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Physiologie
et physiopathologie
de la douleur
Daniel Le Bars et Léon Plaghki
PHYSIOLOGIE DE LA NOCICEPTION
MÉCANISMES PÉRIPHÉRIQUES
Nocicepteurs
À la différence de ce que l’on observe pour les autres fonctions somes-
thésiques, et d’une façon plus générale pour tous les autres systèmes senso-
riels, on ne peut caractériser, sur le plan structural, de récepteurs encap-
sulés spécialisés dans la détection des stimuli nociceptifs (figure 1-1).
Les messages nociceptifs sont générés au niveau des terminaisons libres
amyéliniques, constituant des arborisations plexiformes dans les tissus
cutanés, musculaires et articulaires. Les messages sont ensuite véhiculés
par des fibres Aδ (faiblement myélinisées) et des fibres C (amyéliniques)
qui, rassemblées au sein des nerfs, envoient leurs messages vers la moelle
épinière où s’effectue le premier relais. Rappelons que les afférences sont
constituées de trois grands groupes de fibres dont le corps cellulaire se
trouve dans les ganglions rachidiens et qui constituent les « neurones
primaires » (ou « afférences primaires »).
Le premier groupe est constitué des fibres Aβ qui possèdent une
importante gaine de myéline (diamètre : 6-20 μm), conduisent rapide-
ment l’influx nerveux (30-120 m/s), encodent et transmettent les infor-
mations tactiles et proprioceptives. Les deux autres groupes encodent et
transmettent les informations nociceptives et thermiques. Il s’agit des
fibres Aδ, peu myélinisées (diamètre : 1-5 μm) et conduisant l’influx
nerveux à une vitesse moyenne (4-30 m/s), et des fibres C, amyélini-
ques (diamètre : 0,3-1,5 μm) et conduisant lentement l’influx nerveux
(0,4-2 m/s).
épiderme disques
de Merkel
corpuscule
de Meissner
terminaisons libres
derme récepteurs du
corpuscule
follicule pileux
de Ruffini
corpuscule
de Pacini
Récepteurs élémentaires
Les développements récents de la biologie moléculaire ont permis
d’identifier, de cloner puis d’étudier un certain nombre de récepteurs
qui tapissent la membrane des fibres afférentes primaires. Certains
d’entre eux sont des transducteurs, c’est-à-dire qu’ils sont capables
de transformer un stimulus physique en un courant dépolarisant cette
membrane. Ces transducteurs élémentaires sont souvent spécifiques.
C’est la mosaïque de récepteurs spécialisés tapissant leur membrane qui
est à l’origine du caractère polymodal de la majorité des nocicepteurs
ainsi que de leur « plasticité » (voir plus loin, Mécanismes physiopatho-
logiques des douleurs inflammatoires).
de brûlure. Trpv-1 est un canal non sélectif laissant passer tous les cations,
avec cependant une préférence pour le calcium (voir figure 1-9).
Le récepteur à l’acidité
La superfamille des canaux sodiques bloqués par l’amiloride est
dénommée ASIC (acid-sensing ion channel). Les six sous-types de
récepteur ASIC qui ont été décrits sont exprimés dans les fibres affé-
rentes primaires de petit diamètre. Ils s’activent dès que le pH s’éloigne
du pH physiologique.
MÉCANISMES SPINAUX
A Noyaux des
colonnes postérieures
(Goll & Burdach)
Cordons
postérieurs
racine postérieure
ganglion
rachidien
I
II
III
sensibilités IV
tactile et V
proprioceptive : VI
fibres Aβ X
VII
sensibilité
thermo-algique :
VIII
fibres Aδ et C IX
B Cordons
postérieurs
Figure 1-2 Schéma des projections centrales des fibres cutanées chez l’animal.
▲
buccale et nasale est assurée pour l’essentiel par les trois branches du
nerf trijumeau (nerf crânien V), les corps cellulaires de ces fibres étant
localisés dans le ganglion de Gasser.
Les fibres Aβ acheminant, rappelons-le, les informations tactiles et
proprioceptives, envoient leurs axones en partie vers la substance grise
médullaire de la corne dorsale (couches III à V) dont les terminaisons
sont étalées sur plusieurs segments et en partie via les cordons postérieurs
vers les noyaux de ces cordons, situés dans la partie caudale du bulbe où
s’effectue le premier relais synaptique.
Quant aux fibres Aδ et C, elles se divisent en une branche ascendante
et une branche descendante et envoient des collatérales, étalées sur quel-
ques segments adjacents, uniquement vers la corne postérieure de la
potentiels
d’action
Ca ++
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glutamine
N, P/Q
astrocyte
PKC
GABA K+
- glutamate
glutamine
A
A
glutamate
AB
G
Ca ++
EP Na +
NO
MÉDECINE DE LA DOULEUR
Ca ++
NMDA
SP BDNF glutamate
NK1 NK1 Trk B NMDA mGlu AMPA
PKC PKC PKA
Na + Na +
Ca ++
NK1
arginine
internalisation NO
synthétase Ca ++
NO citrulline cox-2
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Figure 1-3 Libération des neuromédiateurs et neuromodulateurs par les terminaisons centrales des fibres afférentes primaires.
La survenue de potentiels d’action au niveau des membranes des terminaisons provoque l’ouverture de canaux calciques dépendants
du potentiel (partie supérieure gauche de la figure). L’augmentation de la concentration calcique dans le cytosol déclenche la libé-
ration d’un certain nombre de médiateurs dont le glutamate. Ce dernier va interagir avec trois types de récepteurs post-synaptiques,
de droite à gauche : 1) récepteur ionotropiques AMPA/kaïnate (AMPA) qui ouvre un canal sodique ; 2) récepteur métabotropique
(mGlu) qui sensibilise le récepteur AMPA/kaïnate par une protéine-kinase A et le récepteur NMDA par une protéine-kinase C (PKC) ;
3) récepteur NMDA qui ouvre un canal anionique, préférentiellement calcique. En outre, le glutamate libéré dans la fente synaptique
va se fixer sur des récepteurs présynaptiques pour favoriser sa propre libération ou être capturé par des transporteurs actifs situés
sur les membranes de la terminaison et des astrocytes qui l’entourent (partie droite de la figure).
Les peptides, et notamment la substance P (SP), sont également libérés pour agir sur leurs récepteurs respectifs. Le complexe
ligand-récepteur SP/NK1 s’internalise rapidement pour être recyclé ultérieurement. Sous l’influence du nerve growth factor (NGF),
le BDNF (brain-derivated neurotrophic factor) est surexprimé en cas d’inflammation. Il se lie au récepteur à forte affinité TrkB pour
phosphoryler le récepteur NMDA par l’intermédiaire d’une protéine-kinase C.
L’ensemble de ces phénomènes, déterminés avant tout par la concentration de calcium présynaptique, se trouve sous la dépendance
de nombreux mécanismes qui favorisent ou inhibent la libération des neuromédiateurs et neuromodulateurs. Ils ne sont représentés
ici que par le récepteur GABAA pour plus de lisibilité. Enfin, le calcium cytosolique de l’élément post-synaptique active la production
d’oxyde nitrique et de COX-2. De concert avec le glutamate (via les récepteurs NMDA présynaptiques), prostaglandines (PGE via les
récepteurs EP) et oxyde nitrique (NO) favorisent l’entrée de calcium dans l’élément présynaptique.
PHYSIOLOGIE ET PHYSIOPATHOLOGIE DE LA DOULEUR
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14 MÉDECINE DE LA DOULEUR
Neurones de relais
Deux catégories principales de neurones répondent à des stimuli
nociceptifs dans la corne postérieure de la moelle : les premiers sont
spécifiquement activés par ces stimuli (neurones spécifiquement nocicep-
tifs), les seconds y répondent de façon préférentielle mais non exclusive
Contrôles segmentaires
L’activation des afférences cutanées de grand diamètre responsables
des sensations tactiles peut déprimer les réponses de neurones spinaux
aux stimuli nociceptifs (voir figure 1-4). Il est généralement admis que
ces phénomènes sont déclenchés par l’activation des seules fibres Aβ,
mais c’est bien de l’activation de fibres Aδ que résultent les inhibitions
les plus puissantes. Ces effets, d’origine essentiellement métamérique,
dérivent directement des propriétés des champs récepteurs des neurones
de la corne postérieure dont une partie est bien excitatrice, mais une autre
inhibitrice. Appliquées sur cette dernière, des stimulations naturelles
non nociceptives mais répétitives inhibent les réponses déclenchées
par stimulation de la partie excitatrice du champ récepteur. Chacun sait
CECE CI
CI
B
A
-
Champ viscéral +
Fibres Aβ :
Champ musculaire Fibres Aδ et C :
Transfert cérébral
Après avoir été relayée par les neurones de la corne postérieure, la
majeure partie des messages nociceptifs (et thermiques) croise la ligne
médiane au niveau de la commissure grise antérieure pour emprunter
ensuite les voies ascendantes antérolatérales. Schématiquement,
les neurones nociceptifs projettent vers la formation réticulée, le
mésencéphale et le thalamus, mais aussi vers le noyau du faisceau soli-
taire et le bulbe ventrolatéral. Bien que ne participant pas directement à
la perception douloureuse, ces derniers interviennent dans les réactions
neurovégétatives qui l’accompagnent.
MÉCANISMES CÉRÉBRAUX
A stimulus
nociceptif
sensation
douloureuse
+
motoneurones
quadrant
antéro-latéral
activité réflexe
électromyographique
B stimulus
nociceptif
sensation
douloureuse
le cercle neurone
vicieux de préganglionaire
Livingston
neurone quadrant
postganglionaire antéro-latéral
adrénergique
Scissure
Face de Rolando
externe
Cortex
somesthésique
Cortex
S1
prémoteur
Cortex pariétal
Cortex frontal S2
Cortex
occipital
Cortex temporal
Cortex insulaire
Scissure
de Sylvius
Face
interne
Cortex
cingulaire
A formation
réticulée
bulbaire
CIDN
funiculus
postéro-latéral
stimulus
nociceptif
fibres
Aδ et C
quadrant
antéro-latéral
Ba
Bb
Bc
MÉCANISMES PHYSIOPATHOLOGIQUES
DE LA DOULEUR
mécanorécepteur ?
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Trpv-1 + +
Na+, Ca terminaison libre
Trpv-2 d’une fibre C
H+ Na+
AS IC
Na+, Ca + +
Lésion ATP TTXs
Phospholipides P2X3 Na+
& Kininogènes
membranaires
inflammation Kallicréine
Bradykinine B2
K+ s P, CGRP
Phospholipase A2 Dégranulation PKC
MÉDECINE DE LA DOULEUR
des
mastocytes Histamine H1 TTXr
Glucocorticoïdes Na+
PAF
5-HT2A
Thromboxane Agrégation 5-HT 5-HT3 PKA
(TXA2 ) plaquettaire 5-HT4
Acide Endoperoxydes
arachidonique
Cyclo-oxygénase 2 EP 2
PGE2 , PGI2 IP
(COX-2)
cytokines
5 lipo- pro-inflammatoires
oxygènase TNFαα IL-1β
β, IL-6, IL-8
IL1
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Figure 1-8 Récepteurs, nociception et inflammation.
Cette figure représente les facteurs susceptibles d’activer (→) et/ou de sensibiliser (- ->) les nocicepteurs à la suite d’une lésion
tissulaire. Trois groupes de facteurs interviennent.
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1) Les premiers sont directement liés à la lésion tissulaire et activent les nocicepteurs, déjà excités directement par le stimulus causal
lui-même. Il s’agit des ions hydrogène (H+) et de l’adénosine triphosphate (ATP) issus des lésions tissulaires. Les ions hydrogène
agissent sur le récepteur ASIC-1 et sensibilisent le récepteur Trpv1. La liaison de ces deux récepteurs ainsi que celui de l’ATP (P2X3)
avec leurs ligands respectifs se traduit par l’ouverture de canaux cationiques qui dépolarise la terminaison libre de la fibre.
2) Les seconds sont liés aux processus inflammatoires : il s’agit de la bradykinine qui, outre ses capacités d’augmenter la perméa-
bilité capillaire, est l’un des plus puissants agents algogènes connus, ainsi que des prostaglandines, des leucotriènes, des cytokines
pro-inflammatoires et du facteur de croissance NGF qui, outre leurs actions propres, sensibilisent les récepteurs à l’action d’autres
substances. Ils sont responsables de l’hyperalgésie primaire. On peut y adjoindre la sérotonine (5-HT), issue de l’agrégation des
thrombocytes et de la dégranulation des mastocytes, et l’histamine, prurigineuse puis douloureuse à concentration plus élevée,
issue des granules des mastocytes. Ces substances se lient à des récepteurs spécifiques pour phosphoryler des protéine-kinases
(PKA, PKC) qui vont augmenter l’efficacité de canaux sodiques insensibles à la tétrodotoxine (TTXr) et abaisser le seuil des récep-
teurs-transducteurs comme Trpv1. Enfin, le NGF se lie au récepteur à forte affinité trkA pour constituer le complexe NGF/trkA qui
est internalisé puis transporté vers le soma du neurone ganglionnaire rachidien pour y modifier la synthèse protéique, notamment
accroître celle des canaux sodiques insensibles à la tétrodotoxine. Ces derniers empruntent alors le flux axonal rétrograde pour
enrichir les terminaisons libres.
3) Les troisièmes sont représentés par la substance P (sP) et le peptide associé au gène de la calcitonine (CGRP). Il s’agit de subs-
tances libérées par les nocicepteurs eux-mêmes, capables directement ou indirectement d’activer ou de sensibiliser ces derniers.
On imagine le cercle vicieux que représentent potentiellement ces mécanismes.
Des influences noradrénergiques (et du neuropeptide Y, co-localisé) provenant des fibres post-ganglionnaires sympathiques viennent
s’ajouter à ces réactions locales. Elles pourraient être favorisées par certaines cytokines, notamment IL-8, et certains acides aminés
PHYSIOLOGIE ET PHYSIOPATHOLOGIE DE LA DOULEUR
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26 MÉDECINE DE LA DOULEUR
circulante, leur action étant alors facilitée lorsque les terminaisons des
fibres Aδ et C sont contiguës avec des artérioles et des veinules.
L’inflammation résulte de la libération de diverses substances dont un
bon nombre sont neuroactives (figure 1-8). Ces substances sont classées
en trois groupes en fonction de leur principale origine : les cellules lésées,
les cellules de la lignée inflammatoire et les nocicepteurs eux-mêmes. La
lésion tissulaire est à l’origine de la libération d’ATP et d’ion H+, seules
substances excitatrices à proprement parler, les autres étant avant tout
« sensibilisatrices ».
Nocicepteurs « silencieux »
Les nocicepteurs « silencieux » représentent 10 à 20 p. 100 des
fibres C dans la peau, les viscères et les articulations. Ils ne répondent
d’ordinaire à aucun stimulus, mais sont « réveillés » au cours des
processus inflammatoires ou, artificiellement, par la capsaïcine. Ils
participent ainsi de façon très significative aux phénomènes d’hype-
ralgésie et d’allodynie.
Les kinines
La bradykinine et la kallidine présentent une grande affinité pour le
récepteur B2, le récepteur B1 étant activé de façon préférentielle par leurs
métabolites respectifs. Le récepteur B2, constitutif, est responsable des
effets à court terme de la bradykinine : 1) stimulation de la production
de cytokines pro-inflammatoires (TNFα, IL-6, IL-1β, IL-8) ; 2) stimu-
lation de la libération d’acide arachidonique, ce qui a pour conséquence
de favoriser la formation des prostaglandines ; 3) déclenchement de la
libération de peptides (sP, neurokinine A, CGRP) par les terminaisons
libres des fibres afférentes primaires ; 4) déclenchement de la libération
d’oxyde nitrique (NO) ; 5) dégranulation des mastocytes, ce qui a pour
conséquence de libérer histamine et sérotonine ; et 6) phosphorylation
du récepteur Trpv-1 par l’intermédiaire d’une isoforme de la protéine-
kinase C, ce qui a pour conséquence de le rendre sensible à la température
ambiante.
Quant au récepteur B1, il est quasiment absent des tissus normaux,
mais son expression est déclenchée par des agents inflammatoires comme
les lipopolysaccharides, les cytokines, le NGF et la bradykinine elle-
même, en se liant au récepteur B1. Le récepteur B1, inductible et peu sujet
au phénomène de désensibilisation, est donc responsable des effets à long
terme de la bradykinine en prenant le relais du récepteur B2 désensibilisé.
Il faut souligner le « piège » que représente le fait que c’est au travers
de son propre récepteur qu’est déclenchée la synthèse du récepteur B1 :
il s’agit là d’un authentique rétrocontrôle positif.
Les cytokines
Les cytokines sont de petites protéines libérées par les lymphocytes,
les monocytes et les macrophages. Certaines d’entre elles sont pro-
inflammatoires (TNFα, IL-1β, IL-8), d’autres en revanche sont anti-
inflammatoires (IL-1ra, IL-4, IL-10, IL-13) et les dernières cumulent
les deux propriétés. Devenue circulante, IL-6 est en outre susceptible
de générer la réponse fébrile parfois déclenchée par une inflammation
locale. Les cytokines pro-inflammatoires sont à l’origine de la libération
de prostaglandines et des amines sympathomimétiques ; elles forment
par conséquent avec les kinines le lien entre la lésion tissulaire et la
réponse inflammatoire. La puissance de leurs effets hyperalgésiques est
la suivante : IL-1β > TNFα >> IL-8 >> IL-6. Il convient d’y adjoindre
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Bradykinine (B2)
Vanilloïdes Histamine (H1)
(Capsaïcine)
H+
Récepteurs DAG
Trpv-1 P IP 2
métabotropiques
P KA P KC P LC
P O4 P O4
4 protéine G
Na +
ATP ADP ADP ATP GTP GDP
PGE2 (EP2) IP 3
GTP TrkA
MÉDECINE DE LA DOULEUR
protéine Gs
processus
d’inactivation Calcineurine
5-HT (5HT4)
3 du (phosphatase 2B)
Adénosine Ca ++ récepteur
5
(P1Y2) Ca++-calmoduline
AMP c autres effets
cyclase
adénylate
ATP 2
6
GDP
opioïdes (μ) Substance P
protéine Gi
GTP Neurokinine A
CGRP
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Figure 1-9 Le récepteur à la capsaïcine (ou Trpv-1, transient receptor potential vanilloid-1).
Il s’agit d’une protéine-canal à six domaines transmembranaires qui s’ouvre sous l’action de la chaleur. Le seuil de cette ouverture est
déterminé par son environnement biochimique. Le récepteur est directement sensibilisé par le pH extracellulaire et les vallinoïdes, et indi-
rectement par diverses substances inflammatoires. « Sensibilisé », le récepteur peut ainsi répondre à la chaleur ambiante. Cette propriété
permet d’expliquer les effets bénéfiques du froid pour soulager certaines douleurs. L’entrée de calcium provoque une chaîne de réactions
qui n’a rien de spécifique des nocicepteurs : (1) amplification du phénomène par phosphorylation du récepteur au travers de protéine-
kinases, (2) exocytose, notamment de peptides puis (3) inactivation par sa déphosphorylation déclenchée par la calcineurine, elle-même
sous la dépendance du complexe Ca++-calmoduline. Une propriété est plus caractéristique des nocicepteurs : le calcium cytosolique
est essentiellement d’origine extracellulaire, car il n’existe pas de réticulum endoplasmique dans les terminaisons libres. Les protéine-
kinases C (PKC) sont activées par une phospholipase C (PLC) (4), elle-même sous la dépendance d’un récepteur métabotropique (partie
supérieure droite de la figure) et de tyrosine-kinases, tel trkA, récepteur à haute affinité du NGF (partie droite de la figure). Quant aux
protéine-kinases A (PKA), elles sont activées par l’AMP cyclique qui résulte de l’action d’une adénylate cyclase (AC) couplée à des
récepteurs métabotropiques liés à des protéines G stimulatrices « Gs » (5) ou inhibitrices « Gi » (6) (partie gauche de la figure).
PHYSIOLOGIE ET PHYSIOPATHOLOGIE DE LA DOULEUR
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30 MÉDECINE DE LA DOULEUR
Les prostanoïdes
Les prostanoïdes sont synthétisés à partir de l’acide arachidonique
sous l’action de la cyclooxygénase. Ils interagissent avec des protéines
G au travers de huit récepteurs spécifiques. Trois d’entre eux nous inté-
ressent plus particulièrement dans la mesure où ils sensibilisent les fibres
afférentes primaires : EP1 et EP2, récepteurs de la prostaglandine E2
(PGE2) et IP, récepteur de la prostaglandine I2 (PGI2) aussi dénommée
prostacycline. Ces phénomènes de sensibilisation s’exercent par l’inter-
médiaire de protéine-kinases. La chaîne biochimique se traduit in fine
par la phosphorylation de certaines protéines membranaires, c’est-à-dire
par l’ouverture (récepteurs Trpv-1, canaux sodiques TTX-r, canaux calci-
ques) ou la fermeture (canaux potassiques) de canaux. En outre, L’oxyde
nitrique pourrait faciliter ces mécanismes.
Les neurotrophines
La fonction des neurotrophines perdure bien au-delà de la période de
développement, leurs effets étant radicalement modifiés. NGF, BDNF et
NT-4/5 déclenchent des phénomènes d’hyperalgésie en se liant à leurs
récepteurs spécifiques, des tyrosine-kinases (trkA, trkB et NT-4/5). Au
cours de l’inflammation, on constate une augmentation de la synthèse
de NGF qui est secondaire à la libération de cytokines et d’interleukines
par les cellules inflammatoires.
Issu de la liaison du NGF avec son récepteur à haute affinité trkA
(voir figure 1-8, partie inférieure droite), le complexe NGF/trkA est
internalisé puis transporté vers le corps cellulaire du neurone situé dans
le ganglion rachidien pour y modifier la transcription des précurseurs
de différents peptides (augmentation : substance P, CGRP ; diminution :
VIP, CCK, NPY, GAL), de facteurs trophiques (GDNF, BDNF) et de
canaux sodiques insensibles à la tétrodotoxine. Ce mécanisme contribue
à certains effets hyperalgésiques à long terme.
Sous l’influence du NGF, c’est au tour du BDNF d’être surexprimé
au niveau des fibres C peptidergiques. Libéré au niveau de la corne
postérieure de la moelle, il se lie au récepteur à forte affinité trkB pour
phosphoryler le récepteur NMDA par l’intermédiaire d’une protéine-
kinase C. Aussi, doit-on sans doute considérer le BDNF comme un
élément clef du déclenchement des phénomènes de « sensibilisation
centrale » par les phénomènes inflammatoires.
Les peptides
Lors d’une stimulation nociceptive, l’influx nerveux se propage
non seulement vers la moelle mais aussi, de façon antidromique, vers
les autres terminaisons libres de la même fibre (réflexe d’axone). Ces
dernières vont libérer des peptides (sP, CGRP, neurokinine A), entraî-
nant une vasodilatation et une dégranulation des mastocytes, elle-même
à l’origine d’une libération localisée d’histamine (figure 1-10). Cette
chaîne d’événements, appelée inflammation neurogène, est à l’origine
de l’hyperalgésie « en tache d’huile » ou « secondaire ».
Les opioïdes
Des récepteurs opioïdes δ et/ou μ sont présents sur un tiers environ
des fibres C. Ils peuvent être activés par des opioïdes endogènes libérés
localement par des cellules immunitaires (lymphocytes, monocytes) et
des fibres afférentes primaires en cas d’inflammation.
A
SP (CGRP, Neurokinine A)
Augmentation
de la perméabilité
vasculaire,
Vasodilatation
Histamine
Stimulation Fibre C
électrique
SNC
Tissu lésé Tissu sain entourant la lésion
B K+
SP SP SP SP
Hist
réflexe
d’axone
Médiateurs de
l’inflammation
SNC SNC
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glutamate
+ +
glycine K K
++ DAG P IP 2
Mg
P KC P LC P KA
P O4 α β γ adénylate P O4
protéine G cyclase
+ +
S rc Na Na
MÉDECINE DE LA DOULEUR
Arginine
Citrulline
NO synthétase
Ca ++ -calmoduline
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Figure 1-11 Les récepteurs glutamatergiques.
Le glutamate se lie avec trois types de récepteurs, de droite à gauche : 1) le récepteur ionotropique AMPA/kaïnate
(« AMPA-R ») qui ouvre un canal sodique ; 2) le récepteur métabotropique (« mGlu-R ») qui active une protéine G ; et
3) le récepteur ionotropique NMDA qui ouvre un canal anionique, préférentiellement calcique. La fonction de la protéine
G du récepteur métabotropique est double. D’une part, elle active (de gauche à droite) une adénylate cyclase, elle-
même activant une protéine-kinase A (PKA) qui, en fin de compte, sensibilise le récepteur AMPA-R en le phosphorylant.
D’autre part, elle active (de droite à gauche) une phospholipase C (PLC), responsable de la formation de diacylglycérol
(DAG) et d’inositol triphosphate (IP 3) à partir du phosphatidylinositol biphosphate (PIP 2). Le DAG active une protéine-
kinase C (PKC), responsable de la phosphorylation du récepteur NMDA. L’IP3 mobilise les réserves calciques intracellulaires
contenues dans le réticulum endoplasmique. La forte concentration de calcium intracellulaire active la NO-synthétase, source
d’une production de NO intracellulaire à partir de l’arginine. Le NO augmente localement le taux de GMPc par l’activation de
la guanylate cyclase. Il est en outre très diffusible et peut atteindre des éléments présynaptiques, des cellules gliales ou le noyau
du neurone. Il y contribue à modifier l’expression de certains gènes.
Au repos, le récepteur NMDA est bloqué par un ion Mg++. La liaison sur le récepteur de deux molécules de glutamate et deux molécules
de son co-agoniste, la glycine, évince le magnésium du canal. Ce dernier, « voltage-dépendant », pourra alors s’ouvrir si le potentiel
de membrane du neurone a atteint un niveau suffisant. La sensibilité du récepteur NMDA dépend en outre : 1) de la protéine-kinase
Src dont l’activité est régulée par la concentration locale de sodium, et 2) de la concentration locale de calcium qui régule la protéine-
kinase C. L’ensemble de ces mécanismes contribue à accélérer de façon subtile la dépolarisation neuronale.
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