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10-002-B-10
Résumé. – La thyroïde a une production endocrine double : elle sécrète la calcitonine, par ses cellules C
parafolliculaires, et les hormones thyroïdiennes, par ses cellules folliculaires. La production de la thyroxine et
de la tri-iodo-thyronine résulte de la mise en œuvre de multiples étapes qui comprennent le captage de l’ion
iodure au pôle basal, son incorporation apicale dans un précurseur protéique stocké dans la colloïde, la
thyroglobuline, l’internalisation de la thyroglobuline iodée au pôle apical, et enfin la libération des hormones
thyroïdiennes par clivage protéolytique au pôle basal. De même, pour exercer leurs actions (essentiellement
des activités de contrôle de l’expression de gènes cibles dans les noyaux cellulaires), les hormones
thyroïdiennes subissent de nombreuses étapes comprenant leur transport dans le plasma, leur captage
transmembranaire par les cellules cibles, la désiodation de la T4 en T3, l’acheminement vers le noyau et enfin
la liaison avec des récepteurs nucléaires spécifiques qui se comportent alors comme des facteurs
transcriptionnels. Chacune des étapes de la biosynthèse hormonale et du mode d’action constitue une
possible voie de régulation de la fonction thyroïdienne. Il en résulte un équilibre finement régulé, justifié par la
multiplicité et l’importance des actions physiologiques des hormones thyroïdiennes : développement
(notamment osseux et nerveux) chez l’embryon, le fœtus puis l’enfant, et maintien des grandes fonctions
vitales chez l’adulte.
© 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : thyroïde, thyroxine, tri-iodo-thyronine, biosynthèse des hormones thyroïdiennes, sécrétion des
hormones thyroïdiennes, contrôle de la fonction thyroïdienne.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Vlaeminck-Guillem V. Structure et physiologie thyroïdiennes. Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Endocrinologie-Nutrition, 10-002-B-10, 2003, 13 p.
10-002-B-10 Structure et physiologie thyroïdiennes Endocrinologie-Nutrition
Ι-
Na+ Na+ K+
HT
Capillaire
très évocateurs d’un goitre plongeant dans le médiastin (attention l’identification des facteurs de transcription spécifiques de la
cependant à la position basse de certaines glandes thyroïdes thyroïde (ou TTF) (revue in [120]). Initialement isolés sur leur capacité
ptôsées). Plus généralement encore, on parle d’hypertrophie à lier les séquences régulatrices des gènes codant des protéines
thyroïdienne lorsque la hauteur d’un lobe thyroïdien dépasse la spécifiques des cellules folliculaires de la thyroïde (comme le gène
longueur de la deuxième phalange du pouce du sujet examiné du récepteur de la thyroid stimulating hormone [TSH]), les TTF se
(critère Organisation mondiale de la santé [OMS] dans les enquêtes sont révélés, dans des modèles murins d’inactivation génique (knock-
épidémiologiques). L’examen clinique de la thyroïde souligne out), des acteurs essentiels de la migration et du développement de
également son caractère sensible ou douloureux, recherche un l’ébauche thyroïdienne. Ils sont au moins au nombre de quatre et
frémissement cataire (thrill) ou un souffle systolique, tous deux incluent les facteurs TTF1 (le premier exprimé dans l’ébauche
témoignant d’une hypervascularisation pathologique, et la présence thyroïdienne, également impliqué dans l’organogenèse pulmonaire),
d’adénopathies cervicales (jugulocarotidiennes, sous-mandibulaires, TTF2 (un facteur peut-être spécifiquement impliqué dans la
mastoïdiennes, occipitales et plus rarement sus-isthmiques). migration thyroïdienne), Pax8 (indispensable à la différenciation des
cellules endodermiques en cellules folliculaires) et enfin Hex (facteur
impliqué plus généralement dans l’organogenèse de tous les dérivés
EMBRYOLOGIE THYROÏDIENNE ET CONTRÔLE de l’intestin pharyngien). Chez les souris dépourvues de l’un ou
MOLÉCULAIRE DE L’ONTOGENÈSE THYROÏDIENNE
l’autre de ces facteurs, la thyroïde est absente ou fortement
Chez tous les tétrapodes, la glande thyroïde dérive d’une ébauche hypoplasique, éventuellement ectopique.
centrale et d’une paire d’ébauches latérales : les corps
ultimobranchiaux. L’ébauche centrale apparaît au début de la
troisième semaine de développement (embryon de 2 cm) sous la NOTIONS D’HISTOLOGIE
forme d’un épaississement endodermique médian sur le plancher L’unité fonctionnelle de la thyroïde est le follicule thyroïdien, sphère
pharyngien. Progressivement appendue à une invagination issue de de 200 à 300 µm de diamètre constituée d’une paroi épithéliale et
cet épaississement (le canal thyréoglosse qui se résorbera au moins d’un contenu amorphe, pâteux et jaunâtre à l’état frais : la colloïde
partiellement par la suite), l’ébauche thyroïdienne augmente de (fig 1). L’épithélium est unistratifié et contient des cellules
volume, devient bilobée et, du fait de l’allongement du cou de folliculaires, majoritaires, et des cellules plus claires, dites
l’embryon, semble descendre vers sa position prélaryngotrachéale parafolliculaires. Les cellules folliculaires sont encore dites
définitive. À la septième semaine, les corps ultimobranchiaux, issus vésiculaires ou appelées thyrocytes. Le pôle basal des cellules
des quatrièmes poches pharyngées, se développent pour venir au folliculaires repose sur la lame basale du follicule, en contact avec
contact des lobes latéraux de l’ébauche centrale avec lesquels ils les capillaires, alors que leur pôle apical, recouvert de
fusionnent en se détachant du pharynx. Ces ébauches latérales microvillosités, se projette dans la colloïde. Le noyau est central,
apportent au corps thyroïde des cellules neuroectodermiques, d’autant plus basal que la cellule est active. Les autres organites
originaires des crêtes neurales qui, lors de cette fusion, envahissent incluent des mitochondries, un réticulum endoplasmique granulaire,
les lobes thyroïdiens, s’éparpillent dans les follicules thyroïdiens en des ribosomes, un appareil de Golgi et de nombreuses vésicules
cours de formation et se différencient en cellules claires (cellules C d’exocytose et d’endocytose. Les organites sont d’autant plus
ou parafolliculaires) productrices de calcitonine. développés et la colloïde réduite que la glande est hyperactive.
L’organogenèse et l’histogenèse thyroïdiennes sont sous la Les cellules parafolliculaires représentent moins de 1 % du
dépendance de mécanismes moléculaires complexes encore très parenchyme thyroïdien total. Elles sont plaquées contre la lame
imparfaitement compris. Les avancées décisives concernent basale qui limite le follicule thyroïdien, et n’entrent jamais en contact
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Endocrinologie-Nutrition Structure et physiologie thyroïdiennes 10-002-B-10
avec la colloïde. Elles sont caractérisées par la présence de grains de concentrations supérieures [54]. La baisse du cholestérol total et du
sécrétion, visibles en microscopie électronique, contenant la cholestérol low density lipoprotein (LDL) en particulier constitue un
calcitonine. marqueur classique de l’hyperthyroïdie. Les HT augmentent la
cétogenèse et l’absorption intestinale du calcium. Sur l’os constitué,
elles ont des effets contrastés, associant destruction et synthèse
Effets des hormones thyroïdiennes osseuses, ce qu’exprime bien l’augmentation de l’ensemble des
marqueurs du remodelage osseux sous leur influence. L’action
Le caractère invariable de la sécrétion thyroïdienne au cours de ostéolytique prédomine cependant, expliquant l’ostéoporose et la
l’évolution suggère une fonction fondamentale pour les HT [128]. De diminution de la densité osseuse observées dans l’hyperthyroïdie
fait, les déficits ou les excès en HT perturbent le fonctionnement de prolongée.
multiples organes et systèmes organiques, chez l’enfant en
développement comme chez l’adulte. Les effets des HT sont variés
mais s’exercent sans véritables organes cibles spécifiques. Toute EFFETS SPÉCIFIQUES D’ORGANES
classification apparaît réductrice et artificielle même si, Après la naissance, les HT participent encore à la différenciation
classiquement, on sépare les effets au cours du développement osseuse. Elles stimulent la chondrogenèse, la croissance des
embryonnaire et fœtal, les effets métaboliques et les effets spécifiques cartilages de conjugaison et l’ossification enchondrale (ossification à
d’organe. partir du cartilage). Si le déficit se poursuit en période néonatale, le
retard de croissance finit par se déclarer, résultant probablement de
l’absence de leur effet stimulant physiologique sur les productions
RÔLE DANS LE DÉVELOPPEMENT EMBRYONNAIRE hypophysaires de l’hormone de croissance (growth hormone : GH) et
ET FŒTAL
hépatique de l’insulin-like growth factor-1 (IGF-1). Comme les autres
Les besoins en HT existent probablement très précocement au cours muscles, le myocarde est sensible à l’action des HT qui ont des effets
de la vie intra-utérine ; ils sont initialement assouvis par la chronotrope (accélération du rythme cardiaque), inotrope
production maternelle puisque les hormones libres sont capables de (augmentation de la contractilité), dromotrope (amélioration de la
traverser le placenta. La thyroïde de l’embryon devient elle-même conduction) et lusitrope (accélération de la relaxation ventriculaire).
fonctionnelle vers la dixième semaine de développement, se En périphérie, les HT diminuent les résistances vasculaires en
substituant alors à la thyroïde maternelle [15]. Chez l’homme, les relâchant les muscles lisses. Les résultantes sont l’augmentation du
conséquences d’un déficit embryonnaire ou fœtal en HT se débit cardiaque et l’hypertrophie ventriculaire [62]. Ces effets miment
remarquent essentiellement au niveau du squelette et du système les actions b-adrénergiques des catécholamines et de fait, les HT
nerveux, même si les modèles murins d’inactivation génique semblent agir au moins partiellement en favorisant l’effet de ces
supportent leur rôle fondamental dans la différenciation d’autres substances. Leurs effets cardiaques sont d’ailleurs contrecarrés par
systèmes dont surtout le tractus digestif [95] . Pour l’os, elles les b-bloquants. Enfin, les HT stimulent la motilité intestinale et
apparaissent plus nécessaires à l’ossification qu’à la croissance : les accélèrent le transit digestif.
enfants déficitaires ont un poids et une taille dans les limites de la
normale mais leurs épiphyses osseuses sont peu ou pas calcifiées.
Pour le système nerveux, l’appréciation d’un déficit intra-utérin est Biosynthèse des hormones
difficilement perceptible à la naissance puisque la maturation
nerveuse est alors loin d’être achevée. De façon générale, on peut thyroïdiennes
signaler que les HT jouent un rôle fondamental à la fois dans la
différenciation (développement des axones et des dendrites) et la
STRUCTURE DES HORMONES THYROÏDIENNES
migration neuronales, la différenciation gliale (myélinisation des
fibres nerveuses) et la synaptogenèse [69, 96]. Si le retard d’ossification Les hormones produites par la glande thyroïde sont dérivées de la
peut être rattrapé secondairement par un traitement substitutif forme lévogyre (L) d’un acide aminé, la tyrosine, et sont donc
adéquat, le retard de maturation nerveuse est plus difficilement caractérisées par la présence des groupements acide (COOH) et
corrigeable, soulignant l’importance d’une recherche systématique amine primaire (NH2). Elles contiennent également deux noyaux
de l’hypothyroïdie lors des échographies fœtales, du dépistage phénols, appelés anneaux interne et externe (fig 2). Les six atomes
néonatal et, de façon plus générale, d’un diagnostic et d’un de carbone qui constituent ces noyaux sont numérotés de 1 à 6 (ou
traitement les plus précoces possibles. 1’ à 6’ dans l’anneau externe) dans le sens antihoraire. Sur les
anneaux sont branchés trois ou quatre atomes d’iode. Sont ainsi
produites la thyroxine (ou T4 ou 3, 5, 3’, 5’ tétra-iodo-thyronine) et
EFFETS MÉTABOLIQUES la 3, 5, 3’ tri-iodo-thyronine (ou T3). La T3 n’est produite par la
DES HORMONES THYROÏDIENNES
thyroïde qu’en quantité réduite (20 %). Elle provient essentiellement
L’action générale des HT est d’accroître les métabolismes : une de la désiodation de l’anneau externe de la T4 par les tissus cibles
augmentation du métabolisme de base est décelée au cours des périphériques (foie, rein, muscle, cerveau), cette production
hyperthyroïdies. Les HT augmentent en effet la consommation périphérique s’adaptant aux conditions physiologiques.
d’oxygène de tous les tissus et la production de chaleur par
l’organisme en favorisant la thermogenèse inhérente aux réactions
métaboliques (thermogenèse obligatoire), notamment les réactions GRANDES ÉTAPES DE LA BIOSYNTHÈSE
mitochondriales qui utilisent l’adénosine triphosphate (ATP) comme DES HORMONES THYROÏDIENNES
substrat [105]. Elles sont hyperglycémiantes en accélérant l’absorption Les grandes étapes de la biosynthèse des HT comprennent (fig 1) :
intestinale de glucose, en accroissant la glycogénolyse et en
– toutes les étapes qui permettent la mise à disposition de l’iode
réduisant la glucogenèse et la néoglucogenèse d’origine protidique
pour son incorporation dans les précurseurs des HT : le transfert de
ou lipidique [82]. Elles stimulent également l’utilisation cellulaire de
l’iode capté dans le sang circulant à travers la membrane cellulaire
glucose. Dans le métabolisme protidique, les HT interviennent de
du pôle basal de la cellule folliculaire (rôle d’un transporteur
façon discordante, avec une stimulation conjointe de la synthèse et
spécifique : le symporteur sodium-iodure), son transfert
du catabolisme protidiques. Ce dernier prédomine cependant avec
intracellulaire vers le pôle apical, son transfert à travers la
une fonte musculaire et une augmentation consécutive de la
membrane cellulaire du pôle apical (rôle d’un transporteur
créatininurie remarquables dans les hyperthyroïdies (négativité de
spécifique : la pendrine) ;
la balance azotée). L’action des HT sur le métabolisme lipidique est
également complexe avec une action stimulatrice de la synthèse du – toutes les étapes qui permettent son incorporation dans la
cholestérol aux concentrations physiologiques mais inhibitrice à des thyroglobuline, une protéine spécifique qui contient les précurseurs
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10-002-B-10 Structure et physiologie thyroïdiennes Endocrinologie-Nutrition
des HT. Cette phase, dite d’organification de l’iodure, nécessite une ¶ Transport de l’iode au pôle basolatéral :
oxydation enzymatique de l’iode, utilisant des enzymes spécifiques symporteur du sodium et de l’iodure
catalysant la réaction (thyroperoxydase) ou générant les matériaux
qui lui sont nécessaires (système générateur de peroxyde C’est sous la forme d’un ion (iodure) que l’iode est activement capté
d’hydrogène ou H2O2) ; au pôle basolatéral des cellules folliculaires : il ne s’agit pas d’une
entrée passive. Ce transport actif est saturable et réversible. Une
– toutes les étapes qui libèrent les HT de la thyroglobuline et leur autre particularité remarquable est son adaptabilité aux fluctuations
libération dans le sang après transfert de la solution de stockage, la d’apport de l’iodure : l’entrée d’iode est stable malgré un apport
colloïde, vers le pôle basal de la cellule. iodé accru ou réduit. Enfin, l’influx d’iodure dans la cellule est
inhibé de façon compétitive par d’autres anions comme les ions
perchlorate (ClO4-), pertechnétate (99mTcO4-), thiocyanate (SCN-) et
CAPTAGE DE L’IODURE perrhenate (ReO4-). Cette constatation est à la base du test au
perchlorate qui révèle l’efflux passif de l’iode non organifié. Il est
¶ Origines de l’iodure considéré comme positif lorsque l’on constate après 1 heure une
diminution d’au moins 10 % du taux de fixation de l’iode radioactif.
Traditionnellement, l’organisme puise l’iode dont il a besoin dans
Cette diminution importante signifie que l’iode n’a pas été organifié
les aliments issus de la mer. L’eau de mer est en effet la principale
en quantités suffisantes et ne peut suivre les étapes ultérieures de la
source d’iode ; elle en contient jusqu’à 5 parties par million. Le sel
biosynthèse hormonale. Ces données sont connues depuis
de table, lorsqu’il est enrichi en iode, constitue la source alimentaire
longtemps mais ce n’est que récemment que la « pompe à iodure » a
la plus simple et la plus efficace pour accroître l’apport iodé dans les
été identifiée au niveau moléculaire, d’abord chez le rat puis chez
régions déficitaires [13]. En France, l’apport moyen d’iodure est de
l’homme [24, 106]. Chez l’homme, il s’agit d’une protéine membranaire
l’ordre de 50 à 100 µg/j dans les conditions alimentaires normales, glycosylée de 643 acides aminés, dont le gène est situé sur le
ce qui est considéré comme la limite de la carence iodée. L’iodure chromosome 19. L’analyse de sa structure lui prédit 13 domaines
peut également être apporté par l’administration de médicaments transmembranaires. Le transport de l’iodure aboutit à un gradient
ou de produits de contraste radiologiques ou encore l’application de de concentration entre milieux intra- et extracellulaires d’environ 30.
produits antiseptiques. Une surcharge en iode peut apparaître, La force motrice nécessaire à ce transport actif contre gradient utilise
susceptible d’induire à la fois des hyperthyroïdies et des un flux entrant concomitant de Na+, d’où le nom de symporteur du
hypothyroïdies. Il existe enfin une production d’iode endogène, liée sodium et de l’iodure (ou NIS). Le gradient de Na+ est assuré par
à la désiodation périphérique et intrathyroïdienne des HT et de leurs une enzyme consommant de l’ATP : une ATPase dépendante du Na+
catabolites [52]. et du K+ (Na+ /K+ ATPase) dont l’inhibition par l’ouabaïne abolit le
Dans l’organisme, l’iode ainsi disponible se répartit dans un espace transport de l’iodure.
de diffusion qui correspond à environ 35 % du poids corporel et Dans la thyroïde, le NIS est exprimé spécifiquement dans la
comprend la thyroïde (iode organique), les glandes salivaires, membrane basolatérale, mais une forte expression est également
gastriques et mammaires, le secteur vasculaire et les organes détectée dans d’autres tissus capables de concentrer l’iode comme
d’élimination (iode inorganique). Si de l’iode est présent dans les les glandes salivaires, gastriques ou mammaires [109]. L’expression
selles ou la sueur, le rein est le principal émonctoire avec une mammaire est maximale en fin de grossesse et au cours de
clairance quotidienne de l’ordre de 30 mL/min [17]. À l’équilibre, la l’allaitement ; elle assure une concentration forte d’ion iodure dans
quantité d’iodure excrétée égale la quantité ingérée et la mesure de le lait permettant la synthèse d’HT par le nourrisson [114]. Une
l’iodurie des 24 heures constitue une bonne estimation des apports expression plus faible a également été notée dans d’autres tissus qui
(alimentaires et/ou iatrogènes). La concentration sérique d’iodure, ne concentrent pas l’iode comme l’hypophyse, le pancréas, les
résultant des apports et de l’élimination, oscille normalement entre gonades, la prostate, la surrénale ou le thymus. La véritable capacité
0,1 et 0,3 µg/100 mL. à concentrer l’iode dépendrait de la possibilité d’une stimulation de
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Endocrinologie-Nutrition Structure et physiologie thyroïdiennes 10-002-B-10
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10-002-B-10 Structure et physiologie thyroïdiennes Endocrinologie-Nutrition
(ARNm) [56, 76, 117]. Dans d’autres cas, des mutations de séquences cofacteur nécessaire à l’activation enzymatique. L’analyse de la
spécifiques entraînent un défaut de sécrétion par anomalie structure primaire de la THOX2 prévoit une organisation en sept
d’adressage intracellulaire de la thyroglobuline [53]. Dans d’autres domaines transmembranaires ou en tout cas fortement hydrophobes.
familles avec goitre, le gène de la thyroglobuline est normal et la Les domaines de liaison du FAD et du NADPH seraient situés à
thyroglobuline normalement glycosylée mais la thyroglobuline ne l’extrémité C-terminale (intracellulaire) tandis que le domaine de
se replie pas correctement, s’accumulant dans le réticulum liaison du calcium, lui aussi intracellulaire, serait situé entre les
endoplasmique [ 7 5 ] . L’anomalie d’une enzyme impliquée premier et deuxième segments transmembranaires. Une étude plus
spécifiquement dans les processus de maturation de la récente montre que les THOX sont faiblement exprimées à la
thyroglobuline est l’hypothèse retenue. membrane cellulaire et suggère que d’autres protéines enzymatiques
interviennent in vivo dans la génération des molécules d’H2O2 [27].
¶ Thyroperoxydase Récemment, des anomalies du gène de la THOX2 ont été identifiées
chez des patients atteints d’hypothyroïdie congénitale avec déficit
La peroxydase thyroïdienne ou thyroperoxydase est une enzyme
de l’organification de l’iode [80]. Les anomalies identifiées sont, soit
majeure de la biosynthèse hormonale thyroïdienne. Elle est
homozygotes, aboutissant à une hypothyroïdie sévère et
responsable de l’oxydation de l’iodure, de son incorporation
permanente, soit hétérozygotes, conduisant à une hypothyroïdie
ultérieure dans la thyroglobuline et du couplage des iodotyrosines
légère et transitoire [80].
en iodothyronines. Ces activités dépendent étroitement d’un
substrat, l’H2O2, qui lui est fourni par un système enzymatique ¶ Sécrétion des hormones thyroïdiennes
spécifique. La TPO est une glycoprotéine membranaire de 933 acides
aminés et localisée au pôle apical de le cellule folliculaire. Son La première phase de sécrétion des HT est la recapture de la
extrémité C-terminale contient une région d’ancrage à la membrane thyroglobuline stockée dans la colloïde par la cellule folliculaire [49].
tandis que sa moitié N-terminale, qui sera libre dans la lumière Cette étape utilise un procédé d’endocytose, ou plus précisément
folliculaire, supporte l’activité enzymatique. Un résidu histidine, d’endopinocytose puisque le matériel récupéré est liquide. Selon la
situé en position 407, sert d’ancrage à la structure hémique : la TPO, taille de la gouttelette de colloïde récupérée, on parle de
comme les autres peroxydases, est une hémoprotéine. Comme la micropinocytose (vésicules de 100 nm de diamètre) ou de
thyroglobuline, la TPO est antigénique ; les anticorps anti-TPO macropinocytose (gouttelettes jusqu’à 2 µm de diamètre, en
correspondent aux anticorps antimicrosomes. moyenne 1,5 µm). Comme la phagocytose, la macropinocytose
utilise la formation de pseudopodes à partir de la membrane apicale,
Le gène de la TPO est localisé sur le chromosome 2. Il s’étend sur près des bords de la cellule, à proximité des jonctions cellulaires. La
plus de 150 000 paires de base et comprend 17 exons dont l’exon 10 formation des pseudopodes et des gouttelettes de colloïde est
(171 nucléotides) est soumis à un épissage alternatif. Il existe donc stimulée par la TSH. Ce processus de macropinocytose ne serait pas
deux isoformes de TPO dont l’une est dépourvue de l’exon 10. sélectif : la thyroglobuline récupérée peut être non iodée ou n’avoir
L’expression du gène est strictement limitée à la cellule folliculaire subi qu’une iodation partielle.
de la thyroïde [25]. Elle est stimulée par la TSH via son récepteur
membranaire [34]. Les facteurs transcriptionnels qui véhiculent le La micropinocytose de vésicules de colloïde constituerait en fait chez
signal stimulant issu de la TSH sont peut-être les facteurs TTF1, l’homme le mécanisme d’internalisation préférentiel de la
TTF2 et Pax8 qui reconnaissent des éléments de réponse spécifiques thyroglobuline [ 7 3 ] , en tout cas en situation normale (la
situés dans le promoteur et l’enhancer du gène [38, 41, 42, 93]. macropinocytose pourrait être mise en jeu en cas de nécessité d’une
production intense d’HT). Comme la macropinocytose, la
Des mutations homozygotes du gène de la TPO ont été identifiées micropinocytose est stimulée par la TSH. Ce processus nécessite non
dans des familles d’hypothyroïdie congénitale avec goitre [3, 11, 89]. plus la projection de pseudopodes dans la colloïde, mais la
Elles s’accompagnent d’un défaut d’organification de l’iodure qui formation d’une invagination, d’un puits dans la membrane
peut être détecté par le test au perchlorate. Elles sont transmises sur plasmique. Dans le cadre de la recapture de thyroglobuline, le puits
un mode autosomique récessif. Les anomalies du gène de la TPO se fait entre deux microvillosités et est recouvert, sur sa face
représenteraient les erreurs congénitales les plus fréquentes du cytoplasmique, d’une protéine spécifique de l’endocytose : la
métabolisme des HT. clathrine. Le puits se recouvre, la couverture de clathrine se referme
et permet à la vésicule ainsi formée de se détacher de la membrane
¶ Système générateur d’H2O2 cytoplasmique. La vésicule recouverte se libère ensuite de la
couverture de clathrine pour former une vésicule nue qui fusionne
L’activité catalytique de la TPO dépend strictement de l’oxydation
rapidement avec un organite intracellulaire accepteur appelé
de son hème par une molécule de peroxyde d’hydrogène (H2O2) ; la
endosome précoce. La molécule internalisée est ensuite transférée
TPO passe alors d’une forme inactive à une forme active appelée
de proche en proche vers un endosome tardif (ou prélysosome) puis
« composé I ». Elle utilise de plus une molécule d’H2O2 à chaque
vers un lysosome. La micropinocytose de la thyroglobuline serait
fois qu’elle incorpore un atome d’iode sur une tyrosine ou qu’elle
un phénomène sélectif : après internalisation, la thyroglobuline non
réalise un couplage d’iodotyrosines en iodothyronines. Pour
ou peu iodée serait réorientée vers la colloïde. Les mécanismes sous-
synthétiser la T4, la TPO a donc besoin de cinq molécules d’H2O2 ;
jacents précis ne sont pas déterminés ; on pense que des récepteurs
la quantité d’H2O2 est un facteur limitant de la biosynthèse des HT
spécifiques, localisés dans la membrane des endosomes,
et le système générateur d’H2O2 se doit d’être performant. L’enzyme
reconnaissent le contenu riche en certains résidus sucrés (galactose,
responsable est une nicotinamide-adénine-dinucléotide phosphate
N-acétylglucosamine, N-acétylgalactosamine) et pauvre en acide
(NADPH) oxydase spécifique de la thyroïde appelée Thyroid
sialique de la thyroglobuline non iodée. Il s’agit par exemple du
OXydase (TOX) ou THyroid OXydase (THOX) [28, 36]. Présente à la
récepteur des asialoglycoprotéines qui présente une affinité
membrane apicale de la cellule folliculaire [16, 27] , elle produit
maximale pour ses ligands dans un contexte de pH bas [88]. Par cette
directement l’H2O2 à partir du NADPH, de l’oxygène et d’un ion
liaison forte à pH bas, ce récepteur permettrait à la thyroglobuline
hydrogène :
d’échapper à la protéolyse lysosomique (lors de la fusion des
NADPH + O2 + H+ → NADP+ + H2O2 vésicules internalisées avec les lysosomes, les protéines dont les
Il existe en fait deux THOX, l’une de 1 548 acides aminés (THOX2 récepteurs ont une affinité maximale à pH neutre, se dissocient des
ou p138tox), l’autre de 1 551 résidus (THOX1), codées par des gènes récepteurs et sont protéolysées alors que les récepteurs à affinité
différents localisés cependant conjointement sur le bras long du maximale à pH acide ne se dissocient pas de leurs ligands et les
chromosome 15. Les deux protéines sont identiques à 83 % [28], empêchent d’être protéolysées) [73]. De façon anecdotique, la présence
probablement transmembranaires et toutes deux des flavoprotéines, du récepteur thyroïdien des asialoglycoprotéines est nécessaire à la
capables de fixer le flavine adénine nucléotide (FAD) nécessaire à répression de l’expression de plusieurs protéines spécifiques de la
leur activité enzymatique [28, 31] . Le calcium est également un thyroïde (TTF1, TTF2, Pax-8, NIS) exercée par la thyroglobuline [116].
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Endocrinologie-Nutrition Structure et physiologie thyroïdiennes 10-002-B-10
désiodase
T R RxR
la thyroglobuline [83]. Une fois les HT libérées, la thyroglobuline T3
3 Promoteur Gène cible
T4 CTHBP CTHBP
serait dégradée entièrement par d’autres enzymes protéasiques mais 1 5
aussi des enzymes capables de supprimer les chaînes OATP
T4 T3 7
d’hydrocarbones, de sulfates ou de phosphates. Les mono-iodo- OATP
2
tyrosines et les di-iodo-tyrosines non utilisées pour la formation des Activation
HT sont également libérées ; elles sont rapidement décomposées en 8 T3
résidus tyrosine et en ions iodure par une désiodase spécifique T4
Cytosquelette (actine) T R RxR
Promoteur Gène cible
localisée dans la membrane du réticulum endoplasmique. T3 et T4
seraient, quant à elles, libérées dans le cytoplasme de la cellule T4
Mitochondrie
folliculaire et, classiquement, diffuseraient passivement dans la Actions
nucléaires
circulation sanguine à travers la membrane cytoplasmique du pôle Actions
extra-nucléaires Réticulum
basolatéral. Il est en fait vraisemblable, mais cela n’est pas démontré,
que les HT utilisent aussi (surtout ?) des transporteurs 3 Étapes du mode d’action des hormones thyroïdiennes.
membranaires et/ou sont conservées dans des vésicules qui Sécrétée par la thyroïde, la thyroxine (T4) est véhiculée dans le sang sous la forme de
s’ouvrent secondairement à la membrane cytoplasmique du pôle complexe avec des protéines plasmatiques comme la thyroxine-binding globulin
basolatéral par exocytose. Certaines vésicules, voire certaines (TBG), la transthyrétine ou encore l’albumine (1). Pour exercer son activité de contrôle
gouttelettes de colloïde, échappent à la fusion avec les lysosomes et de l’expression des gènes cibles dans le noyau (actions génomiques), la T4 doit être
parviennent à la membrane cytoplasmique du pôle basolatéral où transportée à l’intérieur de la cellule-cible grâce à un transporteur transmembranaire
(2). Une désiodase permet la transformation de la T4 en tri-iodo-thyronine (T3) (3) qui
elles s’ouvriraient par exocytose. Ce mécanisme, appelé transcytose, peut aussi être relarguée dans la circulation générale (4). La T3 peut aussi se lier dans
explique la production de thyroglobuline intacte, plus ou moins le cytosol à des protéines cytosoliques qui l’acheminent vers le noyau (5) ou constituent
iodée, dans la circulation générale, où elle sert de marqueur sérique des formes de stockage et/ou de séquestration de l’hormone (6). En l’absence de T3, les
de la présence d’un parenchyme thyroïdien fonctionnel. Il serait sous récepteurs thyroïdiens (TR) présents dans le noyau sous la forme de dimères (le plus
la dépendance d’un autre récepteur apical de la thyroglobuline, la souvent avec RXR, l’un des récepteurs de l’acide rétinoïque), inhibent l’expression des
mégaline. Il s’agit d’une glycoprotéine de 330 kDa, appartenant à la gènes cibles en liant un complexe multiprotéique répresseur. La liaison de la T3 sur les
famille des récepteurs des LDL et se comportant comme un TR chasse le complexe répresseur, autorise la fixation d’un complexe multiprotéique ac-
tivateur et stimule ainsi l’expression des gènes cibles (7).
récepteur multiligand transmembranaire impliqué dans les
Les hormones thyroïdiennes ont également des actions extragénomiques. Ces actions
processus d’endocytose [20] . Elle est exprimée à la surface de pourraient être relayées par un récepteur membranaire (8) et intéressent les différents
plusieurs cellules épithéliales polarisées (rein, intestin, glandes organites intracellulaires comme le cytosquelette, la mitochondrie ou encore le réticu-
parathyroïdes, thyroïde...). Dans la thyroïde, la mégaline est lum endoplasmique. CTHBP : cytosolic thyroid hormone binding protein ;
exprimée à la membrane apicale des thyrocytes. Cette expression et OATP : organic anion transporting polypeptides.
son activité de liaison de la thyroglobuline sont stimulées par la
TSH. La liaison thyroglobuline-mégaline est inhibée par l’héparine
et facilitée par les héparane-sulfate protéoglycanes [72]. L’expression exemple, l’effet inotrope positif de la T3 sur le myocarde résulte,
de la mégaline est stimulée dans la maladie de Basedow, entre autres mécanismes, de l’augmentation de l’expression du gène
l’augmentation des taux sériques de thyroglobuline s’expliquant codant la chaîne lourde de la myosine a (protéine intervenant dans
ainsi par le goitre mais aussi par une augmentation de la la contraction musculaire) [46]. Inversement, dans l’hypophyse, la T3
transcytose. Des autoanticorps antimégaline sont produits au cours diminue l’expression des gènes codant les chaînes a et b de la TSH
de cette maladie mais également dans d’autres maladies auto- par les cellules thyréotropes. La T 3 exerce donc ses effets
immunes sans que l’on en connaisse encore la signification [20]. physiologiques en contrôlant positivement ou négativement
l’expression de gènes cibles. On parle d’activité transcriptionnelle
Chaque jour, la thyroïde produit de l’ordre de 85 à 125 µg de T4
ou encore d’activité transactivatrice. Ce contrôle, par définition
(environ 110 nmol). La T3 est produite en quantités beaucoup plus
faibles ; seuls 20 % de la T3 produite chaque jour proviennent de la intranucléaire, nécessite en fait de nombreuses étapes (fig 3) :
thyroïde, 80 % étant issus de la transformation à partir de la T4. La – transport plasmatique des HT : les hormones libérées dans la
concentration en HT des veines thyroïdiennes augmente dans les 30 circulation sanguine sont transportées vers les organes cibles par des
minutes qui suivent une injection de TSH [66]. Cet effet découle protéines plasmatiques plus ou moins spécifiques ;
principalement d’une stimulation de l’endocytose de la
thyroglobuline et donc d’une libération partielle des stocks situés – transport transmembranaire : les HT circulantes doivent être
dans la colloïde. La libération des HT dans les lysosomes et leur captées par les tissus cibles et internalisées dans le cytosol ;
sécrétion proprement dite dans les capillaires folliculaires ne – désiodation : la T3 représente la forme active des HT, captée par
semblent pas sous le contrôle de la TSH. les tissus cibles. Elle doit être obtenue par conversion à partir de la
T4 par désiodation ;
– transport cytosolique vers le noyau : présente dans le cytosol, la
Étapes du mode d’action des hormones T3 se lie à des protéines cytosoliques de transport qui la véhiculent
thyroïdiennes jusqu’au noyau ;
– interaction avec les récepteurs thyroïdiens : dans le noyau, la T3
Le mécanisme princeps de l’action des HT réside dans la capacité peut interagir avec ses récepteurs spécifiques, les récepteurs
de la T3 à réguler, dans le noyau, l’expression de gènes cibles. Par thyroïdiens ou TR ;
7
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– reconnaissance d’éléments de réponse aux HT : les TR rénale [79] . Il s’agit d’une protéine de 127 acides aminés, non
reconnaissent des séquences d’ADN spécifiques situées en amont glycosylée, produite par le foie, les plexus choroïdes et l’épithélium
des gènes cibles de la T3, appelées éléments de réponse aux HT ou pigmentaire de la rétine, et présente dans le sang sous la forme d’un
thyroid responsive element (TRE) ; tétramère. Une poche interne au tétramère est ainsi délimitée
pouvant accueillir deux molécules de T4. Son gène est situé sur le
– dimérisation : les TR se lient aux éléments de réponse sous forme
chromosome 15 et son expression est rapidement réduite en cas
d’homodimères (complexes TR/TR) ou d’hétérodimères. Le plus
d’infection ; la TTR est considérée comme une protéine de la phase
souvent, le partenaire de dimérisation est alors RXR, le récepteur de
aiguë du stress. Par opposition, son expression peut être stimulée
l’acide 9-cis rétinoïque, un autre membre de la famille des récepteurs
dans certaines tumeurs neuroendocrines [74].
nucléaires (complexes TR/RXR) ;
Des anomalies héréditaires du gène de la TTR ont été rapportées
– interaction avec des cofacteurs nucléaires : outre un partenaire de chez l’homme [40, 99, 100]. L’affinité pour la T4 est diversement affectée,
dimérisation, les TR lient des cofacteurs nucléaires dont le rôle augmentée (avec augmentation de la concentration en T4 totale) [99,
principal est de servir de pont avec la machinerie transcriptionnelle 100]
ou réduite (avec légère diminution de la T 4 totale) [40]. Ces
de base. anomalies ne s’accompagnent généralement pas de manifestations
phénotypiques marquées pour l’axe thyroïdien. Certaines anomalies
TRANSPORT PLASMATIQUE de la TTR, transmises sur un mode dominant, entraînent une
DES HORMONES THYROÏDIENNES polyneuropathie par dépôts d’une substance amyloïde constituée
par l’agglomération de la TTR anormale [103].
Plusieurs protéines plasmatiques possèdent la capacité de lier les
HT. Elles servent de lieu de stockage, de véhicule plasmatique pour
¶ Albumine
acheminer les HT vers leurs organes cibles ou encore de facteurs de
contrôle de leur biodisponibilité. Elles permettent en effet une L’albumine peut s’associer dans le sang à de nombreuses protéines
régulation de la fraction libre des HT qui, finalement, ne représente lipophiles comme les HT pour lesquelles elle a une affinité faible
que 0,02 % du total de la T4 sérique et 0,3 % du total de la T3 sérique. mais une capacité de liaison extrêmement marquée. Elle possède
Les trois principales sont la thyroxine-binding globulin (TBG), la plusieurs sites de liaison et sa saturabilité n’est pas mesurable étant
transthyrétine (TTR, ou thyroxine-binding prealbumine = TBPA) et donné sa concentration sérique élevée. L’albumine est codée par un
l’albumine. Certaines lipoprotéines, comme l’apoA-1, l’apoB-100, gène situé sur le chromosome 14. Des anomalies de ce gène ont été
l’apoC-II, l’apoC-III ou encore l’apoE, possèdent également un site décrites en association avec une augmentation de l’affinité pour la
de liaison pour les HT mais leur rôle physiologique apparaît limité T4 et une élévation des taux sériques de T4 totale. Il s’agit des cas de
in vivo [9, 10]. Globalement, les anomalies congénitales des protéines dysalbuminémie familiale (ou d’hyperthyroxinémie familiale
plasmatiques de transport des HT n’entraînent pas d’anomalie dysalbuminique) où l’apparence métabolique est celle de
clinique. Tout au plus sont-elles responsables de difficultés l’euthyroïdie [33, 102]. Les taux de T4 et de T3 totales sont diversement
d’interprétation des dosages biologiques, surtout préjudiciables élevés, sans retentissement clinique évident. La T4 libre pouvait être
lorsque le dosage des formes libres des hormones n’était pas artificiellement élevée avant la diffusion des dosages par dialyse à
disponible. l’équilibre ou par ultrafiltration.
¶ Thyroxine-binding globulin
TRANSPORT TRANSMEMBRANAIRE
Contrairement aux deux autres principales protéines plasmatiques DES HORMONES THYROÏDIENNES
de liaison des HT, la TBG est caractérisée par une forte affinité pour Le processus de captage des HT par les cellules périphériques
la T4, mais une faible capacité de liaison. La T3 est également liée représente potentiellement une étape régulatrice dans la voie
mais avec une affinité 10 fois inférieure à celle de la T4. La TBG est d’action hormonale. Du fait de la présence de leur chaîne latérale
une antiprotéase de 44 kDa. Elle est produite dans le foie à partir alanine et l’anneau phénol externe, hydrophiles, les HT ne traversent
d’un gène localisé sur le bras long du chromosome X [115]. Elle est pas les membranes plasmiques par simple diffusion. Leur transport
glycosylée et peut contenir jusqu’à neuf résidus d’acide sialique, transmembranaire est facilité par l’utilisation d’un ou de plusieurs
essentiels pour le maintien de l’organisation tertiaire de la protéine. systèmes spécifiques. Ces systèmes ne sont pas caractérisés
La sialylation de la TBG est favorisée par les œstrogènes et aboutit à précisément et, par exemple, on ne sait pas avec certitude si la T3 et
un allongement de la demi-vie de la protéine et une augmentation la T4 utilisent les mêmes voies de transport. Certaines propriétés
de sa concentration sérique [4]. Cela explique vraisemblablement les sont cependant connues [12] :
taux élevés constatés au cours de la grossesse.
Le déficit congénital en TBG affecterait une naissance sur 9 000 et – stéréospécificité : le transport transmembranaire est plus efficace
n’est complet que chez les garçons. L’état clinique reste cependant pour les isomères lévogyres, naturels, que pour les isomères
celui de l’euthyroïdie, avec des taux abaissés de T4 totale mais dextrogyres ;
normaux de T4 libre, grâce à l’action compensatrice des autres – saturabilité : dans des modèles cellulaires, le transport
protéines plasmatiques de transport [81]. Dans certaines ethnies transmembranaire n’est plus assuré au-delà d’une certaine
(Aborigènes australiens, Noirs américains, Océaniens), la TBG concentration en HT, limite qui n’est pas atteinte aux concentrations
présente des variations de séquences qui affectent son affinité pour physiologiques ;
les HT sans cependant entraîner d’autres manifestations
– dépendance vis-à-vis de certains paramètres biologiques comme
phénotypiques qu’une réduction de ces taux sériques [32, 112]. Une
le niveau énergétique, l’existence d’un gradient de sodium ou d’un
production congénitale accrue de TBG a également été décrite et
gradient de certains acides aminés (aromatiques comme le
correspondrait à une anomalie des séquences promotrices du gène
tryptophane).
plus qu’à une anomalie de la séquence codante [14, 119].
Plus récemment, il a été montré que le transport des HT pouvait
¶ Transthyrétine utiliser, chez le rat et l’homme, de façon non exclusive, des membres
de la famille des transporteurs polypeptidiques des anions
Sa capacité de liaison des HT est dix fois plus forte que celle de la organiques (organic anion transporting polypeptides ou OATP) [1, 2, 55].
TBG mais son affinité est beaucoup plus faible. La TTR joue donc un Ces transporteurs partagent une organisation supposée en
rôle moindre dans la distribution de la T4 aux organes cibles. Elle ne 12 domaines transmembranaires. Pour l’instant, seuls quelques
lie pas la T3 et intervient surtout, quoique indirectement, dans le membres de la famille sont capables de transporter la T3 et la T4 [51].
transport de la vitamine A en formant un complexe avec la retinol- Ils constituent un système effectivement saturable mais indépendant
binding protein (RBP) et en empêchant ainsi son élimination des concentrations extracellulaires en ions Na+ ou Cl-. Ils ne sont
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(VIP), le facteur natriurétique atrial (ou ANP), ou encore explique au moins partiellement les effets indésirables thyroïdiens
l’acétylcholine. Les autres signaux extracellulaires sont des facteurs rencontrés au cours de l’utilisation thérapeutique des interférons.
de croissance et des cytokines. Le fibroblast growth factor (FGF),
l’insuline et l’IGF-1 stimulent globalement la fonction thyroïdienne
alors que le tumor growth factor (TGF) b l’inhibe. Les cytokines
comme le tumor necrosis factor (TNF) a, le TNFb, l’interféron et Remerciements. – Nous remercions vivement le professeur JL Wémeau et le docteur Ph
l’interleukine 1, sont plutôt inhibitrices. Cette activité répressive Guillem pour leur lecture critique du manuscrit.
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