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MÉDECINE DE LA DOULEUR

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Chapitre 1

Physiologie
et physiopathologie
de la douleur
Daniel Le Bars et Léon Plaghki

Un système sensoriel se définit comme un ensemble de neurones capa-


bles d’analyser un stimulus au travers de quatre attributs élémentaires :
les qualités (p. ex. la brillance ou la couleur dans la vision), l’intensité,
la durée et la localisation. Ces attributs se combinent pour constituer une
sensation. Différentes formes d’énergie sont converties par le système
nerveux en sensations ou modalités sensorielles. On parle de perception
sensorielle lorsqu’une sensation s’intègre dans un processus cognitif à
l’origine d’une expérience subjective plus élaborée qui prend en compte
le contexte, l’histoire antérieure, les apprentissages, etc. En effet, toutes
les informations sensorielles ne sont pas nécessairement perçues : tel est le
cas de la plupart des informations utilisées pour contrôler les mouvements
(proprioception) et les grandes fonctions vitales (intéroception).
Au début du XXe siècle, Sherrington a développé le concept et intro-
duit le terme de nociception (du latin nocere, nuire). Les stimuli noci-
ceptifs ont en commun de menacer l’intégrité du corps et d’activer un
ensemble discret d’organes sensoriels, les nocicepteurs. La nociception
est considérée comme un système d’alarme qui protège l’organisme : elle
déclenche des réponses réflexes (somatiques et végétatives) et compor-
tementales dont la finalité est d’en supprimer la cause et par conséquent
d’en limiter les conséquences.
La douleur est plus qu’une expérience sensorielle discriminative
permettant de connaître l’intensité, la localisation, la durée d’un stimulus
nociceptif. Elle se caractérise en outre par un état émotionnel aversif qui
pousse à l’action (motivation). Cette émotion est une part fondamentale

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et indissociable de l’expérience de la douleur et non pas une réaction à


l’aspect sensoriel. De ce fait, la douleur est intrinsèquement « désa-
gréable » et possède d’énormes capacités de capter l’attention, d’inter-
férer avec toute activité en cours et de mobiliser les ressources et les
stratégies de défense d’un individu. Elle se distingue ainsi très nettement
des autres systèmes sensoriels.
On distingue trois types principaux de douleurs sur la base de leurs
mécanismes physiopathologiques : la douleur aiguë physiologique, la
douleur inflammatoire et la douleur neuropathique. Ce sont des états
différents de fonctionnement du système somesthésique qui sont à l’ori-
gine de ces types de douleurs. Les deux premiers sont souvent asso-
ciés, par exemple après une opération chirurgicale ; on les regroupe du
reste souvent sous le vocable de « douleur par excès de nociception ».
Les différents types de douleurs peuvent cependant coexister, générant
ainsi des douleurs dites mixtes souvent difficiles à diagnostiquer puis
à traiter. L’intrication des mécanismes est par exemple une caractéris-
tique des sciatalgies liées à une hernie discale. Pour être complet, on
doit mentionner les douleurs idiopathiques ou essentielles, d’étiolo-
gies inconnues ou obscures dont certaines, qui s’insèrent souvent dans
le contexte très particulier d’une pathologie psychiatrique, sont dites
psychogènes.
Pendant un épisode inflammatoire, le seuil de déclenchement de la
douleur est abaissé de telle sorte qu’un simple effleurement peut devenir
excessivement douloureux (allodynie) et qu’un stimulus douloureux
est perçu de manière plus intense (hyperalgésie). La douleur peut se
prolonger bien au-delà de la durée d’application du stimulus et même
survenir spontanément. En outre, cette hypersensibilité s’étend souvent
au-delà de la région lésée (« hyperalgésie secondaire »). Lorsque la
lésion guérit, le système de la douleur retourne cependant vers son état
de fonctionnement initial. La finalité biologique de ces transformations
est évidente : favoriser la guérison en ajustant les réactions et les compor-
tements – par exemple mettre la région lésée au repos et la protéger
(position dite « antalgique »).
Quant aux douleurs « neuropathiques », elles résultent d’une lésion ou
transformation pathologique des systèmes somesthésiques qui évoluent
sur un mode de fonctionnement anormal et inadapté. Il n’y a pas de
finalité biologique à ces douleurs persistantes. Bien que regroupées sous
un même terme parce qu’elles partagent des éléments sémiologiques
communs, les douleurs neuropathiques regroupent en réalité des entités
très variées sur le plan anatomoclinique, qu’elles soient d’origine péri-
phérique ou centrale, ces dernières résultant d’un accident vasculaire
cérébral, d’une sclérose en plaques, d’une syringomyélie, d’un tabès…

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PHYSIOLOGIE ET PHYSIOPATHOLOGIE DE LA DOULEUR 5

En bref, à l’instar des autres fonctions de l’organisme, le système


physiologique qui génère la douleur peut, lui aussi, être atteint par la
maladie. Lorsque l’on considère la douleur chronique qui peut durer
des mois, voire des années, l’effet protecteur physiologique est remplacé
par un processus pathologique qui n’est pas seulement inutile mais bien
souvent délétère. Des stimulations prolongées ou répétées provoquent
des modifications du système nerveux périphérique et central, altérant
ainsi le fonctionnement d’un ensemble de réseaux. Cette « plasticité »
neuronale joue un rôle majeur dans les douleurs chroniques.

PHYSIOLOGIE DE LA NOCICEPTION

MÉCANISMES PÉRIPHÉRIQUES

Nocicepteurs
À la différence de ce que l’on observe pour les autres fonctions somes-
thésiques, et d’une façon plus générale pour tous les autres systèmes senso-
riels, on ne peut caractériser, sur le plan structural, de récepteurs encap-
sulés spécialisés dans la détection des stimuli nociceptifs (figure 1-1).
Les messages nociceptifs sont générés au niveau des terminaisons libres
amyéliniques, constituant des arborisations plexiformes dans les tissus
cutanés, musculaires et articulaires. Les messages sont ensuite véhiculés
par des fibres Aδ (faiblement myélinisées) et des fibres C (amyéliniques)
qui, rassemblées au sein des nerfs, envoient leurs messages vers la moelle
épinière où s’effectue le premier relais. Rappelons que les afférences sont
constituées de trois grands groupes de fibres dont le corps cellulaire se
trouve dans les ganglions rachidiens et qui constituent les « neurones
primaires » (ou « afférences primaires »).
Le premier groupe est constitué des fibres Aβ qui possèdent une
importante gaine de myéline (diamètre : 6-20 μm), conduisent rapide-
ment l’influx nerveux (30-120 m/s), encodent et transmettent les infor-
mations tactiles et proprioceptives. Les deux autres groupes encodent et
transmettent les informations nociceptives et thermiques. Il s’agit des
fibres Aδ, peu myélinisées (diamètre : 1-5 μm) et conduisant l’influx
nerveux à une vitesse moyenne (4-30 m/s), et des fibres C, amyélini-
ques (diamètre : 0,3-1,5 μm) et conduisant lentement l’influx nerveux
(0,4-2 m/s).

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6 MÉDECINE DE LA DOULEUR

épiderme disques
de Merkel
corpuscule
de Meissner
terminaisons libres

derme récepteurs du
corpuscule
follicule pileux
de Ruffini

corpuscule
de Pacini

fibres fibres fibres


C Aδ Aβ

Figure 1-1 Les principaux récepteurs cutanés.


Les fibres C (non myélinisées) et Aδ (peu myélinisées), responsables des sensations
thermo-nociceptives, sont connectées à des terminaisons libres. Les fibres Aβ
(très myélinisées), responsables des sensations tactiles, sont connectées à des
récepteurs bien différenciés sur le plan histologique comme les corpuscules
de Meissner qui répondent aux faibles pressions appliquées sur la peau, les
corpuscules de Ruffini qui répondent aux vibrations de basse fréquence (50 Hz),
les disques de Merkel qui répondent aux indentations de la peau, les récepteurs
des follicules pileux dont il existe plusieurs types mais qui tous répondent aux
mouvements du follicule, et les corpuscules de Pacini qui répondent aux vibra-
tions de haute fréquence (300 Hz).

Chez l’homme, la stimulation sélective de ces fibres fines déclenche


une perception de douleur alors que la stimulation sélective des fibres Aβ
ne provoque qu’une sensation tactile. La latence de la douleur associée
à une volée afférente dans les fibres Aδ est courte (quelques centaines
de millisecondes) et elle est ressentie comme une piqûre brève et bien
localisée. Quant à la douleur déclenchée par une volée afférente dans les
fibres C, elle est plus tardive (de l’ordre de la seconde) et se présente sous
la forme d’une brûlure prolongée et diffuse. Le blocage de la transmis-
sion nerveuse par application d’un anesthésique local sur le nerf abolit
toutes ces sensations.

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PHYSIOLOGIE ET PHYSIOPATHOLOGIE DE LA DOULEUR 7

L’existence de deux catégories de fibres permet d’expliquer le phéno-


mène de double douleur déclenché par l’application d’un stimulus bref
mais intense. La première douleur, à type de piqûre, est bien localisée.
Elle apparaît rapidement après le stimulus (300 millisecondes environ
lorsque le revers de la main est stimulé) et correspond à l’activation de
nocicepteurs Aδ. La seconde, souvent à type de brûlure, survient plus
tardivement, 0,7 à 1,2 seconde environ après le stimulus. Elle est diffuse,
mal localisée, et correspond à l’activation des nocicepteurs C. Comme
le seuil d’activation des fibres Aδ est plus élevé que celui des fibres C,
ces deux groupes de fibres constituent un système d’alarme à « double
seuil » : quand le premier est atteint, le cerveau n’en est averti qu’assez
tardivement, mais le dépassement du second se traduit par la mise en
route d’un système d’avertissement plus rapide.
Les fibres C constituent 60 à 90 p. 100 de l’ensemble des fibres affé-
rentes cutanées et la quasi-totalité des fibres afférentes viscérales. Le
groupe le plus important en leur sein est sans conteste celui des noci-
cepteurs polymodaux qui répondent à des stimuli nociceptifs de diffé-
rentes natures (thermique, mécanique et chimique). Ils sont susceptibles
d’être sensibilisés : leur seuil est abaissé et leur réponse amplifiée, par
exemple lorsqu’un stimulus nociceptif est répété ou au cours de l’inflam-
mation (voir plus loin, Mécanismes physiopathologiques des douleurs
inflammatoires).
La peau compte en moyenne 600 terminaisons libres par centimètre
carré dont la répartition est relativement homogène, ce qui permet de
localiser sans difficulté aussi bien la douleur que les autres sensations
wsomesthésiques. Les muscles, les articulations et les viscères contiennent
des récepteurs polymodaux Aδ et C répondant aux stimulations mécani-
ques, thermiques et chimiques, mais leur caractère spécifiquement noci-
ceptif n’est pas démontré. En l’absence de phénomènes inflammatoires
modifiant la sensibilité des récepteurs, les viscères semblent insensibles
aux stimulations mécaniques ou thermiques, mais la douleur peut y être
déclenchée par traction ou distension (colique hépatique ou néphrétique...).
Comme lors de crampes musculaires, la douleur de l’angine de poitrine est
probablement déclenchée par l’ischémie qui libère des substances inflam-
matoires (voir plus loin, Mécanismes physiopathologiques des douleurs
inflammatoires). À la surface de l’arbre trachéobronchique et dans les
espaces interalvéolaires, il existe des récepteurs dont les caractéristiques
sont voisines de celles des nocicepteurs ; ils peuvent être activés par des
substances irritantes et seraient impliqués dans la survenue des dyspnées.
Rappelons enfin que le cerveau est insensible à la douleur ; les migraines
ne concernent pas le tissu nerveux proprement dit, mais sa vascularisation
et les méninges.

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Outre leur capacité à réagir à certaines variations mécaniques et


thermiques, un caractère commun à la majorité des nocicepteurs est
d’être également des chémorécepteurs. En réalité, si un stimulus
nociceptif est capable de déclencher une sensation de douleur, la
lésion tissulaire qu’il aura provoquée sera responsable d’une série
d’événements, étroitement liés aux processus inflammatoires engen-
drés par la lésion, qui vont prolonger l’activation des nocicepteurs et
les sensibiliser (voir plus loin, Mécanismes physiopathologiques des
douleurs inflammatoires).
Enfin, il est difficile de transférer le concept de stimulus nociceptif
vers le domaine viscéral. En effet, une agression tissulaire même grave
peut rester totalement indolore (infarctus du myocarde « silencieux »,
perforation d’organes creux, processus néoplasiques...) alors que la
simple distension d’un organe creux déclenche une douleur atroce
(colique néphrétique). Les chirurgiens opérant sous anesthésie locale
de la paroi abdominale savent depuis longtemps qu’une agression des
viscères (brûlure ou incision) est indolore lorsqu’elle est infligée à des
organes sains. En revanche, lorsque l’organe est l’objet d’une inflamma-
tion, celle-ci déclenche une douleur typiquement viscérale.

Récepteurs élémentaires
Les développements récents de la biologie moléculaire ont permis
d’identifier, de cloner puis d’étudier un certain nombre de récepteurs
qui tapissent la membrane des fibres afférentes primaires. Certains
d’entre eux sont des transducteurs, c’est-à-dire qu’ils sont capables
de transformer un stimulus physique en un courant dépolarisant cette
membrane. Ces transducteurs élémentaires sont souvent spécifiques.
C’est la mosaïque de récepteurs spécialisés tapissant leur membrane qui
est à l’origine du caractère polymodal de la majorité des nocicepteurs
ainsi que de leur « plasticité » (voir plus loin, Mécanismes physiopatho-
logiques des douleurs inflammatoires).

Les récepteurs sensibles à la température


Les vanilloïdes constituent une famille d’irritants naturels responsables
de la saveur « piquante » des épices, dont le plus connu est la capsaï-
cine, extraite du piment, qui active essentiellement les fibres C polymo-
dales, qu’elles soient cutanées, musculaires, articulaires ou viscérales.
L’application de capsaïcine abaisse le seuil de déclenchement de son récep-
teur, le récepteur Trpv-1 (transient receptor potential vanilloid) : la chaleur
ambiante est alors suffisante pour l’activer, ce qui provoque une sensation

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PHYSIOLOGIE ET PHYSIOPATHOLOGIE DE LA DOULEUR 9

de brûlure. Trpv-1 est un canal non sélectif laissant passer tous les cations,
avec cependant une préférence pour le calcium (voir figure 1-9).

Le récepteur à l’acidité
La superfamille des canaux sodiques bloqués par l’amiloride est
dénommée ASIC (acid-sensing ion channel). Les six sous-types de
récepteur ASIC qui ont été décrits sont exprimés dans les fibres affé-
rentes primaires de petit diamètre. Ils s’activent dès que le pH s’éloigne
du pH physiologique.

Les récepteurs purinergiques


L’adénosine triphosphate se lie aux récepteurs P2 (récepteur puri-
nergique 2), ionotropiques (P2X) ou métabotropiques (P2Y). Parmi
les sept récepteurs ionotropiques de l’ATP clonés, six au moins sont
exprimés dans les neurones sensoriels afférents, notamment P2X3 qui
n’est exprimé que par les neurones « non peptidergiques ». L’ATP est
rapidement hydrolysée en adénosine, elle-même capable d’agir en
synergie en se fixant au récepteur P1 (récepteur purinergique 1) qui
active les nocicepteurs.

Les canaux sodiques voltage-dépendants


Lorsque la membrane du neurone est suffisamment dépolarisée,
l’ouverture de ses canaux sodiques déclenche des potentiels d’action.
Comme pour tout autre neurone, il s’agit en général de canaux à bas seuil
dont la cinétique d’inactivation est rapide et que l’on peut bloquer par la
tétrodotoxine (TTXs). Ils sont présents dans la membrane des terminai-
sons des fibres afférentes primaires, qu’il s’agisse ou non de nocicepteurs,
et sont bloqués par les anesthésiques locaux. Les nocicepteurs présentent
en outre la singularité de compter dans leurs membranes des canaux
sodiques insensibles à la tétrodotoxine (TTXr) dont les propriétés sont
telles que leur efficacité est supérieure à celle des canaux TTXs.

MÉCANISMES SPINAUX

Projections des fibres afférentes primaires (figure 1-2)


La très grande majorité des fibres afférentes primaires atteignent le
système nerveux central par les racines rachidiennes postérieures ou
leurs équivalents au niveau des nerfs crâniens. Ainsi, la sensibilité faciale,

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A Noyaux des
colonnes postérieures
(Goll & Burdach)

Cordons
postérieurs
racine postérieure
ganglion
rachidien
I
II
III

sensibilités IV

tactile et V

proprioceptive : VI

fibres Aβ X
VII
sensibilité
thermo-algique :
VIII
fibres Aδ et C IX

B Cordons
postérieurs

Distribution rostro-caudale Distribution rostro-caudale


des fibres Aβ des fibres C

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PHYSIOLOGIE ET PHYSIOPATHOLOGIE DE LA DOULEUR 11

Figure 1-2 Schéma des projections centrales des fibres cutanées chez l’animal.

A) Distribution vers la moelle et l’encéphale.


Les fibres périphériques cutanées entrent dans le système nerveux central par les
racines postérieures pour se distribuer dans la moelle et l’encéphale. Leur corps
cellulaire (cellules dites « en T ») se trouve dans le ganglion rachidien corres-
pondant (ou le ganglion de Gasser pour le système trigéminal). La substance
grise médullaire a été subdivisée en 10 couches : les 5 premières couches
correspondent à la corne postérieure, les couches VI-VII à la zone intermédiaire,
les couches VIII-IX à la corne antérieure et la couche X à la zone péri-épendy-
maire. Les couches I et II sont parfois dénommées zone marginale et substance
gélatineuse, respectivement.
Les fibres myélinisées de grand diamètre Aβ se divisent en deux contingents :
– le premier emprunte les cordons postérieurs pour atteindre les noyaux des
cordons postérieurs où ils activent les neurones du système lemniscal respon-
sables des sensibilités tactiles et proprioceptives (voir figure 1-7A) ;
– le second bifurque pour entrer sur plusieurs segments rostraux et caudaux
(voir B) dans la substance grise médullaire et se terminer dans les couches III-V
et, dans une bien moindre mesure, II et VI.
Les fibres myélinisées de petit diamètre Aδ ne projettent que localement vers les
couches I, V et, dans une moindre mesure, II.
Les fibres non myélinisées C, après avoir cheminé sur quelques segments (voir B)
dans le tractus de Lissauer, se projettent essentiellement vers les couches I et II
lorsqu’elles sont d’origine cutanée mais aussi V-VII et X lorsqu’elles sont d’origine
viscérale (pointillés).
B) Distribution rostro-caudale des fibres vers la moelle.
Les fibres Aβ forment trois collatérales primaires dans la moelle, la première
remontant vers les cordons postérieurs pour atteindre le bulbe, et les deux autres
se distribuant en direction rostrale et caudale le long de quelques segments. De
ces deux collatérales partent, dans les 5 à 6 segments adjacents à leur entrée
dans la moelle, des collatérales secondaires (dessin de gauche).
Les collatérales primaires des fibres afférentes Aδ et C cheminent sur environ
quatre segments adjacents de moelle, rostraux et caudaux, dans le tractus de
Lissauer en émettant des collatérales secondaires (dessin de droite).

buccale et nasale est assurée pour l’essentiel par les trois branches du
nerf trijumeau (nerf crânien V), les corps cellulaires de ces fibres étant
localisés dans le ganglion de Gasser.
Les fibres Aβ acheminant, rappelons-le, les informations tactiles et
proprioceptives, envoient leurs axones en partie vers la substance grise
médullaire de la corne dorsale (couches III à V) dont les terminaisons
sont étalées sur plusieurs segments et en partie via les cordons postérieurs
vers les noyaux de ces cordons, situés dans la partie caudale du bulbe où
s’effectue le premier relais synaptique.
Quant aux fibres Aδ et C, elles se divisent en une branche ascendante
et une branche descendante et envoient des collatérales, étalées sur quel-
ques segments adjacents, uniquement vers la corne postérieure de la

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potentiels
d’action
Ca ++

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glutamine

N, P/Q
astrocyte

PKC
GABA K+
- glutamate
glutamine

A
A
glutamate

AB
G
Ca ++
EP Na +
NO
MÉDECINE DE LA DOULEUR

Ca ++

NMDA

SP BDNF glutamate
NK1 NK1 Trk B NMDA mGlu AMPA
PKC PKC PKA
Na + Na +
Ca ++
NK1
arginine

internalisation NO
synthétase Ca ++
NO citrulline cox-2

PGE acide arachidonique

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Figure 1-3 Libération des neuromédiateurs et neuromodulateurs par les terminaisons centrales des fibres afférentes primaires.
La survenue de potentiels d’action au niveau des membranes des terminaisons provoque l’ouverture de canaux calciques dépendants
du potentiel (partie supérieure gauche de la figure). L’augmentation de la concentration calcique dans le cytosol déclenche la libé-
ration d’un certain nombre de médiateurs dont le glutamate. Ce dernier va interagir avec trois types de récepteurs post-synaptiques,
de droite à gauche : 1) récepteur ionotropiques AMPA/kaïnate (AMPA) qui ouvre un canal sodique ; 2) récepteur métabotropique
(mGlu) qui sensibilise le récepteur AMPA/kaïnate par une protéine-kinase A et le récepteur NMDA par une protéine-kinase C (PKC) ;
3) récepteur NMDA qui ouvre un canal anionique, préférentiellement calcique. En outre, le glutamate libéré dans la fente synaptique
va se fixer sur des récepteurs présynaptiques pour favoriser sa propre libération ou être capturé par des transporteurs actifs situés
sur les membranes de la terminaison et des astrocytes qui l’entourent (partie droite de la figure).
Les peptides, et notamment la substance P (SP), sont également libérés pour agir sur leurs récepteurs respectifs. Le complexe
ligand-récepteur SP/NK1 s’internalise rapidement pour être recyclé ultérieurement. Sous l’influence du nerve growth factor (NGF),
le BDNF (brain-derivated neurotrophic factor) est surexprimé en cas d’inflammation. Il se lie au récepteur à forte affinité TrkB pour
phosphoryler le récepteur NMDA par l’intermédiaire d’une protéine-kinase C.
L’ensemble de ces phénomènes, déterminés avant tout par la concentration de calcium présynaptique, se trouve sous la dépendance
de nombreux mécanismes qui favorisent ou inhibent la libération des neuromédiateurs et neuromodulateurs. Ils ne sont représentés
ici que par le récepteur GABAA pour plus de lisibilité. Enfin, le calcium cytosolique de l’élément post-synaptique active la production
d’oxyde nitrique et de COX-2. De concert avec le glutamate (via les récepteurs NMDA présynaptiques), prostaglandines (PGE via les
récepteurs EP) et oxyde nitrique (NO) favorisent l’entrée de calcium dans l’élément présynaptique.
PHYSIOLOGIE ET PHYSIOPATHOLOGIE DE LA DOULEUR
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moelle. On constate alors une convergence anatomique des afférences


nociceptives cutanées, musculaires et viscérales dans les couches I et V
de la corne postérieure de la moelle.

Libération des neuromédiateurs dans la moelle


Deux groupes principaux de substances sont responsables de la
transmission des messages nociceptifs périphériques vers les neurones
spinaux (figure 1-3) : les acides aminés excitateurs (glutamate, aspartate)
qui sont les neurotransmetteurs à proprement parler, et des neuropep-
tides qui modulent les effets des premiers. Leur libération, par exocytose
des vésicules synaptiques, est déclenchée par le calcium cytosolique
des terminaisons des fibres afférentes primaires. Les neuropeptides
sont très nombreux [substance P, somatostatine, peptide lié au gène de
la calcitonine (CGRP), cholécystokinine (CCK), neurokinine A...] et
pourraient jouer le rôle de neuromodulateurs, c’est-à-dire de substances
endogènes qui, sans avoir d’effets propres, modulent les effets excita-
teurs ou inhibiteurs des neurotransmetteurs (acides aminés excitateurs
et inhibiteurs).
La libération des neuromédiateurs et neuromodulateurs est avant tout
déterminée par la concentration du calcium présynaptique, elle-même
sous la dépendance de courants calciques qui parcourent des canaux
spécifiques. Les canaux calciques dépendants du voltage à haut seuil (L-,
N- et P/Q-) sont présents dans la corne postérieure de la moelle, les deux
derniers étant très abondants sur les fibres afférentes primaires.
La concentration de calcium cytosolique présynaptique est régulée
par des mécanismes qui vont favoriser ou inhiber la libération des neuro-
médiateurs et neuromodulateurs. Ces mécanismes sont déclenchés par
des molécules qui sollicitent des récepteurs présynaptiques. Parmi
les premières, « pronociceptives », nous citerons l’ATP (et les récep-
teurs P2X), la sérotonine (et les récepteurs 5-HT3) et les prostaglandines
(et les récepteurs EP). Parmi les secondes, « antinociceptives », nous cite-
rons le GABA (et les récepteurs GABAB), la noradrénaline (et les récep-
teurs α2), la sérotonine (et les récepteurs 5-HT1A et 5-HT1B) et les opioïdes
(et, dans l’ordre de leur importance, les récepteurs μ >> δ > κ).

Neurones de relais
Deux catégories principales de neurones répondent à des stimuli
nociceptifs dans la corne postérieure de la moelle : les premiers sont
spécifiquement activés par ces stimuli (neurones spécifiquement nocicep-
tifs), les seconds y répondent de façon préférentielle mais non exclusive

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(neurones à convergence). Leurs champs récepteurs sont relativement


restreints et bien localisés (figure 1-4).
Nombreux sont les neurones nociceptifs de la corne postérieure qui
sont aussi bien activés par des stimuli nociceptifs d’origine viscérale
que d’origine cutanée. On parlera de convergence viscéro-somatique.
Certains sont également activés par des stimuli nociceptifs d’origine
musculaire. Ces convergences permettent d’expliquer le phénomène
de douleur projetée (irradiation douloureuse vers le membre supérieur
gauche dans l’angine de poitrine, douleur testiculaire de la colique néph-
rétique, douleur scapulaire droite de la lithiase vésiculaire, etc.), souvent
essentiel au diagnostic de nombreuses affections. On peut souligner à
cet égard la capacité des neurones à convergence à saisir la globalité
des informations issues tant de l’interface avec le milieu extérieur (la
peau) que du milieu intérieur (les viscères, les muscles). Il est possible
que ces neurones jouent un rôle important dans l’élaboration du schéma
corporel.
La transmission spinale des messages nociceptifs est soumise à divers
contrôles. L’activité des neurones à convergence dépend d’influences
excitatrices et inhibitrices ; les premières sont essentiellement d’origine
périphérique, mais les secondes peuvent être d’origine périphérique
(segmentaires) ou cérébrale. Selon la théorie du portillon (Gate control
theory) la transmission des messages nociceptifs est réglée par un effet
de balance entre ces diverses influences, et la douleur ne survient que
lorsqu’il y a rupture d’équilibre en faveur des messages excitateurs (soit
par « excès de nociception », soit par déficit des contrôles inhibiteurs).
Ces phénomènes de modulation sont classés selon l’origine des méca-
nismes d’inhibition qui leur donnent naissance : il s’agit d’abord des
contrôles segmentaires et des contrôles d’origine supraspinale.

Contrôles segmentaires
L’activation des afférences cutanées de grand diamètre responsables
des sensations tactiles peut déprimer les réponses de neurones spinaux
aux stimuli nociceptifs (voir figure 1-4). Il est généralement admis que
ces phénomènes sont déclenchés par l’activation des seules fibres Aβ,
mais c’est bien de l’activation de fibres Aδ que résultent les inhibitions
les plus puissantes. Ces effets, d’origine essentiellement métamérique,
dérivent directement des propriétés des champs récepteurs des neurones
de la corne postérieure dont une partie est bien excitatrice, mais une autre
inhibitrice. Appliquées sur cette dernière, des stimulations naturelles
non nociceptives mais répétitives inhibent les réponses déclenchées
par stimulation de la partie excitatrice du champ récepteur. Chacun sait

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16 MÉDECINE DE LA DOULEUR

Champ cutané : – champ excitateur (CE) Cordons Thalamus


Champ cutané : – champ inhibiteur (CI) postérieurs Formation réticulée

CECE CI
CI
B
A

-
Champ viscéral +

Fibres Aβ :
Champ musculaire Fibres Aδ et C :

Figure 1-4 Organisation schématique des influences périphériques s’exerçant


sur les neurones à convergence.
Leur champ périphérique est complexe. Il comprend toujours une partie cutanée,
elle-même composée : 1) d’un champ excitateur (CE) dont le centre (zone noire)
est activé par des stimuli nociceptifs et non nociceptifs et la périphérie (zone
grise) n’est activée que par des stimulations intenses, et 2) très souvent d’un
champ inhibiteur (CI, zone blanche) qui n’est activé que par des stimulus non
nociceptifs, surtout s’ils sont appliqués de façon répétitive et rapide (mouvement
des poils, frottements, vibrations...). Il comprend aussi fréquemment une partie
viscérale et parfois une partie musculaire qui ne sont activées que par des
stimuli à caractère nociceptif. On constate donc une singulière convergence
d’informations sur un même neurone.
Les influences périphériques sont donc excitatrices (+) et inhibitrices (–) ; dans
ce dernier cas, elles font intervenir des interneurones inhibiteurs. On peut
parfois soulager la douleur en renforçant les contrôles inhibiteurs segmentaires
par stimulation électrique – haute fréquence et faible intensité – de nerfs (A)
ou des cordons postérieurs (B). Dans ce dernier cas, la stimulation provoque
une sensation tactile (activation orthodromique vers les noyaux des cordons
postérieurs, puis le système lemniscal) mais déclenche également, par acti-
vation antidromique (c’est-à-dire en sens inverse), les processus segmentaires
d’inhibition dans les segments médullaires sous-jacents au site de stimulation.
D’autres hypothèses ont été proposées pour expliquer les effets antalgiques de
la stimulation médullaire.

mettre en route ces mécanismes lorsque, par exemple, il se frotte la


peau avec énergie pour soulager la douleur déclenchée par une piqûre
d’insecte.

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PHYSIOLOGIE ET PHYSIOPATHOLOGIE DE LA DOULEUR 17

Distribution de l’information nociceptive


Après intégration par les neurones de la corne postérieure, les
messages nociceptifs vont être orientés simultanément dans deux direc-
tions différentes : 1) vers des motoneurones responsables d’activités
réflexes (transfert spinal), et 2) vers le cerveau (transfert cérébral).

Activités réflexes ou transfert spinal


Les réflexes extéroceptifs comprennent toutes les activités motrices
déclenchées par des messages afférents provenant de la peau ou des tissus
sous-cutanés (figure 1-5A). Le réflexe de flexion résulte de la contraction
d’un ensemble de muscles fléchisseurs et du relâchement d’un ensemble
correspondant de muscles extenseurs.
Les stimuli nociceptifs sont également capables de déclencher
des réfl exes végétatifs organisés au niveau spinal (figure 1-5B).
Dans ce cas, ces sont des neurones préganglionnaires situés dans la
colonne intermédio-latérale de la substance grise qui vont activer les
neurones post-ganglionnaires des ganglions sympathiques (chaîne
paravertébrale et ganglions cervical supérieur, stellaire, cœliaque et
mésentériques).

Transfert cérébral
Après avoir été relayée par les neurones de la corne postérieure, la
majeure partie des messages nociceptifs (et thermiques) croise la ligne
médiane au niveau de la commissure grise antérieure pour emprunter
ensuite les voies ascendantes antérolatérales. Schématiquement,
les neurones nociceptifs projettent vers la formation réticulée, le
mésencéphale et le thalamus, mais aussi vers le noyau du faisceau soli-
taire et le bulbe ventrolatéral. Bien que ne participant pas directement à
la perception douloureuse, ces derniers interviennent dans les réactions
neurovégétatives qui l’accompagnent.

MÉCANISMES CÉRÉBRAUX

Traitement du message nociceptif dans l’encéphale


L’information nociceptive se distribue vers de nombreux niveaux
hiérarchiques du cerveau. C’est un ensemble d’aires cérébrales qui
concourent à l’élaboration de la perception de douleur.

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18 MÉDECINE DE LA DOULEUR

A stimulus
nociceptif
sensation
douloureuse

+
motoneurones
quadrant
antéro-latéral

activité réflexe
électromyographique

B stimulus
nociceptif
sensation
douloureuse

le cercle neurone
vicieux de préganglionaire
Livingston
neurone quadrant
postganglionaire antéro-latéral
adrénergique

Figure 1-5 Les activités réflexes.


À l’instar des autres messages somesthésiques, les messages nociceptifs véhiculés par
des fibres Aδ et C empruntent les racines postérieures après avoir cheminé dans les nerfs.
Ils vont activer des neurones de la corne postérieure dont le rôle est de transférer ces
informations d’une part vers l’encéphale (trait plein), et d’autre part vers des neurones
médullaires (tirets) pour participer à des réflexes somatiques (A) et végétatifs (B).
A) Les réflexes somatiques. L’activation des motoneurones par les neurones de
la corne postérieure s’effectue par une voie poly-synaptique. Cette activation
déclenche une activité dans un groupe de muscles capables de provoquer un
mouvement qui éloigne la région stimulée du stimulus nociceptif. Ce mouvement
résulte en réalité d’un mécanisme plus complexe associant des phénomènes
excitateurs et inhibiteurs, ces derniers concernant notamment les muscles anta-
gonistes (non représentés).
B) Le cercle vicieux de Livingston. Outre des réflexes extéroceptifs, l’activation
des neurones de la corne postérieure par les stimuli nociceptifs est également
capable de déclencher des réflexes végétatifs organisés au niveau spinal. Ils
activent alors les neurones préganglionnaires situés dans la colonne intermédio-
latérale de la substance grise qui vont activer les neurones postganglionnaires des
ganglions sympathiques. La libération de noradrénaline à la périphérie sensibilise
les nocicepteurs, ce qui provoque une augmentation supplémentaire des influx
nociceptifs vers la corne postérieure et une aggravation de la douleur.

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PHYSIOLOGIE ET PHYSIOPATHOLOGIE DE LA DOULEUR 19

• Formation réticulée bulbaire dont certains noyaux envoient des


projections massives vers le thalamus médian (voies spino-réticulo-
thalamiques).
• Formation réticulée mésencéphalique, substance grise périaque-
ducale et aire parabrachiale latérale. Les neurones de cette dernière
projettent vers l’amygdale et l’hypothalamus ; on leur attribue un rôle
important dans les processus végétatifs, émotionnels et endocriniens
liés à la douleur.
• Relais thalamiques. Deux types supplémentaires de voies achemi-
nent le message nociceptif au thalamus : 1) les voies qui se terminent dans
le thalamus latéral où une certaine somatotopie est conservée (appelées
autrefois « néo-spino-thalamiques »), 2) les voies qui se terminent dans
le thalamus médian (appelées autrefois « paléo-spino-thalamiques »). On
admet classiquement que la composante sensorielle discriminative de la
douleur s’exprime grâce aux neurones du thalamus latéral qui projettent
vers les cortex somesthésiques. Les neurones du thalamus médian inter-
viennent dans l’élaboration de réactions motrices et émotionnelles au
travers de leurs projections vers des aires corticales motrices, prémotrices
et fronto-orbitaire.
• Relais corticaux. En couplant les techniques d’imagerie fonction-
nelle par résonance magnétique nucléaire (IRMf) et de tomographie par
émission de positons (TEP), on a pu montrer que les cortex somesthé-
siques primaire et secondaire étaient bien activés par des stimulations
thermiques nociceptives contrôlées mais dans une moindre mesure que
les cortex cingulaire et insulaire. Rappelons que ces derniers appartien-
nent, avec le cortex fronto-orbitaire et l’aire temporo-hippocampique
(5e circonvolution temporale), au système limbique dont le rôle est
primordial dans la genèse des émotions (figure 1-6).
On constate que l’organisation de ces projections est bien différente de
celle qui transmet les informations tactiles et proprioceptives puisqu’elle
concerne de nombreuses structures cérébrales étagées à tous les niveaux
hiérarchiques du système nerveux central : c’est le cerveau dans son
ensemble, depuis le bulbe jusqu’au cortex, qui doit être informé de la
survenue d’un événement nociceptif.

Contrôles d’origine supraspinale


Ces contrôles sont principalement exercés depuis le tronc cérébral.
La stimulation localisée de la substance grise périaqueducale (SGPA) et
de la région bulbaire ventromédiane (noyau raphé magnus) est capable
d’induire une profonde analgésie sans affecter, semble-t-il, les autres
fonctions sensorielles. Cette analgésie pourrait résulter de l’activation de

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20 MÉDECINE DE LA DOULEUR

Scissure
Face de Rolando
externe
Cortex
somesthésique

Cortex
S1
prémoteur
Cortex pariétal

Cortex frontal S2

Cortex
occipital

Cortex temporal
Cortex insulaire
Scissure
de Sylvius

Face
interne

Cortex
cingulaire

Figure 1-6 Activations corticales déclenchées par stimulation nociceptive.


Le couplage des techniques de résonance magnétique nucléaire et de tomogra-
phie par émission de positons a permis de montrer chez des volontaires sains
que les cortex somesthésiques primaire (S1) et secondaire (S2) étaient activés par
des stimulations thermiques nociceptives contrôlées ; ces mêmes régions sont
activées par des stimulations tactiles. Le cortex cingulaire, situé sur la face interne
du manteau cortical, le cortex insulaire, situé au fond de la scissure de Sylvius
et le cortex prémoteur sont également activés par des stimulations nociceptives,
mais, en revanche, ne le sont pas par des stimulations tactiles.

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PHYSIOLOGIE ET PHYSIOPATHOLOGIE DE LA DOULEUR 21

voies inhibitrices descendantes qui bloquent la transmission spinale des


messages nociceptifs, en libérant la sérotonine et les opioïdes endogènes
dans les couches superficielles de la corne postérieure. La stimulation
de nombreuses autres régions du tronc cérébral est capable d’inhiber
la transmission spinale des messages nociceptifs. Mentionnons plus
particulièrement les voies agissant au niveau spinal par l’intermédiaire
de récepteurs adrénergiques alpha-2.

Contrôles inhibiteurs diffus


Les neurones à convergence de la corne postérieure sont très fortement
inhibés lorsque l’on applique une stimulation nociceptive, et seulement si
elle est nociceptive, sur une quelconque partie du corps, différente de leur
champ périphérique excitateur. Ce phénomène a été désigné par le terme
suivant : Contrôles Inhibiteurs Diffus induits par stimulation Nociceptive
(CIDN). Les CIDN sont sous-tendus par une boucle complexe faisant
intervenir des structures supraspinales (figure 1-7A). À l’inverse des
inhibitions segmentaires, ils ne sont pas observés chez l’animal dont la
moelle a été préalablement sectionnée, au niveau cervical par exemple.
Les parties les plus caudales du tronc cérébral sont impliquées dans ce
phénomène.

La douleur est-elle déclenchée par un gradient d’activité


entre populations de neurones spinaux ?
Bien qu’indiscutablement perçu comme douloureux, un stimulus
nociceptif active certains contrôles inhibiteurs descendants issus du tronc
cérébral qui pourraient contribuer à la détection des messages noci-
ceptifs par le cerveau. Nous avons vu que les neurones à convergence
de la corne postérieure de la moelle répondent à des stimuli non noci-
ceptifs (pression, frottements, mouvements des poils...). Ces neurones
sont donc activés de façon aléatoire mais permanente par l’ensemble
des stimuli somatiques non nociceptifs apportés par l’environnement
(figure 1-7B, a). Cette activité globale, transmise aux centres supérieurs,
constitue un bruit somesthésique, dont les centres cérébraux ne peuvent
extraire un message significativement nociceptif qu’avec difficulté
(figure 1-7B, b). La signification fonctionnelle de cette activité somes-
thésique de base est inconnue, mais on peut supposer qu’elle joue un
rôle important dans l’élaboration du schéma corporel. Les CIDN consti-
tuent le filtre grâce auquel un signal spécifiquement nociceptif en est
extrait et devient prépondérant (figure 1-7B, c). Ce mécanisme de base

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22 MÉDECINE DE LA DOULEUR

A formation
réticulée
bulbaire

CIDN

funiculus
postéro-latéral

stimulus
nociceptif

fibres
Aδ et C

quadrant
antéro-latéral

Ba

Bb

Bc

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PHYSIOLOGIE ET PHYSIOPATHOLOGIE DE LA DOULEUR 23

Figure 1-7 Contrôles inhibiteurs déclenchés par stimulation nociceptive.


A) Déclenchement des contrôles inhibiteurs descendants par stimulation noci-


ceptive. Quelle qu’en soit la nature, un stimulus nociceptif active des neurones
médullaires qui, via les axones du quadrant antérolatéral, vont activer dans le
tronc cérébral les contrôles inhibiteurs diffus (CIDN). Ces systèmes seront à
l’origine d’informations qui descendent dans les faisceaux postérolatéraux pour
déclencher des inhibitions très puissantes dans la corne postérieure de tous les
segments médullaires (et trigéminaux) non concernés par le stimulus initial.
B) Interprétation hypothétique de l’activité globale de l’ensemble des neurones
à convergence de la corne postérieure et du noyau spinal du système trigéminal
impliqués dans la nociception. Du fait des propriétés de ces neurones, cette activité
globale n’est pas négligeable dans son ensemble, de telle sorte qu’une information
somesthésique de base est envoyée vers l’encéphale (a). Un foyer nociceptif active
les neurones à convergence et spécifiquement nociceptifs qui, à leur tour, émettent
un message excitateur vers les centres supraspinaux (b). Ce dernier déclenche les
CIDN qui vont inhiber les neurones à convergence qui n’étaient pas concernés
directement par le stimulus nociceptif initial et, par conséquent, supprime le bruit
de fond que constituait l’activité somesthésique de base (c).

génère des phénomènes interactifs entre des messages nociceptifs issus


de territoires corporels éloignés et, partant, d’interactions entre douleurs
d’origine topographique distincte. C’est ainsi que l’on explique le fait
qu’une douleur peut en masquer une autre, observation déjà rapportée
par Hippocrate : « De deux souffrances survenant en même temps, mais
sur des points différents, la plus forte fait taire la plus faible ».

MÉCANISMES PHYSIOPATHOLOGIQUES
DE LA DOULEUR

MÉCANISMES PHYSIOPATHOLOGIQUES DES DOULEURS


INFLAMMATOIRES

La fonction chémoréceptrice des nocicepteurs est déterminante


pour engendrer les douleurs inflammatoires. En outre, les terminaisons
nerveuses des fibres sensorielles sont protégées par une barrière, le péri-
neurium, qui isole le tissu endoneurial en empêchant le passage des
grosses molécules et des molécules hydrophiles comme les peptides. Lors
d’une inflammation, la rupture de cette barrière facilite leur diffusion et
leurs effets. La distribution des substances algogènes peut être locale ou

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24
stimulus nociceptif

mécanorécepteur ?

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Trpv-1 + +
Na+, Ca terminaison libre
Trpv-2 d’une fibre C
H+ Na+
AS IC
Na+, Ca + +
Lésion ATP TTXs
Phospholipides P2X3 Na+
& Kininogènes
membranaires
inflammation Kallicréine
Bradykinine B2

K+ s P, CGRP
Phospholipase A2 Dégranulation PKC
MÉDECINE DE LA DOULEUR

des
mastocytes Histamine H1 TTXr
Glucocorticoïdes Na+
PAF
5-HT2A
Thromboxane Agrégation 5-HT 5-HT3 PKA
(TXA2 ) plaquettaire 5-HT4
Acide Endoperoxydes
arachidonique
Cyclo-oxygénase 2 EP 2
PGE2 , PGI2 IP
(COX-2)
cytokines
5 lipo- pro-inflammatoires
oxygènase TNFαα IL-1β
β, IL-6, IL-8
IL1

AINS NGF TrkA


Leucotriènes
BLT
LTB 4
flux axonaux

soma des neurones ganglionnaires

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Figure 1-8 Récepteurs, nociception et inflammation.
Cette figure représente les facteurs susceptibles d’activer (→) et/ou de sensibiliser (- ->) les nocicepteurs à la suite d’une lésion
tissulaire. Trois groupes de facteurs interviennent.

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1) Les premiers sont directement liés à la lésion tissulaire et activent les nocicepteurs, déjà excités directement par le stimulus causal
lui-même. Il s’agit des ions hydrogène (H+) et de l’adénosine triphosphate (ATP) issus des lésions tissulaires. Les ions hydrogène
agissent sur le récepteur ASIC-1 et sensibilisent le récepteur Trpv1. La liaison de ces deux récepteurs ainsi que celui de l’ATP (P2X3)
avec leurs ligands respectifs se traduit par l’ouverture de canaux cationiques qui dépolarise la terminaison libre de la fibre.
2) Les seconds sont liés aux processus inflammatoires : il s’agit de la bradykinine qui, outre ses capacités d’augmenter la perméa-
bilité capillaire, est l’un des plus puissants agents algogènes connus, ainsi que des prostaglandines, des leucotriènes, des cytokines
pro-inflammatoires et du facteur de croissance NGF qui, outre leurs actions propres, sensibilisent les récepteurs à l’action d’autres
substances. Ils sont responsables de l’hyperalgésie primaire. On peut y adjoindre la sérotonine (5-HT), issue de l’agrégation des
thrombocytes et de la dégranulation des mastocytes, et l’histamine, prurigineuse puis douloureuse à concentration plus élevée,
issue des granules des mastocytes. Ces substances se lient à des récepteurs spécifiques pour phosphoryler des protéine-kinases
(PKA, PKC) qui vont augmenter l’efficacité de canaux sodiques insensibles à la tétrodotoxine (TTXr) et abaisser le seuil des récep-
teurs-transducteurs comme Trpv1. Enfin, le NGF se lie au récepteur à forte affinité trkA pour constituer le complexe NGF/trkA qui
est internalisé puis transporté vers le soma du neurone ganglionnaire rachidien pour y modifier la synthèse protéique, notamment
accroître celle des canaux sodiques insensibles à la tétrodotoxine. Ces derniers empruntent alors le flux axonal rétrograde pour
enrichir les terminaisons libres.
3) Les troisièmes sont représentés par la substance P (sP) et le peptide associé au gène de la calcitonine (CGRP). Il s’agit de subs-
tances libérées par les nocicepteurs eux-mêmes, capables directement ou indirectement d’activer ou de sensibiliser ces derniers.
On imagine le cercle vicieux que représentent potentiellement ces mécanismes.
Des influences noradrénergiques (et du neuropeptide Y, co-localisé) provenant des fibres post-ganglionnaires sympathiques viennent
s’ajouter à ces réactions locales. Elles pourraient être favorisées par certaines cytokines, notamment IL-8, et certains acides aminés
PHYSIOLOGIE ET PHYSIOPATHOLOGIE DE LA DOULEUR

excitateurs. Pour la clarté du schéma, elles ne sont pas montrées ici.


Les glucocorticoïdes bloquent la phospholipase A2 et, par conséquent, le métabolisme des leucotriènes et des prostaglandines tandis
que les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ne bloquent que la cyclooxygénase 2 (COX-2).
25

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26 MÉDECINE DE LA DOULEUR

circulante, leur action étant alors facilitée lorsque les terminaisons des
fibres Aδ et C sont contiguës avec des artérioles et des veinules.
L’inflammation résulte de la libération de diverses substances dont un
bon nombre sont neuroactives (figure 1-8). Ces substances sont classées
en trois groupes en fonction de leur principale origine : les cellules lésées,
les cellules de la lignée inflammatoire et les nocicepteurs eux-mêmes. La
lésion tissulaire est à l’origine de la libération d’ATP et d’ion H+, seules
substances excitatrices à proprement parler, les autres étant avant tout
« sensibilisatrices ».

Nocicepteurs « silencieux »
Les nocicepteurs « silencieux » représentent 10 à 20 p. 100 des
fibres C dans la peau, les viscères et les articulations. Ils ne répondent
d’ordinaire à aucun stimulus, mais sont « réveillés » au cours des
processus inflammatoires ou, artificiellement, par la capsaïcine. Ils
participent ainsi de façon très significative aux phénomènes d’hype-
ralgésie et d’allodynie.

Plasticité des récepteurs élémentaires


L’activité du récepteur Trpv-1 est réglée avec finesse par son envi-
ronnement biochimique (figure 1-9). En particulier, son seuil est abaissé
lorsque le récepteur est phosphorylé par l’intermédiaire d’une protéine-
kinase A, elle-même activée par les prostaglandines et la sérotonine,
ou par l’intermédiaire d’une protéine-kinase C, elle-même activée par
la bradykinine et l’histamine. Les ions H+ activent le récepteur ASIC-1
et sensibilisent le récepteur Trpv-1. La liaison de ces deux récepteurs
ainsi que celui de l’ATP (P2X3) avec leurs ligands respectifs se traduit
par l’ouverture de canaux cationiques qui dépolarise la terminaison libre
de la fibre. La douleur déclenchée par un exercice musculaire violent
et prolongé résulte probablement des effets des acides carbonique et
lactique sur ces récepteurs ASIC.

Plasticité des canaux sodiques voltage-dépendants


Les courants qui parcourent les canaux sodiques insensibles à la
tétrodotoxine TTXr sont augmentés par plusieurs médiateurs agissant
par l’intermédiaire de protéine-kinases A (prostaglandine, sérotonine) ou
de protéine-kinases C (bradykinine, histamine). En outre, la synthèse de
canaux TTXr est augmentée au cours de l’inflammation.

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PHYSIOLOGIE ET PHYSIOPATHOLOGIE DE LA DOULEUR 27

Rôle des médiateurs de l’inflammation

Les kinines
La bradykinine et la kallidine présentent une grande affinité pour le
récepteur B2, le récepteur B1 étant activé de façon préférentielle par leurs
métabolites respectifs. Le récepteur B2, constitutif, est responsable des
effets à court terme de la bradykinine : 1) stimulation de la production
de cytokines pro-inflammatoires (TNFα, IL-6, IL-1β, IL-8) ; 2) stimu-
lation de la libération d’acide arachidonique, ce qui a pour conséquence
de favoriser la formation des prostaglandines ; 3) déclenchement de la
libération de peptides (sP, neurokinine A, CGRP) par les terminaisons
libres des fibres afférentes primaires ; 4) déclenchement de la libération
d’oxyde nitrique (NO) ; 5) dégranulation des mastocytes, ce qui a pour
conséquence de libérer histamine et sérotonine ; et 6) phosphorylation
du récepteur Trpv-1 par l’intermédiaire d’une isoforme de la protéine-
kinase C, ce qui a pour conséquence de le rendre sensible à la température
ambiante.
Quant au récepteur B1, il est quasiment absent des tissus normaux,
mais son expression est déclenchée par des agents inflammatoires comme
les lipopolysaccharides, les cytokines, le NGF et la bradykinine elle-
même, en se liant au récepteur B1. Le récepteur B1, inductible et peu sujet
au phénomène de désensibilisation, est donc responsable des effets à long
terme de la bradykinine en prenant le relais du récepteur B2 désensibilisé.
Il faut souligner le « piège » que représente le fait que c’est au travers
de son propre récepteur qu’est déclenchée la synthèse du récepteur B1 :
il s’agit là d’un authentique rétrocontrôle positif.

Les cytokines
Les cytokines sont de petites protéines libérées par les lymphocytes,
les monocytes et les macrophages. Certaines d’entre elles sont pro-
inflammatoires (TNFα, IL-1β, IL-8), d’autres en revanche sont anti-
inflammatoires (IL-1ra, IL-4, IL-10, IL-13) et les dernières cumulent
les deux propriétés. Devenue circulante, IL-6 est en outre susceptible
de générer la réponse fébrile parfois déclenchée par une inflammation
locale. Les cytokines pro-inflammatoires sont à l’origine de la libération
de prostaglandines et des amines sympathomimétiques ; elles forment
par conséquent avec les kinines le lien entre la lésion tissulaire et la
réponse inflammatoire. La puissance de leurs effets hyperalgésiques est
la suivante : IL-1β > TNFα >> IL-8 >> IL-6. Il convient d’y adjoindre

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PGE2 (EP1) Récepteurs
PGI2 (IP) métabotropiques
Chaleur 5-HT (5HT2)

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Bradykinine (B2)
Vanilloïdes Histamine (H1)
(Capsaïcine)
H+
Récepteurs DAG
Trpv-1 P IP 2
métabotropiques
P KA P KC P LC
P O4 P O4
4 protéine G
Na +
ATP ADP ADP ATP GTP GDP
PGE2 (EP2) IP 3
GTP TrkA
MÉDECINE DE LA DOULEUR

PGI2 (IP) déphosphorylation


1 P O4 NGF
P O4
GDP

protéine Gs
processus
d’inactivation Calcineurine
5-HT (5HT4)
3 du (phosphatase 2B)
Adénosine Ca ++ récepteur
5
(P1Y2) Ca++-calmoduline
AMP c autres effets

cyclase
adénylate
ATP 2
6

GDP
opioïdes (μ) Substance P

protéine Gi
GTP Neurokinine A
CGRP

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Figure 1-9 Le récepteur à la capsaïcine (ou Trpv-1, transient receptor potential vanilloid-1).
Il s’agit d’une protéine-canal à six domaines transmembranaires qui s’ouvre sous l’action de la chaleur. Le seuil de cette ouverture est
déterminé par son environnement biochimique. Le récepteur est directement sensibilisé par le pH extracellulaire et les vallinoïdes, et indi-
rectement par diverses substances inflammatoires. « Sensibilisé », le récepteur peut ainsi répondre à la chaleur ambiante. Cette propriété
permet d’expliquer les effets bénéfiques du froid pour soulager certaines douleurs. L’entrée de calcium provoque une chaîne de réactions
qui n’a rien de spécifique des nocicepteurs : (1) amplification du phénomène par phosphorylation du récepteur au travers de protéine-
kinases, (2) exocytose, notamment de peptides puis (3) inactivation par sa déphosphorylation déclenchée par la calcineurine, elle-même
sous la dépendance du complexe Ca++-calmoduline. Une propriété est plus caractéristique des nocicepteurs : le calcium cytosolique
est essentiellement d’origine extracellulaire, car il n’existe pas de réticulum endoplasmique dans les terminaisons libres. Les protéine-
kinases C (PKC) sont activées par une phospholipase C (PLC) (4), elle-même sous la dépendance d’un récepteur métabotropique (partie
supérieure droite de la figure) et de tyrosine-kinases, tel trkA, récepteur à haute affinité du NGF (partie droite de la figure). Quant aux
protéine-kinases A (PKA), elles sont activées par l’AMP cyclique qui résulte de l’action d’une adénylate cyclase (AC) couplée à des
récepteurs métabotropiques liés à des protéines G stimulatrices « Gs » (5) ou inhibitrices « Gi » (6) (partie gauche de la figure).
PHYSIOLOGIE ET PHYSIOPATHOLOGIE DE LA DOULEUR
29

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30 MÉDECINE DE LA DOULEUR

dans certains cas l’intervention du système sympathique sollicité par


l’interleukine IL-8.

Les prostanoïdes
Les prostanoïdes sont synthétisés à partir de l’acide arachidonique
sous l’action de la cyclooxygénase. Ils interagissent avec des protéines
G au travers de huit récepteurs spécifiques. Trois d’entre eux nous inté-
ressent plus particulièrement dans la mesure où ils sensibilisent les fibres
afférentes primaires : EP1 et EP2, récepteurs de la prostaglandine E2
(PGE2) et IP, récepteur de la prostaglandine I2 (PGI2) aussi dénommée
prostacycline. Ces phénomènes de sensibilisation s’exercent par l’inter-
médiaire de protéine-kinases. La chaîne biochimique se traduit in fine
par la phosphorylation de certaines protéines membranaires, c’est-à-dire
par l’ouverture (récepteurs Trpv-1, canaux sodiques TTX-r, canaux calci-
ques) ou la fermeture (canaux potassiques) de canaux. En outre, L’oxyde
nitrique pourrait faciliter ces mécanismes.

Les neurotrophines
La fonction des neurotrophines perdure bien au-delà de la période de
développement, leurs effets étant radicalement modifiés. NGF, BDNF et
NT-4/5 déclenchent des phénomènes d’hyperalgésie en se liant à leurs
récepteurs spécifiques, des tyrosine-kinases (trkA, trkB et NT-4/5). Au
cours de l’inflammation, on constate une augmentation de la synthèse
de NGF qui est secondaire à la libération de cytokines et d’interleukines
par les cellules inflammatoires.
Issu de la liaison du NGF avec son récepteur à haute affinité trkA
(voir figure 1-8, partie inférieure droite), le complexe NGF/trkA est
internalisé puis transporté vers le corps cellulaire du neurone situé dans
le ganglion rachidien pour y modifier la transcription des précurseurs
de différents peptides (augmentation : substance P, CGRP ; diminution :
VIP, CCK, NPY, GAL), de facteurs trophiques (GDNF, BDNF) et de
canaux sodiques insensibles à la tétrodotoxine. Ce mécanisme contribue
à certains effets hyperalgésiques à long terme.
Sous l’influence du NGF, c’est au tour du BDNF d’être surexprimé
au niveau des fibres C peptidergiques. Libéré au niveau de la corne
postérieure de la moelle, il se lie au récepteur à forte affinité trkB pour
phosphoryler le récepteur NMDA par l’intermédiaire d’une protéine-
kinase C. Aussi, doit-on sans doute considérer le BDNF comme un
élément clef du déclenchement des phénomènes de « sensibilisation
centrale » par les phénomènes inflammatoires.

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PHYSIOLOGIE ET PHYSIOPATHOLOGIE DE LA DOULEUR 31

Les peptides
Lors d’une stimulation nociceptive, l’influx nerveux se propage
non seulement vers la moelle mais aussi, de façon antidromique, vers
les autres terminaisons libres de la même fibre (réflexe d’axone). Ces
dernières vont libérer des peptides (sP, CGRP, neurokinine A), entraî-
nant une vasodilatation et une dégranulation des mastocytes, elle-même
à l’origine d’une libération localisée d’histamine (figure 1-10). Cette
chaîne d’événements, appelée inflammation neurogène, est à l’origine
de l’hyperalgésie « en tache d’huile » ou « secondaire ».

Les opioïdes
Des récepteurs opioïdes δ et/ou μ sont présents sur un tiers environ
des fibres C. Ils peuvent être activés par des opioïdes endogènes libérés
localement par des cellules immunitaires (lymphocytes, monocytes) et
des fibres afférentes primaires en cas d’inflammation.

Effets à court terme des agents inflammatoires


Parmi tous les agents inflammatoires, certains vont activer directement
les fibres afférentes primaires en dépolarisant les terminaisons libres.
C’est le cas des protons et de l’ATP, nous l’avons vu. C’est aussi celui
de la chaleur, l’un des signes cardinaux de l’inflammation. Les autres
vont sensibiliser ces terminaisons en les rendant plus réactives aux agents
dépolarisants, qu’ils soient chimiques ou physiques. Cette sensibilisation
peut s’effectuer par deux types de mécanismes. Le premier consiste en
une amplification du potentiel générateur déclenché au niveau des récep-
teurs-canaux par le stimulus. Le second consiste en une modification de
l’excitabilité de la membrane, l’abaissement du seuil d’ouverture des
canaux sodiques dépendants du voltage, donc du seuil de déclenchement
des potentiels d’action. Ces mécanismes sont parfois directs, mais sont
le plus souvent sous la dépendance d’une chaîne de seconds messagers
dont les plus notables sont des kinases qui phosphorylent les récepteurs.
Ces protéine-kinases sont par exemple activées par les prostaglandines,
la sérotonine, la bradykinine ou l’histamine.
Il s’agit d’un système de régulation très sophistiqué, asservi à de
nombreuses variables de l’environnement physique et chimique de la
terminaison libre du récepteur sensoriel, elle-même tapissée, rappe-
lons-le, d’une mosaïque de récepteurs biochimiques et de seconds messa-
gers. Cette sophistication, également caractérisée par la redondance et
l’asservissement à des boucles de rétroaction, est à l’origine de la subtilité
des phénomènes d’allodynie et d’hyperalgésie.

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32 MÉDECINE DE LA DOULEUR

A
SP (CGRP, Neurokinine A)

Augmentation
de la perméabilité
vasculaire,
Vasodilatation

Histamine

Stimulation Fibre C
électrique

SNC
Tissu lésé Tissu sain entourant la lésion
B K+

SP SP SP SP

Hist Hist Hist Hist

Hist
réflexe
d’axone
Médiateurs de
l’inflammation

SNC SNC

Effets à long terme des agents inflammatoires


Un certain nombre de molécules ont la capacité de provoquer depuis la
périphérie des changements de synthèse protéique au niveau des noyaux
des neurones sensoriels primaires situés dans les ganglions rachidiens.
Ainsi en est-il du NGF qui, une fois libéré, se lie aux récepteurs de
haute affinité trkA, nous l’avons vu. Le complexe NGF-trkA est ensuite
internalisé et transporté jusqu’au corps cellulaire du neurone pour
agir sur la transcription génique en activant une chaîne de signaux

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PHYSIOLOGIE ET PHYSIOPATHOLOGIE DE LA DOULEUR 33

Figure 1-10 L’inflammation neurogène.


A) L’inflammation neurogène « artificielle ». La stimulation du bout distal d’une


racine postérieure ou d’un nerf périphérique provoque une activation antidro-
mique des fibres dont une des conséquences est la libération de substance P
(SP) par les terminaisons libres amyéliniques. La SP est directement responsable :
1) d’une vasodilatation et d’une augmentation de la perméabilité vasculaire et,
par conséquent, d’une fuite plasmatique ; et 2) d’une dégranulation des masto-
cytes. Cette dernière est à l’origine de la libération d’histamine qui va amplifier
les processus vasculaires et activer et sensibiliser les nocicepteurs. Il est probable
que le peptide lié au gène de la calcitonine (CGRP) et la neurokinine A ont des
propriétés analogues.
B) Inflammation neurogène liée à une lésion tissulaire. La partie gauche de la
figure résume les processus qui se développent au sein du tissu lésé à l’origine de
l’hyperalgésie primaire. L’ensemble de ces facteurs est à l’origine de l’activation
directe ou indirecte des nocicepteurs qui envoient leurs messages nociceptifs
non seulement vers le système nerveux central (SNC) mais également via les
réflexes d’axone, vers la périphérie. Il résulte de cette activation antidromique
une libération de substance P par les terminaisons libres amyéliniques. Par
l’intermédiaire de son récepteur spécifique NK1, la substance P est directement
responsable non seulement d’une vasodilatation et d’une augmentation de la
perméabilité vasculaire – et par conséquent d’une fuite plasmatique – mais aussi
d’une dégranulation des mastocytes. Cette dernière est à l’origine de la libération
d’histamine qui va amplifier les processus vasculaires et activer et sensibiliser les
nocicepteurs. Il est probable que le peptide lié au gène de la calcitonine (CGRP)
et la neurokinine A ont des propriétés analogues. Ces mécanismes concernent
non seulement les territoires adjacents lésés, ce qui crée un véritable cercle
vicieux déjà évoqué dans la figure précédente, mais aussi les territoires non
lésés, à l’origine d’une hyperalgésie que certains auteurs nomment secondaire
ou en tache d’huile (partie droite de la figure).

intracellulaires. Ces changements vont se traduire par une augmentation


de la synthèse de canaux ioniques et de précurseurs de certains peptides,
qui vont ensuite être transportés de façon rétrograde vers les terminaisons
périphériques et/ou de façon orthograde vers les terminaisons centrales.
Ainsi pourra-t-on observer in fine une augmentation : 1) du nombre de
canaux ioniques (Trpv-1, Na-TTXr) et de la concentration en peptides
(substance P, neurokinine A, CGRP) à la périphérie, et 2) de la concen-
tration en BDNF au niveau central. En modifiant le phénotype, ces méca-
nismes vont contribuer à pérenniser sur le long terme l’inflammation et
l’hyperalgésie primaire et secondaire.

Répercussion centrale des effets des acides aminés excitateurs


Le récepteur NMDA est bloqué au repos par un ion magnésium qui n’est
évincé du canal que lorsque la membrane du neurone est suffisamment

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34 MÉDECINE DE LA DOULEUR

dépolarisée et que deux molécules de glutamate et deux molécules de


glycine, son co-agoniste, le stimulent (figure 1-11). Cela peut arriver
par exemple à la suite de l’application d’un stimulus nociceptif particu-
lièrement intense ou prolongé. On attribue au récepteur NMDA un rôle
majeur dans l’hyperalgésie d’origine centrale et dans l’évolution de la
douleur vers la chronicité, car sa stimulation provoque des modifications
à long terme de l’excitabilité des neurones de la corne postérieure de
la moelle.
Il existe plusieurs sous-familles de récepteurs « métabotropiques »
du glutamate liés à une protéine G. Certains (mGluR1 et mGluR5) sont
localisés sur les membranes pré- et post-synaptiques et sont couplés à une
chaîne de réactions excitatrices intracellulaires : soit 1) activation d’une
phospholipase C, activation d’une protéine-kinase C (PKC) puis phos-
phorylation du récepteur NMDA, soit 2) production d’AMP cyclique,
activation d’une protéine-kinase A puis phosphorylation du récepteur
AMPA/kaïnate. Au total, ces récepteurs métabotropiques sont à l’origine
d’une augmentation de calcium cytosolique et d’une amplification des
effets des récepteurs ionotropiques du glutamate.
Les « seconds messagers » intracellulaires, qui ne sont du reste nulle-
ment spécifiques de la nociception, entraînent un ensemble d’événements
cellulaires, notamment la production d’oxyde nitrique et de COX-2,
cette dernière, constitutive dans la moelle, provoquant la synthèse de
prostaglandines. Après diffusion vers l’élément présynaptique, oxyde
nitrique et prostaglandines y favorisent l’entrée de calcium. Il s’agit là
typiquement de rétrocontrôles positifs qui, de concert avec les récepteurs
NMDA présynaptiques, forment un nouveau « cercle vicieux » par lequel
le glutamate favorise sa propre libération, ce qui pourrait provoquer des
phénomènes de sensibilisation à long terme.
Le processus d’inactivation du glutamate est simple : libéré dans la
fente synaptique, il est capturé par des transporteurs actifs situés sur
les membranes de la terminaison de la fibre afférente primaire et des
astrocytes qui l’entourent. Ces derniers le transforment en glutamine
qui est libérée puis recapturée de façon active par les fibres afférentes
primaires, elles-mêmes la retransformant en glutamate (voir figure 1-3,
partie droite).

MÉCANISMES PHYSIOPATHOLOGIQUES DES DOULEURS


NEUROPATHIQUES

Les douleurs neuropathiques résultent d’une lésion ou transformation


pathologique des systèmes somesthésiques qui évoluent sur un mode de

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PHYSIOLOGIE ET PHYSIOPATHOLOGIE DE LA DOULEUR 35

fonctionnement anormal et inadapté. Au tableau des symptômes de la


douleur inflammatoire, il convient alors d’ajouter des douleurs sponta-
nées continues ou paroxystiques (sensation de décharges « électriques »
en salve), des douleurs issues d’une région par ailleurs insensible (la
paradoxale anesthésie douloureuse), des paresthésies (fourmillements,
picotements, engourdissements...), des dysesthésies (sensations très désa-
gréables quoique non douloureuses) et parfois des troubles sudoraux,
vasomoteurs et trophiques, ces derniers suggérant une perturbation du
système sympathique. Très paradoxale aussi peut paraître ce qu’il est
convenu d’appeler la douleur du membre fantôme, celle qui se manifeste
après désafférentation (arrachement du plexus brachial ou amputation
d’un membre par exemple) et donc en absence de stimuli nociceptifs et
de nocicepteurs.

Transformations physiopathologiques dans les neuropathies


périphériques douloureuses
Les modèles animaux de douleur neuropathique ont permis de mettre
en évidence un nombre sans cesse croissant de facteurs contribuant à la
génération de douleur. Une lésion nerveuse produit un large éventail de
transformations dans le système somato-sensoriel périphérique, la moelle
et le cerveau. Selon les hypothèses les plus admises, la douleur neuro-
pathique résulte de la complémentarité de deux mécanismes physio-
pathologiques. La lésion nerveuse périphérique induit des décharges
neuronales spontanées toniques au niveau de l’axone et/ou du corps
cellulaire des neurones sensoriels responsables de sensations doulou-
reuses anormales, ce qui déclenche et maintient une sensibilisation
des neurones de second ordre au niveau de la corne postérieure. Nous
savons qu’elle résulte au moins en partie de la libération de glutamate
à partir des terminaisons centrales des nocicepteurs C qui activent les
récepteurs NMDA (voir figures 1-3 et 1-11). La sensibilisation centrale
amplifie la douleur produite par les nocicepteurs C, que ces derniers
soient activés de manière normale ou anormale. Elle peut rendre compte
de l’allodynie et l’hyperalgésie par activation de mécanorécepteurs à
seuil faible (voir figure 1-4).

Les décharges spontanées dans les neurones


afférents primaires
Des axones afférents lésés présentent des décharges spontanées. Ces
décharges sont dites « ectopiques » étant donné qu’elles ne sont pas

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(3) NMDA-R (2) mGlu-R (1) AMPA-R

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glutamate
+ +
glycine K K

++ DAG P IP 2
Mg

P KC P LC P KA
P O4 α β γ adénylate P O4
protéine G cyclase
+ +
S rc Na Na
MÉDECINE DE LA DOULEUR

ADP ATP GTP GDP ATP AMP c ATP ADP


IP 3
GTP
guanylate ++
cyclase NO Ca
GMP c

Arginine

Citrulline
NO synthétase

Ca ++ -calmoduline

noyau cytosol réticulum endoplasmique

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Figure 1-11 Les récepteurs glutamatergiques.
Le glutamate se lie avec trois types de récepteurs, de droite à gauche : 1) le récepteur ionotropique AMPA/kaïnate
(« AMPA-R ») qui ouvre un canal sodique ; 2) le récepteur métabotropique (« mGlu-R ») qui active une protéine G ; et
3) le récepteur ionotropique NMDA qui ouvre un canal anionique, préférentiellement calcique. La fonction de la protéine
G du récepteur métabotropique est double. D’une part, elle active (de gauche à droite) une adénylate cyclase, elle-
même activant une protéine-kinase A (PKA) qui, en fin de compte, sensibilise le récepteur AMPA-R en le phosphorylant.
D’autre part, elle active (de droite à gauche) une phospholipase C (PLC), responsable de la formation de diacylglycérol
(DAG) et d’inositol triphosphate (IP 3) à partir du phosphatidylinositol biphosphate (PIP 2). Le DAG active une protéine-
kinase C (PKC), responsable de la phosphorylation du récepteur NMDA. L’IP3 mobilise les réserves calciques intracellulaires
contenues dans le réticulum endoplasmique. La forte concentration de calcium intracellulaire active la NO-synthétase, source
d’une production de NO intracellulaire à partir de l’arginine. Le NO augmente localement le taux de GMPc par l’activation de
la guanylate cyclase. Il est en outre très diffusible et peut atteindre des éléments présynaptiques, des cellules gliales ou le noyau
du neurone. Il y contribue à modifier l’expression de certains gènes.
Au repos, le récepteur NMDA est bloqué par un ion Mg++. La liaison sur le récepteur de deux molécules de glutamate et deux molécules
de son co-agoniste, la glycine, évince le magnésium du canal. Ce dernier, « voltage-dépendant », pourra alors s’ouvrir si le potentiel
de membrane du neurone a atteint un niveau suffisant. La sensibilité du récepteur NMDA dépend en outre : 1) de la protéine-kinase
Src dont l’activité est régulée par la concentration locale de sodium, et 2) de la concentration locale de calcium qui régule la protéine-
kinase C. L’ensemble de ces mécanismes contribue à accélérer de façon subtile la dépolarisation neuronale.
PHYSIOLOGIE ET PHYSIOPATHOLOGIE DE LA DOULEUR
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38 MÉDECINE DE LA DOULEUR

générées au niveau des récepteurs sensoriels de la terminaison nerveuse.


Initialement, elles ont été observées au niveau des névromes d’ampu-
tation. Des phénomènes identiques ont été observés dans le ganglion
dorsal de nerfs sectionnés, au niveau des corps cellulaires. L’apparition
d’oscillations sinusoïdales de faible amplitude mais de haute fréquence
des courants sodiques TTXs dans la membrane de ces axones lésés est
rendue responsable de ces décharges spontanées. De plus, la lésion d’un
nerf déclenche chez l’animal une baisse d’expression des canaux sodium
TTXr, associée à une accumulation de canaux TTXs, notamment de
certaines formes qui d’ordinaire ne sont exprimées que chez l’embryon.
Si ces changements étaient confirmés chez l’homme, le blocage de tels
canaux pourrait soulager certaines douleurs neuropathiques sans pour
autant déclencher d’effets secondaires importants puisque, chez l’enfant
comme chez l’adulte, ces canaux ne sont plus exprimés par ailleurs. Quoi
qu’il en soit, agir sur certains canaux sodiques particuliers pourrait donc
se révéler utile pour traiter certaines douleurs neuropathiques d’origine
périphérique.
Ces décharges spontanées ont également été observées dans des
axones afférents intacts avoisinant des axones en voie de dégénéres-
cence dans un nerf. Ces décharges toniques de faible fréquence trouvent
leur origine dans la périphérie et non dans le ganglion dorsal, mais sont
suffisantes pour induire et maintenir une sensibilisation centrale.
Le TNFα, une cytokine pro-inflammatoire, augmente de manière
considérable dans les lésions nerveuses. Cette molécule s’insère dans la
membrane cellulaire où elle se déploie pour créer un canal cationique
non sélectif et tue la cellule en l’empêchant de réguler sa teneur ionique.
Les fines fibres amyéliniques sont plus exposées au TNFα que les fibres
myélinisées protégées par les cellules de Schwann, et sont, pour des
raisons encore inconnues, hypersensibles à cette substance. À faible
concentration, le TNFα contribue à la dépolarisation membranaire et à la
génération de décharges ectopiques ; à concentrations élevées, les fuites
de sodium pourraient devenir assez importantes pour produire un bloc de
conduction et rendre la fibre inexcitable. Appliquée sur un nerf sciatique
normal, le TNFα produit des signes de douleur neuropathiques et les
anti-TNFα (anticorps neutralisant son action ou l’étanercept bloquant sa
libération) soulagent la douleur neuropathique dans des modèles animaux
de ligature ou constriction partielle de nerfs. Des essais cliniques ont pu
montrer que l’inhibition du TNFα soulage certaines formes de douleur
neuropathique. Le TNFα n’est qu’une des cytokines exprimées après
lésion nerveuse et il est probable que les interactions neuro-immunitaires
sont plus importantes dans les douleurs neuropathiques que ce que nos
connaissances actuelles laissent entrevoir.

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PHYSIOLOGIE ET PHYSIOPATHOLOGIE DE LA DOULEUR 39

Les mécanismes centraux dans les neuropathies


périphériques douloureuses
La sensibilisation du récepteur NMDA est sans doute secondée par des
processus de désinhibition dans la corne postérieure. La volée afférente
issue des nocicepteurs évoque des potentiels post-synaptiques excitateurs
dans les neurones de transmission intégrant l’information sensorielle
et la relayant vers le cerveau, mais également dans des interneurones
inhibiteurs. Ces derniers sont intégrés à des circuits proprio-spinaux qui
modulent la décharge des neurones de transmission et la libération de
neurotransmetteurs par les fibres afférentes primaires. Ces interneurones
réalisent essentiellement une régulation à rétroaction négative sur les
messages envoyés vers le cerveau. Il y a d’amples preuves que ce méca-
nisme de rétroaction négative est significativement affaibli après lésion
nerveuse. Les interneurones inhibiteurs GABAergiques sont devenus
moins efficaces et, dans certaines lésions pathologiques plus sévères, la
densité de ces interneurones peut diminuer par lésions excitotoxiques
suivie de nécrose cellulaire.
Un troisième mécanisme fait appel à la transformation de la micro-
glie dans les phénomènes de sensibilisation centrale suite à une lésion
nerveuse. La microglie représente 5 à 10 p. 100 des cellules gliales dans
le SNC. Dans des conditions physiologiques, ces cellules ont un petit
soma avec de multiples expansions cellulaires. On leur confère le rôle
de « macrophages résidents » dans la mesure où elles sont capables de
détecter des perturbations homéostatiques. Lors de lésions ischémi-
ques, traumatiques ou infectieuses du système nerveux, la microglie est
activée ; les cellules s’hypertrophient, prolifèrent et se transforment en
surexprimant une variété de neuromodulateurs comme le BDNF.

Transformations physiopathologiques dans les neuropathies


centrales douloureuses
L’influence capitale et massive des centres supra-spinaux sur la
modulation de la transmission spinale de l’information sensorielle a
été développée précédemment (voir paragraphes « Contrôles inhi-
biteurs diffus » et « La douleur est-elle déclenchée par un gradient
d’activité entre populations de neurones spinaux ? »). Une lésion ou
dysfonction de ces réseaux peut engendrer des syndromes de douleur
centrale. Le terme de douleur thalamique est fréquemment utilisé
pour désigner ces douleurs centrales et le terme douleur pseudo-
thalamique pour des douleurs occasionnées par des lésions extra-
thalamiques.

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40 MÉDECINE DE LA DOULEUR

Les lésions du SNC susceptibles de produire une douleur centrale


sont très hétérogènes en termes de structure, de localisation et d’étendue.
Une petite lésion de la corne dorsale dans la moelle ou un large infarctus
thalamique englobant aussi de la matière blanche comportent le même
risque de générer un syndrome de douleur centrale. Le fait que les
syndromes varient grandement entre patients présentant le même type
de lésion et que le même tableau clinique peut être généré par des lésions
différentes n’a pas empêché certains de proposer des facteurs physiopa-
thologiques communs et/ou des hypothèses concernant les mécanismes
sous-jacents.
Sur le plan physiopathologique, les éléments suivants sont retenus.
Le processus pathologique doit concerner les voies spino-thalamiques,
incluant les projections indirectes spino-réticulo-thalamiques et spino-
mésencéphaliques (ou leurs équivalentes trigéminales) ; il est révélé
par des troubles de la sensibilité thermo-nociceptive. La lésion peut être
localisée à n’importe quel niveau du névraxe, entre la corne dorsale et
le cortex cérébral. Aucune région singulière ne semble cruciale dans la
genèse des douleurs centrales, quoique trois régions thalamiques soient
privilégiées (les noyaux ventropostérieur, réticulaire et intralaminaire).
Quant au cortex, en particulier moteur, son rôle dans la douleur centrale
reste à définir. En résumé, la douleur et l’hypersensibilité rapportée par
les patients sont supposées résulter d’une amplification de l’activité
neuronale, d’une plus grande réactivité neuronale dans les voies somato-
sensorielles et d’une diminution des mécanismes inhibiteurs.

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