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TAIICHI OHNO
EDITIONS MASSON 1978 - 1987 (extraits)
RATTRAPONS L’AMERIQUE
Je ne veux pas dire que toute imitation des pratiques américaines est à proscrire.
L'empire automobile américain nous a beaucoup appris. Il a engendré de merveilleuses
techniques de conduite de la production et des affaires industrielles, telles que le contrôle de la
qualité et le contrôle total de la qualité. [...]
Un jour j'entendis quelqu'un, qui revenait d'un voyage à l'étranger, dire qu'un Allemand
produisait trois fois plus qu'un Japonais et qu'un Américain produisait trois fois plus qu'un
Allemand. Il fallait donc neuf Japonais pour faire le travail d'un Américain. Je me rappelle encore
la surprise que me causèrent ces révélations.
[...] La leçon à tirer de toutes ces comparaisons n'était évidemment pas qu'un Américain
était huit, neuf ou dix fois plus laborieux, ou physiquement plus productif qu'un Japonais ; elle
était que ce dernier devait gaspiller beaucoup de son travail. En conséquence, si nous
parvenions à éliminer ces gaspillages, nous devrions pouvoir multiplier notre productivité par le
facteur voulu. C'est cette idée qui fut à l'origine du système actuel de production Toyota.
L'assemblage juste à temps d'une automobile signifie que chaque composant parvient à
la ligne d'assemblage au moment voulu, et seulement dans les quantités voulues. Si cela peut
se faire de proche en proche, à travers toute l'entreprise, celle-ci peut du même coup réaliser les
conditions du "stock-zéro".
Du point de vue de la conduite de la production, c'est là une situation idéale. Il faut voir,
cependant, qu'une automobile est faite de milliers de composants, dont la production met en jeu
un nombre considérable de processus industriels. A l'évidence, c'est une tâche extrêmement
difficile que de planifier tous ces processus de telle manière que les conditions du "juste à
temps" soient rigoureusement satisfaites pour chacun d'eux. Une prévision dépassée, une
erreur d'enregistrement, un défaut à réparer, un équipement défectueux, une variation dans le
taux de présence du personnel,... les problèmes sont innombrables. [...]
PENSER A L'ENVERS
Je ne cessais de me demander comment réaliser ce "juste à temps". Puisque la solution
classique se révélait inefficace, je finis par me dire qu'il fallait essayer la solution inverse. Dans
le premier cas, la production est poussée de l'amont vers l'aval. Il faut donc essayer plutôt de la
tirer de l'amont depuis l'aval. Conformément à l'idée du "juste à temps", chaque poste de travail
doit pouvoir prélever sur celui qui le précède dans le processus de production, les pièces dont il
a strictement besoin. Dès lors, pourquoi le poste de travail-amont ne se bornerait-il pas à
produire les pièces qui lui ont été prélevées ?
Pour rendre un tel système opératoire dans un processus de production comportant de
nombreux postes de travail en interaction, il suffirait de faire remonter de chaque poste de travail
sur le précédent, les informations sur le quoi-faire, et le combien-faire. Ces informations
pourraient être véhiculées par des kanbans, c'est-à-dire de simples fiches cartonnées.
Ce fut notre idée de départ. Nous l'expérimentâmes de différentes façons et, finalement,
nous nous arrêtâmes à la solution suivante : seule, la ligne d'assemblage finale ferait l'objet d'un
plan de production ; mais pour son approvisionnement et, de proche en proche, pour
l'approvisionnement de toutes les stations de production en amont de la ligne d'assemblage, le
principe général serait que "chaque station pourrait s'adresser à la précédente pour exiger
d'elle les pièces dont elle aurait besoin, dans les quantités et au moment strictement
nécessaires, la station précédente ne devant produire que les quantités qui lui auraient
été demandées, ou auraient été prélevées chez elle".
Quant à l'information relative aux pièces à prélever et (ou) à produire à chaque station,
elle serait véhiculée par des fiches kanban. La méthode kanban est le moyen grâce auquel le
système de production Toyota fonctionne sans à-coups.
FLUIDIFIER LA PRODUCTION
Il n'est jamais facile de rompre avec les habitudes. L'industrie n'échappe pas à cette
règle. Nous n'avons pu remettre en cause le vieux système selon lequel les tourneurs doivent
tourner, les soudeurs doivent souder, que parce que nous l'avons voulu. Le système de
production Toyota a son origine dans ma défiance à l'égard du système ancien.
[...]Dans l'atelier de l'usine de Kyoba, dont j'avais la charge, j'ai décidé de lancer
l'expérience consistant à regrouper des machines différentes au même endroit. Chaque
opérateur avait ainsi la charge de trois ou quatre machines accomplissant chacune des
opérations différentes de la gamme.
Le changement était radical et la résistance du terrain fut évidemment très forte, bien
qu'il n'y ait pas eu d'augmentation dans la quantité de travail à exécuter ni d'allongement des
horaires. C'est que les ouvriers de qualification supérieure avaient, à l'époque, un solide
tempérament de compagnon-artisan. Aussi résistèrent-ils avec force au changement.
Ils n'appréciaient pas la nouvelle implantation des machines ni, par conséquent, le fait de
passer du vieux système d'un homme-une machine, au nouveau système où un seul homme se
sert de plusieurs machines, regroupées dans la séquence du processus.
Une telle résistance était compréhensible. D'une part, je demandais à plusieurs ouvriers,
jusqu'alors très spécialisés, de devenir polyvalents. D'autre part, l'expérience avait mis en
lumière différents problèmes techniques. Il fallait, par exemple, doter les machines de dispositifs
d'arrêt automatique en fin d'usinage. Parfois les dispositifs de ce genre étaient si nombreux que
les opérateurs éprouvaient des difficultés considérables à maîtriser leur fonctionnement.
[...]
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GLOSSAIRE
Andon
L'andon est un des outils de la direction avec les yeux. C'est un tableau indicateur
lumineux qui est suspendu au-dessus de la ligne. Il fonctionne de la façon suivante : tant que les
choses sont normales, la lumière verte est allumée ; quand un opérateur a un réglage à faire sur
la ligne et demande de l'aide, la lumière orange est allumée ; s'il faut arrêter la ligne pour
résoudre un problème, la rouge est allumée. Les travailleurs sont encouragés à ne pas hésiter à
arrêter la ligne ; c'est le meilleur moyen de s'assurer que tout sera mis en oeuvre pour éliminer
promptement les anomalies.
Auto-activation (jidoka)
Chez Toyota, nous nous référons à "l'auto-activation" plutôt qu'à "l'automation". Nous
entendons par là qu'une machine doit être dotée d'intelligence, ce qui n'est pas le cas dans
l'automation. Le concept a été appliqué pour la première fois, sur une machine textile, par
M. Sakichi Toyota. La machine était équipée d'un dispositif qui la stoppait immédiatement si la
navette se brisait ou échappait de sa glissière. Par extension, nous disons d'une machine auto-
activée qu'elle est en mesure de juger ce qui est conforme ou non conforme à une norme. Chez
Toyota, le concept s'applique, non seulement aux machines, mais à la ligne tout entière. Si
quelque chose d'anormal se produit, les opérateurs sont invités à arrêter la ligne. Ainsi "l’auto-
activation" permet d'éviter la généralisation des défauts et les productions excédentaires. Elle
permet aussi de dénoncer toute anomalie se produisant sur les lignes de production.
Juste à temps
S'il est possible de se procurer les biens dont on a besoin au moment où l'on en a besoin
et dans les quantités désirées, cela signifie que tous les gaspillages et incohérences peuvent
être éliminés et que l'efficacité de la production peut être améliorée. La personne qui, la
première, eut cette idée fut M. Kiichiro Toyota, le fondateur de la Toyota Motor Company. L'idée
fut développée ensuite par ses successeurs pour être érigée en système cohérent de
production. Il convient de souligner qu'il ne s'agit pas de produire "à temps" mais "juste à
temps". Avec 1"'auto-activation", qui va faire l'objet du développement suivant, le juste à temps
constitue l'un des deux fondements du système de production Toyota.
Kanban
Le kanban est un moyen de produire "juste à temps", méthode que l'on peut considérer
comme un des deux fondements du système Toyota. Dans la plupart des cas, nous utilisons un
simple rectangle de papier que nous insérons dans une enveloppe transparente de vinyl. Les
informations qui y sont mentionnées se résument en deux formules : "Combien et quoi prélever"
ou bien "Comment faire quoi". Les kanbans du premier type contiennent des informations
permettant de prélever des pièces en amont et (ou) de transférer des pièces de l'amont vers
l'aval. Les kanbans du deuxième type indiquent les opérations à exécuter sur les pièces après
qu'elles ont été prélevées et transférées depuis l'amont. Il faut aussi mentionner le "kanban
signal", qui est utilisé dans la production d'emboutis, par exemple, où l'on est obligé d'anticiper
sur la réponse aux besoins en "juste à temps".
Quelles que soient les différentes formes qu'il revêt, le kanban s'assimile à un moyen
simple de communication, en temps utile, des besoins.