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« Chercher ce qui est vrai n'est pas chercher ce qui est souhaitable. »
Le mythe de Sisyphe, Albert Camus (1942)
Je tiens à remercier vivement les amis et proches qui ont relu mon
mémoire. À chaque fois, leurs commentaires étaient judicieux. Ils me
permettaient de développer davantage mes idées et d’en susciter de
nouvelles.
INTRODUCTION .............................................................................................................................. 1
MÉTHODOLOGIE ..........................................................................................................................31
A. HYPOTHÈSES .......................................................................................................................31
B. PROCÉDURE .........................................................................................................................32
C. MESURES .............................................................................................................................33
S-DS, Self-discrepancies Scale ............................................................................................................33
CES-D, Center for Epidemiologic Studies – Depression scale............................................................. 35
GAD-7, Generalized Anxiety Disorder-7 ............................................................................................. 36
AAQ-II, Acceptance and Action Questionnaire-II ...............................................................................36
DISCUSSION ....................................................................................................................................57
BIBLIOGRAPHIE............................................................................................................................75
ANNEXES .........................................................................................................................................99
PREFACE
Deuxièmement, à force de séparer le réel en entités plus petites, nous risquons d’avoir
des difficultés à percevoir de manière globale l'interaction de ces entités qui viennent à
former le tout. Or, l'expérience humaine est une chose qu'on vit, et on peut dire que c'est
en quelque sorte la résultante d'interactions de milliers de petits systèmes, entités et
organismes. Autrement dit, l'expérience humaine n'est pas toutes ces petites entités prises
à part mais bien le tout qu'elles forment. "Le tout est plus que la somme des parties", telle
est la maxime attribuée à Aristote. Bien sûr, il serait impossible d'expliquer et
d’appréhender un tout tel que l'esprit humain sans le diviser en entités plus petites.
Seulement, bien que nous séparons le tout en petites entités – qui plus est, des entités
artificiellement établies –, il ne faut pas perdre de vue qu'à l'origine ces entités forment
un tout. Il faut donc garder une distance prudente par rapport aux classifications et
"labels" que nous faisons. La réalité n'est pas faite de labels ou d'entités séparées, c'est
l'homme qui, pour faire sens de cette réalité, a besoin d'y trouver de l'ordre, ou même
plutôt, d'y mettre de l’ordre. Les entités/labels que nous imposons sur la réalité ne sont
que des séparations fictives sur lesquels nous nous mettons plus ou moins d'accord. Perdre
cette vision globale, cette vue du "tout", nous amènerait à une perte de temps incroyable
à chercher comment les entités que nous avons définies interagissent entre elles.
Les deux arguments précédents permettent donc d'attirer l'attention sur le constat que
d'une part, nous sommes limités par le langage (dans notre capacité à nommer les entités).
D’autre part, nous sommes également limités par notre capacité à déceler des entités, à
faire sens des relations entre ces entités, et enfin, à comment ces entités et leurs relations
expliquent le tout. De ces limites découlent plusieurs « dangers » :
1) Le langage est en constante évolution : de nouveaux mots sont créés au fil des
années ou la signification de certains mots change. Ainsi, il se peut très bien que deux
personnes, chacune de leur côté voulant décrire une même entité, la nomment
différemment. Lorsqu'ils en parleront, alors même qu'in fine, ils parlent de la même chose,
ces deux personnes ne se comprendront pas immédiatement. Elles perdront peut-être du
temps à comprendre qu'elles parlent de la même chose et ce uniquement parce qu'au
départ le "label" qu'elles avaient choisi était différent. A l'opposé, deux personnes
pourraient décrire deux entités différentes en utilisant le même "label" et ainsi générer la
même incompréhension lorsqu'elles se rendront compte qu’ils n'attribuent pas la même
signification au même label.
IX
C'est ici que pour moi il est nécessaire de rappeler le principe du rasoir d'Occam qui
peut se formuler comme suit « Les multiples ne doivent pas être utilisés sans nécessité »2.
En effet, il ne sert à rien de séparer à outrance la réalité si elle ne nous permet pas de
mieux faire sens de celle-ci et complexifie la compréhension de celle-ci. Et a contrario, il
ne faut pas porter ce principe à l'extrême. Karl Menger, par exemple, formule en réaction
au « Rasoir d’Occam », sa « loi contre l’avarice » : qu'il est vain d'essayer de faire moins
avec ce qui requiert plus (cité par Aerts, D’Hooghe, & Note, 2005). De ces deux points
de vue, outre éviter la complexité exagérée ou la sursimplicité, je retiens surtout l'idée
que des concepts doivent être utiles et servir à mieux comprendre plutôt qu'à jeter
davantage le doute et l'incompréhension.
1
Ceci est une position philosophique personnelle inspirée de celle d’Alan Watts (e. g., Watts, 1966). Je ne
prends donc pas pour acquis que vous partagiez le même avis que moi.
2
La citation originale est en latin : « Pluralitas non est ponenda sine necessitate ». (Occamus, 1319, cité
par l’article Le Bars, 2016)
X
En conclusion, cette préface, même si vous, cher lecteur, ne serez peut-être pas
d'accord avec son contenu, a été écrite dans le but que vous compreniez mieux mon cadre
de pensée qui sous-tend ce mémoire. Elle permet également de vous exposer l'impression
que j'ai qu'en psychologie, nous multiplions parfois les concepts à tort et à travers. Et que
cette multiplication de concepts ne fait que disperser les efforts pour faire avancer la
science.3 De plus, je pense que cette réflexion philosophique en amont de mon travail
permet d'aborder une posture critique autant envers la littérature scientifique qu'envers
les outils qui servent à alimenter cette littérature, à savoir, le langage et notre cerveau
humain, et donc garder à l'esprit les limites de ces outils.
3
Il y a une tendance à redécouvrir les choses en psychologie et à en parler différemment : « Psychology
sometimes returns to old ideas in new forms. » (Carver, 2006, p. 105)
1
INTRODUCTION
Sometimes people let the same problem make them miserable for
years when they could just say, So what. "My mother didn't love me."
So what. "My husband won't ball me." So what. "I'm a success but I'm
still alone." So what. I don't know how I made it through all the years
before I learned how to do that trick. It took a long time for me to
learn it, but once you do, you never forget. So what. That's one of my
favorite things to say. So what.
Andy Warhol (2014, p. 112)
Face aux aléas de la vie, tantôt positifs, tantôt négatifs, nous avons généralement la
possibilité d’agir et de réagir de plusieurs façons. Parfois cependant, nous n’avons aucune
prise sur la situation et cela peut s’avérer difficile à admettre. Pour faire face à ce genre
de situations inchangeables, une seule solution semble être efficace : cultiver le
détachement.
Andy Warhol l’avait bien compris. Les stoïciens, tels que Marc Aurèle4, également.
Changer son attitude par rapport au monde extérieur, changer la gravité accordée aux
événements… C’est changer la manière dont ces événements nous affectent. Et de la
même manière que nous pouvons choisir de changer notre attitude par rapport à des
événements extérieurs, il en va de même pour les événements « intérieurs », à savoir : nos
sensations, nos pensées, nos émotions.
Ces dernières années, plusieurs thérapies incarnant cette idée ont pris de l’ampleur :
les thérapies dites « métacognitives » ou de « troisième vague » (Dimidjian et al., 2016).
Parmi celles-ci se retrouvent notamment les thérapies basées sur la pleine conscience et
la Thérapie d’Acceptation et d’Engagement (ACT) (S. C. Hayes, Strosahl, & Wilson,
1999). Le modèle central de l’ACT est le modèle de la flexibilité psychologique. Ce
concept sera défini en détail dans la partie théorique de ce mémoire. Elle correspond à la
capacité de gérer habilement nos ressources cognitives et physiques, de sorte à ne pas se
laisser happer par les tracas quotidiens, et ce afin de nous permettre de vivre une vie pleine
4
Son ouvrage référence est son livre « Pensées pour moi-même » (en français, e. g., Aurèle, 1999) ou
« Meditations » (en anglais).
2
de sens, en accord avec nos valeurs (S. C. Hayes, Luoma, Bond, Masuda, & Lillis, 2006).
L’ACT vise donc à aider l’individu à changer son attitude par rapport aux événements
extérieurs et par rapport à ses pensées, émotions et sensations (et non changer le contenu
ou la nature de ses pensées et émotions), afin qu’il ne se sente pas sous le joug de celles-
ci et puisse se concentrer sur les choses qui lui tiennent à cœur. Dans le cadre de ce
mémoire, nous nous intéresserons aux relations entre la flexibilité psychologique et les
écarts entre les sois.
Nous devons la théorie des écarts entre les sois à Higgins (1987). Cette théorie postule
que nous avons différentes représentations de soi (que nous appellerons des « self-
guides » dans la suite du mémoire) qui vont avoir des impacts émotionnels différents. Ces
impacts vont dépendre de l’écart entre ces self-guides et le soi actuel de la personne.
Seulement, comme nous aurons l’occasion de le voir dans la partie théorique, les postulats
initiaux de la théorie n’ont pas été répliqués de manière systématique. D’ailleurs, certains
auteurs comme Ogilvie (1987) et Carver, Lawrence et Scheier (1999), ont proposé de
considérer d’autres self-guides que ceux d’Higgins.
PARTIE THÉORIQUE
Avant de commencer à parler de la littérature sur les écarts entre les sois, il convient
d'aborder une notion primordiale en premier lieu : le soi.
A. Définir « le soi »
Au cours de leur existence, les humains viennent à se poser des questions à propos
d’eux-mêmes. Ces questionnements se rapprochent de près ou de loin à une ultime
question : « Qui suis-je ? » Les réponses apportées à cette question constitueraient une
description de qui nous sommes. Cependant, il serait réducteur de réduire la notion de
« soi » uniquement à la description qu’on en ferait.
En effet, divers thèmes en lien avec le soi émergent dans littérature – l’estime de soi,
la conscience de soi, l’identité, l’affirmation de soi, la régulation du soi, les écarts entre
les sois… – au point que Baumeister (1998, p. 681) (cité par Leary & Tangney, 2012, p.
1), conclut que « le self n’est vraiment pas un thème unique, mais plutôt un agrégat de
sous-thèmes librement liés entre eux ». Leary et Tangney (2012) font remarquer que tous
ces sous-thèmes impliquent la capacité de réflexion sur le soi, « self-reflexion ». Ainsi, ils
en concluent que « comprendre les complexités du comportement humain est impossible
sans faire référence à la capacité de l’humain à penser à propos de soi » (p. 1) et qu’une
des caractéristiques les plus importantes qui distingue les êtres humains de la plupart des
animaux serait justement cette capacité de conscience réflexive.
Une revue de la littérature permet de se rendre compte que le concept de soi n’a pas
une définition universelle acceptée par tous. De plus, de nombreuses définitions font
référence à des phénomènes différents. Enfin, il est même parfois difficile de saisir le sens
de certaines utilisations du terme « soi », tellement leur définition peut être abstraite
(Leary & Tangney, 2012). Comme si la situation n’était pas déjà assez compliquée,
différents auteurs utilisent les mêmes termes différemment. Certains auteurs ont même
utilisé le terme de self/soi de plusieurs façons dans un même article ou chapitre (Leary &
Tangney, 2012).
4
Ainsi, afin d’éclaircir les différentes définitions, Leary et Tangney (2012) ont
identifié cinq utilisations distinctes du mot « self » et de ses composés (e. g., estime de
soi, vérification de soi, régulation du soi) :
Dès lors, ils recommandent d’éviter l’utilisation du terme « soi » dans un sens qui
réfère à l’individu tout entier ou à sa personnalité et d’arriver à une définition qui englobe
les trois significations restantes, à savoir « (1) l’expérience qu’ont les individus d’eux-
mêmes ; (2) leurs perceptions, pensées, et sentiments à propos de soi ; et (3) leurs efforts
volontaires à réguler leurs propres comportements ». Pour Leary et Tangney (2012), la
première signification correspond à l’attention, la seconde à la cognition et la troisième à
la régulation. Ils proposent comme définition qu’à la base de l’expérience d’avoir un soi,
6
se trouve la capacité des humains à avoir une pensée réflexive (« reflexive thinking ») :
« la capacité de se voir soi-même comme un objet de sa propre attention et pensée ».
Cependant, si nous ressentons parfois des émotions telles que la fierté, la culpabilité
ou la honte, c’est parce que nous avons un soi – avoir un soi étend donc la gamme
d’émotions pouvant être ressenties (Tracy, Robins, & Tangney, 2007). Un soi est
nécessaire à ces émotions puisque ni les animaux non humains, ni les bébés humains
avant l’âge de 15-18 mois, dépourvus d’un soi, ne semblent éprouver ces émotions
(Lewis, 1995; Lewis & Brooks-Gunn, 2014; Lewis, Sullivan, Stanger, & Weiss, 1989;
Tracy & Robins, 2007).
7
Ainsi, penser à propos de soi-même ou de ce qui est vécu, nous amène à adopter
certains comportements plutôt que d’autres. En fonction de comment l’on se sent par
rapport à soi-même, nos motivations vont être différentes. Leary et Tangney (2012)
parlent du fait que les motivations liées au soi (comme garder une image positive de soi)
pourraient en réalité être des motivations plus fondamentales mais qui sont médiées par
le soi (« réappropriées par le soi »). Ces motivations plus fondamentales pourraient être
en lien avec le besoin de promouvoir les relations sociales, diminuer les affects
déplaisants, ou réduire l’incertitude (Pyszczynski, Greenberg, & Arndt, 2012).
Avoir un soi nous donne donc une capacité que les animaux sans soi n’ont pas : la
capacité de gérer notre stress, les menaces, et l’incertitude d’une manière différente, c’est-
à-dire en pensant à propos de nous-mêmes ou de notre environnement d’une certaine
façon. Par exemple, « les gens peuvent se livrer à l'auto-illusion ou à l'affirmation de soi
pour se sentir mieux ; peuvent surestimer le degré de contrôle qu'ils ont sur les
événements pour réduire l'anxiété […] ; ou peuvent décider qu'il existe plus de certitudes
que ce n'est en fait le cas. A chaque fois, ils manipulent cognitivement l'information de
manière à obtenir certains résultats psychologiques, dans un sens en "trompant" le
système en récoltant les effets subjectifs d'événements qu'ils ne vivent que dans leur
esprit » (Leary & Tangney, 2012, p. 9). C’est d’ailleurs cette capacité du soi à réfléchir à
propos de soi-même qui est exploitée à bon escient, par exemple, dans le courant des
thérapies métacognitives (Dimidjian et al., 2016) mais est également considérée comme
une part essentielle à la thérapie par le courant constructiviste (Watzlawick & Hacker,
2000). Enfin, Leary & al. (2012) concluent qu’il y a un lien entre le soi et les systèmes
émotionnel et motivationnel mais que ceux-ci ne font pas partie intégrante du soi : « de
la même manière que des pensées variées à propos de différentes choses du monde
affectent notre émotion et motivation à tout instant, les pensées à propos de nous-mêmes
les influencent également » (p. 9).
8
3. Conclusion
Dans cette première partie, nous avons brièvement vu que de nombreux termes et
conceptualisations différentes se référant au soi existaient. Face à cet ensemble de
conceptions différentes, il était nécessaire de se mettre d’accord sur une définition avant
d’aborder les écarts entre les sois. Nous retenons donc la définition du soi comme « (1)
l’expérience qu’ont les individus d’eux-mêmes ; (2) leurs perceptions, pensées, et
sentiments à propos de soi ; et (3) leurs efforts volontaires à réguler leurs propres
comportements » (Leary & Tangney, 2012, p. 6).
Enfin, suite à cet aperçu sur les différentes conceptualisations du soi et leurs
interrelations avec différents phénomènes psychologiques, Leary et Tangney (2012)
résument que la plupart des phénomènes psychologiques peuvent être ramenés à l’un des
3 processus de base : l’attention, la cognition, et la régulation5.
5
L’auteur ne donne pas explicitement de définition de ces trois termes mais nous pouvons saisir le sens
qu’il leur donne puisqu’il les utilise pour résumer les trois aspects du soi.
9
I NTRODUCTION
L’idée d’un soi idéal peut déjà être retrouvée chez James (1890) qui conceptualisait
l’estime de soi comme l’écart entre les résultats obtenus et nos prétentions. Autrement
dit, cela correspond à ce que nous pensons pouvoir obtenir/ce que nous aimerions obtenir.
Rogers (1959) parle lui explicitement de soi idéal. Il le définit comme les caractéristiques
et les relations à autrui que la personne aimerait le plus posséder.
Par la suite, Higgins (1987) a développé la théorie des écarts entre les sois, la « self-
discrepancy theory ». Celle-ci est née de son envie de faire un lien entre la littérature sur
le soi et les standards internalisés (« self-guides ») et celle sur les différents syndromes
émotionnels existants. Dans sa théorie, Higgins distingue le soi idéal du soi prescrit et
fait des prédictions concernant les affects suscités par les écarts par rapport à ces self-
guides et notre soi actuel. Essentiellement, le soi idéal reflète les aspirations de l’individu
(ses souhaits, ses désirs, ce qu’il aimerait devenir) et le soi prescrit reflète les obligations
de l’individu (ce que d’autres, des proches, des personnes importantes, ou lui-même,
pensent qu’il devrait être et comment il devrait agir). L’originalité de la théorie d’Higgins
est qu’elle associe ces écarts entre les sois à des vulnérabilités émotionnelles. Cela lui
confère un pouvoir prédictif : l’écart entre le soi actuel et le soi idéal étant davantage lié
à des affects de découragement et des symptômes dépressifs ; l’écart entre le soi actuel et
le soi prescrit étant lui davantage lié à des affects d’agitation et des symptômes anxieux.
D’autres auteurs ont cherché à étendre la théorie des écarts entre les sois et à la
compléter. Se retrouve dans la littérature scientifique les concepts de « soi craint »
(Carver et al., 1999) et de « soi non-désiré » (Ogilvie, 1987). Ceux-ci sont
conceptuellement similaires puisqu’ils représentent ce que la personne ne voudrait pas
être. Ainsi, au lieu d’opposer le soi idéal au soi prescrit, ils opposent le soi idéal et le soi
prescrit au soi non-désiré. Ils opposent donc une dimension « positive » (comment la
personne aimerait ou devrait être) à une dimension « négative » (comment la personne
n’aimerait pas être) (Ogilvie, 1987). De manière similaire, la théorie des sois possibles de
Markus et Nurius (1986) cherche également à éclaircir les relations qu’il peut y avoir
10
entre d’une part, les représentations qu’a un individu par rapport à lui-même (ce qu’il
voudrait être, ce qu’il devrait être, ce qu’il n’aimerait pas être) et d’autre part, le
comportement de la personne.
Pour revenir à la théorie des écarts entre les sois, de nombreuses recherches ont été
menées en prenant en compte ces différents self-guides. Celles-ci ont démontré que les
relations entre les écarts entre les sois et la détresse psychologique (et certains affects
négatifs) étaient plus complexes que ce que la théorie d’Higgins prédisait initialement.
En effet, certains auteurs ont remis en question le fait que le soi idéal et le soi prescrit
soient des concepts fonctionnellement différents, remettant en cause leur validité
discriminante (e. g., Tangney, Niedenthal, Covert, & Barlow, 1998). D’autres à travers
leurs recherches n’ont pas réussi à répliquer les effets que postulait la théorie des écarts
entre les sois (e. g., Ozgul, Heubeck, Ward, & Wilkinson, 2003). Ces différents points
seront abordés dans les sections suivantes. Ces sections vont résumer les théories liées
aux écarts entre les sois, les différentes conceptualisations qui existent et les implications
de celles-ci.
ÉMOTIONNELLES
La théorie des écarts entre les sois postule qu’en fonction des écarts que la personne
a par rapport à certains self-guides, elle sera plus vulnérable à une catégorie d’affects et
ressentira davantage ce type d’affects. Concernant l’impact du soi idéal et du soi prescrit,
la théorie d’Higgins postule que plus la personne a un grand écart entre son soi actuel et
son soi idéal, plus elle aura tendance à ressentir des affects de découragement (e. g.,
tristesse, désintérêt). Par ailleurs, plus la personne a un grand écart entre son soi actuel et
son soi prescrit, plus elle aura tendance à ressentir des affects d’agitation (e. g., anxiété,
panique, irritabilité) (Higgins, 1989; Strauman & Higgins, 1988).
Il semblerait également que ces écarts sont associés à deux types de colère différents.
D’une part, l’écart entre le soi actuel et le soi idéal serait associé à la frustration mais pas
à la rancœur. D’autre part, l’écart entre le soi actuel et le soi prescrit serait associé à la
rancœur et non à la frustration (Higgins, 1987).
LEURS ÉCARTS
Il semblerait également qu’il y ait un effet conjoint de l’étendue des écarts entre les
sois des individus et les croyances à propos des conséquences négatives de posséder de
tels écarts entre les sois. Les résultats d’Higgins, Klein et Strauman (1987), indiquent que
les écarts entre le sois associés à des croyances négatives à propos de l’écart en question
sont corrélés à des niveaux d’affects plus importants. Ces affects correspondent
respectivement à (a) du découragement (mais pas la peur et l’anxiété) concernant le soi
idéal, et (b) la peur et l’anxiété (mais pas du découragement) concernant le soi prescrit.
Les croyances à propos de leur soi actuel (et comment ce soi actuel se positionne par
rapport au soi idéal et soi prescrit) et les croyances à propos des réponses probables de
personnes importantes pour eux en réaction au fait qu’il possèderait des caractéristiques
discordantes contribuent toutes deux à prédire chez un individu des vulnérabilités
émotionnelles et problèmes émotionnels (Higgins, 1989).
12
SOI ( S ) EN CONTRADICTION
Qu’en est-il lorsque deux self-guides sont en contradiction ? Il semblerait que dans
cette situation, la personne se retrouve dans un dilemme, la menant à se sentir « indécise,
distraite, incertaine de soi ou de ses objectifs, rebelle, confuse au sujet de son identité »
(Van Hook & Higgins, 1988, p. 628). Cet effet était indépendant des effets des autres
écarts entre le sois (Van Hook & Higgins, 1988). Cette notion de conflit a largement été
étudiée dans la littérature et deux méta-analyses récentes montrent que les conflits entre
les buts d’une personne sont effectivement associés au bien-être des individus, et plus
particulièrement avec la détresse ressentie (J. S. Gray, Ozer, & Rosenthal, 2017; R. E.
Kelly, Mansell, & Wood, 2015).
Il semblerait que si la personne a (a) un petit écart entre comment la personne est et
comment elle se croit capable d’être, et (b) un écart important avec son soi idéal, alors
elle en ressentira d’autant plus de souffrance ; c’est-à-dire que les croyances à propos de
la capacité du soi à atteindre le soi idéal est un modérateur de la relation entre le soi idéal
et les affects dépressifs/de découragement (Higgins & Tykocinski, 1992). Autrement dit,
si la personne a un écart important avec son soi idéal et qu’elle se considère en même
temps incapable d’atteindre ce soi idéal, elle en ressentira davantage de souffrance que si
elle s’en croyait capable. Ces résultats démontrent que l’hypothèse de base de la théorie
des écarts entre les sois doit être modifiée puisqu’au fur et à mesure que l’ampleur de
l’écart entre le soi actuel et le soi idéal augmente, la souffrance n’augmente pas pour
autant (Higgins, 1989).
13
L IMITES
De nombreuses études ont trouvé que le soi idéal et le soi prescrit étaient fortement
corrélés (Gonnerman Jr, Parker, Lavine, & Huff, 2000; Ozgul et al., 2003; Phillips &
Silvia, 2005; Tangney et al., 1998). De plus, d’autres études n’ont pas réussi à montrer
que le soi idéal et le soi prescrit prédisaient de manière unique la dépression et l’anxiété
(Gramzow, Sedikides, Panter, & Insko, 2000; Heppen & Ogilvie, 2003). Par ailleurs,
certaines recherches ont démontré que les prédictions de la théorie des écarts entre les
sois sont plus susceptibles de s'appliquer dans certaines situations spécifiques, comme
lorsque les écarts entre les sois sont saillants et pertinents pour le contexte (Boldero,
Moretti, Bell, & Francis, 2005; Phillips & Silvia, 2005). Il est donc légitime de se
demander s’il est utile de distinguer ces deux concepts.
14
D ÉFINITION
Alors qu’Higgins (1987) s’intéresse au soi idéal, correspondant à un self-guide qui
porte les caractéristiques que les individus voudraient idéalement avoir, Ogilvie (1987)
propose le concept de soi non-désiré. En citant George Kelly (1955, p59), Ogilvie (1987)
rappelle que « le système de construction d’une personne est fait de construits
dichotomiques ». Par exemple, la notion de sombre est inutile, dénuée de sens, sans une
notion de clair. Impossible de définir ce qui est bien si nous ne pouvons le contraster avec
ce qui est mal. De ce fait, il pointe du doigt que de nombreuses théories du soi présument
implicitement cette notion dichotomique en opposant le soi idéal au soi réel, alors qu’il
serait plus logique d’opposer au soi idéal un soi non-idéal – un aspect du système du soi
auquel Ogilvie réfère par soi non-désiré. Selon lui, le contenu du soi non-désiré serait
moins abstrait que le contenu du soi idéal : « Bien qu'il contienne probablement des
images de traits indésirables et des circonstances malheureuses d'autres personnes […]
et des impulsions non réalisées de s'engager dans des activités socialement inacceptables,
il est également susceptible de contenir des souvenirs d'expériences redoutées, de
situations embarrassantes, d'événements effrayants et d'émotions indésirables qui se sont
réellement produits dans le passé de l'individu. En ce sens, on postule que le moi non
désiré est plus basé sur l'expérience et moins conceptuel que le moi idéal et, par
conséquent, comparé au moi idéal, est une norme plus enracinée et inébranlable par
rapport à laquelle on juge son niveau actuel de bien-être » (Ogilvie, 1987, p. 380). Ainsi,
son étude montre que les caractéristiques attribuées au soi-non désiré semblent être plus
concrètes que celles attribuées au soi idéal (Ogilvie, 1987). A notre connaissance, aucune
étude n’a cependant cherché à reproduire ces résultats.
De manière globale, certaines études montrant que l’effet du soi prescrit est minime
(e. g., Hardin & Leong, 2005), la distinction entre soi idéal et soi prescrit serait donc peut-
être moins intéressante que la distinction entre soi idéal (~ standard positif) et le soi non
désiré (~ standard négatif). Ces deux types de standards, positifs et négatifs, peuvent être
constitués de différentes facettes qui seraient saillantes en fonction du contexte, des rôles
de la personne, de l’importance qu’accorde la personne à différents aspects de sa vie.
Cette opposition de standards positifs à des standards négatifs est reflétée à différents
endroits dans la littérature, notamment dans la théorie des sois possibles (Markus &
Nurius, 1986) mais aussi, par exemple, dans le modèle structurel des écarts entre les sois
de Bak (2014).
Bak (2014) souligne que les effets des écarts entre les sois peuvent aussi être liés aux
attentes que ces self-guides soient atteints dans le futur (i. e. liés à nos croyances en nos
capacités à les atteindre). En ce sens, Bak reprend la notion de « can self » de (Higgins,
Tykocinski, & Vookles, 1990) qui correspond à une représentation des connaissances sur
le soi par rapport à nos capacités et à notre potentiel à atteindre ou non nos self-guides.
Ce « can-self » peut se rapprocher du sentiment d’auto efficacité (Bandura, 1977) dont il
sera question dans un point ultérieur.
Enfin, le soi non-désiré a également été étudié dans d’autres domaines comme :
l’image corporelle (Woodman & Hemmings, 2008; Woodman & Steer, 2011) ; l’impact
motivationnel direct du soi non désiré par rapport au soi idéal – qui montre que le soi non
désiré a un impact motivationnel plus important (Sweeney, Park, Clark, & Freitas, 2016) ;
ou encore la performance sportive (Beattie, Hardy, & Woodman, 2004).
18
Le concept de soi, les écarts entre les sois, les troubles mentaux, s’inscrivent dans un
cadre plus général qui est celui de l’autorégulation. Cette capacité (ou difficulté) de l’être
humain à s’autoréguler est constituée de deux caractéristiques déterminantes : « les gens
pensent (1) non seulement au présent mais aussi au passé et à l'avenir, et (2) non
seulement au monde qui les entoure mais aussi à eux-mêmes en tant qu'acteurs dans ce
monde » (Cervone, Mor, Orom, Shadel, & Scott, 2011). Une question centrale à
l’autorégulation va inévitablement émerger de la combinaison de ces deux
caractéristiques chez les gens : « Suis-je capable (ou non) de faire face aux défis futurs
auxquels je serai peut-être confronté ? ». C’est cette question centrale qui définit le
concept de sentiment d’efficacité personnelle (Bandura, 1977, 1997).
L’évaluation qu’une personne va faire d’une situation va être influencée par les
structures de connaissances de cette personne – les connaissances sont donc des
déterminants distaux qui influencent l’action autorégulée de la personne (Lazarus, 1991).
Ainsi, bien qu’il va être question des effets du sentiment d’efficacité personnelle, il est
important de garder à l’esprit que l’entité qui va influencer les conséquences
psychologiques concernées va être la personne dans sa globalité (Cervone et al., 2011).
Autrement dit, le sentiment d’efficacité personnelle s’inscrit dans une structure
psychologique et dynamique interne à la personne (Anderson, 1983; Cervone, 2005) – ce
qui est différent que de considérer le sentiment d’efficacité personnelle comme une
variable qui sert à décrire les différences entre les individus (e. g., Digman, 1990). Dans
ce cadre, le sentiment d’efficacité personnelle correspond à une évaluation par la
personne de sa capacité à réaliser une action afin de faire face aux défis qui se présentent
à elle. Cette évaluation de sa capacité va être influencée par les connaissances qui
viennent à l’esprit à ce moment-là (Cervone, 2005; Cervone et al., 2011). Par exemple, si
une personne est confrontée à un saut en hauteur lors d’une épreuve sportive, son
évaluation de sa capacité à sauter au-dessus d’une certaine hauteur va être influencée par
différentes connaissances (e. g., ce qu’elle sait sur sa forme actuelle, ses performances
par le passé).
19
Enfin, le SEP peut également jouer un rôle concernant les buts d’approche et
d’évitement. Higgins (2015) dans sa « Regulatory Focus Theory » distingue deux modes
sur lesquels des buts peuvent être poursuivis : (a) un mode de focus de promotion où la
personne cherche à atteindre ou à éviter de perdre des conséquences positives ; (b) un
focus de prévention où la personne cherche à éviter les conséquences négatives. Les buts
vont modérer le rôle du SEP (Bandura & Cervone, 1983) : par exemple, lorsque la
20
personne est dans un focus de prévention, les évaluations de SEP jouent un rôle plus
important (Shah & Higgins, 1997).
Ainsi, une des interprétations possibles de ce qu’Henry Ford voulait dire, c’est que la
confiance en soi est une chose puissante6. Elle peut influencer vos performances
physiques et cognitives ainsi qu’influencer votre santé mentale. C’est pourquoi le
sentiment d’efficacité personnelle a attiré l’attention des chercheurs et a été démontré
comme un facteur important à prendre en compte en thérapie.
E. L’(in)flexibilité psychologique
Cependant, ces dernières années, la vision de ces concepts a évolué. En effet, ces
termes ont été considérés comme limitants, car ils ne mettaient pas assez en avant que
non seulement des expériences privées aversives mais aussi des expériences privées
positives pouvaient également empêcher les individus d’agir selon leurs valeurs. Ils
peuvent par exemple éviter une opportunité d’avoir des émotions positives par peur d’être
déçus. Et de la même façon, rêver de manière éveillée à leurs prochaines vacances peut
diminuer leur capacité à agir sur des tâches prioritaires ou urgentes (Bond et al., 2011).
Ainsi, « dans de telles circonstances, les gens n'évitent pas nécessairement leurs
événements internes, mais leurs actions sont sous le contrôle disproportionné de ces
6
Il faisait probablement référence également au principe de prophétie auto-réalisatrice.
21
événements aux dépens de contingences liées aux valeurs » (Bond et al., 2011, p. 768).
L’emphase a donc davantage été mise sur les concepts plus globaux de flexibilité
psychologique et d’inflexibilité psychologique qui représentent le modèle de base de
l’ACT (e. g., S. C. Hayes et al., 2006, 1999).
D ÉFINITION
La flexibilité psychologique est conceptualisée comme un processus de régulation
global. Elle se caractérise par une capacité à persister ou changer ses comportements en
fonction de ce que la situation permet, de sorte à poursuivre ses buts et valeurs propres,
ainsi que la capacité à être en contact avec l’expérience, les pensées et les sentiments du
moment présent sans chercher à s’en défendre (S. C. Hayes et al., 2006, 1999). En
contraste, l’inflexibilité psychologique se caractérise par une rigidité dominante dans les
réactions psychologiques qui se fait au détriment de la capacité de la personne à choisir
un comportement en accord avec ses valeurs et réduit le contact de la personne avec le
moment présent, ce qui arrive souvent lorsque la personne essaie d’éviter des expériences
internes (Bond et al., 2011).
De manière générale, une plus grande FP semble être bénéfique lorsqu’il s’agit de
faire face à des problèmes de santé ou des atteintes physiques, tels que : la douleur
chronique (e. g., McCracken & Morley, 2014; Scott, Hann, & McCracken, 2016; Scott &
McCracken, 2015; Trompetter, Bohlmeijer, Fox, & Schreurs, 2015) ; le cancer (e. g.,
Hulbert-Williams, Storey, & Wilson, 2015; Labelle, Campbell, & Carlson, 2010) ; la
chirurgie (e. g., Weineland, Hayes, & Dahl, 2012) ; la réadaptation suite à une blessure
(e. g., DeGaetano, Wolanin, Marks, & Eastin, 2016) ; ou encore la migraine (e. g.,
Almarzooqi, Chilcot, & McCracken, 2017).
De plus, outre les bénéfices du point de vue de la santé, il y a également des bénéfices
dans d’autres domaines de vie. Une plus grande flexibilité psychologique est associée à
une meilleure capacité à apprendre (par exemple, des travailleurs ayant une plus grande
flexibilité psychologique étaient par la suite plus à même à apprendre ) ; à une meilleure
performance au travail (par exemple, des travailleurs ayant une plus grande flexibilité
psychologique atteignaient souvent ou excédaient les objectifs de rendement) ; à une
augmentation de l’adoption d’un nouveau traitement auprès de thérapeutes (pour une
revue, voir Bond, Hayes, & Barnes-Holmes, 2006).
24
Powers, Vörding, & Emmelkamp, 2009; Tonarelli, Pasillas, Alvarado, Dwivedi, &
Cancellare, 2016; Veehof, Oskam, Schreurs, & Bohlmeijer, 2011).
Seulement, ce qui met surtout en exergue le rôle de la FP, ce sont les études qui se
sont intéressées aux processus par lesquels l’ACT, la pleine conscience et également
certaines stratégies de coping, agissent sur la santé mentale des individus. D’une part, la
FP est un médiateur dans l’effet de l’ACT et ce par rapport à des problématiques variées,
telles que : la gestion du stress au travail (Bond & Bunce, 2000) ; la gestion du diabète
(Gregg, Callaghan, Hayes, & Glenn-Lawson, 2007) ; la douleur chronique (Lin, Klatt,
McCracken, & Baumeister, 2018) ; les troubles alimentaires et l’insatisfaction corporelle
suite à une chirurgie post-bariatrique (Weineland et al., 2012). D’autre part, la FP était un
modérateur dans une intervention ACT visant à réduire la stigmatisation envers les
personnes souffrant de troubles mentaux (Masuda et al., 2007). De plus, la FP était l’un
de médiateurs des effets bénéfiques d’une intervention basée sur la pleine conscience (Gu,
Strauss, Bond, & Cavanagh, 2015; Labelle et al., 2010). Enfin, d’autres chercheurs se
sont intéressés à la distinction entre FP et différentes stratégies de coping et ont constaté
que l’impact des stratégies de coping (incluant la réévaluation cognitive, le coping
inadapté, le contrôle, et les styles de réponses émotionnelles) sur l’anxiété ou l’humeur
quotidienne étaient entièrement ou partiellement médiées par la FP (Kashdan et al., 2006).
7
Le système inhibitoire est un système qui est activé par la présence de punitions ou d’événements négatifs
et qui amène à une réaction d’inhibition du comportement (Bijttebier, Beck, Claes, & Vandereycken, 2009)
26
amener à une sensibilité à l’anxiété accrue et à la fois à une exacerbation des symptômes
liés à la sensibilité à l’anxiété de l’individu. Par rapport au lien à la régulation
émotionnelle discuté ci-dessus, on peut se poser la question de l’utilité de l’inflexibilité
psychologique par rapport à d’autres concepts liés, tels que les compétences
émotionnelles. Donaldson-Felder & Bond (2004) ont justement montré que la FP était un
prédicteur significatif des symptômes mentaux et physiques lorsque l’intelligence
émotionnelle des personnes était contrôlée alors que l’intelligence émotionnelle ne
prédisait plus de manière significative les symptômes mentaux et physiques lorsque la FP
était contrôlée.
Pour conclure, le problème avec ces études, c’est qu’elles sont souvent transversales,
ce qui limite l’interprétation du lien de causalité entre ces variables. Malgré tout, cette
revue de la littérature permet de se rendre compte qu’il y a un corpus croissant de résultats
qui vont dans la même direction et plaident pour le rôle influent que l’(in)flexibilité
psychologique a dans le développement des symptômes psychologiques. La FP semble à
la fois avoir un effet sur d’autres variables et à la fois éclaircir le mécanisme par lequel
d’autres variables agissent. Enfin, elle est une variable intéressante à considérer en
psychologique clinique, car, contrairement à d’autres variables traits (e. g., les traits de
personnalité du Big Five), la FP est modifiable, c’est un processus sur lequel les
psychologues peuvent agir (Bond et al., 2006).
27
F. Questions de recherche
Dans la revue de la littérature ci-dessus, deux concepts psychologiques en particulier
ont été explorés : la théorie des écarts entre le sois et la flexibilité psychologique. Ces
deux concepts ont été largement étudiés au cours des dernières années par plusieurs
chercheurs, et ce, à travers plusieurs thèmes (psychologie clinique, développementale,
sociale, de la santé, de la consommation…). Cependant, à ce jour8, une seule étude s’est
intéressée à la relation entre les écarts entre les sois et la flexibilité psychologique (Kwok,
Chan, Chen, & Lo, 2016). L’étude en question cherchait à éclairer le mécanisme sous-
jacent à l’impact des écarts entre les sois sur l’ajustement à la douleur chez des patients
souffrant de douleurs chroniques. Les résultats montrent que la FP agit comme médiateur
dans la relation entre les écarts entre les sois et trois mesures différentes du vécu de la
douleur chez ces patients. Ainsi, un plus grand écart entre les sois pourrait amener la
personne à ne pas tolérer cet écart, à adopter des stratégies inflexibles, en réponse à cet
écart. Ceci amènerait la personne à ressentir en retour une douleur subjective plus élevée,
à moins accepter cette douleur, ce qui entrainerait un impact fonctionnel plus élevé de la
douleur sur le quotidien. Notons toutefois que la détresse par rapport aux écarts entre les
sois n’était pas prise en compte dans cette étude.
Deux autres études mesurant des concepts similaires ont été réalisées. L’une a
constaté un effet d’interaction entre l’ajustement flexible des buts (« flexible goal
adjustment », qui conceptuellement est lié à la flexibilité psychologique) et les écarts
entre les sois : les personnes avec un grand écart avec leur soi prescrit et qui étaient peu
flexibles (la flexibilité agissant comme modérateur) avaient des scores de dépression plus
élevés (Goossens et al., 2010). L’autre étude a constaté que la flexibilité psychologique
(telle que mesurée par l’AAQ-II) était un médiateur dans la relation entre le poids et la
honte de son corps, et les troubles alimentaires (Mendes, Ferreira, & Marta-Simões,
2017). Comme pour l’étude sur la douleur chronique, l’effet de médiation peut être
expliqué par le fait qu’une personne qui ressent plus de honte par rapport à son image
corporelle pourrait ne pas tolérer cette honte et chercher à l’éviter ou à la supprimer. Ces
stratégies se traduiraient à terme par une plus grande inflexibilité psychologique, ce qui à
son tour entrainerait plus de symptômes liés à un trouble alimentaire.
8
Une recherche avec un large ensemble de mots clés liés (sur PubMed, Proquest et Google Scholar) n’a
permis de trouver qu’un article investiguant directement à la fois les écarts entre les sois et la flexibilité
psychologique telle que mesurée par l’AAQ-II. Deux autres articles s’intéressant à des concepts similaires
ont également été pris en compte. Voici les termes utilisés lors de cette recherche : « (self-discrepanc*)
AND ((psychological flexibility) OR (psychological inflexibility) OR (experiential avoidance) OR
(acceptance) OR (flexibility) OR (inflexibility) ) ». Date de la dernière vérification : 15 juillet 2018.
28
De ce fait, le premier objectif de cette recherche est d’investiguer la relation entre les
écarts entre les sois et la dépression et l’anxiété, en s’intéressant à la flexibilité
psychologique comme potentiel mécanisme qui pourrait éclairer la relation entre ces
variables. L’hypothèse est que la flexibilité psychologique jouera un rôle de modérateur
sur l’impact des écarts entre les sois sur la dépression et l’anxiété. C’est-à-dire qu’une
flexibilité psychologique élevée jouerait le rôle de facteur protecteur. Il limiterait les
effets négatifs d’avoir des écarts entre les sois élevés, tandis qu’une inflexibilité
psychologique élevée associée à de grands écarts entre les sois entrainerait des scores de
dépression et d’anxiété plus élevés.
Toutefois, étant donné les résultats dans la littérature scientifique et les résultats de
l’étude ayant pris en compte à la fois les écarts entre les sois et des variables d’ajustement
psychologique à la douleur (Kwok et al., 2016), un effet de médiation ne peut pas être
exclu. Des analyses statistiques seront donc réalisées pour examiner cette possibilité. De
plus, il n’est pas à exclure que la flexibilité psychologique puisse à la fois jouer un rôle
de médiateur, expliquant le mécanisme par lequel les écarts entre les sois influencent la
dépression et d’anxiété, et à la fois de modérateur, influençant l’impact des écarts entre
les sois sur la dépression et l’anxiété (Baron & Kenny, 1986; A. F. Hayes, 2018).
Le second objectif de cette recherche est d’étudier et d’espérer clarifier les liens entre
les différents types d’écarts entre les sois et la dépression et l’anxiété étant donné que les
études réalisées jusqu’à maintenant ne s’accordent pas toujours sur la nature de ces
relations. Des analyses statistiques seront réalisées afin d’évaluer le lien unique entre
chaque mesure d’écart entre les sois et les scores de dépression et d’anxiété. Nous
chercherons donc à savoir quelles mesures (moyenne des pourcentages des traits, étendue
de l’écart, ou la détresse) et quels « sois » (soi idéal, soi prescrit, soi non désiré, soi non
prescrit) prédiront le plus les scores de dépression et d’anxiété.
Comme troisième objectif, cinq items9 ont été ajoutés au questionnaire d’échelle des
écarts entre les sois (Self-Discrepancies Scale, S-DS, voir Philippot, Dethier, Baeyens, &
Bouvard, 2018) afin d’étudier le sentiment d’efficacité personnelle (SEP) et le concept
d’opposition entre le soi idéal et le soi prescrit. Le but est d’étudier le SEP par rapport
aux écarts entre les sois et celui d’un éventuel conflit entre ce que la personne veut être
(soi idéal) et ce que les personnes importantes pour elle veulent qu’elle soit (soi prescrit).
Ces items sont à titre exploratoire et nous sommes conscients que la fiabilité de ces items
9
Ces items seront décrits dans la partie sur la méthodologie de ce mémoire.
29
pourrait être basse dû à leur nombre restreint. Ces items vont permettre d’investiguer le
rôle de modérateur potentiel (a) du sentiment d’efficacité personnelle par rapport à chaque
self-guide (quatre items) et (b) de la discordance/conflit/opposition perçu(e) entre le soi
idéal et le soi prescrit (un item) – ce dernier concept ayant peu été étudié dans la littérature
et pouvant être une information utile dans le cadre d’une prise en charge clinique. En plus
du potentiel rôle de la flexibilité psychologique, ceci permettrait éventuellement
d’apporter une réponse supplémentaire à la question de seconde génération de Higgins
qui est de savoir quand les écarts entre les sois ont un effet sur la santé mentale des
individus (Higgins, 1999).
30
31
MÉTHODOLOGIE
A. Hypothèses
Sur base des questions de recherches, plusieurs hypothèses ont été formulées.
Premièrement, nous faisons l’hypothèse (H1) que les indices d’écarts entre les sois
(pourcentage des traits, écarts, et détresse) seront associés à la dépression et l’anxiété dans
les directions attendues. C’est-à-dire que plus ces indices d’écarts entre les sois sont
grands, plus les scores de dépression et d’anxiété seront élevés, sauf dans le cas de l’écart
avec le soi non-désiré et le soi non-prescrit, où la relation inverse sera constatée (plus la
personne est proche de son soi non-désiré ou non-prescrit, plus ses scores de dépression
et d’anxiété seront élevés).
rapport à un écart sera élevé (plus la personne se sent confiante dans l’idée de réduire cet
écart), moins élevé sera le score de dépression et d’anxiété pour un même écart.
B. Procédure
Le questionnaire en ligne a été réalisé sur la plateforme Qualtrics (Qualtrics, 2018) à
la fois en français et en anglais en utilisant les versions validées dans chaque langue pour
chaque questionnaire. Une annonce a été diffusée dans différents groupes Facebook
francophones et anglophones, invitant les personnes à participer de manière volontaire à
un questionnaire en ligne « visant à investiguer la manière dont nos représentations de
qui on veut/ne veut pas être impactent notre bien-être ». Les seuls critères d’exclusion
étaient que les personnes devaient avoir minimum 18 ans et parler le français ou l’anglais.
La participation était anonyme, volontaire et non rémunérée. Au total, 457 participants
ont répondu au questionnaire, dont 41 en anglais. Au vu de leur nombre réduit (par rapport
aux participants francophones), ceux-ci seront exclus des analyses statistiques et seules
les participations à la version francophone du questionnaire seront prises en compte.
Parmi les participants, 7 personnes ont été retirées (1 anglophone, 6 francophones) : 6
pour cause de données incomplètes, l’autre car suspicion d’avoir répondu au hasard10.
10
Quelques soucis semblent s’être insérés dans le questionnaire Qualtrics. En effet, chez certaines
personnes, certains traits n’ont aucun pourcentage. Ceci arrive lorsque la personne n’a pas bougé le curseur
de l’échelle, le laissant à zéro. Dans ces cas-là, la valeur est recodée en zéro afin d’éviter des erreurs lors
du calcul de la moyenne de pourcentage. Lorsqu’un pourcentage est indiqué mais qu’aucun adjectif n’est
lié, ce pourcentage n’est pas pris en compte afin d’éviter qu’il ne fausse le calcul des moyennes. De plus,
un individu qui semble avoir répondu sans lire le questionnaire a été repéré : pour les écarts entre les sois,
les pourcentages semblent aléatoires (e. g., 39,32,43,33,58…) et, surtout, sont associés à des « traits » de
caractères aléatoires (e. g., ----, vvv, gggg, rrrr, asre, dfew, FVG, EDFRGV…). Afin d’éviter qu’il n’affecte
les résultats, il a été retiré de l’échantillon. Une autre personne n’a indiqué ni pourcentages ni traits pour
certains écarts entre les sois indiquant « je ne sais pas… » : celle-ci a également été retirée de l’échantillon.
33
C. Mesures
S-DS, S ELF - DISCREPANCIES S CALE
Le Self-Discrepancies Scale (S-DS), en français « l’échelle des écarts entre les sois »,
est un questionnaire qui mesure les représentations de soi de la personne et plus
spécifiquement les écarts entre les sois. À l’origine, il comprend deux parties : la première
concerne le soi idéal tandis que la deuxième concerne le soi prescrit. Pour cette recherche,
le questionnaire a été adapté et est constitué de quatre parties afin de mieux refléter
certains résultats dans la littérature (cf. Soi non-désiré et le modèle hiérarchique de Bak)
et également parce que le questionnaire comprenait déjà ces quatre parties dans
l’évaluation des traits que la personne possède. Les quatre parties utilisées dans cette
recherche correspondent à ces quatre self-guides : le soi idéal, le soi prescrit, le soi non-
désiré, et le soi non-prescrit.
Dans chaque partie, il est tout d’abord demandé aux participants de générer une liste
de traits (maximum 8) et d’indiquer à quel point ils pensaient posséder ces traits sur une
échelle de 0 à 100%. Lors de l’analyse, un score est calculé pour chaque partie en faisant
la moyenne des pourcentages des traits indiqués. Puis, il leur est demandé d’indiquer sur
une échelle de Likert à quel point ils se sentent proches ou éloignés de ce self-guide.
Ensuite, il leur est demandé dans chaque partie d’estimer la détresse par rapport à cet
écart. Pour aider les participants à énumérer des caractéristiques, une liste de 105 adjectifs
leur était fournie11. Il était également précisé aux participants qu’ils pouvaient choisir des
caractéristiques autres que ceux de la liste qui leur était présentée.
11
Lorsqu’environ 350 personnes avaient déjà rempli le questionnaire sur Qualtrics, un des participants m’a
fait savoir que la liste des items n’était présentée que pour les deux premières parties (le S-DS ayant été
réparti sur quatre pages différentes). Ceci ne semble pas avoir impacté la participation aux parties sur le soi
prescrit et le soi non-prescrit, mais c’est une correction à faire pour les recherches ultérieures.
34
12
Cette rotation permet aux facteurs de corréler entre eux ce qui semble plus judicieux dans le cas de
concepts liés entre eux comme c’est le cas des écarts entre les sois.
13
Selon le critère de Cattell (1966) seuls les deux premiers facteurs auraient été retenus.
35
1 2 3 4 5
Si .747 -.018 -.113 .084 .093
dSi .800 .126 .001 .034 .071
Si_SEP -.329 -.047 .748 .062 .121
%TSi -.576 .182 .189 -.210 .009
Snd (inv) -.040 -.027 -.148 -.081 .773
dSnd .340 .002 .109 .087 .633
Snd_SEP -.006 .030 .715 .061 -.432
%TSnd -.066 .292 .060 .066 .655
Sp .068 -.065 .130 .858 .078
dSp .360 .121 .097 .580 .006
Sp_SEP .066 -.033 .645 -.388 -.040
%TSp -.124 .047 .061 -.748 .086
Snp (inv) .019 .772 -.075 -.056 .056
dSnp .539 .506 .018 -.072 -.009
Snp_SEP -.027 -.545 .493 -.093 .052
%TSnp -.049 .805 .109 .150 .166
OppSiSp .197 -.140 .197 -.528 -.008
ANALYSES ET RESULTATS
Un test de Shapiro-Wilk (p < .05) (Razali & Wah, 2011; Shapiro & Wilk, 1965) et
une inspection visuelle des histogrammes, normal Q-Q plots et box plots, ont confirmé
que les résidus des modèles prenant en compte les scores de dépression, d’anxiété et
d’inflexibilité psychologique n’étaient pas distribués normalement14.
14
Voir Annexe B pour les tableaux reprenant les indices de kurtosis, skweness, et Shapiro-Wilk, concernant
la distribution normale des variables des scores au CESD, GAD-7 et AAQ-II.
15
Utiliser la moyenne et l’écart type de la variable originale permet de créer une nouvelle variable ayant
une distribution normale mais qui reste facilement interprétable étant donné que les données sont distribuées
autour de la moyenne originelle et non 0.
16
Tous les graphiques concernant les conditions d’applications ont à chaque fois été vérifiés pour ces
analyses et les analyses ultérieures, et peuvent être retrouvées en Annexe C.
38
Tableau 2. R² et coefficients de régression pour chaque indice d'écarts entre les sois en
prédisant les scores de Dépression et d'Anxiété.
Betas Standardisés
VD R² Si Snd Sp Snp dSi dSnd dSp dSnp %TSi %TSnd %TSp %TSnp VIF
CESD .38*** .04 .00 -.00 -.05 .35*** .08! .07 .11* -.00 .04 -0.06 .06 1.356 - 2.151
GAD-7 .28*** .11! .00 -.05 -.07 .32*** .02 .11! .03 .08 .02 -.07 .07 1.357 - 2.160
Notes. ***p < .001 ; **p < .01 ; *p < .05; !p < .06
CESD = Center for Epidemiologic Studies-Depression Scale ; GAD-7 = generalized anxiety disorder 7-
item scale ; Si = Ecart Soi Ideal ; Snd = Ecart Soi Non-désiré ; Sp = Ecart Soi Prescrit ; Snp = Ecart Soi
Non-prescrit ; dSi = détresse par rapport au soi idéal ; dSnd = détresse par rapport au soi non-désiré ; dSp
= détresse par rapport au soi prescrit ; dSnp = détresse par rapport au soi non-prescrit ; Si_SEP = SEP par
rapport au soi idéal ; Snd_SEP = SEP par rapport au soi non-désiré ; Sp_SEP = SEP par rapport au soi
prescrit ; Snp_SEP = SEP par rapport au soi non-prescrit ; %Tsi = Pourcentage de traits Soi Idéal ; %TSnd
= Pourcentage de traits Soi Non-désiré ; %TSp = Pourcentage de traits Soi Prescrit ; %TSnp = Pourcentage
de traits Soi Non-prescrit.
Les résultats des régressions linéaires multiples sont repris dans le Tableau 3. Ainsi,
seules la détresse par rapport au soi idéal et la détresse par rapport au soi non-prescrit sont
des prédicteurs significatifs de la dépression. Concernant l’anxiété, seule la détresse par
rapport au soi idéal est un prédicteur significatif, bien que la détresse par rapport au soi
prescrit et l’écart par rapport au soi idéal se rapprochent du seuil de significativité (p
= .057 et p = .059 respectivement). Enfin, aucun indice d’écart avec les sois ou les
pourcentages des traits n’était significatif.
Tous les modèles de régression globaux de chaque écart entre les sois, le score
d’inflexibilité psychologique, et de leur interaction étaient significatifs (p < 0.001). Aucun
effet d’interaction entre les différents indices du S-DS et l’AAQ-II pour prédire la
dépression ou l’anxiété n’était significatif (voir Tableau 4). Cependant, des effets
39
d’interaction significatifs ont été trouvés entre les mesures d’écarts entre les sois (ainsi
que les pourcentages des traits liés aux écarts) et l’inflexibilité psychologique pour
prédire la détresse liée à chaque écart entre les sois.
Note. La légende des indices peut être retrouvée dans la légende du Tableau 3.
17
Sauf contre-indication, les coefficients indiqués (« b ») sont des coefficients non-standardisés.
40
Étant donné ces résultats significatifs, les effets d’interaction entre les quatre indices
d’écarts et l’inflexibilité psychologique sur les quatre indices de détresse par rapport à ces
écarts18 ont été réanalysés en contrôlant cette fois-ci pour les autres variables prédictrices
(c’est-à-dire, les indices d’écart, de détresse et de pourcentage de traits19). De plus, la
variable prédictrice et le modérateur étaient centrés avant l’analyse.
Comme rapporté dans le Tableau 6, après avoir contrôlé pour l’influence des autres
variables, les effets d’interaction étaient significatifs entre l’inflexibilité psychologique et
(a) l’écart avec le soi idéal, (b) l’écart avec le soi non-désiré et (c) l’écart avec le soi
prescrit. Seule l’interaction entre l’inflexibilité psychologique et l’écart avec le soi non-
prescrit était non-significatives (p = .188).
18
Les analyses de modération ayant comme VD la dépression et l’anxiété ont également été refaites en
contrôlant pour tous les indices du SD-S. Les effets d’interactions étaient à nouveau non-significatifs (voir
récapitulatif des effets de coefficients de régression en Annexe D)
19
Étant donné la non significativité des pourcentages de traits dans les analyses de régressions multiples
(voir hypothèse 1) et étant donné le faible impact de ceux-ci dans les analyses de modération, ces indices
(ici insérés comme covariables) seront exclus les analyses de médiation par soucis de clarté et de concision.
41
20
Les courbes d’interaction entre la variable prédictrice et le modérateur ayant été calculés à trois niveau
de la VI et du modérateur (aux 16e, 50e et 84e percentiles) avec PROCESS (Hayes, 2018).
42
21
« The danger in including multiple Xs in a mediation model, as when including statistical controls, is the
possibility that highly correlated Xs will cancel out each others’ effects. This is a standard concern in linear
models involving correlated predictors. […] The stronger the associations between the variables in the
model, the greater the potential of such a problem. As a result, one could find that when included as the
sole X, each variable exerts a direct and/or indirect effect on Y through M, but when considered together,
neither appears to have any effect at all. »
44
Cs = Coefficients standardisés.
Note. La légende des indices peut être retrouvée dans la légende du Tableau 3.
Enfin, concernant les détresses liées aux écarts entre les sois, il y avait uniquement
un effet de médiation de l’inflexibilité psychologique entre l’écart lié au soi idéal et la
détresse liée au soi idéal lorsque les autres indices d’écart et de détresse étaient introduits
comme covariantes (voir Tableau 11). Tous les autres modèles de médiation entre les
écarts et la détresse correspondante étaient non-significatifs, comme indiqués par les
intervalles de confiance bootstrap des effets indirects et les tests Aroian Sobel (p >.05).
Les effets indirects de ces modèles sont repris dans le Tableau 12.
46
Tableau 10. Modèle de médiation de l'inflexibilité psychologique sur le lien entre écart
avec le soi idéal et la détresse liée à cet écart.
VI VD Modèle b Se t p cs
Si dSi Résumé du modèle R² = .540, F (8,401) = 58.941, p = .0000
Effet de la VI sur la FP a 1.743 .300 5.801 .0000
Effet direct de la FP sur la VD b .036 .008 4.698 .0000
Effet total de la VI sur la VD c .509 .047 10.696 .0000 .429
Effet direct de la VI sur la VD c' .446 .048 9.234 .0000 .375
Effet indirect de la VI sur la VD
effet = .063, 95% CI[.030,.100] .053
par le médiateur FP
Test Aroian Sobel Z = 3.525, p = .0004
Cs = Coefficients standardisés.
Note. La légende des indices peut être retrouvée dans la légende du Tableau 3.
Tableau 11. Effets indirects non-significatifs des écarts sur la détresse correspondante.
VI VD Effet Intervalle de confiance bootstrap Test Aroian Sobel
Snd dSnd -.003 95% CI[-.014,.003] Z = -0.773, p = .44
Sp dSp .001 95% CI[-.009,.013] Z = 0.273, p = .78
Snp dSnp -.010 95% CI[-.025,.001] Z = -1.394, p = .16
Note. La légende des indices peut être retrouvée dans la légende du Tableau 3.
.
Enfin, les résultats indiquent également que l’inflexibilité psychologique serait un
médiateur dans la relation entre l’écart avec le soi idéal et la détresse ressentie par rapport
à cet écart. Comme pour les autres effets de médiation, un écart important avec le soi
idéal pourrait amener la personne à devenir plus inflexible psychologiquement, ce qui en
retour amènerait la personne à ressentir davantage de détresse par rapport à cet écart.
Cette relation de médiation est illustrée dans la Figure 4.
22
Comme conseillé par Hayes (2018), en vérifiant que l’intervalle de confiance du bootstrap de l’effet
indirect ne comprenne pas zéro, on peut considérer que la médiation est significative. Dans ce cas-ci, l’effet
de médiation de l’inflexibilité psychologique entre l’écart avec le soi non prescrit (Snp) et l’anxiété peut
être considéré comme significatif étant donné que l’effet indirect de l’écart avec le soi non prescrit est
significativement différent de zéro selon le bootstrap (effet indirect = -.14, 95% CI[-.272,-.019]) et ce
malgré qu’il soit non-significatif selon le test plus restrictif Aroian Sobel, Z = -1.67, p = .09.
48
Figure 4. Modèle de médiation pour la détresse liée à l'écart avec le soi idéal.
Note. * p < .05. ** p < .01. Coefficients non-standardisés. Coefficients standardisés
La légende des indices peut être retrouvée dans la légende du Tableau 3.
MODÉRATEUR
Les résultats des analyses sont repris dans les Tableaux 12.1. à 12.12. D’après ces
résultats, il semblerait qu’on ne puissions pas conclure que le SEP par rapport à chaque
écart entre les sois soit un modérateur entre ceux-ci et la dépression, l’anxiété ou la
détresse par rapport aux écarts. En effet, tous les effets d’interaction étaient non
significatifs à l’exception de deux d’entre eux : (a) entre l’écart avec le soi prescrit et le
23
Comme pour les analyses de modérations précédentes, la VI et le modérateur étaient centrés avant
l’analyse afin de faciliter leur interprétation et d’éviter des problèmes de multicolinéarité.
49
SEP par rapport à cet écart (pour prédire la dépression, ΔR² = .006, ΔF(1, 394) = 5.593,
b = -.371, t(394) = -2.44, p = .015) et (b) entre l’écart avec le soi non-prescrit et le SEP
par rapport à cet écart (pour prédire la détresse liée au soi non-prescrit, ΔR² = .014, ΔF(1,
396) = 9.129, b = -.069, t(396) = 3.021, p = .002).
Note. La légende des indices peut être retrouvée dans la légende du Tableau 3.
Concernant ces deux effets d’interaction, les valeurs données dans les résultats de
régions significatives de Johnson-Neyman indiquent que les effets d’interaction ne sont
pas significatifs à toutes les valeurs des modérateurs. Tout d’abord, l’effet d’interaction
entre le soi prescrit et son SEP sur le score de dépression est uniquement significatif pour
les valeurs de SEP lié au soi prescrit inférieures à -0.54 unité en dessous de la moyenne
de l’échantillon, ce qui correspond à 44,5% des réponses. Cet effet d’interaction est
représenté sur la Figure 5. En nous intéressant à la pente correspondant aux valeurs pour
lesquelles l’interaction est significative (SEP = -.83), nous pouvons conclure que lorsque
la personne a un faible SEP lié à son soi prescrit, plus il est éloigné de son soi prescrit,
plus son score de dépression est élevé (b = .71, t(394) = 2.25, p = .025). De plus, sur base
de cet échantillon, il n’y a pas d’effet modérateur du SEP sur le lien entre l’écart avec le
soi prescrit et le score de dépression quand l’individu a un score supérieur à -0.54 unité
en dessous de la moyenne : les deux autres pentes doivent donc être ignorées (résultats
Johnson-Neyman : valeur de Sp_SEP = .16, b = .34, t(394) = 1.10, p = .268 ; valeur de
Sp_SEP = 2.16, b = -.40, t(394) = -.85, p = .394).
52
Figure 5. Graphique représentant l’interaction entre l’écart avec le soi prescrit et le SEP
lié à cet écart dans la prédiction de la détresse associée au soi prescrit.
Ensuite, l’effet d’interaction entre le soi non-prescrit et son SEP sur le score de
détresse est uniquement significatif pour les valeurs de SEP lié au soi non-prescrit
inférieures à 0.67 unité au-dessus de la moyenne de l’échantillon, ce qui correspond à
59,2% des réponses. Cet effet d’interaction est représenté sur la Figure 6. En s’intéressant
aux deux pentes correspondant aux valeurs pour lesquelles l’interaction est significative
(SEP = -.94 et SEP = .05), nous constatons que lorsque la personne a un faible SEP lié à
son soi prescrit, plus il est éloigné de son soi non-prescrit (celui que les personnes
importantes pour lui pensent qu’il ne devrait pas être), plus son score de dépression est
bas (b = .71, t(394) = 2.25, p = .025), et inversement. De plus, il n’y a pas d’effet
modérateur du SEP sur le lien entre l’écart avec le soi non-prescrit et la détresse associée
quand l’individu a un score supérieur à 0.67 unité au-dessus de la moyenne : il ne faut
donc pas tenir compte de la 3e pente (résultats Johnson-Neyman : valeur de Snp_SEP =
2.05, b = .009, t(396) = .15, p = .874).
En conclusion, notre quatrième hypothèse n’est que faiblement supportée par les
analyses. Les limites par rapport à cette hypothèse et les hypothèses précédentes seront
abordées dans la discussion. Cependant, notre hypothèse ne concernait que l’effet
d’interaction des items mesurant le SEP et nous n’avions pas envisagé d’utiliser les scores
de SEP comme prédicteurs uniques. Ainsi, en regardant indépendamment dans les
différents modèles réalisés quels prédicteurs étaient significatifs, nous constatons que les
scores de SEP et l’étendue des écarts prédisent significativement la détresse ressentie par
rapport à chaque écart respectivement. Ceci semble vouloir dire que la détresse dépend
effectivement de l’étendue de l’écart et de la perception des personnes à faire évoluer la
situation positivement, mais qu’il n’y aurait pas d’effet d’interaction entre les deux sauf
dans le cas du soi non prescrit.
Un item mesurant le conflit perçu entre le soi idéal et le soi prescrit de la personne a
été ajouté au questionnaire de l’échelle des écarts entre les sois. Le but était d’investiguer
la relation de ce concept avec la dépression et l’anxiété. En effet, intuitivement, c’est une
question qui peut être posée en entretien clinique : une personne qui est partagée entre se
rapprocher de son propre idéal ou se rapprocher de ce que les autres pensent qu’il devrait
être en souffrira davantage que quelqu’un chez qui le soi idéal et le soi prescrit sont
conciliables.
Dans un premier temps, une matrice de corrélations a été réalisée (voir Tableau 13).
Toutes les corrélations sont significatives sauf celle avec l’écart avec le soi non désiré (p
= .19). Toutes les corrélations sont dans les directions attendues 24 : des corrélations
positives avec les écarts avec le soi idéal et le soi prescrit, les scores de détresse associés
aux écarts, et les scores de dépression, d’anxiété, et d’inflexibilité psychologique ; et des
corrélations négatives avec les écarts avec le soi non-désiré et le soi non-prescrit ainsi
qu’avec les SEP par rapport à chaque écart. Ces scores de corrélations sont cependant
faibles, se situant entre .111 et .314.
24
Le score à l’item mesurant l’opposition perçue entre le soi idéal et le soi prescrit a été inversé afin qu’une
opposition perçue plus grande soit associée à des scores plus élevés à cet item.
54
Tableau 12. Corrélations entre l'indice de l'opposition perçue entre le soi idéal et le soi
prescrit et les indices du questionnaire d'écarts entre les sois, la dépression, l'anxiété, et
l'inflexibilité psychologique (N = 408).
Si Snd Sp Snp Si_SEP Snd_SEP Sp_SEP Snp_SEP
Opposition perçue entre le
.129** -.064 .277** -.144** -.186** -.202** -.314** -.240**
soi idéal et le soi prescrit
Dans un deuxième temps, des régressions linéaires multiples ont été réalisées en
estimant d’abord un premier modèle prenant en compte tous les indices d’écarts entre les
sois (écart, détresse et SEP), puis un second modèle en ajoutant dans un deuxième bloc
par la méthode ENTER le score d’opposition perçue, et enfin un troisième modèle où le
score d’inflexibilité psychologique était ajouté dans un troisième bloc de la même
manière. Enfin, ces analyses ont été réalisées pour chaque variable dépendante.
Dans le Tableau 14, les résultats résumant chaque modèle sont repris. Autant pour la
dépression que pour l’anxiété, l’ajout de l’opposition perçue comme VI amène à un
changement significatif de la variance expliquée par le modèle, ajoutant respectivement
1.9% (p < .001) et 1.2% (p = .01) de variance expliquée. Dans le troisième modèle,
lorsque le score d’inflexibilité psychologique était ajouté, le modèle expliquait 17,9% de
variance en plus pour la dépression (p < .001) et 18,1% (p < .001) de variance en plus
pour l’anxiété.
55
Tableau 13. Résultats des analyses de régressions multiples où l'opposition perçue était
ajoutée dans un 2e modèle, et l'inflexibilité psychologique dans le 3e modèle.
R² ∆R² ∆F p
VD = CESD
Modèle 1 .392 .392 21.132 < .001
Modèle 2 .411 .019 12.899 < .001
Modèle 3 .590 .179 170.568 < .001
VD = GAD-7
Modèle 1 .283 .283 12.992 < .001
Modèle 2 .295 .012 6.443 .012
Modèle 3 .476 .181 135.595 < .001
Note. Modèle 1 : SEP lié à l'écart avec le soi non prescrit, Ecart avec le soi prescrit, Ecart avec le soi non-
désiré, Détresse liée à l'écart avec le soi idéal, SEP lié à l'écart avec le soi idéal, Détresse liée à l'écart avec
le soi non-désiré, Ecart avec le soi non prescrit, Détresse liée à l'écart avec le soi non prescrit, SEP lié à
l'écart avec le soi prescrit, Ecart avec le soi idéal, Détresse liée à l'écart avec le soi prescrit, SEP lié à l'écart
avec le soi non-désiré. Modèle 2 : ajout du score d'opposition perçue entre le soi idéal et le soi prescrit.
Modèle 3 : ajout du score d'Inflexibilité Psychologique.
Les coefficients de régressions pour les trois modèles sont repris dans le Tableau 15.
Concernant la dépression, dans le modèle 2, seuls la détresse liée au soi idéal (p < .001),
le SEP par rapport au soi non-prescrit (p = .031), et l’opposition perçue entre le soi idéal
et le soi prescrit (p < .001) étaient significatifs. Lorsque l’inflexibilité psychologique était
ajoutée au modèle, seuls la détresse liée au soi idéal et le score d’inflexibilité
psychologique étaient des prédicteurs significatifs de la dépression (p < .001). Concernant
l’anxiété, dans le modèle 2, la détresse liée au soi idéal (p < .001), la détresse liée au soi
prescrit (p = .025), le SEP par rapport au soi prescrit (p = .039), l’écart avec le soi non-
prescrit (p = .032), et l’opposition perçue entre le soi idéal et le soi prescrit (p = .012) sont
significatifs. Enfin, dans le troisième modèle, seuls la détresse liée au soi idéal (p < .001),
le SEP lié au soi idéal (p = .042), et l’inflexibilité psychologique (p < .001), prédisent de
manière significative l’anxiété.
D’après ces analyses, nous pouvons donc conclure que l’item mesurant l’opposition
perçue entre le soi idéal et le soi prescrit qui a été ajouté au questionnaire permet
d’expliquer de manière significative une petite portion supplémentaire de la variance de
la dépression et de l’anxiété, par rapport aux autres indices du questionnaire des échelles
des écarts entre les sois. Cependant, une fois le score d’inflexibilité psychologique pris
en compte, seuls la détresse liée au soi idéal et l’inflexibilité psychologique prédisent à la
fois de manière significative la dépression et l’anxiété. Enfin, dans le 3e modèle prédisant
l’anxiété, le sentiment d’efficacité personnelle par rapport à l’écart avec le soi idéal
devient significatif (p = .042).
56
Note. La légende des indices peut être retrouvée dans la légende du Tableau 3.
57
DISCUSSION
Les questions de recherche étaient nombreuses. Tout d’abord, nous avons cherché à
investiguer le rôle des self-guides « négatifs » (le soi non-désiré et le soi non-prescrit)
dans l’échelle des écarts entre les sois. Le but était d’investiguer leur influence en
comparaison à celle des self-guides « positifs » (le soi idéal et le soi prescrit). Ensuite, la
flexibilité psychologique a été envisagée comme modérateur et comme médiateur de
l’effet des écarts entre les sois sur la dépression et l’anxiété. De plus, quatre items ajoutés
au questionnaire ont permis d’investiguer le rôle du sentiment d’efficacité personnelle par
rapport à chaque écart entre les sois et de le comparer à l’impact des autres indices. Enfin,
à titre exploratoire, nous avons ajouté un item mesurant l’opposition perçue entre le soi
idéal et le soi prescrit des participants. Outre l’écart avec les self-guides, nous voulions
nous intéresser à l’impact de contradictions dans le contenu de ceux-ci sur la santé
mentale des individus. Voyons maintenant comment ces questions ont été adressées et si
des réponses ont été trouvées.
d’efficacité personnelle, par rapport à chaque self-guide à savoir : le soi idéal, le soi
prescrit, le soi non-désiré et le soi non-prescrit.
Un seul facteur toutefois se distingue du lot : celui regroupant les indices liés au soi
idéal et les indices de détresse par rapport à chaque écart. Celui-ci explique la plus grande
part de variance comparativement aux autres facteurs. De plus, à travers toutes les
analyses réalisées pour ce mémoire, la détresse par rapport au soi idéal était le seul
prédicteur (parmi les différents self-guides) qui était associée de manière significative et
systématique aux scores de dépression et d’anxiété. Comment interpréter ces résultats ?
Cette étude n’est que la deuxième à prendre en compte ces quatre self-guides
différents et la première à prendre en compte des indices de détresse par rapport à ceux-
ci. De ce fait, à notre connaissance, il est impossible de comparer en détail nos résultats
avec d’autres études. Ceci ne facilite pas l’interprétation de l’effet différentiel des écarts
et de la détresse liés au soi prescrit et au soi non-prescrit (et le soi non-désiré dans une
moindre mesure). Des limites seront abordées dans une section ultérieure.
59
Afin de compléter cette interprétation et afin d’adresser les différents résultats pour
les sois idéal/non-désiré et les sois prescrit/non-prescrit, il est possible de transposer ce
raisonnement. Une explication plausible des effets différents du soi idéal et du soi prescrit
(e. g., la détresse liée au soi idéal est associée de manière significative à la dépression au-
delà de l’effet de la détresse liée au soi prescrit) serait donc que nous recevons davantage
de compliments, d’encouragements et de félicitations pour nos succès (lorsque nous
sommes proches de notre soi idéal). En revanche, nous en recevrions en général moins
lorsque nous sommes proches de notre soi prescrit (peut-être parce que les individus
prendraient pour acquis qu’il est normal que vous soyez à la hauteur de vos obligations)26.
Enfin, cette explication peut également être soutenue par le postulat initial de la théorie
des écarts entre les sois d’Higgins (1987) : (a) le soi idéal correspondrait plutôt à des buts
25
Pour toute cette partie, je n’ai pas réussi à trouver de recherches qui avaient étudié la proportion générale
de critiques versus compliments faites par les individus, ni de recherches par rapport aux autres hypothèses
avancées. Peut-être que cela a été étudié en psychologie sociale. Ou peut-être que si je n’ai pas trouvé de
recherches, c’est tout simplement parce que chacun prend cette vérité pour acquise puisqu’on la vit tous les
jours. Ce seraient donc des hypothèses intéressantes à étudier dans le futur.
26
Ceci n’est qu’une hypothèse qui a ses limites. En effet, lorsque nous sommes proches de notre soi idéal,
nous pourrions être valorisés par des personnes importantes pour nous mais aussi par des personnes autres
que des proches. Cependant, il est aussi possible que notre entourage direct nous félicite davantage si on
est proche de leur idéal (le soi prescrit). Enfin, le soi idéal et le soi prescrit peuvent être communs sur
certains points. Le soi prescrit « nourrirait » alors le soi idéal. Cette vision est abordée dans le paragraphe
suivant.
60
d’approche (bénéficier de conséquences positives telles que la valorisation par les pairs) ;
(b) et le soi prescrit correspondrait plutôt à des buts d’évitement (éviter des conséquences
négatives du fait de ne pas répondre aux obligations envers des personnes importantes
pour nous). Le soi non-désiré et le soi non-prescrit viendraient compléter cette
conceptualisation puisque les individus ont également conscience de ce qu’ils ne veulent
pas être et de qui ils ne devraient pas être d’après les personnes importantes pour eux.
Cependant, pourquoi le soi idéal semble-t-il être le self-guide le plus lié à notre santé
mentale ? Il est possible que les individus, fondamentalement, aient besoin de se sentir
bien à propos d’eux-mêmes (i. e., à avoir une estime de soi positive). Une des façons dont
ils évalueraient s’ils se sentent bien à propos d’eux-mêmes serait de se comparer à leurs
différents self-guides : « Où est-ce que je me trouve par rapport à comment je veux être
ou ne pas être ; par rapport à ce que les personnes importantes pour moi pensent que je
devrais être ou ne pas être ? ». Ainsi, face au constat que les autres indices de détresse se
retrouvent sur le même facteur que les indices liés au soi idéal, une explication possible
est que, dans un monde idéal, les individus aimeraient répondre à la fois (a) à leurs propres
désirs et à la fois (b) aux obligations des autres27. Dans mon « soi idéal », je serais à la
fois proche de comment j’aimerais être, de comment, par exemple, mes parents pensent
que je devrais être, et à la fois éloigné de ce que je ne veux pas être, de ce que mes parents
pensent que je ne devrais pas être. Par conséquent, la détresse liée aux autres écarts serait
un indicateur supplémentaire pour le soi idéal et pourrait nourrir la détresse liée à celui-
ci. Autrement dit, le soi idéal pourrait être le plus important parce qu’il est en fait à la fois
nourri par ce que la personne valorise (ce qu’elle pense qui vient d’elle et pas des autres)
et par ce que les autres valorisent (ce qu’elle pense qui vient des autres). Tandis que les
écarts avec ce qui est prescrit et non-prescrit précisent qu’il s’agit de ce qui vient des
autres seulement. Or, la personne peut parfois trouver valorisant de se détacher de ce que
les autres pensent. Le contraire est souvent faux : il est rare de valoriser le fait de
s’éloigner de ce qu’on pense et valorise (sauf par disconfirmation d’hypothèse). Dès lors,
nous passerions notre vie à concilier et balancer nos propres espérances pour nous-mêmes
et les obligations envers nos proches, familles et amis28.
27
Bien sûr, des différences individuelles existeraient.
28
…Tels des funambules se balançant avec une perche sur un fil étroit. Imaginez ce même funambule
comme ayant les yeux bandés et vous auriez une belle métaphore de l’humanité (dans mon humble
opinion) : on ne sait pas trop où l’on va et nous n’arrivons que difficilement à voir plus loin que le bout de
notre nez, mais nous avançons, inexorablement, vers un futur qu’on a du mal à appréhender.
61
Ces interprétations se basent sur les résultats présents mais également sur les résultats
de recherches antérieures. Plus spécifiquement, comme abordé dans la partie théorique,
de nombreux chercheurs ont investigué la fonction de l’estime de soi et, même plus
fondamentalement, la fonction d’avoir un « soi ». Si nous avons des émotions, c’est pour
plusieurs raisons (Lench, 2018; Lench & Carpenter, 2018). Si nous marchons debout et
non à quatre pattes, c’est pour plusieurs raisons (R. Gray, 2016). Et si nous avons un soi,
c’est parce qu’il remplit une fonction également : une fonction sociale. En effet, les
différentes théories cherchant à expliquer la fonction du soi trouvent toutes leurs racines
dans des considérations d’ordre social (Gebauer et al., 2015; Leary, 2004). Que ce soit
pour des raisons d’adhésion aux normes culturelles, pour des raisons d’appartenance
interpersonnelle (« belonging »), ou pour des raisons de vouloir s’élever
hiérarchiquement dans le monde social, l’estime de soi a une implication sociale sur
laquelle il semble y avoir un consensus (pour une revue, voir Gebauer et al., 2015). Elle
semble servir de jauge d’indication qui permet à la fois le suivi de notre statut social et à
la fois le statut de notre inclusion sociale (Gebauer et al., 2015; Mahadevan, Gregg, &
Sedikides, 2018). Partant de ces constations, il n’est pas surprenant que les écarts entre
les sois corrèlent fortement avec l’estime de soi (Endo, 1992; Phillips, Silvia, & Paradise,
2007)29.
Ensuite, bien que la détresse liée au soi idéal semble ressortir de nos analyses comme
étant le prédicteur le plus robuste, le soi non-prescrit et le soi prescrit étaient aussi des
prédicteurs significatifs à plusieurs reprises. Dans les analyses de régressions linéaires
multiples de l’hypothèse 1, la détresse liée au soi non-prescrit était significativement
associée à la dépression. Dans les analyses de modération (hypothèse 2), nos résultats
indiquaient un effet de modération de l’inflexibilité psychologique sur le lien entre trois
self-guides (soi idéal, soi prescrit, soi non-désiré) et leurs détresses respectives à
l’exception du soi non-prescrit avec lequel l’effet d’interaction était non significatif. Dans
les analyses de médiation (hypothèse 3), quatre prédicteurs influençaient la dépression de
manière indirecte à travers leur impact sur l’inflexibilité psychologique : l’écart avec le
soi idéal, l’écart avec le soi non-prescrit, la détresse liée au soi idéal et la détresse liée au
soi prescrit. Enfin, dans les analyses de modération du sentiment d’efficacité personnelle
par rapport à chaque écart (hypothèse 4), seuls des effets de modération sur le lien entre
écart et détresse liés au soi non-prescrit et sur le lien entre écart avec le soi prescrit et
dépression ont été trouvés (lorsqu’on contrôlait pour l’effet des autres variables).
29
Voir Annexe G pour un complément d’informations.
62
Le soi idéal semblerait jouer un rôle important au-delà de l’effet des autres self-
guides. Malgré tout, la littérature montre que de plus grands écarts entre les sois ne sont
pas de facto associés à plus de conséquences négatives. C’est ce qui avait amené Higgins
(1999) à conclure que les écarts entre les sois avaient effectivement un effet et qu’il était
important désormais de chercher les éléments qui pourraient venir influencer l’apparition
de ces effets. C’est donc dans l’optique de contribuer à savoir quand ces effets
apparaissent que la flexibilité psychologique a été incluse dans cette étude. Le second
objectif était donc d’éventuellement contribuer à un corpus croissant de recherches
démontrant le rôle de la flexibilité psychologique (en tant que processus psychologique)
dans la santé des individus.
LA FLEXIBILITÉ PSYCHOLOGIQUE
Les écarts entre les sois n’avaient jamais été étudiés à la lumière de la flexibilité
psychologique (FP) jusqu’à présent. Étant donné l’état de la littérature concernant cette
dernière, nous avions fait l’hypothèse que la FP allait modérer l’effet des écarts entre les
sois mais qu’il ne pouvait être exclu qu’elle puisse également expliquer en partie l’effet
des écarts entre le sois. Nous avions donc fait l’hypothèse que la FP serait un médiateur
de la relation entre les différents indices d’écarts entre les sois et les scores de dépression
et d’anxiété. Ces hypothèses ont été partiellement confirmées.
30
Malheureusement, tester en même temps ces deux effets dans une seule analyse dépasse mes compétences
en statistiques dans le cadre de ce mémoire.
63
Cette hypothèse n’a pas été confirmée. Parmi les douze effets d’interactions qui ont
été étudiés, seuls deux se sont avérés significatifs. Lorsqu’ils l’étaient, ils ajoutaient
qu’une portion de variance expliquée minime (1% et 0,6%) dans les modèles où tous les
autres indices d’écarts entre les sois et l’inflexibilité psychologique étaient inclus comme
covariables. Il y avait un effet d’interaction entre le soi prescrit et le SEP lié au soi prescrit
avec la dépression comme variable dépendante, et un effet d’interaction entre le soi non-
prescrit et le SEP lié à cet écart avec la détresse par rapport au soi non-prescrit comme
variable dépendante. À partir de ces données, nous ne pouvons donc pas conclure de
manière robuste que des effets d’interactions entre le SEP et l’étendue des écarts entre les
sois expliquent davantage l’impact de ceux-ci par rapport aux autres variables prises en
compte (à savoir les écarts par rapport à chaque self-guide, la détresse par rapport à
chaque écart, et l’inflexibilité psychologique).
Malgré tout, des résultats intéressants sont ressortis des modèles de modération, bien
que les effets d’interactions étaient pour la majorité non-significatifs. Ce sont des résultats
qui ont été constatés a posteriori car ils ne faisaient pas partie des hypothèses formulées.
En effet, la détresse ressentie par les individus semble à la fois dépendre de l’étendue des
écarts avec leurs self-guides (soi idéal, soi prescrit, soi non-désiré et soi non-prescrit) et
de leur sentiment d’efficacité personnelle, c’est-à-dire le sentiment que les personnes ont
d’être capable (ou non) de se rapprocher de leur soi idéal et de leur soi prescrit, et de
s’éloigner de leur soi non-désiré et leur soi non-prescrit.
Pourquoi n’y avait-il aucune association significative entre les indices de SEP avec
la dépression ou l’anxiété lorsque toutes les autres variables étaient contrôlées ? Il se
pourrait que cela soit parce la FP était incluse dans ces modèles. En effet, lors des analyses
exploratoires, dans le troisième modèle prédisant la dépression et l’anxiété, la FP était
significativement associée à la dépression et l’anxiété et il n’y avait aucun effet
significatif des indices de SEP. En revanche, dans le deuxième modèle prédisant la
dépression, lorsque la FP n’était pas incluse, l’effet du SEP par rapport au soi non-prescrit
était significatif. Dans le deuxième modèle prédisant l’anxiété, l’effet du SEP par rapport
au soi prescrit était significatif. Bien qu’il y ait peu de recherches ayant étudié directement
la relation entre le SEP et la FP, celles qui l’ont fait montraient à chaque fois que les deux
concepts étaient corrélés (Rizzo, 2013; Wei, Tsai, Lannin, Du, & Tucker, 2015). De plus,
Ruiz (2014) a trouvé que la flexibilité psychologique médiait entièrement l’effet du
sentiment d’efficacité personnelle sur les préoccupations pathologiques. Il est donc
plausible que si aucun effet indépendant ni d’effet d’interaction des scores de SEP par
65
rapport à chaque écart sur la dépression et l’anxiété n’ont été constaté, c’est parce que la
flexibilité psychologique était une covariable dans chaque modèle. Elle serait donc
associée plus fortement que les indices de SEP à la dépression et l’anxiété. Cependant, il
faut rester prudent. Des recherches ultérieures sont nécessaires afin d’investiguer plus en
détail la relation entre le SEP et l’inflexibilité psychologique et leurs liens avec la santé
mentale et le bien-être des individus.
31
Il aurait été intéressant de faire des analyses a posteriori de modération et de médiation par l’inflexibilité
psychologique de l’effet de l’opposition entre le soi idéal et le soi prescrit.
66
étudiant plus spécifiquement le conflit entre les buts d’une personne – des conflits entre
les buts étant associés négativement avec le bien-être psychologique (J. S. Gray et al.,
2017). De plus, cet item ajouté au questionnaire permet de donner une information
supplémentaire et potentiellement intéressante au psychologue clinicien qui utiliserait ce
questionnaire en thérapie. Imaginons que la personne rapporte avoir de grands écarts à la
fois entre son soi idéal et son soi prescrit, et qu’elle rapporte en même temps qu’il y a un
conflit important entre ceux-ci, cela donnerait au psychologue une piste à explorer, une
porte d’entrée sur des conflits que le patient peut vivre, mais dont il n’aurait peut-être pas
directement été question sans cet item. Si nécessaire, le psychologue clinicien pourrait
alors travailler sur le conflit perçu entre le soi idéal et le soi prescrit de manière prioritaire,
avant d’aborder les écarts par rapport aux self-guides.
L IMITES
Il y a plusieurs limites à ce mémoire. Premièrement, la plus importante, est qu’il
s’agisse d’une étude transversale. Les conclusions de ce mémoire sont donc limitées
puisque toute inférence de causalité n’est que purement théorique et ne peut être
vérifiée. De plus, l’échantillon est composé de personnes tout-venant recrutées à l’aide
des réseaux sociaux. Cet échantillon n’est pas non plus comparé à un échantillon
clinique. Nous ne savons donc pas si les résultats observés peuvent être généralisés à
une population clinique.
Deuxièmement, il est nécessaire d’être conscient que les items ajoutés mesurant le
SEP et l’opposition perçue peuvent être insuffisants pour mesurer les construits visés,
posant un problème de validité de ces mesures. En effet, bien que les items concernant le
SEP demandent à la personne d’évaluer sa capacité à faire évoluer la situation
positivement (par rapport à chaque écart), il est impossible de savoir ce que la personne
prend en compte dans cette évaluation : se basent-t-elle sur ses expériences passées ? ;
sur son humeur au moment de réaliser le questionnaire ? ; sur l’évolution actuelle de sa
situation ? Par exemple, il se pourrait qu’une personne étant dans une période plus
dépressive évalue de manière biaisée sa capacité à faire évoluer positivement la situation
et que ceci entretienne les symptômes dépressifs mais n’en sont pas à l’origine. Ajouter
des items permettrait de rendre la mesure plus précise, au détriment d’allonger un
questionnaire qui prend déjà un temps considérable à remplir (voir feedback des
participants dans l’Annexe F). Enfin, concernant l’opposition perçue, il est également
difficile de savoir ce sur quoi se base les personnes lorsqu’ils répondent à cet item : font-
67
ils une évaluation globale de ce qu’ils veulent devenir et de ce qu’ils devraient être selon
toutes les personnes importantes à leurs yeux ? Ou prennent-ils uniquement une personne
importante à leurs yeux en considération ?
Quatrièmement, l’échelle des écarts entre les sois n’est pas une mesure écologique,
une critique qui peut être faite à de nombreux questionnaires. En effet, l’effet des écarts
entre les sois dépend à la fois de leur disponibilité (existent-ils des écarts « réels » entre
comment la personne se conçoit et son soi idéal par exemple ?) et de leur accessibilité.
Ce questionnaire rendrait accessibles ces différents écarts et mesurerait l’effet de ceux-ci
par rapport aux réponses ainsi données. Il est donc impossible de savoir si les résultats
observés sont liés à la disponibilité ou à l’accessibilité des écarts entre les sois et il est
également impossible de savoir à quel point ces différents écarts entre les sois sont
accessibles à la personne dans son quotidien.32
32
Je me questionne aussi sur l’idée de proposer à l’avance une liste avec des caractéristiques. Cela simplifie
le travail cognitif mais cela pourrait également orienter la personne (qui choisirait la facilité par économie
de ressources cognitives) alors qu’elle aurait peut-être spontanément invoqué d’autres valeurs.
68
vie plus bas. De plus, cette mesure quotidienne était un prédicteur plus puissant que le
questionnaire de flexibilité psychologique, l’AAQ-II.
Cinquièmement, une dernière limite importante est que nous n’envisagions que les
conséquences négatives potentielles des écarts entre les sois. De la manière dont ce
mémoire a été construit, nous ne pouvions que trouver une relation entre d’une part
l’étendue et la détresse des écarts et d’autre part la dépression et l’anxiété. Ceci est une
conséquence de la question que nous nous sommes posé : est-ce qu’avoir des écarts
importants avec des self-guides positifs (soi idéal et soi prescrit) ou être proche de self-
guides négatifs (soi non-désiré et soi non-prescrit) engendrait des conséquences
négatives ? En revanche, nous ne nous étions pas posé la question de savoir si le fait
d’avoir un écart avec le soi idéal ou le soi prescrit ou si le fait d’être proche de son soi
non-désiré, ou de son soi non-prescrit, pouvait avoir des conséquences positives. En effet,
peut-être qu’avoir un écart entre son soi actuel et son soi idéal peut être motivant pour un
individu en même temps que d’être une potentielle source de stress. Et peut-être qu’il est
nécessaire qu’une personne se rende compte qu’elle est proche de son soi non-désiré pour
qu’elle mette en place des stratégies qui vont lui permettre de s’en éloigner. De plus,
Trompetter, Lamers, Westerhof, Fledderus, et Bohlemijer (2017) ont montré dans leur
étude que suite à une intervention ACT les améliorations dans la santé mentale positive
des individus étaient indépendantes de la diminution de leurs symptômes
psychopathologiques (tels que mesurés avec des questionnaires de dépression et
d’anxiété). Ainsi, dans les prochaines études, il faudrait à la fois prendre des mesures de
la santé mentale positive des individus (donc leur niveau de bien-être émotionnel, leur
fonctionnement social, sociétal et psychologique ; Trompetter et al., 2017) et à la fois
évaluer la présence de psychopathologies.
33
Je n’ai pas réussi à retrouver la source exacte de cette citation. Il se peut qu’elle soit une paraphrase des
travaux de Thomas Kuhn. On retrouve par exemple cet extrait dans son livre « The Structure of Scientific
Revolution » : « […] they discover that additional research makes it harder, not easier, to answer questions
[…]. Increasingly, a few of them suspect that these are simply the wrong sorts of questions to ask » (Kuhn,
1996, p. 2).
69
Enfin, en fonction de comment les personnes conçoivent leurs self-guides, les effets
pourraient aussi différer. Les écarts entre les sois, mesurés à travers l’échelle des écarts
entre les sois, sont définis par des adjectifs qui peuvent correspondre à des valeurs. Ces
adjectifs (e. g., « doux », « respectueux », « cultivé », « aimant », « énergique ») se
rapprochent de la conceptualisation de « valeurs ». En effet, Schwartz et Bilsky (1987)
considéraient les valeurs comme étant la conception d’un individu d’un but (terminal ou
instrumental) qui expriment des intérêts (individualistes ou collectivistes ou les deux) liés
à un domaine motivationnel (e. g., plaisir, pouvoir) et qui est évalué sur une échelle
d’importance (pas du tout important à très important) comme principe directeur dans sa
vie. La définition du concept de valeur en Thérapie d’Acceptation et d’Engagement est
similaire à celle de Schwartz. Elle est similaire à l’exception près qu’elle ne considère pas
les valeurs comme étant un but final à atteindre mais comme des principes de vie
directeurs généraux, chaque but final pouvant être rattaché à une valeur plus générale
propre à la personne (comme le but final de gagner assez d’argent peut-être une façon de
vivre selon notre valeur de pouvoir prendre soin des personnes importantes à nos yeux)
(Fletcher & Hayes, 2005; S. C. Hayes et al., 1999).
En conséquence, si le questionnaire des écarts entre les sois mesure en quelque sorte
les valeurs des personnes puisqu’il leur demande de citer des adjectifs généraux, une
mesure des écarts entre les sois avec une meilleure validité écologique pourrait être créée.
Par exemple, à travers cette mesure, la personne commencerait par remplir les
caractéristiques pour chaque self-guide (soi idéal, soi prescrit, soi non-désiré, soi non-
prescrit) à un temps 1. Ensuite, elle utiliserait un journal où chaque jour (ou chaque
semaine), elle indiquerait à quel point elle a « agi en étant… [insérer ses caractéristiques
choisies] ». Ceci pourrait potentiellement être une mesure plus complète puisqu’elle
permettrait littéralement d’évaluer (de manière autorapportée, certes) à quel point les
personnes vivent selon leurs valeurs propres. De plus, cela enlèverait aux participants le
défi mental d’essayer de se représenter l’écart qu’il y a entre leur soi actuel et leurs
différents self-guides – qui est un exercice mental qui peut se révéler assez abstrait. En
effet, les personnes rapporteraient directement au jour le jour, de manière plus concrète,
à quel point ils ont agi selon certaines caractéristiques, en utilisant comme caractéristiques
celles qu’ils ont eux-mêmes choisies par rapport à chaque self-guide.
70
Dans le cadre de recherches futures, il serait intéressant d’adresser toutes les limites.
Par exemple, il est nécessaire d’une part de répliquer cette étude à travers différentes
populations cliniques et non cliniques, et avec différents temps de mesure afin de pouvoir
établir une relation de cause à effet34. D’autre part et comme discuté dans la section
précédente, il serait intéressant de varier les méthodes de mesure en utilisant également
des mesures autorapportées quotidiennes, que cela soit par rapport aux écarts entre les
sois (et en particulier le soi idéal) ou que cela soit par rapport à la flexibilité
psychologique. Il serait également intéressant d’étudier l’échelle d’écarts entre les sois et
la flexibilité psychologique dans des études cliniques comprenant un groupe
d’intervention et un groupe contrôle. Cela permettrait de savoir si le type de thérapie qui
serait utilisé amène à un changement dans l’étendue ou l’effet des écarts entre les sois des
individus, si ce changement est associé à une diminution des conséquences négatives
et/ou une augmentation des conséquences positives suite à la prise en charge, et si ce
changement est médié par la FP.
34
Une possibilité, considérée dans le cadre de ce mémoire, est de réaliser une étude de « suivi » de celui-
ci. En effet, environ 200 participants ont laissé leurs adresses mails afin d’être tenus au courant des résultats
de ce mémoire. Il est donc possible via Qualtrics de recontacter ces participants et de leur demander s’ils
accepteraient de repasser un nouveau questionnaire. S’ils acceptent, les résultats de ce mémoire leur seront
communiqué après avoir rempli le questionnaire afin d’éviter des biais. Le cas échant, s’ils ne désirent pas
repasser ce nouveau questionnaire, les résultats de ce mémoire leurs seront directement fournis.
71
mêmes35. Certains trouvaient que c’était rassurant (qu’ils s’en sortaient mieux qu’ils ne
le pensaient) tandis que, pour d’autres, c’était confrontant. Ainsi, outre les informations
utiles au thérapeute qu’apporte ce questionnaire, répondre à celui-ci peut être en lui-même
un exercice potentiellement thérapeutique.
C’est pourquoi il serait judicieux de créer un modèle plus complet et avec une visée
clinique qui permettrait à la fois des prédictions solides concernant l’impact de différents
self-guides sur la santé mentale des individus et à la fois de servir à améliorer la prise en
charge clinique ou d’amener à de nouvelles pistes thérapeutiques. Par ailleurs, il sera peut-
être nécessaire de prendre en considération les découvertes dans différents champs de la
35
Les participants pouvaient laisser un commentaire en fin de questionnaire (l’ensemble de ces
commentaires peuvent être retrouvés dans l’Annexe F).
72
psychologie, telles que la psychologie sociale, les études sur l’autorégulation et celles
prenant en compte la mémoire autobiographique (pour une revue de la relation entre
mémoire autobiographique et dépression, voir Wilson & Gregory, 2018; pour une revue
de l’effet de l’entrainement par neurofeedback sur la dépression majeure, voir Young et
al., 2018). Idéalement, un tel modèle devrait permettre de prendre également en compte
l’impact que la dépression et l’anxiété peuvent avoir sur les écarts entre les sois (comme
discuté dans Hardin & Leong, 2005) et l’existence de variables modératrices et
médiatrices telle que l’inflexibilité psychologique.
CONCLUSION GÉNÉRALE
Ce mémoire a permis d’une part de démontrer le rôle de l’inflexibilité psychologique
en relation aux différents self-guides et leur impact sur la santé mentale des individus.
D’autre part, ce mémoire a permis de faire avancer l’implication de différents self-guides
dans la dépression et l’anxiété – le soi idéal ressortant comme étant le self-guide avec
l’association la plus forte avec la dépression et l’anxiété. Ainsi, parmi les indices d’écarts
entre les sois, seule la détresse par rapport au soi idéal était associée de manière
systématique et significative à la dépression et l’anxiété. En comparaison, l’impact des
autres self-guides semble plus faible mais pas nul. Des effets différents ont surtout été
constatés pour le soi non-prescrit et le soi prescrit, mais davantage de recherches prenant
en compte la même distinction seront nécessaires.
Toutefois, nous avons vu que ce mémoire n’est pas exempt de limites et plusieurs ont
été abordées. Certaines améliorations ont été suggérées, comme utiliser une mesure par
« journal intime quotidien » pour évaluer les écarts entre les sois et la flexibilité
psychologique. De plus, la théorie initiale des écarts entre les sois a été remise en question
et la nécessité d’un modèle plus complet a été mis en exergue. Enfin, bien que ce mémoire
soit une étude uniquement transversale, il permet de considérer l’effet bénéfique que
pourraient avoir des thérapies promouvant la flexibilité psychologique sur les aspects
identitaires et leur impact sur la santé mentale.
Pour conclure et terminer sur une note générale, il semble que la psychologie soit à
une période charnière de son histoire. En effet, nous nous éloignons petit à petit des
thérapies visant des troubles spécifiques au profit de l’intérêt croissant pour des thérapies
basées sur les processus (Hofmann & Hayes, 2018). Dans ce cadre-là, la flexibilité
psychologique est un processus qui s’annonce prometteur. Quant aux écarts entre les sois,
il s’agira de trouver quel(s) processus sous-tend(ent) ces aspects identitaires et comment
ils interagissent avec d’autres processus. La flexibilité psychologique et les écarts entre
les sois survivront-ils à l’évolution de la psychologie et à son extension à d’autres champs
de recherches (neurologique, biologique, génétique…) ? Seul l’avenir nous le dira.
74
75
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