mais il faut pour cela une volonté politique et un engagement de tous les
niveaux de la société ivoirienne. Nous aurions alors plaisir, à notre tour, une
fois l’âge avancé, à nous faire guider par nos enfants sur ce littoral et nous
entendre dire que la voie de son développement maîtrisé est à présent bien
ouverte. Cette voie qui protège pour mieux préserver, qui projette et anticipe
pour mieux construire, et qui, finalement, aura permis de développer dans
un souci d’équilibre entre la nature, l’homme et son bien-être, un territoire
d’exception devenu vitrine de la Côte d’Ivoire.

Patrick POTTIER
LETG (UMR 6554 CNRS), laboratoire Géolittomer, Institut de Géographie et
d’Aménagement Régional de l’Université de Nantes (France)
Kouassi Paul ANOH
Institut de Géographie Tropicale, Université de Cocody Abidjan
(Côte d’Ivoire)

302
TABLE DES SIGLES

TABLE DES SIGLES

ACNAM Association des compagnies africaines de navigation


maritime
AGPAOC Association de gestion des ports de l’Afrique de l’Ouest et du
Centre
ANDE : Agence nationale de l’environnement
ARSO Aménagement de la région du Sud-Ouest
ARSTM Académie régionale des sciences et techniques de la mer
AVB Aménagement de la vallée du Bandama
AVIGREN Associations villageoises de gestion des ressources naturelles.
BAE Banque de l’Afrique équatoriale
BAO Banque de l’Afrique occidentale
BEI Banque européenne d’investissement
BIRD Banque internationale pour la reconstruction et le
développement
BNETD Bureau national d’études techniques et de développement
CAPNIE Cellule d’aménagement du Parc national des îles Ehotilé
CCT Centre de cartographie et de télédétection
CEDEAO Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest
CEMAC Communauté économique et monétaire des États de l’Afrique
centrale
CEPICI Centre de promotion des investissements en Côte d’Ivoire
CFAO Compagnie française de l’Afrique de l’Ouest
CFCI Compagnie française de la Côte d’Ivoire
CFTP Centre de formation aux techniques du pétrole
CIAPO Centre ivoirien anti-pollution
CIDT Compagnie ivoirienne de développement des textiles
CIE Compagnie ivoirienne d’électricité
CKF Compagnie française de Kong 303
GÉOGRAPHIE DU LITTORAL DE CÔTE D’IVOIRE

CMEAOC/TM Conférence ministérielle des États de l’Afrique de l’Ouest et


du Centre sur les transports maritimes
CNUCED Conférence des Nations-Unies sur le commerce et le
développement
CNUED Conférence des Nations-Unies pour l’environnement et le
développement
COFIPÊCHE Compagnie industrielle ivoirienne des filets de pêche
COMHAFAT Conférence ministérielle sur la coopération halieutique entre
les états africains riverains de l’océan Atlantique
DBO Demande biochimique en oxygène
DCGTx Direction centrale des grands travaux
DGF Dotation globale de fonctionnement
DPH Direction des productions halieutiques
ENSTP École nationale supérieure des travaux publics
EPA Environnemental protection agency
EUFIC Conseil Européen de l’information sur l’alimentation
EVASS Équipes villageoises d’aide à la sensibilisation et à la
surveillance
FAO Food and agriculture organization (Organisation des Nations
Unies pour l’alimentation et l’agriculture)
FCFA Franc de la communauté financière d’Afrique (655,96 FCFA font
un euro)
FED Fonds européen de développement
GIZC Gestion intégrée des zones côtières
IDREM Institut de documentation, de recherches et d’études
maritimes
IIAO Institut industriel de l’Afrique de l’Ouest
INS Institut national de la statistique
IRD Institut de recherche pour le développement (auparavant
ORSTOM)
IRHO Institut de recherche pour les huiles et oléagineux
IUCN International union for the conservation of the Nature and natural
resources
MINEEF Ministère de l’environnement, de l’eau et des forêts
OIC Office ivoirien des chargeurs
OMAOC Organisation maritime de l’Afrique de l’Ouest et du Centre
OMS Organisation mondiale de la santé
ONUDI Organisation des Nations Unies pour le développement
industriel
ORSTOM Institut français de recherche scientifique pour le
304 développement en coopération (devenu IRD en 1998)
TABLE DES SIGLES

PAA Port autonome d’Abidjan


PASP Port autonome de San Pédro
PCGAP Programme cadre de gestion des aires protégés
PDRH Programme de développement des ressources humaines
(Ministère de l’éducation nationale)
PFCI Pêche et froid Côte d’Ivoire
PLI Produit intérieur local
PISAM Polyclinique internationale Sainte Anne Marie
PNAE Plan national d’action environnementale
PNIH Parc national des îles Ehotilés
PNUE Programme des Nations Unies pour l’environnement
REAL Recherche et expansion de l’alimentation animale
RGPH Recensement général de la population et de l’habitat.
ROAED Réseau des Ong et associations de l’environnement durable
SAPH Société africaine de plantations d’hévéa
SAUR Société d’aménagement urbain et rural
SCAF Compagnie des scieries africaines
SCOA Société commerciale de l’Ouest africain
SCODI Société des conserves de Côte d’Ivoire
SGBCI Société Générale de Banques en Côte d’Ivoire
SIETRANS Société ivoirienne d’engineering en transport maritime et en
logistique internationale
SIFROID Société ivoirienne du froid
SIPE Société ivoirienne de la poste et de l’épargne
SIR Société ivoirienne de raffinerie
SISA International shipping agencies
SITRAM Société ivoirienne de transport maritime
SIVOM Société ivoirienne d’opérations maritimes
SIVOMAR Société de navigation maritime
SNDD Stratégie nationale pour le développement durable (NSSD -
National strategies for sustainable devleopment)
SNIE Système national d’information et de suivi de l’environnement
SODECI Société de distribution d’eau de la Côte d’Ivoire
SODEPALM Société de développement du palmier
SOGEF Société de gestion des entrepôts frigorifiques
SOTRA Société des transports abidjanais
TJB Tonnage de jauge brute
TEU Twenty-feet equivalent unit
UCCA Union des conseils nationaux de chargeurs
UE Union européenne
UEBL Union économique belgo-luxembourgeoise
UEMOA Union économique et monétaire ouest africaine
UIGB Université internationale de Grand-Bassam 305
GÉOGRAPHIE DU LITTORAL DE CÔTE D’IVOIRE

UNEP United Nations environment programme (Programme des


Nations Unies pour l’environnement)
UNESCO United Nations educational, scientific and cultural organization
(Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science
et la culture)
UNFPA United nations population fund
USAID United States agency for international development (Agence
américaine pour le développement international)
UVICOCI Union des villes et communes de Côte d’Ivoire
WWF Word wildlife fund - Fonds mondial pour la nature
ZBTIC Zone franche de la biotechnologie des technologies de
l’information et de la communication
ZEE Zone économique exclusive

306
BIBLIOGRAPHIE

BIBLIOGRAPHIE

ABE J., AFFIAN K., KOFFI K. Ph., 1993. « Contribution à l’étude des caractéristiques
morphologiques de l’unité littorale de Côte d’Ivoire, golfe de Guinée : cas du
périmètre littoral de Port-Bouët », Journal Ivoirien d’Océanologie et de Limnologie, Abidjan,
vol.2, n °1, p. 43-52.
ABE J., 2005. Contribution à la connaissance de la morphologie et de la dynamique sédimentaire du
littoral ivoirien (cas du littoral d’Abidjan). Essai de modélisation en vue d’une gestion rationnelle,
thèse Université de Cocody Abidjan, UFR STRM, 309 p. + annexes.
ABLA E. K., 2001. Apport de la télédétection satellitaire à la gestion intégrée du littoral :
cartographie de l’occupation du sol des îles Éhotilé (Lagune Aby – Côte d’Ivoire), mémoire de
DEA de Géographie, Université de Cocody Abidjan, 76 p.
ADAM S. K., 1998. « Vers une gestion intégrée de la zone côtière du golfe de Guinée », Projet
grand écosystème marin du golfe de Guinée, Onudi, Éditions du Flamboyant, Cotonou, 88 p.
AKE, A., 2002. Flore de Côte d’Ivoire ; catalogue systématique, biogéographie et écologique, tome
II, Boissiera 58, Conservatoire et jardin botanique de Genève, Suisse, 410 p.
ADOPO K.L., 2004. Évolution morphologique et sédimentologique du trait de côte entre Jacqueville et
Abidjan, mémoire de DEA, Université de Cocody Abidjan, UFR STRM, 67 p. + annexes.
AFFIAN K., 2003. Approche environnementale d’un écosystème lagunaire microtidal (la lagune
Ébrié en Côte d’Ivoire), par des études géochimiques, bathymétriques et hydrologiques : contribution
du SIG et de la télédétection, thèse de doctorat d’État en Sciences Naturelles n° 380,
Université de Cocody Abidjan, 225 p.
AFFROUMOU N. L., 2007. Transports interurbains : cas de la ligne Abidjan-Grand Bassam,
mémoire de maîtrise de Géographie, Université de Cocody Abidjan, 120 p.
AGBADOU C., 2000. Les pollutions en lagune Ébrié – Les baies de l’agglomération Abidjanaise,
maîtrise de Géographie, Université de Cocody Abidjan, 89 p.
AHIZI A. D., 2007. Discours du Ministre de l’environnement, des eaux et forêts du 12
novembre 2007 dans le cadre de la quinzaine nationale de l’environnement, http://
www.gouv.ci/ministeresemprint.php?gouvID=24.
ALBARET J-J., 1994. « Les poissons : biologie et peuplements, l’exemple de la lagune
Ebrié », Environnement et ressources aquatiques de Côte d’Ivoire, Tome 2, DUFOUR P.,
DURAND J-R., GUIDAL D., ZABI Z.G., ORSTOM, Paris, p. 239-280.
AMAROUX J-M, 2003. « Genèse et devenir des mangroves. L’exemple de la Guyane », cycle
des conférences 2002-2003, Quel avenir pour l’homme, Perspectives, Université de Perpignan.
ANCI, Administrateur Février, 1911. Monographie du cercle du Bas-Cavally, Archives
Nationales de Côte d’Ivoire (sans cote), 94 p.
ANCI, Cercle des Lagunes, Rapports mensuels, trimestriels ou de tournée. 1898- 1918,
Archives Nationales de Côte d’Ivoire, Abidjan.
ANCI, Cercle du Bas-Sassandra, Poste de Sassandra, 1909. Rapport sur la situation du
Cercle du Bas Sassandra pendant les quatre derniers mois de 1909, Archives Nationales
de Côte d’Ivoire, série IEE 157 (1/1).
ANCI, Cercle du Bas-Sassandra, Poste de Sassandra, 1909. Précis de la situation
politique du Bas-Sassandra au mois de février 1917, Archives Nationales de Côte d’Ivoire,
série IEE 157 (1/2). 307
GÉOGRAPHIE DU LITTORAL DE CÔTE D’IVOIRE

ANHUF D., 1993. Étude de la végétation en Afrique au moment du dernier optimum climatique
et du dernier pessimum climatique, Bonn, 60 p.
ANOH K. P., 1994. Contribution à l’étude du réseau de distribution des ressources halieutiques
marines en Côte d’Ivoire, thèse de doctorat de 3e cycle de Géographie, Université
nationale de Côte d’Ivoire, 325 p.
ANOH K. P., 2001. « La lagune Ébrié de 1955 à 1998 : pollution des eaux et
encombrement des baies urbaines de l’agglomération d’Abidjan », Géotrope, n° 1,
PUCI- Presses Universitaires de Côte d’Ivoire, p. 62-78.
ANOH K P., 2006. « Patrimoine aquatique et exploitation des plans d’eau du littoral
ivoirien : le cas des lagunes de Grand-Lahou », CHAUSSADE J. et GUILLAUME J.,
actes du colloque Pêche et aquaculture, pour une exploitation durable des ressources vivantes
de la mer et du littoral, Presses Universitaires de Rennes, collection Espaces et
Territoires, p 443-459.
ANOH K. P., 2007. Pêche, aquaculture et développement en Côte d’Ivoire, thèse de Géographie,
Université de Nantes, 334 p.
Anonyme, 1985. Érosion du littoral de Port-Bouët. Propagation de la houle à la côte. Plans de
vagues, rapport DCGTx, Présidence de la République, République de Côte d’Ivoire.
ANOUAN S., 1987. La pollution industrielle et domestique dans la lagune Ebrié (région
d’Abidjan), mémoire de maîtrise, Université Paris VIII, 66 p.
ANTHONY E., 1990. « Environnement, géomorphologie et dynamique sédimentaire
des côtes alluviales de la Sierra Leone, Afrique de l’Ouest », Revue de Géographie du
Laboratoire d’analyse spatiale Raoul Blanchard n° 27 & 28, 189 p.
AOM, 1853. Correspondance de la maison Régis, 1844-1854, Archives d’Outre-Mer, Aix-
en-Provence, Séries Géographiques.
APHING-KOUASSI G., 2007. « Impacts spatiaux et socio-économiques de
l’aménagement des zones touristiques du littoral ivoirien », Revue de géographie du
LARDYMES (Laboratoire de Recherche sur la Dynamique des milieux et sociétés),
Faculté des lettres et sciences humaines, Université de Lomé (Togo), p 112-125.
ARFI R. et ETIEN D., 1995. « Colonisation des plans d’eau par les macrophytes
aquatiques envahissants : cas de la Côte d’Ivoire », Convention CEDEAO, Lagos
(Nigeria), Rapport final, 32 p.
ASSAHOU A., BAKAYOKO I., ESSIEN K. R., KALÉ G., SACCA S. B., 1983. Avant
projet d’aménagement intégré du parc national des îles Éhotilé, mémoire de fin d’études de
l’IAB-Institut agricole de Bouaké, 92 p.
ASSI KAUDJHIS J.-P., 2006. « Les enjeux de l’aquaculture subsaharienne au XXIe siècle.
Réflexions applicables à la durabilité du développement rural en Côte d’Ivoire »,
CHAUSSADE J. et GUILLAUME J., actes du colloque Pêche et aquaculture : pour une
exploitation durable des ressources de la mer et du littoral, Presses Universitaires de Rennes,
collection Espaces et Territoires, p. 267-284.
ATTAHI K. 1975. Grand-Bassam : quartier France et étude monographique d’un quartier
historique, mémoire de maîtrise de Géographie, Université de Cocody Abidjan, 63 p.
ATTALI J., 2006. Une brève histoire de l’avenir. Fayard, Paris, 422 p.
AYE M. F., 1993. Étude comparée de la dynamique spatiale urbaine de Grand-Bassam
et de Bonoua, mémoire de maîtrise de Géographie, Université de Cocody
308 Abidjan, 135 p.
BIBLIOGRAPHIE

BATTJES, J.A., 1974. « Surf similarity », Proceedings of the 14th International Conference on Coastal
Engineering, American Society of Civil Engineers, Copenhague, Danemark, p.466-480
BERGANO Ch., FAIVRE S., 2001. « Les trafics portuaires métropolitains en 2000 »,
Notes de synthèse du service économique et statistique, n° 138, Direction des affaires
économiques et internationales, Paris-la-Défense, France, p. 13-20.
BERNHARDT-REVERSAT, HUTTEL C. et LEMEE G., 1978. « La forêt sempervi-
rente de basse Côte d’Ivoire », Problèmes d’écologie : structure et fonctionnement des écosystèmes
terrestres, édition M. Lamotte et Bourbiès. Paris, New York, Barcelone, Milan, Masson,
1978, p. 313-345.
BERRON H., 1980. « Tradition et modernisme en pays lagunaire de basse Côte d’Ivoi-
re », Orphys, p. 326-348.
BLASCO F., 1991. « Les mangroves », La recherche, Paris, n° 231, p. 444-453.
BLIVI A.B. et AJOUSSI P., 2004. « La cinématique du trait de côte au Togo vue par
télédétection », Géo-Eco-Trop, n° 28, 1-2, Bruxelles, p. 27-38.
BONNY K. E., 1989. Monographie des parcs nationaux et réserves analogues de Côte d’Ivoire,
doctorat de 3 ième cycle, Université de Montpellier III, 314 p,
BRIET R., 1965. La pêche en lagune Ebrié, tome 1, Abidjan, CRO, 104 p.
BRIET R., 1975. La pêche artisanale en lagune Ebrié, résultats préliminaires, CRO, Abidjan, 20 p.
BROCHE J. et PESCHET J.-L, 1983. « Enquête sur les pollutions actuelles et
potentielles en Côte d’Ivoire », in DUFOUR P. et CHANTRAINE J.-M, réseau national
d’observation de la qualité des eaux marines et lagunaires en Côte d’Ivoire, Paris, ORSTOM et
Ministère de l’Équipement, 451 p.
BRUNET R., 2005. Le développement des territoires : formes, lois, aménagement, Collection
Monde en cours, série Intervention, Paris, Éditions de l’Aube, 95 p.
BROU T. Y., 2005. Climat, mutations socio-économiques et paysages en Côte d’Ivoire, mémoire
d’habilitation à diriger des recherches (HDR), Université de Lille 1, 212 p.

CAHAN P., DUVAL J., 1963. « Variations microclimatiques verticales et saisonnières


dans la forêt sempervirente de basse Côte d’Ivoire », Annales de la Faculté des Sciences de
l’université de Dakar, vol. 8, p. 5-87.
CAPINE, 2003. Quinzaine de l’environnement : description du circuit de la visite de terrain du
PNIE, Abidjan, 21p.
CAZENAVE A. et CABANES C., 2002. « L’élévation du niveau de la mer », La lettre
du changement global, n° 14.
CCT (Centre de cartographie et de télédétection), 2000. Données de statistiques fores-
tières en Côte d’Ivoire - carte du bilan forestier actualisée, CCT, Abidjan.
CCT (Centre de cartographie et de télédétection), 2000. Carte des sols actualisée d’après
les travaux de Monnier, 1983, CCT, Abidjan.
CHANTRAINE, J.M., 1980. « La lagune Aby (Côte d’Ivoire). Morphologie, hydrologie,
paramètres physico-chimiques », Documents scientifiques du CRO, Abidjan, vol. XI,
n° 2, p. 35-80.
CHARLES-DOMINIQUE E., 1984. Pour un plan d’aménagement des pêches lagunaires en
Côte d’Ivoire. NDR, Centre de Recherche Océanographiques, Abidjan, 4/84, 13 p.
CLAVAL P., 1968. Régions, nations, grands espaces : géographie générale des ensembles territoriaux,
Paris, Génin, 837 p. 309
GÉOGRAPHIE DU LITTORAL DE CÔTE D’IVOIRE

COFFIE M-L., 2002. Évolution morphologique et sédimentologique du trait de côte entre Abidjan
et Grand-Bassam, mémoire de DEA, Université de Cocody Abidjan, UFR STRM,
86 p. + annexes.
Commission européenne, 2006. Profil Environnemental de la Côte d’Ivoire, rapport final
rédigé par B. HALLE et V. BRUZON 128 p.
Conseil Européen de l’Information sur l’Alimentation (EUFIC), 2004. Des contaminants
dans le poisson : quels sont les risques ?, in food today n° 46, disponible à (http://
www.eufic.org/article/fr/page/FTARCHIVE/artid/contaminants-poisson/).
Coteivoire@fr.st, http://bassam.site.voila.fr/index.jhtml

DAUPHINE A., 1979. Espace Région et Système, Économica, Paris, 167 p.


DCGTx (Direction centrale des grands travaux), 1988. Projet pour le développement des
pêches maritimes artisanales, Ministère de la Production Animale, Abidjan, 76 p.
DCGTx (Direction centrale des grands travaux), 1993. Développement rural et préservation
de l’environnement forestier - enjeux et perspectives en zone de forêt dense, Abidjan, 139 p.
Débats, Courrier d’Afrique de l’Ouest, Villes d’Afrique : nouvelle société, n° 36-37, juillet-
août 2006.
DEDUCE, Interreg IIIC, 2005. Modèle d’évaluation du niveau de développement durable des
zones côtières européennes,
http://www.gencat.net/mediamb/sosten/deduce/frances.pdf
DELAUNAY K. 1995. Les pêcheurs ghanéens (fanti et ewe) sur le littoral ivoirien. Histoire de la
pêche piroguière maritime en Côte d’Ivoire au XXe siècle, thèse d’Histoire, Université Paris I-
Panthéon-Sorbonne, 3 Tomes, 538 p.
DELESTRE, 1973. « Note sur les falaises de Fresco (Côte d’Ivoire) », Annales de
l’Université d’Abidjan, série G, tome V, p. 308-320.
DEMBELE O., BOTTY Bi T. C., 2001. « L’impact environnemental de l’émissaire en mer à
Port-Bouët », Géotrope, n° 1, PUCI- Presses Universitaires de Côte d’Ivoire, p. 79 – 91.
DE SURGY A. N., 1965. Les pêcheurs de Côte d’Ivoire. Tome 1 : les pêcheurs maritimes.
Fascicule 2 : les pêcheurs fanti, Paris, CNRS-IFAN, 84 p. (+ tableaux, cartes etc..)
DE SURGY A. N., 1965. Les pêcheurs de Côte d’Ivoire. Tome 1 : les pêcheurs maritimes.
Fascicule 3 : les pêcheurs Alladian, les pêcheurs Nanakrou, Autres pêcheurs, Paris, CNRS-
IFAN, 55 p. (+ tableaux, cartes etc..).
DE SURGY A. N., 1969. La pêche traditionnelle (maritime) à l’ancienne «Côte de Guinée»,
thèse pour le doctorat de 3ème cycle, Paris, 2 vol.
DIABATE H., KODJO L., 1991, Notre Abidjan, toujours plus haut, Mairie d’Abidjan,
Ivoire média, 256 p.
DIENOT J., 1981. L’impact du complexe touristique d’Assinie (Côte d’Ivoire) sur le milieu local,
régional et national, doctorat de 3 ième cycle de Géographie, Université de Paris VII
Vincennes, 722 p.
Direction des archives du Sénégal, http://www.archivesdusenegal.gouv.sn/
Direction de la géologie, 1992.- Notice explicative de la carte géologique à 1/200 000,
feuille Abidjan, 1ère édition, 26 p.
Direction générale des douanes, 2007. Statistiques douanières, 8 pages multigr.
DPN, 1996. Étude pour le renforcement de la protection et l’aménagement du Parc national des îles
310 Éhotilé. Aspects socio-économiques, Abidjan, 33 p.
BIBLIOGRAPHIE

DOHO BI T. A., 2005. Ressources communales et gestions municipales de Grand-Bassam,


mémoire de maîtrise de Géographie, Université de Cocody Abidjan, 123 p.
DONGO K., 2001. Etude de l’évolution du système d’assainissement « eaux usées » de la
ville d’Abidjan, DEA en sciences de la terre, Université de Cocody Abidjan, Côte
d’Ivoire, 81 p.
DOSSO M., DUCHASSIN M., LOMBARDO A., KONE M. et EDOH V., 1984.
« Cas sporadiques ou début d’une nouvelle épidémie de choléra », Bulletin de la Société
de Pathologie Exotique, n° 76, p. 121-125.
DPH (Direction de la Production Halieutique), 2003. Rapport d’activité, Abidjan, 162 p.
DPH (Direction de la production halieutique), Ministère de la production animale,
2006. Rapport d’activité de la production halieutique, Info pêche 2006, note à diffusion
restreinte, 6 p.
DUBRESSON A., 1989. Villes et industries en Côte d’Ivoire : pour une géographie de
l’accumulation urbaine, Paris, Karthala, 845 p.
DUFOUR P. et SLEPOUKHA M., 1975. « L’oxygène dissous en lagune Ébrié :
influence de l’hydroclimat et des pollutions », Documents Scientifiques du Centre de
Recherches Océanographiques d’Abidjan, 6 (2), p. 75-118.
DUFOUR P., 1981. « Notre lagune en péril : l’écosystème lagunaire Ébrié bouleversé
par des interventions Humaines », Archives Scientifiques du Centre de Recherche
Océanographiques, Montpellier, p. 1-12.
DUFOUR P., KOUASSI A. M. et LANUSSE A., 1994. « Les pollutions »,
DURAND J.P., DUFOUR P., GUIRAL D. et ZABI S. G. F., Environnement et
ressources aquatiques de Côte-d’Ivoire – Les milieux lagunaires, Paris, ORSTOM, tome
2, p. 309-333.
DUREAU F., 1987. Migration et urbanisation. Le cas de la Côte d’Ivoire, Éditions de l’Orstom,
Études et Thèses, 654 p.
EPHEM H. P., BHAWAN S., PIERRE A., 2002. « Vulnérabilité de la zone côtière
du Bénin à un rehaussement relatif du niveau marin : état de la question et
préconisations », Annales de Géographie, n° 623, Armand Colin, Paris, p. 25-39.

FAO, 1995. Code de conduite pour une pêche responsable, FAO, Rome, 46 p.
FAO, 1997. Hazard Analysis and Critical Control Point (HACCP) System and Guidelines for
its Application. Annex to CAC/RCP 1-1969. Rev. 3 (disponible à http://www.fao.
org/DOCREP/005/Y1579E/y1579e03.html#bm3).
FAO/OMS, 2003. Summary and conclusions. Joint Expert Committee on Food Additives,
Sixty-first Meeting, Rome, 10-19 juin (disponible à : http://www.who.int/ipcs/
food/jecfa/summaries/en/summary61.pdf).
FAO, 2004. Situation mondiale des pêches et de l’aquaculture, FAO, département des pêches,
Rome, 56 p.
FAO, 2005. Profil de la pêche par pays. La république de Côte d’Ivoire, FAO, Rome, janvier, 16 p.
FEA I., 2006. Évolution morphologique et sédimentologique du littoral de Fresco à Grand-Lahou,
mémoire de DEA, Université de Cocody Abidjan, UFR STRM, 90 p.
Fraternité Matin, n° 12 417 du lundi 27 mars 2006. « Port Autonome d’Abidjan : Le
cap des 18 millions de trafic franchi - 2001à 2005 : les actions qui ont empêché le
naufrage », Abidjan. 311
GÉOGRAPHIE DU LITTORAL DE CÔTE D’IVOIRE

GIRARD G., SIRCOULON J., TOUCHEBOEUF P., 1971. « Aperçu sur les régions
hydrologiques », Le milieu naturel de Côte d’Ivoire, mémoire de l’ORSTOM n° 50,
p. 109-156.
GUILLAUMET J.L. et ADJONOHOUN E., PERRAUD A., 1971. « La végétation de
la Côte d’Ivoire », Le milieu naturel de la Côte d’Ivoire, ORSTOM, p. 161-262.
GODET M., 1991. De l’anticipation à l’action, Dunod, Paris, 390 p.
GODET M., DURANCE P., 2006. Prospective stratégique : problèmes et méthodes,
Cahiers du LIPSOR, CNAM, n° 20, février, 93 p.
GODET, M., MONTI R., MEUNIER F., ROUBELAT F. 1995. La boîte à outils
de la prospective stratégique, Cahiers du LIPS, n° 5, CNAM, Paris, 13 p.
HALLE B. et BRUZON V., 2006. Profil environnemental de la Côte d’Ivoire, rapport final,
Commission Européenne, AFG Consult, Belgique, 128 p.
HAMELIN, L-H., 1974. « Virage à prendre en géographie », actes du colloque sur l’avenir
de l’histoire et de la géographie, Bromont, Université de Montréal, Québec, Canada,
p. 93-96.
HAUHOUOT A., 1973. « Étude géographique des migrations quotidiennes des
travailleurs à Abidjan », Annales de l’Université d’Abidjan, série G. Géographie, n° 5,
p. 147-266.
HAUHOUOT A., KOBY A. et ATTA K., 1984. De la savane à la forêt, étude des migrations
des populations du Centre Bandama, IGT et CRDI, 218 p.
HAUHOUOT A., 1998. Développement, Aménagement, régionalisation en Côte d’Ivoire,
EDUCI-Éditions universitaires de Côte d’Ivoire, Université de Cocody Abidjan,
364 p.
HAUHOUOT C., 2000. Analyse et cartographie de la dynamique du littoral et des risques naturels
côtiers en Côte d’Ivoire, thèse de Géographie, Université de Nantes, 300 p.
HAUHOUOT C., 2002. « Les problèmes de l’aménagement de l’estuaire du fleuve
Comoé à Grand-Bassam (Côte d’Ivoire) », Les cahiers d’Outre Mer, n° 219, p. 307-324.
HINSCHBERGER F. et POMEL R., 1972. « La morphologie des côtes rocheuses
entre Monogaga et Sassandra (Côte d’Ivoire) », Annales de l’Université d’Abidjan, série
G (Géographie) I. IV., p. 7-37.
HITES R., A, FORAN J.A, CARPENTER D. O., HAMILTON M. C., KNUTH B.A,
SCHWAGER S.J., 2004. Global assessment of organic contaminants in farmed
salmon. Science, 303(5665), p. 226-229.
HYDRO-R & D, 2004. Dépollution des baies lagunaires d’Abidjan. Aménagement de la baie
de Cocody, Louvain - Belgique, rapport au Ministère de l’Environnement de Côte
d’Ivoire, 47 p.
IFEN, http://www.ifen.fr, http://www.littoral.ifen.fr/Les-indicateurs-de-suivi-de-la-
GIZC.181.0.html
INMAN D-L. et NORDSTROM C-E., 1971. « On the tectonic and morphologie
classification of coasts », Journal of geology, vol. 79 p. 1-21.
Institut National de la Statistique (INS), 1998, Recensement Général de la Population
et de l’Habitat-RGPH, Ministère du Plan et de l’Urbanisme, Abidjan.
Institut National de la Statistique (INS), 1998. Recensement Général de la Population
312 et de l’Habitat-RGPH, Données sociodémographiques sur les villes côtières, Abidjan, 140 p.
BIBLIOGRAPHIE

IWUJI S., 1976. Les infections intestinales à salmonelloses en zone lagunaire rurale, thèse de
doctorat de médecine, Université Nationale de Côte d’Ivoire, Abidjan, n° 79.
JACOBSON J.L., 1990. « Tenir le front de mer, L’état de la planète 1990 », Paris,
Nouveaux Horizons, p. 129-159.
Jeune Afrique l’Intelligent, n° 2146 du 24 février au 4 mars 2002
JOSEPH G., 1944. Côte d’Ivoire, Paris, librairie Arthème Fayard, 231 p.
KABLAN N., 2000. Les arrière-pays des ports ivoiriens, thèse de 3ème cycle de Géographie,
Université de Cocody Abidjan, 338 p.
KASSI L. P., 2004. Site urbain, assainissement et risques naturels à Grand-Bassam, mémoire de
maîtrise de Géographie, Université Cocody Abidjan, 106 p.
KIPRE P., 1985. Villes de Côte d’Ivoire, 1893-1940 : Fondations des villes coloniales (tome 1), Économie
et sociétés urbaines (tome 2), Nouvelles Éditions Africaines, Abidjan, 237 et 289 p.
KOFFIE-BIKPO C. Y., 1997. La pêche artisanale maritime en Côte d’Ivoire : étude géographique,
thèse de Géographie, Université de Nantes, 327 p.
KOFFIE-BIKPO C. Y., 2001. « Les conflits de pêche en Côte d’Ivoire », Géotrope, n° 1,
PUCI-Presses Universitaires de Côte d’Ivoire, p. 29-40.
KONAN K.E., 2004. Evolution de l’environnement sédimentaire marin : étude morphologique
et sédimentologique du littoral entre Grand-Bassam et Assouindé (Côte d’Ivoire), mémoire de
DEA, Université de Cocody Abidjan, UFR STRM, 75 p. + annexes.
KONE B., CISSE G., HOUENOU P. V., OBRIST B., WYSS K., ODERMATT P.
et TANNER M., 2006. « Vulnérabilité et résilience des populations riveraines
liées à la pollution des eaux lagunaires de la métropole d’Abidjan, Côte
d’Ivoire », Revue électronique en sciences de l’environnement VertigO, Hors Série 3,
décembre 2006, 10 p.
KOPIEU G., 2007. Plan programme de dépollution, d’aménagement et d’exploitation de
l’espace lagunaire, séminaire universitaire, Ministère de l’environnement, 68 p.
KOUAKOU N.C., 2004. Analyse de l’environnement physique à l’embouchure du fleuve Bandama
à Grand-Lahou (Basse Côte d’Ivoire), mémoire de DEA université de Cocody Abidjan,
UFR STRM, 74 p. + annexes.
KOUAME K., MOREAU J., TIMITE K., DIEKOUADIO K. et ASSI ADOU J., 1979.
« La fièvre typhoïde de l’enfant à Abidjan », Revue Médicale de Côte d’Ivoire, Abidjan,
n° 48, p. 2-15.
KOUASSI A.M, GUIRAL D. et DOSSO M., 1990. « Variations saisonnières de la
contamination microbienne de la zone urbaine d’une lagune tropicale estuarienne.
Cas de la ville d’Abidjan (Côte-d’Ivoire) », Revue Hydrobiologie Tropicale, n° 23-3,
ORSTOM-IRD, Paris, p. 181-194.
KOUASSI K. S., 2001. Populations riveraines et cogestion des espèces fauniques autour du parc
national de TAÏ : Cas du secteur Est, mémoire de maîtrise de Géographie, Université de
Cocody Abidjan, 146 p.
LANUSSE A., 1987. La contamination microbienne d’une lagune tropicale (lagune Ébrié, Côte
d’Ivoire). Influence de l’hydroclimat, thèse de Sciences, Université de Provence Aix-
Marseille I, 147 p.
Le Nouveau Réveil, n° 1 723 du Lundi 17 septembre 2007. « La France accusée de piller
la Côte d’Ivoire : l’ambassadeur dénonce les mensonges du FPI », Abidjan. 313
GÉOGRAPHIE DU LITTORAL DE CÔTE D’IVOIRE

LE PENSEC L., 2001. Vers de nouveaux rivages. Sur la refondation du conservatoire du littoral,
rapport parlementaire sur le Conservatoire du littoral, Paris, La Documentation
française, 210 p.
LEQUIN, M., 2001. « Écotourisme et gouvernance participative », Sainte-Foy, Revue
Écotourisme, n° 38, Presses de l’Université du Québec, p. 48-53.
LEROUX M., 1988. « La variabilité des précipitations en Afrique occidentale : les com-
posantes aérologiques », VCS, 22, p. 26-45.
Littoral français 2000, Atlas permanent de la Mer et du Littoral n° 5, sous la direction de
J-P. CORLAY, Géolittomer -LETG UMR 6554/Infomer, Nantes, rennes, 2001, 67 p.
L’inter (quotidien) du 14 mars 2007, Abidjan, « Zone franche de Grand-Bassam »,
propos de KRAGBÉ V. G, Commissaire général de la zone franche, propos rapportés
par ADOMON S.
LOINGER G., DURANCE P., 2004. La prospective régionale, de chemins en desseins ;
neuf études de cas en France et en Europe, Éditions de l’Aube, DATAR, Collection
Bibliothèque des territoires, 275 p.
LOUCOU J.N., 1984. Histoire de la Côte d’Ivoire, I- La formation des peuples, CEDA,
Abidjan, 1984, 208 p.
MARCHAND M. et MARTIN J.-L. 1985. « Détermination de la pollution chimique
(hydrocarbure, organochlorés et métaux) dans la lagune d’Abidjan (Côte d’Ivoire) par
l’étude des sédiments », Océanographie Tropicale, n° 20, ORSTOM-IRD, Paris, p. 1-90.
MARTIN L., 1973. « La sédimentation actuelle sur le plateau continental de Côte
d’Ivoire », Cahier ORSTOM, série Géologie, vol V, n° 2, p. 155-168.
MARTIN S. (GTZ), 2000. Codes locaux pour une gestion durable des ressources naturelles. Recueil
des expériences de la coopération technique allemande en Afrique francophone, Eschborn, 241 p.
MEMEL F. A., 2006. Dynamisme urbain et gestion foncière à Grand-Bssam, mémoire de
maîtrise de Géographie, Université de Cocody Abidjan, 140 p.
MEMEL-FOTE H., 1979. « Ethnie et Histoire. À propos de l’histoire culturelle des
Odjoukrous », Kasa bya Kasa, Bulletin de l’Institut d’Ethnosociologie, n° 9, décembre 1979.
Ministère de l’Agriculture, 2002. Rapport annuel d’activité, MINAGRA, Abidjan, 120 p.
Ministère de l’Agriculture, Direction de la Programmation, de la Budgétisation et
du Contrôle de Gestion, 1990. Annuaire rétrospectif de statistiques agricoles et forestières,
Abidjan, 3 vol., 257 p.
Ministère de la construction et de l’urbanisme, Direction de l’urbanisme, 1987. Commune
de Grand-Bassam, plan d’urbanisme directeur, rapport justificatif, janvier 1987, 30 p.
Ministère de l’Économie et des Finances, 2007. La Côte d’Ivoire en chiffres, édition 2007,
Direction générale de l’économie, Dialogue production, Abidjan, 222 p.
Ministère de l’Environnement et du Tourisme, 1995. Plan d’action environnemental de la
Côte d’Ivoire : 1996-2110, document final, 46 p.
Ministère de l’Environnement, 1996. Le Livre blanc de l’environnement de la Côte d’Ivoire, Tome 1 :
Plan National d’Action Environnemental de la Côte d’Ivoire 1996-2010, Abidjan, 175 p.
Ministère de l’Environnement, 1999. Bilan des activités concourant à la lutte contre la
désertification en Côte d’Ivoire. Rapport final, CCD-CI (Convention de lutte Contre la
Désertification en Côte d’Ivoire), Abidjan, 90 p.
Ministère de l’Environnement, de l’eau et de la forêt, 2000. Monographie de la diversité
314 biologique de la Côte d’Ivoire. Abidjan, 273 p.
BIBLIOGRAPHIE

Ministère de l’Environnement, 1996. Le Livre blanc de l’environnement de la Côte d’Ivoire, Tome 1 :


Plan National d’Action Environnemental de la Côte d’Ivoire 1996-2010, Abidjan, 175 p.
Ministère de l’Environnement, 2003. Diagnostic de l’environnement du littoral de Côte d’Ivoire,
Livre blanc du littoral ivoirien, SECA-BDPA, Abidjan, 89 p.
Ministère de l’Intérieur, Archives Nationales, 1974. Grand-Bassam, Bingerville, Abidjan.
Recherche d’une capitale, Abidjan, Archives Nationales.
Ministère de la Marine (1985). La Marine Marchande Ivoirienne, livre d’or, Imprimerie de
la Cité, 287 p.
Ministère du Tourisme et de l’Artisanat, 2005. Statistiques touristiques, 25 p.
MIOSSEC A., 2004. Les littoraux entre nature et aménagement. Armand Colin, Paris, 191p.
MONDE S., 1997. Nouvelles approches de la cartographie du plateau continental de la Côte
d’Ivoire : aspects morphologiques et sédimentologiques, thèse de 3e cycle, Sciences, Géologie
marine, Université de Cocody Abidjan, 1997, 160 p.
MONNIER Y., 1983. Végétation, Les atlas Jeune Afrique Côte d’Ivoire, Jeune Afrique,
p. 16-18.
MONNIER Y., 1983. Les sols, Les atlas Jeune Afrique Côte d’Ivoire, Jeune Afrique,
p. 20-21.
MONTENY B., 1986. Forêt équatoriale, relais de l’océan comme source de va-
peur d’eau. Veille Climatique Satellitaire, n°12, p. 39-51.
N’DOUGOU G.H.C., 2005. Évolution du trait de côte en Côte d’Ivoire (Cas de Grand-Lahou),
mémoire de DEA, Université de Cocody Abidjan, UFR STRM, 87 p. + annexes.
NEDECO, 1981. Assainissement et drainage de la ville d’Abidjan. Côte d’Ivoire, Setu.
NÉDÉLEC M., 1974. Équipements touristiques et récréatifs dans la région d’Abidjan. CRAU,
Université d’Abidjan, 230 p.
Nations Unies, http://un.org/french/ga/special/sids/agenda21/action17.html
N’GORAN Y. N., 2002. « La pêche artisanale maritime en Côte d’Ivoire »,
communication à l’atelier sur l’économie de la filière pêche maritime et étude des ressources
halieutiques marines en Côte d’Ivoire, Abidjan-IPNETP, 23 – 24 avril 2002, 11 p.
OMT et PNUE, 2002. Sommet Mondial de l’Écotourisme: rapport final, Madrid, World
Tourism Organization, 150 p.
ORSTOM, IGT, 1969. Atlas de la Côte d’Ivoire.
PAA, 2006. Rapport d’exploitation, PAA, Abidjan, 80 pages et suivantes. (voir aussi
http://www.paa-ci.org/)
PAGES J., 1975. « Étude de la pollution bactérienne en lagune Ébrié », Documents
Scientifiques du Centre de Recherches Océanographiques d’Abidjan, 11 (2), p. 79-107.
PASKOFF R., 1993. Les littoraux ; impact des aménagements sur leur évolution. Masson, Paris,
256 p.
PASKOFF R., 1996. « Littoraux, mers, océans », Derruau M.. Composantes et concepts de
la géographie physiques, Armand Colin, Paris, p. 115-130.
PASP, 2006. Rapport d’exploitation, PASP, Abidjan, 50 pages et suivantes.
Le Patriote, 2008. « Lutte contre la pollution — Le CIAPOL entame le curage de la baie
lagunaire », quotidien du 10 février 2008.
PENOUIL M., 1983. « Dynamismes et facteurs de blocages dans le développement
économique de la Côte d’Ivoire », Année Africaine, 1971, Paris, A.Pedone, p.229-248. 315
GÉOGRAPHIE DU LITTORAL DE CÔTE D’IVOIRE

PERRIN J-C., 1968. Schéma d’analyse du développement régional, (application aux pays
en voie de développement), Régionalisation et développement, Paris, CNRS, p. 179-42.
PERRIN J-C., 1977. « Le rôle de la politique industrielle dans le développement des
disparités en Côte d’Ivoire », Année Africaine, CEAN, Bordeaux, Paris, Pédone.
PERROT Cl-H, 1989. « Le système de gestion de la pêche en lagune Aby au XIXe
siècle (Côte d’Ivoire) », Cahiers des Sciences Humaines, vol. 25 n° 1-2. La pêche : enjeux de
développement et objet de recherche, IRD Bondy, Paris, p. 177-188.
PEYON J-P. et TOURE M., 1999. « Recherches dans le nord ivoirien », Les Cahiers
Nantais, IGARUN, Nantes, n° 51, p. 89-101.
PNAE-CI, 1994. Plan National d’Action pour l’Environnement de Côte d’Ivoire : livre blanc de
l’environnement en Côte d’Ivoire, tome 1, Abidjan, 179 p.
PNUE, 1995. Directives concernant la gestion intégrée des régions littorales, avec une référence
particulière au bassin méditerranéen, PNUE, rapports et études des mers régionales
n° 161, Split, Croatie, PAP/CAR (PAM-PNUE), 89 p.
PNUE, 2002. Côte d’Ivoire coastal zone, phase 1 : integrated environmental problem analysis. ABE
J., KOUASSI A. M.,, IBO G. J., N’GUESSAN N’CHO, KOUADIO A., N’GORAN
YA N. et KABA N., Global environment facility, 76 p.
POLET, J., 1988. Archéologie des îles du Pays Eotile (Lagune Aby, Côte d’Ivoire), Thèse de
doctorat d’État, Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, 3 volumes, 624 p. et
1 volume de documents.
POMEL R. et PELLETIER H., 1977. « Classement des sables des formations
quaternaires du littoral ivoirien d’après le résidu lourd », Annales de l’Université
d’Abidjan, série G (Géographie) tome VII, p. 189-233.
Port Autonome d’Abidjan, Rapports d’Activités, 2000, 2001, 2002, 2003, 2004, 2005.
Port Autonome de San Pedro, Rapports d’Activités, 2000, 2001, 2002, 2003, 2004.
Primature, Cellule Opérationnelle de Coordination du Plan National de Lutte contre
les Déchets Toxiques, 2006. Plan stratégique national 2006-2009 de lutte contre les déchets
toxiques du Probo Koala et leur impact sur l’environnement et la santé de la population, rapport
décembre 2006, 33 p.

QUELENNEC R-E., 1984. Identification des problèmes d’érosion sur le littoral sableux de la
Côte d’Ivoire. Propositions d’actions prioritaires, rapport du BRGM, 46 p.
QUELENNEC R. E, 1987. « Érosion côtière en Afrique de l’Ouest et du Centre :
causes naturelles et anthropiques, prospective et conséquences pour la protection et
l’aménagement du littoral », Nature et ressources, vol. XXIII, n° 3-4, p. 2-9.
RACINE J-B., 1974. « Les implications scientifiques et idéologiques d’une géographie
nouvelle », actes du colloque sur l’avenir de l’histoire et de la géographie, Bromont,
Université de Montréal, Québec, Canada, p. 107-125.
RÉMY M., 1996. La Côte d’Ivoire aujourd’hui, Éditions du Jaquar (7ème édition), Paris, 236 p.
RGPH, 1998. Recensement général de la population et de l’habitat, Institut National de la
Statistique-INS, Abidjan.
ROBIN M., 1998. « Détermination de l’énergie des houles et de leur capacité à générer
une dérive littorale à l’aide d’une image Spot par transformée de Fourier. Exemple
de Grand-Lahou, République de Côte d’Ivoire », Cahiers Nantais, n° 49, Université
316 de Nantes, p. 127-138.
BIBLIOGRAPHIE

ROBIN M., HAUHOUOT C., 1999a. « Le risque urbain généré par une érosion côtière
d’origine partiellement anthropique : le cas de la baie de Port-Bouët, Abidjan, Côte
d’Ivoire », CoastGIS’99, session 10, 11 p.
ROBIN M., HAUHOUOT C., 1999b. « Les risques naturels côtiers en Côte d’Ivoire »,
Cahiers Nantais, n° 51, Université de Nantes, p. 169-183.
ROBIN M., HAUHOUOT C., AFFIAN K., ANOH P., ALLA D. A., POTTIER P.,
2004. « Les risques côtiers en Côte d’Ivoire », Bulletin Association de Géographes Français,
n° 3, p. 298-314.
ROLLAND G., 2005. Synthèse bibliographique sur la gestion intégrée des zones côtières. État des
lieux en France, dans son contexte européen et international, Rivages de France, 37 p.

SANKARÉ Y., AVIT J.B.L.F., EGNANKOU W., SAENGER P., 1998. « Étude
floristique des mangroves des milieux margino-littoraux de Côte d’Ivoire »,
Bulletin du Jardin Botanique National de Belgique, n° 67, p. 335-360.
SAWADOGO A., 1977. L’agriculture en Côte d’Ivoire, PUF, Paris, 368 p.
SETTIÉ L. É. (1997). L’État et le processus de développement en Côte d’Ivoire : 1960-1980
(Histoire de l’émergence d’une économie moderne), Hanns-Seidel – IPNEPT, Abidjan, 278 p.
SEZA, F.J., 2002. Projet de gestion communautaire des ressources naturelles du parc national des îles
Éhotilé, WWF, rapport interne, 32 p.
SHEPARD F.-P., 1963. Submarine geology, Haper and Row, New York, 557 p.
SCHNELL R., 1971. «Introduction à la phytogéographie des pays tropicaux», Les
milieux. les groupements végétaux, tome 2, Gauthier Villars, Paris, p. 503-950.
TAPE BIDI J., 2004, Économie maritime et portuaire de la Côte d’Ivoire : Étude géographique,
thèse de Doctorat d’État en Géographie, Université de Cocody Abidjan, Abidjan,
3 Tomes, 876 p.
TAPE BIDI J., 2005. « Impact de la crise ivoirienne sur les ports ouest-africains »,
Outre-terre, revue française de géopolitique, n° 11 mai 2005, 606 pages avec Atlas et encart
couleurs : De l’Afrique au Gondwana ?, p. 309-318.
TAPINOS G-P., HUGON P. et VIMARD P., 2001. La Côte d’Ivoire à l’aube du XXIe siècle,
Karthala, Paris, 498 p.
TARDIF, J., 2003. « Écotourisme et développement durable », VertigO-La revue en
sciences de l’environnement sur le Web, vol. 4, n° 1, mai, 20 p.
TASTET J.P., 1972. « Quelques considérations sur la classification des côtes. La
morphologie côtière ivoirienne », Annales de l’Université d’Abidjan, série C (sciences)
tome VIII, 2, p. 135-162.
TASTET J.-P., 1979. Environnement sédimentaire et structuraux quaternaires du littoral du
golfe de Guinée (Côte d’Ivoire, Togo, Bénin), thèse de Doctorat de Sciences Naturelles,
Université de Bordeaux I, n° 621, 181 p.
TASTET J.P. et al. 1985. « Le littoral ivoirien : géologie, morphologie, dynamique »,
Annales de l’Université d’Abidjan, série C, T XXI.
TASTET J.P., CAILLON L., SIMON B., 1985. La dynamique sédimentaire littorale devant
Abidjan. Impacts des aménagements, Université Nationale de Côte d’Ivoire-PAA, 39 p.
TASTET J.-P. et GUIRAL D., 1994. « Géologie et sédimentologie », in DURAND J.
P., DUFOUR P., GUIRAL D. et ZABI S. G. F., Environnement et ressources aquatiques de
Côte d’Ivoire – Les milieux lagunaires, Paris, ORSTOM, tome 2, p. 35-57. 317
GÉOGRAPHIE DU LITTORAL DE CÔTE D’IVOIRE

TOURE, M., 2000. Rapport de l’atelier de planification du projet de gestion communautaire des
ressources naturelles autour du PNIE, Abidjan, 24 p.
TOURE, M., 2001. Rapport sur l’élaboration d’un programme de développement de l’écotourisme
autour du PNIE, Abidjan, 20 p.
TOURE M., 2004. Planification et développement régional en Côte d’Ivoire. Le nord ivoirien, une
région marginalisée ?, thèse de Géographie, Université de Nantes, 584 p.
UNFPA, Abidjan, 2004. État de la population mondiale.
UVICOSI, 1989. Rapport général du sixième séminaire de l’UVICOCI sur l’aménagement du
territoire des communes et le développement, Abidjan. Voir l’exposé de Bertin Gbayoro
(alors sous-directeur de la planification agricole) et Mamadou Traoré (alors sous-
directeur de l’Aménagement du territoire), p. 16-20.
VAESTRAETE J.M., 1989. « Le niveau de la mer le long des côtes de l’Afrique de
l’Ouest et à l’Equateur, hausse probable du niveau marin à l’échelle séculaire »,
COMARAF/IOC (GLOSS) Océanographie. Physique, Conakry, Guinée, p. 5-43.
VERDEAU F., 1992. « Société de pêcheurs et environnement : savoirs et appropriation
halieutique du milieu », GONTIE G. et M. GAUD, Afrique contemporaine,
l’environnement, n° 161, p. 124-144.
VIGARIÉ A., 1993. « Abidjan : le port et son rôle dans le développement urbain »,
African Urban Quaterly, vol. 9 (1-2), p. 39-51.
VINCKE M-M-J., WIJKSDRÔM U-N., 1982. Notes sur l’économie de l’aquaculture en
côte d’Ivoire, rapport d’une mission en côte d’Ivoire, FAO, département des pêches, Rome,
73 p.
WRIGHT L-D., CHAPPELL.J., THOM B-G., BRADSHAW H-P., COWELL P.,
1979. « Morphodynamics of reflective and dissipative beach and inshore systems
Southearstern Australia », Marine Géology, n° 32, p. 105-140.
WWF, 1994. Monographie des parcs nationaux de Côte d’Ivoire, document 5, 35 p.
WWF et AKE A., 2003. Étude floristique des îles Éhotilé, rapport d’activité au premier
semestre.
YAPO E., 2007. « L’immigration en Côte d’Ivoire : ampleur du phénomène et niveau
d’intégration de la population », Séminaire État-Nation et intégrations en Afrique de
l’Ouest : le cas de la Côte d’Ivoire, Hôtel Ivoire, Abidjan, 7-9 novembre 2007.
ZABI S. G., 1982. « Répartition et abondance des espèces de la macofaune benthique
de la lagune Ebrié (Côte d’Ivoire) », Documents Scientifiques du Centre de Recherches
Océanographiques, Abidjan, 13-1, p. 1-51.

318
TABLE DES MATIÈRES

TABLE DES MATIÈRES

Avant-propos
A. S. HAUHOUOT & J.-P. CORLAY …………………………………… 11

Introduction
K. P. ANOH & P. POTTIER …………………………………………… 15

Première partie
Usages et interactions nature/société dans la bande côtière

Introduction ………………….………………………………………… 21

1. La végétation du littoral ivoirien ….………………………………… 23


Yao Télesphore BROU
Les facteurs déterminants de la végétation sur le littoral ivoirien ….……… 23
La diversité des sols ……………………………………………………… 23
L’inégale répartition des précipitations ……………………………………… 25
Les formations forestières ….………………………………….………… 25
La forêt littorale, une variante de la forêt dense humide sempervirente .…….……. 25
La forêt marécageuse …….………………………………………………. 27
Les mangroves ……….…………………………………………………. 27
Les formations végétales basses ………………………………………… 29
Les savanes pré-lagunaires .………………………………………………. 29
Les savanes littorales …………………………………………………… 29
Les activités agro-économiques et dynamiques de la végétation sur le
littoral ivoirien …………………………………………………………… 29
L’évolutions des principales cultures d’exportation …………………………… 31
Le recul des formations forestières ………………….……………………… 32
Les enjeux environnementaux et socio-économiques d’une gestion
durable des milieux forestiers du littoral ivoirien ………………………… 33
Conclusion ……………………………………….……………………… 34 319
GÉOGRAPHIE DU LITTORAL DE CÔTE D’IVOIRE

2. Morphologie et dynamique du trait de côte en Côte d’Ivoire ….… 37


Célestin Paul HAUHOUOT

Esquisse du littoral ivoirien ………………….………………………… 39


Un littoral rocheux et sableux …………….…………………….……….. 39
La mer côtière ………………………………………………………… 40
Essais de classification des côtes ivoiriennes ………………………….… 41
Classifications génétiques et morphologiques ………………………………… 41
Régime morphodynamiques des plages ……………………………………… 43
La dynamique du littoral et les enjeux associés ………………………… 44
La cinématique du trait de côte …….………………….…………………. 44
L’élévation du niveau marin ……………………………………………… 47
Conclusion ……………………………………………………………… 49

3. Dynamique de l’occupation du littoral ivoirien à des fins halieutiques


et aquacoles …………………………………………………………… 51
Kouassi Paul ANOH

L’occupation de la façade maritime ……………………………………… 53


L’implantation des pêcheurs avant 1900 …………………………………… 53
Les sites d’installation entre 1900 et 1960 ………………………………… 54
L’occupation de la façade maritime de 1960 à nos jours ……………………… 55
L’implantation des pêcheurs en lagune …………………………………. 58
Les populations lagunaires des origines au début du XIXe siècle ……………… 58
Géographie du peuplement de l’espace lagunaire depuis le XIXe siècle ………… 59
Le littoral ivoirien : un espace, deux modèles de développement ………… 60
La pêche comme activité précurseur du développement dans l’espace lagunaire …… 60
Sur la façade maritime, le développement a précédé l’arrivée des pêcheurs ………… 61
Dynamique de l’occupation et développement durable du littoral ……… 61
Conclusion ……………………………………………………………… 63

4. Panorama des villes du littoral ivoirien …………………………… 65


Ousmane DEMBÉLÉ

Un semis disparate de villes sur le littoral atlantique ……….………….… 67


Les villes de la côte ……………………………………………………… 67
La ville côtière : une origine liée au commerce précolonial ……………………… 67
Abidjan : ville portuaire, ville de l’eau, symbole de la Côte d’Ivoire maritime …… 69
Équilibrage du réseau des villes côtières ………………………………… 72
La recherche d’un « pôle urbain majeur » à San Pédro ……………………… 72
L’ouverture d’une « côte sauvage » et l’attrait touristique des villes de l’ouest …… 74
Vie urbaine et eau sur le littoral atlantique ……………………………… 75
Tissus urbains, activités des populations et eaux à Abidjan …………………… 75
Les petits centres côtiers dans le nouveau processus de développement de l’Ouest .... 79
320 Conclusion …………………………………………………………… 81
TABLE DES MATIÈRES

5. L’ importance des ports maritimes dans l’économie ivoirienne ....... 83


N’Guessan Hassy Joseph KABLAN
Ports et trafics maritimes en Côte d’Ivoire ………………………………. 85
Au port d’Abidjan, la constante adaptation des capacités d’accueil aux volumes
et aux types de trafics …………………………………………………… 85
Une vision prospective pour l’avenir du port d’Abidjan ……………………… 86
Les espoirs non confirmés du port de San Pedro …………………………… 89
Les échanges maritimes de la Côte d’Ivoire ………………………………… 91
Les freins à la dynamique portuaire en Côte d’Ivoire …………………… 95
La situation politique et économique ……………………………………… 95
Pour une réduction des barrages routiers et corridors de sécurité ……………. 97
La restauration qualitative et quantitative des voies de communications ………… 97
Le poids des ports ivoiriens aux plans national et sous-régional ………… 98
Les ports comme intégrateurs territoriaux …………………………………… 98
Abidjan et San Pédro, pôles d’activités portuaires …………………………… 98
Les revenus des ports ivoiriens …………………………………………… 99
La contribution des ports à la politique de relance économique ………… 99
Développer le rôle du port dans l’économie ………………………………… 99
Renforcer l’accueil des activités de pêche …………………………………… 100
Les ports doivent rester les « poumons de l’économie ivoirienne » ……………… 100
Accentuer le rôle d’entraînement du développement industriel ………………… 100
Renforcer le poids du port d’Abidjan dans la sous-région …………………… 101
Conclusion …………………………………………………………… 101

6. Les échanges maritimes de la Côte d’Ivoire et la question du trafic


interportuaire avec la France de 2000 à 2004 ……………………… 103
Bidi Jean TAPÉ
La politique maritime ivoirienne ……………………………………… 104
Le Ministère de la Marine ……………………………………………… 104
La Côte d’Ivoire et l’Organisation Maritime Internationale ………………… 106
Grandeur et décadence de la politique maritime …………………………… 107
Les ports ……………………………………………………………… 109
Présentation des systèmes portuaires français et ivoirien …………………… 109
Les trafics …………………………………………………………… 111
Le mode de conditionnement entre les ports ivoiriens et les ports français ……… 117
La présence économique française en Côte d’Ivoire …………………… 117
Discussion …………………………………………………………… 119
Conclusion …………………………………………………………… 121

7. Fréquentation du tourisme national sur les plages et le littoral ivoirien … 123


N’Dri Germain APHING-KOUASSI
Les potentialités touristiques du milieu ………………………………… 124
La côte touristique du sud-est ou la « riviera ivoirienne » …………………… 125 321
GÉOGRAPHIE DU LITTORAL DE CÔTE D’IVOIRE

Le secteur de Grand-Lahou ou le littoral des pays Alladjan et Avikam ……… 129


Le secteur de San Pedro, une autre configuration littorale …………………… 131
Les évolutions et mutations des équipements touristiques ……………… 133
Les principaux établissements d’hôtellerie et de restauration ………………… 133
Le phénomène de « paillotisation » du littoral ivoirien ……………………… 134
Les résidences secondaires ……………………………………………… 135
Les difficultés de développement touristique du littoral et des zones lagunaires . . 137
La maîtrise et la gestion des espaces destinés au tourisme …………………… 139
La qualité de l’environnement des plages ………………………………… 140
La sécurité …………………………………………………………… 140
Conclusion …………………………………………………………… 140

8. Structure du modèle spatial ivoirien : réglage territorial et pressions


humaines sur le littoral de Côte d’Ivoire …………………………… 143
Mamoutou TOURÉ
Les systèmes territoriaux de base en Côte d’Ivoire ……………………… 143
Géohistoire de la Côte d’Ivoire en Afrique de l’Ouest ………….………………… 143
Mise en État et émergence d’un modèle spatial ivoirien ………………………… 145
Options stratégiques et volontarismes étatique ………………………… 147
Options stratégiques de développement à l’indépendance …………………………… 147
Actions et limites du volontarisme étatique ……………………………… 149
Maturation du modèle spatial ivoirien et enjeux pour le littoral ………… 154
Développement et récompositions territoriales ………………………………… 154
Renforcement de la littoralité et crise de l’espace urbain ……………………… 155
Conclusion …………………………………………………………… 157

Conclusion ………………………………………………………… 159

Deuxième partie
Risques côtiers et gestion intégrée des territoires littoraux

Introduction ………………………………………………………… 163

9. La lagune Ébrié à l’épreuve de la pression anthropique ………… 165


Patrick POTTIER, Kouadio AFFIAN, M’Moi Valère DJAGOUAO
Kouassi Paul ANOH, Yao KRA, Armand KANGAH, Marc ROBIN
Le cadre physique de l’ensemble lagunaire ivoirien …………………… 167
Des dimensions exceptionnelles qui en font la « marque » du littoral ………… 167
Un contexte naturel favorisant la pollution de la lagune Ébrié ……………… 167
La pollution de la lagune Ébrié ………………………………………… 169
Les types de pollution et leur origine ……………………………………… 169
322 Le colmatage des baies lagunaires ….…………………………………. 173
TABLE DES MATIÈRES

Les carences du développement urbain, facteur des pollutions lagunaires .. 174


Une croissance urbaine non maîtrisée …………………………………… 174
Un développement industriel fortement polluant …………………………… 175
L’assainissement et le traitement des déchets sont largement insuffisants ……… 177
Les mauvaises pratiques favorisant la pollution de la lagune ………………… 179
Les conséquences évidentes de la pollution sur les populations ………………… 180
Conclusion …………………………………………………………… 181

10. La pêche à Abidjan face à la dégradation de l’écosystème Lagunaire..185


Céline Yolande KOFFIÉ-BIKPO

La répartition des activités de pêche dans la lagune Ébrié d’Abidjan …… 187


Les lieux de vie des pêcheurs autour de la lagune …………………………… 187
Les zones de pêche …………………………………………………… 189
La gestion de l’espace lagunaire dans le district d’Abidjan ……………… 193
La gestion de l’eau par les autochtones …………………………………… 193
Les aménagements observés en vue d’un développement durable ……………… 195
La gestion des risques ………………………………………………… 196
Les risques naturels ayant des répercussions sur la pêche lagunaire dans le district
d’Abidjan …………………………………………………………… 196
Les risques d’origine anthropique liés à la pêche …………………………… 197
Conclusion …………………………………… ………………… 200

11. Atouts et contraintes de développement d’une ville côtière


emblématique ; le cas de Grand-Bassam …………………………… 203
Téré GOGBÉ, Patrick POTTIER

Essor et déclin de Grand-Bassam ……………………………………… 204


Une ville coloniale chargée d’histoire ……………………………………… 204
Grand-Bassam, un moment tombée dans l’oubli …………………………… 207
Les nouveaux atouts de Grand-Bassam ………………………………… 209
La population, facteur de développement ………………………………… 209
Grand-Bassam, nouvelle banlieue d’Abidjan ? …………………………… 209
La “littoralisation“ en cours sous l’impulsion du développement touristique et de l’identité
culturelle …………………………………………………………… 211
Les obstacles au développement …………………………………… 213
Répartition des compétences et moyens financiers …………………………… 213
Les problèmes d’équipement à Grand-Bassam …………………………… 214
Les désordres urbains ………………………………………………… 217
Conclusion …………………………………………………………… 218 323
GÉOGRAPHIE DU LITTORAL DE CÔTE D’IVOIRE

12. Les inondations à Grand-Bassam : un risque permanent ……… 221


Della André ALLA
Un contexte physique très favorable à l’aléa inondation ……………… 223
Un relief pratiquement plat …………………………………………… 223
Des terrains marécageux ……………………………………………… 223
La côte et sa vulnérabilité à une hausse du niveau de la mer………………… 224
Les pluies et leur violence ……………………………………………… 224
Les facteurs de vulnérabilité …………………………………………… 225
L’urbanisation totale du site …………………………………………… 225
Un réseau de drainage trop sommaire …………………………………… 227
Le risque d’inondation et sa répartition ……………………………… 229
Des inondations à fréquence annuelle ………………………………… 230
Les types d’inondation à Grand-Bassam et leur manifestation ……………… 231
Impacts socio-économiques des inondations à Grand-Bassam ………………… 232
Conclusion …………………………………………………………… 233

13. Ecotourisme, populations riveraines et gestion de l’environnement :


cas du Parc National des Iles Ehotilés (PNIE) …..………………… 237
Lobognon DOBE, Nakouma SAKO
Le contexte ………………………………………………………… 238
Le PNIE, un patrimoine naturel assez diversifié ………………………… 239
Le PNIE dans un riche environnement humain ………………………… 239
La problématique de la conservation et la promotion du PNIE ……… 240
La problématique générale de la conservation des aires protégées ……………… 240
Le cas du PNIE : la problématique de la conservation du parc et de la satisfaction des
besoins des populations riveraines ………………………………………… 241
WWF et l’écotourisme pour la satisfaction des besoins des populations
Riveraines et la conservation du PNIE ……………………………… 243
Les perspectives ……………………………………………………… 245
Conclusion …………………………………………………………… 247

14. La problématique de la gestion intégrée des zones côtières (GIZC) en


Côte d’Ivoire ……………………………………………………… 249
Hassy Joseph N’GUESSAN KABLAN, Patrick POTTIER

La Côte d’Ivoire et les grands principes fondamentaux de protection,


d’aménagement et de gestion du littoral ………………….…………… 250
S’inscrire dans la perspective d’un développement durable …………………… 250
La coopération internationale à travers les agences spécialisées des Nations Unies … 251
La mise en œuvre de la déclaration de la CNUED sur les océans à l’échelle sous-
régionale …..……………………………………………………... 253
Le Plan national d’action environnemental (PNAE) ……………………… 254
324 La politique environnementale nationale ………………………………… 255
TABLE DES MATIÈRES

Les interactions fonctionnelles du système littoral ivoirien …………… 258


Les usages et les conflits sur le littoral ivoirien ……………………………… 258
Les déséquilibres dus aux effets des interactions fonctionnelles ………………… 263
Les systèmes de gestion et de régulation actuels ……………………… 265
Le cadre institutionnel et réglementaire …………………………………… 267
Vers une stratégie de gestion intégrée du littoral ivoirien ? …………………… 269
Conclusion …………………………………………………………… 273

15. L’avenir du littoral ivoirien : une approche par la prospective


territoriale …………………………………………………………… 275
Assa Théophile KOBY
Le littoral dans la structuration de l’espace ivoirien …………………… 276
La « méridionalisation » du peuplement ……………………………… 279
Une démographie ivoirienne galopante ……………………………………… 279
Des disparités criantes dans le peuplement entre le Nord et le Sud …………… 281
La méridionalisation du peuplement comme tendance lourde ………………… 281
La distribution selon le milieu d’habitat …………………………………… 281
Une tendance irrémédiable vers une société urbaine et cosmopolite …………… 283
Une nouvelle société ivoirienne …………………………………………… 285
La frange littorale dans le processus de méridionalisation du peuplement … 286
L’attraction du littoral et de l’agglomération abidjanaise …………………… 287
L’émergence de San-Pedro comme pôle urbain sur la frange occidentale ………… 287
Les autres villes du littoral ……………………………………………… 287
Risques côtiers, gestion intégrée des territoires littoraux et enjeux du futur … 288
Le littoral, une priorité pour l’avenir ……………………………………… 288
La prospective territoriale comme cadre formel pour une approche intégrée des problèmes
du littoral ivoirien ……………………………………………………… 288
Désordres spatiaux et problématiques de l’aménagement du littoral ivoirien …… 290
Un observatoire du désordre pour le management des organisations spatiales …… 292
Conclusion …………………………………………………………… 293

Conclusion ………………………………………………………… 297

Conclusion générale
P. POTTIER & K. P. ANOH ………………………………………… 299

Table des sigles ……………………………………………………… 303

Bibliographie ………………………………………………………… 307 325


Achevé d’imprimer
Imprimerie La Clonerie
29, boulevard Jean Mermoz
44600 SAINT-NAZAIRE

Octobre 2008

Dépôt Légal
ISBN 2-916134-05-0

Cette ouvrage a été imprimé à 300 exemplaires

Вам также может понравиться