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Hicham ABBAD
Maître de conférences en sciences de gestion, Université de Nantes, LEMNA, France
hicham.abbad@univ-nantes.fr
« décollage » de la grande distribution, an- pôts distributeurs. Souvent elle dépasse les
nées 1960 et 1970. Les industriels livraient économies réalisées par l’optimisation des
les magasins des distributeurs soit de leurs flux physiques, notamment celle inhérente à
usines, soit d’entrepôts leur appartenant. l’activité transport beaucoup moins onéreuse
à cette époque qu’aujourd’hui.
Au cours des années 1980, les premiers
moyens logistiques physiques dans le ca- Au milieu des années 2000, un troisième
nal de distribution sont apparus. Il s’agit du modèle logistique fait son apparition dans
modèle logistique n°2. Il met en relation les le secteur de la distribution. Ce modèle n°3
usines avec les entrepôts puis les entrepôts intègre un nouvel intermédiaire entre les
avec les points de vente. Le recours des dis- usines des producteurs et les plateformes
tributeurs aux entrepôts-plateformes s’ex- régionales des distributeurs. Il s’agit d’en-
plique essentiellement par la taille critique trepôts partagés par des fournisseurs de la
atteinte en termes de nombre de magasins. grande distribution. Depuis peu de temps,
Alors que certaines plateformes sont gérées ces entrepôts sont désignés comme des « en-
en propre par les distributeurs, d’autres sont trepôts mutualisés de colocalisation aval »
confiées aux PSL. Ces derniers apportent (EMCA). Les fournisseurs adoptent une nou-
une certaines expertise dans la conduite opé- velle démarche collaborative, la GMA.
rationnelle des activités logistiques (Roques
Face aux contraintes liées au développe-
et Michrafy, 2003 ; Paché, 2006 ; Camman
ment durable dans les grandes agglomé-
et Livolsi, 2007). Cette stratégie d’externali-
rations (baisse des émissions des gaz à ef-
sation a aussi permis aux distributeurs de se
fet de serre, fluidité de la circulation, etc.),
concentrer sur leur « cœur » de métier. Les
certaines collectivités locales ont favorisé la
premières opérations sous-traitées concer-
mise en place de centres de dégroupage en
naient l’entreposage, la préparation des com-
périphérie des villes. Ces changements dans
mandes et le transport. Par la suite, les PSL
les schémas logistiques marquent le passage
ont étendu leur offre de services à d’autres
au quatrième modèle. Il met en relation trois
tâches comme le conditionnement, le co-ma-
niveaux d’entrepôts. Les producteurs livrent
nufacturing et le co-packing (Fulconis et al.,
un entrepôt multifournisseurs puis ils ache-
2011).
minent leurs produits de façon mutualisée
Le modèle logistique n°2 marque le passage jusqu’aux entrepôts des distributeurs ; ces
d’un circuit court (l’entrepôt de l’industriel entrepôts livrent en fin les magasins ou les
est le seul intermédiaire entre le fabricant et centres de dégroupage surtout s’il s’agit d’ap-
le magasin) à un circuit long (intégration de provisionner des magasins dits « de proxi-
nombreux intermédiaires tels que les entre- mité » au centre des villes ou des quartiers.
pôts nationaux ou régionaux des distribu-
teurs). Il a permis de stocker plus ou moins Après avoir analysé les différentes étapes
temporairement dans les entrepôts et ainsi fa- ayant précédé et conditionné l’apparition de
ciliter la conversion des surfaces de stockage la GMA dans le secteur de la grande distri-
(réserves) adossées aux points de vente en bution alimentaire en France, nous exposons
surfaces de vente (Chanut et al., 2010). L’as- à présent les avantages retirés de cette dé-
sortiment de l’offre commerciale en magasin marche collaborative.
s’est alors élargi. Cette organisation logis- La GMA en pratique : quels bénéfices
tique des flux a contribué au développement pour les acteurs de la supply chain ?
des chiffres d’affaires des distributeurs. Elle
a contribué au maintien de leur profitabili- Peu de travaux se sont intéressés à l’applica-
té ; celle-ci étant étroitement dépendante des tion à grande échelle de la coopération hori-
volumes vendus à faible marge. Les années zontale pour les activités logistiques (Crui-
1990 ont été caractérisées par un développe- jssen, 2006 ; Cruijssen et al., 2007 ; Camman
ment croissant du nombre d’entrepôts distri- et Livolsi, 2007 ; Chanut et al., 2010 ; Pan,
buteurs. Malgré les coûts occasionnés par la 2010). L’une des premières définitions de la
généralisation des schémas en circuit long, GMA fut proposée par Livolsi et al. (2012).
les distributeurs ont réussi, grâce à une prise Ces auteurs ont défini la GMA comme un
de contrôle de leurs chaînes logistiques, à les « mode de gestion des approvisionnements
incorporer dans les contrats commerciaux. dans lequel plusieurs industriels s’engagent
Une compensation financière est en effet sys- à livrer ensemble, à partir d’un même site
tématiquement demandée à tout fournisseur logistique (entrepôt ou plate-forme), un ou
livrant ses produits directement aux entre- plusieurs distributeurs afin notamment d’op-
timiser les coûts de stockage (réduction du Le premier pooling (site logistique commun
nombre de lieux de stockage dans la chaîne pour consolider les flux) est devenu opéra-
industriels-distributeurs) et de transport tionnel à la fin de l’année 2004. Initié et dé-
(taux remplissage des véhicules et nombre veloppé par Bénédicta et Nutrimaine, géré
de rotations) ». par FM Logistic, le pooling a suscité plus
tard l’intérêt d’autres industriels avec l’adhé-
Les termes GMA, GPA mutualisée ou GPA
sion de Lustucru en 2006. Cette organisation
multifournisseurs cherchent à décrire des
a permis aux trois industriels d’améliorer le
organisations de flux parfois un peu diffé-
taux de remplissage des camions et d’aug-
rentes mais au service du même objectif, sa-
menter leur taux de service de livraison res-
tisfaire les grands distributeurs. Deux types
pectant les « conditions » logistiques de leurs
de GMA peuvent être distingués, à savoir
clients.
la GMA multipicks et le Pooling mais aussi
deux modes de GMA par rapport aux règles En 2005, les groupes Henkel, Colgate-Pal-
de remplissage du camion, à savoir la GMA molive et GlaxoSmithKline ont décidé de
à répartition fixe et la GMA à répartition mutualiser leurs livraisons vers les plate-
variable. formes de la grande distribution avec comme
PSL, FM Logistic. Après avoir travaillé dans
Par GMA multipicks, la réalité suggérée
un premier temps en multipicks (enlèvement
est que les industriels d’une même région
puis consolidation des livraisons) au départ
organisent la disponibilité de leurs produits
de trois entrepôts, ils ont décidé en 2006 de
élaborés sur leurs sites de production pour
regrouper leurs activités à partir d’un seul
qu’un camion effectue une tournée d’enlè-
entrepôt, créé et piloté par le même presta-
vement aussi volumineuse que possible en
taire. Trois ans après, les résultats mettent
fonction de sa capacité de transport. Le Poo-
en évidence des livraisons quotidiennes,
ling, quant à lui, est la forme la plus évoluée
des camions complets (33 palettes contre
de GMA. Il s’agit pour les industriels parte-
8 à 20 en moyenne sans pooling), un taux
naires après avoir organisé un approvision-
de qualité transport amélioré de 7 % grâce
nement amont multipicks, d’utiliser, voire
à la régularité des livraisons et à l’absence
de créer une plateforme logistique commune de ruptures de charge, une réduction de 15
pour organiser la livraison mutualisée de à 20% des niveaux de stock des entrepôts
leurs produits vers leurs clients communs, distributeurs mais encore une réduction des
les plateformes régionales des distributeurs. coûts de stockage et des coûts d’immobili-
Qu’il s’agisse de GMA multipicks ou de sation financière pour les distributeurs, une
Pooling, les industriels souhaitant mettre amélioration du taux de service global et un
en place une mutualisation logistique ont impact significatif sur les émissions de gaz à
le choix entre deux modes de fonctionne- effet de serre. En 2008, Sara Lee intègre ce
ment. Le premier, la GMA à répartition fixe pool pour ses produits de soins du corps. Dé-
consiste à estimer au préalable pour chaque but 2011, le spécialiste des soins capillaires
point de livraison, la répartition du nombre Eugène Perma rejoint cette GMA (cf. effets
de palettes entre les industriels impliqués positifs d’une GMA, tableau 1).
dans le projet. Le second, la GMA à réparti-
tion variable permet de calculer les quotas de
remplissage de chaque entreprise à chaque
Les freins à une mutualisation
livraison en fonction des besoins du distribu- horizontale des ressources
teur. Le calcul des quotas et leur validation et des compétences
par les différentes parties prenantes aux inté-
Afin de maîtriser toute la chaîne logistique
rêts parfois concurrents sont le plus souvent
amont, la grande distribution généraliste en
confiés à un PSL.
fonction de ses fournisseurs, de leurs loca-
En France, la première expérience de GMA lisations, de leurs produits et de ses propres
a été initiée en 2004 par Sara Lee Coffee and localisations de stockage et d’éclatement (en-
Tea France et Cadbury. Cette GMA multi- trepôts-plateformes) et de ses points de vente
pick est confiée au prestataire Influe Logis- et de leurs formats, cherche à associer par
tics Service. Aussi est-il chargé d’organiser la contractualisation de leurs performances
les livraisons en affrétant des transporteurs d’autres acteurs, aux compétences et outils
pour le compte des deux industriels. Cette spécifiques. En toute logique, sa stratégie
GMA a permis une augmentation du taux de logistique devrait piloter les chaînes d’ap-
remplissage des camions de 98,7 à 99,3%. provisionnement par les seules prévisions de
vente, celles des magasins. En réalité, elle pi- empêché la GMA de se développer comme
lote ses approvisionnements en fonction des modèle de pilotage et d’action des chaînes
stocks et des commandes que centralisent logistiques d’approvisionnement dans le sec-
et consolident régionalement ses entrepôts. teur d’activité de la grande distribution ?
Il faut encore souligner qu’elle n’a d’autres
Ces freins sont relativement nombreux et de
choix que de développer ses ventes. La dis-
natures différentes. Nous prenons le parti de
tribution reste un secteur où la croissance
les présenter qu’ils soient relatifs aux activi-
des ventes est indispensable pour améliorer
tés d’entreposage, ou aux activités de trans-
la marge.
port, ou encore aux spécificités du contexte
Faire collaborer différents acteurs pour ser- étudié.
vir cette fin économique à laquelle chaque
Les freins à la mutualisation de
grand distributeur alimentaire est confronté
l’entreposage des marchandises
au vu de ses marges plutôt minimales (1 à 2
% des chiffres d’affaires annuels) n’est pas Les freins liés à la nature des produits. Les
défi facile à relever. Développer le chiffre produits dont il est question sont des produits
d’affaires suppose que les produits soient secs de grande consommation réalisés par
disponibles dans les magasins en quantités des industriels de l’agroalimentaire et des
adaptées aux prévisions de consommation. produits dits « DPH » (Droguerie-Parfume-
Pour y parvenir, industriels, PSL, Presta- rie-Hygiène). Produits de grande consom-
taires de Systèmes d’Information et de Com- mation, leur rotation en magasin est élevée.
munication (PSIC) et transporteurs sont sol- Aussi, la grande distribution prescrit de les
licités et contraints à la performance par des réapprovisionner tous les jours ouvrables,
contrats dissuasifs. Ces contrats prévoient de voire 3 à 5 fois par semaine. Une mutuali-
lourdes pénalités financières pour un non ap- sation des « promotions » de ces produits
provisionnement des « bons » produits dans est inconcevable. Les promotions sont trai-
les conditions contractuelles prescrites (Pa- tées en cross-docking, c’est-à-dire qu’elles
ché, 1995 ; Abbad, 2009). En dépit des mul- sont acheminées vers les magasins sans être
tiples pressions sur leurs fournisseurs qu’ils stockées temporairement par l’entrepôt du
soient industriels ou prestataires de service distributeur.
(menaces de non reconduction des contrats,
Pour être mutualisés, les produits ne doivent
de leur dénonciation anticipée avant leur
pas être frontalement concurrents. Un
terme), les grands distributeurs se heurtent à
exemple de mutualisation possible est d’en-
de nombreux freins qui fragilisent leur per-
treposer dans un entrepôt multifournisseurs
formance logistique et par conséquent leurs
des chocolats (Cadbury) et du café (La Mai-
performances commerciale et financière.
son du café). La saisonnalité de consomma-
Si un frein peut être défini comme un empê- tion (Camman et Livolsi, 2007) des produits
chement, une entrave, quels sont les facteurs pouvant être mutualisés doit être décalée,
objectifs ou plus subjectifs (humains) ayant complémentaire plutôt que cumulative (pics
de consommation des produits Banania en Les freins humains liés au partage de l’infor-
hiver et de ceux de Bénédicta en été). Mal- mation. Partager l’information, notamment
gré un réapprovisionnement quasi-journa- l’information relative aux ventes entre in-
lier, ces réapprovisionnements doivent être dustriels (Camman et Livolsi, 2007 ; Chanut
de « gros volumes », notamment pour être li- et al., 2010), même si leurs produits ne sont
vrés vers les hypermarchés. Un camion com- pas frontalement concurrents, est toujours
plet non aménagé permet le transport de 33 considéré comme une pratique à risques
palettes, un camion aménagé à double lisse, qu’il faut mieux éviter. Les données liées
le double sans que la remorque puisse trans- aux ventes sont toujours considérées par les
porter au-delà de 16 tonnes de marchandises. industriels comme stratégiques et donc à ne
Un camion à double lisse ajoute cependant pas communiquer.
une autre contrainte, celle de la hauteur des Si le PSL partage trop l’information sur les
palettes. gains que ses décisions de mutualisation ont
permis, le partage de ces gains entre les in-
Les freins liés à la localisation des acteurs.
dustriels et lui-même, voire avec ses trans-
Les localisations des usines ou des entre-
porteurs, peut devenir très délicat et susciter
pôts des différents fournisseurs doivent être
quelques antinomies pour le moins. Partager
assez proches géographiquement de l’en- beaucoup d’informations avec les distribu-
trepôt multifournisseurs, leur même point teurs apparaît aux industriels encore plus
de livraison. Cette proximité géographique risqué. Ils craignent que les distributeurs
favorise un approvisionnement multipicks à s’en servent pour exiger d’eux des services
un coût raisonnable. Ce coût ne peut pas an- encore un peu plus performants qu’ils ne
nihiler le bénéfice de l’approvisionnement de voudront pas payer à leur « juste » coût.
l’entrepôt primaire permis par de multiples
enlèvements lors d’une tournée, souvent re- Seule la rédaction d’un cahier des charges
tour, d’un transporteur. Cependant, ces enlè- aussi précis qu’il puisse être peut inciter les
industriels à pratiquer la GMA. Il doit traiter
vements permettent rarement de remplir les
des seuils minimaux des stocks ; de gestion
camions. La localisation de l’entrepôt multi-
de rendez-vous de réception ; des actions à
fournisseurs ne peut pas non plus être trop
entreprendre en cas de retard de livraison ou
éloignée soit des points de vente à desservir
d’excédents liés à l’objectif d’effectuer les li-
en cas d’une livraison directe par camion vraisons par camions complets ; du rôle et
complet, soit de l’entrepôt-plateforme du (ou des responsabilités de chacun des acteurs ;
des) distributeur(s). de la facturation des coûts du transport au
Les freins technologiques liés aux infor- vu des arbitrages de la responsabilité du PSL
mations à partager. Dans une configura- dans l’optimisation des coûts du transport
tion d’acteurs multiples participant à l‘ap- par camions complets...
provisionnement des clients de la chaîne, Les freins liés à la prestation logistique.
il conviendrait de mettre en place un SIC Comme le soulignent Mevel et Morvan
permettant d’accueillir toutes les données. (2010), « Dans un contexte concurrentiel
Il autoriserait un accès sélectif et sécurisé à exacerbé qui implique de savoir livrer en
certaines informations en fonction du rôle de juste à temps des références multiples sous
chaque acteur de la chaîne. contraintes d’une diminution de la taille
des lots et d’une sécurisation des temps
Par ailleurs, pour mutualiser une part de
de livraison, notamment afin d’éviter des
leur distribution, les acteurs ne doivent pas pénalités de retard appliquées par les dis-
avoir besoin d’investir dans un nouveau SIC. tributeurs, l’industriel du secteur des IAA
Chaque acteur doit pouvoir y accéder faci- doit aujourd’hui pouvoir s’appuyer en per-
lement et rapidement avec son système ac- manence sur un service logistique réactif et
tuel, à supposer qu’il en ait un suffisamment flexible rendu par ses prestataires ». Aussi,
performant et surtout compatible technique- le premier frein liée à tout développement
ment. Au-delà de cet aspect « outil » à parta- d’une prestation logistique est l’aptitude d’un
ger mais aussi à maîtriser par les ressources PSL à assurer le « taux de service » dont a
humaines des différents acteurs et à rensei- besoin son (ou ses) client(s). Il est « la mesure
gner jour après jour, notamment en informa- de la disponibilité du PSL à répondre à une
tions logistiques et de transport, il faudrait demande rapidement ainsi que son aptitude
que les réticences des directions des indus- à produire une prestation de qualité respec-
triels et des distributeurs soient vaincues. tueuse du flux presté, des délais et du prix af-
l’autre et par conséquent, altérer son intégri- GMA se heurte à des difficultés propres au
té physique. Certains produits doivent être contexte affairiste en France.
transportés à températures dirigées néga-
Pour devenir une « bonne pratique », la GMA
tives, d’autres à températures positives. Cer-
requiert une collaboration entre certains
tains produits peuvent être dangereux. Des fournisseurs mais aussi avec la grande distri-
règles nombreuses existent, elles doivent bution, et donc l’implication du client. Or, en
être respectées. En ce qui concerne la GMA, France, comme nous l’avons souligné précé-
la nature des produits pouvant être élus à demment, les relations entre les industriels et
cette organisation logistique et surtout leur les grands distributeurs sont souvent conflic-
conditionnement fait qu’ils ne peuvent pas tuelles. En effet, les rapports de force qui se
être un obstacle physique, voire économique matérialisent par les conditions commer-
(camions bi ou tri-températures requis) à la ciales et tarifaires imposées par les centrales
mutualisation de leur acheminement. d’achat de la grande distribution, instaurent
Les volumétries et les proximités de livrai- un climat de méfiance. Cette réalité com-
son des marchandises à transporter. Pour merciale spécifique au contexte français rend
qu’une GMA soit profitable à l’ensemble des parfois difficile la mise en place de pratiques
clients de l’organisation, les industriels (les collaboratives comme la GMA. Ce frein, que
distributeurs étant dans cette organisation nous pourrions qualifier de « culturel » est
les clients des clients), il faut que les volumes plus actif quand les fournisseurs perçoivent
de marchandises mutualisés soient suffisam- la GMA comme une démarche « innovante »
ment importants pour autoriser économique- mais surtout comme une démarche imposée
par les clients que sont les grands distribu-
ment une fréquence de livraison plus élevée
teurs généralistes pour réduire leurs niveaux
pour les points de vente du (ou des) distri-
stocks sur les plateformes leur appartenant.
buteur(s). Aussi, des volumes insuffisants de
Surtout que ces nouveaux niveaux doivent
livraison et un éloignement géographique
être compensés par une augmentation de
des points de livraison, communément les
ceux que doivent détenir leurs fournisseurs
magasins, sont des freins réels pour la mu-
industriels dans des entrepôts primaires pour
tualisation des marchandises. Cette proxi-
sécuriser cette nouvelle organisation d’ap-
mité géographique a pu être chiffrée par un
provisionnement. Ce transfert des niveaux
professionnel à 50 km. de stocks vers les acteurs amonts que sont
Une nouvelle double exigence : être livrée les fournisseurs, se traduit par des transferts
plus fréquemment sans aucune surcharge de charges logistiques et de transport. Ces
d’activité en réception. Face à cette double transferts de charges sont au seul bénéfice
exigence : être livrée plus fréquemment et des grands distributeurs qui refusent de les
ne pas devoir multiplier les réceptions des prendre en considération lors des négocia-
entrepôts régionaux gérées par la grande dis- tions tarifaires.
tribution, le groupage des flux de marchan- D’autres acteurs peuvent parfois ajouter un
dises des industriels, et tout particulièrement frein à la mise en place de projets GMA. Les
des petits, semble la solution. Grouper des collectivités locales voient rarement d’un
livraisons, c’est charger des camions si pos- bon œil la délocalisation d’un entrepôt dans
sible complets de marchandises diverses et un nouveau département ou une autre région
compatibles de différents fournisseurs, no- (Chanut et al., 2010).
tamment en organisant des flux réguliers de
livraison, 3 à 6 fois par semaine. Cependant,
cette organisation rationnelle des flux se Conclusion
heurte à la difficulté récurrente de livrer les La grande distribution pour mieux maîtriser
produits des différents industriels à la même ses coûts, notamment ses coûts logistiques,
date, à la même heure pour le même destina- cherche à organiser de façon aussi écono-
taire au lieu désigné par lui et de ses propres mique que possible l’approvisionnement de
contraintes que sa volonté de maîtriser ses ses points de vente en concevant des chaînes
propres coûts, avive. logistiques différentes en fonction des pro-
Des freins culturels liés à certaines duits qu’elle commercialise, de ses formats
pratiques des affaires en France (hyper et supermarchés, magasins dits « de
proximité ») et de leurs localisations (quar-
Outre les freins liés aux activités logistiques tiers, périphéries ou centres des villes ou pe-
(entreposage et transport), l’adoption de la tites agglomérations en campagne).
tique, Paris, 11ème édition, Groupe Liaisons Paché, G., (1995), Le poids du critère logis-
(1ère édition publiée en 2006). tique dans les procédures de sélection des
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Messeghem, K., (2003), Analyse stratégique
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des relations entre PME et grande distribu-
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tion, XIIème Conférence de l’Association In-
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tiques : une approche par la valeur ajoutée torat en Sciences de Gestion, École Natio-
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Roques, T., Michrafy, M., (2003), La presta-
Paché, G., (2006), Approche spatialisée des tion de service logistique en France en 2002 :
chaînes logistiques étendues-De quelle(s) perception des acteurs et évolution des pra-
proximité(s) parle-t-on ? Les Cahiers Scien- tiques, Logistique & Management, vol. 11
tifiques du Transport, n°49, pp. 9-28. n°2, pp. 7-26.
Hicham ABBAD est Maître de Conférences à l’Université de Nantes et chercheur au Laboratoire d’Economie et de Management de Nantes
Atlantique (LEMNA). Ses travaux de recherche portent sur les relations inter-entreprises plus particulièrement les relations industrie-com-
merce. Il s’intéresse dans ses recherches aux dimensions logistiques et marketing des échanges fournisseur-client au niveau national et
international.