Академический Документы
Профессиональный Документы
Культура Документы
Avant propos
La situation actuelle est marquée par un ébranlement qui a récemment affecté la condition
salariale : le chômage massif et la précarisation des situations de travail, l’inadéquation des
systèmes classiques de protection à couvrir ces états, la multiplication d’individus qui occupent
dans la société une position de surnuméraires. Le salariat, qui occupe aujourd’hui la grande
majorité des actifs, a longtemps été une des situations parmi les plus incertaines, et aussi les
plus indignes et les plus misérables. Comprendre comment le salariat est parvenu à remonter
ces fantastiques handicaps pour devenir, dans les années soixante, la matrice de base de la «
société salariale » moderne. Qu’est ce qui distingue -i.e. comporte à la fois de différent et de
commun- les anciennes situations de vulnérabilité de masse et la précarité d’aujourd’hui ?
Nouvelle donne contemporaine : la présence, apparemment de plus en plus insistante,
d’individus placés comme en situation de flottaison dans la structure sociale, et qui peuplent ses
interstices sans y trouver une place assignée. Le travail sera ici envisagé non en tant que
rapport technique de production, mais comme un support privilégié d’inscription dans la
structure sociale. Il existe en effet une corrélation forte entre la place occupée dans la division
sociale du travail et la participation aux réseaux de sociabilité qui « couvrent » un individu. D’où
la possibilité de construire des « zones » de cohésion sociale :
-l’association travail stable-insertion relationnelle solide caractérise une zone d’intégration.
-la vulnérabilité sociale conjugue précarité du travail et fragilité des support de proximité
-l'absence de participation à toute activité productive et l’isolement relationnel se conjuguent
pour donner l’exclusion, la désaffiliation.
La dimension économique n’est pas le discriminant essentiel, la question posée n’est pas celle
de la pauvreté : ce sont plutôt les relations existant entre la précarité économique et l’instabilité
sociale qu’il faudra dégager. Comment se maintiennent et se défont les statuts ? Pour user
avec rigueur de la notion d'exclusion, qui correspond au modèle d’une société duale, il faudrait
qu’elle corresponde à des situations caractérisées par une localisation géographique, par la
cohérence d’une (sous)culture, et le plus souvent, par une base ethnique. Parler de
désaffiliation en revanche, c’est retracer un parcours.
« Métamorphoses » : Il y a des différences mais : 1. Il y a homologie de position entre ces «
inutiles au monde » (les vagabond avant la Révolution industrielle) et différentes catégories d’ «
inemployables » d’aujourd’hui. Et 2. Les processus qui produisent ces situations sont
également comparables, i.e. homologues dans leur dynamique.
Agrégation de sciences économiques et sociales / Préparations ENS 2004-2005 2
« Question sociale » : la question s’est posée pour la première fois comme telle dans les
années 1830, phase de prise de conscience des conditions d’existence des populations qui
sont à la fois agents et victimes de la Révolution industrielle. c’est la question du paupérisme.
Question de la place que peuvent occuper dans la société industrielle les franges les plus
désocialisées des travailleurs. Avant cette « invention du social », il y avait déjà du social. Il
existait non seulement le « social-assistanciel », mais aussi des interventions publiques à
travers lesquelles l’Etat jouait le rôle de garant du maintient de l’organisation du travail et de
régulateur de la mobilité des travailleurs. L’Etat social s’est constitué à l’intersection du marché
et du travail. Il a été d’autant plus fort qu’étaient fortes les dynamiques qu’il régulait : la
croissance économique et la structuration de la condition salariale.
organisations sociales dans lesquelles l’individu n’est plus organiquement lié aux normes et doit
contribuer à la constitution des systèmes de régulation) : une mobilité déréglée coexiste avec
des structures d’encadrement rigides. Ainsi apparaît un « chômage paradoxal » : malgré la
ponction démographique, on constate un accroissement de la mendicité après 1350. Les codes
du travail élaborés à cette époque exigent la fixation des travailleurs sur leur territoire (pour
intensifier la production agricole ou pour maintenir les « monopoles » corporatistes). Il s’ensuit
que les éléments libérés de ces structures se retrouvent dans une position d’outcast.
Etudions plus précisément les vagabonds : Les tentatives de définition du vagabond sont
tardives. Jusqu’au XVIe siècle, le terme est associé à une série de qualificatifs désignants les
individus malfamés et exerçant des métiers de mauvaise réputation. Au XVIe, des ordonnances
définissent plus précisément le vagabond : homme sans travail et sans « aveu » i.e. sans
appartenance communautaire. La définition ne variera plus beaucoup jusqu’au code Napoléon
compris. Est appliqué au vagabond un traitement impitoyable : bannissement (sanction
inefficace), exécution capitale, travail forcé (réponse modérée et réaliste : galères, déportation
aux colonies, travail obligatoire par enfermement dans l’Hôpital général ou les dépôts), voire
même esclavage en Angleterre, de 1547 à 1550).
Mais qui sont les vagabonds ? Ils sont présentés comme des personnes ayant rompu le pacte
social. Mais il est possible de reconstruire la réalité sociologique : le vagabondage apparaît
alors moins comme un état sui generis que comme la limite d’un processus de désaffiliation
alimenté par la précarité du rapport au travail et par la fragilité des réseaux de sociabilité d’une
partie du petit peuple. Il faut voir le vagabond comme quelqu’un qui n’a pas fait son
apprentissage dans le cadre des « métiers », sans qualification, se désocialisant
progressivement au cours de ses pérégrinations. La catégorie sociale du vagabond, être
totalement asocial et dangereux, est une construction. Les vagabonds cependant représentent
sous l’Ancien Régime un danger, réel ou fantasmé, de déstabilisation sociale et le problème
posé est insoluble dans la structure de la société d’Ancien Régime. La fonction de « classe
dangereuse » que l’on rapporte en général au prolétariat du XIXe siècle est déjà assumée par
les vagabonds. La question du vagabondage est la manière dont s’occulte et se formule la
question sociale dans la société préindustrielle. « occulte » car va jusqu’à en faire une question
de police. « formule » car interroge sur ce qui fait la dynamique de cette société.
1. l’hégémonie exercée par les marchands sur la production : dès le Moyen Age pour ce qui
concerne le textile, la draperie...
2. l’extension de la proto-industrie rurale qui n’est pas un résidu archaïque du développement
industriel, elle s’inscrit dans la logique du développement du capitalisme marchand. Le
développement de l’artisanat rural permet une surpopulation des campagnes par rapport aux
ressources proprement agricoles, l’abaissement de l’âge des mariages, une croissance
démographique rurale importante et une différenciation accrue des rapports sociaux à la
campagne. Simultanément, en économisant le recours à l’exode rural, il conserve la
prééminence des tutelles traditionnelles. Il n’y a pas de relation univoque entre le
développement du capitalisme et de la proto-industrie rurale.
3. la création de manufactures royales n’est pas non plus une anticipation des formes
modernes de production : elles restent fondées sur le privilège et contredisent la liberté du
travail (les manufactures fonctionnent comme des institutions de travail forcé). Avant la
révolution industrielle, travail réglé et travail forcé représentent les deux modalités principales
de l’organisation du travail. Travail réglé, c’est à dire : l’ensemble des réglementations des
métiers. Ces dernières répondent à la question suivante : à quelle condition le travail peut-il
devenir un « état » ? En effet, le partage s’opère au sein des travailleurs manuels. Certaines
activités manuelles, celles qui constituent les « métiers » correspondent à des « états », et les
autres à rien du tout. La corporation a une fonction essentielle de placement et de classement,
elle arrache le travail manuel à l’insignifiance et commande ainsi l’accès à ce que l’on pourrait
appeler la citoyenneté sociale. Le métier trace la ligne de partage entre les inclus et les exclus.
Etre libéré de ces réglementations ne signifie pas être libre, mais se trouver placé face à un
système beaucoup plus impitoyable de contraintes. En dehors du système des métiers, il y a
surtout le travail forcé.
Parce qu’en France la petite exploitation agricole se maintient et que l’implantation des métiers
urbains est solide, les interventions sur l’organisation du travail se spécifient selon trois
directions : 1. la répression du vagabondage et de la mendicité, 2. le renforcement et
l’extension des jurandes, 3. les tentatives pour mobiliser la force de travail qui se trouve en
dehors des régulations traditionnelles. Au fur et à mesure que le pouvoir royal s’impose comme
instance centrale de régulation, se multiplient les déclarations sur la nécessité d’exploiter la «
pépinière » de travailleurs laissée en friche (optique mercantiliste, mobiliser toutes les forces
vives de la nation) : d’où la création de manufactures et de l’Hôpital général (1662).
Le travail libre signifierait que la force de travail s’échange, s’achète et se vend en fonction des
besoins du marché. Mais le paradoxe : si ces sociétés ont connu des formes variées de
situations salariales elles n’ont pas permis à une condition salariale de se constituer. Non point
que le salariat représenterait une composante secondaire de l’organisation du travail, mais s’il
devient quantitativement plus important, il reste structurellement périphérique par rapport aux
formes légitimées de la division du travail. Le salariat est un monde fragmenté : compagnons de
métiers, maîtres déchus devant se salarier, les ouvriers marginaux, les domestiques ( environ
10% de la population urbaine), les commis et garçons des services administratifs, les
journaliers de la construction, les ouvriers agricoles, les fermiers parcellaires, les paysans-
ouvriers des forges, mines ou papeteries, les travailleurs saisonniers, et enfin un prolétariat
urbain naissant (au Creusot, à Monceau-les-Mines...).
Depuis la révolution industrielle, le salariat est spontanément pensé sur le modèle de la liberté
et du contrat. Cette conception libérale représente une révolution par rapport aux formes qui
l’ont historiquement précédée. L’hypothèse de Castel est que le salariat n’est pas né de la
liberté ou du contrat, mais de la tutelle. C’est dans la pérennité du modèle de la corvée qu’il faut
chercher la raison de fond de la résistance à l’avènement du rapport salarial moderne.
L’imposition du travail s’est d’abord faite dans le cadre d’une dépendance personnalisée à partir
d’une localisation assignée. Cependant, parallèlement au mouvement d’affranchissement de la
main d’oeuvre, la corvée est de plus en plus fréquemment rachetée : de prestation obligatoire
en travail, elle devient prestation obligatoire en argent. Même si juridiquement salariat et corvée
s’opposent et si historiquement le premier a chassé la seconde, il y a alors peu de différence
entre salarié et corvéable : tous deux sont dans une relation de soumission personnelle. Les
différentes formes de salariat rural restent prisonnières des systèmes traditionnels de
contrainte. Et s’il existe des relations salariales plus « libres », elles sont aussi moins assurées.
Le type de salariat le plus enviable dans cette société est celui qui conserve le plus de traits «
archaïques ». Le marché du travail de l’époque est constitué par la main-d’oeuvre sous-
qualifiée. Reconstruire le salariat de ces sociétés, c’est se référer à un ensemble de situations
Agrégation de sciences économiques et sociales / Préparations ENS 2004-2005 5
qui ont en commun une certaine indignité. Le salariat ne connote pas seulement la misère
matérielle, mais aussi des états de dépendance qui impliquent une sorte de souscitoyenneté.
Les services qui ont une dignité sociale ne relèvent pas du salariat. Le noyau de situations
salariales dotées de prestige et de pouvoir (le groupe des fonctionnaires publics dont la frange
supérieure deviendra la « noblesse d’Etat » est encore bien peu discernable des dignitaires
traditionnels.
L’apparition d’un embryon de prolétariat industriel s’accompagne de nouvelles formes de
surveillance et d’encadrement autoritaires : ces salariés sont parmi les premiers à être
affranchis des contraintes traditionnelles auxquelles sont substituées de nouvelles
réglementations. Le vieux paradigme du travail forcé n’est pas récusé. Tout se passe comme si,
à la fin du XVIIIe siècle, deux modèles archaïques d’exercice du pouvoir se profilaient à l’arrière
plan de la relation salariale. Les désaffiliés sans attaches et sans support sont à fixer de force.
Les héritiers des corvéables sont inscrits dans des tutelles traditionnelles qu’il faut maintenir.
2. les indigents valides relèvent d’un traitement différent : il faut leur ménager la possibilité de
travailler. Le libre accès au travail remplace l’obligation de travailler (croyance dans les
immenses possibilités du marché). Les premiers libéraux n’ont pas vu la possibilité d’un
déséquilibre structurel entre l’offre et la demande de travail, ont sous-estimé les antagonismes
d’intérêts. Conséquence de l’ouverture du marché du travail : la mendicité et le vagabondage
deviennent en droit les délits qu’ils étaient à l’époque antérieure.
Pourquoi ce programme ne fut-il pas appliqué ? En partie parce que la France était ruiné,
déchirée et que la volonté politique change après Thermidor. Mais aussi parce que ces
mesures étaient inapplicables en raison de leurs contradictions internes. Ces mesures faisaient
coexister deux conceptions contradictoires du rôle de l’Etat, l’association du libéralisme et du
volontarisme libérait des antagonismes sociaux imprévisibles. Les politiques sociales modernes
reposent sur l’existence de « partenaires sociaux », mais à l’époque révolutionnaire, il n’existe
aucun espace de négociation possible entre l’Etat et les exigences de l’économie.
La manière dont est pensée la notion de libre accès au travail est ambiguë. En effet,
l’établissement d’un droit effectif au travail obligerait l’Etat à intervenir dans l’organisation de la
production, en se faisant lui-même entrepreneur par exemple. Et les ouvriers n’ont pas compris
la liberté du travail dans le même sens que ceux qui s’en faisaient les promoteurs : ils se
sentaient davantage protégés par les formes traditionnelles du travail réglé que par une liberté
sauvage, et ils en appelaient aux pouvoirs publics pour obtenir de nouvelles régulations et non
la liberté du travail. Le poids écrasant de l’indignité de la situation salariale ne peut être annihilé
par la simple affirmation du libre accès au travail. Ainsi naît une situation déjà grosse
d’affrontements entre ceux qui ne pourront se satisfaire d’un régime se contentant de libérer les
lois du marché sans toucher à leur condition misérable, et ceux qui prétendent avoir résolu la
question sociale en levant les obstacles au développement économique.
même du processus de production des richesses. S’élabore au XIXe siècle une conception
nouvelle et originale de la mobilisation des élites sociales pour déployer un pouvoir tutélaire
envers les malheureux et assumer une fonction de bienveillance dans le cadre du libéralisme.
Une réponse à la fois politique et non étatique doit être possible pour conjurer le risque de
dissociation que la Révolution, en abolissant les corps intermédiaires, a accentué. Les
anciennes tutelles ont été cassées, il s’agit d’en reconstruire de nouvelles (c’est la théorie des
capacités de Guizot) qui légitiment les dépendances d’homme à homme. Certes, il existe aussi
un libéralisme pur et dur pour lequel la misère est un mal nécessaire. C’est au sein de la
nébuleuse des réformateurs sociaux (Le Play, Ozanam, Guizot...) que se formule tout d’abord
la question sociale dans sa version XIXe : la question du relèvement des classes travailleuses «
gangrenées » par la plaie du paupérisme. Mais la question n’implique pas encore une
recomposition du champ politique. Trois ensembles de procédures :
−une assistance rationalisée (examiner méticuleusement les besoins des nécessiteux pour ne
pas entretenir l’assisté dans sa condition) et morale (subordonner les secours à la bonne
conduite du bénéficiaire) : l’assistance doit être un outil de relèvement moral.
−des pratiques collectives : insistance sur la dimension institutionnelle des interventions
sociales. Il y a surtout eu deux institutions : les caisses d’épargne et les sociétés de secours
mutuel. Le but est de combattre l’insécurité fondamentale de la condition salariale, mais sous la
tutelle des notables.
−l’idée de patronage : l’employeur estime qu’il est équitable et de son intérêt de dispenser des
services qui n’obéissent pas à une stricte logique marchande. Le patron se fait l’ordonnateur de
la sécurité de l’ouvrier, qui en est par lui-même incapable. But : l’osmose entre l’usine et la vie
quotidienne des ouvriers et de leur famille, fixer l’ouvrier. Deux institutions : le livret ouvrier et le
règlement d’atelier;
Ces stratégies présentent cependant un caractère paradoxal : elles sont sous-tendues à la fois
par le libéralisme et par une sorte d’utopie réactionnaire. Elles ont sous-estimé deux facteurs.
Le premier est d’ordre technique : les exigences de l’organisation du travail sur une large
échelle vont imposer des rapports objectifs définis par les tâches à accomplir plutôt que des
relations de dépendance personnelle. Le deuxième : au fur et à mesure que la classe ouvrière
s’implantait et s’organisait, elle devenait imperméable aux doctrines patronales. C’est en réalité
que le libéralisme lui même déploie deux modèles « tendus » d’organisation sociale : le registre
de l’échange contractuel et le registre de l’échange inégal (entre personnes qui ne peuvent
entrer dans la logique de la réciprocité contractuelle).
−La question sociale se pose en revanche sur le plan de la vulnérabilité ouvrière. C’est le
problème du statut de la majorité des salariés (instabilité de l’emploi, arbitraire patronal, bas
salaires, misère de la vieillesse...). A partir du moment où l’on reconnaît que la misère renvoie
pour une bonne part à la problématique du travail, l’assistance peut-elle constituer la réponse
adéquate ? Ne faut-il pas plutôt imposer l’obligation d’assurance ? L’enjeu, c’est l’émergence
d’une nouvelle fonction de l’Etat.
Il y a une autre implication de la promotion de l’assurance : une mutation de la propriété elle-
même, la fondation d’un type de propriété sociale. Les premières applications de l’assurance
obligatoire ont été limitées aux catégories menacées de déchéance sociale. Tout se passe
comme si l’assurance à ses débuts avait joué comme un analogon de l’assistance. Les
premiers bénéficiaires de l’assistance n’ont que leur travail pour survivre. La reformulation de la
question sociale va consister à juxtaposer la propriété privée (garante de sécurité) à un autre
type de propriété, la propriété sociale, de sorte que l’on puisse rester en dehors de la propriété
privée sans être en manque de sécurité. La sécurité sociale agit comme un transfert de
propriété par la médiation du travail et sous l’égide de l’Etat. Le statut donné au travail produit
l’homologue moderne des protections traditionnellement assurées par la propriété. L’avènement
de l’assurance sanctionne la reconnaissance du caractère irréversible de la stratification sociale
dans les sociétés modernes et le fait qu’elle ne puisse être fondée uniquement sur la propriété
mais aussi sur la division du travail. Le salaire n’est alors plus seulement la rétribution du travail
calculée au plus juste. Il comporte une part - le « salaire indirect »- qui constitue une rente du
travail pour des situations hors-travail. Le cotisant est un ayant-droit absolu, seul le paiement
individuel donne accès au droit collectif. Les risques sont couverts par un système de garanties
juridiques, en dernière instance sanctionnées par l’Etat de droit. L’assurance procure le moyen
de stabiliser la frange vulnérable du salariat, sans interdire la mobilité. La déterritorialisation
n’est plus une désaffiliation. La conjugaison de la mobilité et de la sécurité ouvre la voie à une
rationalisation du marché du travail en prenant en compte à la fois les exigences de la flexibilité
pour le développement industriel et l’intérêt de l’ouvrier. Mais ce n’est véritablement qu’après
1945 que l’assurance obligatoire devient principe d’une couverture généralisée des risques.
1
« attracteur », le terme est de Boltanski (Les Cadres, p. 152), qui qualifie ainsi le rôle dominant joué par
un groupe social dans la réorganisation d’un champ professionnel.
Agrégation de sciences économiques et sociales / Préparations ENS 2004-2005 10
3. La recherche d’un compromis entre les différents partenaires impliqués dans la croissance.
Le SMIG puis SMIC donne un statut légal au conditions minimales d’accès à la condition
salariale. C’est le premier degré d’appartenance à un statut de salarié grâce auquel le salaire
n’est plus seulement mode de rétribution économique. La mensualisation aligne le statut de la
plupart des ouvriers sur celui des employés.
années 1970, la distinction se brouille : la multiplication des publics ciblés et des politiques
spécifiques fait douter de la capacité de l’Etat à conduire des politiques d’intégration à vocation
homogénéisatrice (insistance sur le thème de l’inadaptation sociale). Les politiques d’insertion
vont se mouvoir dans cette zone incertaine où un emploi n’est pas assuré, où le caractère
erratique de certaines trajectoires de vie ne tient pas seulement à des facteurs individuels
d’inadaptation. Au début, elles ont un caractère provisoire et improvisé, mais leur consolidation
marque l’installation dans le provisoire comme régime d’existence. C’est du début des années
1980 que l’on peut dater la naissance officielle des politiques d’intégration.
Le RMI généralise la problématique de l’insertion (il concerne l’ensemble de la population de
plus de 25 ans dont les revenus se situent audessous d’un certain seuil). Pour la première fois
dans l’histoire de la protection sociale, la coupure entre les populations aptes au travail et celles
qui ne peuvent pas travailler est récusée. Le droit d’obtenir des moyens convenables
d’existence n’est pas un simple droit à l’assistance, c’est un droit à l’insertion. Le contrat
d’insertion est la contrepartie de l’allocation de ressources qui lie le bénéficiaire à la réalisation
d’un projet, mais qui engage tout autant la communauté nationale qui devrait l’aider à le
réaliser. L’insertion visée est sociale et professionnelle. Mais si l’insertion professionnelle
correspond à ce que l’on a appelé l’intégration, l’insertion sociale ouvre sur un registre original
d’existence : le RMI ne fonctionne pas comme un sas mais comme un cul de sac. En quoi peut
consister une intégration sociale qui ne débouche pas sur une intégration professionnelle ? Une
condamnation à l’insertion perpétuelle ?