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Jean Racine
1639 – 1699
Sommaire
Vie de Racine
Une éducation janséniste
Les débuts littéraires
La querelle avec les jansénistes
Les grandes tragédies
Les dernières années
Œuvres de Racine
Les règles de la tragédie classique
Tragédies raciniennes
Andromaque
Une comédie
De Britannicus à Bérénice
Bajazet
De Mithridate à Phèdre
Le style de Racine
Bibliographie sélective
Citations choisies
Vie de Racine
Une éducation janséniste
N
é le 21 ou le 22 décembre 1639, Jean Racine était le
ls d’un gref er de la Ferté-Millon. Orphelin à l’âge
de trois ans, il fut recueilli par sa grand-mère
paternelle. En 1649 – Racine a alors dix ans -, cette
dernière con a son éducation à une institution sans égale au
XVIIe siècle, les Petites Écoles du monastère de Port-Royal.
Tenues par les religieux et les « solitaires » du couvent de Port-
Royal, ces écoles se distinguaient par la qualité et la « modernité
» de leur enseignement. En effet, elles proposaient l’étude du
grec et du français, quand les autres établissements, notamment
ceux des jésuites, se bornaient à enseigner le latin à leurs élèves. Portrait de Racine, par François de Troy.
Elles favorisaient, en outre, l’étude des langues étrangères et la Musée d’art et d’histoire de Langres.
L
e jeune étudiant t ses débuts littéraires en composant des poèmes classiques
d’inspiration profane (Ode à la nymphe de la Seine, 1660), qui furent remarqués par
Chapelain, grand maître d’œuvre de la politique de Louis XIV en matière de littérature, et
obtinrent un certain succès. Protégé par son oncle, vicaire général de l’évêque d’Uzès,
Racine briguait un béné ce ecclésiastique, qui ne lui fut pas accordé. Il revint alors à Paris pour se
consacrer à la littérature. Après avoir écrit une Ode sur la convalescence du roi (1663) a n de s’attirer
les faveurs du monarque, il t représenter au Palais-Royal par la troupe de Molière sa première
15 CITATIONS SUR L'ÉTÉ
tragédie, La Thébaïde ou les Frères ennemis (1664), et l’année suivante, Alexandre le Grand, qui lui
apporta le succès. Cependant, mécontent de la mise en scène de cette dernière pièce, il la retira
à Molière pour la con er à une troupe rivale, celle de l’hôtel de Bourgogne, qui devait ensuite jouer 15 citations choisies sur l'…
l'…
toutes ses grandes tragédies. Ces deux premières pièces furent éditées très vite, ce qui témoigne du
sens que Racine avait de sa carrière.
E
n 1666, Pierre Nicole, qui avait été un des maîtres de Racine à Port-Royal, condamna avec
vigueur le théâtre et les auteurs dramatiques dans un pamphlet intitulé les Hérésies
imaginaires. Racine s’estima attaqué par cette diatribe, entra violemment en polémique
avec ses anciens maîtres et les renia. La vision du monde qui se dégage de ses pièces n’en NOUVEAUX ARTICLES
porte pas moins la marque de l’enseignement janséniste, et de sa conception pessimiste de Alexandre Dumas ls
l’Homme, soumis à la grâce divine et prisonnier d’un destin qui le dépasse.
Expressions et locutions autour du mot «
→ À lire : Les querelles littéraires du XVe au XVIIIe siècles. cœur »
A
L’autographe
ndromaque, en 1667, remporta un succès public qui égala celui qu’avait eu Corneille,
Le style académique
trente ans plus tôt, avec le Cid. C’est pendant les dix années qui suivirent cette
représentation d’Andromaque que Racine écrivit les pièces que l’on considère
Jean Anouilh
généralement comme ses chefs-d’œuvre. Il se forgea avec elles une réputation
d’immense auteur tragique, qui ne devait plus se démentir et qui lui valut d’être élu à l’Académie Jean Anouilh : Antigone (1944)
française en 1673.
Visiter un jardin
Mais, à l’automne 1677, la carrière de Racine prit un tournant radical : sa dernière pièce, Phèdre,
malgré son succès immense, fut attaquée violemment par ses ennemis qui dénoncèrent le caractère Les Muses
scandaleux de son intrigue. Sous l’in uence de Madame de Maintenon, épouse du roi, la Cour
Visiter une cathédrale
évoluait alors, il est vrai, vers un rigorisme moral qui s’accordait mal avec l’art théâtral,
traditionnellement jugé impie par l’Église. Soucieux de prendre ses distances avec le théâtre, Racine
décida alors d’abandonner la scène. Il eut d’ailleurs bientôt l’honneur, en même temps que son
ami Boileau, d’être nommé historiographe du roi, charge très honori que et très lucrative. La même
année, il se maria, se réconcilia avec les jansénistes et se mit à mener une vie de retraite et de piété,
consacrant ses talents à son nouvel emploi.
NOUVEAUX EXERCICES
► Le suf xe -culture
Les dernières années ► Vocabulaire thématique : Les légumes
R
► Le surréalisme
acine ne revint au théâtre qu’en 1689, avec Esther et en 1691, avec Athalie, deux pièces
► Les accents
édi antes d’inspiration biblique, écrites à la demande de Madame de Maintenon pour les
► Le théâtre au siècle de Louis XIV
élèves de l’institution religieuse de Saint-Cyr. Il composa encore, vraisemblablement en ► Les gures de style
1697 ou 1698, un Abrégé de l’histoire de Port-Royal (posthume, 1742-1767). La piété ► Le son [o]
manifeste de sa vie après 1677 et ses interventions en faveur du monastère de Port-Royal lui ► Articles devant les pays
valurent le sobriquet posthume d’« avocat de Port-Royal ». Il est d’ailleurs possible que sa délité à ► Les degrés de signi cation de l’adjectif
► Les peintures célèbres
la pensée janséniste lui ait attiré quelque disgrâce. Louis XIV se trouva toutefois assez affecté par la
► Vocabulaire thématique : La phobie
mort du poète, survenue le 21 avril 1699, pour accéder au codicille de son testament et autoriser son
► Le son [ã]
inhumation dans le cimetière de Port-Royal-des-Champs. ► La versi cation française
► Vocabulaire thématique : Les eurs
► Premières de couveture
connut une période de développement, de liberté créatrice avec Corneille, puis une période de
maturité, d’équilibre et d’intégration des règles avec l’œuvre de Racine.
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Les règles de la tragédie classique tendent à réaliser la perfection de la création : cette perfection
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est fondée d’une part sur le principe de la mimésis (imitation de la nature), qui a pour nalité la 86.948 aprecieri
peinture la plus dèle du cœur humain, et d’autre part sur le principe de la catharsis, censée
permettre au spectateur de se libérer des passions en les voyant représentées.
Îmi place Pagina Vezi clipul video
La plus importante des règles qui structurent la tragédie classique est la règle des trois unités :
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laps de temps très court, il n’est guère possible de multiplier avec réalisme les lieux de l’action. YouTube 2K
Au début du siècle, le « lieu unique » pouvait d’ailleurs revêtir une acception large (et s’étendre à
une ville entière, par exemple), mais de plus en plus, au l du siècle, le lieu se resserra pour
arriver au décor unique, la salle d’un palais par exemple, ce qui faisait de la scène tragique un
véritable huis clos. Racine tira habilement parti de cet enfermement des personnages dans
l’espace tragique, notamment dans des pièces comme Bajazet ou Britannicus.
La règle de l’unité d’action exige que toutes les scènes, tous les gestes et tous les propos
échangés par les personnages servent à expliquer, à motiver ou à faire avancer une même et
unique action. Chaque détail se trouve alors subordonné à l’ensemble, aucun élément ne doit
être gratuit ni dépourvu de conséquence directe sur l’action.
La tragédie classique prône également la vraisemblance. Corneille, empruntant ses sujets à
l’Histoire, trouvait dans cette source même la justi cation qui lui était nécessaire pour représenter
des destins exceptionnels. Racine, au contraire, corrigeait les sources historiques ou mythologiques
dont il s’inspirait pour les rendre plus vraisemblables encore (cela explique les variantes qu’il t
subir aux grands mythes antiques : chez lui Andromaque ne se remarie pas, Iphigénie n’est pas
sacri ée, Hippolyte n’est pas totalement insensible à l’amour, etc.).
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Tragédies raciniennes
L
a Thébaïde (1664) et Alexandre le Grand (1665) se ressentent encore beaucoup de
l’in uence de la tragédie romanesque et galante à la Quinault ou, pour la première, du
théâtre politique de Corneille.
ANDROMAQUE
Sans renier tout à fait ces deux types de tragédies, Racine devait trouver sa propre manière
avec Andromaque, pièce en laquelle on a coutume de voir sa première grande tragédie et où se
mettent en place les thèmes récurrents de son théâtre. La grande nouveauté de cette pièce, pour les
contemporains, était qu’elle s’écartait de l’héroïsme cornélien, d’inspiration très latine, pour se
rapprocher davantage de la simplicité et de l’humanité du théâtre grec. Par rapport à la tragédie
cornélienne, le théâtre de Racine marque donc une évolution vers une intériorisation du con it
tragique. Le ressort de la tragédie cornélienne était la gloire, et les personnages y étaient engagés
dans une suite d’actions pleines d’énergie (meurtres, duels, etc.). Chez Racine, en
revanche, l’amour-passion est la source de tous les con its, la cause de l’aliénation des personnages
et le responsable de leur perte.
La structure d’Andromaque est révélatrice à cet égard : l’action, qui se déroule à la cour de Pyrrhus,
roi d’Epire, met en scène Oreste, de retour de la guerre de Troie, amoureux d’Hermione qui aime
Pyrrhus, lequel brûle pour sa captive Andromaque, qui ne vit que pour le souvenir de son mari
Hector, incarné dans son ls Astyanax. Ainsi chaque personnage est-il prisonnier d’un amour
impossible car non partagé ; soumis aux affres de la jalousie, il ne trouve d’aboutissement à son
destin que dans la mort (Pyrrhus et Hermione) ou dans la folie (Oreste). Andromaque, elle, soulève
le peuple d’Epire contre les Grecs : l’action politique n’est donc pas absente d’Andromaque, mais
elle n’est là que comme un révélateur du con it des sentiments.
UNE COMÉDIE
Les Plaideurs (1668), pièce qui fustige les usages et les règles du milieu judiciaire à travers l’histoire
d’un juge qui entend exercer ses fonctions sans se préoccuper des valeurs humaines, est la
seule comédie de Racine. Elle montre d’ailleurs qu’il maîtrisait parfaitement les ressources
complexes de ce genre dif cile. Néanmoins, malgré le succès de cette pièce, qui amusa le roi et
obtint les faveurs de la cour, Racine abandonna dé nitivement la comédie pour se consacrer à
nouveau à la tragédie.
DE BRITANNICUS À BÉRÉNICE
L’évolution essentielle entre l’intrigue de Britannicus et celle de Bérénice est l’intériorisation du
con it tragique. En effet, Britannicus (1669) est encore en grande partie une pièce politique, peut-
être la plus politique qu’ait écrite Racine. Selon ses propres dires, l’auteur voulait y peindre en
Néron « un monstre naissant », mais il s’agit d’un monstre politique (le tyran) en même temps que
d’un monstre privé (qui veut assouvir son désir pour Junie). Britannicus, amoureux de Junie et aimé
d’elle, y est la victime des manigances politiques et amoureuses de son demi-frère Néron et de sa
mère Agrippine. Ici, la ruse et la barbarie, dissimulées sous le masque de la passion, sont
victorieuses de l’innocence et de la naïveté de ceux qui voudraient échapper à la logique de l’univers
tragique.
BAJAZET
Bajazet présente de façon très nette un certain nombre des traits récurrents de la tragédie
racinienne: l’enfermement comme gure du destin tragique y est représenté par le sérail, lieu
fermé, lieu interdit où se déroule toute la pièce. La cruauté y est également présente, cruauté des
personnages envers eux-mêmes, mais aussi dimension sadique des relations de pouvoir et de
passions (cruauté incarnée par exemple par le personnage de Roxane, qui souf e le chaud et le froid
sur Atalide et Bajazet).
DE MITHRIDATE À PHÈDRE
Avec Mithridate (1673), Racine traite d’un thème qu’il approfondira quatre ans plus tard
dans Phèdre : lorsqu’elle apprend la mort du roi du Pont, Mithridate, à qui elle était promise,
Monime confesse son amour à l’un des deux ls de celui-ci, Xipharès. Mais l’annonce du décès se
révèle bientôt n’être qu’une rumeur infondée, et l’amour de Xipharès et de Monime, dénoncé par le
frère intrigant, Pharnace, prend un caractère scandaleux. La trahison de Pharnace, gagné à la cause
des Romains, nit cependant par convaincre Mithridate mourant de sceller l’amour du jeune couple.
C’est dans cette perspective dramatique, bien plus que tragique, que s’inscrit
également Iphigénie en Aulide (1674). Le sacri ce d’Iphigénie, et celui d’Achille, qui a pris les armes
pour la défendre, y est en effet évité de justesse par la révélation des oracles, qui au moment du
dénouement de la pièce, désignent comme victime Eriphile, une jeune intrigante éprise d’Achille.
Ce drame rencontra un tel succès que l’auteur écrivit: « Le goût de Paris s’est trouvé conforme à celui
d’Athènes; mes spectateurs ont été émus par les mêmes choses qui ont mis en larmes le plus savant
peuple de la Grèce. »
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Avec Phèdre, en 1677, Racine signa peut-être son chef-d’œuvre. Phèdre, épouse de Thésée, croit ce
dernier mort; libérée par cette nouvelle, elle se laisse aller à avouer à Hippolyte, son beau- ls, la
passion coupable qu’elle éprouve pour lui. Cet aveu met bientôt Phèdre dans une situation
intenable: non seulement Hippolyte la rejette, mais Thésée, qui avait simplement disparu, est
bientôt de retour. Phèdre est alors poussée au mensonge par Œnone, sa nourrice, et va au-devant de
son époux pour accuser Hippolyte de la faute dont elle est coupable. Thésée maudit son ls et
appelle sur lui la colère de Neptune, mais bientôt la nouvelle du suicide d’Œnone jette le doute dans
son esprit. Cependant, il est trop tard: il apprend la mort d’Hippolyte, tué par un monstre marin,
tandis que Phèdre, qui s’est empoisonnée, lui révèle avant de mourir la vérité sur cette tragédie, en
assumant sa faute.
Le style de Racine
S
i le Classicisme tient tout entier dans l’art de la litote, pour reprendre le terme d’André
Gide, alors les pièces de Racine sont l’exemple même du style classique. En effet,
l’expression des sentiments les plus violents y emprunte ce que Léo Spitzer a appelé un «
effet de sourdine », c’est-à-dire un ensemble de procédés et de marques stylistiques (ordre
des mots, rythme, rime, gures) qui créent un effet de distance et d’atténuation dans l’expression
de la passion violente. Or, chez Racine, l’expression voilée des sentiments, qu’ils soient amour,
haine, rage ou souffrance, bien loin d’en affaiblir la portée, ne fait que souligner leur violence. C’est
pourquoi Racine, sous l’apparence d’un langage maîtrisé par la raison, reste pour la postérité,
l’auteur des passions brûlantes.
Bibliographie sélective
La Thébaïde (1664)
Alexandre le Grand (1665)
Andromaque (1667)
Les Plaideurs (1668)
Britannicus (1669)
Bérénice (1670)
Bajazet (1672)
Mithridate (1673)
Iphigénie (1674)
Phèdre (1677)
Esther (1689)
Athalie (1691)
Abrégé de l’histoire de Port Royal (posthume, 1767)
Citations choisies
Je perds trop de moments en des discours frivoles :
Il faut des actions, et non pas des paroles. (Iphigénie)
Je n’écoute plus rien; et pour jamais, adieu.
Pour jamais ! Ah ! Seigneur, songez-vous en vous-même
Combien ce mot cruel est affreux quand on aime ? (Bérénice)
Ah ! je l’ai trop aimé pour ne le point haïr.
Quelques crimes toujours précèdent les grands crimes.
Ce n’est plus une ardeur dans mes veines cachée :
C’est Vénus tout entière à sa proie attachée. (Phèdre)
Point d’argent, point de Suisse. (Les Plaideurs)
Ma foi, sur l’avenir bien fou qui se era :
Tel qui rit vendredi dimanche pleurera. (Les Plaideurs)
Belle, sans ornements, dans le simple appareil
D’une beauté qu’on vient d’arracher au sommeil. (Britannicus)
Craignez, seigneur, craignez que le ciel rigoureux
Ne vous haïsse assez pour exaucer vos vœux ! (Phèdre)
Le jour n’est pas plus que le fond de mon cœur. (Phèdre)
Celui qui met un frein à la fureur des ots
Sait aussi des méchants arrêter les complots. (Athalie)
L’honneur parle, il suf t : ce sont là nos oracles. (Iphigénie)
Je n’ai fait que passer, il n’était déjà plus. (Esther)
Une femme inconnu,
Qui ne dit point son nom, et qu’on n’a point revue. (Athalie)
Est-ce au peuple, Madame, à se choisir un maître ?
Sitôt qu’il hait un roi, doit-on cesser de l’être ? (La Thébaïde)
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