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Appel pour un Agenda National Congolais

Un passé qui ne passe pas

La politique en République Démocratique du Congo va de plus en plus mal. Autant redire


et proposer des solutions pour aller de l'avant. Mauvaise gouvernance oui, mais pas seulement.
Comment peut-on aller de l'avant, comme si de rien n'était, quand notre histoire est confisquée et
tronquée ? « Un peuple qui se laisse confisquer son histoire est un peuple sans avenir ».
Nos bourreaux ne doivent plus continuer à nous renvoyer les réminiscences de leur conscience
chargée au titre de notre propre histoire. Le devoir de mémoire s’impose plus que jamais à notre
génération. « L’histoire du Congo ne s'écrira ni à Bruxelles, ni à Paris, Londres ou New-York, mais
au Congo » disait Patrice Emery Lumumba.

Le 30 juin dernier, jour-souvenir de ce qui est convenu d'appeler « Accession de la République


Démocratique du Congo à l’indépendance », le roi des Belges, Philippe, a présenté ses plus profonds
regrets pour les blessures infligées lors de la période coloniale belge en République Démocratique
du Congo. Ceci est affligeant.

Dans son message à M. Félix Antoine Tshisekedi, Président de la République Démocratique du


Congo, le Roi Philippe parle de profonds regrets, de blessures du passé, de douleur et de
discriminations, sans plus. Des intentions pieuses diluées dans des généralités du type « … douleur
ravivée par les discriminations encore présentes dans nos sociétés ». Il faut donc comprendre que
l’esprit colonial belge, toujours vivace, n'est vraiment pas mort. L’esprit du colonisé est, lui, bien
mort au Congo, autant le dire clairement. L’époque des indigènes asservis et des évolués de pacotille
est bel et bien révolue, même si le roi semble l’ignorer. Le Congo est habité par des citoyens
congolais, hommes et femmes, dignes héritiers de l’adjudant Karamushi, de Kimbangu, Lumumba
et autres héros de la patrie. Les Congolais sont fiers de leur souveraineté et décidés à ne jamais trahir
la mère-patrie.

Que voulait alors obtenir le roi des Belges avec son message de demi-regrets dont la platitude
du ton, et la condescendance perfide qu'il distille, ne trompent personne ? Les ¾ de nos concitoyens
sont nés longtemps après 1960. Et avec le système d’enseignement en vigueur dans nos écoles, notre
peuple n'y a rien compris.

Voilà pourquoi pour moi, et pour tous les patriotes congolais, le devoir de mémoire est une nécessité
qui s'impose. Ce que le roi Philippe cache et qu’il ne veut pas avouer doit impérativement être dit et
mis à l'ordre du jour. Le roi a évoqué des actes de violence et de cruauté qui ont été commis, des
souffrances et des humiliations qui ont été causées. Pourquoi alors cette pudeur de langage et
pourquoi n'est-il pas allé plus loin ? Je voudrais personnellement souligner à l'intention du roi des
Belges que ce sont bien des crimes imprescriptibles qui ont été commis par les belges au Congo. C'est
un lourd passé pour vous et votre peuple, mais cela l'est davantage pour les victimes congolaises.

Difficile donc d'accepter que le roi veuille clore le sujet par une pirouette en concluant son message
par : « j’encourage la réflexion qui est entamée par notre parlement afin que notre mémoire soit
définitivement pacifiée ». En clair, les colons belges veulent continuer à écrire, mieux, réécrire,
l'histoire du Congo sans les Congolais, à leur rythme et selon leur propre agenda. En d'autres termes,
perpétuer la confiscation du destin du peuple congolais pour poursuivre l'œuvre civilisatrice de son
arrière-arrière … roi Léopold II, « le terrible ».
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Le roi exprime l’espoir que sa mémoire, donc celle des Belges, soit définitivement pacifiée à l'issue
de la réflexion du parlement belge. Que dire de la mémoire du peuple congolais ? Le roi n'en a cure.
On sait que le roi Philippe règne depuis 2013. Et si on lui doit cette toute première expression
publique de contrition, venant de Bruxelles, sur la sombre histoire belgo-congolaise, on peut avec
un minimum de bonne foi s’interroger si le roi a, en toute conscience et lucidité, passé vraiment sept
ans de son règne pour n'arriver qu'à ces faux regrets à minima. En France, sans doute plus lucides
que leurs voisins belges, les dirigeants ont déjà franchi la ligne hypocrite de demi-regrets, en
qualifiant notamment la colonisation de l'Algérie de « crime contre l’humanité » et en rendant à
l’Algérie les restes mortuaires des combattants tués au début de la colonisation française au 19e
siècle (tout un symbole). A ce que l’on sache, la France n’a jamais coupé les mains des Algériens, mis
au fer les colonisés, assassiné et dilué les restes dans les tonneaux d’acide ou encore fait main basse,
par un tour de magie, sur la totalité du portefeuille d'un autre pays. La Belgique coloniale a fait tout
cela, et même pire. Les demi-regrets du roi concernent-ils les atrocités liées aux mains coupées, à
l’assassinat de Lumumba et ses compagnons, au vol du portefeuille congolais, ou à la tragédie des
sécessions katangaise et kasaïenne ?

Que le roi Philippe continue ainsi de louvoyer encore sur l’histoire, 140 ans après que le destin du
Congo a eu le malheur de croiser l’ombre lugubre de son arrière-arrière-grand-père, Léopold II, en
dit tout sur la résilience de l'esprit colonial belge. Mais cela ne saurait plus prospérer longtemps. Le
roi devrait comprendre qu'il est plus que temps de crever l'abcès pour que tout le monde retrouve
la paix, comme il le souhaite. Et l’abcès s’appelle « DETTE COLONIALE » ; le fameux contentieux
belgo-congolais qui, de tout temps, donne des urticaires au roi et à ses sujets, et qui a coûté hélas ! la
vie à de nombreux dignes fils de notre pays. « La mémoire a pour objectif la fidélité, et l'histoire a pour
objectif la vérité », écrivait un sage. Le roi Philippe devrait donc se convaincre que seule la
concrétisation du paradigme mémoriel portant sur « Mémoire-Fidélité-Histoire-Vérité » peut
conduire à la paix des cœurs et des esprits.

Les grandes vérités de l'histoire qu’il faut connaître

La République Démocratique du Congo est, avec ses 2.345.000 km2 de superficie, le deuxième plus
vaste pays d'Afrique et le quatrième plus peuplé ; environ 100.000.000 d'habitants, selon les
dernières estimations. Situé au centre de l'Afrique, il s’étend sur un vaste territoire qui a,
historiquement, été habité depuis au moins 200.000 avant jésus christ. Des grands États centralisés y
étaient établis : les Kongo, Songye, Kuba, Lunda Garengaze, Luba, etc. En termes d'année, c'est en
1879 que les malheurs, de ce qui est aujourd'hui notre pays, ont débuté lorsque l’explorateur-
aventurier britannique H.M. Stanley est entré au service de Léopold II, roi des Belges.

Quelques années plus tard, la Conférence de Berlin (1884 -1885), foulant aux pieds les droits
souverains des peuples concernés, s’est donné mandat de « partager » l’Afrique entre les puissances
européennes. Félon et rusé, le roi Léopold II parviendra à faire reconnaître aux autres puissances
européennes sa possession du Congo ; puissances européennes alors uniquement préoccupées par
leur plan de zone internationale de libre-échange. Comble de cynisme, le territoire occupé, quatre
fois la France et quatre-vingt fois la Belgique, prend le nom « d’État indépendant du Congo », bien
qu'il soit en fait la propriété personnelle de Léopold II. Tyran sanguinaire et cupide, le monarque
belge laisse exploiter par la force, sans état d’âme et avec avidité, les populations autochtones par
ses hommes (Belges bien sûr, mais pas seulement ; on comptait à l'époque plus de dix nationalités
parmi les mercenaires au service de Léopold II). Au cours de la période léopoldienne, la population
eut à souffrir atrocement des travaux forcés.
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De très nombreuses exactions sont commises (meurtres, déportations, mutilations, tortures, atrocités
diverses…) et la population décrut considérablement. En fait, un premier génocide qui ne disait pas
son nom.

Après avoir remboursé les emprunts, le roi Léopold II fit fortune grâce aux ressources pillées, le sang
et la sueur des populations, et parvint à construire de nombreux et imposants bâtiments en Belgique,
symboliques à Bruxelles et Ostende.

Par la suite, sentant sa fin proche, mais surtout du fait des condamnations de crimes commis
(caoutchouc de sang, mains coupées, massacres, bastonnade travaux forcés …), le roi Léopold II fut
contraint de lâcher prise. Il rédigea son testament et fit don à la Belgique de l’État Indépendant du
Congo(EIC) (vraiment !). Celui-ci devint une colonie et rebaptisé Congo belge, comme voulu par les
nouveaux « propriétaires ». Cette annexion fut reconnue par les grandes puissances. Beaucoup ont
eu tort d'y voir la fin de la tyrannie léopoldienne, des mains coupées et autres atrocités innommables.
A l'évidence, il ne s'était agi que d'un changement de façade, l'esprit léopoldien étant par essence
l'esprit belge. Le Congo belge devint ainsi un immense domaine agricole : palmeraies, plantations
d’hévéa, café, coton, arachides …et, par-dessus tout, un gigantesque carré d’exploitation minière.
Les populations congolaises, elles, des véritables bêtes de somme.

Le nouveau système colonial belge, solide sur ses trois piliers que
furent l'administration coloniale, les missions religieuses et les grandes sociétés privées, en
lieu et place du système léopoldien, réputé sauvage et barbare, évolua vers plus
de professionnalisme.

Le chef de l'État, aux pouvoirs illimités, demeurant toujours les rois des Belges, en
personne. Ils entreprirent alors le tout pour le tout afin d'effacer l'image de Léopold
II, un roi coupeur des mains, prédateur cupide, massacreur et bourreau impitoyable des
autochtones congolais.

On a alors connu une ère que d'aucuns ont appelé « développement du Congo belge ». Une ère
marquée par l'augmentation quasi exponentielle des exportations, dite de pillage des produits
agricoles et culturels ; tandis que les exploitations, disons encore la razzia, de minerais tels que l'or,
le diamant, l'étain, le cuivre et, surtout l’uranium, allaient donner au Congo belge une certaine
viabilité économique.

Cette expansion économique allait en fait sauver la petite Belgique d’un effondrement certain
pendant les deux guerres mondiales. Mais tout cela à quel prix ! Au prix du pillage des ressources
et des souffrances sans nom, de la marée de sang de sueur des Congolais. On a eu à connaitre le
système odieux d’apartheid en Afrique du Sud, l'esclavagisme et ségrégation raciale en
Amérique, l’horrible système hitlérien, mais dans le fonds, le régime colonial belge n’avait rien à
leur envier en termes de déni de droits, de cruautés et atrocités infligées au Congo et son peuple. Les
colonisateurs ont par exemple eu recours au fichage ethnique et autres méthodes d’apartheid pur et
dur.
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Les grandes guerres et l'horizon 1960

Quand la guerre de 1914-1918 éclata, la Belgique fût presque entièrement et rapidement occupée.
Son gouvernement en fuite, ne pût alors sauvegarder la souveraineté de la Belgique, ainsi qu'un
semblant de légitimité politique qu'à l'ombre du Congo belge.

En effet, le vaillant peuple congolais entra rapidement en guerre, en appui des troupes françaises en
difficultés au Cameroun, et en Afrique orientale allemande ; pour l'essentiel en application d'un plan
anglo-belge. L'histoire a retenu que ces campagnes furent toutes couronnées de succès : victoire à
Tabora et à Mahenge, à Kigali, Kitega et Usumbura (actuel Bujumbura). Plus loin au Tanganyika
(actuelle Tanzanie), les forces belgo-congolaises marchèrent victorieusement sur Biharamulo,
Mwanza, Kigoma, Ujiji, Mahenge et, ensuite, en coalition avec les forces britanniques, elles
occupèrent tout le Tanganyika. L'effort de guerre congolais, au plan humain et logistique, fut
colossal et décisif. Il est d’ailleurs rapporté que le Congo belge mobilisa à l'époque près de 260 000
hommes, fantassins, artilleurs et logisticiens pendant ces campagnes.

Un prêtre catholique belge, mêlant poésie et cynisme perfide, c’est en tout cas le moins qu'on puisse
en dire, avait d’ailleurs décrit la société congolaise de l’époque, comme une société dans laquelle «
le père est allé au front, la mère a moulu le grain pour les soldats et les enfants ont apporté la nourriture au
front ». Autant dire que c'était une guerre totale et populaire. Le prix payé par le Congo fut
malheureusement incalculable tant en hommes qu'en matériel. Mais au bout du compte, c'est la
Belgique qui reçut dividendes et honneurs, avec en prime en butin de guerre, un protectorat sur le
Ruanda-Urundi, pourtant conquis par les forces congolaises sur l’Allemagne.

L'histoire se répètera encore pendant la seconde guerre mondiale en 1940. Comme pour la première,
la Belgique subit une défaite rapide et cuisante. L'armée belge fut défaite en moins de trois semaines
de combats et le roi Léopold III capturé, signa la reddition de son armée. De la Belgique libre et
officielle, il n'en resta que deux ministres en fuite en France. Le salut, une fois encore, dû venir du
Congo belge.

Les troupes de la Force Publique congolaise entrèrent en guerre contre l’Italie fasciste en Abyssinie
(Ethiopie), et y remportent plusieurs victoires décisives : Saïo, Asosa, Bortaï … et plus loin en Égypte
et ailleurs. Grâce au Congo, la Belgique occupée pu financer son action combattante et ainsi
crédibiliser son apport aux côtés de ses alliés.

Le Congo assura donc la survie de la Belgique en mettant à la disposition des alliés ses forces
militaires aguerris ainsi que les ressources agricoles et minières, en particulier l’uranium extrait de
la mine de Shinkolobwe, au Katanga, qui permis la fabrication de la bombe atomique par les USA,
et donc rendu possible la fin de la guerre. Les États-Unis vont, dans la foulée, négocier (avec la
Belgique, pas le Congo !) et obtenir un droit de préemption sur l'uranium du Katanga. C'est cet
apport massif et décisif du Congo dans le camp allié qui permit à la Belgique, bien qu’occupée et
anéantie par les Nazis, d’être créditrice vis-à-vis des Anglais et des Américains. Ceci favorisa
considérablement son redressement après la guerre.

Les expériences de deux guerres ont en revanche d'un autre côté, sonné le glas de l'édifice colonial
belge au Congo. Vaillants au combat et victorieux sur presque tous les fronts de guerre, les éléments
de la Force publique congolaise ont pu prendre la mesure de la vacuité du mythe de "mbula matari
» (l’État colonial). La Belgique, vaincue, écrasée et occupée par les Allemands avait perdu beaucoup
de son prestige aux yeux des Congolais. Le brave adjudant Karamushi avait même déjà en 1944
proclamé la fin du mbula matari, en fait une sorte de déclaration d'indépendance.
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Rien de concret alors, mais cela sonnait comme un coup de semonce annonçant la fin de la
domination absolue du "mundele ndombe" au Congo. Des révoltes à Masisi, des grèves et émeutes
à Matadi, au Katanga, bref, l'édifice du colonialisme belge au Congo commença à se fissurer de
partout. Une conscience diffuse de liberté et des velléités d'émancipation étaient dans l'air du temps
et avait gagné tous les milieux de la population : ouvriers, paysans, soldats et intellectuels (évolués
de l'époque), et même le clergé pourtant pilier du système. Paniqués à l'idée de perdre le Congo, le
pouvoir colonial belge perdit de son superbe et se durcit. Déjà vers 1920, lorsque Simon Kimbangu
surgit avec une forme originale de christianisme, le pouvoir colonial jugeant son enseignement
subversif et le condamna à mort. Mais rien ne pouvait plus changer le cours de l'histoire.
L'annulation d'un meeting de l'ABAKO provoque le 4 janvier 1959 des émeutes à Kinshasa ; émeutes
noyées dans le sang (quelques centaines de morts, tous Congolais).

Quelques mois après, lors d'une manifestation du MNC, la police militaire, commandée par un haut
gradé belge, tire dans le tas. Bilan : 30 morts et des centaines de blessés. Rien n'y fit, l'ouragan de
l'histoire était si impétueux que le casque colonial tomba à terre.

Le 30 juin 1960, après des péripéties aussi saugrenues les unes que les autres, le Congo arracha son
indépendance à la Belgique. Ce qu'a dit Baudouin, le roi des Belges, dans son discours de
circonstance est plutôt bouleversant ; Il invite à fêter la colonisation plus que l'indépendance. Pour
lui, l'indépendance du Congo constitue l'aboutissement de l'œuvre conçue par le génie du roi
Léopold II. Il dit avoir sa pensée tournée vers les pionniers, "ceux qui ont fait du Congo ce qu'il est
aujourd'hui".

Il affirme que ces pionniers (les colons bien sûr), méritent l'admiration de la Belgique et la
reconnaissance des Congolais, car ce sont eux qui ont apporté la paix et ont enrichi leur patrimoine
moral et matériel. Il présente son grand-oncle, Léopold II, le sanguinaire, tortionnaire et pilleur,
comme le génial bâtisseur et civilisateur.

Paternaliste et condescendant, le jeune roi y va de ses remarques sur le manque d'expérience


politique des Congolais, les dangers des conflits tribaux et « l’attraction que peuvent exercer sur
certaines régions des puissances étrangères ». Dans les circonstances d’alors, on a vite compris que
le roi y est allé à fond dans le registre de provocation et d'offense au peuple congolais, victime de la
barbarie léopoldienne et de l'oppression coloniale 80 ans durant. Les élites colonialistes belges
entendaient continuer de piller les ressources du Congo, tout en feignant d’approuver une
indépendance qu'elles prétendaient officiellement avoir octroyée, tandis qu'elles insinuaient
officieusement que les Congolais n’y étaient pas encore préparés. Le plan des Belges était d'installer
au Congo un régime néocolonial garantissant les intérêts de Bruxelles, avec des dignitaires locaux
en sous-traitants. Le roi avait d'ailleurs prévenu : "les droits imprescriptibles de la Belgique au
Congo devraient être préservés". Heureusement que Lumumba, incarnation de la conscience
nationaliste congolaise a pu parler et s'adresser â son peuple, et bien sûr au-delà, aux Belges et aux
autres. Dans son discours, pas vraiment prévu ou attendu, le Premier ministre congolais ne
s'adressait pas vraiment aux anciens "maîtres". Sa voix est allée vers les "Congolaises et Congolais,
combattants de l'indépendance aujourd'hui victorieux". Il prit donc le contre-pieds de l'idéalisme
colonialiste chantonné par le roi Baudouin et de l'académisme plat du Président Kasavubu, en
célébrant le mouvement nationaliste et ses premières victoires. Lumumba dit clairement sa volonté
d'exercer toute la souveraineté politique que supposait les principes de l'indépendance conquise de
haute lutte face aux colons. A la falsification selon laquelle "La colonie est un chef-d’œuvre de
Léopold II", Lumumba donna la parole à l'histoire vraie. Le colonialisme était " l'humiliant esclavage
qui nous était imposé par la force ».
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Nos blessures sont trop fraîches et trop douloureuses encore pour que nous puissions les chasser de notre
mémoire. Nous avons connu le travail harassant, exigé en échange de salaires qui ne nous permettaient ni de
manger, ni de nous vêtir ou de nous loger décemment, ni d'élever nos enfants comme des êtres
chers ». Cinglant, il rappela que « Nous avons connu les ironies, les insultes, les coups que nous devions
subir matin, midi et soir, parce que nous étions nègres ». Qui oubliera qu'à un noir on disait « tu », non
certes comme à un ami, mais parce que le « vous » honorable était réservé aux seuls Blancs ? « Nous
avons connu que nos terres furent spoliées au nom de textes prétendument légaux qui ne faisaient que
reconnaître le droit du plus fort. Nous avons connu que la loi n'était jamais la même selon qu’il s’agissait d’un
Blanc ou d'un Noir : accommodante pour les uns, cruelle et inhumaine pour les autres. Nous avons connu les
souffrances atroces des relégués pour opinions politiques ou croyances religieuses ; exilés dans leur propre
patrie, leur sort était vraiment pire que la mort elle-même. Nous avons connu qu'il y avait dans les villes des
maisons magnifiques pour les blancs et des paillottes croulantes pour les Noirs ; qu'un Noir n'était admis ni
dans les cinémas, ni dans les restaurants, ni dans les magasins dits européens ; qu'un Noir voyageait à même
la coque des péniches, aux pieds du blanc dans sa cabine de luxe ».

Qui oubliera enfin les fusillades où périrent tant de nos frères, les cachots où furent brutalement jetés
ceux qui ne voulaient plus se soumettre au régime d'une justice d'oppression et d’exploitation ? Nul
Congolais digne de ce nom ne pourra jamais oublier cependant que c’est par la lutte qu'elle a été
conquise, une lutte de tous les jours, une lutte ardente et idéaliste, une lutte dans laquelle nous
n’avons ménagé ni nos forces, ni nos privations, ni nos souffrances, ni notre sang. (...) Cette lutte,
qui fut de larmes, de feu et de sang, nous en sommes fiers jusqu'au plus profond de nous-mêmes,
car ce fut une lutte noble et juste, une lutte indispensable pour mettre fin à l'humiliant esclavage. Et
à la fin, Le Premier ministre Lumumba réserva un message à l’Afrique : " Le Congo doit devenir un
tremplin pour la libération de tout le continent africain." Un avertissement à l'adresse d'autres puissances
coloniales et du régime d'apartheid sud-africain. Au grand dam des colons belges, avec leur le roi
Baudouin, le discours de Lumumba (important de le noter), fut interrompu huit fois par des
applaudissement nourris des Congolais, et se termina sous une ovation assourdissante.

Mais hélas ! Chargée d'espoirs, l'indépendance va basculer le pays dans le chaos. Faute à la Belgique
qui a en fait refusé d'abandonner le Congo, source de sa richesse et de sa prospérité. Le général belge
Emile Janssens, alors chef de l'armée congolaise, traduisit clairement cette volonté de la Belgique
colonialiste par sa formule lapidaire mais combien explicite : "Avant indépendance = Après
indépendance". La Belgique voyant sa proie lui échapper, ne recula devant aucun crime et s’y jeta à
corps perdu pour faire voler en éclats la jeune république : sécession, conflits politiques et
diplomatiques, assassinats, mutineries, pillages … le tout culminant avec l’odieux assassinat,
toujours non éclairci à ce jour, du Premier ministre Lumumba et d'un groupe de ses compagnons.

Contentieux belgo-congolais : 200 000 milliards dollars US, le plus gros hold-up de l’histoire

Avec l’assassinat de Lumumba, la liquidation des ténors nationalistes, les sécessions du Katanga et
du Kasaï, le contentieux belgo-congolais, dans son volet comptable et financier, traduit au mieux la
nature criminelle des desseins du colonialisme belge au Congo. La Belgique n’était venue au Congo,
depuis l’époque du sinistre Léopold II, que pour piller ses ressources et soumettre ses populations
à l’esclave. Le terme contentieux est abusif et ne sert qu'à édulcorer une réalité plus sordide et
scabreuse, j’ose croire. Selon certains historiens, l'expression contentieux belgo-congolais fut utilisée
pour la première fois en août 1961 par M. Adoula au sortir du « conclave de Lovanium ». Le premier
ministre Adoula entendait, par cette expression, désigner l'ensemble des litiges d’ordre financier
restés pendant entre le Congo et la Belgique à la suite de la crise multiforme provoquée, de mauvaise
foi par la Belgique, et qui a conduit à la rupture des relations diplomatiques entre les deux pays au
lendemain de l'indépendance.
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Mais au plan historique, il est clair que le contentieux entre la Belgique et le Congo va bien au-delà
des aspects comptables et financiers. Même si ses aspects sont emblématiques, les comptes à
demander à la Belgique vont bien au-delà.

L'histoire vraie renseigne, en effet, que les colonialistes belges ne se sont résignés à l'indépendance
du Congo que contraints et forcés. Après les événements de 1959, ils ont paniqué et ont commencé
à craindre une rébellion (Les Algériens se battant alors pour leur indépendance) et un isolement
international dans un contexte où Anglais et Français se séparaient déjà de leurs colonies. La petite
Belgique, connaissant la bravoure et la vaillance des combattants congolais, ne se voyait donc pas
de taille à affronter une situation explosive généralisée. En comptant sur la doctrine du goulot
d'étranglement et de peaux des bananes, Ils ont donc précipité l’événement du 30 juin 1960 non sans
avoir creusé des sillons et semé des embûches.

Dans la fourberie la plus totale, sans scrupules ni vergogne, le pouvoir colonial belge procéda
notamment unilatéralement à la dissolution des sociétés à chartes (entendez, Holdings et
Consortiums). En effet, quelques jours seulement avant la date fatidique du 30 juin 1960, les colons
belges changèrent frauduleusement et illégalement le régime juridique de toutes les compagnies
coloniales, opérant ainsi le plus téméraire, le plus audacieux, mais aussi le plus lucratif hold-up
d’État de l’histoire de l'humanité. A cette époque déjà, la dévolution du portefeuille du Congo, que
les belges venaient ainsi de détourner au préjudice des Congolais, était estimé au bas mot à 200 000
milliards de dollars US. Oui, et il ne s’agit là que d'une estimation minimaliste. Cet argent était le
fruit du sol et du sous-sol congolais, le produit de tant de sueur, le salaire de tant labeur, le prix du
sang versé et de la souffrance vécue par des hommes et des femmes, jeunes et vieux du milieu du
peuple. Ce ne sont pas des crédits de la coopération belge, ou des capitaux consentis par la Banque
mondiale, le FMI ou encore les banques commerciales. Le roi peut-il jeter un coup d'œil sur le
rapport de la B.I.R.D. remis au gouvernement belge en 1962-sur le volet « situation comptable et
financière de vingt-et-un (21) parastataux dont les sièges de direction se trouvait à Bruxelles » au 30
juin 1960 ? Le roi pourrait-il expliquer pourquoi le prétendu transfert de souveraineté opéré, on le
sait, à dessein par la Belgique dans la précipitation en 1960, n’avait-il pas été couplé au transfert
géographique de l'appareil administratif ? Ou encore dira-t-il pourquoi la déclaration officielle de la
Belgique reconnaissant que le Congo était bien le propriétaire du portefeuille est-elle toujours resté
lettre morte ? Et pas des moindres, pourquoi avoir opéré la dissolution unilatérale et illégale des
sociétés à charte ? Et voilà que tout ce que le roi des Belges a trouvé à dire au peuple congolais, 60
ans après le fameux juin 1960, ce sont ces demi-regrets !

Le roi devrait plutôt savoir que pour les peuple congolais, victime du système colonialiste et
esclavagiste belge, qu'il continue d'ailleurs à vivre comme une damnation, ses regrets ont, pour
reprendre un dicton, «la beauté des fleurs sur la tombe ».

Mobutu – L.D. Kabila : une occasion ratée

La date du 30 juin 1960 devait être un jour de fête. Mais à l'évidence, les colons belges, eux, en avaient
décidé autrement ; partir sans vraiment partir. Ils ont d’abord confisqué tout l'argent et miné
l’ensemble des structures économico-financières. Ils ont ensuite sapé la vie politique et la sécurité
publique en installant le chienlit partout. Nul n’ignore les déboires de ce qu'on a appelé la première
République.

C’est toujours dans ce contexte, à l’instigation de la Belgique et ses alliés occidentaux, que va
intervenir le coup d'État de Mobutu de 1965.
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Mobutu l'homme des Occidentaux dans le sillage de la guerre froide. On connaît la suite. Mais
l’épisode qui intéresse notre vision nationaliste aujourd’hui, c’est la rencontre Mobutu - LD Kabila
en 1997.

Dans les années 90, Mobutu, l'homme des Américains contre M. Kadhafi au Tchad et tête de pont
contre le marxisme en Angola, avait déjà perdu la cote auprès de ses sponsors. La fin des blocs
idéologiques en 1989 a vraiment sonné le glas d'un régime dont la survie était uniquement fondée
sur la caution des parrains occidentaux. Essoufflé par l'usure du pouvoir, la maladie, la corruption
et l'incurie, et privé de l'appui de ses alliés traditionnels, disons de ses mentors, Mobutu et son
régime étaient donc condamnés. A-t-il vu venir ce tournant ? Pas si sûr. Pourtant, les mêmes qui
l’avaient placé et maintenu au pouvoir, étaient déjà à la manœuvre pour pousser des nouveaux
pions. Alors, dans le sillage des changements au plan international, les puissants de ce monde, les
mêmes qui étaient à Berlin en 1884-1885, sont revenus à la charge. Mettant à profit les événements
du Rwanda de 1994 et la convoitise des État voisins sur notre pays, ils ont monté un mouvement
hétéroclite armé, appelé AFDL, pour renverser le régime de Mobutu. Ils vont ainsi recruter des
parrains régionaux Museveni de l’Ouganda et Kagame du Rwanda. Laurent-Désiré Kabila,
lumumbiste depuis toujours, en devient, on ne sait trop comment, le porte-parole. Voilà qui me fait
dire que cette guerre de l'AFDL, de libération ou d’agression, selon les protagonistes, aurait connu
une autre issue et notre pays un autre destin si Mobutu et Kabila, tous deux historiquement
imprégnés du nationalisme authentique de Lumumba, avaient eu la lucidité nécessaire pour
appréhender ce qui était en jeu pour le Congo. Si les deux dirigeants s’étaient engagés, avec maturité
et sens de l’histoire, dans les négociations organisées sur le bateau sud-africain Utenika, à l’initiative
et sous les auspices du sage Président Nelson Mandela en 1997, notre pays aurait pris un autre virage
et nous n’en serions pas là aujourd’hui, c’est mon opinion.

L’ancien Président sud-africain Nelson Mandela (un grand sage africain), avait en effet compris le
piège infernal dans lequel Laurent Désiré Kabila, un peu par angélisme idéologique, plongeait
presque tête baissée. Il voulut amener les deux, deux nationalistes africanistes de cœur, de se donner
la main, en tant que Congolais, pour changer le cours de l'histoire par l’élaboration d’un Agenda
National Congolais, par les Congolais et pour les Congolais. Mandela était bien lucide, il voulait
aider ses frères pour court-circuiter la conspiration impérialiste, couper ainsi l'herbe sous les pieds
de ceux qui, sous le couvert trompeur de démocratie et droits de l'homme, ne lorgnaient que sur les
ressources du Congo.

La sagesse de Madiba a manqué aux deux dirigeants, surtout à M’ze, obnubilé par la perspective
d’un triomphe militaire, mais aussi pris en tenaille, malgré lui, au sein de l'AFDL, une alliance
hétéroclite aux desseins diaboliques. L'histoire du fameux contrat à 1 milliards de dollars US signé
entre AFDL, encore dans le maquis, et AMFI (American Minerals Fields), une compagnie américaine
créée à la va vite pour le besoin de la cause afin du contrôle des minerais congolais, est tout un
symbole. L’Ougandais Museveni, avec son franc parler habituel, n'hésitera d'ailleurs pas de clamer
haut et fort lors d'une interview télévisée : "We were stakeholders in Congo with Kabila."

Nous relevons pour l'histoire la mise en garde de Maréchal Mobutu à Laurent Désiré Kabila : "Les
mêmes personnes qui vont vous installer aujourd'hui au pouvoir seront les mêmes qui vous enlèveront du
pouvoir ". La suite est connue. Nul doute que le Congo aurait eu un destin plus enviable si le plan du
Président Mandela avait abouti. Une occasion ratée et une opportunité manquée qui aurait permis
de mettre en échec les croisades des pilleurs de nos ressources et massacreurs des populations
congolaises, par surcroit, auteurs intellectuels et qui ne cesseront jamais tant que les Congolais
n’auront pas pris leur destin en main. C’est le but de cette esquisse mémorielle sur l'histoire vraie
de notre pays.
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Le 30 juin 1960, le Premier ministre Lumumba, qui croyait alors à la souveraineté retrouvée, avait
déclaré : " Nous allons commencer une nouvelle lutte, une lutte sublime qui va mener notre pays à la paix, à
la prospérité et à la grandeur. (...) Nous allons montrer au monde ce que peut faire l'homme noir quand il
travaille dans la liberté, et nous allons faire du Congo le centre de rayonnement de l'Afrique toute
entière". C’est le rêve de Lumumba et celui de tous les nationalistes congolais. Qui aurait cru que 60
ans après, ceci resterait toujours le rêve qu'il était ? Les Congolais n'ont jamais goûté à la paix, obtenu
la prospérité et moins encore atteint la grandeur et la dignité d'un peuple souverain. Aujourd'hui
encore, six décennies après "l'accession du pays à l'indépendance", nous en sommes encore à parler
"d'occupation et de balkanisation". A qui la faute ? Ne faisons pas fausse route, et malheureusement
nous l'avons si souvent fait. Beaucoup des Congolais ont la mémoire courte, et ils perdent aisément
le sens de l'histoire.

C'est l'histoire qui a engendré le présent, et donc qui engendrera aussi le futur. Et depuis 1880, année
où Léopold II s'est accaparé de la souveraineté des peuples du Congo, puis l'a confisquée, l'histoire
de notre pays a toujours été modelée et orientée selon des agendas étrangers. Cela doit vraiment
changer si nous voulons réaliser ce rêve, oh ! combien noble et légitime de Lumumba, qui est fait
celui de tout notre peuple : paix, prospérité en grandeur. Voilà pourquoi je m’engage à proposer une
démarche mémorielle simple consistant à clarifier, du point de vue historique, en quoi consiste le
fameux "Contentieux Belgo-Congolais" et travailler pour le liquider.

Nous n'arriverons nulle part sans parvenir d'abord à nous réapproprier l'histoire de notre pays
depuis 1880, début de son occupation par les Belges. J'ai moi-même été candidat aux élections
présidentielles de 2018, répondant à l'appel de la patrie, appel vivace depuis mon jeune âge. Mon
cursus universitaire et parcourt militant attestent mieux. J'ai donc pu voir de près les réalités d'une
souveraineté confisquée et le désastre d'une histoire confisquée.

En 1960, à l'accession du Congo à l'indépendance, le roi Baudouin avait été clair : "Les droits
imprescriptibles " de la Belgique au Congo devront être préservés. Quels sont ces droits
imprescriptibles que la Belgique détient au Congo, et comment devront-ils être préservés ? Les
Belges les savent, les Congolais non. Cela doit changer.

Entre 1960 et 1960, le Congo avait connu la perte de tout son portefeuille, détourné par la Belgique,
le pillage accéléré des ressources, les rivalités ethniques et politiciennes, la liquidation ciblée des
nationalistes congolais, les sécessions, agressions armées, la prévisualisation tribale pour mieux
diviser, etc.

Les ennemis du Congo ont toujours usé de violence, d'assassinat, de corruption, le tout sur fonds du
principe propre à tous les oppresseurs : « diviser pour régner ».

La conjoncture politique et sécuritaire actuelle au Congo semble planter un décor identique à celui
de juin 1960. Les acteurs locaux ont changé, mais les instigateurs et les causes sont les mêmes. Les
esclavagistes d'hier sont à la manœuvre pour la préservation de leurs "intérêts imprescriptibles",
mais pas ceux des Congolais. Ne nous trompons donc pas d’ennemis ; disons NON, et NON tous
ensemble. Sinon l'histoire, qui malheureusement nous est toujours confisquée, va se répéter. C'est le
grand défi, difficile j'en conviens, que je lance à tous les nationalistes congolais. Et le temps nous est
compté.

Alain Daniel Shekomba

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