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Comment faire d’une PME

une entreprise performante

Collection « L’essentiel pour agir »


Comment faire d’une PME
une entreprise performante
Carnet de bord d’un PDG

Édition 2011

Ouvrage conçu et réalisé sous la direction de Catherine FOURMOND

Auteur :
Patrick DUSSOSSOY

Suivi éditorial, conception graphique : GERESO Édition


Photo de couverture : © Steex/Istockphoto.com

© GERESO Édition 2011


26 rue Xavier Bichat – 72018 Le Mans Cedex 2 – France
Tél. 02 43 23 03 53
Fax 02 43 28 40 67

www.la-librairie-rh.com
e-mail : edition@gereso.fr

Reproduction, traduction, adaptation interdites


Tous droits réservés pour tous pays
Loi du 11 mars 1957

Dépôt légal : octobre 2011


ISBN : 978-2-35953-081-0
EAN 13 : 9782359530810

GERESO SAS au capital de 160 640 euros – RCS B 311 975 577
Siège social : 28 rue Xavier Bichat – 72018 Le Mans Cedex 2 – France
Dans la même collection
• Crédit et stratégie commerciale

• Discriminations en entreprise

• L’emploi des travailleurs handicapés

• L’entreprise au cœur du développement durable

• L’épargne salariale

• La gestion de crise en entreprise

• La gestion des risques en entreprise

• La gestion du risque crédit client

• La protection sociale en 200 questions

• La retraite des agents du secteur public

• La retraite des artisans commerçants

• La retraite des professions libérales

• Le contrat à durée déterminée

• Le départ négocié

• Le droit du travail en 360 questions

• Le management interculturel

• Les accidents du travail

• Management d’équipe projet

• Prévention et santé au travail

• Risques stratégiques et financiers de l’entreprise

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Introduction

Mon parcours traditionnel avec une enfance studieuse, stricte mais


facile, m’a conduit naturellement au métier confortable de banquier
dans la prestigieuse banque américaine J.P. Morgan. Première étape
d’une belle carrière promise dans des grandes entreprises. Trois
semaines de croisière et de grande liberté en voilier, et tout a bas-
culé. Je tirais un trait brutal sur cet itinéraire rectiligne tout tracé. Par
un hasard inattendu, je plongeais le même jour dans l’univers de la
PME que je ne quitterai plus. Trois ans plus tard, je devenais PDG
de l’entreprise que je venais de créer. Le métier dont beaucoup
rêvent. Mais un métier plutôt impopulaire pour la majorité des
Français. Et qui l’est devenu encore plus avec le comportement de
quelques grands patrons qui ont perdu le sens des réalités. Avec
cette manière brutale de nombreux responsables d’entreprises, de
jeter à la rue des salariés pour maximiser leurs résultats financiers.
Et pourtant, il est une multitude d’entreprises, une majorité des PME
en particulier, beaucoup de PDG, dont la conduite est très loin de
ces excès.

Qui se cache en fait derrière ce PDG ? Est-ce un exploiteur, un mani-


pulateur, un despote, un privilégié ? Ou est-ce un champion, un aven-
turier, un manager, un homme de pouvoir, un général ? Est-ce un orga-
nisateur, un décideur, un super-commercial, un créatif, un inventeur,
un meneur, un fonceur, un courageux ? Et peut-être tout ceci à la fois.
Vu de l’intérieur, ce métier est en tout cas passionnant, mais aussi
totalement dévorant.

Une première question se pose avant d’entrer dans le sujet. Faut-il être
né entrepreneur pour réussir à diriger une entreprise ? Question sur
laquelle je me suis souvent interrogé avant de devenir moi-même entre-
preneur. Enfant, je fus d’abord un bon soldat. J’étais l’aîné de sept ; je
devais montrer l’exemple. Ce faisant, consciemment ou non, mes

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COMMENT FAIRE D’UNE PME UNE ENTREPRISE PERFORMANTE

parents me préparaient très jeune à prendre des responsabilités. J’ai,


paraît-il, bien tenu mon rôle.

J’ai été élevé avec des valeurs et des principes catholiques. Mais aussi
avec celles de la République : mes parents avaient été résistants très
tôt. J’y apprenais à mettre la barre toujours plus haute, à vaincre ma
peur, à commander les autres. Expérience qui complétait bien des
règles familiales strictes mais pas trop difficiles : il fallait travailler en
classe, parce que la valeur suprême était la réussite dans la vie. Le
mot bonheur ne se prononçait pas, vertu païenne à cette époque.

De la discipline je n’ai pas souffert ; à la maison elle n’était que mater-


nelle, ce qui aura beaucoup d’influence sur mon leadership futur. Un
père solitaire, respectueux de la pensée de chacun. Un père, exemple
de réussite, mais surtout de droiture. Trop bien, trop comme il faut. Ce
pourquoi peut-être je me suis rebellé contre le système... mais sans être
un révolutionnaire. Plutôt une recherche d’indépendance, de liberté.

Mes parents avaient décidé mon plan de carrière : ce serait une école
d’ingénieur. Je suivais en parallèle Sciences économiques en cours du
soir, pour apprendre et rencontrer un autre monde que celui de mon
enfance. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à me libérer du
modèle familial. C’était la période 1968, vécue à Paris. Un engagement
fort dans le syndicalisme étudiant. Sans être un agitateur, plutôt un
idéaliste optimiste. De ceux qui agissent, pas de ceux qui critiquent tout
systématiquement. Parce que je me méfiais déjà des dogmes, de la
pensée unique. Des années bénies où je me réalisais dans de multiples
activités, avec la quasi-certitude de trouver un emploi à la fin des études.

Je trouvais mon premier job sans trop d’effort, par le réseau : chargé
d’étude à la création d’une SSII qui deviendra l’un des leaders euro-
péens 20 ans plus tard, la Sligos.

Envie d’un peu d’aventure ; je partais 15 mois plus tard pour la Nou-
velle-Calédonie en coopération. Un titre ronflant d’économiste à la Mis-
sion d’Aménagement du Territoire. La réalité fut beaucoup plus
modeste. J’étais parti aussi là-bas pour la mer. J’ai pu y acheter mon
premier voilier habitable. Un espace idéal pour exercer vos talents de
leader.

Je suis rentré de ce paradis parce que j’avais d’autres ambitions qui


commençaient à se préciser. Un an plus tard j’intégrais l’INSEAD à

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INTRODUCTION

Fontainebleau, où j’allais pendant un an acquérir les bases nécessaires


à mes projets.

Ce fut ensuite la banque américaine J.P. Morgan. Très grande entre-


prise certes, ce qui n’était pas ma préférence. Mais elle m’envoyait à
New York. Exposition forte à une multinationale, et surtout à la finance.
Retour à Paris. Salaire confortable. Je gérais six cents millions de
francs de crédit à trente ans. J’étais devenu quelqu’un d’important.
Mais je n’arrivais pas à me situer dans ce monde de la banque et à
m’y projeter pour l’avenir. Quelque chose d’indéfini ne fonctionnait pas.
Je ne m’y sentais pas bien. Je manquais de liberté. Je n’étais pas mon
maître. Je ne souhaitais pas faire partie de cette caste, de ce modèle.
J’étais trop indépendant et fier pour supporter les règles d’un métier
trop formel, trop codé.

Au retour d’une croisière en bateau en 1978, je remettais ma démis-


sion. C’est à ce moment-là, que j’ai vraiment commencé à ressentir
l’envie d’entreprendre. La chance s’en est mêlée. Le soir même de
ma démission, Pierre Prieux, PDG des bateaux Dufour et camarade
de l’INSEAD, me proposait de le rejoindre. Le baron Bich, proprié-
taire de Dufour venait de racheter une petite entreprise en difficulté
Tabur Marine. Pierre Prieux avait besoin d’un second. Ma vie d’entre-
preneur commençait. J’entrais dans l’univers de la PME. Je gagnais
ma liberté.

Tabur fabriquait des annexes. La société perdait beaucoup d’argent.


Mais sa technologie était adaptée à un produit qui se développait rapi-
dement, la planche à voile. Nous avons lancé en quelques mois la
Dufour Wing qui fut la planche à voile la plus vendue au monde dès
sa première année. En deux ans le chiffre d’affaires de la société était
multiplié par cinq et les résultats devenaient exceptionnels. Deux ans
qui sont passés vite, enthousiasmants. Puis le grain de sable. Suite à
un désaccord avec le baron Bich, Pierre Prieux démissionnait et quittait
aussitôt le groupe. Solidaire, je refusais de prendre la direction de
Tabur. Trois jours plus tard, j’étais dehors. En démissionnant j’étais
libre ; libre pour un plus grand projet. L’envie d’entreprendre devenait
très forte. Une envie qui s’est manifestée parce que j’ai bénéficié d’un
concours de circonstances. Il fallait ce déclic.

La suite de l’histoire se construira progressivement à travers les


exemples décrits dans le livre. Quelques mots cependant, pour en
comprendre la chronologie.

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COMMENT FAIRE D’UNE PME UNE ENTREPRISE PERFORMANTE

L’étape suivante, ce fut le lancement et la réussite de Tiga. Un sum-


mum d’accomplissement. Ce fut une belle bataille totalement déséqui-
librée contre notre concurrent principal Bic, mon ex-employeur, sur un
marché qui commençait à s’effondrer peu après le lancement. Un jeu
terriblement stimulant parce qu’il nous forçait à être hypercréatif et
combatif, si nous voulions survivre. Une expérience dont la fin fut dou-
loureuse. En 1987, six ans après la création de Tiga, deux banquiers
ont brutalement coupé les vivres de la société. Conséquence de faibles
pertes annoncées dans un contexte de trésorerie tendue, de très forte
concurrence et d’une chute du marché de 50 % de son volume en cinq
ans. Jouer la transparence avec ces deux banquiers, fut de loin ma
plus grosse erreur en plus de vingt-cinq ans comme dirigeant. Trois
ans plus tard, une assignation en dépôt de bilan par une ancienne
championne de l’équipe Tiga, Jenna de Rosnay, que je n’attendais
vraiment pas dans ce rôle, mettait la société en redressement judi-
ciaire. Deux mois plus tard elle était reprise par l’un de ses actionnaires.
Il s’ensuivit un procès au tribunal de commerce qui aura duré quatorze
ans. Expérience qui peut devenir particulièrement marquante, tant
l’univers de la justice des tribunaux de commerce peut être
incontrôlable.

À partir de là mes métiers se sont toujours accompagnés de restruc-


turation drastique. Ce fut d’abord les spiritueux comme responsable
d’une filiale du groupe Rémy Cointreau, le rhum Mount Gay à la Bar-
bade aux Antilles. Celle-ci avait été rachetée trois ans plus tôt. La
reprise s’était mal engagée. La situation était inquiétante : usine tour-
nant très en dessous de sa capacité théorique, un grand procès avec
le fournisseur principal qui affectait directement la qualité, ventes en
déclin, pertes importantes. Trois directeurs généraux qui s’étaient suc-
cédé n’étaient pas parvenus à retourner la situation. J’avais pour pre-
mière instruction de licencier trois des quatre directeurs, causes de
tous les maux m’avait dit mon supérieur direct au niveau de la maison
mère. Instruction non suivie. Nous nous sommes tous mis au travail.
À peine un an plus tard, la société avait un vrai projet et était restruc-
turée. Elle redevenait profitable.

Je reprenais ensuite une unité fabricant de l’armagnac Clés des Ducs


et de la liqueur du Pays basque, Izarra. Le challenge y fut surtout mar-
keting. Clés des Ducs devint premier mondial de l’armagnac en volume.

Pas enthousiasmé par la multinationale, je rachetais ensuite avec ma


femme une société fabricant de rôtissoires industrielles et de matériel

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INTRODUCTION

de restauration, la société Chergui, la seule entreprise dont j’ai contrôlé


totalement le capital. Société quasi morte à la reprise, parce que s’étant
endormie depuis quinze ans. Ce fut plus long à restructurer parce qu’il
fallut tout revoir. Après quatre ans nous avons cédé l’entreprise.

Finalement je reprenais la direction d’un fabricant d’étiquettes adhé-


sives, ayant pour clientèle essentiellement des multinationales du cos-
métique, la société Gouzy. Là encore il s’agissait de restructurer. Ce
fut l’entreprise la plus profitable que j’ai eue à diriger, tellement profi-
table que mes prédécesseurs n’avaient pas vu venir un changement
complet d’environnement qui les avait amenés à perdre complètement
leur avantage concurrentiel sans réagir.

Après 25 ans de direction générale de PME, mon enthousiasme pour


ce métier que j’ai choisi n’a pas faibli. Je ne regrette pas d’avoir quitté
à trente-deux ans une multinationale prestigieuse et confortable, pour
plus d’autonomie, plus de risque et beaucoup moins d’argent. J’ai aimé
ce métier très complet, qui demande une énergie incroyable, beaucoup
de courage, un métier d’aventures que les autres ne connaissent pas,
ne comprennent pas.

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Chapitre 3
Le « leader »

Dans les années 1980 les patrons managers dominaient la grande


entreprise traditionnelle. Ces gestionnaires pouvaient être de bons diri-
geants lorsque les entreprises étaient mûres, profitables, enfermées
dans des systèmes de contrôle, le tout dans un environnement concur-
rentiel relativement stable.

Dans les entreprises dites de la nouvelle économie, la situation a déjà


beaucoup changé. Dans toutes les autres, elle est en train de changer.

Le patron maintenant est plus un leader. Le leadership ne s’apprend


pas dans des manuels scolaires, dans les grandes écoles ou les
business schools, mais au contact de la réalité.

Un PDG leader, ce n’est pas celui qui a réussi les meilleures


études, celui qui a une grande intelligence scolaire. C’est celui qui
motive et rassemble. Il délègue, il décide, il prend des initiatives, il
prend des risques. Il est capable de rester dans l’ombre, ou de
s’exposer si nécessaire. C’est un visionnaire qui prépare l’avenir,
anticipe les besoins futurs, l’évolution des produits et de l’organi-
sation. Il donne envie aux autres de le suivre dans ses projets, ses
objectifs. Il aide les autres. Il est attentif à tout. C’est le capitaine
du bateau.

Est-ce qu’on naît leader, ou est-ce qu’on le devient ? Un peu des deux
en réalité. L’enfance et l’adolescence vous fournissent les qualités
nécessaires pour ce rôle. Elles façonnent déjà le personnage. Le reste
s’acquiert avec l’expérience, avec les années, cela se travaille. Avec
les réussites et les échecs.

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COMMENT FAIRE D’UNE PME UNE ENTREPRISE PERFORMANTE

Être leader, chef d’entreprise, c’est beaucoup d’engagement de soi,


d’effort, de satisfactions, mais de douleur aussi. À l’arrivée, une impres-
sion formidable de se réaliser.

La réussite d’un patron leader va s’accompagner souvent d’une réus-


site financière. Mais ce n’est pas pour l’argent uniquement que le lea-
der va se battre. Sinon, il abandonnerait beaucoup plus rapidement
dès qu’il rencontre des difficultés. En d’autres termes, si vous voulez
être sûr de faire fortune, mieux vaut spéculer ou être intermédiaire que
chef d’entreprise.

Chef d’entreprise et leader. Les deux se confondent un peu dans ce


livre. Parce qu’un chef d’entreprise aujourd’hui devrait être un leader.
L’inverse n’est pas nécessairement vrai. Beaucoup de leaders ne sont
pas chefs d’entreprise, ou pas encore. De même, beaucoup de res-
ponsables sont leaders de quelqu’un, ou de quelques-uns. Ils sont
donc amenés à exercer leur propre leadership. Beaucoup de ces lignes
s’adressent aussi à eux. Ils se reconnaîtront dans beaucoup de des-
criptions, d’expériences.

Manager, c’est montrer l’exemple

À chaque minute, à chaque seconde le patron est épié par ses colla-
borateurs. S’ils sont nouveaux dans l’entreprise, nouveaux venus au
travail, son exemple est encore plus important. Il va leur permettre de
se positionner, de comprendre comment fonctionne l’entreprise,
l’équipe, quelles sont ses valeurs, comment lui-même fonctionne,
qu’est-ce qui est important pour lui, ce qui ne l’est pas. Positif ou
négatif, son comportement va rapidement dicter le leur. Il va les aider
à façonner les leurs. Il doit donc être le reflet de ses propres convic-
tions, de ses principes. Il doit aussi être cohérent avec les objectifs
qu’il a fixés à l’entreprise. Donner envie de suivre son projet.

L’exemple à montrer à son équipe, c’est une multitude de détails. Cela


commence avec les signes du pouvoir. Le patron qui va demander des
efforts, commence par faire lui-même des efforts. S’il se relâche, ses
collaborateurs pourront se relâcher. S’il s’absente trop souvent sans
explication, ses commerciaux n’hésiteront pas à prendre des libertés
dans leur déplacement. S’il arrive tard, ou part tôt, ceux qui ne pointent
pas se caleront sur ses horaires. S’il est inquiet, ils auront peur. S’il

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LE « LEADER »

est trop familier, ils le tutoieront peut-être, et son autorité en pâtira. À


chaque instant, il doit montrer l’exemple, être cohérent.

Montrez-vous déterminé

Les réactifs se laissent guider par les évènements, par les conseils de
leurs proches, par les circonstances. De même, par moments la ten-
tation est forte pour un dirigeant de se laisser porter. Pas nécessaire-
ment, par paresse, par facilité ou manque de volonté. Mais simplement
parce que l’intuition que ce qui arrive tout seul sans effort ne peut être
que bénéfique. Ce peut être par exemple un nouveau client qui sollicite
la société directement, un nouveau marché, un collaborateur qui
apporte une bonne idée. Ce n’est pas sûr que ce soit bon pour l’entre-
prise. Parce que cette démarche peut éloigner des objectifs, parce que
l’énergie dépensée dans la mauvaise direction n’est pas utilisée pour
atteindre les objectifs que la société s’est fixés. Ceci ne saurait cor-
respondre à un leader. Celui qui a un tel comportement n’ira pas loin.
Il n’entraînera pas beaucoup d’équipiers avec lui.

Celui qui pense être un leader, doit rester le maître. Son comportement
doit résulter de ses choix, de ses décisions. Il doit garder l’initiative
dans sa propre vie, comme il va la garder dans son entreprise. Parce
qu’il sera responsable de la vie de l’entreprise et de celle de son équipe.

Un effort est toujours nécessaire pour tendre vers ses objectifs, parce
que ce n’est pas nécessairement le plus facile, parce qu’il va falloir
faire des choses déplaisantes : prendre sa voiture une fois de plus pour
aller dans une région qui est éloignée, rencontrer un client agressif, le
fournisseur qui fait perdre du temps, aller très loin dans les détails,
faire profil bas devant un banquier. Bref, le quotidien, surtout en période
tendue.

En toutes circonstances, soyez déterminé dans le sens du projet que


vous vous êtes fixé. Cultivez la volonté d’atteindre vos objectifs. Ne
vous dispersez pas.

Soyez engagé, passionné

Sans engagement, sans passion, chacun est beaucoup moins perfor-


mant, le stress devient plus difficile à gérer, et tout s’en ressent, le
travail, la vie familiale... C’est malheureusement la situation de plus en
plus de salariés, y compris de cadres, dans les entreprises. Et plus

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COMMENT FAIRE D’UNE PME UNE ENTREPRISE PERFORMANTE

encore chez les jeunes qui devraient au contraire être enthousiastes,


capables de remuer des montagnes.

Aucun PDG ne peut se permettre une telle attitude s’il veut réussir.
Celui donc qui se reconnaît dans ce comportement doit se dépêcher
de prendre des mesures pour son équilibre. Et s’il n’y parvient toujours
pas, mieux vaut peut-être pour lui changer de direction, transmettre
l’entreprise si elle lui appartient, et faire autre chose qui le passionne.

Plus encore que ses collaborateurs, le dirigeant devrait être passionné par
son travail. C’est possible, et s’il y parvient et que cela résulte d’un choix
personnel profond, cela conduira probablement à un haut niveau de qua-
lité et de performance. L’idée peut faire sourire, tant elle est loin de la réalité
pour la majorité. Mais c’est envisageable pour beaucoup si les conditions
sont réunies. Ainsi le commercial peut être content de boucler une vente, le
chercheur de trouver une solution, le comptable de clôturer son bilan.

Pour le patron qui vise à être performant, le travail est un combat de


chaque instant. Et s’il est engagé complètement dans son projet, il
verra ce combat différemment, de l’intérieur, avec satisfaction, peut-
être même plaisir. Avec l’insouciance d’un jeune qui débute et qui n’a
pas encore perdu beaucoup de ses illusions. Avec cette jeunesse qui
ne se mesure pas à l’âge.

Avec Tiga, avec le rhum Mount Gay, avec l’armagnac Clés des Ducs j’étais pas-
sionné. Avec les rôtissoires Chergui, avec les étiquettes Gouzy, je ne l’étais pas.
Mon engagement était beaucoup plus difficile. Je souhaitais qu’il ne s’éternise pas.

Essayez d’être un exemple de transparence et de franchise

Pour une bonne part de la société française, la langue de bois est un


mode profondément enraciné de présentation de la vérité. Dès l’enfance
les parents, les enseignants vous apprennent comment enrober les mau-
vaises nouvelles, et éviter les sujets qui fâchent. Il vaut mieux se taire, ne
rien dire. C’est la meilleure façon de ne pas créer de désordre, de ne pas
faire de la peine, de ne pas avoir d’ennui. Dire les choses crûment, dire la
vérité, sème le désordre, la colère, la peine, le ressentiment.

Ce faisant, en réalité on détruit la confiance en la vérité. Parce qu’un


trouble se crée, entre le fait qu’il ne faut pas mentir, et le fait qu’il ne
faut pas dire.

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LE « LEADER »

Ainsi la paranoïa collective de Gouzy face au risque d’erreur, se traduisait par un


manque total de franchise à tous les niveaux, tant la peur était forte, ancrée dans
le mode de fonctionnement de chacun. Ce manque de franchise était devenu un
des modes de communication interne de l’entreprise. La situation idéale qui bloque
les idées, ralentit l’action, empêche de se donner à fond.
Autre exemple. J’avais adressé une note de contestation à la direction générale
de Rémy Cointreau à propos de dérapages par rapport à la stratégie décidée.
Celle-ci m’avait été aimablement rendue en mains propres, parce que cela ne se
faisait pas. Sans commentaire, ni réponse sur le fond. Langue de bois, mais
acceptation de l’incohérence aussi. Doute.

Dans la fonction publique, dans la médecine, l’enseignement, dans la


politique, cette façon de communiquer, ou plutôt de ne pas commu-
niquer est la règle. La transgresser est une faute, voire une trahison.
L’absence de franchise permet de sauver la face, de ne pas être
ennuyé, de ne pas être sanctionné par un retour de bâton d’un supé-
rieur hiérarchique. Elle permet de mener une vie tranquille, discrète.

Dans beaucoup d’entreprises, c’est pareil. Les évaluations annuelles


par exemple restent un bel exercice d’hypocrisie. Le supérieur met les
formes pour exprimer ce qu’il ressent. Résultat, le jour où il n’est vrai-
ment plus content de son collaborateur et qu’il l’en informe, celui-ci
est très surpris, ne comprend plus, puisque rien ne lui avait été dit.
Tous s’accommodent en fait du statu quo. Ceux qui disent la vérité
sont des empêcheurs de tourner en rond, des provocateurs. La fran-
chise est dangereuse pour leur carrière.

Aujourd’hui la franchise entre un peu dans l’entreprise, mais


doucement.

Dans la PME qui cherche l’efficacité, le modèle qui nous intéresse, il


y a tout intérêt à faire baisser vite le manque de franchise, s’il existe.
Cette pratique est en effet contraire à toutes les théories sur la com-
munication. Elle ne favorise pas l’échange d’idées et complique forte-
ment les relations entre les individus. Elle est source de grandes pertes
d’énergie. Au contraire la franchise, la transparence débloquent les
situations, accélèrent la prise de décision. La connaissance de ce qui
se passe est un facteur d’équilibre pour chacun, de motivation. Mais
alors pourquoi la transparence apparaît-elle toujours si difficile ?

Le dirigeant n’évitera pas que les relations entre ses collaborateurs


soient empreintes de suspicion, de doutes. Par contre, par son com-

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COMMENT FAIRE D’UNE PME UNE ENTREPRISE PERFORMANTE

portement, il peut créer un climat plus favorable à la franchise. La mau-


vaise foi est à proscrire vis-à-vis de ses collaborateurs. Soyez franc,
ne trichez pas avec eux. Il faut ajouter, ne mentez pas avec eux.

Ce n’est pas pour autant qu’il faut tout dire à son équipe ? Le men-
songe par « omission » est souvent nécessaire pour la bonne cause. Il
s’agit d’abord de ne pas inquiéter ses équipes inutilement, de ne pas
parler des projets à moyen terme qui pourraient les déstabiliser, des
projets qui ne sont même pas sûrs. Il ne sert à rien d’annoncer les
mauvaises nouvelles à venir trop vite, un plan de licenciement par
exemple, un changement d’organisation... Comme les bruits de couloir
sont nombreux, l’information circulera plus tôt que souhaité de toute
façon. Mais l’information ne deviendra pas tout de suite réalité. Il sera
toujours temps d’expliquer pourquoi il ne fallait pas dire. Vous ne serez
pas qualifié pour autant de menteur.

Essayez donc d’être un exemple en pratiquant le mieux possible la


franchise. Et quelles que soient leurs compétences, il faut envisager
sérieusement de se séparer de ceux qui ne peuvent s’empêcher de
tricher sur ce sujet. Ils pourrissent le climat de l’entreprise.

Soyez conforme à vos propres valeurs : éthique, honnêteté, justice

Tout homme se forge un système de valeurs au fil de son existence,


pour donner du sens à ses actions, à son comportement. Celui-ci
résulte d’une culture, d’une éducation et de choix en cours de route.
Le leader d’une entreprise sera porteur de ses valeurs. Il est donc indis-
pensable qu’il les respecte. Plus, qu’elles soient profondément ancrées
en lui. Ce n’est qu’à ce prix que le leader saura toujours vers où aller,
quelles décisions prendre, qu’il pourra montrer la route aux autres.
Qu’il pourra transmettre un climat de confiance à ceux qui l’entourent.

Les enfants du papy-boom, dont je fais partie, ont eu la chance de


grandir dans un environnement professionnel fait d’une relative
confiance mutuelle. Aujourd’hui, la société a profondément changé, la
méfiance est partout, ce qui devrait conduire un patron à un maximum
d’exemplarité s’il veut maintenir la confiance de son équipe. Pour faire
partager son éthique et l’appliquer. Malheureusement beaucoup de
chefs d’entreprise en sont très loin.

Soyez convaincu qu’une motivation positive dans une équipe va de


pair avec l’honnêteté, avec beaucoup de sens moral, même si ceci

78
LE « LEADER »

peut paraître naïf dans la conduite des hommes et des affaires. Le chef
doit s’efforcer d’être un modèle de comportement qui soit conforme
aux valeurs qu’il énonce. La confiance va reposer sur un juste équilibre
entre les capacités, le courage, la vision, l’audace, mais aussi l’inté-
grité. Transparence, sincérité, justice, altruisme, reconnaissance, génè-
rent une motivation positive. Sinon, la priorité ne sera jamais l’entre-
prise. Ce sera chacun pour soi.

Le leader ne doit jamais dire le contraire de ce qu’il a dit pour se


disculper, faire porter le chapeau d’une erreur à un autre. S’il ment
un peu, que ce soit pour la bonne cause. De même, ce n’est pas
parce que la justice n’a pas été juste avec lui qu’il ne l’est pas. Il
s’efforce au contraire d’être juste. Pas toujours facile. Quand il faut
choisir entre deux personnes, pour une promotion par exemple, la
décision sera injuste pour celui qui n’est pas retenu. Dans de telles
situations où il faut sélectionner, il doit s’efforcer d’établir des critères
objectifs. Mais le sont-ils réellement ? Quelle est la vérité vraie ? Il faut
se donner du temps dans les décisions qui pourraient paraître liti-
gieuses. Et y associer d’autres décideurs. Jusqu’au moment où il faut
avancer.

Ce partage de valeurs avec son équipe, ces règles qu’il s’applique,


ont aussi beaucoup d’importance dans les relations avec les clients.
Si un concurrent n’a pas d’éthique, l’entreprise a un gros avantage
concurrentiel sur lui. D’autant qu’en général il n’en est pas conscient.
Parce qu’il ne sait pas que c’est possible, qu’il pourrait établir un
meilleur climat de confiance avec ses clients, et que ceci constitue
un critère important de développement des relations, surtout
aujourd’hui où les rapports dans le travail deviennent de plus en plus
brutaux.

Soyez modeste, parce que le contraire n’impressionnera pas ; osez


dire « je ne sais pas »

Pourquoi beaucoup de patrons sont-ils des personnages arrogants,


prétentieux ? Qui espèrent-ils impressionner avec ce comportement,
si ce n’est quelques courtisans qui feront semblant d’être admiratifs,
et sauront en profiter, voire quelques clients ou fournisseurs qui ne
sont pas dupes, et bien sûr eux-mêmes ?

Les leaders, les PDG ont besoin d’être sûrs d’eux pour donner
confiance. Notre orgueil personnel nous conduit aussi souvent à

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COMMENT FAIRE D’UNE PME UNE ENTREPRISE PERFORMANTE

nous présenter uniquement sous des aspects positifs. Ce peut être


aussi une défense. Pour celui par exemple qui est sur un siège éjec-
table dans une entreprise, avec plusieurs proches prêts à prendre
sa place. Sa réaction sera d’essayer de prouver qu’il est le meilleur.
Il sera donc prétentieux puisqu’il doit avoir raison sur tous les
sujets.

Combien de chefs dans les grandes entreprises excellent dans le paraî-


tre, mais sont en réalité décevants. C’est une des raisons qui m’avaient
fait démissionner de la banque. Le paraître m’y semblait plus important
que la performance.

Nulle part dans nos sociétés, l’arrogance, l’orgueil, la vanité ne moti-


vent les foules. La vanité ne trompe que peu de personnes. Elle n’est
que le reflet d’un manque de confiance en soi, le refus de se voir tel
que l’on est. À quoi servirait-il de mettre en avant des qualités que
vous n’avez pas ? À dépenser de l’énergie à se vanter, à essayer de
prouver sa valeur supposée ou imaginée. À se montrer sous un meilleur
jour que vous êtes. De toute façon vous seriez seul à y croire, et
encore !

Il faut une fierté intérieure pour réussir, mais de la simplicité dans les
rapports avec les autres. Le patron doit donc montrer beaucoup de
force, de fermeté, de courage, d’assurance, mais beaucoup d’humi-
lité, se rendre compte qu’il n’est pas toujours le meilleur. Se remettre
en cause, même devant ses collaborateurs. Le leader est alors perçu
avec détermination, dynamisme, talent, mais aussi faiblesse,
authenticité.

De la même manière pourquoi ne pas reconnaître que vous ne savez


pas ? Celui qui a déjà établi la confiance, et démontré ses compé-
tences pour assumer son rôle de leader, n’en sera que mieux respecté.
Qui peut croire sérieusement qu’il sait tout ? Ce n’est pas ce qui lui
est demandé.

Le même comportement doit se manifester aussi dans les relations


clients, fournisseurs, partenaires. Impressionner bien sûr son client,
ses prospects, sur ses produits, ses performances. Mais la modestie
ne rendra que plus crédible le discours. Laissez les superlatifs à vos
collaborateurs. Même s’ils exagèrent un peu quelquefois. Une occa-
sion d’exprimer leur confiance du produit, et de les laisser se
valoriser.

80
LE « LEADER »

La pression est indispensable pour la performance, gardez-en


le contrôle

La pression est indispensable, mais il ne faut pas en abuser


La compétition dans l’entreprise est omniprésente. Plus l’entreprise
est profitable, et plus les collaborateurs ont la possibilité d’en tirer
un profit personnel, plus elle a des chances d’être forte. Cette com-
pétition a pour intérêt de stimuler les équipes. Elle met en avant les
performances de chacun, elle lui permet de dépasser son voisin, et
donc d’accroître ses chances de bonus, de promotion, d’augmen-
tation de salaire. Elle peut être positive. Elle donne souvent de bons
résultats, comme le montrent les performances de beaucoup des
meilleures entreprises mondiales. Mais faut-il mettre la pression tout
le temps ? C’est un mode de management qui peut être efficace à
court terme, et avoir aussi des résultats sur le long terme, s’il y a un
vrai projet, de bons dirigeants. Ces méthodes sont dures pour les
nerfs, pour l’équilibre, parce qu’elles passent aussi par des décep-
tions, des sanctions et par l’élimination des moins bons. Elles peu-
vent aller jusqu’à entraîner la peur et donc des contre-performances.
Elle peut amener certains à multiplier les coups bas, les comporte-
ments injustes pour durer. Le climat peut devenir détestable et
contre-productif.

Dans une PME la compétition interne est moins forte. Parce qu’il y a
beaucoup moins de collaborateurs ayant les mêmes fonctions. Parce
que la hiérarchie est courte et que les objectifs ne sont pas imposés
par une direction fantôme qui n’a pas à assumer ses directives. La
pression qui vient d’en haut y est moins forte qu’en grande entreprise.
Mais elle doit être présente, elle est indispensable. Il faut fixer à chacun
des objectifs ambitieux. Des objectifs qui soient qualificatifs, subjectifs,
mais surtout des objectifs chiffrés qui soient acceptés, des objectifs
qu’il soit possible d’atteindre. Il faut des objectifs qui seront dépassés
si le travail est bon. Les objectifs très difficiles à atteindre sont à pros-
crire, parce qu’ils engendrent découragement et frustration. Pourquoi
ne pas revoir les objectifs des commerciaux à la baisse lorsque l’envi-
ronnement change défavorablement, et qu’ils deviennent trop difficiles
à atteindre ? L’entreprise y est toujours gagnante. C’est un partage qui
ne coûte pas cher et qui est juste.

Les objectifs doivent être très clairs, parce que dans le cas inverse un
collaborateur aura toujours l’impression de s’être fait avoir. Il faut donc

81
COMMENT FAIRE D’UNE PME UNE ENTREPRISE PERFORMANTE

un savant dosage, et le revoir régulièrement, pour remettre la pression,


pour éviter le découragement.

La pression, c’est aussi une multitude de petites actions. C’est poser


régulièrement des questions sur l’avancement d’un projet, demander
des explications sur les retards, les erreurs. Et de plus en plus souvent
si nécessaire. Dans les situations plus graves, la pression qui consiste
à lever la voix ne sert que rarement. Je ne crois pas à son efficacité.
Si vous avez à vous plaindre de quelqu’un, mieux vaut le convoquer
ou le coincer sur son poste de travail, pour une explication franche, et
pour le prévenir que la prochaine fois la sanction pourrait tomber.

Il ne faut pas oublier enfin la pression qui vient de la charge de travail.


Elle est très utile, mais il ne faut pas en abuser. Les hommes de pre-
mière qualité sont rares ; pour obtenir le meilleur d’eux-mêmes, il ne
faut pas les surcharger de travail, de responsabilités. C’est une solution
de facilité pour le dirigeant, mais ils finiront peut-être par se fatiguer.
Ils risquent de devenir moins bons, parce que trop dispersés, et parce
qu’ils ne peuvent plus remplir correctement chacune des tâches qui
leur est assignée.

Respectez les autres

Seul, le chef d’entreprise ne fera rien. Sauf s’il est son propre employé
dans une profession libérale par exemple, ou comme artisan. La réus-
site d’une entreprise, d’un projet, d’une action, dépend forcément et
totalement de ses collaborateurs. Il faut donc les encourager, les valo-
riser dans leur travail. Il faut savoir reconnaître leurs bons résultats,
leurs qualités. Ne pas s’attribuer injustement les mérites de leur travail.
Il faut aussi les traiter avec respect et courtoisie.

Mais alors, qu’est-ce qui autorise tant de responsables à traiter avec


mépris ceux qui ne sont pas du même niveau hiérarchique qu’eux ?
Alors que pour beaucoup d’entre eux ils l’étaient peu de temps aupa-
ravant. Qu’est-ce qui les autorise à être en retard systématiquement
ou à faire attendre les autres ? À passer un long moment au téléphone
lors d’un rendez-vous, à ne pas saluer ceux qu’ils croisent ? Autant de
formes de manque de respect des autres. Pourquoi les mêmes sont
d’ailleurs souvent les plus familiers, ceux qui vous donneront une cla-
que dans le dos ? Garder de la distance dans les rapports hiérar-
chiques, c’est aussi une forme de respect qui n’empêchera pas une
bonne relation de s’installer.

82
Chapitre 2
Quelle stratégie par fonction ?

L’objectif de ce livre n’est pas de fournir des théories ou des réponses


sur tous les thèmes techniques qui intéressent l’univers de l’entreprise.
Ils sont suffisamment abordés dans de multiples ouvrages écrits par
de très nombreux experts. Ce chapitre est une réflexion personnelle
sur mes pratiques, ce qu’il me paraît nécessaire et important de savoir,
de maîtriser, ou de contrôler dans les différentes fonctions pour
conduire une entreprise à la performance. Sachant que le chef d’entre-
prise ne pourra pas optimiser toutes ces fonctions en ayant des pro-
fessionnels dans chacune d’entre elles. Dans plusieurs domaines, il
sera donc le premier expert.

Gardez la maîtrise de la production

Ne croyez pas tout ce que vos responsables vous racontent

Si la culture, la formation, l’expérience du PDG le tournent vers la pro-


duction, il aura une tendance naturelle à bien la maîtriser. S’il est un
commercial, un spécialiste du marketing, un financier il y a des chances
pour qu’il en confie la responsabilité à un homme du métier. Il y a des
chances alors, pour qu’il perde le contrôle de la situation. Il entendra
donc des discours qui ressemblent aux suivants : « nous n’avons pas le
temps, ce ne sera possible que dans trois semaines », « c’est technique-
ment irréalisable, ce serait trop cher ». Ou alors : « il n’est pas possible
d’organiser une nouvelle équipe de nuit, le personnel n’acceptera
jamais », « nous sommes au maximum d’heures supplémentaires sup-
portables par les ouvriers, il faut investir en capacité »... Les filtres seront
multiples, et le patron ne sera pas en mesure de juger de la réalité.

157
COMMENT FAIRE D’UNE PME UNE ENTREPRISE PERFORMANTE

Lors de mon passage chez Tabur Marine, j’ai pu expérimenter les conséquences
d’une grande domination par la production des décisions produits et de la plani-
fication, ceci avec un mépris profond pour le commercial et le marketing dont
j’étais le responsable. Les réunions avec la production étaient une véritable corvée
où il fallait tout négocier. Curieux jeu de massacre où le plus difficile était à
l’intérieur de l’entreprise. Jamais plus je n’ai laissé la production dominer le com-
mercial et le marketing.
Les trois directeurs généraux de Mount Gay qui m’ont précédé étaient successi-
vement un financier, puis deux spécialistes du marketing. Ils ne comprenaient pas
l’usine, la production. Ils n’ont pas vu que les nombreux problèmes qu’ils y ren-
contraient étaient d’abord des problèmes humains. Tout ce que faisait l’un de ces
directeurs généraux qui était une jeune et brillante New-Yorkaise spécialiste de
marketing était de donner l’ordre à l’équipe de production d’augmenter la pro-
ductivité. Objectif louable, mais méthode totalement inefficace, puisqu’il n’y avait
aucune discussion sur le fond, sur le comment...

Le dirigeant de PME est hiérarchiquement au-dessus de son respon-


sable production. Il doit donc toujours s’intéresser à la fabrication.
Parce que s’il a les concepts les plus brillants, mais que derrière la
machine ne suit pas, il ne réussira pas, ou mal, pas suffisamment pour
être réellement performant. Et s’il ne comprend pas, il doit obligatoi-
rement s’appuyer sur un responsable en qui il ait totalement confiance,
et avec lequel il puisse facilement partager des idées et des décisions.
À défaut, il doit prendre conseil à l’extérieur, mais ce ne devrait être
qu’une situation temporaire.

Et si l’entreprise ne produit pas, le dirigeant doit s’assurer lui-même


que les produits distribués répondent le mieux possible au cahier
des charges imposé au fournisseur, ou à défaut, à l’offre que ce
dernier a fait. Il ne doit pas se contenter de l’affirmation de ses
collaborateurs.

Quel que soit votre positionnement, produisez au mieux de la qua-


lité, au meilleur prix de revient
Un des choix importants d’une stratégie pour toute entreprise est le
mix qualité - produit. Suivant le positionnement produit, l’historique de
l’entreprise, la concurrence, le niveau d’innovation offert, l’entreprise
retiendra une stratégie de prix élevé, moyen, ou bas. La qualité visée
sera exceptionnelle, satisfaisante, le design plus ou moins flashy, clas-
sique... Et l’entreprise essaiera toujours de se tenir à ce choix de
positionnement.

158
QUELLE STRATÉGIE PAR FONCTION ?

Mais l’environnement change constamment, et certains prix finissent


par ne plus être cohérents avec le marché, particulièrement si l’entre-
prise applique un coefficient multiplicateur sur ses prix d’achat, une
méthode courante des sociétés de distribution.

Pour chaque produit, le bon prix est fonction de la stratégie ou des


objectifs fixés, mais il est surtout celui que le client est prêt à payer en
fonction de sa perception de la qualité, de l’image, de la concurrence.
Et s’il s’agit d’un produit de luxe, en fonction peut-être de l’image que
ce client veut donner de lui-même en le portant.

En moyen et bas de gamme, la recherche de qualité peut paraître moins


importante. Mais c’est une illusion, parce que sauf pour un produit
jetable, ou un produit d’impulsion, le client veut de la qualité. Et ceci de
plus en plus, tant le client est averti aujourd’hui. Un prix moins élevé
devrait donc correspondre à une finition moindre, un design moins
séduisant, une image de la marque différente, un service moins efficace.

L’autre facteur de changement pour le dirigeant est que le prix pratiqué


aujourd’hui ne sera plus valable demain, parce qu’un nouvel entrant,
une innovation peuvent bouleverser les règles du jeu. Il faut s’y
préparer.

Pour ces raisons, celui qui rejoint une entreprise, doit s’efforcer très vite
d’étudier comment baisser les prix de revient et comment améliorer la
qualité si nécessaire. Ensuite, n’avoir de cesse de baisser ces prix de
revient, et d’augmenter la qualité au-delà des besoins qui paraissent
suffisants en première analyse. Et cela, même si l’entreprise a une straté-
gie de prix élevés. Parce que réduire les coûts, augmenter la qualité,
dépend de l’entreprise, de ses choix, de ses décisions, donc du patron.
Par contre, l’entreprise n’est pas maître de ce que veut le client, de ce que
fera le concurrent. Il faut donc être prêt à tout moment à des améliorations
importantes ou à baisser ses prix. Anticipez donc ces changements futurs
plutôt que de les subir le jour où ils se présentent. L’effort ne doit jamais
s’arrêter. Il fait partie des objectifs permanents. C’est tellement plus
confortable ensuite quand il y a un changement d’environnement. Et si
cette tâche paraît difficile, il faut y mettre beaucoup de ressources, insis-
ter, ou alors se préparer à changer de produit, de métier, à sous-traiter.

Les étiquettes Gouzy étaient des très bons produits. Les concurrents ont proposé
des solutions qui répondaient au cahier des charges des clients et qui étaient
beaucoup moins chères. Plusieurs raisons expliquaient ces écarts, l’excès de tech-

159
COMMENT FAIRE D’UNE PME UNE ENTREPRISE PERFORMANTE

nicité des solutions retenues, le manque d’évolution, le choix des matières pre-
mières choisies, la politique d’achat et la faible productivité. Une étude de la
profession en 2002 a fait apparaître que les prix de revient de Gouzy étaient
supérieurs de 40 % à plus du double des prix de la profession pour un même
produit. L’entreprise n’avait pas su s’adapter. Si elle avait été prête, elle aurait
pu réagir partiellement rapidement, mais tout était à faire.
Avec Tiga, l’usine était en permanence en recherche d’amélioration de qualité et
de baisse des prix de revient, ce qui nous permettait d’atténuer l’effet des baisses
de prix brutales de Bic.
Dans la société de rôtissoires, nous fabriquions aussi des toasters industriels.
L’analyse du produit et de nos méthodes montrait rapidement que nous n’arrive-
rions jamais à être compétitifs face au « leader » du marché. Dans un premier
temps, nous avons sous-traité la fabrication des composants en Espagne, ce qui
nous a permis de faire des baisses significatives de prix de revient. Ce n’était pas
suffisant. Finalement le meilleur prix a été obtenu en sous-traitance en France
par le « leader » européen du marché qui entrait alors dans notre capital.

Développez tout ce qui permet de vendre plus cher


À tout moment, il faut vérifier que ses avantages concurrentiels sont
réels, qu’ils n’ont pas été rattrapés par un concurrent, un nouveau
venu, un changement de l’environnement. La réalité pour beaucoup de
patrons, c’est que plusieurs entreprises font à peu près le même métier,
dans à peu près la même zone géographique, avec à peu près les
mêmes clients. Comment se différencier alors ? Par les hommes, les
contacts, par la qualité du service, par l’image, la solidité financière
qui rassure, mais le plus souvent par le prix. La conséquence est une
réduction des marges, et comme beaucoup jouent au même petit jeu,
celles-ci deviennent insuffisantes.

L’un des moyens de ne pas entrer dans la guerre des prix est de se
différencier par le produit, parce que même une petite différence per-
met de justifier un prix légèrement plus élevé. Et si l’argumentation, la
communication, et la qualité suivent, ce sera quelques pour-cent qui
suffiront à rendre votre entreprise performante. 1 % de gain de pro-
ductivité dans la grande distribution ou 2 % dans l’automobile, c’est
considérable. 2 % dans un produit moins concurrentiel, c’est plus facile
à atteindre. Ce peut être suffisant pour améliorer nettement sa renta-
bilité. Le dirigeant doit donc rechercher tous les moyens de justifier un
prix légèrement supérieur.

Aujourd’hui la différenciation par la technologie devient plus difficile.


Elle est effectivement souvent éphémère parce que les concurrents
rattrapent vite leur retard. Mais le provisoire peut faire la différence

160
QUELLE STRATÉGIE PAR FONCTION ?

quelque temps. Autre solution, ces petites idées innovantes qui, sans
nécessairement apporter une révolution au produit, lui donnent un peu
de valeur ajoutée. C’est par exemple, une astuce pour l’utilisation ou
le montage, une idée pour faciliter l’emballage ou la préparation à la
production, une meilleure finition, un design plus séduisant. Une nou-
velle matière que le fournisseur apporte. L’idée d’un concurrent étran-
ger repérée sur un salon ou directement chez un client. Les idées des
ouvriers qui seraient déjà connues s’ils avaient pu en parler.

Dans certains métiers les possibilités de changer sont faibles, voire


presque nulles. La guerre des marges s’y gagnera sur la productivité,
le service... Mais là où les améliorations sont possibles, il faut chercher.
Et, sauf s’il a dans son équipe un bon créatif, un chercheur malin à qui
il a donné du temps, c’est souvent au PDG de donner l’influx. Parce
que changer aura de nombreuses conséquences qui fatiguent l’équipe
d’avance, même les petits changements.

Quels actifs stratégiques devons-nous posséder, où investir ?

Sauf exception, l’argent dont dispose l’entreprise pour investir dans


les projets qui feront la réussite future est limité. Il faut donc impéra-
tivement placer ses ressources là où elles rapportent le plus. Réflexion
qui paraît évidente. Mais correspond-t-elle à notre démarche ?

Dans l’imprimerie, je participais régulièrement à des réunions professionnelles.


J’ai été frappé par l’envie que manifestaient bon nombre de PDG de posséder la
dernière machine d’impression, le dernier modèle d’un fournisseur. Chacun
essayait de trouver les bons arguments techniques pour justifier un tel achat. Mais
dans un métier où les machines durent dix ans, voire vingt ans, et où beaucoup
étaient totalement amorties, les arguments semblaient faibles pour démontrer que
l’investissement allait pouvoir être rentable. La bonne opportunité pour celui qui
calculait, c’est que cette approche entraînait un marché important de machines
d’occasion presque neuves, à des prix très bas. Nous avons pu augmenter ainsi
notre capacité à très bon prix, et acquérir la souplesse qui nous manquait à un
moment où nos volumes augmentaient fortement.

Les investissements en équipements font partie de la vie courante


d’une entreprise. Ils sont vitaux dans beaucoup de situations. Ils doi-
vent être étudiés sur le long terme. C’est un domaine où la vision du
patron est essentielle parce qu’elle permet une planification des
besoins dans la durée. En aucune circonstance, il devrait se laisser
griser par une machine, par un discours séduisant d’un fournisseur. Et

161
COMMENT FAIRE D’UNE PME UNE ENTREPRISE PERFORMANTE

s’il ne comprend que difficilement les subtilités de la production de ses


produits, il doit exiger des analyses poussées de rentabilité ou se faire
conseiller à l’extérieur, et ne pas se contenter d’une réflexion générale
sur la technologie. Qui plus est, il devrait envisager toutes les autres
solutions avant de se lancer. Ce peut être une révision complète d’équi-
pement, l’ajout ou le remplacement d’éléments qui amélioreront les
performances ou permettront de nouvelles fonctions, la réorganisation
des postes de travail. En tout état de cause, il ne doit pas se laisser
influencer par un responsable de production.

Il ne s’agit pas non plus d’avoir des performances trop décalées par
rapport aux concurrents. Régulièrement, il faut donc investir dans du
matériel neuf et performant, pour reprendre un peu d’avance, pour
introduire une innovation, pour ne pas rater le train de la dernière tech-
nologie. Ce ne sont pas des choix faciles.

Dans l’imprimerie d’étiquettes, ceux qui ont été les premiers à acquérir des
machines numériques ont eu beaucoup de difficultés à les utiliser pleinement
pendant les premières années. Puis, les prix ont chuté rapidement, et les perfor-
mances ont augmenté aussi vite. Avant que je quitte l’entreprise, la technologie
commençait à être compétitive pour beaucoup de tâches, et le choix devenait une
bonne opportunité. Ne pas l’avoir fermait complètement certains travaux sur notre
cible principale qui étaient passés chez les concurrents. Il fallait investir. Les
actionnaires ne l’ont pas permis. Ou, je n’ai pas su les convaincre.

Autre investissement, les bâtiments. Une majorité de particuliers inves-


tit dans la pierre, parce qu’elle est presque sûre d’y préserver son
capital et parce qu’elle a peu confiance dans la Bourse. Dans une
entreprise les choix sont différents. La pierre c’est du très long terme,
et aujourd’hui l’environnement change trop dans l’économie pour choi-
sir une solution qui bloque l’entreprise longtemps, sauf à bénéficier
d’une opportunité très intéressante. Sauf s’il y a une obligation de pres-
tige, et encore, est-il nécessaire d’investir dans ce cas ? Mieux vaut
agrandir, réaménager, repeindre, et éventuellement louer plus grand.
Et s’il y a de la disponibilité en trésorerie, à moins de considérer que
l’immobilier fait partie de l’activité de l’entreprise, mieux vaut garder
cette capacité pour d’autres projets qui pourraient surgir.

Être en surcapacité, c’est garder de la souplesse

Il est des métiers où le coût d’une capacité supplémentaire est exor-


bitant. Sur ces marchés, celui qui peut investir récupérera sans doute

162
QUELLE STRATÉGIE PAR FONCTION ?

de l’activité sur ses concurrents. Dans la plupart des métiers les


investissements sont plus accessibles. Si vous êtes dans cette situa-
tion, essayez d’évaluer vos pertes d’opportunité liées à l’insuffisance
de capacité, s’il est des périodes où la société est en rupture. Ce
manque à gagner qui n’est pas mesuré, puisqu’il n’entre pas dans
les comptes, peut être en réalité plus élevé que le profit généré par
un autre investissement qui sera lancé pour se positionner sur un
nouveau marché. Cette insuffisance de capacité peut aussi avoir des
conséquences inchiffrables sur la relation avec un client. Parce que
celui-ci comprendra que son fournisseur ne soit pas présent sur un
segment où il n’était pas, mais il n’appréciera pas qu’il ne puisse pas
livrer à date un produit qu’il fabrique déjà. Pour ces raisons, il y a
tout intérêt à être en surcapacité. Certains penseront qu’ils n’ont pas
les ressources suffisantes pour le faire. Mais ont-ils essayé toutes les
possibilités d’allonger les horaires, d’avoir une équipe supplémen-
taire, d’utiliser une autre machine, fut-elle obsolète et beaucoup
moins performante.

Chez Tiga notre capacité était près de deux fois supérieure à nos besoins en
saison, ce qui nous permettait d’absorber des pics de ventes imprévus. Pour y
parvenir, nous avions mis en place une troisième équipe de nuit. Nous utilisions
aussi beaucoup les heures supplémentaires, ce qui était plutôt facile dans les
années Mitterrand. Et quand il n’y avait plus de solutions, nous avons mis en
place exceptionnellement une quatrième équipe pendant quelques week-ends, ce
qui fut possible parce qu’il y avait une très forte adhésion d’une majorité du
personnel au projet d’entreprise. Le profit supplémentaire généré sur ces courtes
périodes, notre gain d’opportunité, étaient bien utiles lorsque nous faisions notre
bilan en fin d’année.
Dans l’imprimerie d’étiquettes nous avions une capacité globalement excédentaire
sur le papier. Elle ne l’était pas en réalité, parce que chaque conducteur de
machines n’était compétent que dans une ou deux technologies, typographie,
sérigraphie à plat ou rotative. L’addition d’une équipe qui ne pouvait être que de
nuit posait beaucoup de problèmes, tant les « leaders » du personnel y étaient
opposés et les responsables de production peu enclins à mener un tel change-
ment. En multipliant les compétences de chaque conducteur par la formation,
nous avons rapidement augmenté notre souplesse, et donc notre capacité. Dans
un deuxième temps, nous avons bénéficié du rachat de la machine d’occasion
déjà évoquée pour augmenter cette capacité. Celle-ci tournait à mi-temps, ce qui
était largement suffisant pour ne pas perdre nos clients.

Il faut donc étudier tous les moyens pour se mettre en situation de


surcapacité pour être prêt le jour où il y a une opportunité. Éliminer par
exemple les clients à perte et les activités susceptibles de diminuer la
productivité. Modifier les produits proposés au client.

163
COMMENT FAIRE D’UNE PME UNE ENTREPRISE PERFORMANTE

Ne vous privez pas de l’opportunité d’améliorer le design, l’esthé-


tique de tous vos produits
Parmi les moyens de vendre plus cher, tout dirigeant doit penser à
l’esthétique de ses produits. La beauté ne coûte pas nécessairement
plus cher. Pourquoi s’en priver ? Les écoles de management n’en par-
lent pas ou très peu, parce que tout ce qui touche à l’art est suspect
dans l’entreprise. Une majorité d’ingénieurs et de techniciens pensent
que la beauté n’a rien à voir avec un produit technique. Il y a encore
peu ils méprisaient même les considérations d’esthétique. Soyez
convaincu du contraire. Accordez beaucoup d’importance à l’esthéti-
que, même pour des objets pour lesquels la beauté semble être un
critère totalement inapproprié.

Je ne suis pas un artiste, mais j’ai une sensibilité créative qui me porte vers
l’harmonie, l’esthétique. J’ai besoin de ressentir une émotion pour les objets que
mon équipe crée, pour ceux que nous fabriquons et vendons. J’ai surtout la
conviction que le design de tout produit fait partie des critères qui permettront de
séduire nos acheteurs, donc d’emporter une décision d’achat, et surtout de vendre
plus cher. Dans la planche à voile, l’architecte créait des lignes qui étaient har-
monieuses, racées. Nous partagions l’idée que des formes déséquilibrées, non
filantes, ne pouvaient pas aller vite, être performantes. Réflexion subjective, non
scientifique, mais ressentie par une majorité de clients. C’était une exigence qui
pouvait impliquer des contraintes, obliger à redessiner un produit, mais qui en
production ne coûtait souvent pas plus cher.

Cette réflexion peut s’appliquer à tous les produits de grande consom-


mation. Elle n’est pas réservée aux produits de mode ou de luxe, à
ceux qui communiquent un statut.

Mais alors comment définir des critères d’esthétisme pour un produit ?


C’est d’abord une notion relative, parce qu’elle est subjective, fonction
du goût de chacun. La beauté change aussi d’un continent à l’autre.
Elle évolue avec le temps. Pour des vêtements, des chaussures chaque
saison porte ses canons de la beauté. Certains professionnels, la publi-
cité, la presse décrètent ce qui est beau. Leurs idées peuvent donc
aider dans cet exercice abstrait de création, parce que le consomma-
teur obéit très souvent à la norme. C’est sans doute le chemin le moins
risqué pour séduire ses clients.

Il est une autre approche possible que propose la nature. Celle-ci offre
en permanence le spectacle d’une beauté qui dépasse les modes, les
continents, les préférences subjectives : un coucher de soleil, une

164
QUELLE STRATÉGIE PAR FONCTION ?

fleur, un oiseau, une montagne par exemple. S’il est difficile de pré-
ciser ce qu’est la beauté, il est possible de décrire en partie ce qui
rend une chose belle, ce qui lui donne de l’harmonie, celle qui se ren-
contre dans tous les arts, en musique, en peinture, en architecture.
Et donc pourquoi se priver d’agir par l’harmonie sur l’émotionnel des
clients, fussent-ils des techniciens obsédés de performances
techniques.

Pour la plupart des produits grande consommation, l’observation de


ces règles d’harmonie, une bonne connaissance des tendances, un
bon designer à l’écoute des produits, des tests clients, et si nécessaire
des imitations, permettront de trouver les bonnes idées de design. Une
PME ne peut se permettre de prendre des directions totalement
décalées comme le fit un constructeur automobile français qui rata
complètement les deux modèles de sa nouvelle gamme prestige ; ce
fut un désastre. Le patron ne doit pas commettre non plus l’erreur de
croire que son propre goût est universel, qu’il correspond à ce que
souhaite le client. Il risque fort d’être complètement déphasé par rap-
port à ses attentes.

Autre sujet : si les objets fabriqués sont destinés à un local tech-


nique, un atelier, ou s’ils répondent à un besoin fonctionnel, certains
se demandent pourquoi faire du beau ? Combien d’objets tech-
niques effectivement sont tristes, avec des formes peu harmo-
nieuses... Soyez convaincu qu’un bel objet se vendra souvent
mieux, emportera la différence à prix comparable si ses formes sont
équilibrées, si sa couleur ne heurte pas, s’il est agréable à l’œil, au
toucher, s’il communique une impression de modernisme.
Aujourd’hui un produit banal, aux formes grossières, donnera
l’impression d’avoir été conçu des années antérieures, donc d’être
peut-être dépassé.

L’un des critères qui nous avait fait racheter la société de rôtissoires était l’évi-
dence que les produits étaient totalement démodés. Pas besoin d’être un expert
pour y voir des formes massives, carrées, pas harmonieuses. Pas de couleur,
du métal brut. Peu d’unité entre les modèles. Des produits conçus pour une
fonction, en oubliant qu’ils étaient souvent l’attraction principale d’un magasin.
Nous y avons vu une grande opportunité de nous repositionner sur le marché.
En deux ans nous avons redessiné totalement la gamme de produits. En intro-
duisant des arrondis importants, en cassant les angles vifs, en redonnant de la
symétrie, en donnant une unité à l’ensemble de la gamme. En introduisant de
la couleur...

165
COMMENT FAIRE D’UNE PME UNE ENTREPRISE PERFORMANTE

Quel positionnement pour vos produits ?

Trouver le bon nom, une marque, un logo est un exercice de grande


précision
Toute entreprise devrait accorder une grande importance au nom de
sa société ou de ses produits. Si la marque existe depuis longtemps,
il n’est pas question pour une PME de la modifier, sauf à vouloir éli-
miner une histoire, un évènement négatif, ou en cas de fusion pour la
marque qui n’est pas dominante... S’agissant d’une grande entreprise,
c’est différent, puisqu’avec un très gros budget de communication, il
est possible de lancer une nouvelle marque mondiale, voire de changer
celle qui existe tout en gardant les acquis de l’ancienne. Des exemples,
dans l’agroalimentaire entre autres, très bien menés et avec de gros
budgets, l’ont prouvé.

En cas de création, il n’y a pas le choix, il faut lancer une marque, puisque
le projet part de rien. Comment faire alors ? Une marque c’est un nom, un
terme qui sera souvent combiné avec un signe, un dessin. Le nom pourra
être prononcé, le dessin sera visualisé. Ce nom doit évoquer ce qui fera
l’image du produit. Dans tous les cas de figure, il faut accorder beaucoup
de temps à sa recherche. Établir les critères est la première étape. Tous
ne pourront pas être retenus, il faut en éliminer certains.

C’est ainsi que j’ai trouvé le nom de Tiga, après des dizaines d’heures de recher-
che. Pour ce faire, j’ai utilisé ma mémoire, le dictionnaire et l’atlas. C’est ce
dernier qui m’a transporté jusqu’à Tiga, l’une des îles Loyauté en Nouvelle-
Calédonie où j’avais habité deux ans. Lieu magique où je retrouvais le soleil, la
mer bleue, mais aussi la force des vagues, la gentillesse des autochtones. Le
nom chantait bien, était vivant et gai, se prononçait dans beaucoup de langues
sans ambiguïté. Vérification à l’Institut de la propriété industrielle, étape indispen-
sable, et j’ai foncé, non sans avoir adressé auparavant une lettre au chef de village
de l’île Tiga pour l’informer, ce qui ajoutait de l’authentique à la marque. Son
histoire commençait bien. Je n’avais plus qu’à dessiner le logo. Je n’avais d’autre
ressource alors que mes petites économies. Je ne pouvais donc pas offrir à Tiga
un grand designer. Je me suis contenté d’acheter un livre japonais d’emblèmes
et signaux, et j’ai pris une feuille de papier pour dessiner moi-même le logo. Une
bonne manière de me pénétrer déjà de la marque.

Lors de la reprise d’une marque, si celle-ci a vieilli, la tentation du


changement est forte pour la rajeunir. Mais il faut être très prudent, le
risque étant important de lui faire perdre une part de ses attributs his-
toriques qui peuvent être essentiels.

166
QUELLE STRATÉGIE PAR FONCTION ?

Lorsque j’ai repris la liqueur Izarra, le logo paraissait pauvre. Il n’était visible que
sur l’étiquette papier qui faisait bon marché, alors que le produit était relativement
cher. J’ai fait dessiner par un graphiste plusieurs options de nouveau logo avec
pour consigne de valoriser le produit, tout en restant proche de l’existant. Après
plusieurs semaines de travail, nous avons gardé l’ancien logo. Nous avons redonné
de l’épaisseur aux étiquettes, y avons mis un peu de doré, pour finalement être
très proche d’un ancien modèle d’étiquettes que nous avons retrouvé plus tard et
qui avait plus de vingt ans. Nous avons renégocié le prix des étiquettes avec le
fournisseur pour que le prix de revient n’augmente que très peu. Nous avons fait
graver le logo sur la bouteille. Nous redonnions une noblesse au produit, sans
avoir rien modifié, et avec une hausse très faible de prix de revient.
Lorsque Tiga a été repris par Neil Pryde, le logo a été changé dans les mois qui
ont suivi pour un logo plus moderne, aux formes plus pointues. Le syndrome du
repreneur ! Celui-ci n’avait plus rien de commun avec l’ancien, il manquait de
force, d’épaisseur. Il devenait une autre histoire. Il a été rechangé quelques années
plus tard et se rapproche plus du logo d’origine.

Le prix est celui que le client est prêt à payer

Quel commercial n’a-t-il pas dit qu’il n’arrivait pas à vendre parce que
les produits étaient trop chers ? Quel PDG n’a pas eu la même atti-
tude ? C’est souvent une vraie raison, mais ce n’est pas toujours la
bonne. De même combien de distributeurs ont pour seule règle d’éta-
blissement des prix d’appliquer un multiplicateur sur leur coût d’achat ?
Le prix est un des éléments essentiels d’une stratégie qui mérite que
le dirigeant lui accorde une très grande importance.
Sauf dans quelques produits et services où les prix sont réglementés,
il y a une règle de base qu’il faut inscrire dans sa stratégie, dans sa
tête, c’est que pour tout produit le bon prix est celui que le client est
prêt à payer, et de préférence le prix le plus cher qu’il est prêt à payer.
Ce n’est donc pas un calcul de marge qui devrait donner le prix, mais
une analyse de marché. Exercice qu’il n’est pas toujours possible de
faire. Le restaurateur, le vendeur de produits grand public pourront
déterminer un prix de marché en tournant chez leurs concurrents, en
cherchant sur Internet. C’est beaucoup plus difficile dans les secteurs
du B to B, sauf à avoir un hacker sous la main, mais c’est contraire à
l’éthique et parfaitement illégal. De bonnes indications pourront se
trouver chez certains syndicats professionnels. Il ne faut pas avoir peur
de commander un produit pour connaître la stratégie de ses concur-
rents. De même l’embauche d’un commercial chez un concurrent sera
aussi l’occasion de récupérer de bonnes informations ; c’est de bonne
guerre. Dans tous les cas, il faut chercher, se renseigner. Cette appro-
che par les prix de marché doit permettre à toute entreprise qui a un

167
COMMENT FAIRE D’UNE PME UNE ENTREPRISE PERFORMANTE

avantage concurrentiel certain de se positionner à des niveaux de prix


qui seront adaptés et qui apporteront une meilleure rentabilité, ou au
contraire à abandonner des produits non rentables.

L’étude du syndicat professionnel de l’étiquette adhésive comparait les prix d’une


dizaine de produits, en interrogeant ses membres par huissier pour préserver la
confidentialité. C’est ainsi que j’ai observé que nous étions pour certains produits
deux fois plus chers que la concurrence, que nous étions le plus cher sur tous
les cas sauf un. Le problème était donc sérieux. Quatre ans plus tard, nos prix
moyens avaient baissé de 33 %.
Malgré cette baisse l’entreprise avait réussi à garder sa culture de prix élevés.
Parce que les commerciaux n’avaient pas de difficultés à vendre cher. Parce que
notre avantage concurrentiel lié au service justifiait aussi un prix plus élevé. Ceci
nous a permis de maintenir des marges qui restaient confortables. J’ai moi-même
appris de cette expérience : j’hésite moins à avoir des produits chers depuis.

Cette analyse de marché doit aussi regarder de quel produit parle-


t-on ? Lorsque vous perdez un client, une affaire, parce que le prix est
trop élevé, c’est désagréable et ce peut être dangereux pour la société.
Mais est-ce que le produit était réellement le même que celui qui a été
retenu finalement chez un concurrent ? Dans combien de situations
deux réalisations sont-elles rigoureusement identiques ? Est-ce que la
finition est la même, l’emballage, la signalisation du produit, le taux de
rejet ?

Dans l’exemple d’étiquettes, le client était convaincu dans un premier temps que
les produits de la concurrence n’avaient pas du tout la même technicité, ce qui
justifiait un écart de prix important. Il a fini par réaliser grâce aux concurrents
qu’il n’avait pas besoin de cette différence dans beaucoup de cas. La situation
est devenue très pénalisante et dangereuse, parce qu’elle s’appliquait à une part
importante du chiffre d’affaires.

La définition d’un produit est une donnée, la réalisation en est une


autre, parce que les solutions sont multiples dans beaucoup de cas,
et donc à plus forte raison la perception qu’en ont les clients. Il faut
donc analyser la valeur précise de chaque produit en le décomposant,
et supprimer le superflu que le client n’est pas en mesure de percevoir.

Dans la planche à voile nous étions sûrs de perdre dans une guerre des prix avec
Bic, parce qu’ils n’étaient pas à quelques dizaines de millions de francs de pertes
près. Nous utilisions donc tous les moyens possibles objectifs et subjectifs, pour
différencier la perception du prix : différences de produits, d’accessoires, d’esthé-

168
Chapitre 1
Gestion de crises

La contrepartie de tout ce qu’un patron entreprend, de ses prises de


risque, de ses réussites, c’est qu’inévitablement il va affronter dans
son parcours des difficultés, et peut-être aussi de véritables crises.
Cela fait partie de la vie de chacun. Comme de rencontrer des moments
d’épanouissement, de vraies réussites peut-être qui vous combleront.
Il faut s’y préparer et savoir les gérer car c’est dans ces moments qu’il
est indispensable d’être le plus performant.

Difficile de réussir sans passer par des crises

Pas d’avancée sans commettre des erreurs... dans le privé

Le chef d’entreprise est souvent confronté à la nécessité d’avancer


sans être sûr de réussir, tout en sachant que les conséquences de ses
actes peuvent conduire à des situations périlleuses. Certaines fautes
le conduiront même jusqu’au tribunal. Oui, incontestablement, dans la
société civile, dans le privé, les responsables sont loin des fonction-
naires, des enseignants, des magistrats, de la majorité des médecins
qui ne font pas d’erreur. A-t-on vu l’un de ces derniers condamné par
ses pairs, c’est extrêmement rare ? Condamné par une cour ? C’est
presqu’aussi rare. L’industrie privée, les services, l’artisanat, un monde
où il faut assumer et prendre le risque de se tromper pour avancer.

Le grand patron d’une multinationale délègue tellement ses responsabi-


lités que peu d’erreurs remonteront jusqu’à lui. Le patron d’une PME, au
contraire, doit assumer lui-même une très grande part des décisions.
Mais alors, doit-il se protéger, en limitant les risques d’erreur ? Doit-il se

245
COMMENT FAIRE D’UNE PME UNE ENTREPRISE PERFORMANTE

demander à chaque décision quelles peuvent en être les consé-


quences ? Non, l’erreur fait partie de sa vie. Elle lui sert à apprendre, à
s’améliorer, à avancer. Et lorsqu’il réalise qu’il a commis une erreur, il
prend immédiatement les mesures pour la corriger, pour ne pas refaire la
même. Tirer les leçons d’un dysfonctionnement, c’est un des moyens
essentiels de progrès. Oui les patrons se trompent. Et si cela ne se
produisait jamais, ce serait faute d’entreprendre, de décider. Et si le
leader n’est pas capable de prendre des décisions, s’il a peur du risque,
il doit se faire remplacer par quelqu’un qui guidera l’entreprise à sa place.

J’ai commis des erreurs dans la gestion de Tiga, mais je continue à penser que
ce fut dans l’intérêt de l’entreprise. Pour la bonne cause. Dans la bataille com-
merciale, il fallait avancer très vite, lancer des nouvelles idées, des nouvelles
technologies, des nouveaux produits. Sinon, c’était la mort de la société. Parce
que malgré les effets importants sur les résultats qui accompagnaient ces chan-
gements, nous restions limite en rentabilité.
Le choix de la technologie époxy venait de la nécessité d’aller se battre sur un
terrain moins miné que la planche à voile grand public, le haut de gamme. J’ai
été abusé par une grande entreprise chimique et donc je me suis trompé. Prévenir
les banquiers en cours d’année d’une perte à venir et d’une augmentation de
capital s’est avérée ma plus grosse erreur. J’ai commis des erreurs de
recrutement...
Dans l’imprimerie d’étiquettes, j’ai raconté qu’il y avait un syndrome de la faute
qui poussait à une paranoïa collective. De ce fait, peu osaient avancer, prendre
des risques ou des décisions. Il m’a fallu plusieurs mois pour convaincre qu’il
pouvait exister une autre façon de se comporter. Que maquiller ses erreurs n’est
pas la solution, et qu’il est préférable pour tous d’assumer et d’apprendre pour
ne pas recommencer.

Risquer les erreurs, mais pour autant éviter les fautes. Dans mes pre-
mières années professionnelles j’avais tendance à confondre mes
erreurs avec des fautes. Conséquence d’une culture répandue en
France, surtout pour les générations d’après-guerre. Dur d’évacuer ce
comportement qui freine encore plus la prise de risque. Et pourtant, il
n’y a pas le choix. Il faut avancer. Celui qui reste un enfant de cœur,
celui qui culpabilise, et qui voit des fautes dans beaucoup d’erreurs,
ne devrait pas essayer d’être un patron entrepreneur.

Les crises courantes doivent se gérer sans attendre


Certaines crises sévères ont été évoquées, d’autres le seront plus loin...
Il en est des moins graves, de celles que rencontre constamment le
chef d’entreprise. Difficile de connaître la réussite sans passer par des
moments moins sereins. Ou alors si votre vie d’entrepreneur est un

246
GESTION DE CRISES

long fleuve tranquille, il est probable qu’un jour ou l’autre les évène-
ments vont vous rattraper. Soyez donc prêt. Ce sera donc régulière-
ment des moments d’anxiété, des crampes d’estomac, des nuits
agitées. Difficile de les éviter.

S’il s’agit d’une petite crise, c’est simple. Ce peut être une crise de
comportement, un stress ressenti par certains, un antagonisme entre
deux personnes. S’il ne s’agit que d’un dysfonctionnement sans véri-
table conséquence, il va souvent se résoudre de lui-même, sans le
patron, surtout s’il a l’habitude de déléguer. Les protagonistes vont le
régler seuls, parce que l’un des responsables va s’en charger. Mais
cela suppose que l’équipe soit habituée à ce comportement. Celui qui
est du genre à ramener toutes les décisions à lui, doit comprendre que
ses collaborateurs attendent la réponse de lui.

S’il s’agit d’une vraie crise elle a de grande chance de remonter jusqu’au
patron d’une PME. La pire solution pour lui serait de fermer les yeux et
de continuer comme si de rien n’était. Espérer que la crise se réglera
toute seule. Attendre des jours où il sera plus en forme pour s’y atta-
quer. L’effet serait de faire monter le stress, l’inquiétude en chacun, à
commencer par lui-même. Laisser les conséquences du problème
envahir l’entreprise. Non, le patron doit aborder lui-même une crise et
essayer de la régler le plus rapidement possible. La considérer tout de
suite comme si elle pouvait devenir plus grave. Ne pas oublier que tout
se sait dans l’entreprise, et que tout le personnel le saura rapidement,
l’extérieur ensuite. C’est pour le dirigeant l’occasion de montrer qu’il a
du courage pour les décisions difficiles. C’est l’occasion d’attaquer des
problèmes de fond à l’origine de la crise, problèmes connus souvent,
mais qui ont été rangés de côté. C’est l’occasion de réorganiser cer-
tains postes, de modifier des processus. Et peut-être de licencier cer-
taines personnes. Si la crise est bien gérée, c’est souvent une opportu-
nité de recentrer l’entreprise sur son projet et de remotiver les troupes.

Le patron doit donc se positionner très vite par rapport à cette crise,
définir le rôle de chacun, ne laisser aucun collaborateur s’engager dans
une position différente de la sienne. Il doit s’efforcer de calmer ses
équipes en les rassurant.

Une telle crise pourra dans certains cas être gérable dans un temps
court, auquel cas les processus qualité suffiront peut-être dans l’appro-
che d’un règlement. Il faudra analyser le problème, déterminer ses
causes, ses origines. Comprendre, écouter. Mais la crise peut être

247
COMMENT FAIRE D’UNE PME UNE ENTREPRISE PERFORMANTE

beaucoup plus profonde. Il faudra peut-être alors remonter au projet


d’entreprise, à son métier, à ses valeurs.

Dans tous les cas, après avoir pris les mesures pour surmonter cette
crise, il faudra s’assurer de prendre les bonnes décisions pour qu’elle
ne se reproduise plus.

Assumez vous-même un licenciement économique

La crise, si elle est très grave, peut conduire à des remises en cause
si importantes qu’un licenciement économique d’une partie de l’équipe
deviendra indispensable. Celui-ci intervient normalement quand il y a
un sérieux problème de rentabilité, ou quand la quasi-disparition d’une
activité ou d’une fonction devient indispensable, et que le personnel
ne peut pas être reclassé dans d’autres services. Un licenciement éco-
nomique se gère autrement qu’un licenciement individuel, parce que
dans la plupart des entreprises les représentants du personnel sont
prévenus les premiers, parce que toute l’entreprise est informée, et
que beaucoup sont susceptibles d’être licenciés. Dans un tel climat
l’efficacité de l’entreprise se dégrade vite. Le dirigeant y joue son
image. Le respect de la procédure légale y est donc très important.

Pour qu’un licenciement économique se passe dans des conditions


humainement acceptables, le dirigeant qui est responsable de la déci-
sion doit s’y impliquer personnellement. Il doit prévoir des compensa-
tions à la hauteur des enjeux. Ne pas tricher s’il veut que l’entreprise
reparte rapidement. Il doit respecter des règles juridiques qui sont très
précises et qui ne laissent que peu d’initiative.

La procédure prévoit en premier la préparation d’un rapport économi-


que clair, précis et juste. C’est un préalable essentiel pour expliquer qu’il
n’y a pas d’autre solution pour que l’entreprise redevienne profitable.
Ou même pour qu’elle le reste. Un rapport chiffré qui soit indiscutable,
parce que le doute par les salariés sur les vraies raisons est normal.

J’ai eu à conduire un licenciement économique entre autres dans les spiritueux.


L’objectif était de fermer un atelier d’embouteillage de trente salariés. Le prix de
revient y était trois fois supérieur aux coûts du marché, les volumes étant faibles
et l’atelier peu automatisé. Personne dans le groupe n’avait osé entreprendre cette
réorganisation. Je m’y suis trouvé engagé contre mon gré. Et comme les méthodes
de mes supérieurs n’étaient pas très franches, je me suis retrouvé en partie du
côté des salariés, essayant d’obtenir le maximum d’aide du groupe pour les aider

248
GESTION DE CRISES

à retrouver un travail. Les deux tiers ont retrouvé assez vite. La plupart des autres
ont préféré profiter d’une indemnité importante pour s’arrêter quelque temps. Deux
mois après la fin de cette mission, j’étais remercié brutalement, sans aucune
explication, après avoir été à 48 heures de la signature finale d’un contrat de
rachat d’une des deux marques que je gérais. J’étais bien indemnisé. Je connaî-
trais la vérité quelques mois plus tard. Problèmes financiers internes au groupe.

L’un des points mérite réflexion pour le dirigeant dont l’image risque
de souffrir d’une démarche qui est toujours très impopulaire, c’est le
choix des personnes qui vont être licenciées. Celui-ci intervient après
la rédaction du rapport économique justifiant le projet de licenciement,
et la préparation d’un plan pour aider les salariés à se reclasser. Il est
impératif pour ces choix de se caler sur la loi qui impose de fixer des
critères objectifs : ancienneté, compétence, charge de famille... C’est
bien, c’est peut-être juste, mais c’est aussi très hypocrite. Parce que
dans la négociation avec les délégués du personnel sur ces critères,
ils essaieront de mettre en avant leurs protégés. Le dirigeant lui-même
pourra donner plus de poids à ceux qu’il privilégie, ce qui revient en
partie à choisir qui reste, qui part. Seront donc probablement licenciés
ceux que la majorité du personnel a déjà décidé, si cela est juste.
Interrogez donc vos espions. Ce sera le moment de faire partir les
nuisibles s’ils ne sont pas encore partis et ceux qui apportent peu à
l’entreprise en espérant qu’il n’y en ait pas de trop protégés. À ce
niveau de restructuration, ceux qui partent s’y attendent en général.

Pour les autres, mieux vaut de ne pas faire jouer l’affectif dans les
critères. C’est une occasion de favoriser ceux qui ont des conditions
familiales difficiles. À la fin, il y aura des satisfaits et des non-contents.
Et l’entreprise ira sans doute aux prud’hommes parce que c’est nor-
mal. C’est fait pour rétablir une justice.

Toutes les restructurations s’accompagnent de licenciements. Si le


dirigeant a licencié les nuisibles et ceux qui refusent de performer cor-
rectement, il est probable qu’il aura déjà atteint une bonne partie de
ses objectifs de réduction de personnel avant d’envisager un licencie-
ment économique. N’attendez donc pas. Vous donnerez ainsi des
chances à ceux qui veulent participer.

Osez le licenciement d’un délégué du personnel

Le licenciement d’un délégué du personnel est un sujet tabou en


France. Le corps des inspecteurs du travail est très efficace pour le

249
COMMENT FAIRE D’UNE PME UNE ENTREPRISE PERFORMANTE

rendre très difficile, même si dans leur zèle certains mettent l’entreprise
en danger, quitte à avoir recours à des méthodes illégales. Ce n’est
pas impossible, mais c’est un vrai parcours du combattant. Pourtant
il ne faut pas hésiter dans les circonstances où le délégué agit claire-
ment contre l’intérêt de l’entreprise et de l’ensemble du personnel, et
surtout lorsqu’il met la vie de l’entreprise en danger. Et c’est au diri-
geant lui-même d’assumer la démarche vis-à-vis de l’administration
du travail, à moins d’avoir un chargé des ressources humaines de haute
compétence. Ce n’est en effet qu’en mettant tout le poids de l’entre-
prise qu’il représente dans ce combat aux prud’hommes qu’il aura une
chance de faire accepter l’inacceptable pour un inspecteur du travail.

Lorsque le délégué du personnel de Gouzy a été promu chef d’atelier il a été


remplacé contre toute attente par le deuxième d’une fratrie de trois, tous conduc-
teurs de machines dans la société. Sans qu’il faille y voir une relation de cause
à effet, il se trouve que j’avais commencé à donner des avertissements au junior
de la bande des trois. Le nouveau délégué lançait immédiatement un véritable
combat contre le nouveau chef d’atelier et moi, comme il a été vu. Les coups
tordus de sa part allaient se multiplier. Pendant un an, jusqu’à son départ, j’allais
devoir y consacrer près de 30 % de mon temps. Je n’avais pas le choix si je
voulais réussir le redressement de l’entreprise.
Le cas est un bon exemple de la difficulté de licencier un délégué, puisque j’ai
dû aller jusqu’au ministère du Travail pour y parvenir. Quelques exemples des
procédés employés par une défense sans scrupule valent la peine d’être racontés.
Dans un recours ultime aux prud’hommes pour faire requalifier la nature de la
faute du délégué, son conseil, membre permanent de la CGT a communiqué au
tribunal des documents « strictement confidentiels » établis par les services du
ministère du Travail qui étaient « non communicables aux parties ». Ceux-ci com-
prenaient des rapports confidentiels entre l’inspecteur du travail, le directeur
départemental du travail, la direction régionale du travail et le ministre du Travail,
ainsi que les comptes rendus de mes audiences avec l’inspecteur et la direction
régionale du travail. Comment le conseil CGT s’était-il procuré de tels documents
que mon avocat n’avait pas eus ? Comment osait-il les produire officiellement ?
La cour m’en a remis une copie, ce qui nous fut très utile.
On y lit entre autres dans le rapport de la direction régionale du travail que « le
but recherché par le salarié semble bien être la mise en difficulté de son directeur
puisque quelques années auparavant, son deuxième frère avait procédé ainsi
auprès du conseil d’administration qui avait procédé alors au licenciement du
directeur de l’époque », mon prédécesseur en l’occurrence. L’inspecteur, quant à
lui, reconnaissait dans son rapport à la direction régionale plusieurs autres fautes
graves :
- « qu’il ressort ni de sa mission de délégué du personnel, ni de sa qualité de
salarié de s’opposer à plusieurs reprises aux décisions stratégiques mises en
œuvre par le PDG ».
- « qu’il ressort de l’enquête que M... a manifesté auprès d’autres salariés son
mécontentement vis-à-vis des personnes qui ont suivi les demandes d’augmen-
tation de la vitesse de leur machine ».

250
GESTION DE CRISES

De ces fautes, certaines fautes lourdes avérées étaient retenues par le ministre
du Travail. Malgré celles-ci, l’inspecteur du travail avait refusé auparavant la
demande de licenciement. Pour justifier cette décision, il écrivait dans son rapport
d’enquête, en totale contradiction avec son propre rapport à la direction régionale,
qu’il « n’avait jamais constaté hors des allégations de la direction générale et des
cadres de l’entreprise, de faits de pression équivoques de la part de M... sur
d’autres collègues... ». Deux descriptions des mêmes fautes par une même per-
sonne dont l’une adressée au ministre est totalement contradictoire avec la pre-
mière. L’autorisation par décision du ministre du Travail intervenait sept mois
après la mise à pied. Victoire inavouable. Nous pouvions accélérer enfin notre
restructuration.

Histoire un peu longue. Pour montrer que les règles du jeu sont très
déséquilibrées et qu’il faut s’y attendre. Pour montrer que même une
accumulation de fautes graves ne suffit pas à qualifier la faute d’un
délégué. Pour montrer que c’est malgré tout possible de licencier un
délégué, à condition d’avoir le courage d’aller jusqu’au bout.

Le dépôt de bilan, plus qu’une crise, un échec

Jusque-là, tout ce qui a été décrit reste dans des domaines que le chef
d’entreprise peut gérer. Il est par contre des évènements qui vous met-
tent dans une situation où vous perdez une bonne partie de la maîtrise
de votre entreprise, c’est l’annulation par vos banquiers ou un fournis-
seur important de leur ligne de crédit, c’est surtout, le dépôt de bilan.
Il faut donc tout faire pour l’éviter. J’ai choisi de raconter mon aventure
en ce sens pour ceux qui y seraient confrontés, mais aussi pour per-
mettre aux autres de relativiser leurs difficultés. Pour montrer que ce
sont des moments où malgré les grandes difficultés qu’il rencontre, le
dirigeant doit mettre toute son énergie à être encore plus performant.
Pour raconter qu’il est toujours possible de se relever.

Comment deux banquiers ont bouleversé ma vie


Venons à la première grande crise bancaire que j’ai rencontrée, cause
principale des évènements qui suivront.

J’ai expliqué comment en 1986 Tiga s’était engagée dans la technologie époxy
pour son nouveau programme de planches à voile haut de gamme poussé par un
grand industriel. Ce fut un échec technique coûteux. Cette technologie fut rapi-
dement abandonnée pour une autre plus facile à mettre en œuvre. Le capital fut

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