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http://www.cairn.info/article.php?ID_REVUE=RFP&ID_NUMPUBLIE=RFP_682&ID_ARTICLE=RFP_682_0641
2004/2 - Volume 68
ISSN 0035-2942 | ISBN 2130544347 | pages 641 à 655
Philippe JAEGER
rable. Je ne représentais pas le père mais j’étais le père qui allait lui « mettre la
tête sous l’eau ». Quand l’évidence s’imposa que je la sortais brutalement de
son rêve à la fin de chaque séance et qu’elle se sentait alors menacée
d’anéantissement, cela représenta un allégement dans la relation. Il s’agissait
d’un transfert de situation et par retournement, si bien décrit par Michel Fain.
Elle réalisa, un jour, que je ne répondais jamais au téléphone pendant les
séances parce que « je prenais soin d’elle ». L’acceptation et la prise de cons-
cience de la dépendance dans le transfert annonce l’entrée dans la position
dépressive avec les sentiments de sollicitude et de culpabilité vis-à-vis de l’objet.
Lors d’une séquence, la patiente fut capable de rester silencieuse et de se
détendre pour la première fois.
Après un long silence : « Je suis le moi-bébé [expression inventée ce jour-
là par la patiente] pendant que son papa et sa maman sont ensemble. Depuis
tout à l’heure, pendant qu’ils font les amoureux, j’ai grandi. J’ai trouvé pour-
quoi je n’arrivais pas à m’endormir, [elle commence à intégrer une version
libidinale de la scène primitive]. Enfant, j’attendais mon père qui ne rentrait
pas. [Elle ne permettait pas à son père de jouer son rôle dans la scène primi-
tive ni à moi de jouer pleinement mon rôle d’analyste. Elle était insomniaque
depuis toujours et dort depuis peu.]
Patiente : Vous aviez dit un jour qu’il y avait en moi une petite fille qui
attendait que vous lui donniez un bébé.
Analyste : Oui c’est vrai, un jour j’ai dit cela.
Patiente : (Silence) Avant j’avais besoin de penser à vous comme à un
mur, pas à quelqu’un à qui je fais du bien ou à qui je fais du mal.
Analyste : Aussi, vous ne ressentiez pas de pénibles sentiments de culpabi-
lité. Mais maintenant vous sentez que vous pouvez m’atteindre en tant que
personne, me faire du bien ou me faire du mal.
Patiente : (Après un long silence) Je sens que je suis seule avec vous. Sous
vos airs distants, vous êtes tendre, vous pouvez prendre un bébé dans vos
bras. Ou bien alors vous êtes là, silencieux en train de lire... en écoutant pour
voir si ça va bien. Mon papa était toujours très loin dans son sommeil alors
que vous, vous êtes tout près de moi. (Silence.)
À la fin de la séance, reprenant ses esprits, elle dit en s’asseyant : Est-ce
que j’ai pas inventé tout ça pour vous faire plaisir et parce que ça fait partie
de la psychanalyse ? (Elle joue avec moi et découvre le « comme si ».)
Analyste : Cela fait maintenant partie de votre psychanalyse de pouvoir
jouer et inventer en ma présence.
La séance suivante est exceptionnelle : la patiente est silencieuse et moi
également. À la fin elle dit : Vous n’avez rien dit, vous avez compris ce dont
j’avais besoin.
De la dépendance dans le transfert au transfert délirant 645
Searles, où l’analyste est une partie inanimée du patient, est une forme pre-
mière de relation saine et créatrice avec la réalité extérieure.
Dans la symbiose de transfert, l’analyste, avant de promouvoir l’indivi-
duation, se présente comme une partie du patient pouvant incarner une repré-
sentation transférentielle des parties subjectivement mortes de son self (un peu
comme dans le cas de la patiente citée plus haut). On imagine l’engagement de
Searles dans la symbiose thérapeutique ! Mais Winnicott ne dit pas autre chose
à son patient de Holding and interpretation : « Ce n’est que si je suis pris dans ce
processus de votre analyse et de votre retour à la dépendance infantile...,
comme vous l’êtes, que vous pouvez alors commencer à exister. »1 Ces deux
analystes pensent que le thérapeute a souvent recours aux interprétations de
transfert pour se protéger de la relation symbiotique ou de la régression dans la
dépendance. Il faudrait donc pouvoir attendre que le patient soit capable de
jouer et d’utiliser les interprétations, voire les détruire plutôt que de se sou-
mettre. Ils pensent pouvoir atteindre l’identification primaire dans la situation
clinique, stade qui précède l’acceptation de la dépendance.
La symbiose de transfert avec les schizophrènes, décrite par Searles, bien
qu’impliquant une régression moins profonde et moins totale, ressemble, à
bien des égards, au holding maternel de l’analyste comprenant défaillances et
désillusions inévitables avec les patients limites2.
Durant cette phase de symbiose, le patient fait l’expérience d’ « être abso-
lument seul » (H. Searles) et connaît un état de « solitude essentielle » (Winni-
cott), état à partir duquel émerge le nouvel individu : « Au commencement est
une solitude essentielle. Mais, au même moment, cette solitude ne peut exister
que dans des conditions de dépendance maximale »3 avant que la dépendance
soit reconnue. Ces deux analystes endossent le transfert délirant, travaillent
avec leur moi corporel et passent au crible leur contre-transfert quand des dif-
ficultés apparaissent. Le patient pourra renoncer à ses idées délirantes, dit
H. Searles, s’il a affaire à « un thérapeute capable de jouer de manière déli-
cieusement folle »4. Alors, le patient s’apercevra qu’il n’est pas un être fonciè-
rement mauvais parce qu’il a voulu jouer. Mais « il faut que la thérapeute
s’habitue à l’idée que le patient joue de la lyre pendant que Rome brûle ».
Dans la phase de symbiose de transfert ambivalente, l’analyste, selon Searles,
peut avoir la tentation d’interpréter, en opposant deux parties de la personna-
lité du patient, afin de rendre celui-ci effectivement fou. Searles ne dirait donc
1. Winnicott (1975), Holding and Interpretation, Karnac Books. En français : Fragment d’une
analyse, Payot, 1983, p. 256.
2. Philippe Jaeger, Élaboration sans fin du deuil de l’objet primaire chez Winnicott ou le
paradoxe de la séparation, Revue française de Psychanalyse, t. LXV, no 2, 2001, p. 381-393.
3. Winnicott, La nature humaine, Paris, Gallimard, 1990, chap. 5 : « Un état primaire de l’être ».
4. H. Searles, op. cit., p. 416.
648 Philippe Jaeger
pas au patient que « celui-ci pense » que « l’analyste veut le rendre fou » s’il
interprétait durant cette phase.
C’est la prise de conscience de la séparation, dans un cadre qui reste clas-
sique, selon H. Rosenfeld1 qui conduit aux sentiments de dépendance avec les
inévitables frustrations. Il en résulte, chez les patients ayant un narcissisme des-
tructeur, des relations d’objet omnipotentes, envieuses et destructrices devant la
dépendance. De sévères réactions thérapeutiques négatives se produisent quand
la partie saine libidinale et non psychotique de la personnalité se trouve
engagée dans une relation de dépendance à l’analyste. Le risque d’état psycho-
tique aigu et de désinvestissement du monde extérieur est grand car la part psy-
chotique du soi englobe la partie saine et dépendante en rapport avec la capa-
cité de penser. Se produit alors une fusion pathologique et un repli narcissique :
la partie saine perd son identité. Le travail de l’analyste serait d’aider le patient
à découvrir sa partie saine et dépendante et à lui montrer comment la partie
narcissique omnipotente et destructrice tient le patient à l’écart des objets qui
pourraient l’accompagner.
DE LA DÉPENDANCE À L’INDÉPENDANCE
DANS LA THÉORIE DU DÉVELOPPEMENT PRÉCOCE
1. H. Rosenfeld (1971), Les aspects agressifs du narcissisme. Un aspect clinique de la théorie des
instincts de vie et de mort, in Narcisses, Paris, Gallimard, « Folio/Essais », 1976.
De la dépendance dans le transfert au transfert délirant 649
créer l’objet qui se trouve là. Alors émergent les phénomènes transitionnels,
l’auto-érotisme et la capacité de jouer qui rendent tolérable la réalité. Sans les
phénomènes transitionnels entre le moi et le non-moi, l’acceptation de la réalité
se fait par clivages successifs de la personnalité et soumission.
Après le temps de la dépendance absolue advient le temps de la dépen-
dance relative et celui de la désillusion progressive contemporaine du sevrage.
L’infans commence à admettre l’existence de la mère et du père dans le monde
de la réalité partagée. Le repos, la détente et la non-intégration qui précèdent
l’acte créateur sont possibles dans l’espace transitionnel où l’effort fait pour
distinguer la réalité externe de la vie imaginaire n’a plus cours. Si, par défaut
de sollicitude maternelle primaire, la mère ne répond pas aux besoins fonda-
mentaux, le bébé ne ressent pas la frustration mais la déprivation ou bien des
angoisses impensables et la désintégration.
1. Dans un livre collectif sur l’œuvre de Winnicott à paraître en 2004 sous la direction de
F. Duparc, je traite de cette question de la régression dans la dépendance comme voie d’accès à la
position dépressive.
2. Les critiques contre la régression dans la dépendance sont souvent étayées sur le témoignage
spectaculaire de Margareth Little, patiente de Winnicott devenue membre titulaire de la Société britan-
nique, qui évoque des contacts physiques avec Winnicott au cours de cette phase (la tête dans ses
mains ou les mains tenues serrées). Dans une lettre à C. Scott (24 janvier 1954), Winnicott parle d’une
patiente qui le frappait et qui devenait dangereuse. Il était, dit-il, nécessaire de lui tenir les mains pen-
dant toute la durée de la séance, « ce qui était au fond la même chose que de la déclarer atteinte
d’aliénation mentale ». Dans le récit d’une cure dans Holding et interprétation (pp. 273-274), quand le
patient parle de son besoin de contact physique et considère cela comme un progrès, Winnicott lui dit :
« Je dirai qu’une interprétation correcte au bon moment est une sorte de contact physique. » Ailleurs
Winnicott ajoute que le contact physique de la part de l’analyste signe toujours un regard dans la com-
préhension de l’analyste. Searles, lui, ne partage pas du tout l’enthousiasme de M. Little pour le
contact physique mais souligne que craindre névrotiquement le contact physique ralentit le processus
de guérison. Quand il y a contact physique, dit Searles dans La psychose de transfert... (1963), c’est le
patient qui rassure l’analyste sur sa propre capacité d’amour.
3. J. Press, Mouvements de mentalisation-démentalisation, présence de l’analyste et processus de
somatisation, in Revue française de Psychosomatique, t. LXV, no 19, 2001.
650 Philippe Jaeger
futile et n’a pas le sentiment d’exister vraiment car le faux self est devenu le
centre de gravité de la personnalité. Rançon d’une indépendance et d’une
invulnérabilité chèrement acquises, le faux self est une distorsion de la person-
nalité contre le retour d’une expérience psychotique.
Après une période suffisante d’adaptation aux besoins, la confiance se
renforce et le patient peut renoncer à sa dissociation par le faux self et accep-
ter la dépendance dans le transfert. Les replis cliniques se transforment sou-
vent en régression quand un milieu adéquat est offert. Au cours de la phase
de régression dans la dépendance, au stade de l’amour impitoyable, la pulsion
est destructrice, il n’est pas vraiment question de transfert négatif : amour et
haine sont concomitants et non distincts1. Les défaillances de l’analyste sont
inévitables et prendront même la forme de la défaillance originelle de
l’environnement (si l’analyste, insuffisamment formé ou intéressé par cette
technique, n’échoue pas prématurément). Le désillusionnement fait partie du
holding maternel. Il en résultera soit de la colère vis-à-vis de l’analyste, colère
qui favorise le rétablissement de la continuité d’être, soit de la désintégration
suivie d’un nouveau repli et une attente de persécution. Ainsi, du fait d’une
défaillance de l’analyste, le patient peut faire pour la première fois l’expérience
d’une chose passée qui concerne l’effondrement, la mort et le vide, la crainte
de la folie, expérience équivalant à une remémoration chez le névrosé.
Durant la période de régression dans la dépendance, la qualité de la pré-
sence de l’analyste, son comportement, son engagement, le maintien de son
objectivité, son respect du cadre sont décisifs. Il s’agit d’être constant et prévi-
sible afin que l’objet puisse être créé-trouvé à partir de l’omnipotence res-
taurée du sujet. La rencontre entre l’analyste et le patient a lieu dans l’espace
transitionnel, au lieu même où relation d’objet et présentation de l’objet se
confondent, lieu où l’analyste est et n’est pas l’analyste.
Nous croyons que la théorie du faux self et son abord par la régression
dans la dépendance ont été élaborés par Winnicott avec et pour des patients
ayant déjà présenté une réaction thérapeutique négative ou ayant subi
antérieurement une rupture traumatique dans leur première analyse. Il fallait
toute l’inventivité et la liberté d’un Winnicott pour proposer une nouvelle
expérience avec des aménagements nécessaires à la relance d’un processus
interrompu où, parfois, un état délirant était resté masqué2. Je pense à
l’Homme aux loups dont le reliquat de transfert délirant a pu être analysé par
R. M. Brunswick. Elle a pensé que « le transfert lui-même n’avait pas été
revécu suffisamment »1 et que, « quand l’analyste considère un cas comme ter-
miné, cela ne veut pas dire que le patient puisse en faire autant ».
LE TRANSFERT DÉLIRANT
L’état délirant est souvent masqué chez les cas limites. Winnicott proposa
une interprétation2 au patient homme qui était sur le point de renoncer à sa
dissociation presque complète entre le féminin et le masculin. Cette interpréta-
tion permettait au patient de se voir fille depuis la place de l’ « analyste-mère
folle ». Bien que déterminante, cette interprétation suscita une résistance qui
se mua en un déni de l’importance des mots prononcés par Winnicott3. « Il
tenta de passer outre en les considérant comme une façon qui m’était person-
nelle de dire les choses – une figure de style qu’on pouvait oublier. Mais pour
moi il s’agissait d’un de ces exemples de transfert délirant qui déconcerte
l’analyste autant que l’analysé4. Le point crucial résidait justement dans cette
interprétation que, je dois l’avouer, j’eus du mal à me permettre de faire. »
La défense du patient de Winnicott m’évoque l’attitude de l’Homme aux
loups avec R. M. Brunswick. Elle le trouvait inaccessible mais leurs rapports
étaient excellents avant que s’installe l’épisode délirant. « Il se refusait à discu-
ter ce qui touchait son nez ou ses rapports avec les dermatologues. Il écartait
toute mention de Freud avec un petit rire étrange et indulgent. Il discourait
longuement des merveilles de l’analyse en tant que science... »5 Tout cela jus-
qu’à l’apparition du transfert délirant ! Elle discutait, croyait-il, avec Freud de
tous les détails de son analyse avant d’agir6 ! Sans y voir ni contradiction ni
conflit, il pouvait accuser Freud de la perte de sa fortune et affirmer qu’il était
1. Winnicott a connu des échecs dramatiques comme celui avec Masud Khan ainsi que le rap-
pelle justement le numéro précédent de la Revue française de psychanalyse sur la Perversion narcis-
sique, 4/2003.
2. Winnicott, Jeu et réalité, p. 103. Winnicott dit : « Je suis en train d’écouter une fille. Je sais
parfaitement que vous êtes un homme, mais c’est une fille que j’écoute, et c’est à une fille que je
parle. » Je dis à cette fille : « Vous parlez de l’envie de pénis. » Patient : « Si je me mettais à parler de
cette fille à quelqu’un, on me prendrait pour un fou. » Winnicott : « Il ne s’agissait pas de vous qui en
parliez à quelqu’un ; c’est moi qui vois une fille et qui entends parler une fille alors qu’en réalité c’est
un homme qui est sur mon divan. S’il y a quelqu’un de fou c’est moi. »
3. Le délire est un objet transitionnel manqué, selon Racamier. L’espace à délire ou quatrième
espace est fondé sur le déni, alors que le troisième espace, transitionnel, est ambigu. In Un espace pour
délirer, Revue française de Psychanalyse, t. LXIV, no 3, « La Projection », 2000.
4. C’est moi qui mets en italique.
5. Op. cit., p. 20.
6. Ibid., p. 25.
652 Philippe Jaeger
1. M. Little, Des états limites. L’alliance thérapeutique, trad. G. Nagler, Paris, Des Femmes,
1991. Un peu trop péremptoirement, selon nous, M. Little affirme qu’il faut absolument détruire
(breaking up) par l’interprétation de cette « folie à deux » et que la guérison arrive quand
l’identification primaire à l’analyste est rompue (break up) « afin que la réalité soit présentée de
manière indéniable et incontournable ». M. Little parle du transfert délirant comme d’une psychose de
transfert qu’il faut combattre. Elle me paraît sous-estimer l’importance du jeu et de la transitionnalité
comme issue possible et favoriser plutôt un affrontement du patient à la réalité.
2. Winnicott, op. cit., 1965.
3. Winnicott (1965), Le concept de traumatisme par rapport au développement de l’individu au sein
de la famille, in La crainte de l’effondrement et autres situations cliniques, Paris, Gallimard, 2000, p. 311.
4. Op. cit., 1965.
654 Philippe Jaeger
aviez l’air en colère quand vous avez dit... » La haine ici est d’abord projetée de
manière délirante avant que la patiente puisse éprouver de l’ambivalence. La
persécution est une étape vers la haine contre l’objet idéalisé qui a failli1.
Dans le transfert délirant, les étapes se succèdent souvent dans cet ordre :
1 / adaptation maximum de l’analyste au besoin omnipotent ; 2 / un « léger
mouvement » et l’analyste est hors du contrôle omnipotent ; 3 / la haine reste
inconsciente ; 4 / l’analyste est un persécuteur ; 5 / prise de conscience qu’il
s’agit d’une idée délirante ; 6 / la haine commence à pouvoir être éprouvée ;
7 / l’ambivalence peut survenir.
« Dans son analyse c’est le traumatisme subtil et pas le traumatisme flagrant
qui a été significatif et qu’elle a été capable d’utiliser. » Au cours de la séance,
chaque traumatisme même bénin peut faire apparaître l’idée délirante d’être haï.
Le patient pourra haïr l’analyste pour une carence vécue dans la sphère de son
contrôle omnipotent, sphère régie par les mécanismes de projection et
d’introjection. Le patient deviendra ensuite capable de susciter lui-même une
carence qui se présentait jadis comme un facteur imprévisible de
l’environnement. Au cours de la régression, il faut donc atteindre l’état délirant
selon lequel l’analyste est hostile, là où il occupe la place de la mère ou du père.
Alors seulement le transfert délirant peut être interprété.
En guise de conclusion :
Par la technique du « holding », l’analyste ne satisfait pas le besoin du
patient mais y répond. Il ne s’agit donc pas d’une gratification. Seul le désir
peut être frustré. Au stade du narcissisme primaire, la dépendance de l’enfant
au réfléchissement du self que lui renvoie sa mère est absolue. Si l’analyste ne
répond pas, le patient est immédiatement confronté aux angoisses impensables
d’où il résulte un renforcement de l’organisation des défenses primaires par la
dissociation et le clivage. « Si le visage de la mère ne répond pas, le miroir
devient alors une chose qu’on peut regarder, mais dans laquelle on n’a pas à
se regarder. »2 La régression dans la dépendance peut convenir aux patients
qui ont été prématurément séduits et restent prisonniers de la « confusion des
langues ».
Il faudra attendre longtemps, parfois très longtemps, avant que tout
puisse être interprété en termes de projection sur la personne de l’analyste,
dans le « comme si » de la névrose de transfert. Avant d’y parvenir, on a sou-
1. Dans la consultation d’une adolescente, Sarah, dans le chapitre 10 de Jeu et réalité, on voit
apparaître l’idée délirante, l’hostilité d’une femme, au moment où la confiance est transférentiellement
forte. Idée délirante reliée à la haine vis-à-vis de la mère responsable de la désillusion originelle, colère
contre la femme bonne qui devient brusquement méchante.
2. Winnicott, Jeu et réalité, op. cit., p. 167.
De la dépendance dans le transfert au transfert délirant 655
1. T. Bokanowski, L’Homme aux loups : un transfert innommable ?, in Penser les limites. Écrits
en l’honneur d’André Green, Neuchâtel-Paris, Delachaux & Niestlé, 2002.